Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 4 février 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, pouvez-vous

6 annoncer l'affaire?

7 Mme Chen (interprétation): Affaire IT-99-36-T, le Procureur contre

8 Radoslav Brdanin et Momir Talic.

9 M. le Président (interprétation): Bonjour à tous. Nous allons commencer

10 par les présentations habituelles.

11 Mais avant cela, les accusés. Monsieur Brdanin, y a-t-il quelque chose qui

12 ne va pas?

13 M. Brdanin (interprétation): Non. Tout va bien, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas entendu l'interprétation.

15 Est-ce que tout va bien, Monsieur?

16 M. Brdanin (interprétation): Oui, bonjour, Monsieur le Président. Tout va

17 bien.

18 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous m'entendez dans une

19 langue que vous comprenez?

20 M. Brdanin (interprétation): Oui, je vous entends et je vous comprends.

21 Merci.

22 M. le Président (interprétation): Très bien.

23 Général Talic, est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous

24 comprenez?

25 M. Talic (interprétation): Oui, je vous entends dans une langue que je

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1 comprends et je peux vous suivre.

2 M. le Président (interprétation): Merci, Général Talic.

3 Pouvons-nous avoir les présentations? L'accusation?

4 M. Cayley (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je me

5 présente: M. Cayley; je représente l'accusation. Je voudrais vous

6 présenter M. Nikola Koumjian qui s'occupera du prochain témoin et notre

7 assistante est Mme Karper.

8 M. le Président (interprétation): Merci. Et pour la défense?

9 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Maître

10 Ackerman, avec Milka Maglov et Tania

11 Radisavljevic.

12 M. le Président (interprétation): Pourrions-nous avoir les présentations

13 pour le général Talic?

14 M. de Roux (interprétation): Xavier de Roux, avocat, assisté de Natasha

15 Fauveau et de Fabien Masson.

16 M. le Président (interprétation): Maître de Roux, la semaine dernière,

17 comme vous le savez déjà certainement, nous n'avons pas eu le plaisir de

18 pouvoir compter sur votre présence, ni sur votre coconseil, M. Pitron. Il

19 est regrettable que cette Chambre n'ait pas reçu d'explication pour cette

20 absence. Or nous nous y serions attendus: c'était une question de

21 courtoisie. Par ailleurs, je crois que nous sommes tous d'accord ici pour

22 dire que vous nous devez une explication; la même chose vaut pour Me

23 Pitron.

24 Mais ce qui nous préoccupe davantage, c'est que, lorsque nous avons

25 demandé à votre client quel était son point de vue, s'il consentait au

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1 fait de ne pas être représenté par son conseil principal et son coconseil

2 qui n'étaient pas présents dans le prétoire, il a informé la Chambre que

3 lui non plus n'avait pas été mis au courant de la raison de votre absence.

4 Cette Chambre ne doute pas que vous deviez avoir une raison très valable

5 pour ne pas être dans le prétoire, mais vous avez un certain nombre de

6 responsabilités dans le cadre de votre représentation. Et j'espère que

7 vous aurez une explication à fournir à la Chambre.

8 M. de Roux (interprétation): Monsieur le Président, je vais demander à la

9 Cour de m'excuser de cet incident, mais je voudrais rappeler que,

10 premièrement, il se trouve que personnellement, j'étais retenu à Paris

11 pour un certain nombre d'examens médicaux, de santé qui devront d'ailleurs

12 se reproduire. Et Me Pitron était retenu à la Cour d'Aix-en-Provence pour

13 plaider un procès très important en France, qui est l'affaire d'une

14 raffinerie qui a explosé; elle était fixée depuis très longtemps et il ne

15 pouvait évidemment pas se dérober à cela.

16 Mais ce que je voudrais dire, c'est que la défense n'était pas absente

17 puisque Me Natasha Fauveau était au banc de la défense. Maître Natasha

18 Fauveau, d'abord, connaissait parfaitement la situation, connaît très bien

19 le dossier; je dirais que c'est elle qui le connaît avec le plus

20 d'intimité parce que, d'abord, elle y travaille à plein temps depuis

21 maintenant plus de deux ans et qu'ensuite, elle perçoit ce dossier non pas

22 simplement dans les traductions, mais dans la langue, dans sa langue

23 originelle puisqu'elle parle parfaitement –puisque c'est sa langue natale-

24 le serbo-croate et qu'elle connaît donc ce dossier dans, disons, dans

25 toutes ses nuances.

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1 Je pense que la défense était donc présente, et présente de façon efficace

2 au côté du général Talic lors des audiences de la semaine dernière, et je

3 ne crois pas que la défense ait failli.

4 Je vous rappelle, Monsieur le Président, que j'ai d'abord été désigné par

5 le général Talic, que j'ai défendu en cette qualité jusqu'au mois de

6 juillet dernier, où un certain nombre d'accords ont été rompus, où j'ai

7 été commis d'office par le Tribunal. Je suis donc commis d'office. Je

8 compte assurer la défense du général Talic le mieux possible, à

9 l'intérieur d'ailleurs du budget qui m'est attribué par le Tribunal, et je

10 pense très sincèrement que la défense n'a pas failli à la défense du

11 général Talic.

12 M. le Président (interprétation): Maître de Roux, les capacités et le

13 savoir-faire de votre collègue Me Fauveau n'est pas en cause. Par contre,

14 ce qui pose problème, c'est sa fonction en tant que conseil officiel du

15 général Talic; elle ne figure pas sur cette liste, en effet.

16 Vous êtes conseil principal, tel que commis d'office par cette Chambre; Me

17 Pitron est votre coconseil. Voilà quelle est la situation. Le général

18 Talic peut, à n'importe quel moment, élever des contestations devant la

19 Chambre et affirmer qu'il n'est pas représenté par les conseils qui lui

20 ont été commis d'office, indépendamment des capacités de votre collègue Me

21 Fauveau à le défendre. Cela n'a jamais été remis en cause. On l'a indiqué

22 très clairement au général Talic la semaine dernière et cette Chambre a

23 félicité Me Fauveau pour tous les efforts qu'elle a déployés pour défendre

24 votre client. Elle s'en est tirée avec énormément de savoir-faire, mais

25 cette Chambre souhaite vous rappeler les responsabilités qui vous ont été

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1 confiées par cette Chambre. Et cette Chambre doit s'assurer du fait que le

2 général Talic soit défendu comme cela a été prévu.

3 Je crois que cela va certainement clore le débat sur ce point: j'aurais

4 aimé vous demander, à l'avenir, quelles que soient les raisons que vous

5 puissiez invoquer -je ne doute pas que vous ayez eu des raisons liées à

6 des questions médicales la semaine dernière-, mais quelles que soient les

7 raisons, je vous demanderai d'en informer la Chambre brièvement par le

8 biais d'une note à l'intention du Greffe. Cela aurait été apprécié comme

9 marque de courtoisie; je croyais avoir insisté là-dessus dès le premier

10 jour de ce procès.

11 Merci. Vous pouvez vous asseoir.

12 Bien. Avant que nous n'entendions le premier témoin, avez-vous des

13 questions d'intendance que vous aimeriez soulever?

14 M. Cayley (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

15 Pour ce qui est de l'ensemble de documents que l'on a appelé "la

16 collection de Banja Luka", c'est-à-dire les quatre premiers classeurs dont

17 vous disposez, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, conformément à

18 ce qui a été rappelé la semaine dernière, Me Ackerman mon confrère de la

19 défense ainsi que Me Fauveau ont fourni à l'accusation une liste de

20 documents qui font l'objet d'objections.

21 M. Mazhar Inayat, l'officier de police qui a déposé la semaine dernière

22 sur l'origine des documents, de l'ensemble des documents relatifs au Dr

23 Donia, attend pour pouvoir déposer en rapport avec ces documents. Mais

24 j'aurai une suggestion à faire à l'intention de Me Fauveau et de Me

25 Ackerman. Peut-être serait-il plus efficace de procéder de la façon

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1 suivante: peut-être que la conférence de mise en état de mercredi pourrait

2 se pencher là-dessus. Car ce qui pose problème réellement, c’est

3 uniquement de savoir si ces documents sont recevables -c'est la première

4 question- en appliquant le critère que vous avez évoqué la semaine

5 dernière. Essentiellement, l'accusation doit identifier l'origine des

6 documents. Nous pourrons demander à M. Inayat de le faire, pour 70 ou 80

7 documents, mais cela risque de nous prendre une bonne partie de la

8 matinée.

9 Peut-être pourrions-nous donc nous en occuper mercredi au moment de la

10 conférence de mise en état, avec M. Von Heble. Il pourra faire rapport sur

11 l'origine de ces documents pour que vous puissiez vous faire une idée.

12 Soit nous pouvons simplement vous fournir la liste des documents qui font

13 l'objet d'une objection de la part de la défense. Vous pourrez voir dans

14 la colonne explicative d'où viennent les documents. Après quoi, vous

15 pourrez vous prononcer pour voir si l'origine justifie la recevabilité de

16 ces documents, ce qui n’affecte nullement les objections qui ont été

17 émises par Me Fauveau ou Me Ackerman. C’est uniquement une question de

18 savoir s'il faut admettre ces documents immédiatement ou non.

19 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, quelle est votre

20 réaction quant aux suggestions que nous venons d'entendre? Comment

21 souhaitez-vous procéder?

22 M. Ackerman (interprétation): Je crois que nous pourrions peut-être

23 procéder d'une autre façon qui faciliterait encore plus les choses. Je ne

24 sais pas si les Juges ont une liste de ces documents de Banja Luka avec

25 l'identification de la source de ces documents?

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1 M. le Président (interprétation): Oui, je l'ai.

2 M. Ackerman (interprétation): Ce qui était le seul but de la déposition de

3 M. Inayat de la semaine dernière, à savoir nous donner la source.

4 Maintenant, nous l'avons sur les documents, sur ce document. Alors, je

5 crois que nous ne devons pas entendre M. Inayat; il ne doit pas passer des

6 heures ici, à nous dire quelle est la source de ces documents. Cela ira

7 plus vite.

8 Nous avons émis des objections quant à l'authenticité d'un nombre

9 relativement limité de documents, si l'on prend le nombre total des

10 documents. Il s'agit de documents qui ne portent pas de sceau, de tampon

11 et de signature. Parfois, d'autres raisons ont motivé notre objection:

12 parfois, c'est la source de certains documents qui nous préoccupe; même si

13 une source a été identifiée, nous ne sommes pas convaincus que cette

14 source soit fiable. Il s'agit notamment de documents qui proviennent de

15 sources qui ont des intérêts, qui étaient des adversaires de notre client;

16 peut-être que ces sources ne sont pas entièrement fiables. C'est ce qui

17 nous préoccupe. Je crois que maintenant que vous disposez, par écrit, de

18 tous les renseignements que M. Inayat vous aurait fourni s'il avait

19 déposé.

20 Je crois que tout ce qu'il reste à faire, c'est que vous examiniez les

21 documents qui, selon nous, ne devraient pas être admis en raison de leur

22 manque d'authenticité, et vous prononcer, comme vous l'avez fait la

23 semaine dernière, sur ces documents. C'est-à-dire décider si vous

24 admettrez de vous pencher sur ces documents, malgré les problèmes

25 d'authenticité. Cela nous épargnerait à la fois d'entendre M. Inayat et

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1 d'en parler au moment de la conférence de mise en état.

2 M. le Président (interprétation): Je crois que nous devrions tout de même

3 pouvoir compter sur la présence de M. Inayat pour qu'il puisse nous

4 confirmer l'exactitude et le caractère complet de ces documents. Je crois

5 que nous insisterons tout de même là-dessus pour avoir l'esprit plus

6 tranquille.

7 Si c'est un document qui, prétendument, doit nous fournir des

8 renseignements sur la source éventuellement et la fiabilité et

9 l'authenticité des documents, au moins M. Inayat devrait confirmer que ce

10 document est bien exact et bien exhaustif.

11 Je crois que vous n'aurez pas d'objection, Monsieur Cayley?

12 M. Cayley (interprétation): Non, Monsieur le Président. La façon dont je

13 vois les choses, sur la base des pratiques que nous avons adoptées dans le

14 passé pour ce qui est de la recevabilité des documents, les Juges doivent

15 entendre, de la part de l'accusation, d'où proviennent ces documents.

16 Quant à la question de l'authenticité, de la valeur probante, il s'agit là

17 d'une question que vous examinerez par la suite.

18 M. le Président (interprétation): Oui, mais avant de donner la parole à Me

19 de Roux, à présent, je crois que la semaine dernière, nous avons dit

20 clairement quel était notre point de vue. Et j'ai procédé à cet exercice à

21 dessein, pour vous montrer quels seraient les différents scénarios. Une

22 fois que nous optons pour une possibilité, cela n'empêche pas d'avoir

23 d'autres possibilités présentes à l'esprit. Je crois que cela nous a

24 permis de gagner du temps et de procéder de façon concrète.

25 Mais quoi qu'il en soit, le résultat, c'est qu'à présent, nous avons

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1 adopté un système où nous avons une liste des documents, avec une

2 description de la source, qui a déjà poussé la défense de M. Brdanin à

3 réagir et à indiquer quels sont les documents qui font l'objet

4 d'objection.

5 Je demanderai à présent à Me de Roux de nous dire quelle est la réaction

6 de la défense du général Talic. S'il va plus ou moins dans la même

7 direction, nous pourrons procéder de la façon suivante: pour les documents

8 qui ne sont pas contestés, M. Inayat pourra nous confirmer en bloc d'où

9 viennent tous ces documents, au moment où il aura prononcé sa déclaration

10 solennelle. Nous ne lui demanderons pas de prendre chacun de ces documents

11 séparément, contrairement à ce qu'il a fait la semaine dernière. Il nous

12 confirmera ce qu'il en est de ces documents en bloc.

13 Pour ce qui est des autres documents, nous lui demanderons également de

14 confirmer ce qui figure dans le document de base, avec bien sûr le droit

15 pour la défense de poser toute question qu'elle juge nécessaire à M.

16 Inayat -pour un document donné, pour la source d'un document donné-, des

17 questions qui visent uniquement à voir si, sur une base prima facie, les

18 indices de fiabilité sont suffisants et peuvent permettre à la Chambre

19 d'aller de l'avant.

20 Sur cette base, je crois que je demanderai à présent à Me de Roux de

21 donner son point de vue.

22 M. de Roux: Monsieur le Président, je suis tout à fait en accord avec ce

23 qu'a dit mon confrère M. Ackerman. Je crois que, et je suis d'ailleurs

24 parfaitement le raisonnement de la Cour, il y a deux problèmes de

25 documents.

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1 Il y a d'abord des documents qui ne sont pas signés, qui ne sont pas

2 authentifiés par le général Talic, qui peuvent porter éventuellement son

3 nom tapé à la machine mais où sa signature n'apparaît pas. Et puis, il y a

4 des documents dont la source peut, a priori pour la défense, apparaître

5 suspecte. Ce sont les documents qui ont été fournis après par les

6 autorités de Sarajevo.

7 Nous savons parfaitement comment, dans un conflit de cette nature,

8 l'information, la désinformation a pu circuler. Et donc les documents qui

9 proviennent d'une source adverse sont évidemment pour nous des documents

10 peu fiables.

11 En ce qui concerne les blocs de documents pour lesquels il n'y a pas de

12 discussion, je suis parfaitement le raisonnement de la Cour et je ne vois

13 aucun inconvénient à ce que nous les admettions en bloc.

14 M. le Président (interprétation): Oui, mais le problème est que, pour que

15 cet exercice ait un sens et pour que nous puissions avancer sans heurt et

16 rapidement, l'accusation, et encore davantage la Chambre, aurait besoin de

17 vous deux -je crois que Me Ackerman l'a déjà fait-, aurait besoin d'une

18 indication très claire des documents qui font l'objet d'une contestation.

19 Si vous laissez les choses ouvertes, comme vous l'avez fait la semaine

20 dernière, et si vous dites que tous les documents qui ne portent pas la

21 signature de mon client ou qui sont prétendument ceci ou cela, en fin de

22 compte, la semaine dernière ce qui s'est passé, c'est qu'un certain nombre

23 de ces documents -qui a priori avaient été exclus par vous-même comme

24 étant authentiques et fiables-, eh bien, au cours de l'audience, vous avez

25 retiré votre objection.

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1 Alors j'aimerais vous proposer la chose suivante: cette question sera

2 évoquée lors de la conférence de mise en état de mercredi. Si vous en êtes

3 d'accord, voilà ma suggestion. Et je m'inspire là de la suggestion qui a

4 été faite par M. Cayley.

5 Je crois que je m'en tiendrai là pour l'instant et je demanderai aux

6 conseils de la défense s'ils peuvent accepter cette façon de procéder.

7 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, pouvez-vous me

8 permettre de vous interrompre. Les conseils de la défense du général Talic

9 nous ont transmis ces indications, ils m'ont en effet transmis cela.

10 M. le Président (interprétation): Je vous prie de m'excuser alors. Je

11 n'étais pas au courant. Je retire que ce que j'ai dit et je crois que, sur

12 cette base, nous pouvons avancer.

13 Est-ce que la conférence de mise en état de mercredi nous permettrait de

14 traiter de cette question de la façon la plus appropriée, entre vous, avec

15 le conseil principal?

16 M. Ackerman (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Très bien, mais

17 j'aimerais faire deux remarques.

18 La Chambre devrait savoir que le conseil du général Talic et moi-même

19 avons examiné ces documents ensemble pour que nous ayons des indications

20 communes à transmettre à la Chambre.

21 Deuxième remarque. Oui, nous pouvons nous occuper de cette question

22 mercredi à la conférence de mise en état, mais les Juges ont dit qu'ils

23 souhaitaient entendre M. Inayat de toute façon et j'aurais aimé demander

24 quand vous souhaitez le faire, comment nous pourrions le faire?

25 M. le Président (interprétation): Je voudrais vous poser une question très

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1 simple. Nous allons parcourir cette liste, nous aussi, et nous allons nous

2 concentrer plus particulièrement sur les documents qui ont fait l'objet

3 d'une objection. Je crois que nous ne devrions pas consacrer trop de temps

4 aux autres documents s'ils n'ont pas fait l'objet d'une objection, car ils

5 nous occuperont par la suite, le moment venu.

6 Je crois que nous nous pencherons de façon très attentive sur ce document,

7 sur une base prima facie; nous examinerons le fond de vos objections.

8 Quand je dis "vos objections", j'englobe également la défense du général

9 Talic. Nous prendrons connaissance des indications relatives à ces

10 documents qui se dégagent de cette liste et de la liste de M. Inayat.

11 Si nous estimons que nous devons poser des questions à M. Inayat, nous le

12 ferons; si ce n'est pas le cas, nous nous en tiendrons là. Si cela s'avère

13 nécessaire, nous demanderons à M. Inayat de déposer et de nous confirmer

14 cette liste en bloc.

15 Et bien entendu, la défense aura le droit de contre-interroger M. Inayat

16 sur tous les documents où elle l'estime nécessaire. C'est un droit, on ne

17 vous le retirera pas. Vous avez la garantie que M. Inayat pourra témoigner

18 devant la Chambre et offrir un certain nombre de garanties.

19 Pour ce qui est des Juges, nous poserons très peu de questions, mais vous

20 aurez toujours le droit de contre-interroger M. Inayat sur l'un quelconque

21 des documents qui font l'objet d'une contestation.

22 M. de Roux: Très bien Monsieur le Président. Je crois que c'est en effet

23 une façon de faire et la défense du général Talic est d'accord.

24 M. le Président (interprétation): J'imagine que vous n'avez pas

25 d'objection non plus, Monsieur Cayley?

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1 M. Cayley (interprétation): Non, Monsieur le Président. C'est parfait. Je

2 me demande si nous devons évoquer cette question à la conférence de mise

3 en état, car M. Inayat devra déposer pour les raisons que vous avez

4 évoquées; je crois que nous pourrons peut-être le faire dans la suite de

5 la semaine. Car pour ce qui est du prochain témoin, si j'ai bien compris,

6 il ne fera pas référence à des documents se trouvant dans cette collection

7 de documents.

8 M. le Président (interprétation): Et c'est précisément la question que

9 j'allais vous poser ce matin, après avoir demandé d'évoquer toute question

10 préliminaire.

11 Ce week-end, j'ai lu toutes les déclarations préalables de ce témoin que

12 j'avais à ma disposition et, pour ce qui est des déclarations les plus

13 récentes, les déclarations qui font référence aux entretiens du mois

14 d'août, qui ont lieu entre le 26 et le 29 août, mais également dans les

15 déclarations précédentes, je constate qu'il est fait référence de façon

16 continue à un certain nombre de documents de référence. Ils portent une

17 cote ERN; enfin, ils ont un numéro de référence. Or, pour les Juges, étant

18 donné que ces documents se trouvaient au Tribunal et non pas en nos

19 résidences privées, il a été difficile de s'y retrouver.

20 Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur cette question? Peut-être

21 pourriez-vous nous dire de quels documents il s'agit: s'il s'agit de

22 documents qui ont déjà été admis comme éléments de preuve sur la base de

23 la décision de la semaine dernière, ou s'il s'agit de documents présentés

24 au témoin en tant que pièces et qui devront ensuite être versés au dossier

25 de l'audience?

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1 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, je vais donner la

2 parole pour vous répondre à M. Koumjian, car c'est son domaine de

3 spécialité. Mais je crois savoir qu'il y a certains documents qui seront

4 versés au dossier par le biais du témoin.

5 Enfin, je vais donner la parole à M. Koumjian, si cela ne vous ennuie pas.

6 M. le Président (interprétation): Je suppose qu'avant de donner la parole

7 à votre collègue, ces documents ont été communiqués à la défense, n'est-ce

8 pas?

9 M. Cayley (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Quand?

11 M. Cayley (interprétation): Je le découvrirai. Je vous donnerai la date si

12 vous le souhaitez. Mais en tout cas, ils ont été communiqués en même temps

13 que les déclarations de témoins. Mais je vous donnerai la date dès que je

14 l'aurai retrouvée.

15 M. le Président (interprétation): Bien. Vous avez la parole, Monsieur

16 Koumjian. Branchez le micro, s'il vous plaît.

17 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

18 Les documents que j'avais l'intention d'utiliser au cours de

19 l'interrogatoire principal constituent un nombre assez limité de documents

20 dont il est fait référence dans les déclarations de témoins.

21 Je crois que la plupart de ces documents ont été obtenus directement de M.

22 Krzic, le témoin, ou sont des documents au sujet desquels il va témoigner

23 en disant qu'il les a lus ou qu'ils lui ont été faxés, en tout cas qu'il

24 les a reçus. Certains d'entre eux ont été faxés, en effet, à l'ambassade

25 bosniaque à Washington ou à la mission bosniaque des Nations Unies à New

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1 York.

2 Il y a également d'autres documents, quelques-uns. Je vous sur la liste

3 que j'ai sous les yeux qu'ils devaient être utilisés, pour deux ou trois

4 d'entre eux, au cours de l'interrogatoire principal, et je peux vous

5 donner les numéros de communication. Je les ai pour ces documents: il

6 s'agit du n°41237 et 42139; ce sont des documents qui faisaient partie du

7 recueil de Banja Luka. Je crois que ce sont des rapports de sécurité, des

8 services de sécurité.

9 Un autre document est un article de presse, qui a été communiqué sous le

10 numéro 525.

11 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, sont-ce des documents –

12 et je m'adresse à Me de Roux également- qui sont en votre possession et

13 que vous pouvez retrouver facilement?

14 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'ai fait pas mal

15 d'efforts pour découvrir, pour retrouver ces documents. Et le problème,

16 c'est la liste qui nous a été donnée par le Procureur, qui ne comporte que

17 le numéro ERN.

18 M. le Président (interprétation): Oui, c'est ce que je pensais également.

19 M. Ackerman (interprétation): Aucun de ces documents ne figure sur la

20 liste.

21 M. le Président (interprétation): C'est le problème auquel je dois faire

22 face également.

23 M. Ackerman (interprétation): Donc le document communiqué serait plus

24 facile à retrouver.

25 M. de Roux: (hors micro)… la défense du général Talic doit faire face.

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1 M. le Président (interprétation): La question suivante que j'aimerais

2 discuter avec l'accusation, c'est que, dans la déclaration préalable de ce

3 témoin, dans les déclarations préalables de ce témoin, et notamment dans

4 les plus récentes d'entre elles, on trouve mention de l'ouvrage dont il

5 est l'auteur. Au fil de ses déclarations, il fait donc référence à

6 plusieurs passages de son livre en les mentionnant par leur numéro de page

7 ou encore en commençant par certaines expressions, certaines citations.

8 Les Juges de la Chambre ne sont pas en possession de ce livre.

9 Je ne sais pas très bien comment vous réagissez à cela, vous-mêmes?

10 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, l'accusation a fait

11 traduire une partie de ce livre.

12 M. le Président (interprétation): Mais le livre est écrit en quelle

13 langue?

14 M. Koumjian (interprétation): En serbo-croate. Et la traduction est donc

15 faite en anglais: 81 à 82 pages de cet ouvrage ont été traduites et, si

16 vous le souhaitez, Monsieur le Président, nous pouvons en faire remettre

17 des exemplaires aux Juges de la Chambre.

18 M. le Président (interprétation): La défense a-t-elle reçu une copie de la

19 traduction de ce livre?

20 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Dans le cadre de

21 la communication 7.99, ce document a été communiqué à la défense. Quant

22 aux autres documents, ils ont également des numéros.

23 M. le Président (interprétation): Maître de Roux?

24 M. De Roux: Monsieur le Président, vous avez précédé ma remarque. En

25 effet, curieusement, le témoin fait référence à ses propres ouvrages et

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1 documente son témoignage en faisant référence à un livre qu'il a écrit,

2 dont nous n'avons pas la totalité. Alors, c'est en effet quelque chose

3 d'étrange et nous souhaiterions que le livre, dans sa totalité, soit versé

4 au débat, parce que ce livre repose-t-il lui-même sur d'autres éléments

5 documentés? Lesquels? Je crois qu'on ne peut pas quand même avoir utilisé

6 ce système de preuves indirectes. C'est pour cela que le témoignage, ce

7 témoignage, s'il s'appuie sur ce livre, nécessite que l'on en prenne

8 connaissance.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian?

10 M. Koumjian (interprétation): Le livre a été publié; je n'ai pas un

11 exemplaire complet de ce livre en ma possession non plus et je ne sais pas

12 si on le trouve en librairie en ce moment. Mais nous pourrions avoir une

13 photocopie en BCS. C'est la première fois que la défense demande un livre

14 entier. Et manifestement, la traduction du livre entier ne sera pas chose

15 possible. Mais nous pourrions communiquer l'intégralité de l'ouvrage à la

16 défense.

17 M. le Président (interprétation): La défense ne vous demande pas de

18 traduction.

19 Vous avez bien confirmé que vous avez fait traduire les parties de

20 l'ouvrage auquel le témoin fera référence, n'est-ce pas?

21 D'ailleurs, la semaine dernière, nous avons entendu un témoin qui a parlé

22 d'un livre dû à la plume de deux historiens, en tout cas deux experts des

23 événements survenus sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Ce témoin a été

24 interrogé sur des passages bien précis de cet ouvrage et la question s'est

25 posée, à ce moment-là, de savoir si cet ouvrage devais être mis à la

Page 1396

1 disposition des Juges. En fait, au cours des questions supplémentaires de

2 l'accusation, d'autres extraits de l'ouvrage, en fait, pratiquement un

3 chapitre entier a été photocopié. Les questions supplémentaires portant

4 donc sur d'autres passages de l'ouvrage.

5 Donc, Maître Koumjian, cela vous explique, je suppose, la raison pour

6 laquelle j'évoque la question ce matin et la raison pour laquelle je pense

7 qu'il est peut-être important pour la défense de pouvoir parcourir le

8 reste de l'ouvrage, comme M. Cayley l'a fait d'ailleurs, s'agissant de cet

9 autre livre, de celui dont j'ai parlé, que nous avons utilisé au cours de

10 la déposition du professeur Donia la semaine dernière.

11 Enfin, nous n'allons pas en faire un problème. Mais, s'il est possible

12 d'obtenir pendant la journée d'aujourd'hui des photocopies de cet ouvrage,

13 ce serait une bonne chose. Les Juges n'ont pas besoin de copies en BCS,

14 puisque aucun des Juges ne comprend cette langue.

15 En tout cas, la copie en question devrait être versée au dossier de la

16 présente affaire. Il s'agit d'une copie qui doit être fournie par le

17 Procureur.

18 S'agissant de l'utilité de cela, pour les Juges, elle sera très limitée à

19 moins que nous puissions disposer de quelqu'un pour nous traduire les

20 passages que nous souhaiterions lire au fur et à mesure, ce qui, je

21 suppose, ne sera guère possible.

22 Mais je pense donc que nous en sommes arrivés à la fin du débat sur cette

23 question et que nous pouvons passer à autre chose.

24 Monsieur Cayley, votre témoin n'a demandé aucune mesure de protection,

25 n'est-ce pas?

Page 1397

1 M. Koumjian (interprétation): C'est exact, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Nous pouvons à présent demander à M.

3 l'huissier de bien vouloir faire entrer dans le prétoire M. Muharem Krzic.

4 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je crains fort que

5 votre micro ne soit pas allumé, que nous n'entendions pas vos propos. En

6 tout cas, je vous entends, mais sans avoir compris grand chose.

7 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, on va à présent vous

9 demander de prononcer la déclaration solennelle. C'est le représentant du

10 Greffe qui va vous demander cela.

11 M. Krzic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous rasseoir.

14 M. Krzic (interprétation): Merci.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, avant le début des

16 questions qui vont, dans quelques instants, vous être posées, j'aimerais

17 vous fournir des renseignements de base.

18 Vous avez face à vous les trois Juges qui composent cette Chambre de

19 Première Instance, à votre droite les membres de l'accusation. Parmi eux,

20 la personne la plus proche de vous, physiquement, sera le représentant du

21 Bureau du Procureur qui vous posera des questions dans le cadre de

22 l'interrogatoire principal. A votre gauche, vous voyez deux rangées de

23 bureaux: la première rangée est occupée par l'équipe de défense de M.

24 Brdanin et, à l'arrière, les membres de l'équipe de défense du général

25 Talic.

Page 1398

1 M. Ackerman (interprétation): Je vous demanderai, Monsieur le Président,

2 Mesdames les Juges, de ne pas identifier les accusés, car cela peut être

3 une question dans le cadre de l'interrogatoire.

4 M. le Président (interprétation): Tout à fait. Tout à fait.

5 Monsieur le Témoin, vous avez en outre, devant vous, au premier plan, les

6 représentants du Greffe et vous entendrez maintenant des questions qui

7 vous seront d'abord posées par le Procureur;, après quoi, elles vous

8 seront posées, dans le cadre du contre interrogatoire, par la défense.

9 J'imagine que ces interrogatoire et contre-interrogatoires vont durer

10 quelques jours; donc si, à quelque moment que ce soit, vous ressentez une

11 quelconque lassitude, n'hésitez pas à demander une pause au Président de

12 cette Chambre.

13 Vous avez la parole, Monsieur Koumjian.

14 (Interrogatoire principal du témoin, M. Muharem Krzic, par M. Koumjian.)

15 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, j'aimerais vous rappeler une

16 chose dont nous avons déjà parlé, bien sûr, mais je vous rappelle

17 néanmoins que vous comprenez la langue que je parle, donc que vous

18 comprendrez très bien les questions que je vous poserai. Je vous

19 demanderai toutefois de bien vouloir attendre, après avoir entendu la

20 traduction de toute la question, de ménager une pause de quelques secondes

21 avant de répondre à cette question dans votre propre langue.

22 M. Krzic (interprétation): Bien sûr.

23 Question: Dans la période couverte par l'Acte d'accusation, qui va du 1er

24 avril au 31 décembre 1992, je vous demande, Monsieur, où vous habitiez?

25 Réponse: J'habitais à Banja Luka, dans le quartier de Hiceta, c'est-à-dire

Page 1399

1 le quartier qui se trouve dans la direction de Jajce quand on part du

2 centre-ville; en fait, c'est à deux kilomètre, deux kilomètre et demi du

3 centre-ville. Cela vous va?

4 M. Koumjian (interprétation): Oui, très bien, merci. Monsieur, pendant la

5 période en question, étiez-vous président du parti politique SDA de Banja

6 Luka?

7 M. Krzic (interprétation): Oui.

8 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, excusez-moi?

9 M. le Président (interprétation): Oui, un instant, Monsieur Koumjian.

10 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, M. Koumjian n'était

11 sans doute pas là lorsque vous avez discuté des questions directives.

12 M. le Président (interprétation): Oui, c'est un risque évidemment. La

13 question aurait pu être posée de la façon suivante: aviez-vous des

14 activités politiques? En quelle qualité? La réponse aurait été la même.

15 Donc j'admets très bien cette question.

16 M. Ackerman (interprétation): Je comprends, mais je souligne simplement

17 que M. Koumjian n'était pas là lorsque vous avez parlé de la question des

18 questions directives.

19 M. le Président (interprétation): Oui, mais je crois comprendre, à

20 l'entendre, qu'il vient d'un système judiciaire qui connaît très bien la

21 nature des questions directives et la meilleure façon de les éviter. En

22 tout cas, la question qui vient d'être posée doit être admise.

23 M. Koumjian (interprétation): J'ai lu, Monsieur le Président, le compte

24 rendu d'audience et j'ai compris que vous aviez pris un certain nombre de

25 décisions pour accélérer le procès, donc que vous feriez des exceptions.

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1 M. le Président (interprétation): Très bien, merci.

2 M. Koumjian (interprétation): Donc dans la période en question, Monsieur

3 le Témoin, avez-vous oeuvré à la promotion d'une vision particulière de

4 l'avenir politique de votre pays, à savoir la Bosnie-Herzégovine?

5 M. Krzic (interprétation): Oui, j'ai été l'un des fondateurs du Parti

6 d'action démocratique, à Banja Luka, son premier secrétaire général et son

7 premier président élu à bulletin secret à la fin de 1990. Et bien entendu,

8 au cours de cette activité politique, j'ai oeuvré également à ce que vous

9 venez d'appeler "la promotion de certaines idées politiques", en défendant

10 les décisions statutaires de mon parti.

11 Et heureusement, ces idées et ces décisions statutaires étaient

12 compatibles avec les normes normales d'intégralité des droits humains

13 démocratiques, de sorte que de ce point de vue politique, nos positions

14 n'ont jamais été opposées aux droits humains généraux.

15 Question: Pendant cette période, avez-vous travaillé pour appuyer ou pour

16 contrecarrer la politique des autorités de Banja Luka de l'époque, c'est-

17 à-dire la politique des représentants du SDS?

18 Réponse: Dans la première période que nous avons baptisée "période des

19 transformations démocratiques ou des réformes démocratiques", après la

20 chute du communisme -je parle d'ailleurs de chute informelle, car les

21 partis politiques ont participé aux élections, les partis de gauche, je

22 veux dire, y ont participé-, c'est une coalition de plusieurs partis, à

23 savoir le SDA, le HDZ et le SDS qui ont permis de mettre en oeuvre une

24 certaine politique qui se caractérisait par certaines tendances communes,

25 par certains éléments communs qu'il n'y avait aucune raison de ne pas

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1 soutenir ensemble, donc dans le cadre d'une coalition à laquelle

2 appartenait le SDA.

3 Là, je parle de la première période, c'est-à-dire dans la période où

4 c'était la mise en oeuvre d'options démocratiques à l'intérieur de la

5 Bosnie-Herzégovine en tant que Rrépublique de l'ex-Yougoslavie, puis en

6 tant qu'Etat indépendant qui était l'élément le plus important.

7 Question: Merci. Je regrette de ne pas avoir été assez clair. La question

8 que je vous pose maintenant porte sur la période du conflit. C'est un peu

9 plus tard que j'en reviendrai à la période antérieure au conflit.

10 Donc, à partir du mois d'avril et jusqu'à la fin de l'année 1992, c'est-à-

11 dire pendant cette période du conflit, avez-vous travaillé en opposition

12 aux autorités de Banja Luka?

13 Réponse: Je vous prie de m'excuser, je n'ai peut-être pas tout à fait bien

14 cerné votre question tout à l'heure. Maintenant, je la comprends mieux.

15 Ce n'est pas seulement au cours de cette période, mais également dans la

16 période antérieure, que nous nous sommes trouvés dans une situation où

17 nous étions contraints de nous opposer aux décisions prises publiquement

18 par le SDS en particulier, dont les positions étaient contraires à

19 l'accord conclu entre les différents partenaires, membres de la coalition,

20 mais également contraires aux droits humains démocratiques légaux, les

21 plus fondamentaux, très souvent.

22 Donc, bien sûr, nous avons dû adopter une position critique par rapport à

23 cette position, puis nous y opposer directement au fil du temps. Les

24 positions du SDS sont devenues de plus en plus unilatérales, si je puis

25 m'exprimer ainsi; c'est-à-dire qu'elles ne tenaient plus compte des autres

Page 1402

1 membres de la coalition et qu'elles n'avaient aucun égard non plus vis-à-

2 vis de quelque autre position ou option politique.

3 Bien sûr, je pourrais vous donner davantage de détails à ce sujet, mais

4 peut-être ce que je viens de dire suffit-il?

5 Question: Monsieur, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre de première

6 instance quelles ont été certaines des méthodes utilisées par vous,

7 pendant cette période, pour vous opposer aux autorités au pouvoir à Banja

8 Luka?

9 Réponse: La principale méthode, qui d'ailleurs est commune à beaucoup, est

10 une méthode…, a été une méthode politique, c'est-à-dire une action

11 politique publique, au sein de la société, par le biais des médias, donc

12 par le biais de la presse, par des écrits également. Action au sein du

13 Parlement, au sein de l'Assemblée municipale de Banja Luka et, bien sûr,

14 action au sein du Parlement de la Bosnie-Herzégovine par le truchement de

15 nos députés. Donc il s'est agi avant tout d'une opposition politique qui,

16 bien entendu, se fondait sur des arguments très clairs.

17 Question: Vous avez indiqué qu'une partie des méthodes utilisées a

18 consisté à avoir des contacts avec d'autres, c'est-à-dire des médias

19 notamment. Parliez-vous des médias de votre pays, des médias de Bosnie-

20 Herzégovine uniquement, ou également de médias étrangers?

21 Réponse: Bien sûr, les contacts ont été principalement des contacts avec

22 les médias nationaux; je veux parler des médias de l'ex-Yougoslavie qui

23 étaient présents, représentés à Banja Luka. Mais au fur et à mesure de

24 l'intensification, de l'aggravation de la situation, les médias étrangers

25 ont envoyé des représentants sur place et il était donc naturel d'établir

Page 1403

1 également des rapports avec eux. D'autant plus que les médias locaux,

2 tombant de plus en plus souvent sous l'influence du SDS, il était très

3 difficile, au fur et à mesure, de s'exprimer par cette voie sans être

4 corrigé publiquement. Donc l'expression devenait de plus en plus difficile

5 dans les médias nationaux.

6 J'ai oublié de dire, d'ailleurs, que nous avons beaucoup agi également par

7 la voie de contacts verbaux avec des représentants de la communauté

8 internationale, observateurs de diverses organisations et autres qui

9 étaient présents à Banja Luka pendant une certaine période.

10 Il y a également eu des contacts avec certains ambassadeurs de certains

11 pays, comme par exemple les Etats-Unis, et nous avions également des

12 contacts avec quelques autres ambassades.

13 Il faut également que je mentionne MM. Vance et Owen, représentants des

14 Nations Unies. Et je ne parle que des contacts établis dans la région de

15 Banja Luka lorsque je parle de toutes ces personnes.

16 Mais il a fallu également, au bout d'un certain temps, faire connaître la

17 situation en vigueur dans la région à un cercle beaucoup plus large,

18 c'est-à-dire à l'étranger également . Et de plus en plus souvent, nous

19 nous sommes donc trouvés contraints de nous efforcer, en tout cas de

20 communiquer la réalité de la situation le plus loin possible dans le

21 monde. A cette fin, nous avons établi des contacts écrits, d'abord avec

22 les représentants des Nations Unies, un nombre plus grand d'entre eux,

23 puis avec un nombre plus élevé également d'ambassades.

24 Question: Je vous remercie.

25 Vous avez parlé des efforts nécessaires et d'efforts de résistance

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1 notamment. Est-ce que cette résistance a également inclus des efforts

2 clandestins pour fournir des renseignements qui auraient pu aider votre

3 Gouvernement au sujet des événements de Banja Luka?

4 Réponse: J'ai parlé des contacts avec les médias, avec les représentants

5 de la communauté internationale et ce type de contacts, avec l'arrivée de

6 la démocratie, a commencé à exister un peu partout dans l'ex-Yougoslavie

7 et, entre autres, à Banja Luka.

8 Donc, avant les élections et pendant toute la période de la campagne

9 électorale, nous n'avons pas eu besoin de cacher les efforts déployés pour

10 nous, ou de cacher les renseignements que nous obtenions par le biais de

11 ces efforts. Mais par la suite, si nous avons caché certains de ces

12 renseignements au public, c'est que l'occupation de Banja Luka ayant

13 commencé le 4 avril -l'occupation complète, à notre avis-, cette

14 occupation a constitué un danger pour la vie des habitants. Donc tout

15 effort déployé à l'encontre de ces occupations était un danger, un danger

16 pour la vie de la personne qui le réalisait, notamment lorsqu'il

17 s'agissait de représentants des partis politiques. C'est la raison pour

18 laquelle nous nous sommes demandé comment, au vu des événements, nous

19 pouvions agir et faire savoir ce que nous faisions au monde extérieur, en

20 termes réels, pour que les gens comprennent bien ce qui se passait chez

21 nous.

22 Parce qu'en même temps, la propagande faisait rage, notamment du côté du

23 SDS, propagande SDS qui avait pour but de masquer la terreur qui, elle,

24 croissait au fil du temps. Ou, en tout cas, de la présenter sous une forme

25 différente, ou de la justifier par de prétendues raisons.

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1 Et lorsque je parle de tout cela, je veux dire que le fait que tous les

2 autres partis politiques étaient systématiquement tenus à l'écart. Aucune

3 de leurs positions n'était prise en compte, donc les positions des

4 électeurs que nous représentions était totalement niées.

5 Et si vous souhaitez savoir comment nous transmettions ces informations

6 reçues par nous, je peux vous donner davantage de détails, bien sûr.

7 M. le Président (interprétation): Un instant. Avant que vous ne

8 continuiez, la Chambre de première instance souhaite vous donner un

9 conseil, à vous, en tant que témoin.

10 C'est la chose suivante qui vaut aussi bien pour l'interrogatoire

11 principal que pour le contre interrogatoire: s'il arrive que l'on vous

12 pose une question à laquelle, si vous y répondez de manière appropriée,

13 vous risquez des poursuites criminelles, des poursuites pénales en y

14 répondant, aussi bien dans votre pays qu'ailleurs, vous avez le droit de

15 demander à la Chambre de ne pas répondre à cette question. En d'autres

16 termes, on ne peut vous obliger à aucun moment de faire des déclarations

17 qui puissent ensuite vous faire courir le risque d'être l'objet de

18 poursuites pénales. Voilà ce que j'avais à vous dire.

19 Maintenant, nous pouvons continuer.

20 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, en 1996, avez-vous publié un

21 ouvrage intitulé "Crimes contre la Krajina Bosnia, de 1992 à 1994."?

22 M. Krzic (interprétation): Oui.

23 Question: Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, votre date et votre

24 année de naissance?

25 Réponse: Je suis né le 19 décembre 1940, à Maglaj en Bosnie Centrale.

Page 1406

1 Question: Quelle est votre religion?

2 Réponse: L'Islam. C'est ma religion.

3 Question: Pouvez-vous, en quelques mots, dire à la Chambre de Première

4 Instance quel type d'études vous avez suivies?

5 Réponse: Eh bien, je vais commencer par le lycée; j'ai terminé mes études

6 au lycée à Banja Luka. J'ai obtenu un diplôme de l'université de Zagreb.

7 Je suis vétérinaire de profession. J'ai également fait ma maîtrise à

8 Sarajevo. Ensuite, j'ai suivi un certain nombre d'études pour me

9 spécialiser. Je suis allé, par exemple, étudier au Danemark. Voilà en ce

10 qui concerne, en quelques mots, mes études.

11 Question: Je reviens un petit peu en arrière, excusez-moi, mais vous nous

12 dites que vous êtes né en Bosnie Centrale. Je voudrai savoir à quel moment

13 votre famille est partie s'installer à Banja Luka?

14 Réponse: Eh bien, ma famille a vécu à Banja Luka pendant un certain temps

15 au cours de la Deuxième Guerre mondiale. A un moment donné, nous sommes

16 partis à Maglaj, Zavidovici. Je crois que c'est en 1952 que nous sommes

17 retournés à Banja Luka. J'ai commencé mes études à Zagreb en 1959.

18 Question: Après avoir terminé vos études, pouvez-vous nous dire quel a été

19 votre parcours professionnel, en quelques mots?

20 Réponse: J'ai passé plusieurs années à exercer la profession de

21 vétérinaire. J'ai commencé à travailler à Maglaj après avoir fait mon

22 service militaire à Banja Luka. J'étais un associé à ce que l'on appelait

23 le centre de reproduction. Ensuite, j'ai travaillé dans une clinique

24 vétérinaire à Banja Luka. Je crois que c'est en 1975 que j'en suis devenu

25 le directeur, le chef du centre. J'étais responsable de plusieurs services

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1 dont était composé ce centre. De plus, j'ai enseigné à l'université de

2 Banja Luka; je donnais un cours qui s'intitulait la biochimie de la

3 viande. Et pendant quelques années, j'ai travaillé pour l'institut Pliva,

4 institut pharmacologique de Zagreb. Et c'est pendant cette époque que

5 l'agression a commencé.

6 Ensuite, en janvier 1994, j'ai commencé à travailler pour le Ministère des

7 affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, tout d'abord comme chargé

8 d'affaire à l'ambassade de Bosnie-Herzégovine à Londres. En octobre 1994,

9 je suis devenu le chef de notre mission consulaire à Oslo. Depuis octobre

10 2000, je travaille comme conseiller à l'ambassade de Bosnie à Washington

11 et c'est toujours le cas aujourd'hui.

12 Question: Donc actuellement, vous êtes diplomate à l'ambassade de Bosnie à

13 Washington aux Etats-Unis, c'est bien exact?

14 Réponse: Oui, c'est exact.

15 Question: Veuillez, s'il vous plaît, me rappeler l'année. Mais je crois

16 que, dans les années 1980, Banja Luka a subit un tremblement de terre,

17 c'est exact?

18 Réponse: Oui, c'était en 1969. Ensuite, en 1970 aussi, il y a eu, il y a

19 eu deux tremblements de terre à Banja Luka.

20 Question: Suite à l'un de ces tremblements de terre, est-ce que vous avez

21 eu des activités de bénévolat?

22 Réponse: Oui, en fait, j'étais volontaire, j'étais bénévole. Cela n'avait

23 rien à voir avec ma profession. Dans les jours très difficiles qui ont

24 suivi cette catastrophe, j'ai fait de mon mieux pour aider les gens,

25 autant que je le pouvais, dans mon quartier, mais au-delà également, en

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1 compagnie d'autres jeunes gens car, à l'époque, j'étais jeune moi-même.

2 Le lendemain, le lendemain du séisme, par exemple, je suis allé à l'ancien

3 centre culturel de la JNA où il y avait un entrepôt, où il y avait toutes

4 sortes de choses, comme par exemple des bâches, des couvertures, etc. Il y

5 avait encore des secousses, mais nous avons pris cet équipement et nous

6 sommes allés le distribuer aux personnes qui en avaient besoin. Nous avons

7 transporté les blessés, nous avons aidé les blessés à gagner des tentes où

8 avaient été installés des hôpitaux de fortune.

9 Je crois que cette activité a été appréciée par les autorités locales

10 puisque, après cette catastrophe, on a pris contact avec moi.

11 Il y a eu autre chose: c'est que moi, j'avais un véhicule, un véhicule

12 tout petit, mais qui m'a permis de transporter cet équipement, qui m'a

13 permis également d'essayer de transporter les gens en lieu sûr, dans des

14 endroits, comme par exemple des endroits extérieurs, des cours ou des

15 jardins, etc., des endroits où l'on ne risquait rien.

16 Question: Vous nous dites que les autorités locales ont pris note de votre

17 travail de bénévolat. Est-ce que ces personnes étaient des gens qui

18 étaient membres du parti communiste à l'époque?

19 Réponse: Oui, quand il s'agit des autorités locales, des organisations

20 locales, des notables, etc., tout était contrôlé par le parti communiste,

21 mais je ne dis pas cela de manière négative parce que, à l'époque, le

22 parti communiste s'efforçait de trouver des gens qui pouvaient jouer un

23 rôle, qui avaient un rôle à jouer dans la communauté locale.

24 En fait, ceux qui ont pris contact avec moi, c'était un groupe d'anciens

25 combattants de la Deuxième Guerre mondiale. On a pris contact avec moi à

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1 plusieurs reprises et ensuite on m'a demandé d'adhérer au parti

2 communiste. Mais à ce moment-là, je ne suis pas encore devenu membre de ce

3 parti.

4 Mais ils ont souhaité que je participe à un certain nombre d'activités

5 sociales et, pour moi qui étais très jeune à l'époque, c'était un honneur.

6 Mais je n'ai jamais pensé vraiment que ces activités seraient contraires à

7 tout ce que je croyais, aux principes humanitaires auxquels je croyais.

8 Ces gens sont venus chez moi –à l'époque, on habitait même sous la tente-

9 pour cela.

10 Au milieu de cette catastrophe, de ces destructions -on se serait cru dans

11 un pays en guerre pratiquement-, pour moi, cela a été un véritable honneur

12 d'être ainsi distingué, remarqué. Et donc, peu après, j'ai été nommé ou

13 j'ai été désigné comme candidat pour être député local, et ensuite, j'ai

14 été élu à bulletin secret. Il n'y avait que deux candidats et c'est au

15 deuxième tour que j'ai obtenu suffisamment de voix pour être élu à ce

16 poste.

17 Question: Est-ce que vous avez adhéré au parti communiste? Et si c'est le

18 cas, pendant combien de temps en avez-vous été membre?

19 Réponse: Très franchement, je ne me souviens pas quand: sans doute

20 plusieurs mois après ces événements. Mais quoi qu'il en soit, pendant que

21 je faisais mon service militaire, je n'étais pas encore membre du parti

22 communiste. Je suis resté membre du parti communiste jusqu'en 1978 ou

23 1980, je crois.

24 Quand j'ai quitté le parti, ce n'était pas pour moi par manière de

25 protestation, j'ai tout simplement cessé de me rendre aux réunions.

Page 1410

1 Cependant, cela n'a pas eu d'influence sur mes activités au sein de la

2 société, j'étais très actif au sein de la Croix-Rouge à Banja Luka.

3 Pendant un certain temps, d'ailleurs, j'ai dirigé le service de la Croix-

4 Rouge à Banja Luka. J'ai été également secrétaire de l'organisation

5 municipale du parti communiste, de la Ligue communiste. Mais à un moment

6 donné, j'ai quitté le parti pour des raisons qui sont les miennes. Si vous

7 souhaitez en être informés, je peux vous le dire.

8 Question: Pouvez-vous en quelques mots nous dire pourquoi vous avez décidé

9 de quitter le parti communiste?

10 Réponse: Eh bien, moi, je viens d'une famille de partisans et, pour nous,

11 le parti communiste, c'était un parti juste, une organisation honnête où

12 l'on respectait l'origine ethnique de chacun, ainsi que sa confession

13 religieuse. Mais il faut bien savoir que beaucoup de ces éléments

14 n'étaient pas présents au sein du parti. Mais d'un autre côté, ces

15 erreurs, ces défaillances n'étaient pas présentes à tel point qu'elles

16 pouvaient affecter l'avenir de la société.

17 Mais au fil du temps, avec le vieillissement du maréchal Tito, et au fur

18 et à mesure que la génération de ceux qui ont lutté contre les nazis, elle

19 aussi, a vieilli, cette période cosmopolite du parti a peu à peu disparu.

20 Et, à mon avis, ce qui est devenu de plus en plus "pregnant" au sein de ce

21 parti, c'est ce que j'appellerais l'esprit d'une grande Yougoslavie, ce

22 que je qualifierais l'idée tendant à créer une grande Serbie, ce qu'on

23 appelait une grande Serbie.

24 Cela est devenu patent à la fin des années 70, entre les années 70 et les

25 années 80. Je ne sais pas si Banja Luka était particulièrement

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1 représentatif à cet égard, mais ce que je sais, c'est que l'atmosphère

2 ambiante a été assez répugnante, si je puis dire. Nous avons commencé à

3 ressentir cette influence, cette idée de la grande Serbie, et nous en

4 avons été fort déçus parce que nous ne pensions pas que ceci pouvait

5 arriver. Et c'est pour cette raison que j'ai estimé que je devais quitter

6 le parti.

7 Question: Est-ce que vous avez cessé d'avoir des activités politiques

8 pendant les années 80?

9 Réponse: Oui. Je n'ai pas eu d'activité politique jusqu'aux premières

10 élections multipartites. Mais même à ce moment-là, j'aurais peut-être

11 continué cette inactivité politique si les circonstances avaient été

12 autres; des circonstances qui ont fait que je me suis intéressé de nouveau

13 à la réalité politique puisque j'ai compris que j'étais en mesure

14 d'apporter une contribution au processus démocratique dans l'ex-

15 Yougoslavie, et notamment en Bosnie-Herzégovine, dans un esprit pacifique.

16 C'est ce qui m'a motivé; c'était mon désir, mon ambition. Mais mes

17 concitoyens, les concitoyens à Banja Luka, eux aussi, ont exprimé le désir

18 de me voir reprendre une activité politique; c'est ce qui m'a incité de

19 nouveau à m'impliquer dans la vie politique.

20 Question: Revenons un instant aux activités que vous avez eues dans les

21 années 80.

22 Vous nous dites que vous avez travaillé pour la Croix-Rouge à Banja Luka

23 et je voudrais savoir: la Croix-Rouge était une organisation

24 multiethnique? En d'autres termes, est-ce que les représentants de toutes

25 les nationalités y participaient?

Page 1412

1 Réponse: La Croix-Rouge était une organisation présente au niveau de l'ex-

2 Yougoslavie, qui avait des services locaux, des branches. Les

3 circonstances ont voulu que je sois devenu bénévole au sein du centre n°2;

4 c'est la branche locale de la Croix-Rouge à Banja Luka. J'ai participé à

5 un certain nombre d'activités; il s'agissait, par exemple, d'assurer le

6 financement de l'organisation, trouver des fonds, donner des cours sur les

7 activités de la Croix-Rouge. Enfin, le genre de choses que l'on fait

8 partout dans le monde lorsqu'on travaille pour la Croix-Rouge.

9 Et d'ailleurs, à un moment donné, je me suis vu décerner une médaille d'or

10 pour ces activités. C'était le genre de décoration qui était remise et que

11 l'on décidait de remettre au niveau national. J'ai donc reçu cette

12 médaille d'or pour le travail que j'avais accompli dans le cadre de cette

13 Croix-Rouge locale.

14 Il s'agissait d'une organisation où se retrouvaient les représentants de

15 toutes les communautés ethniques. Il y avait aussi un certain nombre de

16 personnes qui étaient membres de la ligue des communistes, mais il y en

17 avait d'autres qui ne l'étaient pas. Et la Croix-Rouge comptait parmi ses

18 membres des gens qui étaient croyants. C'était une organisation, si je

19 puis dire, très souple dans son organisation et dans son apparence.

20 Mais il faut savoir que, quand j'ai commencé à travailler à Pliva, mes

21 activités se sont quelque peu réduites parce que j'étais contraint de

22 beaucoup me déplacer en Bosnie-Herzégovine.

23 Question: Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances vous êtes

24 devenu président du SDA à Banja Luka?

25 Réponse: Eh bien, tout a commencé, disons, de manière spontanée. Un

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1 certain nombre de personnalités, de notables sont venus à Banja Luka,

2 notamment Muhamed Filipovic, Adil Zulfirkarpasic. C'étaient des gens assez

3 connus, c'étaient des gens qui étaient considérés comme de véritables

4 démocrates qui avaient à cœur l'avenir de la Bosnie-Herzégovine en tant

5 qu'entité reconnue en tant que telle au sein de l'ex-Yougoslavie.

6 Il y a eu donc ces premières rencontres qui nous ont amenés à penser que,

7 très bientôt, on verrait en Bosnie-Herzégovine se créer un certain nombre

8 de partis politiques démocratiques. Mais dès cette époque, nous avons pris

9 conscience du fait qu'il serait difficile de mettre sur pied un parti

10 politique qui ressemblerait à l'ancienne ligue communiste, et ceci

11 suscitait une certaine appréhension dans les esprits.

12 Ces premières réunions, ces rencontres avaient un caractère assez

13 intellectuel, au départ. Il s'agissait de réunions très utiles d'ailleurs,

14 de discussions très utiles sur ce qu'il convenait de faire; je les ai

15 relatées de manière exhaustive dans mon livre.

16 Ces personnes, ce groupe de personnes, c'étaient des gens qui avait des

17 visions ou des opinions différentes. Mais personne, parmi ces gens, ne

18 pensait qu'il fallait adopter une division de la Bosnie-Herzégovine, une

19 division sur la base de facteurs ethniques.

20 De telles discussions ont eu lieu dans diverses communautés ethniques en

21 Bosnie-Herzégovine. Mais, parallèlement, nous nous sommes rendus compte

22 que les gens commençaient à se regrouper autour d'idées ethniques. Quand

23 ces partis ont été créés, au départ, ils se prononçaient en faveur d'une

24 multiethnicité. Il s'est trouvé que j'ai fait partie de ce processus, mais

25 il y avait beaucoup de gens qui n'avaient pas la maturité politique

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1 nécessaire. En revanche, on a pensé que moi, j'avais cette maturité et que

2 je devais avoir une activité politique; c'est la raison pour laquelle j'ai

3 décidé d'apporter ma contribution. Je ne sais pas si vous allez parler de

4 cela ultérieurement, mais je dois dire qu'en ce qui concerne le SDA, au

5 départ, on y trouvait même une douzaine de Serbes ou de Croates.

6 Question: Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous dire à quel moment vous avez

7 été élu au poste de président du SDA de Banja Luka?

8 Réponse: Très franchement, là, à l'instant, je n'arrive pas à me souvenir

9 de la date exacte. Je sais que c'était vers la fin 1991, peut-être en

10 octobre. Vraiment, je suis désolé, je n'arrive pas à me souvenir de la

11 date.

12 Question: Disons, pendant combien de temps êtes-vous resté président du

13 SDA de Banja Luka? D'octobre 1991 jusqu'à quelle date?

14 Réponse: Officiellement et légalement, s'il n'y avait pas eu l'agression,

15 s'il n'y avait pas eu tous les événements qui ont suivi, eh bien, j'ai été

16 président du parti jusqu'à la réunion ou la constitution de l'assemblée

17 suivante. Je ne sais pas exactement quand cela s'est produit. Je crois que

18 c'était en 1994. Mais je ne me souviens pas de la date exacte. C'est

19 jusqu'à cette date-là que je suis resté président du SDA. Plusieurs

20 membres du conseil exécutif du SDA de Banja Luka ainsi que certains des

21 députés du SDA de Banja Luka ont organisé une réunion à Sarajevo. Et, au

22 cours de cette réunion, les dirigeants du parti ou la direction du parti a

23 été confiée à quelqu'un d'autre. Alors qu'à Banja Luka, après mon

24 expulsion de Banja Luka, c'est Smail Djuzef qui est devenu Président du

25 parti. Et, il est resté à Banja Luka pour diriger, officiellement, pour

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1 diriger la branche du SDA à Banja Luka.

2 M. Koumjian (interprétation): Une dernière question peut-être, avant la

3 pause.

4 Vous nous dites que vous avez quitté Banja Luka, Monsieur le Témoin. Quand

5 avez-vous quitté Banja Luka et où vous êtes-vous rendu?

6 M. Krzic (interprétation): J'ai quitté Banja Luka en novembre 1993, une

7 vingtaine de jours après ma libération de prison.

8 Et c'est grâce à l'intervention du HCR, des Nations Unies que j'ai pu

9 quitter Banja Luka. A l'époque, j'étais blessé et j'ai demandé la

10 permission de quitter Banja Luka, mais sans l'intervention, sans l'aide du

11 HCR des Nations Unies, je n'aurais pas été en mesure de quitter la ville.

12 Il y a eu beaucoup de choses qui se sont produites autour de cette

13 autorisation de départ. On me la donnait, puis on me la reprenait quelques

14 jours après. Au bout du compte, c'est M. Luigi Gentile qui a conduit le

15 véhicule, qui m'a fait sortir. Et Luigi Gentile, c'était le représentant

16 officiel du HCR des Nations Unies à Banja Luka, à l'époque. C'est lui qui

17 m'a transporté jusqu'à Zagreb en novembre 1993.

18 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons maintenant faire

19 une pause de 20 minutes et reprendre l'audience à 11 heures moins 10.

20 Bien entendu, dans l'intervalle, le témoin reste sous serment. Monsieur le

21 Témoin, vous continuerez votre déposition à la reprise de l'audience.

22 (L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 11 heures.)

23 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, pendant que nous

24 attendons le témoin, j'aurais aimé informer les Juges que Mme Richterova,

25 toujours très efficace, m'a informé du fait que l'ouvrage de M. Krzic a

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1 fait l'objet d'une communication à la défense, dans sa totalité, en BCS,

2 le 20 avril de l'année dernière. Nous avons également fourni aux conseils

3 une autre copie aujourd'hui.

4 M. Ackerman (interprétation): Nous n'avons jamais affirmé que cette

5 version en BCS ne nous a pas été fournie; c'est la traduction en anglais

6 qui ne nous a pas été transmise. Or je crois que le Règlement l'exige.

7 M. le Président (interprétation): Nous devons tous faire preuve de bon

8 sens. Si nous devions attendre que tout ouvrage auquel fera référence un

9 témoin, qui est écrit en BCS ou en serbo-croate, doit être traduit, même

10 si ce n'est qu'une seule page à laquelle on fera référence pendant une

11 déposition, alors là, je crois que les Juges risquent de pas vous soutenir

12 si vous deviez affirmer une telle chose.

13 Où se trouve le témoin?

14 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

15 Oui, Maître Ackerman?

16 M. Ackerman (interprétation): Je n'étais pas en train de suggérer que tout

17 ouvrage auquel il serait fait référence devait être traduit intégralement,

18 je parlais uniquement des ouvrages qui ont été écrits par ce témoin.

19 M. le Président (interprétation): Nous y reviendrons le moment voulu.

20 Monsieur Krzic, vous allez continuer à déposer et vous êtes toujours lié

21 par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de la

22 matinée.

23 Maître Koumjian, vous avez la parole.

24 M. Koumjian (interprétation): Nous avons parlé de Banja Luka. J'aurais

25 aimé que vous disiez aux Juges de la Chambre, que vous donniez quelques

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1 éléments quant au contexte de cette municipalité. Lorsque vous avez dit

2 que vous étiez président de Banja Luka, président du SDA, est-ce que vous

3 vouliez dire de la ville ou de la municipalité?

4 M. Krzic (interprétation): Bien entendu, je songeais à la municipalité.

5 Est-ce que vous souhaitez que je décrive? Enfin, je n'ai pas parfaitement

6 compris.

7 Question: Banja Luka désigne à la fois une municipalité et une ville, est-

8 ce exact?

9 Réponse: Oui, c'est exact.

10 Question: Etiez-vous président du SDA pour la municipalité de Banja Luka?

11 Réponse: Oui, je l'étais pour la municipalité de Banja Luka.

12 Question: Pouvez-vous dire aux Juges de quoi se composait la municipalité

13 de Banja Luka? Etait-elle composée de nombreuses villes, de villages?

14 Pouvez-vous nous décrire brièvement cette municipalité?

15 Réponse: Banja Luka -à part le centre-ville restreint ainsi que les

16 faubourgs, comme on les appelait, qui formaient l'agglomération de Banja

17 Luka- se composait d'une dizaine de villages. Il ne faut pas oublier que

18 la municipalité de Banja Luka était l'une des municipalités les plus

19 étendue, en termes géographiques, en ex-Yougoslavie. Elle se composait de

20 plusieurs dizaines de villages. Je ne sais pas le nombre exact, mais il y

21 en avait certainement plus de 50. Voilà pour les villages, mais elle se

22 composait également de communautés locales comme on les appelait. Les

23 communautés locales sont des unités qui se définissaient sur une base

24 territoriale, qui composaient un ou plusieurs villages en fonction de la

25 taille. C'étaient des unités administratives. Et là, on peut citer la

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1 communauté locale de Ivanjska, Brozani Majdan, Misin Han, Karanovic et

2 d'autres, mais ces communautés locales existaient également au sein même

3 de la ville. Nous parlions de quartiers de la ville, mais ces quartiers de

4 la ville disposaient également de leur communauté propre.

5 Question: Pouvez-vous dire à la Chambre comment les différentes

6 nationalités étaient représentées au sein de la municipalité? Et s'il

7 existait une différence entre la façon dont les nationalités étaient

8 mélangées au sein de la ville et la façon dont c'était le cas dans les

9 villages qui se trouvaient à l'extérieur?

10 Réponse: La municipalité de Banja Luka est une municipalité qui se compose

11 de différentes nationalités, mais pour ce qui est de la répartition de la

12 population, des changements sont intervenus. Des changements importants

13 sont intervenus suite aux bouleversements important qui se sont produits,

14 les guerres ou d'autres événements de ce type. Au cours des siècles, Banja

15 Luka a connu des changements importants en termes de nationalité.

16 Pour ce qui est de la ville, la population était en majorité bosnienne

17 avec le temps, cette prédominance s'est estompée, suite aux guerres et

18 suite à d'autres catastrophes comme le tremblement de terre de 1969/1970.

19 Pour ce qui est de la répartition des différentes nationalités, notamment

20 en ville, la création et le développement de la base militaire à Banja

21 Luka a eu une influence; c'était une des bases militaires les plus

22 importantes en ex-Yougoslavie. En effet, avec cette base militaire, un

23 ensemble d'officiers est arrivé, nombreux -environ 1000 personnes,

24 accompagnées de leur famille-, et nous savions, à Banja Luka, que ce corps

25 d'officiers se composait essentiellement d'un groupe ethnique.

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1 La municipalité était donc multiethnique, la ville aussi, mais il faut

2 reconnaître que certains territoires étaient peuplés en grande partie d'un

3 groupe ethnique ou de l'autre. En effet, ce qui caractérise Banja Luka

4 c'est qu'une grande partie du territoire était peuplée de Serbes -qui

5 appartenaient donc au groupe ethnique serbe-, un peu moins de Croates. Et

6 pour ce qui est des Musulmans dans les villages, ils étaient très peu

7 nombreux; environ quatre ou cinq villages étaient concernés.

8 Mais là, je vous parle du régime communiste. Ce rapport entre les

9 différents groupes ethniques n'était pas aussi perceptible au sein de la

10 société. En d'autres termes, ces rapports ont été…, se sont perpétués

11 jusqu'à un moment donné où l'influence de l'ancien parti communiste s'est

12 estompée. Les conflits n'étaient pas perceptibles. En effet, toute

13 violation de cet ordre qui régnait entre les différents groupes ethniques

14 était punie. Nous pouvons donc dire que l'environnement était

15 multiethnique à Banja Luka.

16 Banja Luka, la municipalité de Banja Luka comptait environ 180, 190.000

17 habitants; vous connaissez certainement le recensement de 1990. Et si vous

18 souhaitez prendre connaissance des chiffres pour la période qui précède,

19 vous devez vous référer à ce que j'ai dit.

20 On a constaté précisément qu'au cours de grands changements –et, par

21 exemple, le tremblement de terre-, alors des modifications entre les

22 groupes ethniques se sont fait sentir. Et la concentration des fonds qui

23 étaient arrivés du monde entier pour permettre la reconstruction de la

24 ville et également l'élargissement de la ville, le développement de

25 l'industrie, etc., ont attiré certaines personnes. Et l'afflux de cette

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1 population rurale a fait que certaines caractéristiques se sont modifiées,

2 qui avaient été celles de Banja Luka au fil des siècles.

3 Question: Dans ce que vous nous dites, dans vos réponses, peut-être

4 pourriez-vous vous en tenir à la réponse la plus courte possible, mais qui

5 permet toutefois de répondre de façon complète à la question? Et si nous

6 souhaitons poser des questions pour compléter cela, nous le ferons.

7 Pouvez-vous nous dire si Banja Luka, dans cette région, avait une

8 importance sur le plan industriel ou sur le plan de l'enseignement?

9 Réponse: Oui, c'est certain. Banja Luka a, au fil des siècles, assumé un

10 rôle particulier sur le plan historique, économique et politique. En

11 Yougoslavie communiste, elle avait une influence sur le plan économique et

12 universitaire important; en effet, elle abritait une faculté d'une dizaine

13 de facultés, dont certaines facultés particulièrement importantes comme la

14 faculté de médecine.

15 A côté de cela, Banja Luka disposait d'une industrie développée qui a

16 permis d'embaucher énormément de personnes, ce qui fait qu'elle a absorbé

17 énormément de main d'œuvre, ainsi que des personnes qui venaient faire

18 leurs études à Banja Luka. Ces personnes venaient faire leurs études à

19 Banja Luka car elles avaient davantage de possibilités pour trouver un

20 emploi, ce qui fait que de toute la Bosnie-Herzégovine mais également des

21 autres Républiques, les gens essayaient de venir à Banja Luka pour trouver

22 un emploi. Ce qui fait que Banja Luka a connu, sur le plan économique,

23 politique et culturel, un essor comme centre de la Krajina de Bosnie. La

24 Krajina de Bosnie. Banja Luka était donc un centre économique naturel.

25 Question: En 1990, avez-vous souffert d'une maladie qui vous a forcé à

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1 quitter Banja Luka pendant un certain temps?

2 Réponse: Immédiatement avant les élections, j'ai dû partir pour subir une

3 intervention chirurgicale à Belgrade et j'ai été absent pendant environ un

4 mois. Par conséquent, je ne me suis pas présenté comme candidat pour un

5 poste de représentant à un quelconque niveau et à mon retour de ce congé

6 maladie -je suis arrivé au moment où les élections avaient commencé, j'ai

7 donc pu observer ces élections et participer au contrôle du scrutin.

8 Question: Suite à ces élections, pouvez-vous nous donner une liste des

9 postes que vous avez occupés au sein du SDA à Banja Luka?

10 Réponse: J'étais premier secrétaire du parti élu aux premières élections

11 par acclamation. Après quoi, j'ai été élu comme vice-président du parti.

12 C'est le conseil suprême du parti qui a organisé ces élections.

13 En effet, à l'époque, le Dr Hamsum Mujagic devait être remplacé, car il

14 avait quitté le parti à un moment donné, au moment où un conflit politique

15 est apparu entre le SDA et le MBO. Lui s'est rapproché du MBO. Et étant

16 donné qu'il y avait ce vide de pouvoir, nous avons dû le remplacer dans un

17 délai très bref. Et au moment où cet incident est apparu, j'ai été l'un

18 des vices-présidents du parti jusqu'aux élections où, à bulletin secret,

19 on m'a élu comme président du parti.

20 J'ai également été membre du conseil régional du SDA pour la région de la

21 Krajina de Bosnie. J'ai également été membre du conseil suprême du SDA, de

22 la centrale du SDA en quelque sorte.

23 Question: Vous avez évoqué le MBO. Est-ce que c'est le parti qui a été

24 fondé par M. Muhamed Filipovic, que vous avez évoqué et qui a participé

25 aux discussions initiales quant à la vie politique à Banja Luka?

Page 1422

1 Réponse: Oui, M. Filipovic était l'un des fondateurs et je crois que M.

2 Zulfirkarpasic doit également être cité. J'en ai déjà parlé.

3 Question: Quel était le résultat des élections de 1990 dans la

4 municipalité de Banja Luka?

5 Réponse: Environ 48% des voix sont allés au Parti démocratique serbe. Le

6 Parti d'action démocratique… Enfin là, je vous donne des chiffres

7 approximatifs, alors je vous demanderais de m'excuser si je me trompe.

8 Vous avez certainement les chiffres plus précis en votre possession.

9 Le SDA: 12%, 13%: le HDZ, 22% environ pour les partis de gauche, ou peut-

10 être légèrement plus. Et dans les partis de gauche, j'inclus le parti des

11 réformistes, le parti socialiste -ou je ne sais plus comment il

12 s'appelait- ainsi que les libéraux.

13 Ce qui fait qu'au sein de la municipalité de Banja Luka, la structure

14 était suivante: 133 députés au total. Le SDS ne bénéficiait pas de la

15 majorité absolue au sein du parlement de Banja Luka et au sein de la

16 municipalité de Banja Luka. Le nombre de voix du SDS était plus ou moins

17 équivalent aux voix des habitants serbes de la municipalité de Banja Luka;

18 en tout cas, pour autant que je puisse en juger en fonction du recensement

19 de 1991.

20 Question: Est-ce que vous vous souvenez du nombre de sièges occupés par le

21 SDS au sein de la municipalité suite à ces élections? Vous avez dit qu'il

22 y avait 133 sièges à l'Assemblée municipale. Est-ce que vous vous souvenez

23 combien il y avait de députés du SDS, aux fins du compte rendu d'audience?

24 Je crois savoir que vous venez de prendre un exemplaire de votre ouvrage,

25 Monsieur le Témoin. Nous n'en avons pas encore parlé, mais si vous devez

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1 consulter quoi que ce soit pour vous rafraîchir la mémoire pendant cet

2 interrogatoire, je ne sais pas exactement quelle est la procédure, mais je

3 crois que vous devez d'abord indiquer que vous devez le faire et demander

4 l'autorisation à la Chambre de le faire.

5 M. le Président (interprétation): Voilà ce que j'allais précisément dire,

6 ne sachant pas exactement quel était le document qui se trouvait devant le

7 témoin, car je ne vois pas l'ouvrage de l'endroit où je me trouve.

8 Mais, Monsieur Krzic, avant que vous ne fassiez référence à un document

9 quelconque, vous devez en faire la demande et vous devez également mettre

10 ce document à disposition de quiconque souhaite l'examiner.

11 Pourriez-vous nous dire ce qu'est ce document que vous avez entre les

12 mains, s'il vous plaît?

13 M. Krzic (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de

14 m'excuser si je n'ai pas respecté la procédure.

15 J'ai déjà attiré l'attention de l'accusation sur le fait qu'étant donné

16 que je devrais consulter un certain nombre de documents de référence dans

17 le cadre de mon interrogatoire, je dois pouvoir utiliser un document qui

18 est l'ouvrage que j'ai rédigé en mon âme et conscience, qui est conforme à

19 la réalité et qui correspond aux renseignements dont je disposais. Je ne

20 peux garder tout cela en mémoire et j'aurais aimé que vous me permettiez

21 d'utiliser cet ouvrage pour répondre à ce type de questions.

22 Par ailleurs, j'aimerais vous demander de m'autoriser à conserver mes

23 documents personnels, mon carnet où je prends des notes. J'aimerais

24 pouvoir le conserver sur moi.

25 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Krzic, vous ne devez pas

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1 vous excuser, car la Chambre n'estime pas que vous lui avez manqué de

2 respect ou quoi que ce soit. Vous n'êtes pas juriste. Nous le comprenons

3 bien.

4 Par conséquent, nous ne vous en tenons pas rigueur, mais à ce stade, nous

5 allons bien entendu vous autoriser à consulter votre ouvrage car, comme

6 vous l'avez dit, les encyclopédies vivantes se font rares de nos jours,

7 notamment pour ce qui est d'événements qui se sont produits dans une

8 période troublée, comme c'est le cas ici.

9 Pour ce qui est des autres documents, si vous devez faire référence à vos

10 propres notes personnelles, alors on vous demandera peut-être de nous en

11 donner un exemplaire, avant que l'on ne vous pose des questions en rapport

12 avec ces documents.

13 Si vous devez faire référence à des documents personnels dont vous

14 disposez, je vous demanderais de les fournir à la fois à la défense et à

15 l'accusation. Pour le reste, la Chambre vous autorise entièrement à faire

16 référence à tout document que vous souhaiteriez consulter pour vous

17 rafraîchir la mémoire ou pour que vous soyez mieux à même de répondre de

18 façon complète et précise aux questions qui vous sont posées.

19 Est-ce que c'est clair, à la fois pour l'accusation et pour la défense?

20 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je me contenterai de

21 dire qu'au moment où j'ai demandé à M. Donja de faire référence à certains

22 passages d'un ouvrage, j'ai fourni à l'accusation une photocopie des

23 passages que j'allais citer pour que l'accusation puisse suivre, pour que

24 le professeur Donja puisse suivre.

25 Alors, j'aimerais redire ici que nous ne disposons que de la version en

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1 BCS et d'une traduction partielle en anglais, et je ne vois pas comment je

2 pourrais contre-interroger le témoin si je n'ai pas l'ouvrage en question.

3 Je n'ai aucune objection à ce qu'il fasse référence à son ouvrage, mais

4 j'espère qu'au moment du contre-interrogatoire, je l'aurai en anglais pour

5 que je puisse procéder à mon contre-interrogatoire de manière juste et

6 équitable.

7 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, il y a deux problèmes.

8 Premièrement, le livre. Si j'ai bien compris ce qui a été dit précédemment

9 par l'accusation, cet ouvrage dans sa totalité a fait l'objet d'une

10 communication à la défense au mois d'avril de l'année dernière. Par

11 conséquent, en ce qui me concerne, ce livre a été mis à votre disposition.

12 Il s'agit du livre, d'un livre qui est écrit par l'un des témoins dont on

13 vous a communiqué le nom et je crois que là, l'incident est clos.

14 Mais pour ce qui est des documents personnels que le témoin a apportés

15 avec lui, la Chambre n'en a pas eu connaissance, vous non plus, et je

16 crois qu'aucun d'entre nous ne peut savoir ce que contiennent ces

17 documents, ces documents personnels. Alors, notre position pour ces

18 documents-là n'est pas la même. Si le témoin souhaite, pour se rafraîchir

19 la mémoire, ou s'il souhaite s'appuyer sur ses documents pour répondre de

20 façon précise aux questions qui lui sont posées, s'il veut faire référence

21 à ses notes personnelles, alors la Chambre lui donnera la possibilité de

22 le faire, à condition qu'il donne une copie de ses notes à nous tous. Il

23 va sans dire que vous avez le droit de prendre connaissance de ces notes;

24 même chose pour l'accusation. Et même si aucun d'entre nous ne comprend le

25 BCS, nous demanderons tout de même qu'une copie de ces notes soit versée

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1 au dossier.

2 Mais pour ce qui est du livre, je crois que M. Krzic va déposer pendant

3 plusieurs jours. Vous avez reçu ce livre et je ne vais pas rouvrir ce

4 chapitre. La communication vous a permis d'en prendre connaissance et vous

5 êtes parfaitement bien placé pour procéder à votre contre-interrogatoire.

6 Mais je ne peux tolérer ici que sept ou huit mois après la communication

7 de ce document, vous me disiez que vous ne l'avez pas lu parce qu'il est

8 écrit en BCS. Il a fait l'objet d'une communication dans une langue que

9 votre client comprend et, d'ailleurs, vous avez des membres de votre

10 équipe qui comprennent le BCS. Je crois que je m'en tiendrai là.

11 Vraiment, nous devons avancer, Maître Ackerman.

12 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je me dois de

13 rectifier ce qui a été dit.

14 Si le Président estime que j'aurais dû traduire cet ouvrage moi-même, je

15 vous informe que le Greffe ne me donnera pas les fonds pour faire traduire

16 de mon côté cet ouvrage; ils me demanderont de le transmettre au CLSS.

17 Par ailleurs, le Règlement veut que toute déclaration préalable d'un

18 témoin, un témoin qui sera cité par l'accusation, donc pour toute

19 déclaration préalable, l'accusation doit fournir une traduction dans une

20 des langues de travail du Tribunal. Or cela n'a pas été fait pour cet

21 ouvrage. Par conséquent, j'aurai…

22 Je ne sais absolument pas de quelles pages il s'agira au cours de ces

23 prochains jours. Je ne sais pas si ces pages ont été traduites ou non.

24 Apparemment, nous disposons de 82 pages traduites pour cet ouvrage, ce qui

25 fait qu'un grand nombre de pages n'ont pas été traduites. Et tant que je

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1 ne saurai pas à quelles pages il fera référence, je ne peux me préparer au

2 contre-interrogatoire. Et si je n'ai pas ces pages traduites, je ne

3 pourrai pas les lire.

4 L'accusation ne nous a pas fourni une traduction de ce document et c'est

5 contraire au Règlement. J'ai cru comprendre que c'est parce que, dans le

6 département de traduction, ils ont énormément de travail. Je comprends

7 bien, je sais qu'il y a des problèmes pour ce qui est du volume des

8 traductions mais je souhaite simplement dire que je ne peux contre-

9 interroger le témoin sur un livre que je ne peux pas lire.

10 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, l'accusation a indiqué

11 que les parties auxquelles il est fait référence dans les déclarations

12 préalables de M. Krzic et les parties auxquelles fera référence M. Krzic,

13 dans le cadre de sa déposition, ces parties-là ont donc été traduites et

14 ont été mises à disposition.

15 Est-ce que je me trompe?

16 M. Koumjian (interprétation): Non, Monsieur le Président, c'est exact.

17 M. le Président (interprétation): Quant au fait de dire à la Chambre que

18 vous ne savez pas quelles seront les pages auxquelles il fera référence ou

19 quelles sont les pages auxquelles il fait référence dans les déclarations

20 préalables, ce n'est pas exact.

21 J'ai les déclarations préalables de M. le Témoin. Au cours des entretiens

22 des 10 et 14 décembre 2000, puis du mois de février 2001, les 10, 12 et

23 14, 15 février; au cours de ces entretiens, il fait des références

24 précises à l'ouvrage en citant le numéro de la page, mais également les

25 paragraphes précis sur lesquels on lui a demandé de réagir: pages 18, 21

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1 et page 24. Si vous pouvez me confirmer que ces pages n'ont pas été

2 traduites en anglais et nous ont pas été communiquées, alors je serais

3 prêt à entendre vos objections; sinon, ce ne sera pas le cas.

4 M. de Roux: Je suis tout à fait d'accord pour me rallier au point de vue

5 de la Cour, mais je ferai simplement remarquer que, lorsque le témoin se

6 rafraîchit la mémoire, il ouvre son livre sur des pages ou des parties qui

7 n'ont pas fait l'objet de traduction et de communications de la part de

8 l'accusation. Nous ne savons pas d'ailleurs à quelles pages ni quelles

9 pages sont nécessaires pour que le témoin se rafraîchisse la mémoire.

10 Personnellement, je n'y vois pas malice, mais je fais simplement remarquer

11 que, du strict point de vue de la procédure, nous sommes un peu à côté du

12 Règlement.

13 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez la parole du côté de

14 l'accusation.

15 M. Koumjian (interprétation): Merci. Pour répondre à Me de Roux, je crois

16 que le témoin cite les pages auxquelles il va se référer pour appuyer,

17 pour aider sa mémoire.

18 M. le Président (interprétation): Tout à fait.

19 M. Koumjian (interprétation): Le point de vue de l'accusation consiste à

20 dire que tout ouvrage ou article ou écrit dû à un témoin ne constitue pas

21 nécessairement une déclaration aux termes du Règlement. Le livre en BCS a

22 été communiqué il y a neuf mois et, à ma connaissance, c'est la première

23 fois que nous entendons une objection consistant à demander qu'un ouvrage

24 entier soit traduit. Je crois que les pages en question ont été soumises à

25 la section chargée de la traduction pour traduction. J'insiste simplement

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1 pour dire que cela ne devrait pas constituer pour la défense un

2 inconvénient aussi important que pour M. Cayley et moi-même.

3 M. le Président (interprétation): Je crois que nous n'allons pas

4 poursuivre trop longtemps sur ce sujet. Madame Korner est avec vous

5 également.

6 En tout cas, Monsieur de Roux, le témoin va faire référence à une page de

7 son ouvrage qui, j'ai des raisons de croire, a été traduite et vous a été

8 communiquée. La position pourrait se modifier selon l'importance de la

9 question et des renseignements demandés éventuellement, mais nous allons

10 nous adapter aux circonstances au fur et à mesure. La position

11 actuellement consiste pour la Chambre à vous prier de pas demander qu'un

12 ouvrage entier soit traduit et communiqué avant que nous ne sachions, avec

13 une certaine certitude, quelle sera la nature du contre-interrogatoire.

14 Soyons raisonnables et faisons preuve d'intelligence et tout ira bien.

15 Monsieur Koumjian, vous vous avez la parole.

16 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, je vous rappelle la question

17 à laquelle vous n'avez pas encore répondu. Je vous demandais, une fois que

18 vous aurez pu vous rafraîchir la mémoire à la lecture d'un passage de

19 votre ouvrage, quel est le nombre de sièges au sein de la municipalité qui

20 a été détenu par le SDS à la suite des élections de 1990?

21 M. Krzic (interprétation): Dans mon souvenir, il y avait 65 députés du

22 SDS, 14 du HDZ, 13 du SDA, 17 du SDP, 22 du SRS -c'est un autre parti de

23 gauche- et 2 des libéraux. J'admets, éventuellement, que ma mémoire puisse

24 faillir quelque peu mais, en tout cas, vous avez les chiffres officiels

25 des documents officiels qui vous permettront de vérifier ces

Page 1430

1 renseignements.

2 Cela étant, Monsieur le Procureur, si vous m'y autorisez, je ne sais pas

3 si je puis le faire, mais j'aimerais revenir sur certains éléments qui ont

4 été considérés comme éléments personnels.

5 Ce ne sont pas des éléments d'une si grande importance. Il s'agit de trois

6 petites pages de notes, que j'ai sous les yeux actuellement, et qui

7 constituent une synthèse que je me suis efforcé de faire et que je peux

8 remettre à la défense d'ailleurs. Ce sont des éléments qui ne concernent

9 que l'ouvrage que la défense a reçu et rien qui ne sorte de cet ouvrage.

10 Je souhaitais simplement avoir, sur un même papier, tous les chiffres des

11 pages que je voulais citer. C'est tout.

12 Question: Merci d'avoir répondu à la question.

13 Quant aux autres renseignements que vous avez fournis, ils méritent un

14 éclaircissement. Normalement, je vous demanderais de vous limiter à

15 répondre à la question que je vous ai posée. Pour l'instant, je m'écarte

16 un peu du sujet.

17 Parlez-vous, lorsque vous dites "notes", des notes que vous avez écrites

18 ce week-end aux fins de vous rafraîchir la mémoire au cours de votre

19 déposition?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Cela vous posait-il un quelconque problème de remettre à la

22 défense et à l'accusation un exemplaire de ces notes et d'autoriser le

23 Procureur à les photocopier?

24 Réponse: Aucun problème. Simplement, je vous prie de m'excuser, mais il

25 s'agit de quelque chose que j'ai écrit à la main, en tout petits

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1 caractères, mais c'est tout de même lisible. Ces notes ont pour objet

2 principal de me permettre de savoir exactement de quelle page du livre je

3 parle lorsque j'établis un lien entre un passage du livre et un document,

4 de façon à pouvoir aller plus vite.

5 Question: C'est tout à fait compréhensible. Nous apprécions beaucoup que

6 vous vous soyez organisé de cette façon pour votre témoignage. S'agissant

7 de la dernière partie de votre dernière réponse, relative au nombre de

8 sièges au sein de l'Assemblée, je vous demandais si vous vous référiez à

9 une page de votre ouvrage et, si c'est le cas, à quelle page?

10 Réponse: J'ai mon ouvrage devant moi, mais ne m'appuie pas sur cet ouvrage

11 car, si je me souviens bien, les chiffres cités dans le livre sont un peu

12 différents. Ce que je dis ici correspond à ma mémoire. Dans le livre, je

13 crois que le total des députés est inférieur de 1, 2 ou 3, si je ne

14 m'abuse.

15 Ce que je dis ici s'appuie donc sur ma mémoire, car je pense que ma

16 mémoire est plus précise que ce qui est écrit dans le livre. Il est

17 possible en effet, y compris de l'impression d'un livre, que quelques

18 erreurs se glissent.

19 Question: Merci. Mais pour le compte rendu d'audience, ces chiffres

20 apparaissent à quelle page de votre ouvrage?

21 M. Krzic (interprétation): Page 25.

22 M. Koumjian (interprétation): Merci.

23 M. le Président (interprétation): Y a-t-il eu une seule édition de cet

24 ouvrage?

25 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, vous avez entendu la

Page 1432

1 question posée par le Président: y a-t-il eu une seule édition de cet

2 ouvrage?

3 M. Krzic (interprétation): Oui, une seule.

4 M. le Président (interprétation): Merci.

5 M. Koumjian (interprétation): Suite aux élections, avez-vous suivi les

6 événements qui se sont déroulés au sein de l'assemblée municipale? Avez-

7 vous participé ou suivi les débats notamment qui s'y sont déroulés?

8 M. Krzic (interprétation): De temps en temps, oui. Au début, plus souvent

9 et, par la suite, peut-être un peu plus rarement.

10 Question: Vous est-il jamais arrivé de participer, d'être présent lors

11 d'un débat portant sur le changement du statut municipal, s'agissant du

12 nombre de votes, de voix nécessaires pour procéder à un amendement des

13 statuts?

14 Réponse: Oui, j'étais présent et je me rappelle très bien cette séance de

15 l'Assemblée.

16 Question: Y a-t-il eu un débat quelconque au sujet de la possibilité pour

17 Banja Luka de devenir membre d'un groupe de municipalités dans la Krajina

18 bosniaque, municipalités qui constitueraient donc une association?

19 Je crois qu'il était question d'association des municipalités de la

20 Krajina bosniaque, ce qui correspondait au sigle ZOBK.

21 M. Krzic (interprétation): Avant de répondre à votre question, j'aimerais

22 vous dire que je n'ai toujours pas bien saisi si j'ai été autorisé à

23 utiliser mon petit carnet, mes notes personnelles, ou s'il faut attendre

24 qu'une photocopie en soit faite?

25 M. le Président (interprétation): Avant que les Juges de cette Chambre ne

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1 rendent une décision au sujet de la demande qui vient d'être exprimée par

2 le témoin, je demande à la défense si elle exige d'avoir entre les mains

3 une photocopie de ce document avant que le témoin n'utilise ses notes.

4 (Signe négatif de Me Ackerman.)

5 Dans ce cas, Monsieur Koumjian, vous pouvez poursuivre. Mais, lors de la

6 prochaine pause, c'est-à-dire dans trois quarts d'heure à peu près, je

7 vous demande de veiller à ce que ce document soit distribué à chacun ici,

8 aux parties et aux Juges. Entre-temps, vous pouvez poursuivre.

9 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Témoin, vous pouvez utiliser vos

10 notes pour rafraîchir votre mémoire, le cas échéant, mais je vous

11 demanderai également de refermer votre livre maintenant et de nous dire

12 chaque fois que vous aurez besoin de vous y référer. Donc pour le moment,

13 vous pouvez utiliser vos notes.

14 M. Krzic (interprétation): Pour répondre à votre question, je pense

15 qu'aucune précision particulière n'est nécessaire. Il n'est pas question

16 de date, donc je n'utiliserai pas mes notes. Mais je vais vous parler du

17 climat qui régnait à l'époque. Je ne vous donnerai pas de date précise,

18 mais il a d'abord été question au sein de l'Assemblée du problème des

19 députés; c'était un débat de niveau inférieur.

20 M. Ackerman (interprétation): Je dois protester, Monsieur le Président.

21 Cela ne répond pas à la question.

22 M. le Président (interprétation): Oui, j'allais dire la même chose.

23 Monsieur Krzic, une question très précise vient de vous être posée, à

24 savoir si, selon votre mémoire, la municipalité de Banja Luka avait été

25 invitée, ou si une décision avait été rendue quant au fait que la

Page 1434

1 municipalité de Banja Luka allait s'associer à d'autres municipalités au

2 sein de l'Association des municipalités de la Krajina bosniaque,

3 association correspondant au sigle ZOBK. Telle était la question.

4 Si vous connaissez la réponse, je vous prierais de bien vouloir la

5 fournir; après quoi, si vous avez une explication complémentaire à

6 apporter, nous l'entendrons éventuellement.

7 Mais je vous demanderais d'abord de bien vouloir répondre à la question

8 avant de décrire le climat et les circonstances qui ont entouré cet

9 événement à l'époque.

10 M. Krzic (interprétation): Oui, la municipalité de Banja Luka a rendu

11 cette décision selon des modalités non légales.

12 M. Koumjian (interprétation): Pouvez-vous expliquer le processus qui a eu

13 lieu s'agissant de cette décision?

14 M. Krzic (interprétation): Il importait d'abord de respecter le statut de

15 la municipalité de Banja Luka. Je ne suis pas un juriste, bien sûr, et je

16 n'ai pas le statut sous les yeux, mais s'agissant de toute question

17 d'intérêt général pour la municipalité, ce statut exigeait une majorité

18 des deux tiers.

19 Le deuxième facteur qui a joué un rôle à l'époque, lorsque cette décision

20 a été prise, c'est que les décisions qui portent sur des questions

21 d'importance assez générale doivent être prises avec l'agrément des

22 partenaires à la coalition. Dans le cas précis, il fallait donc qu'il y

23 ait agrément du HDZ et du SDA, ou plutôt des habitants que représentaient

24 ces deux partis.

25 Question: Ceci en fonction de l'accord conclu entre les trois partis -le

Page 1435

1 HDZ, le SDA et le SDS-, avant les élections de 1990. C'est bien cela?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Si le statut exigeait une majorité des deux tiers pour une

4 décision telle que le fait de s'associer au sein d'une association de

5 municipalités, des efforts ont-ils été faits pour amender le statut? Et si

6 oui, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé exactement?

7 Réponse: Lors d'une réunion de l'Assemblée municipale, la modification du

8 statut, l'amendement du statut a été inscrit à l'ordre du jour; je crois

9 que cela s'est passé au mois de mai 1991. Donc, à l'ordre du jour,

10 apparaissait comme premier point l'amendement du statut.

11 Car il était possible également de procéder à un vote dans le cadre de

12 modalités un peu différentes, donc à un vote au sujet d'un autre point qui

13 était à l'ordre du jour plus loin. Mais pour amender le statut, il fallait

14 un certain nombre de conditions préalables établies officiellement, à

15 savoir que, selon les règles en vigueur à l'époque, il fallait qu'il y ait

16 débat général dans toute la municipalité avant de pouvoir procéder à

17 l'amendement du statut. Donc ce débat devait avoir lieu dans toutes les

18 localités, dans toutes les communautés locales et c'est seulement après ce

19 débat au sein des communautés locales qu'il était possible d'envisager de

20 faire passer cette décision d'amendement du statut lors d'une réunion de

21 l'Assemblée municipale de Banja Luka.

22 Pour autant que je le sache, et n'étant pas juriste, l'Assemblée au niveau

23 de la République, c'est-à-dire le Gouvernement par le biais de cette

24 Assemblée de la République, était également dans l'obligation, selon la

25 Constitution en vigueur à l'époque en Bosnie-Herzégovine, de fournir son

Page 1436

1 accord dès qu'il y avait demande de modification territoriale, qu'il

2 s'agisse de modification intervenant dans une municipalité ou dans

3 plusieurs.

4 Le simple processus d'amendement de la Constitution, processus qui a été

5 tenté, l'a été avec accompagnement d'un très grand tumulte de soutien à

6 cette proposition au sein de l'Assemblée municipale de la part des

7 représentants du SDS. Dans le hall d'entrée de l'Assemblée municipale, on

8 voyait de très nombreuses personnes qui ne représentaient pas les

9 électeurs. Il y avait des représentants de toutes sortes d'institutions

10 qui se promenaient dans ce hall et la confusion la plus générale régnait

11 dans une ambiance qui était une ambiance de supporters, une ambiance de

12 force, de pression. Et c'est dans ce climat que les représentants du HDZ

13 et du SDA ont rejeté l'amendement du statut et, pour autant que je m'en

14 souvienne, ils ont même quitté la salle alors que le SDP, le SRS, ces deux

15 partis de gauche, sont restés au sein de l'Assemblée en demandant que

16 l'examen de cette question du statut soit supprimée de l'ordre du jour.

17 Ils ont échoué dans leur tentative et, à ce moment-là, eux aussi ont

18 quitté la salle.

19 Il n'est donc resté dans la salle qu'un certain nombre de représentants

20 des partis de gauche qui étaient de nationalité serbe et, selon ce que

21 nous savons, ils ont voté avec les représentants du SDS pour la

22 modification du statut, de sorte que cette modification du statut, pour

23 autant qu'elle soit légale –car, selon les données dont nous disposons,

24 cette décision n'a pas bénéficié de la majorité des deux tiers-, donc quoi

25 qu'il en soit, s'il s'agit d'une décision imposée par la force.

Page 1437

1 Lors du vote sur l'ordre du jour, nous avons constaté que ceux qui

2 votaient en faveur de l'ordre du jour proposé étaient y compris des gens

3 qui, comme je l'ai déjà dit, n'étaient pas des représentants du peuple,

4 des représentants élus. Je me rappelle même que certains de nos

5 représentants l'ont dit très clairement, ils ont dit que certaines

6 personnes avaient levé la main sans être officiellement membres de cet

7 organe municipal. Donc il s'est agi manifestement d'un vote sous la

8 contrainte, par la force, où des représentants importants d'autres partis

9 ont été empêchés de s'exprimer.

10 Question: Très bien. Je vous demanderai de vous efforcer de raccourcir un

11 peu vos réponses, ce qui facilitera le travail.

12 J'aimerais voir si tout a été bien compris. Est-il exact de dire que le

13 SDS n'a pas bénéficié de la majorité des deux tiers, nécessaire pour

14 amender le statut afin de permettre à la municipalité de Banja Luka de

15 s'associer à la ZOBK?

16 Réponse: Exact.

17 Question: Mais un vote a eu lieu et ce vote pour modifier le statut s'est

18 déroulé, selon vous, dans des conditions irrégulières et d'autres partis

19 politiques, des représentants d'autres partis politiques ont quitté la

20 salle et n'ont pas participé à ce vote, n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui. J'ai expliqué les raisons pour lesquelles cela s'est passé.

22 Question: J'aimerais à présent que nous parlions de l'année 1991 et de la

23 guerre qui faisait rage en Croatie. J'espère que vous pourrez fournir aux

24 Juges de cette Chambre quelques renseignements quant à la façon dont ces

25 événements ont influé sur la vie des habitants de Banja Luka.

Page 1438

1 Pouvez-vous nous dire quels ont été les effets de la guerre en Croatie sur

2 la vie quotidienne ainsi que sur la situation politique régnant à Banja

3 Luka?

4 Réponse: Dès le début du conflit en Croatie, conflit qui, à ce moment-là,

5 n'était pas encore une guerre, j'ai eu l'occasion de voyager en Croatie et

6 en Bosnie-Herzégovine. J'ai donc une possibilité tout à fait concrète de

7 vous dire comment les choses ont commencé et évolué.

8 Comment s'est faite l'escalade de la tension en Croatie? Sur le plan

9 militaire et sur le plan politique également, bien sûr, les tensions se

10 sont accrues en Croatie et, au fur et à mesure, elles s'accroissaient

11 également dans la municipalité de Banja Luka et dans la région au sens

12 plus large du terme. De sorte que cet affrontement entre les séparatistes,

13 qui voulaient quitter la Yougoslavie…

14 Question: Monsieur Krzic, excusez-moi, mais je ne vous demande pas de

15 parler en détail des événements survenus en Croatie. Je vous demandais

16 quels étaient, à votre avis, les effets de ces événements à Banja Luka.

17 Merci.

18 Réponse: Oui. A Banja Luka, on pouvait constater, de plus en plus, que la

19 situation s'aggravait au fur et à mesure que les tensions s'accroissaient

20 en Croatie. C'était visible dans les rues où l'on voyait circuler de plus

21 en plus de gens portant un uniforme complet ou des parties d'uniforme en

22 tout cas, des gens qui avaient sur eux toutes sortes d'armes et qui se

23 comportaient d'une façon qui empirait jour à jour. Quand je dis

24 "empirait", je parle surtout du comportement à l'égard des non-Serbes. On

25 a commencé à entendre ce que l'on appelait des chants chetniks et,

Page 1439

1 personnellement, j'ai eu l'occasion, devant le bâtiment de la poste, au

2 centre-ville, d'entendre quelqu'un chanter un chant de ce genre. Je peux

3 en parler si c'est nécessaire.

4 Question: En quelques mots.

5 Réponse: Les paroles de cette chanson étaient: "Les loups se sont mis à

6 hurler: Déménagez, vous, les Turcs. D'ici à Téhéran, il ne restera plus un

7 seul Musulman". Donc dans les rues, les gens qui étaient d'appartenance

8 ethnique bosnienne, notamment les gens des villages, n'avaient plus le

9 courage de porter des vêtements traditionnels. Il fallait que tout le

10 monde s'habille comme les catholiques et les Serbes. Il y avait, en effet,

11 de petites différences de manière de se vêtir, notamment dans les

12 villages. Dans les rues, on ne pouvait plus entendre chanter une seule

13 chanson bosniaque, que ce soit une chanson catholique bosnienne ou même

14 serbe, si je puis m'exprimer ainsi, mais que l'on avait l'habitude, avant,

15 de chanter en Bosnie, donc qui émanait de Bosnie. A la radio, des

16 informations ont été diffusées, qui interdisaient de chanter toutes ces

17 chansons.

18 Ou bien, si l'on parle des pièces radiodiffusées, il n'était plus permis

19 de mentionner certains groupes ethniques, certaines nations, en tout cas

20 pas toutes ensemble. Dans la presse, on lisait de plus en plus souvent que

21 les Bosniens et les Croates représentaient un danger pour les Serbes, sans

22 plus de détail. En général, on mentionnait la Deuxième Guerre mondiale,

23 mais sans donner d'exemples précis. Le mémorial aux morts de la guerre,

24 dans le village de Dragovic, un monument érigé en souvenir de ceux qui,

25 durant la Deuxième Guerre mondiale, ont été massacrés -200 personnes, si

Page 1440

1 je ne m'abuse- ce monument a de nouveau été dévoilé et des représentants

2 serbes ont demandé que ce mémorial soit inauguré une deuxième fois; mais,

3 cette fois-ci, on ne parlait pas de 200 victimes mais de 2200. Ce qui tout

4 de même constitue quelque chose d'assez menaçant.

5 Les gens qui avaient encore un emploi, on les mentionnait en parlant de

6 leurs compétences techniques, mais on ne mentionnait à cet égard que deux

7 nationalités, en commençant par le directeur. D'autres employés, qui

8 n'étaient pas serbes, dans des entreprises tout à fait courantes, se

9 voyaient renvoyer de leur poste et c'était encore plus souvent le cas dans

10 des entreprises militaires. Quand il s'agissait d'autres entreprises qui

11 coopéraient avec d'autres républiques, et notamment avec la Croatie, le

12 travail s'était arrêté. Les produits qui étaient transportés jusqu'à des

13 républiques voisines étaient pillés, les bureaux saisis. Dans les écoles,

14 on ne donnait instruction aux élèves d'utiliser le caractère cyrillique et

15 de parler l'ékavien. Très rapidement, ceci est devenu un ordre officiel de

16 l'Etat.

17 Puis, on a vu se multiplier le nombre d'émigrés serbes venant de

18 l'extérieur qui ont accru les tensions mais, en tout cas, dans le système

19 éducatif, des instructions ont été données, selon lesquelles il importait

20 d'admettre au nombre des élèves, en toute priorité, les enfants de

21 nationalité serbe venant de l'extérieur. Tout Bosnien ou autre non-Serbe,

22 qui aurait refusé d'écrire en caractères cyrilliques, perdait son emploi

23 ou était renvoyé de l'école.

24 Question: L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans la ville de Banja Luka

25 par le maire à un quelconque moment?

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1 Réponse: Oui. A ce moment-là, il y a eu une tentative pour proclamer

2 l'état d'urgence à Banja Luka. Nous nous y sommes opposés publiquement.

3 Mesud Islamovic était, à ce moment-là, le présidents du SDA. Il a pris la

4 parole en public pour condamner la proclamation d'un état d'urgence qui

5 aurait été contraire à la Constitution de Bosnie-Herzégovine. Une

6 déclaration faite de cette façon aurait été contraire à la Constitution.

7 En effet, seules des instances de la République peuvent prendre une telle

8 décision et Islamovic, à ce sujet, a eu un débat très animé en public dans

9 lequel il s'est opposé à cela. Donc les tensions se sont accrues autour de

10 cette question de l'état d'urgence.

11 Nous, nous craignions l'état d'urgence, car nous savions qu'il allait de

12 paire avec des mesures d'urgence que nous ne voulions accepter. Car, dans

13 l'état d'urgence, la montée de la température générale en ville n'était

14 pas le prétexte pour proposer cette mesure; ce qui était le prétexte pour

15 proposer cette mesure, c'était que la Bosnie-Herzégovine menace la

16 Croatie. On demandait donc qu'à Banja Luka et dans huit autres

17 municipalités, soit proclamé l'état d'urgence. Et nous pensions qu'il

18 fallait s'y opposer.

19 M'autorisez-vous maintenant, je vous prie, à me servir de mes notes, à les

20 mettre sur la table? Car je pourrais vous donner des réponses plus

21 précises avec des dates, dans ce cas.

22 M. le Président (interprétation): Oui, vous y êtes autorisé.

23 M. Koumjian (interprétation): Mais en fait, Monsieur le Témoin, à ce

24 stade, je n'ai pas besoin de dates précises.

25 Je vais passer donc à la question suivante. Si vous avez besoin de vous

Page 1442

1 référer à vos notes, vous pourrez le faire ultérieurement.

2 Y a-t-il eu des ordres relatifs à la mobilisation des soldats dans cette

3 région, à cette époque, pendant la guerre en Croatie, mobilisation pour ce

4 qui était alors la JNA, l'armée yougoslave?

5 M. Krzic (interprétation): Oui. La mobilisation a été annoncée

6 publiquement à plusieurs reprises, cinq ou six fois. Et d'abord, il y a eu

7 mobilisation en ce qui concernait la défense territoriale, en dépit du

8 fait que la République de Bosnie-Herzégovine n'ait pas officiellement

9 approuvé la mobilisation. Et nous nous y sommes d'ailleurs opposés

10 officiellement et publiquement, dans l'immédiat.

11 Question: Est-ce que de nombreux Musulmans, de nombreux Croates ont refusé

12 de se plier aux ordres de mobilisation?

13 Réponse: La meilleure façon de présenter les choses serait plutôt de dire

14 qu'ils ont évité de recevoir ces convocations, ils se cachaient. Parce que

15 si l'on refuse de répondre à un ordre de mobilisation, ceci peut avoir des

16 suites juridiques. Mais cependant, il y a plusieurs unités qui ont

17 publiquement refusé ces documents, ces convocations; je pense en

18 particulier à une unité qui était principalement composée de Croates et

19 qui a d'ailleurs été poursuivie officiellement par le procureur militaire

20 pour cela.

21 Question: Pouvez-vous nous dire pour quelle raison les Musulmans et les

22 Croates de Banja Luka ont décidé d'éviter, ou de ne pas répondre à la

23 mobilisation?

24 Réponse: La raison principale, c'est que nous savions tous que cet acte

25 était illégal et qu'il était contraire aux décisions prises par la

Page 1443

1 République de Bosnie-Herzégovine. En deuxième lieu, nul n'était

2 particulièrement avide de se battre contre les Croates. Jusqu'à ce moment-

3 là, nous nous considérions tous comme des frères et nous n'arrivions tout

4 simplement pas à comprendre pourquoi le sang devrait être ainsi versé

5 entre nous, surtout vu tout ce qui s'était passé en Bosnie-Herzégovine

6 pendant la Deuxième Guerre mondiale.

7 Question: Est-ce que des mesures ont été prises à l'encontre de ceux qui

8 avaient essayé d'éviter la mobilisation, ou leurs familles?

9 Réponse: J'ai déjà mentionné une de ces mesures. Mais il y en a eu

10 d'autres également, notamment le fait de l'opposition publique, dans les

11 médias: la résistance publique s'est manifestée dans les médias. Il y a

12 aussi des mesures qui ont été prises au sein de l'entreprise publique:

13 lorsqu'on refusait les convocations aux fins de mobilisation, les employés

14 étaient renvoyés au bout de cinq jours.

15 Et en ce qui concerne les personnes qui vivaient à l'étranger, eh bien,

16 ces personnes, tout simplement n'ont pas répondu aux convocations en

17 refusant de venir en Bosnie-Herzégovine. Ceci nous a mis dans une position

18 assez difficile, car nous n'avions pas les documents nécessaires pour nous

19 permettre de nous déplacer librement dans la ville et, sans documents de

20 ce genre, on se retrouvait réduit à l'Etat de citoyen de deuxième classe.

21 Et d'autres mesures ont été prises, mais peut-être n'est-il pas utile de

22 les évoquer maintenant.

23 Question: Est-ce que des mesures de représailles ont été prises à

24 l'encontre de ceux qui refusaient la mobilisation?

25 Réponse: Oui, très vite, il y a eu des mesures de représailles. Ces

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1 familles ont été les premières à être en butte à ce qui a suivi et ce qui

2 a précédé ce que l'on a appelé "le nettoyage ethnique". Ce sont ces

3 familles-là qui ont été les premières à être contraintes d'abandonner

4 leurs biens, à en laisser la jouissance à des Serbes. Si un membre d'une

5 famille de ce genre perdait un papier d'identité, à ce moment-là, on

6 refusait de lui en établir un nouveau. Et vous pouvez tout à fait vous

7 imaginer ce que cela signifiait à une époque comme celle-là. Si ces gens

8 étaient trouvés dans la rue, on les arrêtait immédiatement pour les

9 envoyer sur la ligne de front à Orasje, près de Brcko, où ces gens

10 devaient creuser des tranchées. Certains d'ailleurs ne sont jamais

11 revenus.

12 En ce qui concerne la police, lorsqu'on leur a demandé de signer une

13 déclaration d'allégeance, ceux qui avaient refusé de répondre aux appels

14 de mobilisation ont été licenciés et on a pu compter de nombreux exemples

15 de ce type au SUP de Banja Luka.

16 Question: A la fin du mois de février 1992, on a organisé un référendum

17 sur tout le territoire de Bosnie-Herzégovine au sujet de l'indépendance de

18 la République.

19 Pourriez-vous nous parler de ce vote au sein de la municipalité de Banja

20 Luka et du taux de participation à ce référendum?

21 Réponse: On m'a autorisé à m'occuper de l'organisation du référendum de

22 Banja Luka. Cette autorisation avait été confirmée lors d'une réunion de

23 tous les partis politiques à l'exception du SDS. Le SDS a formellement

24 interdit à la population serbe de participer au référendum sur

25 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. L'un des officiers supérieurs de

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1 la caserne de Banja Luka, ou peut-être l'état-major -je ne suis pas trop

2 sûr-, en tout cas, on a envoyé aux médias une demande. Il s'agissait, en

3 fait, d'instructions quant au formulé, à la façon dont étaient formulées

4 les questions. Vu les circonstances, il a été très difficile à la

5 population de participer au référendum. Du de vue pratique, du point de

6 vue de l'organisation, en fait, il n'y a pas eu de difficultés majeures à

7 Banja Luka. Certes, nous ne disposions pas de tout l'équipement

8 nécessaire, mais nous n'avons pas rencontré d'obstacle. Il n'y a pas eu de

9 mesure prise pour empêcher, par exemple, le dépouillement.

10 Cependant, dans les médias, la propagande faisait rage à l'encontre du

11 référendum. Le référendum lui-même a eu lieu dans toutes les zones

12 concernées, sauf dans celles qui étaient à dominante serbe, parce que nous

13 n'avons pas eu l'autorisation d'installer des urnes dans les zones où les

14 Serbes étaient en majorité.

15 Pour ce qui est de la ville de Banja Luka elle-même, eh bien, un assez

16 grand nombre de Serbes ont voté lors de ce référendum. Nous connaissions

17 certains d'entre eux personnellement. Mais le simple fait de participer au

18 référendum, était considéré par les Serbes comme un acte hostile du point

19 de vue des Serbes nationalistes.

20 Le scrutin était complètement secret et, au niveau de la municipalité, la

21 participation a été d'environ 45%. Le nombre des oui, c'est-à-dire en

22 faveur d'une République indépendante de Bosnie-Herzégovine, donc les oui

23 ont constitué 98 ou 99% des voix exprimées. Cela signifie que pratiquement

24 tous ceux qui sont venus voter ont voté en faveur d'une Bosnie-Herzégovine

25 indépendante. Le référendum s'est déroulé sous l'œil des observateurs de

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1 l'Union européenne et, pratiquement dans toutes les circonscriptions, ils

2 ont participé au processus de contrôle des opérations.

3 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

4 Question: Oui. Vous nous dites que certains nationalistes se sont opposés

5 à la participation des électeurs à ce référendum. Pouvez-vous nous donner

6 des exemples de ce fait?

7 Réponse: Comme je l'ai dit, dans les médias, à la radio, on diffusait des

8 déclarations ou des propos, par exemple, avec M. Brdanin, M. Vukic, M.

9 Kupresanin, donc des déclarations qui avaient pour objectif de s'opposer

10 au référendum.

11 Je me souviens que M. Vukic des propos menaçants. Il disait en substance

12 que, si le résultat de ce référendum devait être en faveur de

13 l'indépendance, eh bien, qu'il ne l'accepterait pas, que l'indépendance ne

14 pouvait faire l'objet d'un débat qu'au niveau de la Yougoslavie et que

15 toutes les zones en contestation, y compris celles où la population

16 n'était pas serbe dans sa majorité, donc toutes ces zones n'accepteraient

17 pas les résultats. Et il disait également que les Serbes avaient été les

18 principales victimes au cours de la Seconde Guerre mondiale.

19 Les déclarations de la partie adverse, bien entendu, allaient dans un

20 autre sens.

21 Enfin disons que c'était à peu près cela qui s'est produit.

22 Question: Est-ce que le SDS avait organisé son propre référendum l'année

23 précédente, en novembre 1991, au sujet de l'avenir politique de la Bosnie?

24 Réponse: Oui. Oui, c'est exact. Mais pour eux, si je me souviens bien, ils

25 parlaient de cela comme étant un plébiscite.

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1 Question: Vous avez parlé de pression politique au sujet de la

2 participation au référendum de février 1992. Je voudrais savoir si les

3 dirigeants du SDS ont fait montre de la même attitude, ont essayé de faire

4 pression sur les gens pour qu'ils votent en fonction du programme du SDS,

5 lors du plébiscite de novembre 1991?

6 Réponse: Oui, tout à fait. Est-ce que vous souhaitez que je développe, que

7 je vous donne des détails supplémentaires à ce sujet?

8 Question: Oui.

9 Réponse: Il y a eu des déclarations tout à fait explicites de la part des

10 hommes politiques du SDS. On disait qu'il fallait que tous les Serbes

11 aillent voter, se présentent lors du plébiscite. En fait, il ne s'agissait

12 pas vraiment de vote, mais on parlait de participation au plébiscite et on

13 menaçait ceux qui ne se présentaient pas de mesures de représailles.

14 Ceci valait en partie… Je me rappelle particulièrement d'une déclaration

15 de M. Brdanin; il a dit que, plusieurs jours ou quelques jours après le

16 scrutin, il serait très facile d'identifier les directeurs de différentes

17 entreprises qui n'étaient pas venus participer au référendum et que ces

18 gens-là se verraient remerciés et renvoyés. Cela ne valait pas seulement

19 pour la Krajina de Bosnie, mais pour toute la République de Bosnie-

20 Herzégovine.

21 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, à ce stade de nos

22 débats, je souhaiterais montrer un document au témoin, un document qui va

23 également être distribué aux Juges et aux conseils de la défense. C'est la

24 première fois que je me livre à cet exercice, mais je dispose ici de

25 plusieurs exemplaires de ce document, document qui fait partie des pièces

Page 1448

1 5.25 en ce qui concerne la communication des pièces, et qui porte un

2 numéro ERN, n°00547722 et suivants.

3 Je ne sais pas si vous souhaitiez que cela porte une cote particulière

4 puisqu'il y en a déjà une?

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Cayley, moi, j'avais compris

6 que tous ces documents devaient déjà porter un numéro de pièce à

7 conviction.

8 M. Cayley (interprétation): Oui, en effet. Nous avons en fait des

9 exemplaires pour les Juges, pas pour la défense, parce que, d'après ce que

10 nous savons, ils disposent déjà de ce document. Il s'agit d'éviter de

11 faire des copies inutiles.

12 M. Koumjian (interprétation): Donc je souhaiterais que ce document soit

13 remis en BCS au témoin: il s'agit de 448B. Et l'autre document est le

14 448A.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Monsieur le Témoin, veuillez, s'il vous plaît, lire ou prendre

17 connaissance de ce document, de cet article qui s'intitule "Après le

18 plébiscite, vous avez tout intérêt à vous rendre".

19 M. Krzic (interprétation): Oui, je l'ai.

20 Question: Monsieur Krzic, est-ce que vous vous souvenez avoir vu des

21 articles semblables, ou cet article, qui ont suivi les conférences de

22 presse données par M. Brdanin après le plébiscite de novembre 1991?

23 Réponse: Non seulement je m'en souviens, mais je me souviens même avoir

24 répondu à cet article dans plusieurs interviews. Je me souviens également

25 avoir placé ce document, cet article dans les dossiers de mon parti. Je

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1 crois que dans le magazine "Glas", on en a beaucoup plus parlé, mais je ne

2 suis pas sûr.

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian, peut-être faudrait-il

4 demander au témoin d'où est extrait le passage que nous avons sous les

5 yeux, qui a été photocopié?

6 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, est-ce qu'il s'agit bien du

7 journal "Oslobodjenje"? Est-ce que vous reconnaissez là l'origine de ce

8 passage?

9 M. Krzic (interprétation): Oui, c'est du moins l'impression que j'ai. Le

10 magazine "Glas" se présente différemment du point de vue visuel. La mise

11 en page est différente.

12 Question: "Oslobodjenje", est-ce que c'est un journal qui est publié à

13 Sarajevo?

14 Réponse: Oui. Oui, il était publié à Sarajevo, mais vendu partout en

15 Bosnie-Herzégovine ainsi qu'en ex-Yougoslavie.

16 Question: Je ne sais pas si vous connaîtrez la réponse à ma question, mais

17 je vous la pose quand même. Est-ce que vous savez quelle était la

18 composition ethnique de la rédaction d'"Oslobodjenje"?

19 M. Krzic (interprétation): Je suis sûr qu'il y avait des gens de toutes

20 les ethnies, de toutes les communautés qui étaient représentés. Et je

21 crois que, d'une manière assez spontanée et non pas délibérée, je crois

22 qu'ils reprenaient ou ils reflétaient le recensement en Bosnie-

23 Herzégovine.

24 D'autre part, on utilisait aussi bien l'alphabet cyrillique que l'alphabet

25 romain.

Page 1450

1 M. Koumjian (interprétation): Deux ou trois petites questions afin que les

2 choses soient bien claires.

3 M. le Président (interprétation): Ensuite, on passera à la pause.

4 M. Koumjian (interprétation): Oui.

5 Je suis sûr que tout le monde est au courant, mais est-ce que vous

6 pourriez nous dire quelle est la différence entre l'alphabet cyrillique et

7 l'alphabet latin qui est utilisé en Bosnie?

8 M. Krzic (interprétation): Ce sont des symboles différents qui sont

9 utilisés mais, puisque ces deux alphabets étaient utilisés en Bosnie-

10 Herzégovine, ils reflétaient la variante jekavienne de la langue. En fait,

11 la seule différence, c'est dans les lettres elles-mêmes qui sont

12 utilisées.

13 Question: Est-ce que, du point de vue historique, on peut dire que

14 l'alphabet cyrillique est plus proche des régions orientales et l'alphabet

15 latin, lui, plus étroitement associé aux régions occidentales? Est-ce que

16 cela reflète le schisme Constantinople/Rome?

17 Réponse: En ce qui concerne les zones occidentales et les zones

18 orientales, tout est relatif. Parce que vous aviez des régions à l'est où

19 l'on utilise l'alphabet latin: Kosovo, Monténégro. Donc tout est relatif.

20 Mais il n'en reste pas moins que l'alphabet cyrillique était surtout

21 utilisé, utilisé largement par les membres de la communauté serbe ou les

22 gens d'origine serbe, du fait de leurs origines et de leurs traditions.

23 Cependant, je dois dire qu'au sein de l'ex-Yougoslavie, cela ne posait pas

24 de problème; on était libre d'utiliser l'alphabet que l'on souhaitait.

25 M. Koumjian (interprétation): Une dernière question avant de passer à

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1 quelque chose de complètement différent: vous nous avez parlé de "Glas";

2 vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un magazine. Il me semble qu'au

3 cours du procès, les Juges vont avoir l'occasion d'entendre souvent parler

4 de cet organe de presse.

5 Est-ce que vous pouvez nous confirmer, donc, qu'il s'agit en l'occurrence

6 d'un journal publié à Banja Luka?

7 M. Krzic (interprétation): Oui, "Glas" était publié à Banja Luka, mais

8 était aussi distribué dans d'autres régions, en particulier dans la

9 Krajina de Bosnie. On peut donc dire qu'il s'agit d'un journal local, d'un

10 journal régional.

11 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur le Témoin.

12 Nous allons maintenant faire une pause de 20 à 25 minutes et nous

13 reprendrons à 12 heures 55, moment auquel vous pourrez reprendre votre

14 déposition.

15 (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 13 heures 05.)

16 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous faire entrer le témoin, s'il

17 vous plaît?

18 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

19 J'ai une question: est-ce que les notes ont été photocopiées et

20 distribuées?

21 M. Koumjian (interprétation): Non, Monsieur le Président, cela n'a pas été

22 le cas. Nous ne les avons pas reçues.

23 M. le Président (interprétation): Mais je croyais que nous étions d'accord

24 là-dessus: que pendant la pause, il allait remettre ces documents, qu'ils

25 seraient photocopiés et mis à notre disposition?

Page 1452

1 M. Koumjian (interprétation): Je pensais que cela serait fait pendant la

2 pause d'aujourd'hui. Je crois que l'interrogatoire principal ne pourra pas

3 être achevé avant la fin de la matinée. Je souhaitais le faire pendant la

4 pause, mais cela n'a pas été fait. Si vous le souhaitez, je peux les faire

5 photocopier maintenant.

6 M. le Président (interprétation): Est-ce que les deux conseils de la

7 défense sont d'accord pour que nous poursuivions tout de même?

8 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, oui. J'espérais que

9 nous aurions ces notes avant de quitter le bâtiment aujourd'hui.

10 M. le Président (interprétation): Moi aussi. Nous ferons en sorte que vous

11 les ayez avant de partir aujourd'hui. En d'autres termes, avant que le

12 témoin n'en termine avec sa déposition, nous vous les fournirons. Au

13 besoin, nous finirons cinq minutes plus tôt.

14 De combien de pages s'agit-il?

15 M. Krzic (interprétation): Si vous me permettez d'intervenir, j'aurais

16 aimé dire que je n'utiliserai pas ces notes aujourd'hui. Par conséquent,

17 je propose qu'on les photocopie demain.

18 Et pour ce qui est du livre, nous nous sommes mis d'accord que vous

19 puissiez également l'obtenir.

20 M. le Président (interprétation): Maître Koumjian, vous pouvez y aller.

21 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Témoin, j'aurais aimé vous

22 demander de vous concentrer sur la période couverte par l'Acte

23 d'accusation, c'est-à-dire avril à décembre 1992. Vous nous avez dit que

24 vous viviez à Banja Luka à ce moment-là. J'aurais aimé vous poser quelques

25 questions sur la façon dont la vie, pour la population non-serbe à Banja

Page 1453

1 Luka, a été affectée.

2 Monsieur le Témoin, est-ce que le mouvement des non-Serbes a subi des

3 restrictions à Banja Luka pendant cette période?

4 M. Krzic (interprétation): Vous avez donné une période relativement

5 longue. Par conséquent, certaines de mes réponses ici porteront uniquement

6 sur le début de cette période, et d'autres sur la fin.

7 Des changements importants sont intervenus dans la façon dont on traitait,

8 de façon générale, la population non serbe. Sur le plan psychologique,

9 tout d'abord. Tout d'un coup, les non-Serbes ont été considérés comme des

10 citoyens de second rang. Par ailleurs, nous avions l'impression que nous

11 étions des esclaves ou des détenus qui se trouvaient dans un camp de

12 concentration. En effet, c'est ainsi qu'on en a reçu l'impression suite à

13 cette escalade, pour différentes raisons; il s'agit essentiellement de

14 raisons liées à la terreur qui s'est installée en ville, une terreur

15 massive qui s'est installée en ville, à Banja Luka, de la part des

16 institutions officielles et, bien entendu également, des groupes

17 officieux, en l'occurrence paramilitaires. Voilà donc la raison

18 essentielle.

19 Certaines personnes, dont les enfants, par un concours de circonstances,

20 avaient fait leurs études à Sarajevo et avaient quitté la ville pour faire

21 leurs études à Sarajevo en 1991; ces personnes-là étaient très contentes

22 que leurs enfants soient à Sarajevo, plutôt qu'ils ne soient à Banja Luka.

23 M. Ackerman (interprétation): La question était de savoir s'il y avait des

24 restrictions imposées au mouvement des non-Serbes pendant cette période.

25 Or la réponse n'a absolument rien à voir avec la question. Je crois que le

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1 témoin devrait s'en tenir à la réponse aux questions plutôt que de partir

2 dans de très longues digressions, comme bon lui semble.

3 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement, objection retenue.

4 Maître Koumjian, vous avez entendu cette objection? La Chambre est

5 d'accord avec Me Ackerman et nous estimons que vous devriez, Monsieur le

6 Témoin, vous en tenir à une réponse à la question; rien de plus. Sinon,

7 nous risquons d'avoir une série de monologues qui risquent d'être contre-

8 productifs, mais également de ne pas respecter l'ordre et la cohérence des

9 questions préparées par l'accusation. Or je crois que c'est ce qui nous

10 intéresse.

11 Réponse: Monsieur le Président, je vous prie de m'excuser. Je dois avouer

12 que j'avais oublié la question dans ce cas précis. J'essaierai de répondre

13 aux questions de façon précise, mais là, la question m'est sortie de

14 l'esprit.

15 Question: Merci, Monsieur le Témoin.

16 Avant que nous poursuivions, peut-être vous pourriez maintenant me

17 remettre les notes dont nous avons parlé précédemment pour que quelqu'un

18 puisse les photocopier et pour que nous puissions les remettre aux

19 conseils de la défense l'audience d'aujourd'hui.

20 Est-ce que vous avez ces notes avec vous?

21 M. Krzic (interprétation): Oui, je les ai. Une fois de plus, je vous prie

22 de m'excuser. Elles n'étaient pas destinées à être divulguées. Je pensais

23 peut-être les recopier ce soir pour qu'elles soient plus lisibles. Je ne

24 souhaite pas vraiment que ces notes deviennent publiques, car j'ai écrit

25 cela rapidement; mon écriture n'est pas très lisible. Je ne souhaite pas

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1 que cela soit connu du public. Enfin, j'aurais aimé peut-être les

2 recopier.

3 M. Koumjian (interprétation): La Chambre me corrigera si je me trompe: ces

4 notes ne seront pas distribuées au grand public, mais les conseils de la

5 défense doivent avoir la possibilité de prendre connaissance de ces notes.

6 Ils respecteront votre vie privée et les utiliseront uniquement aux fins

7 du contre-interrogatoire.

8 M. le Président (interprétation): Ce qui vient d'être expliqué par M.

9 Koumjian est précisément la façon dont nous allons procéder. Mais nous

10 devons respecter cette procédure. Et je crois que, vu l'évolution de la

11 situation, nous n'avons pas d'autres possibilités. Il s'agit là des

12 documents que vous avez évoqués précédemment; je crois que vous y avez

13 déjà fait référence. Par conséquent, je vous demanderai, si vous le voulez

14 bien, de les mettre à notre disposition. Les juristes présents dans ce

15 prétoire connaissent bien leur responsabilité et je suis certain qu'ils ne

16 commettront pas d'abus de confiance.

17 M. Koumjian (interprétation): Si j'ai bien compris, le témoin est en train

18 de montrer que la première page ne fait pas partie de ses notes, mais que

19 toutes les pages suivantes, agrafées constituent ces notes que vous avez

20 préparées. Est-ce que c'est exact?

21 M. Krzic (interprétation): Oui, ce trombone montre quelle est la partie

22 concernée.

23 (Les notes sont remises au Procureur.)

24 Question: Pour revenir à ma question, je vais essayer de préciser.

25 Pour ce qui est de la période couverte par l'Acte d'accusation, avril à

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1 décembre 1990, je comprends bien qu'il s'agisse d'une période longue et

2 que, pour certains points précis, vous devrez signaler tel ou tel

3 changement qui s'est produit. Mais j'aurais aimé parler des différents

4 aspects de la vie de la population non serbe qui a été touchée. J'aurais

5 aimé, tout d'abord, que vous me parliez d'une éventuelle restriction au

6 mouvement des non-Serbes.

7 Est-ce que les non-Serbes avaient la possibilité de prendre leur voiture,

8 de se déplacer normalement, comme ils le faisaient avant le conflit? Est-

9 ce qu'ils avaient la possibilité de le faire après avril 1992?

10 Réponse: Oui, je comprends, mais pour ce qui est une réponse plus

11 concrète, non, ils ne pouvaient pas se déplacer librement. Ils n'avaient

12 pas la possibilité de sortir de la ville, à part circonstances

13 exceptionnelles, parce que les risques liés à tout déplacement hors de la

14 ville étaient plus importants. Par ailleurs, à l'intérieur de la ville,

15 des barrages routiers, des barricades avaient été établis. Et, très

16 souvent, ils faisaient l'objet de mauvais traitements. Par ailleurs,

17 certaines parties de la ville étaient coupées du reste par ces barrages

18 routiers; il s'agissait bien sûr de parties de la ville où la population

19 était dans une grande majorité bosnienne ou croate.

20 Par la suite, on leur a confisqué par la force leurs voitures, leurs

21 véhicules privés, de différentes façons. On le faisait dans la rue et,

22 ensuite, c'est sur une plus grande échelle que l'on a confisqué ces

23 voitures. Même si, et très souvent, il suffisait de payer quelqu'un pour

24 contrôler et pour vous protéger -bien sûr, c'étaient des Serbes-, vous

25 pouviez le payer, mais vous n'aviez pas la possibilité de conduire votre

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1 voiture comme vous le souhaitiez, dans la ville. Vous pouviez la garder

2 dans votre garage et ensuite, éventuellement, vous rendre en Croatie avec

3 vos affaires.

4 Les mouvements connaissaient certaines restrictions, notamment le soir. Le

5 couvre-feu avait été imposé par les autorités, la cellule de crise et le

6 SDS. Les restrictions étaient très importantes. Par ailleurs, la

7 population, pratiquement, était assignée à résidence. Je pourrais citer un

8 certain nombre d'exemples où, dans certains villages, c'était le cas,

9 notamment à Mahovljani, à Brozani et à Majdan. Il était impossible de se

10 rendre dans d'autres villes, parce qu'à l'extérieur de la ville, très

11 souvent, on demandait aux gens de descendre de ces autobus, on les

12 maltraitait, on leur prenait leurs biens. Et il y a eu même des cas où ces

13 voyageurs auraient été tués. Dans une zone locale, le réseau de bus local,

14 vous pouviez vous déplacer, mais si l'on voyait que vous étiez un Bosnien

15 ou un Croate, vous vous trouviez dans des situations extrêmement

16 difficiles.

17 Bien sûr, tout cela est allé en s'aggravant avec le temps; c'est devenu

18 plus strict avec le temps.

19 Question: Est-ce que vous-même étiez propriétaire d'une voiture à

20 l'époque?

21 Réponse: J'avais deux voitures à l'époque et je ne pouvais conduire ni

22 l'une ni l'autre. Au moment où je l'ai fait pour la première fois, on est

23 arrivé tout de suite et on me l'a prise.

24 Question: Comment vous déplaciez-vous à Banja Luka, à cette époque-là?

25 Réponse: Le plus souvent à vélo, pendant que c'était encore possible,

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1 pendant que les personnes qui circulaient à bicyclette n'étaient pas trop

2 contrôlées. Et ce n'est que dans des cas extrêmement rares, que je

3 pourrais compter sur les doigts d'une seule main, que j'ai utilisé une

4 voiture, et ce, jusqu'à la dernière fois où on est venu me contrôler.

5 Après quoi, je n'ai pas pu utiliser ma voiture. Je me déplaçais à pied

6 aussi, très souvent, notamment le soir, la nuit. Et si vous souhaitez

7 obtenir des précisions, je peux vous les donner.

8 Question: J'aurais aimé passer maintenant à autre chose.

9 Vous nous avez dit que, dans la période qui a précédé le conflit, au

10 moment où le conflit a commencé en Croatie, certaines personnes ont été

11 renvoyées de leur travail. Est-ce que la population non-serbe, pendant la

12 période couverte par l'Acte d'accusation, avril à décembre 1992, pendant

13 cette période, est-ce que la population non-serbe dans la municipalité de

14 Banja Luka a connu un tel phénomène, c'est-à-dire d'être licenciée?

15 Réponse: Oui, je croyais en avoir parlé d'ailleurs. Cela s'est passé par

16 phases successives. En premier, les personnes qui avaient des capacités,

17 certaines personnes ont été licenciées pour des raisons techniques; il

18 s'agissait bien sûr toujours de Croates ou de Bosniens.

19 Par la suite, on vous licenciait uniquement parce que vous étiez bosnien

20 ou croate, et ensuite, parce qu'éventuellement, la troisième raison était

21 que les membres, les hommes dans votre famille n'avaient pas répondu à la

22 mobilisation.

23 Et si vous n'aviez pas, de façon publique, affirmé votre allégeance aux

24 autorités serbes, vous ne pouviez même plus vous rendre à votre travail.

25 La situation était devenue dangereuse.

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1 Bien sûr, cela dépendait du type de travail que vous effectuiez, de votre

2 formation, mais il est intéressant de constater que les professions les

3 plus indispensables pour la survie d'une population, c'est-à-dire la

4 santé, étaient les premières à être concernées. Après quoi, les

5 professeurs d'université ont été touchés, ont été licenciés. Au début, des

6 experts de renommée mondiale ont subi des vexations et on leur a confié

7 des tâches inférieures au centre médical, alors que c'étaient des experts

8 de renommée mondiale.

9 Les médecins ont ensuite été licenciés en masse et parfois même 25

10 pouvaient être renvoyés le même jour.

11 Je n'ai pas de renseignement exact sur les dates. Mais au cours d'une

12 période donnée, plus de 100 travailleurs de la santé ont été licenciés,

13 pas uniquement des médecins mais du personnel de santé de manière

14 générale. Des professeurs d'autres facultés ont également été licenciés.

15 D'autres personnes les remplaçaient, bien sûr serbes; certains d'entre eux

16 arrivaient à leur travail armés. Alors est-ce que vous pouvez imaginer un

17 patient qui aurait une consultation avec un médecin qui aurait un revolver

18 sur son bureau?

19 Ces licenciements ont également touché les niveaux inférieurs de la

20 hiérarchie et les niveaux supérieurs. On ne s'est pas contenté de

21 licencier les gens, mais on a demandé aux gens d'effectuer les travaux les

22 plus lourds et les plus difficiles. En ville, notamment, le fait de

23 travailler dans le…, le fait de nettoyer les canalisations ou autres, ou

24 de balayer les rues.

25 Bien sûr, dans la police, cela a commencé très rapidement aussi, les

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1 licenciements. Notamment au SDB, on a remplacé les personnes licenciées

2 par des Serbes et toutes les personnes qui travaillaient dans les services

3 du renseignement étaient remplacées par des Serbes. Quant aux policiers

4 ordinaires ou aux techniciens qui refusaient de prêter allégeance aux

5 Serbes ou qui refusaient d'aller au front, ils ont été remplacés

6 immédiatement. Et très rapidement, ces licenciements se sont faits sur une

7 base massive.

8 Dans l'armée, nous avons été informés de cette situation et des officiers

9 ont été renvoyés en raison de leur appartenance ethnique; cela s'est passé

10 l'été. Certains se sont trouvés dans une situation dangereuse en raison de

11 cela. Dans les écoles, au début, c'est arrivé parce que certains

12 refusaient d'écrire en cyrillique et, ensuite, cela s'est retourné contre

13 tout le monde. Ce n'est que dans des cas exceptionnels que des gens

14 pouvaient conserver leur travail: soit ils étaient dans un mariage mixte

15 et la partie serbe de la famille était assez haut placée. Mais pour

16 pouvoir conserver leur travail, un grand nombre de personnes ont dû

17 changer de nom ou encore être rebaptisées.

18 Et lorsque nous parlons de ces licenciements, de ces gens qui ont dû

19 abandonner leur travail, les personnes qui vivaient à la campagne et qui

20 travaillaient de la vente de leurs produits ne pouvaient plus, ne

21 pouvaient plus aller vendre leurs produits au marché de Banja Luka. C'est

22 différent de ce qui se passe dans d'autres pays. Ils n'ont plus été en

23 mesure de vendre leurs produits sur le marché de Banja Luka en raison des

24 nombreux barrages routiers qui entouraient la ville. Et si un paysan –

25 enfin, c'est comme cela que l'on appelait les agriculteurs-, si un paysan

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1 arrivait –d'ailleurs, il s'agissait souvent de femmes parce qu'on parle de

2 produits laitiers ou de légumes-, on l'empêchait d'aller au marché. Il

3 devait soit trouver un ami serbe qui pouvait apporter leurs produits, soit

4 il les donnait à d'autres qui le vendaient à des prix normaux au marché.

5 Voilà.

6 A part ceux qui travaillaient dans le bois, qui devaient parfois

7 travailler la nuit, car c'était dangereux -voilà, je vous parle de mon

8 expérience personnelle; j'en ai eu personnellement l'expérience-, mais on

9 les a empêchés de passer. A part s'ils connaissaient des personnes à ces

10 barrages routiers, à part s'ils avaient des liens d'amitié avec eux ou

11 qu'ils les payaient éventuellement, ils ne pouvaient pas apporter ce bois

12 au marché. En effet, on achetait le bois au marché, surtout à l'époque: le

13 chauffage de la ville, contrairement à ce qui est le cas ici dans le monde

14 civilisé, n'existait et vous ne pouviez donc acheter du charbon pour vous,

15 en tant que Bosnien ou en tant que Croate. Mais alors, vous essayiez

16 d'acheter du bois de producteurs individuels. Et si c'était difficile,

17 vous devriez acheter cela au prix le plus élevé, qui était fixé par les

18 Serbes.

19 Enfin, je ne vais pas insister sur cette question des licenciements, mais

20 voilà comment les gens étaient privés de leur droit au travail.

21 Question: Est-ce que le système judiciaire a été affecté par cette

22 politique de discrimination sur une base ethnique?

23 Réponse: Oui, tout à fait. D'ailleurs, je l'avais oublié, mais de par ma

24 profession –vétérinaire-, j'avais connaissance de la situation des

25 vétérinaires. Les vétérinaires étaient licenciés et, si des Serbes ne

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1 pouvaient pas les remplacer, tant pis!

2 Des spécialistes éminents étaient licenciés, et notamment un professeur

3 qui est très connu aux Etats-Unis. Il a subi des pressions, il a été

4 licencié, le docteur Hodzic de l'Institut vétérinaire de Banja Luka a été

5 licencié.

6 Pour ce qui est des juges, ils ont également été licenciés. Et on peut

7 dire que le Tribunal de Banja Luka et le bureau du procureur n'étaient

8 plus composés de Bosniens ni de Croates, à part dans certains cas très

9 rares où les gens restaient, mais il n'y avait pratiquement plus de

10 Bosniens ni de Croates.

11 A la radiotélévision, les journalistes, il n'y en avait pratiquement plus

12 aucun qui était bosnien ou croate. Peut-être quelques-uns qui étaient

13 encore croates, ou bien des Bosniens qui étaient mariés à quelqu'un d'une

14 autre nationalité, mais en tout cas, ils étaient très peu nombreux. Ou

15 alors, il s'agissait de journalistes qui faisaient réellement don de leurs

16 talents en s'engageant à rendre compte de ce qui se passait sur le front.

17 Dans ce cas-là, ils pouvaient garder leur emploi quelque temps.

18 Question: J'aimerais vous demander un éclaircissement au sujet de la

19 dernière partie de votre réponse que je lis au compte rendu d'audience en

20 anglais. Et apparemment, vous auriez dit "qu'il n'y avait plus de

21 journalistes serbes ou croates".

22 Est-ce bien ce que vous avez dit? Avez-vous dit que c'étaient les Croates

23 et les Serbes qui avaient été licenciés?

24 Réponse: Je pensais avant tout aux Bosniens et aux Croates. Mais je peux

25 ajouter que, si un Serbe voulait écrire autre chose que les clichés les

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1 plus répandus, il aurait été licencié également. Je crois même que cela

2 est arrivé à un ou deux journalistes serbes.

3 Question: Je me permettrais une digression, puisque vous venez d'évoquer

4 un nouveau sujet, à savoir les Serbes qui s'opposaient à cette politique.

5 Au cours de votre action en tant que président du SDA, en tant que

6 personne qui s'est opposée au pouvoir dans cette période, vous êtes-vous

7 trouvé des alliés au sein de la population serbe?

8 Réponse: Oui, surtout en 1991 et au début de 1992, c'est-à-dire dans une

9 période où l'escalade de la terreur n'avait pas atteint un niveau tel que

10 le simple fait de se rencontrer, se fréquenter, de boire un café entre

11 Serbes et non-Serbes en était arrivé à constituer un danger de mort. Il y

12 a quelques instants, j'ai dit que certains Serbes avaient été licenciés et

13 ils l'ont été effectivement pour une seule et simple raison: ils étaient

14 mariés à quelqu'un d'une autre nationalité.

15 Et il y avait aussi des messages silencieux, si je puis les qualifier

16 ainsi, qui venaient de la communauté serbe. On pouvait ressentir

17 l'existence d'une certaine opposition à ce genre de politique fasciste qui

18 se développait de leur part, mais ils ne pouvaient pas agir à l'encontre

19 de cette politique. Ceci a pu être constaté par moi-même et aussi par

20 d'autres citoyens de Banja Luka qui ont acquis le même sentiment. Certains

21 des Serbes, et je connais leurs noms, connaissaient la situation et se

22 sont rendu compte qu'il était préférable de quitter Banja Luka; ils sont

23 donc partis à l'étranger où ils habitent encore aujourd'hui d'ailleurs.

24 Certains Serbes, assez peu nombreux, mais certains m'ont même proposé une

25 forme de protection pour laquelle j'ai estimé qu'elle serait exagérément

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1 dangereuse, aussi bien pour eux que pour moi. Ils m'ont proposé de me

2 cacher chez eux, dans leur appartement. Je n'ai pas pu l'accepter parce

3 qu'il fallait que je sorte pour amener à bien certaines activités. Je

4 tenais beaucoup à continuer mes activités publiques; donc accepter ce

5 genre de propositions était impossible pour moi.

6 Mais nous recevions des renseignements émanant de Serbes. Il m'est arrivé

7 d'en recevoir directement, d'autres en ont reçu de façon plus indirecte,

8 des renseignements qu'il serait permis de qualifier de renseignements à

9 caractère militaire ou relatifs à la sécurité.

10 Il y a eu un cas très caractéristique que je me dois d'évoquer. Depuis

11 l'enfance, ma famille fréquentait une famille serbe, depuis très

12 longtemps, avant la Deuxième Guerre mondiale. C'était une famille qui

13 était très connue, qui vivait dans le centre-ville. Et quand mon copain,

14 mon ami de cette famille me rencontrait dans la rue, nous nous mettions

15 tous les deux à pleurer, car que nous n'avions plus la possibilité de nous

16 fréquenter.

17 Question: J'aimerais reparler d'un autre aspect de la vie qui a été

18 affecté par le conflit, en tout cas, s'agissant des non-Serbes: les non-

19 Serbes avaient-ils accès aux soins médicaux? Et cette possibilité de

20 bénéficier de soins médicaux a-t-elle était affectée par les événements

21 mentionnés dans l'Acte d'accusation, qui vont donc d'avril à décembre

22 1992?

23 Réponse: Oui, les non-Serbes pouvaient être soignés, mais seulement dans

24 des cas très rares et dans des circonstances assez extraordinaires.

25 Lorsqu'ils arrivaient à l'hôpital, il fallait qu'ils aient un ami parmi

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1 les médecins, il fallait qu'ils aient de l'argent pour payer et l'on

2 exigeait d'eux qu'ils travestissent leur nom.

3 Et l'accès à l'hôpital n'était donc plus autorisé, de façon générale, même

4 pour les maladies les plus graves, aux Croates et Bosniens. D'ailleurs,

5 même si cela avait été possible, nous n'y serions sans doute pas allés.

6 Nous nous serions empêchés d'utiliser ce droit, car l'hôpital était un

7 lieu dangereux, compte tenu du nombre de soldats blessés qui étaient

8 soignés. Et la réponse la plus simple que je pourrais vous faire est donc:

9 non, les non-Serbes n'avaient plus droit aux soins médicaux.

10 S'agissant des institutions de la ville, je tiens à rappeler d'ailleurs

11 qu'il s'agissait toujours d'institutions publiques; il n'existait pas

12 d'institutions privées à cette époque-là.

13 Question: Connaissiez-vous un docteur Vukic?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Le Dr Vukic était-il un membre éminent du SDS de Banja Luka?

16 Réponse: Absolument. A un certain moment, il l'a présidé d'ailleurs, si je

17 ne m'abuse.

18 Question: Le Dr Vukic était-il docteur en médecine?

19 M. Krzic (interprétation): Il était médecin. Donc ce n'est pas un docteur

20 en sciences, c'est un médecin, quelqu'un qui soigne. Il y a peut-être une

21 nuance entre les deux termes. Je crois même qu'il avait une

22 spécialisation; je ne sais plus si c'était en médecine interne, mais je

23 crois qu'il en avait une. Cela dit, je ne peux pas vous répondre avec une

24 totale précision.

25 M. Koumjian (interprétation): Avez-vous eu connaissance d'une déclaration

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1 faite en public par le Dr Vukic au sujet des naissances réalisées dans les

2 hôpitaux de Banja Luka?

3 M. Ackerman (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

4 Président, mais s'agissant de la mention qui est faite à ce témoin de

5 déclaration publique, j'élève une objection par rapport à ce genre de

6 questions, dont le fondement n'a pas été décrit.

7 Comment peut-il être au courant de l'existence d'une déclaration publique?

8 Ce témoin l'a-t-il entendu lui-même, ou a-t-il entendu quelqu'un qui lui

9 en parlait, ou a-t-il entendu quelqu'un qui avait entendu quelqu'un qui

10 avait entendu quelqu'un qui lui en a parlé?

11 La Chambre, devant laquelle nous sommes, doit disposer d'une base

12 quelconque qui lui permette de juger la fiabilité de ce que le témoin

13 prétend avoir entendu et qui lui permet de déterminer si la source est

14 fiable ou pas. Je pense donc qu'il faudrait, avant que le témoin nous

15 parle de choses qu'il aurait entendues, que vous évoquiez la question des

16 rumeurs, des insinuations et des choses de ce genre.

17 M. le Président (interprétation): Je suppose que vous avez entendu la

18 question. La question consiste à lui demander s'il était au courant de

19 l'existence d'une allocution publique ou d'une déclaration faite en public

20 par le Dr Vukic sur un sujet particulier.

21 Avant de poursuivre, en passant sur d'autres sujets que vous avez évoqués,

22 il faut que le témoin réponde. Parce que s'il n'a pas connaissance de

23 cette déclaration, tout le reste tombe; s'il a eu connaissance de cette

24 déclaration, alors nous allons demander au Procureur ou au témoin de

25 parler de cette question des insinuations.

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1 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, à en juger par la façon dont il a

2 répondu à la question jusqu'à présent, il va nous emmener bien au-delà du

3 cadre de la question. Il va se lancer dans l'un de ses monologues.

4 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, j'aimerais diriger les

5 débats, si vous me le permettez!

6 Je suis juge depuis 25 ans, je peux juger entre un témoin et un autre. Et

7 les témoins n'arrêtent pas les avocats, c'est l'inverse qui se produit.

8 Donc nous pouvons poursuivre, je pense.

9 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que vous ayez besoin de

11 reposer la question, Monsieur Koumjian.

12 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic a consulté son livre pendant

13 le dialogue qui s'est établi entre vous et le conseil de la défense. Je

14 pense que ceci devrait figurer au compte rendu d'audience.

15 M. le Président (interprétation): Est-ce exact, Monsieur Krzic?

16 Vous n'êtes pas autorisé à le faire. Personne ne vous critique, mais vous

17 voyez, le Procureur qui vous interroge veut être tout à fait loyal vis-à-

18 vis de la défense et vis-à-vis de la Chambre de première instance; ce que

19 les Juges de cette Chambre apprécient d'ailleurs. Ceci vous est donc

20 rappelé.

21 M. Krzic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai cru comprendre que

22 mon témoignage, ma déposition ici était censée être assez globale. Face à

23 des questions de ce genre, je dois donc consulter un document.

24 D'ailleurs, j'ajoute que j'ai, dans toute ma carrière, la pratique,

25 l'habitude d'écouter plusieurs choses en même temps ou bien deux langues

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1 en même temps. Je croyais donc qu'en consultant mon livre, mon ouvrage,

2 j'allais être mieux à même de répondre aux préoccupations de celui qui m'a

3 posé des questions et notamment de la défense. Je ne voyais pas en quoi

4 cela pourrait nuire à la défense.

5 Deuxièmement, j'aimerais que l'on me rende mes notes personnelles, car,

6 pour répondre à une question de ce genre, j'aurai besoin de les consulter.

7 Mais j'en terminerai en disant, Monsieur le Procureur, que je suis tout à

8 fait prêt à répondre à votre question. Cela étant, il m'est difficile de

9 le faire sans mes notes.

10 M. le Président (interprétation): Eh bien, dans ce cas, je vous prierai de

11 bien vouloir nous donner votre réponse.

12 M. Krzic (interprétation): Oui.

13 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur l'Huissier.

14 M. Krzic (interprétation): Monsieur Vukic, en tant que membre du SDS, ou

15 en tout cas membre permanent du Conseil exécutif du SDS, a prononcé un

16 certain nombre de déclarations en public, qui sont donc devenues très

17 connues et qu'il est permis de considérer comme des déclarations

18 antisémites et antinationales. Il a même prononcé des paroles menaçantes.

19 Je vais vous donner trois exemples que j'ai réussi à trouver ici.

20 Premièrement, M. Vukic a été interrogé un jour par la radiotélévision de

21 Sarajevo, avec M. Hadzialijagic, le vice-président. Je n'ai même pas

22 besoin de consulter mes notes, je me souviens très bien ce qui s'est dit:

23 il a prononcé des paroles offensantes à l'égard des femmes musulmanes, il

24 les a attaquées dans leur honneur et a poursuivi en insultant publiquement

25 les Turcs. Lorsqu'il employait le mot "Turcs", il pensait aux Bosniens.

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1 C'était un mot qui était utilisé de façon péjorative pour désigner les

2 Bosniens alors que ces deux éléments n'ont aucun rapport l'un avec

3 l'autre.

4 Et pour la communauté bosnienne, ce mot était une insulte. Il a dit que

5 "les Turcs à Banja Luka allaient trembler de peur" et, en tant que

6 Président du SDS, quelqu'un qui s'exprime de cette façon publiquement à la

7 radiotélévision de Sarajevo ne peut pas être compris comme faisant autre

8 chose que de prononcer des menaces publiques.

9 Bien entendu, nous avons cité les propos tenus par lui, nous y avons

10 répondu en public également. En fait, j'ai accordé une contre-interview

11 suite à cela.

12 Question: Monsieur Krzic…

13 M. le Président (interprétation): Monsieur le Procureur, je dois appeler

14 votre attention sur le fait que nous avons déjà dépassé le temps imparti

15 aux travaux de cette Chambre. Donc si cela ne vous dérange pas

16 d'interrompre votre interrogatoire principal à l'instant même, faites-le.

17 Sinon, nous pouvons poursuivre encore pour la durée d'une ou deux

18 questions brèves.

19 Mais étant donné que je suis dans l'incapacité de prévoir la longueur de

20 la réponse à ces questions, je pense qu'il serait préférable de s'arrêter

21 ici.

22 Nous reprenons nos débats demain à 9 heures du matin.

23 Je demande à ce que M. le Témoin se trouve dans la salle demain matin,

24 dans les mêmes conditions; cela vous permettra de poursuivre votre

25 interrogatoire principal.

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1 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, nous avons maintenant

2 reçu des copies des notes.

3 M. le Président (interprétation): Oui.

4 M. Koumjian (interprétation): Je vois qu'il y a un numéro de téléphone

5 photocopié sur la première page. Alors, j'aimerais le montrer au témoin,

6 car je ne suis pas sûr qu'il souhaite que cette page soit distribuée.

7 M. le Président (interprétation): Vérifiez auprès de lui.

8 M. Koumjian (interprétation): Je peux le faire après la suspension.

9 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous reprenons donc nos

10 travaux demain à 9 heures.

11 (L'audience est levée à 13 heures 50.)

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