Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 13 février 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, pouvez-vous

5 annoncer l'affaire, s'il vous plaît?

6 Mme Chen (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Mesdames les

7 Juges. Il s'agit de l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav

8 Brdjanin.

9 M. le Président (interprétation): Merci Madame la Greffière.

10 Monsieur Brdjanin, est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous

11 comprenez?

12 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour à tous les participants. Je vous

13 comprends et je vous entends Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Merci. Le Procureur peut-il se

15 présenter?

16 Mme Korner (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Joanna Korner,

17 Timothy Resch et Denise Gustin, notre assistante.

18 Monsieur le Président, nous allons d'un extrême à un autre. Maintenant il

19 fait beaucoup trop chaud. Hier, il faisait beaucoup trop froid. Je ne

20 voudrais pas m'endormir à cause de la chaleur qu'il fait pendant le

21 contre-interrogatoire de Me Ackerman. S'il y a quoi que ce soit qui puisse

22 être fait, je vous prie de bien vouloir intervenir.

23 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci Madame Korner, je vous

24 remercie de votre intervention.

25 La défense peut-elle se présenter?

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1 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

2 John Ackerman. Je suis ici avec Milan Trbojevic et Marela Jevtovic.

3 M. le Président (interprétation): Très bien, merci.

4 Le témoin peut-il être introduit dans le prétoire mais, en attendant, est-

5 ce qu'il y a quoi que ce soit que vous souhaitiez dire?

6 M. Ackerman (interprétation): En vertu de l'Article 92bis, j'ai expliqué

7 au Procureur que je ne pouvais rien faire avant de recevoir la liste des

8 témoins, et ils ne l'ont toujours pas fait. Je dois donc savoir quels sont

9 les témoins avant de savoir s'il y a des choses qui se répètent. Je ne

10 peux donc pas répondre. J'espère que je vais recevoir cette liste

11 aujourd'hui.

12 Mme Korner (interprétation): Je ne comprends pas comment Me Ackerman peut

13 dire cela, alors qu'il y a quelques instants, quand j'ai discuté avec lui

14 et Mme Jevtovic, eh bien, je lui ai dit à peu près quels étaient ces

15 témoins qui allaient venir. Je lui ai dit que nous devions encore

16 connaître ce qu'il en était par rapport à Donji Vakuf.

17 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est introduit dans le prétoire.)

18 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, mais je n'ai pas

19 cette liste de témoins, on ne nous l'a pas donnée. Moi, j'ai effectivement

20 un nombre de comparution de témoins qui vont venir au cours de la semaine

21 du 24, mais je n'ai pas la liste des témoins pour Donji Vakuf et Prnjavor.

22 On ne me l'a pas donnée. Je l'ai demandée hier et je ne l'ai toujours pas

23 reçue. C'est comme cela que la situation se présente. C'est tout.

24 M. le Président (interprétation): Très bien. Eh bien, vous allez traiter

25 de cela au cours de la première pause qui va venir.

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1 Monsieur le Témoin, bonjour.

2 M. Kirudja (interprétation): Bonjour.

3 M. le Président (interprétation): Je vous souhaite la bienvenue. Ecoutez,

4 nous allons répéter la même procédure qu'hier. Je vais vous demander de

5 réitérer votre déclaration solennelle.

6 M. Kirudja (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 M. le Président (interprétation): Très bien, vous pouvez vous asseoir.

9 Maître Ackerman, peut-il poursuivre son contre-interrogatoire? Maître

10 Ackerman, c'est à vous.

11 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Charles Kirudja, par Me Ackerman.)

12 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

13 Bonjour Monsieur Kirudja.

14 M. Kirudja (interprétation): Bonjour Maître.

15 Question: Comment allez-vous aujourd'hui?

16 Réponse: Très bien, merci. Et vous?

17 Question: Très bien, merci. Je voudrais juste soulever quelques questions

18 par rapport aux questions que nous avons parcourues déjà hier. Je vous ai

19 donc posé une question globale pour ainsi dire concernant toute votre

20 expérience en ex-Yougoslavie, à savoir 1992, 1993, 1994 et 1995; à travers

21 toute cette période-là.

22 Et vous avez dit qu'à partir de cette expérience, ce que vous avez appris

23 c'est que les personnes avec qui vous deviez traiter d'habitude, qui

24 étaient bien placées pour répondre à vos questions et pour vous aider,

25 souvent il ne s'agissait pas d'une question (sic) qui avait le titre, la

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1 fonction appropriée. Est-ce que vous vous souvenez de cela?

2 Réponse: Je ne me souviens pas exactement avoir formulé quelque chose dans

3 ce genre. Peut-être pourriez-vous être plus précis?

4 Question: Je vais voir si je peux retrouver exactement vos propos dans le

5 compte rendu d'audience d'hier. Pour l'instant, cela ne me vient pas à

6 l'esprit, mais je vais faire cela pendant la pause et nous allons en

7 parler plus tard. Vous êtes d'accord?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Hier, au début de votre témoignage, nous avons parlé des

10 conditions qui prévalaient en Bosnie en 1992. Il s'agit de la page 73,

11 ligne 4 de votre déposition d'hier. Vous avez dit ce qui suit, car vous

12 parliez des entretiens que vous avez eus avec les maires et d'autres

13 personnes se trouvant dans votre secteur. Vous avez parlé…

14 Attendez, je vais voir si je peux retrouver ce morceau.

15 Nous parlons donc de la situation militaire du point de vue militaire, et

16 vous disiez que vous pensiez qu'il y avait des signes que c'était la Banja

17 Luka qui avait, qui exerçait un certain degré de pouvoir militaire sur

18 Knin. Et vous avez expliqué que, quand on vous a posé à ce sujet plusieurs

19 questions, et la question c'était… Vous dites qu'il y avait une tendance à

20 la retraite vers Banja Luka… ou bien on se tournait vers Banja Luka ou

21 bien on s'est tourné vers Belgrade pour savoir ce qu'il fallait faire. Et

22 vous avez répondu: "Vous devez à nouveau penser qu'à l'époque je

23 m'entretenais avec des maires et d'autres gens localisés, se trouvant dans

24 les secteurs, eh bien, ils étaient entourés par des Croates sur la ligne

25 de confrontation en direction de Karlovac, Sisak et Zagreb. Donc eux aussi

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1 se trouvaient dans une situation de blocus.

2 Nous n'avons pas mentionné cela. Les Serbes aussi se trouvaient bloqués

3 économiquement, ils ne pouvaient pas sortir, ils ne pouvaient pas avoir de

4 l'essence, ils ne pouvaient disposer de toutes les choses normales,

5 nécessaires à la vie à cause de la guerre: l'électricité, l'eau, etc. Tout

6 cela était coupé. Il n'y avait pas de pompe à cause des coupures

7 d'électricité pour faire fonctionner l'eau, etc.

8 Il fallait donc qu'ils se débrouillent pour sortir de là. C'est comme cela

9 qu'ils ont fait usage de ce corridor pour se rendre à Banja Luka ou à

10 Belgrade pour subvenir à ces manques nécessaires à une vie quotidienne

11 normale." (Fin de citation.)

12 C'était bien le cas?

13 M. Kirudja (interprétation): Oui.

14 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, maintenant je voudrais revenir aux

15 documents DB134, DB135, s'il vous plaît, et je vais demander qu'on vous

16 fournisse les deux documents.

17 (Intervention de l'huissière.)

18 Je vais voir si je peux faciliter les choses au sujet de ces documents,

19 car hier nous avions du mal.

20 Donc ce qui m'intéresse, en ce qui concerne ces documents, c'est tout

21 d'abord: est-ce qu'il s'agit des documents qui existaient avant que vous

22 n'arriviez en ex-Yougoslavie et qui vous étaient disponibles, enfin vous

23 puissiez avoir accès à ces documents?

24 J'ai donc deux questions à ce sujet. Est-ce que vous vous souvenez avoir

25 lu ces documents et est-ce que vous vous souvenez avoir été familiarisé

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1 avec le contenu de ces documents au moment où vous arrivez en ex-

2 Yougoslavie?

3 Par exemple, à peu près à la moitié du paragraphe 8 dont nous avons

4 discuté hier, il y a une phrase qui dit -et je pense que tout d'abord dans

5 ce paragraphe on parle de la situation qui prévaut en Yougoslavie- donc il

6 s'agit de l'ex-Yougoslavie tout entière à l'époque.

7 Mme Korner (interprétation): Me Ackerman a dit qu'il allait poser des

8 questions. Je pense qu'il faudrait d'abord attendre la réponse. Tout

9 d'abord il lui a demandé s'il n'a jamais vu ce document et ensuite s'il

10 était au courant du contenu du document. Et on n'a pas entendu de réponse.

11 M. Ackerman (interprétation): Ecoutez, je vais le faire, je vais le faire

12 mais, tout d'abord, je lui explique comment je vais procéder. Ce n'était

13 pas vraiment une question. Je lui ai tout simplement donné quelques

14 indications quant à la procédure que j'allais adopter par rapport à

15 l'intégralité de ces documents.

16 M. le Président (interprétation): Moi, j'ai compris les choses de la même

17 façon que Mme Korner.

18 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, je suis content de voir que mes

19 efforts ont porté fruit, car apparemment j'ai eu beaucoup de succès avec

20 mon explication.

21 Bon. Je vais vous poser un certain nombre de questions au sujet de ces

22 documents. Et à chaque fois…

23 Il s'agit de documents tout d'abord auxquels vous pouviez avoir accès

24 avant le mois d'avril 1992 au moment où vous y êtes allé. Et que vous

25 soyez au courant de ces documents ou non, ces documents existaient bel et

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1 bien. Je vais donc parler de chaque point, point par point, des choses qui

2 m'intéressent.

3 Là, je suis à peu près à la moitié du paragraphe 8: "Les ports et les

4 installations militaires ont été encerclés. L'espace aérien a été fermé.

5 Les communications interrompues de façon sévère." (Fin de citation.)

6 Vu ce que je viens de vous expliquer, est-ce que vous avez lu cela avant

7 d'aller là-bas, tout d'abord, et ensuite est-ce que vous savez quelle

8 était la situation en arrivant là-bas?

9 M. Kirudja (interprétation): Monsieur le Président, j'ai un commentaire

10 d'ordre général à faire tout d'abord.

11 Tout comme Me Ackerman a préparé ses propres questions, eh bien, je vais

12 préparer mes propres réponses. Le contexte. J'attire donc votre attention

13 sur la date de ce rapport, la date en est le 25 octobre 1991.

14 Rien dans la déposition que je vous ai fournie ne couvre cette période-là.

15 Moi, j'ai témoigné concernant la période allant du mois d'avril 1992 au

16 mois d'août 1992. Mme Korner peut vérifier. Donc rien dans ma déposition

17 ne couvre quoi que ce soit d'autre excepté cette période-là.

18 Ensuite, les rapports du Secrétaire général sont nombreux et préparés par

19 de nombreuses personnes sur beaucoup de choses. Il y a une multitude de

20 ces documents. Et il est étonnant que le conseil me demande si je

21 connaissais, si j'étais au courant de l'existence d'un rapport particulier

22 du Secrétaire général.

23 Moi, je vais lui répondre en termes généraux. Que je les ai lus ou non, je

24 n'ai aucune information à ajouter au contenu de ce rapport puisque je n'ai

25 pas participé à son élaboration.

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1 Question: Eh bien, puisque nous avons reçu cette explication, je vous

2 demande si vous vous souvenez avoir lu ce rapport, et sinon, le cas

3 échéant, est-ce que vous étiez au courant de l'information figurant dans

4 ce document concernant… au moment où vous arrivez en ex-Yougoslavie?

5 M. Kirudja (interprétation): Eh bien, je vous ai déjà répondu. Je n'ai pas

6 directement participé dans ce rapport. En tout cas, je l'ai lu maintenant

7 et je sais ce qui s'est passé.

8 M. Ackerman (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois,

9 Monsieur, vous ne répondez pas à mes questions. Je vais à nouveau vous

10 lire ce qui figure: "Les ports et les installations militaires ont fait

11 l'objet d'un blocus. L'espace aérien a été fermé. Les communications ont

12 été interrompues de façon grave." (Fin de citation.)

13 Est-ce que vous étiez au courant de cela au mois d'avril 1992, à savoir la

14 situation qui prévalait en ex-Yougoslavie?

15 M. le Président (interprétation): Non non non! Me Ackerman voulait savoir

16 quelles étaient les informations dont disposait le témoin au moment où il

17 se rend sur le terrain, qu'il ait lu ou non le document.

18 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est vrai, mais je pense que ce n'est

19 pas clair, ce n'est pas très clair. On lui demande s'il savait quelle

20 était la situation en 1991.

21 M. le Président (interprétation): Mais laissez-le répondre.

22 Me Ackerman (interprétation): Ce n'est pas ma question.

23 M. le Président (interprétation): Ce qu'il s'est passé en 1991 ne s'est

24 pas forcément poursuivi en 1992. La situation n'était pas forcément la

25 même.

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1 Mme Korner (interprétation): Je ne veux pas perdre de temps et je sais que

2 Me Ackerman essaye de terminer assez rapidement. Mais on lui demande si le

3 port et les installations militaires ont fait l'objet d'un blocus, si

4 l'espace aérien était fermé, si les communications étaient interrompues,

5 et tout ceci en 1991, octobre 1991.

6 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement.

7 Mme Korner (interprétation): Oui, et il peut effectivement lui demander

8 s'il était au courant de cela, s'il savait quelle était la situation en

9 1991. Mais on ne peut pas dire que la situation était la même en avril

10 1992. C'est cela le problème.

11 M. Ackerman (interprétation): Mais la question était très simple. Je lui

12 demande si, à peu près au mois d'avril 1992, il savait quelle était la

13 situation en Yougoslavie. Je ne parle pas de 1991, je parle du mois

14 d'avril 1992, quand il arrive sur le terrain. Je lui demande si la

15 situation était la même, s'il savait quelle était la situation.

16 M. Kirudja (interprétation): La réponse est facile.

17 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, essayez de répondre alors puisque

18 l'on ne cesse de m'interrompre.

19 M. Kirudja (interprétation): Cette question est très simple. En avril

20 1992, je voyage par Belgrade et je ne savais pas du tout quelle était la

21 situation concernant le port, et quelle était la situation concernant le

22 port en Yougoslavie. J'étais en en train de voyager.

23 M. le Président (interprétation): Et le reste?

24 M. Kirudja (interprétation): Si la situation continuait?

25 M. le Président (interprétation): Si l'espace aérien était toujours fermé,

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1 si les communications étaient interrompues?

2 M. Kirudja (interprétation): Non, je n'étais pas au courant de cela.

3 M. le Président (interprétation): Et le blocus des installations

4 militaires?

5 M. Kirudja (interprétation): Je n'étais pas au courant de cela. L'aéroport

6 était ouvert. Nous, on a atterri à Belgrade et tout paraissait normal.

7 M. Ackerman (interprétation): Donc nous continuons. La phrase suivante:

8 "Il y a eu des évacuations forcées d'un grand nombre de ces villes (sic),

9 qui ont été expulsées de leur maison; ce qui indique que dans certaines

10 régions il existait la volonté de changer la composition démographique

11 pour ensuite avoir un avantage territorial. La population civile dans les

12 régions concernées a beaucoup souffert et continue à souffrir avec un

13 grand nombre de décès, même en dépit de beaucoup de cessez-le-feu

14 annoncés." (Fin de citation.)

15 Quand vous êtes arrivé dans la région en 1992, est-ce que la situation

16 était comme cela ?

17 M. Kirudja (interprétation): Oui, j'étais au courant de la situation et je

18 pouvais voir cela dans les régions que j'ai traversées au mois d'avril. Je

19 suis passé à travers différentes parties de la Yougoslavie, en partant de

20 Belgrade et en allant vers le secteur Est. Je savais qu'il y avait la

21 guerre et que toutes ces régions en ont souffert. Je pouvais le voir et je

22 pouvais voir quelles étaient les difficultés.

23 Question: Eh bien, à la page 458, on lit ce qui suit: "Des combats,

24 surtout en Croatie de l'Est et sur la côte dalmate, ont interrompu de

25 façon grave les conditions de vie de la population civile dans les

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1 régions. Les plus graves problèmes humanitaires ont été causés par des

2 combats, mis à part les victimes directes ainsi que les destructions des

3 maisons." (Fin de citation.)

4 "Le nombre des personnes déplacées dans la Yougoslavie s'accroît de façon

5 alarmante. Les indications présentes indiquent qu'il y a à peu près

6 300.000 personnes déplacées en ce moment. Le CICR considère que ce chiffre

7 pourrait s'accroître pour arriver à peu près à 400.000 personnes déplacées

8 vers la fin de 1991. Les observateurs sur le terrain s'attendent à ce que,

9 dans les semaines qui viennent, le nombre de personnes déplacées par la

10 force, surtout les personnes qui sont déplacées à partir de la côte

11 dalmate et vers le nord, s'accroisse de façon significative si les cessez-

12 le-feu ne sont pas respectés." (Fin de citation.)

13 Est-ce que vous étiez au courant de cela, de ce grand nombre de personnes

14 déplacées à cause de la guerre en Croatie?

15 Réponse: Eh bien, ces personnes déplacées représentaient une telle

16 évidence qu'il était difficile de ne pas le voir, surtout quand on se

17 rendait dans ces régions, dans les régions concernées, là où se trouvait

18 notre mission. Il était apparemment clair que, dans différentes parts de

19 Croatie, là où se trouvait notre mission, l'endroit de notre mission, il y

20 a eu des déplacements de populations, des destructions de maisons. Et on

21 racontait les ravages de la guerre à cause de ces cessez-le-feu qui

22 n'étaient pas respectés.

23 Question: Paragraphe 17: "En ce qui concerne les réfugiés qui ont fui la

24 Yougoslavie vers d'autres pays, leur nombre s'accroît et ils quittent le

25 théâtre des opérations, surtout dans la région de Slavonie et à l'est de

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1 Croatie.

2 Et ceci nous concerne tout particulièrement. Le gouvernement de la Hongrie

3 s'est adressé aux Nations Unies. Les Nations Unies sont déjà en train

4 d'aider ces réfugiés qui arrivent en Hongrie depuis la Yougoslavie.

5 Apparemment, à présent ils sont au nombre de 35.000. L'Italie a aussi

6 accordé un asile temporaire à peu près à 5.000 Yougoslaves. L'Autriche a

7 accordé un tel asile à 6.000 ou 8.000 personnes de Slovénie."

8 Est-ce que vous étiez à peu près au courant de ces chiffres?

9 Réponse: Pas directement, mais on voyait qu'il y avait beaucoup de

10 personnes déplacées.

11 Question: Est-ce que vous saviez qu'un grand nombre de ces personnes

12 déplacées et de réfugiés étaient en effet des Serbes expulsés de Croatie?

13 Réponse: Eh bien, plus tard c'était plus facile pour moi de rassembler

14 toutes les pièces du puzzle, surtout dans le secteur où je me trouvais

15 déployé. L'appartenance ethnique des gens qui étaient déplacés était plus

16 facile à comprendre plus tard. Donc après j'ai compris qu'il y avait des

17 gens déplacés de toute origine, que les gens déplacés étaient de toute

18 origine ethnique.

19 Question: Et quelle est la réponse?

20 Réponse: Eh bien, dans le secteur Nord, municipalité par municipalité, il

21 y avait aussi bien des Croates que des Serbes qui se trouvaient déplacés,

22 mais ils étaient déplacés dans des directions différentes. Par exemple, si

23 vous regardez cette région dont nous avons parlé hier, la région qui se

24 trouve à la frontière de la Bosnie-Herzégovine, eh bien, les personnes,

25 les Serbes déplacés à l'intérieur de mon secteur venaient des différentes

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1 régions autour de la frontière.

2 Et, dans certaines municipalités, les personnes déplacées étaient des

3 Croates qui étaient, qui avaient habité dans les régions de l'autre côté

4 de la ligne de confrontation, les régions qui étaient placées sous

5 l'autorité du gouvernement croate. Donc c'était bien précis en ce qui

6 concerne la direction: il y avait des Serbes, des Croates et des Musulmans

7 qui étaient déplacés.

8 Question: Ensuite le paragraphe suivant concernant les aspects

9 économiques:

10 "L'économie de la Yougoslavie se trouvait déjà dans une situation

11 difficile avant le début des hostilités à cause du programme de

12 stabilisation très exigeant et à cause du manque de consensus fédéral. Les

13 hostilités croissantes ont aggravé le problème et maintenant l'économie se

14 trouve dans une spirale descendante. La production s'est interrompue de

15 façon dramatique dans tous les secteurs. La politique fiscale s'est

16 écroulée, l'inflation est galopante, le système financier a été détruit et

17 l'infrastructure et les communications sont interrompues de façon grave.

18 Il y a un manque considérable de commerces et des échanges des biens de

19 marchandise." (Fin de citation.)

20 Est-ce que vous avez pu voir ces problèmes économiques qui existaient à

21 l'époque en Yougoslavie?

22 Réponse: Oui, effectivement dans les zones où nous étions déployés, nous

23 n'étions pas seulement au courant de cela, mais il fallait aussi qu'on

24 remédie à ces défaillances au point de vue de l'infrastructure, et cela

25 faisait partie de nos responsabilités. On voyait qu'il fallait aider ces

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1 gens dans ces régions où nous étions déployés.

2 Question: Très bien. Maintenant, nous allons passer au document suivant:

3 DB135. Ce qui m'intéresse, c'est le paragraphe 4 qui figure sur la page

4 475, un document en date du 11 décembre 1991. Le paragraphe 15 qui parle

5 des aspects humanitaires de ce qui s'est passé en Yougoslavie à l'époque.

6 Et, à nouveau, il s'agit du document du Secrétaire général qui dit: "La

7 dimension humanitaire du problème yougoslave, dont je parlais longuement

8 dans mon rapport du 25 octobre 1991, continue à s'accroître. Le nombre de

9 personnes déplacées à cause du conflit, maintenant dépasse 500.000

10 personnes et continue à croître. Deux tiers des personnes déplacées sont

11 des femmes et des enfants.

12 On déploie des moyens de façon rapide pour aider ces personnes déplacées

13 et, grâce à l'hospitalité locale, nous avons réussi à héberger ces

14 personnes déplacées avec des familles. Mais ce nombre devient de plus en

15 plus faible, le nombre de familles qui sont prêtes accueillir les

16 réfugiés.

17 La situation est difficile, et de plus en plus difficile, et il y a des

18 manques. Les denrées de base sont très chères et, en ce qui concerne les

19 carburants, eh bien, c'est cher et il manque. Le chômage s'accroît et,

20 avec le début de l'hiver, on peut dire qu'un grand nombre de personnes

21 déplacées vont chercher abri dans des installations collectives.

22 Bien que la plupart de ces personnes déplacées restent à l'intérieur des

23 frontières des six républiques de la Yougoslavie, un grand nombre cherche

24 refuge à l'extérieur, dans d'autres pays, tout particulièrement en Hongrie

25 qui maintenant accueille 40.000personnes." (Fin de citation.)

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1 Eh bien, c'est à peu près une mise à jour de ce que nous avons lu tout à

2 l'heure.

3 Réponse: Oui.

4 Question: Vu la situation telle qu'elle est décrite dans ces rapports à

5 partir de la fin 1991, on pourrait penser que quelqu'un se trouvant dans

6 cette situation, pris dans cette situation et qui se trouve avoir des

7 parents en Autriche ou en Allemagne, qu'ils lui disent de venir, ce ne

8 serait pas étonnant de voir que de telles personnes décident de quitter la

9 Yougoslavie pour retrouver une certaine sécurité, une sécurité relative du

10 moins sur le plan économique. Est-ce que ce serait surprenant?

11 Réponse: Question d'ordre général de votre part?

12 Question: Oui.

13 Réponse: En effet, ce ne serait pas surprenant.

14 Question: Et maintenant, pour ce qui est de la situation décrite par le

15 Secrétaire général sur le déplacement de la population, le problème des

16 réfugiés qui ne cessent d'augmenter, les problèmes économiques de plus en

17 plus graves, cela ne correspond pas à la situation de personnes qui

18 habitent et qui jouissent du confort dans leur foyer?

19 M. Kirudja (interprétation): Une fois encore, Maître Ackerman, quand il a

20 été fait référence à des gens qui vivaient dans leur foyer, on faisait

21 référence à une situation particulière. Vous, ce que vous me lisez, cela

22 n'a rien à voir. C'est quelque chose de complètement différent.

23 Me Ackerman (interprétation): Oui, je sais bien que vous voulez limiter

24 cette remarque à une période et à un lieu précis et que vous voulez éviter

25 de parler de ce mot de confort, parce que c'est vous qui l'avez employé en

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1 premier pourtant. Mais vous avez pourtant dit que des personnes avaient

2 quitté le confort de leur foyer au début 1992 à Bosanski Novi; et Bosanski

3 Novi se trouvait en Yougoslavie, se trouvait justement dans cette zone où

4 l'on rencontrait tous ces problèmes économiques et autres et où la guerre

5 faisait rage.

6 Mme Korner (interprétation): Est-ce que je peux interrompre cette

7 allocution puisque je me demande où se trouve la question.

8 M. Ackerman (interprétation): Mais elle va venir.

9 Mme Korner (interprétation): Moi, cela m'a tout l'air d'être un véritable

10 discours.

11 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

12 Finissons-en, s'il vous plaît. Moi, je vois bien la question.

13 Me Ackerman (interprétation): L'interruption était utile, parce que j'ai

14 perdu le fil?

15 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous recommencer, s'il vous

16 plaît?

17 Mme Korner (interprétation): Est-ce que vous estimez qu'il s'agit d'une

18 véritable question?

19 M. le Président (interprétation): Il est en train de rappeler au témoin

20 les propos qu'il a tenus précédemment. Lui, ce qu'il dit, c'est: est-ce

21 qu'on peut vraiment profiter du confort familial, du confort du foyer,

22 est-ce que l'on peut vraiment parler de cela vu la situation qui est

23 décrite dans ces rapports. Voici la question.

24 M. Ackerman (interprétation): Vous voulez parler vous d'une période

25 précise, la période de 1992 à Bosanski Novi qui se trouvait en pleine

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1 Yougoslavie et qui connaissait toutes les difficultés économiques qu'on a

2 vues avec le déplacement de populations, etc.

3 Est-ce que vous voulez toujours affirmer que ces personnes vivaient dans

4 une situation des plus confortables?

5 M. Kirudja (interprétation): Maître Ackerman, je vais vous dire et je vais

6 vous rappeler ce que j'ai dit. Vous me dites que les gens vivaient dans le

7 confort de leur foyer. Si vous regardez le compte rendu d'audience, c'est

8 une question que j'ai posée au maire. Ce n'est pas une déclaration.

9 Question: Oui, mais vous avez dit que vous ne pouviez pas accepter que des

10 gens quittent volontairement leur foyer où ils vivaient dans un certain

11 confort. Vous en êtes arrivé à cette conclusion. Vous avez dit que cela ne

12 pouvait pas être volontaire, que c'était factice. Moi, ce que je vous dis,

13 c'est que vu la situation qui existait en Yougoslavie, on pouvait tout à

14 fait comprendre que les gens souhaitent partir ailleurs puisqu'il n'y

15 avait pas de confort dans leur foyer. C'est ce que je vous dis.

16 M. Kirudja (interprétation): Vous pouvez le dire mais, moi, cela ne change

17 pas ma déposition. Vous pouvez avancer ce genre de chose, mais cela ne

18 correspond pas à ce que j'ai dit. Si vous regardez ce que j'ai dit, j'ai

19 dit la chose suivante: je rencontre un maire qui vient dans mon bureau et

20 il me dit: "J'ai reçu un rapport..."

21 M. le Président (interprétation): Il est inutile de répéter ce que vous

22 avez déjà dit. C'est très clair, Monsieur le Témoin.

23 Poursuivons, Maître Ackerman.

24 M. Ackerman (interprétation): J'avance.

25 Ces premiers contacts que vous avez eus avec le maire de Novi...

Page 14588

1 M. Kirudja (interprétation): Non.

2 Question: Le maire de Dvor. Vous évoquez ces 5.000 personnes qui voulaient

3 bénéficier d'un passage garanti à travers le secteur Nord, passage en

4 toute sécurité.

5 Il y a deux demandes qui ont été formulées à ce moment-là: il voulait

6 qu'on assure la sécurité de leur passage, un sauf-conduit, et ensuite on

7 vous a demandé de faire venir une équipe de télévision de l'étranger pour

8 assurer la couverture médiatique de l'événement.

9 Réponse: C'est exact.

10 Question: La présence d'une équipe de télévision de l'étranger, est-ce que

11 cela n'aurait pas été une occasion en or pour ces personnes, si elles ne

12 partaient pas volontairement mais si elles étaient chassées, est-ce que

13 cela n'aurait pas été une occasion en or pour le signaler au monde entier?

14 Réponse: Je souhaiterais avant tout dire qu'à ce moment-là, je souhaitais

15 entendre de la bouche des personnes déplacées ce souhait. Donc au moment

16 de la réunion elle-même, j'ai mis de côté cette demande.

17 Question: Mais n'est-il pas vrai qu'apparemment cela traduisait le désir

18 des autorités de Bosanski Novi de faire connaître au monde ce qu'il se

19 passait avec la présence d'une équipe de télévision de l'étranger. Est-ce

20 que cela n'aurait pas été l'occasion pour les personnes déplacées de faire

21 connaître à tout le monde ce qu'il se passait vraiment si elles estimaient

22 qu'on les chassait?

23 Réponse: Je l'aurais cru si elles me l'avaient dit elles-mêmes.

24 Question: J'ai une question à vous poser au sujet de ce M. Paolo Raffone.

25 Est-ce que je prononce bien?

Page 14589

1 Réponse: C'est parfait.

2 Question: N'est-ce pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que c'était quelqu'un digne de foi? Est-ce que vous

5 constatez la chose lorsque vous travailliez avec lui?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Est-ce que vous avez constaté que ces rapports étaient conformes

8 à la réalité, étaient exacts?

9 Réponse: S'il y a des rapports que j'ai trouvés non conformes à la

10 réalité, je ne les ai pas signés. Sinon, je les ai signés.

11 Vous pourrez constater pour ce qui est des chiffres que parfois ils ne

12 correspondent pas tout à fait, vu la situation. Mais généralement quand il

13 évoquait la situation, quand il commentait la situation, moi je pouvais

14 vérifier que généralement il rapportait les choses telles qu'elles se

15 déroulaient sur le terrain.

16 M. Ackerman (interprétation): Parfois vous me devancez un petit peu.

17 J'aimerais, s'il vous plaît, que vous répondiez un peu plus en détail à ma

18 question.

19 M. Kirudja (interprétation): Certes, mais vous me demandez, vous me posez

20 une question de nature tout à fait générale.

21 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous répondez aussi de manière

22 très générale.

23 M. Ackerman (interprétation): Pièce P1661, s'il vous plaît.

24 (Intervention de l'huissière.)

25 P1661. Il s'agit d'un mémorandum qui a été rédigé par M. Raffone et

Page 14590

1 ensuite signé par vous-même qui l'avez autorisé, n'est-ce pas?

2 M. Kirudja (interprétation): Oui.

3 Question: Ce qu'on peut lire dans ce mémorandum c'est la chose suivante:

4 "M. Raffone a dit que le 1er juin 1992, il a reçu un appel de Kupresanin,

5 maire de Banja Luka." C'est bien ce qui est écrit?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Est-ce que vous vous êtes jamais demandé si M. Kupresanin était

8 effectivement le maire de Banja Luka ou pas?

9 Réponse: Il n'y a pas rencontré directement. Ce n'est donc pas ce que je

10 lui ai demandé. Je lui ai demandé comment il avait obtenu cette

11 information. L'information avait été obtenue au téléphone par le biais

12 d'interprète. La personne en question a dit par le truchement d'un

13 interprète "Je suis le maire de", etc.

14 Question: Mais est-ce que vous avez jamais remis en question la position

15 de M. Kupresanin en tant que maire de Banja Luka?

16 Réponse: Non.

17 Question: Essayons de procéder de la sorte: essayez de répondre

18 brièvement, sauf si vous avez besoin de me donner des détails. Est-ce que

19 vous avez appris par d'autres sources que M. Kupresanin était maire de

20 Banja Luka?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Combien de temps après?

23 Réponse: Je ne me souviens pas, mais pour ce qui est de ce Kupresanin,

24 justement on voulait avoir des informations supplémentaires.

25 Question: Est-ce que vous diriez au vu du rapport de M. Raffone qu'il a

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1 effectivement parlé avec M. Kupresanin le 1er juin 1992?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Et est-ce que vous pensez qu'à ce moment-là il pensait que M.

4 Kupresanin était maire de Banja Luka?

5 Réponse: C'est ce qu'on lui a donné à croire.

6 Question: Hier, dans le cadre de votre déposition, page 19, ligne 9, on

7 vous a interrogé au sujet de Banja Luka. Justement au sujet de ce mémo de

8 juillet. Document 1671. Je vais vous demander, s'il vous plaît, de vous y

9 rapporter.

10 (Intervention de l'huissière.)

11 A la page 19 de votre déposition d'hier compte rendu d'audience, Mme

12 Korner vous a posé la question suivante au sujet du document portant la

13 cote 1671 qui, vous remarquerez au deuxième paragraphe, comprend le nom de

14 Banja Luka. On vous a demandé, donc Mme Korner vous a demandé comment vous

15 étiez arrivé à mentionner Banja Luka et vous avez répondu la chose

16 suivante -je cite-: "Vous vous souviendrez que M. Paolo Raffone a reçu un

17 coup de téléphone et que M. Kupresanin avait fait allusion aux autres

18 villes, et dit que 15.000 personnes avaient quitté Banja Luka de ces

19 villes et qu'il y en aurait 15.000 de plus qui allaient partir. Et

20 ensuite, il a dit qu'ils avaient besoin des organisations humanitaires

21 internationales pour faire face à cette crise." (Fin de citation.)

22 C'est votre réponse, n'est-ce pas?

23 Réponse: Effectivement.

24 Question: Mais vous savez que cela ne correspond pas à la réalité, n'est-

25 ce pas?

Page 14592

1 Réponse: Je ne comprends pas ce que vous me dites.

2 Question: Vous savez que ce n'est pas vrai?

3 Réponse: Qu'est-ce qui n'est pas vrai?

4 Question: Ce que je vous dis. Vous savez qu'il n'est pas exact que M.

5 Kupresanin ait dit que 15.000 personnes avaient quitté la région de Banja

6 Luka et que 15.000 autres allaient prendre leur suite.

7 Réponse: Nous avons indiqué dans notre rapport ce que… Mais je ne

8 comprends pas, qu'est-ce qui n'est pas vrai?

9 Question: Hier, dans le cadre de votre déposition, M. Kupresanin avait

10 déclaré que 15.000 personnes avaient quitté Banja Luka et que 15.000

11 autres allaient quitter la zone après.

12 M. Kirudja (interprétation): Oui, c'est ce que j'ai dit.

13 M. Ackerman (interprétation): Moi, ce que je vous dis: vous savez que ce

14 n'est pas vrai, n'est-ce pas?

15 M. le Président (interprétation): Mais qui est censé avoir dit quoi? Qui

16 est censé avoir menti? C'est M. Kupresanin ou la personne qui a élaboré le

17 rapport?

18 Mme Korner (interprétation): Je crois que l'on est en train d'affirmer que

19 le témoin ment et je voudrais bien savoir sur quelle base?

20 M. Ackerman (interprétation): J'y viens.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur le témoin faisait référence à

22 ce qui était inscrit dans le rapport. Il n'a pas pu mentir lui-même. S'il

23 y a quelque chose qui n'est pas conforme à la réalité dans sa déclaration,

24 cela découle du rapport.

25 Mme Korner (interprétation): Me Ackerman, en ce moment -il l'a d'ailleurs

Page 14593

1 confirmé-, affirme que le témoin ment lorsqu'il dit que c'est à cela qu'il

2 faisait référence.

3 M. Ackerman (interprétation): Non.

4 Mme Korner (interprétation): Eh bien dans ces conditions, il faudrait un

5 peu éclairer notre lanterne.

6 M. Ackerman (interprétation): Moi, ce dont je parle, c'est ce qu'a dit le

7 témoin hier en réponse à la question au sujet des 15.000 personnes qui

8 avaient quitté Banja Luka et aux 15.000 qui allaient suivre. Moi, je dis

9 que c'était là une mauvaise représentation, sans doute involontaire, de la

10 réalité. Et donc, je vais vous demander, Monsieur, à nouveau, si vous en

11 convenez avec moi.

12 Si vous examinez de nouveau, s'il vous plaît, la pièce 1661, je vous en

13 serais reconnaissant.

14 (Intervention de l'huissière.)

15 M. Ackerman (interprétation): Ici, nous avons un document qui évoque le

16 coup de téléphone donné pour M. Kupresanin. Fin du premier paragraphe, on

17 lit -je cite-: "On peut résumer les informations données par le maire de

18 la manière suivante…"

19 M. Kirudja (interprétation): Je n'ai pas le rapport que vous êtes en train

20 de lire.

21 M. Ackerman (interprétation): On vient de vous le donner.

22 M. Kirudja (interprétation): Non, je ne le vois pas.

23 M. le Président (interprétation): P1661, au point a: "coup de téléphone du

24 maire de Banja Luka." Si vous vous référez à la fin de ce passage, avant-

25 dernier paragraphe: "Le maire estime que 15.000 personnes ont quitté leur

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1 lieu de résidence habituel en direction de Dvor et qu'il est probable que

2 15.000 personnes feront de même dans un futur proche."

3 M. Ackerman (interprétation): Moi, ce qui m'intéresse plus

4 particulièrement, c'est ce qu'on peut lire un peu plus loin où on voit:

5 "On peut résumer les déclarations du maire de la façon suivante… "

6 M. Kirudja (interprétation): Oui.

7 Question: Et on voit: "Les maires de Bosanski Novi, Prijedor, Kljuc,

8 Bosanska Dubica, Sanski Most et de Banja Luka avaient des contacts au

9 sujet de la situation de la population musulmane dans la zone."

10 Réponse: Oui.

11 Question: En d'autres termes, ils s'étaient entretenus à ce sujet?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et sur la base de cette conversation, M. Kupresanin a indiqué

14 que 15.000 personnes avaient déjà quitté leur lieu de résidence habituel

15 pour se diriger vers Dvor et qu'il était possible que 15.000 nouvelles

16 personnes empruntent le même chemin.

17 Réponse: Je le vois.

18 Question: Ce qu'il est en train de dire dans ce rapport, c'est qu'il y

19 avait là des réfugiés de Bosanski Novi, Kljuc, Sanski Most, etc., etc.

20 Réponse: Est-ce que vous pouvez revenir au paragraphe que vous avez cité

21 et me dire pourquoi ce n'est pas vrai? Pourquoi ce que j'ai dit n'était

22 pas vrai? Pourquoi cela ne correspond pas à la réalité?

23 Question: Cela correspondrait à la réalité si Banja Luka comprenait,

24 incluait toutes ces localités. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?

25 Réponse: Veuillez, s'il vous plaît, lire à nouveau à haute voix ce

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1 paragraphe. A ce moment-là, je vous dirai ce que j'ai à en dire.

2 Question: "M. Kupresanin a fait référence aux mêmes villes."

3 Réponse: "Les mêmes villes", on fait référence aux villes du paragraphe 2.

4 Question: Et il dit que 15.000 personnes avaient quitté Banja Luka et que

5 15.000 autres personnes allaient suivre.

6 M. Kirudja (interprétation): On fait ici référence au paragraphe du bas.

7 Moi, ce que je vous demande, c'est ce qui n'est pas vrai et ce dont je

8 savais que ce n'était pas vrai.

9 M. Ackerman (interprétation): Si vous dites que toutes ces villes

10 faisaient partie de Banja Luka, à ce moment-là, je dirais que vous disiez

11 la vérité.

12 M. le Président (interprétation): Oui, un instant. Maître Ackerman,

13 Monsieur Kirudja, vous êtes en train de causer des difficultés à la cabine

14 française.

15 M. Kirudja (interprétation): Je prie la cabine de m'excuser.

16 M. le Président (interprétation): Veuillez ralentir et faire une pause

17 entre vos questions et vos réponses.

18 M. Ackerman (interprétation): Si vous incluez toutes ces villes dans la

19 zone de Banja Luka. A ce moment-là, j'accepte la conclusion qui est donnée

20 ici.

21 M. Kirudja (interprétation): Mais est-ce que vous pouvez également

22 reconnaître que vous n'avez pas compris ma déclaration?

23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous n'êtes pas ici

24 considéré comme un témoin hostile.

25 M. Kirudja (interprétation): Merci.

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1 M. le Président (interprétation): Vous êtes un témoin de la Chambre.

2 M. Kirudja (interprétation): Merci.

3 M. le Président (interprétation): Ne traitez pas Me Ackerman comme s'il

4 cherchait à vous piéger. Vous êtes ici pour apporter une déposition

5 constructive de façon que nous puissions en finir aussi rapidement que

6 possible. Je vois que vous êtes tous deux des gens très enthousiastes.

7 Mme Korner (interprétation): Oui, mais le problème c'est que M. Ackerman

8 est en train de dire que le témoin a induit la Chambre en erreur, et le

9 témoin a le droit de répondre à de telles allégations.

10 M. le Président (interprétation): Oui, mais je pense qu'il n'est pas la

11 peine de se lancer dans des arguties. Je pense qu'il n'y a pas là

12 d'hostilité de la part de Me Ackerman, mais cependant on sent que ça vient

13 si on continue dans ce sens. C'est pour ça que j'aimerais bien qu'on

14 s'arrête là.

15 Allez-y Maître Ackerman.

16 M. Ackerman (interprétation): Bien. Monsieur le Témoin, essayons de voir

17 si vous êtes en mesure de répondre à ma question.

18 M. le Président (interprétation): Je vous répète ce que j'ai dit au

19 témoin: vous auriez tout à fait pu poser votre question au témoin sans lui

20 dire qu'il avait menti, en ayant simplement dit que ça ne correspond pas à

21 la situation. Cela aurait été plus conforme à ce qui nous intéresse, à ce

22 que vous voulez dire, et cela aurait évité cette montée de la tension

23 entre vous.

24 M. Ackerman (interprétation): Vous nous dites que ces 15.000 personnes qui

25 ont quitté la zone de Banja Luka venaient d'une zone qui est incluse dans

Page 14597

1 Banja Luka. A ce moment-là, j'accepte que ce que vous nous dites

2 corresponde à la réalité. Est-ce que vous le reconnaissez?

3 M. Kirudja (interprétation): Non. Parce que ce n'est pas de cette façon

4 que je vois les choses. Moi, je suis en train de rapporter ce qu'a dit M.

5 Kupresanin, je n'y change rien. Nous n'avons dans notre rapport absolument

6 rien changé aux estimations données par M. Kupresanin. Nous avions eu

7 peut-être d'autres informations qui ne correspondaient pas.

8 Mme Korner (interprétation): Mais je voudrais savoir ce que nous dit

9 exactement Me Ackerman. Pourquoi nous dit-il cela? Pourquoi nous parle-t-

10 il de Novi Prijedor, Kljuc, Dubica, Sanski Most? Je voudrais savoir sur la

11 base de quoi il fait cette allégation?

12 M. Ackerman (interprétation): Je fais de mon mieux mais on ne cesse de

13 m'interrompre.

14 M. le Président (interprétation): Veuillez répondre à ce que vient de vous

15 dire Mme Korner.

16 M. Ackerman (interprétation): Je crois que c'est délibérément qu'on

17 m'interrompt pour me faire perdre le fil de mon interrogatoire.

18 Le 3 février 2003, vous avez déposé dans Milosevic, vous en souvenez-vous?

19 M. Kirudja (interprétation): Oui, oui, j'ai déposé dans cette affaire

20 effectivement.

21 Question: Je vais vous donner lecture de certaines réponses que vous avez

22 faites à un certain nombre de questions qui vous ont été faites. Page

23 15.434 du compte rendu d'audience.

24 Je voudrais maintenant, Monsieur le Témoin, passer à une zone autre que

25 celle de Bosanski Novi, à savoir zone de Prijedor, Bosanski Novi, Kljuc,

Page 14598

1 Dubica, Sanski Most et Banja Luka.

2 Le 1er juin 1992, est-ce que M. Kupresanin, maire de Banja Luka, a

3 rapporté ou a eu une conversation avec vos collaborateurs au sujet de la

4 situation des Musulmans dans cette municipalité, dans ces municipalités?

5 Réponse: Oui. Il s'agit d'une conversation téléphonique au cours de

6 laquelle on a appelé M. Raffone.

7 Question: Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé exactement?

8 Réponse: Monsieur Raffone a reçu cet appel téléphonique et a pris des

9 notes de ce que lui disait le maire de Banja Luka.

10 Question: Et l'essentiel de ce qu'a dit le maire de Banja Luka c'était

11 qu'il y avait déjà 15.000 réfugiés qui quittaient cette zone, Bosanski

12 Novi, Sanski Most, Prijedor, Kljuc, Bosanski Dubica, et qu'il y aurait

13 15.000 réfugiés de plus bientôt. Il avait imploré le HCR des Nations

14 Unies, les Nations Unies d'apporter leur aide.

15 Voilà l'essentiel de sa déclaration. C'est bien ce que vous avez dit dans

16 Milosevic, n'est-ce pas, Monsieur le Témoin?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Maintenant j'aimerais, s'il vous plaît, que vous vous référiez

19 au document P1666. Et pendant qu'on recherche ce document, vous

20 conviendrez, n'est-ce pas, que vous n'avez pas d'information particulière

21 au sujet de la venue dans votre zone de réfugiés en provenance de Banja

22 Luka?

23 (Intervention de l'huissière.)

24 Réponse: Ce dont nous avons parlé hier, en dernier, c'était de réfugiés

25 qui venaient dans notre secteur. Vous vous souviendrez c'était un télex

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1 assez illisible. On parlait de gens qui venaient de Trnopolje. Et il me

2 semble que là aussi on parlait de Banja Luka. Mais globalement, on peut

3 dire que la majorité des réfugiés venaient de villes qui étaient plus

4 proches de la frontière.

5 Question: Ce document que vous avez maintenant sous les yeux, document

6 1666, est-ce que vous le voyez?

7 Réponse: Oui. Il s'agit du document, d'un rapport du représentant du HCR

8 des Nations Unies.

9 Question: Il y a ici un mémo en date du 9 juin 1992 sur lequel figure

10 votre nom. Vous l'avez signé?

11 Réponse: Oui, vous le voyez.

12 Question: Est-ce que c'est Paolo Raffone qui a signé ce document?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Est-ce que vous l'avez autorisé à signer ce document pour vous?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Et vous ne vous considériez pas responsable de la teneur d'un

17 document si ce n'est pas vous-même qui l'aviez signé et que votre

18 autorisation n'avait pas été donnée?

19 Réponse: Nous avons un système qui veut que lorsque quelqu'un, lorsque la

20 personne habilitée n'est pas au bureau, à ce moment-là, son subordonné

21 peut prendre contact par radio ou autre et ensuite signer le document.

22 Question: Oui, mais moi ce que je veux dire, c'est que vous ne pouvez pas

23 vous considérer comme étant responsable de ce qui est contenu dans ce

24 document si vous n'avez pas donné votre autorisation, si vous ne l'avez

25 pas autorisé.

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1 Réponse: Je ne comprends pas.

2 Question: Mais imaginons que quelqu'un ait signé un tel document sans

3 votre autorisation.

4 Réponse: Oui, cela ne serait pas acceptable.

5 Question: Donc, à ce moment-là, vous ne seriez pas responsable.

6 Réponse: Non, et si c'était mon subordonné, je m'opposerais à ce genre de

7 pratique.

8 Question: S'il vous plaît, pouvez-vous trouver dans votre journal, en date

9 du 13 juin...

10 Réponse: 1992?

11 Question: Oui, 1992.

12 Réponse: Oui.

13 Question: Une réunion s'est tenue ce jour-là, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui, à Dvor.

15 Question: Qui a assisté à cette réunion?

16 Réponse: Le maire adjoint de Dvor.

17 Question: Et vous-même?

18 Réponse: Et moi-même. Je n'ai pas tout consigné dans mon journal et je ne

19 suis pas rentré dans le détail ici de cette réunion, mais il y aurait eu

20 un représentant de la police civile et des militaires. Ce seraient des

21 personnes qui normalement auraient assisté à cette réunion.

22 Question: Pouvez-vous dire aux Juges, s'il vous plaît, ce qui a été évoqué

23 lors de cette réunion?

24 Réponse: Le maire adjoint a traité immédiatement la question de

25 l'assassinat des sept personnes musulmanes dans la région de Dvor. Il a

Page 14601

1 commencé par annoncer qu'il y avait eu sept personnes tuées par des

2 Musulmans. Et il a déclaré que ceci était dû à la provocation des

3 Musulmans.

4 Question: Très bien.

5 Réponse: Ensuite, il a parlé du HCR des Nations Unies. Il a dit qu'il

6 était content que la Forpronu avait entendu sa demande et avait entendu

7 dire que c'étaient des provocations. Ceci est indiqué sur un certain

8 nombre de pages. C'est consigné sur trois pages. Voulez-vous que je lise

9 tout ceci?

10 Question: Eh bien, c'est ce qu'il s'est passé au cours de cette réunion.

11 Réponse: Je l'ai décrit de façon résumée. Je voulais simplement avancer

12 dans la rédaction de mon journal. Comme je le dis, il y a trois pages qui

13 traitent de sujets différents dans mes notes.

14 Question: Très bien.

15 Réponse: Alors, très bien. Il voulait en fait accélérer le déploiement de

16 la Forpronu à Dvor. Il s'attendait à voir un conflit ou une escalade du

17 conflit. Il voulait rassembler des armes dans la région, de l'équipement,

18 dans la République serbe de Krajina. Il a parlé des conditions et de

19 l'ouverture d'un nouveau front, que les conditions étaient remplies

20 maintenant et il a continué en disant que c'était une agression, au sens

21 classique du terme, d'un des membres des Nations Unies, que les Musulmans

22 avaient traversé et avaient pénétré dans la Republika Srpska. Il pensait

23 qu'il y avait deux bataillons bien armés de Musulmans. La frontière

24 recouvrait 40 kilomètres. Les points sensibles étaient Cazin, Velika,

25 Kladusa, Bosanska Krupa, tous habités par des Musulmans.

Page 14602

1 Question: Je vais vous interrompre quelques instants. Vous avez évoqué

2 deux bataillons de Musulmans qui étaient à cet endroit-là.

3 Réponse: Non, j'ai dit que la frontière faisait 40 kilomètres et qu'il y

4 avait des points sensibles.

5 Question: Avant, vous avez évoqué deux bataillons de Musulmans.

6 M. Kirudja (interprétation): On ne connaissait pas leur emplacement exact.

7 M. le Président (interprétation): Vous avez dit que c'est ce que l'on

8 croyait.

9 Me Ackerman (interprétation): Très bien, allez-y.

10 M. Kirudja (interprétation): Ils avaient autorisé les Musulmans à entrer

11 sur les territoires. Il y avait sept personnes qui ont été massacrées. Ils

12 sont ensuite entrés à Ljubljana, dans le village de Dvor. A présent, il y

13 a des fusillades à la frontière de Letici et jusqu'à Sircic Klanac. Toutes

14 les autres municipalités, le long de la frontière, Velika, Kladusa et

15 Bosanska Krupa, les municipalités de Bosnie-Herzégovine. Il voulait

16 permettre aux Musulmans qui le souhaitaient… ou plutôt il avait demandé

17 aux Musulmans qui voulaient s'échapper, de le leur autoriser.

18 Ils sont maintenant à Dvor. Bon nombre d'entre eux ont été transportés à

19 travers la région de la Krajina, dans les villages de Bosanska Krupa, en

20 voiture et venaient de Bosanski Novi. A peu près 30.000 personnes capables

21 de porter des armes et de combattre. Un certain nombre d'entre eux étaient

22 illettrés et s'étaient des Musulmans intégristes.

23 Un bataillon est entré sur le territoire avec pour but d'attaquer la

24 municipalité; le but était d'interrompre les activités des Nations Unies.

25 Et j'ai noté que Milan Junic qui était le maire adjoint et le président du

Page 14603

1 comité de coordination avec la Forpronu, Milan Vucjak (phon.) qui était le

2 président du gouvernement à Dvor. Et nous avons poursuivi dans notre

3 discussion la structure du gouvernement en place. Il m'a dit qu'il y a 270

4 députés dans le parlement de la Republika Srpska.

5 Question: Vous n'avez pas évoqué ici l'organisation du gouvernement.

6 Réponse: Ensuite, il a parlé du HCR des Nations Unies. Pardon. Ensuite le

7 HCR des Nations Unies a fait sa propre présentation sur les personnes

8 déplacées, et je crois qu'ils ont dit qu'il y en avait à peu près 5.000

9 qui ont été déplacées en Croatie et 400.000 dans le nouveau territoire de

10 Yougoslavie. C'étaient les chiffres avancés par le HCR devant le maire.

11 Ensuite on m'a expliqué qu'il y avait des officiels. Ensuite il m'a

12 informé que des représentants officiels avaient fait état de 4.900

13 réfugiés y compris 1.700 réfugiés de Zagreb, de Sisak et d'autres régions

14 de Croatie. Ils ont été logés par d'autres personnes, ils sont logés par

15 d'autres personnes ainsi que la Croix-Rouge mais sont entrés sans rien.

16 Ensuite, il m'a parlé des "opstina".

17 Question: Les réfugiés auxquels vous faites allusion ici seraient des

18 Serbes en fait qui quittaient la Croatie et qui entraient en Bosnie-

19 Herzégovine, est-ce exact?

20 Réponse: Non.

21 Question: A Dvor?

22 Réponse: Oui, ils se rendaient à Dvor.

23 Question: Très bien. Poursuivez, s'il vous plaît.

24 Réponse: Les municipalités de 5.500 m² avaient 15.000 habitants avant la

25 guerre; c'était la municipalité de Dvor. Si on ajoutait les réfugiés au

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1 nombre de 4.900 à Dvor, la municipalité serait serbe. Il y avait à ce

2 moment-là 6.000 personnes déplacées. Un nombre d'entre eux se sont rendus

3 dans les villes de la zone protégée des Nations Unies, à savoir Petrinja,

4 Glina et Kostajnica.

5 Ensuite, le maire a poursuivi, a parlé des Musulmans et a expliqué qu'il y

6 a "des Musulmans dont nous nous occupons. Nous pouvons vous emmener

7 visiter les familles de Dvor. Il y a également des Croates à Dvor, et vous

8 pouvez leur parler sans que nous soyons présents."

9 Question: Avez-vous accepté cette invitation, à savoir de pouvoir vous

10 entretenir avec les familles croates et musulmanes à Dvor?

11 Réponse: Souvenez-vous que je dirigeais la mission des Nations Unies dans

12 la région et il fallait que je demande à la police civile pour pouvoir me

13 rendre dans la région, et c'était à eux d'aller s'y rendre.

14 Question: Vous êtes-vous rendu ou non?

15 Réponse: J'ai demandé à quelqu'un de mon équipe s'il souhaitait le faire.

16 Et ils ont précisé qu'il serait prêt à le faire. Cela faisait partie de ma

17 mission.

18 M. Ackerman (interprétation): Poursuivez.

19 M. Kirudja (interprétation): "Nous préparons la chose suivante. Nous

20 voulons organiser le retour des réfugiés dans leur village. Le

21 représentant du CICR a visité Dvor au mois de novembre".

22 J'ai parlé de quelqu'un. Je ne sais pas si vous souhaitez que je parle de

23 cela. Monsieur le Président, souhaitez-vous que j'en parle?

24 M. le Président (interprétation): Non.

25 M. Kirudja (interprétation): Il a été tué à Sarajevo par la suite. Le

Page 14605

1 représentant du CICR a précisé que de l'assistance sous forme d'argent

2 serait accordée aux Serbes de la Krajina. Cet argent a été versé dans des

3 banques à Belgrade parce qu'ils estimaient qu'il était dangereux d'envoyer

4 de la nourriture ou d'autres éléments de la sorte.

5 Ensuite, il a poursuivi en parlant des complications dues à l'embargo:

6 "Nous pouvons vivre 10 ans". Et a poursuivi: "Nous pouvons vivre 10 ans

7 avec de telles mesures, mais l'embargo ne changera pas notre point de vue.

8 Et lorsque la Forpronu aura repris le contrôle, nous pourrons procéder à

9 nouveau à des importations et des exportations."

10 Ensuite il a évoqué la récolte et le besoin en équipement agricole et le

11 manque de carburants. Ensuite: "Nous sommes prêts à adopter l'agriculture

12 manuelle pour survivre. Et si la Forpronu apporte ou fourni du carburant,

13 il est clair qu'ils vont vérifier et voir si c'est véritablement utilisé à

14 des fins agricoles."

15 Autrement dit, c'étaient les Serbes qui parlaient, et si on leur donnait

16 du carburant, ils seraient prêts à régler cela en nature. Le carburant

17 pose un vrai problème dans cette région.

18 Le dernier assistant du HCR à Dvor s'est rendu à Dvor à la mi-février. Je

19 ne sais pas si vous voulez rentrer dans le détail de ce tout ceci.

20 Question: Je crois que cela suffit pour l'instant. Je vais dire à la

21 Greffière que je vais d'abord utiliser le document P1668 et ensuite le

22 document 1671. Commençons par P1668, s'il vous plaît.

23 (Intervention de l'huissière.)

24 Merci. Avez-vous ce document devant vous, Monsieur, le document P1668? Il

25 s'agit en fait de la note datée du 16 juin 1992.

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1 Réponse: Oui, absolument.

2 Question: Au paragraphe 4, au milieu de la page, je crois qu'on fait

3 allusion ici à ce que vous venez de nous dire à propos de cette réunion

4 qui s'est tenue à Dvor. "Ces derniers jours, les autorités locales à Dvor

5 ont porté à l'attention de la Forpronu le massacre de membres de TDF à

6 Dvor et de quatre membres près de Velika Kladusa. Les derniers faisaient

7 partie d'un convoi qui accompagnait 12 enfants, 11 femmes et 37 personnes

8 âgées, tous des Serbes, dans la zone protégée des Nations Unies. A Cazin,

9 ensuite, la TDF locale, les autorités ont prétendu que les Musulmans..."

10 Réponse: Je n'ai pas la seconde page.

11 Question: Vous n'avez pas la seconde page?

12 Réponse: Pardonnez-moi, ce n'est pas au bon endroit.

13 Question: "Ensuite, les autorités de la TDF sont venues, ont posé des

14 questions et ont battu à mort 40 Serbes ces deux derniers jours." Est-ce

15 exact?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Et ensuite le texte se poursuit. C'est un rapport qui a été

18 rédigé par vous et il précise la chose suivante: "Aucune de ces histoires

19 n'a été vérifiée par des sources indépendantes." Est-ce exact?

20 Réponse: Oui.

21 Question: C'est ce que vous avez écrit.

22 Réponse: Oui.

23 Question: Si vous voulez bien poursuivre et passer au paragraphe 7, s'il

24 vous plaît. Au milieu de ce paragraphe, vous dites la chose suivante: "Le

25 président du SDS, M. Beslas -et je suppose que l'on parle ici toujours de

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1 la région de Bihac- M. Beslas, président du SDS, aurait préparé un

2 document en consultation avec les autorités serbes à Banja Luka. aux fins

3 de l'envoyer aux autorités musulmanes de Bihac.".

4 Est-ce que vous voyez cette phrase?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Savez-vous, si oui ou non, ceci a été vérifié par des sources

7 indépendantes?

8 Réponse: Le terme "aurait", je crois, souligne ceci.

9 Question: Donc toutes les fois que l'on voit le terme "aurait" au

10 conditionnel, cela signifie que cela n'a pas été vérifié par des sources

11 indépendantes.

12 Réponse: Absolument, et j'ai donné des consignes très claires à mes

13 collègues à cet égard, parce que lorsqu'on parle de quelque chose, il faut

14 dire "aurait dû'', prétendument. Et lorsque l'on voit ce terme-là, cela

15 signifie ceci.

16 Question: Si vous tournez au paragraphe -on remonte maintenant-, et vous

17 tournez au paragraphe 4, au milieu du paragraphe où l'on parle de ces

18 femmes et de ces enfants, il est précisé que "ces derniers faisaient

19 partie d'un convoi qui aurait escorté 12 enfants, 11 femmes et 37

20 personnes âgées". C'est la même acception du terme ici?

21 Réponse: Absolument.

22 Question: Pourquoi avez-vous jugé utile d'ajouter qu'il fallait vérifier

23 le bien-fondé de ces histoires?

24 Réponse: Pour souligner cela.

25 Question: Pardon?

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1 Réponse: Cela, simplement, souligne le terme "aurait" au conditionnel.

2 Question: Est-ce que cela signifie que cela souligne que vous auriez

3 tendance à ne pas donner foi aux rapports serbes et croire davantage les

4 rapports qui émanaient des Musulmans?

5 Réponse: Non, absolument pas.

6 Question: Au paragraphe 8 de ce document: "Le 14 juin 1992, le commandant

7 de la TDF Kordun a informé le commandant du secteur, ainsi que le CAC

8 qu'un ulimatum avait été reçu des dirigeants musulmans dans les villages

9 de Rojnica et de Bugar." C'est bien Bugar?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Et à Cazin en Bosnie-Herzégovine, en précisant à tous les

12 Musulmans qui habitaient à Kordun de prendre leurs affaires et de

13 retourner en Bosnie?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Il semble que ceci ait été vérifié parce qu'il n'y a pas

16 d'adverbe qui précise que c'est au conditionnel.

17 Réponse: Absolument. C'est moi-même.

18 Question: Savez-vous pourquoi des dirigeants musulmans dans la région de

19 Cazin auraient envoyé un ultimatum à des Musulmans leur demandant de

20 prendre leurs affaires et de rentrer en Bosnie?

21 Réponse: Ceci en fait est un condensé de l'histoire, et si cette Chambre

22 me le permet, il faudrait que je donne quelques détails. Ceci ne va pas

23 dans le sens où vous l'entendez. Il s'agit de Musulmans qui sont à Kordun,

24 à l'intérieur du secteur.

25 M. Ackerman (interprétation): Avant de poursuivre, j'aurais souhaité

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1 regarder le document qui porte la cote, s'il vous plaît, 1645.

2 (Intervention de l'huissière.)

3 On peut mettre ce document sur le rétroprojecteur.

4 M. le Président (interprétation): S'agit-il de 1665 ou de 1645?

5 M. Ackerman (interprétation): 45. C'est une grande carte, Monsieur le

6 Président.

7 M. le Président (interprétation): Très bien.

8 M. Ackerman (interprétation): Nous allons mettre cette carte sur le

9 rétroprojecteur de façon à ce que vous puissiez montrer aux Juges cette

10 région de Kordun à laquelle vous venez de faire référence.

11 M. Kirudja (interprétation): Cette carte ne suffit pas véritablement. Au

12 milieu, vous avez ici la frontière internationale qui a été évoquée

13 tellement souvent ici. Et la zone de Kordun se situerait quelque part par

14 ici, environ, comprend donc toute cette région-ci.

15 Question: A savoir entre Karlovac et la frontière, vous devriez pouvoir

16 voir le terme Kordun?

17 Réponse: Non, pas du tout. Vous verriez Kordun etc. Cela n'est pas une

18 ville.

19 Question: Alors qu'en est-il?

20 Réponse: Ça n'est pas une ville, c'est une région.

21 Question: Donc Kordun est une région et non pas une ville.

22 Réponse: Ce n'est pas une ville.

23 Question: Très bien. Donc lorsque vous parlez des Musulmans qui habitent à

24 Kordun, vous évoquez les Musulmans qui habitent dans cette région?

25 Réponse: Qui habitent à l'intérieur de cette région, quelque part près de

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1 la frontière. Et un jour, les commandants sont venus me voir et m'ont dit:

2 "Nous avons reçu un ultimatum en vertu duquel ils doivent partir.". Parce

3 qu'on demandait à ce qu'ils se rendent dans la zone où les Musulmans

4 étaient en majorité.

5 Question: Vous avez évoqué à plusieurs reprises que les Musulmans vivaient

6 en toute quiétude dans la région de Kordun?

7 Réponse: Le village, ce village en particulier, ces villes vivaient de

8 façon tout à fait pacifique. Autrement dit, il n'y avait pas de

9 harcèlement.

10 Question: Poursuivez, s'il vous plaît, et dites-nous comment vous avez

11 compris cet ultimatum?

12 Réponse: Eh bien, pour finir, c'est une façon de préparer le terrain de

13 façon que ces gens puissent être transférés de Kordun dans la poche de

14 Bihac.

15 Question: Pourquoi les autorités musulmanes auraient-elles lancé un

16 ultimatum à ces personnes pour qu'elles laissent… pour qu'elles emportent

17 leurs affaires et qu'elles reviennent?

18 Réponse: C'est vous maintenant qui posez les questions comme moi à propos

19 de Kordun. Ça, c'est le type de question que j'ai demandé moi-même. Je

20 leur ai demandé si nous allions entrer dans le détail. La question est

21 similaire à celle j'ai posé au maire de Bosanski Novi.

22 Question: Alors quelle réponse vous a-t-on donnée?

23 Réponse: Je ne me souviens pas du détail de sa réponse, mais si je fais un

24 retour en arrière, en général j'étais très souvent de l'autre côté de la

25 poche de Bihac, à Velika Kladusa et à Bihac. Les Musulmans n'avaient aucun

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1 problème, comme vous avez pu le constater dans mes rapports, à

2 s'entretenir avec moi. En général, l'information me parvenait par le biais

3 du commandant de la TDF, et en général je posais les mêmes questions que

4 vous venez de me poser.

5 Question: Autrement dit, la réponse c'est que vous ne savez pas.

6 Réponse: En fait, nous savions qu'il y aurait des problèmes et nous

7 savions qu'il y avait des Musulmans qui se déplaçaient.

8 Question: Et ces personnes étaient des réfugiés dans la région de Kordun?

9 Réponse: Non, c'était leur ville natale.

10 Question: Très bien. Alors nous allons mettre la carte de côté et passer

11 au document P1671, s'il vous plaît.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 C'est le document que nous avons évoqué hier, pendant un certain temps, et

14 nous avons dit que c'était un document un petit peu controversé.

15 Réponse: Oui.

16 Question: La toute première chose que ce document révèle bien sûr est qu'à

17 partir du 3 juillet 1992, vous aviez quelque information sur l'existence

18 des camps à Keraterm, Trnopolje, Omarska et Manjaca, est-ce exact?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Pouvez-vous nous dire… Pouvez-vous nous dire comment à cette

21 date du 3 juillet vous avez été tenu au courant de ces endroits?

22 Réponse: Non, je ne peux pas vous donner les dates exactes. Mais vous

23 l'avez formulé de manière tout à fait précise: à cette date-ci, il y avait

24 une prise de conscience.

25 Question: En haut à droite du document, il est indiqué que c'est un

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1 document confidentiel. Pouvez-vous dire aux Juges ce que signifie ce

2 terme? C'est un terme des Nations Unies?

3 Réponse: Vous avez tout à fait raison d'évoquer cela. Des rapports de ce

4 type étaient différents des rapports de situation ou d'autres rapports. A

5 l'intérieur des Nations Unies, il fallait indiquer à qui ce document était

6 destiné et il fallait clairement indiquer que ce n'était pas un document

7 qui était un document qui devait tomber entre les mains du public; où il y

8 a en fait 30.000 personnes qui travaillaient pour les Nations Unies à cet

9 endroit-là. C'est ce genre de document qui signifie qu'il ne fallait pas

10 qu'il tombe entre les mains de n'importe qui.

11 Question: En d'autres termes, ce document a donc été envoyé à M. Auger?

12 Réponse: Oui et à M. Magnusson.

13 Question: Et à M. Magnusson?

14 Réponse: Oui, tout à fait.

15 Question: Et ces personnes-là étaient-elles habilitées à remettre ce

16 document à d'autres personnes si elles le souhaitaient?

17 Réponse: En général, si j'envoyais un document à quelqu'un, bon cela me

18 semble tout à fait logique qu'il ou elle pouvait changer d'avis.

19 Question: Très bien. Donc en indiquant que ce document était un document

20 confidentiel, vous souhaitiez justement qu'il ne soit pas divulgué et que

21 ce soit un document qui soit diffusé en interne. Qu'est-ce qui vous a fait

22 prendre cette décision, que ces informations étaient confidentielles?

23 Réponse: Si vous regardez en fait les autres documents, vous voyez que ce

24 terme figure également.

25 Question: Ceci n'est pas la question que je vous ai posée. Pourquoi ce

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1 rapport-ci devait-il être confidentiel en particulier?

2 Réponse: Il ne s'agit pas en fait d'informations particulières. Il y avait

3 des noms de ville qui ont été évoqués. Je souhaitais simplement que ce

4 type de rapport ne soit envoyé qu'à leur destinataire parce qu'à ce stade-

5 ci ce document n'était pas encore au point.

6 Autrement dit, nous avons toute une structure hiérarchique et le contenu

7 de ce type de rapport finit par tomber entre les mains du membre du

8 conseil de sécurité. Autrement dit, le document n'était pas encore

9 suffisamment peaufiné.

10 Question: Il s'agissait en fait d'une époque où vous étiez de plus en plus

11 frustré, n'est-ce pas?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et vos rapports étaient souvent ignorés, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui, tout à fait, ignorés par les destinataires.

15 Question: Ce qui provoquait beaucoup de frustrations pour vous et

16 quelquefois vous avez dit que vous étiez ulcéré. N'est-ce pas?

17 Réponse: Oui, tout à fait.

18 Question: Pensez-vous que ces frustrations auraient pu être, vous auriez

19 pu vous défaire de votre frustration si ces informations n'étaient pas

20 simplement confidentielles mais tombaient dans le domaine public?

21 Réponse: Non, parce qu'en fait nous avions des responsabilités eu égard à

22 la remise de rapports à l'intérieur des Nations Unies. Vous commencez un

23 témoignage et vous lisez un document qui est envoyé au Secrétaire général.

24 C'est le système tel qu'il est organisé au sein des Nations Unies et il

25 doit être cautionné avant de pouvoir passer au niveau suivant. Et ce type

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1 d'information ne pouvait pas être révélé au public.

2 Question: Autrement dit, on vous interdisait votre fonction, on vous

3 interdisait de rendre ce type d'information public.

4 M. Kirudja (interprétation): Non, j'ai un pouvoir discrétionnaire au sein

5 de mon poste aux Nations Unies et c'est à moi d'en décider, c'est-à-dire

6 que je souhaitais, oui ou non, envoyer un rapport à certains destinataires

7 et pas à d'autres. J'avais ce type de responsabilité.

8 M. Ackerman (interprétation): Je crois que nous allons poursuivre après la

9 pause.

10 M. le Président (interprétation): Très bien.

11 Nous allons faire une pause de 25 minutes.

12 (La séance, suspendue à 10 heures 28, est reprise à 11 heures.)

13 (L'accusé, M. Radoslav Brdjanin, est introduit dans le prétoire.)

14 M. le Président (interprétation): Vous avez la liste, maintenant, Maître

15 Ackerman?

16 M. Ackerman (interprétation): Oui, on me l'a donnée juste avant la pause.

17 M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, j'ai un appel à

18 vous lancer au nom des interprètes.

19 M. Ackerman (interprétation): Je me suis fait rappeler à l'ordre déjà par

20 les interprètes, le représentant du Greffe. On ne cesse de s'acharner sur

21 moi dans cette affaire!

22 (Rires.)

23 M. le Président (interprétation): Oui, j'avais l'impression que vous aviez

24 l'air un petit peu déprimé.

25 Mme Korner (interprétation): Mais en l'occurrence, l'accusation et la

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1 défense sont traitées de la même manière.

2 M. le Président (interprétation): Essayez de penser aux interprètes autant

3 que possible. Je sais que moi-même j'ai tendance à commettre le même genre

4 d'erreur, je sais que ce n'est pas facile parce qu'on se laisse emporter

5 par les débats.

6 Je demande aux interprètes, si les choses deviennent insupportables, de le

7 signaler à mon intention dans mes écouteurs ou au compte rendu d'audience,

8 et je ferai de mon mieux pour mettre un terme à ce genre de pratique.

9 Allez-y, Maître Ackerman.

10 M. Ackerman (interprétation): Monsieur, avant la pause, nous étions en

11 train de parler du mémorandum du 3 juillet, pièce 1671. Et il y a eu une

12 fuite de ce document après le 3 juillet d'une manière ou d'une autre.

13 J'imagine que vous ignorez totalement de quelle manière cela s'est

14 produit.

15 M. Kirudja (interprétation): Vous avez raison. Je n'en ai aucune idée.

16 Question: Est-ce que cette fuite a eu lieu dans la zone? Est-ce qu'elle a

17 eu lieu à New York? Est-ce que vous le savez?

18 Réponse: Je vous l'ai dit, je n'en ai absolument pas la moindre idée.

19 Question: Pouvez-vous nous dire à quel moment cette fuite a eu lieu?

20 Réponse: On pourrait vérifier le mémo, mais il y a eu ensuite une réunion

21 à la suite de la fuite de ce mémorandum. J'ai reçu la visite de tous mes

22 patrons de New York, de Zagreb. Tous sont venus à Topusko à une date dont

23 je ne me souviens pas. En tout cas, ils sont venus pour parler de cela.

24 Question: Est-ce que c'est susceptible de se trouver dans votre journal?

25 Réponse: On pourrait le trouver effectivement, mais disons que c'était un

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1 peu près un mois après la rédaction du mémo.

2 Question: Est-ce que c'était avant l'arrivée de toute la presse dans votre

3 bureau?

4 Réponse: En fait, la raison pour laquelle les journalistes sont venus me

5 voir, c'était à cause de cette fuite.

6 Me Ackerman (interprétation): Est-ce que vous savez que la presse a exigé

7 de pouvoir visiter les camps, s'est donc impliquée dans cette affaire et

8 qu'à la fin juillet Keraterm et Omarska avaient été fermés?

9 Excusez-moi, je me suis trompé.

10 Mme Korner (interprétation): Ce n'est pas la fin juillet.

11 Me Ackerman (interprétation): Oui, effectivement, ce n'est pas la fin

12 juillet. C'est en août, à la fin août.

13 M. Kirudja (interprétation): Moi, j'avais très peu de contacts avec la

14 presse en dehors des journalistes qui étaient dans mon secteur.

15 Question: Monsieur le Témoin, je souhaiterais maintenant que nous

16 examinions le dernier paragraphe de cette lettre ou de ce mémo plutôt -je

17 cite-: "Nous avons demandé un minibus avec chauffeur pour aider à

18 transporter les personnes qui se sont échappées et pour les mettre en

19 sécurité." (Fin de citation.)

20 Ici, on parle des réfugiés qui traversaient la ravière et qui entraient

21 dans votre secteur.

22 Reprise de la lecture: "Pour transporter ces personnes étant donné que les

23 véhicules des Nations Unies ne sont pas censés être utilisés à des fins

24 humanitaires." (Fin de citation.)

25 Qu'est-ce que cela veut dire cela?

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1 Réponse: Vous m'avez interrogé sur ma frustration dans le cadre de cette

2 situation, face à cette situation. Et là, on entre vraiment dans le vif du

3 sujet. C'est-à-dire que moi, j'ai des véhicules militaires qui sont

4 déployés dans cette zone protégée par les Nations Unies, mais en même

5 temps il y a beaucoup de gens qui ont besoin d'aide.

6 Les soldats doivent obéir à certaines règles s'agissant de l'utilisation

7 de leurs véhicules, et ces règles ne prévoient pas de transporter les

8 réfugiés ici ou là. Et ça, c'est quelque chose à quoi j'étais confronté,

9 c'est-à-dire qu'il y avait des véhicules, il y avait des réfugiés qui

10 avaient besoin qu'on les transporte ailleurs, mais la bureaucratie en

11 voulait autrement.

12 Question: Est-ce que c'est une règle des Nations Unies: les véhicules

13 utilisés par les Nations Unies ne peuvent pas être utilisés à des fins

14 humanitaires?

15 Réponse: Non, parce que vous avez des véhicules qui sont déterminés,

16 définis comme des véhicules de type militaire qui sont utilisés pour les

17 opérations de maintien de la paix. Et il y avait des moments où la paix

18 n'était pas maintenue. Et ça, on peut, à ce moment-là, en tirer les

19 conclusions que l'on souhaite.

20 Question: Donc si ces documents (sic), que ce soit des minibus ou autres,

21 avaient été définis comme des véhicules militaires, on ne pouvait pas les

22 utiliser, n'est-ce pas?

23 Réponse: Effectivement, ces véhicules ne pouvaient pas être utilisés dans

24 ce sens.

25 Question: Pour vous, quelle est la différence entre un camp de

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1 concentration et un centre de détention?

2 Réponse: Très très franchement, jusqu'à l'appel du général Nambiar à ce

3 sujet, je n'y avais même pas pensé. Mais maintenant que vous me posez la

4 question, et donc maintenant et pas à l'époque, même aujourd'hui je ne

5 suis pas vraiment à même de faire la différence entre les deux.

6 Question: Il s'agit de lieux où les gens sont détenus dans un lieu qu'on

7 pourrait qualifier de concentré, n'est-ce pas, de restreint?

8 Réponse: Il faudrait, Monsieur le Président, Mesdames les Juges faire

9 appel à quelqu'un d'autre pour obtenir une définition digne de ce nom.

10 Question: Bon, on va passer à autre chose: 18 juillet 1992. On continue à

11 parler de la frustration que vous éprouviez à l'époque.

12 Le 18 juillet 1992, vos supérieurs à Zagreb vous ont donné pour

13 instruction précise de ne pas vous impliquer dans ce qu'il se passait en

14 Bosnie, n'est-ce pas?

15 Réponse: C'est exact.

16 Question: Vous nous l'avez dit à plusieurs reprises, vous avez envoyé

17 nombre de rapports au sujet de la situation qui se détériorait à vos yeux,

18 en Bosnie, le long de la frontière. Et on vous a simplement donné comme

19 instruction de pas tenir compte de cette situation. Vous savez pourquoi?

20 Réponse: Oui, je l'ai déjà expliqué. Eux avaient l'impression que nous

21 étions en train de traverser la frontière, que toute l'installation des

22 Nations Unies traversait la frontière parce qu'ils avaient complètement…

23 Ils ne lisaient pas vraiment nos rapports, donc ils ne comprenaient pas du

24 tout que ça faisait partie, en fait, de la zone protégée par les Nations

25 Unies. Moi, j'essayais de leur faire comprendre ce qu'il en retournait

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1 vraiment.

2 Question: Est-ce que vous aviez l'impression que ces gens-là n'avaient

3 vraiment pas envie de savoir ce qu'il se passait en Bosnie?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Peut-être parce qu'ils avaient peur que s'ils comprenaient, ils

6 se sentiraient contraints de faire quelque chose?

7 Réponse: Justement, c'est ce que j'essayais de les pousser à faire, c'est

8 ce que j'ai dit ici. Il y avait deux organismes: le HCR des Nations Unies

9 et le CICR qui s'étaient retirés.

10 Je l'ai dit, on l'a vu: ces organismes étaient partis, mais cela

11 n'empêchait pas les gens qui avaient besoin d'aide de ne cesser d'affluer

12 et, moi, je voulais qu'on comprenne qu'il fallait absolument faire quelque

13 chose dans un esprit humanitaire, pour aider ces gens qui avaient besoin

14 d'aide humanitaire et aider tous ces gens qui avaient tous besoin d'aide.

15 Question: Oui, justement tous. Vous le pensez vraiment?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Le 21 juillet, la Croatie a accepté d'accueillir 4.000 réfugiés

18 de Bosanski Novi, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: J'aimerais, s'il vous plaît, maintenant que vous regardiez le

21 document P 1672.

22 (Intervention de l'huissière.)

23 Moi, ce qui m'intéresse, c'est le deuxième document de cette liasse, le

24 document du 6 juillet 1992, lettre de Radomir Pasic.

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Une précision avant de commencer l'examen de ce document. Dans

2 l'ensemble de vos rapports, dans le cadre de votre déposition également,

3 quand vous parlez de M. Pasic ou d'autres personnes, vous nous dites que

4 ce sont des maires. Mais en fait, la dénomination exacte correspondant à

5 leur titre c'était: président de la municipalité.

6 Réponse: J'en suis tout à fait conscient, Maître Ackerman.

7 Question: En fait, le terme de maire, c'était une manière plus commode de

8 les désigner pour des locuteurs anglophones, n'est-ce pas? Cela permettait

9 de mieux comprendre de quoi il s'agissait.

10 Réponse: Oui, effectivement.

11 Question: Lettre de M. Pasic donc, dans laquelle il parle d'un groupe de

12 personnes qui veulent partir et qui se sont vues remettre des permis leur

13 donnant l'autorisation de partir. Et il demande à ce que vous leur

14 assuriez un sauf-conduit.

15 Réponse: Oui.

16 Question: En fait, c'est ce qui s'est effectivement passé et c'est un

17 groupe qui a fini par compter 9.000 personnes au lieu de 4.000.

18 Réponse: Oui, quand tout a été… Au bout du compte, oui, c'est ça.

19 Question: Oui, au bout du compte. Et vous savez que beaucoup de ces gens

20 se sont déplacés dans leur propre véhicule?

21 Réponse: Quand on les a aidés à traverser?

22 Question: Oui.

23 Réponse: On n'est pas entré dans les détails au sujet de cet événement. Si

24 vous voulez, je peux vous donner des détails. Effectivement, il y en a.

25 Une partie d'entre eux avait leur propre voiture, mais la grande majorité

Page 14621

1 des gens ont été transportés dans des autocars de Bosanski Novi. C'est ce

2 qui est dit dans cette lettre.

3 Question: Il me semble que, dans ce document, on peut lire qu'il y avait

4 quelque 200 voitures individuelles qui ont participé à ce convoi.

5 Réponse: Je peux vous dire que nous avons dû fournir des camions du HCR

6 des Nations Unies ainsi que des véhicules supplémentaires. Donc pour ces

7 200 véhicules, je ne sais pas. A priori, 200, cela me paraît un petit peu

8 excessif.

9 Question: Et les camions étaient destinés à transporter les biens de ces

10 personnes?

11 Réponse: Eh bien, les camions, c'est pour la raison suivante. C'est qu'au

12 début on a commencé sur la base de 4.000 et, ensuite, on a vu affluer les

13 gens, des gens qui voulaient absolument être transportés dans ces camions,

14 dans ces camionnettes sur lesquelles on avait mis simplement une sorte de

15 matelas où étaient assis même des gens assez âgés.

16 Question: Et ces gens ont essayé de prendre tout ce qu'ils pouvaient, tous

17 leurs biens pour les transporter?

18 Réponse: Ça, ça ne s'appliquait pas dans les voitures individuelles. Mais

19 dans les autocars, dans les camions, les gens ne devaient être munis que

20 des biens de première nécessité.

21 Question: Ces personnes n'ont pas été fouillées ni harcelées par les

22 autorités serbes, n'est-ce pas? Est-ce que vous en conviendrez ou pas?

23 Réponse: Oui, oui, c'est vrai. J'étais présent.

24 Question: Et on n'a pas demandé à ces gens, enfin du côté serbe, de

25 présenter des papiers d'identité quels qu'ils soient pour beaucoup des

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1 personnes concernées?

2 Réponse: Dans la zone de transit, effectivement, personne ne les a

3 fouillées, mais je ne peux pas vous dire ce qu'il en est s'agissant des

4 points d'entrée dans le secteur. Cela, je ne peux pas vous dire si oui ou

5 non, on a contrôlé leurs papiers d'identités; ce qui a été fait aux points

6 d'entrée.

7 Au bout de leur trajet, là, ils ont été reçus, accueillis par les Croates.

8 Là, on a essayé de mettre en place une sorte de procédure officielle

9 formelle qui effectivement a eu lieu jusqu'à 23 heures, a continué jusqu'à

10 23 heures voire même jusqu'à minuit.

11 Question: Seriez-vous surpris d'apprendre qu'un Musulman de Bosanski Novi

12 avait déclaré qu'il aurait même pu emporter sa maison s'il avait été

13 possible pour lui de la mettre sur roulettes?

14 Réponse: Si quelqu'un a dit cela, quelqu'un a dit cela. Voilà. Qu'est-ce

15 que vous voulez que je vous dise?

16 Question: Mais en fait vous vous étiez opposé à l'accueil de ces personnes

17 de Bosnie?

18 Réponse: J'en ai parlé lorsque j'ai évoqué les discussions avec les maires

19 de Bosanski Novi et de Dvor puisque, moi, j'avais l'impression qu'il ne

20 s'agissait pas de départs volontaires. Donc je n'étais pas d'accord.

21 Question: En fait, vous avez même essayé de persuader le HCR des Nations

22 Unies et le CICR d'abonder dans votre sens, n'est-ce pas, de s'opposer?

23 Réponse: Oui, effectivement, ils abondaient dans mon sens, ils

24 partageaient mon point de vue.

25 Question: Alors là, je suis un petit peu perdu. Voyons voir, un instant,

Page 14623

1 s'il vous plaît.

2 Dans l'affaire Milosevic, le 3 février -c'est sur cette base que je vous

3 pose ma question-, page 15432, on vous pose la question suivante et vous

4 donnez la réponse que je vais lire: "Quelle était votre position

5 s'agissant d'évacuations à venir dans le cadre de ce que vous considériez

6 comme un nettoyage ethnique?"

7 Est-ce que vous étiez favorable à cette idée?

8 Réponse: Non.

9 Question: "En fait, dès que l'on a bien compris de quoi il retournait,

10 aussi bien au niveau de mon QG qu'au CICR ou au HCR des Nations Unies, et

11 après ce transit de 9.000 personnes, nous nous sommes efforcés de leur

12 faire bien comprendre que c'était un début, que ce n'était qu'un début et

13 que, si on autorisait ce genre de pratique, on allait faire face à une

14 vague immense. Et nous avons essayé de leur faire comprendre ce que nous

15 savions.

16 Je dois dire qu'ils ont fini par comprendre et par adopter notre position;

17 je veux dire le HCR et le CICR. Ils ont compris que c'était inacceptable

18 et qu'ils ne pouvaient participer à ces pratiques."

19 N'est-ce pas? Est-ce que c'est bien exact, Monsieur le Témoin?

20 Réponse: Oui, c'est effectivement ce que j'ai dit.

21 Question: Du point de vue humanitaire, qu'est-ce qui vous faisait dire

22 qu'il valait mieux laisser ces gens dans une zone ravagée par la guerre

23 plutôt que de les aider à aller dans une zone plus sûre dont ils

24 pourraient revenir un jour?

25 Réponse: Il faut voir à quelle période on fait référence. Il y a eu une

Page 14624

1 évolution dans le temps. On s'est opposé à ces pratiques au début juillet,

2 mais ça a continué puisqu'au lieu de 4.000 personnes, on a vu 9.000

3 personnes traverser.

4 Nous avons eu un certain nombre de discussions jusqu'au moment où le

5 premier groupe est parti, et, au cours de ces discussions, on a cessé de

6 répéter, d'évoquer la question de l'ouverture des vannes, si je puis dire.

7 Si on autorisait un petit groupe à partir, à ce moment-là, on ferait face

8 à un déferlement.

9 Et finalement, ce point de vue a été adopté par les organismes

10 humanitaires. Et à un moment donné, il est apparu que les Croates -on le

11 voit dans la lettre versée au dossier du ministre Greguric- avaient décidé

12 de changer de point de vue.

13 La conséquence, c'est que nous avons essayé de calmer la situation; c'est

14 ce que voulaient faire les Nations Unies dans la zone où nous étions parce

15 que les événements que nous évoquons se déroulaient dans une zone qui

16 n'était pas considérée comme une zone touchée par la guerre au moment de

17 notre déploiement initial en mai ou en avril.

18 La logique suivie était donc la suivante: il ne fallait rien faire pour

19 empêcher la résolution d'un conflit qui entraînait des déplacements de

20 population. C'était une logique qui ne s'appliquait pas uniquement à cette

21 période, à cette zone. C'est une logique constante au sein des Nations

22 Unies: on essaie de mettre fin au conflit et de trouver une solution au

23 problème de déplacement des populations. C'est une logique qui se retrouve

24 dans toute opération de maintien de la paix.

25 Question: Mais vous êtes donc en train de nous dire qu'il fallait que les

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1 gens restent dans une zone où l'ONU n'était pas déployée parce qu'on ne

2 pouvait pas les protéger, au lieu d'être venus dans une zone où l'ONU

3 était présente?

4 Réponse: Justement, c'est ça. Vous nous dites, vous parlez d'une zone où

5 l'ONU n'était pas présente, c'est parce que ce n'était pas une zone

6 considérée comme une zone de guerre.

7 Si vous parlez donc d'une zone où il y avait la guerre, où nous étions

8 déployés, à ce moment-là je vois où vous voulez en venir avec votre

9 question. Mais si on parle d'une zone où il n'y a pas de présence de

10 l'ONU, cela signifie qu'il n'y a aucune raison pour que les gens soient

11 évacués de cette zone puisqu'il n'y a pas de déploiement de l'ONU dans

12 cette zone.

13 M. Ackerman (interprétation): Donc votre point de vue, c'est que jusqu'au

14 mois... Mais je vais revenir à votre déclaration dans l'affaire Milosevic.

15 Nous avons parlé de ces 9.000 personnes qui sont sorties en juillet...

16 M. le Président (interprétation): Le 23 juillet.

17 M. Ackerman (interprétation): 9.000 personnes qui sont sorties le 23

18 juillet.

19 M. Kirudja (interprétation): Oui.

20 Question: Donc dans l'affaire Milosevic, quand vous avez parlé du départ

21 de 9.000 personnes, vous nous avez dit avoir essayé de faire comprendre au

22 HCR des Nations Unies et au CICR que c'était une erreur et qu'il fallait

23 qu'ils adoptent votre propre position.

24 On peut donc dire qu'à ce moment-là au moins, déjà, le 23 juillet, votre

25 position ainsi que celle des Nations Unies, c'était qu'il n'y avait pas de

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1 conflit armé en Bosnie.

2 Réponse: Eh bien, en fait, au début avril, en mai également, déjà, nous

3 avons compris. Nous avons compris au mois de mai. La demande est venue

4 plus tard. Le point d'orgue, on l'a vu en juillet. Mais ce que nous avons

5 vu en avril ou en mai, tous les événements, tout ce qui se passait nous

6 conduisait à penser qu'il s'agissait d'une situation normale.

7 Question: Mais le 23 juillet, au moment où ces 9.000 personnes sont

8 transportées, vous dites au HCR des Nations Unies et au CICR: "Opposez-

9 vous tout comme nous au transport de ces personnes!"?

10 Réponse: Non, non, non. Là, ce que vous venez de lire cela correspond à

11 une période bien précise. Moi, je répondais à une question qui avait trait

12 à la période de juillet jusqu'au 19 août, lorsqu'on a essayé de

13 transporter un deuxième groupe de personnes. Mon observation a donc trait

14 à la totalité de la période. A ce moment-là, si vous essayez de me faire

15 parler d'une période encore plus limitée, il faut apporter une correction

16 à votre observation.

17 Question: C'est ce que j'essaie de faire. Quand vous dites dans l'affaire

18 Milosevic que vous avez dit au HCR et au CICR qu'après le départ des 9.000

19 il fallait qu'ils adoptent votre position, on peut en déduire que jusqu'à

20 ce moment-là, jusqu'à au moins cette période du 23 juillet, votre position

21 c'était qu'il n'y avait pas de conflit armé en Bosnie?

22 Réponse: Non, on ne peut dire cela parce que si vous me dites en Bosnie,

23 cela correspond à une zone beaucoup plus vaste que Bosanski Novi. Il y

24 avait un conflit armé à Sarajevo, il y avait un conflit armé ailleurs.

25 Si vous me dites donc: "Est-ce que votre position c'était qu'il n'y avait

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1 pas de conflit armé en Bosnie?" Non, parce qu'il n'y avait des conflits,

2 il y avait un conflit ailleurs dans d'autres régions de la Bosnie.

3 Question: Oui, mais c'est ce dont on a parlé depuis le début de l'audience

4 quand on a évoqué le coup de téléphone venant de Kupresanin. On parle de

5 gens qui ne viennent pas de Bosanski Novi en tant que tel, mais qui ont

6 traversé Bosanski Novi et qui viennent de Prijedor, de Sanski Most, de

7 Kljuc, etc.

8 Réponse: Mais on sait très bien d'où venaient toutes ces personnes, les

9 4.000 personnes ne venaient pas des endroits que vous avez précisés. Ces

10 4.000 personnes venaient de Blagaj, dans la municipalité de Bosanski Novi.

11 Donc, ici, on ne tient pas des propos de nature générale.

12 Question: Là, on a du mal se comprendre parce que dans l'affaire Milosevic

13 vous parlez de ceux qui vont suivre les 9.000.

14 Réponse: Oui, tout à fait. Oui, je vous l'ai déjà dit, mais vous n'avez

15 pas voulu que je fasse un distinguo entre les deux.

16 Question: Mais ceux qui vont venir après les 9.000, à un moment donné, il

17 ne va plus y avoir de Musulmans à Bosanski Novi. Vous nous parlez d'autres

18 réfugiés qui vont venir d'autres endroits qui ont été évoqués par

19 Kupresanin dans son coup de fil.

20 Réponse: Ce n'est pas aussi incompréhensible que vous semblez vouloir nous

21 le faire croire. Il y avait 4.000 personnes qui venaient d'un endroit

22 précis. On a vu arriver 5.000 autres personnes. Donc, en tout, il y en

23 avait 9.000.

24 Mais ensuite, on parle de la période qui a suivi le 23. Lors de ces

25 discussions, on a parlé des gens qui venaient de Sanski Most: 11.000

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1 personnes. Là aussi, on a essayé de faire passer ces gens après les 9.000.

2 Après le 23 juillet, il y a également des gens qui sont venus de Prijedor,

3 de Kostajnica: 500 personnes.

4 Je suis très précis dans ma déposition s'agissant des lieux, s'agissant

5 des périodes, mais moi je vous entends parfois évoquer la Bosnie et puis

6 ensuite être beaucoup plus précis. Non, moi dans ma déposition, dans mes

7 déclarations, j'ai été extrêmement précis s'agissant des lieux, s'agissant

8 des périodes concernés.

9 Question: Bon, j'ai peut-être mal compris le précepte de base sur lequel

10 vous fonctionnez. Vous n'étiez pas opposé à la venue de réfugiés en

11 provenance de Prijedor, de Sanski Most et de toutes ces autres localités.

12 Vous n'étiez pas opposé à ce que ces personnes traversent le secteur Nord.

13 Réponse: Ma déposition contredit cela.

14 Question: Donc nous nous retrouvons à la case départ. Là où je pensais que

15 nous étions effectivement. Vous nous dites que la raison pour laquelle

16 vous étiez opposé à ces transferts s'explique par le fait que ces

17 personnes ne vivaient pas dans une zone touchée par la guerre. Et moi, la

18 seule chose que je souhaiterais dire à ce sujet, la question que j'essaie

19 de vous poser est la suivante: est-ce que votre position est que, pendant

20 cette période de temps... quelle que soit la période de temps concernée,

21 on parle de ces personnes qui viennent de Prijedor et d'autres localités.

22 Je voudrais savoir si, pendant cette période, votre position était que

23 dans ces localités il n'y avait pas de conflits armés?

24 Réponse: Je l'ai dit dans ma déposition. Lorsqu'il s'agissait de découvrir

25 qui venait d'où, nous avons appris qu'il y avait un conflit et que ce

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1 conflit avait commencé à un moment bien précis entre les Serbes et les

2 Musulmans parce qu'ils n'avaient pas donné leur allégeance et n'avaient

3 pas signé. C'est la déposition que j'ai faite à propos du conflit.

4 Question: Mais il ne s'agit pas d'une bataille, il s'agit d'un conflit

5 armé entre des personnes qui se tiraient dessus, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui, tout à fait.

7 Question: Très bien. Je crois que nous avons suffisamment parlé de cette

8 question, Monsieur. Je crois que nous allons poursuivre, s'il vous plaît.

9 J'aimerais maintenant que vous vous tourniez vers votre journal daté du 10

10 août 1992, si vous le voulez bien.

11 Réponse: Pardon, Maître, la date s'il vous plaît?

12 Question: Le 12 août 1992.

13 Réponse: Le 12 août 1992.

14 (Le témoin s'exécute.)

15 Oui.

16 Question: Dans votre journal, vous évoquez la réunion avec le maire de

17 Bosanski Novi, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous avez consigné dans votre journal, et je cite les paroles de

20 ce monsieur: "Le côté serbe n'est pas respecté. Il pourrait y avoir un

21 grand nombre de morts de chaque côté. Et si nous devons trouver une

22 solution nous-mêmes, nous le ferions très rapidement. Par exemple, il y a

23 7.000 réfugiés serbes qui viennent de Croatie à Bosanski Novi, et le monde

24 entier n'a pas condamné cela." (Fin de citation.)

25 Est-ce exact?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Savez-vous pourquoi il y a 7.000 réfugiés serbes qui venaient de

3 Croatie à Bosanski Novi?

4 Réponse: Il semblait clair qu'il y avait eu un mouvement important de la

5 population, dû au conflit entre la Croatie et les Serbes.

6 Question: Etes-vous d'accord qu'on les a forcés à quitter les régions dans

7 lesquelles ils habitaient depuis fort longtemps, par les Croates?

8 Réponse: Là, je dois dire que je dois gérer un dilemme particulier qui est

9 le suivant: la région dans laquelle nous étions déployés, à savoir la zone

10 protégée des Nations Unies, était totalement sous le contrôle des

11 autorités serbes. J'ai également témoigné en disant que nous n'étions

12 mis... les Serbes qui passaient la frontière n'étaient aucunement sous

13 pression. Je l'ai dit dans ma déclaration. Et le contrôle était assuré des

14 deux côtés.

15 S'ils avaient quitté la Croatie, ces maisons dans lesquelles ils

16 habitaient, le dilemme qui se pose est le suivant: sont-ce des Serbes qui

17 décident d'aller dans une autre région ou se sont-ils déplacés parce qu'il

18 y a une guerre? Et s'il s'agit d'une guerre, on ne comprenait pas très

19 bien pourquoi ils avaient besoin de fuir une région qui était sous le

20 contrôle des forces serbes. C'est pour cela qu'à propos de ces 7.000

21 personnes, cela posait problème.

22 Question: Savez-vous si les réfugiés serbes qui sont entrés en Bosnie ont

23 été assistés d'une manière ou d'une autre par le CICR ou le HCR des

24 Nations Unies?

25 Réponse: Vous parlez de quelle période? S'ils ont quitté la région avant

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1 notre arrivée? Je ne peux évidemment pas vous répondre.

2 Question: Et pendant toute cette période, la période où vous étiez là,

3 saviez-vous que ces efforts avaient été déployés?

4 Réponse: Non. Tout n'est pas dans mon témoignage. Mais, comme je l'ai

5 indiqué -dans le cadre du procès contre M. Milosevic, je l'ai dit

6 également-, ce n'était pas toujours facile.

7 Nous avons aidé les Serbes parce que cela ne posait pas problème. Les

8 camions sont arrivés, et ce, de manière régulière. C'étaient des camions

9 des organisations humanitaires qui transportaient des médicaments et

10 d'autres choses dans la région serbe parce que c'était contrôlé par les

11 Serbes. Il y avait des points sensibles, mais on ne le savait pas.

12 Question: Dans votre déclaration, vous dites que le président de la

13 municipalité souhaitait, en fait, régler la question lui-même, et ce, très

14 rapidement. Vous ne saviez pas ce qu'il entendait par là.

15 Réponse: Oui, parce qu'à ce moment-là il s'agit effectivement de ce sur

16 quoi porte votre question. Il a tout à fait compris que nous avons eu des

17 difficultés pour faire déplacer les Musulmans de façon volontaire comme il

18 avait été proposé. Et il nous avait prévenus également, à l'époque, en

19 nous disant que nous devions empêcher ceci. C'est ce qu'il nous disait.

20 Question: Saviez-vous qu'il y avait deux itinéraires, l'un qui traversait

21 votre secteur pour aller en Croatie et un autre itinéraire où il

22 s'agissait de traverser la Bosnie en passant par le mont Vlasic en

23 direction de Travnik, cette direction-là. Saviez-vous qu'il y avait deux

24 itinéraires?

25 Réponse: L'itinéraire pour quel groupe?

Page 14632

1 Question: Pour les Musulmans.

2 Réponse: Oui. J'étais tout à fait au courant de cela parce que le maire

3 Pasic avait autorisé le passage en Bosnie centrale pour aller jusqu'à

4 Zenica. Et ils ont décidé de pas poursuivre cet itinéraire-là.

5 Question: Et vous savez que les Musulmans demandaient à pouvoir aller en

6 Croatie plutôt que de traverser la Bosnie centrale, parce qu'ils ne

7 voulaient pas aller sous les drapeaux. C'est exact?

8 Réponse: Je dois, en fait, diviser ce que vous venez de dire en plusieurs

9 parties. Lorsque vous avez demandé s'ils étaient autorisés à passer en

10 Croatie, ce n'est pas exact. Les Serbes nous demandaient de les laisser

11 passer.

12 Question: Mais ils vous disaient que c'étaient des Musulmans?

13 Réponse: Deuxième point.

14 Question: Juste un moment, s'il vous plaît. Les Serbes vous disaient

15 qu'ils demandaient à se rendre dans cette direction-là et pas dans

16 l'autre?

17 Réponse: Correction, ils me disaient en fait, en leurs propres termes, ce

18 que les Serbes avaient décidé et cela faisait partie de leur générosité,

19 les laisser passer en toute sécurité.

20 Question: Bon, nous allons trancher la question assez rapidement. Le

21 président de la municipalité a dit à ces personnes musulmanes qu'elles

22 souhaitaient quitter l'endroit: c'était de leur plein gré, pour se rendre

23 en Bosnie centrale; est-ce exact?

24 Réponse: Je crois que c'est vous-mêmes qui tirez ces conclusions.

25 Question: Je vous demande si vous êtes d'accord.

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1 Réponse: Non.

2 Question: Dans ce cas, si tel était le cas, n'y avait-il pas des réfugiés

3 serbes dans le secteur Nord qui avaient fui la Bosnie en raison de la

4 pression et des violences qui étaient infligées sur eux par les forces

5 musulmanes?

6 Réponse: Il est vrai qu'il y avait des Serbes dans le secteur Nord qui

7 venaient de Bosnie.

8 M. Ackerman (interprétation): Vous n'êtes pas d'accord qu'ils avaient fui

9 la région à cause de la violence et de la pression qui avaient été

10 infligées sur eux par les forces musulmanes?

11 M. Kirudja (interprétation): Je ne connaissais aucune famille qui était

12 venue dans le secteur et qui était venue nous voir en nous disant que

13 telle était la raison de leur départ. On a aucune raison particulière de

14 vouloir en déduire autre chose.

15 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je dois dire que c'est

16 quelque chose qui a déjà été débattu. Nous n'avons jamais remis en

17 question le fait qu'il y avait des atrocités commises contre les Serbes en

18 Bosnie centrale.

19 M. le Président (interprétation): Je me demande pourquoi ceci est

20 pertinent.

21 Maître Ackerman?

22 M. Ackerman (interprétation): Très bien, vous voulez une réponse, Monsieur

23 le Président?

24 M. le Président (interprétation): Oui.

25 M. Ackerman (interprétation): Je crois que c'est pertinent simplement pour

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1 montrer que toute la question qui portait sur la Bosnie du Nord, la zone

2 en fait le long de la frontière est assez complexe. Il ne s'agit pas

3 simplement d'une expulsion pure et simple des Musulmans.

4 M. le Président (interprétation): Encore une fois, il ne s'agit pas ici

5 d'un différent. Personne n'a jamais imaginé depuis le début de ce procès

6 que la situation n'était pas complexe dans la région ou aucune des régions

7 qui ont été évoquées ici.

8 M. Ackerman (interprétation): Très bien.

9 Donc nous avons parlé de votre position, autrement dit, vous vous

10 préoccupiez du départ de ces réfugiés qui devaient sortir de Bosnie pour

11 se rendre en Croatie et ensuite se rendre ailleurs.

12 Et vous saviez qu'il y avait des réfugiés serbes qui venaient de Bosnie et

13 qui se rendaient en Croatie. Mais vous avez dit que cela ne vous

14 préoccupait pas beaucoup parce qu'ils semblaient avoir été logés et on

15 prenait soin d'eux et, par conséquent, cela n'était pas véritablement un

16 problème de réfugiés en soi. Est-ce exact?

17 M. Kirudja (interprétation): Cela n'était pas une situation de crise. Il

18 est vrai que c'étaient tout de même des réfugiés, et c'est pourquoi nous

19 avons organisé un approvisionnement pour les envoyer dans ce secteur.

20 Question: Dans ce cas-là, je ne vois pas pourquoi vous vous opposiez à ce

21 que les Serbes traversent la frontière, comme c'est indiqué dans votre

22 document: "Des Serbes ont été déplacés qui devaient passer la frontière.

23 Ils devenaient alors des réfugiés en Croatie et devaient en fait se rendre

24 ailleurs."

25 Je ne vois pas que vous vous préoccupiez beaucoup du sort des Serbes. Vous

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1 parlez beaucoup des Musulmans dans vos documents. Ai-je tort?

2 Réponse: Non, pas du tout, ce que vous déduisez n'est pas exact. Le

3 témoignage que j'ai déposé à maintes reprises, c'est que l'on ne demandait

4 pas aux Nations Unies, dans une situation de crise, en présence des

5 Serbes, d'aider ceux qui étaient sur notre territoire. Le témoignage en

6 fait auquel vous faites référence, c'est un témoignage que j'ai fait à

7 l'accusation et j'ai répondu aux questions qu'ils me posaient; je n'ai pas

8 proposé ces éléments-là. Ils ne m'ont pas posé de question à propos des

9 Serbes et s'ils m'en avaient posé, je les aurais indiqués.

10 Question: Très bien. Alors donc s'ils ne sont pas simplement indiqués dans

11 vos rapports, peut-être que ce sont des pièces en annexe à votre

12 déclaration. Est-ce que vous aviez la même préoccupation à propos du

13 mouvement, à propos du déplacement des Serbes qui se rendaient en Bosnie

14 et en Croatie? Avez-vous fait part de vos soucis aux autorités de Zagreb?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Qui sont-ils? Avez-vous véritablement fait état de cela?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Très bien.

19 Réponse: Pardonnez-moi, je vais faire une correction. Ils ne se rendaient

20 pas en Croatie. La Croatie, le terme que vous avez utilisé, il faut très

21 prudent: la Croatie représente une nation beaucoup plus importante.

22 Question: Je suis tout à fait d'accord avec vous, je sais très bien ce que

23 vous entendez.

24 Réponse: Deuxièmement, j'ai dit qu'il y avait des réfugiés serbes que nous

25 gérions au sein de la crise et qui se rendaient en Croatie. Ils se

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1 rendaient en fait dans une poche en Bosnie où se trouvaient d'autres

2 Musulmans.

3 Question: Vous avez évoqué dans vos différents documents et déclarations

4 et au cours de votre témoignage qu'un certain nombre d'interviews ont été

5 organisées par des Musulmans qui se rendaient en Bosnie-Herzégovine. Avez-

6 vous vous-même organisé ce genre d'interviews avec des réfugiés serbes qui

7 quittaient la Bosnie?

8 Réponse: C'est la même question que celle que vous avez posée

9 précédemment. Ils étaient déjà installés dans la maison. Donc la question

10 ne se posait même pas.

11 Question: Très bien. La question qui nous intéresse donc ici concerne en

12 fait la condition des réfugiés. Est-ce qu'ils se sont tournés vers les

13 Nations Unies, oui ou non?

14 Réponse: Non, il s'agit de la question suivante: lorsqu'une personne se

15 trouve dans une zone hostile, elle demande de l'aide et de la protection.

16 C'est en général des questions ou des demandes qui sont faites auprès du

17 HCR des Nations Unies.

18 Question: Je suppose qu'il y a un distinguo dans votre esprit entre les

19 réfugiés serbes et musulmans et que la question était traitée de la sorte?

20 Réponse: Non, absolument pas en fait. Il s'agit ici… Vous qualifiez cela

21 de façon complètement erronée.

22 Question: Le premier groupe de Musulmans, en fait, qui venait de Bosanski

23 Novi était un groupe de 5.000 personnes. Ils ne vous ont pas demandé

24 grand-chose si ce n'est un sauf-conduit pour traverser le secteur Nord,

25 ils n'ont pas demandé d'avoir de la nourriture, des vêtements ou rien de

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1 la sorte?

2 Réponse: Non, lorsque j'ai terminé ma déposition, lorsque les choses se

3 sont produites, il y avait des camions du HCR et de la nourriture et tout

4 ce qu'il fallait.

5 Question: Et vous parlez des 9.000?

6 Réponse: Oui, je parle du premier groupe de 5.000 personnes, le tout

7 premier groupe qui est venu avec l'équipe de télévision, je ne les ai pas

8 rencontrés. J'ai rencontré des Serbes qui m'en ont parlé.

9 Question: Que vous demandaient-ils? Encore une fois, vous ne nous le dites

10 pas! Ils vous demandaient un sauf-conduit, et il y avait en même temps la

11 présence de la télévision.

12 Réponse: Encore une fois vous ne comprenez pas ce que je dis. Ce n'étaient

13 pas les Musulmans qui ont fait une demande, c'étaient les Serbes qui

14 avaient demandé tout cela.

15 Question: Je comprends fort bien. Et que demandaient-ils? Ce n'est pas qui

16 le demandait, mais que demandaient-ils: un sauf-conduit ou à avoir une

17 équipe de télévision?

18 Réponse: Très bien, j'entends ce que vous dites.

19 Question: Lorsque vous dites que c'étaient des Serbes qui vous

20 demandaient, non pas les Musulmans, vous dites en fait que ce sont les

21 Serbes qui vous disaient que les Musulmans voulaient quitter leur maison

22 de leur plein gré et qu'ils souhaitaient un sauf-conduit, et que c'étaient

23 les Serbes qui voulaient être filmés par une équipe de télévision, c'est

24 exact?

25 Réponse: Oui.

Page 14638

1 Question: Très bien. Est-ce que nous pouvons nous tourner s'il vous plaît

2 vers la pièce 1669?

3 (Intervention de l'huissière.)

4 Alors, le deuxième document qui est une lettre datée du 20 juin 1992, que

5 nous avons évoquée hier et qui a été rédigé par M. Pasic -nous n'allons

6 pas entrer dans les détails-, dans cette lettre, souci est donné de la

7 condition des Musulmans. Et le président Pasic… la communauté du président

8 Pasic, on lui conseille à ce moment-là, on porte à sa connaissance le

9 droit international concernant le transfert de population; tel que vous

10 comprenez l'auteur de cette lettre à ce moment-là.

11 La question que j'ai à vous poser est la suivante: êtes-vous au courant

12 d'une lettre quasi identique qui aurait exprimé le même souci sous la même

13 forme qui aurait été envoyée au président de Bihac ou de toutes les autres

14 municipalités musulmanes concernant les Serbes vivant dans ces

15 municipalités-là, les communautés musulmanes de Bosnie?

16 Réponse: Dans le cadre de notre mission ou dans l'ensemble de toutes les

17 opérations menées par les Nations Unies? Qu'entendez-vous? Aucune ou une

18 lettre quasi identique?

19 Question: Non, dans le cadre de votre mission? Il s'agit bien de votre

20 mission.

21 M. Kirudja (interprétation): Oui, au niveau du secteur Nord.

22 M. Ackerman (interprétation): Oui. Y a-t-il une lettre quasi identique qui

23 émanait du secteur Nord et qui aurait été rédigée par vous-même ou par une

24 autre personne?

25 M. le Président (interprétation): Je crois, Maître Ackerman, qu'il faut

Page 14639

1 garder à l'esprit le fait parce qu'il faut être tout à fait équitable

2 envers du témoin. Ce n'est pas une lettre qui émanait de sa propre mission

3 ou de son bureau, mais qui a été évoquée lorsque mention a été faite d'une

4 autre personne parce que sa signature a été apposée en bas du document.

5 Mais cette lettre ne vient pas de son bureau.

6 je pense donc que vous devriez poser la question en deux temps : son

7 bureau, et s'agit-il de son bureau ou savait-il si cette lettre émanait

8 d'un autre bureau?

9 M. Ackerman (interprétation): Je ne voulais pas être trop précis, Monsieur

10 le Président. C'est une lettre qu'il a évoquée dans sa déposition hier et

11 nous avons beaucoup analysé le contenu de cette lettre.

12 M. le Président (interprétation):Très bien.

13 M. Ackerman (interprétation): D'une certaine façon, il a rédigé cette

14 lettre lui-même et la lettre ensuite a été diffusée avec la signature de

15 quelqu'un d'autre.

16 M. le Président (interprétation): D'accord.

17 M. Ackerman (interprétation): Très bien.

18 M. le Président (interprétation): C'est les raisons qui ont été données

19 hier parce que l'accusé est pratiquement...

20 M. Ackerman (interprétation): Donc ce que je veux savoir c'est s'il y a

21 une lettre quasi-similaire, ou avez-vous eu connaissance d'une lettre

22 identique rédigée par les municipalités serbes exprimant à peu près le

23 même souci concernant le peuple serbe ou les réfugiés serbes?

24 M. Kirudja (interprétation): Je vais répondre à votre question. Non, il

25 n'y avait pas une telle lettre. Deuxièmement, il n'y avait pas de

Page 14640

1 circonstances similaires qui aient été portées à notre connaissance

2 concernant cette région.

3 M. Ackerman (interprétation): Avez-vous, à ce moment-là, estimé qu'il y

4 avait peut-être des conséquences juridiques quant à l'obligation ou quant

5 au fait de contraindre des gens de rester à un endroit alors qu'ils

6 souhaitaient partir à tout prix? Ceci aurait-il pu être considéré

7 impropre, voire même illégal?

8 M. Kirudja (interprétation): Je crois que je vais laisser, Monsieur,

9 Mesdames les Juges, aborder la question de ce qui est légal ou pas, voire

10 même ce prétoire.

11 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Kirudja.

12 M. Ackerman (interprétation): N'avez-vous jamais envisagé ceci sous

13 l'angle suivant, s'agissant en fait du fait de forcer des gens à rester

14 dans un endroit alors qu'ils souhaitent partir?

15 M. Kirudja (interprétation): Oui, tout à fait. Vous m'avez posé la

16 question un peu plus tôt quant à la frustration que j'avais: nous avions à

17 gérer toutes ces questions-là. En général, pendant la nuit, nous avions

18 des informations qui nous arrivaient en vertu desquelles il y avait des

19 blessés, et c'était notre devoir d'évacuer ces personnes de l'endroit où

20 elles se trouvaient. Et il y avait des gens donc qui... Nous avions ces

21 informations de façon régulière.

22 Question: En ce qui concerne l'époque que vous évoquez, il s'agit en fait

23 du début de l'année 1992, vous avez pris une position très claire. Vous ne

24 pensiez pas que ces gens sortaient ou quittaient leur région de leur plein

25 gré et votre opinion était basée sur le fait à ce moment-là que des Serbes

Page 14641

1 avaient fait des propositions sur, en fait, les dires de Serbes ou même

2 des Musulmans avec lesquels vous étiez en contact. Vous pensiez que ces

3 propos n'étaient pas véridiques et que les Musulmans ne souhaitaient pas

4 partir de leur plein gré, n'est-ce pas?

5 M. Kirudja (interprétation): Donc votre question est une question

6 multiple. Je dois prendre une question après l'autre. Ma position est la

7 suivante: ils sortaient de Bosnie, comme vous le dites, et on ne pensait

8 pas, d'après mon témoignage, qu'ils le faisaient de leur plein gré. J'ai

9 demandé à... Cela, ils l'ont confirmé. Il ne s'agit pas de question de

10 vérité ou de mensonge. Simplement, cela a été consigné ainsi. Nous avons

11 tout à fait reconnu qu'ils ont été forcés.

12 Deuxièmement. Il y a des Musulmans qui, vous l'avez dit, ne disaient pas

13 la vérité à propos des Musulmans qui devaient partir de leur plein gré

14 dans leur région.

15 M. Ackerman (interprétation): Dans votre témoignage, vous êtes très

16 prudent quant à votre présence, de ne rien dire sur vos collègues serbes.

17 C'est en tout cas la manière dont vous l'avez exprimé lorsqu'il s'agit en

18 fait de questions de sécurité et de réunions, etc. Tout ceci était très

19 important.

20 M. le Président (interprétation): Je crois que ceci a été dit hier, Maître

21 Ackerman. Il y a eu un distinguo entre la réaction des Musulmans dans des

22 circonstances différentes.

23 M. Ackerman (interprétation): Très bien. Je sais, Monsieur le Président,

24 c'est en fait une question préliminaire que je souhaite poser et je ne

25 vais pas entrer dans le détail.

Page 14642

1 Alors, Monsieur, j'aimerais savoir: il s'agit de la réunion qui s'est

2 tenue le 19 août avec Vlado Vrkes de Sanski Most. Vous allez peut-être

3 trouver ceci dans vos notes et peut-être cela va vous aider à répondre. Le

4 19 août...

5 M. Kirudja (interprétation): Oui absolument, tout à fait.

6 Question: Donc présent à cette réunion, il y avait un certain Besim

7 Islamcevic qui était Musulman.

8 Réponse: Tout à fait.

9 Question: Pouvez-vous nous dire, tel que c'est consigné dans vos notes, si

10 M. Islamcevic a parlé lors de cette réunion?

11 Réponse: J'en ai déjà parlé, vraiment?

12 Question: Oui.

13 Réponse: Il a indiqué qu'il y avait des préparatifs, et les Musulmans et

14 les Croates étaient prêts à quitter Sanski Most.

15 Réponse: C'est exact. C'est en tout cas la manière dont il nous a présenté

16 les choses.

17 Question: Savez-vous ce qu'il est advenu de ce groupe qui est venu vous

18 voir?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Dites-nous comment cela s'est passé?

21 Réponse: Je savais où je me trouvais. Nous nous étions déjà rencontrés

22 auparavant et ils avaient mon adresse.

23 Question: Cela vous surprendra-t-il d'apprendre que M. Islamcevic qui

24 avait demandé à M. Vrkes de réorganiser cette réunion avec vous?

25 M. Kirudja (interprétation): Je ne sais pas. Si vous le dites, je pense

Page 14643

1 qu'en fait certainement il y a des choses qui semblent indiquées.

2 Me Ackerman (interprétation): Est-ce que cela vous surprendrait

3 d'apprendre que M. Vrkes avait organisé cette réunion parce qu'un groupe

4 important de Sanski Most souhaitait quitter la région?

5 M. le Président (interprétation): Oui?

6 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, cela ne vous

7 surprendra pas, Monsieur Kirudja, cela n'a pas d'importance. Cela n'est

8 pas une question conforme.

9 M. le Président (interprétation): Regardez la réponse, en fait à la

10 première question, Maître Ackerman.

11 M. Ackerman (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Nous ne voulons pas suivre votre

13 deuxième question.

14 M. Ackerman (interprétation): Monsieur, avez-vous appris de la bouche de

15 M. Islamcevic à ce moment-là qu'il y avait une réunion ultérieure avec 28

16 représentants de la communauté non serbe à Sanski Most dans le bureau de

17 M. Vrkes, à propos du souhait qu'ils avaient exprimé pour évoquer le

18 contenu de votre propre réunion. Etiez-vous au courant de cela ?

19 Réponse: Non.

20 Question: Sergio Demello était-il présent à cette réunion?

21 Réponse: Non.

22 Question: Il ne l'était pas?

23 Réponse: Non.

24 Question: Vous souvenez-vous de la question ou des questions qui auraient

25 été posées par M. Islamcevic sur ce qu'il devait advenir s'ils n'étaient

Page 14644

1 pas autorisés à passer par le secteur Nord?

2 Réponse: Un résumé de ce qu'il a dit n'a pas été inclus ici.

3 Question: Vous ne vous souvenez-vous pas en fait de ce moment-là en

4 particulier?

5 Réponse: Maître, cela s'est passé il y a 10 ans.

6 Question: Je comprends fort bien. Bon, je ne vais pas essayer de vous

7 demander de rechercher trop loin dans vos souvenirs. Je voulais simplement

8 m'en assurer. Très bien. Vous ne vous souvenez pas de ce qu'il s'est passé

9 il y a 10 ans non plus?

10 Réponse: Non.

11 Question: Très bien. Vous souvenez-vous, M. Islamcevic vous a prévenu que

12 l'autre itinéraire était peu sûr, à savoir en passant par Skender Vakuf et

13 le plateau de Vlasic?

14 Réponse: Oui, cela, je l'ai noté.

15 Question: Etait-ce incertain? Ils ne pouvaient pas parvenir. Est-ce que

16 vous pouvez nous en parler, s'il vous plaît?

17 Réponse: Oui, je l'ai consigné ou quelque chose de la sorte, qu'il y avait

18 d'autres itinéraires et qui étaient peu connus. Je me souviens avoir dit

19 qu'un homme a pris la parole et qu'il était très prudent et qu'il y avait

20 un itinéraire qui était peu sûr; il a simplement dit que les autres

21 itinéraires étaient inconnus. C'est ce que j'ai consigné dans mes notes.

22 Question: Très bien. Hier, au cours du contre-interrogatoire, lorsque nous

23 avons parlé des zones en guerre, à savoir page 87, ligne 13, vous avez dit

24 que la zone qui était en guerre était du côté croate occupé par les

25 Serbes, sur le territoire croate.

Page 14645

1 Et je crois que vous pensiez que je portais à croire que les zones de

2 guerre étaient des deux côtés, alors que la guerre n'était que du côté

3 croate. Et vous avez fait référence au territoire croate occupé par les

4 Serbes. Ce sont vos propres termes. Et vous n'entendiez pas par là que

5 cette zone, le secteur Nord avait été conquis et ensuite occupé par les

6 Serbes, au cours du conflit avec la Croatie?

7 Réponse: Ecoutez, les termes que vous utilisez, qui sont consignés dans le

8 compte rendu d'audience ne portent pas à croire qu'il y a eu une

9 occupation. Ce sont tout les documents officiels que vous avez en votre

10 possession. Nous parlons d'événements qui se sont produits il y a 10 ans

11 et nous n'avons pas préparé ce rapport pour le soumettre à un tribunal.

12 Question: Autrement dit, vous ne répondez pas à la question que je vous ai

13 posée. Je vais reprendre: Page 87, votre réponse était la suivante: "Et je

14 souhaite vous dire quelque chose de très précis, à savoir la zone de

15 guerre était du côté… En fait, il s'agissait du territoire croate occupé

16 par les Serbes."

17 Ma question est la suivante: vous n'entendiez pas, lorsque vous avez

18 utilisé le terme "occupé par les Serbes" que ceci avait été conquis, que

19 ce territoire-ci avait été conquis par les Serbes au cours du conflit qui

20 les opposait à la Croatie. Vous n'entendiez pas cela?

21 Réponse: Non, c'était au sens général du terme. Autrement dit, ils se

22 trouvaient là et dans la zone alentour.

23 Question: Autrement dit, cela fait partie de la Croatie qui,

24 traditionnellement, était une zone habitée par les Serbes.

25 Réponse: Oui, et son nom l'indique également.

Page 14646

1 Question: Compte rendu d'audience d'hier, à la page 32, ligne 8, Mme

2 Korner vous a demandé si vous n'aviez jamais traversé le pont pour entrer

3 dans Bosanski Novi et vous avez répondu que vous faisiez attention à ne

4 pas le faire, car vous avez été accusé "d'importer" la protection de l'ONU

5 dans le Bosnie. Est-ce que vous vous souvenez de cela?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Et Bosanski Novi était une municipalité à majorité serbe?

8 Réponse: Je ne suis pas sûr de me rappeler de tous les chiffres, de tous

9 les pourcentages. C'est vrai qu'on les examinait de temps en temps, mais

10 peut-être que vous pourriez me le dire?

11 Question: Eh bien, je ne vais pas le faire. La seule question que je vous

12 pose, c'est de savoir à combien de reprises vous avez traversé cette

13 frontière pour vous rendre en Bosnie?

14 Réponse: Mme Korner m'a posé la question au sujet de Bosanski Novi.

15 Question: Je comprends bien, mais moi je vous pose la question au sujet de

16 toute la région. A combien de reprises avez-vous traversé ce pont?

17 Réponse: D'innombrables fois.

18 Question: Et vous avez eu des réunions à Bihac, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, aussi bien à Bihac qu'à Velika Kladusa, Bosanski Novi, dans

20 toute la région, dans toute l'enclave.

21 Question: Et à un moment donné, vous avez appris la création de la

22 République serbe de Bosnie-Herzégovine et plus tard cette entité a été

23 renommée la Republika Srpska, n'est-ce pas?

24 Réponse: J'ai bien dit quelle était la date à laquelle j'ai appris la

25 création de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Je ne peux pas, en

Page 14647

1 revanche, vous dire la date exacte à laquelle cette entité a été renommée

2 en Republika Srpska.

3 Question: Je ne vous demande pas cette date-là. Je vous demande juste si

4 vous étiez au courant que cela s'était produit à un moment donné?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Et vous saviez que le siège du gouvernement de cette entité

7 serbe de Bosnie-Herzégovine se trouvait dans la partie serbe de Sarajevo à

8 Pale?

9 Réponse: Oui, c'était en effet à Pale.

10 Question: Et maintenant à présent, je vous prie d'examiner le document

11 1669.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Vous allez donc trouver un document en date du 20 juin, et l'auteur de ce

14 document est Paolo Raffone.

15 Réponse: Oui, en effet, j'ai un exemplaire de ce document.

16 Question: Il s'agit donc d'une réunion qui a eu lieu à Velika Kladusa avec

17 les représentants de 850 personnes déplacées de Sanski Most, est-ce exact?

18 Réponse: Oui, c'est ce qui est dit dans le rapport.

19 Question: Et le représentant de ce groupe de personnes déplacées était

20 présent à la réunion. Il a demandé que son nom ne soit pas divulgué.

21 Ensuite, il y a un rapport qui s'ensuit. Et M. Raffone dit que ce rapport

22 est fondé uniquement sur ce qu'il a dit.

23 Réponse: Oui, je le vois.

24 Question: Est-ce qu'autrement dit on pourrait dire que ceci, cette

25 information n'a pas été vérifiée?

Page 14648

1 Réponse: Non, c'est différent. Cela dit ce que vous venez de lire.

2 Question: Je voudrais vous poser quelques questions au sujet du troisième

3 paragraphe, à peu près à la moitié du troisième paragraphe. Il parle du

4 gymnase de Sanski Most où on détenait des gens, et il est écrit que: "Les

5 gardiens de cet endroit étaient placés sous le commandement d'un homme qui

6 était aussi le commandant de la cellule de crise de Banja Luka, la cellule

7 de crise serbe de Banja Luka, M. Davidovic."

8 Est-ce que vous le voyez?

9 Réponse: Oui, je le vois.

10 Question: Est-ce que vous avez jamais essayé de vérifier cette

11 information?

12 Réponse: Je n'avais pas de raison à le faire.

13 Question: Est-ce que vous avez jamais appris si c'était vraiment exact que

14 M. Davidovic était le chef de la cellule de crise de Banja Luka?

15 Réponse: Je n'avais aucune raison de le faire.

16 Question: Ensuite, cette personne vous dit au sujet du camp de Manjaca que

17 c'était un endroit où on gardait uniquement des criminels de guerre

18 dangereux, des extrémistes, plus quelques docteurs, quelques médecins et

19 quelques membres du SDA.

20 Réponse: Eh bien, il s'agit de propos rapportés. Moi, il fallait juste que

21 je consigne par écrit ce qu'il avait dit et que je dise que c'était de

22 cela qu'il s'agissait.

23 Question: Mais il ne s'agissait pas d'un rapport d'un Serbe mais d'un

24 Musulman?

25 Réponse: Oui.

Page 14649

1 Question: Un représentant de Sanski Most?

2 Réponse: Oui, exact.

3 Question: L'information ensuite a été transmise aux autorités supérieures

4 à Zagreb et ailleurs?

5 Réponse: Oui, en effet.

6 Question: Et c'est vous qui avez signé cette lettre pour autoriser ces

7 transmissions?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Maintenant, je vous prie de bien vouloir regarder le document

10 P1671.

11 Réponse: Quelle est la date?

12 Question: J'y viens, j'y viens: le 8 juillet.

13 Réponse: Excusez-moi, je ne vous ai pas très bien entendu.

14 Question: Peut-être me suis-je trompé!

15 (Intervention de l'huissière.)

16 Il s'agit en réalité du document 1672. Je me suis trompé tout à l'heure.

17 Excusez-moi.

18 (Intervention de l'huissière.)

19 Il s'agit d'un document en date du 8 juillet 1992. Il s'agit de réfugiés

20 essayant de passer de Bosanski Novi, de traverser la frontière depuis

21 Bosanski Novi, et ceci dure depuis un moment déjà, un mois.

22 Réponse: Oui, à peu près un mois.

23 Question: Et dans ce rapport, on parle de 18 personnes qui sont arrivées

24 de Bosanski Novi en demandant aide et protection pour traverser le secteur

25 Nord en direction de Zagreb et autres pays étrangers, n'est-ce pas? Il

Page 14650

1 raconte des récits portant sur persécution, intimidation et menace à

2 Bosanski Novi.

3 Réponse: C'est une question?

4 Question: C'est le deuxième paragraphe. C'est au deuxième paragraphe qu'il

5 est dit qu'ils racontent ce qu'ils ont vécu à Bosanski Novi.

6 Réponse: Oui, je le vois, je vois le contenu du deuxième paragraphe

7 effectivement.

8 Question: Donc les Musulmans continuaient à subir persécution,

9 déportation, contrainte, intimidation de la part de groupes armés serbes.

10 Réponse: En effet.

11 Question: A part le séjour que vous avez fait à l'époque en ex-Yougoslavie

12 au cours de votre ou dans le cadre de votre mission, est-ce que vous

13 savez… est-ce que vous avez une autre expérience avec les demandeurs

14 d'asile?

15 Réponse: Personnellement?

16 Question: Oui.

17 Réponse: Non, toute ma vie, j'ai travaillé pour les Nations Unies et nous

18 ne recevions pas les demandes d'asile.

19 Question: Savez-vous, puisque de toute façon vous voyagez dans le monde

20 entier et que les gens se présentent souvent dans différents pays -dans

21 les pays de l'Ouest en général- demandant asile et, pour l'obtenir, ils

22 ont besoin d'avoir de bonnes raisons, enfin une bonne histoire derrière

23 concernant ce qu'ils ont vécu dans le pays d'où ils viennent, pourquoi ils

24 ne peuvent pas revenir?

25 Réponse: Oui, cela me paraît raisonnable.

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1 Question: Est-ce que vous savez qu'il arrive fréquemment que ces

2 histoires, ces récits ne puissent pas être confirmés et que l'on refuse de

3 leur donner l'asile politique?

4 Réponse: Ecoutez, je ne suis pas au courant de cela.

5 Question: Et d'après ce que vous avez lu, d'après votre expérience sur

6 place, est-ce que vous saviez que l'économie yougoslave allait de mal en

7 pis?

8 Réponse: Oui, c'est vrai.

9 Question: Tout aussi avant qu'après la guerre, il y avait de graves

10 problèmes économiques. L'inflation était galopante, la vie n'était plus ce

11 qu'elle était et l'immigration vers les pays de l'ouest devenait l'objet

12 du désir pour tout le monde, n'est-ce pas?

13 Réponse: En termes généraux, cela me paraît raisonnable.

14 Question: Et à cause de cette question particulière au début 1992, à cause

15 de ce qui s'est passé à l'époque, eh bien, la situation était propice à

16 inventer des histoires concernant de prétendues persécutions pour obtenir

17 le statut de réfugiés et obtenir un asile politique dans des pays de

18 l'ouest?

19 Réponse: Eh bien, vous faites une déclaration bien… un peu montée de toute

20 pièce. Si vous voyez des gens qui ont de vrais besoins, je ne pourrais pas

21 dire… Quand on les voit comme ça, on ne peut pas dire que ce sont des

22 histoires inventées.

23 Question: Mais les gens qui ne se trouvaient pas dans cette situation-là

24 et qui voulaient juste immigrer, ils faisaient partie de ces gens-là?

25 Réponse: Oui, cela aurait pu arriver; c'était possible.

Page 14652

1 Question: Est-ce que vous savez qu'il y a des dizaines, des milliers de

2 citoyens ex-yougoslaves qui habitent les pays de l'Ouest couramment et qui

3 ont quitté l'ex-Yougoslavie au cours de la guerre avec aucune intention de

4 revenir?

5 Réponse: J'en connais à New York.

6 Question: Si vous regardez un peu plus loin dans ce mémorandum signé par

7 Paolo Raffone, juste avant le dernier paragraphe, il est dit que les

8 personnes interviewées ont parlé du gymnase de Bosanski Novi, que le

9 gymnase était plein à craquer, que des gardiens en ont pris quelques-uns,

10 quelques détenus pour les amener vers une destination inconnue. Quelques

11 témoins rapportent qu'au cours des 15 premiers jours du mois de mai, 200

12 personnes avaient été amenées pour être tuées, amenées de ces gymnases.

13 Est-ce que vous avez essayé de confirmer cela?

14 Réponse: Oui, qu'il y avait des personnes tuées, c'est cela?

15 Question: Oui.

16 Réponse: Je ne pouvais pas le faire, je n'avais pas de moyen pour vérifier

17 cela.

18 Question: Mais est-ce qu'il y a eu des confirmations de cela?

19 Réponse: A nouveau, je ne pouvais, je n'avais pas d'effectif pour le

20 faire, je n'avais pas les moyens de le faire. Si cela s'était passé dans

21 le centre, eh bien, j'aurais pu éventuellement faire une enquête.

22 Question: Et donc, est-ce qu'après cela il y a eu un rapport indépendant

23 confirmant ces faits?

24 M. Kirudja (interprétation): A nouveau, ici, il est bien écrit que ce

25 rapport s'appuie sur les dires d'une personne et, ensuite, il s'agit de

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1 rapporter ce que disaient d'autres personnes. Donc d'emblée, il est dit

2 qu'il s'agit d'un rapport basé sur le récit d'une seule personne au lieu

3 de mettre des guillemets absolument partout dans les rapports.

4 M. Ackerman (interprétation): Maintenant, je voudrais me référer au témoin

5 qui était la pièce jointe n°5, la pièce jointe à sa déclaration. (sic)

6 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si c'est devenu une pièce

7 à conviction? Oui, ceci est devenu une pièce à conviction.

8 M. Ackerman (interprétation): 1658?

9 M. le Président (interprétation): Oui. Il s'agissait de deux pages?

10 M. Ackerman (interprétation): Oui, c'est vrai.

11 M. le Président (interprétation): Donc nous avons 1658 et 1658.1.

12 M. Ackerman (interprétation): Je pense que j'ai besoin de 1658.

13 M. le Président (interprétation): Très bien.

14 M. Ackerman (interprétation): Il s'agit d'un mémo du 20 mai.

15 Mme Korner (interprétation): 26 mai?

16 M. Ackerman (interprétation): Non, non, 20 mai.

17 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est effectivement un document à

18 ajouter.

19 M. le Président (interprétation): Oui, donc il s'agit du document 1658.1.

20 Mme Korner (interprétation): Oui, en effet.

21 M. le Président (interprétation): Eh bien, je ne vois pas ce document

22 entre les mains de Mme l'huissière. Le document 1658.1, s'il vous plaît?

23 Je n'ai pas l'impression que c'est le même document, le même que le mien.

24 M. Ackerman (interprétation): Donc vous devriez avoir sous vos yeux un

25 document en date du 20 mai 1992. Il s'agit d'une note sur la situation

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1 dans la région de Bihac.

2 M. Kirudja (interprétation): Oui, je suis au courant de cela.

3 Question: Qui est l'auteur de ce document?

4 Réponse: M. Raffone.

5 Question: L'analyse de la situation politique, il est dit, c'est le titre:

6 "Les représentants de la communauté de Bihac ont expliqué que leur

7 principal partenaire économique était la République de Croatie.

8 Aujourd'hui, ils craignent qu'il y ait une association, une alliance entre

9 les Croates et les Musulmans pour combattre leur ennemi commun: les Serbes

10 de Bosnie-Herzégovine.". Est-ce exact?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Et donc il s'agissait de la position prise par ces représentants

13 de Bihac, qu'ils considéraient qu'ils pourraient s'allier aux Croates pour

14 combattre ensemble leur ennemi commun, les Serbes. Il s'agissait d'une

15 position prise au moins le 20 mai?

16 Réponse: Il y en a qui ont exprimé un tel point de vue, en effet, mais je

17 voudrais que vous mettiez en relation cette information en date du 20 mai

18 avec d'autres témoignages. Nous étions occupés par la démilitarisation et

19 nous devions avoir affaire avec les Serbes aussi. Vous, vous n'êtes en

20 train d'examiner qu'un seul rapport. Le côté serbe avait aussi leur

21 commandant, le général Spiro Ninkovic.

22 Question: La seule chose que je vous ai demandée, c'est si les

23 représentants de la communauté de Bihac ont dit cela? Je ne vous ai pas

24 demandé plus que cela.

25 Réponse: Eh bien, je vous ai dit que vous utilisez ces propos, les propos

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1 tenus par ce représentant. Il s'agissait d'un représentant.

2 Question: Non, je ne les ai pas… je n'ai pas abusé, je n'ai pas mal

3 interprété leurs propos. C'est dans le rapport qu'on parle de cela.

4 Regardez le rapport. D'ailleurs, on ne parle pas d'un représentant, on

5 parle de plusieurs représentants.

6 Réponse: Eh bien, à ce moment-là, il a parlé des gens qu'il a rencontrés

7 le jour même. Il s'agissait des civils. Et moi je vous parlais des

8 militaires que nous rencontrions en même temps.

9 Question: Il s'agit d'un autre sujet, mais j'en ai terminé de ces

10 documents. Pendant la période que vous avez passée dans le secteur Nord et

11 en ce qui concerne la Bosnie, qui étaient les présidents de municipalité

12 que vous rencontriez?

13 Réponse: J'ai rencontré en Bosnie les représentants de la municipalité de

14 Bihac et de Velika Kladusa le plus souvent.

15 Question: Est-ce que de temps en temps vous rencontriez aussi ceux le

16 président de la municipalité de Bosanski Novi?

17 Réponse: Eh bien, le plus souvent, ceux de Bihac et de Velika Kladusa.

18 Mais aussi j'ai rencontré ceux de Bosanski Krupa, de Bosanski Novi et de

19 Sanski Most.

20 Question: Vous avez donc rencontré les représentants de ces trois

21 endroits, de ces trois municipalités?

22 Réponse: Oui, et c'est là qu'il y a eu des témoignages détaillés. Mais

23 apparemment vous ne disposez pas de détails concernant les réunions à

24 Bihac ou Velika Kladusa.

25 Question: Vous avez tiré un parallèle entre les positions des présidents

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1 des municipalités de Dvor et la position de celui de Bosanski Novi. Vous

2 avez parlé de cela hier et c'est assez significatif. Est-ce que vous vous

3 souvenez avoir parlé de cela? Je pense que vous avez l'impression qu'il

4 lisait un scénario, enfin un texte préparé à l'avance.

5 Réponse: Oui.

6 Question: Et je pense qu'il est important que vous expliquiez aux Juges

7 que Bosanski Dvor, la région de Bosanski Dvor en réalité n'est qu'une même

8 ville, une même séparée par une rivière et un pont.

9 Réponse: Oui, c'est exact. Jusqu'il y a peu de temps, c'était le cas.

10 Question: Et cette rivière ne formait pas une rivière internationale? Il

11 s'agissait juste d'une frontière entre la Bosnie et la Croatie en tant que

12 République de la Yougoslavie?

13 Réponse: Oui, c'est exact.

14 Question: Et ces deux personnes qui à l'époque étaient les présidents des

15 municipalités, en réalité étaient des gens qui, avant 1992, étaient en

16 contact très souvent?

17 Réponse: Oui, c'est exact.

18 Question: Très bien.

19 Réponse: Est-ce que je peux ajouter…

20 Question: Je vais passer à une autre question, car cela va vous donner la

21 possibilité de faire votre discours.

22 Réponse: Non, je souhaite juste clarifier un point, je ne veux pas faire

23 de discours.

24 Question: Vous ne proposez donc pas de faire une généralisation?

25 Réponse: Non.

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1 Question: En ce qui concerne la situation en Bosnie, en observant deux

2 représentants des municipalités qui agissaient de deux endroits… enfin

3 leur chef-lieu était très très proche?

4 Réponse: Justement, j'ai voulu clarifier cela. Ce que vous avez expliqué

5 de façon très élégante, en ce qui concerne Dvor, s'applique aussi à Velika

6 Kladusa, à Maljevac et toutes les autres municipalités. La seule

7 différence est qu'il n'y avait pas de Serbes de l'autre côté, mais ils se

8 connaissaient. Et j'ai parlé de cela à de nombreuses reprises.

9 M. Ackerman (interprétation): J'ai terminé mon contre-interrogatoire. Je

10 vous remercie. J'espère que vous allez pouvoir rentrer chez vous dans de

11 bonnes conditions.

12 M. Kirudja (interprétation): Maître, je vous remercie et je remercie aussi

13 les Juges.

14 M. le Président (interprétation): Non non, nous n'en avons pas terminé

15 avec vous. Peut-être que Mme Korner a encore des questions supplémentaires

16 à vous poser.

17 Mme Korner (interprétation): Oui, mais je voudrais le faire après la

18 pause.

19 M. le Président (interprétation): Très bien. Dans le "LiveNote", il y a un

20 petit problème. Il est écrit qu'il est 12 heures 23 alors qu'en réalité il

21 n'est que 12 heures 17. Bon. Il y a un problème au niveau de l'horloge du

22 "LiveNote" et je demande à la personne responsable de vérifier cela.

23 Maintenant nous allons donc prendre une pause de 25 minutes.

24 (L'audience, suspendue à 12 heures 25, est reprise à 12 heures 54.)

25 M. le Président (interprétation): Madame Korner, c'est à vous.

Page 14658

1 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin M. Charles Kirudja par

2 Mme Korner.)

3 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Témoin, on vous a interrogé hier

4 au sujet d'un domaine qui a été de nouveau abordé aujourd'hui. Il

5 s'agissait des réfugiés de Bosanski Novi qui souhaitaient partir à cause

6 des coupures de courant constantes, de la pénurie de soins médicaux, etc.

7 Et on vous a dit que ces gens étaient parfaitement en droit de partir

8 volontairement. J'aimerais, s'il vous plaît, que nous revenions, vous y

9 avez fait référence, à un document qui a déjà été examiné: le document

10 P1669. Je serais reconnaissante à Mme l'huissière de bien vouloir vous le

11 présenter.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Il s'agit du document en date du 8 juin intitulé "mémorandum". On le

14 trouve après le document émanant de la Forpronu. Et l'objet, c'est le

15 rapport d'enquête sur les personnes déplacées observées à Bosanski Novi.

16 En bas de cette page, Monsieur le Témoin, il y a une réunion qui est

17 évoquée -vous en avez parlé-, la réunion du 27 mai lorsque le maire de

18 Bosanski Novi est venu vous voir.

19 Maintenant, si l'on passe à la page suivante –je cite-: "Il a reconnu que

20 les Musulmans ne partaient pas vraiment "volontairement", mais sous la

21 contrainte." (Fin de citation.)

22 M. Ackerman (interprétation): Il ne s'agit pas là de question qu'il

23 convient de poser dans le cadre d'un interrogatoire supplémentaire puisque

24 je n'ai pas abordé cela dans le cadre du contre-interrogatoire. Cela a été

25 abordé dans le cadre de l'interrogatoire principal.

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1 M. le Président (interprétation): Quoi, vous posez une question au témoin?

2 M. Ackerman (interprétation): Non, il a parlé de cela, de cette

3 déclaration pendant son interrogatoire principal.

4 M. le Président (interprétation): Mais laissez Mme Korner poser la

5 question. A ce moment-là, on pourra terminer si c'est une question

6 appropriée ou pas. Ecoutons la question avant de statuer.

7 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Témoin, dans ce document vous

8 dites que le maire a reconnu que les gens ne partaient pas volontairement

9 pour des raisons qualifiées, globalement, d'économiques. Est-ce ce qu'il

10 vous a dit à ce moment-là?

11 M. Kirudja (interprétation): Oui.

12 Mme Korner (interprétation): Parmi tous ces réfugiés qui venaient dans

13 votre zone en provenance de Prijedor, Sanski Most, Bosanska Krupa, je

14 voudrais savoir si parmi tous ces gens certains vous ont donné

15 l'impression de partir volontairement -dans la première acception du

16 terme- pour échapper aux difficultés économiques ou parce qu'il y avait

17 des combats dans la zone?

18 M. Kirudja (interprétation): Nous avons eu l'impression qu'ils prenaient

19 beaucoup de risques en empruntant l'itinéraire et en allant où ils

20 allaient.

21 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas que vous ayez bien

22 répondu à la question. La question qui vous a été posée était la suivante

23 –je cite-: "Parmi l'ensemble des réfugiés qui venaient de Bosanska Krupa,

24 Sanski Most, etc., avez-vous rencontré des gens qui vous ont donné

25 l'impression que les gens partaient volontairement dans la première

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1 acception du terme pour échapper à la situation économique ou pour

2 échapper aux combats qui faisaient rage?"

3 M. Kirudja (interprétation): Pour échapper au fait que les combats

4 faisaient rage.

5 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'ils vous ont donné

6 l'impression qu'ils partaient à cause des combats?

7 M. Kirudja (interprétation): Si on me donne le choix entre situation

8 économique difficile et combat, c'est l'impression que l'on obtient: on

9 obtient l'impression que ces gens partaient parce qu'il y avait des

10 combats.

11 Mme Korner (interprétation): Maître Ackerman vous avait posé un grand

12 nombre de questions au sujet des demandeurs d'asile. Je voudrais savoir si

13 nous avions là affaire à des gens qui voulaient ailleurs, là où il y avait

14 de l'électricité, là où la situation économique était plus propice? Est-ce

15 que c'est de cette manière que vous les définiriez?

16 M. Kirudja (interprétation): Je ne qualifierais pas ces gens de demandeurs

17 d'asile au sens où on l'entend, dans la manière dont le phénomène se

18 présente aujourd'hui. Ce n'est pas de cette manière que je décrirais la

19 situation de l'époque.

20 Question: Quand on quitte son village parce qu'il a été attaqué, parce

21 qu'on a perdu son emploi, on a été renvoyé parce qu'on a vu sa famille,

22 certains membres de sa famille être arrêtés, est-ce que l'on peut

23 qualifier à ce moment-là ces départs de départs volontaires?

24 Réponse: Non, je l'ai dit à ce moment-là et je l'ai dit dans ma déposition

25 aussi, on peut voir clairement que pour moi il ne s'agissait pas là de

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1 départs volontaires.

2 Question: Prenons l'exemple de Prijedor. Avez-vous remarqué un nombre

3 considérable de Serbes venant de la région de Prijedor dans votre secteur?

4 Des gens qui seraient partis pour des raisons économiques ou pour d'autres

5 raisons?

6 Réponse: En ce qui concerne Prijedor, on nous a simplement signalé dans la

7 période précédent le premier départ, on nous a signalé qu'il y aurait

8 8.000 personnes qui viendraient de cette région.

9 Je souhaite insister sur le fait qu'il n'y a jamais eu autant de personnes

10 venant de Prijedor. Nous en avions été prévenus par les autorités qui nous

11 disaient: "Vous pouvez vous attendre à voir venir tant de personnes!" Cela

12 n'a pas été le cas.

13 Question: Mais ces 8.000 personnes, quelle était leur appartenance

14 ethnique, ces 8.000 personnes que l'on pouvait s'attendre à voir partir de

15 la région de Prijedor?

16 Réponse: Globalement, c'étaient des gens qui n'étaient pas Serbes -c'est

17 ce qu'on avait compris- des gens qui n'étaient pas prêts à faire

18 allégeance à la République serbe de Bosnie-Herzégovine.

19 Question: Et qu'en est-il de Sanski Most? Est-ce que la situation se

20 présentait de la manière suivante?

21 Réponse: Toutes les personnes concernées étaient présentées comme des non-

22 Serbes.

23 Question: A un moment donné, on vous a demandé si vous aviez envoyé une

24 lettre, semblable à celle qui avait été envoyée par le HCR des Nations

25 Unies, à M. Pasic expliquant que les transferts forcés, les transferts

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1 massifs de population pouvaient être considérés comme des crimes. Et on

2 vous a demandé si vous aviez envoyé ce type de lettre au maire de Bihac à

3 titre d'exemple.

4 Moi, je souhaiterais vous interroger au sujet de ce que vous savez des

5 événements de Bihac. Saviez-vous qu'avant votre arrivée en décembre 1991,

6 saviez-vous que le SDS avait mis en place une municipalité distincte de

7 l'autre dans la municipalité de Bihac?

8 Réponse: Je l'ignorais.

9 Question: Saviez-vous qu'en vérité cette municipalité était maintenant

10 divisée en deux: on avait d'un côté Ripac et de l'autre Bihac?

11 Réponse: Non. A ce moment-là, je ne le savais pas. Plus tard, je l'ai su,

12 mais à ce moment-là je ne le savais pas, je ne connaissais pas cette

13 situation de la séparation de Bihac.

14 Question: Saviez-vous que la population serbe de Bihac, de ce qui était au

15 début Bihac, était allée s'installer à Ripac, si bien que Bihac, si l'on

16 peut dire, était encerclée par les Serbes?

17 Réponse: Je ne savais pas qu'ils étaient à Ripac, comme vous l'avez dit.

18 Mais quand on a commencé à se rendre à Bihac, je me suis rendu compte que

19 c'était ville où tout allait bien -il n'y avait pas un seul carreau

20 cassé-. Mais il était clair qu'il y avait à la fois des Serbes et des non-

21 Serbes à Bihac.

22 Question: Dernière question à ce sujet parce que ceci a trait à une

23 période postérieure à votre arrivée: saviez-vous qu'en mai tous les

24 Musulmans qui habitaient dans cette zone de Bihac, que l'on désigne

25 communément sous le terme de Ripac, se sont vus donner l'ordre de partir

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1 et de se rendre dans la zone dite de Bihac?

2 M. Kirudja (interprétation): Je n'étais pas au fait de ce détail.

3 Mme Korner (interprétation): Merci. On vous a dit que les organisations

4 dépendant des Nations Unies -vous-même, la Croix-Rouge internationale, le

5 HCR des Nations Unies-, on vous a donc dit que toutes ces organisations, y

6 compris la vôtre, vous vous comportiez de manière inacceptable en

7 n'autorisant pas ces personnes qui souhaitaient partir "volontairement" à

8 traverser votre secteur et en refusant de leur accorder votre aide. Voilà

9 ce que l'on vous a dit.

10 Maintenant j'aimerais à ce sujet que l'on examine un de vos rapports de

11 situation, document 41. On me dit qu'il s'agit du document portant la cote

12 1684.

13 (Intervention de l'huissière.)

14 M. le Président (interprétation): C'est exact.

15 Mme Korner (interprétation): Rapport du 8 octobre.

16 Veuillez, s'il vous plaît, vous rapporter au paragraphe 12. Nous avons lu

17 en partie ce paragraphe.

18 M. Kirudja (interprétation): Oui, je vois le paragraphe.

19 Question: Nous avons parlé de Owen et Vance à Banja Luka -je cite-: "La

20 pratique de nettoyage ethnique semble se continuer sans fin et sans

21 s'arrêter. Vers la fin du mois de juillet, le HCR des Nations Unies a

22 annoncé que les Nations Unies ne participeraient nullement ou ne feraient

23 rien qui pourrait sembler encourager cette pratique, et en particulier les

24 Nations Unies ne participeraient pas à des mesures de déplacement des

25 réfugiés, les voyant partir de leur foyer, si la raison de ces

Page 14664

1 déplacements était à trouver dans le nettoyage ethnique. Dans les deux

2 semaines qui viennent de s'écouler, cette position de principe était

3 quelque peu affaiblie par les choses suivantes." (Fin de citation.)

4 Donc d'abord, qu'est-ce qui était défini par vous-même et les autres

5 organisations des Nations Unies comme du nettoyage ethnique?

6 Réponse: Eh bien, à ce moment-là, comme vous l'avez bien indiqué, nous

7 avions commencé à comprendre et à reconnaître que c'était effectivement ce

8 qu'il se passait. Et vous constaterez que dans le document, ce terme est

9 placé entre guillemets, ce qui montre à quel point nous abordions ce

10 concept.

11 Il s'agissait donc de personnes qui étaient déplacées de leur foyer pour

12 des raisons que l'on qualifiait sur place de nationales mais que l'on peut

13 rapporter à leur appartenance ethnique. Il s'agissait toujours des trois

14 mêmes groupes serbes, croates et musulmans.

15 Et s'agissant du groupe concerné, il n'y avait aucune raison de voir ce

16 groupe se déplacer, sauf que ce n'étaient pas des non-Serbes. En tout cas,

17 la seule raison c'était qu'il s'agissait de non-Serbes et que ces Serbes

18 avaient refusé de faire une déclaration d'allégeance à la nouvelle

19 organisation du pays.

20 Question: A votre avis, est-ce que l'on peut considérer qu'il y avait là

21 une bataille rangée et que la population était prise au milieu?

22 Réponse: Non, on ne peut pas dire cela. Les balles, les obus ne font pas

23 de différence entre l'appartenance ethnique. Une fois que les obus

24 commencent à tomber sur une ville, ils ne font aucune différence entre

25 l'appartenance ethnique des personnes qui se trouvent dans la zone

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1 concernée.

2 Question: Je crois que vous n'avez pas bien compris ma question. Nous

3 avions… On semble nous dire que ces réfugiés partaient parce qu'il y avait

4 une bataille rangée entre deux adversaires. Est-ce que vous considérez que

5 c'était la situation? Est-ce c'est de cette manière que vous définiriez le

6 nettoyage ethnique?

7 Réponse: Non, il s'agit de la prise pour cible d'un groupe particulier qui

8 n'appartient pas au groupe dominant et qui est contraint à partir; c'est

9 ce que nous entendons par là.

10 Question: Mais comment se fait-il que le HCR ait annoncé qu'il

11 n'apporterait aucune assistance dans tout ce qui pourrait soutenir ce

12 genre de pratique?

13 Réponse: Si vous examinez les notes prises à l'issue de toutes les

14 réunions, vous constaterez que le HCR était présent par mon truchement et

15 que les gens du HCR savaient tout ce qui se passait par mon intermédiaire.

16 Question: Non. Une fois de plus, je crois que vous ne m'avez pas compris.

17 C'est sans doute ma faute. Je voudrais savoir quel est le principe sur la

18 base duquel vous-même et le HCR des Nations Unies avez décidé -et c'est ce

19 qu'on peut lire ici-, avez décidé de ne pas participer ou de ne rien faire

20 qui puisse sembler encourager cette pratique?

21 Réponse: Cela revenait à pervertir la notion de réfugié. Les réfugiés, ce

22 sont des gens qui se trouvent dans des endroits étrangers où ils n'ont pas

23 l'habitude de vivre. Il faut les assister, il faut les aider parce qu'ils

24 ne sont pas chez eux. Or, là, on est dans une situation complètement

25 inverse parce que les gens sont chez eux, ils sont dans leur endroit

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1 d'origine, dans leur habitat d'origine, et on nous demande à nous d'aider

2 à les transporter ailleurs.

3 Question: Et pour vous, qu'est-ce qui était inacceptable dans l'idée de

4 contribuer à déplacer massivement toute cette population?

5 M. Kirudja (interprétation): Il ne faut… Il est inacceptable de

6 sélectionner quiconque pour le faire partir sur la base de son

7 appartenance ethnique, sur la base de ce qu'ils sont… de ce qu'il est. Il

8 est inacceptable de s'attaquer à quelqu'un sur la base de son être, à

9 l'opposé bien entendu de ce qu'il pourrait éventuellement avoir commis, de

10 ses actes.

11 Mme Korner (interprétation): Je n'ai plus de question.

12 M. le Président (interprétation): Merci.

13 Monsieur le Témoin, Mme le Juge Janu va maintenant vous poser un certain

14 nombre de questions. Madame le Juge Janu, notre Juge tchèque.

15 (Questions au témoin, M. Charles Kirudja, de Mme la Juge Janu.)

16 Mme Janu (interprétation): Monsieur le Témoin, dans votre déclaration à la

17 page 23… Inutile de vous y référer, je vais vous dire de quoi il s'agit,

18 vous nous avez parlé de vos négociations avec des dirigeants, vos

19 homologues, et vous nous dites que ces personnes étaient souvent

20 remplacées par d'autres. Et vous nous avez expliqué qu'il arrivait souvent

21 que vous soyez contraint de recommencer à nouveau tous les efforts déjà

22 entrepris. Pourriez-vous, si vous vous en souvenez, expliquer à la

23 Chambre… Attendez, je n'ai pas fini ma question.

24 Pourriez-vous donc nous expliciter si ces dirigeants, ces personnes que

25 vous rencontriez, ces représentants officiels, c'étaient de véritables

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1 professionnels compétents? Ça, c'est un volet de ma question. Est-ce que

2 ceux qui étaient remplacés étaient des modérés ou des durs? Je vous pose

3 cette question en pensant à ce que vous avez dit dans votre déposition ou

4 déclaré dans votre déclaration au sujet de ce qu'il est advenu de M.

5 Obradovic.

6 M. Kirudja (interprétation): Merci, Madame le Juge. Il y a eu là toute une

7 série d'événements qui se sont succédés. Lorsque nous sommes arrivés, nous

8 avons trouvé dans chacune des municipalités un maire, toutes ces

9 municipalités qui relevaient de la zone protégée par les Nations Unies.

10 Ce que j'ai dit à ce sujet, c'est que les seules autorités reconnues, et

11 détenteurs d'autorité reconnue, dans ces zones devaient être les chefs de

12 la police et les maires, et qu'il fallait que toutes les forces armées

13 soient démilitarisées, toutes les autres.

14 A ce sujet, nous avons remarqué que s'agissant du maire que vous avez

15 évoqué, le maire avait compris exactement de quoi il retournait. Et il

16 avait décidé de diriger sa municipalité de manière modérée en tant que

17 maire, et on peut dire que c'était un modéré.

18 Mais il y avait d'autres maires tels qu'à Dvor, Petrinja, Vojnic. Il y

19 avait des maires, des maires donc qui tenaient des discours que j'ai

20 évoqués, des propos que j'ai évoqués déjà dans ma déposition: "Nous, nous

21 les Serbes, nous avons combattu avant votre arrivée, avant l'arrivée de

22 l'ONU et nous refusons de garder les non-Serbes ici. Tant qu'il y aura des

23 non-Serbes, il n'y aura pas de paix dans la région."

24 Ceux qui tenaient ce genre de propos avaient une longévité à leur poste

25 plus longue que celui que vous avez mentionné. On pense à ce M. Obranovic

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1 qui a été assassiné début juillet alors qu'il se trouvait entre le

2 quartier général des Nations Unies et le lieu d'où il venait.

3 Pour finir ma réponse, quand il a été tué, cela a jeté un froid, si l'on

4 peut dire. Un grand nombre de maires ont été remplacés et ils se sont mis

5 à tenir le même genre de propos que les autres. Ils semblaient se plier

6 complètement à la politique dictée par Knin et ceci en contravention avec

7 le plan Vance-Owen qui était absolument contre une autorité "parapluie",

8 une autorité qui se faisait sentir sur toute la zone puisqu'on prévoyait

9 uniquement des "opstina" indépendantes.

10 Mme Janu (interprétation): Au sujet de la pièce P1669 du 20 juin 1992.

11 (Intervention de l'huissière.)

12 Il s'agit d'une demande qui n'émane pas de vous, mais en tout cas vous en

13 avez été informé et vous avez été à l'origine de cette lettre. Et vous

14 demandez au maire de Bosanski Novi, M. Pasic, d'organiser une réunion avec

15 les représentants des réfugiés qui se trouvaient à ce moment-là à Blagaj

16 Japra. Et c'était Sifet Barjaktarevic et Fikret Hamzagic qui étaient les

17 représentants.

18 Moi, ce qui m'intéresse, c'est le premier représentant. Donc aviez-vous

19 rencontré ces personnes ou est-ce que quelqu'un d'autre les a rencontrées?

20 Est-ce que cette réunion a été une réunion véritablement organisée? Et

21 deuxième chose, au sujet de Sifet Barjaktarevic, avez-vous appris plus

22 tard qu'il a été tué?

23 M. Kirudja (interprétation): Madame Janu, je ne l'ai pas appris, je viens

24 de l'apprendre de votre bouche qu'il a été tué plus tard; nous ne le

25 savions pas à l'époque. Et dès que le maire de Dvor m'a dit que ce groupe

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1 souhaitait traverser -c'était une affaire qui était entre les mains de M.

2 Pasic-, j'ai alors demandé à ce que nous puissions traiter directement et

3 avoir les informations directement des personnes qui représentaient ce

4 groupe. Et donc deux personnes se sont présentées.

5 Mme Korner (interprétation): Je suis désolé. Simplement, pour les besoins

6 du compte rendu d'audience, les différents endroits qui sont mentionnés

7 par Mme la Juge Janu se situent en fait du côté de Knin de la frontière de

8 la Republika Srpska.

9 Monsieur le Président, je voulais m'assurer que ceci soit bien clair dans

10 le compte rendu d'audience.

11 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

12 Merci.

13 Madame la Juge Taya souhaite maintenant poser une question.

14 (Questions au témoin, M. Charles Kirudja, de Mme la Juge Taya.)

15 Mme Taya (interprétation): Monsieur Kirudja, j'ai quelques questions à

16 vous poser.

17 A la page 4 de votre déclaration en 1999, vous dites: "Il est apparu assez

18 clairement par la suite que les Serbes à l'intérieur de la zone protégée

19 des Nations Unies souhaitaient faire partie de ce qui était communément

20 appelé la Grande Serbie, et qu'ils avaient un plan pour mettre en place la

21 Grande Serbie, apparemment inspiré et ordonné par des personnes à

22 Belgrade.

23 Par conséquent, la seule frontière qu'ils reconnaissaient était la ligne

24 de confrontation avec la Croatie. Et une fois que les événements se sont

25 produits en Bosnie, les Serbes en Bosnie se sont installés dans les zones

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1 de protection des Nations Unies.".

2 Vous souvenez-vous de cela?

3 M. Kirudja (interprétation): Oui, Madame, je m'en souviens bien.

4 Mme Taya (interprétation): La pièce portant la cote 1674, paragraphe 6,

5 déclare que: "La réinstallation des Serbes de Bihac et même de Belgrade

6 dans les zones protégées par les Nations Unies…"

7 Ma question est la suivante. Premièrement, environ combien de Serbes,

8 venant de Bosnie-Herzégovine ou de Serbie, se sont installés dans les

9 régions protégées par l'ONU à partir du 1992?

10 M. le Président (interprétation): Concernant toute l'année 1992?

11 Mme Taya (interprétation): A partir du mois d'avril jusqu'au mois d'août?

12 M. Kirudja (interprétation): Oui.

13 M. le Président (interprétation): Je suggère, Monsieur Kirudja, que vous

14 parliez simplement de la période qui couvre du mois d'avril au mois

15 d'août.

16 M. Kirudja (interprétation): La période de ma déposition?

17 M. le Président (interprétation): Exactement.

18 M. Kirudja (interprétation): Madame, pour les raisons que j'ai expliquées

19 auparavant, le nombre en fait n'était jamais très sûr du côté serbe.

20 Parfois, j'ai pris le soin de l'expliquer. Nous n'avions donc pas les

21 chiffres à ce moment-là. Nous savions simplement que ces gens étaient là,

22 nous ne pouvions pas les voir et nous n'avons jamais essayé d'établir une

23 liste.

24 Mme Taya (interprétation): Une autorité serbe vous a… Une quelconque

25 autorité serbe avait-elle un lien avec cette réinstallation des Serbes?

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1 M. Kirudja (interprétation): Evidemment parce qu'une fois que l'on entrait

2 dans le secteur, il fallait que ce soit autorisé pour ainsi dire. Il

3 fallait savoir qui vous aidiez, il fallait pouvoir vous identifier pour

4 pouvoir être dans ce secteur, la zone protégée de l'ONU. Sinon on ne

5 pouvait pas s'y trouver.

6 Question: Le mandat de la Forpronu, d'après vous, le mandat consistait à

7 assurer la démobilisation; deuxièmement, le retour à l'état de droit; et

8 troisièmement, pour aider?

9 Réponse: Oui, Madame, à l'exception du deuxième point que j'aimerais

10 clarifier. La Forpronu n'avait pas pour mandat de rétablir l'état de

11 droit. La Forpronu était là pour surveiller l'état de droit et voir s'il

12 était appliqué par les autorités que je viens de décrire, à savoir les

13 maires et les chefs de la police.

14 Question: Mais pour maintenir la situation de statut quo, cela faisait

15 partie également du mandat de la Forpronu, est-ce exact?

16 Réponse: Oui, et même cela faisait partie… c'était une partie importante

17 de ce mandat. Il fallait maintenir le statut quo tout en essayant de

18 trouver une solution aux questions politiques qui ont conduit aux combats.

19 Et les négociations se tenaient, étaient menées sur ce terrain-là. Il

20 s'agissait en particulier d'une conférence internationale sur l'ex-

21 Yougoslavie qui était dirigée par Lord Owen, ou qui était représentée par

22 Lord Owen au sein des Nations Unies et qui représentait l'Europe.

23 Question: Si la Forpronu… D'après votre déclaration, j'ai compris que la

24 Forpronu faisait donc tous les efforts nécessaires pour empêcher

25 l'expulsion des Musulmans et des Croates des zones protégées par l'ONU,

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1 est-ce exact?

2 Réponse: C'était une demande qui avait été faite, un mandat si vous voulez

3 qu'il devait… Cela faisait partie du mandat de demander à ce qu'ils

4 restent là.

5 Question: Alors quelle était la position de la Forpronu à l'égard du

6 problème de la réinstallation des Serbes?

7 Réponse: Le problème de la Forpronu ou la question qu'elle se posait?

8 Question: Oui, la réinstallation des Serbes?

9 Réponse: Ceci ne posait pas de problème parce qu'il y avait des Serbes

10 originaires de la région qui sont entrés dans la zone protégée. Cela

11 signifie qu'ils étaient là et qu'ils y étaient avant le début de la

12 guerre. Il y avait également d'autres Serbes qui venaient d'ailleurs et

13 qui sont entrés dans le secteur sans que cela pose un problème

14 particulier.

15 Question: Mais la réinstallation des Serbes n'a en aucune façon

16 déstabilisé le statut quo?

17 Réponse: Non, tout à fait. C'est quelque chose que nous n'avons pas

18 abordé. Dans le cadre de notre mission, il fallait faire beaucoup, il

19 fallait faire davantage que d'apporter des témoignages que j'ai donnés ces

20 trois derniers jours; c'était mon rôle en fait du côté croate. Le côté

21 croate. C'était notre devoir d'empêcher que les Serbes qui venaient à

22 l'intérieur de ce secteur… et les autorités croates répétaient sans cesse

23 que ces non-Serbes qui arrivaient dans le secteur avaient besoin d'être

24 protégés. Ils avaient signé une allégeance en vertu de laquelle ils

25 avaient déclaré qu'ils avaient été harcelés, etc. Donc du côté croate,

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1 nous devions en fait traiter la question que je viens d'évoquer.

2 Question: Savez-vous si oui ou non la plupart de ces Serbes qui se sont

3 relogés ont été expulsés du territoire de Croatie lorsque la Croatie a

4 repris cette région protégée par les Nations Unies?

5 Réponse: Oui. Et en fait, c'est à ce moment-là que j'ai été envoyé à

6 Belgrade lorsque les dernières opérations militaires ont été entreprises

7 par les autorités croates. Et j'ai été le témoin de ce long convoi de

8 Serbes qui arrivait sur l'autoroute, qui est entré à Belgrade et qui est

9 allé plus loin.

10 Question: Une autre série de questions que j'aimerais vous poser, à la

11 page 6 de votre déclaration 2002. A la page 6 de votre déclaration, vous

12 dites que: "Au milieu de l'année 1993, il y avait un nombre important de

13 réunions qui se sont tenues et auxquelles j'ai participé, à savoir les

14 négociations avec les Croates portant sur l'autonomie pour les Serbes de

15 la région de Krajina. Alors que Martic était clairement impliqué et

16 présent à ces réunions, dans les coulisses les Croates ne souhaitaient pas

17 négocier avec quiconque avait un rôle au sein du gouvernement de la

18 Krajina.

19 Par conséquent, je rencontrais souvent ces personnes qui étaient chargées

20 de leurs négociations. Et d'après ce que j'ai compris, ces négociations

21 ont échoué à de multiples reprises parce que Martic voulait les saboter,

22 ne souhaitait par parvenir à un accord avec les Croates et parce que cela

23 ne lui permettait pas de déployer sa vision de la Republika Srpska de

24 Krajina, et de voir cette région réunifiée avec la Serbie."

25 La question que je vous pose donc: aviez-vous l'impression que Martic mais

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1 Tudjman également souhaitaient saboter les négociations pour éviter

2 d'arriver à un accord sur le sujet de l'autonomie des Serbes dans la

3 région de la Krajina?

4 Réponse: Absolument. Ce concept évoqué, à savoir l'autonomie de cette

5 région, la région de la Krajina, que vous avez évoquée était effectivement

6 une question un petit peu litigieuse parce que les Croates ne souhaitaient

7 pas participer d'une manière qui aurait permis à la région d'avoir une

8 plus grande indépendance.

9 Par conséquent, vous avez raison. Le gouvernement de Tudjman n'était pas

10 prêt et ne souhaitait pas en fait arriver à un accord ou en tout cas

11 conclure ces négociations à propos de cette autonomie. Ce qui était un

12 principe qui avait été accepté, ce principe de l'autonomie. Ce qui était

13 en fait… La teneur de ces négociations portait sur l'amplitude de cette

14 autonomie, et ce, dans le cadre des résolutions des Nations Unies. C'est

15 cela qui était négocié.

16 Et Martic auquel vous avez fait allusion en fait, lorsque nous étions sur

17 le point d'arriver à un accord, eh bien, il faisait en sorte que tout

18 échouait. Et il fallait reprendre à plusieurs reprises par la suite.

19 Question: Pensez-vous que Tudjman s'opposait à l'autonomie parce qu'il

20 souhaitait que la Croatie reprenne le territoire sur lequel étaient

21 déployées les Nations Unies pendant que le conflit avec la Bosnie-

22 Herzégovine faisait rage?

23 Réponse: Je ne peux pas répondre là-dessus et je ne sais pas comment il

24 est arrivé à cette conclusion… je ne sais pas quand il est arrivé à cette

25 conclusion, mais je ne peux pas l'exclure.

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1 Question: Bien. D'après vous, que signifiait l'attitude de Tudjman?

2 M. Kirudja (interprétation): Je ne suis pas en position, Madame, de vous

3 donner des détails là-dessus.

4 Mma Taya (interprétation): Merci beaucoup.

5 (Questions au témoin, M. Charles Kirudja, de M. le Président.)

6 M. le Président (interprétation): Moi, j'ai deux questions à vous poser et

7 qui ont un lien avec la réponse que vous avez apportée à la première

8 question.

9 Combien de temps a duré votre mission sur le territoire de l'ex-

10 Yougoslavie?

11 M. Kirudja (interprétation): Vous parlez de toute la durée de ma mission?

12 Question: Oui.

13 Réponse: Alors entre le mois d'avril 1992 et jusqu'au moins de juin 1995.

14 Question: J'ai une deuxième question que je souhaite vous poser. Ma

15 deuxième question est la suivante: les évènements qui ont eu lieu après le

16 mois 1992 dans ces régions pour lesquelles vous étiez en charge, et ce,

17 jusqu'à votre départ de ce territoire de l'ex-Yougoslavie, est-ce que, a

18 posteriori, vous pourriez décrire ces événements qui ont eu lieu entre le

19 mois d'avril et le mois d'août 1992? Quels seraient ces événements? C'est

20 la première partie de ma question.

21 Réponse: Monsieur le Président, c'est vrai qu'a posteriori, la lumière en

22 fait se fait jour sur un certain nombre de ces événements. Je ne peux pas

23 en fait… Il y a certaines choses que j'ai oubliées. Mais à cause de

24 l'ordre dans lequel j'ai fait mon témoignage, en fait, il y a un certain

25 nombre de choses, peut-être, qui ne me sont pas revenues en mémoire.

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1 Bon. Si les Nations Unies avaient pu mettre en oeuvre le plan Vance, il y

2 aurait eu… nous aurions eu l'occasion d'empêcher l'escalade des événements

3 qui ont conduit à la guerre et qui a fait en sorte que la guerre s'est

4 également propagée en Bosnie-Herzégovine; quelque chose que j'ai déjà dit

5 auparavant.

6 Autrement dit, les Nations Unies avaient supposé que la Bosnie-Herzégovine

7 resterait une zone pacifique parce que nous voulions même y installer

8 notre quartier général.

9 Le point précis que je voulais aborder. Nous avions réussi à convaincre

10 les Serbes de déposer leurs armes et de faire en sorte que le statut quo

11 soit maintenu. Et ceci a duré environ -je ne me souviens pas des dates

12 exactement-, mais jusqu'au mois d'août à peu près, fin du mois d'août.

13 Et en janvier 1993, les Croates ont pris les mesures qui, par la suite,

14 ont culminé par une action militaire comme l'a précisé Mme la Juge Taya

15 -la personne à votre droite-, Monsieur le Président, ce qui a mené à ces

16 derniers événements, à savoir l'attaque du pont qui rejoint le Nord et le

17 Sud en Dalmatie du Sud. Les conséquences de cette action, c'est que les

18 Serbes ont pris d'assaut tous les dépôts et tout leur contenu, et se sont

19 armés de la sorte. Ils n'ont pas permis aux Nations Unies de réparer ce

20 pont.

21 Parce que dans les opérations de maintien de la paix, ce qui se passe

22 c'est la chose suivante. En général, il y a un côté ou l'autre qui

23 enfreint les conditions du cessez-le-feu et, en général, c'est aux Nations

24 Unies de venir réparer ces infractions. Nous n'avons jamais eu la

25 possibilité de réparer le pont. Et plus tard, d'autres événements ont eu

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1 lieu. Les uns… Il y a eu une escalade d'événements.

2 Ce qu'il s'est passé est la chose suivante: si les Serbes ne s'étaient pas

3 armés de la sorte, en déclarant qu'ils en avaient besoin pour leur propre

4 défense -un point qui a été abordé et évoqué dans une autre réunion et

5 lors d'un autre témoignage-, s'ils avaient dit aux Nations Unies que

6 l'autre partie était responsable de la violation de ceci et qu'ils

7 auraient retourné ou rendu les armes, peut-être a posteriori -peut-être

8 que cela semble être trop optimiste-, peut-être que nous aurions pu à ce

9 moment-là trouver une solution politique.

10 Question: Oui, et au cours de ces derniers jours, Monsieur Kirudja, on

11 vous a présenté toute une série de documents. Certains ont été signés par

12 vous, d'autres ont été signés par d'autres personnes, mais communiqués par

13 vous-même. Et d'autres étaient préparés, rédigés, signés par d'autres

14 personnes avec vous en votre présence ou certains avec lesquels nous

15 n'aviez rien à voir. Ces différents documents semblent présenter une

16 grande variété, nombre d'événements et de situations que vous confirmez au

17 cours de votre témoignage.

18 Pensez-vous que ces événements qui ont eu lieu après le mois d'août 1992

19 renforcent votre position ou la position d'autres personnes, sur la base

20 des documents qui ont été présentés? Ou pensez-vous qu'il y a lieu

21 d'analyser ces événements et toutes ces situations différemment a

22 posteriori?

23 Réponse: Quelquefois, je crois que l'on ne tire aucune fierté si on a

24 raison dans bon nombre de choses. Ce qu'il se passait est la chose

25 suivante: nous craignions qu'un certain nombre d'événements se produisent.

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1 Ils se sont effectivement produits dans le sens où les événements qui ont

2 suivi prenaient une orientation particulière. Et là, mes rapports de

3 situation, si je puis le dire ainsi, malheureusement se sont avérés exacts

4 dans le sens où nous ne l'espérions pas.

5 Vous avez également évoqué que d'autres rapports avaient été rédigés par

6 d'autres personnes. Il y avait ce genre de témoignage, en tout cas d'après

7 ce que j'ai vu. Il y avait des gens qui venaient me voir, qui faisaient

8 des rapports dont je peux répondre. Et ceci a été fait en toute

9 confidentialité.

10 Il y avait d'autres personnes, en tout cas au cours du témoignage d'hier,

11 que j'ai vues pour la première fois. Je peux en conclure en tout cas qu'en

12 vertu de ce type de rapport, c'était une surprise tout à fait agréable que

13 de voir qu'ils ont été confirmés et qu'on a vu quelques informations là-

14 dessus.

15 M. le Président (interprétation): Très bien, je vous remercie Monsieur

16 Kirudja. Et ceci nous amène à la fin de votre témoignage.

17 De la part de la Chambre, du Juge Janu, du Juge Taya -la personne à ma

18 droite comme vous l'avez dit-, je vous souhaite vous remercier pour avoir

19 accepté d'être venu ici et de témoigner une deuxième fois devant ce

20 Tribunal de la Haye et pour donner votre témoignage.

21 Je me joins à Me Ackerman, je vous souhaite un bon voyage et un bon retour

22 chez vous. Madame l'huissière va vous raccompagner et va faire tout le

23 nécessaire pour assurer votre retour et vous assister en cela.

24 Merci.

25 M. Kirudja (interprétation): Merci Monsieur le Président. Mesdames les

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1 Juges. Merci Messieurs les avocats.

2 M. le Président (interprétation): Merci.

3 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est reconduit hors du prétoire.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Madame Korner, j'ai un tout petit souci

6 que j'aimerais porter à votre attention. Il porte en fait sur quelque

7 chose qui a été remis aujourd'hui.

8 Maître Ackerman, vous semblez très inquiet. Je le vois sur votre visage.

9 Et j'ai remarqué que dans la première partie du document...

10 Mme Korner (interprétation): Oui.

11 M. le Président (interprétation): ... il y a le nom d'un témoin qui, à ma

12 connaissance, appartient en fait au chapitre de Banja Luka.

13 Mme Korner (interprétation): Je souhaite passer en séance à huis clos

14 partiel s'il vous plaît.

15 M. le Président (interprétation): Très bien.

16 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 40.)

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20 (L'audience est levée à 13 heures 50.)

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