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1 (Jeudi 20 juillet 2000.)
2 (Audience publique. )
3 (Audience sur requêtes.)
4 (L'audience est ouverte à 11 heures.)
5 M. le Président (interprétation): Peut-on citer l'affaire?
6 Mme Lauer: Affaire IT-99-36 PT, le Procureur contre Radoslav Brdjanin et
7 Momir Talic.
8 M. le Président (interprétation): Je demande aux parties de se présenter.
9 Mme Korner (interprétation): Joana Korner pour l'accusation avec Anna
10 Ritchevrova et Adèle Erasmus, assistante d'audience.
11 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Conseil de M. Brdjanin?
12 M. Ackerman (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, je suis John
13 Ackerman et je défends M. Brdjanin.
14 M. le Président (interprétation): Merci. Pour Monsieur Talic? Votre micro
15 ne fonctionne pas, Maître.
16 M. De Roux: Je m'appelle M. De Roux et je défends M. Talic.
17 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur De Roux.
18 M. Pitron: Nous intervenons pour le Général Talic et nous sommes
19 accompagnés de Mme Natacha Fauveau.
20 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Pitron.
21 La première question dont nous devons traiter est la requête présentée par
22 M. Brdjanin aux fins de mise en liberté provisoire. Si les dépositions se
23 limitaient à la déclaration faite par M. Brdjanin, l'accusation a indiqué
24 qu'elle ne souhaitait pas contre-interroger votre client mais vous
25 souhaitez le faire comparaître?
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1 M. Ackerman (interprétation): Une ordonnance de la Chambre a stipulé que
2 sa présence était nécessaire.
3 M. le Président (interprétation): Non, j'ai dit très clairement qu'il
4 pouvait venir s'il le souhaitait et que s'il venait, il subirait un
5 contre-interrogatoire, sinon il pourrait donner sa déclaration en dehors
6 du prétoire.
7 M. Ackerman (interprétation): J'ai mal compris, Monsieur le Président, je
8 vous prie de m'excuser.
9 M. le Président (interprétation): Je vais vous lire le texte de façon à ce
10 qu’il n'y ait aucun doute. Je cite: "par ordonnance d'une déposition d'une
11 déclaration supplémentaire…
12 Comment prononcez-vous le nom?
13 M. Ackerman (interprétation): Milan Trbojevic, Monsieur le Président.
14 M. le Président (interprétation): "Milan Trbojevic n’est donc pas dans
15 l'obligation de participer à l'audience mais s'il participe à l'audience,
16 il est susceptible d'être contre-interrogé sur tout élément de preuve
17 donné ayant trait à des points qui sortent du contexte de la déclaration
18 de témoin." Fin de citation.
19 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, il est présent donc
20 j'aimerais le faire comparaître aussi brièvement que possible.
21 M. le Président (interprétation): Eh bien faites-le.
22 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas où il se trouve exactement en
23 ce moment. On m'a dit qu'il était dans le bâtiment et je suppose que c'est
24 exact.
25 M. le Président (interprétation): Nous appelons Milan Trbojevic.
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1 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
2 M. le Président (interprétation): Je vous prie, Monsieur, de prononcer la
3 déclaration solennelle.
4 Témoin (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la vérité,
5 toute la vérité et rien que la vérité.
6 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir, Monsieur.
7 Maître Ackerman, vous avez la parole.
8 M. Ackerman (interprétation): Puis-je procéder, Monsieur le Président?
9 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
10 (Le témoin Milan Trbojevic est interrogé par Me Ackerman.)
11 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur.
12 Témoin (interprétation): Bonjour.
13 M. Ackerman (interprétation): Pouvez-vous dire à cette Chambre quelle est
14 votre identité?
15 Témoin (interprétation): Je m'appelle Milan Trbojevic. Je suis diplômé de
16 droit, je suis avocat à Sarajevo. J'ai été Juge pendant de nombreuses
17 années et ces dernières années jusqu'à la fin du mois de mars 2000,
18 j'étais Ministre de la justice du Gouvernement de la Republika Srpska.
19 Aujourd'hui je suis conseiller auprès du Gouvernement de la Republika
20 Srpska.
21 Question: Où résidez-vous?
22 Réponse: A Banja Luka dans la Republika Srpska.
23 Question: Connaissez-vous mon client, M. Radoslav Brdjanin?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Depuis combien de temps le connaissez vous?
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1 Réponse: Nous nous sommes rencontrés, je crois, en 1991 à Sarajevo lors
2 d'une séance de l'Assemblée nationale de Bosnie-Herzégovine avant la
3 guerre, en tant que membre de cette assemblée. Depuis, nous nous sommes
4 rencontrés plus ou moins fréquemment et plus tard nous avons même
5 travaillé ensemble dans une relation de travail étroite en tant que
6 Ministre du Gouvernement de la Republika Srpska. Nous étions tous les deux
7 députés de l’assemblée de la Republika Srpska et nous l'avons été jusqu'à
8 l'été 1994, date après laquelle quatre d'entre nous, tous députés, ont été
9 tous démis de leurs fonctions au sein de cette assemblée.
10 Puis en tant qu'habitants de Banja Luka, nous nous sommes rencontrés en
11 janvier 1996, c'est-à-dire peu après les accords de Dayton, M. Brdjanin et
12 moi-même avons créé un parti politique. Nous souhaitions faire partie de
13 la nouvelle évolution démocratique au sein de la Republika Srpska. Nous
14 avons appelé ce parti, le parti populaire de la Republika Srpska.
15 En ce qui me concerne, j'ai cessé de travailler au sein de ce parti à la
16 fin de 1997 ou au début de 1998, je ne me souviens plus exactement. Après
17 cette date, nous nous sommes encore rencontrés de temps en temps dans le
18 cadre de notre activité professionnelle.
19 Question: Peut-on décrire votre relation avec M. Brdjanin comme une
20 relation un peu plus étroite qu'une simple connaissance? Pouvons-nous dire
21 que vous le connaissiez assez bien et que vous avez même noué avec lui une
22 certaine forme d'amitié?
23 Réponse: Cela fait 10 ans que nous nous connaissons et je crois le
24 connaître assez bien.
25 Question: Sur la base de ce que vous venez de dire, j'aimerais vous poser
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1 brièvement quelques questions.
2 Compte tenu du fait que vous connaissez M. Brdjanin assez bien, pouvez-
3 vous dire à cette Chambre si, à votre avis, il serait susceptible de
4 harceler, d'intimider ou d'agir de quelque autre façon négative à l'égard
5 de personnes qui pourraient être témoins de l'accusation dans la présente
6 affaire et, ce, de manière directe ou indirecte.
7 Croyez-vous que cela soit possible?
8 Réponse: Je suis absolument convaincu que cela n'est pas possible. Je
9 connais M. Brdjanin comme étant un homme de parole. C'est un homme qui,
10 lorsqu'il prend un engagement, remplit cet engagement ou bien lorsqu'il
11 déclare qu'il va faire quelque chose, il respecte la position qu'il a
12 prise verbalement et, ce, de façon tout à fait exceptionnelle. Sur ce
13 point, je peux dire véritablement et; en toute sécurité, que je suis
14 persuadé qu'il ne le ferait pas.
15 Question: En vous fondant encore une fois sur le fait que vous connaissez
16 bien M. Brdjanin et sur la relation que vous avez eue avec lui, pensez-
17 vous qu'il viendrait ici à La Haye chaque fois que le Tribunal serait
18 susceptible de le lui demander?
19 Réponse: Me fondant sur ce que je viens de dire, je répète que
20 j'en suis tout à fait certain. J'ai eu la possibilité de parler avec lui
21 avant que le Gouvernement de la Republika Srpska ne donne sa garantie
22 quant à l'obligation dans laquelle il est de se présenter au Tribunal. Il
23 m'a assuré de la façon la plus certaine qu'il soit, qu'il n'y avait aucun
24 doute quant au fait qu'il allait respecter cette obligation vis-à-vis du
25 Tribunal.
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1 Question: A cet égard, lorsque vous avez discuté avec lui de cette
2 garantie fournie par le Gouvernement au Tribunal, lui avez-vous expliqué,
3 d'une façon ou d'une autre, qu'il importait qu'il comprenne bien que si le
4 Gouvernement avait fourni une telle garantie, lui était absolument dans
5 l'obligation de la mettre à exécution, de la respecter.
6 Réponse: Nous avons discuté dans le plus grand détail de la teneur de
7 cette garantie, des conditions qu'elle prévoit et de la nécessité dans
8 laquelle il se trouve de la respecter.
9 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, Maître Ackerman mais je
10 n'ai pas bien compris avec qui le témoin a discuté. Avec votre client?
11 M. Ackerman (interprétation): Je vais demander au témoin de le préciser.
12 Monsieur Trbojevic, j'ai cru comprendre, et dites-moi si je me suis
13 trompé, que chaque fois qu'un détenu demande une garantie à un
14 Gouvernement que vous représentez, un représentant de ce Gouvernement a
15 rencontré le détenu en question pour parler de ce point avec lui.
16 Et lors de cette rencontre il a expliqué au détenu que le Gouvernement
17 avait absolument l'intention de respecter les diverses conditions
18 stipulées dans la garantie. Ce que je viens de dire est-il exact?
19 Réponse: C'est exactement ainsi que les choses se sont passées. Hormis
20 les questions dont l'officier de liaison a discuté avec tous les détenus,
21 et y compris avec M. Brdjanin, j'ai eu la possibilité de discuter avec
22 lui, de la visite du Premier Ministre du Gouvernement de la Republika
23 Srpska au Tribunal, il y a à peu près un mois, lorsque nous avons rendu
24 visite au détenu et avons rencontré entre autres M. Brdjanin. C'est
25 exactement dans ce sens que nous avons parlé avec lui.
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1 Question:Je souhaite vous poser encore une question relative à une
2 question dont nous avons déjà parlé; après quoi je reviendrai sur la
3 question de la garantie. Compte tenu de la connaissance que vous avez de
4 M. Brdjanin et de la relation que vous avez nouée avec lui, pensez-vous
5 qu'il se présenterait devant la police de Banja Luka ou d'autres autorités
6 de Banja Luka chaque fois que le Tribunal l'exigerait de lui?
7 Réponse: Je pense qu'il le ferait sans aucune réserve.
8 Question: Vous venez de nous parler du fait que le Gouvernement de la
9 Republika Srpska a fourni une garantie. Je suppose qu'en votre qualité de
10 Ministre de la justice, vous avez eu un certain rôle à jouer dans
11 l'établissement de la politique gouvernementale eu égard à de telles
12 garanties. Est-ce exact?
13 Réponse: Pendant que j'étais Ministre, j'ai joué un rôle significatif à
14 cet égard, en effet.
15 Question: Je crois comprendre que la politique gouvernementale, eu égard à
16 des garanties de cette nature, consiste à les considérer non seulement
17 comme des documents déposés auprès du Tribunal, mais également comme un
18 accord conclu entre le Gouvernement et le détenu quant au fait que ces
19 garanties seront strictement et absolument respectées. Et qu'il n'y a donc
20 pas de doute que ces garanties constituent un accord conclu également
21 entre le Gouvernement et les détennus. Ce que je viens de dire est-il
22 exact?
23 Réponse: Oui, c'est bien le point de vue du Gouvernement, je l'affirme
24 avec certitude.
25 M. Ackerman (interprétation): Merci Monsieur, je n'ai plus de question.
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1 (Le témoin, M. Milan Trbojevic, est contre-interrogé par Mme Korner)
2 Mme Korner (interprétation): M. Trbojevic, savez-vous quelles sont les
3 charges qui pèsent sur M. Brdjanin?
4 M. Trbojevic (interprétation): J'ai eu la possibilité de prendre
5 connaissance du premier acte d'accusation.
6 Question: Vous vous rendez donc bien compte que M. Brdjanin, entre autres
7 crimes, est accusé de génocide?
8 Réponse: J'ai lu tout ce que contenait l'acte d'accusation.
9 Question: Vous nous dites n'avoir aucun doute quant au fait qu'il
10 respectera les conditions que ce Tribunal est susceptible de lui imposer?
11 Réponse: Oui
12 Question: S'il ne se présentait pas au poste de police, comment
13 l'apprendriez-vous?
14 Réponse: Je suis toujours quelqu'un qui travaille au sein du Gouvernement
15 de la Republika Srpska et je réside non loin du poste de police et encore
16 plus près de l'endroit où travaille le Ministre chargé de la police ainsi
17 que le Premier Ministre.
18 Question: Mais que feriez-vous dans ces conditions?
19 Réponse: Je pourrais demander au Ministre chargé de la police d'accomplir
20 sa partie de travail.
21 Question: Vous proposez-vous de résider avec M. Brdjanin?
22 Réponse: Je ne comprends pas comment nous pourrions vivre ensemble.
23 Question: Je parle d'habiter dans sa maison?
24 Réponse: J'ai ma propre famille.
25 Question: Donc la réponse est non.
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1 Réponse: Je ne vois pas comment je pourrais faire partie de 2 familles.
2 Question: S'il souhaitait quitter le pays, vous ne pourriez l'apprendre
3 que si le chef de la police vous le faisait savoir?
4 Réponse: Oui.
5 Question: S'il tentait de prendre contact avec un témoin vous ne
6 l'apprendriez que si le témoin en question se plaignait auprès de la
7 police et que la police vous en informait?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Merci.
10 M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires du côté de
11 la défense? Maître Ackerman?
12 M. Ackerman (interprétation): Non, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Vous pouvez maintenant
14 vous retirer.
15 M. Trbojevic(interprétation): Merci bien.
16 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
17 M. le Président (interprétation): Est-ce tout de votre côté, Maître
18 Ackerman?
19 M. Ackerman (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): D'autres éléments de preuve du côté de
21 l'accusation?
22 Mme Korner (interprétation): Non.
23 Monsieur le Président (interprétation): Maître Ackerman, votre requête à
24 présent?
25 M. Ackerman (interprétation): J'avais certains points à soumettre à la
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1 Chambre de première instance et je l'ai fait dans le document écrit que
2 j'ai déposé.
3 Vous avez sous les yeux le témoignage de M. Trbojevic. Vous avez également
4 sous les yeux la déclaration de Mme Brdjanin que l'accusation a acceptée
5 sans demander à procéder à un contre-interrogatoire. En disant cela, je ne
6 dis pas que l'accusation est d'accord avec le contenu de cette déclaration
7 mais qu'elle l'a accepté sans demander un contre-interrogatoire.
8 Vous avez sous les yeux la garantie personnelle émanant de M. Brdjanin et
9 vous avez également sous les yeux la garantie fournie par la Republika
10 Srpska dont nous venons d'entendre parler dans la déposition du témoin.
11 Je pense que cette garantie est très révélatrice et qu’elle montre bien
12 que M. Brdjanin a compris la position du Gouvernement de la Republika
13 Srpska eu égard à cette garantie. A savoir, qu'il ne s'agit pas uniquement
14 d'un texte déposé auprès du Tribunal, mais également d'un accord conclu
15 avec le détenu, relatif au fait que si le détenu souhaite que le
16 Gouvernement lui fournisse une telle garantie; il est tenu de comprendre
17 que cette garantie doit être respectée de la façon la plus stricte.
18 Je n'ai en fait que 2 questions à évoquer en rapport avec l'article 65 du
19 Règlement, deux points qu'il convient d'établir, à savoir: premièrement
20 que le témoin, s'il est libéré, comparaîtra au procès et deuxièmement
21 qu'il ne créera aucun danger pour un témoin, une victime ou tout autre
22 personne.
23 A cet égard, permettez-moi de dire ce qui suit: lorsque les juges en
24 réunion plénière ont décidé d'amender l'article 65 du Règlement, en
25 supprimant l'exigence pour le détenu d'établir un certain nombre de
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1 circonstances, afin de bénéficier d'une libération provisoire, l'attitude
2 des Juges à l'égard du concept même de libération provisoire a été très
3 spectaculairement modifiée à mon avis. Et ce que nous avons fait dans
4 notre présentation a consisté à présenter des éléments de preuve montrant
5 que M. Brdjanin comparaîtra à son procès et ne créera aucun danger pour
6 une quelconque victime, un quelconque témoin ou une quelconque autre
7 personne.
8 Le Procureur répond pour l'essentiel en disant: "Oui, mais il est accusé
9 de génocide et de crimes contre l'humanité» paraphrasant une ordonnance de
10 cette Chambre rendue récemment. Au moment où la réunion plénière des juges
11 a décidé d'amender l'article 65 du Règlement en supprimant le libellé
12 "circonstances exceptionnelles", la Chambre était pleinement consciente du
13 fait que cet article s'appliquait à tous les détenus présentés devant ce
14 Tribunal, y compris à ceux qui étaient accusés de génocide et de crimes
15 contre l'humanité.
16 La réunion plénière des juges n'a pas cherché à exclure ces crimes des
17 dispositions ou des crimes susceptibles de bénéficier d'une libération
18 provisoire. Comme la Chambre l’a déjà déclaré dans un autre contexte, des
19 circonstances importantes ne peuvent pas être considérées comme
20 circonstances exceptionnelles. Les circonstances, qui prévalent au moment
21 de la modification de l'article 65 par la réunion plénière des Juges,
22 signifiaient que certains détenus étaient accusés de génocide et de crimes
23 contre l'humanité.
24 Il me semble donc que les circonstances exceptionnelles sur lesquelles
25 s'appuie le Procureur pour rejeter la possibilité d'une libération
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1 provisoire ne s'appliquent pas en l'espèce. Deuxièmement, le Procureur
2 affirme également dans l'une des réponses qu'il a soumises que ma position
3 à l'égard de la nature même de la modification de l'article 65 est
4 grandement erronée et que les Juges en réunion plénière n'avaient pas
5 l'intention de supprimer la notion de "circonstances exceptionnelles"
6 lorsqu'ils ont supprimé ce libellé. A savoir qu'ils pensaient toujours
7 qu'il fallait des circonstances inhabituelles pour que la liberté
8 provisoire soit accordée.
9 Lorsque les Juges, en réunion plénière, ont fait un effort pour que le
10 Règlement de ce Tribunal soit plus conforme à d'autres textes
11 internationaux relatifs à l'élargissement de personne en attente de
12 procès, le Procureur affirme donc que c'était l’attitude des Juges.
13 La Chambre d'appel dans son arrêt dans l'affaire Simic, par rapport à la
14 requête aux fins de liberté provisoire a dit que le …, a décrit les
15 efforts accomplis par le Procureur...
16 M. le Président (interprétation): Je crois que l'argument, assez étonnant,
17 présenté par la Chambre à ce moment-là a été abandonné par la suite.
18 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais en tout état de cause, je pense
19 qu'il est tout à fait clair que les Juges, en réunion plénière, se sont
20 efforcés d'établir une plus grande cohérence entre le Règlement du
21 Tribunal et les autres textes internationaux régissant la liberté
22 provisoire.
23 Il me semble qu’en ce moment avec le nouvel article du Règlement, le
24 Tribunal se trouve confronté à une situation dans laquelle une nouvelle
25 charge pèse sur le Procureur, à savoir, prouver qu'il existe des
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1 circonstances exceptionnelles dans une affaire précise qui permettent
2 d'aller à l'encontre de l'octroi d'une liberté provisoire. Et cela, à mon
3 avis, n'est pas identique à des circonstances importantes ou prévalantes.
4 Je pense que le Procureur n'a pas réussi à faire la preuve de ces
5 situations très urgentes et donc je demande qu'il soit fait droit à la
6 demande de liberté provisoire. J'en ai terminé, Monsieur le Président.
7 M. le Président (interprétation): Merci. Madame Korner?
8 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je traiterai d'abord
9 du dernier point évoqué par M. Ackerman, à savoir la charge nouvelle qui
10 pèserait sur le Procureur pour démontrer que des circonstances
11 exceptionnelles existent justifiant la poursuite de la détention de
12 l'accusé.
13 Sur ce point nous ne sommes pas d'accord avec Me Ackerman. Si l'on examine
14 l'article 65 du Règlement, nous y lisons toujours la liberté provisoire,
15 une fois placé en détention, un accusé ne peut pas être mis en liberté…,
16 ne peut être mis en liberté que sur ordonnance d'une chambre de première.
17 Nous affirmons que l'accusé a toujours pour devoir de démontrer pourquoi
18 la Chambre devrait ordonner une liberté provisoire.
19 Nous admettons bien sûr que le libellé, l'expression «circonstances
20 exceptionnelles» ne figure plus dans cet article du Règlement, mais nous
21 disons que la Chambre de première instance doit toujours être persuadée
22 par l'accusé qu'il comparaîtra bien au procès et qu'il ne créera aucun
23 danger à une victime, un témoin ou une autre personne en cas de liberté
24 provisoire.
25 Monsieur le Président, bien sûr nous avons parlé du génocide parce que
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1 c'est un crime grave que ce Tribunal juge. Par conséquent, cela crée un
2 risque en raison de la sentence qui peut être prononcée en cas de
3 condamnation. Un risque grave que l'accusé, en cas de libération
4 provisoire, décide que ce risque est trop grand et qu'il ne souhaite pas
5 comparaître au procès. La requête présentée pour l'accusé Radoslav
6 Brdjanin, requête aux fins de liberté provisoire, lui permettrait de
7 retourner à Banja Luka sur le territoire de la Republika Srpska.
8 Ce Tribunal n'a aucun contrôle sur quelque région que ce soit de la
9 Bosnie. Mais nous affirmons qu'il a un contrôle encore moins important ou
10 une influence encore moins importante sur le territoire de la Republika
11 Srpska. Ce Tribunal ne possède aucune force de police qui lui permettrait
12 de faire respecter les conditions régissant la liberté provisoire ou
13 d'obtenir l'arrestation d'un homme si ces conditions étaient enfreintes.
14 Avec le grand respect que je dois à cette Chambre, j'affirme que la
15 Republika Srpska, en dépit de nombreuses affirmations orales et écrites,
16 n'a pas coopéré avec ce Tribunal jusqu'à présent, eu égard à l'arrestation
17 ou à la mise en détention de personnes mises en accusation par le
18 Tribunal.
19 Nous sommes au regret de dire que la garantie fournie par la Republika
20 Srpska quant au fait que si M. Brdjanin enfreignait les conditions régies
21 sans sa liberté provisoire, il serait arrêté, j'ai le regret de dire que
22 cette affirmation doit être prise avec la plus grande prudence compte tenu
23 des événements récents.
24 Il y a un autre fait à évoquer, à savoir, le danger qui pourrait être créé
25 pour une victime à témoin ou une autre personne. Monsieur le Président, la
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1 Chambre a ordonné que le Procureur rende publique l'identité des témoins
2 qui…, dont l'identité a déjà été divulguée à la défense, ainsi que celle
3 d'autres témoins à l'avenir, si nous souhaitons divulguer cette identité,
4 à moins que des raisons valables permettent de se soustraire à cette
5 obligation.
6 Le secteur de Banja Luka est celui où, pour partie en tout cas, les crimes
7 retenus contre l'accusé, ont été commis. L'identité de témoins potentiels
8 va être divulguée et ces témoins résidant dans ce secteur. Monsieur
9 Brdjanin souhaite être élargi pour se rendre dans cette région et dans ce
10 cas il serait libre, quoi que disent les gens qui le connaissent, de
11 prendre les mesures qu'il souhaite par rapport à ces témoins. Les noms,
12 les identités qui lui seront communiqués, il les connaîtra. Nous disons
13 que c'est sur M. Brdjanin que repose la charge de démontrer qu'il serait
14 sans danger et opportun de le remettre en liberté. Et nous disons que ce
15 qui vous a été dit aujourd'hui, Monsieur le Président, Madame et Messieurs
16 les Juges, ne permet pas de supprimer le risque de le voir se soustraire à
17 son procès, ne pas comparaître à son procès ou ne pas intervenir auprès
18 des témoins.
19 C'est donc un risque réel et nous demandons aux Juges de cette Chambre de
20 rejeter la requête.
21 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, avez-vous une réponse?
22 M. Ackerman (interprétation): Très brièvement, Monsieur le Président. Il
23 est très révélateur, lorsqu’on lit l'Article 65A du Règlement, de voir que
24 le Procureur affirme ne supporter aucune charge et dire que toute la
25 charge repose sur la défense. L'Article 65A se lit comme suit: "L'accusé
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1 ne peut être mis en liberté que sur ordonnance d’une Chambre de première
2 instance." Fin de citation.
3 Cela signifie que le Procureur ou le Greffe peuvent ordonner, peuvent
4 obtenir sa libération seulement si la Chambre le décrète.
5 M. le Président (interprétation): Oui effectivement, mais si vous lisez le
6 point B, je cite: "La Chambre de première instance doit avoir la certitude
7 que l’accusé comparaîtra et s'il est libéré ne mettra pas en danger une
8 victime, un témoin ou tout autre personne." Fin de citation.
9 La charge repose sur vous.
10 M. Ackerman (interprétation): Oui, je pense que nous avons supporté de
11 façon opportune cette charge. Mais la démonstration de l'existence de
12 circonstances exceptionnelles, à mon avis, est une charge qui repose sur
13 le Procureur. C’est de cette façon que j’interprète le texte. Je demeure
14 convaincu que le Procureur n'a pas réussi à faire cette preuve. Le
15 Procureur s'est contenté de vous dire que l'accusé était accusé de
16 génocide, il vous a dit qu'il existait un risque d'évasion et un risque
17 d'intervention auprès des témoins, mais ce n’est qu’une déclaration
18 subjective sur ce point. Rien n'existe qui prouve que l'accusé pourrait se
19 livrer à l'une ou l'autre de ces activités, rien ne permet de parvenir à
20 cette conclusion.
21 S'agissant du risque d’évasion, comme vous le savez sur la base des
22 documents qui vous ont été soumis, M. Brdjanin a une femme et 2 filles qui
23 habitent à Banja Luka. Il a été placé en détention ici, sa famille lui a
24 fréquemment rendu visite, il est très proche de sa famille. Monsieur
25 Brdjanin ne souhaiterait pas, en cas de libération provisoire, se placer
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1 dans une situation où cette relation avec sa famille serait interrompue et
2 sa famille ne le soutiendrait sûrement pas dans une telle tentative, s'il
3 souhaitait par exemple se cacher dans les montagnes ou ailleurs. Je pense
4 donc qu'il n'y a aucune chance, ou en tout cas une chance infime, si M.
5 Brdjanin retourne à Banja Luka pour continuer à y vivre qu'il réside
6 ailleurs que dans l'appartement qu'il habite depuis plusieurs années,
7 appartement fourni par le Gouvernement. Sa femme a un métier à Banja Luka
8 et j'exclue la possibilité que M. Brdjanin retourne travailler à Banja
9 Luka pour soutenir sa famille. Il n'a aucune raison d’y habiter à moins
10 que le Tribunal ne le lui impose.
11 M. le Président (interprétation): Merci. La Chambre de première instance
12 va réserver sa décision.
13 (L'audience est levée à 11 heures 34.)
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