Page 12336
1 (Mercredi 4 décembre 2002.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)
4 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, appeler
5 l'affaire, Madame la Greffière.
6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Bonjour. C'est
7 l'Affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdjanin.
8 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Brdjanin. Est-ce que
9 vous pouvez m'entendre dans une langue que vous comprenez?
10 Votre microphone n'est pas allumé.
11 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président et Mesdames
12 les Juges. Je vous entends et je vous comprends.
13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez vous
14 asseoir.
15 Les représentations des parties?
16 Mme Korner (interprétation): Joanna Korner assistée par Denise Gustin.
17 M. le Président (interprétation): Pour la défense de Radoslav Brdjanin?
18 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je suis John
19 Ackerman et je suis ici avec Milan Trbojevic et Marela Jevtovic.
20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Ackerman.
21 Bonjour à vous aussi.
22 Nous allons aujourd'hui entendre la déposition de Lord Ashdown ce matin.
23 Est-ce que vous avez d'autres témoins à présenter? Parce que j'ai entendu
24 dire, ce matin, enfin tout au moins par ma secrétaire, qu'on avait préparé
25 les documents pour un autre témoin.
Page 12337
1 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je suppose que
2 Lord Ashdown aura probablement besoin de l'ensemble de l'audience de ce
3 jour, en tous les cas une bonne partie de l'audience d'aujourd'hui. Et
4 bien qu'il y ait un autre témoin ici, je n'ai pas donné d'instructions
5 pour le moment pour le faire venir.
6 M. le Président (interprétation): Oui.
7 Mme Korner (interprétation): Mais je voudrais voir cette question à la
8 fin. Je souhaite que Lord Ashdown ait la possibilité de faire
9 intégralement sa déposition aujourd'hui.
10 M. le Président (interprétation): Exactement.
11 Mme Korner (interprétation): Nous avons un certain nombre de problèmes en
12 ce qui concerne les témoins de la semaine prochaine.
13 M. le Président (interprétation): Oui.
14 Mme Korner (interprétation): Mais j'en traiterai à la fin de l'audience.
15 M. le Président (interprétation): Nous discuterons de la situation. Juste
16 réservez du temps pour cela et nous ajusterons les choses en fonction.
17 Vous verrez de combien de temps vous avez besoin dans l'intervalle au
18 moment de la suspension et on verra si on peut résoudre certains des
19 problèmes.
20 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président, ce n'est pas un
21 problème qu'on puisse résoudre avec la défense, c'est un problème pour
22 faire venir les témoins.
23 M. le Président (interprétation): Faites entrer le témoin.
24 (Le témoin, Lord Ashdown, est introduit dans le prétoire.)
25 M. le Président (interprétation): Bonjour, Lord Ashdown.
Page 12338
1 Lord Ashdown (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames
2 les Juges.
3 M. le Président (interprétation): Je sais que vous connaissez déjà la
4 procédure qui est appliquée ici; je vais donc demander à l'huissier de
5 vous présenter le texte de la déclaration solennelle que vous êtes prié de
6 bien vouloir faire avant de déposer.
7 Lord Ashdown (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
10 Mme Korner procédera à l'interrogatoire en chef.
11 (Interrogatoire principal du témoin, Lord Ashdown, par Mme Korner.)
12 Mme Korner (interprétation): Lord Ashdown, pourriez-vous, s'il vous plaît,
13 donner votre nom complet au Tribunal?
14 Lord Ashdown (interprétation): Mon nom est Jeremy John Ashdown et je suis
15 fréquemment nommé Paddy Ashdown. C'est sous ce nom qu'on me connaît le
16 plus.
17 Question: Pour traiter brièvement de votre biographie, je crois que vous
18 avez été membre des forces armées pendant un certain temps, puis un
19 diplomate, puis membre du parlement, et pour finir vous êtes devenu le
20 chef du Parti démocrate libéral en Grande-Bretagne, vous avez été fait
21 membre de la Chambre des lords et vous actuellement le haut représentant
22 pour la Bosnie.
23 Réponse: C'est exact.
24 Question: Lord Ashdown, je voudrais vous poser des questions aujourd'hui
25 concernant un voyage que vous avez fait en Bosnie en août 1992, et en
Page 12339
1 particulier en ce qui concerne votre visite de deux camps.
2 Je crois que, pendant toute cette période, il est exact que vous avez tenu
3 un journal?
4 Réponse: C'est exact.
5 Question: Brièvement, pourriez-vous nous dire s'il a été écrit par vous-
6 même à la main ou est-ce que vous l'avez dactylographié?
7 Réponse: Ma pratique, que j'ai suivie normalement pour ce qui étaient des
8 entrées auxquelles je me référais, était de dicter, le soir, les
9 événements qui s'étaient produits pendant la journée, de façon détaillée.
10 Il y a certains éléments de mon journal où les questions moins importantes
11 et moins intéressantes ont été écrites et que j'aurais peut-être rédigées
12 le jour suivant, mais ma pratique normale, lorsque je pensais que les
13 événements étaient importants, je les dictais le soir même, ce que je
14 faisais avec un dictaphone; et c'était, ce soir-là, envoyé à ma secrétaire
15 à… en Somerset, qui pourrait ensuite les dactylographier et les mettre
16 dans la banque de données.
17 Question: Je crois que vous avez donné à l'accusation et que vous avez
18 apporté avec vous des photocopies des pages pertinentes concernant ce
19 voyage particulier en Bosnie du 8 au 11 août 1992?
20 Lord Ashdown (interprétation): C'est exact. Il serait peut-être utile pour
21 le Tribunal que je fasse remarquer au sujet de ces entrées qui, je crois,
22 étaient parmi les plus importantes, aux fins de mon journal: ce type
23 d'entrées qui ne comprend pas seulement des événements de ce genre mais
24 des rencontres avec le Premier ministre et le Président. J'ai demandé, à
25 ce moment-là, à ma secrétaire -dès que ces pages avaient été
Page 12340
1 dactylographiées- de me les représenter; je les lisais et je faisais des
2 modifications manuscrites.
3 Vous en voyez ici, par exemple, qui ont été apportées dans la semaine ou
4 dans les dix jours après la dictée de ces pages.
5 Mme Korner (interprétation): Je crois que vous avez des exemplaires vous-
6 même, mais est-ce que je pourrais demander que ceci devienne
7 officiellement une pièce à conviction à verser au dossier. Il s'agirait de
8 la pièce P1534. Je crois que la Chambre a des exemplaires.
9 M. le Président (interprétation): Oui.
10 Mme Korner (interprétation): Avant de traiter des détails des événements,
11 pourriez-vous simplement nous dire comment, pour quelle raison vous avez
12 fait cette visite en Bosnie en août 1992?
13 Lord Ashdown (interprétation): Ceci a découlé de ma première visite que
14 j'ai faite en juillet de cette année-là. C'était une période juste après
15 les élections en Grande-Bretagne et un collègue m'a recommandé -alors que
16 nous nous rapprochions des vacances d'été, il allait y avoir de gros
17 problèmes là-bas- d'y aller.
18 Donc vers la fin de juillet 1992, je suis allé d'abord en Croatie et puis
19 à Sarajevo et j'ai passé un certain temps dans la ville. A l'évidence, à
20 cette époque-là, il y a eu beaucoup de couverture par la presse car il n'y
21 avait pas beaucoup d'autres personnes qui allaient à Sarajevo à cette
22 époque, et j'ai développé ces questions à la presse. J'ai dit comment j'ai
23 vu les choses de l'intérieur pendant le siège de Sarajevo.
24 Et puis, je suis rentré chez moi avec ma femme, et ma femme et moi avions
25 l'intention de prendre deux semaines de congé. Nous étions, en fait, en
Page 12341
1 France lors du premier jour de nos vacances et j'ai reçu un message de mon
2 bureau disant ce que Radovan Karadzic avait dit. J'avais vu des citations
3 concernant le "point de vue musulman", et je devais prendre connaissance
4 du point de vue des Serbes.
5 Je me suis consulté avec mon bureau à ce sujet en ce qui concerne les
6 premiers articles qui paraissaient concernant les atrocités à Omarska, à
7 Keraterm. Je me suis mis d'accord avec mon collègue Sir Russell Johnston
8 qui était un des porte-paroles de notre ministère des Affaires étrangères
9 de ce moment-là, du Foreign office, afin que nous fassions le voyage
10 ensemble. Mais la condition que j'avais émise à M. Karadzic était que si
11 nous allions faire ce voyage, il faudrait que nous ayons pleinement accès
12 à tous les endroits où nous voudrions nous rendre et que nous pourrions
13 voir tous les...
14 (Les interprètes demandent que l'orateur veuille bien ralentir.)
15 Je crois que je me suis trompé en ce qui concerne la date. Le 8 août, j'ai
16 laissé ma femme en France et nous sommes allés en voiture à Budapest où
17 j'ai rencontré Sir Russell Johnston. Nous sommes allés à Belgrade à cause,
18 bien entendu, des sanctions qui étaient en place...
19 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, je me demande si vous pourriez,
20 s'il vous plaît, ralentir parce que les interprètes ont du mal.
21 M. Ackerman (interprétation): Je crois qu'ils ont en fait manqué une
22 partie de sa déposition. Il semble qu'à la page 6, ligne 10, il semble
23 qu'il y a un morceau qui a été omis. Je n'en suis pas sûr, mais il me
24 semble que c'est le cas.
25 Mme Korner (interprétation): Bien. Ecoutez, je voudrais...
Page 12342
1 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas important en tous les cas.
2 Mme Korner (interprétation): Avant que vous ayez commencé votre voyage,
3 vous avez parlé de la révélation concernant les camps. Est-ce que vous
4 aviez vu les prises de vue à Omarska à la télévision à ce moment-là, Lord
5 Ashdown?
6 Lord Ashdown (interprétation): Je ne peux vraiment pas me rappeler.
7 J'avais vraiment à l'esprit comme étant un problème, je suppose que oui,
8 je les avais probablement vues; en tous les cas vu des photographies. Je
9 n'ai pas vu les films. Je ne pense pas que cela aurait été un tel problème
10 si j'avais simplement lu les articles de presse. Il se peut que je les ai
11 vues.
12 Question: Nous allons entendre parler de votre visite au camp de Manjaca.
13 Est-ce que vous aviez entendu parler de Manjaca avant?
14 Réponse: Pas à ce stade-là. Notre intention était de visiter Omarska et
15 Keraterm, de voir les choses de nos propres yeux et de voir tout autre
16 camp analogue. Mais à ce stade, le mot "Manjaca", je ne l'avais jamais
17 encore entendu, ce nom.
18 Question: Comme vous avez commencé à nous le dire, je crois que vous avez
19 commencé votre voyage en vous rendant en Hongrie puis à Belgrade. Je crois
20 que la seule partie de cette entrée dans votre journal le 8 août, c'est
21 que, quand vous êtes arrivé à Belgrade, est-ce que vous avez rencontré un
22 journaliste? Nous voyons cela à la fin de ce que vous avez noté pour le
23 samedi 8. Vous avez rencontré Ed Viliani.
24 Réponse: Cela a été mal orthographié: Viliani, V-I-L-I-A-N-I, ou peut-être
25 Viliany. Il écrivait des livres, c'était un écrivain. Si je me rappelle
Page 12343
1 bien à ce stade, il écrivait, il était journaliste pour le Guardian.
2 Question: Bien. Alors, si nous pouvons maintenant passer à la journée
3 suivante, le dimanche 9 août. Je crois donc que, depuis Belgrade, vous
4 vous êtes rendu à Pale ou Sarajevo?
5 Réponse: Nous avons de Belgrade pris un hélicoptère qui nous a emmenés à
6 Pale.
7 Question: Est-ce qu'à ce moment-là vous avez rencontré M. Karadzic?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Et je crois qu'il y a donc la troisième page concernant les
10 notes prises pour le 9. Vous trouverez… Pour l'instant, je n'ai pas besoin
11 de regarder. Il y a là les détails qui concernent une réunion approfondie
12 avec Radovan Karadzic?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Au cours de cette réunion avec Karadzic, était-il d'accord que
15 vous puissiez inspecter les divers camps?
16 Réponse: Il m'a d'abord montré ce que j'appellerais un camp à montrer du
17 côté serbe dans la banlieue de Sarajevo près du camp de Lukavica. J'ai eu
18 des soupçons immédiatement qu'il s'agissait d'un camp qui était purement
19 présenté pour qu'on puisse le voir à cause d'un certain nombre de choses,
20 notamment la façon dont nos prisonniers se comportaient. Mais aussi le
21 fait qu'il avait essayé de me faire présenter des certificats de liberté
22 aux prisonniers, ce qui était manifestement un canular de la presse pour
23 me faire impliquer dans tout cela, et j'ai refusé de le faire.
24 Je lui ai dit que je n'étais pas satisfait. Je me rappelle que je lui ai
25 dit que je voyais quel était le type de situation concernant la plupart
Page 12344
1 des prisonniers et je lui ai rappelé qu'il avait donné par écrit, par son
2 porte-parole, M. John Kennedy, le fait que nous pourrions aller où nous
3 voulions et en particulier notre intention d'aller à Banja Luka le jour
4 suivant et plus particulièrement voir les camps dans la zone de Keraterm
5 et d'Omarska.
6 Question: Bien. Si nous pouvons passer maintenant au 10 août, le lundi.
7 Vous avez été conduit à Banja Luka, vous parvenez à une description de ce
8 voyage en voiture. Pourriez-vous regarder le troisième et le quatrième
9 paragraphes? Vous dites que vous avez fréquemment passé par des zones dans
10 lesquelles il y avait eu la guerre et il y avait des maisons qui portaient
11 des impacts de balle, grand nombre de maisons incendiées dans des zones
12 ethniquement mixtes proches de Banja Luka.
13 Pourrais-je vous demander: comment saviez-vous que c'étaient des zones à
14 ethnie mixte? Est-ce qu'on vous l'a dit?
15 Réponse: Oui, j'avais pris la peine de découvrir ce dont il s'agissait.
16 Avant qu'on ne se rende dans les villages de ces régions, dans l'ensemble
17 ce qui est connu sous le nom de "corridor de Posavina" où les ethnies
18 étaient mélangées; l'un des exemples les plus patents était bien sûr
19 Brcko. Nous avons traversé Brcko; je ne me rappelle pas très exactement
20 quelle était la composition de la population, mais il y avait des éléments
21 substantiels de population de toutes les parties et tout ceci était
22 évident pour celui qui voulait regarder.
23 Question: Bien. Si vous voulez maintenant passer à votre description de
24 l'armée dans le paragraphe suivant. Près de Banja Luka, vous dites que
25 vous avez vu des chars et des soldats et vous dites que vous avez été plus
Page 12345
1 particulièrement frappé par les militaires et le comportement militaire de
2 la plupart des soldats, vous étiez attendu à une armée en quelque sorte
3 mal équipée, mais ils étaient disciplinés et il semblait qu'ils faisaient
4 leur travail avec efficacité. Toute idée que les soldats serbes n'étaient
5 pas sous un commandement approprié à un contrôle est une erreur.
6 Lorsque vous dites que des soldats serbes n'étaient pas sous un
7 commandement à un contrôle, y aurait-il quelque chose que vous avez dit à
8 ce sujet?
9 Réponse: Non, j'ai une certaine expérience militaire. J'ai été pendant 13
10 ans dans les Marines du Royaume-Uni, y compris pendant un certain nombre
11 d'années sur des théâtres d'activités.
12 (Les interprètes demandent que le témoin veuille bien ralentir.)
13 Je me rappelle avoir été frappé par le contraste important entre ce que
14 Karadzic aurait appelé les forces musulmanes -qui je crois était un nom
15 plus convenable pour les forces bosniaques à Sarajevo- qui étaient
16 essentiellement une armée de civils levée à la dernière minute et qui
17 n'était pas correctement équipée.
18 Excusez-moi, donc il y avait des uniformes de divers types ou pas
19 d'uniforme du tout, il n'y avait pas d'équipements de communication par
20 radio. Les barrages, même les plus petits barrages que nous voyions,
21 étaient disposés d'une façon professionnelle, et tout ce que l'on pouvait
22 voir était professionnel, les communications étaient constantes, les
23 barrages étaient bien édifiés. Et je ne me rappelle pas être passé par un
24 seul point de contrôle qui n'ait pas été équipé par des moyens de
25 communication professionnelle. Ils étaient constamment en communication
Page 12346
1 avec leur quartier général. Ce que nous savons, en fait, c'est que la plus
2 grande proportion de l'ancienne armée yougoslave était reprise par la
3 République serbe.
4 Question: Lorsque vous êtes arrivé à Banja Luka, je crois que vous étiez
5 engagé dans une guerre des nerfs, d'après ce que vous avez dit. Et à ce
6 stade, est-ce que vous avez entendu parler du camp militaire de Manjaca?
7 Réponse: Madame Korner, je ne me rappelle pas exactement quand je suis
8 arrivé à Manjaca. Je crois que ça peut être la nuit, la veille, la nuit
9 précédente lorsque j'étais à Pale, mais certainement à ce moment-là
10 j'étais tout à fait conscient du fait qu'il y avait un camp, un grand camp
11 dont les gens parlaient, qui n'avait pas encore été visité. Et évidemment,
12 j'en ai entendu parler par la presse, et ils disaient: "Nous devons aller
13 à Manjaca. Nous sommes allés à Keraterm et à Trnopolje, mais nous avons
14 entendu qu'il y a des choses épouvantables qui se passent dans ce camp, et
15 il faut qu'on puisse y entrer et voir ce qui s'y passe.".
16 Donc dans cette circonstance, la presse ainsi qu'un ami et tous les autres
17 moyens sur la promesse que Karadzic m'avait faite que je pourrais aller
18 n'importe où, nous avons décidé que nous essaierions d'aller à Manjaca
19 parce que c'était encore un trou noir, personne ne l'avait vu.
20 Question: Vous décrivez dans votre journal les négociations que vous avez
21 dû entreprendre pour voir ce camp. Vous n'avez pas entré de nom
22 particulier, mais est-ce que vous vous rappelez des noms des personnes?
23 Réponse: Non je regrette, mais je ne m'en souviens pas. La Yougoslavie
24 était une partie dont je ne me rappelle pas bien la géographie, j'étais
25 simplement à me familiariser, c'est certainement un langage et des noms
Page 12347
1 qui ne m'étaient pas connus à l'époque.
2 Question: Donc vous avez été conduit à Manjaca. Et à ce stade est-ce qu'il
3 y avait une équipe de télévision de CCN avec vous?
4 Réponse: Je dois expliquer que pour la première réaction à mes questions
5 pour savoir si nous pouvions accéder à tel endroit, nous avons eu des
6 refus de la hiérarchie militaire à Banja Luka qui, d'après mon journal,
7 était des généraux. Ils ont dit que nous risquerions de nous faire tirer
8 dessus, qu'il y avait un couvre-feu; et je me souviens qu'on nous a
9 empêchés de le faire pendant environ deux heures.
10 Je me rappelle avoir noté dans mon journal que c'était peut-être le temps
11 dont ils avaient besoin pour nettoyer un peu le camp à la fin. Et j'ai dit
12 que s'ils allaient nous tirer dessus, il faudrait qu'ils nous tirent
13 dessus devant les caméras de télévision et que cela gâcherait non
14 seulement mon après-midi mais que cela ne leur ferait pas beaucoup de bien
15 du point de vue de la communauté internationale et que, donc, nous
16 continuerions à ce stade. Ils ont fini par céder.
17 Donc oui, il y avait des caméras de télévision avec nous. Je ne me
18 rappelle pas précisément, mais certainement il y avait un grand nombre de
19 journalistes de la presse écrite aussi.
20 Question: Bon. Et avant que nous en venions aux entretiens que vous avez
21 eus et à ce que vous avez vu dans le camp, puis-je vous demander si vous
22 aviez des idées en quelque sorte déjà préconçues de ce que vous alliez
23 trouver ou de ce que vous vous attendiez à trouver?
24 Réponse: Oui. Je m'attendais à voir Bergen-Belsen -en un seul mot. A ce
25 moment-là, ma perception de l'ensemble était conditionnée par les
Page 12348
1 photographies et les images que j'avais déjà vues de Keraterm et d'Omarska
2 et des horreurs qui s'y passaient, et du fait que, selon toutes les
3 normes, c'étaient des camps dont le système, les pratiques et les
4 intentions avaient, à mon avis, pour but l'extermination: soit une
5 extermination directe, soit une extermination par des brutalités et des
6 horreurs, l'extermination de l'esprit, chose qui n'avait pas été encore
7 vue en Europe sur le continent depuis les derniers jours de la Deuxième
8 Guerre mondiale.
9 C'était l'état mental dans lequel je me trouvais lorsque je suis allé à
10 Manjaca. Et c'était ce que je m'attendais à voir, ce que je craignais de
11 voir.
12 Question: Bien. Alors pourrions-nous regarder maintenant comment vous
13 décrivez cette visite à Manjaca? Vous dites -si vous voulez regarder la
14 vidéo qui a été faite par CNN dans un moment-, vous dites qu'après avoir
15 obtenu accès, on vous a emmené dans une salle de conférence, par un
16 commandant du camp qui, à l'évidence, était un homme très effrayé, qu'on
17 avait fait revenir du front et qui était… et qu'à ce moment-là un soldat a
18 commencé à crier. Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il avait très peur?
19 Réponse: Il était évidemment très effrayé par notre visite. Il a adopté
20 immédiatement un ton extrêmement agressif, une attitude très agressive. Et
21 je me rappelle avoir été soumis à environ 20 minutes ou une demi-heure de
22 propagande criée littéralement. J'en ai tiré comme conclusion que ce
23 n'était pas un homme qui avait l'habitude de diriger des camps de
24 prisonniers. J'en ai tiré la conclusion que c'était probablement un soldat
25 qui était au combat et qu'on avait amené pour faire un travail difficile.
Page 12349
1 D'après mes souvenirs, il a présenté la Convention de Genève, mais je me
2 rappelle que c'est la première fois que la Convention de Genève avait été
3 vue dans le camp. C'est ce qu'on m'a dit. Et j'ai tiré, par la suite, la
4 conclusion que ou bien on l'avait fait venir ou bien il avait récemment
5 reçu des ordres spécifiques d'aller prendre à Manjaca et à Omarska pour
6 qu'on puisse… que je devais voir par la suite et qu'il s'en charge -enfin
7 "s'en charge" n'est pas le mot qui convient- et faire en sorte que les
8 horreurs d'Omarska et de Keraterm ne continuent pas sur l'échelle qui
9 avait été vue et observée par la presse à Omarska.
10 Question: Toujours pour revenir à votre journal, vous déclarez, après
11 avoir mentionné la Convention de Genève, qu'il vous a montrée, vous dites
12 que vous lui avez posé une ou deux questions auxquelles il a réagi avec
13 beaucoup d'hostilité estimant qu'il s'agissait de questions hostiles. Et
14 vous dites -je cite-: "Je voulais savoir où se trouvait l'unité
15 d'interrogatoire sur la ligne de front pour les soldats. Il a dû admettre
16 qu'il y en avait une.".
17 Réponse: Je m'excuse. En fait, cela ne correspond pas à ce qui figure dans
18 mon journal. Il n'y en avait pas. Moi, ce que je voulais savoir, c'était
19 si effectivement c'étaient des prisonniers de guerre qui se trouvaient
20 dans ce camp –c'est ce qu'il affirmait- ou bien s'il s'agissait de civils.
21 Et j'en ai conclu, au bout du compte, que c'étaient des civils qui étaient
22 emprisonnés dans ce camp.
23 Question: Est-ce que, finalement, il vous a dit que tous les prisonniers
24 étaient des soldats ou est-ce qu'il a reconnu que c'étaient des civils?
25 Lord Ashdown (interprétation): Il y a dix ans que tout cela s'est passé,
Page 12350
1 j'ai donc du mal à m'en souvenir, mais je lui ai posé cette question
2 précise et je me souviens qu'il a dit quelque chose du genre: "Il s'agit
3 de personnes qui posent un danger pour la sécurité de notre Etat".
4 Mme Korner (interprétation): Oui, j'ai remarqué, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Les interprètes, Madame Korner, Monsieur
6 Ashdown, vous demandent de bien vouloir faire une pause entre vos
7 questions et vos réponses respectives. C'est bien compris? Merci beaucoup.
8 Poursuivons.
9 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est en partie ma faute.
10 Quand vous avez marché dans le camp, quand vous avez visité le camp, avez-
11 vous demandé à voir les personnes qui étaient venues d'Omarska?
12 Lord Ashdown (interprétation): Oui, effectivement, c'était ma priorité,
13 ces gens-là. J'avais entendu dire que 1.000 à 2.000 personnes avaient été
14 déplacées d'Omarska quelques jours à peine auparavant. Et si je me
15 souviens bien, c'est le commandant qui me l'a dit. Il m'a dit qu'on lui
16 avait demandé de réceptionner ces gens-là.
17 J'ai donc tout de suite demandé à voir ces gens. Et, autant que je m'en
18 souvienne, ils ont d'abord essayé de nous emmener voir d'autres zones
19 d'internement où il y avait des gens qui étaient là depuis plus longtemps,
20 qui étaient à Manjaca depuis plus longtemps. Mais, moi, j'ai insisté pour
21 voir les gens qui étaient venus d'Omarska et de Keraterm. Et après
22 quelques échanges un petit peu vifs, il a finalement accepté.
23 Question: Le plus simple, je pense, avant de revenir à cette question,
24 c'est de visionner la vidéo qui a été réalisée, sur une partie au moins de
25 votre visite au camp. Cette vidéo a été remise à la cabine technique. Elle
Page 12351
1 porte la cote P468.
2 Je vais donc demander à l'huissier de bien vouloir régler le moniteur du
3 témoin pour qu'il puisse voir la vidéo, et ensuite je vais demander qu'on
4 lance la vidéo.
5 (Intervention de l'huissier.)
6 (Diffusion de la vidéo.)
7 Peut-on interrompre la diffusion s'il vous plaît?
8 Monsieur le Témoin, la journaliste dit que vous avez eu la possibilité de
9 parler avec ces hommes de manière individuelle?
10 Réponse: Oui, c'est exact. Comme je l'ai dit au début, on a eu un petit
11 échange assez vif, et au début on m'a donné la possibilité d'aller parler
12 à ces hommes, à ces prisonniers, mais le commandant était présent, il y
13 avait également des gardes.
14 J'ai donc demandé au commandant et aux gardes de bien vouloir s'éloigner.
15 Nous avons eu un échange assez vif, comme je l'ai dit, mais finalement ils
16 ont accepté de s'en aller. Je me souviens qu'il y avait une équipe de
17 télévision derrière moi et les journalistes avaient donné leur accord à ma
18 demande, à savoir que si je m'opposais à la diffusion des images
19 réalisées, ils se conformeraient à mes vœux.
20 Je ne voulais pas me trouver dans la situation où quelqu'un me dirait
21 quelque chose qui ensuite serait diffusé et qui aurait pour conséquence de
22 mettre la vie de cette personne en danger.
23 J'ai donc eu un dialogue avec ces prisonniers, ce qui a beaucoup influencé
24 le jugement que je me suis forgé au sujet de cette visite, l'opinion que
25 je m'en suis forgé.
Page 12352
1 Question: Que vous ont dit ces prisonniers qui vous ont influencé?
2 Réponse: Les prisonniers m'ont dit que les conditions de détention étaient
3 très difficiles. Ils n'avaient pas suffisamment à manger, ils craignaient
4 l'approche de l'hiver.
5 Question: Non, c'est ma faute encore. Les interprètes nous demandent de
6 bien vouloir faire une pause entre questions et réponses.
7 Réponse: C'est ma faute.
8 Les prisonniers m'ont expliqué que les conditions de détention étaient
9 très difficiles, qu'ils n'avaient pas suffisamment à manger, que les soins
10 médicaux étaient pratiquement inexistants, très insuffisants, qu'ils
11 craignaient l'arrivée de l'hiver car ils dormaient à la belle étoile, par
12 terre, sur le sol, sur un sol de terre battue.
13 Mais ils m'ont dit que les conditions de détention étaient bien meilleures
14 à cet endroit qu'à Omarska puisqu'il n'y avait pas de tueries massives de
15 prisonniers comme là-bas, il n'y avait pas d'assassinats, et que si
16 effectivement ils étaient victimes de traitements difficiles, ils
17 n'étaient pas victimes de tortures.
18 L'impression que j'en ai retiré, Madame Korner, de cette visite, c'est
19 qu'aussi difficiles qu'ont été les conditions de détention dans ce camp,
20 elles étaient cependant infiniment meilleures que celles qui régnaient
21 dans l'enfer dont venaient tous ces prisonniers.
22 Il faut que je sois très franc, très direct avec la Chambre, et dire que,
23 dans toutes les années qui ont suivi cette visite, je me suis souvent
24 interrogé, je me suis souvent demandé s'ils savaient véritablement qui
25 j'étais -je suis convaincu qu'ils ne savaient pas qui j'étais-, je me suis
Page 12353
1 demandé si dans l'état où ils se trouvaient, dans l'état mental, s'ils se
2 sont demandés si je n'étais pas manipulé par les Serbes et si la présence
3 des équipes de télévision les ont incités à ne pas me dire tout ce qu'ils
4 auraient pu me dire si la télévision n'avait pas été là.
5 Est-ce que moi, si j'avais été dans leur situation et si j'avais vu un
6 inconnu, je lui aurais dit à cet inconnu des choses qui auraient pu me
7 coûter la vie? Je sais que, parmi tous les facteurs qui m'ont mené à la
8 décision que j'ai prise, c'est ce que m'ont dit ces prisonniers qui a joué
9 un rôle très important. Maintenant, je me demande si j'ai eu raison et je
10 ne sais pas.
11 Question: Peut-on poursuivre le visionnage de la vidéo?
12 (Diffusion de la vidéo.)
13 Peut-on interrompre la vidéo?
14 Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que, d'après ce que vous avez vu,
15 le camp fonctionnait de manière normale. Que vouliez-vous dire exactement
16 par là?
17 Réponse: Je suis resté sur place, rappelez-vous, une heure, une heure
18 trente, mais quand je dis cela, j'ai voulu dire qu'il y avait une clôture
19 autour du camp, qu'il y avait des gardes, qu'il y avait des installations
20 destinées à préparer la cuisine. Ce n'était donc pas le chaos le plus
21 total qui régnait, comme je l'ai vu à Trnopolje le lendemain.
22 Les prisonniers étaient alignés, ils se déplaçaient de manière militaire.
23 Il existait une installation médicale rudimentaire, totalement
24 insuffisante, mais en tout cas il y avait au moins quelque chose. Bref, ce
25 n'était pas le chaos qui régnait dans ce camp, c'est indéniable.
Page 12354
1 Bien entendu, les conditions de détention n'étaient pas acceptables, mais
2 ce n'était pas un camp totalement désorganisé.
3 Question: Est-ce qu'en faisant cette remarque, cette observation, vous
4 aviez l'intention d'exprimer votre impression au sujet des conditions de
5 détention dans le camp: la nourriture, l'hébergement, etc.?
6 Réponse: Je pense que j'ai été très clair. Dans l'interview que j'ai
7 donnée, j'ai dit que les conditions de détention étaient détestables, que
8 ce n'étaient pas celles que l'on pouvait souhaiter, que personne ne
9 pouvait les souhaiter, mais qu'elles étaient meilleures que celles qui
10 régnaient dans l'enfer d'où venaient ces prisonniers précédemment.
11 Ce que j'ai voulu dire c'est qu'on ne se trouvait pas au Golgotha, mais
12 cela ne voulait pas non plus dire qu'on se trouvait au paradis.
13 Question: Nous allons pouvoir maintenant visionner le reste de la vidéo.
14 (Diffusion de la vidéo.)
15 Merci.
16 Réponse: Madame Korner, permettez-moi d'intervenir, s'il vous plaît. La
17 Chambre n'a peut-être pas saisi ce qu'ont dit certains de ces prisonniers.
18 Il y en a un qui a utilisé le mot "bolje" "meilleur", et l'autre qui a dit
19 "fine" qui s'appliquait également aux conditions de détention qui étaient
20 meilleures.
21 Dix ans après, il est difficile de se rappeler du contexte dans lequel se
22 passait tout cela, mais je pense véritablement que ces prisonniers
23 exprimaient un certain soulagement parce que leur situation, leurs
24 conditions de détention, bien que totalement inacceptables, étaient mille
25 fois meilleures que celles qui régnaient dans l'enfer d'où ils venaient.
Page 12355
1 Et c'était mille fois meilleur que ce que je m'attendais à voir.
2 Question: Deux choses s'agissant de ce que nous venons de voir. On dit que
3 ces prisonniers étaient des civils. Pour vous, est-ce qu'il vous est
4 apparu que certaines des personnes avec lesquelles vous vous étiez
5 entretenu étaient des militaires qui avaient été fait prisonniers au cours
6 d'opérations de combat?
7 Réponse: Je n'ai vu aucun signe indiquant -peut-être à une seule exception
8 et j'y reviendrai plus tard- mais je n'ai rien vu, je n'ai vu aucun signe
9 m'indiquant que je me trouvais face à des soldats venant de la ligne de
10 front. On voit très clairement sur ces images que l'on avait plutôt là
11 affaire à des paysans.
12 Cela ne veut pas dire que, dans le tourbillon qui avait emporté la
13 Yougoslavie, certains n'avaient pas pris les armes pour une raison ou une
14 autre, pour régler des comptes, pour défendre leur terre.
15 Mais moi, je suis prêt à être assez catégorique en disant qu'ils ne
16 faisaient pas partie d'une unité militaire organisée ou même désorganisée.
17 Ils n'avaient pas l'équipement. Je n'ai vu aucun élément d'uniforme. Et
18 d'ailleurs, les biens, les pauvres affaires qu'ils avaient pu conserver
19 près d'eux, près du lieu où ils pouvaient dormir, rien de cela n'indiquait
20 les soldats; tout ceci montrait plutôt qu'on avait affaire à des paysans.
21 Et ce qu'ils avaient à côté de leur paillasse, c'était la photo de leur
22 femme ou de leur famille, quelques habits de rechange dont ils n'avaient
23 pas l'usage dans la chaleur étouffante qui régnait.
24 Je suis donc convaincu qu'il ne s'agissait pas de combattants au sens des
25 Conventions de Genève.
Page 12356
1 Seule exception, c'est le mercenaire canadien que j'ai rencontré, qui
2 avait été touché par une balle à la jambe et à qui on avait fait un plâtre
3 rudimentaire. Il se trouvait au dispensaire du camp. Il avait été au
4 combat, il avait reconnu avoir fait partie d'une unité régulière.
5 Je dois dire d'ailleurs que c'est la seule conversation au camp pour
6 laquelle je n'ai pas eu besoin d'un interprète, c'était avec cet homme.
7 Une fois encore les gardes n'étaient pas présents, mais il a confirmé
8 qu'il n'avait pas été à Omarska et à Keraterm, qu'il était venu
9 directement à Manjaca. Il m'a également dit en anglais, alors que nous
10 étions seul à seul, que les prisonniers, que les autres prisonniers lui
11 avaient dit que les conditions de vie à Manjaca étaient meilleures
12 qu'ailleurs.
13 Question: L'interprète que vous avez emmené avec vous, est-ce que c'était
14 quelqu'un qui vous avait été fourni, qui vous avait été détaché?
15 Réponse: Oui. Et cela, c'est important aussi.
16 Question: De quelle manière?
17 Réponse: Oui. Ce qui m'a préoccupé, ce qui m'a fait me poser des questions
18 au sujet de la véracité des propos que l'on m'a tenus, c'est que les
19 prisonniers savaient que cet interprète était Serbe -il était évident que
20 c'était quelqu'un qui travaillait pour les autorités serbes- et les
21 prisonniers pouvaient s'attendre à ce que leurs propos soient rapportés
22 aux autorités serbes.
23 Question: Est-ce que certains de ces prisonniers vous ont parlé du décès
24 de deux hommes Omer Filipovic et Esad Bender?
25 Réponse: Non. Je ne sais pas quand ces personnes sont mortes, j'ai entendu
Page 12357
1 par la suite beaucoup de personnes de Manjaca me parler de ces hommes, de
2 ces deux hommes, et qu'il y a eu beaucoup de meurtres avant mon arrivée.
3 Mais en tout cas je n'ai connaissance d'aucun décès, d'aucun meurtre
4 perpétré après ma visite. Mais apparemment il y en a beaucoup qui se sont
5 produits avant.
6 Après coup, j'en suis arrivé à la conclusion que j'avais tirée à l'époque,
7 c'est qu'à peu près au moment où je suis arrivé sur place ou avant, un peu
8 avant, on avait essayé disons de régulariser -enfin c'est un mot un petit
9 peu inapproprié- mais on avait disons essayé de régulariser les conditions
10 de détention au camp.
11 Question: Maintenant, je vais vous demander de vous rapporter à un certain
12 nombre de documents qui ont trait au camp. Je crois que ces documents,
13 c'est hier que vous les avez consultés pour la première fois. En premier
14 lieu, je souhaiterais qu'on vous présente la pièce P394.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 Il s'agit d'un rapport relatif à la visite de la Croix-Rouge
17 internationale au camp de prisonniers de guerre de Manjaca, le 16 juillet.
18 Ce rapport commence avec les mots suivants -je cite: "A la demande de la
19 Croix-Rouge internationale, basée à Banja Luka, conformément à l'accord
20 signé le 13 juillet 1992 par M. Dehalanic (phon) du gouvernement de la
21 République de Bosnie-Herzégovine, il nous a été donné la possibilité de
22 nous rendre au camp de prisonniers de guerre de Manjaca." (Fin de
23 citation.)
24 Deux choses: est-ce que vous aviez connaissance, premièrement, de cet
25 accord conclu le 13 juillet?
Page 12358
1 Réponse: Non, j'avais connaissance d'un accord de nature générale et je ne
2 crois pas d'ailleurs qu'il s'agissait de cet accord-là. J'avais
3 connaissance donc d'un accord conclu entre Karadzic et M. Izetbegovic à
4 l'époque, accord aux termes duquel les représentants de la communauté
5 internationale pourraient se rendre partout où ils le souhaiteraient dans
6 les zones de combat.
7 Question: Quand vous êtes allé à Manjaca, quand vous êtes arrivé à
8 Manjaca, saviez-vous que la Croix-Rouge était venue brièvement au camp en
9 juillet?
10 Réponse: Je le savais. D'ailleurs, j'y fais référence dans la lettre que
11 j'ai ensuite écrite à M. Sommaruga, tout de suite après ma visite du 12
12 août. Et dans cette lettre, j'ai dit que les conditions au camp étaient
13 totalement inacceptables. Et je lui ai dit que j'avais été surpris
14 d'apprendre que le camp ne faisait pas l'objet de visites régulières de la
15 Croix-Rouge internationale et qu'il y avait eu seulement une visite une
16 dizaine de jours auparavant, un point c'est tout.
17 Puis-je dire, Madame Korner, à ce stade de ma déposition que ce jour-là
18 j'avais un objectif et un seul. Cet objectif c'était de voir ce que je
19 pouvais faire pour sauver la vie de ces prisonniers. Et je crois que la
20 meilleure façon de parvenir à cet objectif, c'était d'encourager les
21 autorités serbes de la prison, autour de la prison, et qui s'occupaient de
22 la prison, de continuer à améliorer les conditions de détention, si c'est
23 effectivement ce qui avait déjà commencé à se produire, et de faire en
24 sorte également que la Croix-Rouge vienne régulièrement sur place. C'est
25 ce qui s'est passé et je crois qu'effectivement la situation a continué à
Page 12359
1 s'améliorer. On a continué à s'éloigner d'une situation horrifique et je
2 pense que ce que j'ai fait globalement a été positif et a permis de sauver
3 des vies.
4 Question: J'aimerais que, toujours sur ce document, toujours s'agissant de
5 ce document, nous examinions la deuxième page. On voit que le rapport a
6 été signé par quelqu'un qui se présente comme le commandant, l'adjoint au
7 commandant chargé du moral des troupes, le colonel Vukelic. Est-ce que ce
8 nom vous dit quelque chose?
9 Réponse: Non, absolument pas.
10 Question: Au troisième paragraphe sur cette même page, il déclare -je
11 cite: "Nous avons exigé qu'à l'avenir ils annoncent leur visite au moins
12 deux ou trois jours à l'avance, qu'ils nous envoient un plan de travail
13 détaillé et qu'ils n'entraînent pas de modification des programmes de
14 travail du camp.". (Fin de citation.)
15 Est-ce que cela vous surprend que les soldats, que l'armée aient insisté
16 que toute visite soit annoncée deux ou trois jours à l'avance?
17 Réponse: Vu ce que je sais maintenant, cela ne me surprend nullement. Les
18 autorités serbes, à ce moment-là, faisaient l'objet d'une pression
19 internationale extrême. Ces questions faisaient la une de tous les
20 journaux de la planète. Ils comprenaient bien que ce qui s'était passé
21 était totalement inacceptable et que même si les choses allaient mieux à
22 Manjaca, la situation était malgré tout inacceptable. Et j'imagine qu'ils
23 voulaient gagner autant de temps que possible pour présenter au monde une
24 image plus acceptable que celle qu'ils avaient donnée auparavant.
25 Question: Merci. Je vais maintenant vous demander de vous référer à un
Page 12360
1 document portant la cote P398.
2 (Intervention de l'huissier.)
3 Et d'ailleurs j'aimerais également que l'on vous présente aussi le
4 document P399. Deux documents qui datent du même jour le 27 juillet.
5 Examinons tout d'abord le document 398 qui s'intitule "Reconstruction du
6 système d'adduction d'eau sur le camp d'entraînement de Manjaca". (Fin de
7 citation.)
8 Ici on voit que le système d'adduction d'eau ne fonctionne pas bien. On
9 parle également des mesures à prendre et on peut lire la chose suivante
10 -je cite: "Tenez compte du fait qu'il y a suffisamment de prisonniers de
11 guerre qui peuvent être utilisés comme main d'œuvre sur toute la longueur
12 des tuyaux d'adduction d'eau, avec le niveau de sécurité approprié.". (Fin
13 de citation.)
14 Sur le deuxième document P399 on parle du renforcement des mesures de
15 sécurité au camp de prisonniers de guerre. Paragraphe 3, deuxième page.
16 Vous constatez ici qu'il existe un ordre de combat qui s'inscrit dans le
17 cadre de la défense du camp et on lit la chose suivante -je cite-: "Au
18 moment de la délivrance de cet ordre, procédez à une manœuvre pour les
19 unités au plus tard le 1er août 1992 et pendant cet exercice, faites en
20 sorte que les prisonniers ne soient pas au courant des modifications du
21 plan de défense. Il faut creuser des trous, procéder à diverses manœuvres,
22 camoufler les installations de défense et se servir des prisonniers comme
23 main d'œuvre." (Fin de citation.)
24 (Les interprètes signalent qu'ils ne disposent pas du document.)
25 Vu votre expérience, est-il acceptable d'avoir recours à des prisonniers
Page 12361
1 de guerre en tant que main d'œuvre pour des travaux divers et variés pour
2 construire des fortifications ou réparer des systèmes d'adduction d'eau?
3 Réponse: Madame Korner, je ne suis pas un expert en matière de Conventions
4 de Genève, mais je pense qu'il me semble me rappeler que faire appel à des
5 prisonniers de guerre pour procéder à des travaux de défense est illégal
6 au terme de la Convention de Genève.
7 Mais je dois dire que moi, c'est plutôt le deuxième incident que vous avez
8 évoqué qui m'inquiète. Je ne veux pas dire que le premier était légal,
9 mais en tout cas, s'agissant du deuxième, c'est beaucoup plus préoccupant.
10 C'est indéniablement quelque chose qui est en infraction des Conventions
11 de Genève.
12 Mme Korner (interprétation): Maintenant, s'il vous plaît, je vais vous
13 demander de vous référer à la pièce P405.
14 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez la version du
15 document en anglais? Est-ce que vous pouvez la placer sur le
16 rétroprojecteur, s'il vous plaît?
17 (Intervention de l'huissier.)
18 Mme Korner (interprétation): Nous avons ici un document du 3 août, c'est
19 un ordre qui vient du commandant de la Krajina, du commandement du Corps
20 de la Krajina: "approbation d'une visite du comité international aux camps
21 de détention de Manjaca, Trnopolje, Omarska et Prijedor".
22 On peut lire la chose suivante -je cite: "Sur la base de l'ordre verbal du
23 commandement de l'état-major principal de l'armée de la République serbe
24 de Bosnie-Herzégovine, une visite du comité international et d'une équipe
25 de journalistes aux camps de détention de Manjaca, Trnopolje, Omarska et
Page 12362
1 Prijedor au cours des deux prochains jours a été acceptée.
2 Dans ce contexte, toutes les mesures doivent être prises pour que les
3 conditions de détention dans ces camps soient satisfaisantes, ce qui
4 implique des concepts tel que l'ordre, la propreté, les soins médicaux,
5 etc.
6 Dans les cas où des représentants des détenus n'aient pas été choisis, il
7 convient de le faire aussi rapidement que possible. Les directeurs de camp
8 doivent être prêts à donner des informations et escorter le comité et les
9 journalistes.
10 Le présent ordre a un caractère urgent, et interdire la visite des camps
11 est totalement inacceptable." (Fin de citation.)
12 Je n'imagine pas que vous ayez vu cet ordre, mais est-ce que cela
13 correspond à ce que vous avez vu? Est-ce que cela vous surprend?
14 Lord Ashdown (interprétation): Cela correspond tout à fait à ce que j'ai
15 vu à l'époque et à ce que j'ai signalé dans mon journal. Il était
16 indéniable qu'on avait essayé d'améliorer les conditions de détention,
17 même si elles étaient toujours inacceptables. Moi, ma préoccupation, ma
18 priorité, c'était de faire en sorte que ces améliorations continuent, car
19 c'était la seule manière de sauver la vie des détenus, si bien que ce
20 document ne me surprend nullement. D'ailleurs, je suis plutôt rassuré,
21 dirais-je, car ceci prouve ce que je pensais à l'époque.
22 Permettez-moi d'ajouter simplement une chose: je suis en mesure de faire
23 part à la Chambre de mon opinion, de mon évaluation sur la base, bien
24 entendu, d'éléments qui sont finalement peu nombreux puisque ma visite a
25 été assez brève. Donc je peux rendre ce jugement sur la base de la visite
Page 12363
1 sur place. Mais je pense qu'il serait fort périlleux, fort risqué de
2 partir du principe que les conditions de détention que j'ai trouvées dans
3 ce camp quand j'y suis venu, étaient les mêmes que celles qui y régnaient
4 avant ma visite.
5 Question: Pourriez-vous maintenant, s'il vous plaît, regarder la pièce
6 P408? Il s'agit des deux derniers documents.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Un document qui date du 6 août, à savoir trois jours plus tard, un choix
9 des prisonniers du camp de prisonniers de guerre de Manjaca et il est dit
10 que: "En traitant les prisonniers de guerre dans le camp de prisonniers de
11 guerre de Manjaca, on réalise qu'il y a un assez grand nombre de ces
12 prisonniers -entre parenthèses- qui ne devraient pas être traités comme
13 des prisonniers de guerre, car ils ne possédaient pas d'armes, ils n'ont
14 pas participé aux combats et ils ne portaient pas d'uniforme.". (Fin de
15 citation.)
16 Ensuite, on parle de la nécessité de faire la sélection des gens qui
17 devraient être relâchés -je continue-: "D'après nos documents, dans le
18 camp de Manjaca, il y a actuellement 944 prisonniers de la municipalité de
19 Sanski Most. Comme vous devez le savoir, nous avons récemment fait l'objet
20 des attaques de l'Europe et des médias du monde entier en ce qui concerne
21 l'existence de ces camps de concentration et ceci est une raison
22 suffisante pour procéder à cette sélection de prisonniers.". (Fin de
23 citation.)
24 Donc vous avez eu ces entretiens que nous voyons sur la vidéo avec le
25 colonel Popovic. Est-ce qu'il vous a dit qu'on a décidé qu'un grand nombre
Page 12364
1 de personnes ne devraient pas être là, en premier lieu?
2 Réponse: Non, il m'a dit qu'il a reçu 1.400 personnes d'Omarska et de
3 Keraterm récemment, et je pense qu'il faudrait, qu'il convient d'ajouter
4 ces gens à ces 944 personnes déjà mentionnées ici. Mais il ne m'a pas dit
5 qu'il ne s'agissait pas de prisonniers de guerre. D'ailleurs, si mes
6 souvenirs sont bons, il m'a, à plusieurs reprises, dit qu'il s'agissait
7 bien de prisonniers de guerre.
8 Question: Est-ce que vous vous rappelez que qui que ce soit vous a parlé
9 de la municipalité de Sanski Most?
10 Réponse: Eh bien, Sanski Most, d'après moi, cela fait partie de tous ces
11 endroits dont on a entendu parler dans la presse comme des scènes
12 d'horreur, mais au-delà de cela, je n'ai pas d'autre souvenir.
13 Question: Très bien. Maintenant, je vous prie de bien vouloir regarder la
14 pièce… Non, il ne s'agit pas encore d'une pièce à conviction. C'est donc
15 un document, en date du 7 août, avec le numéro de communication 4.55 et
16 ceci deviendra la pièce P1535. Je pense que vous avez un exemplaire de ce
17 document.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 Il y a uniquement deux points à soulever ici car il s'agissait d'un
20 rapport de caractère plus général. Si nous regardons le paragraphe 3 dans
21 la traduction, à savoir intitulé "La situation dans la région", où il est
22 dit: "A peu près 1.460 prisonniers de guerre ont été amenés d'Omarska dans
23 le camp de prisonniers de guerre de Manjaca. Il y a eu des morts au cours
24 du transport". Est-ce que le colonel Popovic vous a parlé de cela?
25 Réponse: Non, non, Madame Korner, il ne m'en a pas parlé. Il a, en effet,
Page 12365
1 parlé de 1.400 personnes ou quelque chose comme cela, mais il n'a pas
2 parlé de morts.
3 Quelle est la distance, en réalité, entre Prijedor et le camp de Manjaca?
4 Je ne sais pas exactement. 30 ou 40 kilomètres? Oui, c'est quelque chose
5 comme cela. Mais je pense que vous pouvez tirer vos propres conclusions.
6 Question: Si vous regardez le paragraphe 5 de la page suivante, où il est
7 écrit que: "La question du camp de prisonniers de guerre de Manjaca
8 devient complexe en ce qui concerne la sûreté physique de l'espace et
9 surtout en ce qui concerne l'adduction en eau, l'approvisionnement, la
10 nourriture et la santé, etc." Je pense que vous nous avez dit que les
11 prisonniers des camps disposaient des denrées basiques?
12 Réponse: Oui, basiques ou plutôt rudimentaires. Mais ce n'était en tout
13 cas pas adéquat, pas suffisant; ça, c'est sûr. C'est peut-être le meilleur
14 terme à utiliser.
15 J'ai vu qu'on déchargeait de la nourriture -oui, c'était de la
16 nourriture-, mais ce qui m'inquiétait avant tout, c'était ce terrible état
17 physique des gens, déplorable vraiment. Ils étaient mal nourris, ils
18 présentaient des blessures. Et ce qui m'inquiétait, c'est qu'on était au
19 mois d'août, l'hiver approchait -il s'agit d'une partie très froide de
20 Bosnie-Herzégovine- alors qu'ils étaient couchés à même le sol en terre
21 battue, sans couverture. Je sais qu'il y avait quelques abris qui étaient…
22 Ils étaient finalement là où se trouvait le bétail. Les gens perdaient
23 leur vie, pas parce qu'on voulait les tuer mais à cause de la négligence.
24 Question: Maintenant, je vais vous présenter un autre document. Le
25 lendemain, vous avez visité le camp de Trnopolje. Je pense que cela s'est
Page 12366
1 produit le 11 août. Si l'on regarde votre journal, vous y êtes allé avec
2 une escorte militaire, n'est-ce pas?
3 Réponse: Une escorte policière. Cette visite se présentait comme suit:
4 quand nous sommes revenus de Manjaca, la veille, Penny Marshall est venue
5 me voir, qui fait partie d'ITN, elle est venue me parler de l'existence de
6 ce qu'elle a appelé les camps de détention de civils. Et elle m'a demandé
7 si je souhaitais me rendre à Prijedor en passant par la région de Kozarac
8 où nous allions peut-être être en mesure de visiter les camps d'Omarska et
9 de Keraterm, même en sachant que ces camps, maintenant, étaient vidés
10 -d'après ce que j'ai compris. Et donc j'ai accepté d'aller visiter ces
11 camps avec Mme Marshall.
12 Nous avons visité les autorités de Prijedor et ensuite, avec elle, je
13 devais retourner à Trnopolje, car elle pensait –et je pense qu'elle avait
14 raison- que l'attention de la presse portée sur le camp de Trnopolje
15 pouvait sauver des vies humaines.
16 Question: Dans votre journal, quand vous arrivez à Trnopolje -je pense que
17 c'est en bas de la page de mardi 11-, vous dites que vous passez des
18 villages et des villages qui ont été incendiés et vous avez noté qu'il
19 s'agissait d'une région qui a subi les pires nettoyages ethniques et que
20 ces scènes vous ont vraiment choqué.
21 Vous nous racontez de quelle façon vous faites les trajets vers Banja Luka
22 qui a été nettoyée ethniquement aussi.
23 A quoi ressemblaient ces routes autour de Prijedor par rapport à ce que
24 vous avez vu auparavant?
25 Réponse: Eh bien, c'était encore pire que ce que j'ai pu voir à Brcko, si
Page 12367
1 c'est possible, car nous avons vu des maisons, des groupes de maisons en
2 énorme quantité qui ont été brûlées, incendiées et détruites, et il est
3 important de dire que ceci s'est produit de tous les côtés. Les Serbes le
4 faisaient aux Musulmans, mais apparemment toutes les ethnicités le
5 faisaient les unes aux autres.
6 Je pense que ce qui était vraiment extraordinaire pour cette région de
7 Kozarac, c'est que les villages tout entier, sans aucune exception, ont
8 été dévastés, détruits et incendiés. Il s'agissait d'un terrain vide,
9 d'une terre brûlée.
10 Question: Donc je pense qu'après, vous vous rendez dans le poste de police
11 de Prijedor, c'est-à-dire au chef-lieu du poste de police et de
12 l'administration, n'est-ce pas?
13 Réponse: Oui, c'est exact.
14 Question: Là, vous racontez avoir rencontré quelqu'un qui était le
15 commandant de l'armée au niveau local, un grand homme, très bien bâti,
16 mais avec des yeux plutôt gentils, avec un regard gentil, et il se
17 présente comme étant le maire; et s'il y avait un méchant là, eh bien,
18 c'était cet homme pour lequel vous dites qu'il avait ces petits yeux
19 méchants et froids.
20 Vous avez ajouté un commentaire et je voudrais vous demander d'examiner la
21 photo des deux hommes. Je sais que cela s'est produit il y a longtemps,
22 mais est-ce que vous allez être en mesure de reconnaître ces deux hommes?
23 Cette pièce ne figure pas sur la liste des documents, mais nous l'avons
24 déjà présentée. Il s'agit d'une photo que nous avons déjà présentée.
25 Pendant que nous recherchons ce document… Il s'agit de la pièce P1128-24.
Page 12368
1 Est-ce que l'on peut la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît?
2 (Intervention de l'huissier.)
3 Est-ce que vous reconnaissez ces deux hommes?
4 Réponse: Oui, cela me dit quelque chose, cela s'est produit il y a dix ans
5 mais, si mes souvenirs sont bons, il s'agit de deux hommes que j'ai déjà
6 vus, j'en suis sûr. Si je me souviens bien, cet homme qui porte
7 l'uniforme, eh bien, c'est cet homme que j'ai vu à Banja Luka la veille de
8 me rendre à Manjaca. Je pense que c'était l'homme le plus important là-
9 bas, c'est-à-dire qu'il avait le grade le plus haut, et qui nous a empêché
10 d'aller à Manjaca, mais peut-être que je me trompe.
11 En ce qui concerne l'autre, eh bien, je l'ai vu à Prijedor, je suis
12 presque sûr de cela.
13 Question: Très bien. Vous pouvez enlever cette photo.
14 Maintenant, nous parlons de Trnopolje. Vous nous donnez la description
15 dans votre journal, vous dites qu'il s'agissait d'une scène complètement
16 indescriptible, il n'y avait pas d'installation, une saleté absolument
17 incroyable. Les représentants de la Croix-Rouge étaient là quand vous êtes
18 arrivé et aussi les journalistes d'ITN. Et vous nous dites qu'il y avait
19 quelques personnes blessées, qui couchaient sur des matelas infestés de
20 puces. Et vous nous dites qu'ils se trouvent sur un terrain où il y a un
21 groupe de personnes qui n'ont presque rien. Ils étaient là, couchés sous
22 le soleil, d'autres étaient abrités sous des auvents qui pouvaient fournir
23 un petit peu d'ombre, mais s'il pleuvait, ils ne pouvaient absolument pas
24 les aider.
25 Vous vous êtes arrêté pour vous entretenir avec quelques personnes et, à
Page 12369
1 un moment donné, il y avait une espèce de toilettes avec quelques briques
2 autour pour les cacher des regards et quatre toilettes pour 3.000
3 personnes qui s'y trouvent.
4 Vous décrivez la conversation que vous avez eue avec ces personnes et
5 c'est écrit dans le journal. Est-ce que vous gardez toujours cette image
6 de Trnopolje?
7 Réponse: Oui, certainement nous avons vu des choses terribles dans les
8 Balkans. Mais je n'ai jamais vu quoi que ce soit pire que ceci et je me
9 souviens très bien de cette scène. C'était pire qu'à Manjaca. C'était pire
10 pour plusieurs raisons, car il n'y avait pas d'ordre et même si l'ordre
11 qui régnait à Manjaca était brutal et inapproprié, il y en avait quand
12 même. Ici, c'était un chaos total. A Manjaca, j'ai vu surtout des jeunes
13 hommes. Ici, il y avait des vieux, des infirmes, des blessés, des femmes,
14 des enfants, tous amassés ensemble dans cette espèce de terrain de jeux
15 d'une école, sans aucun espoir, sans aucun futur, au désespoir, perdus,
16 sans aucune dignité humaine. Les toilettes étaient telles qu'elles étaient
17 destinées aux hommes et aux femmes à la fois et parfaitement inadéquates,
18 inappropriées. Les gens déféquaient à même la terre, à même le sol. Il n'y
19 avait aucune intimité, ils étaient privés de leur intimité, privés de leur
20 dignité.
21 La nuit -on me l'a dit, car je n'ai pas pu le vérifier-, il y avait des
22 extrémistes serbes qui venaient pour prendre des femmes, pour les emmener
23 et -comme on me l'a dit-, on les aurait violées et tuées ou bien ramenées
24 au camp le lendemain. Mais je n'ai pas pu le vérifier, on me l'a dit. Et
25 même ceci s'est produit de telle façon que la population serbe locale les
Page 12370
1 a prises en pitié et a essayé de les protéger de ces extrémistes. Et pour
2 moi, c'était à la fois étonnant et cela m'a vraiment touché. C'était une
3 scène complètement insupportable.
4 Question: Vous avez dit que ces Serbes locaux les ont pris en pitié. Qui
5 vous a dit cela?
6 Réponse: Eh bien, il y en a quelques-uns qui me l'ont dit, car des détenus
7 leur ont parlé. Ils leur ont dit qu'ils n'étaient pas protégés, qu'ils
8 n'avaient pas de barbelés, ils n'étaient pas protégés des gens de
9 l'extérieur; et donc la nuit des "loups" venaient, et ils l'ont dit à ces
10 Serbes qui vivaient aux alentours et ils ont tenté de les aider.
11 Question: Est-ce que vous vous souvenez avoir vu qui que ce soit qui avait
12 la responsabilité de ce camp?
13 Réponse: Non, je n'ai vu personne.
14 Question: Est-ce que vous aviez l'impression qu'il y avait des gardes?
15 Réponse: Non. Il y avait des militaires. Il y avait aussi des forces de
16 police, mais je pense qu'il y avait plus de militaires. Il y avait cette
17 population docile qui comprenait des femmes, des enfants, des vieillards,
18 qui marchait en colonne sous ce soleil brûlant, et on leur a manifestement
19 donné l'ordre de se comporter de façon docile, d'obéir.
20 Je me souviens qu'ils nous ont dit qu'on leur a dit qu'il s'agissait d'un
21 camp de transit, qu'ils allaient être transférés plus tard ou bien remis
22 aux autorités musulmanes, mais -comme nous l'avons appris plus tard,
23 quelques jours plus tard ou trois jours plus tard après ma visite au
24 camp-, on les a emmenés ailleurs, donc à Vlasic, et là on les a jetés des
25 rochers et ils ont trouvé la mort.
Page 12371
1 Mme Korner (interprétation): Je vais passer aux lettres de Lord Ashdown et
2 à ses communiqués de presse. Je pense que nous pourrions effectivement
3 faire une pause maintenant.
4 M. le Président (interprétation): Oui. Bien que nous ayons prévu de faire
5 une pause dans cinq minutes, nous pourrions en effet la faire maintenant.
6 Donc nous levons la séance. Nous prenons une courte pause-café et nous
7 reprenons dans 25 minutes. Merci.
8 (L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 10 heures 54.)
9 Mme Korner (interprétation): Lord Ashdown, je vais revenir aux lettres que
10 vous avez écrites après votre visite. Mais je voudrais que vous jetiez un
11 coup d'œil, s'il vous plaît, à une transcription qui a été faite d'une
12 interview qu'apparemment vous avez donnée à Banja Luka à la télévision.
13 C'était la cote 7.230. Je crois que vous avez un exemplaire. Si on pouvait
14 en donner un au témoin.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 M. le Président (interprétation): Quel serait le numéro, la cote?
17 Mme Korner (interprétation): 1537 parce que je vais également demander le
18 versement des lettres au dossier comme pièce à conviction 1536.
19 M. le Président (interprétation): Bien.
20 Mme Korner (interprétation): Lord Ashdown, ceci apparemment est une
21 déclaration que vous avez faite à la télévision de Banja Luka le 11 août
22 après votre visite. Et vous avez fait la déclaration suivante: "D'après
23 eux, premièrement, je dois dire que j'étais un soldat moi-même et que je
24 sais que ce que j'ai vu ne sont pas des camps de concentration.".
25 Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit? Si ceci est inexact, il faudrait le
Page 12372
1 dire.
2 Lord Ashdown (interprétation): J'ai bien donné une interview à la
3 télévision de Banja Luka ce soir-là, et il me semble que ceci est un
4 extrait -je souligne le mot extrait- exact de ce que j'ai dit.
5 Naturellement, pour les télévisions, on a tendance à faire des coupures
6 dans les déclarations et l'interview a été assez longue. L'interview que
7 j'ai donnée a certainement été abrégée et lorsque j'ai employé les mots
8 "camps de concentration", bien entendu je pensais à ce qu'étaient les
9 termes acceptés pour les camps de concentration, à savoir Bergen-Belsen,
10 Auschwitz…
11 Mais, Madame Korner, je passerai aux questions que vous voulez me poser en
12 ce qui concerne… Je me réfère à cette définition dans une lettre que j'ai
13 écrite par la suite à M. Karadzic, et là, je pourrais m'expliquer plus
14 clairement.
15 Question: Les conditions, dites-vous, que vous avez vues dans ce camp:
16 "Les conditions de vie dans ce camp sont difficiles mais en ce qui
17 concerne la situation, on pourrait essayer de s'efforcer d'avoir des
18 conditions meilleures. Il y a énormément à faire mais il est
19 particulièrement important que dans ces centres de détention, les
20 Conventions de Genève soient respectées.". (Fin de citation.)
21 Réponse: Là encore, il faut remettre ceci dans son contexte. D'après mes
22 souvenirs, les parties précédentes de cette interview qui semblent avoir
23 été supprimées, j'ai décrit ces conditions de façon très détaillée et j'ai
24 dit qu'elles étaient inacceptables. Mais dans cet extrait, le contexte
25 dans lequel j'essaie de faire un commentaire essentiellement politique,
Page 12373
1 c'était que ces camps semblaient avoir eu un programme de régularisation
2 qui s'améliorait et je voulais que ceci continue.
3 Il n'aurait pas été utile pour une telle tentative d'écrire les choses
4 autrement que dans des termes assez objectifs, dans ces termes assez
5 objectifs.
6 Le point important concernant la phrase suivante, bien entendu… Il est
7 important que dans ces camps de détention, les Conventions de Genève
8 soient respectées et non pas une déclaration qu'elles ont été respectées.
9 Ceci est une tentative pour faire en sorte que les autorités serbes
10 appliquent ces Conventions de Genève, s'ils ne l'ont pas fait dans le
11 passé.
12 Question: Vous poursuivez en disant: "La Croix-Rouge internationale
13 devrait être comprise pour ce qui est des travaux dans ce centre. Et
14 personnellement, vous vous efforcerez de les faire venir aussi souvent
15 possible. La deuxième chose à faire est de fournir de l'aide pour que…"
16 Mais les conditions pour les prisonniers seraient meilleures que pour les
17 personnes qui se trouvent en dehors de la prison?
18 Réponse: Il vaudrait mieux que ces personnes soient à l'extérieur. Le mot
19 "then" que vous voyez ici est, je crois, un mot qui a été rajouté au stade
20 de la traduction.
21 Là encore, j'avais trois buts que j'essayais de réaliser ici. L'un était
22 de m'assurer que toute amélioration, qui pourrait avoir lieu au cours des
23 deux ou trois jours passés, continuerait.
24 Deuxièmement, que la Croix-Rouge pourrait venir le plus tôt possible.
25 C'était mon but principal de façon régulière. J'avais été informé par les
Page 12374
1 prisonniers que j'avais rencontrés peu de temps après mon arrivée, que la
2 Croix-rouge, effectivement, venait assez régulièrement, et je savais qu'il
3 y aurait une prochaine visite. J'avais été informé par les prisonniers que
4 j'avais rencontrés qu'ils avaient été numérotés. Les conditions s'étaient
5 améliorées.
6 Et la troisième chose que je dis dans ma déclaration à la suite d'une
7 conversation que j'avais eue avec Karadzic que vous voyez, ceci est
8 reflété dans la lettre, c'était de s'assurer que des échanges de
9 prisonniers pourraient avoir lieu aussi tôt que possible de sorte que ces
10 personnes pourraient sortir des camps et se trouver dans un environnement
11 plus sûr.
12 Question: Et vous poursuivez en disant: "Je lance aussi un appel aux
13 médias internationaux d'appliquer une pression pour montrer que les
14 conditions des Serbes, de l'autre côté, les conditions auxquelles sont
15 soumis les autres…."
16 Et à ce stade, est-ce que vous avez considéré qu'il était important, qu'il
17 faudrait également rendre compte de ce qui se passait dans les autres
18 secteurs?
19 Réponse: Madame Korner, la vérité est que personne n'avait les mains
20 propres dans cette guerre. Les atrocités ont eu lieu de tous les côtés. Je
21 n'avais aucun doute que des prisonniers étaient maltraités pratiquement de
22 tous les côtés. Et si je dois faire un jugement subjectif, je pense que le
23 plus grand poids d'atrocité était lourdement du côté serbe plutôt que de
24 l'autre. Mais je ne prétends pas pendant une seconde qu'il n'y ait pas eu
25 de mauvaises actions commises par tous.
Page 12375
1 Ma préoccupation, mon raisonnement était le suivant: c'est-à-dire que si
2 toutes les parties pouvaient être soumises à certaines pressions pour
3 traiter correctement les prisonniers, alors les conditions de tous les
4 prisonniers s'amélioreraient. S'il y avait des preuves qu'il y avait une
5 approche non partisane de la presse, alors les autorités serbes
6 trouveraient plus facile de répondre s'il y avait des preuves d'un
7 traitement approprié du côté croate et musulman, ceci amènerait une
8 amélioration du traitement des prisonniers qui étaient aux mains des
9 Serbes.
10 Question: Je pense que ce sont toutes les questions que je voulais vous
11 poser.
12 En ce qui concerne le reste, si vous voulez, nous pourrions passer
13 maintenant aux lettres que vous avez écrites à un certain nombre de
14 personnes vers la fin de votre visite.
15 Pourrions-nous commencer, s'il vous plaît, avec la lettre qui était
16 l'annexe 2 adressée à M. John Major.
17 Je voudrais demander que toutes ces lettres soient versées sous une cote
18 unique, à savoir la cote P1536, et donc ceci sera la cote P1536.1.
19 Elle est datée du 12 août et vous présentez le contexte général de votre
20 visite et vous donnez votre point de vue sur le fait que les puissances
21 occidentales ont agi ou non dans tel ou tel sens.
22 Pourriez-vous passer à la page 2 où vous traitez dans un paragraphe, vous
23 dites: "Permettez-moi de vous décrire pourquoi cette question est si
24 urgente". Et vous décrivez les conditions à Trnopolje, je crois, dans le
25 même sens que ce que vous aviez décrit dans votre journal?
Page 12376
1 Réponse: Oui, tout à fait.
2 Question: Et en fait, vous n'avez pas mentionné Manjaca dans cette lettre
3 particulière. Je pense que vous l'avez mentionné dans l'autre lettre?
4 Réponse: Le but de cette lettre, lorsque je l'ai composée lors du voyage
5 de retour de Trnopolje à Belgrade ce soir-là, était de faire deux choses:
6 premièrement, d'essayer de convaincre le gouvernement britannique et, à
7 travers lui, les gouvernements occidentaux que leur politique d'inactivité
8 dans cette guerre était mauvaise et effectivement dangereuse; et
9 deuxièmement, d'appeler plus particulièrement l'attention aux conditions
10 qui existaient à Trnopolje.
11 Veuillez vous rappeler que c'était un événement qui était encore dans ma
12 mémoire au moment où j'ai écrit cette lettre, et lorsque je les ai
13 composées, il me semblait que la meilleure chose à faire était de faire la
14 lumière sur ces conditions dans des lettres adressées au Dr Karadzic et à
15 la Croix-Rouge internationale. Je me suis concentré sur le camp de Manjaca
16 parce qu'il me semblait que c'étaient les autorités les plus appropriées
17 pour traiter de la question.
18 Question: Est-ce que nous pourrions aller à la lettre adressée au Dr
19 Karadzic qui est l'annexe 3 et qui deviendra la pièce P1536.2? Vous dites
20 là, vous le remerciez d'avoir rendu ce voyage possible, cette visite
21 possible.
22 Dans le deuxième paragraphe, vous dites que vous souhaitez regarder les
23 effets de la guerre et voir ce qui pourrait être fait à court terme pour
24 réduire l'intensité et les souffrances de personnes innocentes qui se
25 trouvent prises entre deux feux.
Page 12377
1 Et ensuite, vous continuez en traitant de Manjaca et vous lui dites que
2 vous annexez copie de la lettre écrite à M. (inaudible). Et vous déclarez
3 dans le troisième paragraphe: "J'ai été également heureux de voir que le
4 commandant du camp semblait observer les conditions posées par les
5 Conventions de Genève en ce qui concerne les ressources dont il pouvait
6 disposer". Je pense que probablement vous avez expliqué cela, cette
7 phrase. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
8 Réponse: C'est précisément au moment où je me trouvais là, il y avait là
9 une tentative de faire appliquer les Conventions de Genève qui semblait
10 avoir lieu. Cela ne veut pas dire que ce n'était pas le cas avant que je
11 sois arrivé, mais l'un des facteurs était les limites des ressources
12 disponibles et, effectivement, il y avait ce problème d'aliments très
13 insuffisants. Et, en particulier pour les personnes qui pendant une longue
14 période avaient souffert de malnutrition, les conditions de vie étaient
15 mauvaises, les fournitures médicales insuffisantes et rudimentaires pour
16 des personnes qui étaient encore très faibles.
17 Question: Oui.
18 Réponse: L'impression que je voulais donner était que, bien que les
19 conditions se soient améliorées, elles demeuraient inacceptables et cette
20 amélioration devait se poursuivre.
21 Question: Parce ce que si vous regardez la deuxième page, vous dites
22 exactement ceci au premier paragraphe.
23 Réponse: Oui.
24 Question: "Je pense que, d'après ce que j'étais en mesure de voir, il
25 serait à la fois irresponsable et inexact d'appeler ces camps que j'ai
Page 12378
1 visités, des camps de concentration au sens qui a été accepté pour ce
2 terme." (Fin de citation.)
3 Réponse: Et bien entendu, dans ce dernier membre de phrase, je voulais
4 dire ce que l'on entend par des camps de concentration au sens moderne,
5 c'est-à-dire des camps d'extermination du type de Bergen-Belsen et je
6 voulais donner mes vues concernant Keraterm et Omarska et dire que ceci ne
7 rentrait pas dans cette catégorie.
8 Madame Korner, je pensais qu'il est important pour ce Tribunal de se
9 rendre compte qu'il n'aurait pas été utile à mon but politique, c'est-à-
10 dire le fait de sauver des vies si j'avais utilisé des termes plus
11 vigoureux que l'expression au sens où cette expression est maintenant
12 reçue. C'était clairement indiqué à M. Karadzic que bien qu'il ne s'agisse
13 pas de Bergen-Belsen, cela ne rendait pas les choses acceptables.
14 Question: Et vous dites dans la phrase suivante: "Néanmoins, les
15 conditions demeuraient inacceptables et devraient être améliorées
16 d'urgence".
17 Puis ensuite, vous traitez de l'arrivée d'Omarska et de l'échange de
18 prisonniers et, à l'avant-dernier paragraphe de cette page, vous dites:
19 "Permettez-moi d'ajouter que j'étais vivement préoccupé alors que nous
20 allions en voiture ici et là. Lorsque nous avons vu des villages musulmans
21 totalement détruits, il serait insuffisant de dire que la même chose se
22 passe pour l'autre partie, c'est faux, c'est mal, c'est barbare et cela
23 devrait être arrêté par les chefs de part et d'autre.". (Fin de citation.)
24 Réponse: Je crois que l'un des points, l'une des remarques les plus
25 importantes que je voulais faire au Dr Karadzic, c'était ce qui est dit
Page 12379
1 dans le deuxième paragraphe de cette lettre, qui soulève la question du
2 fait que ceux que j'avais vus n'étaient pas des combattants.
3 Question: Oui, absolument. Et vous dites cela de façon très vigoureuse.
4 La troisième lettre qui porte cette date concernant ce qui est devenu
5 l'annexe 4 a été adressée au général Nambiar. Il a été responsable de la
6 Forpronu à ce stade?
7 Lord Ashdown (interprétation): Il était basé à Zagreb. Ceci parle
8 évidemment d'une position très particulière qui était Gorazde, à ce stade,
9 qui était assiégée.
10 Mme Korner (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons besoin de
11 parler de cela, enfin finalement...
12 M. le Président (interprétation): Cote 1536.3.
13 Mme Korner (interprétation): Oui, donc la dernière lettre adressée à M.
14 Nambiar… la dernière lettre adressée au président de la Croix-Rouge, M.
15 Cornelio Sommaruga, au deuxième paragraphe, vous dites que, pendant la
16 tournée que vous avez faite, vous vous êtes référé au fait que vous avez
17 eu la chance de visiter le camp de prisonniers ou "camp de guerre à
18 Manjaca" et le "camp de réfugiés" de Trnopolje.
19 Qu'est-ce qui vous a fait utiliser cette expression de "camp de réfugiés"?
20 Lord Ashdown (interprétation): C'est ainsi qu'il m'avait été décrit à
21 l'époque. Je suppose qu'une expression plus exacte aurait été "un camp
22 d'internement", mais il s'agissait essentiellement de réfugiés, donc je
23 l'ai appelé un camp de réfugiés, de personnes déplacées; "camp de
24 personnes déplacées" pourrait être une expression plus exacte.
25 Question: Vous dites ce qui vous a été dit par le colonel Popovic, que:
Page 12380
1 "Le camp n'avait pas été visité par la Croix-Rouge internationale depuis
2 plus de dix jours", et vous avez continué à exprimer vos préoccupations,
3 et vous avez dit à la page suivante, au troisième paragraphe:
4 "Les autorités serbes m'ont dit que le manque d'aliments dans le pays et
5 les effets des sanctions internationales limitaient les ressources qu'ils
6 pouvaient avoir à leur disposition.
7 Je ne suis pas en mesure de juger de la véracité de ces propos et il faut
8 dire que chacun des prisonniers à qui j'ai parlé -sans être entendu par
9 les gardes- m'a informé du fait que les conditions étaient bien meilleures
10 que celles dans les camps d'où ils venaient. Mais je regrette de dire que
11 ceci est révélateur du caractère tout à fait inacceptable des camps d'où
12 ils venaient, plutôt que cela ne rende acceptable ce que je vois à
13 Manjaca.
14 J'accepte le fait que les autorités serbes fassent une tentative sérieuse
15 d'améliorer les choses d'urgence, mais ceci ne veut pas dire que les
16 choses doivent en rester là.".
17 Vous mentionnez le fait que vous avez parlé à un mercenaire canadien, mais
18 est-ce que la plupart des personnes à qui vous avez parlé à Manjaca
19 venaient d'Omarska ou de Keraterm?
20 Réponse: Oui, je pense que la très grande majorité venait de là. Nous y
21 avons été pour une période limitée. On a essayé de me convaincre d'aller
22 voir d'autres prisonniers, et j'ai décidé que ceux d'Omarska et de
23 Keraterm étaient plus particulièrement en danger de perdre la vie et j'ai
24 passé la plupart de mon temps à cet endroit-là.
25 En fait, il se peut que ma mémoire me trompe, mais je ne me rappelle pas
Page 12381
1 avoir parlé indépendamment à ceux que j'ai vus dans le centre médical –
2 c'est-à-dire quatre ou cinq, dont un était un mercenaire canadien-,
3 indépendamment de cela, je ne me rappelle pas avoir parlé de qui que ce
4 soit d'autre que ceux qui sont venus de Keraterm et d'Omarska.
5 Mme Korner (interprétation): Bien. Je vous remercie. Ceci sera la cote
6 "point 4", Monsieur le Président.
7 Finalement, Lord Ashdown, vous avez fait un certain nombre de visites aux
8 territoires de l'ex-Yougoslavie et vous avez dit dans des dépositions dans
9 d'autres affaires ce que vous aviez vu là.
10 Comment résumeriez-vous vos visites à ces camps en comparaison des autres
11 questions quand vous aviez visité les autres camps?
12 M. Ackerman (interprétation): Je dois faire objection à cette question, à
13 moins que l'on ne soit un peu plus précis sur les camps dont il s'agit et
14 à quel moment, à savoir de quel camp on parle.
15 Mme Korner (interprétation): Je vous pose des questions sur la visite.
16 Lord Ashdown (interprétation): Peut-être que je pourrais vous aider en
17 disant que je ne pense pas que, de toute ma vie, j'ai eu une occasion plus
18 prononcée que celle que j'ai eue à Manjaca. Il n'est pas fréquent que nous
19 ayons la possibilité de participer au fait de sauver des vies, mais je
20 pense -et les conversations que j'ai eues avec les prisonniers de Manjaca
21 m'ont conduit à penser par la suite- que c'était un de ces jours-là parce
22 que l'amélioration des conditions et les conséquences que des vies ont été
23 sauvées sont effectives.
24 En ce qui concerne Trnopolje, je dois dire que je reste hanté par l'idée
25 que, si d'une façon ou d'une autre on avait pu faire davantage, on aurait
Page 12382
1 peut-être pu sauver les vies de ces personnes qui ont été tuées en les
2 jetant du haut des falaises. Quelques jours plus tôt, on aurait pu
3 empêcher cela peut-être. Mais je suppose que, parlant du 11 ou du 10 août,
4 je considère que c'est un des meilleurs jours de ma vie où j'ai pu faire
5 les choses les plus importantes.
6 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous répondez à l'objection
7 de Me Ackerman, s'il vous plaît, Madame Korner?
8 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie, Lord Ashdown. C'est la
9 seule question que je voudrais poser.
10 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux considérer, Madame
11 Korner, que vous n'avez pas l'intention de demander le versement au
12 dossier de ce qui était l'annexe 8 et l'annexe 9?
13 Mme Korner (interprétation): C'est exact. Excusez-moi, l'annexe 9 est le
14 journal; elle a déjà été versée au dossier.
15 M. le Président (interprétation): Oui, mais l'annexe 8, vous n'avez pas
16 demandé le versement au dossier?
17 Mme Korner (interprétation): S'agit-il des articles de presse?
18 M. le Président (interprétation): Oui.
19 Mme Korner (interprétation): Non, je ne vais pas les verser au dossier.
20 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, vous pouvez procéder au
21 contre-interrogatoire, si vous voulez.
22 (Contre-interrogatoire du témoin, Lord Ashdown, par Me Ackerman.)
23 M. Ackerman (interprétation): Lord Ashdown, bonjour. Mon nom est John
24 Ackerman. Je suis représentant de M. Brdjanin. Je suis des Etats-Unis et
25 je dois dire que vous êtes le premier lord à qui j'ai jamais parlé pour
Page 12383
1 une raison quelle qu'elle soit.
2 Lord Ashdown (interprétation): Maître Ackerman, je voudrais que vous
3 oubliiez ce titre. Je ne le considère pas comme important, si ce n'est
4 comme une description de l'endroit où je travaille. Je ne l'utilise jamais
5 et je vous serais reconnaissant si vous l'utilisiez le moins possible.
6 Question: Peut-être que je vais vous appeler "Sir" ou "Monsieur" ou
7 quelque chose de ce genre pour respecter la proposition que vous avez
8 faite et pour tenir compte de votre position.
9 Je vais donc… Je sais que vous êtes un homme très occupé, que vous
10 souhaitez partir le plus vite possible et je vais essayer de vous poser
11 des questions qui vous donnent une occasion complète de répondre à mes
12 questions dans le sens que vous souhaitez. Je crois que ce sera équitable,
13 ne pensez-vous pas?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Je voudrais commencer mes questions à propos d'une déclaration
16 que vous avez faite relativement récemment à un enquêteur de l'accusation
17 du nom de Richard Dupas le 9 mai 2002. Est-ce que vous vous rappelez cela?
18 Réponse: Je me souviens avoir fait un certain nombre de déclarations. Je
19 ne me rappelle pas plus particulièrement celle-là.
20 Question: Est-ce que vous souhaitez avoir un exemplaire pour que vous
21 puissiez le voir?
22 Lord Ashdown (interprétation): Cela pourrait être utile.
23 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas si on peut l'avoir
24 directement?
25 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez placer ce
Page 12384
1 document qui porte le numéro ERN 02193824.
2 (Intervention de l'huissier.)
3 M. Ackerman (interprétation): Je crois qu'une partie de ce que je voulais
4 vous demander comme question a maintenant été éclaircie, mais lorsque vous
5 avez parlé à la télévision de Banja Luka, lorsque vous avez parlé de cela
6 dans votre déclaration à M. Dupas, ce dont vous parliez lorsque vous
7 parliez à la télévision de Banja Luka, c'était ce que vous aviez observé
8 après avoir été à Manjaca et à Trnopolje, n'est-ce pas?
9 Lord Ashdown (interprétation): Après avoir été à Manjaca, pas après
10 Trnopolje. Non, c'était le soir où j'étais revenu de Manjaca.
11 (L'interprète demande une pause entre questions et réponses.)
12 M. le Président (interprétation): Et l'un des microphones n'est pas
13 branché.
14 Lord Ashdown (interprétation): Je vais peut-être redire cela.
15 Non, la déclaration a été faite la nuit de mon retour du camp de Manjaca
16 et la nuit qui précédait ma visite à Trnopolje.
17 M. Ackerman (interprétation): Et l'impression que vous avez eue à ce
18 moment-là concernant Manjaca était basée essentiellement sur un certain
19 nombre de choses, vos observations personnelles, ce que vous avez vu, ce
20 que vous avez entendu lorsque vous étiez là, plus des entretiens que vous
21 aviez eus avec un certain nombre de prisonniers sans qu'ils puissent être
22 entendus par les autorités du camp?
23 Lord Ashdown (interprétation): Oui, et la deuxième fait partie de la
24 première.
25 Question: Et dans ces conversations qui n'avaient pas été entendues par
Page 12385
1 les autorités du camp, je pense que vous n'avez pas entendu parler de
2 morts ou de passages à tabac qui se seraient passés à Manjaca?
3 Réponse: Maître Ackerman, la réponse à votre question est: non, je n'ai
4 pas entendu parler de cela, mais il aurait été surprenant, effectivement,
5 si dans les conversations que j'ai eues… Je me suis occupé
6 essentiellement, pendant la durée que j'ai eue, de me renseigner
7 essentiellement sur leurs conditions personnelles plutôt que de ce qui
8 s'était passé au cours des derniers jours.
9 Question: En fait, n'est-il pas vrai que certains des hommes dont vous
10 avez parlé ont préféré rester à Manjaca qu'être libérés par crainte d'être
11 obligés de combattre pour leur propre armée?
12 Réponse: Non, Maître Ackerman, ce n'est certainement pas le cas. Ils ont
13 certainement exprimé le point de vue que, s'ils étaient relâchés, ils
14 pourraient être obligés d'aller combattre, mais je ne leur ai pas posé
15 cette question précise à laquelle vous vous référez. Je suis absolument
16 sûr que si j'avais dit à ces gens "Vous pouvez sortir et vous
17 débrouiller", ils auraient immédiatement répondu avec beaucoup de
18 soulagement.
19 Question: Si vous regardez la dernière phrase de votre déclaration,
20 lorsque j'ai eu cette idée que vous êtes censé avoir dit, certains des
21 hommes auxquels j'ai parlé avaient peur que s'ils partaient on ferait
22 pression sur eux pour qu'ils aillent combattre pour leur propre armée
23 d'origine ethnique?
24 Réponse: Bien sûr, mais ceci, je pense, ne permet d'interférer une
25 préférence pour rester dans le camp plutôt que d'en sortir. Il y avait de
Page 12386
1 la crainte que s'ils devaient partir, les difficultés seraient plus
2 grandes. Ceci me paraît infiniment préférable que le fait de rester là. Je
3 suis sûr que vous seriez d'accord.
4 Question: Est-ce que vous pensez que certains des hommes auraient pu,
5 d'après ce qu'ils ont exprimé, avoir des conditions aussi mauvaises qu'à
6 Manjaca s'ils s'étaient trouvés dans une tranchée pour aller combattre?
7 Réponse: Absolument pas, Maître Ackerman, je suis sûr que si vous aviez
8 donné à ces personnes la possibilité de quitter les Serbes compte tenu de
9 leur expérience à Omarska et à Keraterm et leur expérience à Manjaca, ils
10 seraient allés n'importe où sur la terre plutôt que de rester là. J'en
11 suis sûr.
12 Question: Vous avez également dit, sur les questions dont nous avons parlé
13 ce matin, il y avait très peu de combattants que j'ai vus. La majorité
14 semblait être des civils. Et je pense que la façon dont vous les avez
15 décrits dans votre déposition ce matin est qu'il semblait pour vous être
16 des agriculteurs, de simples agriculteurs?
17 Réponse: Si vous vous rappelez, Maître Ackerman, j'ai dit que ce n'était
18 pas simplement ce dont ils avaient l'air, j'avais rencontré de très
19 nombreux soldats qui avaient l'air d'agriculteurs. Il y avait une absence
20 totale d'uniforme, de chaussure dont on aurait besoin pour être un
21 combattant, l'absence totale d'équipement de quoi que ce soit qui
22 ressemble à un équipement militaire et on avait l'impression
23 d'agriculteurs qui étaient simplement arrachés à leurs champs.
24 Question: Donc la conclusion que vous avez faite était basée sur le manque
25 d'uniforme, d'armement ou de ce qu'on verrait normalement pour
Page 12387
1 accoutrement pour un militaire?
2 Réponse: Oui, accoutrement, uniforme, puisque j'ai une certaine expérience
3 des choses militaires et je pourrais voir si quelqu'un était en uniforme
4 ou pas. Ils n'étaient pas dans une condition physique qui montrait qu'ils
5 avaient suivi une formation militaire quelconque. Leur comportement
6 montrait une absence de discipline militaire, leur position correspondait
7 tout à fait à des personnes innocentes, je veux dire des personnes qui
8 avaient des vies tout à fait ordinaires.
9 Question: Vous parlez, Monsieur, du type d'organisation militaire dont
10 vous avez fait partie et dont j'ai fait partie aux Etats-Unis où, en fait,
11 nous recevons une formation approfondie et des choses de ce genre.
12 Ne savez-vous pas que l'armée de Bosnie-Herzégovine dans une certaine
13 mesure et l'armée serbe étaient faites de personnes qui étaient
14 littéralement arrachées à leurs champs et qu'on mettait dans un uniforme,
15 à qui on donnait un fusil et à qui on disait d'aller se battre?
16 Réponse: Certainement, je reconnais que cette description, ce que j'avais
17 vu de l'armée de Bosnie ne s'applique pas à l'armée serbe. Oui, c'est tout
18 à fait possible, je peux vous donner le jugement de ce que j'ai pu voir à
19 ce moment-là, qui était que la majorité des personnes que j'ai vues
20 avaient été brutalisées, leurs maisons avaient été brûlées; et ce que j'ai
21 vu sur la route de Manjaca et la façon dont ils s'exprimaient, leur
22 comportement, leur équipement correspondaient tout à fait au fait que
23 quelques jours plus tôt ils étaient des habitants de ces maisons que j'ai
24 vu détruites en très grand nombre en suivant la route à Prijedor.
25 Question: Un instant de patience, s'il vous plaît, je suis en train de
Page 12388
1 chercher quelque chose. Est-ce que vous avez toujours votre journal sous
2 les yeux?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Le 10 août, je fais référence à la page 02195557, avec à côté le
5 nombre 14 entouré d'un cercle. Je ne sais pas si c'est la même chose sur
6 votre exemplaire?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Vous nous parlez de Manjaca et le deuxième paragraphe à partir
9 du haut -je cite-: "Je suis allé examiner les installations médicales qui
10 sont déplorables, mais il y a peu de fournitures médicales où que ce soit,
11 à cause de l'embargo sur les médicaments.". (Fin de citation.)
12 De quel type d'embargo parlez-vous?
13 Réponse: C'est quelque chose qui m'a été répété à l'envi Karadzic et
14 d'autres et vous comprendrez, bien entendu, l'importance politique de
15 cette question. Si je répète que l'une des raisons pour lesquelles…
16 Parce que l'une des excuses qu'il donnait pour ne pas fournir des soins
17 suffisants, c'était parce qu'il y avait un embargo sur les médicaments. Je
18 ne pense pas que c'était véritablement le cas à l'époque, cela ne faisait
19 pas partie des sanctions de l'occident, mais ce qu'on ne cessait de me
20 répéter, et cela je l'ai souvent répété aussi dans mon journal.
21 Question: Pendant votre visite, vous n'avez pas eu l'occasion d'aller voir
22 à l'hôpital de Banja Luka et de comparer la situation en matière
23 d'approvisionnement en fourniture avec ce qui se passait ailleurs, n'est-
24 ce pas?
25 Réponse: Non. Non, mais ultérieurement -et je n'ai pas les informations
Page 12389
1 ici tout de suite mais je pourrais le faire si je pouvais consulter mon
2 journal- mais en tout cas, plus tard, je suis allé dans une prison pour
3 anciens combattants à Pale, qui était le quartier général des Serbes à
4 côté de Sarajevo, et j'y ai vu des installations médicales. Et sans
5 affirmer qu'il y avait là des installations du niveau des installations
6 que l'on trouve en occident, en tout cas la situation était bien
7 meilleure, nettement meilleure que ce que j'ai vu à Manjaca: il y avait
8 des équipements en état de fonctionnement, des infirmières, des médecins,
9 des traitements assurés, etc.
10 C'est donc vrai lors de cette visite je ne suis pas allé à Banja Luka, je
11 n'y suis allé que cinq ou six mois plus tard, mais au cours de ma visite
12 en décembre, je crois, j'ai été en mesure de voir des hôpitaux militaires
13 et civils à Pale, et c'était sans commune mesure avec ce que j'avais vu à
14 Manjaca.
15 Question: Vous n'avez pas vu cela au moment où vous avez visité Manjaca?
16 Réponse: Oui, c'est vrai, mais je ne vois pas pourquoi je n'ai aucune
17 raison de penser que ce que j'aurais vu à Banja Luka au début de la guerre
18 -alors que l'approvisionnement était bon-, aurait pu être pire que ce que
19 j'avais vu à Pale plusieurs mois plus tard. Après, lorsque la guerre
20 faisait vraiment rage, l'approvisionnement en fournitures médicales était
21 moins bon.
22 Question: Saviez-vous que la région de Banja Luka, cette région de la
23 Krajina, est devenue une sorte d'île, une île coupée de toutes ses sources
24 d'approvisionnement. La frontière avec la Croatie était fermée, les forces
25 musulmanes et croates ont coupé ce corridor qui faisait le lien entre la
Page 12390
1 Krajina et la Serbie; là aussi c'était un axe d'approvisionnement
2 supplémentaire coupé.
3 Et puis, il n'y avait pas non plus d'approvisionnement par air ou plutôt
4 c'était très limité, parce qu'il était interdit aux avions de voler dans
5 cette région, si bien qu'il était très difficile d'assurer un
6 approvisionnement en fournitures médicales.
7 Réponse: Il y avait un approvisionnement assuré par l'ONU, en tout cas à
8 Sarajevo.
9 Mais pour répondre à votre question, oui, effectivement je le savais, il
10 nous a été difficile de venir de Pale à travers le corridor de la Posavina
11 qui faisait l'objet de nombreuses embuscades des deux côtés; il s'agissait
12 d'un corridor très étroit. Et indéniablement les conditions de vie
13 n'étaient pas faciles dans ce qu'on appelle maintenant la Republika
14 Srpska.
15 Mais je dirais qu'étant donné que la Banja Luka était la capitale, que
16 Banja Luka se trouvait dans une zone beaucoup plus peuplée que les autres
17 zones de la Republika Srpska que Pale, je dirais donc que Banja Luka
18 bénéficiait d'une situation bien plus favorable que Sarajevo qui, à
19 l'époque, était assiégée.
20 J'accepterai, je conviendrai que les fournitures médicales et les
21 installations médicales à Banja Luka n'étaient pas analogues à celles
22 qu'on rencontre dans un pays occidental, mais je n'irai pas jusqu'à dire,
23 je nierai le fait qu'au début de la guerre il n'y avait pas suffisamment
24 de fournitures médicales pour assurer à Banja Luka des services de
25 meilleure qualité que ceux que j'ai vus à Manjaca, dans ce qui restait
Page 12391
1 d'un territoire occupé par les Serbes et qui se trouvait à 3 ou 4
2 kilomètres seulement de la capitale de l'endroit.
3 Question: Ici, là, je vais un peu au hasard mais pouvez-vous nous parler
4 de l'approvisionnement assuré par les Nations Unies?
5 Réponse: Moi aussi je travaille de mémoire, mais je me souviens que les
6 autorités serbes ont refusé l'aide de l'ONU dans les territoires occupés
7 par les Serbes qui subissaient des pénuries.
8 Mais je vous le rappelle, nous parlons d'une époque qui se trouve à deux
9 mois du début de la guerre et on se trouve à un endroit qui se trouve à 7
10 ou 8 kilomètres de la capitale.
11 Question: Moi, si je me souviens bien, les convois des Nations Unies, qui
12 ont essayé de venir dans la zone à partir de la Croatie, à partir de
13 Zagreb, ne pouvaient passer que s'ils remettaient 80% de leurs chargements
14 aux Croates pour passer la frontière.
15 Vous souvenez-vous de cela?
16 Réponse: Maître Ackerman, là, je pense que nous parlons de choses que nous
17 ne connaissons pas très bien. En tout cas, c'est mon cas.
18 Je vais simplement vous dire que j'ai traversé la Croatie à ce moment-là,
19 que la guerre s'était arrêtée, s'était interrompue en juillet. Tout ce qui
20 partait pour la Bosnie passait par Zagreb.
21 Et je me souviens avoir vu ces convois et je me souviens que personne ne
22 m'ait dit que les Croates empêchaient cette aide de passer.
23 Question: Avant d'aller à Manjaca et Trnopolje, vous aviez connaissance
24 des reportages faits par les journalistes, vous saviez que les camps qui
25 se trouvaient dans cette région avaient été décrits par certains
Page 12392
1 reporters, par certains médias comme de véritables camps dignes de la
2 Deuxième Guerre mondiale, camps de concentration?
3 Réponse: Oui, tout le monde disait en effet qu'il s'agissait de camps
4 d'extermination semblables à ceux qu'on a connus pendant la Seconde Guerre
5 mondiale.
6 Question: Dans la lettre à Karadzic, vous lui avez parlé de ce que vous
7 avez vu, vous, à Manjaca et Trnopolje. Mme Korner vous a posé des
8 questions à ce sujet.
9 "Il serait irresponsable, il serait inexact de qualifier ces camps de
10 camps de concentration en reprenant l'acception de ce terme.". Là ici je
11 viens de citer ce que vous avez dit. Inutile, je pense, de répéter
12 l'explication que vous avez donnée. Avez-vous quelque chose à ajouter?
13 Réponse: Je n'ai rien à ajouter.
14 M. Ackerman (interprétation): J'imagine que si vous n'avez pas vu à
15 Manjaca et à Trnopolje ce que les journalistes ont vu, cela ne s'explique
16 pas?
17 Lord Ashdown (interprétation): Je n'ai pas compris votre question.
18 M. le Président (interprétation): Avant de laisser le témoin répondre, il
19 faut savoir de quelle période nous parlons.
20 Il faut être sûr que les journalistes dont vous parlez ont vu ce qu'ils
21 ont vu, et que Lord Ashdown parle de ce qu'il a vu pour une même période.
22 Parce que sinon, il peut y avoir des différences importantes si l'on parle
23 de périodes différentes.
24 M. Ackerman (interprétation): En effet, je n'ai pas été précis. Je vais
25 essayer de préciser ma question.
Page 12393
1 Quand vous êtes allé à Manjaca et à Trnopolje, il y avait à ces endroits
2 des journalistes qui vous accompagnaient, n'est-ce pas? Et ma question est
3 simplement la suivante. Vous n'avez aucune raison de penser que les
4 journalistes aient été en mesure de voir des choses que vous, vous n'avez
5 pas vues?
6 Lord Ashdown (interprétation): Les journalistes qui étaient en ma
7 compagnie ont vu ce que moi-même j'ai pu voir. Je me souviens, et
8 d'ailleurs on le voit dans la vidéo, je me souviens qu'à un moment donné,
9 sans doute avant mon départ, peut-être cinq minutes ou dix minutes à peine
10 avant mon arrivée, on a bousculé les journalistes, on les a fait sortir.
11 On ne le voit pas sur la vidéo. Il est possible que, moi, j'en ai vu plus
12 qu'eux. Mais je ne pense pas, je n'ai aucune raison de penser qu'ils aient
13 vu plus de choses que moi.
14 Question: Maintenant, je suis en train d'examiner votre journal pour la
15 date du 8 août. Page 3… Est-ce que vous avez la même pagination que moi?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Donc j'imagine que c'est la page 3.
18 Réponse: Oui.
19 Question: Vous vous trouvez à l'hôtel intercontinental de Belgrade et au
20 milieu de ce paragraphe, du deuxième paragraphe, vous nous dites la chose
21 suivante: "CNN parle de camps de concentration et tous les journalistes
22 ont peur parce que, justement, c'est exactement ce que ces camps ne sont
23 pas. Et les journalistes pensent que ça va rendre le déplacement, notre
24 déplacement encore plus dangereux." (Fin de citation.)
25 Réponse: Vous constatez, Maître Ackerman, que j'ai apporté une
Page 12394
1 modification manuscrite qui n'est peut-être pas très lisible, mais il faut
2 savoir que j'ai apporté ces modifications dans les jours qui suivaient le
3 moment où je dictais mon journal. Parce que ce qu'on lit, c'est exactement
4 ce que les Serbes disent qu'ils ne sont pas; les Serbes disent qu'ils ne
5 le sont pas. On parle de camps de concentration.
6 Les Serbes sont très mécontents de cette façon de décrire les choses et la
7 presse estime que cela va rendre notre voyage encore plus dangereux.
8 Bien entendu, tout le monde sait qu'un journal de ce type, c'est un
9 journal que j'ai dicté tard le soir, et peut-être que les mots choisis ne
10 sont pas toujours les meilleurs, ce n'est pas toujours de la littérature
11 et ce ne sont pas toujours les mots les mieux choisis. Si bien que dans ce
12 cas-là, comme dans d'autres, je demandais systématiquement -une fois que
13 ce que j'avais dicté avait été dactylographié- que je puisse lire la
14 version dactylographiée pour y apporter des corrections.
15 Question: Est-ce que ceci, ces corrections ont été apportées après ou bien
16 longtemps après?
17 Réponse: Non, non, non, tout de suite après, quelques jours après.
18 Question: Moi, je vous parle de la déposition d'aujourd'hui qui a lieu dix
19 ans après les événements.
20 Réponse: Oui, en effet, dix ans après les événements.
21 Question: Alors que vous avez écrit votre journal tout de suite après.
22 Réponse: Oui.
23 Question: Toujours sur cette page, on voit que vous avez eu l'occasion de
24 rencontrer un journaliste. Vous nous avez dit que son nom c'est Villiani,
25 Ed Villiani, et il a écrit un ouvrage au sujet de ce qu'il a vu dans la
Page 12395
1 région?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et dans votre journal, à son sujet, vous dites -je cite: "Il me
4 semble être très touché par toute cette question. Ça ne va pas nous rendre
5 la vie très facile. Nous avons besoin de personnes qui sont capables de
6 garder la tête froide dans cette situation." (Fin de citation.)
7 Ceci semble signifier que vous en êtes arrivé à la conclusion que Villiani
8 n'était pas en mesure de prendre des décisions rationnelles, n'est-ce pas?
9 Réponse: Maître Ackerman, on pourrait dire cela, mais je ne pense pas
10 qu'on soit obligé d'aller si loin.
11 Je vais simplement vous dire la chose suivante: j'ai rencontré M. Villiani
12 pour la première fois ce jour-là, très tard dans la soirée, il était
13 bouleversé par ce qu'il avait vu, et quel être humain rationnel ne
14 l'aurait pas été! Ce soir-là, j'ai porté un jugement sur lui qui semble
15 impliquer, comme vous l'avez dit, que son objectivité pouvait avoir été
16 affectée par ce qu'il avait vu. C'était en fait une mise en garde à mon
17 intention plus qu'autre chose; c'était à mon intention, pour me rappeler
18 qu'il fallait que je sois aussi objectif que possible.
19 Mais vu tout ce que j'ai appris au sujet de M. Villiani depuis ce jour -et
20 je dois dire que si nous ne sommes pas devenus amis, en tout cas, nous
21 évoquons souvent ensemble les événements dans les Balkans-, je peux donc
22 dire que rien ne m'incite à dire aujourd'hui que ce n'était pas un
23 journaliste du plus haut niveau qui soit, et son objectivité, je pense,
24 n'a pas été affectée par ces événements.
25 Question: Maintenant je vais passer à la page 8 de votre journal. Il
Page 12396
1 s'agit du dimanche 9 août. Vous êtes à Pale, on vous amène à Kula dont
2 vous nous avez dit que c'était une espèce de camp vitrine?
3 Réponse: Oui, c'est cela, je crois.
4 Question: Vers le bas de la page, vous dites que vous vous êtes entretenu
5 avec un ou deux prisonniers et ensuite, vous dites la chose suivante -je
6 cite-: "Une journaliste allemande du 'Spiegel' a dit que les prisonniers
7 lui avaient dit secrètement qu'on les avait obligés à rester à l'intérieur
8 des bâtiments pendant quatre mois, qu'ils ne dormaient pas là où on nous
9 avait montré qu'ils avaient dormi, et qu'ils n'avaient rien reçu à
10 manger."
11 Si c'était exact, à ce moment-là, ils n'avaient pas l'air d'avoir subi de
12 tel sévices. Rien n'indiquait chez ces personnes qu'ils n'avaient pas été
13 au soleil pendant longtemps ou qu'on ne leur avait pas donné à manger
14 suffisamment, pendant un certain temps.".
15 Réponse: C'est rajouté à la main "un certain temps".
16 Question: Oui, pendant un certain temps. Je pense, si j'ai bien compris,
17 d'après ce qu'on lit ici, que ce que vous a rapporté cette journaliste
18 allemande, les propos que lui auraient tenus des prisonniers du camp, tout
19 cela, à ce moment-là, ne vous a pas paru digne de foi, n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Passons maintenant à la page 10.
22 Réponse: Je pense qu'auparavant il serait utile de revenir sur ce que j'ai
23 dit au premier paragraphe de la page 9, où je dis, à la fin de ce premier
24 paragraphe: "C'est manifestement un camp vitrine", parce que je pense que
25 c'est important de souligner cela.
Page 12397
1 Question: Oui, je l'ai dit au moment où j'ai commencé à vous interroger à
2 ce sujet. J'ai dit que, d'après vous, il s'agissait d'un "camp vitrine".
3 Passons maintenant à la page 10. Vous dites que vous avez dîné avec
4 Karadzic à une heure du matin?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Vous dites que vous l'avez trouvé d'une honnêteté quelque peu
7 rafraîchissante. Il vous a dit que, bien entendu, des Serbes avaient
8 commis des atrocités, comme d'autres, mais que c'étaient des gens
9 incontrôlés et qu'il n'était pas en mesure de contrôler tous les Serbes
10 qui se trouvaient dans la région. C'est ce qu'il vous a dit?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Dans la lettre que vous lui avez adressée...
13 Réponse: Maître Ackerman, je ne souhaite nullement rajouter des éléments
14 qui ne vous intéressent pas et qui n'ont pas rapport avec ce procès, mais
15 je dois dire que ce que j'ai vu des forces militaires serbes dans la
16 région ne correspondait pas du tout à ce qui m'avait été dit ainsi; je
17 pense qu'ils étaient tout à fait contrôlés.
18 Question: Nous allons y revenir, ne vous inquiétez pas.
19 Le 12 août, vous avez écrit une lettre à M. Karadzic. A la deuxième page
20 de cette lettre…
21 Je pense que vous l'avez sous les yeux?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Troisième paragraphe, vous parlez des prisonniers que vous avez
24 vus à Manjaca -je cite-: "Je pense que ce qui peut arriver de mieux à ces
25 prisonniers, c'est d'être échangés aussi rapidement que possible.". (Fin
Page 12398
1 de citation.)
2 Est-ce bien exact?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Aviez-vous connaissance d'un obstacle quelconque à un échange de
5 ce type?
6 Réponse: Oui. Le système, le mécanisme des échanges n'avait pas été mis en
7 place à ce stade, à cette époque de la guerre et, des deux côtés, on se
8 renvoyait la balle, on s'accusait mutuellement de mettre des obstacles à
9 la mise en place de ce système d'échange. Je crois que c'est quelque chose
10 qui n'est pas rare dans les Balkans.
11 Question: Maintenant, je voudrais revenir de nouveau à votre journal et au
12 11 août. Page 16, vous parlez de ce trajet que vous avez fait de Banja
13 Luka à Trnopolje. Vous étiez escorté par la police. Vous dites que vous
14 avez été escorté jusqu'à un certain point, jusqu'à un carrefour -je cite-:
15 "Ils se sont arrêtés à cet endroit". Ils vous ont dit qu'ils ne pouvaient
16 pas vous emmener plus loin parce qu'ils ignoraient où se trouvait
17 Trnopolje; il fallait que vous attendiez là où se trouvaient les policiers
18 qui, eux, savaient où se trouvait le camp pour vous y emmener. C'est
19 exact, n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui. C'est ce qu'on nous a dit, Maître Ackerman, en tout cas.
21 Oui, c'est ce qu'on nous a dit. Mais je dois dire que, connaissant les
22 Balkans maintenant mieux que lors de ma deuxième visite, je pense qu'il
23 est complètement inconcevable qu'ils n'aient pas su où se trouvait
24 Trnopolje.
25 Question: Là, vous faites une autre observation qui devait se reposer sur
Page 12399
1 autre chose que l'observation de cet événement. Vous dites: "Je suis
2 constamment stupéfait -cela signifie que ce n'était pas la première fois-,
3 je suis stupéfait de voir comment, à quel point les gens se déplacent peu
4 dans cette région et à quel point ils sont peu informés de ce qui se passe
5 dans la zone située à proximité de celle où ils habitent, même s'agissant
6 des personnes les plus âgées.". (Fin de citation.)
7 Réponse: Oui. En tout cas, c'est indéniablement ce que j'ai dit.
8 Question: Et vous avez estimé que c'était quelque chose qui était
9 généralisé et qui valait pour tous les gens que vous rencontriez en Bosnie
10 à ce moment-là?
11 Réponse: Si j'ai pensé que cela s'appliquait à tout le monde, eh bien, je
12 me trompais. C'était seulement mon deuxième voyage dans les Balkans et je
13 pense que faire de telles généralisations entraîne forcément des erreurs.
14 Je vais vous dire simplement la chose suivante: il est vrai que ce que
15 l'on constate dans les Balkans, c'est que les gens ordinaires se déplacent
16 peu. Il est très peu probable que des gens qui habitent à côté d'une
17 montagne aient jamais eu l'envie de l'escalader, contrairement à ce qui se
18 passe en occident. Il est possible que beaucoup d'entre eux ne soient pas
19 allés à la capitale. Mais généraliser à l'excès serait une erreur.
20 Question: Page 17, au sujet de Trnopolje, vous dites dans un paragraphe
21 qui commence par les mots "dans les dortoirs ou dans les zones de dortoir
22 elle-mêmes, etc.", vous dites la chose suivante: "En fait, les conditions
23 de détention étaient telles que certains Serbes protégeaient le camp des
24 extrémistes serbes qui venaient la nuit, qui frappaient les prisonniers,
25 qui violaient les femmes.".
Page 12400
1 Et ensuite vous dites: "Mais ce sont peut-être des affirmations
2 exagérées.".
3 En d'autres termes, vous estimiez que tout ce qu'on vous avait rapporté
4 était peut-être un peu exagéré?
5 Réponse: Je vous renvoie à la conversation que j'ai eue avec M. Vuljami
6 c'est d'être le plus objectif possible. Ce que j'ai découvert dans les
7 Balkans, c'est qu'il y a toujours -quand on rapporte des propos- on a
8 toujours tendance à déformer la situation et parce que je pense qu'un
9 Tribunal, face à de telles informations, dirait qu'il s'agirait sans doute
10 de preuve par ouï-dire, de preuve de seconde main.
11 Question: J'y reviendrai plus tard. D'abord, je voudrais parler de la
12 lettre que vous avez écrite à M. John Major. A l'époque, bien sûr M. John
13 Major était Premier ministre?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Vous étiez à la tête du Parti libéral.
16 Réponse: Du Parti libéral démocrate.
17 Question: Est-ce que lors des élections précédentes, vous vous étiez
18 présenté contre lui?
19 Réponse: Oui, c'était en 1992. Si, je m'étais présenté contre lui, pas
20 dans sa circonscription, mais c'est vrai que j'étais le président d'un
21 parti et lui était le président d'un autre parti.
22 Question: En d'autres termes, si tout s'était bien passé, vous auriez été
23 Premier ministre?
24 Réponse: Je pense que cela aurait fallu que ça aille très bien.
25 Question: Oui, mais cela aurait été possible.
Page 12401
1 Réponse: Je ne pense pas que beaucoup de spécialistes de la chose
2 politique en Grande-Bretagne auraient pensé que c'était possible. Mais il
3 est vrai que, on peut dire que cela aurait été du domaine des possibles
4 éventuellement.
5 Question: Vous lui avez parlé de votre visite à Trnopolje, vous lui avez
6 écrit à ce sujet, et on peut dire que vous étiez un de ses opposants
7 politiques?
8 Réponse: Oui, j'étais un membre d'un parti d'opposition.
9 Question: C'est ce qu'on appelle l'opposition loyale?
10 Réponse: Loyale, ce n'est peut-être pas le mot approprié.
11 Question: Nous y viendrons aussi. Moi, ce que je veux savoir c'est la
12 chose suivante: quand vous lui avez écrit cette lettre au sujet de
13 Trnopolje, en fait ce que vous essayiez de faire c'était de le persuader
14 de prendre des mesures dont vous estimiez qu'il fallait qu'elles soient
15 prises?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Je veux savoir si, d'une manière ou d'une autre, vous avez
18 exagéré la nature des choses que vous aviez vues à Trnopolje pour que cela
19 apparaisse plus grave que cela n'était et que cela l'incite à prendre des
20 mesures?
21 Réponse: Maître Ackerman, c'est l'Histoire qui répondra à cette question.
22 Si vous comparez la lettre à mon journal, vous constaterez que l'on y
23 trouve un ton semblable.
24 Après toute visite que je faisais aux Balkans, aussi bien pendant la
25 guerre de Bosnie que pendant la guerre au Kosovo, j'ai pris l'habitude de
Page 12402
1 faire un rapport personnel au Premier ministre, rapport personnel et
2 confidentiel qui ne faisait pas l'objet de publication, rapport dans
3 lequel je faisais part de mes impressions et de mes recommandations.
4 Ce rapport n'était nullement un instrument politique, il s'agissait d'un
5 rapport personnel. Vous avez évoqué vous-même le terme de "loyal", c'était
6 le rapport établi par un sujet britannique à son Premier ministre au sujet
7 de ce qui se passait. C'est dans cet esprit que j'ai fait ce rapport.
8 Je dois dire également que si vous pensez que ce rapport avait un objet
9 politique, je dois dire qu'à l'époque j'étais une voix isolée, j'étais un
10 des très rares à demander que l'on prenne des mesures pour aider la
11 Bosnie. En Grande-Bretagne, on s'est beaucoup moqué de moi lorsque j'ai
12 essayé de faire en sorte que l'on s'intéresse à la Bosnie. J'ai été hué à
13 la Chambre des communes lorsque j'ai essayé d'en parler. Et même au sein
14 de mon parti, j'étais l'un des rares à m'intéresser à la question. Donc
15 dire que j'ai fait cela pour des raisons politiques ne correspond pas à
16 mes souvenirs des événements.
17 Question: Je dois dire que vous savez sans doute déjà quelle sera ma
18 question suivante et quelle sera votre réponse.
19 Réponse: Je suis désolé, Maître Ackerman, de vous décevoir.
20 Question: Je pense –et vous vous doutez de ce que je vais vous dire- je
21 pense que vous étiez déçu par l'inaction de John Major, que vous essayiez
22 de l'inciter à agir en mettant ce problème sur la place publique?
23 Réponse: Ce n'est pas seulement à lui que je souhaitais m'adresser, mais
24 je souhaitais également inciter toutes les puissances occidentales à faire
25 quelque chose, elles qui restaient là, les bras croisés sans rien faire.
Page 12403
1 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'une période où il a commencé à
2 tellement s'impatienter de vos efforts qu'il vous a accusé, je cite:
3 "Depuis le départ, depuis le début de la guerre, de ne rien avoir fait que
4 de s'agiter sur la scène publique, et s'il avait connu un peu plus de
5 choses au sujet de la question, il en aurait un petit peu moins parlé.".
6 (Fin de citation.)
7 Est-ce que vous vous souvenez qu'il ait tenu ces propos à votre sujet?
8 Réponse: De nombreuses années plus tard, je me souviens qu'il y a eu des
9 échanges assez vifs à ce sujet…
10 (L'interprète signale que l'orateur va extrêmement vite et n'est donc pas
11 en mesure d'interpréter la suite de la question.)
12 Moi à l'époque, j'essayais de faire ce qui me paraissait le mieux.
13 Question: La question de l'exagération. Dans votre déclaration, vous
14 dites: "J'insiste sur le fait que ces affirmations, qu'il est possible
15 qu'il y ait exagération. Cela se passe toujours en temps de guerre.".
16 Et j'estime que ce que vous affirmez repose sur ce qu'on vous a dit plus
17 tard au sujet de cette tendance à l'exagération?
18 Réponse: Dans toutes les guerres, on exagère, et j'imagine que dans cette
19 guerre cela a été pareil que dans les autres.
20 Question: N'est-il pas exact que dans les Balkans on est passé maître dans
21 cet art?
22 Réponse: Je ne pense pas que ce soit uniquement dans les Balkans qu'on se
23 livre à des exagérations lorsqu'il y a une guerre. Je pense que ça se
24 passe partout ailleurs de la même manière.
25 Question: J'imagine que vous avez lu le livre de Lord Owen sur les
Page 12404
1 Balkans?
2 Réponse: Je vais être très franc avec vous, Maître Ackerman: je n'ai pas
3 pu passer les premières pages parce que, ensuite, je n'ai pas été
4 franchement pris par la lecture.
5 M. Ackerman (interprétation): En tout cas, j'imagine que vous avez lu
6 l'introduction et, dans son introduction, il dit la chose suivante au
7 sujet de ce qu'il a vécu dans les Balkans et je vais simplement vous
8 demander si vous êtes d'accord avec lui –je cite-: "Jamais auparavant, au
9 cours de 30 années publiques, je n'ai dû travailler dans un tel climat
10 marqué par le déshonneur, la propagande et la mauvaise foi. Beaucoup de
11 ceux à qui j'ai eu affaire dans l'ex-Yougoslavie étaient à des milliers
12 d'années lumière de toute idée de la vérité.".
13 Est-ce que vous êtes d'accord?
14 Lord Ashdown (interprétation): A plusieurs reprises, je n'étais pas en
15 accord avec Lord Owen et surtout en ce qui concerne les Balkans, mais je
16 suis complètement en désaccord avec ce qui est dit dans cette déclaration.
17 Dans les Balkans, dans toutes les ethnicités, il y a des gens qui sont
18 honorables, décents, qui disent la vérité. Et dire que de tels gens
19 n'existent pas, eh bien, je pense que ceci n'est pas exact.
20 Interprète: Est-ce que vous pourriez ralentir, s'il vous plaît?
21 M. Ackerman (interprétation): Oui, en effet, nous allons le faire.
22 Dans votre lettre que vous avez adressée au général Nambiar, vous en
23 parlez à nouveau, vous lui dites: "Il y a des rumeurs du côté serbe -je
24 suis à la page 2 au deuxième paragraphe-, des rumeurs du côté serbe
25 rapportant des corps de leur propre peuple qui flottent ensemble près de
Page 12405
1 leurs positions, qui parlent des cris des autres peuples, des autres gens
2 qui sont torturés au cours de la nuit. Il y a de semblables histoires
3 sanglantes rapportant des atrocités faites par les Serbes aux Musulmans à
4 Gorazde. Je les ai entendues de la part des Musulmans de Sarajevo. Il
5 s'agit d'une exagération des deux côtés.".
6 Est-ce que c'est exact?
7 Réponse: Maître Ackerman, je vais vous dire quelque chose. Je pense que,
8 même dans l'imagination la plus florissante des gens décents, comme vous
9 et moi, je n'aurais pu imaginer des choses semblables à celles qui se sont
10 produites dans ces camps dans cette guerre et de tous les côtés. Et je
11 pense que c'est une réaction de personne ordinaire qui vient d'une société
12 civilisée que de croire qu'il s'agit d'exagérations, car aucun être humain
13 ne peut se réduire à de telles bassesses.
14 C'est donc tout à fait naturel de dire que ces histoires qu'on entend, des
15 choses qui se passent à Omarska, à Keraterm et ailleurs, sont sûrement des
16 exagérations. Je ne dis pas que chaque histoire, chaque chose que nous
17 avons entendue était exacte. Il a dû y avoir des exagérations, mais il y a
18 beaucoup de choses qui sont vraies et nous les considérons comme étant des
19 exagérations parce qu'elles vont au-delà de notre imagination.
20 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, je pense que nous nous rapprochons.
21 Moi, je suis ici depuis 1997 et quand je regarde ces affaires, toutes ces
22 affaires, il est vrai qu'il y a eu beaucoup de choses révoltantes qu'on a
23 entendues au cours de ces procès. Mais vous avez tout de même fait cette
24 observation correcte à l'époque où vous étiez -et c'était dans une
25 situation de guerre- et là, vous avez dit qu'il y avait des exagérations.
Page 12406
1 Est-ce que vous pouvez donc nous dire si c'était exact?
2 Lord Ashdown (interprétation): Il s'agit d'une question qui est tout à
3 fait juste.
4 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, Lord Ashdown, mais je ne suis
5 pas certaine de cela.
6 M. le Président (interprétation): Passez à une autre question, s'il vous
7 plaît.
8 Mme Korner (interprétation): Oui parce que, là, il y avait plutôt un
9 discours.
10 Lord Ashdown (interprétation): Ce que j'essaie de dire, c'est que, dans ce
11 prétoire, j'essaie d'utiliser une langue objective et c'est la même que
12 j'ai utilisée quand je rédigeais mon journal intime à l'époque. Il
13 s'agissait donc d'observations objectives, et je pense que chaque personne
14 lisant ce journal pourrait voir que j'ai essayé d'être objectif et pas
15 d'exagérer.
16 M. le Président (interprétation): Très bien. Passez à votre question
17 suivante.
18 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que vous considérez que les gens, les
19 hommes, à partir du moment où ils disent que quelque chose peut être une
20 exagération ou quelque chose qui n'est pas vrai, eh bien, qu'ils ont du
21 mal à justifier cela?
22 Lord Ashdown (interprétation): Oui, c'est probablement une erreur humaine,
23 mais moi, je me souviens très bien -et vous sans doute aussi, Maître
24 Ackerman- que les premières histoires d'Auschwitz et de Bergen-Belsen
25 étaient considérées comme des exagérations.
Page 12407
1 Question: Je vais revenir à la lettre que vous avez écrite au Premier
2 ministre. Donc vous parlez de vos interlocuteurs, des gens à qui vous avez
3 parlé, et vous parlez donc des privations, des extrémistes serbes qui
4 viennent la nuit. Et à la page 3, vous dites: "Ils se trouvent aussi sous
5 la pression des extrémistes musulmans qui essaient de les recruter pour
6 participer aux combats". J'imagine que ce sont eux qui vous ont dit cela?
7 Réponse: Oui, en effet.
8 Question: Et enfin, vous dites ceci au Premier ministre -je cite: "Vous
9 pouvez aussi empêcher les gens de tomber entre les griffes des extrémistes
10 d'un côté qui les terrorisent et qui essayent de les radicaliser, de les
11 recruter parmi leurs rangs. Les Musulmans de Bosnie ne sont pas des
12 extrémistes religieux et il s'agit d'un processus de radicalisation très
13 rapide. Si nous n'agissons pas, eh bien, nous allons créer une Palestine
14 dans le cadre de l'Europe. C'est ce qui nous attend dans le futur.". (Fin
15 de citation.)
16 Donc ceci faisait partie de vos efforts pour que le Premier ministre
17 agisse en coopération et de concert avec les pays intéressés pour créer
18 une zone sûre pour ces gens qui devaient être protégés, pas seulement des
19 Serbes mais aussi de leur propre peuple?
20 Réponse: Oui, c'est exact. Si vous essayez d'obtenir que je vous dise
21 qu'il y avait des extrémistes des deux côtés, eh bien, je suis tout à fait
22 prêt à le confirmer.
23 En revanche, vous essayez aussi d'obtenir que je confirme et que ceci
24 aurait été mieux d'avoir des zones sûres sans aucun combattant, eh bien,
25 je suis prêt à le dire aussi.
Page 12408
1 Si vous souhaitez obtenir que je dise que j'ai vu une espèce de balance
2 entre les dangers qu'ils couraient auprès de leur propre peuple, c'est-à-
3 dire les extrémistes qui existaient et les Serbes, eh bien, je le rejette,
4 car ils étaient entre les mains des Serbes qui les ont torturés de façon
5 terrible dans les camp et bien avant Manjaca, bien avant d'arriver à
6 Manjaca. C'est ce que je pense en tout cas.
7 Question: Bien. Dans la lettre que vous adressez à la Croix-Rouge
8 internationale comme dans celle que vous avez adressée au Dr Karadzic,
9 vous demandez qu'il y ait un échange de prisonniers très rapide, n'est-ce
10 pas?
11 Réponse: Oui.
12 Question: A la page 3, vous dites: "Le Dr Karadzic me dit que les
13 autorités musulmanes refusent les échanges de prisonniers et dans certains
14 endroits elles demandent des fusils, elles demandent des munitions ainsi
15 que des sacs de farine de la part des autorités serbes pour chaque
16 prisonnier échangé." (Fin de citation.)
17 Est-ce que vous avez jamais pu vérifier cela?
18 Réponse: Non, c'était le Dr Karadzic qui l'a dit et j'ai dit que c'est lui
19 qui l'avait dit. J'attire votre attention là-dessus et vous allez voir
20 que, dans la phrase suivante, je lui demande si ceci était exact. Et je
21 n'ai pas reçu de réponse.
22 Question: C'était justement ma prochaine question. Est-ce que vous avez
23 reçu une réponse, une réponse écrite?
24 Réponse: Oui, j'ai reçu en effet une réponse de la part de John Major,
25 mais je ne l'ai pas ici. Et si mes souvenirs sont bons, eh bien, c'était
Page 12409
1 une réponse m'indiquant qu'un ministre du gouvernement envoie un membre,
2 qu'il peut envoyer un membre de l'opposition, en demandant que les membres
3 de l'opposition n'ont pas fourni suffisamment de preuves. Mais en ce qui
4 concerne le Dr Karadzic et le général Nambiar, non, je ne pense pas.
5 Question: A part votre journal et vos lettres concernant les documents que
6 nous avons reçus, nous avons reçu un certain nombre d'articles, d'articles
7 de journaux. Est-ce que vous savez de quoi je parle?
8 Réponse: Je me souviens d'un article que j'ai écrit après cela. En
9 réalité, il y a un autre journal, j'ai tout simplement publié une lettre,
10 une lettre que j'ai écrite à M. Major. Il s'agissait de "Guardian", si mes
11 souvenirs sont bons, mais je ne me souviens pas de tous ces autres
12 articles que j'ai écrits à l'époque.
13 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, ce n'est pas quelque chose que vous
14 avez écrit, mais on vous cite là-dedans et je vais demander à l'huissier
15 de la placer sur le rétroprojecteur.
16 M. le Président (interprétation): Quel est le numéro ERN, Maître Ackerman?
17 M. Ackerman (interprétation): 02195582.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 Pourriez-vous regarder cet article et me dire si vous reconnaissez cet
20 article. Il est écrit -je cite-: "Je crois qu'on respecte les Conventions
21 de Genève.". Vous vous adressez à un certain Brad Ley (phon)? Vous
22 continuez ensuite: "Ils font absolument tout ce qui est dans leur
23 capacité.". (Fin de citation.)
24 Est-ce que vous savez d'où cela vient? Vous parlez d'un certain Brad Ley
25 (phon), vous écrivez à un certain Brad Ley (phon)?
Page 12410
1 Réponse: Oui, j'imagine, mais vous savez, Maître Ackerman, cela s'est
2 passé il y a très longtemps et, même à l'époque, il y avait des choses qui
3 n'étaient pas exactes, qui étaient citées dans les journaux. Dix ans après
4 c'est très difficile d'en juger, mais ceci ne ressemble pas à une phrase
5 que j'aurais prononcée au sujet de la situation et je pense que qui que ce
6 soit qui connaissait la situation aurait dit cela à l'époque. Mais ceci
7 ressemble à une interview que j'ai en effet donnée à la télévision de
8 Banja Luka, on a déjà fait un commentaire à ce sujet, mais je ne peux pas
9 vous en dire plus.
10 M. Ackerman (interprétation): Mais en haut, vous voyez bien que ces titres
11 étaient publiés dans United Press, c'est un journal international?
12 Lord Ashdown (interprétation): Oui, mais si je ne connais pas la
13 provenance, je ne peux pas vous aider. Je pensais que cela venait de
14 l'interview de la télévision de Banja Luka et ceci pourrait être justifié
15 par cette différence de propos due à la traduction.
16 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, est-ce que vous
17 souhaitez verser ces documents au dossier car, apparemment, ceci ne fait
18 pas partie des pièces jointes n°8 et va au-delà de cette pièce. Si vous
19 considérez que ceci est important, eh bien, il faut lui accorder une cote?
20 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai pas l'intention de le faire.
21 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, ceci n'est pas très
22 important.
23 M. Ackerman (interprétation): Au cours de votre carrière, vous avez fait
24 beaucoup d'interviews et on vous a beaucoup cité et même à tort aussi.
25 Lord Ashdown (interprétation): Oui.
Page 12411
1 Question: Et je pense que ceci ne vous surprend pas que l'on cite
2 quelqu'un à tort, n'est-ce pas, et même par les journalistes qui sont
3 considérés comme des journalistes sérieux?
4 Réponse: Vous savez, le travail de journalistes est très difficile.
5 Parfois, ils travaillent dans l'urgence, dans des conditions difficiles,
6 et surtout quand il s'agit de correspondants de guerre. Donc évidemment,
7 personne ne pourrait dire que tout ce qui est écrit est parfait et
8 parfaitement juste. Surtout que tout est parfaitement juste.
9 Question: Donc parfois, ils ont certainement cité quelqu'un a tort ou
10 attribué des propos à quelqu'un à tort?
11 Réponse: Oui, sans doute ceci est arrivé souvent.
12 Question: Je vais vous poser une autre question. Est-ce que, puisque vous
13 avez été souvent en Bosnie et vous y êtes allé assez fréquemment
14 récemment, est-ce que vous pensez que ces erreurs de citation sont plus
15 fréquentes quand il y a la traduction qui est nécessaire?
16 Réponse: Eh bien, je pense que cela arrive plus souvent quand on enlève
17 les choses de leur contexte et je pense qu'il y a aussi des erreurs que
18 l'on fait exprès. Mais évidemment, la traduction rend les choses plus
19 difficiles, car cela multiplie la possibilité de mauvaise compréhension,
20 de mauvaise utilisation de termes, sans qu'il y ait une intention de
21 nuire. Les deux langues ne correspondent pas toujours parfaitement.
22 Question: Très bien. Je vais essayer de trouver cela, il s'agit de la page
23 02195568.
24 (Intervention de l'huissier.)
25 Il s'agit d'un autre article. Il s'agit du service d'information
Page 12412
1 étrangère, un rapport quotidien. Il s'agit des interviews, des citations,
2 on vous cite. Vous parlez de votre visite en Bosnie et au camp. Il est dit
3 que vous avez dit que: "Les Musulmans se sont en réalité réfugiés dans les
4 camps pour être protégés des extrémistes locaux.". Si je lis bien?
5 Réponse: Oui, en effet c'est cela.
6 Question: Et ensuite dans l'article, on dit: "La délégation britannique ne
7 s'est pas aventurée à visiter Gorazde parce que les forces de protection
8 des Nations Unies ne pouvaient pas garantir leur sécurité. Gorazde est une
9 ville au sud-est de Bosnie tenue par les Musulmans. Donc la situation que
10 vous trouvez en Bosnie au mois d'août est comme suit: vous avez pu
11 effectuer des visites à Manjaca et Trnopolje et dans la Republika Sprska,
12 et c'était assez sûr, et ces endroits étaient tenus par les Serbes, mais
13 en revanche, ces villes tenues par les Musulmans n'étaient pas
14 suffisamment sûres pour que vous les visitiez. Est-ce que c'est exact?
15 Réponse: Oui, mais il faut savoir pourquoi c'est comme cela. Dans toute la
16 région qui était complètement contrôlée par une des ethnicités, vous
17 pouviez effectuer des visites de façon assez sûre. Autrement dit, si je
18 devais me rendre dans une région bosnienne loin de la ligne de front ou
19 bien dans une région croate derrière la ligne de front ou serbe, eh bien,
20 les autorités qui assuraient la sécurité de cette région, pouvaient vous
21 donner suffisamment d'assurance pour que vous puissiez y aller avec le
22 moins de risque, mais pas sans risque.
23 La situation était complètement différente quand on se retrouvait sur la
24 ligne de front. Manjaca n'y était pas évidemment. Trnopolje était un camp
25 de rassemblement de réfugiés, des personnes déplacées, qui étaient à des
Page 12413
1 kilomètres de la ligne de front. Eh bien, Gorazde était sur la ligne de
2 front.
3 Et ce que vous dites au sujet, Maître Ackerman, n'est pas complètement
4 exact car la ville de Gorazde était tenue par les Musulmans, c'étaient des
5 Bosniens, mais la ville était assiégée par les Serbes. Donc la ville était
6 en effet tenue par les Musulmans mais de la même façon que Sarajevo, car
7 il y a eu un siège autour de Gorazde avec beaucoup de combats, et la
8 situation était encore plus complexe qu'à Sarajevo, car Gorazde était un
9 noyau où autour il y avait des Serbes et des Musulmans qui se battaient,
10 c'était la ligne de front, et c'est pour cela que c'était un endroit bien
11 plus dangereux que Manjaca et Trnopolje.
12 Question: Ensuite, vous dites, Lord Ashdown, dans ce rapport qu'il est
13 nécessaire de débloquer Gorazde pour essayer de relâcher les Serbes qui
14 sont capturés à cet endroit.
15 Lord Ashdown (interprétation): Oui, c'est exact, mais il faut tenir compte
16 de la description que je viens de vous donner. Si vous regardez cette
17 lettre, la lettre que j'ai écrite au Général Nambiar, vous avez trouvé une
18 meilleure description de cela, de cette situation. Donc moi, j'ai pensé
19 qu'il fallait débloquer le problème de Gorazde en levant le siège des
20 Serbes qui siégeaient les Musulmans, et ensuite permettant aux Serbes d'en
21 sortir, et comme ça on aurait créé une région musulmane, mais toujours
22 encerclée par des Serbes. Et de cette façon ceci pouvait devenir
23 effectivement une région plus sûre. Et c'est exactement ce qui s'est
24 passé. Et vous allez vous rappeler, Maître Ackerman, qu'il y avait aussi
25 des zones de sécurité comme Zepce, Srebrenica et Gorazde. Donc je
Page 12414
1 proposais que l'on fasse quelque chose de semblable.
2 M. Ackerman (interprétation): Merci. J'en ai donc fini de cette pièce-là.
3 Je n'ai pas besoin de la verser au dossier.
4 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci, Maître Ackerman.
5 M. Ackerman (interprétation): J'ai dit à Mme Korner que je vais l'informer
6 du progrès de mon contre-interrogatoire. Je pense que j'ai besoin d'encore
7 une vingtaine de minutes, c'est-à-dire une quinzaine de minutes après la
8 pause.
9 Mme Korner (interprétation): Donc je pense qu'il n'est pas besoin de
10 commencer à entendre le prochain témoin avant vendredi.
11 M. le Président (interprétation): Eh bien, cela dépend de vous, Madame
12 Korner?
13 Mme Korner (interprétation): Eh bien, j'aurais besoin de vous expliquer
14 cela plus en profondeur.
15 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous préférez, Maître
16 Ackerman? Est-ce que vous préférez que l'on s'arrête maintenant et que
17 nous prenions une pause d'une vingtaine de minutes, et qu'après la pause
18 nous continuons à travailler encore avec 10 minutes de plus? Et avec
19 l'autorisation des interprètes peut-être que nous pourrions finir plus
20 tôt?
21 Interprète: Nous indiquons que nous préférons prendre notre pause
22 maintenant.
23 M. le Président (interprétation): Eh bien, je vous propose de prendre une
24 pause un petit peu plus brève, à savoir 20 minutes et non pas 25 minutes
25 après ce que viennent de dire les interprètes. Merci.
Page 12415
1 (L'audience, suspendue à 12 heures 33, est reprise à 12 heures 47.)
2 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, c'est à vous.
3 M. Ackerman (interprétation): Pourrait-on passer à huis clos partiel pour
4 quelques instants seulement?
5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience? Nous
6 sommes à huis clos partiel.
7 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 48.)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (Audience publique à 12 heures 49.)
21 M. Ackerman (interprétation): Merci. Revenons à votre journal, lundi 10
22 août, votre séjour à Pale.
23 M. le Président (interprétation): La page?
24 M. Ackerman (interprétation): Page 11.
25 M. le Président (interprétation): Bien. Page qui se termine par les
Page 12416
1 numéros 5554.
2 M. Ackerman (interprétation): Pale était, à l'époque, le siège du
3 gouvernement de la Republika Srpska, du gouvernement de la Republika
4 Srpska, n'est-ce pas?
5 Lord Ashdown (interprétation): Oui.
6 Question: C'était également le siège du parti SDS?
7 Réponse: Je ne sais pas si c'était le quartier général du parti du SDS,
8 mais en tout cas je peux vous confirmer qu'il s'agissait du quartier
9 général de Karadzic.
10 Question: Bien. Au premier paragraphe de ce rapport, vous dites la chose
11 suivante au sujet de Pale: "Pale est une ville où apparemment…"
12 Réponse: Je m'excuse, mais où sommes-nous?
13 Question: Premier paragraphe.
14 Réponse: Premier paragraphe sous le titre "Lundi 10 août"?
15 Question: Oui. Oui, en effet et c'est au milieu de ce paragraphe qu'on
16 peut lire la chose suivante -je cite: "Pale est une ville où apparemment
17 les Musulmans sont encore autorisés à résider, mais rien n'indique qu'ils
18 aient été soumis à des bombardements quels qu'ils soient ou au type de
19 pénuries auxquelles Sarajevo est soumise.".
20 Est-ce bien exact?
21 Réponse: Oui, mais ici vous ne traitez pas la chose dans son contexte.
22 Quand j'ai dit que Pale était une ville où apparemment les Musulmans
23 pouvaient encore résider, en tout cas, moi, je peux vous dire que je n'ai
24 pas vu de Musulmans sur place. Et pour revenir à ce que j'ai dit à M.
25 Karadzic dans mes conversations, je peux vous dire de toutes les personnes
Page 12417
1 que j'ai rencontrées dans ma vie, je pense que c'est l'homme qui est le
2 plus à même de mentir. C'est un menteur hors pair, sans doute un des
3 meilleurs menteurs que j'ai jamais rencontrés. Ce que je dis au début au
4 sujet de Pale c'est que je parle des gens de Pale qui n'ont été soumis à
5 aucune pénurie, à aucun pilonnage. Donc ces deux phrases n'ont rien à voir
6 l'une avec l'autre.
7 Question: Vous n'avez rien vu de ce type vous-même? Vous n'avez pas vu de
8 maisons incendiées, etc.?
9 Réponse: Je ne me souviens pas avoir vu de dégâts semblables à Pale à ceux
10 que j'avais vus ailleurs. Mais je me souviens non plus que je n'ai pas vu
11 de Musulman là-bas, même si on m'a dit qu'il y avait des Musulmans qui
12 habitaient à Pale.
13 Question: Ce matin, vous avez évoqué la façon dont vous aviez… Donc pour
14 vous se présentaient les forces serbes, leur excellente organisation, les
15 uniformes, etc., et vous avez évoqué les années où vous avez servi au sein
16 des Royal Marines, vous avez parlé de votre expérience militaire qui vous
17 permet de juger de l'efficacité de forces armées quelles qu'elles soient
18 en les observant simplement?
19 Réponse: C'est exact.
20 Question: Est-ce qu'il ne vous est jamais arrivé de déclarer la chose
21 suivante au sujet des forces serbes, en parlant de votre gouvernement -je
22 cite: "L'erreur de jugement considérable que fait le gouvernement, c'est
23 que ces gens -à savoir les forces serbes- ne sont pas des membres de
24 l'IRA, ce ne sont pas des Vietcongs. Je les ai observés, ce sont des
25 voyous de village, ce sont des gens qui ne sont pas entraînés, qui ne sont
Page 12418
1 pas en bonne forme, qui ne sont pas prêts à affronter l'ennemi, qui
2 s'enfuient dès que le combat s'approche, ce sont des…, ce sont pour la
3 plupart des lâches.".
4 Vous souvenez-vous avoir déclaré cela?
5 Réponse: Je me souviens, en effet, avoir déclaré quelque chose de ce
6 genre.
7 Question: Vous souvenez-vous avoir lu un livre publié récemment qui
8 s'appelle "The unfinished hour"?
9 Réponse: Oui. J'en ai lu quelques extraits.
10 Question: L'auteur nous dit que s'agissant de la guerre en Bosnie votre
11 point de vue était peu fiable, était inconstant, et que vous étiez dans la
12 confusion la plus totale.
13 Réponse: Puis-je vous interrompre?
14 Question: Allez-y.
15 Réponse: J'aimerais que vous regardiez la dernière version de ce livre
16 écrit par M. Simms (phon). Il a modifié son livre et d'ailleurs il m'a
17 envoyé le dernier exemplaire de ce livre avec une lettre.
18 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai sans doute pas la dernière édition.
19 Lord Ashdown (interprétation): C'est rare de la part d'un journaliste de
20 faire cela, mais vous constaterez que dans sa dernière édition le
21 journaliste, cet auteur s'excuse auprès de moi de m'avoir mal jugé. Je
22 pourrai vous donner la citation intégrale, mais je pense que vous ne
23 doutez pas de ma parole.
24 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, ralentir et
25 faire une pause entre vos questions et vos réponses.
Page 12419
1 M. Ackerman (interprétation): Vous ne me laissez pas le choix, il faut que
2 je revienne sur ce qui a été écrit dans ce livre et vous demander si ces
3 propos ont par la suite été corrigés par l'auteur du livre?
4 Lord Ashdown (interprétation): Je peux vous dire qu'il est revenu sur tout
5 le passage qui me concerne dans cet ouvrage. Je pourrais même demander à
6 ce qu'on obtienne la dernière version de ce livre, ainsi que la lettre
7 qu'il m'a envoyée, une lettre où il s'excuse platement. Et vous
8 modifieriez ainsi complètement l'opinion que vous aviez formée sur la base
9 de ce livre.
10 M. le Président (interprétation): Je pense que Mme Korner pourrait s'en
11 occuper, ce serait fort utile pour permettre de soutenir ce qui vient
12 d'être dit par Lord Ashdown. Il est important que nous disposions de tous
13 les détails relatifs à ce qui vient d'être dit. Peut-être n'est-il pas
14 utile de verser au dossier l'intégralité de l'ouvrage.
15 Lord Ashdown (interprétation): La préface suffira.
16 Mme Korner (interprétation): Si Me Ackerman continue dans ce sens, nous
17 pourrons faire les recherches suivantes.
18 M. le Président (interprétation): C'est à Me Ackerman de décider.
19 Mme Korner (interprétation): Je n'ai toujours pas compris quelle est
20 l'opinion de l'auteur au sujet de Lord Ashdown. En tout cas, je n'ai pas
21 compris la pertinence que ça peut avoir pour nous.
22 M. le Président (interprétation): Si, cela peut avoir une importance, une
23 pertinence, mais pour l'instant, étant donné que l'intervention de Lord
24 Ashdown tout à fait justifiée a interrompu le flux des questions de Me
25 Ackerman, celui-ci pourrait peut-être passer à autre chose. Je ne sais pas
Page 12420
1 ce qu'il a l'intention de faire.
2 M. Ackerman (interprétation): Moi non plus je n'en sais rien, Monsieur le
3 Président.
4 M. le Président (interprétation): Excusez-moi. Oui, peut-être pourriez-
5 vous passer à autre chose? Je ne sais pas ce qu'il conviendrait de faire
6 maintenant.
7 M. Ackerman (interprétation): Le problème avec ce que vous venez de me
8 dire, c'est que souvent il vous évoque dans ce livre, ce journaliste, et
9 il évoque un certain nombre de documents publiés qu'il cite. J'imagine
10 qu'il ne va pas revenir sur ce qui est contenu dans ces documents publiés.
11 Lord Ashdown (interprétation): Effectivement, Monsieur le Président, c'est
12 sur ces conclusions que l'auteur est revenu.
13 Question: Par exemple, la citation que nous avions évoquée, que j'ai
14 donnée: "L'erreur de jugement du gouvernement c'est qu'il ne s'agit pas
15 ici de membres de l'IRA, de Vietcongs, ce sont des bandits, des voyous qui
16 ne sont pas bien formés, qui s'enfuient dès qu'on riposte. Ce sont pour la
17 plupart des lâches.".
18 Cette citation est attribuée à Anthony Bevens (phon), quelqu'un qui est
19 connu. Article intitulé "Toute intervention britannique en Bosnie est
20 exclue". Article du 4 décembre 1992.
21 La question que j'ai à vous poser c'est de savoir si vous avez fait cette
22 déclaration.
23 Réponse: Anthony Bevens (phon) est un journaliste de renom, s'il l'a
24 déclaré, c'est que j'ai fait cette déclaration à son endroit, je ne le nie
25 pas. Mais je voudrais simplement vous dire ceci, Maître Ackerman: l'armée
Page 12421
1 serbe était une armée qui émanait grandement de la JNA et les gens que
2 j'ai vus en Bosnie et que j'ai décrits dans mon journal étaient aussi des
3 troupes irrégulières; les plus connues sont les gens de Cheshire. Et de
4 nombreux professionnels de l'armée yougoslave estimaient que leur manière
5 de procéder était inacceptable.
6 C'était conforme à ma description de ces éléments. Si bien que moi, ce
7 dont je parle dans cette citation ce sont les troupes irrégulières serbes
8 que je n'ai pas vues lors de cette visite, mais de visites ultérieures.
9 Question: Autre passage du livre sur lequel je souhaiterais attirer votre
10 attention, ça se trouve en page 296, on fait référence ici une fois encore
11 à une de vos prises de position, on vous cite -je cite-: "Il s'agit d'une
12 guerre entre des minorités. Tous les Croates, les Serbes, les Musulmans,
13 les Orthodoxes, les Catholiques sont des minorités nationales en Bosnie-
14 Herzégovine, ce qui peut permettre de comprendre pourquoi ils exercent le
15 pouvoir que leur confère une majorité régionale de façon aussi
16 implacable.". (Fin de citation.)
17 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette déclaration?
18 Réponse: Si cela a été cité avec des guillemets, je ne vois aucune raison
19 de dire le contraire.
20 Question: D'après ce que j'ai ici, il s'agit d'un article qui a été publié
21 dans "The Independent".
22 Question: A quelle date?
23 Réponse: 13 août 1992.
24 Question: Donc après votre retour?
25 Réponse: Oui, cela correspond d'ailleurs à ce que j'ai dit dans ma lettre
Page 12422
1 à M. Major.
2 Question: Citation suivante, même page, même paragraphe et je vais vous
3 dire d'où vient cette citation-là, qui vient d'UNSAD?
4 Réponse: C'est l'organisme qui est chargé de rapporter les propos des
5 parlementaires et avec une exactitude célèbre et reconnue de tous.
6 Question: Bien. Il déclare en avril 1993 que vous avez affirmé de manière
7 très surprenante que même si les Serbes étaient les principaux coupables
8 de ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine, les agressions avaient été le
9 fait au départ aussi bien des Musulmans que des Serbes.
10 Lord Ashdown (interprétation): Maître Ackerman, je n'ai jamais accusé une
11 partie ou l'autre d'avoir le monopole des exactions. J'ai toujours dit
12 qu'il y avait eu des actes atroces commis des deux côtés, mais en tout
13 cas, je suis catégorique à ce sujet, ce sont les Serbes qui ont commis les
14 agressions les plus graves, même si les unités musulmanes également
15 étaient capables de se comporter de manière tout à fait illégitime et
16 inappropriée. D'ailleurs, certains d'entre eux sont jugés dans ce même
17 Tribunal.
18 Moi, je ne peux vous parler que de ce que j'ai vu à Manjaca au moment où
19 je m'y trouvais et vous dire ce que j'ai vu de manière tout à fait
20 véridique.
21 M. le Président (interprétation): On vous demande de ralentir.
22 Lord Ashdown (interprétation): Je m'excuse.
23 M. Ackerman (interprétation): Vous avez parlé avec Mme Korner de votre
24 déplacement de Pale à Banja Luka en passant par Brcko. Je voudrais vous
25 poser des questions à ce sujet.
Page 12423
1 Donc ce trajet vous a mené de Pale à Banja Luka en passant par le corridor
2 de la Posavina. Vous avez vu des maisons détruites, des bâtiments. Vous
3 savez qu'à cet endroit-là, dans cette région, il y avait une guerre, il y
4 avait des combats très violents?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et les dégâts que vous avez pu constater résultaient de tirs
7 d'artillerie qui venaient de l'autre côté de la frontière croate?
8 Réponse: C'est possible. Cependant, je voudrais ajouter -puisque vous m'y
9 incitez- que, bien entendu, sur les lignes de front, il y a toujours des
10 dégâts, mais cela ne s'applique pas à l'arrière, aux zones de l'arrière,
11 comme par exemple à Kozarac, non plus qu'à Omarska, Keraterm ou Manjaca.
12 Jamais il n'y a eu de lignes de front dans ces zones. C'était uniquement
13 la population civile qui résidait dans ces régions-là.
14 Question: Je voudrais maintenant vous renvoyer de nouveau à la pièce à
15 conviction P405.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Vous avez déjà vu ce document ce matin. Il s'agit apparemment d'un ordre
18 venant du commandement du 1er Corps de la Krajina, au sujet donc du 3 août
19 1992. On parle d'une visite du comité international dans les camps de
20 détention de Manjaca, Omarska, Prijedor et Trnopolje.
21 Au deuxième paragraphe, on peut lire, nous en avons déjà parlé ce matin,
22 mais revenons-y -je cite-: "A ce sujet, toutes les mesures doivent être
23 prises pour que les conditions de détention dans ces camps soient
24 satisfaisantes: ordre, conditions sanitaires, etc.".
25 J'ai plusieurs questions à vous poser au sujet de ce passage. En premier
Page 12424
1 lieu, ceci indique, n'est-ce pas, que chacun de ces camps se trouvait sous
2 le commandement de l'armée, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui, et cela montre également que l'ordre et la propreté, les
4 conditions sanitaires n'étaient pas appropriés avant que cet ordre ne soit
5 donné.
6 Question: Deuxièmement, quand vous étiez à Manjaca, j'imagine que personne
7 ne vous avait dit qu'il y avait eu une grande opération de nettoyage, de
8 réparation, etc., dans les jours qui avaient précédé?
9 Réponse: C'est ce que j'ai compris, d'après ce que m'ont dit les
10 prisonniers quand ils m'ont dit qu'au cours de la période précédente, les
11 conditions s'étaient grandement améliorées. Et moi, j'espérais que cette
12 amélioration allait se poursuivre.
13 Question: De plus et en troisième lieu, je ne sais pas si vous avez eu le
14 même type d'expérience dans l'armée que moi –j'ai l'impression que oui-,
15 mais en tout cas dans l'armée américaine, on avait ce qu'on appelait des
16 inspections faites par l'inspectorat général. Et avant ces inspections, on
17 donnait des ordres semblables à celui que nous avons sous les yeux et tout
18 le monde se mettait frénétiquement au travail pour nettoyer toutes les
19 installations et se livrer à toutes sortes d'activités avant que
20 l'inspection générale ne vienne inspecter les lieux.
21 Réponse: Cela n'a rien à voir avec ce type d'inspection. Ceci est lié à la
22 venue de la Croix-Rouge internationale.
23 Question: Mais cela était dû au fait que l'on allait venir visiter le camp
24 et qu'on voulait que le camp soit dans une situation idoine.
25 Réponse: Oui, c'est une conclusion possible, mais il faut se souvenir de
Page 12425
1 ceux qui allaient visiter le camp. Ce n'étaient pas les autorités serbes
2 habituelles. C'était la communauté internationale qui venait au camp.
3 Votre supposition selon laquelle il s'agirait de ce qu'il se passait
4 généralement dès que les autorités serbes venaient dans le camp, ce n'est
5 pas une opinion que je partage. Moi, j'ai l'impression qu'ici, il s'agit
6 d'une opération de nettoyage avant l'arrivée, une arrivée exceptionnelle
7 de représentants de la Croix-Rouge internationale.
8 Question: Cependant, est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi pour
9 dire que, s'il devait y avoir une visite officielle venant du général en
10 chef, on pouvait s'attendre à ce qu'on se réunisse, se livre à ce même
11 type d'opération de nettoyage?
12 Réponse: Vous semblez partir du principe que jamais le général en chef ou
13 le commandant supérieur n'était venu sur les lieux?
14 Question: En effet. Oui. On nous admoneste d'importance car nous allons
15 beaucoup trop vite et nous parlons l'un en même temps que l'autre.
16 Bien. Alors question suivante. Vous ignorez quand les personnes que vous
17 avez rencontrées à Pale, les autorités -Karadzic et ses associés-, vous
18 ignorez quand ils ont pris connaissance des conditions de détention
19 réelles à Manjaca, à Trnopolje, etc.?
20 Réponse: Je ne le sais pas; je ne peux que le supposer, si cela peut avoir
21 un intérêt quelconque pour la Chambre.
22 Question: Je préférerais que vous vous en absteniez.
23 Réponse: Mais j'imagine que c'est une question qui est devenue une
24 question politique brûlante lorsqu'elle a été révélée par la presse
25 internationale. Cela ne signifie pas qu'ils n'étaient pas au courant
Page 12426
1 avant.
2 Question: Mais on peut dire le contraire aussi, n'est-ce pas?
3 Réponse: Si, avec des si, on peut faire beaucoup de chose.
4 Question: Et il en va de même des autorités de Banja Luka, n'est-ce pas? A
5 l'exception des autorités militaires qui étaient peut-être chargées du
6 fonctionnement de ces camps?
7 Réponse: Oui, c'est possible en effet, mais tout ce que je sais des
8 Balkans, de cette guerre, me fait penser qu'il est fort peu probable que
9 les autorités n'aient pas eu connaissance de ce qui se passait dans ces
10 camps.
11 Question: Maintenant j'aimerais vous renvoyer à la photographie P1128-24.
12 (Intervention de l'huissier.)
13 Ce matin déjà vous avez regardé cette photographie et je n'arrive pas à
14 déterminer exactement qui vous avez reconnu ou pas. A gauche, il y a un
15 homme moustachu et à droite un autre homme. Et vous nous avez dit que l'un
16 d'entre eux était un militaire, duquel parlez-vous?
17 Réponse: De celui qui est à gauche, mais si je me souviens bien -rappelez-
18 vous tout ceci s'est passé il y a 10 ans-, il ne convient donc pas
19 d'accorder trop d'importance à cette affirmation -je parle ici aux Juges-,
20 mais il me semble que c'est un des militaires que j'ai rencontré à Manjaca
21 l'après-midi de ma visite au camp.
22 Celui de droite, si je me souviens bien, c'est un des deux hommes dont je
23 pense que je parle dans mon journal, que j'ai rencontré à Prijedor. Mais
24 je ne suis pas trop sûr.
25 Question: Reconnaissez-vous l'insigne qui figure sur l'épaule de l'homme
Page 12427
1 de gauche, du moustachu?
2 Réponse: Non, mais vu les deux galons, je ne sais pas, je ne connais pas
3 les insignes de la JNA.
4 Question: Est-ce que vous savez qu'il s'agit d'un écusson de l'armée
5 américaine?
6 Réponse: Si c'est l'armée américaine, à ce moment-là il serait lieutenant.
7 Question: Il s'agit d'un écusson américain?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Donc à ce moment-là, il s'agit d'un homme, d'un engagé, un
10 "spécialiste".
11 Réponse: S'agissant de l'armée américaine, Maître Ackerman, je m'incline
12 devant votre expertise. Je pense que vous vous y connaissez bien mieux que
13 moi.
14 Question: Bien. Merci. J'en ai terminé de cette photographie.
15 Dans le cadre de votre déposition, vous nous avez dit que vous aviez vu en
16 allant à Trnopolje des gens qui marchaient vers Trnopolje et que,
17 manifestement, on leur avait dit de se rendre à cet endroit.
18 Est-ce que vous voulez dire que, d'après la manière dont ils marchaient,
19 vous en avez déduit qu'on leur avait donné l'ordre de se rendre à
20 Trnopolje?
21 Réponse: Non pas du tout, mais je pense que c'était une supposition tout à
22 fait légitime, étant donné qu'ils n'étaient pas escortés par l'armée ou
23 par la police et étant donné qu'ils se dirigeaient vers cet endroit qui
24 était un véritable enfer.
25 Question: Est-ce que vous savez que ces gens s'y rendaient de manière
Page 12428
1 volontaire en espérant trouver un convoi pour sortir de la région?
2 Réponse: Je pense qu'il est tout à fait probable qu'après avoir été
3 brutalisés, violés, après avoir essuyé des tirs, après avoir vu leur
4 maison incendiée, il est tout à fait possible qu'ils aient accepté les
5 instructions qui leur ont été données de quitter la zone. Surtout si on
6 leur a dit qu'ils pourraient prendre un convoi pour quitter cette région,
7 mais je pense que si j'avais été à leur place, j'aurais fait la même
8 chose.
9 Question: Vous reconnaissez qu'aussi mauvaise qu'aient été les conditions
10 à Trnopolje, elles étaient plus sûres qu'à l'extérieur de Trnopolje?
11 Réponse: Non, je ne suis pas d'accord.
12 Question: Dans les endroits qui se trouvaient aux alentours de Trnopolje?
13 Réponse: Non pas du tout. Si votre maison a été incendiée, si votre mari a
14 été tué, si on vous dit d'aller à un endroit et si vous y rentrez de
15 manière volontaire, que dire: est-ce que vraiment les gens s'y sont rendus
16 de manière volontaire?
17 C'est très dommage, mais souvent les gens croyaient qu'ils allaient dans
18 un endroit où ils seraient en sécurité, mais cela se révélait complètement
19 erroné.
20 Je vous rappelle, Maître Ackerman, que les gens que j'ai vus à Trnopolje
21 ce jour-là, ce sont eux qu'on a ensuite jetés au bas de la falaise au
22 niveau de Vlasic, deux ou trois jours plus tard, et leurs visages me
23 hanteront toute ma vie. Je n'ai aucun doute, s'agissant du fait que les
24 gens qu'on a chassés de leur maison et à qui on a dit d'aller à Trnopolje,
25 se sont rendus où on leur a dit d'aller parce qu'ils pensaient que la
Page 12429
1 situation serait meilleure, serait différente.
2 Question: Vous savez, n'est-ce pas, que des milliers de personnes ont été
3 transportées de Trnopolje dans des endroits plus sûrs?
4 Réponse: Cela ne me surprend pas. Dans un film réalisé par ITN ce jour-là,
5 on a vu que les autorités ont répondu à la pression internationale et ont
6 finalement mis les gens en sécurité. Mais moi, je regrette profondément
7 -et cela me torture-, je regrette que ceux que je n'ai pas vus n'aient pas
8 bénéficié du même sort et souvent je me suis demandé ce qui se serait
9 passé si au lieu de retourner à Belgrade, j'étais resté au camp et j'avais
10 essayé de faire quelque chose.
11 Question: Mais même avant la venue des journalistes sur place, même avant
12 votre venue sur place, ne saviez-vous pas déjà que des milliers de
13 personnes avaient été transportées ailleurs et avaient été transférées à
14 Travnik, ainsi que dans d'autres lieux en Croatie?
15 Réponse: Je l'ignore. S'il y a des éléments à l'appui de cette
16 affirmation, je les accepterai, mais de dire qu'il y en aurait eu des
17 milliers, cela me surprendrait quand même.
18 Question: Quel qu'ait été le nombre de personnes transportées à
19 l'extérieur de cette région, il n'en reste pas moins que beaucoup d'entre
20 eux, peut-être plus, en tout cas beaucoup d'entre eux ont été tués. Il
21 s'agissait de civils, il s'agissait de femmes, d'enfants, de personnes
22 âgées, d'infirmes et lorsque je l'ai vu, ils vivaient dans des conditions
23 indescriptibles, inimaginables et impossibles à exagérer.
24 Question: Souvent, dans vos lettres, dans votre journal, vous parlez des
25 Serbes, de ces Serbes qui s'efforçaient de protéger les détenus de
Page 12430
1 Trnopolje des extrémistes qui circulaient dans la région. C'est pourquoi
2 je vous pose la question: est-ce qu'ils n'étaient pas mieux finalement au
3 camp que dans la région où circulaient ces extrémistes?
4 Réponse: Je pense que si on avait demandé à tous ceux qui se trouvaient au
5 camp s'ils auraient préféré être ailleurs, ils auraient répondu de manière
6 positive.
7 Ecoutez, je vais vous dire une chose, moi, j'admire énormément le peuple
8 serbe, c'est un peuple qui est honorable, qui est courageux. Les Serbes
9 ont souffert autant que nous, les Serbes souffrent tout comme nous. Il y a
10 des psychopathes chez eux tout comme chez nous, des meurtriers chez eux
11 tout comme chez nous, mais ils sont capables de se défendre de ces gens,
12 comme nous. En tout cas, c'est vrai, les personnes qui ont agi pour
13 protéger les détenus ont été très courageuses.
14 Question: Vous dites que c'était un camp ouvert. Est-ce qu'on pouvait y
15 entrer, y sortir comme on le souhaitait?
16 Réponse: J'en parle dans mon journal, mais dire, si on était sorti du
17 camp, si on avait été un détenu du camp sortant du camp, on aurait été
18 ramené au camp… c'est un peu ce qui se passait dans l'archipel au goulag
19 soviétique, en Russie soviétique. Dans le goulag, il n'y avait pas de
20 clôture, mais les gens, les détenus savaient très bien que s'il quittaient
21 le goulag, ils finiraient toujours par y être ramenés.
22 Question: Mais vous savez qu'ils sortaient pendant la journée pour essayer
23 de se procurer de la nourriture dans les jardins, dans les maisons
24 abandonnées, etc.?
25 Réponse: Moi, ça ne me surprend pas puisqu'on ne leur donnait pas à manger
Page 12431
1 au camp.
2 Question: Bien. Passons à un autre sujet. Quand vous avez donné cette
3 interview à la télévision de Banja Luka, le lendemain de votre retour de
4 Manjaca ou le soir, ou le soir même -peu importe-, en tout cas, j'imagine
5 que ça s'est fait par le truchement d'un interprète, est-ce qu'il
6 s'agissait du même interprète qui vous avait accompagné à Manjaca?
7 Réponse: Maître Ackerman, je ne parviens pas à m'en rappeler. Si je me
8 rappelle quelque chose, je crois que c'était en fait l'interprète ou bien
9 du "Financial Times" -dont j'ai déjà parlé- qui… Effectivement, peut-elle
10 être l'interprète qui était venue pour la télévision. Il est plus probable
11 que c'était un interprète qui était venu avec…
12 Est-ce que je répète?
13 Question: Non, je crois qu'on l'a eu. Je vais vous poser la question
14 suivante.
15 Vous ne serez peut-être d'accord avec moi: avez-vous fait comme
16 observation qu'il semblait y avait une sorte de loi culturelle, naturelle
17 dans les Balkans. Je crois que vous voyez ce que je veux dire, du point de
18 vue loi naturelle. Il semble qu'il soit légal et approprié de faire à
19 d'autres ce qui vous a été fait?
20 Réponse: Je ne pense pas qu'il y ait dans les Balkans une telle loi.
21 Question: "Œil pour œil, dent pour dent" est un proverbe bien connu,
22 résultat d'émotion humaine dans le monde entier. Mais comme nous le disons
23 dans les sociétés civilisées reconnues, c'est une émotion à laquelle on
24 essaie de résister. Laissez-moi dire que si vous voulez essayer de faire
25 cette remarque pour les Balkans comme étant un endroit où il y avait des
Page 12432
1 tueries exceptionnelles et des pratiques exceptionnelles et désagréables,
2 je pense que nous, en Europe, pouvons également dire, avec quelque
3 humilité, que nous reconnaissons ce qui s'est passé au point de vue
4 vengeance et nationalisme pour nos frontières. Je ne crois pas qu'on ait
5 le droit de dire qu'il y avait quoi que ce soit d'exceptionnel dans les
6 Balkans.
7 Question: Vous avez parfaitement raison.
8 Réponse: Ce que je veux dire, Maître Ackerman, c'est que nous avons appris
9 que nous devons trouver différents critères et que la même chose
10 s'applique aux Balkans.
11 Question: Lorsque vous étiez à Manjaca, vous nous avez dit que les gens
12 qui vous intéressaient étaient ceux qui venaient juste d'arriver d'Omarska
13 et de Keraterm et que vous avez passé peu de temps à leur parler, à
14 apprendre ce qui s'était passé pendant un certain temps. Vous avez
15 observé, je crois, que ceci avait duré pendant plus longtemps, qu'ils
16 venaient juste d'arriver là et qu'ils semblaient en meilleur état?
17 Réponse: Il aurait été difficile d'être dans un état pire, si ce n'est que
18 d'être mort, que ceux qui venaient d'Omarska. Ceci ne veut pas dire que
19 d'autres étaient dans un état que vous auriez pu trouver humainement
20 acceptable.
21 Question: Finalement, deux questions. Lorsque vous vous êtes rendu en
22 Bosnie en 1992, est-ce que vous avez rencontré ou est-ce que vous avez
23 parlé avec Radoslav Brdjanin? Brdjanin.
24 Réponse: Je ne me rappelle pas le nom de tous ceux avec qui j'ai parlé ou
25 que j'ai rencontrés, Maître Ackerman, mais certainement ça ne me revient
Page 12433
1 pas pour le moment.
2 Question: Est-ce que d'après vos souvenirs vous savez si vous avez ou non
3 rencontré quelqu'un qui vous aurait parlé de Radoslav Brdjanin?
4 Réponse: Non. Je ne parviens pas à me souvenir de quoi que ce soit à ce
5 sujet.
6 Question: Vous savez qu'il s'agit de la personne qui est accusée dans ce
7 procès, qui s'appelle Radoslav Brdjanin?
8 Réponse: Oui.
9 M. Ackerman (interprétation): C'est tout ce que j'ai comme question. Je
10 vous remercie.
11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Ackerman. Y a-
12 t-il des questions supplémentaires?
13 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Lord Ashdown, par Mme
14 Korner.)
15 Mme Korner (interprétation): Juste une question qui en découle. Vous nous
16 avez dit que votre permission pour visiter ce secteur et ces camps venait
17 directement du Dr Karadzic lui-même?
18 Lord Ashdown (interprétation): Oui et c'était seulement l'usage de son nom
19 et de son autorité qui m'a permis de briser l'opposition des militaires
20 sur place de façon à pouvoir visiter le camp. Ils ont accepté l'autorité
21 de leur président.
22 Question: Et pour autant que vous sachiez, est-ce que vous avez pu vous y
23 rendre et parler à ceux qui y étaient, les politiciens qui se trouvaient
24 dans la zone dans laquelle vous vous trouviez?
25 Réponse: Non, je ne m'en souviens pas. Il se peut que c'étaient des
Page 12434
1 membres des partis politiques, ceux qui se trouvaient à Banja Luka, ceux
2 qui essayaient d'entrer à Manjaca, mais je ne me rappelle pas qu'on ait pu
3 les identifier comme étant des politiciens.
4 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie.
5 (Questions de M. le Président au témoin Lord Ashdown)
6 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
7 Y a-t-il d'autres questions?
8 Juste une question: cette autorisation que vous avez obtenue du Dr
9 Karadzic lui-même, je comprends qu'elle était verbale?
10 Lord Ashdown (interprétation): Absolument.
11 Question: Comment pouviez-vous communiquer avec les autorités des
12 différents camps que vous visitiez?
13 Lord Ashdown (interprétation): Parce que j'avais des interprètes avec moi,
14 c'était remarquable parce qu'au fur et à mesure que nous passions par les
15 secteurs où il y avait eu combat autour de Brcko et qui conduisaient à
16 Brcko et par le corridor Posavina, à chaque barrage auquel nous étions
17 arrêtés, le conducteur et l'interprète disaient aux personnes qui étaient
18 au barrage que Karadzic avait donné sa permission pour que nous puissions
19 passer. Cela était suffisant pour nous permettre de passer.
20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Bien ceci nous conduit
21 à la fin de votre déposition, Lord Ashdown, je vous remercie au nom de mes
22 collègues et au nom du Tribunal pour avoir accepté de venir déposer dans
23 ce procès et aussi connaissant le fait que vous avez un emploi du temps
24 très chargé. Je vous remercie beaucoup. Je demande à l'huissier de bien
25 vouloir vous escorter hors du prétoire.
Page 12435
1 (Le témoin, Lord Ashdown, est reconduit hors du prétoire.)
2 (Questions relatives à la procédure.)
3 Mme Korner (interprétation): Mme Gustin doit également quitter le prétoire
4 parce qu'il y a des personnes à qui elle doit parler.
5 M. le Président (interprétation): Bien. Je vous remercie. Avant que vous
6 commenciez: Halilovic.
7 Mme Korner (interprétation): Oh oui!
8 M. le Président (interprétation): Notre décision qui va être une décision
9 donnée verbalement est que, en consultant les comptes rendus enregistrés,
10 nous pensons qu'il s'agit d'une question qui devrait faire l'objet d'une
11 communication. Si vous préférez avoir des détails, nous pouvons fournir
12 des détails. Nous avons identifié dans les différents enregistrements sur
13 les différentes parties.
14 Mme Korner (interprétation): Je n'étais pas au courant que la Chambre
15 avait les enregistrements.
16 M. le Président (interprétation): Les transcriptions.
17 Mme Korner (interprétation): Vous n'avez pas eu cela non plus. Est-ce que
18 nous allons vous donner un résumé?
19 M. le Président (interprétation): Mais dans le résumé, vous vous êtes
20 référée aux enregistrements des numéros de pages et c'est ce que je fais
21 maintenant. Par conséquent, notre décision est que toute la documentation
22 à laquelle vous vous êtes référée devrait être versée au dossier.
23 Mme Korner (interprétation): Lesquelles? Je pense qu'il faudra que vous
24 nous disiez de quoi il s'agit.
25 M. le Président (interprétation): J'ai une liste de pages. Je pense que
Page 12436
1 nous devrions le faire d'après ce que vous avez indiqué en ce qui concerne
2 les enregistrements commençant par l'enregistrement n°1 et puis les
3 différents enregistrements.
4 Mme Korner (interprétation): Je me demande si nous ne parlons pas de deux
5 choses différentes. Pourrais-je voir les documents, Monsieur le Président,
6 auxquels vous vous référez?
7 M. le Président (interprétation): Je l'ai dans mon bureau. Vous en avez un
8 exemplaire ici? Bien.
9 Mme Korner (interprétation): Je me demande si je pourrais vérifier, parce
10 que je suis un peu dans la confusion.
11 M. le Président (interprétation): Fondamentalement, nous parlons de
12 l'enregistrement n°1, page 17, dans lequel M. Izetbegovic aurait fait une
13 déclaration et qui est censée être cité mot à mot.
14 Puis, il y a l'enregistrement n°4, partie 1, page 9, concernant les Bérets
15 verts, ainsi que la création à Stari Grad, la création de la zone de Stari
16 Grad 1, enregistrement n°8, partie 2, page 8.
17 Une grande partie d'éléments concernant la Bosnie-Herzégovine et le fait
18 que M. Izetbegovic aurait été en charge de groupes terroristes. Je ne sais
19 pas si on peut se prononcer là dessus. Il y a ensuite l'enregistrement
20 n°25, partie 1, page 26.
21 Mme Korner (interprétation): Je pense que nous souhaiterions avoir des
22 motifs par écrit concernant les raisons pour lesquelles il faudrait qu'il
23 y ait communication de ces documents.
24 M. le Président (interprétation): Je continue: enregistrement 13
25 concernant la Ligue patriotique. Enregistrement 2, partie 1, concernant le
Page 12437
1 fait d'introduire des armes en fraude, même si ceci ne semble pas se
2 référer spécifiquement à la région autonome de la Krajina. Et enfin
3 l'enregistrement n°3.
4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, est-ce qu'on pourrait
5 s'arrêter un instant? Je voudrais avoir une décision écrite et les raisons
6 pour les communications.
7 M. le Président (interprétation): Nous en préparons une.
8 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie.
9 M. le Président (interprétation): Bien, mais soyez prête à savoir d'avance
10 quelle sera notre décision et en ce qui concerne la documentation visée à
11 l'Article 68 du Règlement qui devrait être communiqué.
12 Mme Korner (interprétation): Je comprends ce que vous dites, Monsieur le
13 Président, et je prévois les raisons que vous allez donner en ce qui
14 concerne l'Article 68.
15 M. le Président (interprétation): Vous aurez cela, cela peut prendre deux
16 ou trois jours, mais vous aurez la décision par écrit.
17 Maintenant, en ce qui concerne les problèmes concernant vos témoins.
18 Mme Korner (interprétation): Oui, nous n'avons pas de témoin pour lundi.
19 Je regrette, Monsieur le Président, je vais demander, nous n'avons pas en
20 fait eu de liste des dates pour l'an prochain. En d'autres termes, nous
21 allons siéger et nous ne savons pas quand nous allons siéger et à quelle
22 date.
23 Je souhaiterais que nous ayons le plus de renseignements possibles
24 notamment pour savoir quand il y aura des interruptions, et nous aimerions
25 savoir avec une certaine avance de façon à ce que nous puissions prévoir
Page 12438
1 les choses selon qu'il y ait des changements, des nouveaux changements.
2 Je dois dire que je ne peux pas actuellement faire en sorte qu'un témoin
3 soit là lundi. Nous aurons des témoins mardi, mercredi, jeudi et vendredi.
4 Je vous donnerai les numéros, Monsieur le Président: 7.3, mardi…
5 M. le Président (interprétation): Un instant. 7.3, mardi.
6 Mme Korner (interprétation): 7.228, mercredi.
7 M. le Président (interprétation): Oui.
8 Mme Korner (interprétation): 7.134, le jeudi, et le vendredi, 7.54. C'est
9 un nouveau témoin et il doit être entendu complètement. En d'autres
10 termes, lorsque je dis un nouveau témoin, c'est quelqu'un qui n'a encore
11 jamais déposé.
12 M. le Président (interprétation): Et est-ce que vous êtes sûr qu'entre
13 mardi et jeudi vous pourrez conclure les interrogatoires de ces trois
14 témoins?
15 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président. J'allais vous le
16 dire, il est peu probable que nous ayons besoin d'une audience complète
17 pour l'une quelconque de ces dates.
18 M. le Président (interprétation): Bien. Si vous êtes sûre, cela permettra
19 de conclure avec le témoin que nous avions prévu pour aujourd'hui de sorte
20 que nous pourrons finir vendredi.
21 Mme Korner (interprétation): Oui, sinon nous serons obligés de déborder
22 sur le lundi et cela prendrait l'ensemble du lundi parce que nous n'avons
23 personne d'autre.
24 M. le Président (interprétation): A un moment donné, nous avons les
25 vacances de Noël et nous avons des témoins que l'on commencera à entendre
Page 12439
1 le 13 janvier.
2 Mme Korner (interprétation): Et le témoin 7.46 sera le second témoin, il
3 est vraisemblable. Nous avons aussi le 7.179 pour le lundi parce qu'il a
4 déjà déposé dans Stakic. 7.46, bien qu'il ait déjà déposé dans Stakic, je
5 vais le faire déposer de façon intégrale parce que sa déposition dans
6 l'affaire Tadic est...
7 M. le Président (interprétation): Et vous avez l'intention de commencer
8 avec ce témoin le lundi 13?
9 Mme Korner (interprétation): Non, ce sera le mardi et nous aurons ensuite
10 le témoin 7.43.
11 M. le Président (interprétation): Combien de temps vous faudra-t-il pour
12 tous ces témoins?
13 Mme Korner (interprétation): Le 7.46?
14 M. le Président (interprétation): Y compris le contre-interrogatoire?
15 Mme Korner (interprétation): C'est très difficile de dire avec certitude,
16 mais je pense que ça sera le cas pour l'interrogatoire principal. Mais je
17 ne peux rien dire du contre-interrogatoire.
18 M. le Président (interprétation): Bien.
19 Mme Korner (interprétation): La raison pour laquelle je soulève cette
20 question -de voir un calendrier et de s'y tenir-, c'est parce que je suis
21 consciente du fait qu'au cours de la semaine en question, il y a le nouvel
22 an serbe ou orthodoxe. Je suppose que nous aurons une journée de congé
23 également.
24 M. le Président (interprétation): Non, je ne pense que ce serait
25 raisonnable maintenant. Nous ne siégerons pas le jour du Noël serbe, mais
Page 12440
1 je crois qu'ensuite il faudra aller de l'avant. Je pense que c'est cela
2 qui serait raisonnable. Je suis à peu près sûr que votre client ne prendra
3 pas cela comme un affront ou comme un manque de respect à sa religion. Mon
4 intention est donc d'aller de l'avant.
5 Et puis, entre maintenant et ce moment-là, évidemment nous aurons les
6 vacances de Noël et nous pourrons discuter du calendrier de janvier, de
7 février et de mars. J'attends encore des confirmations du Bureau quant aux
8 dates pendant lesquelles chaque Chambre tiendra audience. Je vérifierai
9 également avec ma secrétaire si maintenant ce calendrier a été mis au
10 point.
11 Mme Korner (interprétation): A moins que nous ne siégions tout le temps au
12 rythme où nous allons, entre le 13 janvier et le mois d'avril, je crois, à
13 une date quelconque de l'an prochain, nous n'aurons pas fini avant Pâques.
14 Je pense vraiment que nous devrions essayer de finir pour Pâques.
15 M. le Président (interprétation): Tout ce que nous pourrons faire pour
16 avoir les témoins présents et aller de l'avant...
17 Mme Korner (interprétation): J'hésiterais à suggérer une date mais nous
18 n'avons guère pu consulter les documents parce que nous n'avons pas pu
19 appeler des témoins pour qu'ils puissent faire des dépositions complètes
20 et qu'ils puissent voir l'ensemble des documents.
21 Donc c'est tout ce que je peux vous proposer pour l'instant.
22 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman?
23 M. Ackerman (interprétation): Vous n'allez pas être surpris, moi je
24 soulève une objection très forte car je considère que ceci n'est pas
25 acceptable -tout simplement pas acceptable- car vous ne pouvez pas, tout
Page 12441
1 simplement, nous donner des résumés de ces documents. Nous objectons à ce
2 que cela soit fait. Je sais que vous lisez les documents et je sais que
3 vous lisez aussi les miens.
4 M. le Président (interprétation): Mais nous les lisons, bien sûr que nous
5 les lisons, même si nous devons nous battre avec le temps pour lire toute
6 cette masse de documents!
7 Madame Korner, en ce qui concerne Halilovic, si vous avez les transcripts
8 au sujet desquels vous nous avez fourni des résumés, si ces transcripts
9 sont prêts, nous souhaitons les recevoir le plus rapidement possible pour
10 que notre décision écrite incorpore le texte, le vrai texte. Je pense que
11 ce que nous demandons est de recevoir les transcripts qui se réfèrent aux
12 vidéos, aux enregistrements 1, 4, 8, 25, 13, 2 et 3. Mon juriste, le
13 juriste de la Chambre va vous fournir toutes ces informations.
14 Mme Korner (interprétation): Donc vous devez peut-être, Monsieur le
15 Président, nous dire quels sont les documents que vous considérez tomber
16 sous le coup de l'Article 68, avec notre obligation en vertu de cet
17 Article. Je suis un peu surprise que vous ayez pu penser à tous ces
18 documents mais nous pouvons vous fournir le transcript.
19 M. le Président (interprétation): C'est important de rentrer dans les
20 détails.
21 Mme Korner (interprétation): Oui, je pense que ceci pourrait nous aider.
22 Vous allez vous rappeler cette discussion houleuse que nous avons eue
23 concernant l'Article 68, et je pense que ceci nous aidait, ceci aiderait
24 aussi Me Ackerman si vous nous disiez dans votre décision pour quelle
25 raison vous considérez que ceci tombe sous le coup de l'Article 68.
Page 12442
1 M. le Président (interprétation): Oui, exactement. Mais nous n'avons pas
2 besoin de beaucoup d'exemples pour cela. Si par exemple, la défense
3 considère qu'il existait une Ligue patriotique…
4 Mme Korner (interprétation): Mais nous ne le nions pas, nous ne nions pas
5 l'existence de la Ligue patriotique, et je ne vois pas pour quelle raison
6 ceci tomberait sous le coup de l'Article 68. Nous n'avons jamais dit que
7 ceci n'a pas existé.
8 M. le Président (interprétation): Car il y a les références aux activités
9 des Moudjahidin, et aussi on fait allégation de l'activité du terrorisme
10 d'Etat maintenu par un certain M. Izetbegovic. Donc vous considérez que
11 ceci ne tombe pas sous le coup de l'Article 68.
12 Mme Korner (interprétation): Oui, mais nous avons besoin de dates, de
13 dates exactes.
14 M. le Président (interprétation): Car ces terroristes, ces Moudjahidin
15 dont nous parlons, eh bien, ils étaient présents en 1992 d'après les
16 informations que nous avons.
17 M. Ackerman (interprétation): Ceci m'énerve! Ceci m'énerve vraiment!
18 M. le Président (interprétation): Mais calmez-vous, Maître Ackerman.
19 M. Ackerman (interprétation): Avant de vous dire que je considère que Mme
20 Korner ne comprend pas vraiment la teneur de l'Article 68, eh bien, nous
21 en avons la confirmation aujourd'hui. Et j'ai cette peur, j'ai cette peur
22 qu'il y ait un grand nombre de documents tombant sous le coup de l'Article
23 68 et qu'elle ne considère pas comme tel.
24 M. le Président (interprétation): Ecoutez, nous n'allons pas parler de
25 cela. Vous ne pouvez pas prouver ces choses-là, ne faites pas d'allégation
Page 12443
1 que vous ne pouvez pas prouver.
2 Quand vous avez parlé de cela, Mme Korner était la première pour se lever
3 et admettre qu'apparemment il y a eu un problème, il y a eu un problème de
4 leur part. Elle voulait y remédier.
5 Mme Korner (interprétation): Est-ce que je peux éclaircir cela, s'il vous
6 plaît? Que ce soit bien clair que nous sommes bien conscients de cette
7 interview qui n'a pas été communiquée et que c'était notre faute.
8 Maintenant, Me Ackerman dit autre chose.
9 M. le Président (interprétation): Eh bien, notre intention, d'après tout
10 ce que vous avez dit, eh bien, vous nous avez dit que vous ne vouliez pas
11 prendre les risques pour qu'il y ait d'autres documents de la sorte qui
12 n'ont pas été identifiés. Donc nous avons identifié un certain nombre de
13 points et qui nous semblent être pertinents en vertu de l'Article 68, et
14 ce sont les documents, les informations que vous devriez communiquer. Nous
15 allons vous fournir autant de documents que possible pour vous donner les
16 raisons par écrit de notre décision. Mais pour ceci nous avons besoin des
17 transcripts complets et ceci nous faciliterait la vie. Comme ça, nous
18 allons pouvoir tout citer.
19 Mme Korner (interprétation): Eh bien, je vais voir si je peux m'en occuper
20 demain, même si c'est un jour férié, parce que sinon vous n'allez pas les
21 avoir avant lundi.
22 M. le Président (interprétation): Oui, oui, ce serait fort utile de
23 l'avoir demain, puisque nous ne travaillons pas lundi.
24 Mme Korner (interprétation): Oui, moi, je vais venir travailler demain
25 même si c'est un jour férié . Je sais qu'il y aura peu de gens, parce que
Page 12444
1 c'est un jour férié.
2 M. le Président (interprétation): Oui, mais moi je serai ici, Madame
3 Korner.
4 Est-ce que vous voulez parler d'autre chose?
5 Mme Korner (interprétation): Eh bien, je voudrais juste vous dire à vous
6 et à Me Ackerman qu'à cause d'une grande quantité de traductions qui
7 doivent être effectuées, surtout en ce qui concerne les documents
8 provenant des cours militaires, donc ce sont les traductions que nous
9 avons, en effet, faites, mais qui n'ont pas été autorisées. Donc nous
10 avons demandé à Me Ackerman de nous indiquer s'il serait satisfait de tels
11 projets de traductions qui n'ont pas été révisées et autorisées pour ainsi
12 dire, certifiées. Donc il faut qu'il vérifie s'il serait satisfait avec de
13 tels projets de traductions ou bien s'il demande de vraies traductions
14 certifiées.
15 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela peut vous suffire,
16 Maître Ackerman?
17 M. Ackerman (interprétation): Oui, j'ai déjà dit à Mme Korner que nous
18 allons essayer de voir si cela peut nous satisfaire. Probablement que oui,
19 mais je ne veux pas dire quoi que ce soit à l'avance. Je voudrais tout
20 d'abord le regarder.
21 M. le Président (interprétation): Je voudrais arriver à une espèce de
22 conclusion, car si vous n'acceptez pas cela, eh bien, dans ce cas-là, Mme
23 Korner va demander plus de temps.
24 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, nous allons le faire
25 aussi honnêtement que possible. Je vais essayer de m'en occuper.
Page 12445
1 M. le Président (interprétation): Je voudrais rappeler à votre mémoire
2 l'Article 94 aussi.
3 M. Ackerman (interprétation): Je suis tout à fait prêt à en parler. J'ai
4 presque terminé tous les transcripts sur Prijedor en vertu de l'Article
5 92bis. Cela fait plusieurs jours que je lis des transcripts sans m'arrêter
6 et j'en ai presque terminé du dernier qui est le plus gros. Et ensuite, je
7 vais commencer la lecture des transcripts en vertu de l'Article 94. Et
8 derrière cela, il y a les transcripts se référant aux questions de
9 Bosanski Novi en 1992. Ceci n'est pas très clair dans cette requête et Mme
10 Korner va dire que nous n'allons pas vite, mais nous ne pouvons pas aller
11 plus vite que cela. Nous lisons énormément de transcripts tous les jours
12 et j'ai vraiment des problèmes avec mes yeux maintenant.
13 M. le Président (interprétation): Je voulais simplement que ceci soit
14 couché sur le compte rendu d'audience.
15 Nous considérons que vous avez fait de façon très efficace la lecture des
16 transcripts en vertu de l'Article 92, et nous sommes bien contents de
17 votre réponse. Nous avons parlé de cela ce matin. Ceci me permet de vous
18 fournir une décision assez rapidement qui va aider le Procureur à se
19 préparer, à son tour, bien de temps à l'avance.
20 Nous avons maintenant suffisamment d'informations de la part de la défense
21 en ce qui concerne ce sujet et ceci devrait nous suffire.
22 M. Ackerman (interprétation): Je pense qu'il nous en reste deux. J'ai
23 demandé à Mme Korner si elle peut accepter la suggestion que j'ai faite à
24 cet effet, et je peux vous donner donc ma réponse aussi au sujet de ces
25 documents.
Page 12446
1 Et au sujet de cet autre transcript, eh bien, c'est celui qui me reste à
2 lire. Et j'espère que je vais pouvoir le lire cette nuit et vous fournir
3 demain une requête finale.
4 M. le Président (interprétation): Eh bien, je suis bien content de cela,
5 Maître Ackerman.
6 Est-ce qu'il y a autre chose? Non, très bien. Donc nous allons nous
7 rencontrer à nouveau vendredi matin. Nous travaillons le matin, n'est-ce
8 pas? Nous travaillons le matin, vendredi, oui. Très bien. Donc à 9 heures
9 dans le prétoire, dans la salle n°3.
10 M. Ackerman (interprétation): Mais la semaine d'après, nous travaillons
11 l'après-midi?
12 M. le Président (interprétation): Oui, en effet. Je vais vérifier cela.
13 Oui, donc nous nous rencontrons le 12 et c'est le matin. Le 12 et le 13.
14 Pour les autres jours le 9, le 10 et le 11, normalement, nous travaillons
15 l'après-midi.
16 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que je peux vous demander de ne rien
17 faire avec le 11, parce que j'ai une réunion très importante?
18 M. le Président (interprétation): Non, non, à part le 11 nous travaillons
19 le matin, lundi et mardi nous travaillons l'après-midi, mercredi le 11 le
20 matin dans la salle n°3, car vous savez il y a un appel interlocutoire
21 devant la Chambre d'appel, et je ne sais pas si vous y participez.
22 M. Ackerman (interprétation): Si, si.
23 M. le Président (interprétation): Donc vous savez de quoi je parle?
24 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais c'est le dixième jour qui
25 m'inquiète car si dans l'après-midi du 10 nous avons une séance, eh bien,
Page 12447
1 moi je n'ai pas de problème.
2 M. le Président (interprétation): Non, c'est le matin.
3 M. Ackerman (interprétation): Mais la décision en appel ne me préoccupe
4 pas.
5 M. le Président (interprétation): Je vous l'ai dit, jusqu'au cas où.
6 M. Ackerman (interprétation): Non, je ne pense pas même que Mme Korner y
7 soit.
8 M. le Président (interprétation): Merci. Donc nous nous voyons vendredi.
9 Nous levons la séance. Merci.
10 (L'audience est levée à 13 heures 45.)
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25