Affaire n° : IT-99-36-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel Agius, Président
Mme le Juge Ivana Janu
Mme le Juge Chikako Taya

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
27 juin 2003

LE PROCUREUR

c/

RADOSLAV BRDJANIN

_______________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA VINGT-ET-UNIÈME REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE MESURES DE PROTECTION EN FAVEUR DE VICTIMES ET DE TÉMOINS

_______________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Joanna Korner

Les conseils de l’Accusé :

M. John Ackerman
M. David Cunningham

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II (la « Chambre de première instance ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la Vingtième-et-unième requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection en faveur de victimes et de témoins (Prosecution’s Twenty-first Motion for Protective Measures for Victims and Witnesses), « la Requête », déposée le 18 juin 2003 à titre confidentiel par le Bureau du Procureur (« l’Accusation »), qui sollicite des mesures de protection en faveur d’un témoin, à savoir le témoin BT-95, qui déposera au procès et dont le nom est indiqué dans la Requête,

ATTENDU que les mesures de protection demandées sont l’octroi d’un pseudonyme et l’autorisation de déposer à huis clos,

ATTENDU que, dans la requête, l’Accusation fait entre autres valoir, pour justifier l’octroi des mesures de protection demandées, que le témoin, de nationalité serbe, vit avec sa famille en Republika Srpska, que son témoignage a un caractère incriminant et que la divulgation de son identité pourrait menacer sa sécurité,

VU les objections générales formulées pendant les audiences du 1er juillet 20021 et du 22 novembre 20022 par le conseil de Radoslav Brdjanin (l’« Accusé ») qui s’opposait à ce que des témoignages soient entendus à huis clos,

ATTENDU que le conseil de l’Accusé ne s’oppose pas à l’emploi de pseudonymes,

VU le « Supplément à la onzième requête [de l’Accusation] aux fins de mesures de protection pour des victimes et des témoins » (le « Supplément »), déposé à titre confidentiel par l’Accusation le 12 septembre 2002 et en rapport avec l’évaluation de la situation en matière de sécurité dans les municipalités visées par l’acte d’accusation,

ATTENDU que le risque couru par un Serbe témoignant contre un autre Serbe n’est pas envisagé dans le Supplément,

ATTENDU que la Chambre de première instance a, d’une part, l’obligation d’examiner les mesures de protection demandées et de déterminer leur compatibilité avec les droits de l’accusé et, d’autre part, celle de concilier le droit de l’accusé à une audience publique et la nécessité d’accorder une protection appropriée aux victimes et aux témoins,

ATTENDU que la sécurité d’un témoin de nationalité serbe qui dépose contre des personnes de la même origine ethnique que lui peut être sérieusement menacée s’il témoigne en audience publique,

ATTENDU que l’Accusation a démontré en l’espèce qu’il était nécessaire que le témoignage de BT-95 soit entendu à huis clos, la teneur de cette déposition pouvant permettre d’identifier le témoin et sa nature incriminante étant susceptible de menacer la sécurité du témoin ou de sa famille,

ATTENDU que les mesures de protection demandées concilient dûment les droits de l’Accusé et la protection des victimes et des témoins,

ATTENDU que les mesures pertinentes ordonnées au paragraphe 65 de la « Décision relative à la Requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection » rendue par la Chambre de première instance le 3 juillet 2000 ne sont pas limitées dans le temps et restent en vigueur tout au long de la procédure ou jusqu’à nouvel ordre,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 20, 21 et 22 du Statut du Tribunal et 75 et 79 du Règlement de procédure et de preuve,

ORDONNE CE QUI SUIT :

1. Le témoin dénommé BT-95 dans la Requête sera désigné par ce pseudonyme pendant toute la durée de sa déposition et chaque fois qu’il lui sera fait référence dans le cadre de la procédure, que ce soit en audience ou dans des documents, y compris dans les comptes rendus d’audience,

2. Le témoignage de BT-95 sera entendu à huis clos,

3. Toutes les audiences relatives aux mesures de protection de BT-95 se tiendront à huis clos ; les minutes et comptes rendus de ces audiences seront communiqués au public sous une forme expurgée, après examen par l’Accusation et en accord avec la Section d’aide aux victimes et aux témoins,

4. Les noms, adresses, coordonnées et tout autre élément d’identification de BT-95 seront placés sous scellés et n’apparaîtront dans aucun document public du Tribunal,

5. Les noms, adresses, coordonnées ou tout autre élément d’identification de BT-95 qui figurent déjà dans des documents du Tribunal accessibles au public en seront supprimés,

6. Le public et les médias s’abstiendront de photographier, filmer, dessiner ou de toute autre manière enregistrer ou reproduire des images montrant le témoin BT-95 lorsque celui-ci se trouve dans l’enceinte du Tribunal,

7. Le témoignage de BT-95 sera placé sous scellés et ne sera pas divulgué au public ni aux médias, sous quelque forme que ce soit.

 

Fait en français et en anglais, la version en anglais faisant foi.

Le 27 juin 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
____________
M. le Juge Carmel Agius

[Sceau du Tribunal]


1. Compte rendu d’audience (« CR »), p. 7692.
2. CR, p. 12003.