LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge David Hunt, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Fausto Pocar

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le :
3 juillet 2000

LE PROCUREUR

C/

Radoslav BRDANIN & Momir TALIC

_____________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION
AUX FINS DE MESURES DE PROTECTION

_____________________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Joanna Korner
M. Michael Keegan
Mme Ann Sutherland

Le Conseil de la Défense :

M. John Ackerman, pour Radoslav Brdanin
MM. Xavier de Roux et Michel Pitron, pour Momir Talic

 

La Requête

1. Le 10 janvier 2000, le Procureur a déposé une requête aux fins d’ordonner des mesures adressées aux deux accusés (Radoslav Brdanin et Momir Talic) et aux équipes chargées de leur défense - «la Défense de Brdanin et Talic» -, laquelle demandait ce qui suit :

1) La Défense de Brdanin et Talic ne divulguera aux médias aucune pièce confidentielle communiquée par le Procureur.

2) À l’exception des éléments directement et spécifiquement nécessaires à la préparation et la présentation de cette cause, la Défense de Brdanin et Talic ne communiquera au public :

aucun nom, ni aucune information permettant d’identifier ou de trouver un témoin ou un témoin potentiel qui leur aura été communiquée par le Procureur ; 

aucun élément de preuve (documentaire, matérielle ou autre), ni aucune déclaration écrite émanant d’un témoin ou d’un témoin potentiel, ni la teneur, totale ou partielle , des éléments de preuve, déclarations ou dépositions préalables considérés comme confidentiels ; 

3) Si la Défense de Brdanin et Talic estime directement et spécifiquement nécessaire de divulguer lesdites informations pour la préparation et la présentation de l’espèce , elle informera les membres du public à qui des pièces ou des informations confidentielles (telles que des déclarations de témoins, des dépositions préalables, des cassettes vidéo ou le contenu de celles-ci) auront été communiquées, qu’ils ne peuvent copier , reproduire ou rendre publics les déclarations ou les éléments de preuve en question , ni les montrer ou les divulguer à quiconque. Les membres du public à qui l’on aura communiqué l’original, une copie ou un double des pièces en question, devront restituer ceux-ci à la Défense de Brdanin et Talic aussitôt que lesdites pièces ne sont plus nécessaires à la préparation et à la présentation de la cause ; 

4) S’agissant du paragraphe (3) ci-dessus, la Défense de Brdanin et Talic tiendra un registre mentionnant le nom, l’adresse et la fonction de chaque personne ou entité qui recevra ces informations, ainsi que la date de la communication. En cas de violation perçue des ordonnances ici décrites, le Procureur informera la Chambre de première instance qui pourra alors, soit examiner les violations alléguées, soit soumettre la question à une personne désignée, comme par exemple un Juge de permanence. Si la Chambre de première instance soumet la question à un Juge de permanence, celui -ci examinera le registre des communications, tirera des conclusions et en informera la Chambre de première instance, en y joignant une recommandation quant aux éventuelles mesures à prendre.

5) Si l’un des membres de la Défense de Brdanin et Talic se retire de l’affaire, toutes les pièces en sa possession devront être restituées au Conseil de la Défense principal. La Défense de Brdanin et Talic restituera au Greffe, à l’issue des procédures en l’espèce, l’intégralité des pièces et des copies de celles-ci n’ayant pas été consignées aux archives.

6) Le Procureur pourra expurger de façon limitée les déclarations de témoins ou dépositions préalables en ce qui a trait à l’identité et aux coordonnées de victimes ou de témoins vulnérables. L’identité de ces personnes sera communiquée à la Défense de Brdanin et Talic dans un délai raisonnable avant le commencement du procès, à moins qu’il n’en soit ordonné autrement. 1

Le paragraphe 2 de la Requête définit en termes généraux les expressions suivantes  : «le Procureur», «la Défense de Brdanin et Talic», «le public» et «les médias».2 La Requête a été déposée à titre confidentiel.

2. La Défense ne s’est pas opposée aux mesures demandées sous 1), 2) et 3) de la Requête. Elle s’est opposée aux autres.

Le Statut et le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international

3. S’agissant de la Requête, trois dispositions du Statut du Tribunal («le Statut ») sont pertinentes.

L’article 20 du Statut («Ouverture et conduite du procès»), pour autant qu’il est pertinent en l’espèce, stipule comme suit :

La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l’instance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve , les droits de l’accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.

[…]

Les audiences sont publiques à moins que la Chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à ses règles de procédure et de preuve.

L’article 21 2) du Statut («Les droits de l’accusé») stipule comme suit :

Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l’article 22 du Statut.

L’article 22 du Statut («Protection des victimes et des témoins»), enfin, stipule comme suit :

Le Tribunal international prévoit dans ses règles de procédure et de preuve des mesures de protection des victimes et des témoins. Les mesures de protection comprennent , sans y être limitées, la tenue d’audiences à huis clos et la protection de l’identité des victimes.

4. Plusieurs articles du Règlement de procédure et de preuve («le Règlement») sont également pertinents pour la Requête. L’article 66 A) i) du Règlement («Communication de pièces par le Procureur») stipule comme suit :

Sous réserve des dispositions des articles 53 et 69, le Procureur communique à la défense dans une langue que l’accusé comprend :

dans les trente jours suivant la comparution initiale de l’accusé, les copies de toutes les pièces jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation ainsi que toutes les déclarations préalables de l’accusé recueillies par le Procureur  ; [...]

L’article 53 A) du Règlement («Non-divulgation») dispose comme suit :

Lorsque des circonstances exceptionnelles le commandent, un juge ou une Chambre de première instance peut ordonner dans l’intérêt de la justice la non-divulgation au public de tous documents ou informations et ce, jusqu’à décision contraire.

L’article 69 du Règlement («Protection des victimes et des témoins») stipule comme suit :

Dans des cas exceptionnels, le Procureur peut demander à la Chambre de première instance d’ordonner la non-divulgation de l’identité d’une victime ou d’un témoin pour empêcher qu’ils ne courent un danger ou des risques, et ce jusqu’au moment où ils seront placés sous la protection du Tribunal.

En déterminant les mesures de protection destinées aux victimes ou témoins, la Chambre de première instance peut consulter la Division d’aide aux victimes et aux témoins .

Sans préjudice des dispositions de l’article 75 ci-dessous, l’identité de cette victime ou de ce témoin devra être divulguée avant le commencement du procès et dans des délais permettant à la défense de se préparer.

L’article 75 A) du Règlement («Mesures destinées à la protection des victimes et des témoins») stipule comme suit :

Un Juge ou une Chambre peut, d’office ou à la demande d’une des parties ou de la victime ou du témoin intéressé, ou de la Division d’aide aux victimes et aux témoins , ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité de victimes ou de témoins, à condition toutefois que lesdites mesures ne portent pas atteinte aux droits de l’accusé.

Les expurgations de l’Accusation

5. Le 11 janvier, l’Accusation a prétendu s’être acquittée de l’obligation visée à l’article 66 A) i) du Règlement en communiquant aux Conseils de la Défense des deux accusés les copies de toutes les pièces jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation. Chaque déclaration communiquée a été expurgée de manière à ce que le nom, les coordonnées ou tout autre élément d’identification des témoins n’apparaissent pas, nonobstant, dans le cadre des mesures demandées au paragraphe 6) de la Requête, les références aux «expurgations limitées» et aux «témoins ou victimes vulnérables». Les documents étaient accompagnés d’une lettre demandant aux Conseils de respecter les mesures de protection demandées dans la Requête en attendant la décision de la Chambre de première instance. 3

6. L’Accusation a reconnu avoir procédé à l’expurgation des pièces jointes avant d’avoir obtenu que la Chambre de première instance rende une ordonnance en application de l’article 69 du Règlement, arguant du fait que ladite expurgation avait été motivée par des «raisons de sécurité». 4 La première question soulevée par la Requête est donc de savoir si, aux termes de l’article 69 A) du Règlement, l’Accusation est autorisée à expurger le nom et les éléments d’identification de chaque témoin, l’identité de ces personnes étant communiquée à la Défense «dans un délai raisonnable avant le commencement du procès», ainsi qu’il est demandé dans la Requête.5

7. S’agissant du pouvoir d’accorder des mesures de protection appropriées aux victimes et aux témoins, la Chambre de première instance, dans l’affaire Le Procureur c/ Tadic 6, a constaté que  :

[...], en s’acquittant de son obligation positive d’assurer cette protection, [le Tribunal] doit interpréter les dispositions, dans le contexte du cadre juridique unique qui lui est propre, en trouvant le point d’équilibre entre le droit de l’accusé à un procès équitable et public, le droit du public à l’information et la protection des victimes et des témoins. La façon dont cet équilibre est atteint dépend des faits propres à chaque affaire.7

La question du point d’équilibre entre le droit de l’accusé à un procès équitable et public et la protection des victimes et des témoins dans le contexte du cadre juridique unique propre au Tribunal a également été évoquée dans plusieurs décisions relatives à la même affaire.8

8. L’Accusation, toutefois, ne se fonde pas uniquement sur les faits relatifs à l’espèce, mais également sur «les faits et les circonstances propres aux affaires du Tribunal en général» pour justifier l’expurgation des données d’identification et les coordonnées de chaque témoin. Elle invoque le fait que la Bosnie-Herzégovine reste un endroit dangereux, où chacun des groupes ethniques ou politiques est perçu comme l’ennemi d’un autre, et où –

[...] le conflit n’est pas encore totalement éteint. En effet, des accusés ou suspects et leurs partisans (ainsi que les sympathisants des détenus à La Haye) sont toujours en liberté et les témoins qui déposent contre eux sont considérés comme «l’ennemi ». 9

La Requête poursuit comme suit :

10. On a observé, durant les deux dernières années, un nombre croissant de cas impliquant la subornation et l’intimidation de témoins du Tribunal, dont des manquements et des violations intéressant des ordonnances de protection de témoins (notamment des ordonnances de non-divulgation) et d’autres mesures de sécurité. Ces faits vont des menaces de mort proférées contre certains témoins à des cas répétés de publication dans les médias ou le public (et ce malgré l’existence d’ordonnances de non-divulgation ) des déclarations préalables de témoins divulguées à des accusés ou leurs conseils , en passant par de nombreuses menaces proférées par téléphone, des licenciements ou des refus d’embauche et la peur générale des témoins ainsi que la crainte de voir leur famille en danger, harcelée ou autrement souffrir s’ils venaient à témoigner ou à coopérer avec le Tribunal.

11. Vu les problèmes et les inquiétudes graves précités ainsi que les violations passées de la confidentialité et leurs répercussions sur les victimes et les témoins , le Procureur craint sérieusement que la sécurité des témoins, leur volonté de déposer et l’intégrité des procédures ne soient réellement compromises si l’identité des témoins, leurs coordonnées et leurs déclarations venaient à être divulguées prématurément, dans des circonstances où leur protection ne peut être assurée. Le Procureur est d’avis que les mesures de protection demandées contribuent largement à minimiser les risques susmentionnés.

9. L’Accusation considère que l’issue de cette affaire, comme celle de toutes les autres dont est saisi le Tribunal, dépend de la capacité et de la volonté des témoins de témoigner et d’apporter des éléments de preuve. Ainsi, en l’absence de témoignages et d’éléments de preuve, il n’y aura pas de procès ou, du moins, pas de procès équitable .10

Si aucun témoin ne comparaît ou si les témoins refusent ou sont autrement peu disposés à témoigner, les éléments de preuve à présenter sont minimes. Les menaces, le harcèlement , la violence, la subornation et toute autre forme d’intimidation, les entraves et les obstacles à la justice sont des problèmes graves, tant pour le témoin lui -même que pour la capacité du Tribunal à accomplir sa mission.

10. L’Accusation a reconnu que l’argument fondamental de sa Requête était que les conditions posées par l’article 69 A) du Règlement – le fait que seuls «des cas exceptionnels» justifiaient l’octroi de mesures de protection par la Chambre de première instance – étaient remplies s’agissant de chaque témoin dans chaque affaire «à ce stade de la procédure» (c’est-à-dire au moment de la communication aux accusés des pièces jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation ).11 L’Accusation a également reconnu qu’il était difficile de prétendre que chaque témoin est vulnérable.12

11. La Chambre de première instance est d’avis que la situation actuelle en ex-Yougoslavie ne peut en soi être considérée comme constituant des circonstances exceptionnelles . Le présent Tribunal ne s’est toujours intéressé qu’à l’ex-Yougoslavie et l’article 69 A) du Règlement a été adopté par les juges dans le contexte des inimitiés ethniques et politiques qui prévalaient en ex-Yougoslavie à l’époque. Le Tribunal a élaboré son Règlement de manière à ce que ce dernier soit adapté à la tâche qui s’annonçait  ; les juges qui l’ont conçu craignaient déjà à l’époque que bon nombre des victimes et des témoins d’atrocités soient dissuadés de témoigner sur ces crimes ou redoutent les conséquences éventuelles que leur témoignage pourrait avoir pour eux-mêmes ou pour leurs parents.13 En conséquence , l’utilisation par ces juges de l’adjectif «exceptionnel» dans l’article 69 A) du Règlement était loin d’être fortuite. Pour être exceptionnelles, les circonstances doivent aller au-delà de ce qui a été, avant même la création du Tribunal, et reste encore maintenant, la règle – ou les circonstances les plus répandues (ou normales ) – en ex-Yougoslavie. Ainsi qu’il a été précisé dans la Deuxième Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic, les circonstances de chaque affaire doivent être examinées au cas par cas.

12. L’Accusation soutient que les dispositions de la Deuxième Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic ne devraient plus être appliquées, étant donné qu’il s’agit de la première affaire dont a été saisi le Tribunal et que de nombreux cas de subornation ont été répertoriés depuis.14 Même si la situation a changé depuis la Deuxième Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic – et la Chambre de première instance n’est pas convaincue qu’il y ait eu des changements significatifs – le libellé de l’article 69 A) du Règlement est resté le même et l’expression «circonstances exceptionnelles» dans son acception courante ne permet aucune interprétation qui l’assimilerait à ce qui semble être, à l’heure actuelle, la règle en ex-Yougoslavie .

13. L’expurgation par l’Accusation du nom et des données d’identification de chaque témoin, bien que sans aucun doute commode sur le plan administratif, non seulement n’était pas autorisée mais n’était pas justifiée sur la base des arguments avancés.

Une autre procédure?

14. Lors de la présentation orale de la Requête, le 24 mars 2000, les débats ont porté, entre autres, sur la question de savoir s’il serait possible de concevoir une procédure qui éviterait à l’Accusation de soumettre à la Chambre de première instance, pour chaque témoin, une requête aux fins de mesures de protection avant de se conformer aux dispositions de l’article 66 A) i) du Règlement, qui prévoient qu’elle doit communiquer à l’accusé les copies de toutes les pièces jointes à l’acte d’accusation.

L’Accusation a proposé une procédure selon laquelle :

elle assumerait la responsabilité d’expurger l’identité des témoins qui auraient demandé que leur identité ne soit pas révélée et qu’elle estimerait vulnérables,

les accusés pourraient lui soumettre une requête «raisonnable» demandant que l’identité de certains témoins ou victimes soit révélée et dans laquelle ils exposeraient les motifs pour lesquels leur identité doit être révélée plus tôt que (par exemple) trente jours avant l’ouverture du procès,

si ladite requête était refusée, les accusés pourraient demander réparation à la Chambre de première instance.15

Si les accusés estiment nécessaire de se voir communiquer le nom d’un témoin en raison du fait, par exemple, qu’il peut fournir des éléments de preuve qui les mettent directement en cause, le nom dudit témoin serait communiqué à moins que l’Accusation n’ait un très bon motif pour s’y opposer.16

16. Cette proposition souffre toutefois de deux déficiences majeures. En premier lieu, elle persiste à considérer chaque témoin (ou du moins ceux qui demandent que leur identité ne soit pas révélée) comme courant «un danger ou des risques» (pour reprendre l’article 69 A) du Règlement) ou comme étant «vulnérable» (pour reprendre la Requête). Ainsi qu’il en a déjà été décidé, ce n’est pas le cas. En second lieu, la proposition renverse complètement les obligations des parties, en ce sens que l’article 69 A) du Règlement enjoint à l’Accusation de démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles justifiant que soit rendue une ordonnance de non-divulgation, tandis que cette proposition enjoint à l’accusé de justifier la divulgation.

17. Un autre problème se pose. L’Accusation a affirmé que, dans la mesure où elle doit veiller à ce que l’accusé bénéficie d’un procès équitable, elle devrait en fait se voir confier le rôle que le Règlement donne à la Chambre de première instance , s’agissant de déterminer quels témoins et victimes sont vulnérables.17 Elle demande à l’accusé «d’accepter le fait qu’il existe de très bons motifs pour lesquels l’identité de certains témoins n’est pas communiquée.»18 Cet argument ne réduit en rien les obligations qui incombent à l’Accusation aux termes de l’article 69 A) du Règlement. L’une des pièces jointes communiquées aux accusés en l’espèce est un compte-rendu d’audience expurgé relatif aux éléments de preuve fournis par un témoin proposé en audience publique dans une autre affaire dont a été saisi le Tribunal. Étant donné qu’il serait facile pour les accusés de retrouver le compte-rendu d’audience susmentionné et, par conséquent, d’identifier le témoin en question, aucune circonstance exceptionnelle ne saurait justifier l’expurgation du nom de ce dernier. Cet exemple invite peut-être à penser que l’objectivité de l’Accusation n’est pas sans faille.19

18. Les deux accusés se sont opposés à la proposition de l’Accusation. La Chambre de première instance convient que la mise en œuvre de cette proposition contreviendrait au Statut et au Règlement.

Une contradiction entre articles du Règlement?

19. L’Accusation affirme qu’il convient de résoudre une contradiction entre l’obligation qui lui incombe de communiquer à l’accusé, dans les trente jours suivant sa comparution initiale, toutes les pièces jointes à l’acte d’accusation en application de l’article 66 A) i) du Règlement, et la protection des victimes et des témoins, telle que prévue à l’article 69 A) du Règlement.20

20. La Chambre de première instance ne considère pas qu’une telle incompatibilité existe. Ainsi qu’il en a déjà été décidé, l’article 69 A) du Règlement ne prévoit pas la protection générale revendiquée par l’Accusation. Avant que soient accordées des mesures de protection, l’article 69 A) du Règlement enjoint à l’Accusation d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles, en conformité avec la volonté de pondération exprimée à l’article 20 1) du Statut, qui stipule que : «l’instance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de l’accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée .» Comme le reconnaît à juste titre l’Accusation, seul le droit de l’accusé à un procès équitable prévaut sur la protection des victimes et des témoins.21 Le terme «instance», tel qu’employé à l’article 20 du Statut, ne se rapporte pas exclusivement au procès lui-même, mais comprend chaque phase de la procédure qui influe sur la décision afférente à l’affaire en question.22

21. Si l’Accusation est en mesure d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant la non-divulgation de l’identité de certains témoins ou victimes à ce stade peu avancé de la procédure, ses obligations au titre de la communication sous l’article 66 A) i) du Règlement seront respectées si elle transmet à la Défense une copie des déclarations avec, expurgés, les noms et autres données d’identification de ces seuls témoins.

L’article 69 A) du Règlement

22. Un point concernant l’article 69 A) du Règlement mérite d’entrée de jeu d’être rappelé, ne serait-ce que pour l’écarter. Cet article prévoit que la Chambre de première instance peut ordonner la non-divulgation de l’identité d’une victime ou d’un témoin susceptible de courir un danger ou des risques «jusqu’au moment où ils seront placés sous la protection du Tribunal». Cette formulation quelque peu curieuse semble sous-entendre que le Tribunal dispose d’un programme ou d’un projet de protection des témoins qui, une fois mis en place, rendrait l’ordonnance de non-divulgation inutile. En réalité, le Tribunal ne dispose ni d’un tel programme, ni d’un tel projet .23 L’article 69 A) du Règlement a toujours été interprété comme prévoyant la possibilité pour la Chambre de première instance d’ordonner la non-divulgation de l’identité de certains témoins ou victimes tout au long de l’instance et après celle-ci. Si nécessaire, ce pouvoir est justifié par l’article 53 A) du Règlement qui permet d’ordonner la non-divulgation au public de tous documents ou informations jusqu’à décision contraire – mais, une fois encore , seulement dans «des circonstances exceptionnelles». S’agissant de l’accusé, l’article 69 C) du Règlement stipule que l’identité de la victime ou du témoin doit lui être divulguée «avant le commencement du procès et dans des délais permettant à la défense de se préparer». 24

23. Il est donc clairement établi que l’on peut ordonner ce que l’on peut qualifier de non divulgation d’usage de l’identité de victimes ou de témoins particuliers, après que l’existence de circonstances exceptionnelles a été démontrée. Ceci, toutefois , ne constitue pas l’objet de la présente Requête. En substance, cette dernière ne cherche qu’à démontrer le droit qu’avait l’Accusation de procéder à l’expurgation générale de certains documents. L’Accusation a échoué dans sa tentative et devra déposer une nouvelle requête dans laquelle elle s’efforcera de justifier la nécessité d’une ordonnance de non-divulgation relative à certains témoins ou victimes précis . 25 Certaines des questions qui seront soulevées dans la nouvelle requête ont été débattues dans le cadre de celle dont nous sommes présentement saisis. Il convient par conséquent d’exprimer à ce stade l’opinion de la Chambre de première instance à ce sujet.

24. La première question concerne le risque que les témoins à charge feront l’objet de pressions ou d’intimidation, une fois leur identité révélée à l’accusé et à son conseil, mais non au public. L’Accusation affirme, et la Chambre de première instance convient, que plus le délai entre la communication des informations permettant d’identifier un témoin et la déposition de ce dernier est long, plus les risques de pression sont élevés.26 Le paragraphe 10 de la Requête allègue de manière générale que l’on a observé un nombre croissant de cas impliquant des manquements et des violations aux ordonnances de protection de témoins, justifiant que l’on s’inquiète vivement d’une multiplication de ces cas si l’identité des témoins venait à être divulguée prématurément.

25. L’Accusation cite quatre exemples de ces cas. 27 Dans le premier, un conseil de la défense (et son client) a été accusé d’outrage pour avoir prétendument approché un témoin éventuel pour le compte de son client . N’étant pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable qu’il y avait eu effectivement subornation, la Chambre de première instance a finalement prononcé un non-lieu.28 Dans le deuxième exemple, un conseil de la défense a désigné par son nom, lors d’une audience publique, un témoin bénéficiant d’une ordonnance de protection dans une affaire connexe. Accusé d’outrage, le conseil a affirmé être parvenu à la conclusion que ledit témoin avait témoigné dans l’affaire connexe pour la simple raison que tout le monde savait qu’il se trouvait à La Haye à ce moment-là. L’Accusation n’a pas affirmé que le conseil avait acquis cette connaissance en raison du manquement d’une personne tenue par l’ordonnance précitée.29 Dans le troisième exemple, une liste de témoins a été publiée dans un journal de Sarajevo et, dans le quatrième, c’est une déclaration de témoin qui a été publiée dans un journal croate. L’Accusation a soutenu que :30

Du fait de ces violations, des témoins à charge, qui avaient auparavant accepté de comparaître devant le Tribunal, ont refusé de déposer.

La référence aux «violations» susmentionnées semble être limitée aux troisième et quatrième exemples.

26. Il est toutefois important de rappeler les termes de l’article sous lequel l’Accusation demande que soit rendue une ordonnance de non-divulgation. L’article 69 A) du Règlement ne porte en effet que sur «la non-divulgation de l’identité d’une victime ou d’un témoin pour empêcher qu’ils ne courent un danger ou des risques». Toute crainte exprimée par des témoins potentiels qui pourraient courir un danger ou des risques ne suffit pas en soi à établir que ce danger ou ces risques constituent réellement une probabilité. Il en faut plus pour justifier l’atteinte aux droits de l’accusé que représentent les expurgations en question. La plupart des juges peuvent citer des affaires dans lesquelles il est évident que des témoins ont été subornés , sans qu’il soit évident qu’il y ait eu manquement à une ordonnance de protection de la part de membres de l’équipe de la défense. Les exemples de violation dans les quatre cas précités ayant suivi (au sens exclusivement temporel du terme) la communication à la défense de l’identité des témoins, l’Accusation affirme que lesdits exemples montrent que «ce phénomène de violations est présent dans la quasi-totalité des affaires portées devant ce Tribunal».31 Cette hyperbole ne contribue en rien à résoudre la question.

27. Les conseils de la défense se sont plaints, non sans raison, de ce que leur intégrité avait été ainsi mise en doute. L’Accusation a déclaré que ce n’était pas là son intention et s’est efforcée d’expliquer la pertinence de ses affirmations comme suit :32

Si, pour qu’une ordonnance soit rendue, le Procureur doit établir qu’il existe des raisons de penser qu’un conseil de la défense particulier pourrait adopter un comportement inapproprié et/ou il faut que des pressions aient été exercées sur des témoins ou des éléments confidentiels indûment divulgués, nous considérons qu’une telle ordonnance (qui ne fait que répondre à l’obligation statutaire de protection des victimes et des témoins) perdrait alors tout sens.

L’Accusation a ensuite développé son point de vue lors de l’audience consacrée à ce sujet :33

Nous suggérons que les pressions pourraient provenir, comme cela a déjà été le cas , de personnes ayant un intérêt direct à aider les accusés, que ces derniers l’aient explicitement demandé ou non. Et l’une des manières peu sensées dont ils envisagent cette aide consiste à suborner les témoins.

Ces explications n’éliminent pas totalement la présomption avancée par l’Accusation que des comportements inappropriés surviendront, s’agissant notamment des termes de la mesure sous 4) de la Requête. 34

28. La Chambre de première instance convient qu’à partir du moment où la défense commence (à juste titre) à enquêter sur les antécédents des témoins dont l’identité lui a été communiquée, le risque existe que les personnes avec lesquelles les membres de l’équipe de la défense se sont entretenus puissent révéler à des tiers l’identité des témoins concernés, ces derniers risquant alors d’être la cible de pressions. Toutefois, elle rejette l’argument de l’Accusation selon lequel, en l’absence d’éléments de preuve spécifiques concernant un tel risque s’agissant de témoins particuliers , le risque de subornation est suffisamment grand pour justifier les mesures exceptionnelles demandées par l’Accusation en l’espèce pour chaque témoin.

29. La deuxième question soulevée porte sur la mesure dans laquelle les ordonnances de protection peuvent être utilisées, non seulement pour protéger des victimes et des témoins en l’espèce, mais également pour contribuer à la mission de l’Accusation consistant à traduire d’autres personnes devant le Tribunal. Rappelons à cet égard l’affirmation de l’Accusation, citée plus haut, selon laquelle :35

Si aucun témoin ne comparaît ou si les témoins refusent ou sont autrement peu disposés à témoigner, les éléments de preuve à présenter sont minimes. Les menaces, le harcèlement , la violence, la subornation et toute autre forme d’intimidation, les entraves et les obstacles à la justice sont des problèmes graves, tant pour le témoin lui -même que pour la capacité du Tribunal à accomplir sa mission.

Cette affirmation pourrait facilement être mal interprétée. Selon la Chambre de première instance, lorsque l’on s’efforce de pondérer les intérêts en jeu avant d’ordonner des mesures de protection, il importe d’établir une distinction claire entre les mesures de protection des victimes et des témoins en l’espèce et les mesures qui ne font qu’aider l’Accusation à engager des poursuites à l’encontre d’autres personnes.

30. Alors que le Tribunal doit convaincre les témoins et victimes potentiels dans d’autres affaires qu’il fera tout son possible pour les protéger, entre autres, de toute tentative de subornation ou d’intimidation, les droits des accusés en l’espèce demeurent sa première préoccupation. Il est difficile de voir comment ces droits pourraient être dûment réduits de manière significative pour la simple raison que l’Accusation craint de rencontrer des difficultés lorsqu’il s’agira de trouver des témoins prêts à déposer dans d’autres affaires.

31. La Chambre de première instance convient que toute pondération des intérêts en jeu d’une manière qui limite les droits de l’accusé donne nécessairement lieu à un procès entaché d’imperfection. Par contre, elle convient également que cela ne signifie pas nécessairement que le procès ne sera pas équitable. Ces conclusions ont été retenues par la majorité de la Chambre de première instance dans la Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic36, et n’ont jamais été contestées. La question ici est de savoir si la mesure dans laquelle il est nécessaire de priver les accusés de leurs droits pour aider l’Accusation à trouver des victimes et des témoins indéterminés susceptibles de témoigner à charge dans les affaires à venir fait pencher exagérément la balance. Le droit à un procès équitable tient une place si éminente dans toute société démocratique qu’il ne peut être sacrifié sur l’autel de l’opportunité.37

32. Ceci dit, la Chambre de première instance convient que, dans les cas où il a effectivement été démontré qu’un témoin ou une victime pourrait courir un danger ou des risques, il serait raisonnable, pour les raisons déjà mentionnées, d’ordonner la non-divulgation de l’identité de ce témoin ou de cette victime, de sorte qu’il serait procédé à la communication desdites informations en conformité avec les dispositions de l’article 69 C) du Règlement, c’est-à-dire «dans des délais permettant à la défense de se préparer» avant le procès. Le Conseil de la Défense de Brdanin, réaliste, a finalement convenu que la véritable question relevait du «quand».38 Le Conseil de la Défense de Talic a refusé le droit de l’Accusation d’expurger le moindre document39, tandis que son coconseil soulignait la condition visée à l’article 69 A) du Règlement de n’autoriser l’expurgation que dans des cas exceptionnels.40

33. Une troisième question se rapporte au délai, avant le procès, dans lequel il convient de communiquer aux accusés l’identité des victimes et des témoins. L’Accusation reconnaît qu’en dépit du fait que plus les délais qui séparent la communication desdites informations et la comparution des témoins sont longs et plus les risques d’intimidation desdits témoins sont grands, la date-butoir du délai de préparation accordé à la Défense doit être la date d’ouverture du procès et non celle de la comparution des témoins.41

34. L’Accusation a également reconnu de manière très réaliste que la définition du délai raisonnable varie en fonction de la catégorie particulière à laquelle appartient le témoin.42 Par exemple, dans le cas (comme en l’espèce) où l’action engagée contre les accusés ne suggère aucunement que l’un des deux accusés a personnellement commis les actes reprochés, les témoins appelés à fournir des éléments de preuve concernant les principaux faits dont les accusés sont présumés responsables (en tant que supérieur hiérarchique ou complice ) ne mettent pas directement en cause les accusés et la connaissance de leur identité aiderait peu la Défense dans sa préparation du procès.43 Les témoins dont l’identité est beaucoup plus utile à la préparation de la défense des accusés sont ceux qui mettent directement en cause la responsabilité de ces derniers en tant que supérieur hiérarchique ou que complice.44 La distinction est pertinente, le seul problème étant que l’Accusation semble davantage préoccupée du sort des témoins appartenant à la deuxième catégorie, témoins pour lesquels elle souhaite préserver l’anonymat jusqu’au dernier moment.

35. Ces trois questions seront pertinentes lorsqu’il s’agira de statuer sur une nouvelle requête devant maintenant être déposée par l’Accusation aux fins de justifier une ordonnance de non-divulgation concernant des témoins particuliers.

36. L’Accusation a suggéré que le fait de divulguer l’identité des témoins à charge trente jours avant l’ouverture du procès laisserait suffisamment de temps aux accusés pour préparer leur défense. Selon elle, en effet, le nom d’un témoin –

[...] ne présente normalement d’intérêt que sur le plan de la crédibilité et ne constitue donc généralement qu’un élément modeste dans la préparation de son dossier par la défense.45

L’Accusation a posé pour la forme la question suivante :46

?Qguand bien même ?la Défenseg aurait en sa possession le nom d’un témoin, en quoi cela l’aiderait-elle à préparer la défense de l’un ou l’autre des accusés?

De telles déclarations sont tout à fait irréalistes lorsqu’elles s’appliquent aux témoins appartenant à la catégorie de ceux qui fournissent des éléments de preuve mettant directement en cause les accusés. Les Conseils des accusés ne sauraient présumer que ces témoins diront la vérité. 47 Il existe un certain nombre de cas répertoriés dans lesquels, après enquête approfondie , il s’est révélé que des témoins à charge ne se trouvaient pas à l’endroit où ils avaient dit s’être trouvés48, ou sont finalement revenus sur leurs déclarations49. La Chambre d’appel a enjoint fermement aux représentants d’un accusé de procéder aux investigations nécessaires afin de déterminer les éléments de preuve disponibles pour la défense de ce dernier.50 Certains des témoins à charge sont probablement suffisamment importants pour qu’au moins la dernière phase de l’enquête les concernant soit menée par les conseils qui assisteront les accusés lors du procès. C’est une évidence pour quiconque possède une expérience des affaires pénales. Les premières phases de l’enquête peuvent, quant à elles, être menées par le ou les enquêteurs engagés sur le terrain pour le compte des accusés . Il est vraisemblable qu’il faudra interroger de nombreuses personnes avant d’obtenir des informations pertinentes.

37. Selon les deux accusés, l’une des difficultés en l’espèce tient à ce que l’acte d’accusation a été, et demeure, déposé sous scellés, sauf en ce qui concerne les deux accusés. Certaines personnes que la Défense souhaiterait interroger ont refusé de coopérer de peur que leur nom apparaisse également dans cet acte d’accusation , ou éventuellement dans un autre acte d’accusation secret. Ce problème a été évoqué s’agissant de témoins potentiels à décharge que les équipes de la Défense souhaiteraient interroger, ce qui apparaît peu pertinent eu égard à la question qui nous préoccupe ici, laquelle concerne les témoins à charge. Cela étant , la Chambre de première instance reconnaît que pareille difficulté peut également survenir s’agissant des personnes auxquelles les équipes de la Défense s’adressent pour obtenir des informations sur les témoins à charge51.

38. La Chambre de première instance ne pense pas qu’il est possible de fixer d’avance une période précise applicable à tous les cas de figure. Tout dépend du nombre de témoins devant faire l’objet d’une enquête et des circonstances dans lesquelles les enquêtes se dérouleront. Certains accusés peuvent être dotés de plus de ressources que d’autres, selon les fonctions qu’ils occupaient avant leur arrestation. Cette période ne peut être fixée qu’après que les mesures de protection sont en place. Cependant, au vu des témoignages donnés dans d’autres affaires52, la Chambre de première instance convient que les enquêtes préalables au procès représentent une tâche difficile pour toute équipe de la défense et que (à moins qu’un nombre très limité de témoins fassent l’objet d’ordonnances de protection) un délai supérieur à trente jours avant l’ouverture du procès doit être envisagé dans la plupart des cas pour permettre à l’accusé de préparer convenablement sa défense.

7. Restitution des documents

39. S’il était fait droit à la mesure sous 5), celle-ci obligerait le Conseil de la Défense à restituer toutes les déclarations des témoins au Greffe «à l’issue des procédures». Il y est stipulé que puisqu’elles ont été fournies à l’accusé dans le seul but de lui permettre de préparer son procès, les déclarations doivent être restituées au Greffe. Ainsi, on s’assure que les informations que l’on peut qualifier de non publiques et contenues dans les déclarations ne pourront jamais être divulguées 53. L’Accusation n’aurait pas accès aux documents restitués54.

40. Le Conseil de Talic a fait valoir que les documents tombaient en la possession de l’accusé dès qu’ils lui étaient fournis et que, de ce fait, il devrait être en droit de les garder «afin de pouvoir ultérieurement les utiliser à bon escient»55. L’Accusation a répondu que la propriété des documents ne passait pas à l’accusé56. La Chambre de première instance estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher cette question, car elle accepte le point de vue présenté en option au nom de Brdjanin , selon lequel le «produit du travail» accompli par le Conseil (à savoir, les annotations qu’il a inévitablement portées sur ces documents lors de la préparation du procès et durant le procès) devient bien la propriété de l’accusé et qu’il est de nature confidentielle57. Il importe peu de savoir si ladite confidentialité découle du secret professionnel qui lie avocat et client ; il suffit de dire que le «produit du travail» est confidentiel et que l’accusé ne devrait d’ordinaire pas être tenu de le divulguer. La question est donc de savoir si le risque de divulgation est tel que les documents devraient néanmoins être restitués.

41. Lorsqu’on a insisté pour savoir s’il existait un risque réel que les pièces non destinées au public contenues dans ces déclarations soient divulguées si les documents étaient conservés par le Conseil à l’issue de l’affaire (alors que les mesures de protection sont toujours en vigueur), l’Accusation a tout d’abord renvoyé à une autre affaire où un conseil de la défense avait refusé de restituer ses documents à l’issue du procès et avait déclaré :58

On garde des documents dans son bureau, des gens entrent et sortent, ou on laisse des documents quelque part et, à moins qu’ils soient restitués et retrouvés, [...] il y a toujours ce risque. Là est la difficulté.

Si le Conseil refuse délibérément de restituer les documents quand il en a reçu l’ordre, il doit être sanctionné pour outrage. Ce refus ne signifie pas que les documents seront inévitablement et délibérément divulgués. Cependant, une sanction pour outrage ne réparerait pas les dommages qu’occasionnerait une divulgation délibérée . Mais quel est réellement le risque de voir un incident de ce genre se reproduire  ? Et quel est réellement le risque qu’un conseil qui a conservé des déclarations à l’issue du procès les laisse par inadvertance à la vue de quiconque entrerait dans son bureau ? À une exception près, tous les cas de divulgation de documents évoqués par l’Accusation dans sa Requête ont eu lieu soit pendant la phase préalable au procès, soit pendant le procès proprement dit. L’exception intéresse le cas d’un conseil qui a fourni une déclaration de témoin non expurgée au conseil chargé d’une affaire connexe, celui-ci n’ayant alors reçu de l’Accusation qu’une version expurgée de ladite déclaration59.

42. La Chambre de première instance n’accepte pas l’opinion selon laquelle le risque est tel qu’il justifie les préoccupations exprimées par l’Accusation. Il est de toute façon difficile de déterminer la date exacte à laquelle se terminera le procès , qui est la date que l’Accusation propose pour la restitution des documents. Il a été convenu à l’audience que si ces documents devaient être restitués au Greffe à l’issue du procès, ils seraient détruits plutôt que conservés, pour des raisons d’ordre pratique 60. On saurait très vite si un appel doit être interjeté et le conseil pourrait peut-être être autorisé à conserver les déclarations jusqu’à expiration du délai de dépôt d’un acte d’appel et, si un acte d’appel a été déposé, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours . Mais que se passe-t-il alors si, ultérieurement, une demande de révision est soumise en application de l’article 119 du Règlement ? Le conseil assistant l’accusé à ce stade de la procédure aura perdu une ressource précieuse si le produit du travail figurant sur les déclarations a été détruit. Ce serait injuste vis-à-vis de l’accusé . L’Accusation a suggéré comme solution que le conseil de la défense conserve le produit de son travail ailleurs que sur les déclarations fournies. La Chambre de première instance juge cette proposition fort peu pratique.

43. La Chambre de première instance n’accepte pas l’opinion selon laquelle le risque probable de divulgation, délibérée ou par mégarde, à l’issue du procès est tel qu’il justifie les conséquences incontrôlables, voire injustes, d’une ordonnance enjoignant que les documents soient dans chaque espèce restitués. Le fait que des ordonnances de restitution de déclarations aient été rendues dans des termes tout aussi généraux dans d’autres affaires n’impressionne pas la Chambre de première instance61. En effet, la présente espèce est la première où il est fait opposition aux mesures demandées et où il est procédé à un examen de leurs implications.

44. La Chambre de première instance est disposée à rendre une ordonnance dans les termes de la première partie de la mesure visée sous 5), à savoir, que si l’un des membres de la Défense de Brdanin et Talic se retire de l’affaire, toutes les pièces en sa possession devront être restituées au Conseil de la Défense principal. Cette mesure est justifiée dans la mesure où la personne en question n’a plus besoin des documents. Mais la Chambre de première instance n’est pas disposée à ce stade à prendre une quelconque autre mesure relative à la restitution des documents. Elle accepte que de telles mesures puissent être justifiées dans une espèce particulière . De l’avis du Conseil de Brdjanin, une telle mesure serait justifiée lorsqu’un document est «analogue à un document de la sécurité nationale»62, mais pour la Chambre de première instance, de telles mesures ne sauraient se limiter à ce cas de figure. Il est préférable d’examiner ces mesures en fin de procès, lorsque le risque impliqué peut être plus aisément identifié. À ce stade de la procédure en l’espèce, le risque n’a pas été identifié. La mesure demandée est par conséquent refusée, sans préjudice de toute éventuelle demande à un stade ultérieur.

8. Tenue d’un registre

45. Les accusés ne se sont pas opposés à la mesure sous 3), qui oblige leur Défense (voir définition) à informer les membres du public, à qui elle estime nécessaire de communiquer des pièces confidentielles ou non publiques, qu’ils ne peuvent copier , reproduire ou rendre publics les informations divulguées, ni les montrer ou les divulguer à quiconque, et doivent restituer l’original ou toute copie qui aurait été faite des pièces qui leur ont été communiquées. S’il est fait droit à la mesure sous 4), celle-ci obligerait le Conseil à tenir un registre mentionnant le nom, l’adresse et la fonction de chaque personne ou entité recevant l’une quelconque des informations non destinées au public figurant dans les pièces fournies par l’Accusation . Cette dernière fait observer que des obligations légales similaires existent pour ce qui est des déclarations, photographies et rapports médicaux dans des affaires de mœurs au Royaume-Uni63. Ce système serait nécessaire pour les affaires portées devant ce Tribunal parce qu’il constitue «le seul moyen de suivre tout cela de près» 64. Une explication plus détaillée a été donnée en ces termes :65

[...] s’il manque des pièces confidentielles et que la Chambre de première instance doit mener une enquête, le seul moyen de procéder est de tenir un registre. Et c’est la raison pour laquelle nous demandons qu’un registre soit tenu [...]

La procédure établie par la mesure sous 4) est la suivante : en cas de «violation perçue» des ordonnances de non-divulgation, la Chambre de première instance, ou une personne désignée, un juge de permanence par exemple, examinera le registre mentionnant les informations divulguées de sorte à pouvoir prendre les mesures « appropriées». L’Accusation affirme que le registre ne lui sera pas communiqué66.

46. L’accusé Talic s’oppose à cette mesure au motif qu’elle porte atteinte à la confidentialité des enquêtes de la Défense 67, en ce sens que a) elle permettra à l’Accusation et au Tribunal de savoir qui la Défense rencontre pour organiser sa défense68 et b) elle permettra à l’Accusation de poursuivre ces personnes «en secret»69. L’Accusation nie que ce genre d’information est couverte par le secret professionnel . Là encore, il est inutile que la Chambre de première instance détermine si le caractère confidentiel de l’identité des personnes auxquelles la Défense a parlé dans le cadre de la préparation de la cause de l’accusé repose sur le secret professionnel . Il suffit en effet de dire que cette information est confidentielle et que l’on ne devrait normalement pas demander à l’accusé de la divulguer.

47. Selon la Chambre de première instance, il est significatif que l’examen de ce registre n’est envisagé que dans le cas d’une «violation perçue» de l’ordonnance de non-divulgation. Comme cette ordonnance ne lie que la Défense de Brdjanin et Talic (terme qui se limite par définition aux accusés eux-mêmes, à leurs conseils et aux membres du personnel qui leur sont assignés par le Tribunal), il apparaît que la mesure sous 4) vise tout spécialement à fournir la base permettant que des mesures «appropriées» soient prises contre les seules personnes chargées de tenir le registre. Parmi les mesures «appropriées» pourrait figurer la poursuite pour outrage au Tribunal.

48. Si, toutefois, un membre quelconque de la Défense devait être poursuivi pour outrage, il est peut-être fallacieux de la part de l’Accusation d’affirmer que le registre ne lui sera pas communiqué, puisque c’est l’aide de cette dernière que la Chambre devra nécessairement solliciter dans la procédure pour outrage en application de l’article 77 du Règlement. Une fois de plus, si un membre quelconque de la Défense devait être poursuivi pour outrage, il a également le droit, au même titre que tout autre accusé, d’être présumé innocent et de garder le silence. L’obligation de conserver le registre qui serait à l’origine de la poursuite exigerait que l’accusé fournisse des éléments de preuve contre lui-même, en violation de l’article 21 du Statut du Tribunal. Une telle procédure ne pourrait être justifiée que dans les cas graves où une divulgation irrégulière a eu des répercussions profondes70. La Chambre de première instance n’est pas convaincue que ce soit le cas ici.

49. Ce genre de problèmes ne se pose pas si l’on exige qu’un registre soit tenu afin de pouvoir attribuer la divulgation irrégulière à la personne à qui la Défense a communiqué, en toute légalité, l’identité du témoin (lors de son enquête sur les antécédents de ce témoin), mais l’ordonnance de non-divulgation ne lie pas ces personnes et le Tribunal n’a pas le pouvoir de prendre des mesures contre elles si elles sont à l’origine de cette divulgation. La Chambre de première instance ne considère pas qu’il faille exiger de la Défense qu’elle tienne un registre aux fins envisagées par la mesure sous 4). La mesure est refusée.

9. Documents déposés à titre confidentiel

50. La Chambre de première instance a également soulevé la question du caractère confidentiel du dépôt de la Requête de l’Accusation. Lors du dépôt de ladite Requête , une ordonnance portant calendrier a été rendue qui, notamment, levait sa confidentialité 71. L’Accusation a fait une demande officieuse d’annulation de cette ordonnance 72, mais il a été simplement sursis, jusqu’à nouvel ordre, à son exécution afin que la confidentialité de ce document et la question de savoir si une partie peut, sans autorisation, déposer un document à titre confidentiel, en se contentant de le déclarer tel, puissent être débattues à l’audience73. Le Greffier a également été invité à présenter des conclusions en application de l’article 33 B) du Règlement sur la seconde de ces questions, ainsi que sur celle de savoir si toute partie souhaitant déposer un document à titre confidentiel (exception faite d'un document sollicitant des mesures de protection pour des personnes particulières ) doit tout d’abord en demander, ex parte, l'autorisation préalable au juge de la mise en état 74. Le Greffier a déposé des conclusions75,.

51. La Requête aurait été déposée à titre confidentiel de crainte que les informations figurant à son paragraphe 10 – reprises au paragraphe 8 de la présente Décision  – ne soient lues par n’importe qui, y compris des témoins potentiels et ceux qui ont un intérêt à ce qu’ils ne déposent pas ; que ces témoins, par conséquent, refusent de coopérer 76 ; et que la possibilité d’exercer des pressions sur les témoins ne vienne à l’esprit de ceux qui ont tout intérêt à s’assurer que les témoignages impliquant les deux accusés ne soient pas entendus77.

52. Nous l’avons dit78, ce qui importe , c’est de savoir quels sont les risques que les témoins à charge fassent l’objet de pressions ou d’intimidation, et que les craintes de pressions exprimées (ou ressenties) par les témoins potentiels ne suffisent pas à elles seules à établir le risque des pressions ou de l’intimidation. La Chambre de première instance considère qu’il est tout à fait fantaisiste de penser que c’est en lisant un document déposé à titre public, tel que cette Requête, que ceux qui ont déjà l’intention d’empêcher que des témoignages soient entendus contre ces deux accusés seraient incités à exercer des pressions sur les témoins ou à les intimider79. En réalité, de graves allégations relatives à des pressions exercées sur des témoins dans d’autres affaires ont déjà été formulées en public. Dans une affaire, les allégations ont été confirmées dans le cadre d’une procédure pour outrage intentée à l’encontre du conseil concerné80. Dans une autre espèce, les allégations à l’encontre d’un autre conseil et de l’accusé qu’il assistait ont été rejetées 81. Les deux arrêts sont des documents publics et peuvent être lus par tous. Le second n’a été rendu que récemment, mais personne n’a prétendu qu’il y a eu multiplication des pressions exercées sur des témoins durant la période écoulée depuis le premier arrêt. Telle affirmation serait d’ailleurs impossible.

53. Rien ne justifie que l’on dépose la Requête à titre confidentiel. L’article 20 4) du Statut du Tribunal stipule que :

Les audiences sont publiques à moins que la Chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à ses règles de procédure et de preuve.

En vertu de cet article, l’article 79 du Règlement dispose que la Chambre de première instance peut ordonner que la presse et le public soient exclus de la salle pendant tout ou partie de l’audience uniquement pour l’une des trois raisons spécifiées (l’une étant d’assurer la sécurité et la protection d’une victime ou d’un témoin ou pour éviter la divulgation de son identité en conformité à l’article 75). À la lumière de ces deux dispositions, il ressort clairement que les audiences doivent être publiques sauf si, pour des motifs convaincants, il en est décidé autrement 82.

54. L’Accusation a fait valoir que ces dispositions ne concernent que les audiences et non le dépôt de requêtes. Strictement parlant, c’est vrai, mais on peut y percevoir l’intention que tout ce qui a trait aux procédures engagées devant le Tribunal devrait être fait en public, à moins qu’il en soit décidé autrement pour des motifs convaincants. C’est la règle générale. Le dépôt de ladite Requête à titre confidentiel a nécessairement eu pour conséquence que le débat y afférent – qui traitait de points capitaux – a eu lieu à huis clos, quand bien même l’Accusation a ultérieurement reconnu que rien de ce qui s’y était dit, à l’exception des références au paragraphe 10 de la Requête, n’était de nature confidentielle83. Si le paragraphe 10 de la Requête n’a pas justifié que cette dernière soit déposée à titre confidentiel, le public s’est alors vu refuser son droit d’accès à une audience , un droit que l’Accusation comme le Tribunal devraient tenir à faire respecter.

55. L’Accusation a également demandé, pour la forme :84

Quel intérêt peut avoir le public à [...] savoir inutilement qu’il y a une demande de mesures de protection pour des témoins et/ou qu’il y a déjà eu des tentatives qui ont été couronnées de succès ?

La réponse est que le public s’intéresse à l’activité des instances judiciaires en général (y compris de ce Tribunal) – non seulement aux audiences, mais à toute leur activité – dont il ne doit être exclu que si des motifs convaincants sont invoqués . L’attitude manifestée par l’Accusation en l’espèce semble faire partie d’une tendance privilégiant le huis clos qui, malheureusement, s’impose de plus en plus dans les actions dont est saisi le Tribunal. Lorsque l’Accusation demande qu’une question soit traitée à titre confidentiel, l’accusé ne s’y oppose généralement pas, parce qu’il est dans son intérêt que le public en sache le moins possible sur son affaire 85. Cette tendance est dangereuse pour la perception qu’a le public du Tribunal et il faut y mettre un terme.

56. Le sursis à l’exécution de l’ordonnance levant la confidentialité de la Requête est levé et les documents déposés par les parties en liaison avec la Requête, ainsi que le compte rendu d’audience et l’enregistrement vidéo de l’audience relative à la Requête seront également rendus publics.

57. Reste à répondre à d’autres questions relatives à la confidentialité, à savoir le droit d’une partie de déposer un document à titre confidentiel sans autorisation préalable simplement en le déclarant «confidentiel», et si toute partie souhaitant déposer un document à titre confidentiel (exception faite d'un document sollicitant des mesures de protection pour des personnes particulières) doit en premier lieu en demander, ex parte, l'autorisation préalable au juge de la mise en état .

58. Les parties n’ont présenté aucune conclusion particulière sur ces points, bien que l’Accusation ait identifié certaines catégories pratiques dans lesquelles tombent ses documents déposés à titre «confidentiel» et qui seront exposées plus loin.

59. Le Greffier a souligné à cet égard la pertinence de l’article 12.1 de la Directive pour le Greffe, Département judiciaire, Division administration et Services d'appui judiciaires (la «Directive»),86 qui stipule que

Les documents confidentiels en totalité, ou en partie, ou dont certains mots ou certaines phrases ne sont pas publiques sont enregistrés et classés selon la procédure prévue à l’article 11. Ils sont ensuite intégrés dans le dossier approprié, mais placés dans un classeur distinct non accessible au public.

La classification des documents décrite à l’article 11 de la Directive ne mentionne pas de classification confidentielle. Le Greffier a fait valoir «qu'il ne lui appartient pas de prendre des décisions susceptibles d'affecter les droits juridiques des parties »87, et que «conformément à la pratique actuelle du Greffe», les parties ont, effectivement, le droit de déposer un document à titre confidentiel, en se contentant de le déclarer tel88. Il est d'avis que la pratique susmentionnée89

permet de garantir au mieux à la fois la sécurité des documents de chaque partie et une procédure de dépôt transparente et impartiale.

60. La Chambre de première instance conteste respectueusement plusieurs de ces affirmations . Tout d’abord, l’article 12 de la Directive stipule bien que les documents auxquels il a trait sont ceux qui sont effectivement confidentiels, et non ceux qui sont simplement déclarés tels, et ceux qui ne «doivent» pas être divulgués. De prime abord, l’article exige effectivement du personnel du Greffe qu’il tranche . Deuxièmement, en aucun cas le Greffe n’a pour pratique habituelle de laisser les parties choisir si elles souhaitent déposer leurs documents à titre confidentiel et le personnel du Greffe décide bien, en certaines occasions, si le document doit être déposé sous cette forme90. Troisièmement , la Directive ne peut être interprétée en fonction de la capacité du Greffe à fournir du personnel capable de l’appliquer. Et, enfin, il est illogique de dire que le personnel du Greffe ne sera plus considéré comme impartial s’il doit décider du caractère confidentiel ou non du dépôt d’un document. La Chambre de première instance n’accepte pas la conclusion du Greffier que les parties ont le droit de déposer un document à titre confidentiel sans autorisation préalable, simplement en le déclarant tel.

61. Quant à la question de savoir si une partie qui souhaite déposer un document à titre confidentiel doit préalablement en demander l’autorisation, le Greffier affirme que ce serait contraire à la Directive, qui ne peut être modifiée que par le Greffier après consultation avec les juges et le Procureur 91. Comme les parties demandent à déposer des documents à toute heure de la journée et, dans certains cas, hors des heures ouvrables, il déclare également que toute demande d’autorisation risquerait d’entraîner des retards en raison de l’indisponibilité du juge de la mise en état ou de la chambre92.

62. Là encore, la Chambre de première instance conteste respectueusement ces affirmations . Les dispositions de la Directive ne concernent en rien la demande d’autorisation préalable préconisée. La Directive n’empiète pas sur le pouvoir qu’a la Chambre de première instance de contrôler la procédure engagée devant elle. La Chambre peut ordonner aux parties de déposer certains documents sans que cela porte atteinte à la Directive. Elle peut également ordonner aux parties de ne pas déposer certains documents sans en obtenir l’autorisation préalable, là encore sans que cela porte atteinte à la Directive. L’obligation d’obtenir l’autorisation préalable n’exige pas du personnel du Greffe qu’il adopte une démarche particulière. Si une partie souhaite déposer un document à titre confidentiel simplement en le déclarant tel sans en avoir l’autorisation et si le personnel du Greffe n’attire pas son attention sur cette obligation, la Chambre de première instance exercera alors le pouvoir qu’elle a d’ordonner d’en lever la confidentialité, pouvoir reconnu par le Greffier 93. L’obligation d’obtenir l’autorisation préalable permettra simplement d’éviter qu’il ne soit fait usage de ce pouvoir après que le dépôt du document ait été accepté.

63. Pour ce qui est de l’argument selon lequel des désagréments se présenteraient , l’Accusation a informé la Chambre de première instance que ses documents déposés à titre confidentiel tombaient dans les catégories suivantes :94

i) mesures de protection en faveur des témoins,

ii) enquêtes en cours, actes d’accusation en cours et actes d’accusation sous scellés , et

iii) réponses aux requêtes confidentielles déposées par la Défense et aux décisions rendues par la Chambre de première instance relatives à des audiences ou des requêtes confidentielles.

Les documents relevant de la deuxième catégorie sont presque inévitablement déposés ex parte et, par conséquent, le sont presque inévitablement à titre confidentiel . Les documents relevant de la troisième catégorie semblent eux aussi devoir être nécessairement déposés à titre confidentiel. C’est donc pour la première catégorie que se poserait principalement un problème, quoique la Chambre de première instance reconnaisse qu’il existe peut-être d’autres catégories de documents qu’il faudrait déposer à titre confidentiel.

64. Si l’obligation de demander l’autorisation préalable était formulée dans des termes qui excluent :

a) toutes les demandes ex parte, quelle que soit leur nature,

b) toutes les demandes inter partes de mesures de protection pour des témoins et

c) toutes les demandes qui tombent dans les deuxième et troisième catégories de l’Accusation,

peu de documents nécessiteraient une autorisation. L’Accusation n’a pas été en mesure de fournir des chiffres95, mais elle n’a pas dit que ces documents étaient nombreux. Aucun désagrément sensible ne serait ressenti et il y aurait même une ouverture des procédures sur l’extérieur, sauf dans les cas où la confidentialité est réellement justifiée. La Chambre de première instance suggère que cette formule soit mise à l’essai dans certaines affaires particulières .

 

10. Dispositif

65. Par ces motifs, la Chambre de première instance II ordonne ce qui suit :

1. Aux fins de la présente Décision :

a) par «le Procureur», on entend le Procureur du Tribunal et le personnel de son Bureau,

b) par «la Défense de Brdanin et Talic», on entend exclusivement les accusés Radoslav Brdanin et Momir Talic, leurs Conseils de la Défense, ainsi que leurs assistants juridiques et personnels directs et les autres personnes nommées expressément par le Tribunal aux équipes de la défense de Radoslav Brdanin et Momir Talic et énumérées sur une liste que gardera chaque conseil principal et qui sera déposée ex parte et sous scellés auprès de la Chambre de première instance dans les dix jours de l’entrée en vigueur de la présente décision. De même, tout ajout ou retrait, dans l’une ou l’autre des catégories de la liste susmentionnée, de personnes qui sont nécessairement et à juste titre impliquées dans la préparation de la défense sera notifié à la Chambre de première instance dans les sept jours,

c) par «le public», on entend toutes les personnes physiques, États, organisations , entités, clients, associations et groupes, autres que les Juges du Tribunal, le personnel du Greffe (qu’il soit assigné aux Chambres ou au Greffe), le Procureur , ainsi que la Défense de Brdanin et Talic, telle que définie ci-dessus. «Le public » comprend en particulier, sans s’y limiter, la famille, les amis et les associés des accusés, le coaccusé, les accusés dans d’autres affaires ou actions devant le Tribunal, et le Conseil de la Défense dans d’autres affaires ou actions devant le Tribunal, et

d) par «les médias», on entend tout le personnel de la presse écrite et audiovisuelle , y compris les journalistes, les auteurs, le personnel de la télévision et de la radio, leurs agents et leurs représentants.

2. Le 24 juillet 2000 à 16 heures au plus tard, l’Accusation est tenue, en vertu de l’article 66 A) i) du Règlement, de "fournir à chaque accusé des copies non expurgées des pièces justificatives qui étaient jointes à l'Acte d'accusation au moment de la demande de confirmation de celui-ci, ainsi que les déclarations antérieures qu'elle a obtenues de chacun d'eux",

sous réserve que, dans le cas où elle déposerait, avant cette date, une requête aux fins de mesures de protection concernant des déclarations ou autres pièces particulières , des victimes ou témoins particuliers (qui apparaîtront dans ladite requête sous un numéro ou pseudonyme), elle ne sera pas tenue de communiquer des copies non expurgées des déclarations ou autres pièces identifiées dans ladite requête jusqu’à ce que la Chambre de première instance ait statué, et sous réserve de toute décision qui serait prise concernant ladite requête.

3. La Défense de Brdanin et Talic ne divulguera aux médias aucune pièce confidentielle ou non publique fournie par le Procureur.

4. Sauf si directement et spécifiquement nécessaire à la préparation et la présentation de l’espèce, la Défense de Brdanin et Talic ne divulguera :

a) aucun nom, ni aucune information permettant d’identifier ou de trouver un témoin ou un témoin potentiel qui leur aura été communiquée par le Procureur, ou

b) aucun élément de preuve (documentaire, matérielle ou autre), ni aucune déclaration écrite émanant d’un témoin ou d’un témoin potentiel, ni la teneur, totale ou partielle , des éléments de preuve, déclarations ou dépositions préalables considérés comme non publics.

5. Si la Défense de Brdanin et Talic estime directement et spécifiquement nécessaire de divulguer lesdites informations pour la préparation et la présentation de l’espèce , elle informera les membres du public à qui des pièces ou des informations non publiques ( telles que des déclarations de témoins, des dépositions préalables, des cassettes vidéo ou le contenu de celles-ci ) auront été communiquées, qu’ils ne peuvent copier, reproduire ou rendre publics les déclarations ou les éléments de preuve en question, ni les montrer ou les divulguer à quiconque. Les membres du public à qui l’on aura communiqué l’original, une copie ou un double des pièces en question, devront le restituer à la Défense de Brdanin et Talic aussitôt que lesdites pièces ne sont plus nécessaires à la préparation et à la présentation de l’espèce.

6. Si l’un des membres de la Défense de Brdanin et Talic se retire de l’affaire, toutes les pièces en sa possession devront être restituées au Conseil principal de la Défense.

7. Le sursis imposé par la Modification de l’Ordonnance portant calendrier du 27 janvier 2000, en date du 2 février 2000, qui a levé le caractère «confidentiel» de la Requête aux fins de mesures de protection déposée le 10 janvier 2000, est levé.

8. Le caractère «confidentiel» des documents déposés en réponse à la Requête aux fins de mesures de protection déposée le 10 janvier 2000, des documents déposés en réplique à ces réponses et des audiences de la Requête du 24 mars 2000 est levé .

9. Les autres mesures demandées aux termes de la Requête aux fins de mesures de protection déposée le 10 janvier 2000 sont refusées.

10. La présente décision n’empêche aucunement toute partie ou personne de demander des mesures de protection autres ou supplémentaires qu’elle jugerait nécessaire à un témoin ou autre élément de preuve spécifique.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 3 juillet 2000
La Haye (Pays-Bas)

Le Président
(signé)
Juge David Hunt

[Sceau du Tribunal]


1- Requête aux fins de mesures de protection, 10 janvier 2000 («la Requête»), paragraphe 14.
2- Ces définitions constituent le fondement de celles données au paragraphe 65.1 de la présente Décision. L’Accusation demande également que soit préservé le droit des parties et de toute autre personne de demander que soient rendues des ordonnances ou que soient prises des mesures aux fins de protection autres ou supplémentaires qui seraient jugées nécessaires s’agissant d’un témoin particulier ou de tout autre moyen de preuve.
3- Compte-rendu d’audience en anglais, 11 janvier 2000, p. 40.
4- Compte-rendu d’audience en anglais, 24 mars 2000, p. 77.
5- Requête, 24 mars 2000, p. 77
6- Affaire no IT-94-1-T, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par le Procureur aux fins d’obtenir des mesures de protection pour le témoin R, 31 juillet 1996 («Deuxième Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic»), à la page 4.
7- Non souligné dans l’original.
8- Le Procureur c/ Tadic, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par le Procureur aux fins d’obtenir des mesures de protection pour les victimes et les témoins, (1995) RJ I TPIY, p. 123 («Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic»), à la page 150 (paragraphe 30). Voir également Le Procureur c/ Tadic, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par le Procureur aux fins d’obtenir des mesures de protection pour le témoin L, (1995) RJ I TPIY, p. 306, à la page 318 (paragraphe 11).
9- Requête, paragraphe 9.
10- Ibid, paragraphe 4.
11- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 78.
12- Ibid, p. 88.
13- Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic, à la page 146 (paragraphe 23).
14- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 135.
15- Ibid, p. 84, 87-88, 92.
16- Ibid, p. 86.
17- Ibid, p. 86-87, 93-94.
18- Ibid, p. 140.
19- Quelles que soient les craintes que puisse avoir le témoin s’il venait à être identifié comme ayant témoigné dans le cadre de l’espèce, il est difficile de comprendre comment l’Accusation, après avoir utilisé le compte-rendu d’audience comme pièce jointe lors de la confirmation de l’acte d’accusation, pourrait affirmer qu’il existait des circonstances exceptionnelles justifiant la non-divulgation de l’identité du témoin concerné.
20- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 140.
21- Précisions relatives à la «Requête aux fins de mesures de protection», 8 février 2000 («Précisions»), paragraphe 4 ; Compte-rendu d’audience en anglais, p. 83. Voir également Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic, à la page 214.
22- Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic, à la page 156 (paragraphe 38), citant Axen c/ République fédérale d’Allemagne, Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Série A, no 72 (voir au paragraphe 27).
23- Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic, aux pages 174 (paragraphe 65) et 201.
24- Ceci est lié aux dispositions de l’article 75 du Règlement, qui prévoient que soient ordonnées des mesures appropriées et non limitées dans le temps pour protéger la vie privée et la sécurité de témoins, à condition toutefois que lesdites mesures «ne portent pas atteinte aux droits de l’accusé». Aucune question relative à ce pouvoir particulier des juges et de la Chambre de première instance n’a été soulevée dans la présente Requête, qui a fait l’objet d’un examen dans la Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic, par la majorité, aux pages 168 à 174, 178 (paragraphes 53 à 66, 71), et par le Juge Stephen exprimant une opinion dissidente, aux pages 220, 224 à 234.
25- L’Accusation a proposé que ladite requête soit déposée ex parte (Compte-rendu d’audience en anglais, p. 86). Ce ne serait approprié que dans le cas où l’identité de certains témoins pourrait être identifiée : Le Procureur c/ Simic, Affaire no IT-95-9-PT, Décision relative 1) à la Requête de Stevan Todorovic aux fins de réexaminer la Décision du 27 juillet 1999, 2) à la Requête du CICR aux fins de réexaminer l’Ordonnance portant calendrier du 18 novembre 1999 et 3) aux conditions d’accès aux pièces, 28 février 2000, paragraphes 40 et 41. Que cette requête soit déposée ex parte ou inter partes, il serait néanmoins approprié qu’elle le soit à titre confidentiel.
26- Précisions, paragraphe 12 ; Compte-rendu d’audience en anglais, pages 78 et 79.
27- Précisions, paragraphe 8.
28- Le Procureur c/ Simic, Affaire no IT-95-9-R77, Jugement oral, 29 mars 2000, Compte-rendu d’audience en anglais, pages 904 et 905.
29- Le Procureur c/ Zlatko Aleksovski, Affaire no IT-95-14/I-T, Décision portant condamnation pour outrage au Tribunal, 11 décembre 1998.
30- Précisions, paragraphe 8.
31- Ibid, paragraphe 9.
32- Ibid, paragraphe 10.
33- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 90.
34- Celle-ci prévoit la tenue d’un registre par les conseils de la défense à qui l’Accusation aura communiqué des informations confidentielles, registre qui pourra être examiné par la Chambre de première instance en cas de «violation perçue» des ordonnances par les conseils de la défense ou tout autre membre de l’équipe de la défense. Voir chapitre 8.
35- Paragraphe 9 de la présente Décision.
36- Voir à la page 178 (paragraphe 72). Il est intéressant de noter que la source sur laquelle la majorité s’est fondée - arrêt rendu par la chambre d’appel de la Cour suprême de Victoria (Australie), dans l’affaire Jarvie c/ Magistrates’Court of Victoria ?1994g VR 84, lequel a été prononcé, au nom de la Cour, par M. le Juge Brooking – impliquait un témoin bien connu de l’accusé sous un pseudonyme et non sa véritable identité (il s’agissait d’un policier infiltré) : Première Décision sur les mesures de protection dans l’affaire Tadic, citée par le Juge Stephen, à la page 232.
37- Kostovski c/ Pays-Bas, Décision rendue le 20 novembre 1989 par la Cour européenne des droits de l’homme, Séries A, no 166, à la page 21 (paragraphe 44).
38- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 115.
39- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 123.
40- Compte-rendu d’audience en anglais, pages 126 à 128. Ce point de vue correspond davantage à la réponse écrite déposée pour le compte de Talic : Réponse du général Talic aux précisions complémentaires du Procureur relatives à sa Requête aux fins de mesures de protection, 10 février 2000, paragraphe 5.
41- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 81.
42- Ibid, p. 80.
43- Ibid, pages 83 et 84. En d’autres termes, il est peu probable que les actes eux-mêmes puissent véritablement être contestés, Le Procureur c/ Krnojelac, Affaire no IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 11 février 2000, paragraphe 18 A).
44- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 89.
45- Précisions, paragraphe 13.
46- Compte-rendu d’audience en anglais, p. 84.
47- Le Conseil de la défense pour Brdanin a cité Lord Owen, qui déclarait : «Jamais auparavant, au cours de mes trente années d’expérience dans les affaires publiques, je n’ai dû opérer dans un tel climat de déshonneur, de propagande et de dissimulation. Parmi les personnes à qui j’ai eu affaire en ex-Yougoslavie, nombreuses sont celles qui ignorent littéralement tout de la vérité.» (Balkan Odyssey, David Owen, 1996, Indigo Edition, p. 1).
48- Voir, par exemple, Le Procureur c/ Tadic, Affaire no IT-94-1-T, Décision relative à la Requête de l’Accusation sollicitant le retrait des mesures de protection en faveur du témoin L, 5 décembre 1996, paragraphe 4 ; Le Procureur c/ Tadic, Affaire no IT-94-1-A, Jugement, 15 juillet 1999, pages 26 à 28 (paragraphes 57 à 65).
49- Voir, par exemple, Le Procureur c/ Tadic, Affaire no IT-94-1-A-R77, Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin, 31 janvier 2000, paragraphes 46 et 136.
50- Le Procureur c/ Aleksovski, Affaire no IT-95-14/1-AR73, Arrêt relatif à l’appel du Procureur concernant l’admissibilité d’éléments de preuve, 16 février 1999, paragraphe 18.
51- S’agissant des témoins à décharge, l’attention du Conseil de la Défense est attirée sur les dispositions de l’article 29 du Statut du Tribunal.
52- Voir, par exemple, Le Procureur c/ Tadic, Affaire no IT-94-1-A-R77, Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin, 31 janvier 2000.
53- Requête, par. 13.
54- Compte rendu d’audience en anglais, p. 134.
55- Ibid, p. 120.
56- Ibid, p. 142.
57- Ibid, p. 131, 133 et 134.
58- Ibid., p. 97.
59- Autres précisions, par. 15.
60- Compte rendu d’audience en anglais, p. 94 et 95.
61- Autres précisions, par. 16.
62- Ibid, p. 133. Voir également le passage du compte rendu d’audience en anglais où l’Accusation fait référence à de tels documents (p. 99 et 100).
63- Loi en matière de délits sexuels (pièces protégées) de 1997, qui comprend des dispositions élaborées visant à empêcher la communication des pièces (à qui que ce soit, y compris l’accusé, même s’il n’est pas assisté) de façon à permettre à la personne de les garder à tout moment en sa possession ou d’en faire une copie : Autres précisions, par. 18.
64- Compte rendu d’audience en anglais, p. 97.
65- Ibid, p. 134.
66- Ibid, p. 134.
67- Réponse ?de Talicg à la Requête du Procureur, 31 janvier 2000, par. 3.
68- Compte rendu d’audience en anglais, p. 130.
69- Ibid, p. 130 à 132.
70- Une telle situation a été justifiée dans certains systèmes juridiques nationaux – par exemple, les camionneurs qui sont tenus de tenir un carnet de bord de leurs heures de travail et de repos.
71- Ordonnance portant calendrier, 27 janvier 2000, p. 3.
72- Lettre adressée au Juge de la mise en état par M. James Stewart, Chef de la Division des poursuites, 31 janvier 2000 («la lettre Stewart»). L’Accusation a ultérieurement été tenue de déposer la lettre : Modification de l’Ordonnance portant calendrier du 27 janvier 2000, 2 février 2000, p. 2
73- Modification de l’Ordonnance portant calendrier du 27 janvier 2000, 2 février 2000, p. 2.
74- Ordonnance portant calendrier, 29 février 2000, p. 4.
75- Conclusions relatives à la question du dépôt confidentiel présentées par le Greffier en application de l’article 33 B) du Règlement, 7 mars 2000 («les Conclusions du Greffier»).
76- La lettre de Stewart, par. a).
77- Ibid, par. b) ; compte rendu d’audience en anglais, p. 102.
78- Paragraphe 26 de la présente Décision.
79- La Chambre de première instance n’a pas ignoré le fait qu’une publicité peut être faite de ces documents déposés à titre public, bien que cela n’ait pas été le cas de ladite Requête même si elle a été rendue publique lorsque sa confidentialité a été levée. En tout état de cause, en ce qui concerne l’argument de la Chambre de première instance, peu importe comment les allégations figurant dans le document déposé sont portées à la connaissance des personnes qui ont déjà l’intention d’empêcher que des témoignages soient entendus contre ces deux accusés.
80- Le Procureur c/ Tadic, Affaire N° IT-94-1-A-R77, Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin, 31 janvier 2000, Arrêt de la Chambre d’appel.
81- Le Procureur c/ Simic, Affaire N° IT-95-9-R77, Arrêt relatif à la question des allégations d’outrage formulées à l’encontre d’un accusé et de son conseil, 30 juin 2000.
82- Voir également l’article 21.2. du Statut du Tribunal.
83- Compte rendu d’audience en anglais, p. 148.
84- Ibid, p. 104.
85- On retrouve un exemple de cette tendance dans l’affaire Le Procureur c/ Tadic, Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulée contre un précédent conseil, Milan Vujin, 31 janvier 2000, par. 11, où l’on peut voir que les parties choisissent de tenir les audiences à huis clos. Dans Le Procureur c/ Kunarac, Affaire n° IT-96-23-T, Ordonnance relative à la Requête de la Défense déposée en application de l’article 79 du Règlement, 22 mars 2000, la Défense a sollicité une audience à huis clos pour le témoignage de tous les témoins à charge qui avaient accusé le défendeur de viol. La demande a été rejetée.
86- IT/121, 1er mars 1997, adoptée par les Juges siégeant en session plénière le 25 juin 1996.
87- Conclusions du Greffier, par. 3.
88- Ibid, par. 4.
89- Ibid, par. 4.
90- Pour citer un exemple récent, le Greffier a pris la sage décision de déposer un document à titre confidentiel, alors qu’il n’avait pas été déclaré tel, parce qu’il citait des passages du compte rendu d’un témoignage entendu à huis clos : Le Procureur c/ Delalic, Affaire n° IT-96-21-A, Ordonnance relative au mémoire d’appel déposé au nom de Zejnil Delalic, 26 mai 2000.
91- Conclusions du Greffier, par. 5.
92- Ibid, par. 6.
93- Ibid, par. 4.
94- Ibid, p. 100.
95- Compte rendu d’audience en anglais, p. 99.