Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 10 février 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

3 (Audience publique.)

4 (L'accusé, M. Brdjanin, est introduit dans le prétoire.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 M. le Président (interprétation): Bonjour. Madame la Greffière, s'il vous

7 plaît, vous pouvez appeler l'affaire.

8 Mme Chen (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président et Mesdames les

9 Juges. Ceci est l'affaire qui porte le numéro IT-99-36-T, l'accusation

10 contre Radoslav Brdjanin.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Brdjanin, bonjour. Pouvez-vous

12 suivre la procédure dans une langue que vous comprenez?

13 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je vous

14 comprends fort bien.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez présenter les parties

16 s'il vous plaît du côté du Procureur.

17 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, Joanna Korner et M.

18 Ierace, qui vient nous rendre visite pour la deuxième fois, assistés de

19 Denise Gustin, commise aux audiences.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Bonjour également.

21 Pouvons-nous avoir présentation des parties défendant M. Radoslav

22 Brdjanin?

23 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président et Mesdames

24 les Juges. Je m'appelle John Ackerman, je suis ici en présence et avec

25 Milan Trbojevic et Marela Jevtovic, et je suis ravi d'être de retour.

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1 M. le Président (interprétation): Merci également.

2 Madame Korner?

3 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vais vous

4 demander de passer, s'il vous plaît, en séance à huis clos partiel

5 simplement pour quelques instants.

6 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 07.)

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24 (Audience publique à 9 heures 14.)

25 Madame l'Huissière, pouvez-vous faire entrer le témoin, s'il vous plaît?

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1 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur.

3 M. Kirudja (interprétation): Bonjour.

4 M. le Président (interprétation): Je sais que cela n'est pas la première

5 fois que vous venez témoigner devant ce Tribunal. Par conséquent, je vais

6 aller tout droit au fait. D'après notre Règlement, on vous demande de

7 faire une déclaration solennelle, ce qui correspond au serment de dire la

8 vérité, toute la vérité avant de commencer votre témoignage.

9 Puis-je vous demander de vous lever, s'il vous plaît, Monsieur, de prendre

10 le document qui est devant vous et de lire la déclaration solennelle qui

11 est devant vous à voix haute, ce qui sera donc consigné au compte rendu

12 d'audience?

13 M. Karudjia (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. le Président (interprétation): Merci Monsieur. Veuillez vous asseoir.

16 (Le témoin s'exécute.)

17 Mme Korner va vous poser un certain nombre de questions dans le cadre de

18 son interrogatoire principal et sera suivie par Me Ackerman qui est le

19 conseil principal de la défense et qui posera ses questions un peu plus

20 tard. Votre témoignage doit durer quelques jours et si vous vous en tenez

21 à la règle et que vous ne répondez qu'à la seule question, l'unique

22 question et rien qu'à la question, nous aurons sans doute terminé d'ici

23 jeudi au plus tard.

24 Madame Korner?

25 (Interrogatoire principal du témoin, M. Charles Kirudja, par Mme Korner.)

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1 Mme Korner (interprétation): Monsieur Kirudja, vous appelez-vous Charles

2 Kirudja?

3 M. Kirudja (interprétation): Oui, absolument.

4 Question: Pendant un certain nombre d'années, avez-vous travaillé pour les

5 Nations Unies?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Monsieur Kirudja, avant de parler de vous et des informations

8 que j'ai, je pense que je vais faire la même erreur. Nous parlons tous les

9 deux l'anglais et vous avez certainement, vous serez certainement tenté de

10 répondre dès que j'ai posé la question. Et quelquefois, il est utile de

11 faire une pause, ce, pour les interprètes de façon à ce que l'on puisse

12 traduire les différents éléments pour l'accusé en la matière.

13 Je crois que vous avez commencé à travailler pour les Nations Unies en

14 1977, est-ce exact?

15 Réponse: Oui, absolument.

16 Question: Avez-vous détenu des postes où vous étiez en fait, où vous

17 gériez des questions de développement, des questions économiques et des

18 questions de budget interne et de gestion en fait au sein des Nations

19 Unies?

20 Réponse: Oui absolument, tout cela et même davantage.

21 Question: Ce qui signifie des opérations de maintien de la paix.

22 J'aimerais justement en venir à ces opérations de maintien de la paix. En

23 1988, est-ce qu'on vous a affecté à la mission humanitaire et d'assistance

24 en Afghanistan?

25 Réponse: Oui, absolument.

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1 Question: Et y avez-vous travaillé en tant que responsable financier et

2 responsable des affaires administratives, à la DAF?

3 Réponse: Absolument.

4 Question: En 1992, avez-vous démarré vos différentes missions dans le

5 cadre des Nations Unies en ex-Yougoslavie, à savoir est-ce que vous

6 travailliez pour la Forpronu?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Et entre avril 1992 et mars 1994, avez-vous travaillé comme

9 responsable des affaires civiles?

10 Réponse: J'ai commencé comme directeur des affaires civiles pendant une

11 quinzaine de jours. Et ensuite, j'ai été appelé à être le coordinateur des

12 affaires civiles.

13 Question: Et lorsque vous avez commencé à travailler dans la région, dans

14 les zones protégées, d'après les documents que nous avons, vous avez été

15 affecté au secteur Nord qui se trouvait en Croatie, est-ce exact?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Et y avez-vous travaillé jusqu'en 1994? Après quoi, vous vous

18 êtes rendu à Zagreb?

19 Réponse: Oui, absolument.

20 Question: Simplement, maintenant, pour être tout à fait au clair entre le

21 mois d'août 1994 et le mois de juin 1995, avez-vous été délégué et

22 représentant particulier du secrétariat général de la République fédérale

23 de Yougoslavie?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Simplement, j'aimerais parler un peu de vos études brièvement et

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1 de vos différents diplômes. Je crois que vous avez été élevé Naïrobi, vous

2 avez reçu une maîtrise d'université de Toronto ainsi qu'un doctorat qui

3 vous a été délivré par l'université de Western Ontario?

4 Réponse: Oui, absolument.

5 Question: Alors tout cela étant dit, est-ce que maintenant je peux parler

6 de vos connaissances particulières? Lorsque, vous êtes rendu en Croatie

7 pour la première fois, à savoir au moment du conflit, aviez-vous des idées

8 préconçues sur les raisons de ce conflit?

9 Réponse: Je n'avais aucune idée et je ne savais pas pourquoi ce conflit

10 avait éclaté.

11 Question: Et donc, aviez-vous lorsque vous êtes arrivé en Croatie des

12 idées préconçues sur quel côté ou quel parti avait été à l'origine de ce

13 conflit? Et faisiez-vous une différence entre les Serbes, les Croates et

14 je crois qu'il y avait les Yougoslaves également?

15 Réponse: Non. En fait, aucune différence. Je sais qu'il y avait des

16 différences. Je sais qu'il y avait des différences entre les Serbes, les

17 Croates et je crois qu'il y avait des Yougoslaves.

18 Question: Très bien. Je crois que vous êtes arrivé à Belgrade au début de

19 l'année 1992.

20 Réponse: Je crois que c'était le 6 avril. Je suis arrivé à Belgrade le 6

21 avril.

22 Question: Et conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU,

23 avez-vous été envoyé dans quatre régions différentes de Croatie?

24 Réponse: Absolument.

25 Question: Et comme vous nous l'avez déjà dit, on vous a affecté dans ce

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1 qui a été appelé le secteur Nord?

2 Réponse: Oui, j'ai fait à léger détour en Iran. On m'a d'abord demandé

3 d'aller regarder et d'observer ce qui se passait dans le secteur Ouest.

4 Question: Très bien. Je crois que la première chose peut-être que vous

5 devriez faire, c'est regarder deux cartes. Une qui a été préparée dans le

6 cadre de l'affaire contre M. Milosevic où vous avez témoigné. Voulez-vous

7 regarder la carte, s'il vous plaît? Elle porte la cote n°2 dans l'affaire

8 Milosevic. C'est une carte en noire et blanc. Peut-être que nous pourrions

9 la poser sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît?

10 (Intervention de l'huissière.)

11 Je vais vous montrer la carte. Elle n'est pas très très claire, mais je

12 crois que c'est vous-même qui avez dessiné les contours de ce secteur

13 Nord, est-ce exact?

14 Réponse: Oui, et vous pouvez voir, en fait, en haut de ce document, vous

15 voyez le terme "approx" qui correspond à ''environ'' au regard du secteur

16 Nord; ce qui est important parce que j'ai dessiné ces contours sur la base

17 de mes souvenirs.

18 Question: Absolument. On voit très bien que ce contour représente à peu

19 près la frontière croato-bosniaque, autrement dit nous passons ici à

20 Bosanska Dubica, et on peut voir ici, on descend à Bosanska Dubica. Est-ce

21 que cela descend un petit peu?

22 Réponse: Oui, vous avez parlé en fait de la frontière entre la Croatie et

23 la Bosnie-Herzégovine. Il est important de savoir que c'est exactement ce

24 que vous disiez. C'est ici en fait la frontière reconnue par les Nations

25 Unies et cela continue de la sorte.

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1 Le secteur en fait va un peu plus loin et on tourne à gauche ici. Et, ceci

2 ne constituait pas une frontière internationale. Nous sommes ici à

3 l'intérieur de la Croatie; ce qui au jour d'aujourd'hui est la nation

4 croate. En fait, c'était une ligne de confrontation entre les Serbes qui

5 occupaient ici le territoire et le reste de la Croatie.

6 Autrement dit, sur cette frontière, sur cette ligne de confrontation, les

7 Serbes étaient face aux Croates. De l'autre côté ils étaient en face des

8 Musulmans et, de ce côté ci, les Serbes étaient face à face.

9 Dernier point: en fait, cela descend plus au sud et plus bas, ce qui n'est

10 pas indiqué sur la carte ici.

11 Question: Simplement pour les besoins du compte rendu d'audience, pouvez-

12 vous répéter un petit peu et nous dire où se trouvait la région, le

13 territoire où les Serbes étaient face à face?

14 Réponse: C'est la municipalité ici de Velika Kladusa et là où démarre Dvor

15 na Uni; ça démarre à peu près ici. Cela descend jusqu'ici et cela descend

16 sur la frontière. Et c'est ici que les Serbes se font face à face près de

17 Dvor, la municipalité de Kostajnica. Ils se faisaient face à face de

18 chaque côté de cette frontière internationale.

19 Question: Et lorsque vous dites: ''le territoire musulman'', où se

20 trouvait-il?

21 Réponse: A Velika Kladusa, Bihac, Bosanska Krupa, ici dans cette région-ci

22 et toute cette zone ici, qui est communément appelée la "poche de Bihac".

23 Et, pardonnez-moi, et les Serbes nous disaient que c'était la région du

24 Sud.

25 Question: Et je crois que vous avez indiqué par une croix…

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1 Réponse: Pardon, je crois qu'il s'agit de la région de Cazin, pardon.

2 Question: Et je crois vous avez indiqué par une croix l'endroit où se

3 trouvaient les bases des Nations Unies.

4 Réponse: Oui, tout à fait. En fait, c'est le quartier général du secteur

5 Nord des Nations Unies.

6 Question: Très bien, alors. Bon, c'est un peu plus clair. Est-ce que l'on

7 peut donner la cote P1644 à ce document, s'il vous plaît? C'est un peu

8 plus clair maintenant. Eh bien, nous allons maintenant tout de même

9 essayer de regarder une carte en couleur qui est en fait un extrait.

10 (Intervention de l'huissière.)

11 Je crois que c'est un peu plus clair. On voit représenté ici le territoire

12 de la Bosnie, en plus grand, et ici, on voit Topusko, qui est indiqué… ce

13 n'est pas indiqué, mais c'est juste au-dessus de la lettre de Banja.

14 Réponse: Pardonnez-moi?

15 Question: Regardez ce qui est écrit ici: Velika Kladusa. Vous voyez où

16 c'est? Et vous voyez, juste au-dessus, Topusko.

17 Réponse: Oui, tout à fait, c'est là.

18 Question: Ensuite, on voit les deux poches, autrement dit les deux parties

19 qui ont été indiquées au crayon, ici, et sur cette carte, on voit très

20 bien Prijedor… Bosanski Novi, Prijedor et ensuite, tout au bout, Banja

21 Luka.

22 Ces noms, est-ce que ce sont des noms qui vous sont devenus familiers?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que je puis vous demander simplement si, vous-même, vous

25 avez traversé les frontières, vous êtes-vous rendu en Bosnie pour visiter

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1 ces différents endroits?

2 Réponse: Oui, tout à fait, en particulier la poche de Bihac, autrement dit

3 tout ce territoire, ici. J'entends toute cette région-ci.

4 Question: Etes-vous jamais arrivé jusqu'à Banja Luka?

5 Réponse: Non, je n'avais pas besoin de m'y rendre.

6 Question: Bien. Merci beaucoup. Le document va porter la cote, s'il vous

7 plaît, P1645, Monsieur le Président, Mesdames les Juges.

8 Maintenant, vous avez fait une déclaration au Bureau du Procureur; vous

9 avez même fait deux déclarations. La première déclaration a été faite, me

10 semble-t-il, au mois de septembre de l'année 1999. Et pour ce faire, avez-

11 vous dû lire des rapports qui avaient été rédigés par vous-même ou vos

12 collaborateurs?

13 Réponse: Les représentants du Bureau du Procureur sont venus voir dans mon

14 bureau à New York avec un dossier en main.

15 Question: Très bien.

16 Réponse: Un dossier très important qui m'a surpris par la quantité de

17 documents qu'ils avaient dans ce dossier. Ils ont commencé à me parler sur

18 la base des documents qu'ils avaient reçus et nous avons construit la

19 déclaration autour de tout cela.

20 Question: Avez-vous pu vous rappeler les différents événements qui se sont

21 produits au cours de l'année 1991-1992, à partir de carnets de notes que

22 vous auriez peut-être rédigés vous-même sur des réunions que vous avez

23 tenues ou différents incidents?

24 Réponse: Oui, absolument. Et dans le cadre justement de cette déclaration,

25 il devenait de plus en plus urgent et important de consulter mes notes,

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1 mon journal, si vous voulez.

2 Question: Pouvez-vous dire au Président et aux Juges, ces différents

3 carnets de notes que vous avez tenus au cours des réunions, les avez-vous

4 rédigés a posteriori ou au cours des réunions que vous avez tenues?

5 Réponse: Dans le courant des réunions, au fur et à mesure que j'ai écouté,

6 parce que j'ai dû écouter une traduction; j'avais donc des traducteurs.

7 Cela me permettait, en même temps, de prendre des notes pendant qu'ils

8 étaient en train de traduire et de répondre. Je pouvais donc en même temps

9 travailler en simultané: prendre des notes et répondre au fur et à mesure

10 de l'évolution de cette réunion.

11 Question: Fort bien, Monsieur Kirudja. Si besoin est, vous allez pouvoir

12 vous rafraîchir la mémoire moyennant ces notes; je crois que vous les avez

13 sur vous. Mais je voudrais que nous revenions au début même de votre

14 travail ou de votre intervention là-bas.

15 Vous avez parlé de 1991… Non, de 1992. Ceci avant que d'aller vers le

16 secteur Nord, vous avez dû vous familiariser avec le secteur Ouest.

17 Pourriez-vous nous répondre et nous dire où se trouvait au juste ce

18 secteur Ouest?

19 Réponse: Ce secteur Ouest, c'est ce que l'on sous-entend par la notion de

20 Slavonie occidentale. Cela se trouve à proximité de l'autoroute "Bratsvo i

21 Jedinstvo"; en traduction: "fraternité et unité". Donc cela se trouve

22 entre le secteur Nord et le secteur Est, plus ou moins. Le siège se

23 trouvait à Daruvar. Et si vous vous penchez sur l'autoroute, vous verrez

24 que cela se trouve juste au-dessus de Banja Luka; il s'agit du secteur que

25 vous avez montré tout à l'heure.

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1 Question: Je crois que la Chambre est au courant de ce que représente

2 cette Slavonie occidentale.

3 Pouvez-vous nous dire si le directeur des affaires civiles, M. Cedric

4 Thornberry, vous a envoyé vers le secteur Nord.

5 Réponse: Oui, j'ai reçu un télex, pendant que j'étais encore dans le

6 secteur Ouest, et il fallait passer au secteur Nord.

7 Question: Pendant vous vous trouviez au secteur Nord, pouvez-vous nous

8 dire quelles avaient été vos tâches?

9 Réponse: J'ai été chargé de la coordination des affaires civiles. Et

10 j'avais pour responsabilité de prendre soin des moyens des Nations Unies,

11 afin de veiller à ce que ces moyens-là soient utilisés de façon conforme

12 au mandat qui nous avait été confié. Cela incluait un rôle de conseiller à

13 l'intention du commandant du secteur militaire qui devait s'occuper de ce

14 secteur.

15 Donc je devais assumer des responsabilités concernant la façon dont

16 s'approvisionnaient les effectifs des Nations Unies, et, du côté civil et

17 politique, j'avais pour responsabilité de veiller à l'application, à la

18 mise en œuvre du plan Vance. C'est ce qui ce qui a délimité la mission qui

19 était la mienne là-bas.

20 Question: Cela m'amène à la question suivante: qu'est-ce qu'était le plan

21 Vance et quel avait été l'intention du plan en question?

22 Réponse: Le plan Vance, je puis le décrire en termes opérationnels. Je

23 dirais qu'il y avait là trois segments, trois éléments principaux.

24 Au tout début de la mission, le plan Vance exigeait que toutes les unités

25 armées sises sur le secteur protégé par les Nations Unies, ce qui sous-

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1 entend également les forces de maintien de la paix des Nations Unies, donc

2 toutes ces unités armées soient complètement démobilisées, y compris la

3 JNA ou quelque autre unité portant des armes. Elles devaient être

4 totalement démobilisées. Et ce plan Vance prévoyait le maintien de l'ordre

5 et de la paix.

6 Aussi avait-on prévu la mise en place, la mise sur pied d'une police

7 civile qui était censée être soumise au contrôle des autorités locales,

8 des autorités civiles. Mais le plan Vance prévoyait, à l'intention de ces

9 effectifs là, de disposer d'armes légères, d'armes qu'on pouvait porter

10 sur le flanc. Et troisièmement, le plan Vance disait qu'au fur et à mesure

11 de l'évolution de la mission, il soit mis en place des autorités locales

12 au côté des Nations Unies pour permettre le retour de toutes les personnes

13 qui ont été déplacées de la région.

14 Par conséquent, une grande partie de notre mission civile et politique

15 concernait précisément ce fait-là, à savoir la mise en place préalable

16 pour le retour des personnes déplacées, retour qui devait se faire de leur

17 plein gré. Mais c'était en somme trois éléments, trois segments.

18 Question: Mais dites-nous, lorsque vous êtes arrivé dans ce secteur Nord

19 en avril 1992, quelle avait été la situation qui prévalait sur place? Est-

20 ce que le plan était mis en oeuvre ou plutôt est-ce que les choses se

21 passaient conformément à ce qu'il était prévu par le plan?

22 Réponse: Oui, je comprends ce que vous voulez dire. Les conditions sur

23 place étaient telles que le plan en fait était à sa phase zéro. La JNA s'y

24 trouvait encore et elle était pleinement armée, mais il y avait d'autres

25 unités dans le secteur, si vous vouliez m'amener à dire cela.

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1 Question: Merci. C'est ce que je voulais vous demander, mais je me suis

2 peut-être mal exprimée.

3 Réponse: C'est cela.

4 Question: Une fois que vous êtes arrivé là-bas, qu'est-ce que signifiait

5 votre présence pour vous, personnellement?

6 Réponse: Eh bien, comme je l'ai dit, sur le plan opérationnel la tâche la

7 plus difficile était d'organiser des rencontres avec toutes les parties en

8 présence pour aboutir à une démobilisation.

9 Et s'agissant de nos objectifs, ils se subdivisaient en trois parties.

10 D'abord nous avions un élément armé, un élément militaire des Nations

11 Unies et il s'agissait de bien faire comprendre aux gens que le plan

12 devait être mis en branle de notre part.

13 S'agissant des Serbes et des Croates locaux, ils avaient leur commandant

14 tant du côté serbe que du côté croate, et ces deux côtés-là se trouvaient

15 encore opposés l'un à l'autre avec leurs armes, leurs chars, le long d'une

16 ligne de confrontation, d'une ligne de conflit. Il fallait faire le tour

17 des uns et des autres pour savoir qui contrôlait quoi, qui était qui, et

18 leur faire savoir que nous étions sur place et qu'il s'agissait de mettre

19 un terme au conflit pour faire en sorte que les gens rentrent chez eux et

20 que les unités soient démobilisées.

21 C'était la première des exigences que nous devions appliquer.

22 Question: Mais vous nous avez dit que les Serbes et les Croates se

23 trouvaient face à face, le long d'une ligne de conflit, de confrontation.

24 Quelle avait été l'attitude des parties belligérantes à l'égard de cette

25 intervention des Nations Unies?

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1 Réponse: Il y avait une façon différente de comprendre la chose. Il

2 convient de préciser, dès le début, que l'interprétation de notre présence

3 était différente pour ce qui est des Serbes et pour ce qui est des

4 Croates, à savoir pour ce qui est de leurs attentes de notre présence. Du

5 côté serbe, nous avions des cartes qui disaient que ces secteurs-là

6 étaient censés être une zone protégée par les Nations Unies, conformément

7 au plan Vance.

8 En effet, ce plan Vance avait désigné des municipalités qui se trouvaient

9 sur les territoires où le conflit se déroulait et elles étaient nommées

10 par le plan, désignées par le plan Vance. Cela se trouvait tant au niveau

11 du secteur Nord que du secteur Est et Ouest. Et cela était connu par leur

12 nom, par les noms que ces secteurs avaient avant le conflit. Et si une

13 opstina, une municipalité faisait partie du secteur, le secteur prenait le

14 contour des frontières de cette municipalité, de cette "opstina" concrète.

15 Et vous avez vu sur la carte ce qui avait été fait comme tracé.

16 Mais leur plan à eux disait que les Nations Unies devaient suivre les

17 frontières de ces "opstina", de ces municipalités. Les Serbes, eux,

18 avaient compris les choses de façon différente. Ils avaient conduit une

19 guerre et ils s'étaient arrêtés à certaines frontières, sur certaines

20 frontières. Donc c'était cette ligne de confrontation qui était la

21 frontière qu'ils voulaient faire protéger par les Nations Unies. Et la

22 différence entre les deux interprétations en présence a été immédiatement

23 l'une des questions primordiales à résoudre. C'est ce que l'on a appelé

24 les zones roses en vertu de la résolution appropriée du Conseil de

25 sécurité des Nations Unies.

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1 Question: S'agissant du désarmement et du retrait de la JNA de Croatie,

2 avec qui vous êtes-vous entretenu?

3 Réponse: Du côté croate?

4 Du côté croate, il y avait une commission pour la coopération avec la

5 Forpronu, et cette commission chargée de la coopération avec la Forpronu

6 avait une composante militaire et une composante civile.

7 Pour ce qui est du quartier général, je dirai que nous avons commencé à

8 nous entretenir avec un général, le général Stolnik, et il y avait pour la

9 commission un certain Dr Ramljak qui était le Premier-ministre adjoint.

10 Dans mon secteur, il y avait des commandants qui avaient leur siège à

11 Sisak, Karlovac et même à Rijeka. En effet, il s'agissait d'aller vers

12 Rijeka parce qu'il y avait une partie des unités militaires qui étaient

13 chargées de contrôler le secteur Ouest et qui avaient leur siège là-bas.

14 Question: Mais pour ce qui est du côté serbe, qui était le commandant

15 militaire?

16 Réponse: Du côté serbe, c'était beaucoup plus facile parce que tout le

17 secteur Nord se trouvait sous le contrôle du 10e Corps de l'ex-JNA, et ce

18 secteur était commandé par le général Spiro Ninkovic dont le siège se

19 trouvait à Bihac.

20 Question: Vous avez dit ex-JNA, mais lorsque vous êtes arrivé, c'était

21 encore la JNA, n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui, en effet. Excusez-moi de m'être servi de ce terme-là.

23 C'était à l'époque toujours la JNA et il y avait là des commandants de la

24 JNA.

25 Question: Bien. S'agissant de votre mandat, je crois que ce mandat

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1 prévoyait de couvrir le secteur Nord en Croatie. Et dans cette phase-là,

2 en avril 1992, y avait-il un mandat opérationnel valide pour la Bosnie?

3 Réponse: Non.

4 Question: Lorsque vous êtes arrivé, est-ce que l'on envisageait là un

5 problème en Bosnie, des problèmes plutôt en Bosnie?

6 Réponse: Lorsque nous sommes arrivés là-bas, à titre de rétrospective, je

7 dirais que nous avons fait une erreur. Nous ne nous étions pas fait à

8 cette idée. Nous nous attendions à ce que toute la Bosnie-Herzégovine

9 demeure paisible et qu'il n'y ait pas de perturbations là-bas. Nous nous

10 étions attendus à des circonstances de paix en Bosnie.

11 Le quartier général de la mission était censé se trouver à Sarajevo, et

12 les bataillons logistiques pour desservir les missions devaient être

13 placés à Banja Luka aussi bien pour ce qui est du Bataillon français que

14 du Bataillon finlandais. C'était là qu'ils se trouvaient tout au début.

15 Question: Allons un peu de l'avant. Dites-nous, s'il vous plaît, si les

16 bataillons finlandais et français sont restés à Banja Luka?

17 Réponse: Bien sûr que non. Nous avons trouvé qu'il n'était pas faisable de

18 les faire rester là-bas.

19 Question: Je voudrais vous demander quelque chose concernant les contacts

20 que vous avez eus avec le côté serbe. Quelles avaient été les impressions

21 que vous vous êtes faites concernant les objectifs que s'étaient fixés les

22 Serbes?

23 Réponse: S'agissant du secteur où nous nous trouvions ou en général?

24 Question: Procédons pas à pas. D'abord, répondez-moi pour ce qui est du

25 secteur où vous vous trouviez.

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1 Réponse: Comme je vous l'ai dit auparavant, il s'agissait d'une façon

2 différente de comprendre ce qui allait se passer. Comme je l'ai dit tout à

3 l'heure, il s'agissait en premier lieu des frontières et, aux yeux des

4 Serbes, ils avaient l'impression que nous allions les remplacer sur leur

5 position, dans leurs Bunkers.

6 Lorsque les colonels venaient aux réunions, c'est ce qu'ils prévoyaient,

7 et ils étaient plutôt surpris lorsque notre général leur a dit que

8 personne n'allait prendre leur place et qu'il s'agissait de quitter ces

9 places fortes ou ces tranchées déjà prises et qu'il n'y aurait pas de

10 poursuite de combat.

11 A leur surprise, les Nations Unies n'étaient arrivées là-bas pour se

12 battre contre quiconque. Ils ne voulaient pas s'opposer à quelque effectif

13 hostile que ce soit. C'était l'expérience la plus importante qu'ils ont dû

14 assimiler une fois que nous sommes arrivés.

15 Question: Fort bien. Mais maintenant pour ce qui est des conversations que

16 vous avez eues avec les chefs, les commandants serbes, quelle avait été

17 l'idée générale qu'ils se faisaient de ce qui allait arriver?

18 Réponse: Je crois que je comprends ce que vous voulez demander. Nous

19 étions là-bas pour prêter l'oreille à ce que disait la partie civile, les

20 leaders serbes, et chaque opstina, chaque municipalité avait un maire; ce

21 qui était tout à fait permis au terme du plan Vance. C'est ce que nous

22 avons entendu dès le départ et ce qui a été réitéré par la suite bon

23 nombre de fois.

24 On disait en effet: "Nous, les Serbes, sommes convaincus que nous n'allons

25 plus jamais pouvoir vivre ensemble avec les non-Serbes, et le plus tôt les

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1 Nations Unies le comprendront, mieux cela vaudra pour ce qui est du

2 maintien de la paix dans ce secteur-ci. Nous n'avons pas du tout

3 l'intention, nous n'avons plus l'intention de vivre quoi que ce soit avec

4 qui que ce soit d'autre."

5 Vous m'avez posé la question si nous avions distingué les Serbes des

6 Croates des Musulmans, à ce moment-là, les différences sont devenues tout

7 à fait claires pour moi. Je leur demandais: "Mais qu'est-ce que vous

8 entendez par le fait de ne plus vouloir vivre avec les non-Serbes? Vous

9 n'aviez qu'un seul pays pour tous ceux qui sont là, donc à quoi mène ce

10 combat sur le territoire?" Et en particulier le territoire sur lequel nous

11 étions déployés était censé être le pays où les Serbes voulaient vivre.

12 Et je leur ai dit: "Si vous entendez vivre ici, nous sommes dans une zone

13 protégée des Nations Unies; cela implique que les Nations Unies sont là

14 pour protéger toutes ces zones. Où est-ce que vous voulez encore que ce

15 pays, que votre pays s'étende?"

16 Question: Mais ces Serbes auxquels vous vous êtes adressé au début,

17 étaient-ce des Serbes de Croatie ou y avait-il aussi des Serbes de Bosnie?

18 Réponse: Tout à fait franchement, je ne faisais pas la différence.

19 Question: Très bien. Posons la question de cette façon suivante: vous avez

20 rencontré le général Spironinkovic, qui avez-vous encore rencontré en

21 avril 1992?

22 Réponse: Du côté serbe?

23 Question: Oui, vous n'avez pas à nous donner peut-être tous les noms, mais

24 en général.

25 Réponse: Fort bien. Eh bien, pour que les choses soient tout à fait

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1 claires, lorsque le secteur a été placé sous la responsabilité du deuxième

2 corps, il a été subdivisé en zones opérationnelles. Chaque zone

3 opérationnelle avait un commandant. Et le secteur Nord comportait trois

4 parties: il y avait une zone opérationnelle de Kordun à l'ouest qui était

5 commandée par le colonel Cedo Bulat.

6 Puis dans la Banja, pas à Banja Luka comme vous avez dit tout à l'heure,

7 mais à Banja, il y avait une zone opérationnelle qui se trouvait sous le

8 commandement du général Rakovic. Et du côté sud, sur le secteur Sud de la

9 carte et que l'on ne voit pas sur la carte que vous nous avez montrée ici,

10 c'était la zone opérationnelle appelée Lika. C'était une zone plus petite

11 et cela était extérieur à mon secteur. Le siège trouvait à Korenica, mais

12 c'était aussi des commandants que nous avions contactés.

13 Question: Avez-vous contacté également des hommes politiques locaux?

14 Réponse: Oui, en effet.

15 Question: Vous nous avez dit que ce que vous avez souvent entendu dire,

16 c'est que les Serbes ne pouvaient plus désormais vivre avec les autres

17 groupes ethniques. Vous nous avez dit que les Serbes voulaient également

18 vivre dans un seul Etat. A-t-on jamais utilisé le terme de ''Grande

19 Serbie''?

20 Réponse: Non, cela a fait son apparition dans mon témoignage et cela est

21 cité entre guillemet parce que j'avais parlé, dans mon témoignage, à titre

22 rétrospectif.

23 Question: Fort bien.

24 Réponse: Et à l'époque, pour très précis, ils ne parlaient pas de ''Grande

25 Serbie'', mais ils voulaient vivre dans un seul et même Etat en leur

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1 qualité de nation serbe.

2 Question: Bien. Maintenant, s'agissant du retrait qui devait avoir lieu,

3 je voudrais que vous nous disiez brièvement ce qui se passait à l'égard de

4 la démilitarisation de cette zone concrète?

5 Réponse: Eh bien, nous avons précisé au commandant de l'époque, au général

6 Ninkovic que nous avions besoin d'un agenda et qu'il fallait une

7 identification des unités, des armes et de procéder donc par ordre pour ce

8 qui est de la démilitarisation du secteur.

9 Nous avons obtenu une sorte d'agenda pour les semaines englobant les mois

10 d'avril et de mai et le général Ninkovic a cité toutes les unités qui

11 étaient censées être démobilisées ainsi que les armes qui étaient les

12 leurs.

13 Il a également expliqué que dans le courant de la démilitarisation, étant

14 donné qu'il avait fait remarquer que nous étions des étrangers sur les

15 lieux, et là, je voudrais peut-être expliquer pourquoi. Il avait parlé de

16 choses qui ne nous avaient pas semblé être si importantes. Il nous avait

17 parlé de réalité nouvelle, de ce qui c'était passé dans l'ex-République de

18 Yougoslavie. Il avait été question de démobiliser le secteur et il a dit

19 que le QG à Belgrade avait décidé de démobiliser les officiers commandant

20 la JNA, qui n'étaient pas originaires des secteurs où nous nous trouvions

21 nous-mêmes, étaient censés donc s'en aller de là.

22 Et ceux qui restaient, resteraient entre les mains des Serbes qui sont nés

23 sur les territoires. Soit sur le secteur où nous nous trouvions ou sur le

24 secteur en face, en Bosnie qui était également placé sous leur contrôle.

25 Il a également dit qu'une fois que cela serait fait, ce qui avait

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1 constitué l'ex-Yougoslavie se murait en sept pays et il les avait nommés.

2 Question: Je vais d'abord vous poser quelques questions concernant les

3 rapports que vous avez présentés à ce sujet. Tout d'abord, je vais vous

4 demander de vous pencher sur le rapport que rédigé en date du 30 avril.

5 (Intervention de l'huissière.)

6 Je me réfère notamment au document qui porte ici le n°2. Non, ce n'est pas

7 cela. Il s'agit du document qui porte un n°2, mais il se trouve en

8 quatrième position.

9 Oui, je voudrais vérifier. Oui, c'est bien cela.

10 (Intervention de l'huissière.)

11 Merci. Ces rapports que vous avez rédigés, est-ce que ces rapports étaient

12 des rapports hebdomadaires ou quotidiens?

13 Réponse: Cela variait. Celui-ci, par exemple, fait partie de ceux que

14 j'avais rédigés immédiatement, ce jour-là après la réunion parce que

15 c'était quelque chose que je voulais noter au rapport immédiatement.

16 Question: Fort bien.

17 Réponse: Mais à la fin de la semaine, je rédigeais d'habitude un rapport

18 de situation générale et les cadres de ce rapport englobaient la semaine

19 entière. Cela faisait partie d'une autre catégorie de rapport.

20 Question: Mais s'agissant de ce rapport particulier, cela avait trait à la

21 réunion que vous aviez eue?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Et en sus, avez-vous pris des notes pour ce que vous avez

24 désigné par la suite de "journal"?

25 Réponse: Dans mon journal, je faisais une compilation de ce qui se disait,

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1 de ce qui figurait dans les rapports.

2 Question: Je vais vous poser une question maintenant s'agissant des

3 conversations que vous avez eues.

4 Réponse: Cela figure au rapport du 30 avril.

5 Question: C'est cela.

6 Réponse: Très bien.

7 Question: Et comme nous allons le voir, cela a trait à la réunion du 29.

8 Réponse: Je vous remercie. Allez-y.

9 Question: Si nous nous penchons sur ce rapport, nous pouvons voir qu'il y

10 a eu une réunion avec le général, je crois que c'est Ninkovic, alors

11 qu'ici on dit Nikovic.

12 Réponse: Non, depuis le début, en sa présence, je l'ai appelé Nikovic.

13 Peut-être me trompais-je, mais il a eu l'amabilité de ne pas me rectifier

14 et donc l'erreur que j'ai commise s'est perpétuée.

15 Question: Il y a eu une rencontre à Bihac, que vous avez citée dans votre

16 rapport, et il y a été question d'affaires politiques et civiles. Vous

17 avez noté au paragraphe 2 comme suit: "Le général Nikovic a annoncé qu'à

18 partir du jour d'avant il y avait une Yougoslavie nouvelle composée des

19 Républiques de Serbie et du Monténégro." (Fin de citation).

20 Et il a dit qu'il continuerait à être général et qu'il continuerait à être

21 soldat de ce nouveau pays.

22 Cette évolution posait des problèmes politiques et des incertitudes,

23 notamment des problèmes pratiques sur le territoire de la Krajina serbe et

24 en Bosnie. Il était clair que, suite à la mise en place d'une réalité

25 nouvelle, la JNA ne faisait plus partie de la réalité politique de cette

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1 région-là.

2 Je voudrais donc vous poser deux questions à ce sujet: quels étaient les

3 problèmes pratiques que vous aviez prévus pour la Krajina Serbe? Et quand

4 vous dites Krajina serbe, est-ce que vous parlez du secteur qui se trouve

5 du côté croate ou du côté bosniaque?

6 Réponse: Là, nous avons besoin de clarifier les choses pour répondre.

7 Parmi les pays nouveaux qui étaient censés prendre naissance à partir de

8 l'ex-Yougoslavie, il y avait ce nom ou ce territoire que l'on désignait

9 par "République de Krajina serbe". Et tous les autres restaient sur le

10 territoire de ce qui avait été des Républiques: République de Slovénie, de

11 Croatie, de Macédoine, de Bosnie-Herzégovine. Mais on avait ajouté une

12 République de Krajina serbe.

13 Question: Fort bien.

14 Réponse: Et à cette époque, vous devez réaliser que le problème était de

15 nature pratique tout d'abord parce que la question était de savoir où se

16 situerait cette Krajina serbe. Parce que si cela se trouvait à l'intérieur

17 des zones protégées des Nations Unies, des zones UNPA, cela n'était pas

18 compris ou englobé par le plan Vance et il n'y avait pas d'autorité

19 reconnue en tant que tel sur le territoire des "opstina", des

20 municipalités en question, parce qu'au terme du plan Vance, l'autorité la

21 plus éminente sur chaque territoire ou chaque bout de territoire était une

22 sorte de gouvernement civil, donc de la "opstina" en question. Il devait y

23 avoir un maire, un chef de police et cette police devait porter seulement

24 des armes légères. Et il n'y avait pas d'autorité prévue pour ce qui est

25 d'un gouvernement de la Krajina serbe.

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1 Question: Fort bien. Donc nous allons réviser ou revenir les choses et

2 nous référer à votre rapport. Vous nous avez dit qu'il avait été questions

3 d'une République de Serbie et du Monténégro qui constituerait la nouvelle

4 Yougoslavie? Qu'est-ce que dit votre rapport à ce sujet?

5 Réponse: Oui, il avait cité six pays à mettre en place à partir de l'ex-

6 Yougoslavie, puis il avait dit: "Oh, je m'excuse, sept plutôt." Il a cité

7 la Slovénie, la Croatie, la République fédérale de Yougoslavie, à savoir

8 la Serbie et le Monténégro, puis la Krajina serbe, la Macédoine et la

9 Bosnie-Herzégovine qu'il n'avait pas définie ou précisée davantage.

10 Question: Fort bien. Si nous nous penchons maintenant pour quelques

11 instants sur ce qui figure à votre rapport...

12 Réponse: Excusez-moi, juste encore une chose qu'il avait précisée. Je

13 viens de le voir -je cite-: "L'accord gouvernemental avec la République de

14 Croatie dit que ce que la Forpronu conviendra avec Belgrade s'appliquera à

15 la République serbe de la Krajina."

16 Question: Bien. Comment est-ce que vous avez compris cela? Pour ce qui est

17 de la réalité politique, qu'entendait-il par là?

18 Réponse: Etant donné qu'au cours de cette réunion, nous parlions de la

19 démobilisation, il s'agissait de nous assurer que ce qui était convenu

20 lors de cette réunion -puisqu'il était officier de la JNA- serait rapporté

21 à Belgrade et s'appliquerait à la région de la République serbe de

22 Krajina. Je pense que c'est ce qu'il voulait dire par là.

23 Question: Au deuxième paragraphe de votre rapport, vous avez indiqué que

24 l'une des options considérées était que tous les officiers de la JNA et

25 tout le personnel de la JNA, qui n'étaient pas nés en Krajina serbe ou en

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1 Bosnie-Herzégovine, se verraient recommander de partir pour aller dans la

2 nouvelle Yougoslavie; que donc tous les soldats nés dans la région

3 resteraient sur place avec les équipements et les armes nécessaires afin

4 de faire contrepoids aux Croates qui renforçaient leurs positions.

5 Je pense que vous avez déjà mentionné cela. Pour ce qui est du reste du

6 rapport, vous parlez des modalités de retrait de la JNA, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Pourriez-vous à présent vous reporter à la dernière partie, au

9 dernier paragraphe de votre rapport, qui commence ainsi -je cite-:

10 "L'émergence récente d'une nouvelle milice renforcée est manifeste.

11 D'anciens véhicules militaires ont été repeints en bleu alors qu'ils

12 étaient verts auparavant, et cela représente les couleurs des nouvelles

13 forces de police en présence. De nombreux membres de la milice ont

14 commencé à arborer des uniformes de couleur bleue. Ils sont déployés le

15 long de la ligne de front. La JNA semble prendre avantage du plan Vance

16 qui, apparemment, exclut les unités de la police et ainsi de suite."

17 Comment est-ce que vous comprenez cela, qu'entendiez-vous par la?

18 Réponse: J'ai indiqué à mon QG qu'il y avait un problème dans le plan

19 Vance, que les Serbes ont déjà commencé à exploiter les problèmes du plan

20 Vance, les failles de ce plan, et que puisqu'ils avaient commencé à

21 démobiliser leurs forces, en fait, ils étaient autorisés à maintenir une

22 force de police qu'ils allaient transformer en unité de combat afin de

23 respecter le plan Vance.

24 Question: En d'autres termes, on avait donné aux forces de police des

25 véhicules militaires. Est-ce qu'on leur avait donné des armes également?

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1 Réponse: A ce moment-là, il se passait deux choses. On essayait

2 d'identifier les armes nécessaires pour l'application du plan Vance. Donc

3 ces armes devaient être gardées en stock, gardées par les forces de la

4 Forpronu et les autorités locales. Et on a remarqué que ces armes étaient

5 redistribuées aux forces de police, c'est ce qu'on a remarqué.

6 Question: Très bien. Pour ce qui est de cette réunion, est-ce que vous

7 avez évoqué avec le général le problème des réfugiés de Karlovac?

8 Réponse: Oui, j'ai été appelé par la partie croate. Il y avait un stade de

9 football ou un terrain de football à Karlovac, et ils avaient rassemblé à

10 Karlovac un certain nombre de personnes. Ils voulaient traverser le

11 secteur pour se rendre dans la poche de Bihac, et je me suis rendu sur

12 place pour les voir. Il y avait des véhicules sur place qui portaient des

13 plaques d'immatriculation d'Autriche ou d'endroits en Croatie.

14 Les personnes musulmanes avec qui je me suis entretenu, la majorité

15 d'entre elles m'ont dit qu'elles ne voulaient pas revenir à Bihac et elles

16 voulaient traverser le secteur pour aller à Bihac. Voilà ce dont nous

17 avons parlé avec le général Ninkovic.

18 Question: Et qu'a-t-il répondu?

19 Réponse: Il m'a dit: "Eh bien, s'ils viennent ici, nous allons les

20 accueillir comme il faut!"

21 Question: Je pense que, dans votre journal, vous avez mentionné cela. Est-

22 ce que vous pourriez nous répéter ces termes exacts?

23 Réponse: Quelle date s'il vous plaît?

24 Question: Le 29, il s'agit de la même réunion.

25 Réponse: Il m'a dit: "Je n'autoriserai jamais cela, nous n'autoriserons

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1 jamais cela. Ils disent qu'ils sont Musulmans, en fait non, ils sont

2 entraînés en Autriche et en Allemagne pour combattre. Nous allons leur

3 préparer un concert". Voilà ses termes.

4 Question: Les personnes en question, est-ce qu'elles semblaient être des

5 combattants entraînés, celles qui voulaient se rendre en Bosnie? Quelle

6 était votre impression?

7 Réponse: C'était difficile à dire. Il s'agissait de civils qui portaient

8 des tenues civiles, mais peut-être qu'ils étaient aptes à combattre et ils

9 semblaient en bonne santé, normaux, etc.

10 Question: Est-ce qu'il s'agissait de personnes individuelles ou de

11 familles?

12 Réponse: Il s'agissait essentiellement d'hommes.

13 Question: Est-ce que la remise des armes et des véhicules militaires à la

14 police a continué?

15 Réponse: Oui, ceci a continué. Le 10 mai… Aux environs du 10 mai, j'ai

16 remarqué dans mon rapport que le général Ninkovic m'avait dit qu'il

17 n'était plus aux commandes. Le général Ninkovic, lorsque nous l'avons vu,

18 a considéré que c'était une bombe à retardement et il nous a dit: "Je ne

19 suis plus au commandement de tout cela".

20 Question: Alors nous allons passer à une période qui se trouve se trouvent

21 un peu plus tard.

22 Réponse: Très bien.

23 Question: Alors, je crois que vous avez consigné un incident au cours

24 duquel vous avez rencontré des personnes qui quittaient la Bosnie le 30

25 avril et je crois que vous avez consigné qu'ils partaient dans une voiture

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1 un peu spéciale?

2 Réponse: Oui, oui, tout à fait. C'était une famille. C'était la première

3 famille à partir, à ma surprise, et la première indication que dans le

4 secteur en Bosnie, une famille était arrivée et était en détresse. La

5 famille est arrivée dans le secteur Nord et avait été mal reçue par les

6 Serbes. Et c'est comme ça que nous avons remarqué cela. Il y avait un

7 homme, une femme et un enfant.

8 Question: C'est cela que vous entendez?

9 Réponse: Oui, tout à fait.

10 Question: Et vous avez consigné ceci dans votre journal?

11 Réponse: Oui, absolument, parce que nous avions décidé de les protéger

12 parce qu'ils étaient harcelés et le harcèlement provenait des autorités

13 serbes. La famille était une famille, je me souviens, je l'avais consigné

14 dans mes notes à ce moment-là… Et la plaque d'immatriculation était une

15 plaque suisse. Ils avaient des documents pour voyager, ils avaient un

16 passeport. Le mari était d'origine turque, la femme était originaire de

17 Bosanski Novi; ils s'étaient rendus à Bosanski Novi et ils sont venus nous

18 voir. Ils étaient véritablement une famille en détresse.

19 Question: Et à quoi était due cette détresse?

20 Réponse: Ils ne souhaitaient pas me parler à ce stade-ci de Bosanski Novi.

21 Ce qui les préoccupait particulièrement, c'était le fait que les Serbes,

22 dans le secteur Nord, souhaitaient qu'ils déposent la voiture, qu'ils la

23 laissent. Et ils se sont sentis très peu en sécurité.

24 Personnellement, je ne comprenais pas parce que nous étions là. La

25 présence des Nations Unies était visible. Il n'y avait pas de combat à ce

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1 moment-là et je me demandais pourquoi le chef de la police à Vojnic les

2 avait interpellés et pourquoi ils avaient été harcelés.

3 Question: Très bien. Alors, avez-vous dû avoir recours à la police civile

4 des Nations Unies?

5 Réponse: Oui, tout à fait et ce, juste devant la chambre de leur hôtel.

6 Réponse: Absolument. J'ai dû appeler le chef de la police civile et j'ai

7 dû mettre des gardes devant leur porte pendant toute la nuit, devant leur

8 hôtel, et le lendemain nous leur avons dit que nous allions les évacuer,

9 et ce, pour assurer leur sécurité, bien sûr. Et nous les avons transférés

10 de leur voiture à la nôtre de façon à ce qu'ils puissent sortir de

11 Karlovac.

12 Question: Maintenant, j'aimerais passer au lendemain, le 4 mai. Encore une

13 fois, vous avez consigné cet élément dans votre journal. Pardonnez-moi,

14 document 2 qui porte la cote, s'il vous plaît, P1646.

15 Réponse: Il s'agit du 4 mai?

16 Question: Absolument.

17 Question: Absolument. Le 4 mai, je crois vous avez eu une réunion avec le

18 général Ninkovic.

19 Réponse: Oui, tout à fait. Oui, j'ai retrouvé le passage.

20 Question: Et est-ce que vous avez parlé de la question des frontières au

21 cours de cette réunion?

22 Réponse: Il s'agissait d'une continuation de la question de savoir quelles

23 étaient les unités qui devaient être démobilisées et quel était le délai

24 prévu pour cette démobilisation?

25 Question: Est-ce que vous avez parlé dans votre agenda, dans vos notes de

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1 l'humeur dans laquelle se trouvait le général Ninkovic?

2 Réponse: Oui. Lorsque nous avons commencé à parler de la question de la

3 démobilisation, il nous avait donné les dates prévues pour cette

4 démobilisation... Juste un instant, je vous prie. Mes notes sont très

5 denses, donc il est un peu difficile de retrouver le passage en question.

6 (Le témoin cherche le passage.)

7 Vous me parliez de son humeur, n'est-ce pas?

8 Question: Est-ce que vous vous souvenez qu'il vous a dit être de mauvaise

9 humeur et vous a expliqué pourquoi?

10 Réponse: Oui, je sais qu'il était de mauvaise humeur et je sais pourquoi,

11 mais j'essaie de retrouver le passage.

12 Question: Peut-être qu'il s'agissait du 5, de la date du 5?

13 Réponse: Oui, je me souviens de son humeur, mais toujours est-il que je

14 m'en souviens, je peux vous en parler.

15 Question: Oui, si vous vous en souvenez.

16 Réponse: Oui, il était de mauvaise humeur. En tant que soldat, il suivait

17 tout et, quelques jours avant cette réunion, il y a eu une information aux

18 actualités au sujet d'un événement à Sarajevo lié à la mort de certains

19 collègues. Il s'agissait de sept de ses collègues. Il les connaissait

20 personnellement et cela l'avait mis de très mauvaise humeur.

21 Question: Est-ce qu'il vous a parlé de troubles, d'agressions dans la

22 région de la Krajina? Peut-être que vous souhaitez consulter vos notes à

23 ce sujet?

24 M. Kirudja (interprétation): Est-ce que vous pourriez être un peu plus

25 précise pour ce qui est de ces troubles?

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1 Mme Korner (interprétation): S'il n'y a pas d'objection, je peux poser des

2 questions directes au témoin à partie de sa déclaration?

3 M. le Président (interprétation): Y a-t-il une objection?

4 Me Ackerman (interprétation): Oui, j'ai une objection sur cette

5 déposition, parce que nous parlons de la Croatie et cela n'a rien à voir

6 avec l'Acte d'accusation en l'espèce. Donc je ne comprends pas pourquoi

7 nous passons autant de temps sur la Croatie parce que cela ne me semble

8 pas pertinent. Mais si les juges pensent que nous devons continuer sur la

9 Croatie, alors je n'ai pas d'objection.

10 Mme Korner (interprétation): Il s'agit du contexte et de l'évolution de la

11 situation. Donc ce qu'il s'est passé au mois d'avril et de mai ne peut pas

12 être dissocié des événements de Bosanski Novi puisque Bosanski Novi se

13 trouve juste à la frontière.

14 M. le Président (interprétation): Oui, vous pouvez poursuivre, Madame

15 Korner, mais uniquement sur cette question.

16 Mme Korner (interprétation): Très bien.

17 Donc il vous a expliqué ce qu'il s'était passé et ce qu'il a décrit comme

18 le massacre de soldats de la JNA à Sarajevo. Est-ce qu'il vous a dit qu'il

19 avait des informations concernant le fait que l'autre partie belligérante

20 voulait mener une agression en Krajina, aux alentours du 15 mai?

21 M. Kirudja (interprétation): Oui, il ne s'agissait pas de quelque chose de

22 nouveau dans notre rapport. Il était question de laisser des armes dans la

23 perspective d'attaques futures et c'est pour cela qu'il avait laissé des

24 armes.

25 Question: Très bien. Donc au cours de cette réunion, est-ce qu'il vous a

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1 dit que ce matin-là la Yougoslavie avait appelé ses citoyens à quitter les

2 unités de la JNA en Bosnie et à rentrer sur le territoire yougoslave?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Il s'agit de la réunion du 5 mai?

5 Réponse: C'est exact.

6 Question: Très bien. Est-ce qu'il vous a expliqué que, d'après lui, à

7 partir de ce moment-là, la JNA n'aurait plus d'influence en Bosnie?

8 Réponse: Oui, c'est ce qu'il m'a dit.

9 Question: Et il n'y avait plus que 13 officiers qui restaient en Croatie,

10 officiers de la JNA originaires de Yougoslavie qui restaient en Croatie et

11 en Bosnie? Tous les autres étaient des Serbes de Bosnie ou des Serbes de

12 Krajina, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Donc les officiers ou les soldats qui n'étaient pas originaires

15 de Bosnie ou de Croatie étaient renvoyés en Yougoslavie. Les forces serbes

16 en Bosnie établiraient donc leur propre armée avec leurs propres armes en

17 Bosnie. Et tout cela se trouverait dans les mains des Serbes locaux en

18 vertu du nouveau système.

19 Réponse: Oui, je vois que vous lisez mes notes.

20 Question: C'est exact. Etes-vous d'accord, est-ce que vous avez retrouvé

21 ce passage dans vos notes?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Et finalement, il dit que 80% du territoire serbe se trouverait

24 sous le contrôle des unités serbes, 80% du territoire bosniaque serait

25 sous le contrôle des unités serbes?

Page 14404

1 Réponse: Oui.

2 Question: Et il a également ajouté que 93% du 10e Corps de la JNA seraient

3 composés de Serbes locaux, Serbes de la Krajina?

4 Réponse: C'est exact.

5 Question: Est-ce qu'il a poursuivi en disant que la JNA avait des

6 problèmes parce que certaines unités locales ne voulaient pas renoncer à

7 leurs armes?

8 Réponse: Oui, cela avait un rapport avec d'autres choses. Il était soldat

9 et il avait... Il était d'accord pour faire ce que les Nations Unis

10 voulaient qu'il fasse. Il était d'accord avec les délais prévus et les

11 moyens prévus et il y avait des problèmes de résistance des poches de

12 résistance, n'est-ce pas.

13 Question: Et cette résistance était le fait de qui, d'après ce que vous

14 avez compris?

15 Réponse: Cela n'est devenu clair que beaucoup plus tard lorsqu'il est

16 parti. Apparemment, les forces de la Défense territoriale sur place

17 avaient une autre idée que ce qu'il avait à l'esprit.

18 Question: Très bien. Nous allons parler du 10 mai. Vous avez eu cette

19 réunion avec lui. Est-ce que c'est là qu'il vous a dit qu'il allait

20 prendre sa retraite et que le commandant provisoire du secteur Nord serait

21 le général Rakovic?

22 Réponse: Oui, et j'ai retrouvé dans mes notes que les dates prévues, donc

23 tout cela devait être fini d'ici le 23 mai. Le 10 mai, il m'a annoncé

24 qu'il allait prendre sa retraite.

25 Tout cela n'était pas très cohérent. Si vous allez être démobilisé, que

Page 14405

1 vous êtes soldat, vous avez deux semaines et un calendrier prévu. Il n'est

2 pas logique de prendre sa retraite trois semaines avant le début… avant de

3 terminer une opération. Et c'est pour cela que j'ai parlé de résistance.

4 Question: Très bien. Voilà comment les événements se sont développés pour

5 ce qui est de la frontière.

6 Est-ce que vous pourriez examiner le document n°4, s'il vous plaît? De

7 quel type de document s'agit-il?

8 (Intervention de l'huissière.)

9 Réponse: Il s'agit d'un rapport quotidien concernant la situation. Il

10 émane de notre QG. Il s'agit d'un rapport concernant la situation

11 militaire.

12 Question: Il est daté du 8 mai ou du 11 mai?

13 Réponse: Il est daté du 11 mai, 23 heures.

14 Question: Si on examine le point 2b), on peut voir que le chef de la

15 police Nikola Bijelac fait rapport à Dankon. S'agit-il du contingent

16 danois?

17 Réponse: Il s'agit du contingent danois, et on peut voir que les Serbes,

18 des Serbes en uniforme de la milice avaient traversé vers Dvor pour

19 désarmer tous les membres de la milice musulmane à Bosanski Novi.

20 Question: Est-ce que c'est la première fois que vous avez réalisé qu'il y

21 aurait peut-être des problèmes concernant Bosanski Novi?

22 Réponse: Je ne sais pas si c'était la première fois mais cela a confirmé

23 quelque chose que j'ai évoqué précédemment lorsque je décrivais la carte

24 et lorsque j'ai dit que les Serbes se faisaient face au niveau de la

25 frontière, qu'il s'agisse de la partie croate ou de Bosanski Novi. Et j'ai

Page 14406

1 également mentionné le fait que cette frontière n'était pas un problème

2 lorsqu'ils se faisaient face. Ils pouvaient traverser de part et d'autre

3 de la frontière sans problème, comme il est mentionné dans le rapport.

4 Question: Très bien. Au point 3, pour ce qui s'agit des affaires

5 courantes, la situation concernant les véhicules du contingent danois à

6 Bosanska Krupa est restée inchangée. A quoi cela faisait-il référence?

7 Réponse: Il s'agit d'une question qui remonte à la visite de Nambiar dans

8 le secteur. Lorsqu'il est parti, il a été escorté par un convoi militaire,

9 et, à la tête de ce convoi, se trouvaient des véhicules de la Dakon, des

10 véhicules militaires. Et alors qu'il se rendait à Bosanska Kostajnica, de

11 l'autre côté de la Bosnie, le convoi a été arrêté et les véhicules ont été

12 saisis par les Serbes. Et plus tard, ils ont retrouvé la trace de ces

13 véhicules peints en bleue chez les policiers de Bosanska Krupa.

14 Question: Quand vous parlez de Nambiar, vous parlez du général Nambiar?

15 M. Kirudja (interprétation): Oui, de Satis Nambiar. Il était venu en

16 visite dans notre secteur.

17 Mme Korner (interprétation): Très bien. Est-ce que l'on pourrait attribuer

18 à ce document la cote P1647?

19 A présent, je souhaiterais parler d'une autre réunion...

20 M. Ackerman (interprétation): Oui, je souhaiterais soulever une question

21 simplement. Je dois demander à ce que l'on fasse une copie de ces

22 journaux, de ces notes auxquelles le témoin fait référence et que cela

23 soit communiqué à la défense, car je suis cela m'inquiète que cela n'ait

24 pas été fait plus tôt. Et cela me paraît inéquitable que le Procureur

25 utilise ces documents sans qu'ils aient été communiqués à la défense,

Page 14407

1 M. le Président (interprétation): Il s'agit de documents confidentiels,

2 Maître Ackerman.

3 M. Ackerman (interprétation): Non, puisqu'ils sont utilisés dans le

4 prétoire. Ils devraient donc être communiqués aux deux parties.

5 M. le Président (interprétation): Les documents qui sont utilisés dans le

6 prétoire ne sont plus des documents confidentiels, mais ceux qui ne l'ont

7 pas été demeurent confidentiels.

8 M. Ackerman (interprétation): Toujours est-il que je m'oppose à ce que ces

9 documents soient utilisés sans avoir été communiqués au préalable à la

10 défense.

11 M. le Président (interprétation): Si vous voulez que les Juges décident à

12 ce sujet, je vous demanderai de bien vouloir déposer une requête à cet

13 effet.

14 M. Ackerman (interprétation): Cela me paraît tout à fait inéquitable.

15 Mme Korner (interprétation): Peut-être qu'il est inutile d'avoir ce type

16 de discussion devant le témoin.

17 M. le Président (interprétation): Je suggère une pause de 25 minutes.

18 Mme Korner (interprétation): Très bien.

19 M. Kirudja (interprétation): Puis-je prendre ces documents confidentiels

20 avec moi?

21 M. le Président (interprétation): Oui.

22 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est reconduit hors du prétoire.)

23 (Questions relatives à la procédure.)

24 Mme Korner (interprétation): Cette question a été soulevée dans l'affaire

25 Milosevic et le Juge May a rendu une décision tout à fait claire à ce

Page 14408

1 sujet: il a dit qu'il s'agissait de documents confidentiels des Nations

2 Unies. Toutefois, il m'est apparu manifeste, lorsque j'ai examiné la

3 déclaration et que j'ai examiné ces rapports, qu'il a dû se baser sur ses

4 notes pour établir sa déclaration.

5 M. le Président (interprétation): Ce qui est confidentiel reste

6 confidentiel.

7 Mme Korner (interprétation): Je pense que Me Ackerman a le droit d'obtenir

8 une copie des pages auxquelles on a fait référence, mais je ne pense pas

9 qu'il puisse être autorisé à avoir accès à l'ensemble des documents en

10 question, car le témoin est un employé des Nations Unies et il s'agit de

11 documents appartenant aux Nations Unies.

12 M. Ackerman (interprétation): Il me semble, et si je me trompe Mme Korner

13 peut me corriger, que ce témoin a communiqué les documents en question au

14 Procureur et aux représentants du Bureau du Procureur de façon à ce que

15 ces derniers puissent prendre les parties qui les intéressent. Donc

16 pourquoi l'a-t-il fait pour l'accusation et pourquoi est-ce que l'on ne

17 peut pas donner accès aux personnes de la défense à ces documents? Je ne

18 pense pas que ce soit équitable ni approprié.

19 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous supposez donc qu'il a

20 donné accès à l'intégralité de ses notes? Et peut-être que ce n'était pas

21 le cas.

22 M. Ackerman (interprétation): Si on demande au Procureur comment cela

23 s'est passé, les documents restent privilégiés quoi qu'il en soit, et la

24 défense peut demander à en avoir une partie, mais cela demeure quand même

25 des documents confidentiels.

Page 14409

1 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, comme avec tous les

2 témoins, votre…

3 M. le Président (interprétation): Vous savez tout à fait que nous allons

4 passer en audience à huis clos à cause des informations que nous avons.

5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je peux

6 dire que M. Kirudja, lorsqu'il a lu en fait ses déclarations, avait déjà

7 ces journaux devant lui et on lui a demandé de vérifier les différents

8 points de son journal avant de faire sa déclaration. Et vous avez vu la

9 déclaration qui a été faite et donnée en 1999. Aucune des personnes qui a

10 pris la déclaration n'est encore parmi nous aujourd'hui. Je ne sais donc

11 pas comment cette déclaration a été prise, mais je sais certainement que…

12 je sais ce qui s'est produit lorsque je lui en ai parlé à l'époque et

13 avant qu'il vienne témoigner.

14 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, certainement, si Me Ackerman le

15 souhaite, qu'il vérifie son journal pour voir s'il y a des paragraphes

16 concernant quelque chose qui intéresse Me Ackerman, il le fera; mais je ne

17 pense pas que Me Ackerman peut simplement aller chercher des éléments qui

18 l'intéressent dans le journal et prendre ce qui l'intéresse.

19 M. le Président (interprétation): Très bien, nous allons faire une pause

20 de 25 minutes. Ce qui signifie que nous allons reprendre à 11 heures.

21 (L'audience, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 11 heures 05.)

22 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, s'il vous plaît, avant

23 de faire revenir le témoin, pouvons-nous passer en séance à huis partiel?

24 M. le Président (interprétation): Oui.

25 Mme Korner (interprétation): S'il vous plaît, en séance à huis clos

Page 14410

1 partiel.

2 M. le Président (interprétation): Oui, sans problème.

3 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 05.)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (Audience publique 11 heures 07.)

25 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, chose que j'ai

Page 14411

1 remarqué -c'est peut-être un petit peu difficile parce qu'il n'y a pas de

2 version en BCS-, les personnes qui nous entendent et qui nous écoutent ne

3 peuvent pas suivre les différentes pièces qui sont communiquées parce que

4 nous ne mettons pas les différents documents en question sur le

5 rétroprojecteur. Je ne sais pas très bien ce qu'il faut faire. Faut-il

6 peut-être leur remettre des exemplaires? Je viens de remarquer...

7 M. le Président (interprétation): Oui, nous pouvons leur remettre trois

8 copies.

9 Mme Korner (interprétation): Je viens de le remarquer parce qu'il y a des

10 personnes qui sont venues ce matin et qui n'ont que la version anglaise.

11 M. le Président (interprétation): J'apprécie cela, que vous fassiez la…

12 J'apprécie votre commentaire. Nous pouvons partager, bien évidemment, nos

13 documents, et leur en remettre. Très bien, Madame Korner?

14 Mme Korner (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président. Nous

15 pouvons utiliser les nôtres et Mme Gustin a également un exemplaire

16 qu'elle peut remettre et nous allons utiliser les nôtres.

17 M. le Président (interprétation): Très bien.

18 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est introduit dans le prétoire.)

19 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?

20 (Suite de l'interrogatoire principal du témoin, M. Charles Kirudja, par

21 Mme Korner.)

22 Mme Korner (interprétation): Monsieur Kirudja, j'aimerais maintenant

23 passer à la mi-mai, à savoir le 19 mai très exactement, et je crois que

24 vous avez tenu une réunion à la demande de la communauté de Bihac et, par

25 la suite, je crois que vous avez préparé ou en tout cas un membre de votre

Page 14412

1 équipe a préparé un rapport là-dessus.

2 Pourriez-vous vous tourner, s'il vous plaît, vers le document n°5 qui

3 porte la cote P15658, s'il vous plaît? Et 1658 qui est déjà dans la liasse

4 de documents qui a été fournie.

5 (Intervention de l'huissière.)

6 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, il y a eu un léger souci à cet

7 égard. Comme d'habitude, je m'en excuse; c'est tout à fait de ma faute.

8 Dans la liasse, nous n'avons que les deux premières pages de ce rapport;

9 en tout cas, la page de garde. Le document lui-même est beaucoup plus long

10 que cela et il contient un rapport daté du 20 mai ainsi que d'autres

11 éléments. Et je n'ai pas fait référence à la liasse de documents de Novi,

12 mais le document original fourni par M. Kirudja était un rapport assez

13 long.

14 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je ne sais pas si vous avez eu

15 connaissance de ce document? Non, vous n'avez pas eu connaissance de ce

16 document. Très bien.

17 Alors puis-je, s'il vous plaît, pour l'instant mettre ce document sur le

18 rétroprojecteur de façon à ce que M. Kirudja puisse le voir et m'assurer

19 que des exemplaires de ce document soient remis après la pause suivante?

20 Je crois que Me Ackerman a effectivement reçu ce document original de M.

21 Kirudja qui est daté du 20 mai 1992, secteur Nord.

22 M. le Président (interprétation): Oui. Maître Ackerman?

23 M. Ackerman (interprétation): Oui, c'est mon écriture. Il me semble que

24 j'ai la même chose, à savoir les deux premières pages avec quelque deux

25 pages supplémentaires, mais qui semblent avoir des caractères d'imprimerie

Page 14413

1 différents et la pagination est différente. Je crois que c'est également

2 daté du 10 mai, mais je n'en suis pas sûr.

3 Mme Korner (interprétation): Me Ackerman a reçu l'ensemble des pièces

4 communiquées; la liasse complète que nous avons remise pour l'instant

5 datait du 25 juin 2001. Et je vais remettre pour l'instant ce document sur

6 le rétroprojecteur et je m'arrangerai par la suite pour que le document

7 soit remis aux parties concernées.

8 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Madame Korner?

9 Mme Korner (interprétation): Merci beaucoup.

10 Madame l'Huissière, pouvez-vous montrer ce document sur le rétroprojecteur

11 également?

12 Monsieur Kirudja, nous allons donc mettre ce document sur le

13 rétroprojecteur. Si vous pouviez… Est-ce que vous pouvez me redonner mon

14 exemplaire et nous allons mettre un exemplaire sur le rétroprojecteur?

15 Merci.

16 (Intervention de l'huissière.)

17 Ce rapport qui est un rapport de trois pages… Pardonnez-moi, Madame

18 l'Huissière, pourrions-nous regarder la troisième page, s'il vous plaît,

19 et pourriez-vous regarder la signature qui s'y trouve?

20 Ce document est signé de la main de quelqu'un qui s'intitule (sic) Paolo

21 Raffone qui était le directeur adjoint des affaires civiles. Etait-ce un

22 de vos subornés?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Pouvons-nous, maintenant nous tourner vers la première page,

25 s'il vous plaît?

Page 14414

1 (Intervention de l'huissière.)

2 La date du 20 mai 1992 y figure. "Objet: Note sur la situation dans la

3 région de Bihac à la frontière de la Bosnie dans le secteur Nord et

4 l'incidence sur le secteur Nord, ainsi qu'analyse politique."

5 Ici, c'est une description de la région de Bihac au plan géographique et

6 ethnique, et elle précise que la majorité des habitants, à savoir 250.000

7 habitants de la région de Bihac, sont principalement Musulmans: "Bihac:

8 66,6%; Cazin: 97,6; et ensuite Bosanska Krupa: 74,5." Il semblerait

9 qu'aucune personne d'origine ethnique serbe ne vive dans cette région.

10 Ensuite, il parle de différentes infrastructures. Si nous regardons

11 maintenant la partie qui concerne l'analyse politique, pourriez-vous

12 montrer cette partie sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît, un peu plus

13 haut?

14 (Intervention de l'huissière.)

15 Merci. Et les représentants de la communauté de Bihac expliquent que leur

16 partenaire commercial principal était la République de Croatie. Ils

17 estiment que les Croates et les Musulmans peuvent combattre ensemble

18 contre l'ennemi commun, à savoir les Serbes en Bosnie-Herzégovine.

19 En fait, l'ensemble de la région est resté assez paisible à l'inverse du

20 reste du territoire de Bosnie-Herzégovine. De nouveaux événements ont été

21 envisagés à la suite des conditions de vie qui deviennent de plus en plus

22 difficiles. Bon nombre de personnes reconnaissent que les Serbes sont à

23 l'origine de toutes leurs difficultés et, pour cette raison, des factions

24 ou des groupes pourraient s'opposer aux Serbes, dans la République serbe

25 de Krajina ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine.

Page 14415

1 Et je vais maintenant résumer: M. Raffone a expliqué les raisons pour

2 lesquelles ces sentiments vis-à-vis des Serbes commençaient à naître, y

3 compris le retrait de la JNA de la région a également contribué à ces

4 sentiments négatifs à l'égard à populations ethniques serbes.

5 Ensuite, pouvons-nous passer à la page suivante, s'il vous plaît? M.

6 Raffone a indiqué que la région était soumise à des blocus, et ce, de

7 façon importante. Il était très rare de rencontrer des camions de

8 marchandises et les autorités elles-mêmes avaient reconnu qu'elles étaient

9 encerclées et qu'elles souffraient des blocus. Les autorités de la

10 république serbe de la Krajina n'ont pas la même attitude. J'aimerais

11 souligner le fait que les deux régions soufraient des mêmes manques

12 d'approvisionnements à cause du blocus.

13 Ensuite, M. Raffone a clairement précisé les raisons, en fait, du blocus.

14 La Croatie ne souhaitait pas participer à un quelconque mouvement dans la

15 région de Bihac. La majorité des Croates qui vivaient à cet endroit-là

16 avaient déjà fui. Ces Musulmans étaient des forces nouvelles qui devaient

17 combattre les Serbes en Bosnie-Herzégovine et la majorité d'entre eux

18 voulait rejoindre les Bérets verts à Sarajevo.

19 Puis-je faire une pause pendant un moment?

20 Monsieur Kirudja, que signifie ce terme ''Bérets verts''? Est-ce que c'est

21 quelque chose que vous connaissez?

22 Réponse: Non.

23 Question: J'aimerais parler un petit peu davantage de la Croatie. La

24 Serbie, à l'origine, a essayé d'ouvrir un corridor en Bosnie-herzégovine

25 du nord pour rejoindre les enclaves serbes. Au plan historique, il s'agit

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1 de la "grande Serbie". Ce concept de couloir était-ce quelque chose que

2 vous connaissiez à la date du 20 mai ou dont vous aviez entendu parlé à la

3 date du 20 mai?

4 Réponse: C'était le tout début parce que les Serbes étaient présents

5 également dans cette région. Et souvent, ils faisaient des virées en

6 dehors de la région et certains nous disaient qu'ils se rendaient à

7 Belgrade. Et ce couloir était un terme qu'ils utilisaient de plus en plus.

8 Question: Très bien. Vous dites que cela faisait partie de leur vocable de

9 plus en plus. Est-ce que c'est quelque chose dont ils vous ont fait part?

10 Réponse: Oui, ils m'en ont parlé.

11 Question: Très bien. Et ensuite, le texte poursuit, le rapport de ce plan

12 qui avait été mis en place par certains pays avait pour but d'empêcher les

13 attaques. La Serbie semblait coopérer et accepter le retrait des Serbes de

14 la JNA de la région.

15 Ensuite, la démission de 35 officiers de haut rang au sein de la JNA

16 pouvait clairement indiquer que les plans qui avaient été conçus à

17 l'origine avaient été abandonnés par les dirigeants serbes. L'importance

18 stratégique de la région est évidemment… La région est toujours importante

19 en place stratégique aux yeux des Serbes.

20 En fait, une fois que la majorité des Musulmans avaient fui la partie nord

21 de Bosnie-Herzégovine et s'étaient dirigés vers le sud, la Serbie pouvait-

22 elle avoir une compensation pour ces territoires en mettant en place un

23 couloir sanitaire autour des Musulmans de Bosnie-Herzégovine? Et entre

24 parenthèses, la République serbe de Krajina, je suppose que c'est la

25 République serbe de Krajina, et la Serbie auraient pu être réunifiées. Je

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1 pense, en fait, qu'il s'agit ici d'aide humanitaire.

2 Maintenant à ce stade-ci, le 20 mai, à la date du 20 mai, lorsque le

3 rapport a été rédigé, il devenait de plus en plus clair qu'il y aurait un

4 problème à l'égard de tout cela des régions ethniques différentes: les

5 Musulmans à Bihac d'un côté et les Serbes de l'autre.

6 Réponse: Oui, tout à fait. Et c'est le but même de ce rapport. J'ai

7 demandé que ce soit précisé dans ce rapport parce que nous étions de plus

8 en plus préoccupés par les questions militaires et l'armement de part et

9 d'autre. Cela devenait de plus en plus évident que cette poche devenait un

10 sujet de préoccupation grandissant, et il fallait faire quelque chose.

11 Je lui ai donc demandé les personnes qui travaillaient avec nous, -nous

12 étions en contact avec l'armée-, qu'un rapport de fond soit rédigé de

13 façon à ce que nous puissions avoir les informations nécessaires.

14 Question: Très bien. Regardons maintenant ce document qui comporte en fait

15 une page de garde daté du 26 mai. L'objet de ce document est le suivant:

16 "Réfugiés ou personnes déplacées de Bosanski Novi au mois de novembre."

17 La Forpronu a été informée que 5.000 personnes de la région de Bosanski

18 Novi ont tenté de quitter la région et ont quitté la Bosnie. Le maire, M.

19 Pasic, le maire de Bosanski Novi… d'après les informations de deuxième

20 main, on avait décrété que les 5.000 Musulmans pouvaient traverser la

21 région en toute sécurité, qu'ils seraient protégés par les Nations Unies

22 puisqu'ils traversaient la zone protégée des Nations Unies et qu'ils

23 pourraient se rendre en Allemagne ou en Autriche.

24 Ils souhaitaient en fait quitter ce territoire de façon bénévole. Nous

25 apprécions beaucoup si le HCR pouvait nous aider à trouver des

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1 informations précises à cet égard. La Forpronu également souhaiterait

2 avoir un conseil à cet égard et peut-être que la coopération peut être

3 assurée avec le HCR en la matière. Nous avons quelques indications portant

4 sur le fait que cette histoire avait des ramifications politiques.".

5 A qui était adressé ce rapport?

6 Réponse: Ce rapport était adressé au QG du HCR à Zagreb, était envoyé à

7 notre officier de liaison à Banja Luka. Comme je vous l'ai dit, nous

8 avions un bureau de presse à cet endroit, et celui qui rédigeait le

9 rapport était M. Thormberry qui était mon supérieur hiérarchique.

10 Mme Korner (interprétation): Comment ces informations vous sont-elles

11 parvenues? Est-ce directement depuis la Forpronu?

12 Réponse: En fait, le paragraphe qui est important c'est le paragraphe n°2,

13 d'après les informations de deuxième main que nous avons reçues. Ce qui

14 signifie, si vous regardez la date, le 26 mai, ici comme c'est indiqué, à

15 ce moment-là cela fait référence à une réunion que j'ai eue à Dvor avec le

16 maire de Dvor. Et c'est le maire de Dvor qui, dans le cadre de mes autres

17 réunions que j'ai évoquées, fait en fait une pause et me dit: "J'ai une

18 demande particulière à vous faire. Mon collègue, le maire de Bosanski

19 Novi, m'a informé qu'il y aura ces 5.000 personnes et je souhaite faire

20 quelques demandes particulières à cet égard."

21 A ce moment-là, j'ai considéré que ces informations étaient des

22 informations de troisième main parce que c'est le maire de Bosanski Novi,

23 un Serbe, qui parle de la conversation qu'il a eue avec le maire de

24 Bosanski Novi (sic), un autre Serbe. Et ils ont évoqué les Serbes qui

25 souhaitaient partir. C'est pour cela que je dis que c'est de troisième

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1 main.

2 Question: Très bien. Alors est-ce que vous avez-vous noté ceci dans votre

3 journal, cette réunion du 26 mai?

4 Réponse: Oui, tout à fait.

5 Question: Vous avez peut-être besoin de relire vos notes, et ce, pour vous

6 rafraîchir la mémoire.

7 Réponse: Oui, un moment, s'il vous plaît. Merci. Oui, il s'agissait

8 environ de 15 heures, et c'était à Dvor.

9 Question: Vous avez donc parlé du maire de Dvor. Je n'ai pas besoin en

10 fait d'entrer ici dans les détails et de donner la liste des noms.

11 Y avait-il d'autres personnes présentes à cette réunion?

12 Réponse: Non, c'était dans mon secteur, et nous étions là parce que nous

13 voulions discuter affaire. Il y avait le maire qui m'a dit…

14 Eh bien, il y avait d'autres personnes, si vous voulez, d'autres

15 représentants des Nations Unies, si c'est cela que vous voulez dire.

16 Question: Oui, c'est cela.

17 Réponse: Oui, tout à fait.

18 Mme Korner (interprétation): Et le maire de Dvor ensuite vous a parlé et a

19 évoqué cette question qui avait été soulevée par le maire de Bosanski

20 Novi?

21 M. Kirudja (interprétation): Oui et dans le but de faire de me faire deux

22 demandes particulières.

23 M. Ackerman (interprétation): Pardonnez-moi.

24 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman.

25 M. Ackerman (interprétation): Oui, Monsieur le Président, j'aimerais

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1 simplement m'assurer que le compte rendu d'audience est exact. A la page

2 48, ligne 19.

3 M. le Président (interprétation): Très bien.

4 M. Ackerman (interprétation): Vous avez dit que vous avez parlé au maire

5 de Bosanski Novi, un Serbe, qui a également parlé au maire de Bosanski

6 Novi, un autre Serbe. Je crois en fait que vous vouliez dire de Dvor, le

7 second doit être le maire de Dvor ou peut-être l'inverse.

8 Mme Korner (interprétation): Oui, tout à fait.

9 M. le Président (interprétation): Oui.

10 Mme Korner (interprétation): Je suis d'accord, c'est une erreur.

11 M. le Président (interprétation): On ne peut pas avoir deux maires de

12 Bosanski Novi, bien sûr, à moins qu'il ne soit schizophrène.

13 (Rires.)

14 M. Kirudja (interprétation): Monsieur le Président, vous avez tout à fait

15 raison, ce sont deux individus séparés

16 M. le Président (interprétation): Un moment s'il vous plaît. Nous n'avons

17 pas affaire à un cas de schizophrénie ici.

18 M. Kirudja (interprétation): Non, il s'agissait en fait… Je voulais

19 simplement souligner le fait que ces informations étaient des informations

20 de deuxième main.

21 M. le Président (interprétation): Très bien, Monsieur Kirudja.

22 Mme Korner (interprétation): Maintenant le maire vous a dit que le maire

23 de Dvor souhaitait ou vous demandait… Soyons certains que tout ceci soit

24 clair. C'est le maire de Bosanski Novi qui souhaitait un passage pour des

25 Musulmans de la Krajina qui se dirigeaient en Autriche et en Allemagne.

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1 Est-ce exact? Dites-nous exactement ce que les autorités de Dvor avaient

2 décidé de faire?

3 M. Kirudja (interprétation): Je vais simplement souligner la chose

4 suivante. Il nous a dit que nous, collectivement, nous sommes d'accords et

5 nous voulons que ces 5.000 personnes puissent passer en toute sécurité et,

6 par conséquent, nous souhaitons faire deux demandes. Et les deux demandes

7 n'ont rien à voir avec cela. Nous sommes d'accord avec cela et nous

8 souhaitons que ces deux choses soient exécutées.

9 Question: Et de quoi s'agissait-il lorsque vous parlez de ces deux points?

10 Réponse: Tout d'abord, nous souhaitons que tout ceci soit filmé par la

11 télévision internationale et nous voulons que le convoi puisse passer par

12 la Krajina en toute sécurité.

13 Deuxièmement, nous souhaitons que la Forpronu et la Croix-Rouge puissent

14 s'occuper de l'ensemble du convoi lorsqu'il sera en transit dans la région

15 de la Krajina.

16 Question: Quelle a été votre réponse, vous-même -je parle des Nations

17 Unies au sens large- à ces demandes?

18 Réponse: La première partie de ma réponse est quelque chose que j'ai

19 qualifié comme étant une information de deuxième main. C'est ainsi que je

20 l'ai qualifié. Ma première réaction a été de dire: "Nous sommes ici en

21 Croatie. Vous êtes le maire et nous sommes dans une juridiction différente

22 néanmoins, quoi qu'il en soit. Et maintenant vous me dites que vous êtes

23 d'accord. Vous êtes le maire de Dvor et vous êtes d'accord, vous êtes

24 tombé d'accord avec un autre maire au-delà de la frontière internationale,

25 d'assurer le passage de ces 5.000 personnes. Et ils vont traverser le

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1 secteur. Alors, évidemment, il y a quelque chose qui ne colle pas ici." Et

2 j'ai dit…

3 Encore une fois, à ce moment-là, je n'avais pas d'opinion particulière

4 puisque je dois maintenir de bonnes relations diplomatiques. Je lui ai

5 simplement suggéré: "Eh bien, il y a quelque chose qui ne va pas ici."

6 Question: Lui avez-vous dit comment ceci serait perçu par la communauté

7 internationale?

8 Réponse: Oui, absolument, dès qu'il m'a dit cela. Et il m'a également,

9 lors de la même réunion, dit: "Monsieur Kirudja, vous devez comprendre que

10 ces gens-là quittent de leur plein gré la région". Et ça, c'était la

11 première chose qui m'a fait comprendre ce qu'il se passait.

12 Qui sont ces gens? Ce sont des Musulmans.

13 Alors je lui ai dit: 'D'où viennent-ils?" Et il m'a dit qu'ils venaient de

14 tel et tel site et que nous pouvions voir la chose en détail par la suite.

15 Je lui ai alors demandé s'ils étaient chez eux et il m'a dit que oui. Et

16 je lui ai demandé: "Mais comment les gens ordinaires s'en iraient-ils de

17 chez eux pour aller ailleurs?" Cela n'allait pas, cela ne me semblait pas

18 logique.

19 Et il a compris que je ne prêtais pas foi à toute l'histoire, donc il a

20 commencé à m'expliquer qu'il fallait surmonter cette défiance initiale et…

21 Question: Vous a-t-il expliqué la chose?

22 Réponse: Tout d'abord, il m'a dit que les gens s'en allaient d'abord parce

23 qu'ils ne voulaient pas se battre et que c'étaient là des gens qui étaient

24 fort peu désireux de combattre.

25 J'ai demandé: "Mais combattre qui?" Alors il m'a dit qu'il s'agissait pour

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1 eux de partir de Bosanski Novi pour aller en Bosnie centrale vers Zenica.

2 Et ils ont refusé. Alors je leur ai demandé: "Mais pourquoi accepteraient-

3 ils de quitter chez eux?" Il a répondu qu'il y avait là une réalité

4 nouvelle qui s'était fait jour. Alors je lui ai dit: "Mais quoi?" Alors il

5 a dit qu'il y avait un gouvernement de la République serbe de Bosnie

6 Herzégovine.

7 C'est la première fois d'ailleurs que j'ai entendu parler de la chose.

8 Alors je lui ai demandé: "Et alors?" Et il m'a dit: "Alors, ces gens ne

9 voulaient pas faire un serment d'allégeance à l'égard de ce gouvernement

10 nouvellement mis en place.

11 Le jour en question, je n'ai pas voulu m'entretenir davantage sur sujet.

12 Je commençais à avoir plusieurs éléments qui s'agençaient dans mon esprit,

13 et je crois que c'est la raison pour laquelle j'ai noté cela dans mon

14 "carnet de notes", entre guillemets. Il ne m'avait pas semblé du tout que

15 les choses se soient faites de leur plein gré.

16 Question: Oui, mais vous dites que ces gens, qui soi-disant s'en étaient

17 allés de leur plein gré, ne voulaient pas prêter allégeance, faire acte

18 d'allégeance à l'intention de ce gouvernement.

19 Quand vous dites "gouvernement", s'agit-il du gouvernement de la

20 République serbe de Bosnie Herzégovine ou alors d'un niveau inférieur au

21 gouvernement de la municipalité de Bosanski Novi?

22 Réponse: Je ne suis pas entré dans ce détail.

23 Question: Oui?

24 Réponse: Eh bien, les éléments, par la suite, sont venus à être éclaircis

25 par la suite. On m'avait dit qu'ils ne voulaient pas se battre pour le

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1 compte de l'armée de M. Izetbegovic -d'après ce qui m'a affirmé-, et qu'il

2 y avait un gouvernement de la République serbe de Bosnie Herzégovine

3 qu'ils ne voulaient pas servir pour aller se battre contre les autres

4 effectifs, alors qu'ils ne voulaient pas non plus faire acte d'allégeance

5 à l'intention de ce gouvernement.

6 Question: Mais pouvez-vous me dire comment le maire de Dvor pouvait-il

7 parler au nom de cette population musulmane?

8 Réponse: Exactement, c'est ce que je voulais lui souligner. Je voulais lui

9 dire qu'il était là en train de parler à sa qualité de Serbe. Je me

10 souviens exactement des propos qu'il avait tenus. Et je lui ai dit qu'il

11 était très convaincant pour ce qui était des explications apportées

12 concernant les Serbes, leurs complaintes, leurs problèmes, mais il était

13 en train de parler de préoccupations de Musulmans ce coup-ci. Et par voie

14 indirecte, en disant ce qu'un autre maire serbe de Bosanski Novi avait

15 dit.

16 Je lui ai précisé que cela ne me semblait pas authentique. Donc je lui ai

17 dit que cela ne me semblait pas une histoire plausible, et une autre

18 personne est entrée dans le bureau du maire et il m'a dit en tenant en

19 main un téléphone: "J'ai justement le maire de Bosanski Novi. Vous pouvez

20 le lui dire vous-même."

21 Question: Et vous vous êtes entretenu avec le maire de Bosanski Novi?

22 Réponse: Non, pas à ce moment-là. Mon instinct me disait qu'il ne fallait

23 pas aller davantage dans ce sujet, et je n'ai pas du tout accepté de

24 m'entretenir avec le maire de Bosanski Novi. Et je crois qu'à ce moment-là

25 le fait de refuser pouvait sembler comme si le problème allait être

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1 surmonté en soi.

2 Question: Mais peut-être devrait-on vous demander quel était le nom de ce

3 maire de Dvor?

4 Réponse: Jugoslav Borojevic.

5 Question: Et savez-vous ce que M. Borojevic avait pensé que la communauté

6 internationale allait dire de cette évacuation de 5.000 personnes.

7 Réponse: Une fois de plus, je lui ai fait savoir que cela n'allait pas

8 être bien vu. Et je lui ai dit, à l'occasion de cette première réunion,

9 que je ne croyais pas à cette histoire.

10 Question: Mais qu'est-ce qui vous a fait penser à l'éventualité de ne pas

11 croire? Pourquoi la chose vous a semblé étrange?

12 Réponse: Eh bien, le fait qu'il ait été en train de parler de Musulmans…

13 au nom de Musulmans. Il disait qu'ils étaient aimables à l'intention de

14 ces Musulmans, qu'ils veillaient à leur sécurité et il disait qu'ils

15 avaient organisé le départ de leurs maisons. Les choses clochaient: l'un

16 n'allait pas avec l'autre.

17 Question: Fort bien. Nous pouvons nous pencher sur le rapport et je crois

18 qu'il s'agit là de notes datées de la même journée, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Monsieur le Président, je crois que dans le rapport en question,

21 il s'agit de deux pages de la pièce P1658. Et nous nous sommes déjà

22 penchés dessus. Je crois que nous pourrions les produire de façon séparée

23 et je voudrais qu'en fait, la pièce à conviction en question fasse l'objet

24 de l'attribution d'une cote nouvelle, à savoir P1658-1. Ça fait partie du

25 même rapport.

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1 M. le Président (interprétation): Fort bien.

2 Mme Korner (interprétation): J'ai ici des copies de disponibles, ne vous

3 en préoccupez pas. J'ai la copie anglaise, mais la traduction vous sera

4 fournie également.

5 (Intervention de l'huissière.)

6 Mme Korner (interprétation): Comme vous nous l'avez expliqué, vous n'avez

7 pas voulu vous entretenir avec le maire de Bosanski Novi, mais le jour

8 d'après, à savoir le 27 mai, il s'est tenu une réunion avec ce maire de

9 Bosanski Novi. Et il y avait là quelqu'un de l'UNHCR, du haut-commissariat

10 aux réfugiés. Nous pouvons nous pencher dessus.

11 M. Kirudja (interprétation): Non, je n'ai pas à me pencher, je peux vous

12 répondre tout de suite.

13 Mme Korner (interprétation): Oui, mais attendez que nous retrouvions le

14 passage.

15 M. le Président (interprétation): Un moment, madame Korner.

16 Si nous revenons quelque mois en arrière, vers le haut-commissariat aux

17 réfugiés, s'agit-il de la personne que nous pouvons nommer ou s'agit-il

18 d'un nom à protéger?

19 Mme Korner (interprétation): Eh bien, je crois qu'il serait préférable de

20 passer à huis clos partiel pour quelques instants.

21 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons passer à huis clos

22 partiel.

23 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 37.)

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18 (Audience publique à 11 heures 40.)

19 Interprètes: Les interprètes demandent aux intervenants de ralentir.

20 M. le Président (interprétation): 1660. Nous sommes en session publique.

21 Comme convenu, Monsieur Kirudja, vous n'allez pas donner, pas citer le nom

22 de cette personne. Vous allez juste parler de cette personne en disant "le

23 représentant d'une autre organisation des Nations Unies" et c'est tout.

24 M. Kirudja (interprétation): Je m'en excuse.

25 Mme Korner (interprétation): Eh bien, peut-être pourrions-nous nous

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1 procurer ce document, à savoir le recevoir. Il s'agit comme je l'ai

2 précisé du P1660.

3 (Intervention de l'huissière.)

4 Mme Korner (interprétation): Monsieur Kirudja, s'agissant du premier

5 document, c'est une page de couverture –elle est devant-, On dit en objet

6 "5.000 habitants de Bosanski Novi". Et par la suite, on dit "complément ou

7 notes complémentaires, un mémo de quatre pages émanant du représentant

8 d'une autre organisation des Nations Unies."

9 Je crois qu'après, nous voyons la page de couverture de cette personne qui

10 avait été chargée de la conduite de cette réunion. Puis on en vient au

11 rapport lui-même.

12 Vous n'étiez pas présent à cette réunion, mais vous avez pris lecture du

13 rapport avant que de l'avoir transmis, n'est-ce pas?

14 Réponse: C'est cela mais pour que les choses soient tout à fait claires,

15 je dirais que ce rapport ou plutôt quoiqu'il s'agisse là d'un rapport du

16 haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies et signé par le

17 représentant de l'UNHCR, c'est lui qui est l'auteur.

18 Question: C'est cela.

19 Réponse: Cela demande une clarification. Vous avez parlé d'une réunion en

20 disant que je n'y étais pas. A quelle réunion faisiez-vous référence?

21 Question: Je crois qu'il s'agit de la réunion du 28 mai, mais en réalité

22 il s'agissait plutôt du 27 mai.

23 Réponse: Ah, c'est de ce rapport-là!

24 Question: En effet.

25 Réponse: Fort bien.

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1 Question: Vous n'étiez pas présent à cette réunion?

2 Réponse: Il est fait état de mon nom dans le premier paragraphe à

3 l'intérieur.

4 Question: Ah! Fort bien. Vous y avez donc été présent. Je dois avoir fait

5 erreur dans les notes que j'ai prises moi-même.

6 Question: Très bien. Mais on commence avec des renseignements

7 élémentaires. Comment cela a-t-il été présenté à votre intention?

8 Réponse: C'est cela.

9 Question: Au paragraphe 2, on dit que: "Le 28 au matin le maire de

10 Bosanski Novi, M. Radomir Pasic, et un membre du conseil exécutif, M.

11 Rade, sont arrivés au QG de l'UNPA Nord, à Topusko, pour discuter de la

12 question." On dit ensuite que l'homme qui a rédigé ce rapport a été convié

13 à participer à cette réunion.

14 Maintenant je voudrais savoir si vous avez été présent à cette réunion?

15 Réponse: En effet, mais j'ai une petite rectification à apporter au sujet

16 de ce monsieur-là. Il convient de passer les choses dans leur contexte.

17 Nous nous trouvions dans mon bureau à Topusko. La date n'est pas celle

18 qu'il a indiquée, il s'agit de la date du 27. C'est le jour d'après la

19 réunion que j'ai eue à Dvor dont nous avons déjà parlé. C'est donc juste

20 le jour après.

21 Troisièmement, ce monsieur a été installé, suite à une demande de ma part,

22 dans mes bureaux. J'avais demandé cela a l'UNHCR, et cela s'est fait début

23 avril. Je savais que l'UNHCR traitait des réfugiés et j'avais compris que

24 nous avions besoin d'un représentant permanent de l'UNHCR dans nos

25 bureaux, à notre siège. Aussi s'agissait-il là d'une réunion qui traitait

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1 de questions afférentes aux réfugiés. Ce monsieur avait assisté à cette

2 réunion.

3 Question: Fort bien. Vous avez absolument raison. C'est moi qui me suis

4 trompé. Vous étiez donc présent à cette réunion, et moi j'avais à l'esprit

5 une autre réunion.

6 S'agissant de celle-ci vous avez pris des notes dans votre journal?

7 Réponse: En effet.

8 Question: Pouvons-nous alors nous pencher sur ce qui figure dans ce

9 rapport que vous avez rédigé?

10 Je parle du paragraphe 3 du résumé, il s'agissait d'une requête émanant de

11 Bosanski Novi qui consistait à proposer que leur police et la police de

12 Krajina escortent un groupe de 5.000 personnes jusqu'à la frontière avec

13 la Croatie; endroit où la Forpronu était censée prendre en charge ces

14 gens-là pour les raccompagner, pour les escorter jusqu'à la frontière de

15 la Slovénie. On s'attendait à ce que ce groupe continue en direction de

16 l'Autriche et de l'Allemagne.

17 Puis le rapport se poursuit. On dit que vous avez informé les

18 représentants de Bosanski Novi des difficultés soulevées par ce projet

19 pour ce qui est des mandats de la Forpronu et de l'UNHCR: "Avec certaines

20 difficultés –dites-vous-, nous les avons convaincus de la nécessité de

21 discuter avec les représentants de ce groupe pour nous rendre compte de

22 leurs points de vue à eux.".

23 Deux choses se posent: quelles étaient donc les difficultés qui s'étaient

24 opposées en relation aux mandats qui étaient les vôtres?

25 Réponse: C'est une chose différente de dire ce que j'ai dit tout à

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1 l'heure, à savoir que les Nations Unies n'étaient pas là pour créer des

2 réfugiés. Nous ne voulions pas prendre part à la création de réfugiés.

3 Parce que ce ne serait pas bien vu pour ce qui est de l'exercice de notre

4 mandat que de prendre part à ce processus-là.

5 Question: Oui, mais vous aviez besoin de parler avec des représentants de

6 ce groupe, est-ce que vous aviez à l'esprit des représentants de

7 Musulmans?

8 Réponse: Exactement parce que si quelqu'un devait parler avec 5.000

9 personnes, il s'agissait de voir qui représentait ces 5.000 personnes.

10 Question: En effet. Je crois donc que nous allons passer, traverser le

11 reste du paragraphe pour ce qui est des discussions au sujet des

12 difficultés. Et nous en arrivons maintenant au paragraphe 6 où M. Rade,

13 qui avait parlé pour ce qui est des visiteurs, avait dit qu'il s'agissait

14 d'une majorité de population à Bosanski Novi, où les Serbes étaient à 60%,

15 alors que 33,5% était des Musulmans.

16 Il avait parlé d'un chiffre total de 13.000 personnes. Il a dit que sur

17 les 13.000, 5.000 ne se sentaient pas en sécurité et s'étaient adressés

18 aux autorités, au maire et à la police pour les aider à quitter ce

19 territoire. Il s'agissait donc d'un convoi de 5.000 personnes qui

20 souhaitaient aller vers l'Autriche et l'Allemagne pour rejoindre des

21 membres de leur famille.

22 Alors aux fins de les aider, il avait été question de faire en sorte que

23 la police de Bosanski Novi les escorte jusqu'à la frontière croate. Alors

24 les autorités de Bosanski Novi leur avaient suggéré qu'ils pouvaient aller

25 vers d'autres parties de la Bosnie où les Musulmans étaient majoritaires.

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1 Mais ces personnes-là ont refusé parce qu'elles redoutaient d'être

2 mobilisées; c'était la raison pour laquelle ils ne voulaient pas aller

3 seuls jusqu'à la Croatie.

4 Arrêtons-nous là!

5 Avez-vous pris quelque note que ce soit dans votre journal concernant

6 cette réunion et avez-vous pris note des termes utilisés par M. Pasic

7 lorsqu'il a parlé de l'absence de volonté pour ce qui est de ces gens-là

8 de rejoindre les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou de l'armée

9 croate? Pouvez-vous vous pencher sur vos notes datées du 27?

10 Réponse: Oui, et vous venez de donner lecture du texte rédigé par le

11 monsieur en question. Cela est repris par mes notes.

12 Question: Fort bien. Et qu'a dit M. Pasic concernant ces Musulmans

13 refusant de se diriger vers les secteurs à majorité musulmane?

14 Réponse: Eh bien, ce que j'ai pris comme note, il dit la chose suivante

15 -je cite-: "Nous leur avons suggéré d'aller vers la Bosnie centrale où les

16 Musulmans sont majoritaires."

17 Je suis en train de lire mes notes. S'il y a des divergences avec l'autre

18 texte, je pense que c'est ainsi que cela devrait être formulé. Donc on

19 leur a suggéré d'aller vers la Bosnie centrale où les Musulmans étaient

20 majoritaires, mais ils ont refusé.

21 Ce qu'ils avaient souhaité, c'était sortir du secteur de combat. Ils ne

22 voulaient pas se battre du tout. Ils avaient redouté également les

23 autorités croates parce qu'ils avaient pensé que ces autorités croates

24 pouvaient les mobiliser dans les rangs de l'armée croate. Et la solution

25 qu'on leur avait suggérée, à savoir d'aller vers la Bosnie centrale, a été

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1 rejetée. Nous avons dit que nous regrettions la situation pour ce qui les

2 concernait et cela ne m'avait pas sonné comme étant sincère. Et je voulais

3 me pencher davantage sur la question.

4 Question: Fort bien. Vous avez dit que vous n'aviez pas l'impression que

5 cela était sincère. Qu'avez-vous dit?

6 Réponse: Eh bien, ce que je voudrais, c'est situer les choses dans leur

7 contexte pour vous dire comment les choses se sont passées.

8 Je voulais prendre part à la réunion, j'écoutais, mais je prenais

9 également des notes. Et s'agissant de certaines parties de notes, eh bien,

10 cela ne pouvait pas se faire, tout simplement parce que je pouvais pas

11 écrire et parler en même temps.

12 Question: En effet.

13 Réponse: Mais quand j'ai relu ce que j'ai noté et quand j'ai dit que nous

14 regrettions ce qu'il se passait et que nous voulions exaucer leurs

15 souhaits, je voulais vérifier ce que j'avais entendu par ces termes-là.

16 Je leur ai posé la question et ils m'ont dit que bon nombre de Musulmans

17 se trouvaient encore dans leur maison et qu'ils s'étaient constitués un

18 petit convoi à un endroit.

19 En questionnant davantage ou au-delà, j'ai compris que bon nombre de

20 personnes ne voulaient pas quitter leur domicile où ils se sentaient en

21 sécurité. Et c'est là que j'ai reçu la réponse de la bouche du maire Pasic

22 que j'ai cité. Il a dit qu'il admettait que les Musulmans avaient été sous

23 pression d'unités paramilitaires serbes armées.

24 Question: Mais qu'avez-vous compris par là?

25 Réponse: Eh bien, c'est ce que j'ai pensé au début. J'avais en effet

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1 compris que les Musulmans n'étaient pas, ne s'en allaient pas de leur

2 plein gré et qu'il n'était pas question pour les Serbes d'exaucer leurs

3 vœux.

4 Question: Mais quand vous parlez de paramilitaires serbes, qu'avez-vous à

5 l'esprit?

6 Réponse: A moment-là, j'ai omis de commenter. Il avait qu'il ne fallait

7 pas voir en lui la cause de tout ce qui se passait.

8 Question: Mais vous a-t-il expliqué à ce moment-là que ces contraintes,

9 que ces pressions incluaient des pilonnages de villages?

10 Réponse: En effet. Comme je l'ai dit par la suite, quand j'ai indiqué que

11 je voulais me pencher plus en détail sur ce qui se passait -et c'est là

12 que mes notes le mentionnent-, on m'a dit que l'on avait parlé de

13 formation de la République serbe, qu'on avait demandé aux Musulmans de

14 faire acte d'allégeance, qu'on leur avait donné un délai pour signer cet

15 acte d'allégeance. Et on avait parlé de mobilisation de Musulmans dans

16 certains villages et qu'ils avaient refusé d'être mobilisés. C'est un

17 récit assez long.

18 Question: Oui, mais selon vos notes...

19 Réponse: Mais c'est selon mes notes.

20 Question: Vous les avez interrogés sur les paramilitaires serbes?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Et après, par la suite, on vous a mentionné les noms de deux

23 Musulmans qui parleraient au nom des autres?

24 Réponse: A ce moment-là, il voulait m'aider à dissiper mes doutes. Il

25 n'avait pas parlé de Musulmans mais, par la suite, il a cité deux noms de

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1 Musulmans.

2 Question: Dans ce cas-là, penchons-nous plus en détail sur vos notes. Vous

3 nous avez dit qu'il vous a fourni une explication assez longue.

4 Réponse: Oui.

5 Question: Mais pouvez-vous nous expliquer ce qu'il avait à l'esprit?

6 Réponse: En effet. Il m'a dit que les autorités de la Bosanska Krajina –et

7 c'était ainsi que les Serbes se référaient à ce secteur-là-, il a dit que

8 les autorités de la Bosanska Krajina avaient décidé de désarmer toutes les

9 troupes sous armées?

10 Nous exercions ou nous appliquions la décision de la façon suivante: Nous

11 avons compris que quelqu'un d'autre lui avait donné des ordres en ce sens,

12 à savoir les autorités de la Bosanska Krajina. Et il avait été question du

13 fait de désarmer toutes les personnes qui n'étaient pas sous l'autorité de

14 ces autorités serbes. Et il avait dit qu'il y avait eu une réunion du SDS,

15 du parti serbe et du SDA, du parti musulman.

16 Question: Mais excusez-moi, vous a-t-il donné une date?

17 Réponse: La date de la réunion?

18 Question: Oui, la date de la réunion de ce SDS et du SDA.

19 Réponse: Non, je n'ai pas cela dans mes notes.

20 Question: Fort bien.

21 Réponse: Bien, mais je dirai que nous avons eu une réunion entre le 6 et 8

22 mai et je ne suis pas sûr de ce qu'il y a été dit, mais je crois qu'il a

23 été convenu de désarmer tous les groupes paramilitaires par municipalité,

24 et on avait fixé une date limite qui est celle du 11 mai. Puis, nous avons

25 discuté de l'agenda relatif au désarmement des différentes villages,

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1 village par village. Et le tout devait être fait avec le 9 ou le 10 mai et

2 nous nous attention à ce que d'ici là le désarmement soit effectué.

3 Troisièmement, le SDA a dit ouvertement à ces réunions qu'il disposait

4 encore d'armes et qu'on n'a pas collecté d'armes du tout. Et le SDA, je

5 précise, est la partie musulmane aux entretiens. Donc ces 5.000

6 provenaient de villages qui ne s'étaient pas désarmés, donc je comprenais

7 de plus en plus clairement que ces 5.000 personnes étaient des Musulmans

8 qui ne voulaient pas, n'avaient accepté de se conformer à ces

9 instructions.

10 Question: Donc ils avaient refusé de se désarmer.

11 Réponse: En effet. La date limite était celle du 11 mai. Il y avait là une

12 sorte de provocation de la part des Musulmans. Nous avons obtenu des

13 informations qui disaient qu'ils n'avaient pas pris au sérieux notre

14 demande de désarmement, ils avaient apporté des sacs avec cinq fusils en

15 bois.

16 Question: Bien. Et par la suite.

17 Réponse: Par la suite, cette nuit-là, nous avons remarqué une patrouille

18 de la police militaire dans le village de Blagaj; il s'agit là du village

19 où le groupe s'était rassemblé.

20 Question: Quand vous dites "ils", c'est ce que vous avez compris de sa

21 bouche?

22 Réponse: Oui, ce sont les propos du maire Pasic.

23 Question: Bien mais quand vous dites "ils", vous parlez de Serbes?

24 Réponse: Oui, je parle de Serbes.

25 Question: Ils ont donc remarqué cette patrouille dans le village de

Page 14438

1 Blagaj.

2 Réponse: Oui.

3 Question: A-t-il dit quelque chose d'autre?

4 Réponse: Il a dit qu'il y avait 5.000 personnes rassemblées là-bas. Il a

5 précisé que la région faisait partie ou était sous l'autorité ou les

6 compétences de la République serbe de la Bosnie-Herzégovine à partir du 10

7 mai, date à laquelle le poste police a été attaqué. Il y a eu début du

8 conflit. Les autorités légales ont réagi et l'action menée a été conduite

9 contre les Musulmans. C'est ce qui a fait que les 5.000 personnes ont dû

10 quitter la région.

11 Question: Mais avez-vous compris ce qu'il s'est passé avec les Musulmans

12 et comment les Serbes ont traité la question?

13 Réponse: Oui, il m'a expliqué par la suite que certaines de ces personnes

14 avaient quitté leur domicile, avaient pris certains biens avec elles et

15 que leur convoi avait été sécurisé par l'armée et la police de la

16 République serbe.

17 Question: Oui, mais vous a-t-il que les Serbes avaient fourni une aide aux

18 Musulmans?

19 Réponse: Oui, il a dit qu'ils avaient aidé certains Musulmans, qu'ils

20 avaient assuré la protection de certaines maisons, de certains foyers.

21 C'est ce qu'il m'a dit.

22 Question: Mais vous a-t-il dit qu'il y a eu des personnes blessées?

23 Réponse: Non, il s'est, à mon avis, efforcé de m'expliquer que personne à

24 ce moment-là n'avait été blessé, que personne n'avait souffert de quelque

25 mauvais traitement que ce soit.

Page 14439

1 Question: Mais vous a-t-il expliqué en parlant de réaction, a-t-il parlé

2 de pilonnage de villages, de villages où se trouvaient des femmes, des

3 enfants et des Musulmans, et que c'était là la raison pour ces personnes

4 de s'enfuir?

5 Réponse: Je voudrais que vous compreniez. A ce moment-là j'avais abouti à

6 ce que je voulais quand je posais mes questions. J'étais satisfait parce

7 qu'il avait admis qu'il s'agissait là d'un déplacement de la population,

8 qui ne se faisait pas de plein gré de cette population. Il a compris que

9 j'avais compris la situation, et il a accepté que les choses se passent

10 ainsi.

11 Question: S'il avait indiqué que cela s'était fait par le biais du

12 pilonnage et des tirs d'artillerie, est-ce que vous l'auriez mentionné?

13 Réponse: Oui, si je l'avais questionné davantage, je l'aurais mentionné.

14 Question: Nous allons revenir au rapport rédigé par votre collègue. On

15 peut voir en haut de la deuxième page qu'au cours des 15 aux 20 derniers

16 jours, le conflit en Bosnie-Herzégovine avait touché Bosanski Novi et

17 qu'il y avait eu un certain nombre de pressions exercées par des groupes

18 serbes non contrôlés.

19 Réponse: A quel paragraphe s'il vous plaît?

20 Question: Il s'agit du deuxième paragraphe, à la deuxième page.

21 Réponse: S'agit-il du paragraphe 4?

22 Question: Oui, il s'agit du paragraphe 4, même s'il y a une erreur de

23 numérotation.

24 Réponse: Oui, je peux voir cela.

25 Question: Et on peut lire que certains sont encore dans leur maison:

Page 14440

1 "D'autres originaires de trois villages ont formé un convoi dans le

2 village de Blagaj. Et apparemment, 5.000 personnes correspond à 10

3 villages. Donc des membres de ce convoi, des femmes et des enfants, des

4 hommes, ont pris avec eux ce qu'ils pouvaient emporter. Certaines maisons

5 auraient été détruites. La plupart de ces personnes appartenaient au parti

6 musulman."

7 Après on parle de la question de la protection des maisons serbes. "La

8 sécurité à Blagaj est assurée par la police militaire et civile de l'armée

9 de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Ces entités ont été formées

10 par des Serbes puisque les Musulmans ont refusé de prêter allégeance au

11 nouveau régime et apparemment auraient décidé de quitter leur fonction."

12 Au paragraphe 6, on peut lire -je cite-: "Nous avons expliqué que nous

13 avions du mal à comprendre pourquoi des pacifistes refuseraient de rendre

14 leurs armes et nous avons été informés que ces 5.000 personnes provenaient

15 de villages qui avaient refusé le désarmement."

16 Donc vous n'avez pas compris pourquoi ces gens qui ne voulaient pas

17 combattre avaient refusé le désarmement?

18 Réponse: En fait, mon collègue a répété ce que je lui avais dit. Ce que je

19 voulais savoir de la bouche du maire, c'était la chose suivante. S'il ne

20 voulait pas combattre et s'il ne voulait pas se désarmer, on peut voir

21 qu'il y a une contradiction: d'un côté, on me dit qu'ils ne veulent pas

22 combattre, et, d'autre part, on me dit qu'ils ne veulent pas rendre leurs

23 armes. En fait, il y a une contradiction, et j'ai noté sa réponse.

24 Question: C'est ce que j'allais vous demander. Qu'est-ce qu'il vous a

25 répondu?

Page 14441

1 Réponse: Il m'a répondu –je cite-: "Les Musulmans ne sont pas de

2 véritables pacifistes. Il s'agit davantage d'une question de faiblesse

3 militaire. Ils ont peur de représailles, s'ils sont en minorité.

4 Les minorités serbes dans ces régions ont été exposées à toutes sortes

5 d'atrocités de la part des Musulmans. En raison la politique menée par

6 Izetbegovic, ils ne veulent pas aller en Bosnie centrale où ils risquent

7 d'être mobilisés."

8 En d'autres termes, j'ai compris la chose suivante: ils sont faibles au

9 plan militaire. Ils ne sont pas vraiment pacifistes et ils ne peuvent pas

10 vraiment rester ici parce que s'ils étaient plus forts, ils combattraient.

11 Question: Avez-vous eu l'impression, d'après les propos de M. Pasic que ce

12 déplacement de 5.000 personnes serait le dernier?

13 Réponse: Non. Et c'était mon souci principal. C'est pour cela que je

14 voulais que les représentants du HCR et du CICR soient présents, car

15 c'était le début d'une situation qui ne pouvait que se dégrader.

16 On a parlé de 5.000 personnes rassemblées à Blagaj, mais le maire Pasic

17 m'a informé qu'il y avait 13.000 personnes dans ce village. Et ces 13.000

18 personnes étaient des Musulmans. Donc, il n'est pas difficile d'en déduire

19 que le reste de ces personnes allait également partir. On nous avait déjà

20 fourni les pourcentages de Musulmans de Bosanska Krupa.

21 Question: Lorsque vous parlez de 13.000 personnes dans ce village, vous

22 voulez parler de la municipalité?

23 Réponse: Non, du village de Blagaj.

24 Question: Mais au paragraphe 6, en fait cela devrait être le paragraphe 4,

25 ces 13.000 personnes font référence à la population musulmane de Bosanski

Page 14442

1 Novi, n'est-ce pas?

2 Réponse: Il s'agit des propos de mon collègue. Là, à présent, je regarde

3 mes propres notes. Et ce que je vous dis, c'est que la population

4 musulmane, composée de 13.000 personnes au total, avait demandé aux

5 autorités locales d'être protégée.

6 Question: Très bien. Donc, il s'agissait du début de migrations très

7 importantes de populations. Et vous avez demandé à vos confrères d'autres

8 organisations internationales d'être présents. Quelle a été votre réponse

9 à M.Pasic? Qu'est ce que vous lui avez dit que vous étiez prêt à faire?

10 Réponse: Mes collègues du HCR et moi-même lui avons expliqué que nous

11 n'étions pas d'accord avec ce qu'il se passait.

12 Question: Et quelle a été la réaction de M. Pasic lorsque vous lui avez

13 dit que vous n'étiez pas d'accord avec cela?

14 Réponse: C'était assez drôle parce que, à ce moment-là, il m'a demandé qui

15 était mon chef. Il m'a dit : "Si moi je ne suis pas prêt à accepter cela"

16 et... Il a demandé en fait à parler à mon chef.

17 Question: Et au bas des notes de votre collègue, il est fait référence -au

18 paragraphe 9- à vos propos -je cite-: "Pendant cette réunion, on a voulu

19 être informé de la situation directement par les représentants du groupe.

20 Et après beaucoup d'hésitation, deux personnes ont été mentionnées".

21 On voit le nom de ces personnes. Il est indiqué -je cite-: "Président de

22 l'organisation nationale musulmane".

23 Est-ce qu'il s'agit du SDA?

24 Réponse: Oui, il s'agit du SDA. Mon collègue a fait une erreur.

25 Question: Très bien.

Page 14443

1 Donc on voit la personne qui a formulé la demande. Son nom est mentionné.

2 "Et nous avons également demandé aux représentants des ONG locales

3 d'exprimer leur opinion et de venir à Dvor. Et dans le cadre de nos

4 discussions, nous leur avons demandé, nous les avons informés de la

5 situation et de certaines décisions".

6 Et vous indiquez qu'il s'agissait de finir de prétendre qu'il s'agissait

7 de départs volontaires?

8 Réponse: C'est exact.

9 Question: Il a été convenu que, si on se retournait directement avec les

10 personnes concernées, elles exprimeraient le fait qu'elles ne souhaitaient

11 pas partir.

12 Réponse: Oui, et c'était là la finalité de cette réunion. Je voulais que

13 l'on convienne du fait que ces départs n'étaient pas volontaires.

14 Question: Très bien. Nous allons abandonner ce document. Il a déjà été

15 versé au dossier. Nous allons passer à autre chose.

16 Nous allons à présent examiner un document daté du 6 juin. Il s'agit de la

17 pièce P1662.

18 (Intervention de l'huissière.)

19 Question: Excusez-moi, pourrais-je avoir le document P1661? Puis le

20 document P1662?

21 (Intervention de l'huissier.).

22 Question: Je pense que ce rapport a été envoyé par votre subordonné, M.

23 Raffone, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui.

25 Question: S'agit-il de votre écriture en haut?

Page 14444

1 Réponse: Non.

2 Question: Très bien. C'est assez illisible. On peut lire, je crois: "Il

3 serait important que le HCR reprenne ses activités".

4 Et quel est le terme suivant? Je n'arrive pas très bien à lire. "Cette

5 interruption est due au fait qu'ils n'ont pas pu me joindre".

6 Donc, cela ne peut pas être correct. Une partie, les Serbes… "Oui, il

7 semble possible à présent de joindre d'autres régions musulmanes comme

8 Bihac." Voilà.

9 Est-ce que l'on pourrait à présent examiner le rapport communiqué par M.

10 Raffone le 16 juin 1992? On parle d'un coup de téléphone du maire de Banja

11 Luka concernant les réfugiés musulmans potentiels de Bosnie-Herzégovine.

12 "Donc le 1er juin 1992, le maire de Banja Luka, M. Kupresanin, a appelé le

13 bureau chargé des affaires civiles dans le secteur Nord. Il a transmis des

14 informations concernant les réfugiés musulmans pouvant provenir de son

15 secteur qui étaient susceptibles de traverser Dvor et Karlovac. Les maires

16 de Bosanski Novi, Prijedor, Kljuc, Dubica, Sanski Most et Banja Luka

17 avaient des contacts concernant la situation de la population musulmane

18 dans ce secteur. La population musulmane…"

19 Je n'arrive pas très bien à lire.

20 Réponse: "La population musulmane craint…"

21 Question: Oui. "La population musulmane craint des persécutions de la part

22 des miliciens serbes dans la région. Il n'y a plus de nourriture ni

23 d'approvisionnement en médicament pour les Musulmans. Les Musulmans ne

24 font pas confiance aux autorités locales serbes qui ont mis en place un

25 système de désarmement unilatéral dans le secteur. Les Musulmans ont

Page 14445

1 essayé de pénétrer dans la ville de Travnik placée sous le contrôle des

2 Croates, mais n'ont pas été autorisés à le faire."

3 Ensuite, le maire estime qu'environ 15.000 personnes ont déjà quitté leur

4 domicile en direction de Dvor et que 15.000 personnes supplémentaires

5 pourraient suivre dans des délais brefs. Et le maire a lancé un appel a la

6 Forpronu et aux pays occidentaux afin de trouver une solution permettant

7 de protéger la population civile musulmane et de fournir une aide

8 humanitaire urgente dans la région.

9 Bien. S'agit-il d'un entretien téléphonique que vous avez eu ou que M.

10 Raffone a eu?

11 Réponse: M. Raffone.

12 Question: Est-ce que vous parlez serbo-croate?

13 Réponse: Moi-même?

14 Question: Oui, vous ou M. Raffone?

15 Réponse: Nous dépendions totalement des interprètes. Nous avons bien

16 appris quelques mots par-ci par-là, mais c'est tout.

17 Question: Qui vous a fourni des interprètes?

18 Réponse: Il y avait des personnes de la région qui étaient employées dans

19 nos bureaux, et cela suffisait à couvrir nos besoins.

20 Question: Très bien. Donc le fait que cette personne est décrite comme

21 étant le maire de Banja Luka, c'est ce que les interprètes ont donc dit à

22 M. Raffone?

23 Réponse: Oui. Nous ne nous sommes jamais rendus à Banja Luka, donc je n'ai

24 jamais envoyé M. Raffone là-bas. Et…

25 Question: Lorsqu'on parle de ces préoccupations dans le domaine

Page 14446

1 humanitaire, il s'agit de la situation à Bihac?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Et, à la page suivante, il est fait mention de questions

4 politiques. Le problème de l'enclave musulmane de Bihac est un élément

5 fondamental qui permet de comprendre les questions politiques présentées

6 par les autorités serbes de Knin et ses liens avec la République serbe de

7 Bosnie-Herzégovine. L'enclave musulmane en question a été encerclée par

8 une zone importante contrôlée par les Serbes, au nord et à l'ouest par le

9 secteur Nord, et au sud et à l'est par la République serbe de Bosnie-

10 Herzégovine.

11 Les autorités serbes dans la région se trouvant autour de cette enclave

12 musulmane envoient des messages à la Forpronu afin de souligner le danger

13 qui pourrait être soulevé en cas d'exode massif de la population

14 musulmane.

15 En fait, ces messages ont été transmis au responsable des affaires civiles

16 par les autorités locales dans le secteur Nord ainsi que par les autorités

17 locales en Bosnie-Herzégovine. Selon ces messages, on souligne le danger

18 d'un exode de Musulmans vers le secteur Nord qui pourrait provoquer des

19 tensions au sein de la population serbe.

20 Il est demandé à ce que la Forpronu fournisse une assistance afin de

21 garantir leur sécurité dans la zone protégée des Nations Unies.

22 Apparemment les Musulmans déplacés sont devenus un pion dans les mains des

23 comités serbes des zones protégées des Nations Unies et de la Bosnie-

24 Herzégovine. Et ainsi de suite.

25 Lorsque vous parlez de l'enclave de Bihac, est-ce que vous parlez

Page 14447

1 uniquement de Bihac, de la ville de Bihac ou d'autres régions?

2 M. Kirudja (interprétation): Oui, vous pouvez voir que ma signature figure

3 au bas de ce rapport. Nous étions au mois de juin et, à l'époque, nous

4 parlions de la poche de Bihac. Et lorsque nous parlions de poche, c'est

5 parce qu'il s'agissait d'une enclave totalement encerclée. Il y avait

6 entre 250.000 et 300.000 personnes dans cette région. Bihac est devenue

7 plus tard une zone protégée des Nations Unies comme Srebrenica. Et nous

8 commencions à comprendre tout ce concept à ce stade.

9 Mme Korner (interprétation): Très bien. Nous allons à présent passer à la

10 pièce P1662, si vous me le permettez.

11 (Intervention de l'huissière.)

12 M. le Président (interprétation): Madame Korner, je suggère que nous

13 passions à huis clos partiel pour quelques instants.

14 Mme Korner (interprétation): Oui, très bien.

15 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 20.)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (Audience publique à 12 heures 21.)

Page 14448

1 M. Kirudja (interprétation): Nous avons pris note de cela.

2 M. le Président (interprétation): Nous sommes en audience publique.

3 Mme Korner (interprétation): Il s'agit d'un rapport daté du 6 juin. Et si

4 l'on fait référence à l'objet de ce mémorandum qui est joint…

5 Est-ce que vous avez retrouvé le passage en question? Cela figure au verso

6 de la page.

7 L'objet de ce document concerne les personnes déplacées de Bosanski Novi.

8 L'officier de permanence de Dankon est mentionné. On vous a informé,

9 Monsieur Kirudja, par téléphone que 350 personnes déplacées auraient été

10 rassemblées sur un terrain de football à Bosanski Novi. On a vu que ces

11 350 personnes avaient été embarquées à bord d'autocars vers des

12 destinations inconnues en Bosnie. Ces personnes ne se trouvent plus dans

13 le stade de football. Dankon, donc le contingent danois, n'a aucune

14 information concernant les personnes qui ont été embarquées à bord de ces

15 autocars. Ils n'ont jamais traversé la rivière Una en direction de la zone

16 protégée des Nations Unies, c'est-à-dire Dvor ou la région environnante.

17 Est-ce que c'est pour cela que l'on a conclu que ces 350 personnes

18 s'étaient dirigées vers la Bosnie?

19 Réponse: Oui, ce mémorandum faisait réponse à ce qui nous avait été

20 demandé par le QG qui souhaitait clarifier certains points.

21 Question: Très bien. Ensuite vous faites un commentaire. La frontière

22 bosniaque à l'intérieur de… La frontière entre la Bosnie et la zone

23 protégée des Nations Unies est devenue le théâtre d'opérations

24 terroristes. Certains endroits sont mentionnés.

25 Ensuite, on peut voir que quelqu'un vous a téléphoné à ce sujet. Le bureau

Page 14449

1 chargé des affaires civiles était en train de préparer une note à

2 l'attention du HCR à Zagreb. Et le commandant du secteur craignait des

3 déplacements massifs de population musulmane.

4 Ensuite, il y a un deuxième message qui est préparé et qui concerne un

5 coup de téléphone du maire de Banja Luka, qui a transmis un message

6 similaire au sujet des réfugiés musulmans originaires des endroits

7 susmentionnés.

8 Réponse: Il y avait eu des rapports avant cela. On pouvait entendre que

9 des gens s'enfuyaient de façon régulière. A chaque fois que nous avons

10 rencontré ces gens afin de leur donner une assistance au plan humanitaire,

11 on leur posait certaines questions, on leur demandait pourquoi ils

12 quittaient leur domicile, où ils allaient, quel était le problème, on leur

13 demandait les circonstances, le nom des endroits d'où ils venaient, où ils

14 allaient. C'est comme cela que l'on a pu établir des informations.

15 Question: Dernière question concernant ce document: vous avez parlé de ce

16 stade de football à Bosanski Novi qui apparemment contenait un certain

17 nombre de détenus.

18 Réponse: Comme il a été cité dans mon document, ceci n'est pas la première

19 fois. C'est la première fois que le siège, mon propre siège en fait, a

20 concentré son attention sur cette question-là.

21 Question: Pardonnez-moi, vous avez donc été informé ce jour-là. Le fait

22 que des personnes aient été contenues dans un stade de football, est-ce

23 quelque chose dont vous étiez au courant à cette date, le 6 juin?

24 Réponse: Je ne suis pas certain. Si vous me donnez en fait la date de ce

25 rapport flash point, c'est-à-dire des points sensibles, c'est en fait le

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1 jour où ceci a été porté à mon attention.

2 Mme Korner (interprétation): Merci beaucoup Monsieur Kirudja, j'en ai

3 terminé en fait avec ce document-là mais j'aimerais passer à autre chose.

4 S'il vous plaît, pouvons-nous passer au rapport suivant?

5 M. le Président (interprétation): Oui, très bien.

6 Nous allons maintenant faire une pause de 25 minutes.

7 (L'audience, suspendue à 12 heures 25, est reprise à 13 heures.)

8 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?

9 Mme Korner (interprétation): Où est le témoin?

10 M. le Président (interprétation): Où est le témoin?

11 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est introduit dans le prétoire.)

12 Mme Korner (interprétation): Monsieur Kirudja, on m'envoie un message

13 pressent. C'est même en fait un ordre qui vient des interprètes. S'il vous

14 plaît, Monsieur, je vous en conjure, faites une pause entre les questions

15 et les réponses. Je vais faire un effort moi-même et je vous demanderais

16 de bien vouloir faire le même effort et de faire une pause avant de donner

17 vos réponses.

18 M. Kirudja (interprétation): Oui, je vais faire un effort. Et toutes mes

19 excuses aux interprètes.

20 Mme Korner (interprétation): Ce n'est pas vous, Monsieur, c'est moi. Nous

21 allons tous les deux ralentir, je vais ralentir.

22 Est-ce que l'on peut maintenant apporter le document qui porte la cote

23 P1666, s'il vous plaît?

24 (Intervention de l'huissière.)

25 Monsieur Karudjia, ceci est un rapport que vous avez envoyé le 9 juin.

Page 14451

1 Encore une fois, ce document ou ce rapport porte sur cette question des

2 5.000 réfugiés musulmans. A la deuxième page de ce rapport, on lit une

3 note. C'est une note je crois, c'est un rapport que vous avez reçu du

4 UNHCR.

5 J'ai quelques difficultés avec le nom des personnes concernées ici. Il est

6 daté, je crois, du 5 juin et il est indiqué que le bureau de Zagreb a été

7 visité par deux personnes, deux messieurs -je crois que nous n'avons pas

8 besoin d'avoir leur nom ici- qui sont venus donner des renseignements

9 complémentaires sur la situation des 5.000 Musulmans à Bosanski Novi. Et

10 cette note vient en annexe à mon rapport daté du 29 mai 1992. Ces deux

11 visiteurs viennent même de Bosanski Novi.

12 Ce rapport décrit les circonstances dans lesquelles ces visiteurs se sont

13 rendus au bureau du HCR. Monsieur Sajic (phon.) était un travailleur

14 immigré en Slovénie; il était retourné en Slovénie et avait réussi à

15 s'échapper du convoi lorsqu'il rentrait à Bosanski Novi. Il a confirmé que

16 le désarmement des villages musulmans avait effectivement eu lieu. Il se

17 trouvait dans le village de Suhaca. C'était le premier village à avoir

18 restitué ses armes.

19 Après cela, des militaires de la Défense territoriale serbe sont entrés

20 dans le village accompagnés de la police de Krajina, et on leur a demandé

21 de quitter leur domicile. Les maisons ont été fouillées tandis que les

22 villageois ont été conduits dans un champ et devaient y rester pendant

23 cinq à six heures. Après les fouilles, on leur a permis de rentrer chez

24 eux. Cependant, quelques jours plus tard, les premiers bombardements ont

25 commencé. Une grenade a atterri dans sa cour et le bombardement était un

Page 14452

1 bombardement à base de canons et de mortiers émanant des villages serbes.

2 Celui qui donnait ces informations n'avait aucune connaissance, n'avait

3 pas connaissance d'un accord de désarmement et n'avait pas été impliqué et

4 n'avait aucune connaissance non plus d'une annonce ou d'une dénonciation

5 symbolique de cet accord. L'auteur de ce rapport parlait très clairement

6 de questions qui avaient été évoquées au cours de la réunion. Il n'a noté

7 qu'aucun Serbe n'avait été tué dans la région. Les villages serbes

8 n'avaient pas été désarmés. Et des hélicoptères, au contraire, étaient

9 venus approvisionner la région de Banja Luka et Knin.

10 Paragraphe 5: Le 23 mai 1992, les villages de Donji Agici, Gornji Agici et

11 Hozici ont été brûlés, sans doute incendiés. Et le dimanche, le 24 mai, un

12 convoi important de six villages a été formé. Les personnes ont été

13 obligées de fuir parce que les villages étaient détruits. Dans son

14 village, à Suhaca, les incendies avaient été vus au bord du village de

15 façon... et avaient pour but de faire sortir les gens du village. Il a

16 également vu le village de Hozici incendié. Il avait entendu des rapports

17 selon lesquels la destruction d'autres villages avait eu lieu également.

18 Le convoi s'était formé. Il y avait deux groupes et il ne savait pas

19 jusqu'où était allé le premier. Le principal convoi s'était arrêté à

20 Blagaj et avait été arrêté par deux personnes, deux militaires en uniforme

21 -qui ressemblait à l'uniforme de la JNA- et des groupes paramilitaires

22 serbes. D'après les symboles que l'on voyait sur leur uniforme, ils en ont

23 déduit qu'ils devaient être sous le contrôle du parti démocratique serbe

24 et du maire Pasic.

25 Les Serbes à Blagaj voulaient mobiliser les hommes et les femmes, soi-

Page 14453

1 disant pour que le convoi soit assuré d'un passage sans encombre et pour

2 également pour nettoyer la région.

3 Ensuite, il a réussi à s'échapper le 24 mai. Les conditions à Blagaj

4 étaient très difficiles; il n'y avait rien à manger et les personnes qui

5 fournissent ces informations avaient réussi à entrer en contact

6 téléphonique.

7 La cellule de crise n'avait aucune information à propos du convoi. Ni la

8 presse, ni les médias n'avaient le droit de pénétrer dans ce territoire.

9 Et le 1er juin, j'ai entendu de Bosanski Dubica que Suhaca et Hozici

10 étaient incendiées et qu'il y avait eu des massacres dans ces deux

11 villages. Il y avait 52 morts.

12 J'ai également évoqué le nom de deux personnes qui étaient des porte-

13 parole du groupe; c'est en tout cas ce qui est indiqué dans le rapport.

14 Ces personnes ont été détenues, ont été retenues comme otage dans l'école

15 de Blagaj. L'information que j'ai obtenue par téléphone que deux personnes

16 avaient réussi à s'échapper.

17 Monsieur Izet Muhamedagic -j'ai du mal à prononcer son nom une première

18 fois- était la personne censée assurer… était l'interlocuteur de cette

19 lettre… ou la personne qui a rédigé cette lettre le 1er juin, mais on ne

20 sait pas qui sait.

21 Et l'action souhaitée: les deux visiteurs n'avaient pas les mêmes

22 intentions. Ils voulaient que quelqu'un se rende dans ce territoire pour

23 voir ce qu'il s'y est passé. Il n'y avait de conflit armé dans la région,

24 les choses avaient l'air tout à fait calmes en surface. Ils aimeraient

25 voir se produire une intervention pour libérer les Musulmans et leur

Page 14454

1 assurer un passage sûr, de façon à ce qu'ils puissent rentrer chez eux, ou

2 en tout cas aller dans une autre région.

3 Et les deux autres hommes ont été très clairs. Ils ont considéré que la

4 dernière option… En tout cas, il fallait laisser les femmes et les enfants

5 partir. Je pense que les familles en Croatie et en Slovénie pouvaient s'en

6 occuper.

7 Alors, est-ce que vous me suivez, Monsieur Kirudja? Est-ce que vous

8 considérez que ceci constituait des informations suffisantes?

9 Réponse: Oui, comme vous pouvez le voir, il a d'abord… Il s'est adressé en

10 fait au quartier général de ce bureau et à partir duquel nous

11 travaillions.

12 Question: Oui.

13 Réponse: Alors c'était un bureau de la Forpronu et la raison pour laquelle

14 j'y attache tellement d'importance. On pouvait envoyer un rapport

15 directement au quartier général et, en même temps, ils pouvaient envoyer

16 ce rapport à mon propre quartier général. Et comme il apparaît tout à fait

17 clairement dans le paragraphe que vous avez lu, il collaborait, il

18 semblait qu'il y ait déjà des informations qui nous parvenaient d'autres

19 sources qui avaient été envoyées à mon quartier général, ce qui permettait

20 un petit peu ces informations.

21 Question: En fait, je crois qu'il y a une erreur et j'ai omis quelque

22 chose. Je crois qu'il va falloir repartir un petit peu en arrière.

23 Pourriez-vous regarder, s'il vous plaît, un document qui portait le n°13?

24 Parmi les documents, c'est le document n°13. Pardonnez-moi, j'ai oublié.

25 Ce document figure dans une liasse qui sera utilisée par la suite, mais je

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1 crois qu'il est important ici de suivre l'ordre chronologique. Pouvez-vous

2 regarder le document 1669, s'il vous plaît?

3 Ici nous avons, comme nous le verrons plus tard, nous avons un certain

4 nombre de document que vous avez mis ensemble. En fait, tous les documents

5 qui portent sur le même sujet.

6 Madame l'huissière, si vous voulez bien me remettre les documents, je vais

7 vous le trouver.

8 (Intervention de l'huissière.)

9 Bien. Monsieur le Président, Mesdames les Juges, ceci est un document qui

10 comporte le numéro de télécopie en haut de la page; c'est la quinzième

11 page, ici, de la télécopie. Il s'agit… Vous verrez qu'il y a ici le tampon

12 des Nations Unies, de la Forpronu en Yougoslavie, et ceci est conforme à

13 ce qu'a dit M. Kirudja.

14 Réponse: C'est un document qui m'est adressé.

15 Question: C'est exact. Ce document est daté du 6 juin et il vous a été

16 adressé par M. Thornberry?

17 Réponse: Oui, tout à fait.

18 Question: Et on lit la chose suivante: "S'il vous plaît, veuillez faire

19 l'enquête nécessaire et dire quelle est la coordination assurée par CIVPOL

20 et nous informer rapidement des interventions survenues le 6 juin. Des

21 patrouilles danoises qui nous ont rapporté cela, à savoir 100 femmes et

22 enfants qui y ont été emmenés dans le stade, leur tête recouverte de

23 vêtements et de sacs en plastique, entourés de gardes armés au nombre de

24 dix. CIVPOL, ici, peut vous donner des instructions quant au personnel

25 présent".

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1 Avez-vous écrit quelque chose à propos de ce document?

2 Réponse: Oui, tout à fait. A gauche de ce document, il y avait une note

3 qui avait pour objet de démarrer l'enquête. Et l'enquête devait être faite

4 par les unités de la police civile dans le secteur, savoir ce qu'il

5 s'était passé et essayer de comprendre ce qu'il se passait. C'était le but

6 de cette note qui est indiquée à gauche.

7 Question: Vous lisez bien comme moi "CIVPOL" à gauche. Ici "chef des

8 opérations".

9 M. Kirudja (interprétation): Oui, tout à fait. "Avec pour but la mise en

10 œuvre. Le chef de la station Kostajnica, ce matin à Vojnic, doit enquêter

11 et faire un rapport sur… Ce rapport doit être complété par tout un chacun

12 d'ici demain après-midi."

13 M. le Président (interprétation): Il doit être complété.

14 Mme Korner (interprétation): Oui. En d'autres termes, je veux que ce

15 rapport soit complété, rapport qui a été demandé par M. Thormberry, et les

16 conclusions doivent être rédigées d'ici demain matin.

17 M. le Président (interprétation): Très bien.

18 Mme Korner (interprétation): Bien. Alors maintenant si vous voulez bien

19 nous allons regarder le document suivant que vous allez trouver ici, où

20 figure un rapport daté du 8 juin qui a été signé par vous-même. C'est un

21 rapport d'enquête sur les personnes déplacées qui a été observé à Bosanski

22 Novi. Il s'agit d'un rapport concernant les personnes déplacées dont la

23 présence a été constatée à Bosanski Novi.

24 Réponse: Oui.

25 Question: Il a été fait référence à un message daté du 6 juin comme

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1 indiqué auparavant. Ce seraient des personnes qui se trouvaient sur un

2 stade de Bosanski Novi qui auraient été envoyées ailleurs en Bosnie. La

3 police civile a fait un rapport en provenance de Dvor.

4 Et puis, vous décrivez l'emplacement de Bosanski Novi. Le récit fait

5 partie d'un rapport du contingent danois. On dit que ça semble être juste

6 un bout de l'iceberg politique. Vous parlez par la suite d'une réunion

7 avec le maire de Dvor où vous avez assisté vous-même, et vous tirez des

8 conclusions de ce qui a été dit.

9 Parce que, suite à la réunion, il était devenu clair que le maire de

10 Bosanski Novi, M. Pasic, et le maire de Dvor, M. Borojevic, avaient oeuvré

11 en commun en vue de réaliser ce qui suit.

12 a) Sous le couvert d'une aide humanitaire, procéder à l'évacuation de

13 quelque 5.000 résidents de Bosanski Novi dont on discutera par la suite.

14 b) Confier à la Forpronu la responsabilité de faire transiter 5.000

15 personnes au travers des UNPA en direction de la Slovénie.

16 Pendant que ceci durait, les deux maires étaient censés contacter leur

17 gouvernement respectif pour assurer la présence de journalistes, de

18 reporters internationaux de la télévision internationale, pour soi-disant

19 présenter cette évacuation comme étant une œuvre humanitaire et pacifique

20 à l'intention de Musulmans qui avaient souhaité s'évacuer en direction de

21 l'Allemagne et de l'Autriche.

22 Puis vous décrivez la réunion du 27 mai où vous fournissez une conclusion

23 qui est celle de dire que le maire collabore avec la République serbe de

24 Bosnie-Herzégovine. Puis, vous donnez le nom. Et vous précisez que les

25 Musulmans n'étaient pas en train de s'en aller de leur plein gré mais

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1 qu'ils étaient sous pression, sous la contrainte de paramilitaires serbes.

2 Puis une fois de plus, vous relatez ce que vous nous avez dit de vive voix

3 ici.

4 Je tiens encore à vérifier mes notes pour voir s'il y a autre chose. En

5 effet. Bon. Je vous remercie.

6 Je demanderai maintenant à Mme l'huissière de vous confier la pièce à

7 conviction P1664.

8 M. Kirudja (interprétation): Puis-je apporter un commentaire?

9 Mme Korner (interprétation): Bien entendu. Excusez-moi Monsieur Kirudja.

10 M. Kirudja (interprétation): Eh bien, si cela peut aider la Chambre, je

11 sais que vous avez déjà parlé de l'importance des notes que j'ai prises.

12 Le document en question est en train d'illustrer une question d'ordre

13 général. Mes notes ont toujours été faites de façon à pouvoir servir de

14 fondement pour les rapports. Et comme vous pouvez le voir dans le

15 témoignage, on retrouve les mêmes choses dans le rapport et dans les

16 notes. Il ne conviendrait pas de conclure qu'il y ait dans mes notes

17 quelque chose d'important d'abandonner ou de laisser de côté. Et je crois

18 devoir le dire pour ce qui est des notes.

19 Mme Korner (interprétation): Oui, je vous remercie. Me Ackerman sera

20 également heureux d'entendre la chose, j'en suis certaine.

21 Penchons-nous sur le document et notamment celui qui est daté du 8 juin où

22 vous avez envoyé un message de votre quartier général. Il s'agit d'un mémo

23 daté du 8 juin. Le sujet en est un appel en vue de fournir une aide

24 humanitaire à l'attention de 250.000 Musulmans, appel adressé par le

25 président de l'assemblée municipale de Bihac.

Page 14459

1 Puis, vous décrivez une lettre que vous avez jointe également. Dans un

2 deuxième paragraphe, vous dites ce qui suit: "Comme vous avez envoyé deux

3 messages au QG à Belgrade, dont les copies sont ci-jointes, la situation

4 sur la frontière des UNPA et de la Bosnie-Herzégovine est rapidement

5 devenue un foyer de crise pour les personnes déplacées et est devenue

6 également un centre de contre-attaque par des unités armées. Nous sommes

7 conscients de la décision de l'UNHCR -dites-vous- de suspendre les

8 opérations en Bosnie-Herzégovine."

9 Puis vous décrivez une conversation que vous avez eue en présence de

10 représentant du CICR qui a également suspendu ces interventions. Alors en

11 l'absence de l'UNHCR et du CICR, la Forpronu est la seule adresse à

12 laquelle pourrait s'adresser ou se rendre la population locale en

13 détresse. Et comme vous le savez, vous dites que la Forpronu n'a ni

14 l'argent ni les moyens ni le mandat qui lui permettrait de répondre à une

15 crise humanitaire de cette envergure. Et on fait appel aux autres

16 organisations pour se pencher sur la question.

17 Bihac est une grande enclave musulmane, encerclée par des territoires

18 contrôlés par les Serbes. Le secteur de Bihac ne saurait satisfaire à ses

19 besoins que s'il y avait ouverture de voix de communication qui

20 permettraient le transit des approvisionnements et un commerce

21 international.

22 Et puis, vous parlez de l'aide humanitaire nécessaire pour finir par dire

23 ce qui suit -je cite-: "Les événements récents dans le secteur de Bosanski

24 Novi devraient sonner l'alarme aux agences humanitaires internationales.".

25 (Fin de citation.)

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1 Jusqu'à ce moment-là, donc jusqu'à début juin, pouvez-vous nous dire quel

2 avait été ce flux de réfugiés?

3 Réponse: Si je puis me servir d'une métaphore, je dirais que cela a

4 commencé comme une petite pluie et c'est devenu une averse torrentielle.

5 Question: Et cela venait de tous les secteurs de la Bosnie-Herzégovine?

6 Réponse: Pour être tout à fait précis, je dirais qu'il y avait des foyers

7 de crise dans certains secteurs et les villes que l'on mentionnait

8 constamment étaient Bosanski Novi, Bosanska Krupa, Prijedor, Kljuc, Sanski

9 Most. Et je crois que l'on peut effectivement dire que c'est là les foyers

10 de crise où se rassemblaient bon nombre de personnes déplacées quelles

11 qu'aient été les raisons de leur déplacement.

12 Question: Merci. C'est tout ce que je voulais vous demander à ce sujet, au

13 sujet donc de ce rapport. Je voudrais que nous allions de l'avant et que

14 nous passions à une rencontre, à une réunion que vous avez eue en date du

15 13 juin avec M. Junic, le maire adjoint de Dvor, et avec certaines autres

16 personnes. Je crois que pour ce faire il vous faudra consulter votre

17 journal parce que c'est la question qui concerne le terrain de football

18 dont on a parlé.

19 Réponse: Le 13 juin?

20 Question: Oui, le 13 juin.

21 Réponse: Ah oui!

22 Question: Je crois qu'il a été question de sujets divers mais je vous

23 demanderais de retrouver la partie de vos notes où il est question du

24 terrain de foot. Et cela est une question soulevée par le maire adjoint.

25 Monsieur et Mesdames les Juges, il s'agit de la page 22 de la déposition.

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1 Réponse: En effet, il s'agit d'une réunion qui a fait l'objet de

2 discussions sur bon nombre de sujets et à la fin de quoi le maire s'est

3 centré sur la question des gens qui se trouvaient rassemblés au terrain de

4 football.

5 Question: Pouvez-vous nous donner lecture de ce que vous avez noté à ce

6 sujet?

7 Réponse: Je peux vous donner lecture à voix haute de ce que j'ai noté. Le

8 fait que des gens aient été amenés sur un terrain de football signifie que

9 leur maison a été fouillée pendant qu'ils se trouvaient sur ce terrain de

10 football. Et une fois les maisons perquisitionnées, là où on n'a pas

11 trouvé d'armes, les gens ont eu l'autorisation de retourner chez eux.

12 Certaines personnes ont résisté à l'occasion de leur transport vers le

13 terrain de football, et ces personnes là ont été arrêtées. C'étaient les

14 mêmes qui avaient des armes dans leurs maisons.

15 Il s'agit de... Les personnes qui sont restées chez elles, sont des

16 personnes qui ont accepté de combattre pour la République serbe de Bosnie-

17 Herzégovine et elles ont été emmenées en autocar vers Banja Luka. Une fois

18 arrivées, les autorités locales ne les ont pas laissé entrer mais les ont

19 renvoyées vers Bosanski Novi. Les autorités de Banja Luka ont dit qu'elles

20 leur demanderaient de revenir, c'est-à-dire de venir sur les lieux une

21 fois qu'on aurait besoin d'elles. Et à ce moment-là, elles étaient libres

22 de rentrer chez elles. Et le maire a dit que le problème allait persister

23 jusqu'à la mobilisation suivante, à l'occasion de laquelle elles

24 pourraient être mobilisées dans l'armée de la République serbe de Bosnie-

25 Herzégovine.

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1 Question: C'est la fin de votre note.

2 Réponse: C'est la première partie du paragraphe que j'étais en train

3 d'écouter.

4 Question: Fort bien.

5 Réponse: Et j'ai moi-même répondu.

6 Question: Qu'avez-vous alors répondu?

7 Réponse: Je ne sais pas si vous le réalisez, à ce moment-là, étant donné

8 que j'étais un représentant officiel des Nations Unies, j'étais censé

9 fournir les fondements de ce qui était avancé. Et une fois de plus, je

10 tiens à préciser que le maire adjoint de Dvor avait décrit dans le détail

11 ce qu'il se passait à Bosanski Novi, donc dans un secteur qui ne faisait

12 pas partie de ses compétences. Aussi lui ai-je rappelé qu'il était plutôt

13 étrange de le voir me relater, lui, ce qu'il se passait. Et je ne pense

14 pas que les citoyens de Bosanski Novi se soient préoccupés de savoir si

15 les membres de leur gouvernement étaient en Croatie ou de l'autre côté de

16 la frontière. Alors, j'avais un nombre de questions à lui poser.

17 Mais je préfère que vous me posiez les questions vous, et je répondrai au

18 fur et à mesure.

19 Question: Justement, je voulais vous demander si vous savez pourquoi ce M.

20 Junic, maire de Dvor, vous avait soulevé le problème des gens qui se

21 trouvaient sur le terrain de football?

22 Réponse: Lorsque vous m'avez demandé auparavant, lorsque vous m'avez posé

23 la question auparavant, je vous ai répondu qu'il y a eu certaines

24 questions qui ont été soulevées et, en fin de compte, on a soulevé

25 également la question du terrain de football.

Page 14463

1 Question: Bien. Donc il vous a dit qu'il allait véhiculer les questions

2 que vous avez posées et que vous aviez soulevées vers M. Pasic?

3 Réponse: C'est cela.

4 Question: Fort bien. Pouvez-nous maintenant vous pencher sur le document

5 suivant, celui qui est daté du 16 juin? Je parle là de la pièce à

6 conviction P1668.

7 (Intervention de l'huissière.)

8 Le titre est: "La catastrophe humanitaire ou le désastre humanitaire se

9 déroulant à Bihac et aux frontières de la Bosnie".

10 Au paragraphe 1, on dit que la situation humanitaire à Bihac est en train

11 de se détériorer rapidement. La réunion a eu lieu le 1er juin 1992 à Bihac

12 à la demande des observateurs militaires de la mission d'observation de

13 l'ONU et du maire de Bihac.

14 Des éléments armés ont terrorisé la population des deux côtés de la

15 frontière et il y a eu beaucoup de meurtres, de représailles, des

16 mouvements forcés de personne vers d'autres secteurs ainsi que des

17 représailles qui ont été, des représailles horribles qui ont été

18 rapportées à la Forpronu.

19 Les informations promenant de plusieurs sources indépendantes, je voudrais

20 que vous expliquiez à l'intention de la Chambre ce qu'étaient les UNMO, à

21 savoir les observateurs militaires des Nations Unies?

22 Réponse: Eh bien, c'était un concept uniquement propre aux Nations Unies

23 qui devaient traiter de questions du mandat qui était attribué parce que

24 si vous avez, à juste titre noté, le gros des forces, à savoir les

25 bataillons contingents de l'ONU se trouvaient à l'intérieur des zones

Page 14464

1 protégées, à savoir à l'intérieur des zones qui ont fait l'objet de mandat

2 du Conseil de sécurité pour le déploiement de ses forces.

3 Mais dans la réalité, même si vous tirez une frontière pour ce qui est des

4 lignes de confrontation, il y a des zones qui sont forcément à l'extérieur

5 du mandat qui vous avez été attribué et qui donc se trouvent de l'autre

6 côté de ces limites-là.

7 Les Nations Unies ont été organisées, enfin leur présence a été organisée

8 de façon à ce que les observateurs militaires des Nations Unies puissent

9 se rendre à l'extérieur des secteurs en question, sans quoi on nous dirait

10 que nous n'avons pas de mandat.

11 Question: En effet.

12 Réponse: C'est là que réside l'importance de ces UNMO, observateurs

13 militaires des Nations Unies.

14 Question: Et dans ce cas-là, ils étaient stationnés à Bihac ou alors à

15 l'extérieur des UNPA, Velika Kladusa et ainsi de suite?

16 M. Kirudja (interprétation): Eh bien, vous avez constaté que le CICR et

17 l'UNHCR ont temporairement suspendu leur intervention.

18 Mme Korner (interprétation): Troisièmement, vous avez constaté la

19 nécessité d'une aide humanitaire d'urgence à Bihac et à l'intention de la

20 population dont la majorité est musulmane qui se trouvait dans des

21 conditions désespérées.

22 Vous avez vu qu'une telle opération ne pouvait être organisée par des

23 convois en provenance de Sarajevo, de Zagreb ou d'ailleurs, à moins que

24 ces convois ne soient exhortés par des unités armées et lourdement armées.

25 Puis vous continuez pour donner une description des méthodes alternatives

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1 d'approvisionnement.

2 Vous mentionnez des meurtres qui sont survenus à Dvor; vous parlez de

3 secteurs à proximité de Velika Kladusa.

4 Réponse: Oui.

5 Question: Et ensuite, vous parlez de Cazin, des "autorités de la Défense

6 territoriale sont responsables de la mort de 40 Serbes au cours des

7 derniers jours. Aucune de ces informations n'a été vérifiée par des

8 sources indépendantes, mais il semblerait que cela fasse partie d'un plan

9 concerté organisé par les dirigeants serbes des deux côtés de la frontière

10 afin d'isoler les Musulmans dans ce secteur."

11 Puis, vous décrivez la situation dans la ville de Bihac, le fait que les

12 Serbes avaient quitté Bihac et contrôlaient la route principale, que Bihac

13 avait été pilonnée et que les villages musulmanes avait été évacués

14 libérés par les forces serbes, et vous étiez préoccupés par le nom

15 croissant de réfugiés et de personnes déplacées.

16 Au paragraphe 6, on peut lire: "Les Serbes ont l'intention de procéder à

17 la démilitarisation des Musulmans de ce secteur. Les rumeurs de

18 déplacement forcé et d'exécutions sommaires commencent à circuler. Les

19 pourparlers se sont poursuivis jusqu'à 6 juin 1992 entre les dirigeants du

20 SDS est du SDA et, depuis, les Serbes n'ont plus participé aux pourparlers

21 avec les Musulmans.

22 Le président du SDS prépare apparemment un document en collaboration avec

23 les autorités serbes de Banja Luka, document destiné autorités musulmanes

24 de Bihac. La mission d'observation de l'ONU interprète ce texte comme

25 étant un ultimatum destiné à la ville de Bihac. Ce document stipule les

Page 14466

1 conditions aux Musulmans en leur donnant la possibilité d'avoir une

2 frontière flexible ou une frontière définitive.

3 Vous n'êtes jamais allé à Banja Luka?

4 Réponse: Eh bien, j'ai essayé de développer des relations entre les partis

5 militaires et les instances humanitaires. Il fallait considérer la

6 situation de façon globale. Et ce qui m'intéressait également, c'était le

7 changement dans le commandement militaire des Serbes. Et il s'agissait

8 d'une situation qui se développait assez rapidement à Knin notamment. Je

9 me souviens qu'il y a eu un échange de commandement militaire entre Banja

10 Luka et Knin. Je pense que peut-être le général qui était au commandement

11 de la Krajina et était basé à Banja Luka, avait été transféré à Knin, etc.

12 Donc nous nous attachions au rôle de Banja Luka qui évoluait.

13 Ensuite, on m'a parlé d'un corridor. L'un des points essentiels de ce

14 corridor était Banja Luka. Nous nous intéressions donc de près à Banja

15 Luka et à la situation là-bas.

16 Question: Très bien. Et ensuite dans ce rapport on parle d'un ultimatum

17 reçu par les dirigeants musulmans. Le 14 juin, le commandant de la défense

18 territoriale a informé le commandant du secteur et vous-même qu'un

19 ultimatum avait été reçu par les dirigeants musulmans selon lequel tous

20 les Musulmans devaient prendre leurs biens et retourner en Bosnie.

21 Le commandant de la Défense territoriale a informé le commandant du

22 secteur et vous-même qu'un ultimatum avait été reçu de la part des

23 dirigeants musulmans dans les villages. Et vous parlez de Cazin. Et on

24 demandait à tous les Musulmans de Kordun avec leurs affaires de rentrer en

25 Bosnie.

Page 14467

1 Réponse: Oui, c'est bien le cas. C'est ce qui est indiqué.

2 Mme Korner (interprétation): Donc cela venait des Musulmans?

3 M. Kirudja (interprétation): Oui, c'est ce que les Serbes m'ont dit. Les

4 Serbes m'ont dit: "Nous avons reçu un ultimatum musulman". En fait, il

5 s'agissait d'une histoire beaucoup plus compliquée que ça.

6 M. le Président (interprétation): Il nous reste sept minutes et je vous

7 vous rappelle, Madame Korner et Monsieur Kirudja, de ne pas parler en même

8 temps, s'il vous plaît, et de ménager des pauses.

9 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est de ma faute, je m'en excuse.

10 Au paragraphe 9, on peut lire: "Des rumeurs viennent de Bihac et des

11 municipalités environnantes de Cazin, Bosanski Novi et Bosanska Krupa. Et

12 selon ces rumeurs, la situation est similaire à celle de Sarajevo et de

13 Mostar. Il y a des craintes selon lesquelles, de l'autre côté de la

14 frontière, dans les montagnes et dans les forêts, des atrocités sont sur

15 le point d'avoir lieu. Ce message est envoyé dans l'espoir que l'on

16 prévienne les autorités compétentes pour résoudre le problème avant qu'il

17 ne soit trop tard. On pourrait par exemple envisager une opération d'aide

18 à Bihac et un retour des représentants du CICR et du HCR.".

19 Très brièvement, y avait-il un problème particulier que vous cherchiez à

20 évoquer dans ce rapport?

21 Réponse: Oui. Comme il est dit dans ce rapport, il y avait un désastre

22 humanitaire qui se préparait. Comme vous l'avez dit, il y avait un

23 problème interne et j'ai essayé de résoudre ce problème. On m'avait

24 enjoint d'arrêter de relater ce type d'informations car mon QG était

25 d'avis que cela ne relevait pas de nos compétences. Il y avait un

Page 14468

1 malentendu. Apparemment, on passait trop de temps à s'occuper de ce genre

2 de chose.

3 Question: Je vous remercie. A présent, je vais m'attaquer à cette liasse

4 de rapports. Donc c'est assez important. Peut-être que l'on pourrait

5 attendre mercredi.

6 M. le Président (interprétation): Très bien. M. Kirudja est informé du

7 fait que nous ne siégerons pas demain?

8 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est un employé des Nations Unies,

9 Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Exactement, donc demain est un jour de

11 congé officiel pour les Nations Unies. Nous allons donc reprendre nos

12 travaux mercredi matin, dans cette même salle d'audience. Je vous

13 remercie.

14 Maître Ackerman, y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez soulever?

15 Je vois que non. Je suppose que vous allez nous faire part de votre

16 réponse concernant l'expert.

17 M. Ackerman (interprétation): Oui, effectivement. Je me suis entretenu

18 avec l'un de vos assistants vendredi et je lui ai dit que je m'efforcerais

19 de m'occuper de cela dans le courant de la semaine. Mais comme je vous

20 l'ai dit un peu plutôt, j'ai des problèmes de temps.

21 Mme Korner (interprétation): Je pense que nous parlons de M. Brown.

22 M. le Président (interprétation): Peut-être que nous pourrions attendre

23 une semaine supplémentaire. Entre-temps vous pouvez peut-être vous pencher

24 sur les questions qui viennent d'être mentionnées, Madame Korner.

25 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas de quel témoin Mme Korner

Page 14469

1 parle.

2 Mme Korner (interprétation): Il s'agit des témoins en vertu de l'Article

3 92.

4 M. le Président (interprétation): Ce que vous avez mentionné un peu plus

5 tôt dans le cadre du huis clos partiel. Je parle des deux requêtes

6 concernant Gornji Vakuf et de l'autre requête.

7 M. Ackerman (interprétation): Très bien, je vois ce dont vous parlez.

8 M. le Président (interprétation): Très bien, je vous remercie.

9 (L'audience est levée à 13 heures 43.)

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