Page 1566
1 (Mercredi 6 février 2002.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)
4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, je vous prie.
6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
7 Il s'agit de l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdanin et
8 Momir Talic.
9 M. le Président (interprétation): Nous allons démarrer notre routine
10 habituelle.
11 Monsieur Brdanin, bonjour. Est-ce que vous vous pouvez m'entendre dans une
12 langue que vous comprenez?
13 M. Brdanin (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Bonjour, je vous
14 entends et je vous comprends.
15 M. le Président (interprétation): Général Talic, la même question vous est
16 posée à vous aussi. Est-ce que vous pouvez nous entendre dans une langue
17 que vous comprenez?
18 M. Talic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je vous
19 comprends et je vous entends parfaitement bien.
20 M. le Président (interprétation): Je vous dis bonjour à tous les deux.
21 Monsieur le Procureur, veuillez présenter le banc.
22 Mme Korner (interprétation): Je m'appelle Joanna Korner et je représente
23 le Bureau du Procureur. Je tiens à préciser que M. Cayley se relaiera avec
24 moi pour ce qui est des sessions.
25 M. le Président (interprétation): Je comprends. Pour M. Brdanin?
Page 1567
1 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je m'appelle John
2 Ackerman et je défends mon client avec Milka Maglov et Tania
3 Radosavljevic?
4 M. le Président (interprétation): Et pour le général Talic?
5 M. de Roux: Monsieur le Président, Xavier de Roux. Je défends le général
6 Talic; je suis assisté de Natasha Fauveau et de Fabien Masson?
7 M. le Président (interprétation): Etant donné que nous en avons terminé
8 avec cette phase importante de la procédure, je pense que nous pourrions
9 enchaîner ou plutôt continuer le contre-interrogatoire du témoin, M.
10 Krzic, qui était conduit par M. de Roux.
11 Je vois Me Ackerman sur ses pieds. Maître Ackerman?
12 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Ce matin, j'ai
13 fourni à la Chambre de première instance le reste des comptes rendus
14 d'audience.
15 M. le Président (interprétation): Oui, je l'ai vu. Cela ne me dit pas
16 grand-chose.
17 Soyons pratiques, Maître Ackerman. Maître de Roux avait dit qu'il avait
18 souhaité une journée entière.
19 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, je ne vais pas parler de cette
20 journée. Je me propose de changer mes réservations et mes plannings
21 concernant Sarajevo, comme je vous l'ai dit hier.
22 M. le Président (interprétation): Bien. Je vous remercie et j'apprécie Me
23 Ackerman.
24 M. Ackerman (interprétation): Ce que je voudrais faire, avant d'oublier de
25 le dire, je voulais demander à la Chambre de première instance que Mme
Page 1568
1 Maglov ne soit pas présente la semaine prochaine. Elle reviendra la
2 semaine d'après, étant donné qu'elle a des obligations, compte tenu du
3 travail à effectuer à Banja Luka.
4 M. le Président (interprétation): La permission est donnée.
5 M. Ackerman (interprétation): Merci.
6 M. le Président (interprétation): Veuillez faire entrer M. le témoin, M.
7 Krzic.
8 Madame Korner, j'imagine que M. Cayley et M. Koumjian vous ont informée de
9 ce qui se passait, de ce qui s'est passé au cours des deux dernières
10 journées. Nous avons vu toute une série de documents qui ont été montrés
11 au témoin. Je suppose qu'à la fin du témoignage de ce témoin, ces
12 documents seront proposés pour versement au dossier. Je tiens à vous
13 rappeler que cela doit être fait. C'est un premièrement. S'il y avait
14 quelques autres documents concernant son témoignage, si vous ne les avez
15 pas encore montrés, je voudrais que vous ne perdiez pas cela de vue.
16 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
17 pour autant que je le sache, toutes les pièces à conviction que nous avons
18 l'intention de verser, par le biais de ce témoin, ont déjà été produites.
19 M. le Président (interprétation): Ces documents ont des cotes provisoires
20 et ces cotes leur ont été accordées au fur et à mesure de leur
21 présentation.
22 Je pense que ce seront les cotes qui seront maintenues pour le versement?
23 Mme Korner (interprétation): Oui.
24 M. le Président (interprétation): C'était l'idée que nous avions
25 mentionnée la semaine passée.
Page 1569
1 Mme Korner (interprétation): Oui. Nous allons confirmer ces numéros à la
2 fin de la présentation des éléments de preuve.
3 M. le Président (interprétation): Je vous prie de le faire. C'est très
4 important, car ce que je tiens à préciser, c'est que j'ai noté toutes ces
5 références dans un cahier pour ce qui est du témoignage de ce témoin, y
6 compris le contre-interrogatoire et y compris les documents qu'il a
7 mentionnés et qui ont été cités en référence. Je voudrais que nous
8 restions à ces cotes-là pour qu'on puisse se débrouiller par la suite.
9 Mme Korner (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Président.
10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
11 Mme Korner (interprétation): Merci.
12 M. le Président (interprétation): Faites entrer le témoin.
13 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)
14 Bonjour Monsieur Krzic. Vous recevrez de l'huissier le même document qui
15 comporte le texte de la déclaration solennelle. Je vous prie de nous
16 redonner lecture de celle-ci.
17 M.Krzic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir.
20 Maître de Roux, le conseil du général Talic, va poursuivre son contre-
21 interrogatoire et posera les questions au témoin. Merci.
22 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me de Roux.)
23 M. de Roux: Monsieur Krzic, lorsque je relisais hier votre livre et vos
24 dépositions, j'ai été surpris de voir que vous appeliez toujours les
25 Serbes les "Chetniks".
Page 1570
1 Est-ce que ce n'est pas péjoratif? Pourquoi employez-vous toujours ce
2 terme?
3 M. Krzic (interprétation): Je regrette que vous ayez eu cette impression-
4 là. Je tiens à dire le contraire.
5 Je n'ai pas, en permanence et exclusivement, appelé certains membres de la
6 nation serbe par le terme de Chetniks. Cette appellation ou ce terme, chez
7 nous, est connu depuis plus d'un siècle à peu près et c'est un terme qui
8 se rattache à des gens qui se servaient d'armes. Et pour ce qui est du
9 peuple bosnien, nous avons toujours eu de terribles expériences pour ce
10 qui est des gens à qui l'on accordait ce patronyme. Cela nous rappelle le
11 génocide qui avait été perpétré à l'encontre des Musulmans. Ceci n'était
12 pas la première fois.
13 Quand je dis "Chetniks", j'entends en premier lieu, personnellement, des
14 gens qui détestent d'autres nations et qui, dans leur haine, sont prêts à
15 se servir des moyens les plus cruels qui soient. Mais l'appellation ou le
16 terme historique est tout à fait clair et je ne vois pas de raison de
17 l'expliquer ici, pour ma part.
18 Question: Merci.
19 Revenons en 1990, lors de l'échec du congrès de la ligue du parti
20 communiste. Des élections ont lieu en Bosnie-Herzégovine; les trois partis
21 nationalistes en présence n'ont aucun la majorité et un accord est signé
22 entre ces trois partis: le SDA –votre parti-, le SDS et le HDZ.
23 Quel était l'objet de cet accord? Et les règles du jeu?
24 Réponse: Je n'ai pas eu entre mes mains cet accord-là. Je ne l'ai pas lu
25 dans son entièreté pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine et je n'ai pas
Page 1571
1 vu la partie écrite qui concernait rien que la municipalité de Banja Luka.
2 Mais l'accord entre ces deux, trois "partis nationalistes", entre
3 guillemets, avait été rédigé selon ma profonde conviction, tout d'abord
4 parce que, au cours des élections mêmes, il était resté une appréhension
5 très importante aux termes de laquelle les partis de gauche –le parti
6 communiste, notamment- allaient obtenir la majorité, ce qui ferait de la
7 Bosnie-Herzégovine une République sous l'influence du parti communiste. Et
8 pour autant que je le sache, chacun de ces partis avait vu dans ce péril-
9 là des périls particuliers concernant sa propre nation.
10 Et s'agissant de nous, Bosniens, nous avions craint que la perpétuation du
11 règne des partis communistes ne ferait que perpétuer tous les aspects
12 négatifs qui avaient prévalu pendant le régime communiste; il serait trop
13 long et cela nous prendrait trop de temps que de les énumérer.
14 Aussi, étions-nous disposés à coopérer avec les partis qui, du moins, se
15 déclaraient comme étant démocratiques, mais qui n'étaient pas disposés à
16 apporter leur appui au parti communiste.
17 Aux termes de cet accord-là, ce que je puis savoir, c'est qu'il avait été
18 convenu des modalités du partage du pouvoir qui devait s'ensuivre. Et ce
19 partage du pouvoir devait être proportionnel aux résultats électoraux de
20 chaque parti, alors que les votes accordés aux partis de gauche, au parti
21 communiste, devaient également être répartis de façon proportionnelle.
22 A titre d'exemple, si 100 votes étaient accordés à un parti de gauche,
23 dans le cas de Banja Luka, sur ces 100 votes, 48 -plus le reste qui devait
24 être partagé- constitueraient des votes pour le SDS. Pour le SDA, cela
25 signifierait 13 plus le reste des votes. Et ainsi de suite, et ainsi de
Page 1572
1 suite.
2 Cela avait donc été un accord qui, pour autant que je le sache, n'avait
3 pas comporté d'accord substantiel s'agissant de l'avenir stratégique de la
4 Yougoslavie et, par voie de conséquence, de la Bosnie-Herzégovine.
5 Question: Mais il n'y avait donc pas, selon votre opinion, il n'y avait
6 pas d'accord de gouvernement? Je vous le demande: oui ou non, y avait-il
7 un accord de gouvernement entre les trois parties?
8 Réponse: Je regrette, mais vous n'avez, semble-t-il, pas bien entendu ma
9 réponse.
10 Quand j'ai parlé du partage du pouvoir, ce qui avait été convenu, c'était
11 justement le niveau gouvernemental, à savoir le fait de gouverner.
12 Question: (hors micro.) … j'ai parfaitement compris votre réponse.
13 Je vous demande simplement si, en 1990, à l'origine, il y avait un accord
14 de gouvernement ou pas. C'est tout.
15 Réponse: Oui, pour ce qui est des pourcentages.
16 Question: Merci. Vous dites à plusieurs reprises que, à cette époque, la
17 tension en Bosnie a été augmentée par l'arrivée des émigrés serbes de
18 Croatie, qui arrivaient en grand nombre.
19 Comment expliquez-vous cet afflux de réfugiés serbes?
20 Réponse: Au début, on parlait de quelques centaines, puis par la suite de
21 quelques milliers. Je n'ai jamais disposé de chiffres exacts pour ce qui
22 est de Banja Luka. On avait même dit que 5000 d'entre eux avaient été
23 installés à Banja Luka dans la salle, la grande salle des sports. Il m'est
24 donc très difficile de répondre avec précision à la question que vous avez
25 posée.
Page 1573
1 Question: Savez-vous combien, à peu près, il y avait de Serbes en Croatie,
2 en 1990, et combien il y en a aujourd'hui?
3 Réponse: Je vais parler en pourcentage: pour autant que je le sache, les
4 Serbes étaient entre 12 et 18% en Croatie et, de nos jours, il est certain
5 qu'ils sont moins nombreux. Mais je ne puis parler que des impressions que
6 j'ai, je n'ai pas traité de cette question de façon exacte.
7 Question: Bien sûr. Vous expliquez que le refus d'obéir à l'ordre de
8 mobilisation a créé en Bosnie des citoyens de deuxième classe, c'est-à-
9 dire ceux qui refusaient l'ordre de mobilisation. La Bosnie faisait alors
10 partie de la Yougoslavie, Etat fédéral. Vous semblait-il choquant de
11 défendre le fédéralisme contre les idées nationalistes?
12 Réponse: Tout d'abord, la question qui se pose est de savoir quels avaient
13 été les objectifs de cette mobilisation. La première des questions à poser
14 était en fait de savoir qui avait les attributions en vertu de la
15 Constitution de la République de déclarer une mobilisation.
16 La deuxième question est de savoir quels avaient été les objectifs de
17 cette mobilisation. Ce n'était pas la première fois en effet que, sur le
18 territoire des Balkans et de l'ex-Yougoslavie, la mobilisation avait été
19 proclamée à des fins de conquête uniquement, ou à des fins qui
20 signifiaient l'anéantissement d'une autre nation.
21 Et là, tout homme devait avoir une position à lui. En cas de mobilisation
22 sur le territoire de la municipalité de Banja Luka et au-delà de celle-ci,
23 la mobilisation ne pouvait être proclamée que par le gouvernement, voire
24 la présidence de la Bosnie-Herzégovine.
25 Par voie de conséquence, la municipalité au niveau de la municipalité de
Page 1574
1 Banja Luka avait été considérée par nos soins comme étant illicite. En
2 plus, elle comportait des éléments -du moins c'est ce qui a été dit dans
3 le public-, à savoir qu'il s'agissait d'une mobilisation contre les
4 Oustachis; et on avait avancé comme raison la sauvegarde de la
5 Yougoslavie. Donc de façon explicite, on avait dit, lors de la
6 mobilisation, qu'il s'agissait d'aller se battre contre les Croates.
7 N'oublions pas que la Croatie avait été un Etat indépendant. Si elle ne
8 l'avait pas été, il aurait été impensable d'envisager d'envoyer des masses
9 populaires se battre contre d'autres masses populaires, alors que les
10 premières n'avaient demandé que l'application et la réalisation de
11 certains de leurs droits démocratiques.
12 Question: L'armée fédérale yougoslave était en difficulté en Croatie: les
13 casernes encerclées?
14 Réponse: Je pense que vos questions s'avancent dans un domaine où je serai
15 peut-être en mesure de vous donner mon opinion, mais qui va au-delà des
16 compétences que j'avais à l'époque, à Banja Luka. Je ne suis pas historien
17 non plus.
18 Question: Très bien. Je ne vous demande pas d'outrepasser vos compétences.
19 Pourtant, vous aviez, pendant toute la période de l'Acte d'accusation,
20 vous aviez des fonctions politiques éminentes à Banja Luka, puisque vous
21 étiez le président du SDA.
22 De qui receviez-vous vos instructions?
23 Réponse: Pour dire vrai, la mise en place des partis politiques, et
24 s'agissant du SDA notamment, s'était faite de façon spontanée plutôt
25 qu'organisée. Il s'agissait en fait d'une sorte de mouvement populaire, et
Page 1575
1 le parti, quoique ayant été légitime et quoique étant proclamé comme parti
2 politique, était en fait un mouvement populaire. Cela sous-entend toutes
3 les carences d'une bonne organisation, ou le défaut d'une bonne
4 organisation.
5 S'agissant d'instructions, notamment d'instructions relatives à la
6 politique au sens large, à la politique des relations entre partis de
7 l'ex-Yougoslavie, et sans parler des relations internationales, avaient
8 fait complètement défaut. Nous avions des réunions des comités populaires,
9 nous débattions de certains sujets, nous adoptions certaines conclusions,
10 mais il était très rare pour nous d'avoir l'occasion de discuter des
11 conclusions à des niveaux inférieurs, sauf s'il s'agissait de la politique
12 entre les Républiques.
13 Bien entendu, au niveau local, il y avait des suggestions en ce sens.
14 Et je tiens à dire, que là aussi, je ne suis peut-être pas la bonne
15 personne susceptible de répondre, parce qu'en 1990, et même pendant la
16 première moitié de 1991, je n'avais pas la fonction de président, j'étais
17 secrétaire du parti. Monsieur Islamovic était président à l'époque. Ce
18 sont des questions qu'il faudrait plutôt lui poser à lui, s'agissant de
19 cette période.
20 M. de Roux: Très bien. Je reviens de plus près à votre livre où vous
21 décrivez longuement la résistance du SDA. Le problème de l'armement des
22 forces musulmanes tient une grande place dans votre livre et dans vos
23 témoignages; vous faites d'ailleurs état de combats victorieux, comme à
24 Vecici.
25 Quelle était l'organisation des forces musulmanes?
Page 1576
1 M. Krzic (interprétation): Vous êtes en train de parler des effectifs
2 militaires bosniens? Je n'ai pas très bien compris la question.
3 ...de la région de Banja Luka.
4 M. le Président (interprétation): Attendez, Monsieur Krzic, je n'ai plus
5 de traduction en langue anglaise. Je n'ai pas entendu l'interprétation de
6 votre dernière phrase ou déclaration. Depuis le début de votre réponse. Je
7 puis voir le compte rendu, mais je n'ai pas...
8 Ah oui, maintenant, j'entends l'interprétation.
9 Monsieur Krzic, pourriez-vous, je vous prie, répéter ce que vous aviez dit
10 tout à l'heure. Je peux, éventuellement vous donner lecture partant du
11 compte rendu. En fait, je n'ai pas cette partie sur le compte rendu. Non,
12 je n'ai pas cette partie sur le compte rendu.
13 M. de Roux: Je peux reposer ma question.
14 M. le Président (interprétation): Je vous prie de le faire, Monsieur.
15 M. de Roux: Quelle était l'organisation dans la région de Banja Luka,
16 quelle était l'organisation des forces armées bosniaques?
17 M. Krzic (interprétation): Nous n'avions pas de forces armées.
18 Pour nous, il y avait une force armée en place, et je suis en train de
19 vous parler de la période à partir de laquelle j'ai été président. A Banja
20 Luka, nous n'avions aucune sorte de forces armées. Quand vous dites
21 forces, j'imagine que vous entendez là des unités organisées et, de ces
22 unités-là, il n'y en avait pas.
23 Il y avait probablement des groupes dont j'ai entendu parler: il y avait
24 deux ou trois, voire douze ou quinze jeunes gens qui, de leur propre gré,
25 face aux situations dangereuses auxquelles ils faisaient face, avaient
Page 1577
1 essayé de s'organiser en pensant qu'ils pourraient se protéger.
2 Mais il était absurde d'envisager des unités armées, des effectifs armés à
3 Banja Luka, qui avait été la plus grande des bases armées de l'époque avec
4 l'aviation de guerre, avec plus de 20.000 soldats armés, avec une
5 population serbe qui, en plus, était armée, elle aussi. Cela aurait été
6 absurde. Je sais que des gens ont essayé de se procurer, à titre
7 individuel, des armes parce que, se trouvant dans un tel environnement,
8 dans un tel entourage, dans une sorte de camp de concentration, vous ne
9 pouviez envisager qu'une chose, à savoir vendre votre peau très chère.
10 Mais quand vous dites forces armées, cela signifierait que ces effectifs-
11 là seraient en mesure d'attaquer à leur tour. Il n'y avait guère
12 d'effectifs de ce type-là à Banja Luka.
13 Question: Pourtant vous indiquez, dans votre livre, que la mission d'un de
14 vos adjoints, qui s'appelait M. Smailagic, était justement de compter,
15 dans le cimetière de Banja Luka, le nombre de soldats serbes que l'on
16 enterrait.
17 Vous expliquez que, pour vous, c'était une façon de connaître les pertes
18 serbes. Si bien qu'il y avait des combats?
19 Réponse: Monsieur, je crois qu'une petite confusion existe peut-
20 être chez vous. Il s'agissait des soldats tués au front. Des données de ce
21 type sont estimées utiles dans tout conflit, pour toute armée. D'ailleurs,
22 il s'agit de secrets militaires en quelque sorte, car toutes les parties
23 essaient de cacher le nombre de soldats qui sont tués au front. Il
24 s'agissait donc des soldats tués au front et nous devions absolument
25 savoir quel était le nombre de soldats tués, pour savoir comment
Page 1578
1 évoluaient les combats. Nous devions plus particulièrement savoir sur
2 quelle partie du front cela s'était passé. C'est une chose.
3 Autre chose, il était très important que le peuple serbe sache
4 que les victimes se trouvaient des deux côtés. Car, à l'époque, la junte
5 militaire et les dirigeants politiques également essayaient de cacher les
6 défaites et les victimes du côté serbe pour des raisons qui vous sont, je
7 crois, connues.
8 Question: Il s'agissait donc de soldats serbes, dites-vous, tués sur le
9 front.
10 A quelle distance était le front de Banja Luka?
11 Réponse: Cela dépend dans quelle direction vous vous tournez. Si vous vous
12 tournez du côté de Jajce, c'est environ 70 kilomètres de distance par la
13 route, non pas à vol d'oiseau; et peut-être qu'à vol d'oiseau, cela serait
14 35 kilomètres. Pour Kotor Varos, c'est à une trentaine de kilomètres. Du
15 côté de Bihac, c'est peut-être même 120, 150 kilomètres; c'est très loin.
16 J'espère que vous êtes satisfait de cette réponse.
17 Question: Tout à fait. Mais lorsque vous faites -c'est pour essayer de
18 bien comprendre les choses-, lorsque vous faites référence aux combats de
19 Vecici, vous indiquez que de nombreux blindés serbes étaient détruits. Là,
20 à Vecici, nous n'étions pas sur le front?
21 M. Krzic (interprétation): Pour nous, Vecici était un lieu où une
22 résistance s'était manifestée de façon spontanée, parce que ce territoire
23 avait déjà connu des expériences malheureuses pendant la Deuxième Guerre
24 mondiale -et là, je vais tout de même utiliser le terme de Chetniks-, des
25 expériences malheureuses avec les Chetniks. C'est une zone qui savait ce
Page 1579
1 que voulait dire le fait de ne pas avoir d'armes, le fait d'être
2 abandonné. Cette résistance était la résistance du peuple, la résistance
3 populaire.
4 Je ne peux pas vous donner énormément de détails, car cette question ne
5 m'intéressait pas particulièrement, sauf à un moment donné: un certain
6 nombre de blindés ont été détruits. Mais vous devez savoir que lorsque je
7 dis "blindés", il s'agit de chars, mais j'ai également parlé du fait que
8 l'aviation de l'aérodrome de Banja Luka leur a lancé des bombes, y compris
9 des bombes à fragmentation qui sont interdites, comme nous le savons.
10 Mais lorsque j'ai eu des éléments sur les assassinats massifs et les viols
11 massifs, avant que les premiers coups de feu n'éclatent à Kotor Varos, je
12 ne pouvais pas ne pas être de leur côté.
13 Il s'agit d'exemples qui illustrent des efforts de résistance locale, de
14 personnes qui essaient de défendre leur foyer. Les Croates, les Bosniens
15 essayaient de se battre et nous savons qui était de l'autre côté: une
16 armée très bien armée, qui était la quatrième au monde, avec des bases
17 militaires.
18 Enfin, je ne sais pas ce que vous souhaitez que j'ajoute.
19 M. de Roux: Je voudrais simplement revenir sur…
20 M. le Président (interprétation): Un instant, Maître de Roux.
21 Monsieur Krzic, je crois percevoir que la façon dont nous avançons risque
22 de nous mener dans une situation d'affrontement entre vous-même et Me de
23 Roux. Or les Juges de la Chambre ne souhaitent absolument pas arriver à
24 une telle situation. J'aurais aimé vous demander de répondre aux questions
25 qui vous sont posées sans entrer dans d'autres détails, à moins qu'il ne
Page 1580
1 s'agisse de détails absolument indispensables pour expliciter vos
2 réponses. Mais évitez d'ouvrir des chapitres qui risquent de susciter
3 d'autres questions et, ensuite, d'autres réactions de votre part qui nous
4 entraîneraient dans un échange sur la base d'un affrontement qui serait
5 superflu.
6 J'espère qu'à la fois Me de Roux et vous-même avez bien entendu mon
7 message. Je vous inviterai à poursuivre conformément à mes suggestions.
8 Merci.
9 Maître de Roux, vous pouvez poursuivre.
10 M. de Roux: Monsieur le Président, il ne s'agit pas dans mon esprit d'une
11 confrontation; il s'agit simplement d'obtenir un certain nombre
12 d'éclaircissements. Et je pense, en effet, que l'on peut être plus
13 succinct dans la façon de fournir ces éclaircissements.
14 Mais je voudrais revenir sur un point que vous avez dit. Vous avez dit:
15 "Vecici, c'était une région où les Musulmans avaient le souvenir de
16 génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale".
17 Ne pensez-vous pas que les Serbes, dans cette région, avaient aussi en
18 mémoire le génocide dont ils avaient fait l'objet lorsque la Bosnie avait
19 été annexée par la Croatie pendant la dernière guerre mondiale?
20 M. Krzic (interprétation): Je ne le nie pas.
21 Question: Merci.
22 Revenons-en maintenant à vos relations avec le général Talic. Vous faites
23 état de deux rencontres avec le général Talic. Votre délégation était
24 celle de l'association religieuse, culturelle et sociale du peuple
25 musulman. Vous demandez audience; le général Talic vous reçoit, accompagné
Page 1581
1 de membres de son état-major dont le colonel Osman Selak.
2 Quelle était la nationalité du colonel Selak?
3 Réponse: Bosnien, pour autant que je le sache.
4 Question: Vous indiquez dans votre livre que vous êtes en relation
5 constante avec le colonel Selak, qui était à l'état-major du général Talic
6 mais qui, en même temps, aurait appartenu à votre groupe de résistance, à
7 votre réseau.
8 Pensiez-vous que le général Talic conservait auprès de lui le colonel
9 Selak, par souci d'unité nationale, par tradition de l'armée fédérale, ou
10 plus simplement parce que le colonel Selak trompait sa confiance?
11 Réponse: D'abord, je me vois contraint de vous contredire, car je n'ai
12 jamais dit que je rencontrais quotidiennement le colonel Selak; bien au
13 contraire.
14 Par ailleurs, tout le monde sait bien qu'au sein de l'armée de la
15 Yougoslavie, on trouvait également des Bosniens et des Croates. Et tout le
16 monde sait bien qu'avec le temps, les rapports des officiers au sein de
17 l'armée yougoslave se sont dégradés, détériorés.
18 En d'autres termes, au cours des dix dernières années, progressivement, de
19 plus en plus, ce sont les cadres serbes qui l'ont emporté, qui étaient les
20 plus nombreux.
21 Mais pour ce qui est de M. Selak, je crois qu'il pourrait lui-même,
22 personnellement, vous décrire cette situation de la façon la plus
23 appropriée. Je ne vois pas pourquoi, moi, je me lancerais dans des
24 spéculations sur des questions comme celles que vous venez de me poser. Je
25 pourrais vous donner mon point de vue…
Page 1582
1 M. de Roux: Monsieur Krzic, je ne vous demande aucune spéculation.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai de
3 terminer votre réponse. La question était très précise et je crois que
4 vous pouvez répondre en deux phrases.
5 Mme Korner (interprétation): Désolée de vous interrompre, mais la question
6 était: "Pourquoi le colonel Selak a été conservé auprès de lui par le
7 colonel Talic?" Et j'étais sur le point de dire: je ne vois pas comment il
8 pourrait répondre.
9 M. le Président (interprétation): Non, moi non plus, je ne vois pas
10 comment il pourrait répondre. Mais je crois que manifestement, il s'agit
11 du témoin qui est bien capable de donner ces réponses. Il est diplomate et
12 il peut répondre facilement à une telle question. S'il n'est pas en mesure
13 de répondre, il pourra nous dire qu'il n'est pas en mesure de répondre.
14 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président, ce que j'essaie
15 de dire c'est qu'on lui demande en quelque sorte de deviner la pensée du
16 général Talic.
17 Question: Oui, je sais, Madame Korner. Je crois que nous pouvons laisser
18 le témoin terminer sa réponse; après quoi, vous poserez la question
19 suivante ou une autre question connexe.
20 Monsieur Krzic, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et peut-être
21 terminer votre réponse?
22 M. Krzic (interprétation): Bien entendu, je ne peux pas vous dire ce que
23 pensait le général Talic, mais je peux vous dire que moi, je pensais que
24 Selak et d'autres Bosniens qui restaient au sein de l'armée yougoslave
25 étaient les derniers qui étaient restés pour différentes raisons.
Page 1583
1 Pour ce qui est de Selak, je crois que ce sont ses compétences
2 professionnelles qui ont prévalu, car un cadre supérieur qui entrait dans
3 l'armée yougoslave n'était pas facile à remplacer.
4 M. de Roux: Monsieur le Président, moi, je pose une question extrêmement
5 spécifique: je ne demande pas au témoin ce que...
6 M. le Président (interprétation): Maître de Roux, je vous demanderai de
7 faire preuve d'un peu de patience et de permettre de ménager une pause
8 entre la fin de la réponse du témoin et votre question suivante en raison
9 de l'interprétation.
10 Est-ce que vous pourriez peut-être reposer votre question? Merci.
11 M. de Roux: Je ne vous demande pas, Monsieur Krzic, ce que pensait le
12 colonel Selak du général Talic ou ce que pensait le général Talic du
13 colonel Selak; je demande simplement, puisque je me fonde sur votre livre,
14 quelles étaient les informations que vous communiquait le colonel Selak?
15 M. Krzic (interprétation): Oui, c'est plus clair.
16 Le colonel Selak… Enfin, je vais répondre de façon directe à la question:
17 le colonel Selak, à plusieurs reprises, a fourni des renseignements sur
18 les aspirations de l'époque de l'armée de la Republika Srpska, il a fourni
19 un certain nombre d'informations militaires, et pour moi, ce qui était le
20 plus important, c'est qu'il existait un projet d'attaque aérienne de la
21 ville de Sarajevo.
22 Question: Merci.
23 Parmi les autres officiers de l'état-major du général, connaissiez-vous le
24 colonel Mensud Acotic (phon)?
25 Réponse: Non.
Page 1584
1 Question: Lors de la deuxième rencontre avec le général Talic -nous sommes
2 le 22 juin-, vous demandez à être reçu pour les problèmes de sécurité, à
3 Banja Luka.
4 Quel a été l'accueil du général Talic?
5 Réponse: Eh bien, cet accueil a été correct, mais réservé.
6 Question: Je vais revenir sur ce qui s'est passé le 22 mai. Vous dites
7 qu'à la deuxième, lors de votre deuxième rencontre, "l'accueil était
8 correct et réservé". Mais à la première rencontre, qui se passe au mois de
9 mai, vous dites également qu'il a indiqué à vous-même et surtout, dans le
10 couloir, au mufti de Banja Luka qu'il fallait être très prudent à
11 Prijedor, qu'il risquait d'y avoir des troubles à Prijedor. Il vous a donc
12 donné une information importante.
13 Comment avez-vous utilisé cette information?
14 Réponse: Je me suis penché sur cette information avec un autre participant
15 à la rencontre, M. Filipovic. En effet, nous ne savions pas ce que cela
16 signifiait, mais nous pensions que cette information devait nous pousser à
17 nous demander ce qui faisait qu'à Prijedor la situation était celle là.
18 Comme vous le savez, nous sommes partis à Prijedor pour vérifier sur place
19 ce qu'il en était, avec les représentants des autorités de l'époque de
20 Prijedor.
21 Question: Donc, avec le Président du SDA à Prijedor, M. Mujadzic?
22 Réponse: Je vous prie de m'excuser, avec Monsieur?
23 M. de Roux: Mujadzic?
24 Réponse: Non, Mujadzic est arrivé par la suite. Mais, c'est le président
25 de l'époque qui se trouvait sur place; par la suite, il a été tué -vous
Page 1585
1 devrez me rappeler son nom, car je sais que je l'ai noté quelque part,
2 mais je l'ai oublié à l'instant-, le président de l'époque de l'Assemblée
3 municipale.
4 Question: Peu importe. Outre ces deux rencontres, vous dites que vous avez
5 également fait prévenir le général Talic par le diplomate américain Kelly,
6 le risque d'exécution sommaire à Celinac, et vous dites que le général
7 Talic a envoyé la police militaire pour arrêter ces exécutions. Quelles
8 étaient vos relations avec le diplomate Kelly?
9 M. Krzic (interprétation): Je n'ai pas parfaitement compris la première
10 partie de votre question. Je ne sais pas de quelle période il est
11 question. Je peux répondre directement à la deuxième partie de votre
12 question qui, je crois, est la plus importante pour vous.
13 Pour autant que je puisse m'en souvenir, M. Kelly était deuxième
14 secrétaire de l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique. Il s'est rendu à
15 Banja Luka à plusieurs reprises; il a manifesté son intérêt. Il était
16 facile de communiquer avec lui parce qu'il parlait notre langue.
17 Pour nous, c'était un honneur qu'un diplomate nous rende visite. Nous
18 sommes, après tout, une petite province, mais M. Kelly ne nous a
19 absolument posé aucune question au sujet de plans éventuels, il n'a même
20 pas posé de questions au sujet de l'avenir de la Yougoslavie, par exemple.
21 Il posait des questions qui se rapportaient davantage à la situation
22 locale. Je crois que sa présence visait, avant tout, à lui permettre de se
23 faire une impression, personnellement. Mais dans certaines situations,
24 étant donné que je le savais... Enfin...
25 M. de Roux: Excusez-moi, je me suis peut-être mal exprimé.
Page 1586
1 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai
2 d'essayer de répondre à la question; la question était très simple. Peut-
3 être que la première partie de la question qui vous a été posée n'était
4 pas parfaitement claire, vous avez raison. Mais la question, le sens de la
5 question était très clair.
6 Le conseil du général Talic souhaitait savoir quel type de rapports vous
7 aviez à l'époque avec ce M. Kelly, le deuxième secrétaire de l'ambassade
8 des Etats-Unis, qui se rendait à Banja Luka?
9 Est-ce que vous aviez… Enfin, quelle était la nature de vos contacts?
10 Existait-il des rapports entre vous-même et ce M. Kelly? Si oui, quels
11 étaient-ils?
12 M. Krzic (interprétation): J'ai essayé en quelques phrases d'expliquer en
13 quoi consistaient ces rapports. Il s'agissait de rapports amicaux,
14 corrects, sans aucune obligation. Je répondais à ses questions si je
15 connaissais la réponse.
16 M. de Roux: Avez-vous bien demandé à M. Kelly d'intervenir auprès du
17 général Talic pour qu'il n'y ait pas d'exécution à Celinac?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Vous avez ensuite, vous aviez ensuite demandé au général Talic
20 la libération d'un certain nombre de prisonniers de Manjaca. L'avez-vous
21 obtenue?
22 Réponse: Là, vous êtes passé à autre chose. Il ne s'agit pas des mêmes
23 personnes, il s'agit d'autres personnes.
24 Question: C'est une autre question: d'autres personnes.
25 Réponse: Oui, je ne l'ai pas demandé personnellement mais, dans notre
Page 1587
1 mémorandum, nous avons posé cette question, effectivement.
2 Question: Vous avez également demandé au général Talic un sauf-conduit,
3 une autorisation pour vous rendre à Zagreb. L'avez-vous obtenu?
4 Réponse: Pour autant que je puisse m'en souvenir, en principe, l'accord
5 avait été donné, mais cette autorisation avait été accordée puis retirée.
6 Mais elle ne portait pas sur mon cas personnel, mais sur la requête visant
7 à autoriser des organisations humanitaires de se rendre à Zagreb. Et
8 l'organisation humanitaire allait, bien sûr, proposer les personnes qui
9 seraient concernées.
10 Question: Mais vous vous êtes rendu à plusieurs reprises à Zagreb? Vous
11 êtes-vous rendu à plusieurs reprises à Zagreb?
12 Réponse: Non. Pendant l'occupation, je ne m'y suis jamais rendu et je
13 n'avais même pas le droit. Une fois, on m'a donné l'autorisation, puis on
14 me l'a retirée.
15 Question: Quand avez-vous été à Zagreb, alors?
16 Réponse: La dernière fois, je crois que c'était le 2, 3 avril et je crois
17 que je suis rentré le 6 ou le 7, je ne sais plus exactement, 1992.
18 Question: Ma mémoire est peut-être défaillante, mais il y a un épisode que
19 vous racontez où vous allez à Zagreb pour négocier des armes. Cela s'est
20 passé à quelle époque?
21 Réponse: A cette occasion-là, et je ne suis pas allé exprès pour cela,
22 mais je suis allé à une réunion de Pliva, l'entreprise pour laquelle je
23 travaillais qui, régulièrement, organisait de telles réunions pour des
24 raisons professionnelles. Et j'ai essayé, par le biais d'un ami, de
25 demander s'il était possible d'obtenir des armes. Je pensais surtout à
Page 1588
1 moi-même et éventuellement à… Enfin…
2 Mais malheureusement, cela n'a pas abouti.
3 Question: Pourquoi vous demandiez si souvent des autorisations ou des
4 services au général Talic et pas aux autorités civiles?
5 Réponse: La raison en est très simple: la terreur qui régnait était telle,
6 les actes criminels étaient si nombreux, des actes de toutes sortes, que
7 j'ai déjà décrits, et il était très rare que nous entendions parler de
8 quelqu'un comme étant identifié comme auteur de ces crimes. Et encore
9 moins comme ayant été condamné pour cela. Les actes criminels commis
10 contre la population non-serbe, de façon générale, n'étaient pas jugés.
11 Et, bien entendu, c'était cela la raison pour laquelle notre seul espoir
12 résidait dans la force militaire. Voilà, c'est la raison.
13 Question: Le 9 mai 1992, l'état-major du 1er Corps d'armée a adressé à la
14 cellule de crise une demande en raison de la situation satisfaisante de la
15 sécurité.
16 Avez-vous été informé de cette position de l'état-major?
17 Réponse: Non.
18 Question: Pendant la crise à Banja Luka, avait été créé un comité de crise
19 qui avait été créé par une résolution de l'Assemblée municipale de Banja
20 Luka. Et vous dites que le SDA était représenté au comité, à ce comité de
21 crise, par Emir Djanic.
22 Quel était le rôle d'Emir Djanic au sein du comité de crise?
23 Réponse: Cet organe s'est appelé différemment au début. Il s'agissait du
24 comité de conseil de la défense national, qui ensuite est devenu comité de
25 crise. Et ce conseil de défense national était un organe -enfin je
Page 1589
1 pourrais même le qualifier de commission-, créé sur la base du statut
2 municipal, et auquel étaient censés participer des représentants de tous
3 les partis politiques qui avaient eu des élus à la fin, au moment des
4 élections. Et tous les partis y ont finalement été représentés, y compris
5 les partis de gauche. C'est là que M. Djanic avait un rôle à jouer.
6 Son rôle consistait à participer aux travaux de ce conseil de défense
7 national, qui était un organe régulier qui n'était pas censé, à mon avis,
8 exister uniquement en situation de crise.
9 Voilà quel était le rôle de M. Djanic. Pour autant que je le sache, M.
10 Djanic, comme les autres représentants qui n'étaient pas membres du SDS, a
11 quitté ce conseil de défense national, qui ensuite est devenu comité de
12 crise ou cellule de crise.
13 Question: En 1990, deux élus du SDA à l'Assemblée de la municipalité de
14 Banja Luka sont entrés au gouvernement. Il s'agit de MM. Ganic et Kuzmic.
15 Pourquoi, en 1992, vous leur donnez l'ordre de quitter le gouvernement? Et
16 pourquoi refusent-ils?
17 Réponse: Au moment où l'on en est arrivé à une situation où l'accord dont
18 j'ai déjà parlé, qui avait été conclu entre les partis au pouvoir, dirais-
19 je pour aller vite, lorsque la situation est arrivée au point où cet
20 accord n'a plus été respecté à de nombreux niveaux. En fait, lorsqu'une
21 situation tout à fait opposée a été créée -je l'ai déjà décrite-, lorsque
22 la présence et la participation des représentants du HDZ et du SDA est
23 devenue impossible, à d'autres niveaux du gouvernement, d'ailleurs pas
24 seulement impossible. Mais, en tant que Croates et en tant que Bosniens,
25 ils ont, en fait, été écartés et n'ont plus pu travailler.
Page 1590
1 Lorsqu'on en est arrivé à une occupation de la ville, pratiquement, de la
2 part des forces armées serbes, autrement dit à ce qu'il est permis
3 d'appeler un putsch, dans la réalité, au moment où nos droits
4 démocratiques n'ont plus été respectés, notre droit de proposition à
5 l'assemblée, donc nous n'avions plus la possibilité de démontrer tous les
6 aspects négatifs qui existaient. Lorsque les opposants ont subi des
7 menaces, nous avons commencé à quitter les séances du parlement. Lorsque
8 tous ces aspects négatifs se sont accumulés, compte tenu du fait que le
9 gouvernement est devenu peu à peu exclusivement SDS, notre situation est
10 devenue insupportable sur le plan politique.
11 Comment pouvez-vous faire partie d'un pouvoir politique sans avoir le
12 pouvoir? Donc, c'était insupportable et c'est la raison pour laquelle nous
13 avons insisté pour qu'ils quittent un tel gouvernement.
14 Par ailleurs -je l'ai déjà expliqué, mais je le répète-, c'était une
15 époque où des pressions terribles étaient exercées en masse sur la
16 population non-serbe. Il nous était impossible de participer à un tel
17 gouvernement. Ce que nous avons fait savoir très correctement, et en temps
18 utile, à M. Vance et à M. Owen. Bien sûr, il faut que j'ajoute que ces
19 deux hommes n'ont pas respecté cette décision du conseil exécutif du SDA
20 ou du comité central du SDA.
21 Question: La seule réponse que je voulais avoir, c'était que M. Ganic et
22 M. Kuzmic sont bien restés au gouvernement.
23 Alors, puisque l'on parle de Lord Owen et de M. Vance, pendant toute la
24 période concernant l'Acte d'accusation, des négociations internationales,
25 une mission internationale était effectivement menée pour trouver une
Page 1591
1 solution à la crise de Bosnie-Herzégovine.
2 Vous avez, vous-même, rencontré M. Vance et Lord Owen. Peut-on savoir ce
3 que vous pensiez du plan qu'ils se proposaient de soumettre aux
4 différentes parties en cause?
5 Réponse: D'abord, je n'ai pas était seul à les rencontrer. Il s'agissait
6 d'une équipe composée de représentants du parti SDA, ainsi que de notre
7 équipe, de notre groupe parlementaire. En fait, le président du groupe
8 faisait partie de cette délégation. Le plan Vance-Owen, ainsi que des
9 plans comparables, ne pouvaient être examinés au sein du SDA, à cette
10 époque-là, que par un nombre restreint de personnes.
11 Quant à certaines décisions, certaines prises de position, elles ne
12 pouvaient être débattues, également, que par ce groupe restreint. Mais il
13 y avait d'autres décisions pour lesquelles il fallait l'accord d'organes
14 plus larges, comme par exemple l'assemblée ou notre conseil exécutif. Il
15 fallait, à cette fin, que nous demandions l'autorisation de notre comité
16 central. Autrement dit, c'était des décisions qu'il fallait discuter de
17 façon élargie.
18 Mais en tout cas, s'agissant de ce plan, et pour autant que je le sache,
19 il y avait un aspect très concret qui a caractérisé notre position, à
20 savoir que, si le gouverneur de ce qui allait s'appeler le canton était un
21 Serbe, il devait être obligatoire que deux suppléants de ce gouverneur
22 soient respectivement croate et musulman. C'était ce que nous exigions.
23 Dans ce système de répartition, nous voyons l'aspect symbolique de la
24 proportionnalité, de la représentation proportionnelle des populations,
25 des peuples et de l'intérêt de ces peuples.
Page 1592
1 Question: Vous dites dans votre livre que vous aviez constitué un réseau
2 chargé de faire du renseignement et de l'information; vous étiez en
3 contact permanent avec des journalistes, des diplomates, des membres
4 d'organisations militaires. A qui étaient destinées ces informations?
5 Réponse: Vous n'avez pas dit de quelles informations vous parliez, mais ce
6 n'est pas important. Dans notre travail, nous étions complètement
7 transparents.
8 Question: Je vais être plus précis. Dans tout le dossier, nous avons
9 examiné un certain nombre de documents adressés à Son Excellence Sacirbey,
10 chef de la Mission Bosnie auprès des Nations Unies.
11 Comment pensiez-vous que M. Sacirbey utiliserait ces informations? Et ces
12 informations étaient-elles susceptibles d'avoir une influence sur les
13 négociateurs internationaux?
14 M. Krzic (interprétation): D'abord, je dirai que ces informations, nous
15 les transmettions bien sûr à tous les représentants de la communauté
16 internationale présents à Banja Luka. Toutes les informations de nature
17 politique dont vous parlez manifestement –et y compris les informations
18 relatives, bien sûr, à la sécurité de la population- étaient transmises à
19 toutes les organisations internationales, dont le CICR, le Commissariat
20 aux réfugiés, les observateurs européens lorsqu'ils étaient présents. Et,
21 bien sûr, il était tout à fait normal de transmettre également ces
22 informations à notre mission. Pourquoi à notre mission? Eh bien, pour la
23 raison que vous venez d'évoquer, bien sûr, mais également parce que les
24 communications étaient impossibles avec Sarajevo.
25 Il y avait aussi un aspect lié à des affinités personnelles, parce que
Page 1593
1 nous pensions que ces informations iraient aux Etats-Unis et que c'était
2 le lieu le plus probable où ces informations pouvaient être utilisées à
3 bonne fin. Les Etats-Unis sont considérés comme suivant une politique
4 fondée sur des principes, de façon générale -c'est ce que je dirais-, et
5 notamment en situation de conflit.
6 M. de Roux: Voilà, Monsieur le Président. Eh bien, j'en ai terminé, en ce
7 qui me concerne, avec le témoin. Merci.
8 M. le Président (interprétation): (hors micro.)
9 Merci, Maître de Roux. Il est 10 heures 15. Donc, dans un quart d'heure,
10 nous aurons notre pause habituelle.
11 Maître Ackerman, nous pouvons soit faire la pause maintenant et vous
12 commencerez après la pause; dans ce cas, soit nous vous donnons maintenant
13 la parole, nous nous interrompons dans un quart d'heure et vous poursuivez
14 après la pause. C'est à vous d'en décider.
15 M. Ackerman (interprétation): Il serait sans doute raisonnable, Monsieur
16 le Président, que je commence tout de suite.
17 Si je ne casse pas le matériel avant de commencer, je pourrais commencer
18 tout de suite!
19 Puis-je procéder, Monsieur le Président?
20 M. le Président (interprétation): Oui.
21 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me Ackerman.)
22 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur Krzic.
23 (Signe de la tête du témoin.)
24 Comment allez-vous, aujourd'hui?
25 M. Krzic (interprétation): Merci, je vais bien. Qu'en est-il de vous?
Page 1594
1 M. Ackerman (interprétation): Je vais bien.
2 Je ne m'attendais pas à vous parler si tôt dans la matinée, mais nous
3 allons commencer.
4 Vous avez fait toute une série de déclarations devant les représentants du
5 Bureau du Procureur de ce Tribunal, n'est-ce pas?
6 Réponse: Oui, en effet.
7 Question: La première de ces déclarations a été recueillie pendant un
8 certain temps, à savoir entre la date du 27 décembre 1994 et celle du 23
9 août 1995, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui. Avec des interruptions.
11 Question: Apparemment, cinq réunions ou rencontres ont eu lieu dans le
12 cadre du recueil de cette déclaration avant que vous ne la signiez?
13 Réponse: Je suppose, parce que vraiment je ne me rappelle pas les détails.
14 Question: Pourriez-vous dire aux Juges de cette Chambre pourquoi il a
15 fallu si longtemps pour le recueil de cette déclaration? Y a-t-il eu des
16 problèmes? Quelles sont les raisons pour lesquelles il a fallu si
17 longtemps?
18 Réponse: Bien sûr, je ne peux pas expliquer des raisons qui ne dépendent
19 pas de moi. Mais l'impression que j'ai acquise, c'est que le recueil
20 prolongé, comme vous dites, de cette déclaration était dû au fait que les
21 éléments fournis par moi étaient constamment vérifiés. C'est ce que j'ai
22 cru comprendre.
23 Question: Voulez-vous dire que les enquêteurs vérifiaient les informations
24 que vous leur fournissiez? C'est bien cela que vous voulez dire?
25 Réponse: Je crois que c'est cela, oui, mais je ne peux pas le garantir.
Page 1595
1 Question: Oui. Une autre déclaration de vous a été recueillie les 24 et 28
2 octobre 1999. Vous rappelez-vous cette déclaration?
3 Réponse: Maître, vraiment, pour moi, il est très difficile de vous
4 répondre. Je ne me suis pas préparé à cela, je ne pensais pas devoir vous
5 parler avec une précision totale des déclarations que j'ai faites, etc.
6 Répondre précisément à votre question exigerait que je me sois préparé à
7 vous fournir des éléments chiffrés. Cela exige préparation.
8 M. le Président (interprétation): Un instant, Maître Ackerman.
9 Madame Korner, voilà ce sur quoi j'avais l'intention d'appeler votre
10 attention ce matin, lorsque j'ai dit que de nouveaux documents soient
11 versés au dossier plus tard, car ces déclarations n'ont pas été soumises à
12 la Chambre hier, pas plus d'ailleurs que durant le début de la déposition
13 de M. Krzic. Or elles ont été remises aux Juges de la Chambre; je crois
14 savoir qu'elles ont été également communiquées à la défense. Mais hélas,
15 nous sommes maintenant dans une situation où nous voyons que des questions
16 sont posées au sujet de ces quatre déclarations préalables faites par lui,
17 alors qu'il ne les a pas sous les yeux.
18 Je pense donc qu'il doit être possible de régler cette question de façon
19 très rapide pour permettre au témoin de répondre, car on lui dit les dates
20 du 27, du 28, du 4, du 5. Ce n'est pas juste, il ne peut pas répondre.
21 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, les déclarations
22 préalables de témoin ne peuvent devenir pièces à conviction que s'il y a
23 accord pour que des portions importantes de ces déclarations soient
24 soumises au témoin, dans le cadre donc d'un accord particulier.
25 Mais nous pouvons fournir des exemplaires au témoin et Me Ackerman pourra
Page 1596
1 continuer à poser ses questions au sujet des dates. A moins, Monsieur le
2 Président, que nous nous accordions sur les dates de recueil de ces
3 déclarations.
4 M. le Président (interprétation): C'est peut-être ainsi qu'il faudrait
5 commencer, car, en tout état de cause, si l'on demande au témoin de
6 répondre à des questions relatives à la teneur de ses déclarations, ou
7 encore de faire référence à des événements dont il a été question dans ses
8 déclarations, il faut qu'il les ait sous les yeux. Cela ne fait aucun
9 doute.
10 Mme Korner (interprétation): Nous sommes d'accord pour admettre les dates
11 que Me Ackerman vient de citer et, si Me Ackerman souhaite continuer des
12 questions au sujet de ces déclarations, nous pouvons organiser la
13 distribution de ces déclarations.
14 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je demanderai que la
15 pause se fasse maintenant, car j'ai encore des questions à poser au témoin
16 au sujet de ces déclarations pour le reste de la journée d'aujourd'hui et
17 peut-être même pour une partie de la journée de demain.
18 M. le Président (interprétation): Donc, à mon avis…
19 Mme Korner (interprétation): Je suppose que le témoin devrait recevoir la
20 traduction, n'est-ce pas, en BCS, car ces déclarations ont été rédigées en
21 anglais.
22 M. le Président (interprétation): Je crois savoir qu'il comprend également
23 l'anglais. En tout cas, dans la toute première partie de sa déposition,
24 lundi, il a déclaré qu'il parlait l'anglais, mais que bien entendu il
25 s'apprêtait à répondre aux questions dans sa langue. Cela ne devrait donc
Page 1597
1 poser aucun problème; en tout état de cause, il y aura interprétation
2 simultanée.
3 Merci, Madame Korner, pour votre coopération, néanmoins. Merci également,
4 Maître Ackerman, pour votre coopération.
5 Nous allons maintenant faire la pause et nous reprendrons nos travaux à 11
6 heures moins 10.
7 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, puis-je m'assurer que
8 les déclarations seront fournies dans les deux langues, car, de temps en
9 temps, j'aimerais lui soumettre la version anglaise?
10 Mme Korner (interprétation): Avec l'aide de Mme Karper, nous disposons de
11 la version anglaise et il est presque certain que nous pourrons nous
12 procurer la version bosniaque.
13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame Korner.
14 Nous reprenons nos débats à 11 heures moins 10.
15 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est reconduit hors du prétoire.)
16 (L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 11 heures 05.)
17 (Questions relatives à la procédure.)
18 (Les accusés sont réintroduits dans le prétoire.)
19 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner.
20 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous avons les
21 versions de ces déclarations en anglais et en bosnien.
22 M. le Président (interprétation): Parfait. Dans le suivi d'une procédure
23 normale, ces dépositions-là ne feraient pas partie des pièces à conviction
24 mais, si tant est que le témoin sera interrogé sur la teneur de ces
25 documents, il nous faudra réviser la position en question parce que, en
Page 1598
1 fin de compte, la Chambre de première instance devra également décider de
2 la crédibilité du témoin ici présent. Cela dépendra de ce que nous
3 attendons de la part de M. Ackerman qui procédera, j'imagine, à un contre-
4 interrogatoire détaillé.
5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, pour autant que j'aie
6 pu comprendre les choses -et ceci parce que je proviens d'un système de
7 common law et j'imagine que le même système prévaut tant aux Etats-Unis
8 qu'en Angleterre-, si de grandes parties de la déposition sont montrées au
9 témoin à la fin de la journée, pour rafraîchir la mémoire du témoin
10 concernant ce qui figure dans ces dépositions, et ce, aux fins d'évaluer
11 sa crédibilité, la déposition peut être versée au dossier en tant que
12 pièce à conviction.
13 M. le Président (interprétation): C'est cela.
14 Monsieur Ackerman, vous pouvez y aller.
15 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas
16 comment m'exprimer. Il est survenu quelque chose pendant cette pause. Il
17 s'agit de (inaudible).
18 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il s'agit d'un terme texan?
19 M. Ackerman (interprétation): Cela se peut et, en date du 13 décembre -je
20 crois que la caméra peut voir cela-, j'ai remis ces documents et des
21 instructions au Greffe pour traduction au niveau du service de traduction.
22 On m'a dit que les personnes auxquelles je me réfère pour avoir des
23 traductions, de temps à autre, n'étaient pas censées traduire des
24 documents que j'allais présenter comme pièces à conviction et qu'il
25 fallait les soumettre au service de traduction du Tribunal.
Page 1599
1 Il y a ici quelque 1500 pages de documents, que nous avons présentés en
2 date du 13 décembre. Aujourd'hui, pendant la pause, donc pratiquement deux
3 mois plus tard, ces documents m'ont été restitués avec une explication
4 disant que rien de tout cela n'avait été traduit; absolument rien n'a été
5 traduit!
6 Quelqu'un, au service de traduction, a pris position disant qu'il y avait
7 peut-être là des documents qui avaient déjà été traduits pour le compte du
8 Greffe dans une autre affaire ou dans cette affaire-ci. Donc il s'est
9 écoulé tout ce temps et je me retrouve maintenant avec ces documents-là,
10 que j'avais espéré recevoir en grosse partie traduits pour procéder à des
11 contre-interrogatoires de témoins relatifs à Banja Luka, étant donné qu'il
12 s'agit de documents appartenant au classeur Banja Luka. J'avais pensé que
13 ces documents avaient été en cours de traduction.
14 J'apprends, aujourd'hui, que cela n'a pas été traduit du tout, aucun
15 document n'a été traduit. Maintenant, si tout cela n'a pas été traduit, je
16 pense pouvoir dire qu'il aurait été stupide de ma part d'envoyer des
17 documents déjà traduits pour retraduction. Maintenant, si l'on me demande
18 de le faire moi-même, je n'ai rien contre; c'est une requête raisonnable,
19 mais il faudrait que je fasse un index, une liste de ces documents avant
20 que de les re-soumettre pour traduction. Je ne sais pas combien de
21 journées il me faudra pour ce faire; j'imagine qu'il m'en faudra
22 plusieurs. Avant que ne puisse remettre tout cela, une fois de plus, pour
23 traduction, il faut que je fasse une liste, un listing de ces documents.
24 En date du 13 décembre, personne ne m'avait signalé la nécessité de
25 présenter un listing ou un index des documents en question. Je les avais
Page 1600
1 répartis de mon mieux, je les ai décrits de mon mieux. J'avais envoyé un
2 courrier en date du 13 décembre au service de traduction. Je leur ai fait
3 parvenir les documents en question et, il y a quelques minutes de cela,
4 j'ai pour la première fois reçu une réponse de ce service, lors de la
5 restitution de ces documents dans notre bureau.
6 Je ne peux pas travailler ainsi, personne ne saurait défendre un client
7 sans disposer de documents traduits, et ce, dans une affaire aussi
8 sérieuse, qui comporte des charges, des accusations de génocide.
9 Je crois que l'homme, qui est assis ici, a droit à un jugement équitable.
10 D'autant plus que l'Acte d'accusation comporte des chefs d'accusation
11 aussi graves et le Greffe a laissé passer deux mois sans m'informer du
12 problème qu'il y avait.
13 Donc je ne sais pas ce que la Chambre peut faire, mais j'ai perdu deux
14 mois. Il faut donc que je recommence à partir du début, c'est-à-dire à
15 partir des positions qui avaient été les miennes en date du 13 décembre.
16 M. le Président (interprétation): Madame Korner, avez-vous quelque chose à
17 dire à ce sujet?
18 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président, pas du tout.
19 J'ai, à plusieurs reprises, soulevé la question ou le problème de la
20 traduction des documents . Je ne pense pas pouvoir apporter de l'aide car,
21 comme l'a dit M. Ackerman, il est probable qu'il ne soumette pas pour
22 traduction des documents dont nous avons déjà demandé la traduction. Mais
23 sans savoir de quels documents il s'agit, nous ne saurions lui apporter
24 notre aide.
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Ackerman, vous comprenez, je
Page 1601
1 pense, qu'il faudra que je m'entretienne à ce sujet avec mes collègues,
2 les deux Juges de la Chambre et nous vous donnerons notre opinion plus
3 tard.
4 Entre-temps, je crois qu'il faudrait que la Chambre de première instance
5 sache de quels documents il s'agit au juste, de quel type de documents
6 nous sommes en train de parler. Bien entendu, je vous fais confiance quand
7 vous dites que ce sont des documents importants pour votre contre-
8 interrogatoire, pour ce qui est du contre-interrogatoire de témoins
9 relatifs au chapitre Banja Luka.
10 Toutefois, pour que la Chambre de première instance soit en meilleure
11 position pour prendre une position, il serait utile que celle-ci soit mise
12 au courant de la nature des documents en question. En d'autres termes,
13 nous voudrions être certains, être sûrs qu'il ne s'agit pas de documents
14 qui ne sont peut-être pas nécessaires.
15 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, je vais vous donner un exemple: ce
16 classeur-là est plein de ce que nous appelons, aux Etats-Unis, de papiers
17 très fins, c'est-à-dire il s'agit d'originaux; il y a des signatures, des
18 cachets: les cachets sont en bleu et les signatures sont à l'encre. Ce
19 sont donc des documents originaux et tous ces documents proviennent de la
20 région autonome de la Krajina. Ils ont essentiellement été signés par M.
21 Nikola Erceg, qui avait été président du Conseil exécutif de la région
22 autonome de la Krajina. Il s'agit de documents extrêmement importants pour
23 ce qui est de cette affaire.
24 Les documents sont donc suffisamment importants pour justifier des résumés
25 de traduction pour que l'on sache de quoi il s'agit au juste, mais j'ai
Page 1602
1 l'intention de me référer à la plupart de ces pièces à conviction
2 officiellement devant ce Tribunal et il faut qu'ils soient traduits
3 officiellement par les services du Tribunal, en quelque sorte. J'ai déjà
4 remis au Bureau du Procureur certains de ces documents et j'ai l'intention
5 d'en faire de même pour ce qui est du reste. Mais je suis convaincu qu'il
6 n'y a ici aucun document que le Bureau du Procureur aurait déjà fait
7 traduire.
8 Il y a là aussi bon nombre d'articles de journaux que mes collègues de
9 Banja Luka ont identifiés comme étant des documents fort importants,
10 extrêmement importants pour ce qui est des questions traitées par
11 l'affaire qui nous concerne. Il s'agirait donc d'articles de journaux
12 récents qui viennent compléter l'image fournie par ce qui avait été publié
13 par les journaux, à l'époque. Il ne s'agit donc pas d'articles de journaux
14 qui ont été soumis par le Bureau du Procureur.
15 Il y a aussi un grand nombre de documents que nous avions obtenus de la
16 part d'autorités ou d'instances gouvernementales et d'individus qui ont
17 été contactés par notre équipe d'enquête dans la Republika Srpska. Et je
18 pense pouvoir dire que ces documents sont très importants pour la
19 présentation de notre défense.
20 Il y a une autre liste de documents, en outre, dans ce paquet-là, que je
21 peux vous montrer. Il y a des documents qui proviennent des archives. Je
22 ne sais pas tout ce qui concerne les documents en question, mais il s'agit
23 en tout état de cause de documents provenant du centre de détention de
24 Trnopolje. Il s'agit donc de documents qui se trouvaient là-bas, dans les
25 archives, qui ont été donc recensés pendant le fonctionnement dudit
Page 1603
1 centre; ces documents-là sont censés apporter un éclairage nouveau sur la
2 façon dont ce centre avait fonctionné.
3 J'hésite peut-être à le dire, mais je crois devoir le dire, qu'il s'agit
4 de documents qui montrent ou démontrent quelque chose de tout à fait
5 opposé à ce que le Procureur avait dit dans ses propos liminaires
6 concernant le fonctionnement de cet établissement-là.
7 Je n'aurais soumis au service de traduction de ce Tribunal des documents
8 qui ont déjà été fournis par le Bureau du Procureur, ou des documents que
9 j'aurais estimés comme non pertinents pour la défense dans cette affaire.
10 Je ne procède pas de cette façon et je ne pense pas être un avocat de ce
11 genre. Et il n'y a aucun précédent dans ce Tribunal qui pourrait indiquer
12 à qui que ce soit que j'appartiens à cette espèce-là de juristes.
13 Je vais défendre mon client de façon vigoureuse, je vais le défendre au
14 meilleur de mes aptitudes. Et je dois dire que je ne sais pas comment le
15 faire. Si l'on me dit de procéder d'une certaine façon, je le fais de
16 cette façon, et on me dit que l'on ne peut pas le faire de cette façon-là
17 non plus! Alors, maintenant, je ne sais comment il convient de faire.
18 Peut-être faudrait-il procéder à une pause de deux mois pour que je
19 recommence, qu'on remette toute la procédure en marche et que je fasse
20 traduire les documents?
21 M. le Président (interprétation): Je crois que Mme Korner va être d'accord
22 avec vous.
23 Mme Korner (interprétation): Non, je voulais vous dire autre chose.
24 Vous vous souvenez, Monsieur le Président, que nous avions parlé de la
25 divulgation des documents du Bureau du Procureur pour lesquels on savait
Page 1604
1 qu'ils allaient être utilisés. Je voudrais me référer maintenant à ce que
2 Me Ackerman vient de dire. Comme il a, dans son équipe, des personnes qui
3 parlent le serbo-croate, j'avais imaginé qu'il allait utiliser ces
4 documents-là.
5 Maintenant, mis à part les problèmes de traduction, je voudrais dire que,
6 si ces documents sont censés être utilisés, il faudrait peut-être qu'ils
7 soient divulgués. Nous serions peut-être en mesure d'apporter notre aide,
8 notamment compte tenu des articles de presse et notamment à la lumière du
9 fait que nous avons déjà communiqué au service de traduction un grand
10 nombre d'articles de presse, mais qui ne nous ont pas encore été rendus
11 traduits, étant donné que nous n'avions pas précisé que ces documents
12 étaient prioritaires.
13 Nous nous sommes déjà entretenus à ce sujet, Monsieur le Président, mais
14 je crois que la seule des façons de faire aux fins de surmonter la
15 difficulté, c'est d'obtenir un résumé de traduction, à savoir que les deux
16 parties en présence soumettent leur traduction et, s'il y a des documents
17 vraiment importants pour lesquels nous avons besoin d'une traduction
18 officielle, soumettre cela au service de traduction du Tribunal.
19 Et je dois pouvoir dire avec regret que nous avons les mêmes problèmes que
20 Me Ackerman, peut-être pas dans la même mesure, mais étant donné le procès
21 de Milosevic, ce procès-là est prioritaire actuellement et tout le reste
22 est mis de côté.
23 Je crois que c'est là que réside la difficulté réelle.
24 M. le Président (interprétation): En effet, mais cela ne devrait pas avoir
25 un effet quelconque sur la décision que cette Chambre de première
Page 1605
1 instance-ci va prendre en fin de compte. Ce que vous venez de nous dire,
2 c'est une chose qui me semble évidente. Je suis certain -et je pense que
3 mes deux collègues de la Chambre seront d'accord avec moi pour le dire
4 sans que je les consulte pour autant- qu'il s'agit de questions des plus
5 importantes, mais il y a aussi le facteur temps.
6 Et même si nous recourons à la solution que vous nous suggérez d'adopter,
7 si tant est que vous suggériez cela, il apparaît aussi le problème du
8 temps nécessaire, étant donné que nous n'avons pas encore entamé, que nous
9 allons entamer le chapitre Banja Luka.
10 Il y a une autre solution éventuelle, c'est que les deux équipes de la
11 défense gardent, conservent le droit, se réservent le droit de faire
12 revenir des témoins qui témoigneront une fois l'interrogatoire principal
13 et le contre-interrogatoire terminés, et lorsque des éléments de preuve
14 feront leur apparition, partant de tous les documents qui devront être
15 traduits à titre officiel. Donc de rappeler les témoins en question.
16 Je dois vous dire que cette idée-là me terrifie. Ce qui me terrifie, c'est
17 l'idée d'aboutir à un moratoire sans savoir si tel témoin sera appelé ou
18 cité une fois, deux fois ou plusieurs fois, voire trois fois, au cours du
19 procès, au fur et à mesure de la traduction des documents.
20 Et je pense pouvoir dire en ce moment-ci, partant de mon expérience, c'est
21 de réfléchir quelque peu à la question, que je m'entretienne à ce sujet
22 avec mes deux collègues de la Chambre, et que nous voyions aussi quelle
23 autre possibilité nous pourrions avoir et vous faire part de nos
24 réflexions par la suite.
25 Nous sommes tous en effet conscients des problèmes auxquels nous faisons
Page 1606
1 face. Le Bureau du Procureur se trouve dans une situation analogue, peut-
2 être pas aussi difficile que celle de Me Ackerman, mais en tout état de
3 cause, je crois pouvoir dire qu'il ne s'agit pas d'une situation agréable.
4 Et cela n'est pas de nature à faciliter la tâche de la Chambre de première
5 instance. Je crois que nous avons ici la même tâche, à savoir déterminer
6 la vérité et faire justice. Il convient également de maintenir l'équilibre
7 entre les droits et les intérêts des accusés et les droits et intérêts des
8 victimes.
9 Maintenant, s'il s'agit de documents importants, il nous convient de
10 trouver des solutions appropriées.
11 Maître Ackerman, je me propose de vous redonner la parole, mais c'est à
12 peu près ce que j'ai l'intention de faire: nous, Juges de la Chambre,
13 allons nous pencher une fois de plus sur cette question et nous vous
14 communiquerons une solution concrète.
15 Maître Ackerman, à vous.
16 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
17 j'ai une suggestion et des commentaires, mais je vais faire les
18 commentaires d'abord.
19 J'ai eu l'impression qu'en cette phase-ci de l'affaire, je n'ai pas tout
20 simplement pas eu l'opportunité de me plaindre du fait de ne pas disposer
21 des traductions des documents, étant donné que j'ai soumis cela pour
22 traduction il y a deux mois.
23 M. le Président (interprétation): C'est ce que nous pourrions peut-être
24 vous reprocher. Passons à autre chose.
25 M. Ackerman (interprétation): Certainement, mais ce que je voulais dire,
Page 1607
1 c'est que la plupart de ces documents, je ne les avais pas avant de les
2 avoir remis au service de traduction, ou plutôt je les avais reçus
3 quelques jours avant de les avoir transmis au service de traduction.
4 Maintenant, pour ce qui est de la suggestion, j'ai besoin de l'aide de la
5 Chambre pour pouvoir fonctionner.
6 En effet, j'ai ici deux personnes qui sont capables et qui ont la bonne
7 volonté de passer des heures à traduire ces documents. Il s'agit de
8 personnes compétentes, qui travaillent très bien, mais on leur a dit, de
9 la part du Greffe de ce Tribunal, que ces personnes-là ne sont pas
10 autorisées à traduire des documents qui pourraient devenir des pièces à
11 conviction devant ce Tribunal. Et si j'ai bien compris la chose, c'est une
12 règle sacro-sainte du présent Tribunal.
13 Dans le cas où cette règle pourrait être assouplie aux fins de faciliter
14 les choses, je n'aurais pas de problème à remettre ces traductions à ces
15 personnes. Mais s'il faut que je remette tout au service de traduction de
16 Tribunal, cela nous prendra beaucoup plus de temps.
17 C'est ce que je voudrais donc savoir, je voudrais que vous nous apportiez
18 une aide à cet égard.
19 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons nous pencher sur le
20 problème pour voir si quelque chose pourrait être fait en ce sens. Ce que
21 je sais, c'est que l'on travaille beaucoup pour ce qui est de déterminer
22 quels sont les documents à traduire ou à ne pas traduire, c'est-à-dire
23 qu'il y a un travail de fait pour ce qui est de l'élaboration d'une liste
24 de priorités. Mais je ne saurais vous donner davantage de détails.
25 Nous avons certainement besoin d'un certain temps, et vous le comprenez,
Page 1608
1 non seulement pour nous entretenir entre nous à ce sujet, parce que c'est
2 une chose dont nous ne saurions traiter ici dans le prétoire, vous
3 comprendrez donc que nous avons besoin d'un peu plus de temps. Mais il
4 nous faut aussi examiner quelles sont les possibilités qui sont les nôtres
5 pour ce qui est mis à notre disposition. Et nous tiendrons au courant
6 aussi vite que possible. Il ne s'agit pas de questions à prendre à la
7 légère.
8 Et pour autant que je le sache, le système qui prévaut à ce Tribunal est
9 problématique, même pour le Bureau du Procureur, parce que demain matin, à
10 titre d'exemple, le Bureau du Procureur pourrait nous communiquer des
11 nouvelles, mauvaises ou bonnes, disant par exemple qu'il y a de nouveaux
12 éléments d'information survenus. Et si j'ai bien compris, et pas seulement
13 moi, mais la totalité des Juges, nous sommes conscients de tout cela et
14 nous comprenons parfaitement bien que cela constitue un gros problème:
15 parce qu'au cours des procès, il peut survenir des éléments nouveaux qui
16 seraient d'importance fondamentale pour l'affaire.
17 Et quand je vous avais dit que vous ne sauriez vous attendre à des
18 miracles depuis le 13 décembre à ce jour, en même temps, je voulais dire
19 que le problème existait déjà au niveau de la traduction des documents.
20 Donc je ne vois pas pourquoi l'on ne vous avait pas dit la difficulté ce
21 même jour. Je sais qu'il y a eu entre-temps les fêtes de Noël, mais je ne
22 comprends pas que nous n'ayez pas été informé du problème en question.
23 En tout état de cause, nous nous pencherons sur le problème et nous allons
24 voir ce qui pourrait être fait. J'apprécie le fait que vous ayez compris
25 le problème et que vous êtes en train de coopérer avec le Bureau du
Page 1609
1 Procureur. J'apprécie hautement.
2 Oui, Madame Korner?
3 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, il
4 s'agit d'une enquête formelle pour ce qui est de la communication des
5 pièces dont a parlé M. Ackerman, indépendamment des problèmes de
6 traductions, pour le cas où il aurait l'intention de s'en servir.
7 M. Ackerman (interprétation): D'après le Règlement, je suis censé
8 divulguer les documents que j'ai l'intention d'utiliser et j'ai
9 l'intention de me tenir à ces dispositions-là.
10 M. le Président (interprétation): Oui, je vous prie de le faire aussitôt
11 que possible.
12 M. Ackerman (interprétation): Oui, dès que j'aurai déterminé quels sont
13 les documents que j'utiliserai, je le ferai.
14 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez essayé d'expliquer
15 l'importance de la pertinence de ces documents? Et si j'ai bien compris
16 moi-même, vous n'avez pas l'intention de ne pas vous servir de ces
17 documents, vous avez l'intention de vous servir de ces documents et ce,
18 pleinement. Vous avez dit que ces documents émanaient de la région
19 autonome de Krajina; d'autres documents ont été collectés par vos
20 enquêteurs. Je ne sais plus au juste, mais vous attachez beaucoup
21 d'importance à ces documents. Vous avez fait en sorte de convaincre la
22 Chambre de première instance qu'il s'agit de documents qu'il faudrait que
23 nous prenions en considération de façon sérieuse, et ce, à la lumière de
24 la complainte que vous avez présentée.
25 M. Ackerman (interprétation): Certainement.
Page 1610
1 M. le Président (interprétation): Je n'ai donc pas compris que vous aviez
2 des doutes concernant l'usage des documents et, si j'ai bien compris ce
3 que vous avez voulu dire, c'est que vous aviez l'intention de vous référer
4 à ces documents et que vous alliez les utiliser.
5 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais je ne les ai pas tous lus. Il
6 m'est difficile de prendre une décision. Si, maintenant, ces documents
7 sont ceux qu'on m'a dit qu'ils étaient, je m'en servirai mais j'ai parfois
8 aussi reçu des documents qui ne se sont pas avérés être ce que je pensais
9 qu'ils étaient. Donc, si je pouvais avoir cet index, je le ferais.
10 M. le Président (interprétation): Certainement.
11 M. Ackerman (interprétation): Et je vais certainement donc faire en sorte
12 que l'on vous communique une liste de ce que je vais utiliser et je vais
13 procéder à la communication de ces témoins.
14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Ackerman, et
15 je crois que, peut-être, il serait possible maintenant de faire entrer le
16 témoin dans le prétoire.
17 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est réintroduit dans le prétoire.)
18 (Les Juges se consultent sur le siège.)
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, Me Ackerman va, à
20 présent, poursuivre son contre-interrogatoire. Bien entendu, vous n'avez
21 pas à prononcer une nouvelle fois la déclaration solennelle. Nous partons
22 de l'hypothèse que votre déposition se poursuit sous cette déclaration.
23 Vous pouvez vous asseoir.
24 J'imagine que nous devrions transmettre les documents dont nous avons
25 parlé précédemment à M. Krzic.
Page 1611
1 Mme Korner (interprétation): Est-ce que Me Ackerman souhaite que toutes
2 les déclarations, ensemble, lui soient remises ensemble ou une par une?
3 M. Ackerman (interprétation): Toutes les déclarations.
4 Mme Korner (interprétation): Très bien, toutes les déclarations. Monsieur
5 le Président, il s'agit tout d'abord de la version en anglais et de la
6 version en langue bosniaque, avec la date. Ils portent les cote 1 à 4.
7 M. Ackerman (interprétation): Dans l'ordre chronologique?
8 Mme Korner (interprétation): Non, en réalité, c'est dans l'ordre
9 chronologique inverse.
10 (Intervention de l'huissier.)
11 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me Ackerman.)
12 M. Ackerman (interprétation): Re-bonjour. Nous étions en train de parler
13 de la déclaration qui est la déclaration n°2, telle que numérotée par le
14 Procureur. Il s'agirait de la déclaration qui a été faite les 24 et 28
15 octobre 1999. Est-ce que vous arrivez à la retrouver?
16 M. Krzic (interprétation): Oui, j'ai trouvé.
17 Question: La déclaration dit que "des interrogatoires ont eu lieu les 24
18 et 28 octobre, avec une pause de trois jours entre les deux, les 25, 26 et
19 27".
20 Pouvez-vous dire à la Chambre pourquoi cette interruption de trois jours a
21 eu lieu?
22 Réponse: En réalité, je crois que c'est l'équipe des enquêteurs qui a pris
23 cette décision. Je n'ai jamais vraiment réfléchi au fait de savoir
24 pourquoi des pauses avaient été prévues.
25 Question: Est-ce qu'on pourrait dire de même des interruptions pour les
Page 1612
1 autres déclarations que vous avez faites, à savoir que vous ne savez pas
2 pourquoi ces interruptions ont eu lieu?
3 Réponse: Je ne me souviens pas exactement pourquoi, quelle raison a été
4 invoquée. Je crois, j'imagine que je n'étais pas le seul témoin qu'ils
5 devaient rencontrer et ils ont dû faire en fonction de différents
6 facteurs; j'imagine que c'est pour ce type de raisons liées à différentes
7 obligations qu'ils avaient.
8 Question: Pendant toute cette période du 27 décembre 1994 jusqu'au 29 août
9 2001, date de votre dernière déclaration, la dernière fois où vous avez
10 parlé avec les enquêteurs, donc pendant cette période, est-ce que l'on
11 vous a fourni une aide financière ou une aide d'un autre type? Est-ce que
12 le Bureau du Procureur vous a fourni une telle aide?
13 Réponse: Non.
14 Question: Je crois comprendre que vous avez eu la possibilité de parcourir
15 toutes ces déclarations après votre arrivée ici, à La Haye, en préparation
16 à votre déposition; est-ce que c'est exact?
17 Réponse: Je n'ai pas insisté à examiner ces déclarations parce qu'à chaque
18 fois, on m'en donnait une copie. Par conséquent, on m'a laissé le choix de
19 les examiner et, à dire vrai, j'ai estimé que je ne devais pas les relire
20 plusieurs fois. Et à chaque fois que j'ai signé, j'étais sûr que c'était
21 ce que j'avais dit.
22 Question: Alors, ma question est la suivante: est-ce que vous les avez
23 relues, ces derniers jours, en préparation à votre déposition ici?
24 Réponse: Enfin, que voulait dire: "il n'y a pas longtemps de cela"? Est-ce
25 que vous voulez dire "ici, pendant mon séjour à La Haye"? Enfin, je n'ai
Page 1613
1 pas compris.
2 Question: Je ne sais pas combien de temps vous avez passé à préparer votre
3 déposition ici, mais pendant cette période de préparation, quelle qu'ait
4 été sa durée, avez-vous relu ces quatre déclarations?
5 Réponse: Ici, à La Haye, non. Mais, bien entendu, je les avais.
6 Question: Est-ce qu'à ce stade-ci, pendant que vous êtes sous serment,
7 vous pouvez affirmer à la Chambre que chacune de ces déclarations qui a
8 été faite par vous est absolument correcte et correspond à la vérité?
9 Réponse: Je n'ai jamais dit quoi que ce soit qui n'ait pas été vrai.
10 Question: Est-ce que, lorsque vous avez relu ces déclarations, vous avez
11 constaté des problèmes de traduction? J'imagine que vous avez lu ces
12 déclarations à la fois en anglais et dans votre langue maternelle: est-ce
13 que vous avez constaté des problèmes de traduction sur lesquels vous
14 souhaiteriez attirer notre attention?
15 Réponse: Je les ai lues surtout dans ma langue et je ne suis pas entré
16 dans des questions de traduction parce que je fais entièrement confiance
17 au Tribunal. Et par ailleurs, je ne suis pas expert en anglais, pour tout
18 ce qui est des points de détails.
19 Question: J'aimerais attirer votre attention maintenant sur la première
20 déclaration que vous avez donnée, la déclaration qui s'est étalée sur
21 plusieurs mois, en 1994 et en 1995.
22 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, prendre cette déclaration?
23 (Le témoin s'exécute avec l'aide de l'huissier.)
24 Réponse: Oui, je l'ai sous les yeux.
25 Question: Est-ce que vous pourriez prendre la deuxième page de la version
Page 1614
1 anglaise où il a été dit que vous aviez reçu une bourse de la FAO à
2 Copenhague, en 1975? Pouvez-vous me dire ce qu'est une telle bourse FAO?
3 Réponse: J'ai participé à un concours pour obtenir une telle bourse. Il
4 s'agit d'une bourse qui concerne le domaine de l'agriculture de façon
5 générale. Pour ce qui me concerne, il s'agissait de l'industrie de
6 traitement de la viande, de façon plus précise, de la transformation de la
7 viande. Enfin, je ne sais pas, si vous souhaitez que j'entre dans les
8 détails, je peux le faire.
9 Question: Ma question était: que signifie FAO?
10 Réponse: "Food et Agriculture Organisation", "Organisation pour
11 l'alimentation et l'agriculture".
12 Question: Et cette organisation est une organisation qui relève de quelle
13 entité, de quel pays, de quelle organisation?
14 Réponse: Mais enfin, c'est une organisation qui relève du système des
15 Nations Unies.
16 Question: Par conséquent, cette bourse vous a été octroyée par une
17 organisation relevant des Nations Unies?
18 Réponse: De façon indirecte, parce que c'est le gouvernement de Bosnie-
19 Herzégovine qui me l'a donnée par le biais d'une institution de l'Etat qui
20 était représentée à la FAO. Et par le biais de cette institution, nous
21 pouvions nous présenter à ce concours et bénéficier de ces bourses.
22 Question: Hier, Me de Roux a commencé son contre-interrogatoire en vous
23 posant une question qui portait sur les objectifs du SDA. Vous vous
24 souvenez de cette question, n'est-ce pas?
25 Réponse: Oui.
Page 1615
1 Question: Et vous avez dit que l'un des objectifs était d'aider au
2 développement de la démocratie en Bosnie-Herzégovine?
3 Réponse: Oui, tout cela doit être rattaché à la constitution du parti.
4 Question: Le fait de travailler au développement de la démocratie, d'une
5 société démocratique?
6 Réponse: Cela est le fruit de mon interprétation libre.
7 Question: C'est la façon dont vous voyez les objectifs du SDA, n'est-ce
8 pas?
9 Réponse: C'était l'un des objectifs.
10 Question: Et en tant que président, il s'agissait d'objectifs que vous
11 vous deviez de traduire dans les faits?
12 Réponse: Oui, absolument.
13 Question: J'aurais aimé vous demander ce que vous entendiez par…
14 Il s'agit de la page 4 de votre déclaration; je ne sais pas à quelle page
15 cela correspondant dans la version en serbo-croate.
16 Dans la version anglaise, en bas de la page 4, on voit et -je cite-:
17 "Nous, les Bosniens…" Il s'agit là du développement du parti du SDA- -je
18 cite-: "Nous, les Bosniens, avons eu la première possibilité d'exprimer
19 notre appartenance nationale depuis 70 ans; pour la première fois, depuis
20 70 ans, nous avons eu cette possibilité."
21 Réponse: Pourriez-vous me dire de quel paragraphe il s'agit?
22 Question: Il s'agit d'une partie intitulée "Le SDA de Banja Luka"; c'est
23 la page 4 de la version en anglais.
24 Réponse: Oui, j'ai trouvé. Merci. Merci beaucoup, j'ai trouvé.
25 Quelle était votre question, Monsieur?
Page 1616
1 Question: Que vouliez-vous dire par là? Quel message souhaitiez-vous faire
2 passer au moment où vous avez dit, en rapport avec le SDA -et je cite-:
3 "Pour nous, Bosniens, c'était la première possibilité depuis 70 ans
4 d'exprimer notre nationalité"?
5 Réponse: Eh bien, au sein de la première Yougoslavie, comme vous le savez,
6 nous n'avions pas le droit de nous déclarer Bosniens.
7 Dans la deuxième Yougoslavie -même si à Mrkonjic Grad, à la réunion de
8 tous les représentants en 1943, à la réunion de tous les représentants du
9 peuple yougoslave, les Bosniens étaient représentés et, de facto, à cette
10 réunion-là, si j'ai bien compris, de façon implicite, on a reconnu cette
11 nationalité. Mais dans la nouvelle Yougoslavie, dans la Yougoslavie
12 communiste, nous n'avions pas le droit concrètement de nous déclarer
13 Bosniens. Nous n'avons obtenu ce droit que par la suite, même si, dans
14 l'intervalle, comme vous n'êtes pas sans le savoir, on nous a désignés
15 sous le terme de Musulmans.
16 Par conséquent, j'ai estimé qu'il s'agissait là de cette période qui
17 s'était écoulée et que ce n'est qu'à ce moment-là que nous avions reçu le
18 droit de nous désigner par le terme qui nous était le plus proche
19 historiquement et qui nous appartenait en tant que citoyens de Bosnie-
20 Herzégovine.
21 Question: Par conséquent, vous n'aviez pas le droit d'utiliser le terme de
22 Bosnien jusqu'à la création du SDA?
23 Réponse: Non, nous ne pouvions pas utiliser ce terme. Peut-être de façon
24 officieuse mais, officiellement, non, nous n'avions pas le droit.
25 Question: Est-ce qu'une sorte de loi vous empêchait de vous appeler
Page 1617
1 Bosniens?
2 Réponse: Vous savez que, dans la Yougoslavie communiste, en Bosnie-
3 Herzégovine, nous avions trois possibilités de nous désigner: Croate,
4 Serbe, Yougoslave ou indéfini. Comme vous le savez, un grand nombre de
5 Musulmans, en Bosnie-Herzégovine, ont choisi de s'appeler "indéfinis
6 Yougoslaves".
7 Je ne suis pas historien, je ne suis pas prêt à ce type de débat, mais je
8 crois que ce n'est qu'en 1955, ou plus tard, que nous avons reçu le droit
9 de nous déclarer comme étant … -enfin, peut-être que c'était même plus
10 tard donc de nous déclarer comme étant Musulmans. Nous préférions nous
11 dire "Musulmans", même si cela n'était pas notre nom historique. C'était
12 uniquement, à mon avis, une façon non appropriée de désigner les Bosniens
13 de Bosnie-Herzégovine et l'on évitait que l'on puisse utiliser ce terme
14 "Bosniens".
15 Or c'est un terme historique qui nous rattache à notre patrie, la Bosnie.
16 Quant à nos croyances religieuses, cela n'est pas pertinent lorsque la
17 patrie et l'appartenance à une patrie est en question.
18 Question: Je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'au moment
19 de la Constitution de 1974, vous aviez la possibilité de vous déclarer
20 comme Musulmans au moins?
21 Réponse: Oui, mais personne ne nous a consultés lorsqu'on a choisi ce
22 terme. Un référendum ne nous a pas permis de choisir ce terme et nous
23 n'avions même pas de représentants véritables qui auraient pu nous
24 représenter pour cette question.
25 Question: En 1974, le système de la clef était en vigueur et il y avait
Page 1618
1 une représentation proportionnelle de toutes les nationalités de la
2 Yougoslavie dans les assemblées. Vous aviez un certain nombre de députés
3 dans les assemblées qui reflétaient la population musulmane de la
4 Yougoslavie et de la Bosnie-Herzégovine; ce qui était le cas en
5 Yougoslavie depuis sa création, au lendemain de la Deuxième Guerre
6 mondiale: est-ce exact?
7 Réponse: Je vous ai dit que le parti communiste faisait en sorte qu'en
8 fonction du nom, en fonction de l'origine, une représentation
9 proportionnelle de toutes les nationalités soit assurée de façon relative.
10 Très souvent, on tenait compte du nom et non pas de la conviction de la
11 personne en termes d'appartenance. Comme vous le savez, parfois, une
12 personne qui pouvait porter le même nom et le même prénom pouvait se
13 déclarer comme n'étant pas de la même nationalité. Le système de clef
14 était donc en vigueur, mais il s'agissait d'une sorte de mascarade, pour
15 utiliser un terme peut-être péjoratif.
16 A l'époque, les conditions étaient telles -enfin, nous savons en quoi
17 consistait le système communiste-, à l'époque, on pouvait, dans une
18 certaine mesure, se contenter de cela, car vous aviez la possibilité tout
19 de même de vous déclarer dans un sens ou dans l'autre.
20 Question: Etes-vous en train de dire qu'au moment où vous avez fait cette
21 déclaration à laquelle j'ai fait allusion -"Pour nous, Bosniens, c'était
22 la première possibilité, depuis 70 ans, d'exprimer notre nationalité"-,
23 est-ce que vous êtes en train de me dire que, dans cette déclaration
24 préalable, vous êtes en train de dire uniquement qu'après 70 ans, pour la
25 première fois, vous aviez le droit de vous déclarer comme étant des
Page 1619
1 Bosniens?
2 Réponse: Ce que j'avais à l'esprit, c'est que les Bosniens, même pendant
3 l'Autriche-Hongrie, avaient le droit de s'appeler Bosniens mais, après
4 l'avènement de la Yougoslavie royale, puis pendant une grande partie du
5 régime communiste, et donc auparavant pendant la période monarchique, ils
6 n'avaient pas ce droit. Cela représente, plus ou moins, cette durée.
7 Question: Vous vous souvenez certainement du recensement qui a été
8 organisé en 1991. Comment a-t-on permis aux Musulmans de se définir dans
9 ce recensement, en 1991?
10 M. Krzic (interprétation): Je crois qu'une immense majorité s'est définie
11 -enfin, je ne souhaite pas citer des chiffres; je laisse le soin de le
12 faire à ceux qui ont des données plus précises-, mais je crois savoir que
13 les Bosniens se sont essentiellement définis comme Musulmans. Il s'agit là
14 du premier recensement où ils ont eu la possibilité de le faire.
15 M. Ackerman (interprétation): Dans la phrase suivante, après que vous avez
16 dit que c'était la première possibilité pour les Bosniens d'exprimer leur
17 appartenance nationale depuis 70 ans, dans la phrase suivante, vous dites
18 -et je cite-: "Nous pensions qu'il s'agissait d'une chance qui nous était
19 accordée par l'Occident".
20 Qu'est-ce que cela veut dire?
21 M. le Président (interprétation): Avant que M. Krzic ne réponde à la
22 question, j'aurais aimé demander à Me Ackerman ce qu'il essaie de prouver
23 par cette série de questions.
24 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'essaie de savoir ce
25 qu'il voulait dire au moment où il a fait ces déclarations.
Page 1620
1 M. le Président (interprétation): Mais pour ce procès précis, quelle est
2 la pertinence?
3 M. Ackerman (interprétation): La pertinence a trait à la crédibilité du
4 témoin, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai de
6 répondre à cette question et nous verrons ensuite ce qu'il en est des
7 questions qui suivront, éventuellement.
8 M. Krzic (interprétation): Je vous donne bien entendu mon point de vue.
9 Par ailleurs, vous devez savoir que cela figure dans un livre qui a été
10 écrit très rapidement, sans avoir consulté des données précises; il
11 s'agissait des données que j'avais en ma possession. Et ce que je voulais
12 dire par là, c'est qu'en Occident, et notamment en Europe occidentale et
13 aux Etats-Unis d'Amérique, la question de cette autodétermination
14 nationale et de cette définition nationale avait été réglée depuis
15 longtemps. Et cela ne posait pas problème: personne n'était menacé par le
16 fait que les cultures nationales étaient respectées et cela se faisait en
17 toute liberté, sans représenter un danger pour quiconque.
18 Voilà ce que je voulais dire.
19 M. Ackerman (interprétation): Maintenant, j'aimerais passer à un sujet
20 différent.
21 Lundi, dans ce prétoire, M. Koumjian vous a posé des questions sur la
22 période que vous avez passée à la présidence du SDA de Banja Luka. Dans
23 votre réponse, à la lecture du compte rendu d'audience, je vois la façon
24 dont vous avez décrit le moment où vous avez quitté la présidence du SDA
25 de Banja Luka -je cite-: "Plusieurs membres du conseil exécutif du SDA de
Page 1621
1 Banja Luka et certains députés du SDA de Banja Luka ont convoqué une
2 réunion à Sarajevo et, pendant cette réunion, la direction du parti a été
3 confiée à une autre personne".
4 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela dans votre déposition?
5 M. le Président (interprétation): Un instant, Maître Ackerman.
6 Monsieur Koumjian?
7 M. Koumjian (interprétation): De façon à ce que les deux parties puissent
8 suivre les débats, je demanderai à ce que l'on cite le numéro de la page
9 du compte rendu d'audience si une page de ce compte rendu est citée.
10 M. le Président (interprétation): Ce commentaire est tout à fait normal,
11 Monsieur Koumjian.
12 Les comptes rendus d'audience… Ce compte rendu d'audience n'est pas encore
13 officiel, mais le deviendra un jour.
14 Maître Ackerman, quelle est la page de ce projet de compte rendu
15 d'audience où vous avez trouvé l'extrait dont vous avez donné lecture?
16 M. Ackerman (interprétation): Page 1414, Monsieur le Président, lignes 16
17 à 19.
18 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Ackerman, et merci à vous
19 également, Monsieur Koumjian.
20 M. Ackerman (interprétation): Vous vous rappelez cela? Comment se fait-il
21 que la direction du parti a été confiée à une autre personne? Etiez-vous
22 candidat?
23 M. Krzic (interprétation): Bien. Je vais vous expliquer les choses très
24 simplement.
25 J'avais déjà des fonctions officielles, avec mon lieu de travail à
Page 1622
1 Londres, de sorte que, pour des raisons tout à fait pratiques, je ne
2 pouvais pas participer au travail du parti. D'autre part, j'avais une
3 profession et il n'était pas acceptable, à l'époque, que je dirige en même
4 temps le parti alors que j'exerçais ma profession, si c'est cela que vous
5 vouliez savoir.
6 Question: Donc avez-vous conseillé à ce groupe de personnes ce qu'il
7 convenait de faire en leur disant, par exemple, que vous ne vous
8 intéressiez pas à continuer à exercer la présidence du SDA de Banja Luka?
9 Réponse: Eh bien, j'ai tiré profit de ma visite à Sarajevo pour réunir les
10 membres du conseil exécutif -car c'est bien de cet organe qu'il s'agit-
11 pour voir si quelque chose pouvait être fait sur le territoire libre de
12 Bosnie-Herzégovine.
13 Question: Et en même temps, vous avez démissionné de votre poste de
14 président du SDA de Banja Luka, si j'ai bien compris?
15 Réponse: Dans les faits, oui.
16 Question: Je vous demanderai de vous référer au dernier paragraphe de la
17 page 5, les deux dernières lignes de ce paragraphe de votre déclaration,
18 où vous dites -je cite-: "En 1993, j'ai été élu à bulletin secret
19 président du conseil régional du territoire occupé de Krajina bosniaque."
20 Vous avez trouvé ce passage?
21 Réponse: Oui.
22 Question: J'ai plusieurs questions à vous poser au sujet de ce passage.
23 En anglais, les mots "secretly elected" figurent dans le texte. Que
24 voulez-vous dire par là?
25 Réponse: Je l'ai déjà dit, un accord avait été élaboré au sein du SDA
Page 1623
1 selon lequel nous devions officiellement, nous représentants de Banja
2 Luka, nous devions nous proclamer officiellement conseil régional du SDA.
3 En effet, les membres des autres conseils existants dans d'autres villes
4 s'étaient enfuis ou avaient été tués. Donc nous avons pensé que c'était la
5 seule manière pour nous d'être protégés –peut-être était-ce une erreur-,
6 mais nous avons pensé que la seule protection que nous pouvions avoir
7 contre le risque de mort était d'exercer une fonction officielle.
8 Autrement dit, en cas d'arrestation, selon notre habitude, nous avions
9 l'intention d'annoncer au public que monsieur Untel ou Untel avait été
10 arrêté, et au cas où cet homme exerçait une fonction officielle, nous
11 pouvions ajouter qu'il était président ou membre du conseil régional.
12 Dans mon cas, il eût été possible de dire que j'étais président du conseil
13 régional du SDA. Nous pensions que le fait d'exercer une fonction
14 officielle aurait au moins pu appeler l'attention de la communauté
15 internationale sur le sort de telle ou telle personne arrêtée et que cela
16 pouvait lui sauver la vie.
17 Ce n'était pas un acte qui avait une quelconque validité juridique, mais
18 nous parlons ici de conditions de vie concentrationnaires.
19 Question: J'aimerais revenir à la question que je vous ai posée tout à
20 l'heure.
21 Pouvez-vous relire le passage du compte rendu d'audience qui figure encore
22 sur l'écran? Vous voyez ce qui est à l'écran, Monsieur Krzic?
23 Réponse: Je le suis de temps en temps, le compte rendu à l'écran, mais
24 assez peu souvent.
25 Question: Ma question était la suivante: que vouliez-vous dire par les
Page 1624
1 mots "secretly elected", en anglais, secrètement élu?
2 Réponse: Nous ne l'avons pas annoncé dans un média quelconque. Nous ne
3 voulions utiliser cette possibilité qu'en cas d'arrestation.
4 Question: Merci de cette réponse. Lorsque vous parlez des territoires
5 occupés de la Krajina bosniaque, quels étaient les territoires précis que
6 vous considériez comme répondant à la définition de "territoires occupés
7 de la Krajina bosniaque"?
8 Réponse: Eh bien, je vous dirais qu'il s'agissait du territoire ou des
9 territoires qui étaient sous le contrôle de l'armée serbe ou de l'armée de
10 la Republika Srpska, comme on l'appelait.
11 Question: Donc je suppose que la municipalité de Banja Luka, par exemple,
12 vous la situeriez dans ces territoires occupés?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Donc, en fait, ce que vous avez fait en 1993 a consisté à créer
15 une organisation régionale du SDA dans une espèce de région autonome du
16 SDA, en secret?
17 Réponse: Comme vous pouvez le constater, il n'est pas question dans toute
18 cette affaire de représentants du peuple; il est question d'opposants,
19 d'un petit groupe de personnes qui, sur un territoire assez réduit, a pris
20 des décisions destinées à épargner leur vie.
21 Ceci n'a pas été rendu public mais, comme vous pouvez le voir à la lecture
22 du document, ceci a été annoncé aux membres du SDA pour leur expliquer ce
23 que nous étions en train de faire. Ce que nous voulions, c'est simplement
24 être en mesure un jour de dire aux journalistes: "Voilà, c'est un
25 fonctionnaire, un permanent politique et il faut le sauver."
Page 1625
1 C'était une mesure qui était destinée à la presse parce qu'il était
2 impossible d'envisager des interventions de ce genre pour tout habitant de
3 Banja Luka. Et nous n'en avons rien dit, ni oralement ni par écrit. Notre
4 seul objectif était de nous autoproclamer membres d'un organe politique
5 inexistant en vue de renforcer notre sécurité personnelle.
6 Question: J'aimerais maintenant que nous passions à la page 13 de votre
7 déclaration. Nous parlerons d'un autre sujet. Lorsque je dis "page 13", je
8 pense à la version anglaise.
9 Si vous prenez le dernier paragraphe de cette page, à peu près au milieu
10 de ce dernier paragraphe, vous dites, parlant du moment où vous avez été
11 arrêté: "Il ne fait aucun doute que la direction du centre de sécurité
12 publique savait que je me trouvais dans les locaux de ces services de
13 sécurité et que j'étais en train d'être interrogé et torturé".
14 Vous avez trouvé ce passage?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Qui étaient les dirigeants du CSB, centre de sécurité publique
17 dont vous parlez ici?
18 Réponse: Il s'agit du bâtiment du SUP, dans lequel, pour autant que je le
19 sache, les services de sécurité étaient logés également. J'étais convaincu
20 que le chef de ce service de sécurité, ainsi que M. Zupljanin, le chef du
21 SUP, était au courant.
22 Question: Qui d'autre faisait partie des dirigeants? Vous me paraissez
23 parler au pluriel dans cette phrase et pas au singulier?
24 Réponse: Je ne me souviens pas des autres personnes. Si vous faites
25 référence à ces collaborateurs, je ne saurais vous donner leurs noms
Page 1626
1 précis. Mais lorsque je disais "direction", dans mon esprit, ce terme
2 recouvrait également les officiers de rang inférieur car, comme je l'ai
3 d'ailleurs déjà dit ici, il me paraissait impossible qu'une telle
4 information passe inaperçue.
5 Question: Donc lorsque vous utilisez le terme "direction du CSB", vous
6 voulez parler des officiers de rang inférieur des services de sécurité?
7 Réponse: A eux également, je pense à eux également.
8 Question: De quelle information disposiez-vous, puisque vous dites "Il ne
9 fait aucun doute", de quelle information disposiez-vous qui vous eût
10 permis de penser que les dirigeants de haut niveau du CSB savaient que
11 vous étiez dans ce bâtiment?
12 Réponse: Eh bien, parce que l'un des policiers, qui était officier
13 d'ailleurs, était présent au moment de mon arrestation. A un certain
14 moment, je lui avais demandé d'ailleurs de prévenir l'avocat, Me Bojanic,
15 qui était ancien dirigeant du SDA. Je l'ai dit à des policiers.
16 Par ailleurs, l'information s'est propagée dans toute la ville; il était
17 impossible qu'il ne le sache pas. Le soir même, il en a été question dans
18 les médias, dans les moyens d'information que tout le monde écoutait.
19 Finalement, je dois vous dire que, pendant toute la durée de ces tortures,
20 il m'a été ouvertement annoncé que Karadzic lui-même était au courant de
21 mon arrestation.
22 Question: Merci. Mais la phrase à laquelle je vous ai renvoyé était la
23 suivante, je répète: "Il ne fait aucun doute que la direction du CSB
24 savait que j'étais dans les locaux du CSB et que j'étais en train d'être
25 interrogé et torturé." Vous parlez du moment où vous étiez à cet endroit
Page 1627
1 en disant: "Il ne fait aucun doute qu'ils savaient que j'étais là"; je ne
2 parle pas de la période ultérieure, mais de l'époque où vous étiez dans ce
3 bâtiment.
4 De quelle preuve disposez-vous pour affirmer que Stojan Zupljanin, par
5 exemple, savait que vous étiez dans le bâtiment en train d'être torturé,
6 interrogé? De quelle preuve?
7 Réponse: Eh bien, les policiers regardaient tout ce qui se passait par la
8 fenêtre. Ils m'ont regardé aussi au moment où j'ai été emmené par deux
9 policiers dans une autre salle pour me faire tabasser. Ils étaient là tout
10 le temps. A un certain moment, je ne pouvais plus me tenir debout. Tous
11 ces policiers étaient toujours là. Donc il est impossible qu'ils ne
12 l'aient pas fait savoir à leurs supérieurs également.
13 Question: Monsieur Zupljanin n'était pas un supérieur d'un quelconque
14 policier militaire, n'est-ce pas?
15 Réponse: Je suis dans l'incapacité de répondre avec précision à une
16 question de cette nature, car je n'ai jamais eu sous les yeux un
17 quelconque document sur lequel je pourrais me fonder. Cependant, le bruit
18 courait qu'aucun événement de ce genre ne pouvait se dérouler sans que M.
19 Zupljanin ne soit au courant.
20 Question: Donc vous affirmez, n'est-ce pas, que vous êtes dans la
21 possibilité de dire: "Il ne fait aucun doute qu'il savait que vous étiez
22 présent dans les lieux, à ce moment-là", et ce, parce que des officiers de
23 police vous regardaient. A vos yeux, c'est là une preuve suffisante
24 démontrant qu'il était sans aucun doute au courant, n'est-ce pas?
25 Réponse: Puisque ces tortures ont duré toute la journée, dans les locaux
Page 1628
1 du SUP, avec toutes sortes de montées à l'étage, de descentes au rez-de-
2 chaussée, avec des changements de policiers assez nombreux, il me
3 paraissait évident qu'il le savait. D'autant plus que des policiers et des
4 militaires parlaient très fort dans la cour, à l'extérieur, de l'autre
5 côté des fenêtres, en disant: "Est-ce que vous savez ce qui nous arrive?"
6 Et ils ont mentionné mon nom, en disant que j'avais été arrêté. C'était
7 donc quelque chose de tout à fait bien connu.
8 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je crois qu'il est
9 temps de passer à autre chose. Je crois que le témoin a abondamment
10 répondu à cette question que vous lui avez posée.
11 M. Ackerman (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.
12 Tout à fait en bas de cette même page, vous parlez de vous comme "d'un
13 homme qui s'est élevé contre les Chetniks". Je suppose que vous faites
14 référence à la période dont nous parlons ici et pas à la Deuxième Guerre
15 mondiale?
16 M. Krzic (interprétation): Je vous prie de m'excuser, il faut que je
17 regarde ce qui est écrit dans la version bosniaque.
18 M. Ackerman (interprétation): Faites-le, je vous en prie. Vous n'avez pas
19 à vous excuser.
20 M. Koumjian (interprétation): Je vais vous expliquer. Je crois que la
21 numérotation des pages est peut-être différente, car cette première
22 déclaration a été faite dans un format un peu différent et il n'est plus
23 dans notre ordinateur. Je sais que moi, j'avais une pagination un peu
24 différente.
25 M. le Président (interprétation): Mais nous parlons du même paragraphe.
Page 1629
1 Donc il ne devrait pas y avoir de difficulté.
2 Monsieur Krzic, il s'agit du même paragraphe que celui d'où Me Ackerman a
3 sorti la petite phrase qu'il vous a citée tout à l'heure au sujet de la
4 direction du CSB. Simplement, c'est deux phrases plus bas.
5 (Le témoin cherche.)
6 M. Krzic (interprétation): Excusez-moi, j'ai des problèmes pour trouver
7 cette phrase.
8 M. Ackerman (interprétation): Le titre du passage, Monsieur Krzic.
9 M. Krzic (interprétation): J'ai trouvé, j'ai trouvé!
10 Vous m'avez posé une question qui incluait le mot "Chetnik" mais, excusez-
11 moi, je ne m'en souviens pas.
12 Question: Je vais vous lire toute la phrase de façon à vous replacer ce
13 passage dans son contexte.
14 Je cite: "Je pense absolument que la direction du CSB était informée
15 depuis le début; dans le cas contraire, ils m'auraient tué immédiatement".
16 Et ensuite, arrive le passage auquel je m'intéresse: "…car j'étais un
17 homme qui s'était élevé contre les Chetniks" (Fin de citation.)
18 Que vouliez-vous dire par ces mots: "J'étais un homme qui s'était élevé
19 contre les Chetniks"?
20 Réponse: Je parlais publiquement des crimes et les auteurs de ces crimes
21 admettaient tout à fait ouvertement et publiquement qu'ils se désignaient
22 sous le nom de Chetniks. Il était bien connu, dans la ville de Banja Luka,
23 qu'ils étaient les successeurs de la tradition des Chetniks. Je parlais,
24 pour ma part, tout à fait ouvertement des crimes qui avaient été commis et
25 je pouvais en déduire que je risquais d'être immédiatement liquidé si eux
Page 1630
1 tenaient mon sort entre leurs mains.
2 Les soldats qui m'entouraient me disaient fréquemment qu'ils étaient des
3 Chetniks et je pense que j'étais en droit de tirer cette conclusion.
4 M. Ackerman (interprétation): Monsieur Koumjian, pendant l'interrogatoire
5 principal -lundi, je crois-, vous a interrogé au sujet des licenciements
6 qui, entre avril et décembre 1992, ont affecté les non-Serbes de Banja
7 Luka. Selon ce que vous nous avez dit, la plupart des juges non-serbes ont
8 perdu leur poste pendant cette période.
9 Vous vous rappelez avoir dit cela?
10 Réponse: J'ai dit que les licenciements avaient également affecté le
11 Tribunal et j'ai ajouté que c'étaient des non-Serbes qui avaient été
12 licenciés. Et j'ai dit que, dans certains cas, ces mesures avaient touché
13 des Serbes qui étaient mariés avec des non-Serbes notamment.
14 Question: Le SDA était un parti qui représentait 13 à 14 % de la
15 population de Banja Luka, n'est-ce pas?
16 Réponse: Il représentait 13 à 14 % des électeurs.
17 Question: Oui.
18 Connaissez-vous un juge dont le nom était Jankovic et qui avait pris ses
19 fonctions en 1991?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Quelle était la nationalité de M. le juge Jankovic?
22 Réponse: Je crois qu'il est serbe.
23 Question: Sa candidature à la nomination à un poste de juge avait obtenu
24 le soutien du SDA, n'est-ce pas?
25 Réponse: Je ne suis pas en mesure de l'affirmer. La seule chose dont je me
Page 1631
1 souvienne, s'agissant de cette élection, c'est que certains membres du SDA
2 étaient contre. Mais ont-ils voté? J'aurais la plus grande difficulté à
3 l'affirmer.
4 Question: J'aimerais à présent vous renvoyer à la page 18 de votre rapport
5 -pas de votre livre, mais de votre rapport-, le premier texte auquel nous
6 avons fait référence. Page 18.
7 Réponse: Version anglaise, n'est-ce pas?
8 Question: Oui, j'ai sous les yeux la version anglaise.
9 Réponse: Oui, j'ai trouvé cette page.
10 Question: L'interprète signale qu'il s'agit de la déclaration préalable du
11 témoin.
12 A peu près à la moitié de la page, il y a un paragraphe qui commence par
13 les mots "Monsieur Jankovic" et vous dites à cet endroit -je cite-:
14 "Monsieur Jankovic a été nommé juge par l'assemblée municipale en 1991, il
15 a demandé le soutien du SDA. Il a obtenu ce soutien et a été nommé Juge au
16 Tribunal municipal."
17 M. Krzic (interprétation): J'ai déjà dit que c'est ce qui a été décidé,
18 mais 100% des membres n'étaient pas convaincus.
19 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, nous allons revenir à ce que je
20 vous demandais au début.
21 Dans vos déclarations, vous avez juré que vous diriez la vérité et vous
22 avez répondu à ma question en disant que tout ce qui figurait dans ces
23 déclarations était absolument vrai. Donc ceci est vrai également, n'est-ce
24 pas?
25 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, objection! Il s'agit
Page 1632
1 d'une discussion argumentative avec le témoin.
2 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman, ne pensez-vous pas
3 que l'objection doit être acceptée?
4 M. Ackerman (interprétation): Je pense que c'est probablement le cas,
5 Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation): Donc objection retenue.
7 M. Ackerman (interprétation): Je pense que je l'aurais retenue si j'avais
8 été à votre place.
9 M. le Président (interprétation): Exactement. Donc M. le Témoin n'a pas
10 besoin de répondre à cette question.
11 Maître Ackerman va vous poser encore quelques questions avant que nous ne
12 suspendions, à moins que, Maître Ackerman, vous ne souhaitiez vous arrêter
13 là et poursuivre plus tard?
14 M. Ackerman (interprétation): Je pense que l'un ou l'autre me convient
15 tout aussi bien, Monsieur le Président. Je pourrai finir.
16 M. le Président (interprétation): Très bien, veuillez procéder.
17 M. Ackerman (interprétation): Il est donc exact, n'est-ce pas, que tout ce
18 que vous avez dit dans votre déclaration et que vous répétez aujourd'hui
19 est absolument certain?
20 M. Krzic (interprétation): Ecoutez-moi, je vous prie. J'ai fait cette
21 déclaration en référence à un élément tout à fait pertinent qui a eu lieu,
22 à savoir le massacre qui s'est produit sur le mont Vlasic.
23 Donc lorsque je parle des juges qui ont participé aux enquêtes relatives à
24 ce massacre du mont Vlasic, il y en a un qui m'a demandé si je connaissais
25 le Juge Jankovic; j'ai dit ce que je savais, je n'ai pas dit une
Page 1633
1 contrevérité.
2 Question: En fait, Monsieur Krzic, ce que vous dites, c'est que M.
3 Jankovic, qui était juge d'instruction chargé de ce qui s'était passé sur
4 le mont Vlasic, bien qu'officiellement, il ait eu le titre de juge...
5 Réponse: Je pense que...
6 Question: Je n'ai pas fini ma question. …bien qu'officiellement, il ait eu
7 le titre de juge, n'a pas agi en toute indépendance, car il était de facto
8 sous le contrôle de M. Zupljanin. C'est bien cela que vous essayez de
9 dire, n'est-ce pas?
10 Réponse: Ce que je voulais dire, c'est que selon les informations dont je
11 disposais -et il faut savoir que je ne suis pas juriste et je n'ai jamais
12 travaillé dans des institutions de nature judiciaire-, donc, selon les
13 informations dont je dispose, un juge d'instruction aurait dû participer
14 physiquement à l'enquête, aller sur les lieux, si l'on pense à ce qu'il
15 est courant de voir dans les services officiels.
16 La situation à Banja Luka était telle à l'époque qu'il n'aurait pas pu le
17 faire sans avoir au préalable consulté les responsables de plus haut
18 niveau de la police. Or se comporter de la sorte n'aurait pas été tout à
19 fait régulier, éventuellement, compte tenu des règlements en vigueur à
20 l'époque. Donc ces policiers auraient aussi bien pu lui dire, lui ordonner
21 de ne pas y aller.
22 Voilà mon avis personnel, parce que tout le monde savait bien qu'à
23 l'époque, agir de la sorte eût été très dangereux, mais désobéir à un
24 ordre également.
25 Je crois, pour autant que je m'en souvienne -je ne suis pas un expert en
Page 1634
1 la matière-, que le procureur public était l'homme qui donnait les ordres
2 dans l'ancien système communiste. Si, entre-temps, des réglementations
3 différentes ont été adoptées, s'agissant de la hiérarchie, je ne suis pas
4 au courant, mais il est impossible qu'il se soit rendu sur le site d'un
5 massacre commis contre les non-Serbes sans avoir bénéficié, sans avoir eu
6 l'agrément officiel de ses supérieurs. A moins bien sûr qu'il se soit agi
7 d'un homme exceptionnellement brave, d'un héros prêt à risquer sa vie.
8 Mais, dans ce cas, nous serions dans une situation tout à fait différente.
9 M. Ackerman (interprétation): Je crois que nous pouvons faire la pause
10 maintenant.
11 M. le Président (interprétation): Pause de 25 minutes. Nous reprenons nos
12 travaux à 12 heures 55.
13 (L'audience, suspendue à 12 heures 32, est reprise à 13 heures.)
14 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
15 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?
16 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je voudrais
17 soulever deux questions brèves de nature administrative, et ce, à la fin
18 de la procédure. Donc je voudrais demander à Me Ackerman de bien vouloir
19 terminer cinq minutes avant. Je serai vraiment courte.
20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame Korner.
21 Faites entrer, je vous prie, le témoin.
22 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)
23 M. le Président (interprétation): Oui, Maître de Roux?
24 M. de Roux: Je voudrais dire que je me suis entretenu avec le général
25 Talic de sa défense, puisque je ne serai pas là mercredi 13, et il
Page 1635
1 souhaite que Me Natasha Fauveau soit son coconseil et soit présente à la
2 barre. Mercredi, j'entends.
3 M. le Président (interprétation): Mettons un peu de côté maintenant, pour
4 le moment, ces questions de formalités pour savoir si elle peut être
5 coconseil ou pas, étant donné qu'elle ne peut pas être coconseil ou
6 qu'elle ne peut être acceptée ou décrite comme coconseil, étant donné
7 qu'elle n'a pas été enregistrée comme coconseil dans cette affaire. Mais
8 dans le cas où il y aurait une déclaration par le général Talic qui dirait
9 qu'il ne verrait pas d'objection à ce que mercredi, lorsque nous
10 reprendrons nos travaux, il soit représenté par Mme Fauveau, eh bien, nous
11 aurions cela au compte rendu d'audience. Mais elle ne peut pas être
12 considérée comme coconseil parce que…
13 Malheureusement, elle ne peut pas. Comme vous l'avez dit, pendant votre
14 absence, Mme Fauveau a fait un travail fantastique et M. le général Talic
15 a été bien représenté pendant ce temps-là.
16 Oui, Monsieur Krzic, vous pouvez vous asseoir.
17 Oui, Monsieur le général Talic? Vous avez certainement entendu ce que
18 votre conseil de la défense, M. de Roux, a dit?
19 M. Talic (interprétation): Je n'ai rien contre le fait d'être représenté
20 par Mme Natasha et je dirais même que je suis d'accord.
21 M. le Président (interprétation): Ok, merci.
22 Monsieur Ackerman, je vous prie de continuer.
23 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
24 Monsieur Krzic, avant la pause, nous étions en train de nous entretenir du
25 bas de la page 18 de votre déposition.
Page 1636
1 Vous dites, je crois, qu'il s'agit de la sixième ligne à partir du bas. Et
2 cela a quelque chose à voir avec la question afférente au juge Jankovic.
3 On dit que, constitutionnellement, il ne pouvait pas assumer des fonctions
4 telles que prévues pour un Juge, à l'époque. Et je crois que vous aviez,
5 vous référant à cette époque-là, dit qu'il y avait un système
6 constitutionnel et un système de facto. C'était bien le cas, n'est-ce pas?
7 Vous ne pouviez pas toujours déterminer qui est-ce qui avait certaines
8 compétences ou attributions, partant de son titre ou de fonction occupée,
9 étant donné qu'il y avait un système de pouvoir de facto qui avait été mis
10 en place pendant cette période de temps-là, n'est-ce pas?
11 M. Krzic (interprétation): Oui, mais pas d'une manière générale.
12 Question: Pour être concret, cela avait été le cas dans certaines
13 situations, n'est-ce pas?
14 Réponse: Dans certaines situations, oui.
15 Question: Je voudrais que nous passions maintenant à la page suivante de
16 votre déposition. On y retrouve une partie qui porte le titre, l'intitulé:
17 "Monsieur Brdanin". Et vers la fin du premier paragraphe, parlant de M.
18 Brdanin, vous dites: "Son père avait été un criminel de guerre pendant la
19 Deuxième Guerre mondiale ".
20 Quelles sont les preuves dont vous disposez à ce sujet?
21 Réponse: Cela avait été une information de notoriété générale.
22 M. Ackerman (interprétation): De notoriété parmi qui?
23 M. Krzic (interprétation): Parmi les citoyens-mêmes de Celinac. On disait
24 que son père avait été sanctionné parce qu'ayant appartenu aux effectifs
25 des Chetniks pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Page 1637
1 Question: Si vous vous penchez sur la deuxième page -et je me réfère au
2 tout début du premier paragraphe-, vous pouvez voir que vous avez déclaré
3 que "M. Brdanin était devenu membre de l'assemblée de Banja Luka".
4 Vous voyez cette partie-là?
5 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Ackerman, est-ce que vous êtes en
6 train de parler de la page 20?
7 M. Ackerman (interprétation): Oui, je parle de la page 20. Et je ne parle
8 pas du premier paragraphe entier, mais je parle de la partie qui se trouve
9 vers la moitié de ce premier paragraphe. Avez-vous retrouvé cette partie?
10 M. Krzic (interprétation): C'est à moi que vous posez la question?
11 Question: Oui.
12 Réponse: Excusez-moi, j'ai retrouvé le passage, mais je ne savais pas que
13 c'était à moi que vous posiez la question.
14 Question: Donc il est vrai qu'il avait été membre de l'assemblée
15 municipale de Banja Luka?
16 Réponse: Oui. Je ne puis l'affirmer à 100%, parce qu'à la maison de la
17 culture de Banja Luka, où avaient eu lieu les sessions de l'assemblée
18 municipale, il y avait des sessions de l'assemblée municipale à différents
19 niveaux. Ce qui fait que, si M. Brdanin avait déménagé vers Banja Luka, il
20 avait pu être membre de cette assemblée.
21 Deuxièmement, il s'agit là d'une période où nous n'avions déjà plus pris
22 part aux activités de l'assemblée de Banja Luka, ce qui fait que nos
23 informations relatives à certaines nominations ou élections n'étaient que
24 fort limitées.
25 Question: Mais j'avais en tête, ici, en premier lieu, le fait qu'il avait
Page 1638
1 été membre de l'assemblée de la Republika Srpska et, pour autant que je le
2 sache, il avait été membre de l'assemblée au niveau de la Bosnie-
3 Herzégovine.
4 Question: La question que je vous avais posée est la suivante: vous avez
5 dit qu'il avait été membre de l'assemblée municipale de Banja Luka. Avez-
6 vous, entre-temps, appris, donc depuis la période où vous avez donné cette
7 déposition, avez-vous appris quelle avait été la vérité ou si cela n'avait
8 pas été vrai? Est-ce que vous croyez toujours que cela était vrai?
9 Réponse: Cela est possible. Il est possible que M. Brdanin ait déménagé
10 vers Banja Luka et que des élections aient eu lieu. Je l'y ai vu souvent.
11 Je l'y avais même vu avant aussi, avant cette période. Aussi ai-je eu
12 cette impression, non seulement pour lui, mais pour d'autres personnes.
13 Mais je ne puis rien affirmer pour sûr, étant donné que je n'ai aucun
14 document me disant que telle ou telle autre personne avait été ou n'avait
15 pas été membre de cette assemblée.
16 Question: Vous avez sous les yeux une déposition que vous avez signée. Et
17 là, on ne dit pas "qu'il serait possible qu'il ait été", mais on dit
18 "qu'il avait été membre". Vous ne dites pas qu'il est possible qu'il ait
19 été, vous ne dites pas "il se peut qu'il ait été", mais vous dites "il
20 avait été", "il avait été". Et vous l'avez déclaré comme étant un fait
21 signé par vos soins.
22 Réponse: Je suis d'accord avec cette constatation.
23 Question: Merci.
24 Je vous prie maintenant de vous pencher sur le paragraphe suivant, qui
25 commence par les termes, les mots: " M. Brdanin...". Dans votre
Page 1639
1 déposition, vous avez dit que c'était un homme fort, qui était prêt à
2 faire tout ce que le docteur Karadzic ou d'autres lui demandaient de
3 faire, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Je voudrais demander au Greffe de communiquer au témoin le 34A
6 et le 34B qui sont des pièces à conviction de l'accusation.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Monsieur Krzic, j'ai demandé que l'on vous montre les notes sténographiées
9 émanant du club des députés du Parti démocratique serbe de Bosnie-
10 Herzégovine, réunion qui s'est tenue à Sarajevo, le 28 février 1992.
11 Je voudrais attirer votre attention sur la page 36 de la version anglaise.
12 Je ne saurais vous dire quelle est la page correspondante en version BCS.
13 Je vous dirai maintenant que l'intervenant est le Dr Radovan Karadzic.
14 M. Koumjian (interprétation): Juste un moment, je vous prie.
15 Monsieur le Président, si l'on pose la question que je pense que l'on
16 posera, je tiens à faire objection concernant la pertinence de la
17 question, étant donné que M. Ackerman voudra indiquer certaines
18 divergences entre MM. Karadzic et Brdanin.
19 M. le Président (interprétation): J'imagine en effet que la question sera
20 posée dans ce sens-là, mais je ne vois pas pourquoi j'appuierais votre
21 objection.
22 M. Koumjian (interprétation): Parce que M. Krzic n'était pas présent et
23 n'avait pas accès…
24 (Les interprètes ont du mal à suivre parce que le témoin feuillette les
25 papiers devant son micro.)
Page 1640
1 M. le Président (interprétation): On dit que M. Brdanin se trouvait être
2 une espèce d'animal politique très puissant. J'use de ce terme "animal"
3 non pas de façon littérale, mais pour dire qu'il s'agissait d'un homme
4 politique en puissance, qui avait décidé de suivre exactement et toujours
5 ce que le Dr Karadzic avait demandé ou souhaité le voir faire.
6 Maintenant, si l'on confronte le témoin avec des déclarations publiques de
7 M. Karadzic ou d'autres, je pense qu'il peut y avoir une pertinence.
8 M. Koumjian (interprétation): C'est la question, mais il ne s'agit pas
9 d'une déclaration publique.
10 M. le Président (interprétation): Oui, mais c'est pertinent.
11 On lui demandera maintenant en contre-interrogatoire s'il maintient la
12 déclaration qu'il avait faite initialement concernant Brdanin. Et c'est
13 une question tout à fait légitime.
14 M. Koumjian (interprétation): Je ne vais pas présenter davantage
15 d'arguments, je vois que j'ai perdu la cause. Je vais me rasseoir.
16 M. le Président (interprétation): Fort bien.
17 M. Ackerman (interprétation): Fort bien.
18 Je vous demande, Monsieur le Témoin, de vous pencher sur la page 36 de la
19 version anglaise. Je crois avoir remarqué que vous aviez retrouvé cette
20 page.
21 M. Krzic (interprétation): Je l'ai en anglais. Etant donné qu'il s'agit de
22 questions, de sujets délicats, je voudrais bien retrouver le passage en
23 langue bosnienne. Mais peut-être que, si vous m'indiquez ce que vous
24 vouliez au niveau de cette page-là, cela me serait utile.
25 (Les interprètes font savoir qu'il s'agit de la page 53 en BCS.)
Page 1641
1 M. Ackerman (interprétation): Je tiens à attirer votre attention sur la
2 déclaration de M. Karadzic concernant M. Radoslav Brdanin. Et en version
3 anglaise, on dit: "Nous sommes obligés de renoncer à toute personne qui ne
4 voudrait pas faire ce que nous avons convenu qu'il fallait faire, tant M.
5 Brdanin que d'autres. Quand "Brdjo" arrive quelque part, c'est comme si
6 une bombe était tombée à cet endroit-là: tout part en éclat. Alors, je lui
7 ai fait un clin d'œil et j'ai dit: 'Je ne permettrai pas une telle chose,
8 ni en ma qualité de psychiatre ni en ma qualité de chef du parti'."
9 On saute ensuite un paragraphe qui dit: "Il est fou, il n'est pas normal,
10 dit M. Karadzic, il ne sait pas ce qu'il peut et ce qu'il ne peut pas ou
11 ne saurait pas faire."
12 Vous voyez cette partie-là?
13 Le Dr Karadzic, en sa qualité de psychiatre, avait critiqué Brdanin. Il
14 avait dit qu'il était fou, qu'il n'était pas normal, n'est-ce pas?
15 M. Krzic (interprétation): Une minute. Oui, oui, d'après ce qui est dit,
16 ici, oui.
17 M. Ackerman (interprétation): Et suite à ce que vous venez de dire, après
18 tout ce qu'il a dit de lui, après l'avoir appelé de ces noms-là, vous
19 dites,-je cite-: "M. Brdanin était prêt à faire tout ce que Karadzic ou
20 d'autres lui demandaient de faire".
21 Est-ce que vous pensez vraiment cela?
22 M. le Président (interprétation): J'imagine maintenant quelle va être
23 votre objection et je vais la soutenir. Vous n'avez même pas à la faire.
24 Je sais exactement ce que vous allez dire.
25 Maître Ackerman, je voudrais vous suggérer de reformuler votre question.
Page 1642
1 Et vous savez fort bien à quoi je me réfère. J'entends par là qu'il a fait
2 une déclaration en 1995, dont vous lui avez donné lecture. Vous venez de
3 lui donner lecture de ce que M. Karadzic avait dit à l'occasion de cette
4 réunion au club des délégués, des députés.
5 La question évidente, c'est de savoir s'il maintiendrait sa déposition ou
6 s'il préférerait rectifier le tir. Ou peut-être pourriez-vous poser la
7 question dans ce sens, mais pas de la façon dont vous l'avez fait
8 initialement: "Est-ce que peut-être il croit toujours..."
9 M. Ackerman (interprétation): Je vais le faire. Est-ce que vous continuez
10 à dire, Monsieur Krzic, que M. Brdanin était disposé à faire tout ce que
11 M. Karadzic lui demandait de faire?
12 M. Krzic (interprétation): Oui, à une période de temps déterminée.
13 Question: Vous comprenez, n'est-ce pas, que la déclaration faite par le Dr
14 Karadzic, disant de lui qu'il était fou, date de février 1992; c'était
15 donc avant tous les événements qui font l'objet de l'Acte d'accusation ici
16 présent. Vous le savez?
17 Réponse: Oui, Monsieur, je sais aussi autre chose. En politique, il y
18 avait des sauts périlleux de faits de la sorte assez souvent. On voyait
19 devenir les meilleurs amis du monde ceux qui disaient du mal l'un de
20 l'autre auparavant.
21 Aussi votre assertion n'est-elle que très relative, comme ma déposition
22 aussi est devenue tout à fait relative.
23 Question: Dans le même paragraphe, un peu plus bas, dans la dernière
24 phrase du paragraphe, en page 20 de votre déposition, vous vous référez
25 une fois de plus à M. Brdanin et vous dites: "Il était la bonne personne
Page 1643
1 capable d'organiser les nettoyages ethniques, les camps et les
2 déportations" (Fin de citation.)
3 Vous voyez cette partie-là?
4 M. Krzic (interprétation): Oui.
5 M. Ackerman (interprétation): Avez-vous quelque preuve que ce soit –quand
6 je dis "preuve", j'entends par là autre chose que votre opinion à vous-,
7 avez-vous quelque preuve que ce soit disant que M. Brdanin a organisé, à
8 quelque moment que ce soit, des nettoyages ethniques ou a organisé des
9 camps?
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Ackerman, je ne vais pas vous
11 autoriser à poser ce type de question. Il s'agit d'une appréciation
12 personnelle d'une personne, il ne s'agit pas ici de savoir si cette
13 personne-là dispose d'une preuve ou pas. Il s'agit de savoir ce que M.
14 Krzic avait dit à cette époque-là et ce qui avait été sa conviction à
15 l'époque. Il ne s'agit donc pas maintenant de savoir s'il dispose
16 d'éléments de preuve ou pas.
17 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, mais il a fait cette
18 déposition et ma question avait été de savoir si cela est vrai ou pas; je
19 demande de justifier.
20 M. le Président (interprétation): Vous pouvez juste demander au témoin
21 s'il croyait que cette déposition était conforme à la vérité, mais vous ne
22 pouvez pas lui demander quels sont les éléments de preuve qu'il a à sa
23 disposition pour lui permettre de dire que M. Brdanin était la bonne
24 personne pour commettre tout ceci, toutes ces activités.
25 M. Ackerman (interprétation): Puis-je lui demander, Monsieur le Président,
Page 1644
1 s'il a une justification quelconque, autre que sa conviction personnelle?
2 M. le Président (interprétation): Non, non, c'est pire encore!
3 Je vois que vous avez sauté la phrase précédente et je comprends, je sais
4 très bien pourquoi vous l'avez sautée.
5 M. Ackerman (interprétation): Ecoutez, laissez-moi la retrouver. Peut-être
6 ne vais-je pas la sauter.
7 M. le Président (interprétation): Oh si!
8 M. Ackerman (interprétation): "Il s'agit d'un homme de haine qui a si peu
9 de connaissances qu'il n'a aucune possibilité de créer quoi que ce soit de
10 constructif." (Fin de citation.)
11 Est-ce que vous vous référiez à cela?
12 M. le Président (interprétation): Exactement. Il est en train de parler
13 avec la personne qui l'avait interviewé et il était en train de donner une
14 opinion personnelle au sujet de M. Brdanin, et c'est cela…
15 Et maintenant, en tant qu'avocat expérimenté, Monsieur Ackerman, vous
16 savez parfaitement bien que nous n'allons condamner personne parce qu'un
17 témoin avait cru que cette personne avait été capable d'organiser des
18 camps, des déportations ou quoi que ce soit d'autre. Nous avons besoin de
19 preuves et non pas d'opinions d'autres personnes.
20 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
21 Monsieur Krzic, je vais vous poser maintenant une question concernant ce
22 paragraphe qui commence par les termes: "Monsieur Brdanin" et qui se
23 termine par "un type morbide".
24 Vous êtes en train là, encore une fois, d'exprimer aux enquêteurs votre
25 opinion personnelle concernant M. Brdanin, n'est-ce pas?
Page 1645
1 M. Krzic (interprétation): Mon opinion personnelle se fondait tout de même
2 sur certains faits.
3 Question: Fort bien. Je poursuivrai.
4 M. Krzic (interprétation): Veuillez le faire.
5 M. Ackerman (interprétation): J'ai… Le témoin avait demandé s'il pouvait
6 poser, lui, une question.
7 M. le Président (interprétation): Eh bien, j'ai eu l'occasion, à plusieurs
8 reprises, d'entendre le témoin demander la même chose.
9 Vous êtes ici, Monsieur Krzic, pour répondre aux questions et non pas pour
10 en poser.
11 M. Krzic (interprétation): Monsieur Karadzic a justement confirmé ce que
12 j'avais dit moi-même.
13 M. le Président (interprétation): Si vous souhaitez éclaircir -et ce, de
14 façon concise- ce que vous vouliez dire, vous pouvez le faire. Mais vous
15 ne pouvez pas poser des questions à M. Ackerman, vous n'avez pas le droit
16 de le faire.
17 M. Krzic (interprétation): Je m'excuse.
18 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas vraiment un problème;
19 vous n'avez pas à vous excuser. Mais si vous souhaitez dire quelque chose
20 de plus, veuillez le faire en toute liberté.
21 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, si le témoin souhaite
22 me poser des questions après notre débat, une fois que nous serons sortis
23 de cette session, je n'ai pas d'objection.
24 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas de possibilité de le faire.
25 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas.
Page 1646
1 M. le Président (interprétation): Eh bien, ne perdons plus de temps; ce
2 temps est précieux.
3 M. Ackerman (interprétation): Je suis désolé et je vais continuer.
4 Monsieur Krzic, entre avril et décembre 1992, vous aviez fait des efforts
5 pour informer le reste du monde pour ce qui concerne des événements
6 survenus à Banja Luka, n'est-ce pas?
7 M. Krzic (interprétation): Oui.
8 Question: Et aux fins de pouvoir le faire, vous vous efforciez d'être au
9 courant de ce qui se passait à Banja Luka, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui.
11 M. Ackerman (interprétation): Vous avez suivi de façon attentive la
12 télévision, la radio et ce qui avait été publié par la presse, n'est-ce
13 pas?
14 M. Krzic (interprétation): Quand vous dites "attentivement", je préciserai
15 que cela était fonction des possibilités. Il n'y avait pas toujours de
16 l'électricité, je ne pouvais pas donc suivre toutes les émissions, je ne
17 pouvais pas toujours me procurer les journaux.
18 M. le Président (interprétation): Je m'excuse encore un moment, mais je
19 n'entends plus de traduction, d'interprétation.
20 Ah, maintenant, ça y est, j'entends l'interprète.
21 M. Ackerman (interprétation): Oui, alors donc, pour ce qui est de regarder
22 la télévision et d'écouter la radio, cela vous avait été difficile parce
23 qu'il y avait des coupures d'électricité, n'est-ce pas?
24 M. Krzic (interprétation): C'est cela.
25 Question: A combien de reprises, en 1992, y a-t-il eu des coupures de
Page 1647
1 courant?
2 Réponse: Je pense qu'il est impossible de répondre à la question que vous
3 posez.
4 Seule la personne qui travaillait au niveau de l'entreprise de
5 distribution d'électricité serait en mesure de répondre à la question,
6 mais je ne sais pas vous répondre.
7 Question: Je crois que vous aviez dit, et je crois que je le trouverai la
8 semaine prochaine, que vous aviez dit que vous étiez rarement en mesure de
9 vous servir de votre télécopieur parce qu'il n'y avait pas d'électricité.
10 Est-ce qu'il vous semble qu'il y avait plus de pénurie d'électricité qu'il
11 n'y avait d'électricité? C'est bien ce que vous dites dans votre
12 déposition?
13 Réponse: Je ne voudrais pas faire des suppositions, mais je pourrais
14 éventuellement dire que c'était moitié-moitié.
15 Question: Fort bien. Mais cela n'était pas valable seulement pour la
16 population non-serbe. La situation avait prévalu pour toute la ville de
17 Banja Luka et les environs, n'est-ce pas?
18 Réponse: Non, certaines parties de la ville avaient souffert de coupures
19 d'électricité plus souvent. De là à savoir maintenant si certaines parties
20 avaient été plus souvent privées d'électricité ou pas, je ne pense pas
21 pouvoir dire que cela avait été une question de coïncidence. Je dirais
22 même que le centre avait été mieux approvisionné que la périphérie.
23 Question: Avant 1992, ces problèmes avec l'électricité ne se produisaient
24 pas ou, en tout cas, pas aussi souvent, n'est-ce pas?
25 Réponse: De toute façon, ils étaient moins fréquents.
Page 1648
1 Question: Pourquoi est-ce que, tout d'un coup, des coupures d'électricité
2 importantes ont eu lieu à Banja Luka? Est-ce que vous savez ce qui s'est
3 passé?
4 Réponse: J'imagine que l'approvisionnement en électricité a été endommagé
5 ou coupé en Bosnie-Herzégovine et, au moment où les conflits ont été plus
6 nombreux, alors, il y a eu de plus en plus de coupures d'électricité.
7 Enfin, ce sont des choses connues.
8 Question: Hier, pendant votre déposition, vous avez dit que vous aviez vu
9 M. Brdanin à la télévision. Vous avez dit que vous l'avez beaucoup entendu
10 à la radio également et vous nous avez parlé de ses déclarations que vous
11 aviez entendues?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Hier, dans votre déposition, vous avez dit que c'était pendant
14 cette période-là, c'est-à-dire d'avril à décembre 1992, et vous avez dit
15 que c'était pendant cette période-là que vous l'avez entendu faire de
16 telles déclarations?
17 Réponse: En 1991 et en 1992, ainsi qu'en 1993.
18 Question: Oui. Est-ce que je pourrais vous demander de prendre la page 20
19 de votre déclaration, un paragraphe qui commence par: "J'ai rencontré M.
20 Brdanin...".
21 Je crois qu'il s'agit de la deuxième phrase de ce paragraphe qui dit, en
22 rapport avec M. Brdanin: "Très souvent, il apparaissait à la radio, à la
23 télévision et dans les journaux, surtout en 1993. Avant cela, il n'était
24 manifestement pas considéré comme un porte-parole respectable du SDS. En
25 1991 et 1992, il a donné peu d'interviews."
Page 1649
1 C'est bien ce que vous dites dans votre déclaration préalable, n'est-ce
2 pas?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Pour ce qui est de ces interviews à la télévision en 1993, vous
5 dites, dans votre déclaration préalable, qu'il a essayé de passer à la
6 télévision pour parler de questions d'administration?
7 Réponse: Oui, c'est l'impression que j'ai retirée.
8 Question: J'imagine que quelqu'un de la télévision vous a dit que M.
9 Brdanin essayait sans cesse de passer à la télévision?
10 Réponse: Je crois que c'est quelqu'un qui était proche de la télévision
11 qui me l'a dit.
12 Question: Ensuite, vous dites qu'il essayait de donner l'impression qu'il
13 était un homme de pouvoir. Dans ces interviews, la façon dont il
14 s'exprimait donnait l'impression qu'il avait joué un rôle très important
15 dans la Krajina de Bosnie, mais il n'a jamais dit, de façon directe, qu'il
16 était responsable ou qu'il avait donné des ordres. Est-ce que c'est exact?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Il s'agit là d'interviews qu'il a données en 1993, n'est-ce pas?
19 Réponse: Oui, c'est ce qui figure d'après ce qui est écrit ici.
20 Question: Ensuite, vous poursuivez en disant que sa signature se trouve
21 sur plusieurs documents concernant le nettoyage ethnique et la
22 discrimination dirigée contre les non-serbes?
23 Est-ce que vous avez ces documents?
24 Réponse: Maintenant, je ne peux vous citer les documents où se trouve sa
25 signature. Il faudrait rechercher la signature figurant sur le document de
Page 1650
1 Celinac, qui porte sur la discrimination des citoyens non-serbes. Enfin,
2 vous en avez pris connaissance.
3 M. Ackerman (interprétation): Mais le nom de M. Brdanin n'apparaît à aucun
4 moment de ce document, n'est-ce pas?
5 M. Krzic (interprétation): Ecoutez, maintenant, je ne peux pas...
6 M. le Président (interprétation): Si vous devez poser des questions aussi
7 directes que cela, je crois qu'il faudrait montrer ce document au témoin
8 pour qu'il puisse répondre à la question, car sinon, il va se livrer à des
9 spéculations, sur le fait de savoir si le nom de M. Brdanin y figure, ou
10 sa signature. Si vous faites référence, de façon spécifique, à ce
11 document, si vous lui posez une question très spécifique, je crois qu'il
12 faudrait le faire.
13 M. Ackerman (interprétation): Si quiconque dans le prétoire sait de quel
14 document il s'agit, quelle est la cote de ce document, de quelle pièce il
15 s'agit…? Parce que je vais essayer de le retrouver: cela risque de me
16 prendre un certain temps.
17 Il s'agit de la pièce 450A et B.
18 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un des documents qui ont été
19 produits hier. Le deuxième document, car le premier était le 449.
20 (Intervention de l'huissier.)
21 Monsieur Krzic, pouvez-vous tout d'abord nous confirmer si ces documents
22 que vous avez sous les yeux est le document de Celinac, que vous avez
23 évoqué il y a quelques minutes de cela?
24 M. Krzic (interprétation): Oui.
25 M. le Président (interprétation): Maintenant, peut-être pouvez-vous
Page 1651
1 répondre à la question de Me Ackerman?
2 M. Krzic (interprétation): Je pensais à ce document et je souhaitais
3 vérifier si ce n'était pas par hasard la signature de M. Brdanin. Quant à
4 d'autres documents éventuels, je ne les ai pas à portée de la main.
5 M. Ackerman (interprétation): Vous ne voyez pas de signature sur ce
6 document ou vous n'y voyez pas figurer son nom?
7 Réponse: Je ne vois pas de signature, je ne vois pas son nom non plus.
8 Question: Très bien.
9 Monsieur Krzic, hier, pendant votre déposition -il s'agit de la page
10 131104, je crois qu'il s'agirait du 1104 jusqu'au 131117 du compte rendu
11 d'audience; je ne sais pas comment y faire référence, à part vous donner
12 ses références-là- Monsieur Krzic, vous avez parlé de déclarations que
13 vous aviez entendues de la part de M. Brdanin. Et vous avez dit qu'il
14 avait dit des choses très dangereuses et qu'il a dit que "les Serbes
15 étaient des vers, des cafards, des insectes qu'il fallait piétiner,
16 écraser". Est-ce que c'est bien cela?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Est-ce que personnellement, vous avez entendu M. Brdanin dire de
19 telles choses?
20 Réponse: Oui.
21 M. Ackerman (interprétation): Si vous avez entendu M. Brdanin s'exprimer
22 de la sorte, personnellement, alors j'aimerais vous demander pourquoi,
23 dans votre déclaration préalable, au bas de la page 20, vous affirmez -et
24 je cite-: "Il est bien connu que M. Brdanin utilisait de telles
25 expressions."
Page 1652
1 Pourquoi vous avez dit cela et non pas "j'ai entendu personnellement M.
2 Brdanin dire cela"?
3 M. Krzic (interprétation): J'ai entendu des choses dans ce sens. J'ai
4 entendu l'expression d'éléments subversifs et j'ai même lu de telles
5 déclarations.
6 J'ai entendu à la radio qu'il disait qu'il fallait empêcher les Bosniens
7 et les Croates de prendre part à toute activité politique. Il a dit dans
8 la presse des choses allant dans le même sens. Quant à ses déclarations,
9 elles étaient connues de tous et on pouvait les entendre de nombreuses
10 personnes à Banja Luka.
11 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, vous vous arrêterez
12 quand le moment vous semblera approprié pour aujourd'hui. N'oubliez pas
13 que Mme Korner a besoin de cinq minutes pour traiter d'un certain nombre
14 de questions d'organisation.
15 M. Ackerman (interprétation): Oui, effectivement. C'est peut-être le bon
16 moment pour nous arrêter.
17 M. le Président (interprétation): Nous pouvons à présent libérer le
18 témoin, mais nous devons expliquer au témoin qu'il devra se représenter…
19 Est-ce qu'on s'est est chargé?
20 Mme Korner (interprétation): oui, il le sait déjà. Mais peut-être que le
21 Président pourra expliquer quelque chose qui ne s'est pas encore présenté
22 jusqu'ici? Peut-être que dans l'intervalle, M. Krzic va rencontrer
23 d'autres témoins, et peut-être pourriez-vous lui dire qu'il ne peut parler
24 à ces autres témoins? Nous ne pouvons pas le lui dire car il est
25 maintenant interrogé dans le cadre du contre-interrogatoire.
Page 1653
1 M. le Président (interprétation): Oui, mais j'avais cru comprendre de M.
2 Cayley qu'il n'y aurait pas d'autres témoins la semaine prochaine?
3 M. le Président (interprétation): Mais je ne parle pas de la semaine
4 prochaine, mais à l'avenir.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, vous avez entendu ce
6 qu'a dit Mme Korner, du Bureau du Procureur?
7 M. Krzic (interprétation): Oui.
8 M. le Président (interprétation): Il s'agit là d'un des principes les plus
9 importants que vous devez respecter en tant que témoin.
10 M. Krzic (interprétation): Oui.
11 M. le Président (interprétation): Vous me comprenez?
12 M. Krzic (interprétation): Je vous comprends et je m'y tiendrai.
13 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas encore fini de déposer;
14 d'autres questions vont vous être posées par le conseil de la défense de
15 M. Brdanin, après quoi vous aurez éventuellement des questions
16 supplémentaires de la part du Procureur et éventuellement quelques
17 questions supplémentaires, mais les Juges pourront également vous poser
18 des questions. Il est donc important qu'entre maintenant et le moment où
19 on vous demandera de revenir ici pour poursuivre votre déposition, il est
20 donc important que vous n'évoquiez ces questions avec quiconque. Est-ce
21 que je peux avoir votre parole?
22 M. Krzic (interprétation): Oui, vous avez ma parole.
23 M. le Président (interprétation): Je crois que vous pouvez à présent vous
24 retirer pour que nous puissions discuter des questions qui doivent l'être.
25 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Krzic.
Page 1654
1 M. Krzic (interprétation): Merci.
2 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est reconduit hors du prétoire.)
3 (Questions relatives à la procédure.)
4 M. le Président (interprétation): Madame Korner?
5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, très brièvement,
6 j'aurais une observation.
7 Nous vous avons demandé de réexaminer votre décision portant sur les
8 mesures de protection et nous nous demandions si les Juges étaient en
9 mesure de nous fournir leur décision, peut-être d'ici à mercredi? Je sais
10 que tout le monde ne sera peut-être pas là, mais nous devons nous
11 préoccuper de ces témoins potentiels.
12 M. le Président (interprétation): Ce que je peux vous dire, c'est que nous
13 nous en sommes occupés, nous nous en occupons encore, mais cela nous
14 confronte à une difficulté qui est relative à l'organisation. Mais
15 j'espère que d'ici à mercredi prochain, nous aurons largement le temps de
16 d'examiner cette question de façon plus détaillée, de l'examiner quant au
17 fond et j'espère que nous pourrons, à ce moment-là, rendre une décision.
18 Ou plutôt à cette date-là.
19 Mme Korner (interprétation): Merci. Deuxième question: il s'agit de vos
20 collègues. Si j'ai bien compris, il y a plusieurs audiences pour l'affaire
21 Vasiljevic sont en suspens et je me demande si cela affectera notre
22 procès.
23 M. le Président (interprétation): Non. Je peux vous affirmer que cela ne
24 sera pas le cas. Cela n'est pas prévu et des mesures de précaution ont été
25 prises.
Page 1655
1 Autre chose?
2 Mme Korner (interprétation): Troisième question: ce qui concerne les
3 éléments de preuve par ouï-dire; nous en avons parlé hier. Les Juges vont
4 se pencher à nouveau sur la question de la recevabilité des documents
5 contestés. J'espère qu'à la conférence de mise en état de cet après-midi
6 nous pourrons résoudre ce problème.
7 Mais j'aurais aimé revenir sur la question du ouï-dire. Les Juges ont
8 rendu une décision là-dessus, mais je crois que nous aurions peut-être
9 besoin de davantage d'éclaircissements.
10 Peut-être que nous pourrions prendre les deux questions ensemble?
11 M. le Président (interprétation): Mais ces deux chapitres sont clos; nous
12 n'allons pas les rouvrir, à la fois la question de la recevabilité et du
13 ouï-dire. Je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait que nous n'avons
14 pas été suffisamment clairs. Nous avons été parfaitement clairs; pour ce
15 qui est de l'ouï-dire, nous avons dit de façon très claire qu'il ne
16 s'agissait pas là d'un des principes du Tribunal. Il s'agit d'un élément
17 qui… Il s'agit d'un système mixte et cette Chambre, conformément à
18 d'autres décisions qui ont déjà été prises là-dessus, se tiendra à ce qui
19 a été décidé, à savoir que ce n'est pas une règle absolue dans la Common
20 Law et ce n'est pas non plus le cas au sein de ce Tribunal.
21 Mme Korner (interprétation): Oui, vous avez raison, vous avez été
22 parfaitement clair. Mais je crois qu'il faudrait revenir sur ce que vous
23 avez dit hier, à savoir la question des documents qui ont été présentés,
24 la façon dont cette règle s'applique à ces documents.
25 M. le Président (interprétation): Mais de quoi parlez-vous exactement?
Page 1656
1 Mme Korner (interprétation): J'ai ici le compte rendu d'audience et je
2 crois que M. Koumjian a présenté deux documents, les deux premiers
3 documents à M. Krzic. A ce moment-là, vous, Monsieur le Président, êtes
4 intervenu. Il s'agit de la version "livenote" du compte rendu d'audience.
5 Je comprends bien que nous avons dépassé le temps qui nous était imparti;
6 peut-être que nous pourrons revenir là-dessus la semaine prochaine?
7 M. le Président (interprétation): Oui, nous pouvons y revenir. Mais
8 n'oubliez pas que nous ne sommes pas d'accord avec ce que vous avez dit
9 sur le ouï-dire, c'est-à-dire que nous n'avons pas été suffisamment
10 clairs. Les Juges se sont exprimés de façon suffisamment claire.
11 Mme Korner (interprétation): Oui, vous avez été parfaitement clair, mais
12 j'aurais aimé revenir sur ce que vous avez dit hier.
13 M. le Président (interprétation): Mais je ne vois pas de quoi vous parlez,
14 car les deux premiers documents n'étaient pas controversés. Il s'agissait
15 de rapports internes du SDA, adressés à M. Sacirbey, à New York.
16 Pour ce qui est du deuxième document...
17 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit d'un
18 document intitulé "Témoignage personnel".
19 M. le Président (interprétation): Ah! Ce n'est pas le 449?
20 Mme Korner (interprétation): Non, c'est un document précédant, comme je
21 vous l'ai dit.
22 M. le Président (interprétation): La question n'était pas de savoir si
23 c'était de l'ouï-dire ou pas. Ce que M. Koumjian essayait de verser au
24 dossier de l'affaire, c'était une déclaration de personnes non
25 identifiées, qui souhaitaient garder l'anonymat, privant la défense, en
Page 1657
1 fin de compte, de la possibilité de contre-interroger ces personnes sur
2 ces déclarations. Ces déclarations étaient fournies au témoin en lui
3 demandant de prouver éventuellement le contenu.
4 Mme Korner (interprétation): C'est le problème précisément, car ce n'est
5 pas ce que la jurisprudence nous dit. Il y a différents degrés s'il s'agit
6 de sources qui ne sont pas identifiées, mais si, de façon absolue, vous
7 dites que l'ouï-dire n'est pas autorisé…
8 M. le Président (interprétation): Mais je croyais m'être exprimé de façon
9 suffisamment claire. Je ne peux accepter une situation où l'on
10 présenterait cette déclaration au témoin, où on lui dirait que cette
11 déclaration a été faite par un certain nombre de personnes qui se
12 définissent comme étant un groupe de personnes, mais qui souhaitent garder
13 l'anonymat, présenter cette déclaration au témoin et présenter cette
14 déclaration comme étant un document permettant d'alléguer telle ou telle
15 chose qui, d'ailleurs, a trait au fond des accusations portées contre les
16 accusés.
17 Ce qui fait que Me Ackerman ou les autres conseils de la défense auraient
18 été dans l'impossibilité de contre-interroger le témoin sur ce document.
19 Mme Korner (interprétation): Oui, mais ce problème se représentera à
20 d'autres reprises.
21 M. le Président (interprétation): Nous nous prononcerons sur le problème
22 au moment où il surgira, sur la base du document en question, et nous
23 verrons si nous pouvons résoudre le problème.
24 Mme Korner (interprétation): Peut-être serait-il préférable de voir au cas
25 par cas ce qu'il en est et de nous prononcer sur le prochain cas qui se
Page 1658
1 posera.
2 M. le Président (interprétation): Dans l'intervalle, je vous suggère de
3 vous abstenir de faire état de ce type de préoccupations.
4 M. Ackerman (interprétation): J'ai deux remarques, premièrement, une
5 remarque assez éloignée de ce qui a été dit, mais tout de même en rapport.
6 Par ailleurs, pour ce qui est des décisions, je crois qu'il faudrait qu'il
7 soit bien clair qu'une décision est une décision.
8 M. le Président (interprétation): Ecoutez, vous n'avez pas à revenir sur
9 la question: une décision est une décision. J'ai dit que le chapitre était
10 clos.
11 M. Ackerman (interprétation): Quelqu'un devrait informer M. Von Hebel
12 qu'il doit venir nous chercher dans la salle de la défense une fois que
13 nous pourrons commercer, car nous sommes des citoyens de seconde classe
14 dans ce Tribunal et nous n'avons pas accès à toutes les parties du
15 bâtiment.
16 M. le Président (interprétation): Je crois que votre client est en bonne
17 compagnie, et Mme Gervis va s'en occuper, n'est-ce pas?
18 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, on vient de m'informer
19 que vous aviez accès à cette salle. Il s'agit d'une salle qui se trouve à
20 côté du couloir de la salle n°1, là où l'on trouve la machine à café, les
21 toilettes. C'est la salle 177.
22 M. Ackerman (interprétation): C'est la salle qui est à côté de la salle
23 des conseils de la défense.
24 M. le Président (interprétation): Apparemment, ce que l'on m'avait dit
25 n'était pas exact.
Page 1659
1 Mme Korner (interprétation): Je crois que la défense a accès à cette
2 salle. C'est de notre côté, mais la défense y a accès.
3 M. le Président (interprétation): Hier, nous avons évoqué très brièvement
4 ce qui allait se passer la semaine prochaine avec M. Cayley. Monsieur
5 Krzic sera à nouveau avec nous. Le contre-interrogatoire de Me Ackerman
6 s'achèvera. Après quoi, vous aurez la possibilité de poser des questions
7 supplémentaires si vous en avez. De notre côté, nous poserons
8 éventuellement des questions le cas échéant.
9 Ensuite, nous nous sommes demandés s'il était judicieux de faire venir un
10 autre témoin la semaine prochaine. Nous avons estimé que ce n'était pas la
11 meilleure solution. Je voudrais vous demander d'essayer de trouver un
12 moment, au cours des deux jours où nous siégerons la semaine prochaine,
13 pour nous présenter oralement votre point de vue sur votre requête,
14 consistant à bénéficier, à faire en sorte que la déclaration du témoin
15 décédé -je ne me souviens plus de son nom- sorte, que cette déclaration
16 soit versée au dossier. Peut-être pourriez-vous en parler très brièvement
17 avec M. Von Hebel cet après-midi?
18 Si la défense ne fait pas objection à ce que cette déclaration soit
19 admise, nous ne devrons pas ouvrir de débat là-dessus, mais Me de Roux m'a
20 déjà fait savoir qu'il aurait une objection. Par conséquent, nous devrons
21 également aborder cette question.
22 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, vous vous souvenez
23 peut-être que je vous ai dit qu'il était peut-être préférable d'attendre
24 d'avoir entendu le dernier témoin, car il parlera de cet aspect militaire.
25 Je suis parfaitement disposée à entrer dans le fond de l'affaire avant
Page 1660
1 cela, mais la pertinence sera manifeste une fois que ce témoin aura
2 déposé. Si vous le souhaitez, je peux me préparer à le faire pour la
3 semaine prochaine.
4 M. le Président (interprétation): Le problème, c'est que si nous arrivons,
5 en fin de compte, dans une telle situation; si nous avons vos arguments,
6 nous pourrons nous y préparer. Nous pourrons trancher immédiatement.
7 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, si nous avons le temps
8 d'examiner cette question la semaine prochaine, ce qui sera probablement
9 le cas, je suis parfaitement disposée à le faire.
10 M. le Président (interprétation): Oui, ce serait très utile.
11 M. le Président (interprétation): Nous allons donc poursuivre le 13, c'est
12 donc mercredi prochain. Nous entendrons la suite du contre-interrogatoire
13 de M. Krzic, à 9 heures.
14 (L'audience est levée à 14 heures.)
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25