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1 (Mardi 5 février 2002.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)
4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, pourriez-vous
5 annoncer l'affaire?
6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de
7 l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdanin et Momir Talic.
8 M. le Président (interprétation): La routine habituelle, je vous prie.
9 Comme tous les matins, Monsieur Brdanin, je vous demande si vous
10 m'entendez dans une langue que vous en comprenez.
11 M. Brdanin (interprétation): Je vous entends et je vous comprends.
12 M. le Président (interprétation): Général Talic, pouvez-vous m'entendre
13 dans une langue que vous comprenez?
14 M. Talic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. J'entends et je
15 comprends.
16 M. le Président (interprétation): Bonjour à vous deux. Je demande d'abord
17 à l'accusation de se présenter.
18 M. Cayley (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
19 Andrew Cayley; je suis accompagné de M. Nikola Koumjian et notre
20 assistante est Ruth Karper.
21 M. le Président (interprétation): Merci. La défense de M. Brdanin d'abord?
22 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
23 John Ackerman, je suis accompagné de Milka Maglov.
24 M. de Roux: (hors micro) avocat assisté de Natasha Fauveau et Fabien
25 Masson.
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1 M. le Président: Merci.
2 (Interprétation): Avant de commencer, vous savez que demain, aura lieu
3 cette rencontre informelle entre vous, qui sera présidée par le juriste
4 hors classe, M. Von Hebel.
5 Je suppose qu'il n'est pas utile que je vous rappelle le sujet de cette
6 rencontre, car je suppose que vous en êtes convenus ensemble dès le début.
7 En tout cas, c'est au sujet de Banja Luka que vous vous rencontrerez
8 demain.
9 Cette rencontre a été prévue demain, comme je viens de le dire, comme vous
10 le savez d'ailleurs, et se tiendra en face de la salle d'audience n°1,
11 dans la salle 177; je suppose que vous la connaissez déjà. Donc salle 177.
12 Dès que vous sortez de la salle d'audience n°1, vous trouvez cette pièce
13 qui est, en fait, une pièce située entre la salle d'audience et la salle
14 des Juges. Cela devrait vous aider à la trouver. Elle se trouve au bout du
15 couloir qui, ensuite, débouche sur la cage d'escalier qui vous permet de
16 venir dans la salle d'audience n°3. Cette rencontre commencera à 14 heures
17 15, une heure après la fin de nos débats de demain, et devrait durer deux
18 heures. Evidemment, elle sera plus courte si vos discussions le sont
19 également.
20 Je crois savoir que des consultations se poursuivent depuis plusieurs
21 jours ou plusieurs semaines. Je rappelle simplement que cette rencontre
22 entre vous, qui est le résultat de ces consultations, ne sera pas une
23 réunion formelle, mais bien une réunion informelle. Sans manquer de
24 respect pour la belle langue française, je dirai que cette rencontre de
25 demain entre vous se déroulera en anglais sans qu'il soit nécessaire de
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1 l'interpréter. Il n'y aura donc pas d'interprétation.
2 Je passe maintenant à un autre point. Je demande aux conseils de la
3 défense, si l'un ou l'autre a quelque chose à dire, s'agissant de la
4 déposition de M. Krzic.
5 M. Ackerman (interprétation): Il semble, Monsieur le Président, qu'il y
6 ait quelque confusion au sujet de notre calendrier, de l'horaire de nos
7 audiences à venir.
8 M. le Président (interprétation): Oui, mais je n'ai pas l'horaire sous les
9 yeux. Cependant, je l'ai regardé hier.
10 M. Ackerman (interprétation): La seule chose qui m'intéresse, en fait,
11 c'est la semaine prochaine.
12 Monsieur le Président, il y a déjà un certain nombre de jours, nous en
13 avons discuté et je croyais avoir compris que les 11, 12 et 13 février, il
14 n'y aurait pas d'audience. Or le calendrier de la Chambre de la salle
15 d'audience dans laquelle nous nous trouvons indique que des audiences sont
16 bel et bien et prévues; or cela ne devrait pas être le cas.
17 M. le Président (interprétation): Je croyais que vous m'aviez dit que vous
18 alliez faire de votre mieux pour revenir le 12. Je me rappelle très bien
19 vous l'avoir entendu dire.
20 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais je crois qu'ensuite, Monsieur le
21 Président, vous avez déclaré que, le 13, il n'y aurait pas d'audience pour
22 que je puisse me préparer. Mais je ferai ce que vous déciderez.
23 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je m'en tiens à ce que
24 j'ai dit; je tiens mes promesses. Je viens d'une région du monde où la
25 parole vous lie. Je vérifierai donc le compte rendu d'audience de la
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1 discussion que nous avons eue à ce sujet. Je crois que c'était le deuxième
2 jour ou le troisième et dernier jour de la conférence préalable au procès.
3 Je crois que c'est ce jour-là que nous en avons discuté, lorsque nous
4 avons parlé du calendrier pour février, mars et jusqu'au 4 avril. Mais
5 j'ai l'impression qu'il est possible que Me Ackerman ait raison.
6 Cependant, Maître Ackerman, je ne suis pas sûr que vous ayez raison à
7 100%.
8 Ce dont je me souviens très bien, c'est que vous nous avez dit que vous
9 alliez faire votre mieux pour revenir le 12.
10 M. Ackerman (interprétation): J'ai très certainement dit cela, Monsieur le
11 Président. Je suis assez âgé, comme vous le savez, donc…
12 M. le Président (interprétation): Nous le sommes tous les deux, Maître
13 Ackerman. Donc nous nous rappelons le présent et oublions tout le reste,
14 n'est-ce pas?
15 Mais je vérifierai et je vous en reparlerai.
16 M. Ackerman (interprétation): J'ai cru comprendre également que vendredi
17 de la semaine prochaine est une journée prévue pour la maintenance?
18 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui, effectivement. Je ne le
19 savais pas, à l'époque où nous en avons parlé. Mais si vous voulez vous
20 servir de cela pour dire que nous n'allons pas siéger non plus le 14, vous
21 faites erreur.
22 M. Ackerman (interprétation): Non, non, non, je voulais simplement savoir
23 quand les audiences se tiendraient.
24 M. le Président (interprétation): Eh bien, pour le moment, selon le
25 calendrier prévu, nous reprenons nos travaux le 13. Mais il est possible
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1 que vous ayez raison au sujet de ce qui a été dit entre nous; je vais
2 vérifier.
3 Mme Janu (interprétation): Il devait rentrer le 12.
4 M. le Président (interprétation): Il devait rentrer le 12 et nous devions
5 travailler le 13?
6 Eh bien, Maître Ackerman, dans ces conditions, où que vous alliez, que ce
7 soit à Sarajevo ou ailleurs, il faudra que vous fassiez l'effort de
8 revenir le 12 et d'être avec nous dans le prétoire le 13. Mais je
9 vérifierai néanmoins, comme je l'ai déjà dit, le compte rendu d'audience.
10 Donc le 22 ou le 23 mars, ou, à défaut, le 4 avril sera un jour où la
11 Chambre ne siégera pas. C'est un jour que j'ai ajouté, d'ailleurs. J'ai
12 dit cela parce que, pour moi, cela n'a guère d'importance.
13 Y a-t-il autre chose, Maître Ackerman?
14 M. Ackerman (interprétation): Je voulais simplement, Monsieur le
15 Président, je ne faisais que demander un renseignement; c'était la seule
16 chose que je demandais, aucune autre faveur.
17 M. le Président (interprétation): Bien entendu, je n'ai aucune raison de
18 me plaindre de quoi que ce soit dans la façon dont vous menez votre
19 défense dans la présente affaire, ou dans votre comportement.
20 Oui, Monsieur Cayley?
21 M. Cayley (interprétation): Un point, simplement, Monsieur le Président.
22 Devons-nous faire venir un témoin la semaine prochaine? Je crois
23 comprendre, après avoir discuté avec mon collègue M. Koumjian, qu'il lui
24 faudra encore le reste de la journée d'aujourd'hui pour terminer
25 l'interrogatoire principal de M. Krzic. Le contre-interrogatoire
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1 commencera donc peut-être demain et devrait normalement se poursuivre
2 encore le surlendemain. Comme vous le comprenez, nous sommes un peu comme
3 les contrôleurs du ciel lorsqu'il y a des retards d'avion pour aller à
4 Sarajevo et en revenir.
5 Il faut donc que le témoin, normalement, revienne la semaine d'après, la
6 semaine prochaine. Vous pouvez, bien sûr, traiter des documents de Banja
7 Luka à ce moment-là, mais j'aimerais savoir ce qu'il en est exactement au
8 sujet du témoin, car cela peut poser problème.
9 M. le Président (interprétation): Oui, cela risque de poser problème. J'y
10 ai beaucoup réfléchi parce que finalement, la semaine prochaine, nous ne
11 disposerons que de deux jours de travail.
12 Et me fondant sur la déposition entendue hier, j'ai acquis un doute assez
13 sérieux quant à la façon dont nous pourrions espérer arriver au terme de
14 la déposition de ce témoin cette semaine. Très franchement, je pense que
15 ce ne sera pas possible.
16 Mais avant que je ne discute de cela avec mes collègues pour ensuite
17 revenir vers vous, j'ajouterai que, vous fondant ce que vous avez entendu
18 hier, et je sais que vous êtes tous des juristes très expérimentés, je
19 suis certain que vous avez pu vous faire une idée approximative du type de
20 contre-interrogatoire qu'il vous faudra mener à bien, ainsi que de la
21 durée possible de ce contre-interrogatoire. Vous avez été très précis
22 s'agissant du témoin précédent, le professeur Donja; donc si vous pouviez
23 agir de même pour ce témoin, cela nous placerait dans une situation plus
24 favorable s'agissant de donner des instructions à l'accusation pour la
25 semaine prochaine.
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1 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, effectivement, je
2 suis prêt à partager le fruit de mes réflexions avec les Juges de cette
3 Chambre. Mais n'oublions pas que, selon l'une ou l'autre des réponses que
4 j'obtiendrai à mes questions, il est fort possible que je doive ajouter un
5 quart d'heure ou retrancher un quart d'heure du temps approximatif du
6 temps que je vais citer à présent.
7 Cela étant, je pense que je devrais avoir besoin de toute la journée de
8 demain et d'une heure le lendemain pour mon contre-interrogatoire; c'est
9 l'approximation la plus précise que je puisse vous donner. Mais bien sûr,
10 cela dépend du temps que le témoin décide de consacrer à certaines de mes
11 questions.
12 M. le Président (interprétation): Personnellement, je prévois que ce genre
13 de témoin, compte tenu de sa façon de témoigner, aura des réactions assez
14 longues en contre-interrogatoire.
15 Maître de Roux?
16 M. de Roux: Monsieur le Président, moi, je crois, compte tenu de ce que
17 j'ai entendu hier et de ce que l'on va entendre aujourd'hui, qu'une
18 audience me sera nécessaire pour interroger le témoin.
19 M. le Président (interprétation): Vous aurez donc besoin de la journée?
20 D'un jour?
21 M. de Roux: Un jour, oui.
22 M. Cayley (interprétation): Donc, si Me Ackerman est ici mercredi, nous
23 aurons un jour ou un peu moins d'un jour, si nous ne siégions que deux
24 jours la semaine prochaine.
25 M. le Président (interprétation): La semaine prochaine, il est certain que
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1 nous ne siégerons que deux jours.
2 Bien. Le témoin n'est pas encore dans la salle. Et vous avez remarqué sans
3 doute qu'hier, je me suis ingéré le moins possible dans le cours de sa
4 déposition, car je partais du principe que ce témoin avait sa propre
5 manière de répondre aux questions et qu'après chacune de nos
6 interruptions, il coopérait mieux mais, une minute après, il repartait
7 dans le rythme habituel de son exposé.
8 En tout état de cause, c'est votre témoin, Monsieur Cayley. Je me rends
9 bien compte que vous avez essayé de le ramener à l'ordre un certain nombre
10 de fois. Ce n'est pas un témoin facile -en tout cas, c'est ce que je
11 pense- et je propose que vous le fassiez avec beaucoup de soins, mais je
12 me rends bien compte de ce qui se passe. Cela étant, dès le début de sa
13 déposition aujourd'hui, je pense qu'il serait préférable qu'il ne réponde
14 qu'aux questions qu'on lui pose et à rien d'autre.
15 Par ailleurs, bien entendu, c'est M. Koumjian qui mène l'interrogatoire.
16 Donc je vous propose la chose suivante, Monsieur Koumjian: dès lors que
17 vous vous êtes convaincu qu'il a bel et bien répondu à la question que
18 vous lui posiez ou, en tout cas, qu'il vous a donné la réponse qu'il
19 pouvait vous donner, je vous propose d'intervenir éventuellement en lui
20 disant qu'il en a dit assez sur ce sujet particulier et que vous aimeriez
21 passer à la question suivante. Je vous demande d'agir de la sorte, car les
22 Juges se sentiront beaucoup mieux si c'est vous qui le faites plutôt que
23 de leur demander de le faire, à eux. Et ce, pour des raisons tout à fait
24 claires, car, si nous le faisons, il nous faudra vous interrompre; or, si
25 vous le faites, vous n'interromprez pas les Juges de la Chambre et vous
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1 apporterez votre aide à ces Juges.
2 Je suis sûr que je me suis bien fait comprendre de vous, n'est-ce pas, et
3 donc nous pourrions…
4 M. Cayley (interprétation): Donc nous attendons pour déterminer s'il faut
5 ou non faire venir un témoin ou non la semaine prochaine?
6 M. le Président (interprétation): Oui, de toute façon, c'est une décision
7 qui peut être prise dans une heure ou deux; on peut attendre un peu. Nous
8 verrons comment les choses avanceront, car il est certain que la
9 déposition d'hier aurait pu durer beaucoup moins longtemps. Mais les
10 choses sont ce qu'elles sont, n'est-ce pas.
11 Je demande à présent que l'on fasse entrer dans le témoin dans la salle.
12 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)
13 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Krzic. Merci d'être de
14 retour dans ce prétoire ce matin.
15 On va vous soumettre le même petit morceau de papier que vous avez déjà vu
16 hier sur lequel est inscrite la déclaration solennelle que je vous demande
17 de relire à haute voix.
18 M. Krzic (interprétation): Je jure de dire la vérité, toute la vérité et
19 rien que la vérité.
20 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir. Merci.
21 Monsieur Koumjian, membre du Bureau du Procureur, va reprendre son
22 interrogatoire principal.
23 (Interrogatoire principal du témoin, M. Muharem Krzic, par M. Koumjian.)
24 M. Koumjian (interprétation): Bonjour. Nous espérons, dans la journée
25 d'aujourd'hui, pouvoir traiter d'un certain nombre de questions, donc dans
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1 l'espoir que votre déposition puisse s'achever le plus rapidement possible
2 pour que nous puissions vous renvoyer à vos affaires.
3 Je vous inviterai à fournir des réponses aussi brèves que possible aux
4 questions que je vous pose. Si j'ai besoin de détails complémentaires, je
5 vous le ferai savoir et je vous les demanderai, mais nous souhaitons que
6 votre témoignage se déroule rapidement.
7 M. le Président (interprétation): Vous m'entendez, Monsieur Krzic?
8 M. Krzic (interprétation): Oui, je vous entends, Monsieur le Président.
9 M. le Président (interprétation): Les Juges de cette Chambre aimeraient
10 également vous faire la suggestion suivante: lorsqu'on vous pose une
11 question, il serait bon que vous répondiez à cette question dans son
12 intégralité, mais uniquement à cette question et à rien d'autre. Cela
13 aiderait les Juges de la Chambre de première instance si vous pouviez
14 traiter des questions évoquées dans cette déclaration de façon plus
15 précise peut-être que vous ne l'avez fait jusqu'à présent, sans aborder
16 d'autres sujets qui, en fait, risquent de créer la confusion dans l'esprit
17 des Juges. Donc je vous demanderai de répondre à la question, à toutes les
18 questions et rien qu'à la question. Merci.
19 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, je vous demande
20 l'autorisation de faire la proposition suivante au témoin: lorsque je vous
21 pose une question, vous pourriez peut-être me regarder; pendant que vous
22 me répondez, vous pourriez également me regarder et, au moment où je pense
23 que la réponse est terminée, je pourrais vous faire un petit signe de
24 façon à ce que vous sachiez à quel moment vous arrêter.
25 M. le Président (interprétation): C'est une très bonne idée, Monsieur
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1 Koumjian.
2 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, lorsque vous étiez à Banja
3 Luka en 1992, entendiez-vous des bruits d'explosion, la nuit?
4 M. Krzic (interprétation): Oui, toutes les nuits.
5 Question: Avez-vous appris quelles étaient les raisons… Ou plutôt, je
6 reformule ma question: quelque temps après avoir entendu les bruits
7 d'explosion, vous arrivait-il de savoir, donc d'apprendre quels étaient
8 les endroits qui avaient été bombardés ou bien les endroits où les
9 explosifs avaient sauté?
10 Réponse: Oui, en général j'apprenais ce genre de choses le lendemain.
11 Question: Quels étaient les lieux et bâtiments qui étaient bombardés?
12 Réponse: Cela a commencé avec les magasins, les bureaux et entreprises,
13 les lieux d'habitation des non-Serbes. Donc, au départ, c'était surtout
14 les lieux de travail, les entreprises qui étaient visées et, au bout d'un
15 certain temps, des maisons et appartements privés sont devenus la cible de
16 ce genre d'explosions. Mais j'ajouterai simplement que, lorsqu'il
17 s'agissait de lieux privés, je recevais les informations plus rapidement,
18 c'est-à-dire dès le lendemain, si les explosions avaient eu lieu en ville,
19 et, un peu plus tard, si elles avaient eu lieu dans des villages. Des
20 cafés, restaurant et entreprises ont été les premières cibles.
21 Question: Dans la ville de Banja Luka, avez-vous appris quelle était la
22 nationalité des propriétaires des restaurants, notamment, qui ont été
23 bombardés?
24 Réponse: Oui, je l'apprenais tout de suite.
25 Question: Quelle était la nationalité des propriétaires, c'est-à-dire des
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1 victimes de ces bombardements?
2 Réponse: A l'intérieur de la ville, il s'agissait avant tout de commerces
3 et de bureaux bosniens, et quelques croates. S'il s'agissait des régions
4 situées en dehors de la ville, donc dans les alentours, les propriétaires
5 de ce genre d'endroits étaient en général croates. Cependant, un peu plus
6 tard, il est arrivé que des lieux serbes soient également visés à un
7 moindre degré d'ailleurs et, pour notre part, nous avons interprété cela
8 comme démontrant l'existence de factions de nature politique ou
9 criminelle.
10 Question: Est-il arrivé un moment où les bombardements ont cessé et où
11 d'autres exactions ont commencé à l'encontre des propriétaires de ce genre
12 de lieux?
13 Réponse: Je ne me rappelle pas exactement aujourd'hui -il faudrait bien
14 sûr que je consulte mes notes et cela vous demanderait peut-être trop de
15 temps- quand des changements importants se sont-ils produits à cet égard.
16 Eh bien, dès que les premiers combattants qui s'étaient battus en Croatie
17 ont commencé à revenir, les dirigeants du SDS ont fait savoir publiquement
18 que tout ce qui était lieu de restauration ou commerce appartenant à des
19 non-Serbes, eh bien, tous ces lieux seraient désormais transférés entre
20 les mains de ceux qui revenaient de la guerre, en signe de reconnaissance.
21 Question: Donc lorsque les explosions ont cessé, la confiscation
22 d'appartements et d'autres lieux ont commencé?
23 Réponse: Oui. Mais, en fait, les explosions n'ont pas cessé; simplement,
24 elles sont devenues moins intenses. Ce qui se passait en fait, c'est que
25 des grenades ont commencé à être jetées à l'intérieur d'autres endroits
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1 qui étaient des propriétés privées, des appartements, des maisons, et ce,
2 dans le but de forcer les propriétaires à partir. D'ailleurs, ce n'était
3 pas que des grenades qui étaient utilisées, pas uniquement des grenades à
4 main, mais également des grenades tirées par des lance-grenades.
5 Question: Avant de vous poser ma question suivante, je vous remercie,
6 Monsieur Krzic, de suivre à la lettre les instructions que je vous ai
7 données ce matin. Je suis sûr que votre déposition se déroulera dans de
8 meilleures conditions dorénavant.
9 Monsieur, avez-vous appris qu'un avion avait jeté quelque chose sur Banja
10 Luka durant l'année 1992; en tout cas, pendant la période couverte par
11 l'Acte d'accusation, c'est-à-dire à partir d'avril 1992?
12 Réponse: Oui, j'en ai eu connaissance et je l'ai vu de mes propres yeux.
13 Question: Et qu'ont lâché ces avions?
14 Réponse: Des affiches avec des menaces, en demandant que les non-Serbes
15 quittent Banja Luka.
16 Question: Vous souvenez-vous avoir ramassé une de ces affiches et l'avoir
17 donnée à un représentant d'une organisation internationale?
18 Réponse: Je me souviens avoir reçu de tels tracts. Les enfants les
19 ramassaient. Les avions tournaient en rond de façon visible. Ils ont
20 effectué plusieurs cercles au-dessus de Banja Luka et, pour autant que je
21 me puisse m'en souvenir, nous avions un tel tract au parti et nous l'avons
22 donné aux organisations internationales.
23 Question: Autant que vous puissiez vous en souvenir, que disaient ces
24 tracts?
25 Réponse: Maintenant, je ne peux vous le redire, mais je sais uniquement
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1 que cela contenait des menaces et cela exigeait que les non-Serbes
2 quittent ce territoire, qui était censé être pour les Serbes.
3 Question: Serait-il exact de dire… Enfin, qui concernaient ces menaces? A
4 l'encontre de qui étaient-elles dirigées?
5 Réponse: Contre les non-Serbes, mais on ne disait jamais non-Serbes: on
6 disait Croates et Bosniens, c'est-à-dire Musulmans.
7 Question: Pendant la période couverte par l'Acte d'accusation -je vais le
8 dire maintenant, mais je ne vais pas le répéter à chaque fois: il s'agit
9 du mois d'avril jusqu'au mois de décembre 1992-, avez-vous eu connaissance
10 d'efforts ou de cas où des non-Serbes ont dû signer pour abandonner leurs
11 biens à Banja Luka?
12 Réponse: Oui, c'est certain. De tels cas se sont produits mais, dans la
13 plupart des cas, ils devaient signer que, de leur plein gré, ils
14 quittaient Banja Luka. C'était dans le cas où ils avaient refusé de
15 répondre à la mobilisation. Je connais certains cas, personnellement, où
16 ils ont dû accepter un échange officiel entre des bâtiments, des maisons
17 alors que les bâtiments de l'autre côté n'existaient peut-être même pas;
18 ils n'avaient pas la possibilité de le vérifier. Je peux vous donner le
19 nom des personnes concernées.
20 Question: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de nous donner les noms
21 mais, pour que les Juges de la Chambre comprennent bien, est-ce que vous
22 êtes en train de parler d'échanges d'appartements, de résidences entre
23 Banja Luka et la Croatie, par exemple?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Est-ce que vous savez si les autorités de Banja Luka ont mis sur
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1 place une agence officielle pour faciliter ces échanges, pendant la
2 période couverte par l'Acte d'accusation?
3 Réponse: Oui, les représentants de cette agence m'ont même rendu visite
4 ainsi qu'à ma famille pour me demander d'accepter un tel échange.
5 Question: Est-ce que vous savez si cette agence a été mise en place par
6 les autorités de Banja Luka?
7 Réponse: Ils se sont présentés comme étant créés par le SDS. Par la suite,
8 pour autant que j'ai pu l'apprendre, en 1993, cette agence s'est appelée
9 Bureau du départ et elle a été officiellement enregistrée par l'entité
10 serbe.
11 Question: Quelle était la nationalité des personnes à qui on demandait
12 d'échanger leur appartement et de quitter Banja Luka?
13 Réponse: Ils étaient serbes.
14 Question: Les personnes à qui on a demandé de quitter Banja Luka, elles
15 étaient serbes? Enfin, est-ce que j'ai bien compris votre réponse?
16 Réponse: Il s'agissait de Croates et de Bosniens uniquement.
17 Question: Pendant la période couverte par l'Acte d'accusation, Monsieur
18 Krzic, avez-vous eu connaissance d'un véhicule qu'on appelait le "combi
19 rouge"? Ou de deux véhicules, au pluriel?
20 Réponse: Oui. Et dans un cahier, j'ai même noté le numéro de la plaque
21 d'immatriculation; je ne sais pas si cela a son importance.
22 Question: Avez-vous entendu parler, d'autres personnes que vous
23 connaissiez, d'autres non-Serbes, avez-vous entendu parler de l'activité
24 de ces combis rouge? Et si oui, qu'en avez-vous entendu?
25 M. Krzic (interprétation): Il s'agissait de nombreuses histoires.
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1 M. Ackerman (interprétation): Je me vois contraint d'émettre une objection
2 quant à la déposition, à moins que nous n'ayons la source d'où vient cette
3 information!
4 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)
5 M. Koumjian (interprétation): Maître Ackerman aura tout loisir de poser
6 cette question dans le cadre du contre-interrogatoire. Je crois savoir que
7 la source sera prise en compte par les Juges au moment où ils décideront
8 du poids à accorder à la déposition ainsi qu'au témoignage par ouï-dire.
9 Il s'agit là manifestement d'un cas d'ouï-dire de seconde main.
10 Le témoin l'a peut-être entendu de différentes personnes, il ne peut donc
11 pas donner la source, mais je crois qu'il peut tout de même répondre. Je
12 crois que j'essaierai, dans mes questions de suivi, d'établir avec
13 précision la source. Et le conseil de la défense pourra également le faire
14 au moment du contre-interrogatoire.
15 (Les Juges se concertent sur le siège.)
16 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je ne peux accepter
17 votre objection malheureusement.
18 La question a été posée d'une certaine façon: je viens de relire la
19 formulation sur mon écran et je ne crois pas que cela tombe dans le cadre
20 des éléments par ouï-dire, comme vous l'avez affirmé.
21 La question était la suivante: est-ce que le témoin lui-même a entendu
22 parler d'histoires concernant cette camionnette rouge et d'autres éléments
23 qui y seraient associés?
24 On ne demande pas au témoin de nous raconter ce qu'il a entendu, mais on
25 lui demande pour l'instant de dire s'il a eu connaissance des activités
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1 entourant cette camionnette rouge.
2 Est-ce que j'ai bien compris?
3 M. Koumjian (interprétation): Oui.
4 M. le Président (interprétation): Vous pouvez donc poursuivre votre
5 interrogatoire principal et nous demanderons au témoin de répondre.
6 M. Krzic (interprétation): Oui, j'en ai entendu parler, et je peux vous
7 citer des personnes qui ont eu l'expérience directe de cela ainsi que moi-
8 même.
9 M. Koumjian (interprétation): Pour préciser un point: vous avez entendu
10 parler de cela d'autres personnes que vous connaissiez, est-ce qu'il
11 s'agissait de connaissances, d'amis personnels qui étaient des non-Serbes?
12 Réponse: Oui, c'est exact.
13 Question: Est-ce que vous-même avez jamais vu cette camionnette rouge
14 devant la résidence d'une de vos connaissances ou d'un de vos amis?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Vous nous avez parlé d'une expérience personnelle également.
17 Est-ce que cette expérience personnelle a confirmé les renseignements que
18 vous avez reçus de vos connaissances ou de vos amis? Est-ce que c'était
19 conforme à ce que vous aviez entendu?
20 Réponse: Oui, parfaitement.
21 Question: Et pour préciser quelque chose: l'expérience personnelle que
22 vous en avez eue a eu lieu en 1993 et pas pendant la période couverte par
23 l'Acte d'accusation? Est-ce que c'est exact?
24 Réponse: Oui, mais je ne vous parle pas uniquement de mon expérience
25 personnelle, je vous parle à la fois de mon expérience personnelle et de
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1 l'expérience de mes premiers voisins, de mes voisins les plus proches.
2 C'est donc une expérience personnelle et également l'expérience d'autres
3 personnes à laquelle j'ai assisté.
4 Question: Est-ce que ces véhicules rouges étaient craints par les non-
5 Serbes à Banja Luka?
6 Réponse: Oui. Bien entendu. Ces camionnettes, on les appelait "salles de
7 torture mobiles".
8 Question: Nous allons passer à un autre sujet.
9 Monsieur Krzic, pendant la période couverte par l'Acte d'accusation, avez-
10 vous eu connaissance de trains qui passaient par Banja Luka et qui
11 emmenaient les non-Serbes hors de la région?
12 Réponse: Oui; je le sais d'ailleurs également de mon expérience
13 personnelle.
14 Question: L'expérience personnelle dont vous parlez… Je vois que vous êtes
15 en train de consulter vos notes, je ne pense pas que cela pose problème,
16 mais peut-être pourriez-vous nous dire quels sont les premiers mots qui
17 figurent sur la page que vous consultez? Je ne pense pas que les pages
18 soient numérotées, mais si les conseils de la défense souhaitent suivre,
19 peut-être vous pourriez nous l'indiquer.
20 Mais peut-être pourrez-vous répondre à ma question sans consulter vos
21 notes. Essayez de répondre à la question sans consulter vos notes et
22 ensuite, si vous avez vraiment besoin de les consulter, vous pourrez le
23 faire. Mais je n'ai pas besoin de date précise.
24 Réponse: Oui. On a annoncé pour la première fois qu'il y avait, à Banja
25 Luka, un train qui contenait des personnes déplacées, qui se dirigeait
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1 dans une direction inconnue. A ce moment-là, j'ai rassemblé des
2 représentants du peuple bosnien et, dans deux véhicules, nous nous sommes
3 rendus à la gare de Banja Luka.
4 Je me suis approché personnellement de ce convoi, à cinq ou six mètres. Il
5 se trouvait au troisième, au quatrième quai. Il s'agissait de wagons de
6 passagers avec des bancs en bois et des fenêtres. Il y avait également un
7 certain nombre de wagons qui étaient des wagons à bestiaux, en quelque
8 sorte; il n'y avait que des petites fenêtres tout en haut et les portes
9 étaient fermées.
10 Est-ce que vous souhaitez que je continue?
11 Question: Environ combien de wagons composaient ce train?
12 Réponse: Au moins quinze et au maximum trente, à mon avis.
13 Question: Que s'est-il passé au moment où vous êtes arrivé à la gare et où
14 vous avez vu ce train?
15 Réponse: Mes collègues sont restés à proximité du quai. Nous sommes
16 arrivés par la gauche, nous avons garé notre voiture devant le bâtiment,
17 nous nous sommes approchés, nous avons examiné ce convoi. Nous avons vu
18 que, le long de ce convoi, se trouvaient des soldats en uniforme de
19 camouflage, armés, environ tous les dix ou quinze mètres. Nous avons vu un
20 groupe de soldats ou des soldats par deux qui se trouvaient sur le quai.
21 Même si mes amis s'y sont opposés, j'ai tout de même essayé de m'approcher
22 de ce train et, à ce moment-là, j'ai vu des visages hagards aux fenêtres
23 des wagons, qui écarquillaient les yeux, pris par la peur. Il y avait des
24 femmes; je ne sais pas si j'ai vu des enfants, mais j'ai entendu des
25 pleurs qui venaient de l'intérieur. J'ai vu -je crois que c'était dans le
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1 dernier wagon à bestiaux-, j'ai vu des mains qui sortaient mais je n'ai
2 pas vu les visages, car c'était une toute petite fenêtre près du haut du
3 wagon, avec des barreaux.
4 Question: Et les mains que vous avez vu sortir de ces wagons à bestiaux,
5 c'étaient des mains humaines?
6 Réponse: Oui, absolument.
7 Question: Et une fois que vous avez vu ces gens, qu'avez-vous fait?
8 Réponse: J'ai entendu… Enfin, je voulais demander quelque chose mais le
9 soldat s'est approché de moi; il a commencé à me menacer, à me parler. Je
10 n'ai donc pas pu demander quoi que ce soit, je n'ai pas pu savoir d'où ils
11 venaient. Mais un homme âgé, de la fenêtre, m'a dit: "Ah, si vous saviez
12 ce qu'il nous font, c'est affreux".
13 Le soldat m'a chassé. Ils étaient en train de crier: "Nous avons soif!
14 Donnez-nous à boire!"
15 Question: Qui criait? Pour que les choses soient bien claires, qui était
16 en train de demander de l'eau?
17 Réponse: Les gens, enfin les femmes qui se trouvaient à l'intérieur de ce
18 wagon à côté duquel je me tenais, le demandaient.
19 Question: Alors, qu'avez-vous fait?
20 Réponse: Je suis revenu en arrière; enfin, c'était un réflexe, mais je
21 suis revenu vers le quai. Et malgré le désaccord de mes collègues qui me
22 rappelaient -ils se trouvaient sur le côté-, je suis allé machinalement
23 vers les toilettes. Je savais qu'il y en avait à la gare, au bout du quai.
24 Là, la dame qui s'occupait des toilettes est apparue; elle portait un
25 tablier bleu et je lui ai demandé qu'elle me donne un seau d'eau. Elle me
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1 l'a donné, elle a commencé à l'apporter mais un soldat lui a donné un
2 coup. Elle est tombée. L'eau s'est renversée. Il s'est retourné vers moi,
3 il a commencé à me menacer. Alors, tout notre groupe, nous avons
4 simplement quitté la gare, très rapidement.
5 Question: (Hors micro)
6 Monsieur le Président, j'ai à présent un document que j'aurais aimé
7 distribuer, qui s'intitule "Parti d'action démocratique, Banja Luka", en
8 date du 30 septembre 1992. Il porte la cote provisoire P449A. Il est
9 adressé à la mission de la République de Bosnie-Herzégovine à New York.
10 (Intervention de l'huissier.)
11 Monsieur Krzic, est-ce que vous reconnaissez ce document? Est-ce que vous
12 l'avez déjà vu?
13 Réponse: Le document, même s'il est traduit en anglais, bien sûr, je le
14 reconnais.
15 Question: Est-ce que vous savez qui a écrit ce document?
16 Réponse: C'est moi, en personne, qui l'ai rédigé.
17 Question: Est-ce que ce document décrit l'expérience dont vous venez de
18 nous parler, qui concerne ce train que vous avez vu à Banja Luka?
19 Réponse: Oui. On le trouve également.
20 Question: Je vous demanderai de prendre la deuxième page, qui porte le
21 n°40, le premier paragraphe de cette page.
22 Est-ce qu'il s'agit de l'incident dont vous venez de nous parler ou est-ce
23 qu'il s'agit d'un autre incident?
24 Réponse: L'incident dont je vous ai parlé -décrit avec plus de détails
25 dans mon livre, page 114-, je donne plus de détails sur cet incident et
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1 sur ce qui s'est passé par la suite mais, pour ce qui est de ces dates-là,
2 23, 24 et 25, il s'agit de wagons qui se trouvaient à la gare, qui
3 apparemment étaient prêts à accueillir d'autres masses de personne
4 déplacées.
5 Question: Est-ce que vous pourriez vérifier, dans votre livre, à quelle
6 date vous avez vu le train dont vous nous avez parlé, pour vérifier s'il
7 s'agit du même incident ou de deux incidents différents?
8 Réponse: Il s'agit de deux choses différentes. Le 4 juin, je suis arrivé
9 avec mes collaborateurs à la gare et j'ai pu observer ce convoi; et je
10 l'ai décrit à la page 114 de mon livre. J'ai informé le même soir le Mufti
11 Halilovic et l'évêque Komarica de ce convoi.
12 Quant au document dont vous êtes en train de parler, en page 40, il s'agit
13 d'autres dates. Comme c'est dit ici, il s'agit du 23, du 24 et du 25. Il
14 s'agit donc de dates ultérieures.
15 Question: Par conséquent, à part ce train que vous avez vu, est-ce que
16 vous avez entendu parler d'autres trains de déportés qui sont passées par
17 Banja Luka?
18 Réponse: Bien sûr. Et il s'agit notamment du cas sur lequel vous venez
19 d'attirer mon attention dans ce document.
20 Question: Pour préciser, l'incident que vous avez décrit, avec cette femme
21 qui a essayé d'apporter un seau d'eau jusqu'au train, a eu lieu en juin
22 1992 et c'est là seule fois où vous, personnellement, avez vu ces déportés
23 dans le train, n'est-ce pas?
24 Réponse: Oui, c'est exact.
25 Question: Est-ce que vous vous souvenez où vous avez reçu les
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1 renseignements qui figurent dans le document que je viens de vous montrer,
2 en rapport avec les trains du mois de septembre?
3 Réponse: Directement de la gare.
4 Question: Est-ce que vous aviez des informateurs à la gare qui vous en ont
5 parlé, qui vous informaient de cela?
6 Réponse: Je n'étais pas le seul à être informé; une ou deux autres
7 personnes ont également été informées. Il était difficile de me contacter
8 personnellement.
9 Question: Par conséquent, il y avait les informateurs à la gare qui vous
10 ont informé, ou qui ont informé certains de vos collaborateurs, du fait
11 que des trains remplis de personnes passaient par la gare? Est-ce que
12 c'est exact?
13 Réponse: Oui, c'est exact.
14 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, avez-vous obtenu des
15 renseignements sur des événements qui se sont produits en dehors de la
16 ville de Banja Luka, des renseignements sur des événements qui ont eu lieu
17 dans d'autres municipalités de la Krajina de Bosnie?
18 M. Krzic (interprétation): Oui.
19 M. le Président (interprétation): Un instant. Maître de Roux?
20 M. de Roux (interprétation): (Hors micro)… une objection, parce que je
21 pense que le témoin devrait témoigner sur des sources, non pas sur des on-
22 dit dont on ne sait pas du tout d'où ils viennent. Nous entendons parler
23 d'informateurs, nous ne savons pas qui ils sont, et nous entendons parler
24 d'informations de deuxième main où l'on ne sait pas du tout d'où elles
25 viennent.
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1 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que je doive entendre
2 votre réponse, Maître Koumjian.
3 Maître de Roux, je crois que vous n'avez peut-être pas saisi la teneur de
4 cette question. La question vise à établir si le témoin disposait d'un
5 système qui lui permettait de recevoir des renseignements. La question, la
6 première question était: "Est-ce que vous aviez des informateurs à la
7 gare?" Ensuite, l'autre question a été: "Est-ce que vous aviez des
8 informateurs à tel ou tel endroit?"
9 Compte tenu des fonctions politiques qui étaient celles du témoin, on lui
10 pose ces questions pour voir quelle est la fiabilité des renseignements
11 qu'il détenait et qu'il peut fournir. La question me paraît acceptable
12 telle qu'elle a été formulée mais, bien sûr, s'il devait nous répéter ce
13 que d'autres lui ont dit, peut-être que nous devrions l'interrompre en
14 fonction des renseignements qu'il nous donnerait, car cela serait
15 équivalent à de l'ouï-dire.
16 Mais la question qu'on lui a posée n'est pas de nous donner des éléments
17 qu'il a entendus par ouï-dire; mais la question était de savoir si, de
18 façon permanente, il recevait des renseignements d'autres personnes sur
19 les événements qui se déroulaient dans la région sur certains points
20 précis.
21 Je crois que vous pouvez poursuivre votre interrogatoire.
22 Maître Ackerman?
23 M. Ackerman (interprétation): Puisque nous venons d'interrompre
24 l'interrogatoire principal, j'aimerais revenir sur une question que j'ai
25 déjà évoquée hier; je me vois contraint d'y revenir.
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1 Le témoin, il y a quelques instants, a fait allusion une fois de plus à
2 son livre et notamment à la page 114. La traduction que nous avons reçue
3 d'une partie de ce livre…
4 M. le Président (interprétation): Elle va de la page 1 à 81, c'est cela?
5 M. Ackerman (interprétation): Enfin, je ne sais pas ce qui figure à la
6 page 114.
7 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai le même problème que vous et
8 j'imagine que mes collègues également.
9 Il s'agit uniquement d'un cas où il a cité l'ouvrage, où il y a fait
10 allusion. Je ne suis pas intervenu immédiatement, mais je pensais
11 demander, à un moment donné, au témoin d'examiner cette traduction
12 anglaise. Ou qu'au moins, le Procureur prenne cette traduction anglaise et
13 nous dise, sur ce document, où l'on peut trouver cette référence.
14 Je suis entièrement d'accord avec vous, Maître Ackerman; je crois que nous
15 sommes sur la même longueur d'ondes.
16 Et j'imagine que Me Koumjian aura entendu notre message: nous n'avons pas
17 cet ouvrage sous les yeux, Me Ackerman non plus. Nous avons une traduction
18 anglaise où l'on ne voit pas de référence précise aux numéros de pages de
19 l'original; alors, nous sommes confrontés à une difficulté qui a été
20 évoquée à juste titre par Me Ackerman.
21 M. Koumjian (interprétation): Je sais que cela figure quelque part dans la
22 traduction anglaise et je vous l'indiquerai.
23 M. le Président (interprétation): Peut-être que vous pouvez le faire à la
24 pause?
25 M. Koumjian (interprétation): Oui. Peut-être que nous pourrons demander au
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1 témoin de nous aider au moment de la pause.
2 Monsieur Krzic, avez-vous reçu des renseignements et plus particulièrement
3 un document du président du SDA de Celinac, de la municipalité de Celinac?
4 M. Krzic (interprétation): Oui.
5 Question: Monsieur le Président, j'ai ce document qui est intitulé
6 "République serbe de Bosnie-Herzégovine -Comté de Celinac - Présidence de
7 guerre du 23 juillet 1992".
8 Ce document, en tout cas la traduction anglaise, porte la cote provisoire
9 P450A; quant à la version d'origine en BCS, elle porte la cote P450B.
10 Je demanderai que ce document soit distribué.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 J'ai une autre pièce à conviction à laquelle je voudrais me référer et que
13 je voudrais faire distribuer. Il s'agit de ce qui est intitulé "Témoignage
14 personnel", qui porte la date du 7 août 1992. Et en version anglaise, nous
15 avons une référence P451A, alors que la version BCS porte la mention
16 P451B.
17 Avec l'intitulé "Témoignage personnel", il y a aussi un titre qui parle de
18 rapport de méfaits commis par les Chetniks dans les localités de Savica,
19 municipalité de Kljuc.
20 Monsieur Krzic, avez-vous reçu des informations émanant tout simplement de
21 particuliers qui n'avaient aucune fonction politique et qui provenaient
22 des municipalités extérieures à Banja Luka?
23 Réponse: Pour la plupart des cas, oui.
24 Question: Je voudrais que vous vous référiez au premier document que vous
25 avez sous les yeux, à savoir le 450A, qui est le document en provenance de
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1 Celinac.
2 Vous l'avez sous les yeux? Je peux éventuellement vous remettre mon
3 exemplaire.
4 (Intervention de l'huissier.)
5 Réponse: Oui.
6 Question: Monsieur, reconnaissez-vous ce document comme étant celui qui
7 vous a été remis par le président du SDA à Celinac?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Que vous a-t-on dit, que vous a-t-il dit à ce sujet en vous
10 remettant le document en question? Que vous a-t-il dit sur sa nature?
11 Réponse: Ce document constituait une confirmation définitive concernant le
12 statut de la population non-serbe à Celinac. Et, dans le cas précis, ce
13 statut peut être décrit comme un statut d'esclave.
14 Question: La personne qui vous a remis le document en question, sauriez-
15 vous me dire si le nom de la personne figure sur la liste des personnes
16 figurant au paragraphe 2 du même document?
17 Réponse: Oui, et cela figure sous le n°21.
18 M. Koumjian (interprétation): Je ne sais pas si vous avez sous les yeux
19 cet autre document; je vais vous le remettre. Toutefois il s'agit d'un
20 témoignage personnel concernant les méfaits des Chetniks sur le territoire
21 de la municipalité de Kljuc.
22 M. Ackerman (interprétation): Je fais objection, Monsieur le Président,
23 concernant le document en question.
24 Le nom de la personne qui aurait perpétré l'acte en question ne figure pas
25 sur le document. Nous disposons d'une description détaillée d'événements
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1 qui seraient survenus à un moment donné et à un endroit donné, et il
2 s'agirait d'un exemple-type d'une information par ouï-dire.
3 Et je ne sais pas comment je pourrais contre-interroger une personne alors
4 que je ne sais même pas qui est l'auteur de ce document. Et aussi pensé-je
5 qu'il s'agit là d'une façon de procéder qui vise à verser au dossier des
6 pièces qui ne pourraient constituer des pièces à conviction.
7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Koumjian, que voulez-vous
8 dire à ce sujet?
9 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit en effet
10 d'informations d'ouï-dire.
11 M. le Président (interprétation): Eh bien, ce n'est pas interdit, mais
12 nous voudrions savoir: de qui s'agit-il, de quel témoignage s'agit-il?
13 M. Koumjian (interprétation): Le témoin pourrait nous dire de qui il a
14 obtenu le document.
15 M. le Président (interprétation): Mais qu'est-ce que ce document? Peut-
16 être pourrions-nous d'abord demander de quel type de document il s'agit à
17 l'intention de la Chambre?
18 M. Koumjian (interprétation): Ce document est un document qui a été rédigé
19 par quelqu'un provenant du territoire de la municipalité et qui avait
20 écrit au sujet d'expérience d'événements qui étaient survenus aux non-
21 Serbes à Kljuc. Et c'est un témoignage qui a été remis à M. Krzic afin
22 qu'il puisse, lui, transmettre cela à l'extérieur, c'est-à-dire au reste
23 du monde.
24 Et il s'agit là d'un document qui a été montré comme exemple. Il s'agit en
25 effet d'informations de deuxième main, mais ce sont des informations
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1 collectées par M. Krzic, qui s'est chargé de les transmettre vers
2 l'extérieur. Et cela explique son rôle et les efforts qu'il a déployés
3 pour propager l'information. Cela est également pertinent, mais je ne sais
4 pas si je dois placer cela devant le témoin.
5 M. le Président (interprétation): Si vous n'avez pas l'intention de
6 proposer ce document pour versement au dossier concernant sa tenue, nous
7 l'acceptons.
8 Mais si vous avez l'intention de vous servir de ce document en tant
9 qu'élément de preuve concernant les événements qui y sont mentionnés, il
10 apparaît avec évidence que cela ne saurait être accepté parce que, si l'on
11 ne perd pas de vue tout élément, il est question là de documents anonymes
12 qui auraient été rédigés par un groupe de citoyens, de réfugiés
13 originaires de Zenica. Et dans le cas où il n'y aurait pas d'information
14 qui permettrait au conseil de la défense de procéder à des vérifications,
15 pour ce qui est de la fiabilité des documents, et de procéder à des
16 contre-interrogatoires de personnes qui ont fourni les informations en
17 question au témoin, vous comprendrez que cela ne saurait être accepté par
18 la Chambre, si telle est la finalité du document.
19 Si toutefois vous souhaitez montrer que M. Krzic avait obtenu des
20 informations émanant de personnes identifiées ou non identifiées
21 concernant certains témoins, je pense que cela peut alors être accepté. Et
22 ce n'est que dans ce cas-là que la Chambre peut admettre le document en
23 question, étant donné que, comme je l'ai dit, cela se fonde sur des
24 déclarations anonymes, sur des dires reliés à des événements qui ne
25 sauraient être prouvés par le document en question.
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1 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Ce que je
2 voudrais juste dire à la Chambre, c'est qu'il s'agit d'incidents
3 spécifiques figurant à l'Acte d'accusation. L'accusation se proposera de
4 faire venir des témoins qui témoigneront en personne de ces événements.
5 Je comprends fort bien votre décision, mais il s'agit là encore d'un
6 aspect dans l'affaire que nous voudrions prouver concernant Banja Luka et
7 d'autres municipalités: c'est cette ambiance de terreur qui avait été mise
8 en place non seulement pour ce qui est donc des expériences directes de
9 l'un quelconque des témoins, mais aussi des informations de deuxième main
10 qui ont été rapportées par des gens pour dire qu'ils avaient été forcés
11 d'abandonner leur propre domicile.
12 M. le Président (interprétation): Je comprends ce que vous voulez dire,
13 Monsieur Koumjian, seulement ce document a une finalité, à savoir que M.
14 Krzic avait été informé par plusieurs personnes concernant des événements
15 divers. Il avait donc été la personne-clé qui avait recueilli certaines
16 informations de la part de certaines personnes.
17 En outre, il s'agirait d'un document qui émane de sources anonymes. Par
18 conséquent, il ne saurait constituer un élément de preuve pour ce qui est
19 de sa teneur.
20 C'est la décision prise par la Chambre.
21 M. Koumjian (interprétation): Merci.
22 M. le Président (interprétation): Ce que qui peut être versé au dossier,
23 c'est le fait que le document, lui, a été remis.
24 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
25 Monsieur Krzic, je voudrais que vous vous penchiez brièvement sur ce
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1 document, en version BCS, et nous dire si vous vous souvenez avoir vu ce
2 document auparavant. Et, dans l'affirmative, nous dire où?
3 M. Krzic (interprétation): Oui, je l'ai reçu personnellement à Banja Luka.
4 Question: J'aimerais vous demander maintenant de vous pencher sur l'avant-
5 dernier paragraphe de ce document, qui commence par "Tout n'est pas si
6 sombre que cela semble l'être et nous l'avons vus sur bon nombre
7 d'exemples de sacrifices des Serbes locaux qui avaient prêté assistance en
8 cachant des personnes pendant les raids…"
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Ackerman, allez-y.
10 M. Ackerman (interprétation): Vous avez, Monsieur le Président, décidé de
11 pas pouvoir admettre ce document en raison de son contenu et on est en
12 train de nous fournir le contenu, en supposant que le contenu soit
13 véridique.
14 M. le Président (interprétation): Oui, mais nous n'avons pas encore
15 entendu la question. Quelle est la question?
16 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, avez-vous reçu des
17 informations de la part de non-Serbes en provenance de Banja Luka et des
18 autres municipalités sur l'existence de Serbes qui avaient aidé les
19 Musulmans?
20 M. Krzic (interprétation): Oui.
21 M. le Président (interprétation): Eh bien, cela résout le problème de
22 votre objection, Monsieur Ackerman, étant donné que les choses sont
23 clarifiées à présent. Je vous prie de continuer.
24 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, vous êtes-vous entretenu, à
25 Banja Luka, avec des non-Serbes pendant cette année 1992, des Serbes qui
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1 avaient décidé de quitter la ville, voire la municipalité, en cette année
2 de 1992?
3 M. Krzic (interprétation): Avec des non-Serbes, oui, certainement.
4 Question: Pourriez-vous nous dire quelles étaient les raisons avancées par
5 les gens pour ce qui était de leur départ de chez eux?
6 Réponse: La première des raisons, c'est le danger dans lequel ils se
7 trouvaient eux-mêmes et leur famille: danger de mort. La deuxième raison,
8 c'était l'impossibilité de continuer à vivre dans des conditions de
9 pression permanente, des pressions du type que j'ai déjà décrit. Et la
10 troisième raison était l'impossibilité de se chauffer en hiver,
11 l'impossibilité de s'approvisionner en vivres. C'était là les raisons
12 principales du départ de ces gens.
13 Et puis, en plus, les mobilisations forcées.
14 Je crois ne pas devoir mentionner toutes les raisons comme, par exemple,
15 l'impossibilité de bénéficier d'une protection médicale, de soins
16 médicaux. Les gens qui restaient n'avaient plus de travail. Ils avaient
17 leurs biens, ils avaient leurs habitudes. Ils avaient constamment espéré
18 que ces maux allaient arriver à leur terme.
19 Question: Les non-Serbes de la municipalité de Banja Luka, d'après ce que
20 vous en savez, étaient-ils ou pas au courant de camps, dans lesquels on
21 avait détenu des opposants aux autorités de l'époque, où l'on avait tenu
22 ou gardé des non-Serbes?
23 Réponse: Oui, je suis certain que la majorité des gens le savait. Je crois
24 que le public en général le savait et, à plusieurs reprises, j'ai donné
25 des interviews à des médias étrangers et des Serbes. Les autorités serbes
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1 s'en étaient emparées pour les présenter à leur propre télévision.
2 Question: Enfin, août 1992, y avait-il eu des informations publiques
3 concernant le massacre survenu au niveau du convoi de non-Serbes
4 traversant le mont Vlasic?
5 Réponse: S'agissant de ce massacre, je pense avoir reçu l'information le
6 lendemain, et l'information provenait de personnes qui avaient assisté au
7 constat.
8 Question: Excusez-moi mais ma question à moi était celle de savoir si,
9 selon vous… Je n'ai peut-être pas été assez concret. Est-ce que, selon
10 vous, cela avait été publié dans les médias? Y avait-il eu des
11 informations publiques concernant ce massacre?
12 Réponse: Non. Pour autant que je le sache, non.
13 Question: Avez-vous, vous-même, obtenu quelques informations ou appris de
14 quelque façon que ce soit, s'agissant de la situation survenue dans un
15 village dans le territoire de la municipalité de Kljuc, Vecici?
16 Réponse: Vecici n'est pas sur le territoire de la municipalité de Kljuc.
17 Question: Je m'excuse, il s'agissait de Kotor Varos. Je me reprends.
18 Réponse: Oui, en effet, je recevais presque régulièrement des informations
19 survenues à Vecici. Je les recevais de la part des autorités serbes, de
20 façon officielle et officieuse, et moi même, à un moment donné, j'ai été
21 en mesure de me procurer ce type d'informations sur place.
22 Question: Pourriez-vous, brièvement, nous décrire quelle était la
23 situation avant que vous ne vous rendiez à Vecici? Que se passait-il là-
24 bas? Quelle était la situation qui prévalait?
25 Réponse: Toute la ville de Banja Luka avait été témoin des décollages
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1 quotidiens des avions de combat, qui se délestaient de leur fardeau de
2 bombes sur les territoires où le peuple se défendait. Et d'autre part,
3 tous les jours, il y avait, traversant Banja Luka, des gens qui revenaient
4 des lignes de front et qui tiraient des coups de feu en l'air pour
5 célébrer ou pour montrer qu'ils étaient désolés. Donc je voyais
6 pratiquement tous les jours des fourgonnettes et des camions de soldats
7 s'en revenant de Vecici et de Kotor Varos.
8 Et j'avais reçu des informations de la part de M. Kupresanin pour ce qui
9 est des autorités serbes, mais il y avait d'autres témoins: je recevais
10 des informations de ce type de la part de parents, d'amis, de gens
11 habitant cette zone de Vecici et de Kotor Varos.
12 Question: Mais la situation pourrait-elle être résumée de la façon
13 suivante: il y avait eu de la résistance manifestée par des non-Serbes
14 dans le village et autour du village pour ce qui est donc de l'autorité
15 exercée par les pouvoirs serbes dans la zone?
16 Réponse: Oui. J'ai omis aussi de dire qu'il y avait eu des informations
17 publiées dans la presse de Banja Luka, des informations préparées de façon
18 particulière, donc partielles. Et j'avais obtenu des informations de la
19 part du SUP de Banja Luka au moment où j'avais été arrêté, où l'on m'avait
20 montré des membres des effectifs spéciaux de la police qui avaient perdu
21 la vie.
22 Question: Monsieur, avez-vous personnellement essayé de fournir des armes
23 aux combattants non-serbes à Vecici?
24 Réponse: Non. Je n'en avais pas d'ailleurs, pas pour ces affectations-là.
25 Question: Mais serait-il exact de dire que vous apportiez votre soutien
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1 aux combattants non-serbes à Vecici?
2 Réponse: Intimement, moralement, je leur apportais mon soutien parce que
3 nous avions vu ce qui se passait avec la population innocente; nous avions
4 vu ce qu'il se passait avec cette population, nous avions assisté à un
5 génocide. Et j'avais compris ce combat-là comme une résistance à la
6 destruction, non seulement de la part de ces gens-là, mais aussi de la
7 femme et des enfants.
8 Question: Et vous saviez, n'est-ce pas, que les armes avaient été envoyées
9 de Banja Luka à ces combattants?
10 Réponse: Je savais que certains volontaires se rendant à Vecici avaient
11 emporté des armes sur eux. Quand je dis "armes", je parle en tout état de
12 cause d'armes légères. Je sais que certains d'entre eux avaient essayé de
13 se procurer des munitions à Banja Luka; ils avaient essayé aussi de se
14 procurer des armes antichars parce qu'il y avait des brigades blindées qui
15 s'étaient dirigées vers Vecici alors qu'eux, là-bas, n'avaient pas d'armes
16 antichars.
17 De là à savoir dans quelle mesure ils avaient réussi à s'en procurer, je
18 ne saurais vraiment pas vous le dire.
19 Question: A-t-on publié que les autorités serbes avaient exigé la
20 reddition de ces combattants?
21 Réponse: J'ai vu un document de ce type à l'occasion de la visite qui
22 avait été ordonnée dans le cadre d'un groupe, d'une délégation se rendant
23 vers Vecici et Kotor Varos. On m'avait effectivement montré un document de
24 ce genre.
25 Question: Est-ce que M. Kupresanin vous avait demandé de l'accompagner à
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1 Vecici pour contacter les combattants qui s'y trouvaient?
2 Réponse: Juste après l'entretien avec le représentant américain, M.
3 Galbraith, ce même jour, un message a été envoyé par M. Kupresanin pour ce
4 qui est de me présenter immédiatement à son bureau à l'assemblée
5 municipale. Et lorsque je suis arrivé à ce bureau, et je n'avais pas tout
6 de suite accepté de plein gré, mais une fois que je suis arrivé, M.
7 Kupresanin m'avait demandé d'aller à Vecici pour demander, pour exiger la
8 reddition des combattants. Et il y avait là-bas des témoins présents que
9 je pourrais nommer, il y avait également M. Schwitzer, de la Croix-Rouge
10 internationale. Monsieur Kupresanin n'était pas venu avec moi à Vecici.
11 Question: Quand vous êtes allé à Vecici, l'un quelconque des représentants
12 des autorités serbes vous avait-il demandé de passer un message aux
13 combattants? Et si oui, quel avait été le message que vous étiez censé
14 transmettre aux combattants de la part des autorités de Vecici? Qu'est-ce
15 qu'avaient demandé ces autorités?
16 Réponse: Eh bien, en présence d'un représentant du HDZ, d'un prêtre et de
17 deux représentants du peuple bosnien –je crois avoir cité les noms dans
18 mon livre-, avec le colonel Peulic à la tête du groupe… Or on nous avait
19 demandé d'abord d'exiger une reddition inconditionnelle de leur part. En
20 ce sens, on avait proposé un document qui avait énuméré, pour autant que
21 je m'en souvienne, certaines conditions de la reddition en question.
22 Question: Si vous le savez, Monsieur, à quel corps d'armée appartenait M.
23 le colonel Peulic et qui avait été son supérieur immédiat?
24 Réponse: Je sais qu'il avait été commandant de l'armée serbe sur le
25 territoire de Kotor Varos. Et, sans nul doute, d'après mes souvenirs, son
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1 supérieur pouvait être le général Talic.
2 Question: Lorsque les autorités et l'armée serbe avaient demandé la
3 reddition de ces combattants, avaient-ils précisé ce qu'il adviendrait de
4 ces combattants en cas de reddition?
5 Réponse: Il n'y avait pas d'explication explicite pour ce qui est de ce
6 qu'il adviendrait de ces combattants. On avait dit -et j'en ai davantage
7 entendu parler de la part des représentants du HDZ- qu'ils allaient être
8 transportés vers Travnik, à savoir vers la Croatie. Mais moi-même, je
9 n'avais pas reçu d'informations explicites pour ce qu'il adviendrait
10 desdits combattants.
11 Question: Monsieur, quand vous dites population, vous parlez de non-
12 combattants, vous parliez donc de civils qui allaient être emmenés des
13 régions où ils vivaient pour être transférés à Travnik, à savoir vers des
14 territoires qui se trouvaient sous le contrôle du gouvernement et de
15 l'armée bosnienne, n'est-ce pas?
16 Réponse: C'est cela.
17 Question: Monsieur le Président, j'ai ici un document qui porte la cote
18 P452A, pour ce qui est de la version anglaise, et P452B, pour ce qui est
19 de la version BCS. Il s'agit de cotes préliminaires.
20 L'intitulé de ces documents, c'est "Le Parti de l'action démocratique à
21 Banja Luka". C'est daté du 18 octobre 1992 et adressé à l'ambassadeur
22 Mohamed Sacirbey, à la mission de la Bosnie-Herzégovine à New York.
23 Le sujet est -je cite-: "Nettoyage ethnique sur le territoire de Kotor
24 Varos".
25 Réponse: Oui, je connais le document. C'est moi qui l'ai personnellement
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1 signé.
2 Question: Ce document parle-t-il de votre participation à la négociation
3 de Vecici?
4 Réponse: Oui, mais il s'agit d'un sommaire ou d'un résumé de ce que
5 j'avais jugé utile d'y mentionner. Mon rapport comporte beaucoup plus de
6 détails qui pourraient, je pense, même être pertinents pour le Bureau du
7 Procureur.
8 Question: Vous avez précisé que les autorités serbes vous avaient demandé
9 de demander à votre tour la reddition des combattants. Vous êtes-vous
10 entretenu avec les combattants à Kotor Varos, voire à Vecici?
11 Réponse: Oui, on m'avait demandé de le faire et je n'avais pas eu le
12 choix. J'ai donc décidé d'accepter un déplacement vers Vecici, mais pas
13 seul, il y avait avec moi M. Dzumhur et le prêtre Adolf. Et à Vecici, nous
14 nous sommes entretenu avec des gens que nous ne connaissions pas. A
15 l'époque, il y avait disons trois représentants de ces habitants de
16 Vecici.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian, quand vous jugerez la
18 chose possible pour ce qui vous concerne, nous pourrions peut-être mener à
19 terme cette partie-là du témoignage pour faire une petite pause. Merci.
20 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Témoin, quand vous vous êtes
21 entretenu avec ces combattants à Vecici, avez-vous transmis leur réponse
22 aux autorités pour ce qui est de la demande formulée au sujet de leur
23 reddition?
24 M. Krzic (interprétation): Oui, en effet. Les réponses avaient figuré en
25 page 2 sur le même document qui avait été adressé par la soldatesque serbe
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1 de Kotor Varos; et, en page 2, il y avait une inscription en caractères
2 d'imprimerie en guise de réponse.
3 Question: Et cette réponse est-elle contenue dans le document que vous
4 avez envoyé à l'ambassadeur aux Nations Unies? A savoir que les
5 combattants avaient répondu en exigeant un échange de tous pour tous, donc
6 des soldats morts et des vivants, du côté serbe et de leur côté, en
7 présence de la croix Croix-Rouge internationale? Qui demandaient une
8 assistance humanitaire et l'accès à des journalistes étrangers à cette
9 localité de Vecici?
10 Réponse: C'est à 100% exact.
11 Question: Avez-vous transmis cette réponse au colonel Peulic? Et si oui,
12 quelle avait été sa réponse?
13 Réponse: J'ai transmis cette réponse au colonel Peulic en présence de tous
14 les représentants déjà mentionnés et, lorsqu'il a lu ce texte, il s'est
15 écrié: "Nous allons les anéantir, nous allons les écraser!" Et il avait
16 frappé de son gros poing sur la table au point où tout tremblait, où la
17 table était secouée.
18 Question: Vous souvenez-vous des termes qu'il avait utilisés lorsqu'il
19 avait dit: "Nous les anéantirons, nous les détruirons"? Est-ce que vous
20 vous souvenez des mots exacts?
21 Réponse: Il avait dit: "Nous les anéantirons".
22 Question: Le jour suivant, est-ce que M. Kupresanin vous a contacté?
23 Réponse: Je ne sais pas vous dire au juste si c'était le jour d'après ou
24 le jour d'après le jour d'après, mais je crois que, le lendemain, j'avais
25 été contacté par M. Kupresanin, et ce, au moyen de termes fort aimables
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1 pour ce qui est d'une problématique liée à Kotor Varos. Puis les mots sont
2 devenus durs, se sont mués en injures et on m'avait dit que je les avais
3 dupés et qu'il fallait que je retourne à Vecici pour faire en sorte que
4 ces gens-là se rendent. Dans le cas où je refuserais de le faire, ils se
5 chargeraient, le lendemain matin, de me conduire personnellement au camp
6 de Manjaca.
7 Question: Et qu'avez-vous compris par ces termes de "camp de Manjaca"?
8 M. Krzic (interprétation): Cela m'a tout de suite fait penser à une
9 élimination, parce qu'avec ma réputation, je ne serais jamais sorti
10 vivant. Mais il ne s'agirait pas d'une mort ordinaire: cette mort-là se
11 serait accompagnée de tortures.
12 M. Koumjian (interprétation): Je vous remercie.
13 Monsieur le Président, peut-être le moment serait-il opportun de procéder
14 à une pause?
15 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons faire une pause de 25
16 minutes et nous reprendrons à 11 heures moins 5. Merci.
17 (L'audience, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 11 heures.)
18 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
19 M. le Président (interprétation): Je vous vois, Maître Ackerman, debout?
20 M. Ackerman (interprétation): Pour le compte rendu d'audience, Monsieur le
21 Président, et pour aider les Juges également, j'indique que la page 114 de
22 l'ouvrage du témoin, M. Krzic, correspond aux pages 30 et 31 de la version
23 traduite.
24 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Ackerman.
25 Comme d'habitude et au fil de nos débats, vous vous avérez pratiquement
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1 indispensable.
2 M. Ackerman (interprétation): J'espère simplement que M. Brdanin a le même
3 sentiment, Monsieur le Président.
4 M. le Président (interprétation): Oui, je suis certain que M. Brdanin est
5 tout à fait satisfait de vous avoir comme conseil, comme ce serait
6 d'ailleurs mon cas si j'étais à sa place. Eh bien, je vous remercie.
7 Je demande que l'on fasse entrer le témoin.
8 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)
9 Monsieur Koumjian, vous pouvez reprendre l'interrogatoire principal de ce
10 témoin.
11 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Brdanin… Excusez-moi.
12 Monsieur Krzic, vous avez déjà dit que, dans votre rôle en tant que
13 président du SDA, il vous fallait entre autres rencontrer les
14 journalistes, les représentants d'organisations internationales et
15 d'ambassades étrangères. Quel était l'objet des entretiens que vous aviez
16 avec ces représentants?
17 M. Krzic (interprétation): De façon générale, l'objet de ces entretiens
18 consistait pour moi à présenter la réalité du travail de mon parti en tant
19 qu'organisation politique représentative de la région, dans cette période
20 que nous qualifiions à l'époque de période de transition démocratique. Je
21 tenais à les convaincre que, dès lors qu'il s'agissait du SDA, ces
22 transformations étaient conformes aux normes générales qui prévalaient
23 dans le reste du monde. Par ailleurs, je tenais à leur soumettre
24 l'aggravation de la situation générale. Je voulais les familiariser avec
25 la réalité de cette situation, ainsi que les conséquences de certains
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1 actes qui avaient des implications plus vastes. Et en troisième lieu, les
2 contacts que j'avais avec notamment des étrangers, et il ne s'agissait pas
3 toujours de diplomates ou de journalistes mais très souvent de
4 représentants officiels ou élus, comme par exemple M. Galbraith, à
5 certains moments, donc dans les rencontres que j'avais avec ces personnes,
6 le but de mes entretiens ou de ceux qu'organisaient mes associés
7 consistait à demander, à prier ces pays étrangers de préserver le peuple
8 de ce qui, manifestement, était un effort visant à l'extermination
9 physique.
10 Je ne pouvais pas, bien sûr, faire autre chose que tirer profit de ma
11 position, puisque –et je parle de la période où ces tensions et cette
12 terreur se sont développées- l'homme de la rue, à ma place, aurait
13 immédiatement perdu la vie alors que je pouvais agir à un autre niveau.
14 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais demander
15 la distribution à présent de deux documents qui sont enregistrés
16 préalablement sous les cotes P453A pour la version anglaise, 453B pour la
17 version en BCS. Il s'agit d'un document qui émane du Ministère de
18 l'intérieur de la Republika Srpska, en date du 6 juillet 1993. Et plus
19 précisément du secteur des services de sécurité nationaux de Banja Luka.
20 Ce document est adressé au président du conseil régional du SDS, M.
21 Radoslav Brdanin. Il s'agit donc du premier document.
22 Il y en a un deuxième qui est enregistré préalablement sous la cote P454A
23 pour la version anglaise et P454B pour l'original en BCS. C'est un
24 document qui émane des mêmes services de sécurité et qui porte la date du
25 23 juillet 1993. Ce document est également adressé à M. Radoslav Brdanin,
Page 1513
1 président du SDS.
2 (Intervention de l'huissier.)
3 Et j'indique à l'intention des conseils de la défense que ces documents
4 portaient, dans le cadre de la communication des pièces, les numéros
5 respectifs 4.1237 et 4.1239.
6 J'aimerais que l'on mette sous les yeux du témoin la version en BCS de ces
7 deux documents.
8 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman?
9 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas encore
10 trouvé ces deux documents. Mais on nous dit qu'ils portent la date du 6
11 juillet 1993 et du 23 juillet 1993, ce qui se situe plus de six mois après
12 la fin de la période couverte par l'Acte d'accusation, puisque l'Acte
13 d'accusation va jusqu'en décembre 1992. Donc je ne vois pas quelle peut
14 être leur pertinence par rapport la présente affaire.
15 Le Procureur peut sans doute nous indiquer quelle est, à ses yeux, la
16 pertinence de ces documents, mais il est sans doute en tort.
17 M. le Président (interprétation): Maître de Roux?
18 M. de Roux: J'avais exactement la même remarque à faire, Monsieur le
19 Président.
20 M. le Président (interprétation): Votre réaction, Monsieur Koumjian?
21 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, l'Acte d'accusation
22 porte sur des crimes commis en 1992.
23 Ces deux documents ne traitent d'aucun crime, en fait, mais ils peuvent
24 servir à prouver que les services de sécurité, et plus particulièrement M.
25 Brdanin, s'intéressaient aux activités de M. Krzic ainsi qu'aux contacts
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1 qu'il avait avec des représentants étrangers, des journalistes étrangers
2 notamment, ainsi qu'au fait qu'il était une personnalité politique qui
3 propageait hors de la région des informations au sujet des crimes commis
4 en 1992.
5 Donc je pense qu'il est tout à fait pertinent de prendre en compte ces
6 documents, s'agissant de la connaissance qu'avait M. Brdanin des activités
7 des services de sécurité et s'agissant également de l'intérêt qu'avait
8 l'accusé à masquer les crimes qui avaient été commis. Je souligne que tout
9 effort pour masquer un crime a une importance du point de vue de la
10 pertinence, même si cela se passe bien longtemps après le crime.
11 M. le Président (interprétation): Les Juges de cette Chambre sont d'avis
12 qu'à première vue, ces deux documents peuvent être pertinents s'agissant
13 des arguments qui viennent d'être présentés par le Procureur, c'est-à-dire
14 sous réserve de la valeur probante qui leur sera attribuée par la suite.
15 Donc vous pouvez demander le versement au dossier de ces deux documents,
16 453A et 454A, et nous partirons de là. Je vous prie de procéder.
17 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai de
18 regarder rapidement les deux documents dans leur version en BCS. Il est
19 vrai, n'est-ce pas, que vous avez vu ces documents pour la première fois
20 ici, à La Haye, la semaine dernière, lorsque je vous les ai soumis?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Dans ces documents, on trouve la liste d'un certain nombre de
23 personnes avec lesquelles vous avez eu des contacts, y compris M. Hamdija
24 Todorovic et Véronique Pasquier, une journaliste suisse.
25 Est-il exact que vous avez eu des contacts avec ces personnes?
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1 Réponse: Oui, mais je corrige le nom de famille que vous avez cité. Il
2 s'agit de Todorovac et non Todorovic. Quant à la journaliste suisse, son
3 patronyme est Pasqua.
4 Question: Merci beaucoup. Dans le document 454A, il est indiqué également
5 que vous avez eu des contacts avec des journalistes étrangers, et
6 notamment avec M. Gutman.
7 Est-il exact que vous avez discuté avec un M. Gutman?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Monsieur, est-il exact qu'en 1992, vous avez rencontré une fois
10 M. Gutman chez vous, à la maison; après quoi vous avez reçu, chez vous
11 également, la visite d'autres personnes?
12 Réponse: Oui, c'est la vérité.
13 Question: Après que vous avez parlé avec M. Gutman, qui est venu vous
14 rendre visite chez vous?
15 Réponse: Deux policiers en civil. Très peu de temps après, une heure ou
16 une heure et demie après, sans doute.
17 Question: Vous ont-ils interrogé au sujet de la rencontre que vous veniez
18 d'avoir avec M. Gutman?
19 M. Krzic (interprétation): Oui, et ils ont pris des notes.
20 M. Koumjian (interprétation): Merci.
21 Je demande à présent la distribution d'un certain nombre -assez important
22 d'ailleurs- d'autres documents. Monsieur le Président, il s'agira d'abord
23 d'un document dont la cote préliminaire est P455A pour la version anglaise
24 et P455B pour la version BCS.
25 Selon ce qui est indiqué dans ce document, on apprend qu'il émane du Parti
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1 de l'Action démocratique de Banja Luka. Il porte la date du 2 août 1992 et
2 son objet est de rendre compte d'une rencontre, d'une réunion du SDA avec
3 le CICR le 31 juillet 1992, dans les bureaux du CICR.
4 Deuxième document: cotes préliminaires P456A pour la version anglaise et
5 P456B pour l'original. Il est indiqué comme provenant du Parti de l'Action
6 démocratique de Banja Luka. Sa date est celle du 18 novembre 1992 et il
7 est adressé à l'ambassade de Bosnie-Herzégovine, aux Nations Unies, et
8 plus précisément à M. Muhamed Sacirbey.
9 M. le Président (interprétation): Je suppose que ces deux documents ont
10 été communiqués à la défense?
11 M. Koumjian (interprétation): Tous les documents dont je parle l'ont été.
12 M. le Président (interprétation): Je voulais simplement m'en assurer.
13 M. Koumjian (interprétation): Ce sont des documents qui ont été
14 communiqués à la défense en même temps que la déclaration préalable de
15 témoin, dans le cadre du 799.
16 Troisième document, nous l'avons enregistré sous la cote préalable de
17 P457A et P457B, il est indiqué dans ce document qu'il provient du parti de
18 l'Action démocratique de Banja Luka, il est adressé à l'ambassade de la
19 République de Bosnie-Herzégovine, à la mission auprès des Nations Unies à
20 New York et personnellement à M. Muhamed Sacirbey.
21 Le sujet dont il traite est une rencontre avec le maire de Banja Luka.
22 M. le Président (interprétation): Vous pouvez procéder.
23 M. Koumjian (interprétation): Excusez-moi, j'essaie de m'y retrouver dans
24 mes documents.
25 M. Koumjian (interprétation): Je crois que j'en étais arrivé à 456? Je ne
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1 crois pas avoir cité la cote P457.
2 J'ai un document qui est enregistré à titre préliminaire sous la cote
3 P457A et P457B, intitulé "Parti de l'Action démocratique à Banja Luka",
4 adressé à l'Ambassade de la République de Bosnie-Herzégovine, Mission
5 auprès des Nations Unies de New York, personnellement à Mohamed Sacirbey.
6 Et le sujet est la rencontre avec le maire du conseil exécutif, avec le
7 maire de Banja Luka.
8 En fait, j'avais lu déjà tout cela, mais je ne le voyais pas au compte
9 rendu d'audience; c'est pourquoi je l'ai répété.
10 Nous avons maintenant un document dont la cote préliminaire est P458A et
11 P458B. Il est indiqué dans ce document qu'il est adressé à M. Vance et à
12 Lord Owen; il ne comporte pas de date, mais simplement la date de sa
13 transmission par télécopie le 12 décembre 1992. Il est rédigé sur papier à
14 en-tête du "Parti de l'Action démocratique de Banja Luka."
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian, d'ailleurs, je
16 remarque que le document P457A ainsi que son homologue 457B ne comportent
17 aucune date. Ils sont censés avoir été signés par le témoin et il devrait
18 s'agir d'une copie de communications avec Son Excellence, M. Mohamed
19 Sacirbey.
20 On pourrait donc s'attendre à ce que ce document comporte une date. En
21 tout cas, il est ultérieur au 8 décembre 1992, mais nous ne pouvons guère
22 en dire plus.
23 M. Koumjian (interprétation): En effet, Monsieur le Président. Une date
24 est évoquée à la première ligne de ce document où il est question de la
25 date du 8 décembre 1992. Nous lisons: "Le 8 décembre 1992, sur notre
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1 demande instante, nous avons reçu de la part du maire Predrag Radic,
2 etc.". Mais il n'y a pas de date, en tout cas pas dans la version
3 traduite.
4 M. le Président (interprétation): Il doit s'agir d'un message qui a été
5 envoyé par télécopie. En tout cas, pas par courrier. En général, ce genre
6 de messages est envoyé par télécopie. Cette remarque concerne d'ailleurs
7 certain des autres documents également.
8 Je ne sais pas s'il m'appartient de vous faire cette remarque. Je pensais
9 que c'était nécessaire, car c'est tout de même un aspect important qu'il
10 importe de remarquer. Mais veuillez poursuivre.
11 M. Koumjian (interprétation): Je crois que j'ai appris ma leçon et que je
12 ferai mieux de traiter d'un seul document à la fois.
13 M. le Président (interprétation): Oui, exactement. J'étais d'ailleurs sur
14 le point de vous proposer de traiter de ces documents un par un au cours
15 de l'interrogatoire de votre témoin, car il n'est pas très juste de placer
16 devant lui quatre documents en même temps qui font un total de 20 ou 30
17 pages à eux quatre.
18 M. Koumjian (interprétation): Et pour ce qui me concerne, je risque de
19 mélanger plusieurs feuilles de papier également.
20 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.
21 M. Koumjian (interprétation): Nous allons donc prendre ces documents un
22 par un.
23 Monsieur Krzic, avez-vous sous les yeux les documents P455B daté du 2 août
24 1992, qui est un rapport d'une réunion entre le SDA et le CICR?
25 M. Krzic (interprétation): Je suis d'accord avec ce que mentionne ce
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1 document, même si je dois signaler une difficulté particulière…
2 Question: Je vous prie de m'excuser pour cette interruption. Mais avant
3 d'entendre vos explications, je voudrais vous demander si vous savez qui
4 est l'auteur de ce document?
5 Réponse: Tous les documents, notamment celui-ci, qui me rendent compte
6 d'une rencontre avec des représentants d'organisation internationale,
7 comme c'est le cas ici, tous ces documents, j'en suis l'auteur, en
8 coopération avec d'autres personnes qui étaient mes collaborateurs à
9 l'époque.
10 Question: Je ne vais pas passer en revue de façon détaillée le contenu de
11 ce document qui parle de lui-même, mais je vous demande simplement s'il
12 s'agit bien d'un rapport relatif à une rencontre des membres de votre
13 parti avec des représentants du Comité international de la Croix-Rouge, en
14 date du 31 juillet 1992?
15 Réponse: Le rapport que j'ai actuellement sous les yeux correspond
16 exactement à ce que vous venez de dire.
17 Question: J'aimerais que nous passions maintenant au deuxième document, le
18 document P456, daté du 18 novembre 1992 et adressé à l'ambassadeur de la
19 République de Bosnie-Herzégovine à la Mission auprès des Nations Unies.
20 Est-il exact que vous êtes l'auteur de ce document, puisque c'est votre
21 nom qui apparaît à la dernière page?
22 Réponse: C'est un document signé par moi.
23 Question: Est-ce vous qui avez rédigé ce document?
24 Réponse: Oui, je l'ai rédigé.
25 Question: Etait-il courant pour vous d'écrire à une ambassade, ou plus
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1 particulièrement à la Mission de la Bosnie-Herzégovine auprès des Nations
2 Unies à New York, pour rendre compte de ce qui se passait dans la région
3 de la Krajina bosniaque?
4 Réponse: Personne ne m'a proposé de le faire et je n'ai pas agi sur
5 instruction; je veux parler d'instruction officielle de la République de
6 Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait d'une action spontanée de ma part, car
7 je pensais que c'était la meilleure façon d'agir, dans la mesure où la
8 Mission travaillait auprès des Nations Unies; il m'apparaissait donc que
9 c'était la meilleure façon d'informer l'opinion mondiale.
10 Par ailleurs, puisque le Président a formulé une remarque au sujet de
11 l'envoi par télécopie, je me dois de faire remarquer qu'un grand nombre de
12 documents n'étaient pas faxés à partir de Banja Luka, mais à partir d'un
13 autre Etat. Et ces documents arrivaient dans cet autre Etat de façon
14 clandestine.
15 Question: Très bien. Je puis sans doute me permettre de vous demander s'il
16 est exact que, pour des raisons de sécurité, vous faisiez sortir ces
17 lettres de la région de Krajina bosniaque pour les faxer à partir d'autres
18 lieux, comme par exemple à partir de Zagreb?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Je passe à présent au document suivant, le document P457.
21 Je vous demande, Monsieur, si vous pouvez confirmer être l'auteur de ce
22 document? Il s'agit d'un document qui, selon ce qui est indiqué dans le
23 texte, est un rapport d'une rencontre avec le maire du Conseil de comté de
24 Banja Luka.
25 Réponse: Oui, mais je dois indiquer que des détails complémentaires à ce
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1 sujet se trouvent dans mon livre, un rapport plus complet… Comment est-ce
2 que je pourrais le définir?
3 Question: Très bien. Merci.
4 Dans ce document, vous remarquerez qu'il y a trois paragraphes numérotés.
5 Je vous demanderai de vous concentrer sur le deuxième paragraphe
6 correspondant à un numéro 1. Il y a deux paragraphes numérotés 1.
7 Le deuxième paragraphes 1 mentionne-t-il bien la réaction du maire, M.
8 Radic, lors de cette réunion?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Est-il exact que cette réaction de M. le maire Radic a consisté
11 à estimer que la situation risquait de s'aggraver avec le retour des
12 soldats et des réfugiés dans la ville?
13 Réponse: Il a dit non pas que la situation risquait d'empirer, mais qu'il
14 était certain qu'elle allait empirer.
15 Question: Est-ce un commentaire que vous entendiez couramment de la bouche
16 de membres du SDS, s'agissant des crimes commis contre les non-Serbes? En
17 d'autres termes, ces crimes étaient-ils souvent imputés aux soldats qui
18 revenaient du front?
19 Réponse: Oui, on entendait souvent cette phrase; on la retrouvait
20 d'ailleurs également dans les journaux de l'époque.
21 M. Koumjian (interprétation): Passons au document suivant, le document
22 458. Est-il exact…
23 Tout d'abord, pouvez-vous me confirmer qui est l'auteur de ce document?
24 Pouvez-vous me dire qui est l'auteur de ce document?
25 M. Krzic (interprétation): Un groupe de représentants du SDA et du peuple
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1 bosnien qui se sont entretenus avec M. Owen. Ils ont rédigé ensemble ce
2 document et je crois qu'il est signé du président du club des délégués du
3 SDA.
4 Je le reconnais personnellement, mais je dois ajouter encore autre chose:
5 si mes souvenirs sont bons, le document n'a pas été envoyé à une date qui
6 a suivi de près le départ de MM. Vance et Owen parce que nous souhaitions
7 qu'un temps suffisamment long s'écoule pour voir si la situation allait
8 s'améliorer ou se dégrader. Par conséquent, comme vous pouvez le voir,
9 c'est plusieurs mois après cette rencontre que le document a été envoyé.
10 M. le Président (interprétation): M. Koumjian, peut-être pourriez-vous
11 demander au témoin de nous donner le nom du président du club des délégués
12 du SDA, étant donné qu'il se souvient que ce document a été signé, à
13 l'origine, par cette personne?
14 M. Krzic (interprétation): Je crois que c'est M. Djanic qui a signé ce
15 document.
16 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, est-ce que vous avez lu ce
17 document avant qu'il ne soit envoyé?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Et êtes-vous d'accord avec le contenu de ce document, étiez-vous
20 d'accord avec le contenu de ce document?
21 Réponse: Oui, entièrement.
22 Question: Est-ce que c'était là un autre exemple des efforts que vous avez
23 faits pour informer les diplomates et le monde extérieur, sur les crimes
24 qui étaient perpétrés dans votre région, la Krajina de Bosnie?
25 Réponse: Oui, nous pensions que cela avait un poids particulier, étant
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1 donné que M. Vance, au moment de son départ, a lui-même recommandé que
2 nous l'informions en cas d'une détérioration de la situation et au cas où
3 notre sécurité serait menacée. Quant à M. Owen, nous avons reçu, nous
4 devions répondre à sa requête, c'est-à-dire que nos députés, nos
5 représentants retournent à l'Assemblée municipale et participent au
6 travail. Nous devions transmettre cette requête par écrit. Il s'agit en
7 réalité d'une réponse à la requête qui a été présentée par M. Owen.
8 Question: Monsieur le Président, j'ai un autre document qui porte la cote
9 459A pour l'anglais et 459B pour le BCS. Il s'agit du Centre du droit
10 humanitaire, à Belgrade. Le titre est "Le scénario de Trebinje à Banja
11 Luka, 10 mai 1993, sous les projecteurs du Centre du droit humanitaire."
12 Est-ce que vous avez également parlé, Monsieur Krzic, à des membres de
13 l'organisation des droits de l'homme de différents pays, y compris de
14 Belgrade en Yougoslavie?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Je crois que l'on vous a remis ce document, P459B. Est-il exact
17 que vous avez parlé aux auteurs de ce document? Et pouvez-vous nous dire
18 si vous avez pris connaissance de ce document et le moment, plus ou moins,
19 où il a été écrit et distribué?
20 Réponse: J'ai eu un certain nombre d'entretiens, peut-être même une
21 dizaine avec Mme Natasa Kondic. Je crois savoir qu'elle était, à l'époque,
22 présidente de ce Centre du droit humanitaire. J'ai eu des entretiens
23 téléphoniques; je lui ai décrit, dans les grandes lignes, la situation qui
24 régnait à Banja Luka et dans les environs, mais sans entrer dans trop de
25 détails qui risquaient d'être dangereux pour moi; en d'autres termes, sans
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1 citer les protagonistes principaux impliqués dans les crimes.
2 Madame Kondic me donnait l'impression de quelqu'un qui était véritablement
3 humaniste et qui se battait pour la défense des Droits de l'Homme. Ce
4 document, j'en ai pris connaissance par la suite, pas à l'époque. J'ai été
5 agréablement surpris par l'exactitude avec laquelle cette personne et le
6 Centre du droit humanitaire, avec quelle précision ils avaient reflété les
7 événements de cette époque. J'ai été particulièrement satisfait de voir
8 que la personne, avec qui j'avais eu des contacts, avait essayé de
9 défendre la population non serbe et de se battre pour la défense des
10 droits de l'homme.
11 Question: Monsieur Krzic, dans le document que nous avons évoqué, on parle
12 des efforts que vous avez déployés pour informer le reste du monde des
13 événements qui avaient lieu en Krajina de Bosnie. Est-il exact que vous
14 vous êtes battu par d'autres moyens contre les politiques des autorités de
15 Banja Luka, pendant la période couverte par l'Acte d'accusation?
16 Réponse: Oui. Mais j'aimerais compléter, si vous me le permettez. Oui,
17 Amnesty International, aussi, a été informée sur une base assez régulière
18 de la situation. Et notamment, de la personne qui était chargée de
19 surveiller les cas de violation des droits de l'homme. Ce n'était donc pas
20 moi au sein du parti du SDA.
21 Question: Merci. J'aimerais maintenant parler des efforts que vous avez
22 déployés, non pas pour informer le reste du monde de ces crimes, mais pour
23 lutter contre les autorités au pouvoir à Banja Luka.
24 Monsieur Krzic, avez-vous jamais envisagé, avez-vous jamais essayé
25 d'obtenir des armes pour résister aux autorités de Banja Luka?
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1 Réponse: Oui, mais il s'agissait d'efforts individuels -si je peux
2 m'exprimer ainsi- qui étaient plutôt inspirés par l'intuition. Et nous
3 n'avions pas pour objectif d'attaquer qui que ce soit, mais c'était en cas
4 de menace massive pour notre vie: nous pensions vendre chèrement notre
5 peau.
6 Question: Est-ce que vous êtes allé à Sarajevo et à Zagreb pour essayer
7 d'obtenir des armes?
8 Réponse: Je ne suis pas parti à Zagreb avec cette intention-là. Mais je me
9 suis dit, à Zagreb, que j'allais essayer d'obtenir des armes mais,
10 malheureusement, je n'ai rien pu obtenir, aucune promesse. A Sarajevo, on
11 m'a promis 50 fusils automatiques concrètement, mais nous ne les avons pas
12 reçus non plus parce que la personne qui nous l'a promis, qui était
13 chargée de cela, a été interpellée par le SDBA de Belgrade peu après; et
14 on l'a montré ensuite à la télévision.
15 La seule fois que j'ai pu accéder à des armes, il s'agissait de deux
16 fusils automatiques allemands, anciens, que j'ai obtenus à Sarajevo pour
17 protéger ma propre personne et le vice-président du parti à qui j'ai donné
18 ce fusil automatique. Et j'ai ensuite rapporté ces deux armes à Banja
19 Luka.
20 Question: Serait-il exact de dire que les non-Serbes -et je crois que vous
21 connaissez certainement mieux la population musulmane à Banja Luka-
22 avaient probablement des armes en leur possession au sein de la
23 municipalité?
24 Réponse: Manifestement, oui. Mais quant aux chiffres, j'ai écouté ce qui
25 était dit par la police serbe. Lorsqu'ils interpellaient des personnes,
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1 lorsqu'ils arrêtaient des personnes, ils donnaient des chiffres et ils
2 disaient, par exemple, "vous avez 2000 fusils". Et c'était donc une
3 estimation, pour moi, une orientation, mais je ne savais pas vraiment.
4 Question: Monsieur Krzic, vous nous avez dit que vous étiez opposé à ce
5 qui était fait par les autorités, que vous avez assisté à de nombreux
6 crimes contre la population civile dans cette municipalité. Pourquoi
7 n'avez-vous pas organisé de résistance armée à Banja Luka?
8 Réponse: Pour ce qui est de la résistance armée, il faut se préparer
9 lentement. Or nous n'étions absolument pas préparés; d'ailleurs, personne
10 ne nous avait dit que nous étions en danger ou plutôt, au niveau de
11 l'Etat, personne ne nous a mis en garde. Nous n'avons jamais reçu un
12 quelconque document ou un ordre pour entreprendre quoi que ce soit dans ce
13 sens. Des rencontres ou des entretiens ont porté sur ces questions, mais
14 concrètement rien n'a jamais été fait.
15 Lorsque nous avons été confrontés de façon directe avec un danger de mort…
16 Et quand je dis "danger de mort", je ne veux pas dire mort accidentelle,
17 mais que l'on vous assassine avec votre famille pendant la nuit ou encore
18 le jour, comme cela s'est produit à différents endroits. Et la situation
19 psychologique des gens qui avaient des enfants était particulièrement
20 difficile; ils avaient peur qu'on tue leurs enfants ou qu'on les viole
21 sous leurs yeux, ce qui se passait également, d'ailleurs. Donc dans ces
22 condition, la seule chose que pouvait faire quelqu'un de normal –et nous,
23 par conséquent-, c'était d'essayer de récupérer une arme pour tuer les
24 criminels, mais pour se suicider aussi. Et c'est la raison pour laquelle
25 nous avons essayé d'obtenir des armes; c'est la seule raison.
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1 Bien sûr, il y avait aussi des groupes de jeunes qui essayaient de
2 s'organiser, mais c'étaient des jeunes hommes qui jouaient au football
3 ensemble ou qui avaient été à l'école ensemble. Mais là, je dois vous dire
4 qu'il y avait également des Croates et des Bosniens. Mais, encore une
5 fois, je n'en ai pas vu un seul qui portait une arme, à part dans quelques
6 cas où certains avaient un revolver de petit calibre, comme j'en avais un
7 moi-même.
8 Par conséquent, pour ce qui est d'un armement sérieux et intensif, il n'y
9 en avait pas. Mais nous en rêvions et nous savions que certains en
10 avaient. Mais au sein de la population, on pensait qu'il ne fallait
11 absolument pas essayer d'utiliser ces armes, sauf en cas d'exécution
12 massive. Et d'ailleurs, je ne sais pas si un ordre aurait eu un quelconque
13 effet; il se serait agi d'un soulèvement spontané.
14 Nous songions, bien sûr, au fait que certains criminels pouvaient être
15 tués, mais nous nous sommes dit qu'une telle explosion de notre part
16 allait immédiatement nous exposer à des représailles. Et là, nous étions à
17 1 contre 100, enfin, pour m'exprimer ainsi.
18 Question: Sans nous donner de noms, peut-on dire que vous aviez des
19 sources au sein de l'armée, au sein de la VRS, l'armée serbe dans la
20 région, des sources qui vous ont transmis des renseignements que vous
21 avez, dans certains cas, transmis aux autorités de Sarajevo?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Permettez-moi de vous poser une question, Monsieur: d'après
24 votre estimation, que se serait-il passé si, en 1992, la population civile
25 non-serbe de Banja Luka avait tenté de se soulever contre les autorités
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1 serbes?
2 Réponse: Il n'y avait aucun dilemme. C'était clair, et les intellectuels
3 et les gens moins éduqués étaient du même avis: on pensait qu'on
4 n'attendait qu'un tel acte pour procéder à des représailles massives. M.
5 Brdanin et ses déclarations menaçantes nous ont plongés dans l'amertume et
6 nous avons compris que, si nous faisions quoi que ce soit contre lui, un
7 massacre de la population civile allait suivre.
8 Question: Monsieur Krzic, j'aurais aimé préciser ce que vous venez de
9 dire, pour être bien sûr de quel groupe il s'agit. Là, je relis le compte
10 rendu d'audience. En réponse à une question précédente, vous avez dit que,
11 "au sein de la population, on estimait qu'il ne fallait pas les utiliser,
12 sauf en cas d'exécution de masse".
13 Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qu'il ne fallait pas utiliser
14 et ce que vous entendiez par "exécution massive", et de quel peuple? Car
15 je crois qu'il y a peut-être une légère ambiguïté.
16 Réponse: Je vais essayer de prendre un exemple pour comparer.
17 A Banja, à une réunion qui a été organisée à la demande de la
18 municipalité, à laquelle a participé M. Radic, le maire, on a essayé de
19 dire de façon polie, quels étaient les problèmes vers Banja; on a essayé
20 de dire aux Bosniens. La population qui était présente, les habitants qui
21 étaient présents -en s'excusant de faire-valoir de tels faits concernant
22 la terreur sur ce territoire et dans la ville-, ont donc pris la parole.
23 Et le même soir, les participants qui ont pris la liberté de dire ce qui
24 leur était arrivé, ont été attaqués, ont reçu des obus, des tirs; et ils
25 souhaitaient quitter la ville. Leurs maisons ont donc été pilonnées le
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1 même jour.
2 Alors, vous pouvez vous y imaginer ce qui se serait passé si, par hasard,
3 un soldat était mort des tirs de notre peuple, sans parler d'un Chetnik.
4 Question: Lorsque je vous ai parlé de soulèvement armé, vous avez dit dans
5 votre réponse "qu'il se serait agi d'un acte qui aurait été accueilli avec
6 satisfaction, qu'il se serait agi d'un prétexte". Je crois que je sais de
7 qui vous parlez, mais qui aurait pris cela comme prétexte pour se venger?
8 Réponse: Je crois qu'un tel acte aurait été accueilli favorablement par
9 qui nous savons, c'est-à-dire les forces grand-serbes, et il s'agit d'une
10 grande partie des membres du SDS de l'époque, des membres du Parti
11 radical, pour ce qui est de l'établissement politique.
12 Pour ce qui est des dirigeants militaires maintenant: les commandants qui
13 sont particulièrement éminents de l'époque auraient été contents. Nous en
14 avons déjà parlé.
15 Pour ce qui est de la police: il s'agissait des chefs de la police qui
16 d'ailleurs ont fait des déclarations dans ce sens.
17 Par ailleurs, des tentatives de provoquer une telle révolte, un tel
18 soulèvement ont été entreprises. Je cite dans mon livre un cas où un
19 territoire, dans une partie de la ville où je vis, a été encerclé et la
20 population, quel que soit son âge, a été rassemblée au parc de Poljakov;
21 c'est un parc qui porte le nom d'une famille.
22 Question: Désolé de vous interrompre, mais vous avez dit que le
23 soulèvement aurait été un prétexte pour que les autorités serbes se
24 vengent contre la population non-serbe. Est-ce que c'est bien ce que vous
25 voulez dire?
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1 Réponse: Oui, c'est ce que je voulais dire.
2 Question: Merci. Monsieur, connaissez-vous le général Talic?
3 Réponse: Oui, je connais le général Talic.
4 Question: Est-ce que vous l'avez rencontré personnellement?
5 Réponse: Je l'ai rencontré personnellement à deux reprises.
6 Question: Est-ce que vous le voyez dans le prétoire aujourd'hui?
7 Réponse: Oui, je vois le général Talic.
8 Question: Quand avez-vous rencontré le général Talic la première fois?
9 Réponse: C'était vers la fin du mois de mai 1992; là, j'ai la date exacte,
10 je ne sais pas si je dois la retrouver.
11 Je l'ai rencontré dans une délégation qui a demandé ou qui a supplié,
12 sollicité une réunion avec le général Talic, qui était à la tête de
13 l'armée à l'époque.
14 Question: Lorsque vous avez rencontré le général Talic -je ne pense pas
15 que la date exacte nous soit indispensable-, mais en rapport avec d'autres
16 événements, est-ce que vous vous souvenez quand cela est intervenu par
17 rapport à l'attaque contre Kozarac dans la municipalité de Prijedor?
18 Réponse: C'était entre six et huit jours avant l'attaque contre Kozarac,
19 c'est-à-dire Prijedor.
20 Question: La réunion a eu lieu six à huit jours avant l'attaque contre
21 Kozarac, est-ce que c'est exact?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Qui a participé à cette réunion avec le général Talic?
24 Réponse: Le mufti de Banja Luka, le mufti Halilovic, le professeur
25 Osmancevic, le professeur Bajric, Safet Filipovic économiste, Naim
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1 Dalmezirovic, retraité, et je crois que le professeur Bilalbegovic y était
2 également. Mais je n'en suis pas absolument sûr.
3 Question: Est-ce qu'il s'agissait des représentants des communautés croate
4 et musulmane à Banja Luka, représentants dont vous nous avez parlé?
5 Réponse: Dans ce cas précis, il s'agissait de représentants de la
6 communauté des Bosniens, parce que nous avons proposé aux représentants de
7 la communauté croate d'y aller ensemble, mais ils n'ont pas accepté.
8 Question: Est-ce que le général Talic était seul ou était-il accompagné
9 d'autres personnes?
10 Réponse: Il y avait en plus du général Talic, le colonel Osman Selak,
11 ainsi que deux ou trois officiers de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
12 Question: Quand vous avez rencontré le général Talic, où a eu lieu cette
13 réunion, vers le milieu du mois de mai?
14 Réponse: La réunion a eu lieu dans le bâtiment du quartier général de
15 l'armée yougoslave, dans la "maison de l'armée" comme on l'appelait, au
16 premier étage, dans l'une des pièces qui se trouvaient à un des angles du
17 bâtiment.
18 Question: Quel était l'objet de cette réunion avec le général Talic et
19 quelles questions avez-vous évoquées au cours de cette réunion?
20 Réponse: En général, nous avions sollicité les gens pour avoir cette
21 réunion dans l'espoir qu'au sein de l'armée, il se trouverait encore des
22 effectifs, des forces capables de protéger la population contre le règne
23 de la terreur, de la terreur de toutes sortes, de la terreur physique qui
24 avait été exercée à l'encontre de la population non serbe dans Banja Luka
25 et ses environs. Je crois qu'il n'est point nécessaire d'énumérer tout ce
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1 que cela sous-entend. Il y avait déjà eu des meurtres de commis à
2 l'encontre de personnes innocentes; il y avait déjà eu des viols. Et ce
3 que nous appellerions un "culturocide", à savoir une agression à l'égard
4 de la culture qui ne serait pas serbe ou qui pourrait être considérée
5 comme une culture européenne d'une manière générale.
6 Question: Y avait-il quelque chose dans l'histoire de la Yougoslavie qui
7 vous inciterait à vous permettre d'espérer que l'armée pourrait constituer
8 une force qui devrait être consultée?
9 Réponse: Certainement.
10 L'armée avait d'abord été la puissance la plus grande. Et dans l'armée, il
11 y avait encore des officiers, des particuliers qui avaient soit pris eux-
12 mêmes part à la Deuxième Guerre mondiale, en étant très jeunes, soit qui
13 avaient été fils de combattants, d'anciens combattants de la Deuxième
14 Guerre mondiale, des partisans, qui avait combattu pendant cette Deuxième
15 Guerre mondiale.
16 Nous avions pensé que l'armée yougoslave devrait s'en tenir à des
17 principes qui interdiraient de tels comportements à l'égard de la
18 population, et vice-versa. Nous avions perdu toute confiance dans la
19 police pour des raisons que je serais en mesure d'énumérer. L'armée avait
20 été la dernière des instances sur laquelle nous étions en mesure de
21 compter, pour ce qui est d'une éventuelle protection à fournir à
22 l'intention de la population non serbe.
23 Question: Mais avez-vous discuté avec le général Talic de certaines
24 questions que vous venez de mentionner tout à l'heure, à savoir de crimes
25 commis contre la population serbe, des attaques à l'encontre
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1 d'établissements culturels, de la population non serbe et ainsi de suite?
2 Réponse: Oui, et ce, dans le détail. Je crois pouvoir dire que certaines
3 choses ont été notées sur-le-champ. Mais vous devriez savoir que, quoique
4 nous ayons été victimes, le fait de présenter ce qui nous arrivait,
5 nécessitait du courage. Il fallait du courage pour protester. Nous avions
6 sollicité de l'aide, nous n'avions pas protesté à cette fin.
7 Question: Quelle a été la réponse apportée par le général Talic, quand
8 vous lui avez parlé des crimes qui étaient commis à l'encontre de la
9 population non serbe?
10 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, il n'avait pas contesté cela.
11 Il n'avait contesté cela par un seul propos. Il me semble même qu'il
12 avait, en quelque sorte, justifié la situation. Du moins, je ne m'en
13 souviens pas exactement.
14 Mais il avait promis qu'il allait mettre en place une ou deux brigades
15 légères –il se peut que je n'aie pas compris tout à fait ce que cela
16 signifiait au juste-, et ces brigades étaient censées protéger la
17 population. Et d'après ce que nous avions compris, ces brigades étaient
18 censées patrouiller à des heures critiques, particulièrement critiques,
19 dans la ville et notamment dans les villages.
20 Il est vrai qu'il nous avait prévenus de l'expectative, de sa part, de
21 troubles plus grands encore, de bouleversement plus grands encore dans la
22 zone de Prijedor. Et nous avions espéré que les choses se stabiliseraient
23 dans la ville et qu'il y avait lieu de craindre, pour ce qui est de
24 l'avenir de la population, dans les petites villes et notamment dans les
25 villages.
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1 Question: Vous aviez mentionné Prijedor. Que vous a dit le général Talic à
2 cette réunion, réunion qui s'est tenue à quelque six ou huit jours avant
3 l'attaque lancée contre Kozarac? Que vous a-t-il dit au juste concernant
4 Prijedor?
5 Réponse: Ce que je viens de vous dire, il l'avait dit à cette réunion,
6 donc en présence d'autres personnes encore. Et en sortant, j'avais
7 rencontré le mufti; le général avait témoigné du respect à l'égard du
8 mufti. Cela était particulièrement présent dans le comportement dont il
9 faisait preuve. Lorsque nous étions sortis, ils sont restés traîner un peu
10 en arrière et il avait dit que, dans les sept jours qui venaient, il
11 s'attendait à des ennuis dans la région de Prijedor.
12 Question: Vous souvenez-vous de la date de cette deuxième rencontre avec
13 le général Talic?
14 Réponse: Je pense qu'il devait s'être écoulé un mois ou un mois et demi
15 entre la première et deuxième rencontre. Nous avions d'ailleurs sollicité
16 également cette deuxième rencontre.
17 Question: Monsieur le Président, j'ai ici un autre document qui porte une
18 cote, celle de P460.
19 (Intervention de l'huissier.)
20 Il y est dit qu'il s'agit d'une association sociale, culturelle,
21 religieuse et politique du peuple musulman de Banja Luka. La date est du
22 22 juin 1992. Cela est envoyé de Banja Luka à l'intention du commandement
23 du 1er Corps d'armée de la Krajina, et cela est destiné à l'attention du
24 général Momir Talic. Il s'agissait notamment, en objet, d'une proposition
25 de coopération.
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1 Monsieur Krzic, où s'était tenue cette deuxième réunion?
2 Réponse: Je pense que cette deuxième réunion a eu lieu dans le bâtiment de
3 l'état-major de l'armée de l'époque, à savoir le bâtiment qui est attenant
4 à la maison de l'armée.
5 Question: Vous avez sous les yeux un document qui est le P460B. Le
6 reconnaissez-vous?
7 Réponse: Oui.
8 Question: De quoi s'agit-il?
9 Réponse: Il s'agit d'un mémorandum ou d'une conception que nous avions
10 décidé d'exposer à un groupe d'officiers à la tête duquel se trouvait le
11 général Talic pour cette deuxième rencontre, et que j'étais censé lire. Je
12 dis "j'étais censé lire", parce que le professeur Sirbegovic, qui avait
13 été chargé de le faire, n'avait pas la force de le faire lui-même. Il
14 n'avait pas été prévu que le président du parti politique en donne lecture
15 parce qu'il était question de l'association d'une population musulmane à
16 Banja Luka. Mais étant donné que lui-même n'était pas en mesure de tenir
17 le document en ses mains tant elles tremblaient de peur, c'est moi qui
18 l'ai fait.
19 Question: Et dans ce document, avez-vous une fois de plus cité les crimes
20 et persécutions à l'égard de la population non-serbe dans la région?
21 Réponse: Nous en avons parlé, mais pas de tout. Je vous ai dit: il
22 s'agissait d'une esquisse. Et il y avait des limitations que nous pensions
23 pouvoir atteindre, sans pour autant mettre en péril notre sécurité
24 physique. Nous avons cité, directement ou indirectement, la question des
25 camps de concentration.
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1 Question: Monsieur le Président, j'ai un autre document ici que nous avons
2 désigné par une cote qui est celle de P461B pour l'original, et nous avons
3 en intitulé: "Item 2 - 22 juin 1992 - Entretien avec le général Momir
4 Talic", et ainsi de suite.
5 Et en page 2, nous pouvons voir plusieurs signatures.
6 Il y a un numéro ERN, 00923388, et 89 pour ce qui est de la version
7 anglaise.
8 Je voudrais ce que ce document-là soit distribué à toutes les parties.
9 (Intervention de l'huissier.)
10 Monsieur Krzic, dans ce document P461B, qui vient de vous être soumis, je
11 voudrais d'abord que vous me disiez si vous reconnaissez le document en
12 question?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit? Expliquez à la Chambre
15 de quel type de document il s'agit et comment ce document a été rédigé.
16 Réponse: Le document en question a été rédigé, je pense, le même jour, en
17 concertation avec les participants à ladite réunion. Je l'ai fait imprimer
18 et tout un chacun avait reçu un exemplaire. Les participants -dans ce cas-
19 ci, il y en avait cinq- avaient été présents et chacun des participants de
20 l'association, de la population musulmane l'avait signé. Il s'agit d'un
21 compte rendu de la réunion. Le premier document étant un mémorandum, ceci
22 est en fait un compte rendu que nous avions jugé utile de rédiger à
23 l'issue de la rencontre.
24 Question: Après avoir donné lecture de cette proposition relative à la
25 coopération, est-ce que le général Talic a répondu de la façon qui est
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1 indiquée dans ce deuxième document? Je parle là de la page 2 où l'on dit
2 qu'il garantirait la sécurité des Musulmans de Banja Luka et qu'il
3 interdirait aux effectifs militaires quelque activité que ce soit dans ce
4 secteur.
5 Réponse: Oui, cela est exact. Tout ce qui est dit ici est exact. Et nous
6 avions compris qu'il n'était pas question de placer quoi que ce soit dans
7 ce document qui s'avérerait ne pas correspondre à la vérité.
8 Question: Si nous nous penchons sur le deuxième point mentionné par le
9 général Talic, je voudrais que vous nous disiez vous-même ce qu'il avait
10 estimé que la direction musulmane devrait faire pour faciliter la
11 situation dans les camps de concentration.
12 Réponse: Il avait déclaré, à ce moment-là, qu'il fallait s'adresser à la
13 cellule de crise de Banja Luka au sujet des demandes de visite à effectuer
14 au camp de rassemblement et de concentration, et tout ce qui se trouvait
15 en corrélation avec cela.
16 Question: Dans le document qui se trouve sous vos yeux, il est précisé que
17 la cellule de crise de l'Assemblée municipale de Banja Luka était
18 l'instance à contacter. Quand vous aviez rédigé ce document, à votre avis,
19 combien de cellules de crise intervenaient à Banja Luka, à l'époque?
20 Réponse: Nous pensions que, à Banja Luka, il n'y avait qu'une seule
21 cellule de crise, à savoir au niveau de l'assemblée municipale de Banja
22 Luka. Nous avions compris que les attributions, les compétences de cette
23 cellule de crise englobaient les attributions de toutes les cellules de
24 crise qui avaient été mises en place au niveau local, dans les autres
25 villes et localités de la région.
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1 Question: Mais aviez-vous une idée quelconque de l'identité du président
2 de cette cellule de crise?
3 Réponse: Bien entendu. On savait à l'époque qui était le président de la
4 cellule de crise. Mais comme on voyait se relayer à tour de rôle plusieurs
5 noms, je ne saurais vous dire maintenant qui avait été président de cette
6 cellule de crise à ce moment-là, mais je sais qui avaient été les membres
7 de cette cellule de crise. D'après le statut de l'assemblée municipale, il
8 fallait obligatoirement que le maire en soit membre. Et personnellement,
9 je n'ai jamais su si M. Brdanin avait été président de la cellule de crise
10 ou si c'était M. Radic.
11 Ce qui fait qu'en ce moment-ci, je ne suis pas en mesure de vous dire
12 lequel des deux était président. Il se peut qu'il ait occupé des positions
13 formelles et que le chef de la police, et lui était président ou
14 commandant de cette cellule de crise. Ça, c'est une chose que,
15 personnellement, je ne suis pas en mesure de vous dire avec précision.
16 Question: Mais est-ce que le général Talic vous avait demandé, à vous-même
17 et aux autres représentants de votre communauté, d'essayer de calmer la
18 population musulmane sur le territoire de la municipalité de Banja Luka?
19 Réponse: Oui, M. Talic, tout comme d'autres officiers, avait à plusieurs
20 reprises, la première et la deuxième fois que nous nous étions rencontrés,
21 avait souligné la nécessité de garder le calme en disant que la situation
22 allait se redresser.
23 Je crois qu'à la première des réunions, l'un de ses collaborateurs, le
24 colonel Bukric avait dit qu'il y avait des jeunes qui jouaient aux
25 soldats. Et il fallait les prévenir, sans quoi ils risquaient de se faire
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1 jeter aux arrêts. Il avait dit qu'à Vrbanja, il y avait un groupe appelé
2 "dobri jarani" ou en traduction "bons amis", "bons copains", ce qui
3 signifiait que ces jeunes-là, ces enfants-là, s'amusaient à jouer à la
4 défense. Et le même jour, nous sommes allés à Vrbanja pour prévenir ces
5 jeunes, ces adolescents de ne pas s'amuser à faire des combinaisons où il
6 y aurait usage d'armes, parce que cela risquait de nous coûter cher. Et
7 ces avertissements-là...
8 Question: Oui, allez-y, terminez votre phrase.
9 Réponse: Ces avertissements, on disait que ces jeunes têtes brûlées
10 étaient en train de s'imaginer, d'essayer de voir comment il leur fallait
11 se battre, mais on a dit que, de façon évidente, ils n'avaient pas
12 d'armes, car si cela avait été le cas ils auraient été arrêtés
13 immédiatement.
14 J'ai compris que...
15 Question: Merci. Merci.
16 Monsieur Krzic, à chacune des réunions que nous avons mentionnées, vous
17 nous avez dit que l'on vous avait promis une protection de la population
18 civile et que ces promesses avaient été faites par le général Talic.
19 Avez-vous quelque résultat afférent à ces promesses? Est-ce que la
20 situation au niveau de la sécurité pour la population non-serbe s'était
21 améliorée ou avait fini par s'améliorer suite à ces rencontres avec le
22 général Talic?
23 Réponse: Hélas, la situation est rapidement allée de mal en pis. Je ne
24 parle pas que de la ville parce que, dans les environs, la situation avait
25 été déjà désespérée. Je tiens à préciser que, dans la période il y avait
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1 eu des meurtres, des pillages, que l'on avait jeté des grenades en ville.
2 C'était chose quotidienne. N'oublions pas que la ville est une petite
3 ville.
4 Et les renseignements émanant des environs nous disaient que l'on
5 assistait à un génocide véritable parce que l'on procédait à des
6 exécutions en masse. Nous recevions des rapports de la part de personnes
7 qui avaient réussi à y survivre.
8 Question: Mais qu'a dit le général Talic concernant les camps où l'on
9 avait détenu des non-Serbes dans la région?
10 Réponse: Dans ces entretiens, il avait essayé de faire une distinction et,
11 de façon évidente, il avait parlé du camp de Manjaca à Dobrinja comme
12 étant un camp militaire de prisonniers de guerre. Ce camp avait été placé
13 sous les compétences ou les attributions de l'armée, alors que les
14 prisons, les centres de rassemblement et les camps de concentration
15 avaient été désignés par ses soins comme étant des sites se trouvant sous
16 la surveillance de la police, ainsi que d'unités qui, de façon évidente,
17 ne faisaient pas partie des unités militaires professionnelles.
18 Question: Dans le document 461, vous avez cité que le général Talic avait
19 dit qu'il allait envoyer un courrier à M. Stojan Zupljanin, au centre des
20 services de sécurité, pour relâcher les non-militaires de ce camp. Et on
21 avait dit que les conditions là-bas étaient pires que dans le camp
22 militaire.
23 Est-ce que cela reflète ce que le général Talic vous avait dit à cette
24 rencontre?
25 Réponse: Oui, c'était bien l'impression qui s'en était dégagée, à mon
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1 avis.
2 Question: Pourriez-vous dire brièvement à la Chambre quelle avait été
3 l'impression que vous vous étiez faite du général Talic lors de ces
4 rencontres, ou à l'occasion de quelque autre contact que vous ayez pu
5 avoir avec lui, ou partant de ce que vous avez pu apprendre de lui au
6 niveau des médias?
7 Réponse: Lors de la première rencontre,… Et je tiens à dire d'abord que je
8 n'avais pas rencontré le général Talic avant cette réunion-là et la
9 deuxième réunion que nous avons eue.
10 Si je puis vous donner une opinion personnelle, je dirais qu'à la première
11 réunion, il avait encore en soi quelque chose qui le caractérisait comme
12 étant membre de l'armée populaire yougoslave, à savoir qu'il avait espéré
13 que la Yougoslavie finirait par être préservée. Et à ce moment-là, il
14 s'était efforcé de maintenir l'armée hors des questions qui ne la
15 concernaient pas, dans des situations qui n'étaient pas des situations de
16 guerre.
17 Mais par la suite, j'ai conclu autre chose. Je m'étais demandé d'où venait
18 cette amabilité à notre égard, nous qui étions pratiquement venus sur nos
19 genoux demander protection.
20 Partant des informations recueillies au niveau de ce qui se passait sur le
21 front, j'ai compris qu'il avait souhaité éviter une insurrection
22 éventuelle des Bosniens à Banja Luka, qui requerraient en ce cas un
23 engagement d'effectifs militaires, qui nécessiterait de sa part des moyens
24 matériels et des victimes par voie de conséquence, alors que l'armée serbe
25 était nécessaire sur les fronts, étant donné qu'elle avait été arrêtée au
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1 niveau de tous les fronts, notamment au niveau du corridor et en direction
2 de Jajce, emplacements où ils subissaient des pertes importantes. Des
3 rapports en ce sens me parvenaient occasionnellement.
4 Je pensais à l'époque que cela avait été probablement l'une des raisons de
5 son comportement. De nos jours, je suis convaincu de la chose davantage
6 encore. Je sentais intuitivement que les autorités serbes ne voulaient
7 tout de même pas procéder à un nettoyage ethnique complet de Banja Luka
8 et, notamment pas commettre des massacres massifs pour des raisons
9 politiques évidentes. Il semblerait que les autorités politiques au sommet
10 avaient estimé qu'un tel comportement susciterait une intervention
11 extérieure.
12 Par la suite, dans les phases ultérieures, M. Talic a publiquement incliné
13 de plus en plus en faveur des positions serbes les plus radicales
14 concernant l'avenir de la région, et se rangeait complètement du côté des
15 nationalistes serbes faisant ce qu'il n'avait jamais fait auparavant. En
16 d'autres termes, il s'efforçait, lors des fêtes religieuses, de faire
17 remarquer sa participation. Bien entendu, cela avait exercé une influence
18 non négligeable sur la population civile serbe et, dans ses apparitions
19 publiques, il a dirigé l'opinion publique en faveur de la mise en place
20 d'une armée purement serbe. Au fur et à mesure de l'escalade des
21 événements, il a fini par être fort explicite. Dans ses déclarations, il
22 lui arrivait de dire que les Croates et les Musulmans allaient devoir
23 combattre les Serbes si l'Europe s'attaquait aux Serbes parce qu'ils ne
24 sauraient continuer à vivre parmi les Serbes autrement.
25 Question: Merci. Monsieur le Président, je crois que le moment serait
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1 opportun pour faire une pause. Je voudrais vous informer de certaines
2 questions que j'aurai encore à poser concernant M. Brdanin et j'estime
3 avoir besoin d'une quinzaine de minutes encore avant de finir mon
4 interrogatoire principal.
5 M. le Président (interprétation): Après cela, Monsieur Ackerman, seriez-
6 vous en position de commencer avec les questions d'introduction pour ce
7 qui est de ce que vous avez préparé à l'intention du contre-
8 interrogatoire?
9 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai pas prévu de le faire mais si nous
10 avons autant de temps à notre disposition, je m'efforcerai de faire de mon
11 mieux.
12 M. le Président (interprétation): Soit vous soit M. de Roux. Ce qui nous
13 permettrait de mettre à profit le temps qui nous reste.
14 M. Ackerman (interprétation): Je le ferai.
15 M. le Président (interprétation): Pour ce qui est du compte rendu
16 d'audience, je tiens à préciser ce qui suit. J'ai, ici, le compte rendu
17 d'audience des débats tenus le 21 janvier, ce compte rendu m'a été
18 communiqué concernant ce que nous avions convenu. Nous allons continuer le
19 13, à moins qu'il ne s'avère préférable de reprendre le 14.
20 De toute façon, ce sera le 13 ou 14. Pour le moment, disons qu'il s'agira
21 du 13. Par conséquent, c'est ce que nous avions convenu de faire.
22 M. Ackerman (interprétation): Voilà un cerveau plus jeune à l'œuvre,
23 puisque vous vous en souvenez.
24 M. le Président (interprétation): C'est la machine qui l'a fait.
25 M. de Roux: (hors micro) Le 13 mais je pense que j'en ai pour une journée
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1 et que je serai là le 14.
2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie Maître de Roux. C'est
3 la façon dont il convient d'informer la Chambre. Je vous demanderai de
4 faire en sorte que votre coconseil soit présent. C'est très important. Si
5 mon message d'hier n'a pas été suffisamment clair, je vais le reprendre.
6 Je vous demande de ne plus jamais placer cette Chambre en position de voir
7 l'accusé se lever ici, et dire qu'il ne voudrait pas que les audiences
8 continuent, étant donné qu'il n'est pas assisté par son conseil ou
9 coconseil. J'espère que cela n'arrivera plus jamais. Si les choses se
10 passent comme il faut, je pense qu'il n'y aura pas de difficultés.
11 Nous allons reprendre notre travail dans 25 minutes. Pour autant que j'ai
12 pu le comprendre, le Procureur en finira avec son interrogatoire principal
13 et, ensuite, Me Ackerman ou Me de Roux commenceront leur contre-
14 interrogatoire. Merci.
15 (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 13 heures.)
16 M. le Président (interprétation): (Hors micro.) Vous pouvez faire entrer
17 le témoin, s'il vous plaît.
18 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, M. Koumjian,
20 représentant du Bureau du Procureur, va reprendre son interrogatoire
21 principal.
22 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je tiens à
23 vous informer que M. Cayley m'a demandé de requérir dix minutes à la fin
24 de l'audience d'aujourd'hui pour vous faire part d'un point qu'il tient à
25 évoquer.
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1 Monsieur Krzic, avez-vous jamais rencontré M. Radoslav Brdanin, l'avez-
2 vous vu en personne?
3 M. Krzic (interprétation): Oui, à plusieurs reprises.
4 Question: Pouvez-vous décrire ces occasions où vous avez rencontré en
5 personne M. Brdanin?
6 Réponse: D'habitude, c'était lorsque nous nous croisions dans le bâtiment
7 de la mairie, ou plutôt à la maison de la culture où se déroulaient les
8 séances de l'assemblée municipale. Ce n'est qu'à de rares occasions que je
9 l'ai rencontré de plus près. Je me souviens d'une de ces occasions, au
10 moment où nous fêtions le Nouvel an, à moins que ce ne soit Noël. Cela
11 s'est passé également dans le bâtiment de la maison de la culture où le
12 SDS fêtait cet événement, cette fête orthodoxe, dans le cadre d'une
13 réception organisée par lui. Une autre rencontre s'est déroulée entre
14 nous, à l'hôtel Bosna, avec le coprésident du Conseil de sécurité, M.
15 Vance Owen.
16 Question: Parlez-vous de la venue de la délégation dirigée par M. Vance
17 Owen, délégation venue à Banja Luka pour discuter d'une éventuelle
18 solution à la crise en Bosnie? C'est bien cela? S'agissait-il de Cyrus
19 Vance et de Lord Owen, n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui, c'est exact.
21 Question: Cela s'est-il passé en 1992?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Pouvez-vous dire à quel endroit vous avez vu M. Brdanin, lors de
24 cette visite de la délégation Vance-Owen à Banja Luka?
25 Réponse: J'ai d'abord vu M. Brdanin, au premier étage, dans une salle de
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1 l'hôtel, une salle totalement ouverte, sans mur de partition. Il y avait
2 Karadzic, Kupresanin, plus ou moins tous les dirigeants les plus hauts
3 placés du gouvernement de l'époque. Je ne me rappelle pas si Mme Plavsic
4 était présente ou si M. Koljevic était présent. J'ai vu M. Brdanin lorsque
5 j'ai pénétré dans la salle; il parlait avec le coprésident. Ensuite, je
6 l'ai vu au moment d'une pause, alors que M. Vance m'avait envoyé appeler
7 l'un de mes collaborateurs de l'assemblée municipale, donc m'avait envoyé
8 le chercher à cent mètres environ de cet endroit. Et puis, j'ai approché
9 le secrétaire de la municipalité, M. Tihic, et je lui ai demandé d'envoyer
10 quelqu'un ou d'aller lui-même chercher ces dirigeants à la mairie. A ce
11 moment-là, M. Brdanin s'est levé soudainement; il est venu entre moi et M.
12 Tihic. Et son attitude montrait qu'il n'était pas favorable à ma demande.
13 Par la suite, l'assistant personnel de Cyrus Vance est arrivé, je me suis
14 approché de lui et je lui ai parlé. Je lui ai dit qu'il ne m'écoutait pas
15 et que les autres membres ne viendraient donc pas.
16 Voilà l'occasion à laquelle je l'ai rencontré.
17 Question: Merci d'avoir apporté ces éclaircissements. Vous vouliez donc
18 organiser une réunion entre les membres de la communauté musulmane, les
19 représentants et les dirigeants de cette communauté, avec M. Vance? C'est
20 bien cela?
21 Réponse: Non, pas tout à fait. Je n'ai pas essayé d'organiser cette
22 réunion. Il s'agissait, en fait, d'une réunion avec les représentants du
23 parti SDA, donc pas avec les représentants de la totalité de la communauté
24 musulmane et je souhaitais que cette réunion se déroule avec eux et moi.
25 Elle avait été demandée par M. Vance et M. Owen.
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1 Mais, lorsque je leur ai demandé d'appeler d'autres représentants du
2 comité exécutif du SDA, parce que j'estimais que leur présence était
3 nécessaire, les choses qui se sont passées tout à l'heure se sont passées.
4 Question: Voyez-vous M. Brdanin dans le prétoire aujourd'hui?
5 Réponse: Oui, je vois M. Brdanin dans le prétoire.
6 Question: Pouvez-vous pointer le doigt et nous montrer où il est assis?
7 Réponse: Pointer le doigt?
8 Question: Pouvez-vous nous dire où il est assis et à côté de qui il est
9 assis?
10 Réponse: M. Brdanin est assis à côté du général Talic, à sa droite.
11 Question: Avez-vous jamais vu M. Brdanin à la télévision ou dans des
12 réunions d'une autre nature?
13 Réponse: Oui, je l'ai vu à de nombreuses reprises à la télévision et, à
14 quelques reprises, je l'ai également entendu s'exprimer à la radio de
15 Banja Luka.
16 Question: Vous rappelez-vous une quelconque des déclarations faites par M.
17 Brdanin à la télévision ou à la radio?
18 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, M. Brdanin a commencé à
19 s'exprimer fréquemment sur les médias lorsqu'il a été élu président du SDS
20 de Celinac; il s'agissait des élections au conseil exécutif du SDS. Pour
21 autant que je m'en souvienne, il s'est exprimé très souvent et toujours
22 avec une fermeté particulière. Pour nous, les Bosniens, ce qui était très
23 important, c'était la présence constante dans ses déclarations de menaces
24 à l'égard de la population non-serbe.
25 Question: Pourriez-vous apporter votre aide aux Juges de cette Chambre en
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1 leur disant, au mieux de votre souvenir, quels sont les mots qui étaient
2 prononcés par M. Brdanin et pour quelle raison vous estimiez que ces mots
3 constituaient des menaces permanentes?
4 Réponse: Il y a une chose que j'ai omis de dire, à savoir que, lorsque
5 j'ai rencontré M. Brdanin personnellement, il ne prenait même pas la peine
6 de me saluer. Mais enfin, aujourd'hui, cela n'a plus guère d'importance.
7 Cela étant, si nous parlons du vocabulaire qu'il utilisait dans ces
8 interviews, s'il était seul ou interrogé en même temps que d'autres, il
9 avait pour habitude de dire que le territoire où nous étions était un
10 territoire serbe et que tout ce que l'armée serbe faisait était destiné à
11 s'assurer que ce territoire demeure sous contrôle serbe. Et qu'à
12 l'exception d'un nombre très limité de personnes -1000 ou 2000 personnes
13 pour Banja Luka, donc 1 pour 1000 à peu près-, il n'y avait pas de vie
14 possible sur ce territoire pour les non-Serbes. Dans certains cas, il a
15 prononcé des déclarations très dangereuses en disant que les non-Serbes
16 étaient des cafards, des insectes, des vers qu'il fallait piétiner.
17 Quant aux Serbes qui auraient fait quoi que ce soit pour faciliter la
18 résistance ou même le départ de Banja Luka aux non-Serbes, il leur
19 adressait des propos particuliers. Une déclaration notamment, bien connue,
20 où il a parlé de non-Serbes qui éventuellement pourraient trouver des
21 documents destinés aux non-Serbes pour leur faciliter le départ -puisqu'il
22 était impossible aux non-Serbes de quitter Banja Luka sans de tels
23 documents-, il a dit qu'agir de la sorte était un acte criminel; mais
24 finalement, il l'a tout de même justifié en ajoutant que, "dans ces
25 conditions, le nombre des non-Serbes serait tout de même réduit. C'était
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1 donc une circonstance atténuante."
2 Par ailleurs, il lui arrivait de dire que les Bosniens et les Croates
3 étaient des éléments subversifs, et de tels propos pouvaient être compris
4 comme signifiant que nous pouvions être promis à tous les dangers. En
5 effet, il généralisait, c'étaient des propos très généraux; il ne faisait
6 aucune distinction d'âge, de sexe ou de position occupée par les gens dont
7 il parlait.
8 Ensuite, vous pouvez vous imaginer que des déclarations de ce genre, les
9 positions prises par lui étaient assimilables par nous à des menaces de
10 mort.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 Question: Ces déclarations dont vous venez de parler sont-elles des
13 déclarations que vous avez vous-même, M. Brdanin, entendu prononcer par
14 lui, à la télévision ou à la radio?
15 Réponse: J'ai personnellement entendu certaines de ces déclarations; pour
16 d'autres, j'en ai pris connaissance en les lisant dans les journaux.
17 S'agissant de ce que des tiers m'ont rapporté, je suppose qu'il n'est pas
18 utile que j'en fasse état, car le ton était à peu près le même.
19 Question: Monsieur le Président, nous avons un document dont la cote
20 préliminaire est P462A pour la version anglaise, B pour la version
21 originale en BCS.
22 C'est un document qui est indiqué comme provenant du Parti d'Action
23 démocratique de Banja Luka, daté du 28 août 1992 et adressé, semble-t-il,
24 à l'ambassade de Bosnie-Herzégovine auprès des Nations Unies de New York.
25 Ce document est adressé personnellement à M. Muhamed Sacirbey et commence
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1 par les mots -je cite-: "Hier, le 27 août 1992, une interview a eu lieu à
2 la télévision de Banja Luka". (Fin de citation.)
3 Monsieur Krzic, on vous a remis ce document, P462. Pouvez-vous commencer
4 par nous dire qui est l'auteur de ce document?
5 Réponse: Je suis l'auteur de ce document.
6 Question: Dans le premier paragraphe de ce document, il est question d'une
7 émission de télévision à la télévision de Banja Luka. Vous rappelez-vous
8 cette émission?
9 Réponse: Je m'en souviens, bien sûr, mais je serais incapable aujourd'hui
10 de vous la rapporter dans tous ses détails.
11 Question: Lorsque vous avez écrit ce qui figure dans ce document, les
12 événements auxquels vous aviez assisté durant cette émission de télévision
13 étaient-ils encore très frais dans votre mémoire?
14 Réponse: Oui. J'avais pris des notes et, le lendemain, ce document a été
15 envoyé à l'extérieur.
16 Question: Pourriez-vous, je vous prie, lire ce document et nous dire si,
17 selon vos souvenirs d'aujourd'hui, ils sont un reflet fidèle de ce que
18 vous avez vu à la télévision le 27 août 1992?
19 Réponse: Oui, c'est un récit fidèle.
20 (Les Procureurs se consultent.)
21 Question: Monsieur Krzic, compte tenu de toutes les remarques, de tous les
22 commentaires que vous venez de nous rapporter comme étant ceux de M.
23 Brdanin, pouvez-vous nous dire si, à votre avis, ces commentaires ont eu
24 un effet particulier sur le sentiment de la population non-serbe,
25 s'agissant de la sécurité dans laquelle celle-ci vivait à Banja Luka?
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1 Réponse: Absolument, cela ne fait aucun doute, un effet d'ailleurs sur le
2 sentiment d'insécurité, mais nous pensions également qu'il s'agissait
3 d'une pose personnelle, d'une attitude tout à fait particulière de la part
4 de criminels potentiels qui étaient invités à commettre des crimes de
5 façon tout à fait manifeste et de faire librement ce qu'ils avaient déjà
6 commencé à faire.
7 Question: Pouvez-vous nous dire ce qu'ils avaient déjà commencé à faire?
8 Pour le compte rendu d'audience, précisez un peu votre pensée.
9 Réponse: Je pense à tous les actes de terreur qui avaient déjà été commis
10 et qui allaient du simple passage à tabac aux arrestations, en passant par
11 le meurtre, le viol, le pillage et l'expulsion.
12 Question: Ces remarques personnelles de M. Brdanin ont-elles facilité,
13 favorisé la disparition de la population non-serbe de cette région?
14 Réponse: Je ne sais pas quelles ont été les implications de ses propos sur
15 les actes concrets, c'est-à-dire les mesures prises par les autorités
16 serbes de l'époque, mais je sais que ses propos ont été des obstacles
17 supplémentaires pour la population non-serbe, puisque celle-ci a de plus
18 en plus cherché à trouver le moyen de déménager, de partir.
19 Question: Monsieur le Président, je n'ai plus de questions à poser à ce
20 témoin.
21 Mais s'agissant du document P449, nous n'en avions soumis que la
22 traduction et nous disposons maintenant de la version originale dont la
23 cote préliminaire est P449B.
24 Pour le compte rendu d'audience, j'indique, malgré mes capacités limitées
25 à comprendre cette langue, qu'il s'agit –donc je parle de l'original- d'un
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1 document émanant du parti SDA de Banja Luka, daté du 30 septembre 1992,
2 adressé à la Mission bosniaque auprès des Nations Unies à New York, et
3 comportant le n°ERN 02098593.
4 Je demande donc que l'original de ce document en BCS soit enregistré sous
5 la cote P449B, et je demande aux Juges de cette Chambre s'ils en admettent
6 le versement au dossier.
7 M. le Président (interprétation): Je crois comprendre que vous êtes arrivé
8 au terme de votre interrogatoire principal?
9 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
10 Maître Ackerman et Maître de Roux?
11 M. de Roux: Monsieur le Président, si la Cour le veut, je puis prêt à
12 commencer le contre-interrogatoire.
13 M. le Président (interprétation): C'est précisément ce que j'allais vous
14 proposer. Puisque vous ne serez pas présent le 13, je pensais que vous
15 pourriez peut-être être le premier à procéder au contre-interrogatoire de
16 ce témoin. Après quoi Me Ackerman prendra le relais.
17 Si tout va bien, d'ici à demain, je suppose que vous pourrez en terminer
18 avec votre contre-interrogatoire.
19 Maître Ackerman?
20 M. Ackerman (interprétation): Avant que nous ne commencions, je propose
21 que M. Cayley évoque la question qu'il voulait évoquer en dix minutes, car
22 en général, lorsqu'il demande dix minutes, cela dure toujours une
23 vingtaine de minutes. Cela nous permettrait d'être sûrs de ne pas déborder
24 trop largement sur 13 heures 45.
25 Mais c'est à vous qu'il appartient d'en décider, Monsieur le Président.
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1 M. le Président (interprétation): Je pense que nous pourrions entendre Me
2 de Roux, car il sera pas là le 13. Je préférerais donc que ce soit lui qui
3 commence son contre-interrogatoire et je l'invite à limiter cette
4 introduction de son contre-interrogatoire aux préliminaires pour réserver
5 la suite à la journée de demain, puisque le témoin reviendra dans le
6 prétoire demain.
7 Vous disposez donc à peu près de 15 minutes, un quart d'heure.
8 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me de Roux.)
9 M. de Roux: Merci, Monsieur le Président.
10 Monsieur Krzic, vous étiez le président du SDA à Banja Luka, en 1991 et en
11 1992. Pourriez-vous nous dire brièvement quel était le programme, tout au
12 moins l'objectif du SDA à cette époque?
13 M. Krzic (interprétation): J'étais président du SDA, comme vous venez de
14 le dire. Les objectifs du SDA figurent dans la déclaration de programme de
15 ce parti.
16 Me demandez-vous d'en évoquer ici oralement quelques-uns?
17 Question: Tout à fait.
18 Réponse: Je ne parlerai bien sûr que de ceux qui, dans mon souvenir, me
19 sont les plus proches. L'un des objectifs du parti consistait à promouvoir
20 le développement de la démocratie en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire dans
21 l'ancienne République de l'ex-Yougoslavie. Et une partie de cet objectif
22 consistait à s'assurer démocratiquement qu'un développement normal d'une
23 société démocratique pourrait avoir lieu avec un accent particulier sur la
24 population bosnienne qui, jusqu'à ce jour, n'avait pas eu toutes les
25 possibilités d'aller dans ce sens. C'était donc l'un des objectifs.
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1 Un deuxième objectif figurant dans cette déclaration de programme
2 consistait à faire en sorte que notre patrie, la Bosnie-Herzégovine,
3 patrie d'autres peuples également, puisse être un endroit où tous les
4 citoyens étaient égaux, donc bénéficiant de droits égaux, personne n'étant
5 supérieur à quiconque ni inférieur à quiconque.
6 Je parle bien sûr de façon générale; je ne peux pas être plus précis.
7 Enfin, pour l'essentiel, telles étaient les positions.
8 M. de Roux: Votre parti avait-il une coloration disons religieuse?
9 Réponse: Non, mais l'une des positions du parti consistait à dire que nous
10 allions respecter les convictions religieuses des gens, et ce, pour une
11 raison très particulière, à savoir que nous venions de sortir d'un système
12 communiste où l'inverse se produisait, à savoir que des pressions étaient
13 exercées sur la liberté d'exercer, de pratiquer sa foi. Mais nous n'avions
14 aucune symbolique religieuse. Même la dénomination de notre parti, comme
15 vous le constaterez, est très loin de pouvoir laisser à penser une telle
16 chose.
17 Question: Quelle était l'influence de la pensée du Président Izetbegovic
18 sur le parti?
19 Réponse: Je pense que M. Izetbegovic, en tant qu'adhérent du parti au
20 moment où le parti s'est créé -c'est de cela que je parle-, était une
21 personnalité relativement mal connue. Il est possible qu'il ait été connu
22 au sein de la population en tant que personne qui avait été mise au banc
23 du système à l'époque, donc une victime du système de l'époque en raison
24 de ses convictions religieuses, mais c'est seulement plus tard, après
25 avoir lu ses écrits qu'il est devenu possible de dire que M. Izetbegovic a
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1 acquis une stature plus imposante, que son image a grandi.
2 Personnellement, je ne peux pas dire que M. Izetbegovic ait eu une
3 quelconque influence personnelle sur la création du parti à Banja Luka et
4 encore moins sur son activité. S'il avait eu une influence dans ces deux
5 domaines, cette influence aurait peut-être été une influence exercée sur
6 des adhérents individuels du parti, comme M. Filipovic Muhamed ou M.
7 Zulfikarpasic, par exemple. Et cette influence éventuelle se serait peut-
8 être exercée sur le plan d'une certaine division à l'intérieur du parti
9 SDA avec l'apparition de l'organisation MBO car, finalement, c'est le Dr
10 Hamza Mujagic qui a été le premier président élu du parti SDA à Banja
11 Luka. Par la suite, il a été élu au poste de dirigeant du MBO.
12 M. de Roux: Vous, personnellement, avez-vous lu son livre "La déclaration
13 de l'Islam", je veux dire le livre d'Izetbegovic?
14 Réponse: Malheureusement, je n'ai pas lu ce texte jusqu'à une date assez
15 tardive, peut-être 1994. Je n'en suis même pas sûr. Mais en 1992, durant
16 le printemps, alors que j'étais en visite à Sarajevo, j'ai lu ce que j'ai
17 pu lire en deux jours, j'ai donc lu certains extraits de son ouvrage
18 intitulé "L'Islam: un pont entre l'Est et l'Ouest".
19 M. de Roux: Merci. Vous avez été longtemps un militant de la Ligue
20 communiste. Vous avez eu un rôle au sein de ce parti, donc a priori, on
21 aurait pu penser que vous étiez pour la Fédération yougoslave, que vous
22 avez été élevé dans l'idée de la Fédération yougoslave.
23 Qu'est-ce qui vous a fait adhérer au mouvement d'indépendance?
24 Réponse: Vos premières constatations vont à l'encontre de ce que j'ai déjà
25 dit au sujet de mon activité politique antérieure, hormis que je suis
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1 devenu membre de la Ligue des communistes assez tardivement et que j'y
2 suis resté un temps relativement bref. J'ai dit également déjà que la
3 raison principale du fait que j'ai quitté le parti a résidé dans le fait
4 qu'au sein de ce parti, a commencé à se développer, à s'exprimer de plus
5 en plus une conception reposant sur une idée grand-nationale; je vous en
6 donnerai un exemple.
7 Lorsque je suis entré au parti communiste, un principe existait qui était
8 en fait un axiome, à savoir que, pour tous les postes importants sur le
9 territoire de la Bosnie-Herzégovine, qu'il s'agisse d'entreprises,
10 d'institutions publiques, d'institutions sociales, d'institutions
11 culturelles ou même sportives, il importait de tenir compte et d'appliquer
12 le système que l'on appelait la clef de répartition nationale, qui
13 reprenait plus ou moins la composition démographique de la Bosnie-
14 Herzégovine.
15 Nous respections ce système qui, pour nous, était symbolique puisqu'il
16 nous disait que nous étions tous des citoyens égaux de l'ex-Yougoslavie.
17 Et personnellement, en pensant à ce système je soutenais l'existence de la
18 Yougoslavie en tant qu'Etat composé de plusieurs Républiques.
19 Mais au moment du déclin du parti communiste et du développement tout à
20 fait manifeste de l'idée grand-serbe, dans la phase où les instances
21 centrales du gouvernement -je veux parler des représentants au niveau de
22 la fédération du parti communiste, et donc des représentants du parti
23 communiste dans les instances de l'Etat également-, lorsque cet aspect
24 négatif s'est manifesté également à ces niveaux-là, quand il est devenu
25 manifeste qu'au niveau de la présidence, celle-ci devait être transformée
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1 en un nid grand-serbe, quand il est devenu clair qu'au niveau de toute la
2 Yougoslavie, l'égalité de tous les peuples et de toutes les Républiques
3 allait disparaître, quand il est devenu manifeste que, par des
4 provocations, par des réunions de masse, on ne faisait que propager les
5 mots d'ordre "grand-serbe" et qu'en fait, on était en train de transformer
6 le pays en une prison pour le peuple, et même si je savais que les
7 Bosniens -y compris dans l'ex-Yougoslavie- n'avaient pas été totalement
8 égaux, pas plus d'ailleurs que la Bosnie-Herzégovine en tant que
9 République, c'est donc seulement à ce moment-là que, dans les positions
10 prises par moi, je me suis prononcé intimement pour l'indépendance de la
11 Bosnie-Herzégovine.
12 Mais personnellement, je ne pouvais participer à aucune instance
13 officielle, pour parler de cela, puisque je n'avais pas été élu.
14 Question: Vous pensez que la tentative de transformer la Yougoslavie en
15 prison est postérieure à la mort du maréchal Tito?
16 M. Krzic (interprétation): Non. Ce que j'ai dit avant, c'est que cela est
17 intervenu plus tôt encore, même dix ans avant la mort de Tito. Il
18 s'agissait de manifestation évidente. Tito avait perdu de forme physique,
19 c'était visible publiquement, et manifestement il perdait le contrôle
20 stratégique sur les décisions au sein de la Yougoslavie. Il n'a pas
21 préparé le pays à l'évolution démocratique.
22 M. de Roux: Quittons le terrain de l'histoire, mais enfin je pense qu'il
23 me semblait devoir éclairer… Quittons ce terrain-là.
24 M. le Président (interprétation): Maître de Roux, si vous n'y voyez pas
25 d'inconvénient, je propose que nous nous en tenions là pour que nous
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1 consacrions les dix dernières minutes à des questions d'organisation. Vous
2 pourrez poursuivre votre contre-interrogatoire demain.
3 Dans l'intervalle, le témoin devra se retirer et revenir demain matin à 9
4 heures.
5 Le témoin peut quitter le prétoire.
6 Merci, Monsieur Krzic.
7 (Le témoin, Muharem Krzic, est reconduit hors du prétoire.)
8 Maître Cayley?
9 (Questions relatives à la procédure.)
10 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
11 J'aurais aimé très brièvement évoquer trois questions avec la Chambre.
12 Tout d'abord, la question des témoins pour la semaine prochaine. Le
13 calendrier qui m'a été transmis par mes collègues de la défense m'indique
14 à penser que Me Ackerman consacrera l'ensemble d'une audience à un contre-
15 interrogatoire; peut-être qu'il en va de même pour Me de Roux.
16 Je conçois bien qu'il est difficile de prévoir combien de temps cela nous
17 prendra, mais il nous restera une audience, ou peut-être moins, en
18 fonction du temps que prendra le contre-interrogatoire.
19 M. le Président (interprétation): Oui.
20 M. Cayley (interprétation): Conformément à ce que vous avez dit hier, nous
21 risquons d'être amenés à citer à nouveau M. Inayat pour parler des
22 documents, de la collection des documents de Banja Luka.
23 Alors j'aurais aimé vous demander si vous souhaitez que nous citions un
24 autre témoin, un autre témoin de Bosnie qui commencerait à déposer jeudi,
25 qui ensuite repartirait en Bosnie pour revenir éventuellement dimanche; ou
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1 qui resterait ici pendant trois jours et qui reprendrait son témoignage le
2 lundi suivant. Ce serait possible, mais j'aurais aimé vous exposer le
3 problème et les difficultés pour avoir votre point de vue.
4 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez bien fait d'attirer
5 l'attention des Juges sur cette question. Je vais consulter bien entendu
6 mes deux collègues, mais personnellement, je ne vois pas quel serait
7 l'intérêt de citer ce témoin dès jeudi, en ne sachant même pas si ce
8 témoin pourra commencer à déposer ce jour-là, pour qu'ensuite, il reparte
9 à l'endroit d'où il vient et qu'il revienne pour reprendre sa déposition
10 lundi. Je pense que cela n'a pas énormément de sens.
11 (Les Juges se consultent sur le siège.)
12 Après avoir consulté mes collègues, je peux vous dire qu'elles sont
13 d'accord avec ce que je viens de suggérer. J'imagine que vous pourriez
14 faire en sorte que M. Inayat soit prêt, en partant de l'hypothèse qu'il
15 aura le temps de déposer. Mais d'autres événements pourront peut-être
16 faire que nous n'en aurons pas fini avec le contre-interrogatoire.
17 Si j'ai bien compris, Me de Roux aura besoin d'une audience entière; Me
18 Ackerman aura besoin, lui, de plus d'une matinée. Ce qui veut dire que
19 nous allons siéger demain matin. Nous aurons donc besoin d'une audience
20 demain matin, puis d'une audience mercredi prochain, une partie de la
21 matinée du jeudi, si tout se déroule comme prévu et sans heurt.
22 Si le témoin répond trop longuement aux questions ou si le témoin se voit
23 poser des questions qui, de par leur formulation, provoquent d'autres
24 questions, alors je me dis que nous risquons peut-être d'en avoir jusqu'à
25 la fin de l'audience de jeudi. Je crois que cela n'aurait pas énormément
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1 de sens de prévoir un nouveau témoin.
2 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Nous allons
3 procéder de cette façon.
4 Autre point que j'aimerais aborder: la question des documents, une fois de
5 plus.
6 La collection des documents de Banja Luka se compose de plus de 400
7 documents, comme vous l'avez déjà vu sur la base des exemplaires dont vous
8 disposez.
9 Comme je l'ai dit au début de la semaine à la Chambre, je souhaitais
10 obtenir des indications de la défense sur les documents faisant l'objet
11 d'une objection. J'ai obtenu ces indications: il y a essentiellement 71
12 documents qui font l'objet d'une objection, il y a également d'autres
13 documents, mais c'est la catégorie principale.
14 Donc 71 documents auxquels il est fait objection quant à la recevabilité
15 même de ces documents, en se fondant sur l'absence de signature, de sceau,
16 de tampon ou le fait que ces documents ne viennent pas d'une source
17 fiable, ce qui, bien sûr, exigerait que le témoin dépose et dise d'où
18 viennent ces documents, d'où nous les avons obtenus.
19 Monsieur le Président, je continue à percevoir un manque de cohérence de
20 la part de la défense mais peut-être également de ma part aussi quant à
21 cette question de la distinction entre la recevabilité et la valeur
22 probante.
23 Je sais que vous avez dit qu'à un moment donné, vous rendrez une décision
24 écrite sur cette question-là, sur les pièces documentaires. J'aurais aimé,
25 avec énormément de respect, vous dire que cela nous serait effectivement
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1 très utile. Nous vous serions reconnaissants de rendre une telle décision
2 pour que nous puissions en disposer et qu'elle puisse nous éclairer pour
3 des cas semblables qui se présenteront pendant le procès.
4 Des objections en rapport avec l'authenticité ont été soulevées. Or, en
5 fonction de la décision que vous nous avez rendue, cela est lié au poids
6 et à la valeur probante des documents et non pas à la recevabilité des
7 documents.
8 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez raison, Monsieur Cayley.
9 Ce que j'ai fait à ce stade, c'est que j'ai transmis à l'un de mes
10 assistants juridiques les points que j'ai évoqués au moment de la décision
11 rendue par oral la semaine dernière, en chargeant mes collaborateurs de
12 rédiger une décision écrite que nous pourrons examiner pour vérifier
13 qu'elle est bien conforme à la décision qui a été rendue par oral la
14 semaine dernière.
15 Comme vous l'avez dit à juste titre, ces idées ont été évoquées; elles
16 figureront effectivement dans la décision écrite. Les Juges accordent
17 énormément d'importance à cette question. C'est la raison pour laquelle,
18 plutôt que de nous en tenir à une décision orale, nous allons reprendre
19 ces points dans une décision écrite qui sera rendue et qui, j'espère, vous
20 fournira des orientations.
21 Mais j'aimerais rappeler une fois de plus la chose suivante: il ne faut
22 pas confondre la phase initiale qui concerne la recevabilité de documents
23 en tant qu'éléments de preuve, ne pas confondre cela donc et, d'autre
24 part, la question de l'examen de la valeur probante ou de la pertinence.
25 Il ne fait aucun doute que, dans une phase initiale, vous, en tant que
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1 Procureur, ou Me Ackerman ou Me de Roux, conseils de la défense, si donc
2 l'un de vous trois produit un document qui fait l'objet d'une objection,
3 d'une contestation, à ce stade tout à fait initial, la Chambre se penchera
4 uniquement sur la question de savoir si, à première vue, sur une base
5 prima facie, il existe suffisamment d'indices de fiabilité, comme on les a
6 appelés.
7 Si nous avons affaire manifestement à un faux, un document qui, à première
8 vue, ne peut être considéré comme un document fiable, qui ne comporte
9 aucun indice de fiabilité, si nous nous trouvons dans un tel cas de
10 figure, nous allons prendre ces éléments en considération et, même au tout
11 début, nous n'allons pas admettre un tel document pour qu'il soit versé au
12 dossier.
13 Et si mes souvenirs sont bons, vendredi, nous avons essayé d'expliquer
14 quel était notre point de vue sur la façon dont nous allions organiser le
15 travail à l'avenir. Et je le répète, si, pour un document, une objection
16 vous a été communiquée, alors vous devriez, le plus rapidement possible,
17 et même avant que la Chambre n'ait connaissance du document, alors vous
18 devriez fournir une liste ou un tableau qui serait rédigé avec l'aide de
19 M. Inayat indiquant la source du document.
20 Je crois qu'il est évident que, s'il n'y a pas de source, la question de
21 la recevabilité, même à ce stade initial, risque de poser problème. S'il
22 existe une source, alors la défense ou vous, aurez une idée précise de
23 cette source et, au moment où les trois Juges qui siègent dans cette
24 Chambre examinent la question, ils sauront s'ils ont besoin d'éléments
25 supplémentaires.
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1 Sur la base des décisions que nous avons déjà prises, à la fois Me
2 Ackerman et Me de Roux ne vont pas formuler leurs objections; leurs
3 objections resteront consignées au compte rendu d'audience. Mais s'il
4 ressort que la source est indiquée, le document serait admis, à moins
5 qu'ils n'aient des raisons sérieuses de remettre en doute la fiabilité de
6 la source.
7 Je croyais m'être exprimé assez clairement; apparemment, je n'ai pas été
8 aussi clair que je pensais l'avoir été, mais voilà la façon dont nous
9 allons procéder.
10 J'ai également dit de façon très claire que, même à un stade aussi
11 préliminaire, je donnerais la possibilité à la partie qui présente une
12 objection de contre-interroger M. Inayat, ou quelqu'un d'autre, en se
13 limitant à la question de la fiabilité de la source, mais sans entrer dans
14 des questions de contenu, de pertinence ou de valeur probante des
15 documents, car ces éléments-là n'interviendraient qu'à un stade ultérieur,
16 mais à un stade tout à fait préliminaire, en termes de recevabilité des
17 documents. Voilà ce qu'il faut prendre en compte, à condition que la
18 partie en question se voie fournir une indication de la source qui
19 permettra à l'autre partie et aux Juges de se faire une idée à titre
20 préliminaire de la fiabilité de la source.
21 En cas de doute, là, les difficultés risquent de surgir mais, si la source
22 est une source qui est semblable à celle qui a été indiquée pour les
23 documents qui se trouvaient dans les deux classeurs qui ont été utilisés
24 par le professeur Donja, au moment de sa proposition, alors j'imagine
25 qu'aucun problème de recevabilité ne se posera.
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1 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, je vous ai parfaitement
2 compris.
3 M. le Président (interprétation): Vous recevrez une déclaration écrite.
4 M. Cayley (interprétation): J'ai bien compris mais, peut-être, pourrais-je
5 essayer de préciser les choses du point de vue de la défense?
6 La défense a reçu une liste identifiant les sources des documents, de la
7 collection de documents de Banja Luka. Si l'objection de la défense se
8 fonde essentiellement sur l'absence de signature, de tampon ou de non-
9 fiabilité de la source, alors nous demanderons à M. Inayat de parcourir
10 les 72 documents qui font l'objet d'une contestation. Nous expliquerons
11 aux Juges d'où viennent ces documents et, ensuite, il pourra être contre-
12 interrogé là-dessus.
13 M. le Président (interprétation): Mais pas forcément. Peut-être qu'à ce
14 moment-là, les Juges demanderont à M. Inayat de confirmer si la source,
15 qui est indiquée pour chacun de ces deux documents, est bien celle-là. On
16 ne s'attendra pas à ce que vous, vous-même, vous posiez des questions à M.
17 Inayat et il incombera à la défense, si elle conteste la fiabilité des
18 sources, à première vue, de contre-interroger M. Inayat sur ces 72
19 documents ou sur une partie ou sur aucun de ces documents.
20 Voici notre point de vue. Je croyais m'être exprimé clairement hier. Je
21 vous prie de m'excuser si cela n'a pas été le cas.
22 Oui, Maître Ackerman, vous allez certainement me dire que je me suis
23 exprimé clairement.
24 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je crois que vous
25 avez dit clairement ce que vous pensiez, au moins à quatre reprises
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1 jusqu'ici, et j'ai toujours parfaitement compris quelle était votre
2 position sur ces documents et la position des Juges.
3 Mes collègues n'aiment pas vos décisions, alors ils espèrent à chaque
4 fois, en revenant sur les questions…
5 M. Cayley (interprétation): Je m'oppose à ce qui vient d'être dit par Me
6 Ackerman, disant "qu'ils n'aiment pas vos décisions". J'ai ici une
7 télécopie de sa part qui dit qu'il fait objection à ces documents parce
8 qu'ils ne viennent pas d'une source fiable; et c'est à cela que j'ai
9 réagi: ce n'est pas à la décision des Juges qui me plairait ou qui ne me
10 plairait pas.
11 M. le Président (interprétation): Je peux vous assurer que les Juges ne
12 s'inquiéteraient pas outre mesure s'il devait apparaître que vous n'aimiez
13 pas ces décisions; je ne sais pas si cela ferait vraiment une différence.
14 Mais vous avez entièrement raison d'émettre une objection quant à ce qui a
15 été dit par Me Ackerman.
16 Maître Ackerman, oui, vous avez la parole. Mais nous sommes en train de
17 déborder. Et je pense ici aux interprètes.
18 Maître de Roux?
19 M. de Roux: (hors micro.)
20 M. le Président (interprétation): D'autres remarques?
21 M. Cayley (interprétation): Non, Monsieur le Président.
22 M. le Président (interprétation): Bien. Nous suspendons l'audience.
23 Nous reprendrons demain, ici, dans la même salle, à 9 heures précises.
24 (L'audience est levée à 13 heures 55.)
25