LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II
Composée comme suit :
M. le Juge Antonio Cassese, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge David Hunt
Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le :
5 octobre 1999
LE PROCUREUR
C/
Radoslav BRDANIN
_____________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE
AUX FINS DE REJETER LACTE DACCUSATION
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Le Bureau du Procureur :
Mme Joanna Korner
M. Michael Keegan
Mme Ann Sutherland
Le Conseil de la Défense :
M. John Ackerman
I. Introduction
1. Le prévenu (Radoslav Brdjanin) est accusé davoir commis un crime contre lhumanité à raison de persécutions pour des raisons politiques, raciales ou religieuses1.
2. Il est allégué dans lActe daccusation que :
i) En 1992, des actions ont été conduites dans certaines régions de Bosnie-Herzégovine, notamment dans la Région autonome de Krajina (RAK), qui ont eu pour conséquence la mort ou le départ forcé de la majorité des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie habitant cette région2.
ii) Ces actions ont été menées par des unités de police, des groupes paramilitaires, des unités de la Défense territoriale et des unités de lArmée populaire yougoslave3.
iii) Les Cellules de crise (plus tard rebaptisées « Présidences de guerre ») ont été créées aux échelons régional et municipal en tant quorganes chargés dexécuter la plupart de ces actions4.
iv) En mai 1992, la Cellule de crise de la RAK sest publiquement proclamée autorité régionale suprême et a annoncé que ses ordres et directives étaient impératifs5.
v) Les membres constituants de la Cellule de crise de la RAK ont agi de concert en planifiant, incitant à commettre, ordonnant, commettant ou de toute autre manière, en aidant et en encourageant lexécution de toute la gamme dopérations liées à la conduite des hostilités et à la destruction de communautés musulmane de Bosnie, croate de Bosnie et dautres communautés non-Serbes de la Région autonome de Krajina6.
vi) Laccusé était un membre de la Cellule de crise de la RAK avant den devenir le Président. À ce titre, il était chargé de la gestion des activités de la Cellule de crise, de lexécution et de la coordination des décisions et conclusions de ladite Cellule, de ses rapports dactivités ainsi que de la signature de ses ordres et décisions. Par ailleurs, il convoquait et présidait ses réunions et contrôlait son ordre du jour. En outre, il a joué un rôle important dans lorganisation de la campagne de propagande qui a constitué un élément déterminant du succès du plan de création dun État serbe7.
vii) En tant que Président de la Cellule de crise de la RAK, laccusé est individuellement responsable (au sens de larticle 7 1) du Statut du Tribunal)8 de la prise de pouvoir matérielle de la municipalité de la RAK, des attaques violentes dirigées contre des villages et des régions musulmans de Bosnie et croates de Bosnie, du déplacement forcé des personnes non-serbes hors de ces régions, du meurtre de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie ainsi que les mauvais traitements physiques infligés à ces populations, de la détention des personnes non-serbes dans des camps et autres lieux de détention et du transfert forcé ou la déportation de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie de la région de la RAK. Tous ces actes ont été commis dans le but dexpulser les populations musulmane de Bosnie, croate de Bosnie et les autres populations non-serbes de la Région autonome de Krajina en raison de leur identité politique, raciale et religieuse. Laccusé occupait la plus haute fonction exécutive de la RAK9.
viii) La Cellule de crise de la RAK avait également le pouvoir de donner des instructions au Centre régional de sécurité publique et au Procureur de la République afin quils examinent, arrêtent et poursuivent toute personne soupçonnée davoir commis des crimes sur le territoire de la RAK, dans les camps comme ailleurs, mais il na pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou pour en punir les auteurs10.
ix) En sa qualité de Président de la Cellule de crise de la RAK, laccusé occupait un poste de supérieur hiérarchique et était donc responsable (au sens de larticle 7 3) du Statut du Tribunal)11 des événements décrits au paragraphe vii)12.
3. Dix paragraphes dans lActe daccusation apportent des détails relatifs à lallégation selon laquelle laccusé aurait mis en place un «plan en trois parties»13:
1) créer des conditions de vie impossibles, notamment en exerçant des pressions et en semant la terreur, afin dencourager les non-Serbes à quitter la région ; 2) expulser et chasser ceux qui refusaient de partir ; et 3) liquider les non-Serbes restés dans la région et qui nadhéraient pas au concept de lÉtat serbe.
Lexécution de ce plan aurait compris14:
1) le déni des droits fondamentaux des Musulmans et Croates de Bosnie, y compris le droit au travail et à la liberté de déplacement,
2) la destruction arbitraire des régions et villages musulmans de Bosnie et croates de Bosnie, notamment dédifices consacrés à la religion et à la culture dans les régions attaquées,
3) le meurtre de Musulmans de Bosnie, de Croates de Bosnie et dautres personnes non-Serbes,
4) des atteintes graves à lintégrité physique ou mentale de Musulmans de Bosnie, de Croates de Bosnie et dautres personnes non-Serbes,
5) la détention de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie en les soumettant intentionnellement à des conditions dexistence devant entraîner la destruction physique dune partie de ces populations, et
6) le transfert forcé ou lexpulsion de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie hors des régions de Bosnie-Herzégovine proclamées territoire de la République serbe de Bosnie-Herzégovine.
4. Le Juge Rodrigues a examiné cet Acte daccusation et la confirmé le 14 mars 1999. Laccusé a été mis en détention le 6 juillet et transféré à La Haye où a eu lieu sa comparution initiale devant le Tribunal le 12 juillet. En raison du retard dans la désignation dun conseil, le délai de dépôt des exceptions préjudicielles prévu à larticle 72 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») a été prorogé jusquau 2 septembre15.
II. Requête
5. Le 31 août, laccusé a déposé une « Requête aux fins de rejeter lActe daccusation » (la « Requête ») au motif que les allégations qui y figure ne sont étayées par aucune des pièces jointes fournies par lAccusation au Juge Rodrigues en application de larticle 47 B) du Règlement - en particulier, quelles nétablissent pas que laccusé disposait dune quelconque autorité sur les affaires militaires dans la RAK, quil a participé au nettoyage ethnique ou quil a joué un rôle dans les camps de détention de la région, quil a ordonné (ou aurait pu ordonner) des déportations ou quil savait ou avait des raisons de savoir que lun quelconque de ces actes avait été commis. Il est également indiqué dans la Requête que les éléments justificatifs ne font pas état de la manière dont laccusé a voté lors des réunions de la Cellule de crise et ne précisent pas sil a voté pour ou contre les décisions de la Cellule de crise. La Requête affirme que les pièces jointes présentées par lAccusation prouvent en fait le contraire de ce qui est affirmé dans lacte daccusation, à savoir que les forces serbes et serbes de Bosnie étaient en réalité contrôlées par létat-major général de larmée de la Republika Srpska, par lintermédiaire du général commandant du 1er corps de Krajina, et que ces forces comprenaient les anciennes unités de la Défense territoriale, des forces paramilitaires et des forces de police engagées dans des opérations de combat.
6. Laccusé a fait valoir ce qui suit :
(1) la procédure de confirmation a trait à la compétence et tout vice de procédure annulerait celle-ci16, et
(2) le Tribunal nest compétent pour le juger sur tout chef exposé dans un acte daccusation que si les éléments justificatifs viennent étayer lexistence dudit chef17,
cest pourquoi il se fonde sur larticle 72 A) i) du Règlement. Laccusé na fait valoir ces arguments que dans sa réplique à la réponse de lAccusation à sa requête.
III. EXAMEN ET DÉCISIONS
7. La Chambre de première instance rejette les deux arguments de laccusé. Le premier peut être rapidement réfuté.
8. À supposer (sans trancher) que la Chambre de première instance est habilitée à déterminer si la procédure de confirmation dun acte daccusation, prescrite par le Statut du Tribunal et le Règlement, a bien été suivie, laccusé na produit aucun élément de preuve tendant à démontrer que la procédure na pas été respectée en lespèce. Il a seulement fait valoir que le Juge Rodrigues a conclu à tort que les éléments justificatifs établissaient des présomptions justifiant des poursuites à son encontre18 et que le Statut et le Règlement «nétaient pas respectés puisquun acte daccusation était confirmé alors même que les éléments justificatifs ne fournissaient pas de preuve à lappui»19. Toutefois même si lon acceptait à titre dargument que les éléments justificatifs nétablissaient pas des présomptions justifiant des poursuites, une erreur commise par le juge dans sa décision ne démontre pas quil na pas respecté la procédure. Le premier argument de laccusé confond la forme et le fond. Son véritable argument est le second.
9. Traditionnellement, cest lacte daccusation lui-même qui fonde une juridiction pénale à juger une personne et cest cet acte daccusation qui déclenche cette compétence en présentant comme faits matériels les éléments fondamentaux de sa compétence, à savoir sa compétence matérielle (ratione materiae), personnelle (ratione personae), territoriale (ratione loci) et temporelle (ratione temporis)20. Les éléments fondamentaux de la compétence du Tribunal sont énoncés aux articles premier à 8 de son Statut. Larticle 1er dispose ce qui suit :
Compétence du Tribunal international
Le Tribunal international est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991, conformément aux dispositions du présent statut.
Les articles 2 à 5 définissent les crimes particuliers que le Tribunal est habilité à juger. Larticle 6 donne compétence au Tribunal à légard des personnes physiques. Larticle 7 définit la responsabilité pénale individuelle précitée, laquelle comprend la responsabilité au titre de la complicité en général21. Larticle 8 définit les compétences territoriale et temporelle du Tribunal conformément à larticle premier.
10. On ne saurait avancer en lespèce, et personne la fait, que lacte daccusation ne présente pas suffisamment de faits matériels pour pouvoir déclencher la compétence qua le Tribunal de juger laccusé à raison des crimes qui lui sont reprochés. Si on avançait un tel argument sagissant du domaine traditionnel de compétence dune juridiction pénale, celle-ci examinerait les faits allégués dans lacte daccusation et non la question de savoir si lAccusation dispose déléments de preuves pour établir la véracité des faits allégués.
11. Laccusé fait toutefois valoir que le Statut du Tribunal et le Règlement imposent des conditions plus strictes que celles généralement requises pour déclencher la compétence dune juridiction pénale. Il convient dexaminer les dispositions invoquées à lappui de cet argument.
Larticle 18 4) du Statut dispose comme suit :
Sil décide quau vu des présomptions, il y a lieu dengager des poursuites, le Procureur établit un acte daccusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à laccusé en vertu du statut. Lacte daccusation est transmis à un juge de la Chambre de première instance.
Larticle 19 1) du Statut dispose comme suit :
Le juge de la Chambre de première instance saisi de lacte daccusation examine celui-ci. Sil estime que le Procureur a établi quau vu des présomptions, il y a lieu dengager des poursuites, il confirme lacte daccusation. À défaut, il le rejette.
Larticle 47 du Règlement, dans la mesure où il est pertinent, dispose comme suit :
[...]
B) Si lenquête permet au Procureur détablir quil existe des éléments de preuve suffisants pour soutenir raisonnablement quun suspect a commis une infraction relevant de la compétence du Tribunal, le Procureur établit et transmet au Greffier pour confirmation par un juge un acte daccusation auquel il joint tous les éléments justificatifs22.
[...]
D) Le Greffier transmet lacte daccusation et les pièces jointes au juge désigné, lequel informe le Procureur de la date fixée pour lexamen de lacte daccusation.
E) Le juge désigné examine chacun des chefs daccusation et tout élément que le Procureur présenterait à lappui de ces chefs daccusation, afin de décider, en application de la norme posée par larticle 19 1) du Statut, si un dossier peut être établi contre le suspect.
12. Il ressort clairement du Statut que seul lacte daccusation doit établir quau vu des présomptions il y a lieu dengager des poursuites. Le Statut est conforme à lidée traditionnelle selon laquelle cest lacte daccusation et lui seul qui fonde et qui déclenche la compétence dune juridiction pénale. Il ne fait pas référence aux éléments justificatifs qui sont mentionnés pour la première fois à larticle 47 du Règlement. Il peut être utile de souligner que les dispositions que les juges sont autorisés à adopter au titre de larticle 15 du Statut portent uniquement sur le fait de :
[...]
régir la phase préalable à laudience [...] et dautres questions appropriées23.
Le Règlement ne peut modifier les dispositions du Statut.
13. En garantissant quil existe des éléments à lappui des faits exposés dans lacte daccusation, larticle 47 E) du Règlement veille à ce que le juge de confirmation de lacte daccusation joue en quelque sorte le rôle de grand jury ou (« committing magistrate ») en common law, ou de juge dinstruction dans certains systèmes juridiques civilistes24. Cependant, au moment de décider si, au vu des présomptions, il y a lieu dengager des poursuites en application de larticle 19 1) du Statut, les éléments justificatifs ne sauraient être utilisés pour combler déventuelles lacunes dans lexposé des faits matériels dans lacte daccusation25. Cet article impose une obligation totalement différente au juge de confirmation.
14. Il se pourrait, comme le suggère laccusé26, quun des objectifs de la procédure de confirmation soit :
[...] de placer une autorité judiciaire entre le Procureur et un éventuel accusé de sorte
que les mises en accusation et les arrestations de personnes ne se fondent pas sur des allégations fantaisistes.
Mais sagissant de la compétence du Tribunal, cet objectif ne pose pas de conditions allant au delà de celles déjà imposées par le Statut. Larticle 19 2) du Statut indique clairement que si le Statut exige lexamen et la confirmation de lacte daccusation, cest pour justifier lémission dun mandat darrêt27. Il na pas pour objectif de limiter la compétence du Tribunal.
15. Encore une fois, même sil on admet en lespèce que les éléments justificatifs ne viennent pas étayer les présomptions figurant dans lacte daccusation, la compétence du Tribunal ne dépend toujours que de ce qui est invoqué dans ce dernier. Lexistence ou non de preuves à lappui des accusations formulées dans lacte daccusation est une question quil revient à la Chambre de première instance de trancher à la clôture du procès ou (si la question est soulevée) à la clôture de la présentation des moyens de preuve de lAccusation, à linstar des systèmes juridiques tant de common law que de droit écrit28.
16. Rien dans la jurisprudence du Tribunal ne porte directement sur ce point. La Chambre dappel ne traite pas de cette question dans lArrêt Tadic relatif à la compétence29. Un certain nombre de décisions de la Chambre dappel portent sur des recours interjetés dans le cadre daffaires jugées par le Tribunal du Rwanda pour lesquels elle a dû déterminer si une requête particulière contestait la compétence de ce Tribunal (la possibilité dinterjeter un appel dépendant de cette question), mais elles ne nous aident pas en loccurrence30.
17. Il existe cependant une décision dune Chambre de première instance de ce Tribunal dont on pourrait arguer quelle porte sur ce point. Dans laffaire Le Procureur c/ Djukic31, laccusé a demandé de toute urgence à la Chambre de première instance, après louverture supposée du procès, de rendre une ordonnance aux fins de sa mise en liberté en raison à la fois de «linsuffisance déléments justificatifs à lappui de lacte daccusation» et de la gravité de son état de santé. En guise de réponse et en raison du deuxième motif invoqué par laccusé, lAccusation a demandé lautorisation de retirer lacte daccusation. Laccusé sy est opposé en demandant que lacte daccusation soit retiré pour le premier motif invoqué. La Chambre de première instance a décidé quun acte daccusation ne pouvait pas faire lobjet dun retrait pour des raisons médicales, quelle que soit la gravité de létat de santé du prévenu. Après avoir estimé que la Chambre de première instance pouvait, malgré létat de santé de laccusé, assurer à ce dernier le procès équitable auquel il avait droit, elle a déclaré :
ATTENDU par ailleurs que ne saurait davantage être accueilli le retrait de lacte daccusation, tel que sollicité par la Défense [...] ; quune telle demande est en effet non pertinente à ce stade de la procédure ; que la question des éléments de preuve prétendus suffisants ou insuffisants ne pourrait être examinée quultérieurement, soit dans le cadre des exceptions préjudicielles, soit au cours de lexamen au fond ;
ATTENDU dès lors que le retrait de lacte daccusation ne peut être autorisé ;
[...].
En raison de son état de santé, laccusé sest néanmoins vu accorder le bénéfice dune mise en liberté provisoire.
18. Avec tout le respect dû, la décision de la Chambre de première instance semble confondre : (1) le fait de présenter suffisamment déléments justificatifs pour quil y ait confirmation (ce à quoi laccusé semble se référer) et le fait de présenter, pendant le procès, suffisamment déléments de preuve à lappui des accusations portées contre laccusé et (2) la requête dun accusé aux fins du retrait de lacte daccusation et sa demande aux fins du rejet de lacte daccusation au motif que les éléments de preuve sont insuffisants. Elle nest pas plus claire lorsquelle dit que «la question [...] pourrait être examinée [...] dans le cadre des exceptions préjudicielles» et elle ne précise pas comment cette question pourrait être «examinée» durant le procès proprement dit. La présente Chambre de première instance estime que cette décision ne lui est daucune aide en lespèce.
19. LAccusation se fonde sur une décision dune Chambre de première instance du Tribunal du Rwanda dans laquelle il a été conclu selon elle que larticle 72 du Règlement ne peut pas être invoqué pour contester la décision dun juge unique qui confirme un acte daccusation. Le Procureur c/ Nahimana32. La Chambre de première instance a déclaré ce qui suit33:
[...] la Chambre estime que ni larticle 47 ni les articles 72 et 73 du Règlement ne permettent de faire appel dune décision rendue par un juge siégeant seul pour confirmer un acte daccusation. Une exception fondée sur
la forme dun acte daccusation ne peut être utilisée comme moyen indirect pour obtenir le réexamen par une Chambre de première instance dune décision portant confirmation dun acte daccusation quen des circonstances exceptionnelles.
Comme aucune pièce produite en lespèce ne démontre lexistence dun vice de forme dans la procédure de confirmation en lespèce, il nest pas nécessaire de statuer sur la question de savoir si une Chambre de première instance peut connaître dune contestation relative à la forme de cette procédure. Bien que la Chambre de première instance approuve ce qui semble implicite dans la décision à savoir que linsuffisance des éléments justificatifs ne saurait autoriser à remettre en question la compétence du Tribunal elle préfère fonder sa décision sur le libellé du Statut et nadhère pas nécessairement au raisonnement de la Chambre de première instance dans laffaire Nahimana pour ce qui est de cette conclusion.
20. La Chambre de première instance est convaincue que linsuffisance déléments justificatifs nest pas pertinente pour ce qui est de la compétence du Tribunal. Cette remise en question de la compétence ne peut donc pas aboutir.
21. Le Règlement ne contient aucune disposition autorisant la Chambre de première instance à examiner la décision du juge de confirmation, que ce soit en appel ou autrement. En effet, le Règlement prend soin de séparer les fonctions du juge de confirmation et celles de la Chambre de première instance. Par exemple, larticle 15 C) dispose que :
Le juge dune Chambre de première instance qui examine un acte daccusation conformément à larticle 19 du Statut et aux articles 47 ou 61 du Règlement ne peut siéger à la Chambre appelée à juger ultérieurement laccusé.
Larticle 50 prévoit que, jusquà la présentation des éléments de preuve à la Chambre de première instance, seul le juge de confirmation ou un juge désigné par le Président peut autoriser la modification de lacte daccusation. Cest seulement après la présentation des éléments de preuve que cette tâche incombe à la Chambre de première instance.
22. Ceci ne signifie pas que les membres de la Chambre de première instance seraient automatiquement empêchés de siéger au procès de laccusé si, pour une quelconque raison, ils venaient à apprendre la teneur des éléments justificatifs présentés par lAccusation au juge de confirmation. Cette division des tâches vise à éviter toute contamination de la Chambre par la nature non contradictoire de la procédure de confirmation. Si la Chambre de première instance a fait droit à la demande dautorisation aux fins de modifier lacte daccusation, elle doit examiner les pièces justificatives aux fins de confirmer lacte daccusation modifié. Cet examen se fait alors en audience contradictoire et publique et en présence de laccusé, et la confirmation de lacte daccusation modifié ne peut intervenir quaprès audition des parties34. La possibilité dune contamination par la nature non contradictoire de la procédure de confirmation se trouve dès lors effectivement éliminée35.
23. Il nen reste pas moins que le Règlement nautorise aucunement la Chambre de première instance à examiner la décision du juge de confirmation déclarant quil est convaincu que lAccusation lui a fourni les éléments justificatifs nécessaires à lappui des faits matériels exposés dans lacte daccusation. Comme il est dit plus haut, la Chambre a pour fonction de déterminer si les éléments de preuve présentés pendant le procès suffisent à établir le bien-fondé des chefs daccusation exposés dans lacte daccusation.
IV. Dispositif
24. Par ces motifs, la Chambre de première instance rejette la Requête.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Fait le 5 octobre 1999
La Haye (Pays-Bas)
Le juge de la mise en état
(signé)
M. le Juge David Hunt
(à la demande du Président de la Chambre de première instance)
[Sceau du Tribunal]
9. Paragraphes 14, 16 et 35Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 5 du présent statut est individuellement responsable dudit crime.
12. Paragraphe 36Le fait que lun quelconque des actes visés aux articles 2 à 5 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale sil savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné sapprêtait à commettre cet acte ou lavait fait et que le supérieur na pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.
28. Article 98 bis du Règlement (Demande dacquittement) relatif aux cas où il est conclu que les moyens de preuve sont insuffisants.Sil confirme lacte daccusation, le juge saisi, sur réquisition du Procureur, décerne les ordonnances et mandats darrêt, de détention, damener ou de remise de personnes et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.