Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1566

1 (Mercredi 6 février 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, je vous prie.

6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

7 Il s'agit de l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdanin et

8 Momir Talic.

9 M. le Président (interprétation): Nous allons démarrer notre routine

10 habituelle.

11 Monsieur Brdanin, bonjour. Est-ce que vous vous pouvez m'entendre dans une

12 langue que vous comprenez?

13 M. Brdanin (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Bonjour, je vous

14 entends et je vous comprends.

15 M. le Président (interprétation): Général Talic, la même question vous est

16 posée à vous aussi. Est-ce que vous pouvez nous entendre dans une langue

17 que vous comprenez?

18 M. Talic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je vous

19 comprends et je vous entends parfaitement bien.

20 M. le Président (interprétation): Je vous dis bonjour à tous les deux.

21 Monsieur le Procureur, veuillez présenter le banc.

22 Mme Korner (interprétation): Je m'appelle Joanna Korner et je représente

23 le Bureau du Procureur. Je tiens à préciser que M. Cayley se relaiera avec

24 moi pour ce qui est des sessions.

25 M. le Président (interprétation): Je comprends. Pour M. Brdanin?

Page 1567

1 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je m'appelle John

2 Ackerman et je défends mon client avec Milka Maglov et Tania

3 Radosavljevic?

4 M. le Président (interprétation): Et pour le général Talic?

5 M. de Roux: Monsieur le Président, Xavier de Roux. Je défends le général

6 Talic; je suis assisté de Natasha Fauveau et de Fabien Masson?

7 M. le Président (interprétation): Etant donné que nous en avons terminé

8 avec cette phase importante de la procédure, je pense que nous pourrions

9 enchaîner ou plutôt continuer le contre-interrogatoire du témoin, M.

10 Krzic, qui était conduit par M. de Roux.

11 Je vois Me Ackerman sur ses pieds. Maître Ackerman?

12 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Ce matin, j'ai

13 fourni à la Chambre de première instance le reste des comptes rendus

14 d'audience.

15 M. le Président (interprétation): Oui, je l'ai vu. Cela ne me dit pas

16 grand-chose.

17 Soyons pratiques, Maître Ackerman. Maître de Roux avait dit qu'il avait

18 souhaité une journée entière.

19 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, je ne vais pas parler de cette

20 journée. Je me propose de changer mes réservations et mes plannings

21 concernant Sarajevo, comme je vous l'ai dit hier.

22 M. le Président (interprétation): Bien. Je vous remercie et j'apprécie Me

23 Ackerman.

24 M. Ackerman (interprétation): Ce que je voudrais faire, avant d'oublier de

25 le dire, je voulais demander à la Chambre de première instance que Mme

Page 1568

1 Maglov ne soit pas présente la semaine prochaine. Elle reviendra la

2 semaine d'après, étant donné qu'elle a des obligations, compte tenu du

3 travail à effectuer à Banja Luka.

4 M. le Président (interprétation): La permission est donnée.

5 M. Ackerman (interprétation): Merci.

6 M. le Président (interprétation): Veuillez faire entrer M. le témoin, M.

7 Krzic.

8 Madame Korner, j'imagine que M. Cayley et M. Koumjian vous ont informée de

9 ce qui se passait, de ce qui s'est passé au cours des deux dernières

10 journées. Nous avons vu toute une série de documents qui ont été montrés

11 au témoin. Je suppose qu'à la fin du témoignage de ce témoin, ces

12 documents seront proposés pour versement au dossier. Je tiens à vous

13 rappeler que cela doit être fait. C'est un premièrement. S'il y avait

14 quelques autres documents concernant son témoignage, si vous ne les avez

15 pas encore montrés, je voudrais que vous ne perdiez pas cela de vue.

16 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

17 pour autant que je le sache, toutes les pièces à conviction que nous avons

18 l'intention de verser, par le biais de ce témoin, ont déjà été produites.

19 M. le Président (interprétation): Ces documents ont des cotes provisoires

20 et ces cotes leur ont été accordées au fur et à mesure de leur

21 présentation.

22 Je pense que ce seront les cotes qui seront maintenues pour le versement?

23 Mme Korner (interprétation): Oui.

24 M. le Président (interprétation): C'était l'idée que nous avions

25 mentionnée la semaine passée.

Page 1569

1 Mme Korner (interprétation): Oui. Nous allons confirmer ces numéros à la

2 fin de la présentation des éléments de preuve.

3 M. le Président (interprétation): Je vous prie de le faire. C'est très

4 important, car ce que je tiens à préciser, c'est que j'ai noté toutes ces

5 références dans un cahier pour ce qui est du témoignage de ce témoin, y

6 compris le contre-interrogatoire et y compris les documents qu'il a

7 mentionnés et qui ont été cités en référence. Je voudrais que nous

8 restions à ces cotes-là pour qu'on puisse se débrouiller par la suite.

9 Mme Korner (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

11 Mme Korner (interprétation): Merci.

12 M. le Président (interprétation): Faites entrer le témoin.

13 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

14 Bonjour Monsieur Krzic. Vous recevrez de l'huissier le même document qui

15 comporte le texte de la déclaration solennelle. Je vous prie de nous

16 redonner lecture de celle-ci.

17 M.Krzic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

19 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir.

20 Maître de Roux, le conseil du général Talic, va poursuivre son contre-

21 interrogatoire et posera les questions au témoin. Merci.

22 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me de Roux.)

23 M. de Roux: Monsieur Krzic, lorsque je relisais hier votre livre et vos

24 dépositions, j'ai été surpris de voir que vous appeliez toujours les

25 Serbes les "Chetniks".

Page 1570

1 Est-ce que ce n'est pas péjoratif? Pourquoi employez-vous toujours ce

2 terme?

3 M. Krzic (interprétation): Je regrette que vous ayez eu cette impression-

4 là. Je tiens à dire le contraire.

5 Je n'ai pas, en permanence et exclusivement, appelé certains membres de la

6 nation serbe par le terme de Chetniks. Cette appellation ou ce terme, chez

7 nous, est connu depuis plus d'un siècle à peu près et c'est un terme qui

8 se rattache à des gens qui se servaient d'armes. Et pour ce qui est du

9 peuple bosnien, nous avons toujours eu de terribles expériences pour ce

10 qui est des gens à qui l'on accordait ce patronyme. Cela nous rappelle le

11 génocide qui avait été perpétré à l'encontre des Musulmans. Ceci n'était

12 pas la première fois.

13 Quand je dis "Chetniks", j'entends en premier lieu, personnellement, des

14 gens qui détestent d'autres nations et qui, dans leur haine, sont prêts à

15 se servir des moyens les plus cruels qui soient. Mais l'appellation ou le

16 terme historique est tout à fait clair et je ne vois pas de raison de

17 l'expliquer ici, pour ma part.

18 Question: Merci.

19 Revenons en 1990, lors de l'échec du congrès de la ligue du parti

20 communiste. Des élections ont lieu en Bosnie-Herzégovine; les trois partis

21 nationalistes en présence n'ont aucun la majorité et un accord est signé

22 entre ces trois partis: le SDA –votre parti-, le SDS et le HDZ.

23 Quel était l'objet de cet accord? Et les règles du jeu?

24 Réponse: Je n'ai pas eu entre mes mains cet accord-là. Je ne l'ai pas lu

25 dans son entièreté pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine et je n'ai pas

Page 1571

1 vu la partie écrite qui concernait rien que la municipalité de Banja Luka.

2 Mais l'accord entre ces deux, trois "partis nationalistes", entre

3 guillemets, avait été rédigé selon ma profonde conviction, tout d'abord

4 parce que, au cours des élections mêmes, il était resté une appréhension

5 très importante aux termes de laquelle les partis de gauche –le parti

6 communiste, notamment- allaient obtenir la majorité, ce qui ferait de la

7 Bosnie-Herzégovine une République sous l'influence du parti communiste. Et

8 pour autant que je le sache, chacun de ces partis avait vu dans ce péril-

9 là des périls particuliers concernant sa propre nation.

10 Et s'agissant de nous, Bosniens, nous avions craint que la perpétuation du

11 règne des partis communistes ne ferait que perpétuer tous les aspects

12 négatifs qui avaient prévalu pendant le régime communiste; il serait trop

13 long et cela nous prendrait trop de temps que de les énumérer.

14 Aussi, étions-nous disposés à coopérer avec les partis qui, du moins, se

15 déclaraient comme étant démocratiques, mais qui n'étaient pas disposés à

16 apporter leur appui au parti communiste.

17 Aux termes de cet accord-là, ce que je puis savoir, c'est qu'il avait été

18 convenu des modalités du partage du pouvoir qui devait s'ensuivre. Et ce

19 partage du pouvoir devait être proportionnel aux résultats électoraux de

20 chaque parti, alors que les votes accordés aux partis de gauche, au parti

21 communiste, devaient également être répartis de façon proportionnelle.

22 A titre d'exemple, si 100 votes étaient accordés à un parti de gauche,

23 dans le cas de Banja Luka, sur ces 100 votes, 48 -plus le reste qui devait

24 être partagé- constitueraient des votes pour le SDS. Pour le SDA, cela

25 signifierait 13 plus le reste des votes. Et ainsi de suite, et ainsi de

Page 1572

1 suite.

2 Cela avait donc été un accord qui, pour autant que je le sache, n'avait

3 pas comporté d'accord substantiel s'agissant de l'avenir stratégique de la

4 Yougoslavie et, par voie de conséquence, de la Bosnie-Herzégovine.

5 Question: Mais il n'y avait donc pas, selon votre opinion, il n'y avait

6 pas d'accord de gouvernement? Je vous le demande: oui ou non, y avait-il

7 un accord de gouvernement entre les trois parties?

8 Réponse: Je regrette, mais vous n'avez, semble-t-il, pas bien entendu ma

9 réponse.

10 Quand j'ai parlé du partage du pouvoir, ce qui avait été convenu, c'était

11 justement le niveau gouvernemental, à savoir le fait de gouverner.

12 Question: (hors micro.) … j'ai parfaitement compris votre réponse.

13 Je vous demande simplement si, en 1990, à l'origine, il y avait un accord

14 de gouvernement ou pas. C'est tout.

15 Réponse: Oui, pour ce qui est des pourcentages.

16 Question: Merci. Vous dites à plusieurs reprises que, à cette époque, la

17 tension en Bosnie a été augmentée par l'arrivée des émigrés serbes de

18 Croatie, qui arrivaient en grand nombre.

19 Comment expliquez-vous cet afflux de réfugiés serbes?

20 Réponse: Au début, on parlait de quelques centaines, puis par la suite de

21 quelques milliers. Je n'ai jamais disposé de chiffres exacts pour ce qui

22 est de Banja Luka. On avait même dit que 5000 d'entre eux avaient été

23 installés à Banja Luka dans la salle, la grande salle des sports. Il m'est

24 donc très difficile de répondre avec précision à la question que vous avez

25 posée.

Page 1573

1 Question: Savez-vous combien, à peu près, il y avait de Serbes en Croatie,

2 en 1990, et combien il y en a aujourd'hui?

3 Réponse: Je vais parler en pourcentage: pour autant que je le sache, les

4 Serbes étaient entre 12 et 18% en Croatie et, de nos jours, il est certain

5 qu'ils sont moins nombreux. Mais je ne puis parler que des impressions que

6 j'ai, je n'ai pas traité de cette question de façon exacte.

7 Question: Bien sûr. Vous expliquez que le refus d'obéir à l'ordre de

8 mobilisation a créé en Bosnie des citoyens de deuxième classe, c'est-à-

9 dire ceux qui refusaient l'ordre de mobilisation. La Bosnie faisait alors

10 partie de la Yougoslavie, Etat fédéral. Vous semblait-il choquant de

11 défendre le fédéralisme contre les idées nationalistes?

12 Réponse: Tout d'abord, la question qui se pose est de savoir quels avaient

13 été les objectifs de cette mobilisation. La première des questions à poser

14 était en fait de savoir qui avait les attributions en vertu de la

15 Constitution de la République de déclarer une mobilisation.

16 La deuxième question est de savoir quels avaient été les objectifs de

17 cette mobilisation. Ce n'était pas la première fois en effet que, sur le

18 territoire des Balkans et de l'ex-Yougoslavie, la mobilisation avait été

19 proclamée à des fins de conquête uniquement, ou à des fins qui

20 signifiaient l'anéantissement d'une autre nation.

21 Et là, tout homme devait avoir une position à lui. En cas de mobilisation

22 sur le territoire de la municipalité de Banja Luka et au-delà de celle-ci,

23 la mobilisation ne pouvait être proclamée que par le gouvernement, voire

24 la présidence de la Bosnie-Herzégovine.

25 Par voie de conséquence, la municipalité au niveau de la municipalité de

Page 1574

1 Banja Luka avait été considérée par nos soins comme étant illicite. En

2 plus, elle comportait des éléments -du moins c'est ce qui a été dit dans

3 le public-, à savoir qu'il s'agissait d'une mobilisation contre les

4 Oustachis; et on avait avancé comme raison la sauvegarde de la

5 Yougoslavie. Donc de façon explicite, on avait dit, lors de la

6 mobilisation, qu'il s'agissait d'aller se battre contre les Croates.

7 N'oublions pas que la Croatie avait été un Etat indépendant. Si elle ne

8 l'avait pas été, il aurait été impensable d'envisager d'envoyer des masses

9 populaires se battre contre d'autres masses populaires, alors que les

10 premières n'avaient demandé que l'application et la réalisation de

11 certains de leurs droits démocratiques.

12 Question: L'armée fédérale yougoslave était en difficulté en Croatie: les

13 casernes encerclées?

14 Réponse: Je pense que vos questions s'avancent dans un domaine où je serai

15 peut-être en mesure de vous donner mon opinion, mais qui va au-delà des

16 compétences que j'avais à l'époque, à Banja Luka. Je ne suis pas historien

17 non plus.

18 Question: Très bien. Je ne vous demande pas d'outrepasser vos compétences.

19 Pourtant, vous aviez, pendant toute la période de l'Acte d'accusation,

20 vous aviez des fonctions politiques éminentes à Banja Luka, puisque vous

21 étiez le président du SDA.

22 De qui receviez-vous vos instructions?

23 Réponse: Pour dire vrai, la mise en place des partis politiques, et

24 s'agissant du SDA notamment, s'était faite de façon spontanée plutôt

25 qu'organisée. Il s'agissait en fait d'une sorte de mouvement populaire, et

Page 1575

1 le parti, quoique ayant été légitime et quoique étant proclamé comme parti

2 politique, était en fait un mouvement populaire. Cela sous-entend toutes

3 les carences d'une bonne organisation, ou le défaut d'une bonne

4 organisation.

5 S'agissant d'instructions, notamment d'instructions relatives à la

6 politique au sens large, à la politique des relations entre partis de

7 l'ex-Yougoslavie, et sans parler des relations internationales, avaient

8 fait complètement défaut. Nous avions des réunions des comités populaires,

9 nous débattions de certains sujets, nous adoptions certaines conclusions,

10 mais il était très rare pour nous d'avoir l'occasion de discuter des

11 conclusions à des niveaux inférieurs, sauf s'il s'agissait de la politique

12 entre les Républiques.

13 Bien entendu, au niveau local, il y avait des suggestions en ce sens.

14 Et je tiens à dire, que là aussi, je ne suis peut-être pas la bonne

15 personne susceptible de répondre, parce qu'en 1990, et même pendant la

16 première moitié de 1991, je n'avais pas la fonction de président, j'étais

17 secrétaire du parti. Monsieur Islamovic était président à l'époque. Ce

18 sont des questions qu'il faudrait plutôt lui poser à lui, s'agissant de

19 cette période.

20 M. de Roux: Très bien. Je reviens de plus près à votre livre où vous

21 décrivez longuement la résistance du SDA. Le problème de l'armement des

22 forces musulmanes tient une grande place dans votre livre et dans vos

23 témoignages; vous faites d'ailleurs état de combats victorieux, comme à

24 Vecici.

25 Quelle était l'organisation des forces musulmanes?

Page 1576

1 M. Krzic (interprétation): Vous êtes en train de parler des effectifs

2 militaires bosniens? Je n'ai pas très bien compris la question.

3 ...de la région de Banja Luka.

4 M. le Président (interprétation): Attendez, Monsieur Krzic, je n'ai plus

5 de traduction en langue anglaise. Je n'ai pas entendu l'interprétation de

6 votre dernière phrase ou déclaration. Depuis le début de votre réponse. Je

7 puis voir le compte rendu, mais je n'ai pas...

8 Ah oui, maintenant, j'entends l'interprétation.

9 Monsieur Krzic, pourriez-vous, je vous prie, répéter ce que vous aviez dit

10 tout à l'heure. Je peux, éventuellement vous donner lecture partant du

11 compte rendu. En fait, je n'ai pas cette partie sur le compte rendu. Non,

12 je n'ai pas cette partie sur le compte rendu.

13 M. de Roux: Je peux reposer ma question.

14 M. le Président (interprétation): Je vous prie de le faire, Monsieur.

15 M. de Roux: Quelle était l'organisation dans la région de Banja Luka,

16 quelle était l'organisation des forces armées bosniaques?

17 M. Krzic (interprétation): Nous n'avions pas de forces armées.

18 Pour nous, il y avait une force armée en place, et je suis en train de

19 vous parler de la période à partir de laquelle j'ai été président. A Banja

20 Luka, nous n'avions aucune sorte de forces armées. Quand vous dites

21 forces, j'imagine que vous entendez là des unités organisées et, de ces

22 unités-là, il n'y en avait pas.

23 Il y avait probablement des groupes dont j'ai entendu parler: il y avait

24 deux ou trois, voire douze ou quinze jeunes gens qui, de leur propre gré,

25 face aux situations dangereuses auxquelles ils faisaient face, avaient

Page 1577

1 essayé de s'organiser en pensant qu'ils pourraient se protéger.

2 Mais il était absurde d'envisager des unités armées, des effectifs armés à

3 Banja Luka, qui avait été la plus grande des bases armées de l'époque avec

4 l'aviation de guerre, avec plus de 20.000 soldats armés, avec une

5 population serbe qui, en plus, était armée, elle aussi. Cela aurait été

6 absurde. Je sais que des gens ont essayé de se procurer, à titre

7 individuel, des armes parce que, se trouvant dans un tel environnement,

8 dans un tel entourage, dans une sorte de camp de concentration, vous ne

9 pouviez envisager qu'une chose, à savoir vendre votre peau très chère.

10 Mais quand vous dites forces armées, cela signifierait que ces effectifs-

11 là seraient en mesure d'attaquer à leur tour. Il n'y avait guère

12 d'effectifs de ce type-là à Banja Luka.

13 Question: Pourtant vous indiquez, dans votre livre, que la mission d'un de

14 vos adjoints, qui s'appelait M. Smailagic, était justement de compter,

15 dans le cimetière de Banja Luka, le nombre de soldats serbes que l'on

16 enterrait.

17 Vous expliquez que, pour vous, c'était une façon de connaître les pertes

18 serbes. Si bien qu'il y avait des combats?

19 Réponse: Monsieur, je crois qu'une petite confusion existe peut-

20 être chez vous. Il s'agissait des soldats tués au front. Des données de ce

21 type sont estimées utiles dans tout conflit, pour toute armée. D'ailleurs,

22 il s'agit de secrets militaires en quelque sorte, car toutes les parties

23 essaient de cacher le nombre de soldats qui sont tués au front. Il

24 s'agissait donc des soldats tués au front et nous devions absolument

25 savoir quel était le nombre de soldats tués, pour savoir comment

Page 1578

1 évoluaient les combats. Nous devions plus particulièrement savoir sur

2 quelle partie du front cela s'était passé. C'est une chose.

3 Autre chose, il était très important que le peuple serbe sache

4 que les victimes se trouvaient des deux côtés. Car, à l'époque, la junte

5 militaire et les dirigeants politiques également essayaient de cacher les

6 défaites et les victimes du côté serbe pour des raisons qui vous sont, je

7 crois, connues.

8 Question: Il s'agissait donc de soldats serbes, dites-vous, tués sur le

9 front.

10 A quelle distance était le front de Banja Luka?

11 Réponse: Cela dépend dans quelle direction vous vous tournez. Si vous vous

12 tournez du côté de Jajce, c'est environ 70 kilomètres de distance par la

13 route, non pas à vol d'oiseau; et peut-être qu'à vol d'oiseau, cela serait

14 35 kilomètres. Pour Kotor Varos, c'est à une trentaine de kilomètres. Du

15 côté de Bihac, c'est peut-être même 120, 150 kilomètres; c'est très loin.

16 J'espère que vous êtes satisfait de cette réponse.

17 Question: Tout à fait. Mais lorsque vous faites -c'est pour essayer de

18 bien comprendre les choses-, lorsque vous faites référence aux combats de

19 Vecici, vous indiquez que de nombreux blindés serbes étaient détruits. Là,

20 à Vecici, nous n'étions pas sur le front?

21 M. Krzic (interprétation): Pour nous, Vecici était un lieu où une

22 résistance s'était manifestée de façon spontanée, parce que ce territoire

23 avait déjà connu des expériences malheureuses pendant la Deuxième Guerre

24 mondiale -et là, je vais tout de même utiliser le terme de Chetniks-, des

25 expériences malheureuses avec les Chetniks. C'est une zone qui savait ce

Page 1579

1 que voulait dire le fait de ne pas avoir d'armes, le fait d'être

2 abandonné. Cette résistance était la résistance du peuple, la résistance

3 populaire.

4 Je ne peux pas vous donner énormément de détails, car cette question ne

5 m'intéressait pas particulièrement, sauf à un moment donné: un certain

6 nombre de blindés ont été détruits. Mais vous devez savoir que lorsque je

7 dis "blindés", il s'agit de chars, mais j'ai également parlé du fait que

8 l'aviation de l'aérodrome de Banja Luka leur a lancé des bombes, y compris

9 des bombes à fragmentation qui sont interdites, comme nous le savons.

10 Mais lorsque j'ai eu des éléments sur les assassinats massifs et les viols

11 massifs, avant que les premiers coups de feu n'éclatent à Kotor Varos, je

12 ne pouvais pas ne pas être de leur côté.

13 Il s'agit d'exemples qui illustrent des efforts de résistance locale, de

14 personnes qui essaient de défendre leur foyer. Les Croates, les Bosniens

15 essayaient de se battre et nous savons qui était de l'autre côté: une

16 armée très bien armée, qui était la quatrième au monde, avec des bases

17 militaires.

18 Enfin, je ne sais pas ce que vous souhaitez que j'ajoute.

19 M. de Roux: Je voudrais simplement revenir sur…

20 M. le Président (interprétation): Un instant, Maître de Roux.

21 Monsieur Krzic, je crois percevoir que la façon dont nous avançons risque

22 de nous mener dans une situation d'affrontement entre vous-même et Me de

23 Roux. Or les Juges de la Chambre ne souhaitent absolument pas arriver à

24 une telle situation. J'aurais aimé vous demander de répondre aux questions

25 qui vous sont posées sans entrer dans d'autres détails, à moins qu'il ne

Page 1580

1 s'agisse de détails absolument indispensables pour expliciter vos

2 réponses. Mais évitez d'ouvrir des chapitres qui risquent de susciter

3 d'autres questions et, ensuite, d'autres réactions de votre part qui nous

4 entraîneraient dans un échange sur la base d'un affrontement qui serait

5 superflu.

6 J'espère qu'à la fois Me de Roux et vous-même avez bien entendu mon

7 message. Je vous inviterai à poursuivre conformément à mes suggestions.

8 Merci.

9 Maître de Roux, vous pouvez poursuivre.

10 M. de Roux: Monsieur le Président, il ne s'agit pas dans mon esprit d'une

11 confrontation; il s'agit simplement d'obtenir un certain nombre

12 d'éclaircissements. Et je pense, en effet, que l'on peut être plus

13 succinct dans la façon de fournir ces éclaircissements.

14 Mais je voudrais revenir sur un point que vous avez dit. Vous avez dit:

15 "Vecici, c'était une région où les Musulmans avaient le souvenir de

16 génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale".

17 Ne pensez-vous pas que les Serbes, dans cette région, avaient aussi en

18 mémoire le génocide dont ils avaient fait l'objet lorsque la Bosnie avait

19 été annexée par la Croatie pendant la dernière guerre mondiale?

20 M. Krzic (interprétation): Je ne le nie pas.

21 Question: Merci.

22 Revenons-en maintenant à vos relations avec le général Talic. Vous faites

23 état de deux rencontres avec le général Talic. Votre délégation était

24 celle de l'association religieuse, culturelle et sociale du peuple

25 musulman. Vous demandez audience; le général Talic vous reçoit, accompagné

Page 1581

1 de membres de son état-major dont le colonel Osman Selak.

2 Quelle était la nationalité du colonel Selak?

3 Réponse: Bosnien, pour autant que je le sache.

4 Question: Vous indiquez dans votre livre que vous êtes en relation

5 constante avec le colonel Selak, qui était à l'état-major du général Talic

6 mais qui, en même temps, aurait appartenu à votre groupe de résistance, à

7 votre réseau.

8 Pensiez-vous que le général Talic conservait auprès de lui le colonel

9 Selak, par souci d'unité nationale, par tradition de l'armée fédérale, ou

10 plus simplement parce que le colonel Selak trompait sa confiance?

11 Réponse: D'abord, je me vois contraint de vous contredire, car je n'ai

12 jamais dit que je rencontrais quotidiennement le colonel Selak; bien au

13 contraire.

14 Par ailleurs, tout le monde sait bien qu'au sein de l'armée de la

15 Yougoslavie, on trouvait également des Bosniens et des Croates. Et tout le

16 monde sait bien qu'avec le temps, les rapports des officiers au sein de

17 l'armée yougoslave se sont dégradés, détériorés.

18 En d'autres termes, au cours des dix dernières années, progressivement, de

19 plus en plus, ce sont les cadres serbes qui l'ont emporté, qui étaient les

20 plus nombreux.

21 Mais pour ce qui est de M. Selak, je crois qu'il pourrait lui-même,

22 personnellement, vous décrire cette situation de la façon la plus

23 appropriée. Je ne vois pas pourquoi, moi, je me lancerais dans des

24 spéculations sur des questions comme celles que vous venez de me poser. Je

25 pourrais vous donner mon point de vue…

Page 1582

1 M. de Roux: Monsieur Krzic, je ne vous demande aucune spéculation.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai de

3 terminer votre réponse. La question était très précise et je crois que

4 vous pouvez répondre en deux phrases.

5 Mme Korner (interprétation): Désolée de vous interrompre, mais la question

6 était: "Pourquoi le colonel Selak a été conservé auprès de lui par le

7 colonel Talic?" Et j'étais sur le point de dire: je ne vois pas comment il

8 pourrait répondre.

9 M. le Président (interprétation): Non, moi non plus, je ne vois pas

10 comment il pourrait répondre. Mais je crois que manifestement, il s'agit

11 du témoin qui est bien capable de donner ces réponses. Il est diplomate et

12 il peut répondre facilement à une telle question. S'il n'est pas en mesure

13 de répondre, il pourra nous dire qu'il n'est pas en mesure de répondre.

14 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président, ce que j'essaie

15 de dire c'est qu'on lui demande en quelque sorte de deviner la pensée du

16 général Talic.

17 Question: Oui, je sais, Madame Korner. Je crois que nous pouvons laisser

18 le témoin terminer sa réponse; après quoi, vous poserez la question

19 suivante ou une autre question connexe.

20 Monsieur Krzic, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et peut-être

21 terminer votre réponse?

22 M. Krzic (interprétation): Bien entendu, je ne peux pas vous dire ce que

23 pensait le général Talic, mais je peux vous dire que moi, je pensais que

24 Selak et d'autres Bosniens qui restaient au sein de l'armée yougoslave

25 étaient les derniers qui étaient restés pour différentes raisons.

Page 1583

1 Pour ce qui est de Selak, je crois que ce sont ses compétences

2 professionnelles qui ont prévalu, car un cadre supérieur qui entrait dans

3 l'armée yougoslave n'était pas facile à remplacer.

4 M. de Roux: Monsieur le Président, moi, je pose une question extrêmement

5 spécifique: je ne demande pas au témoin ce que...

6 M. le Président (interprétation): Maître de Roux, je vous demanderai de

7 faire preuve d'un peu de patience et de permettre de ménager une pause

8 entre la fin de la réponse du témoin et votre question suivante en raison

9 de l'interprétation.

10 Est-ce que vous pourriez peut-être reposer votre question? Merci.

11 M. de Roux: Je ne vous demande pas, Monsieur Krzic, ce que pensait le

12 colonel Selak du général Talic ou ce que pensait le général Talic du

13 colonel Selak; je demande simplement, puisque je me fonde sur votre livre,

14 quelles étaient les informations que vous communiquait le colonel Selak?

15 M. Krzic (interprétation): Oui, c'est plus clair.

16 Le colonel Selak… Enfin, je vais répondre de façon directe à la question:

17 le colonel Selak, à plusieurs reprises, a fourni des renseignements sur

18 les aspirations de l'époque de l'armée de la Republika Srpska, il a fourni

19 un certain nombre d'informations militaires, et pour moi, ce qui était le

20 plus important, c'est qu'il existait un projet d'attaque aérienne de la

21 ville de Sarajevo.

22 Question: Merci.

23 Parmi les autres officiers de l'état-major du général, connaissiez-vous le

24 colonel Mensud Acotic (phon)?

25 Réponse: Non.

Page 1584

1 Question: Lors de la deuxième rencontre avec le général Talic -nous sommes

2 le 22 juin-, vous demandez à être reçu pour les problèmes de sécurité, à

3 Banja Luka.

4 Quel a été l'accueil du général Talic?

5 Réponse: Eh bien, cet accueil a été correct, mais réservé.

6 Question: Je vais revenir sur ce qui s'est passé le 22 mai. Vous dites

7 qu'à la deuxième, lors de votre deuxième rencontre, "l'accueil était

8 correct et réservé". Mais à la première rencontre, qui se passe au mois de

9 mai, vous dites également qu'il a indiqué à vous-même et surtout, dans le

10 couloir, au mufti de Banja Luka qu'il fallait être très prudent à

11 Prijedor, qu'il risquait d'y avoir des troubles à Prijedor. Il vous a donc

12 donné une information importante.

13 Comment avez-vous utilisé cette information?

14 Réponse: Je me suis penché sur cette information avec un autre participant

15 à la rencontre, M. Filipovic. En effet, nous ne savions pas ce que cela

16 signifiait, mais nous pensions que cette information devait nous pousser à

17 nous demander ce qui faisait qu'à Prijedor la situation était celle là.

18 Comme vous le savez, nous sommes partis à Prijedor pour vérifier sur place

19 ce qu'il en était, avec les représentants des autorités de l'époque de

20 Prijedor.

21 Question: Donc, avec le Président du SDA à Prijedor, M. Mujadzic?

22 Réponse: Je vous prie de m'excuser, avec Monsieur?

23 M. de Roux: Mujadzic?

24 Réponse: Non, Mujadzic est arrivé par la suite. Mais, c'est le président

25 de l'époque qui se trouvait sur place; par la suite, il a été tué -vous

Page 1585

1 devrez me rappeler son nom, car je sais que je l'ai noté quelque part,

2 mais je l'ai oublié à l'instant-, le président de l'époque de l'Assemblée

3 municipale.

4 Question: Peu importe. Outre ces deux rencontres, vous dites que vous avez

5 également fait prévenir le général Talic par le diplomate américain Kelly,

6 le risque d'exécution sommaire à Celinac, et vous dites que le général

7 Talic a envoyé la police militaire pour arrêter ces exécutions. Quelles

8 étaient vos relations avec le diplomate Kelly?

9 M. Krzic (interprétation): Je n'ai pas parfaitement compris la première

10 partie de votre question. Je ne sais pas de quelle période il est

11 question. Je peux répondre directement à la deuxième partie de votre

12 question qui, je crois, est la plus importante pour vous.

13 Pour autant que je puisse m'en souvenir, M. Kelly était deuxième

14 secrétaire de l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique. Il s'est rendu à

15 Banja Luka à plusieurs reprises; il a manifesté son intérêt. Il était

16 facile de communiquer avec lui parce qu'il parlait notre langue.

17 Pour nous, c'était un honneur qu'un diplomate nous rende visite. Nous

18 sommes, après tout, une petite province, mais M. Kelly ne nous a

19 absolument posé aucune question au sujet de plans éventuels, il n'a même

20 pas posé de questions au sujet de l'avenir de la Yougoslavie, par exemple.

21 Il posait des questions qui se rapportaient davantage à la situation

22 locale. Je crois que sa présence visait, avant tout, à lui permettre de se

23 faire une impression, personnellement. Mais dans certaines situations,

24 étant donné que je le savais... Enfin...

25 M. de Roux: Excusez-moi, je me suis peut-être mal exprimé.

Page 1586

1 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai

2 d'essayer de répondre à la question; la question était très simple. Peut-

3 être que la première partie de la question qui vous a été posée n'était

4 pas parfaitement claire, vous avez raison. Mais la question, le sens de la

5 question était très clair.

6 Le conseil du général Talic souhaitait savoir quel type de rapports vous

7 aviez à l'époque avec ce M. Kelly, le deuxième secrétaire de l'ambassade

8 des Etats-Unis, qui se rendait à Banja Luka?

9 Est-ce que vous aviez… Enfin, quelle était la nature de vos contacts?

10 Existait-il des rapports entre vous-même et ce M. Kelly? Si oui, quels

11 étaient-ils?

12 M. Krzic (interprétation): J'ai essayé en quelques phrases d'expliquer en

13 quoi consistaient ces rapports. Il s'agissait de rapports amicaux,

14 corrects, sans aucune obligation. Je répondais à ses questions si je

15 connaissais la réponse.

16 M. de Roux: Avez-vous bien demandé à M. Kelly d'intervenir auprès du

17 général Talic pour qu'il n'y ait pas d'exécution à Celinac?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous avez ensuite, vous aviez ensuite demandé au général Talic

20 la libération d'un certain nombre de prisonniers de Manjaca. L'avez-vous

21 obtenue?

22 Réponse: Là, vous êtes passé à autre chose. Il ne s'agit pas des mêmes

23 personnes, il s'agit d'autres personnes.

24 Question: C'est une autre question: d'autres personnes.

25 Réponse: Oui, je ne l'ai pas demandé personnellement mais, dans notre

Page 1587

1 mémorandum, nous avons posé cette question, effectivement.

2 Question: Vous avez également demandé au général Talic un sauf-conduit,

3 une autorisation pour vous rendre à Zagreb. L'avez-vous obtenu?

4 Réponse: Pour autant que je puisse m'en souvenir, en principe, l'accord

5 avait été donné, mais cette autorisation avait été accordée puis retirée.

6 Mais elle ne portait pas sur mon cas personnel, mais sur la requête visant

7 à autoriser des organisations humanitaires de se rendre à Zagreb. Et

8 l'organisation humanitaire allait, bien sûr, proposer les personnes qui

9 seraient concernées.

10 Question: Mais vous vous êtes rendu à plusieurs reprises à Zagreb? Vous

11 êtes-vous rendu à plusieurs reprises à Zagreb?

12 Réponse: Non. Pendant l'occupation, je ne m'y suis jamais rendu et je

13 n'avais même pas le droit. Une fois, on m'a donné l'autorisation, puis on

14 me l'a retirée.

15 Question: Quand avez-vous été à Zagreb, alors?

16 Réponse: La dernière fois, je crois que c'était le 2, 3 avril et je crois

17 que je suis rentré le 6 ou le 7, je ne sais plus exactement, 1992.

18 Question: Ma mémoire est peut-être défaillante, mais il y a un épisode que

19 vous racontez où vous allez à Zagreb pour négocier des armes. Cela s'est

20 passé à quelle époque?

21 Réponse: A cette occasion-là, et je ne suis pas allé exprès pour cela,

22 mais je suis allé à une réunion de Pliva, l'entreprise pour laquelle je

23 travaillais qui, régulièrement, organisait de telles réunions pour des

24 raisons professionnelles. Et j'ai essayé, par le biais d'un ami, de

25 demander s'il était possible d'obtenir des armes. Je pensais surtout à

Page 1588

1 moi-même et éventuellement à… Enfin…

2 Mais malheureusement, cela n'a pas abouti.

3 Question: Pourquoi vous demandiez si souvent des autorisations ou des

4 services au général Talic et pas aux autorités civiles?

5 Réponse: La raison en est très simple: la terreur qui régnait était telle,

6 les actes criminels étaient si nombreux, des actes de toutes sortes, que

7 j'ai déjà décrits, et il était très rare que nous entendions parler de

8 quelqu'un comme étant identifié comme auteur de ces crimes. Et encore

9 moins comme ayant été condamné pour cela. Les actes criminels commis

10 contre la population non-serbe, de façon générale, n'étaient pas jugés.

11 Et, bien entendu, c'était cela la raison pour laquelle notre seul espoir

12 résidait dans la force militaire. Voilà, c'est la raison.

13 Question: Le 9 mai 1992, l'état-major du 1er Corps d'armée a adressé à la

14 cellule de crise une demande en raison de la situation satisfaisante de la

15 sécurité.

16 Avez-vous été informé de cette position de l'état-major?

17 Réponse: Non.

18 Question: Pendant la crise à Banja Luka, avait été créé un comité de crise

19 qui avait été créé par une résolution de l'Assemblée municipale de Banja

20 Luka. Et vous dites que le SDA était représenté au comité, à ce comité de

21 crise, par Emir Djanic.

22 Quel était le rôle d'Emir Djanic au sein du comité de crise?

23 Réponse: Cet organe s'est appelé différemment au début. Il s'agissait du

24 comité de conseil de la défense national, qui ensuite est devenu comité de

25 crise. Et ce conseil de défense national était un organe -enfin je

Page 1589

1 pourrais même le qualifier de commission-, créé sur la base du statut

2 municipal, et auquel étaient censés participer des représentants de tous

3 les partis politiques qui avaient eu des élus à la fin, au moment des

4 élections. Et tous les partis y ont finalement été représentés, y compris

5 les partis de gauche. C'est là que M. Djanic avait un rôle à jouer.

6 Son rôle consistait à participer aux travaux de ce conseil de défense

7 national, qui était un organe régulier qui n'était pas censé, à mon avis,

8 exister uniquement en situation de crise.

9 Voilà quel était le rôle de M. Djanic. Pour autant que je le sache, M.

10 Djanic, comme les autres représentants qui n'étaient pas membres du SDS, a

11 quitté ce conseil de défense national, qui ensuite est devenu comité de

12 crise ou cellule de crise.

13 Question: En 1990, deux élus du SDA à l'Assemblée de la municipalité de

14 Banja Luka sont entrés au gouvernement. Il s'agit de MM. Ganic et Kuzmic.

15 Pourquoi, en 1992, vous leur donnez l'ordre de quitter le gouvernement? Et

16 pourquoi refusent-ils?

17 Réponse: Au moment où l'on en est arrivé à une situation où l'accord dont

18 j'ai déjà parlé, qui avait été conclu entre les partis au pouvoir, dirais-

19 je pour aller vite, lorsque la situation est arrivée au point où cet

20 accord n'a plus été respecté à de nombreux niveaux. En fait, lorsqu'une

21 situation tout à fait opposée a été créée -je l'ai déjà décrite-, lorsque

22 la présence et la participation des représentants du HDZ et du SDA est

23 devenue impossible, à d'autres niveaux du gouvernement, d'ailleurs pas

24 seulement impossible. Mais, en tant que Croates et en tant que Bosniens,

25 ils ont, en fait, été écartés et n'ont plus pu travailler.

Page 1590

1 Lorsqu'on en est arrivé à une occupation de la ville, pratiquement, de la

2 part des forces armées serbes, autrement dit à ce qu'il est permis

3 d'appeler un putsch, dans la réalité, au moment où nos droits

4 démocratiques n'ont plus été respectés, notre droit de proposition à

5 l'assemblée, donc nous n'avions plus la possibilité de démontrer tous les

6 aspects négatifs qui existaient. Lorsque les opposants ont subi des

7 menaces, nous avons commencé à quitter les séances du parlement. Lorsque

8 tous ces aspects négatifs se sont accumulés, compte tenu du fait que le

9 gouvernement est devenu peu à peu exclusivement SDS, notre situation est

10 devenue insupportable sur le plan politique.

11 Comment pouvez-vous faire partie d'un pouvoir politique sans avoir le

12 pouvoir? Donc, c'était insupportable et c'est la raison pour laquelle nous

13 avons insisté pour qu'ils quittent un tel gouvernement.

14 Par ailleurs -je l'ai déjà expliqué, mais je le répète-, c'était une

15 époque où des pressions terribles étaient exercées en masse sur la

16 population non-serbe. Il nous était impossible de participer à un tel

17 gouvernement. Ce que nous avons fait savoir très correctement, et en temps

18 utile, à M. Vance et à M. Owen. Bien sûr, il faut que j'ajoute que ces

19 deux hommes n'ont pas respecté cette décision du conseil exécutif du SDA

20 ou du comité central du SDA.

21 Question: La seule réponse que je voulais avoir, c'était que M. Ganic et

22 M. Kuzmic sont bien restés au gouvernement.

23 Alors, puisque l'on parle de Lord Owen et de M. Vance, pendant toute la

24 période concernant l'Acte d'accusation, des négociations internationales,

25 une mission internationale était effectivement menée pour trouver une

Page 1591

1 solution à la crise de Bosnie-Herzégovine.

2 Vous avez, vous-même, rencontré M. Vance et Lord Owen. Peut-on savoir ce

3 que vous pensiez du plan qu'ils se proposaient de soumettre aux

4 différentes parties en cause?

5 Réponse: D'abord, je n'ai pas était seul à les rencontrer. Il s'agissait

6 d'une équipe composée de représentants du parti SDA, ainsi que de notre

7 équipe, de notre groupe parlementaire. En fait, le président du groupe

8 faisait partie de cette délégation. Le plan Vance-Owen, ainsi que des

9 plans comparables, ne pouvaient être examinés au sein du SDA, à cette

10 époque-là, que par un nombre restreint de personnes.

11 Quant à certaines décisions, certaines prises de position, elles ne

12 pouvaient être débattues, également, que par ce groupe restreint. Mais il

13 y avait d'autres décisions pour lesquelles il fallait l'accord d'organes

14 plus larges, comme par exemple l'assemblée ou notre conseil exécutif. Il

15 fallait, à cette fin, que nous demandions l'autorisation de notre comité

16 central. Autrement dit, c'était des décisions qu'il fallait discuter de

17 façon élargie.

18 Mais en tout cas, s'agissant de ce plan, et pour autant que je le sache,

19 il y avait un aspect très concret qui a caractérisé notre position, à

20 savoir que, si le gouverneur de ce qui allait s'appeler le canton était un

21 Serbe, il devait être obligatoire que deux suppléants de ce gouverneur

22 soient respectivement croate et musulman. C'était ce que nous exigions.

23 Dans ce système de répartition, nous voyons l'aspect symbolique de la

24 proportionnalité, de la représentation proportionnelle des populations,

25 des peuples et de l'intérêt de ces peuples.

Page 1592

1 Question: Vous dites dans votre livre que vous aviez constitué un réseau

2 chargé de faire du renseignement et de l'information; vous étiez en

3 contact permanent avec des journalistes, des diplomates, des membres

4 d'organisations militaires. A qui étaient destinées ces informations?

5 Réponse: Vous n'avez pas dit de quelles informations vous parliez, mais ce

6 n'est pas important. Dans notre travail, nous étions complètement

7 transparents.

8 Question: Je vais être plus précis. Dans tout le dossier, nous avons

9 examiné un certain nombre de documents adressés à Son Excellence Sacirbey,

10 chef de la Mission Bosnie auprès des Nations Unies.

11 Comment pensiez-vous que M. Sacirbey utiliserait ces informations? Et ces

12 informations étaient-elles susceptibles d'avoir une influence sur les

13 négociateurs internationaux?

14 M. Krzic (interprétation): D'abord, je dirai que ces informations, nous

15 les transmettions bien sûr à tous les représentants de la communauté

16 internationale présents à Banja Luka. Toutes les informations de nature

17 politique dont vous parlez manifestement –et y compris les informations

18 relatives, bien sûr, à la sécurité de la population- étaient transmises à

19 toutes les organisations internationales, dont le CICR, le Commissariat

20 aux réfugiés, les observateurs européens lorsqu'ils étaient présents. Et,

21 bien sûr, il était tout à fait normal de transmettre également ces

22 informations à notre mission. Pourquoi à notre mission? Eh bien, pour la

23 raison que vous venez d'évoquer, bien sûr, mais également parce que les

24 communications étaient impossibles avec Sarajevo.

25 Il y avait aussi un aspect lié à des affinités personnelles, parce que

Page 1593

1 nous pensions que ces informations iraient aux Etats-Unis et que c'était

2 le lieu le plus probable où ces informations pouvaient être utilisées à

3 bonne fin. Les Etats-Unis sont considérés comme suivant une politique

4 fondée sur des principes, de façon générale -c'est ce que je dirais-, et

5 notamment en situation de conflit.

6 M. de Roux: Voilà, Monsieur le Président. Eh bien, j'en ai terminé, en ce

7 qui me concerne, avec le témoin. Merci.

8 M. le Président (interprétation): (hors micro.)

9 Merci, Maître de Roux. Il est 10 heures 15. Donc, dans un quart d'heure,

10 nous aurons notre pause habituelle.

11 Maître Ackerman, nous pouvons soit faire la pause maintenant et vous

12 commencerez après la pause; dans ce cas, soit nous vous donnons maintenant

13 la parole, nous nous interrompons dans un quart d'heure et vous poursuivez

14 après la pause. C'est à vous d'en décider.

15 M. Ackerman (interprétation): Il serait sans doute raisonnable, Monsieur

16 le Président, que je commence tout de suite.

17 Si je ne casse pas le matériel avant de commencer, je pourrais commencer

18 tout de suite!

19 Puis-je procéder, Monsieur le Président?

20 M. le Président (interprétation): Oui.

21 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me Ackerman.)

22 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur Krzic.

23 (Signe de la tête du témoin.)

24 Comment allez-vous, aujourd'hui?

25 M. Krzic (interprétation): Merci, je vais bien. Qu'en est-il de vous?

Page 1594

1 M. Ackerman (interprétation): Je vais bien.

2 Je ne m'attendais pas à vous parler si tôt dans la matinée, mais nous

3 allons commencer.

4 Vous avez fait toute une série de déclarations devant les représentants du

5 Bureau du Procureur de ce Tribunal, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui, en effet.

7 Question: La première de ces déclarations a été recueillie pendant un

8 certain temps, à savoir entre la date du 27 décembre 1994 et celle du 23

9 août 1995, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui. Avec des interruptions.

11 Question: Apparemment, cinq réunions ou rencontres ont eu lieu dans le

12 cadre du recueil de cette déclaration avant que vous ne la signiez?

13 Réponse: Je suppose, parce que vraiment je ne me rappelle pas les détails.

14 Question: Pourriez-vous dire aux Juges de cette Chambre pourquoi il a

15 fallu si longtemps pour le recueil de cette déclaration? Y a-t-il eu des

16 problèmes? Quelles sont les raisons pour lesquelles il a fallu si

17 longtemps?

18 Réponse: Bien sûr, je ne peux pas expliquer des raisons qui ne dépendent

19 pas de moi. Mais l'impression que j'ai acquise, c'est que le recueil

20 prolongé, comme vous dites, de cette déclaration était dû au fait que les

21 éléments fournis par moi étaient constamment vérifiés. C'est ce que j'ai

22 cru comprendre.

23 Question: Voulez-vous dire que les enquêteurs vérifiaient les informations

24 que vous leur fournissiez? C'est bien cela que vous voulez dire?

25 Réponse: Je crois que c'est cela, oui, mais je ne peux pas le garantir.

Page 1595

1 Question: Oui. Une autre déclaration de vous a été recueillie les 24 et 28

2 octobre 1999. Vous rappelez-vous cette déclaration?

3 Réponse: Maître, vraiment, pour moi, il est très difficile de vous

4 répondre. Je ne me suis pas préparé à cela, je ne pensais pas devoir vous

5 parler avec une précision totale des déclarations que j'ai faites, etc.

6 Répondre précisément à votre question exigerait que je me sois préparé à

7 vous fournir des éléments chiffrés. Cela exige préparation.

8 M. le Président (interprétation): Un instant, Maître Ackerman.

9 Madame Korner, voilà ce sur quoi j'avais l'intention d'appeler votre

10 attention ce matin, lorsque j'ai dit que de nouveaux documents soient

11 versés au dossier plus tard, car ces déclarations n'ont pas été soumises à

12 la Chambre hier, pas plus d'ailleurs que durant le début de la déposition

13 de M. Krzic. Or elles ont été remises aux Juges de la Chambre; je crois

14 savoir qu'elles ont été également communiquées à la défense. Mais hélas,

15 nous sommes maintenant dans une situation où nous voyons que des questions

16 sont posées au sujet de ces quatre déclarations préalables faites par lui,

17 alors qu'il ne les a pas sous les yeux.

18 Je pense donc qu'il doit être possible de régler cette question de façon

19 très rapide pour permettre au témoin de répondre, car on lui dit les dates

20 du 27, du 28, du 4, du 5. Ce n'est pas juste, il ne peut pas répondre.

21 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, les déclarations

22 préalables de témoin ne peuvent devenir pièces à conviction que s'il y a

23 accord pour que des portions importantes de ces déclarations soient

24 soumises au témoin, dans le cadre donc d'un accord particulier.

25 Mais nous pouvons fournir des exemplaires au témoin et Me Ackerman pourra

Page 1596

1 continuer à poser ses questions au sujet des dates. A moins, Monsieur le

2 Président, que nous nous accordions sur les dates de recueil de ces

3 déclarations.

4 M. le Président (interprétation): C'est peut-être ainsi qu'il faudrait

5 commencer, car, en tout état de cause, si l'on demande au témoin de

6 répondre à des questions relatives à la teneur de ses déclarations, ou

7 encore de faire référence à des événements dont il a été question dans ses

8 déclarations, il faut qu'il les ait sous les yeux. Cela ne fait aucun

9 doute.

10 Mme Korner (interprétation): Nous sommes d'accord pour admettre les dates

11 que Me Ackerman vient de citer et, si Me Ackerman souhaite continuer des

12 questions au sujet de ces déclarations, nous pouvons organiser la

13 distribution de ces déclarations.

14 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je demanderai que la

15 pause se fasse maintenant, car j'ai encore des questions à poser au témoin

16 au sujet de ces déclarations pour le reste de la journée d'aujourd'hui et

17 peut-être même pour une partie de la journée de demain.

18 M. le Président (interprétation): Donc, à mon avis…

19 Mme Korner (interprétation): Je suppose que le témoin devrait recevoir la

20 traduction, n'est-ce pas, en BCS, car ces déclarations ont été rédigées en

21 anglais.

22 M. le Président (interprétation): Je crois savoir qu'il comprend également

23 l'anglais. En tout cas, dans la toute première partie de sa déposition,

24 lundi, il a déclaré qu'il parlait l'anglais, mais que bien entendu il

25 s'apprêtait à répondre aux questions dans sa langue. Cela ne devrait donc

Page 1597

1 poser aucun problème; en tout état de cause, il y aura interprétation

2 simultanée.

3 Merci, Madame Korner, pour votre coopération, néanmoins. Merci également,

4 Maître Ackerman, pour votre coopération.

5 Nous allons maintenant faire la pause et nous reprendrons nos travaux à 11

6 heures moins 10.

7 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, puis-je m'assurer que

8 les déclarations seront fournies dans les deux langues, car, de temps en

9 temps, j'aimerais lui soumettre la version anglaise?

10 Mme Korner (interprétation): Avec l'aide de Mme Karper, nous disposons de

11 la version anglaise et il est presque certain que nous pourrons nous

12 procurer la version bosniaque.

13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame Korner.

14 Nous reprenons nos débats à 11 heures moins 10.

15 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est reconduit hors du prétoire.)

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 11 heures 05.)

17 (Questions relatives à la procédure.)

18 (Les accusés sont réintroduits dans le prétoire.)

19 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner.

20 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous avons les

21 versions de ces déclarations en anglais et en bosnien.

22 M. le Président (interprétation): Parfait. Dans le suivi d'une procédure

23 normale, ces dépositions-là ne feraient pas partie des pièces à conviction

24 mais, si tant est que le témoin sera interrogé sur la teneur de ces

25 documents, il nous faudra réviser la position en question parce que, en

Page 1598

1 fin de compte, la Chambre de première instance devra également décider de

2 la crédibilité du témoin ici présent. Cela dépendra de ce que nous

3 attendons de la part de M. Ackerman qui procédera, j'imagine, à un contre-

4 interrogatoire détaillé.

5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, pour autant que j'aie

6 pu comprendre les choses -et ceci parce que je proviens d'un système de

7 common law et j'imagine que le même système prévaut tant aux Etats-Unis

8 qu'en Angleterre-, si de grandes parties de la déposition sont montrées au

9 témoin à la fin de la journée, pour rafraîchir la mémoire du témoin

10 concernant ce qui figure dans ces dépositions, et ce, aux fins d'évaluer

11 sa crédibilité, la déposition peut être versée au dossier en tant que

12 pièce à conviction.

13 M. le Président (interprétation): C'est cela.

14 Monsieur Ackerman, vous pouvez y aller.

15 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas

16 comment m'exprimer. Il est survenu quelque chose pendant cette pause. Il

17 s'agit de (inaudible).

18 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il s'agit d'un terme texan?

19 M. Ackerman (interprétation): Cela se peut et, en date du 13 décembre -je

20 crois que la caméra peut voir cela-, j'ai remis ces documents et des

21 instructions au Greffe pour traduction au niveau du service de traduction.

22 On m'a dit que les personnes auxquelles je me réfère pour avoir des

23 traductions, de temps à autre, n'étaient pas censées traduire des

24 documents que j'allais présenter comme pièces à conviction et qu'il

25 fallait les soumettre au service de traduction du Tribunal.

Page 1599

1 Il y a ici quelque 1500 pages de documents, que nous avons présentés en

2 date du 13 décembre. Aujourd'hui, pendant la pause, donc pratiquement deux

3 mois plus tard, ces documents m'ont été restitués avec une explication

4 disant que rien de tout cela n'avait été traduit; absolument rien n'a été

5 traduit!

6 Quelqu'un, au service de traduction, a pris position disant qu'il y avait

7 peut-être là des documents qui avaient déjà été traduits pour le compte du

8 Greffe dans une autre affaire ou dans cette affaire-ci. Donc il s'est

9 écoulé tout ce temps et je me retrouve maintenant avec ces documents-là,

10 que j'avais espéré recevoir en grosse partie traduits pour procéder à des

11 contre-interrogatoires de témoins relatifs à Banja Luka, étant donné qu'il

12 s'agit de documents appartenant au classeur Banja Luka. J'avais pensé que

13 ces documents avaient été en cours de traduction.

14 J'apprends, aujourd'hui, que cela n'a pas été traduit du tout, aucun

15 document n'a été traduit. Maintenant, si tout cela n'a pas été traduit, je

16 pense pouvoir dire qu'il aurait été stupide de ma part d'envoyer des

17 documents déjà traduits pour retraduction. Maintenant, si l'on me demande

18 de le faire moi-même, je n'ai rien contre; c'est une requête raisonnable,

19 mais il faudrait que je fasse un index, une liste de ces documents avant

20 que de les re-soumettre pour traduction. Je ne sais pas combien de

21 journées il me faudra pour ce faire; j'imagine qu'il m'en faudra

22 plusieurs. Avant que ne puisse remettre tout cela, une fois de plus, pour

23 traduction, il faut que je fasse une liste, un listing de ces documents.

24 En date du 13 décembre, personne ne m'avait signalé la nécessité de

25 présenter un listing ou un index des documents en question. Je les avais

Page 1600

1 répartis de mon mieux, je les ai décrits de mon mieux. J'avais envoyé un

2 courrier en date du 13 décembre au service de traduction. Je leur ai fait

3 parvenir les documents en question et, il y a quelques minutes de cela,

4 j'ai pour la première fois reçu une réponse de ce service, lors de la

5 restitution de ces documents dans notre bureau.

6 Je ne peux pas travailler ainsi, personne ne saurait défendre un client

7 sans disposer de documents traduits, et ce, dans une affaire aussi

8 sérieuse, qui comporte des charges, des accusations de génocide.

9 Je crois que l'homme, qui est assis ici, a droit à un jugement équitable.

10 D'autant plus que l'Acte d'accusation comporte des chefs d'accusation

11 aussi graves et le Greffe a laissé passer deux mois sans m'informer du

12 problème qu'il y avait.

13 Donc je ne sais pas ce que la Chambre peut faire, mais j'ai perdu deux

14 mois. Il faut donc que je recommence à partir du début, c'est-à-dire à

15 partir des positions qui avaient été les miennes en date du 13 décembre.

16 M. le Président (interprétation): Madame Korner, avez-vous quelque chose à

17 dire à ce sujet?

18 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président, pas du tout.

19 J'ai, à plusieurs reprises, soulevé la question ou le problème de la

20 traduction des documents . Je ne pense pas pouvoir apporter de l'aide car,

21 comme l'a dit M. Ackerman, il est probable qu'il ne soumette pas pour

22 traduction des documents dont nous avons déjà demandé la traduction. Mais

23 sans savoir de quels documents il s'agit, nous ne saurions lui apporter

24 notre aide.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Ackerman, vous comprenez, je

Page 1601

1 pense, qu'il faudra que je m'entretienne à ce sujet avec mes collègues,

2 les deux Juges de la Chambre et nous vous donnerons notre opinion plus

3 tard.

4 Entre-temps, je crois qu'il faudrait que la Chambre de première instance

5 sache de quels documents il s'agit au juste, de quel type de documents

6 nous sommes en train de parler. Bien entendu, je vous fais confiance quand

7 vous dites que ce sont des documents importants pour votre contre-

8 interrogatoire, pour ce qui est du contre-interrogatoire de témoins

9 relatifs au chapitre Banja Luka.

10 Toutefois, pour que la Chambre de première instance soit en meilleure

11 position pour prendre une position, il serait utile que celle-ci soit mise

12 au courant de la nature des documents en question. En d'autres termes,

13 nous voudrions être certains, être sûrs qu'il ne s'agit pas de documents

14 qui ne sont peut-être pas nécessaires.

15 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, je vais vous donner un exemple: ce

16 classeur-là est plein de ce que nous appelons, aux Etats-Unis, de papiers

17 très fins, c'est-à-dire il s'agit d'originaux; il y a des signatures, des

18 cachets: les cachets sont en bleu et les signatures sont à l'encre. Ce

19 sont donc des documents originaux et tous ces documents proviennent de la

20 région autonome de la Krajina. Ils ont essentiellement été signés par M.

21 Nikola Erceg, qui avait été président du Conseil exécutif de la région

22 autonome de la Krajina. Il s'agit de documents extrêmement importants pour

23 ce qui est de cette affaire.

24 Les documents sont donc suffisamment importants pour justifier des résumés

25 de traduction pour que l'on sache de quoi il s'agit au juste, mais j'ai

Page 1602

1 l'intention de me référer à la plupart de ces pièces à conviction

2 officiellement devant ce Tribunal et il faut qu'ils soient traduits

3 officiellement par les services du Tribunal, en quelque sorte. J'ai déjà

4 remis au Bureau du Procureur certains de ces documents et j'ai l'intention

5 d'en faire de même pour ce qui est du reste. Mais je suis convaincu qu'il

6 n'y a ici aucun document que le Bureau du Procureur aurait déjà fait

7 traduire.

8 Il y a là aussi bon nombre d'articles de journaux que mes collègues de

9 Banja Luka ont identifiés comme étant des documents fort importants,

10 extrêmement importants pour ce qui est des questions traitées par

11 l'affaire qui nous concerne. Il s'agirait donc d'articles de journaux

12 récents qui viennent compléter l'image fournie par ce qui avait été publié

13 par les journaux, à l'époque. Il ne s'agit donc pas d'articles de journaux

14 qui ont été soumis par le Bureau du Procureur.

15 Il y a aussi un grand nombre de documents que nous avions obtenus de la

16 part d'autorités ou d'instances gouvernementales et d'individus qui ont

17 été contactés par notre équipe d'enquête dans la Republika Srpska. Et je

18 pense pouvoir dire que ces documents sont très importants pour la

19 présentation de notre défense.

20 Il y a une autre liste de documents, en outre, dans ce paquet-là, que je

21 peux vous montrer. Il y a des documents qui proviennent des archives. Je

22 ne sais pas tout ce qui concerne les documents en question, mais il s'agit

23 en tout état de cause de documents provenant du centre de détention de

24 Trnopolje. Il s'agit donc de documents qui se trouvaient là-bas, dans les

25 archives, qui ont été donc recensés pendant le fonctionnement dudit

Page 1603

1 centre; ces documents-là sont censés apporter un éclairage nouveau sur la

2 façon dont ce centre avait fonctionné.

3 J'hésite peut-être à le dire, mais je crois devoir le dire, qu'il s'agit

4 de documents qui montrent ou démontrent quelque chose de tout à fait

5 opposé à ce que le Procureur avait dit dans ses propos liminaires

6 concernant le fonctionnement de cet établissement-là.

7 Je n'aurais soumis au service de traduction de ce Tribunal des documents

8 qui ont déjà été fournis par le Bureau du Procureur, ou des documents que

9 j'aurais estimés comme non pertinents pour la défense dans cette affaire.

10 Je ne procède pas de cette façon et je ne pense pas être un avocat de ce

11 genre. Et il n'y a aucun précédent dans ce Tribunal qui pourrait indiquer

12 à qui que ce soit que j'appartiens à cette espèce-là de juristes.

13 Je vais défendre mon client de façon vigoureuse, je vais le défendre au

14 meilleur de mes aptitudes. Et je dois dire que je ne sais pas comment le

15 faire. Si l'on me dit de procéder d'une certaine façon, je le fais de

16 cette façon, et on me dit que l'on ne peut pas le faire de cette façon-là

17 non plus! Alors, maintenant, je ne sais comment il convient de faire.

18 Peut-être faudrait-il procéder à une pause de deux mois pour que je

19 recommence, qu'on remette toute la procédure en marche et que je fasse

20 traduire les documents?

21 M. le Président (interprétation): Je crois que Mme Korner va être d'accord

22 avec vous.

23 Mme Korner (interprétation): Non, je voulais vous dire autre chose.

24 Vous vous souvenez, Monsieur le Président, que nous avions parlé de la

25 divulgation des documents du Bureau du Procureur pour lesquels on savait

Page 1604

1 qu'ils allaient être utilisés. Je voudrais me référer maintenant à ce que

2 Me Ackerman vient de dire. Comme il a, dans son équipe, des personnes qui

3 parlent le serbo-croate, j'avais imaginé qu'il allait utiliser ces

4 documents-là.

5 Maintenant, mis à part les problèmes de traduction, je voudrais dire que,

6 si ces documents sont censés être utilisés, il faudrait peut-être qu'ils

7 soient divulgués. Nous serions peut-être en mesure d'apporter notre aide,

8 notamment compte tenu des articles de presse et notamment à la lumière du

9 fait que nous avons déjà communiqué au service de traduction un grand

10 nombre d'articles de presse, mais qui ne nous ont pas encore été rendus

11 traduits, étant donné que nous n'avions pas précisé que ces documents

12 étaient prioritaires.

13 Nous nous sommes déjà entretenus à ce sujet, Monsieur le Président, mais

14 je crois que la seule des façons de faire aux fins de surmonter la

15 difficulté, c'est d'obtenir un résumé de traduction, à savoir que les deux

16 parties en présence soumettent leur traduction et, s'il y a des documents

17 vraiment importants pour lesquels nous avons besoin d'une traduction

18 officielle, soumettre cela au service de traduction du Tribunal.

19 Et je dois pouvoir dire avec regret que nous avons les mêmes problèmes que

20 Me Ackerman, peut-être pas dans la même mesure, mais étant donné le procès

21 de Milosevic, ce procès-là est prioritaire actuellement et tout le reste

22 est mis de côté.

23 Je crois que c'est là que réside la difficulté réelle.

24 M. le Président (interprétation): En effet, mais cela ne devrait pas avoir

25 un effet quelconque sur la décision que cette Chambre de première

Page 1605

1 instance-ci va prendre en fin de compte. Ce que vous venez de nous dire,

2 c'est une chose qui me semble évidente. Je suis certain -et je pense que

3 mes deux collègues de la Chambre seront d'accord avec moi pour le dire

4 sans que je les consulte pour autant- qu'il s'agit de questions des plus

5 importantes, mais il y a aussi le facteur temps.

6 Et même si nous recourons à la solution que vous nous suggérez d'adopter,

7 si tant est que vous suggériez cela, il apparaît aussi le problème du

8 temps nécessaire, étant donné que nous n'avons pas encore entamé, que nous

9 allons entamer le chapitre Banja Luka.

10 Il y a une autre solution éventuelle, c'est que les deux équipes de la

11 défense gardent, conservent le droit, se réservent le droit de faire

12 revenir des témoins qui témoigneront une fois l'interrogatoire principal

13 et le contre-interrogatoire terminés, et lorsque des éléments de preuve

14 feront leur apparition, partant de tous les documents qui devront être

15 traduits à titre officiel. Donc de rappeler les témoins en question.

16 Je dois vous dire que cette idée-là me terrifie. Ce qui me terrifie, c'est

17 l'idée d'aboutir à un moratoire sans savoir si tel témoin sera appelé ou

18 cité une fois, deux fois ou plusieurs fois, voire trois fois, au cours du

19 procès, au fur et à mesure de la traduction des documents.

20 Et je pense pouvoir dire en ce moment-ci, partant de mon expérience, c'est

21 de réfléchir quelque peu à la question, que je m'entretienne à ce sujet

22 avec mes deux collègues de la Chambre, et que nous voyions aussi quelle

23 autre possibilité nous pourrions avoir et vous faire part de nos

24 réflexions par la suite.

25 Nous sommes tous en effet conscients des problèmes auxquels nous faisons

Page 1606

1 face. Le Bureau du Procureur se trouve dans une situation analogue, peut-

2 être pas aussi difficile que celle de Me Ackerman, mais en tout état de

3 cause, je crois pouvoir dire qu'il ne s'agit pas d'une situation agréable.

4 Et cela n'est pas de nature à faciliter la tâche de la Chambre de première

5 instance. Je crois que nous avons ici la même tâche, à savoir déterminer

6 la vérité et faire justice. Il convient également de maintenir l'équilibre

7 entre les droits et les intérêts des accusés et les droits et intérêts des

8 victimes.

9 Maintenant, s'il s'agit de documents importants, il nous convient de

10 trouver des solutions appropriées.

11 Maître Ackerman, je me propose de vous redonner la parole, mais c'est à

12 peu près ce que j'ai l'intention de faire: nous, Juges de la Chambre,

13 allons nous pencher une fois de plus sur cette question et nous vous

14 communiquerons une solution concrète.

15 Maître Ackerman, à vous.

16 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

17 j'ai une suggestion et des commentaires, mais je vais faire les

18 commentaires d'abord.

19 J'ai eu l'impression qu'en cette phase-ci de l'affaire, je n'ai pas tout

20 simplement pas eu l'opportunité de me plaindre du fait de ne pas disposer

21 des traductions des documents, étant donné que j'ai soumis cela pour

22 traduction il y a deux mois.

23 M. le Président (interprétation): C'est ce que nous pourrions peut-être

24 vous reprocher. Passons à autre chose.

25 M. Ackerman (interprétation): Certainement, mais ce que je voulais dire,

Page 1607

1 c'est que la plupart de ces documents, je ne les avais pas avant de les

2 avoir remis au service de traduction, ou plutôt je les avais reçus

3 quelques jours avant de les avoir transmis au service de traduction.

4 Maintenant, pour ce qui est de la suggestion, j'ai besoin de l'aide de la

5 Chambre pour pouvoir fonctionner.

6 En effet, j'ai ici deux personnes qui sont capables et qui ont la bonne

7 volonté de passer des heures à traduire ces documents. Il s'agit de

8 personnes compétentes, qui travaillent très bien, mais on leur a dit, de

9 la part du Greffe de ce Tribunal, que ces personnes-là ne sont pas

10 autorisées à traduire des documents qui pourraient devenir des pièces à

11 conviction devant ce Tribunal. Et si j'ai bien compris la chose, c'est une

12 règle sacro-sainte du présent Tribunal.

13 Dans le cas où cette règle pourrait être assouplie aux fins de faciliter

14 les choses, je n'aurais pas de problème à remettre ces traductions à ces

15 personnes. Mais s'il faut que je remette tout au service de traduction de

16 Tribunal, cela nous prendra beaucoup plus de temps.

17 C'est ce que je voudrais donc savoir, je voudrais que vous nous apportiez

18 une aide à cet égard.

19 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons nous pencher sur le

20 problème pour voir si quelque chose pourrait être fait en ce sens. Ce que

21 je sais, c'est que l'on travaille beaucoup pour ce qui est de déterminer

22 quels sont les documents à traduire ou à ne pas traduire, c'est-à-dire

23 qu'il y a un travail de fait pour ce qui est de l'élaboration d'une liste

24 de priorités. Mais je ne saurais vous donner davantage de détails.

25 Nous avons certainement besoin d'un certain temps, et vous le comprenez,

Page 1608

1 non seulement pour nous entretenir entre nous à ce sujet, parce que c'est

2 une chose dont nous ne saurions traiter ici dans le prétoire, vous

3 comprendrez donc que nous avons besoin d'un peu plus de temps. Mais il

4 nous faut aussi examiner quelles sont les possibilités qui sont les nôtres

5 pour ce qui est mis à notre disposition. Et nous tiendrons au courant

6 aussi vite que possible. Il ne s'agit pas de questions à prendre à la

7 légère.

8 Et pour autant que je le sache, le système qui prévaut à ce Tribunal est

9 problématique, même pour le Bureau du Procureur, parce que demain matin, à

10 titre d'exemple, le Bureau du Procureur pourrait nous communiquer des

11 nouvelles, mauvaises ou bonnes, disant par exemple qu'il y a de nouveaux

12 éléments d'information survenus. Et si j'ai bien compris, et pas seulement

13 moi, mais la totalité des Juges, nous sommes conscients de tout cela et

14 nous comprenons parfaitement bien que cela constitue un gros problème:

15 parce qu'au cours des procès, il peut survenir des éléments nouveaux qui

16 seraient d'importance fondamentale pour l'affaire.

17 Et quand je vous avais dit que vous ne sauriez vous attendre à des

18 miracles depuis le 13 décembre à ce jour, en même temps, je voulais dire

19 que le problème existait déjà au niveau de la traduction des documents.

20 Donc je ne vois pas pourquoi l'on ne vous avait pas dit la difficulté ce

21 même jour. Je sais qu'il y a eu entre-temps les fêtes de Noël, mais je ne

22 comprends pas que nous n'ayez pas été informé du problème en question.

23 En tout état de cause, nous nous pencherons sur le problème et nous allons

24 voir ce qui pourrait être fait. J'apprécie le fait que vous ayez compris

25 le problème et que vous êtes en train de coopérer avec le Bureau du

Page 1609

1 Procureur. J'apprécie hautement.

2 Oui, Madame Korner?

3 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, il

4 s'agit d'une enquête formelle pour ce qui est de la communication des

5 pièces dont a parlé M. Ackerman, indépendamment des problèmes de

6 traductions, pour le cas où il aurait l'intention de s'en servir.

7 M. Ackerman (interprétation): D'après le Règlement, je suis censé

8 divulguer les documents que j'ai l'intention d'utiliser et j'ai

9 l'intention de me tenir à ces dispositions-là.

10 M. le Président (interprétation): Oui, je vous prie de le faire aussitôt

11 que possible.

12 M. Ackerman (interprétation): Oui, dès que j'aurai déterminé quels sont

13 les documents que j'utiliserai, je le ferai.

14 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez essayé d'expliquer

15 l'importance de la pertinence de ces documents? Et si j'ai bien compris

16 moi-même, vous n'avez pas l'intention de ne pas vous servir de ces

17 documents, vous avez l'intention de vous servir de ces documents et ce,

18 pleinement. Vous avez dit que ces documents émanaient de la région

19 autonome de Krajina; d'autres documents ont été collectés par vos

20 enquêteurs. Je ne sais plus au juste, mais vous attachez beaucoup

21 d'importance à ces documents. Vous avez fait en sorte de convaincre la

22 Chambre de première instance qu'il s'agit de documents qu'il faudrait que

23 nous prenions en considération de façon sérieuse, et ce, à la lumière de

24 la complainte que vous avez présentée.

25 M. Ackerman (interprétation): Certainement.

Page 1610

1 M. le Président (interprétation): Je n'ai donc pas compris que vous aviez

2 des doutes concernant l'usage des documents et, si j'ai bien compris ce

3 que vous avez voulu dire, c'est que vous aviez l'intention de vous référer

4 à ces documents et que vous alliez les utiliser.

5 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais je ne les ai pas tous lus. Il

6 m'est difficile de prendre une décision. Si, maintenant, ces documents

7 sont ceux qu'on m'a dit qu'ils étaient, je m'en servirai mais j'ai parfois

8 aussi reçu des documents qui ne se sont pas avérés être ce que je pensais

9 qu'ils étaient. Donc, si je pouvais avoir cet index, je le ferais.

10 M. le Président (interprétation): Certainement.

11 M. Ackerman (interprétation): Et je vais certainement donc faire en sorte

12 que l'on vous communique une liste de ce que je vais utiliser et je vais

13 procéder à la communication de ces témoins.

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Ackerman, et

15 je crois que, peut-être, il serait possible maintenant de faire entrer le

16 témoin dans le prétoire.

17 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est réintroduit dans le prétoire.)

18 (Les Juges se consultent sur le siège.)

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, Me Ackerman va, à

20 présent, poursuivre son contre-interrogatoire. Bien entendu, vous n'avez

21 pas à prononcer une nouvelle fois la déclaration solennelle. Nous partons

22 de l'hypothèse que votre déposition se poursuit sous cette déclaration.

23 Vous pouvez vous asseoir.

24 J'imagine que nous devrions transmettre les documents dont nous avons

25 parlé précédemment à M. Krzic.

Page 1611

1 Mme Korner (interprétation): Est-ce que Me Ackerman souhaite que toutes

2 les déclarations, ensemble, lui soient remises ensemble ou une par une?

3 M. Ackerman (interprétation): Toutes les déclarations.

4 Mme Korner (interprétation): Très bien, toutes les déclarations. Monsieur

5 le Président, il s'agit tout d'abord de la version en anglais et de la

6 version en langue bosniaque, avec la date. Ils portent les cote 1 à 4.

7 M. Ackerman (interprétation): Dans l'ordre chronologique?

8 Mme Korner (interprétation): Non, en réalité, c'est dans l'ordre

9 chronologique inverse.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me Ackerman.)

12 M. Ackerman (interprétation): Re-bonjour. Nous étions en train de parler

13 de la déclaration qui est la déclaration n°2, telle que numérotée par le

14 Procureur. Il s'agirait de la déclaration qui a été faite les 24 et 28

15 octobre 1999. Est-ce que vous arrivez à la retrouver?

16 M. Krzic (interprétation): Oui, j'ai trouvé.

17 Question: La déclaration dit que "des interrogatoires ont eu lieu les 24

18 et 28 octobre, avec une pause de trois jours entre les deux, les 25, 26 et

19 27".

20 Pouvez-vous dire à la Chambre pourquoi cette interruption de trois jours a

21 eu lieu?

22 Réponse: En réalité, je crois que c'est l'équipe des enquêteurs qui a pris

23 cette décision. Je n'ai jamais vraiment réfléchi au fait de savoir

24 pourquoi des pauses avaient été prévues.

25 Question: Est-ce qu'on pourrait dire de même des interruptions pour les

Page 1612

1 autres déclarations que vous avez faites, à savoir que vous ne savez pas

2 pourquoi ces interruptions ont eu lieu?

3 Réponse: Je ne me souviens pas exactement pourquoi, quelle raison a été

4 invoquée. Je crois, j'imagine que je n'étais pas le seul témoin qu'ils

5 devaient rencontrer et ils ont dû faire en fonction de différents

6 facteurs; j'imagine que c'est pour ce type de raisons liées à différentes

7 obligations qu'ils avaient.

8 Question: Pendant toute cette période du 27 décembre 1994 jusqu'au 29 août

9 2001, date de votre dernière déclaration, la dernière fois où vous avez

10 parlé avec les enquêteurs, donc pendant cette période, est-ce que l'on

11 vous a fourni une aide financière ou une aide d'un autre type? Est-ce que

12 le Bureau du Procureur vous a fourni une telle aide?

13 Réponse: Non.

14 Question: Je crois comprendre que vous avez eu la possibilité de parcourir

15 toutes ces déclarations après votre arrivée ici, à La Haye, en préparation

16 à votre déposition; est-ce que c'est exact?

17 Réponse: Je n'ai pas insisté à examiner ces déclarations parce qu'à chaque

18 fois, on m'en donnait une copie. Par conséquent, on m'a laissé le choix de

19 les examiner et, à dire vrai, j'ai estimé que je ne devais pas les relire

20 plusieurs fois. Et à chaque fois que j'ai signé, j'étais sûr que c'était

21 ce que j'avais dit.

22 Question: Alors, ma question est la suivante: est-ce que vous les avez

23 relues, ces derniers jours, en préparation à votre déposition ici?

24 Réponse: Enfin, que voulait dire: "il n'y a pas longtemps de cela"? Est-ce

25 que vous voulez dire "ici, pendant mon séjour à La Haye"? Enfin, je n'ai

Page 1613

1 pas compris.

2 Question: Je ne sais pas combien de temps vous avez passé à préparer votre

3 déposition ici, mais pendant cette période de préparation, quelle qu'ait

4 été sa durée, avez-vous relu ces quatre déclarations?

5 Réponse: Ici, à La Haye, non. Mais, bien entendu, je les avais.

6 Question: Est-ce qu'à ce stade-ci, pendant que vous êtes sous serment,

7 vous pouvez affirmer à la Chambre que chacune de ces déclarations qui a

8 été faite par vous est absolument correcte et correspond à la vérité?

9 Réponse: Je n'ai jamais dit quoi que ce soit qui n'ait pas été vrai.

10 Question: Est-ce que, lorsque vous avez relu ces déclarations, vous avez

11 constaté des problèmes de traduction? J'imagine que vous avez lu ces

12 déclarations à la fois en anglais et dans votre langue maternelle: est-ce

13 que vous avez constaté des problèmes de traduction sur lesquels vous

14 souhaiteriez attirer notre attention?

15 Réponse: Je les ai lues surtout dans ma langue et je ne suis pas entré

16 dans des questions de traduction parce que je fais entièrement confiance

17 au Tribunal. Et par ailleurs, je ne suis pas expert en anglais, pour tout

18 ce qui est des points de détails.

19 Question: J'aimerais attirer votre attention maintenant sur la première

20 déclaration que vous avez donnée, la déclaration qui s'est étalée sur

21 plusieurs mois, en 1994 et en 1995.

22 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, prendre cette déclaration?

23 (Le témoin s'exécute avec l'aide de l'huissier.)

24 Réponse: Oui, je l'ai sous les yeux.

25 Question: Est-ce que vous pourriez prendre la deuxième page de la version

Page 1614

1 anglaise où il a été dit que vous aviez reçu une bourse de la FAO à

2 Copenhague, en 1975? Pouvez-vous me dire ce qu'est une telle bourse FAO?

3 Réponse: J'ai participé à un concours pour obtenir une telle bourse. Il

4 s'agit d'une bourse qui concerne le domaine de l'agriculture de façon

5 générale. Pour ce qui me concerne, il s'agissait de l'industrie de

6 traitement de la viande, de façon plus précise, de la transformation de la

7 viande. Enfin, je ne sais pas, si vous souhaitez que j'entre dans les

8 détails, je peux le faire.

9 Question: Ma question était: que signifie FAO?

10 Réponse: "Food et Agriculture Organisation", "Organisation pour

11 l'alimentation et l'agriculture".

12 Question: Et cette organisation est une organisation qui relève de quelle

13 entité, de quel pays, de quelle organisation?

14 Réponse: Mais enfin, c'est une organisation qui relève du système des

15 Nations Unies.

16 Question: Par conséquent, cette bourse vous a été octroyée par une

17 organisation relevant des Nations Unies?

18 Réponse: De façon indirecte, parce que c'est le gouvernement de Bosnie-

19 Herzégovine qui me l'a donnée par le biais d'une institution de l'Etat qui

20 était représentée à la FAO. Et par le biais de cette institution, nous

21 pouvions nous présenter à ce concours et bénéficier de ces bourses.

22 Question: Hier, Me de Roux a commencé son contre-interrogatoire en vous

23 posant une question qui portait sur les objectifs du SDA. Vous vous

24 souvenez de cette question, n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui.

Page 1615

1 Question: Et vous avez dit que l'un des objectifs était d'aider au

2 développement de la démocratie en Bosnie-Herzégovine?

3 Réponse: Oui, tout cela doit être rattaché à la constitution du parti.

4 Question: Le fait de travailler au développement de la démocratie, d'une

5 société démocratique?

6 Réponse: Cela est le fruit de mon interprétation libre.

7 Question: C'est la façon dont vous voyez les objectifs du SDA, n'est-ce

8 pas?

9 Réponse: C'était l'un des objectifs.

10 Question: Et en tant que président, il s'agissait d'objectifs que vous

11 vous deviez de traduire dans les faits?

12 Réponse: Oui, absolument.

13 Question: J'aurais aimé vous demander ce que vous entendiez par…

14 Il s'agit de la page 4 de votre déclaration; je ne sais pas à quelle page

15 cela correspondant dans la version en serbo-croate.

16 Dans la version anglaise, en bas de la page 4, on voit et -je cite-:

17 "Nous, les Bosniens…" Il s'agit là du développement du parti du SDA- -je

18 cite-: "Nous, les Bosniens, avons eu la première possibilité d'exprimer

19 notre appartenance nationale depuis 70 ans; pour la première fois, depuis

20 70 ans, nous avons eu cette possibilité."

21 Réponse: Pourriez-vous me dire de quel paragraphe il s'agit?

22 Question: Il s'agit d'une partie intitulée "Le SDA de Banja Luka"; c'est

23 la page 4 de la version en anglais.

24 Réponse: Oui, j'ai trouvé. Merci. Merci beaucoup, j'ai trouvé.

25 Quelle était votre question, Monsieur?

Page 1616

1 Question: Que vouliez-vous dire par là? Quel message souhaitiez-vous faire

2 passer au moment où vous avez dit, en rapport avec le SDA -et je cite-:

3 "Pour nous, Bosniens, c'était la première possibilité depuis 70 ans

4 d'exprimer notre nationalité"?

5 Réponse: Eh bien, au sein de la première Yougoslavie, comme vous le savez,

6 nous n'avions pas le droit de nous déclarer Bosniens.

7 Dans la deuxième Yougoslavie -même si à Mrkonjic Grad, à la réunion de

8 tous les représentants en 1943, à la réunion de tous les représentants du

9 peuple yougoslave, les Bosniens étaient représentés et, de facto, à cette

10 réunion-là, si j'ai bien compris, de façon implicite, on a reconnu cette

11 nationalité. Mais dans la nouvelle Yougoslavie, dans la Yougoslavie

12 communiste, nous n'avions pas le droit concrètement de nous déclarer

13 Bosniens. Nous n'avons obtenu ce droit que par la suite, même si, dans

14 l'intervalle, comme vous n'êtes pas sans le savoir, on nous a désignés

15 sous le terme de Musulmans.

16 Par conséquent, j'ai estimé qu'il s'agissait là de cette période qui

17 s'était écoulée et que ce n'est qu'à ce moment-là que nous avions reçu le

18 droit de nous désigner par le terme qui nous était le plus proche

19 historiquement et qui nous appartenait en tant que citoyens de Bosnie-

20 Herzégovine.

21 Question: Par conséquent, vous n'aviez pas le droit d'utiliser le terme de

22 Bosnien jusqu'à la création du SDA?

23 Réponse: Non, nous ne pouvions pas utiliser ce terme. Peut-être de façon

24 officieuse mais, officiellement, non, nous n'avions pas le droit.

25 Question: Est-ce qu'une sorte de loi vous empêchait de vous appeler

Page 1617

1 Bosniens?

2 Réponse: Vous savez que, dans la Yougoslavie communiste, en Bosnie-

3 Herzégovine, nous avions trois possibilités de nous désigner: Croate,

4 Serbe, Yougoslave ou indéfini. Comme vous le savez, un grand nombre de

5 Musulmans, en Bosnie-Herzégovine, ont choisi de s'appeler "indéfinis

6 Yougoslaves".

7 Je ne suis pas historien, je ne suis pas prêt à ce type de débat, mais je

8 crois que ce n'est qu'en 1955, ou plus tard, que nous avons reçu le droit

9 de nous déclarer comme étant … -enfin, peut-être que c'était même plus

10 tard donc de nous déclarer comme étant Musulmans. Nous préférions nous

11 dire "Musulmans", même si cela n'était pas notre nom historique. C'était

12 uniquement, à mon avis, une façon non appropriée de désigner les Bosniens

13 de Bosnie-Herzégovine et l'on évitait que l'on puisse utiliser ce terme

14 "Bosniens".

15 Or c'est un terme historique qui nous rattache à notre patrie, la Bosnie.

16 Quant à nos croyances religieuses, cela n'est pas pertinent lorsque la

17 patrie et l'appartenance à une patrie est en question.

18 Question: Je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'au moment

19 de la Constitution de 1974, vous aviez la possibilité de vous déclarer

20 comme Musulmans au moins?

21 Réponse: Oui, mais personne ne nous a consultés lorsqu'on a choisi ce

22 terme. Un référendum ne nous a pas permis de choisir ce terme et nous

23 n'avions même pas de représentants véritables qui auraient pu nous

24 représenter pour cette question.

25 Question: En 1974, le système de la clef était en vigueur et il y avait

Page 1618

1 une représentation proportionnelle de toutes les nationalités de la

2 Yougoslavie dans les assemblées. Vous aviez un certain nombre de députés

3 dans les assemblées qui reflétaient la population musulmane de la

4 Yougoslavie et de la Bosnie-Herzégovine; ce qui était le cas en

5 Yougoslavie depuis sa création, au lendemain de la Deuxième Guerre

6 mondiale: est-ce exact?

7 Réponse: Je vous ai dit que le parti communiste faisait en sorte qu'en

8 fonction du nom, en fonction de l'origine, une représentation

9 proportionnelle de toutes les nationalités soit assurée de façon relative.

10 Très souvent, on tenait compte du nom et non pas de la conviction de la

11 personne en termes d'appartenance. Comme vous le savez, parfois, une

12 personne qui pouvait porter le même nom et le même prénom pouvait se

13 déclarer comme n'étant pas de la même nationalité. Le système de clef

14 était donc en vigueur, mais il s'agissait d'une sorte de mascarade, pour

15 utiliser un terme peut-être péjoratif.

16 A l'époque, les conditions étaient telles -enfin, nous savons en quoi

17 consistait le système communiste-, à l'époque, on pouvait, dans une

18 certaine mesure, se contenter de cela, car vous aviez la possibilité tout

19 de même de vous déclarer dans un sens ou dans l'autre.

20 Question: Etes-vous en train de dire qu'au moment où vous avez fait cette

21 déclaration à laquelle j'ai fait allusion -"Pour nous, Bosniens, c'était

22 la première possibilité, depuis 70 ans, d'exprimer notre nationalité"-,

23 est-ce que vous êtes en train de me dire que, dans cette déclaration

24 préalable, vous êtes en train de dire uniquement qu'après 70 ans, pour la

25 première fois, vous aviez le droit de vous déclarer comme étant des

Page 1619

1 Bosniens?

2 Réponse: Ce que j'avais à l'esprit, c'est que les Bosniens, même pendant

3 l'Autriche-Hongrie, avaient le droit de s'appeler Bosniens mais, après

4 l'avènement de la Yougoslavie royale, puis pendant une grande partie du

5 régime communiste, et donc auparavant pendant la période monarchique, ils

6 n'avaient pas ce droit. Cela représente, plus ou moins, cette durée.

7 Question: Vous vous souvenez certainement du recensement qui a été

8 organisé en 1991. Comment a-t-on permis aux Musulmans de se définir dans

9 ce recensement, en 1991?

10 M. Krzic (interprétation): Je crois qu'une immense majorité s'est définie

11 -enfin, je ne souhaite pas citer des chiffres; je laisse le soin de le

12 faire à ceux qui ont des données plus précises-, mais je crois savoir que

13 les Bosniens se sont essentiellement définis comme Musulmans. Il s'agit là

14 du premier recensement où ils ont eu la possibilité de le faire.

15 M. Ackerman (interprétation): Dans la phrase suivante, après que vous avez

16 dit que c'était la première possibilité pour les Bosniens d'exprimer leur

17 appartenance nationale depuis 70 ans, dans la phrase suivante, vous dites

18 -et je cite-: "Nous pensions qu'il s'agissait d'une chance qui nous était

19 accordée par l'Occident".

20 Qu'est-ce que cela veut dire?

21 M. le Président (interprétation): Avant que M. Krzic ne réponde à la

22 question, j'aurais aimé demander à Me Ackerman ce qu'il essaie de prouver

23 par cette série de questions.

24 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'essaie de savoir ce

25 qu'il voulait dire au moment où il a fait ces déclarations.

Page 1620

1 M. le Président (interprétation): Mais pour ce procès précis, quelle est

2 la pertinence?

3 M. Ackerman (interprétation): La pertinence a trait à la crédibilité du

4 témoin, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai de

6 répondre à cette question et nous verrons ensuite ce qu'il en est des

7 questions qui suivront, éventuellement.

8 M. Krzic (interprétation): Je vous donne bien entendu mon point de vue.

9 Par ailleurs, vous devez savoir que cela figure dans un livre qui a été

10 écrit très rapidement, sans avoir consulté des données précises; il

11 s'agissait des données que j'avais en ma possession. Et ce que je voulais

12 dire par là, c'est qu'en Occident, et notamment en Europe occidentale et

13 aux Etats-Unis d'Amérique, la question de cette autodétermination

14 nationale et de cette définition nationale avait été réglée depuis

15 longtemps. Et cela ne posait pas problème: personne n'était menacé par le

16 fait que les cultures nationales étaient respectées et cela se faisait en

17 toute liberté, sans représenter un danger pour quiconque.

18 Voilà ce que je voulais dire.

19 M. Ackerman (interprétation): Maintenant, j'aimerais passer à un sujet

20 différent.

21 Lundi, dans ce prétoire, M. Koumjian vous a posé des questions sur la

22 période que vous avez passée à la présidence du SDA de Banja Luka. Dans

23 votre réponse, à la lecture du compte rendu d'audience, je vois la façon

24 dont vous avez décrit le moment où vous avez quitté la présidence du SDA

25 de Banja Luka -je cite-: "Plusieurs membres du conseil exécutif du SDA de

Page 1621

1 Banja Luka et certains députés du SDA de Banja Luka ont convoqué une

2 réunion à Sarajevo et, pendant cette réunion, la direction du parti a été

3 confiée à une autre personne".

4 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela dans votre déposition?

5 M. le Président (interprétation): Un instant, Maître Ackerman.

6 Monsieur Koumjian?

7 M. Koumjian (interprétation): De façon à ce que les deux parties puissent

8 suivre les débats, je demanderai à ce que l'on cite le numéro de la page

9 du compte rendu d'audience si une page de ce compte rendu est citée.

10 M. le Président (interprétation): Ce commentaire est tout à fait normal,

11 Monsieur Koumjian.

12 Les comptes rendus d'audience… Ce compte rendu d'audience n'est pas encore

13 officiel, mais le deviendra un jour.

14 Maître Ackerman, quelle est la page de ce projet de compte rendu

15 d'audience où vous avez trouvé l'extrait dont vous avez donné lecture?

16 M. Ackerman (interprétation): Page 1414, Monsieur le Président, lignes 16

17 à 19.

18 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Ackerman, et merci à vous

19 également, Monsieur Koumjian.

20 M. Ackerman (interprétation): Vous vous rappelez cela? Comment se fait-il

21 que la direction du parti a été confiée à une autre personne? Etiez-vous

22 candidat?

23 M. Krzic (interprétation): Bien. Je vais vous expliquer les choses très

24 simplement.

25 J'avais déjà des fonctions officielles, avec mon lieu de travail à

Page 1622

1 Londres, de sorte que, pour des raisons tout à fait pratiques, je ne

2 pouvais pas participer au travail du parti. D'autre part, j'avais une

3 profession et il n'était pas acceptable, à l'époque, que je dirige en même

4 temps le parti alors que j'exerçais ma profession, si c'est cela que vous

5 vouliez savoir.

6 Question: Donc avez-vous conseillé à ce groupe de personnes ce qu'il

7 convenait de faire en leur disant, par exemple, que vous ne vous

8 intéressiez pas à continuer à exercer la présidence du SDA de Banja Luka?

9 Réponse: Eh bien, j'ai tiré profit de ma visite à Sarajevo pour réunir les

10 membres du conseil exécutif -car c'est bien de cet organe qu'il s'agit-

11 pour voir si quelque chose pouvait être fait sur le territoire libre de

12 Bosnie-Herzégovine.

13 Question: Et en même temps, vous avez démissionné de votre poste de

14 président du SDA de Banja Luka, si j'ai bien compris?

15 Réponse: Dans les faits, oui.

16 Question: Je vous demanderai de vous référer au dernier paragraphe de la

17 page 5, les deux dernières lignes de ce paragraphe de votre déclaration,

18 où vous dites -je cite-: "En 1993, j'ai été élu à bulletin secret

19 président du conseil régional du territoire occupé de Krajina bosniaque."

20 Vous avez trouvé ce passage?

21 Réponse: Oui.

22 Question: J'ai plusieurs questions à vous poser au sujet de ce passage.

23 En anglais, les mots "secretly elected" figurent dans le texte. Que

24 voulez-vous dire par là?

25 Réponse: Je l'ai déjà dit, un accord avait été élaboré au sein du SDA

Page 1623

1 selon lequel nous devions officiellement, nous représentants de Banja

2 Luka, nous devions nous proclamer officiellement conseil régional du SDA.

3 En effet, les membres des autres conseils existants dans d'autres villes

4 s'étaient enfuis ou avaient été tués. Donc nous avons pensé que c'était la

5 seule manière pour nous d'être protégés –peut-être était-ce une erreur-,

6 mais nous avons pensé que la seule protection que nous pouvions avoir

7 contre le risque de mort était d'exercer une fonction officielle.

8 Autrement dit, en cas d'arrestation, selon notre habitude, nous avions

9 l'intention d'annoncer au public que monsieur Untel ou Untel avait été

10 arrêté, et au cas où cet homme exerçait une fonction officielle, nous

11 pouvions ajouter qu'il était président ou membre du conseil régional.

12 Dans mon cas, il eût été possible de dire que j'étais président du conseil

13 régional du SDA. Nous pensions que le fait d'exercer une fonction

14 officielle aurait au moins pu appeler l'attention de la communauté

15 internationale sur le sort de telle ou telle personne arrêtée et que cela

16 pouvait lui sauver la vie.

17 Ce n'était pas un acte qui avait une quelconque validité juridique, mais

18 nous parlons ici de conditions de vie concentrationnaires.

19 Question: J'aimerais revenir à la question que je vous ai posée tout à

20 l'heure.

21 Pouvez-vous relire le passage du compte rendu d'audience qui figure encore

22 sur l'écran? Vous voyez ce qui est à l'écran, Monsieur Krzic?

23 Réponse: Je le suis de temps en temps, le compte rendu à l'écran, mais

24 assez peu souvent.

25 Question: Ma question était la suivante: que vouliez-vous dire par les

Page 1624

1 mots "secretly elected", en anglais, secrètement élu?

2 Réponse: Nous ne l'avons pas annoncé dans un média quelconque. Nous ne

3 voulions utiliser cette possibilité qu'en cas d'arrestation.

4 Question: Merci de cette réponse. Lorsque vous parlez des territoires

5 occupés de la Krajina bosniaque, quels étaient les territoires précis que

6 vous considériez comme répondant à la définition de "territoires occupés

7 de la Krajina bosniaque"?

8 Réponse: Eh bien, je vous dirais qu'il s'agissait du territoire ou des

9 territoires qui étaient sous le contrôle de l'armée serbe ou de l'armée de

10 la Republika Srpska, comme on l'appelait.

11 Question: Donc je suppose que la municipalité de Banja Luka, par exemple,

12 vous la situeriez dans ces territoires occupés?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Donc, en fait, ce que vous avez fait en 1993 a consisté à créer

15 une organisation régionale du SDA dans une espèce de région autonome du

16 SDA, en secret?

17 Réponse: Comme vous pouvez le constater, il n'est pas question dans toute

18 cette affaire de représentants du peuple; il est question d'opposants,

19 d'un petit groupe de personnes qui, sur un territoire assez réduit, a pris

20 des décisions destinées à épargner leur vie.

21 Ceci n'a pas été rendu public mais, comme vous pouvez le voir à la lecture

22 du document, ceci a été annoncé aux membres du SDA pour leur expliquer ce

23 que nous étions en train de faire. Ce que nous voulions, c'est simplement

24 être en mesure un jour de dire aux journalistes: "Voilà, c'est un

25 fonctionnaire, un permanent politique et il faut le sauver."

Page 1625

1 C'était une mesure qui était destinée à la presse parce qu'il était

2 impossible d'envisager des interventions de ce genre pour tout habitant de

3 Banja Luka. Et nous n'en avons rien dit, ni oralement ni par écrit. Notre

4 seul objectif était de nous autoproclamer membres d'un organe politique

5 inexistant en vue de renforcer notre sécurité personnelle.

6 Question: J'aimerais maintenant que nous passions à la page 13 de votre

7 déclaration. Nous parlerons d'un autre sujet. Lorsque je dis "page 13", je

8 pense à la version anglaise.

9 Si vous prenez le dernier paragraphe de cette page, à peu près au milieu

10 de ce dernier paragraphe, vous dites, parlant du moment où vous avez été

11 arrêté: "Il ne fait aucun doute que la direction du centre de sécurité

12 publique savait que je me trouvais dans les locaux de ces services de

13 sécurité et que j'étais en train d'être interrogé et torturé".

14 Vous avez trouvé ce passage?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Qui étaient les dirigeants du CSB, centre de sécurité publique

17 dont vous parlez ici?

18 Réponse: Il s'agit du bâtiment du SUP, dans lequel, pour autant que je le

19 sache, les services de sécurité étaient logés également. J'étais convaincu

20 que le chef de ce service de sécurité, ainsi que M. Zupljanin, le chef du

21 SUP, était au courant.

22 Question: Qui d'autre faisait partie des dirigeants? Vous me paraissez

23 parler au pluriel dans cette phrase et pas au singulier?

24 Réponse: Je ne me souviens pas des autres personnes. Si vous faites

25 référence à ces collaborateurs, je ne saurais vous donner leurs noms

Page 1626

1 précis. Mais lorsque je disais "direction", dans mon esprit, ce terme

2 recouvrait également les officiers de rang inférieur car, comme je l'ai

3 d'ailleurs déjà dit ici, il me paraissait impossible qu'une telle

4 information passe inaperçue.

5 Question: Donc lorsque vous utilisez le terme "direction du CSB", vous

6 voulez parler des officiers de rang inférieur des services de sécurité?

7 Réponse: A eux également, je pense à eux également.

8 Question: De quelle information disposiez-vous, puisque vous dites "Il ne

9 fait aucun doute", de quelle information disposiez-vous qui vous eût

10 permis de penser que les dirigeants de haut niveau du CSB savaient que

11 vous étiez dans ce bâtiment?

12 Réponse: Eh bien, parce que l'un des policiers, qui était officier

13 d'ailleurs, était présent au moment de mon arrestation. A un certain

14 moment, je lui avais demandé d'ailleurs de prévenir l'avocat, Me Bojanic,

15 qui était ancien dirigeant du SDA. Je l'ai dit à des policiers.

16 Par ailleurs, l'information s'est propagée dans toute la ville; il était

17 impossible qu'il ne le sache pas. Le soir même, il en a été question dans

18 les médias, dans les moyens d'information que tout le monde écoutait.

19 Finalement, je dois vous dire que, pendant toute la durée de ces tortures,

20 il m'a été ouvertement annoncé que Karadzic lui-même était au courant de

21 mon arrestation.

22 Question: Merci. Mais la phrase à laquelle je vous ai renvoyé était la

23 suivante, je répète: "Il ne fait aucun doute que la direction du CSB

24 savait que j'étais dans les locaux du CSB et que j'étais en train d'être

25 interrogé et torturé." Vous parlez du moment où vous étiez à cet endroit

Page 1627

1 en disant: "Il ne fait aucun doute qu'ils savaient que j'étais là"; je ne

2 parle pas de la période ultérieure, mais de l'époque où vous étiez dans ce

3 bâtiment.

4 De quelle preuve disposez-vous pour affirmer que Stojan Zupljanin, par

5 exemple, savait que vous étiez dans le bâtiment en train d'être torturé,

6 interrogé? De quelle preuve?

7 Réponse: Eh bien, les policiers regardaient tout ce qui se passait par la

8 fenêtre. Ils m'ont regardé aussi au moment où j'ai été emmené par deux

9 policiers dans une autre salle pour me faire tabasser. Ils étaient là tout

10 le temps. A un certain moment, je ne pouvais plus me tenir debout. Tous

11 ces policiers étaient toujours là. Donc il est impossible qu'ils ne

12 l'aient pas fait savoir à leurs supérieurs également.

13 Question: Monsieur Zupljanin n'était pas un supérieur d'un quelconque

14 policier militaire, n'est-ce pas?

15 Réponse: Je suis dans l'incapacité de répondre avec précision à une

16 question de cette nature, car je n'ai jamais eu sous les yeux un

17 quelconque document sur lequel je pourrais me fonder. Cependant, le bruit

18 courait qu'aucun événement de ce genre ne pouvait se dérouler sans que M.

19 Zupljanin ne soit au courant.

20 Question: Donc vous affirmez, n'est-ce pas, que vous êtes dans la

21 possibilité de dire: "Il ne fait aucun doute qu'il savait que vous étiez

22 présent dans les lieux, à ce moment-là", et ce, parce que des officiers de

23 police vous regardaient. A vos yeux, c'est là une preuve suffisante

24 démontrant qu'il était sans aucun doute au courant, n'est-ce pas?

25 Réponse: Puisque ces tortures ont duré toute la journée, dans les locaux

Page 1628

1 du SUP, avec toutes sortes de montées à l'étage, de descentes au rez-de-

2 chaussée, avec des changements de policiers assez nombreux, il me

3 paraissait évident qu'il le savait. D'autant plus que des policiers et des

4 militaires parlaient très fort dans la cour, à l'extérieur, de l'autre

5 côté des fenêtres, en disant: "Est-ce que vous savez ce qui nous arrive?"

6 Et ils ont mentionné mon nom, en disant que j'avais été arrêté. C'était

7 donc quelque chose de tout à fait bien connu.

8 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je crois qu'il est

9 temps de passer à autre chose. Je crois que le témoin a abondamment

10 répondu à cette question que vous lui avez posée.

11 M. Ackerman (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

12 Tout à fait en bas de cette même page, vous parlez de vous comme "d'un

13 homme qui s'est élevé contre les Chetniks". Je suppose que vous faites

14 référence à la période dont nous parlons ici et pas à la Deuxième Guerre

15 mondiale?

16 M. Krzic (interprétation): Je vous prie de m'excuser, il faut que je

17 regarde ce qui est écrit dans la version bosniaque.

18 M. Ackerman (interprétation): Faites-le, je vous en prie. Vous n'avez pas

19 à vous excuser.

20 M. Koumjian (interprétation): Je vais vous expliquer. Je crois que la

21 numérotation des pages est peut-être différente, car cette première

22 déclaration a été faite dans un format un peu différent et il n'est plus

23 dans notre ordinateur. Je sais que moi, j'avais une pagination un peu

24 différente.

25 M. le Président (interprétation): Mais nous parlons du même paragraphe.

Page 1629

1 Donc il ne devrait pas y avoir de difficulté.

2 Monsieur Krzic, il s'agit du même paragraphe que celui d'où Me Ackerman a

3 sorti la petite phrase qu'il vous a citée tout à l'heure au sujet de la

4 direction du CSB. Simplement, c'est deux phrases plus bas.

5 (Le témoin cherche.)

6 M. Krzic (interprétation): Excusez-moi, j'ai des problèmes pour trouver

7 cette phrase.

8 M. Ackerman (interprétation): Le titre du passage, Monsieur Krzic.

9 M. Krzic (interprétation): J'ai trouvé, j'ai trouvé!

10 Vous m'avez posé une question qui incluait le mot "Chetnik" mais, excusez-

11 moi, je ne m'en souviens pas.

12 Question: Je vais vous lire toute la phrase de façon à vous replacer ce

13 passage dans son contexte.

14 Je cite: "Je pense absolument que la direction du CSB était informée

15 depuis le début; dans le cas contraire, ils m'auraient tué immédiatement".

16 Et ensuite, arrive le passage auquel je m'intéresse: "…car j'étais un

17 homme qui s'était élevé contre les Chetniks" (Fin de citation.)

18 Que vouliez-vous dire par ces mots: "J'étais un homme qui s'était élevé

19 contre les Chetniks"?

20 Réponse: Je parlais publiquement des crimes et les auteurs de ces crimes

21 admettaient tout à fait ouvertement et publiquement qu'ils se désignaient

22 sous le nom de Chetniks. Il était bien connu, dans la ville de Banja Luka,

23 qu'ils étaient les successeurs de la tradition des Chetniks. Je parlais,

24 pour ma part, tout à fait ouvertement des crimes qui avaient été commis et

25 je pouvais en déduire que je risquais d'être immédiatement liquidé si eux

Page 1630

1 tenaient mon sort entre leurs mains.

2 Les soldats qui m'entouraient me disaient fréquemment qu'ils étaient des

3 Chetniks et je pense que j'étais en droit de tirer cette conclusion.

4 M. Ackerman (interprétation): Monsieur Koumjian, pendant l'interrogatoire

5 principal -lundi, je crois-, vous a interrogé au sujet des licenciements

6 qui, entre avril et décembre 1992, ont affecté les non-Serbes de Banja

7 Luka. Selon ce que vous nous avez dit, la plupart des juges non-serbes ont

8 perdu leur poste pendant cette période.

9 Vous vous rappelez avoir dit cela?

10 Réponse: J'ai dit que les licenciements avaient également affecté le

11 Tribunal et j'ai ajouté que c'étaient des non-Serbes qui avaient été

12 licenciés. Et j'ai dit que, dans certains cas, ces mesures avaient touché

13 des Serbes qui étaient mariés avec des non-Serbes notamment.

14 Question: Le SDA était un parti qui représentait 13 à 14 % de la

15 population de Banja Luka, n'est-ce pas?

16 Réponse: Il représentait 13 à 14 % des électeurs.

17 Question: Oui.

18 Connaissez-vous un juge dont le nom était Jankovic et qui avait pris ses

19 fonctions en 1991?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Quelle était la nationalité de M. le juge Jankovic?

22 Réponse: Je crois qu'il est serbe.

23 Question: Sa candidature à la nomination à un poste de juge avait obtenu

24 le soutien du SDA, n'est-ce pas?

25 Réponse: Je ne suis pas en mesure de l'affirmer. La seule chose dont je me

Page 1631

1 souvienne, s'agissant de cette élection, c'est que certains membres du SDA

2 étaient contre. Mais ont-ils voté? J'aurais la plus grande difficulté à

3 l'affirmer.

4 Question: J'aimerais à présent vous renvoyer à la page 18 de votre rapport

5 -pas de votre livre, mais de votre rapport-, le premier texte auquel nous

6 avons fait référence. Page 18.

7 Réponse: Version anglaise, n'est-ce pas?

8 Question: Oui, j'ai sous les yeux la version anglaise.

9 Réponse: Oui, j'ai trouvé cette page.

10 Question: L'interprète signale qu'il s'agit de la déclaration préalable du

11 témoin.

12 A peu près à la moitié de la page, il y a un paragraphe qui commence par

13 les mots "Monsieur Jankovic" et vous dites à cet endroit -je cite-:

14 "Monsieur Jankovic a été nommé juge par l'assemblée municipale en 1991, il

15 a demandé le soutien du SDA. Il a obtenu ce soutien et a été nommé Juge au

16 Tribunal municipal."

17 M. Krzic (interprétation): J'ai déjà dit que c'est ce qui a été décidé,

18 mais 100% des membres n'étaient pas convaincus.

19 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, nous allons revenir à ce que je

20 vous demandais au début.

21 Dans vos déclarations, vous avez juré que vous diriez la vérité et vous

22 avez répondu à ma question en disant que tout ce qui figurait dans ces

23 déclarations était absolument vrai. Donc ceci est vrai également, n'est-ce

24 pas?

25 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, objection! Il s'agit

Page 1632

1 d'une discussion argumentative avec le témoin.

2 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman, ne pensez-vous pas

3 que l'objection doit être acceptée?

4 M. Ackerman (interprétation): Je pense que c'est probablement le cas,

5 Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation): Donc objection retenue.

7 M. Ackerman (interprétation): Je pense que je l'aurais retenue si j'avais

8 été à votre place.

9 M. le Président (interprétation): Exactement. Donc M. le Témoin n'a pas

10 besoin de répondre à cette question.

11 Maître Ackerman va vous poser encore quelques questions avant que nous ne

12 suspendions, à moins que, Maître Ackerman, vous ne souhaitiez vous arrêter

13 là et poursuivre plus tard?

14 M. Ackerman (interprétation): Je pense que l'un ou l'autre me convient

15 tout aussi bien, Monsieur le Président. Je pourrai finir.

16 M. le Président (interprétation): Très bien, veuillez procéder.

17 M. Ackerman (interprétation): Il est donc exact, n'est-ce pas, que tout ce

18 que vous avez dit dans votre déclaration et que vous répétez aujourd'hui

19 est absolument certain?

20 M. Krzic (interprétation): Ecoutez-moi, je vous prie. J'ai fait cette

21 déclaration en référence à un élément tout à fait pertinent qui a eu lieu,

22 à savoir le massacre qui s'est produit sur le mont Vlasic.

23 Donc lorsque je parle des juges qui ont participé aux enquêtes relatives à

24 ce massacre du mont Vlasic, il y en a un qui m'a demandé si je connaissais

25 le Juge Jankovic; j'ai dit ce que je savais, je n'ai pas dit une

Page 1633

1 contrevérité.

2 Question: En fait, Monsieur Krzic, ce que vous dites, c'est que M.

3 Jankovic, qui était juge d'instruction chargé de ce qui s'était passé sur

4 le mont Vlasic, bien qu'officiellement, il ait eu le titre de juge...

5 Réponse: Je pense que...

6 Question: Je n'ai pas fini ma question. …bien qu'officiellement, il ait eu

7 le titre de juge, n'a pas agi en toute indépendance, car il était de facto

8 sous le contrôle de M. Zupljanin. C'est bien cela que vous essayez de

9 dire, n'est-ce pas?

10 Réponse: Ce que je voulais dire, c'est que selon les informations dont je

11 disposais -et il faut savoir que je ne suis pas juriste et je n'ai jamais

12 travaillé dans des institutions de nature judiciaire-, donc, selon les

13 informations dont je dispose, un juge d'instruction aurait dû participer

14 physiquement à l'enquête, aller sur les lieux, si l'on pense à ce qu'il

15 est courant de voir dans les services officiels.

16 La situation à Banja Luka était telle à l'époque qu'il n'aurait pas pu le

17 faire sans avoir au préalable consulté les responsables de plus haut

18 niveau de la police. Or se comporter de la sorte n'aurait pas été tout à

19 fait régulier, éventuellement, compte tenu des règlements en vigueur à

20 l'époque. Donc ces policiers auraient aussi bien pu lui dire, lui ordonner

21 de ne pas y aller.

22 Voilà mon avis personnel, parce que tout le monde savait bien qu'à

23 l'époque, agir de la sorte eût été très dangereux, mais désobéir à un

24 ordre également.

25 Je crois, pour autant que je m'en souvienne -je ne suis pas un expert en

Page 1634

1 la matière-, que le procureur public était l'homme qui donnait les ordres

2 dans l'ancien système communiste. Si, entre-temps, des réglementations

3 différentes ont été adoptées, s'agissant de la hiérarchie, je ne suis pas

4 au courant, mais il est impossible qu'il se soit rendu sur le site d'un

5 massacre commis contre les non-Serbes sans avoir bénéficié, sans avoir eu

6 l'agrément officiel de ses supérieurs. A moins bien sûr qu'il se soit agi

7 d'un homme exceptionnellement brave, d'un héros prêt à risquer sa vie.

8 Mais, dans ce cas, nous serions dans une situation tout à fait différente.

9 M. Ackerman (interprétation): Je crois que nous pouvons faire la pause

10 maintenant.

11 M. le Président (interprétation): Pause de 25 minutes. Nous reprenons nos

12 travaux à 12 heures 55.

13 (L'audience, suspendue à 12 heures 32, est reprise à 13 heures.)

14 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

15 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?

16 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je voudrais

17 soulever deux questions brèves de nature administrative, et ce, à la fin

18 de la procédure. Donc je voudrais demander à Me Ackerman de bien vouloir

19 terminer cinq minutes avant. Je serai vraiment courte.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame Korner.

21 Faites entrer, je vous prie, le témoin.

22 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

23 M. le Président (interprétation): Oui, Maître de Roux?

24 M. de Roux: Je voudrais dire que je me suis entretenu avec le général

25 Talic de sa défense, puisque je ne serai pas là mercredi 13, et il

Page 1635

1 souhaite que Me Natasha Fauveau soit son coconseil et soit présente à la

2 barre. Mercredi, j'entends.

3 M. le Président (interprétation): Mettons un peu de côté maintenant, pour

4 le moment, ces questions de formalités pour savoir si elle peut être

5 coconseil ou pas, étant donné qu'elle ne peut pas être coconseil ou

6 qu'elle ne peut être acceptée ou décrite comme coconseil, étant donné

7 qu'elle n'a pas été enregistrée comme coconseil dans cette affaire. Mais

8 dans le cas où il y aurait une déclaration par le général Talic qui dirait

9 qu'il ne verrait pas d'objection à ce que mercredi, lorsque nous

10 reprendrons nos travaux, il soit représenté par Mme Fauveau, eh bien, nous

11 aurions cela au compte rendu d'audience. Mais elle ne peut pas être

12 considérée comme coconseil parce que…

13 Malheureusement, elle ne peut pas. Comme vous l'avez dit, pendant votre

14 absence, Mme Fauveau a fait un travail fantastique et M. le général Talic

15 a été bien représenté pendant ce temps-là.

16 Oui, Monsieur Krzic, vous pouvez vous asseoir.

17 Oui, Monsieur le général Talic? Vous avez certainement entendu ce que

18 votre conseil de la défense, M. de Roux, a dit?

19 M. Talic (interprétation): Je n'ai rien contre le fait d'être représenté

20 par Mme Natasha et je dirais même que je suis d'accord.

21 M. le Président (interprétation): Ok, merci.

22 Monsieur Ackerman, je vous prie de continuer.

23 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

24 Monsieur Krzic, avant la pause, nous étions en train de nous entretenir du

25 bas de la page 18 de votre déposition.

Page 1636

1 Vous dites, je crois, qu'il s'agit de la sixième ligne à partir du bas. Et

2 cela a quelque chose à voir avec la question afférente au juge Jankovic.

3 On dit que, constitutionnellement, il ne pouvait pas assumer des fonctions

4 telles que prévues pour un Juge, à l'époque. Et je crois que vous aviez,

5 vous référant à cette époque-là, dit qu'il y avait un système

6 constitutionnel et un système de facto. C'était bien le cas, n'est-ce pas?

7 Vous ne pouviez pas toujours déterminer qui est-ce qui avait certaines

8 compétences ou attributions, partant de son titre ou de fonction occupée,

9 étant donné qu'il y avait un système de pouvoir de facto qui avait été mis

10 en place pendant cette période de temps-là, n'est-ce pas?

11 M. Krzic (interprétation): Oui, mais pas d'une manière générale.

12 Question: Pour être concret, cela avait été le cas dans certaines

13 situations, n'est-ce pas?

14 Réponse: Dans certaines situations, oui.

15 Question: Je voudrais que nous passions maintenant à la page suivante de

16 votre déposition. On y retrouve une partie qui porte le titre, l'intitulé:

17 "Monsieur Brdanin". Et vers la fin du premier paragraphe, parlant de M.

18 Brdanin, vous dites: "Son père avait été un criminel de guerre pendant la

19 Deuxième Guerre mondiale ".

20 Quelles sont les preuves dont vous disposez à ce sujet?

21 Réponse: Cela avait été une information de notoriété générale.

22 M. Ackerman (interprétation): De notoriété parmi qui?

23 M. Krzic (interprétation): Parmi les citoyens-mêmes de Celinac. On disait

24 que son père avait été sanctionné parce qu'ayant appartenu aux effectifs

25 des Chetniks pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Page 1637

1 Question: Si vous vous penchez sur la deuxième page -et je me réfère au

2 tout début du premier paragraphe-, vous pouvez voir que vous avez déclaré

3 que "M. Brdanin était devenu membre de l'assemblée de Banja Luka".

4 Vous voyez cette partie-là?

5 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Ackerman, est-ce que vous êtes en

6 train de parler de la page 20?

7 M. Ackerman (interprétation): Oui, je parle de la page 20. Et je ne parle

8 pas du premier paragraphe entier, mais je parle de la partie qui se trouve

9 vers la moitié de ce premier paragraphe. Avez-vous retrouvé cette partie?

10 M. Krzic (interprétation): C'est à moi que vous posez la question?

11 Question: Oui.

12 Réponse: Excusez-moi, j'ai retrouvé le passage, mais je ne savais pas que

13 c'était à moi que vous posiez la question.

14 Question: Donc il est vrai qu'il avait été membre de l'assemblée

15 municipale de Banja Luka?

16 Réponse: Oui. Je ne puis l'affirmer à 100%, parce qu'à la maison de la

17 culture de Banja Luka, où avaient eu lieu les sessions de l'assemblée

18 municipale, il y avait des sessions de l'assemblée municipale à différents

19 niveaux. Ce qui fait que, si M. Brdanin avait déménagé vers Banja Luka, il

20 avait pu être membre de cette assemblée.

21 Deuxièmement, il s'agit là d'une période où nous n'avions déjà plus pris

22 part aux activités de l'assemblée de Banja Luka, ce qui fait que nos

23 informations relatives à certaines nominations ou élections n'étaient que

24 fort limitées.

25 Question: Mais j'avais en tête, ici, en premier lieu, le fait qu'il avait

Page 1638

1 été membre de l'assemblée de la Republika Srpska et, pour autant que je le

2 sache, il avait été membre de l'assemblée au niveau de la Bosnie-

3 Herzégovine.

4 Question: La question que je vous avais posée est la suivante: vous avez

5 dit qu'il avait été membre de l'assemblée municipale de Banja Luka. Avez-

6 vous, entre-temps, appris, donc depuis la période où vous avez donné cette

7 déposition, avez-vous appris quelle avait été la vérité ou si cela n'avait

8 pas été vrai? Est-ce que vous croyez toujours que cela était vrai?

9 Réponse: Cela est possible. Il est possible que M. Brdanin ait déménagé

10 vers Banja Luka et que des élections aient eu lieu. Je l'y ai vu souvent.

11 Je l'y avais même vu avant aussi, avant cette période. Aussi ai-je eu

12 cette impression, non seulement pour lui, mais pour d'autres personnes.

13 Mais je ne puis rien affirmer pour sûr, étant donné que je n'ai aucun

14 document me disant que telle ou telle autre personne avait été ou n'avait

15 pas été membre de cette assemblée.

16 Question: Vous avez sous les yeux une déposition que vous avez signée. Et

17 là, on ne dit pas "qu'il serait possible qu'il ait été", mais on dit

18 "qu'il avait été membre". Vous ne dites pas qu'il est possible qu'il ait

19 été, vous ne dites pas "il se peut qu'il ait été", mais vous dites "il

20 avait été", "il avait été". Et vous l'avez déclaré comme étant un fait

21 signé par vos soins.

22 Réponse: Je suis d'accord avec cette constatation.

23 Question: Merci.

24 Je vous prie maintenant de vous pencher sur le paragraphe suivant, qui

25 commence par les termes, les mots: " M. Brdanin...". Dans votre

Page 1639

1 déposition, vous avez dit que c'était un homme fort, qui était prêt à

2 faire tout ce que le docteur Karadzic ou d'autres lui demandaient de

3 faire, n'est-ce pas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Je voudrais demander au Greffe de communiquer au témoin le 34A

6 et le 34B qui sont des pièces à conviction de l'accusation.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Monsieur Krzic, j'ai demandé que l'on vous montre les notes sténographiées

9 émanant du club des députés du Parti démocratique serbe de Bosnie-

10 Herzégovine, réunion qui s'est tenue à Sarajevo, le 28 février 1992.

11 Je voudrais attirer votre attention sur la page 36 de la version anglaise.

12 Je ne saurais vous dire quelle est la page correspondante en version BCS.

13 Je vous dirai maintenant que l'intervenant est le Dr Radovan Karadzic.

14 M. Koumjian (interprétation): Juste un moment, je vous prie.

15 Monsieur le Président, si l'on pose la question que je pense que l'on

16 posera, je tiens à faire objection concernant la pertinence de la

17 question, étant donné que M. Ackerman voudra indiquer certaines

18 divergences entre MM. Karadzic et Brdanin.

19 M. le Président (interprétation): J'imagine en effet que la question sera

20 posée dans ce sens-là, mais je ne vois pas pourquoi j'appuierais votre

21 objection.

22 M. Koumjian (interprétation): Parce que M. Krzic n'était pas présent et

23 n'avait pas accès…

24 (Les interprètes ont du mal à suivre parce que le témoin feuillette les

25 papiers devant son micro.)

Page 1640

1 M. le Président (interprétation): On dit que M. Brdanin se trouvait être

2 une espèce d'animal politique très puissant. J'use de ce terme "animal"

3 non pas de façon littérale, mais pour dire qu'il s'agissait d'un homme

4 politique en puissance, qui avait décidé de suivre exactement et toujours

5 ce que le Dr Karadzic avait demandé ou souhaité le voir faire.

6 Maintenant, si l'on confronte le témoin avec des déclarations publiques de

7 M. Karadzic ou d'autres, je pense qu'il peut y avoir une pertinence.

8 M. Koumjian (interprétation): C'est la question, mais il ne s'agit pas

9 d'une déclaration publique.

10 M. le Président (interprétation): Oui, mais c'est pertinent.

11 On lui demandera maintenant en contre-interrogatoire s'il maintient la

12 déclaration qu'il avait faite initialement concernant Brdanin. Et c'est

13 une question tout à fait légitime.

14 M. Koumjian (interprétation): Je ne vais pas présenter davantage

15 d'arguments, je vois que j'ai perdu la cause. Je vais me rasseoir.

16 M. le Président (interprétation): Fort bien.

17 M. Ackerman (interprétation): Fort bien.

18 Je vous demande, Monsieur le Témoin, de vous pencher sur la page 36 de la

19 version anglaise. Je crois avoir remarqué que vous aviez retrouvé cette

20 page.

21 M. Krzic (interprétation): Je l'ai en anglais. Etant donné qu'il s'agit de

22 questions, de sujets délicats, je voudrais bien retrouver le passage en

23 langue bosnienne. Mais peut-être que, si vous m'indiquez ce que vous

24 vouliez au niveau de cette page-là, cela me serait utile.

25 (Les interprètes font savoir qu'il s'agit de la page 53 en BCS.)

Page 1641

1 M. Ackerman (interprétation): Je tiens à attirer votre attention sur la

2 déclaration de M. Karadzic concernant M. Radoslav Brdanin. Et en version

3 anglaise, on dit: "Nous sommes obligés de renoncer à toute personne qui ne

4 voudrait pas faire ce que nous avons convenu qu'il fallait faire, tant M.

5 Brdanin que d'autres. Quand "Brdjo" arrive quelque part, c'est comme si

6 une bombe était tombée à cet endroit-là: tout part en éclat. Alors, je lui

7 ai fait un clin d'œil et j'ai dit: 'Je ne permettrai pas une telle chose,

8 ni en ma qualité de psychiatre ni en ma qualité de chef du parti'."

9 On saute ensuite un paragraphe qui dit: "Il est fou, il n'est pas normal,

10 dit M. Karadzic, il ne sait pas ce qu'il peut et ce qu'il ne peut pas ou

11 ne saurait pas faire."

12 Vous voyez cette partie-là?

13 Le Dr Karadzic, en sa qualité de psychiatre, avait critiqué Brdanin. Il

14 avait dit qu'il était fou, qu'il n'était pas normal, n'est-ce pas?

15 M. Krzic (interprétation): Une minute. Oui, oui, d'après ce qui est dit,

16 ici, oui.

17 M. Ackerman (interprétation): Et suite à ce que vous venez de dire, après

18 tout ce qu'il a dit de lui, après l'avoir appelé de ces noms-là, vous

19 dites,-je cite-: "M. Brdanin était prêt à faire tout ce que Karadzic ou

20 d'autres lui demandaient de faire".

21 Est-ce que vous pensez vraiment cela?

22 M. le Président (interprétation): J'imagine maintenant quelle va être

23 votre objection et je vais la soutenir. Vous n'avez même pas à la faire.

24 Je sais exactement ce que vous allez dire.

25 Maître Ackerman, je voudrais vous suggérer de reformuler votre question.

Page 1642

1 Et vous savez fort bien à quoi je me réfère. J'entends par là qu'il a fait

2 une déclaration en 1995, dont vous lui avez donné lecture. Vous venez de

3 lui donner lecture de ce que M. Karadzic avait dit à l'occasion de cette

4 réunion au club des délégués, des députés.

5 La question évidente, c'est de savoir s'il maintiendrait sa déposition ou

6 s'il préférerait rectifier le tir. Ou peut-être pourriez-vous poser la

7 question dans ce sens, mais pas de la façon dont vous l'avez fait

8 initialement: "Est-ce que peut-être il croit toujours..."

9 M. Ackerman (interprétation): Je vais le faire. Est-ce que vous continuez

10 à dire, Monsieur Krzic, que M. Brdanin était disposé à faire tout ce que

11 M. Karadzic lui demandait de faire?

12 M. Krzic (interprétation): Oui, à une période de temps déterminée.

13 Question: Vous comprenez, n'est-ce pas, que la déclaration faite par le Dr

14 Karadzic, disant de lui qu'il était fou, date de février 1992; c'était

15 donc avant tous les événements qui font l'objet de l'Acte d'accusation ici

16 présent. Vous le savez?

17 Réponse: Oui, Monsieur, je sais aussi autre chose. En politique, il y

18 avait des sauts périlleux de faits de la sorte assez souvent. On voyait

19 devenir les meilleurs amis du monde ceux qui disaient du mal l'un de

20 l'autre auparavant.

21 Aussi votre assertion n'est-elle que très relative, comme ma déposition

22 aussi est devenue tout à fait relative.

23 Question: Dans le même paragraphe, un peu plus bas, dans la dernière

24 phrase du paragraphe, en page 20 de votre déposition, vous vous référez

25 une fois de plus à M. Brdanin et vous dites: "Il était la bonne personne

Page 1643

1 capable d'organiser les nettoyages ethniques, les camps et les

2 déportations" (Fin de citation.)

3 Vous voyez cette partie-là?

4 M. Krzic (interprétation): Oui.

5 M. Ackerman (interprétation): Avez-vous quelque preuve que ce soit –quand

6 je dis "preuve", j'entends par là autre chose que votre opinion à vous-,

7 avez-vous quelque preuve que ce soit disant que M. Brdanin a organisé, à

8 quelque moment que ce soit, des nettoyages ethniques ou a organisé des

9 camps?

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Ackerman, je ne vais pas vous

11 autoriser à poser ce type de question. Il s'agit d'une appréciation

12 personnelle d'une personne, il ne s'agit pas ici de savoir si cette

13 personne-là dispose d'une preuve ou pas. Il s'agit de savoir ce que M.

14 Krzic avait dit à cette époque-là et ce qui avait été sa conviction à

15 l'époque. Il ne s'agit donc pas maintenant de savoir s'il dispose

16 d'éléments de preuve ou pas.

17 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, mais il a fait cette

18 déposition et ma question avait été de savoir si cela est vrai ou pas; je

19 demande de justifier.

20 M. le Président (interprétation): Vous pouvez juste demander au témoin

21 s'il croyait que cette déposition était conforme à la vérité, mais vous ne

22 pouvez pas lui demander quels sont les éléments de preuve qu'il a à sa

23 disposition pour lui permettre de dire que M. Brdanin était la bonne

24 personne pour commettre tout ceci, toutes ces activités.

25 M. Ackerman (interprétation): Puis-je lui demander, Monsieur le Président,

Page 1644

1 s'il a une justification quelconque, autre que sa conviction personnelle?

2 M. le Président (interprétation): Non, non, c'est pire encore!

3 Je vois que vous avez sauté la phrase précédente et je comprends, je sais

4 très bien pourquoi vous l'avez sautée.

5 M. Ackerman (interprétation): Ecoutez, laissez-moi la retrouver. Peut-être

6 ne vais-je pas la sauter.

7 M. le Président (interprétation): Oh si!

8 M. Ackerman (interprétation): "Il s'agit d'un homme de haine qui a si peu

9 de connaissances qu'il n'a aucune possibilité de créer quoi que ce soit de

10 constructif." (Fin de citation.)

11 Est-ce que vous vous référiez à cela?

12 M. le Président (interprétation): Exactement. Il est en train de parler

13 avec la personne qui l'avait interviewé et il était en train de donner une

14 opinion personnelle au sujet de M. Brdanin, et c'est cela…

15 Et maintenant, en tant qu'avocat expérimenté, Monsieur Ackerman, vous

16 savez parfaitement bien que nous n'allons condamner personne parce qu'un

17 témoin avait cru que cette personne avait été capable d'organiser des

18 camps, des déportations ou quoi que ce soit d'autre. Nous avons besoin de

19 preuves et non pas d'opinions d'autres personnes.

20 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

21 Monsieur Krzic, je vais vous poser maintenant une question concernant ce

22 paragraphe qui commence par les termes: "Monsieur Brdanin" et qui se

23 termine par "un type morbide".

24 Vous êtes en train là, encore une fois, d'exprimer aux enquêteurs votre

25 opinion personnelle concernant M. Brdanin, n'est-ce pas?

Page 1645

1 M. Krzic (interprétation): Mon opinion personnelle se fondait tout de même

2 sur certains faits.

3 Question: Fort bien. Je poursuivrai.

4 M. Krzic (interprétation): Veuillez le faire.

5 M. Ackerman (interprétation): J'ai… Le témoin avait demandé s'il pouvait

6 poser, lui, une question.

7 M. le Président (interprétation): Eh bien, j'ai eu l'occasion, à plusieurs

8 reprises, d'entendre le témoin demander la même chose.

9 Vous êtes ici, Monsieur Krzic, pour répondre aux questions et non pas pour

10 en poser.

11 M. Krzic (interprétation): Monsieur Karadzic a justement confirmé ce que

12 j'avais dit moi-même.

13 M. le Président (interprétation): Si vous souhaitez éclaircir -et ce, de

14 façon concise- ce que vous vouliez dire, vous pouvez le faire. Mais vous

15 ne pouvez pas poser des questions à M. Ackerman, vous n'avez pas le droit

16 de le faire.

17 M. Krzic (interprétation): Je m'excuse.

18 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas vraiment un problème;

19 vous n'avez pas à vous excuser. Mais si vous souhaitez dire quelque chose

20 de plus, veuillez le faire en toute liberté.

21 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, si le témoin souhaite

22 me poser des questions après notre débat, une fois que nous serons sortis

23 de cette session, je n'ai pas d'objection.

24 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas de possibilité de le faire.

25 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas.

Page 1646

1 M. le Président (interprétation): Eh bien, ne perdons plus de temps; ce

2 temps est précieux.

3 M. Ackerman (interprétation): Je suis désolé et je vais continuer.

4 Monsieur Krzic, entre avril et décembre 1992, vous aviez fait des efforts

5 pour informer le reste du monde pour ce qui concerne des événements

6 survenus à Banja Luka, n'est-ce pas?

7 M. Krzic (interprétation): Oui.

8 Question: Et aux fins de pouvoir le faire, vous vous efforciez d'être au

9 courant de ce qui se passait à Banja Luka, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui.

11 M. Ackerman (interprétation): Vous avez suivi de façon attentive la

12 télévision, la radio et ce qui avait été publié par la presse, n'est-ce

13 pas?

14 M. Krzic (interprétation): Quand vous dites "attentivement", je préciserai

15 que cela était fonction des possibilités. Il n'y avait pas toujours de

16 l'électricité, je ne pouvais pas donc suivre toutes les émissions, je ne

17 pouvais pas toujours me procurer les journaux.

18 M. le Président (interprétation): Je m'excuse encore un moment, mais je

19 n'entends plus de traduction, d'interprétation.

20 Ah, maintenant, ça y est, j'entends l'interprète.

21 M. Ackerman (interprétation): Oui, alors donc, pour ce qui est de regarder

22 la télévision et d'écouter la radio, cela vous avait été difficile parce

23 qu'il y avait des coupures d'électricité, n'est-ce pas?

24 M. Krzic (interprétation): C'est cela.

25 Question: A combien de reprises, en 1992, y a-t-il eu des coupures de

Page 1647

1 courant?

2 Réponse: Je pense qu'il est impossible de répondre à la question que vous

3 posez.

4 Seule la personne qui travaillait au niveau de l'entreprise de

5 distribution d'électricité serait en mesure de répondre à la question,

6 mais je ne sais pas vous répondre.

7 Question: Je crois que vous aviez dit, et je crois que je le trouverai la

8 semaine prochaine, que vous aviez dit que vous étiez rarement en mesure de

9 vous servir de votre télécopieur parce qu'il n'y avait pas d'électricité.

10 Est-ce qu'il vous semble qu'il y avait plus de pénurie d'électricité qu'il

11 n'y avait d'électricité? C'est bien ce que vous dites dans votre

12 déposition?

13 Réponse: Je ne voudrais pas faire des suppositions, mais je pourrais

14 éventuellement dire que c'était moitié-moitié.

15 Question: Fort bien. Mais cela n'était pas valable seulement pour la

16 population non-serbe. La situation avait prévalu pour toute la ville de

17 Banja Luka et les environs, n'est-ce pas?

18 Réponse: Non, certaines parties de la ville avaient souffert de coupures

19 d'électricité plus souvent. De là à savoir maintenant si certaines parties

20 avaient été plus souvent privées d'électricité ou pas, je ne pense pas

21 pouvoir dire que cela avait été une question de coïncidence. Je dirais

22 même que le centre avait été mieux approvisionné que la périphérie.

23 Question: Avant 1992, ces problèmes avec l'électricité ne se produisaient

24 pas ou, en tout cas, pas aussi souvent, n'est-ce pas?

25 Réponse: De toute façon, ils étaient moins fréquents.

Page 1648

1 Question: Pourquoi est-ce que, tout d'un coup, des coupures d'électricité

2 importantes ont eu lieu à Banja Luka? Est-ce que vous savez ce qui s'est

3 passé?

4 Réponse: J'imagine que l'approvisionnement en électricité a été endommagé

5 ou coupé en Bosnie-Herzégovine et, au moment où les conflits ont été plus

6 nombreux, alors, il y a eu de plus en plus de coupures d'électricité.

7 Enfin, ce sont des choses connues.

8 Question: Hier, pendant votre déposition, vous avez dit que vous aviez vu

9 M. Brdanin à la télévision. Vous avez dit que vous l'avez beaucoup entendu

10 à la radio également et vous nous avez parlé de ses déclarations que vous

11 aviez entendues?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Hier, dans votre déposition, vous avez dit que c'était pendant

14 cette période-là, c'est-à-dire d'avril à décembre 1992, et vous avez dit

15 que c'était pendant cette période-là que vous l'avez entendu faire de

16 telles déclarations?

17 Réponse: En 1991 et en 1992, ainsi qu'en 1993.

18 Question: Oui. Est-ce que je pourrais vous demander de prendre la page 20

19 de votre déclaration, un paragraphe qui commence par: "J'ai rencontré M.

20 Brdanin...".

21 Je crois qu'il s'agit de la deuxième phrase de ce paragraphe qui dit, en

22 rapport avec M. Brdanin: "Très souvent, il apparaissait à la radio, à la

23 télévision et dans les journaux, surtout en 1993. Avant cela, il n'était

24 manifestement pas considéré comme un porte-parole respectable du SDS. En

25 1991 et 1992, il a donné peu d'interviews."

Page 1649

1 C'est bien ce que vous dites dans votre déclaration préalable, n'est-ce

2 pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Pour ce qui est de ces interviews à la télévision en 1993, vous

5 dites, dans votre déclaration préalable, qu'il a essayé de passer à la

6 télévision pour parler de questions d'administration?

7 Réponse: Oui, c'est l'impression que j'ai retirée.

8 Question: J'imagine que quelqu'un de la télévision vous a dit que M.

9 Brdanin essayait sans cesse de passer à la télévision?

10 Réponse: Je crois que c'est quelqu'un qui était proche de la télévision

11 qui me l'a dit.

12 Question: Ensuite, vous dites qu'il essayait de donner l'impression qu'il

13 était un homme de pouvoir. Dans ces interviews, la façon dont il

14 s'exprimait donnait l'impression qu'il avait joué un rôle très important

15 dans la Krajina de Bosnie, mais il n'a jamais dit, de façon directe, qu'il

16 était responsable ou qu'il avait donné des ordres. Est-ce que c'est exact?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Il s'agit là d'interviews qu'il a données en 1993, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, c'est ce qui figure d'après ce qui est écrit ici.

20 Question: Ensuite, vous poursuivez en disant que sa signature se trouve

21 sur plusieurs documents concernant le nettoyage ethnique et la

22 discrimination dirigée contre les non-serbes?

23 Est-ce que vous avez ces documents?

24 Réponse: Maintenant, je ne peux vous citer les documents où se trouve sa

25 signature. Il faudrait rechercher la signature figurant sur le document de

Page 1650

1 Celinac, qui porte sur la discrimination des citoyens non-serbes. Enfin,

2 vous en avez pris connaissance.

3 M. Ackerman (interprétation): Mais le nom de M. Brdanin n'apparaît à aucun

4 moment de ce document, n'est-ce pas?

5 M. Krzic (interprétation): Ecoutez, maintenant, je ne peux pas...

6 M. le Président (interprétation): Si vous devez poser des questions aussi

7 directes que cela, je crois qu'il faudrait montrer ce document au témoin

8 pour qu'il puisse répondre à la question, car sinon, il va se livrer à des

9 spéculations, sur le fait de savoir si le nom de M. Brdanin y figure, ou

10 sa signature. Si vous faites référence, de façon spécifique, à ce

11 document, si vous lui posez une question très spécifique, je crois qu'il

12 faudrait le faire.

13 M. Ackerman (interprétation): Si quiconque dans le prétoire sait de quel

14 document il s'agit, quelle est la cote de ce document, de quelle pièce il

15 s'agit…? Parce que je vais essayer de le retrouver: cela risque de me

16 prendre un certain temps.

17 Il s'agit de la pièce 450A et B.

18 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un des documents qui ont été

19 produits hier. Le deuxième document, car le premier était le 449.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Monsieur Krzic, pouvez-vous tout d'abord nous confirmer si ces documents

22 que vous avez sous les yeux est le document de Celinac, que vous avez

23 évoqué il y a quelques minutes de cela?

24 M. Krzic (interprétation): Oui.

25 M. le Président (interprétation): Maintenant, peut-être pouvez-vous

Page 1651

1 répondre à la question de Me Ackerman?

2 M. Krzic (interprétation): Je pensais à ce document et je souhaitais

3 vérifier si ce n'était pas par hasard la signature de M. Brdanin. Quant à

4 d'autres documents éventuels, je ne les ai pas à portée de la main.

5 M. Ackerman (interprétation): Vous ne voyez pas de signature sur ce

6 document ou vous n'y voyez pas figurer son nom?

7 Réponse: Je ne vois pas de signature, je ne vois pas son nom non plus.

8 Question: Très bien.

9 Monsieur Krzic, hier, pendant votre déposition -il s'agit de la page

10 131104, je crois qu'il s'agirait du 1104 jusqu'au 131117 du compte rendu

11 d'audience; je ne sais pas comment y faire référence, à part vous donner

12 ses références-là- Monsieur Krzic, vous avez parlé de déclarations que

13 vous aviez entendues de la part de M. Brdanin. Et vous avez dit qu'il

14 avait dit des choses très dangereuses et qu'il a dit que "les Serbes

15 étaient des vers, des cafards, des insectes qu'il fallait piétiner,

16 écraser". Est-ce que c'est bien cela?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-ce que personnellement, vous avez entendu M. Brdanin dire de

19 telles choses?

20 Réponse: Oui.

21 M. Ackerman (interprétation): Si vous avez entendu M. Brdanin s'exprimer

22 de la sorte, personnellement, alors j'aimerais vous demander pourquoi,

23 dans votre déclaration préalable, au bas de la page 20, vous affirmez -et

24 je cite-: "Il est bien connu que M. Brdanin utilisait de telles

25 expressions."

Page 1652

1 Pourquoi vous avez dit cela et non pas "j'ai entendu personnellement M.

2 Brdanin dire cela"?

3 M. Krzic (interprétation): J'ai entendu des choses dans ce sens. J'ai

4 entendu l'expression d'éléments subversifs et j'ai même lu de telles

5 déclarations.

6 J'ai entendu à la radio qu'il disait qu'il fallait empêcher les Bosniens

7 et les Croates de prendre part à toute activité politique. Il a dit dans

8 la presse des choses allant dans le même sens. Quant à ses déclarations,

9 elles étaient connues de tous et on pouvait les entendre de nombreuses

10 personnes à Banja Luka.

11 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, vous vous arrêterez

12 quand le moment vous semblera approprié pour aujourd'hui. N'oubliez pas

13 que Mme Korner a besoin de cinq minutes pour traiter d'un certain nombre

14 de questions d'organisation.

15 M. Ackerman (interprétation): Oui, effectivement. C'est peut-être le bon

16 moment pour nous arrêter.

17 M. le Président (interprétation): Nous pouvons à présent libérer le

18 témoin, mais nous devons expliquer au témoin qu'il devra se représenter…

19 Est-ce qu'on s'est est chargé?

20 Mme Korner (interprétation): oui, il le sait déjà. Mais peut-être que le

21 Président pourra expliquer quelque chose qui ne s'est pas encore présenté

22 jusqu'ici? Peut-être que dans l'intervalle, M. Krzic va rencontrer

23 d'autres témoins, et peut-être pourriez-vous lui dire qu'il ne peut parler

24 à ces autres témoins? Nous ne pouvons pas le lui dire car il est

25 maintenant interrogé dans le cadre du contre-interrogatoire.

Page 1653

1 M. le Président (interprétation): Oui, mais j'avais cru comprendre de M.

2 Cayley qu'il n'y aurait pas d'autres témoins la semaine prochaine?

3 M. le Président (interprétation): Mais je ne parle pas de la semaine

4 prochaine, mais à l'avenir.

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, vous avez entendu ce

6 qu'a dit Mme Korner, du Bureau du Procureur?

7 M. Krzic (interprétation): Oui.

8 M. le Président (interprétation): Il s'agit là d'un des principes les plus

9 importants que vous devez respecter en tant que témoin.

10 M. Krzic (interprétation): Oui.

11 M. le Président (interprétation): Vous me comprenez?

12 M. Krzic (interprétation): Je vous comprends et je m'y tiendrai.

13 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas encore fini de déposer;

14 d'autres questions vont vous être posées par le conseil de la défense de

15 M. Brdanin, après quoi vous aurez éventuellement des questions

16 supplémentaires de la part du Procureur et éventuellement quelques

17 questions supplémentaires, mais les Juges pourront également vous poser

18 des questions. Il est donc important qu'entre maintenant et le moment où

19 on vous demandera de revenir ici pour poursuivre votre déposition, il est

20 donc important que vous n'évoquiez ces questions avec quiconque. Est-ce

21 que je peux avoir votre parole?

22 M. Krzic (interprétation): Oui, vous avez ma parole.

23 M. le Président (interprétation): Je crois que vous pouvez à présent vous

24 retirer pour que nous puissions discuter des questions qui doivent l'être.

25 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Krzic.

Page 1654

1 M. Krzic (interprétation): Merci.

2 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est reconduit hors du prétoire.)

3 (Questions relatives à la procédure.)

4 M. le Président (interprétation): Madame Korner?

5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, très brièvement,

6 j'aurais une observation.

7 Nous vous avons demandé de réexaminer votre décision portant sur les

8 mesures de protection et nous nous demandions si les Juges étaient en

9 mesure de nous fournir leur décision, peut-être d'ici à mercredi? Je sais

10 que tout le monde ne sera peut-être pas là, mais nous devons nous

11 préoccuper de ces témoins potentiels.

12 M. le Président (interprétation): Ce que je peux vous dire, c'est que nous

13 nous en sommes occupés, nous nous en occupons encore, mais cela nous

14 confronte à une difficulté qui est relative à l'organisation. Mais

15 j'espère que d'ici à mercredi prochain, nous aurons largement le temps de

16 d'examiner cette question de façon plus détaillée, de l'examiner quant au

17 fond et j'espère que nous pourrons, à ce moment-là, rendre une décision.

18 Ou plutôt à cette date-là.

19 Mme Korner (interprétation): Merci. Deuxième question: il s'agit de vos

20 collègues. Si j'ai bien compris, il y a plusieurs audiences pour l'affaire

21 Vasiljevic sont en suspens et je me demande si cela affectera notre

22 procès.

23 M. le Président (interprétation): Non. Je peux vous affirmer que cela ne

24 sera pas le cas. Cela n'est pas prévu et des mesures de précaution ont été

25 prises.

Page 1655

1 Autre chose?

2 Mme Korner (interprétation): Troisième question: ce qui concerne les

3 éléments de preuve par ouï-dire; nous en avons parlé hier. Les Juges vont

4 se pencher à nouveau sur la question de la recevabilité des documents

5 contestés. J'espère qu'à la conférence de mise en état de cet après-midi

6 nous pourrons résoudre ce problème.

7 Mais j'aurais aimé revenir sur la question du ouï-dire. Les Juges ont

8 rendu une décision là-dessus, mais je crois que nous aurions peut-être

9 besoin de davantage d'éclaircissements.

10 Peut-être que nous pourrions prendre les deux questions ensemble?

11 M. le Président (interprétation): Mais ces deux chapitres sont clos; nous

12 n'allons pas les rouvrir, à la fois la question de la recevabilité et du

13 ouï-dire. Je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait que nous n'avons

14 pas été suffisamment clairs. Nous avons été parfaitement clairs; pour ce

15 qui est de l'ouï-dire, nous avons dit de façon très claire qu'il ne

16 s'agissait pas là d'un des principes du Tribunal. Il s'agit d'un élément

17 qui… Il s'agit d'un système mixte et cette Chambre, conformément à

18 d'autres décisions qui ont déjà été prises là-dessus, se tiendra à ce qui

19 a été décidé, à savoir que ce n'est pas une règle absolue dans la Common

20 Law et ce n'est pas non plus le cas au sein de ce Tribunal.

21 Mme Korner (interprétation): Oui, vous avez raison, vous avez été

22 parfaitement clair. Mais je crois qu'il faudrait revenir sur ce que vous

23 avez dit hier, à savoir la question des documents qui ont été présentés,

24 la façon dont cette règle s'applique à ces documents.

25 M. le Président (interprétation): Mais de quoi parlez-vous exactement?

Page 1656

1 Mme Korner (interprétation): J'ai ici le compte rendu d'audience et je

2 crois que M. Koumjian a présenté deux documents, les deux premiers

3 documents à M. Krzic. A ce moment-là, vous, Monsieur le Président, êtes

4 intervenu. Il s'agit de la version "livenote" du compte rendu d'audience.

5 Je comprends bien que nous avons dépassé le temps qui nous était imparti;

6 peut-être que nous pourrons revenir là-dessus la semaine prochaine?

7 M. le Président (interprétation): Oui, nous pouvons y revenir. Mais

8 n'oubliez pas que nous ne sommes pas d'accord avec ce que vous avez dit

9 sur le ouï-dire, c'est-à-dire que nous n'avons pas été suffisamment

10 clairs. Les Juges se sont exprimés de façon suffisamment claire.

11 Mme Korner (interprétation): Oui, vous avez été parfaitement clair, mais

12 j'aurais aimé revenir sur ce que vous avez dit hier.

13 M. le Président (interprétation): Mais je ne vois pas de quoi vous parlez,

14 car les deux premiers documents n'étaient pas controversés. Il s'agissait

15 de rapports internes du SDA, adressés à M. Sacirbey, à New York.

16 Pour ce qui est du deuxième document...

17 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit d'un

18 document intitulé "Témoignage personnel".

19 M. le Président (interprétation): Ah! Ce n'est pas le 449?

20 Mme Korner (interprétation): Non, c'est un document précédant, comme je

21 vous l'ai dit.

22 M. le Président (interprétation): La question n'était pas de savoir si

23 c'était de l'ouï-dire ou pas. Ce que M. Koumjian essayait de verser au

24 dossier de l'affaire, c'était une déclaration de personnes non

25 identifiées, qui souhaitaient garder l'anonymat, privant la défense, en

Page 1657

1 fin de compte, de la possibilité de contre-interroger ces personnes sur

2 ces déclarations. Ces déclarations étaient fournies au témoin en lui

3 demandant de prouver éventuellement le contenu.

4 Mme Korner (interprétation): C'est le problème précisément, car ce n'est

5 pas ce que la jurisprudence nous dit. Il y a différents degrés s'il s'agit

6 de sources qui ne sont pas identifiées, mais si, de façon absolue, vous

7 dites que l'ouï-dire n'est pas autorisé…

8 M. le Président (interprétation): Mais je croyais m'être exprimé de façon

9 suffisamment claire. Je ne peux accepter une situation où l'on

10 présenterait cette déclaration au témoin, où on lui dirait que cette

11 déclaration a été faite par un certain nombre de personnes qui se

12 définissent comme étant un groupe de personnes, mais qui souhaitent garder

13 l'anonymat, présenter cette déclaration au témoin et présenter cette

14 déclaration comme étant un document permettant d'alléguer telle ou telle

15 chose qui, d'ailleurs, a trait au fond des accusations portées contre les

16 accusés.

17 Ce qui fait que Me Ackerman ou les autres conseils de la défense auraient

18 été dans l'impossibilité de contre-interroger le témoin sur ce document.

19 Mme Korner (interprétation): Oui, mais ce problème se représentera à

20 d'autres reprises.

21 M. le Président (interprétation): Nous nous prononcerons sur le problème

22 au moment où il surgira, sur la base du document en question, et nous

23 verrons si nous pouvons résoudre le problème.

24 Mme Korner (interprétation): Peut-être serait-il préférable de voir au cas

25 par cas ce qu'il en est et de nous prononcer sur le prochain cas qui se

Page 1658

1 posera.

2 M. le Président (interprétation): Dans l'intervalle, je vous suggère de

3 vous abstenir de faire état de ce type de préoccupations.

4 M. Ackerman (interprétation): J'ai deux remarques, premièrement, une

5 remarque assez éloignée de ce qui a été dit, mais tout de même en rapport.

6 Par ailleurs, pour ce qui est des décisions, je crois qu'il faudrait qu'il

7 soit bien clair qu'une décision est une décision.

8 M. le Président (interprétation): Ecoutez, vous n'avez pas à revenir sur

9 la question: une décision est une décision. J'ai dit que le chapitre était

10 clos.

11 M. Ackerman (interprétation): Quelqu'un devrait informer M. Von Hebel

12 qu'il doit venir nous chercher dans la salle de la défense une fois que

13 nous pourrons commercer, car nous sommes des citoyens de seconde classe

14 dans ce Tribunal et nous n'avons pas accès à toutes les parties du

15 bâtiment.

16 M. le Président (interprétation): Je crois que votre client est en bonne

17 compagnie, et Mme Gervis va s'en occuper, n'est-ce pas?

18 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, on vient de m'informer

19 que vous aviez accès à cette salle. Il s'agit d'une salle qui se trouve à

20 côté du couloir de la salle n°1, là où l'on trouve la machine à café, les

21 toilettes. C'est la salle 177.

22 M. Ackerman (interprétation): C'est la salle qui est à côté de la salle

23 des conseils de la défense.

24 M. le Président (interprétation): Apparemment, ce que l'on m'avait dit

25 n'était pas exact.

Page 1659

1 Mme Korner (interprétation): Je crois que la défense a accès à cette

2 salle. C'est de notre côté, mais la défense y a accès.

3 M. le Président (interprétation): Hier, nous avons évoqué très brièvement

4 ce qui allait se passer la semaine prochaine avec M. Cayley. Monsieur

5 Krzic sera à nouveau avec nous. Le contre-interrogatoire de Me Ackerman

6 s'achèvera. Après quoi, vous aurez la possibilité de poser des questions

7 supplémentaires si vous en avez. De notre côté, nous poserons

8 éventuellement des questions le cas échéant.

9 Ensuite, nous nous sommes demandés s'il était judicieux de faire venir un

10 autre témoin la semaine prochaine. Nous avons estimé que ce n'était pas la

11 meilleure solution. Je voudrais vous demander d'essayer de trouver un

12 moment, au cours des deux jours où nous siégerons la semaine prochaine,

13 pour nous présenter oralement votre point de vue sur votre requête,

14 consistant à bénéficier, à faire en sorte que la déclaration du témoin

15 décédé -je ne me souviens plus de son nom- sorte, que cette déclaration

16 soit versée au dossier. Peut-être pourriez-vous en parler très brièvement

17 avec M. Von Hebel cet après-midi?

18 Si la défense ne fait pas objection à ce que cette déclaration soit

19 admise, nous ne devrons pas ouvrir de débat là-dessus, mais Me de Roux m'a

20 déjà fait savoir qu'il aurait une objection. Par conséquent, nous devrons

21 également aborder cette question.

22 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, vous vous souvenez

23 peut-être que je vous ai dit qu'il était peut-être préférable d'attendre

24 d'avoir entendu le dernier témoin, car il parlera de cet aspect militaire.

25 Je suis parfaitement disposée à entrer dans le fond de l'affaire avant

Page 1660

1 cela, mais la pertinence sera manifeste une fois que ce témoin aura

2 déposé. Si vous le souhaitez, je peux me préparer à le faire pour la

3 semaine prochaine.

4 M. le Président (interprétation): Le problème, c'est que si nous arrivons,

5 en fin de compte, dans une telle situation; si nous avons vos arguments,

6 nous pourrons nous y préparer. Nous pourrons trancher immédiatement.

7 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, si nous avons le temps

8 d'examiner cette question la semaine prochaine, ce qui sera probablement

9 le cas, je suis parfaitement disposée à le faire.

10 M. le Président (interprétation): Oui, ce serait très utile.

11 M. le Président (interprétation): Nous allons donc poursuivre le 13, c'est

12 donc mercredi prochain. Nous entendrons la suite du contre-interrogatoire

13 de M. Krzic, à 9 heures.

14 (L'audience est levée à 14 heures.)

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25