Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 20 avril 2004

2 [Déposition de clôture - Plaignant]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Me Ackerman et Mme Korner, je suppose

7 que vous n'avez pas d'objections à ce que des membres de mon équipe soient

8 assis derrière vous. Je vous en remercie.

9 Madame la Greffière, pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous plaît ?

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui. Bonjour, Monsieur le Président,

11 Mesdames les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre

12 Radoslav Brdjanin.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Brdjanin,

14 bonjour. Etes-vous en mesure de suivre les débats dans une langue que vous

15 comprenez ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les

17 Juges. Je suis en mesure de suivre dans une langue que je comprends.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

19 Les parties peuvent-elles se présenter ?

20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Joanna Korner,

21 Julian Nicholls, Ann Sutherland, Denise Gustin pour l'Accusation.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

23 La Défense peut-elle se présenter ?

24 M. CUNNINGHAM : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. David

25 Cunningham avec John Ackerman et Aleksandar Vujic.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous.

2 Avant de poursuivre juste deux secondes, Madame Korner. L'arrêt dans

3 l'affaire Krstic a été rendu hier. Comme vous le savez, je l'ai lu hier

4 après-midi et il y a un point que je souhaiterais retrouver dans vos

5 réquisitoires et plaidoiries et je me permets de citer du jugement lui-

6 même. "L'intention requise de génocide en application de l'Article 4 du

7 statut est par conséquent satisfaite lorsque les éléments de preuve

8 montrent que l'auteur allégué avait l'intention de détruire, au moins une

9 partie substantielle du groupe protégé. Afin de déterminer si la partie

10 visée est substantielle de manière suffisante pour que l'intention requise

11 soit présente, peut englober un certain nombre de considérations."

12 Le président s'excuse parce qu'il est trop vite.

13 "La taille numérique de la partie ciblée du groupe est le groupe nécessaire

14 et important même si dans tous les cas ceci ne doit pas être -- même si ce

15 n'est pas l'élément essentiel."

16 Je vous invite Mme Korner et Me Ackerman d'essayer d'aider la Chambre en

17 précisant ce que vous considérez comme pertinent pour que le critère de

18 substantialité de la partie de chacun des groupes protégés soit satisfait.

19 Cela c'est un premier point.

20 Le deuxième point est le suivant : je ne vous demande pas de me répondre

21 par un oui ou un non tout court. Je vous laisse le choix. Bien entendu,

22 l'acte d'accusation est ce qu'il est. Ce que j'aimerais savoir est si votre

23 thèse est que les Croates de Bosnie étaient eux aussi pris comme cible en

24 tant que groupe particulier et distinct dans son ensemble ou dans une de

25 ces parties dans la région de la RAK.

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1 Mme KORNER : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour ce qui est de l'espèce.

3 Mme KORNER : [interprétation] Il y avait moins de Croates dans cette zone

4 et par conséquent, il y a eu moins d'éléments de preuve essentiels

5 présentés à ce sujet. Nous estimons qu'en effet, il constituait le groupe

6 cible.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

8 Mme KORNER : [interprétation] J'avais l'intention de dire quelques mots au

9 sujet de l'arrêt Krstic, en plus de ce qui est contenu dans notre mémoire

10 de clôture et j'aborderai cela demain.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je me suis adressé à mes collègues de

12 la Chambre avant de commencer l'audience et si je vous en parle maintenant,

13 c'est parce que je souhaitais vous entendre à ce sujet demain. M. Ackerman,

14 aussi, pourrait-il se préparer sur ce point ?

15 M. ACKERMAN : [interprétation] Est-ce que vous avez les références des

16 paragraphes concernés ?

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. J'ai l'arrêt sur mon bureau.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Il n'est pas nécessaire de le parcourir. Je

19 peux le retrouver assez facilement. Je pensais que vous l'aviez sous les

20 yeux.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est au paragraphe 12 d'après ce qu'on

22 me dit.

23 Cela concerne la question des hommes en âge de combattre au sujet de la

24 substantialité du groupe pris pour cible ou détruit. Quoi qu'il en soit,

25 n'essayons pas d'entrer dans ce débat maintenant.

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1 Mme KORNER : [interprétation] Je vous en prie.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Votre microphone, s'il vous plaît.

3 Mme KORNER : [interprétation] Laissons cela de côté jusqu'à demain.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Très bien.

5 Mme KORNER : [interprétation] Je pense que j'aurai besoin de recueillir le

6 conseil de mon conseiller juridique sur ce point.

7 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, hier à la fin de l'audience nous

8 parlions de la cellule de Crise de la région de la RAK et des membres de

9 cette cellule de Crise. Avant de passer au chapitre suivant, qui concerne

10 la relation entre les cellules de Crise régionales et municipales, et ceci

11 a été un point essentiel tout au long de cette affaire, je voudrais

12 simplement revenir un instant à un document que je souhaitais vous

13 présenter hier. Nous pouvons le voir sur nos écrans à présent. Le logiciel

14 Sanction nous permet de le voir.

15 Il s'agit, Monsieur le Président, de la pièce P2719 et cette pièce concerne

16 deux choses. Tout d'abord, comme vous pouvez le voir, il s'agit des

17 rapports Milos et je souhaiterais que l'on souligne la partie supérieure du

18 texte. Ici Milos dit qu'il n'y a pas suffisamment de renseignements

19 vérifiés et que les formations armées du SDS ont l'intention de couper

20 toutes les routes qui mènent à Banja Luka et ce, le 3 avril afin de

21 contraindre les membres individuels du gouvernement de la région autonome

22 de Krajina de Bosnie à démissionner et aussi afin d'exercer des pressions

23 sur la JNA qui devrait procéder à des changements dans ses effectifs au

24 sein du Corps d'armée de Banja Luka, et cetera.

25 Peut-être que ceci n'a pas été suffisamment vérifié ou confirmé, mais vous

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1 estimez peut-être que ceci est tout à fait exact et c'est l'une des raisons

2 pour lesquelles nous disons que le SOS n'était pas du tout un groupe de

3 soldats non organisés mais que c'était un bras armé du SDS et que c'était

4 l'un de ses instruments, l'une de ses méthodes, afin d'atteindre les

5 objectifs qui étaient ceux des dirigeants serbes.

6 A présent, permettez-moi de parler de la relation entre la RAK et la

7 cellule de Crise municipale. La Défense, dans son mémoire de clôture,

8 commence par dire que les instructions de Djeric ne se réfèrent

9 explicitement aux employés au sein ou aux personnes qui constituaient la

10 cellule de Crise régionale et j'ai parlé de cela hier. De même, ils disent

11 que la décision prise par Erceg ou l'apparente décision, le document qui

12 constitue, qui forme la cellule de Crise de manière formelle est illégal et

13 j'ai abordé cela hier.

14 Cependant il ressort clairement des éléments de preuve de tous les témoins,

15 qui ont assisté à des réunions de la cellule de Crise, à savoir, en tant

16 que secrétaire ou en tant que fonctionnaire, en tant que, leader des

17 municipalités que les présidents des cellules de Crise municipales, ont bel

18 et bien assistés à ces réunions.

19 Très clairement, certains y étaient plus présents que d'autres ou plus

20 régulièrement présents. D'autres l'ont fait avec plus d'hésitation. Tous

21 les témoins qui sont venus déposer devant cette Chambre ont vu des

22 représentants à ces réunions présents, des personnalités de Prijedor, et je

23 reviendrai à la question de Prijedor, qui était comme une municipalité

24 renégate. Je reviendrai à ce terme qui se reproduit tout au long du mémoire

25 de clôture de la Défense.

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1 Ce que nous affirmons, c'est que la Chambre peut en inférer des éléments de

2 preuve qui ont été présentés, que toute réticence pouvait être due à une

3 série de facteurs. Tout d'abord, bien entendu au niveau régional, c'était

4 très nouveau qu'il y ait ce niveau d'autorité et un deuxième point Pale,

5 bien sûr, n'a jamais émis d'annonces officielles ou de documents officiels,

6 autres que celui qui confirme les autorités régionales en novembre 1991,

7 lors de la session de l'assemblée. Mis à part le fait que de Pale, il y a

8 eu des documents internes qui ont été envoyés. Apparemment, jamais il n'y a

9 eu de déclaration publique à proprement parler ou de documents en bonne et

10 due forme qui auraient défini ses compétences et ses pouvoirs. Bien

11 entendu, une fois que l'on a assuré la communication, la circulation par le

12 corridor, une fois que ceci a été rétabli, il n'y a plus eu de niveau

13 régional à partir de septembre 1992. Ce niveau a été aboli. Il ne fait

14 aucun doute que c'était parce qu'il était très difficile de contrôler,

15 d'imposer le contrôle lorsque ce niveau d'autorité existait.

16 Bien entendu, tous les leaders, tous les dirigeants municipaux étaient en

17 fait des seconds couteaux. Les municipalités avaient reçu une autonomie

18 importante au sein de l'ancien système bosniaque et elles étaient

19 réticentes à perdre cette autonomie, à la céder à un autre niveau au

20 profit, d'un autre niveau d'autorité. Mais le fait est qu'ils ont assisté à

21 ces réunions, qu'ils ont fourni des rapports, qu'ils ont reçu des

22 instructions par la voie des décisions émanant de l'autorité régionale. La

23 question rhétorique, que l'on pourrait se poser, est de savoir pourquoi ce

24 niveau d'autorité n'avait pas de compétence, n'avait pas de pouvoir. Comme

25 je l'ai dit, les dirigeants municipaux ou les personnes qu'ils nommaient

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1 ont formulé des requêtes, ont rédigé des rapports. Ils ont pris des

2 instructions et ils les ont rapportées à leurs municipalités respectives.

3 Ils ont mis en œuvre, en particulier, les instructions qui concernaient les

4 dates butoirs pour le désarmement, et les éléments de preuve nous montrent

5 que ceci a eu pour conséquence des crimes les plus graves.

6 Nous affirmons que la Défense sait parfaitement cela, et c'est la raison

7 pour laquelle elle a inventé, et je dis bien inventé la municipalité

8 renégate. J'emploie ce terme "inventé" puisque le terme "renégate" ne

9 figure que dans les citations que la Défense reprend, et nous affirmons

10 qu'il s'agit là d'un concept qui est fabriqué de toutes pièces. Parce ce

11 que la Défense dit en page 127 de leur mémoire de clôture est la chose

12 suivante : "Il est important de faire observer que ces municipalités

13 renégates y compris les municipalités où un grand nombre d'actes et de

14 délits reprochés ont été commis, tels que Prijedor, Sanski Most, Petrovac,

15 Kljuc, et Bosanska Krupa." Dans les pages suivantes de ce mémoire de

16 clôture, ils essaient d'étayer cette affirmation en se référant à certains

17 éléments de preuve qui montrent que les municipalités mentionnées à

18 l'exception de Kljuc.

19 Ils disent que ces municipalités avaient à leur tête des personnalités très

20 fortes, je suis en train de résumer les propos qu'ils avancent. Ils avaient

21 à leur tête des personnalités fortes qui agissaient de leur propre chef, de

22 leur propre initiative. Il faut aussi mentionner Kotor Varos où des crimes

23 graves ont été commis, et que Kotor Varos n'est pas mentionné du tout,

24 simplement parce qu'il n'y a pas un seul élément de preuve qui nous

25 montrerait que Kotor Varos a agi de son propre chef ou de manière isolée.

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1 C'est tout le contraire. Très brièvement, je vous prie de vous reporter à

2 un document qui constitue la pièce P1010. J'ai quelques exemplaires à

3 remettre. Je demanderais qu'on le place sur le rétroprojecteur. Il s'agit

4 là d'un rapport sur le travail de la cellule de Crise, la présidence de

5 Guerre de l'assemblée municipale de Kljuc. Cela concerne la période qui

6 commence le 15 mai.

7 Il s'agit de rapports qui ont été présentés à l'assemblée avant que les

8 décisions ne soient confirmées, nous avons ici toute une série de rapports.

9 Tout d'abord, la cellule de Crise a été constituée par le conseil exécutif

10 du SDS de Kljuc le 23 décembre 1991. Bien entendu, nous ne pouvons pas

11 l'affirmer avec certitude, mais il apparaît qu'il n'était pas inhabituel

12 que les conseils exécutifs, à la différence des comités centraux, des

13 assemblées municipales fondent ces cellules de Crise. Vous allez voir, je

14 pense que je l'ai mentionné hier, qu'il a été constitué presque

15 immédiatement après que l'on ait donné les instructions sur la variante A

16 et la variante B.

17 Par la suite, voyons le troisième paragraphe surligné. "Dans la période

18 couverte dans le présent rapport, la cellule de Crise de l'assemblée

19 municipale de Kljuc a convoqué quatre réunions avant la guerre et 16

20 réunions pendant et après que le conflit n'éclate." Il y a eu trois

21 réunions de la présidence de Guerre, voyons la phrase finale : "Ceci ne

22 comprend pas les réunions antérieures de la cellule de Crise pendant

23 qu'elle était encore un organe du SDS."

24 Voyons ce que dit le texte plus loin. Je ne suis pas sure qu'on ait

25 surligné d'autres paragraphes. Je vous prie de vous reporter à l'endroit où

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1 ils opèrent une distinction entre ce que j'appelle des cellules de Crise

2 camouflées avant la déclaration et les instructions du SDS, et celles qui

3 ont été constituées au moment où il y a eu la session de l'assemblée de

4 Kljuc ou lorsque d'autres assemblées serbes, au début du mois de mai, ont

5 tenu leur session.

6 Je vous prie de vous reporter à la page 3. Je cite : "Pendant le conflit

7 armé, des représentants de l'armée de la République serbe de Bosnie-

8 Herzégovine ont participé régulièrement aux réunions des cellules de Crise

9 et de la présidence de Guerre. Ils ont commandé et ils ont mené des

10 activités de guerre pour assurer la défense du territoire et des citoyens

11 de l'assemblée municipale de Kljuc et ce, contre les attaques des

12 extrémistes musulmans. Ils ont coopéré et coordonné tout, de manière tout à

13 fait satisfaisante, avec la cellule de Crise de l'assemblée municipale de

14 Kljuc. Toutes les questions importantes et significatives du domaine

15 militaire et du domaine de la police ont été résolues au sein de la cellule

16 de Crise de l'assemblée municipale. Cette période peut être décrite comme

17 une période d'une coopération très réussie."

18 Encore une fois, Monsieur le Président, ceci résume ce qui de notre avis

19 ressort des éléments de preuve, à savoir que l'armée et la police n'ont

20 pas, du tout, fonctionné dans le vide ou de manière séparée. Il s'agissait

21 d'un effort coordonné avec les instances politiques, c'était la tâche des

22 cellules de Crise que ce soit au niveau régional ou au niveau municipal. Ce

23 sont les cellules de Crise qui ont coordonné l'ensemble de ces activités.

24 J'y reviendrai un peu plus tard avec quelques indications tout à fait

25 claires qui montrent quel est le contrôle qui a été exercé par les cellules

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1 de Crise.

2 Je pense que c'est tout ce qui nous intéresse sur cette page. La question

3 est de savoir pourquoi a-t-on mentionné Kljuc et pourquoi a-t-on abandonné

4 par la suite cette mention ? "A toutes les réunions de la cellule de Crise

5 de la "présidence de Guerre" de l'assemblée municipale, on a étudié les

6 conclusions de la cellule de Crise régionale de Banja Luka qui étaient

7 contraignantes pour ce qui est de toutes les questions qui concernaient la

8 vie et le travail au sein de la municipalité." Je ne me rappelle pas si

9 c'est Me Ackerman ou Mme Fauveau ou l'un des conseils français qui ont dit

10 qu'ils pouvaient très bien donne une instruction disant que les ordres sont

11 contraignants, mais peut-être que personne n'exécutera ces ordres ? Nous

12 affirmons qu'il s'agit là d'un exemple classique ou une municipalité

13 accepte la nature contraignante des ordres, et c'est totalement dénué de

14 sens d'affirmer qu'il s'agit d'une municipalité renégate. La raison en est,

15 comme M. Brdjanin le sait, que ces crimes qui ont été -- aient été commis

16 et ces municipalités étaient placées sous sa responsabilité et sous la

17 responsabilité de la cellule de Crise régionale.

18 Je n'aurai plus besoin de ce document. Je voudrais très brièvement

19 parcourir un jeu de documents que nous pouvons visionner grâce à notre

20 programme Sanction. Il s'agit de documents qui nous montrent qu'il y a bel

21 et bien un lien entre la cellule de Crise régionale et les municipalités et

22 en particulier, ces municipalités renégates. Le rapport de M. Treanor

23 comporte un tableau original que vous avez, Monsieur le Président, Mesdames

24 les Juges, ainsi que l'Annexe C où nous retrouvons une série de documents.

25 Je voudrais juste les parcourir rapidement.

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1 Monsieur le Président, il s'agit de la réunion qui s'est tenue le 6 mai et

2 nous pouvons voir ici les conclusions qui ont été tirées. A présent, je

3 vous prie de regarder la pièce suivante, la pièce

4 P1630, qui concerne Sanski Most. Je suis désolée, excusez-moi, je vais vous

5 demander de replacer encore une fois la pièce sur le rétroprojecteur.

6 Avant que les techniciens n'arrivent, ce serait peut-être mieux, c'est la

7 raison pour laquelle j'ai apporté des copies papier.

8 Très bien, cela fonctionne maintenant. Il s'agit de la journée du

9 lendemain, le 7 mai à Sanski Most. Tout comme à Banja Luka, la cellule de

10 Crise régionale à un moment a été appelé état-major de guerre. Je vous

11 prie de voir le paragraphe qui suit.

12 "Dans le sens des conclusions qui ont été rendues lors de la réunion de

13 l'état-major de guerre de la région autonome de la Krajina le 6 mai 1992,

14 la cellule de Crise de Sanski Most, une municipalité serbe accepte et

15 ordonne l'exécution et la mise en œuvre des conclusions suivantes."

16 Ensuite on parle de la vente des produits pétroliers dérivés, c'est la

17 première conclusion du 6 mai. C'est une des moins importantes, bien que je

18 pense que, du point de vue économique, cela a quand même sa petite

19 importance.

20 Merci. Est-ce que vous pouvez me redonner les documents, Monsieur

21 l'Huissier. Je vais essayer de trouver le suivant.

22 Quel est le suivant ? 171, est-ce qu'on va pouvoir le voir à l'écran ? Je

23 suis en train de perdre du temps, je reviendrai à tout cela après la pause

24 une fois que tout ceci sera réparé. Nous avions, je peux vous l'assurer,

25 préparé une série de documents.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, cela va être réparé mais

2 malheureusement cela tombera sans doute en panne.

3 Mme KORNER : [interprétation] C'est systématique avec moi. Chaque fois que

4 je veux me servir d'un engin technique quel qu'il soit, cela ne marche pas.

5 Je reviendrai à cette série de documents. Ils sont indiqués dans notre

6 tableau mais je pense qu'il est important que j'attire votre attention sur

7 ces documents. Je voudrais d'autre part rappeler aux Juges de la Chambre

8 que l'on ne peut pas dire que les membres des cellules de Crise ont été

9 complètement éloignés des crimes commis sur le terrain puisque vous avez

10 entendu, vous avez eu des éléments de preuve sur la participation de M.

11 Rasula à Sanski Most, au moment où il y a eu des meurtres au cimetière des

12 partisans. Vus savez, vous avez des éléments de preuve vous prouvant qu'à

13 Teslic, à Kljuc, il y a eu des passages à tabac qui ont été vus par des

14 membres de la cellule de Crise, ils ont entendu le bruit provoqué par ces

15 passages à tabac et ils n'ont rien fait pour mettre un terme à ces passages

16 à tabac. Vus avez vu à cet endroit à quel point le poste de Police se

17 trouve du lieu où la cellule de Crise se réunissait.

18 Dubocanin a participé lui-même, personnellement et je souhaiterais vous

19 rappeler ceci, il a participé au passage à tabac et à ce que nous

20 qualifions de torture de Musulman à Kotor Varos. Son groupe, la section

21 d'intervention, est responsable du massacre qui a eu lieu à l'hôtel de

22 Kotor Varos. Stevandic, vous le savez, celui qui était à la tête du SOS a

23 également été impliqué dans les agissements de la section d'intervention.

24 La mise en place des différentes cellules de Crise, dans les municipalités,

25 a semblé dépendre de la situation qui existait dans chacune municipalité de

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1 la situation géographique de la municipalité. Est-ce qu'il s'agit d'une

2 municipalité à majorité Serbe, de type variante A ou est-ce qu'il s'agit

3 d'une municipalité de type B, avec une minorité Serbe ou avec une

4 population mixte ? Est-ce que, comme à Petrovac on avait déjà abordé

5 certains problèmes, comme la mobilisation, par exemple ? A Petrovac, ceci

6 avait été fait très précocement parce qu'on était très proche de la

7 frontière avec la Croatie. Les municipalités qui se trouvaient sur la

8 frontière ont établi leurs cellules de Crise beaucoup plus tôt puisqu'à

9 Petrovac, cela s'est passé le 24 octobre 1991 et à Krupa le 24 décembre

10 1991, ainsi que Kljuc, comme nous l'avons vu d'ailleurs.

11 M. Radojko, lorsqu'il a déposé, page 20 357 du compte rendu d'audience et

12 on lui a posé la question suivante, je cite : "Vous avez déclaré à M.

13 Cunningham que vous aviez mis en œuvre les décisions de la cellule de Crise

14 régionale, que vous pouviez appliquer et celles qui s'appliquaient et qui

15 concernaient votre municipalité. Vous souvenez-vous d'une décision de la

16 cellule de Crise que vous, enfin une décision de la cellule de Crise

17 régionale, vous souvenez-vous d'une telle décision que vous n'auriez pas

18 mis en œuvre ?" On avait passé en revue la liste des décisions et il a

19 répondu.

20 "A partir de cette liste, même si c'était la liste du SDS," entre

21 parenthèse, il s'agit de la liste envoyée par télex, avec sous la signature

22 de Brdjanin. Parlons de "sa signature," nous ne disons pas qu'il a signé

23 lui-même. Nous disons simplement que son nom figure sur ce document ou le

24 tampon qu'il utilisait. Nous ne disons pas, nous n'avançons qu'il ait

25 physiquement signé, c'est possible d'un côté oui ou non, on ne sait pas.

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1 Enfin, revenons à ce que disait le témoin, je cite : "Par exemple, nous

2 n'avons pas mis en œuvre les décisions prises par la cellule de Crise de la

3 RAK, s'agissant de la mobilisation parce que la mobilisation avait déjà été

4 mis en œuvre, c'était déjà fait. Tout ce qu'il s'agissait, tout ce qui

5 concernait les mises à pied nous l'avons ignoré." Je reviendrai sur ce

6 point plus tard.

7 La Défense souhaite et a besoin de susciter en nous l'impression, qu'à

8 Prijedor en particulier, on menait son petit bonhomme de chemin et on

9 faisait ce qu'on voulait parce qu'à Prijedor il y avait des personnalités

10 extrêmement fortes qui étaient à la tête de la municipalité. Nous

11 affirmons, quant à nous, que cela n'est absolument pas le cas. L'ordre de

12 Drljaca, pièce P1237 est une pièce dont on a fait un grand cas. Je ne sais

13 pas si on peut entretenir l'espoir de voir cette pièce apparaître à

14 l'écran, mais par miracle elle est là. Il s'agit ici de la décision

15 relative au fonctionnement d'Omarska en date du 31 mai 1992.

16 La Défense insiste sur le fait que c'est lui qui a gardé le secret sur tout

17 cela. Paragraphe 15, troisième page, s'il vous plaît, pour illustrer mon

18 propos, je cite : "J'interdis expressément la diffusion de toutes

19 informations relatives au fonctionnement de ce centre de Regroupement," et

20 cetera, et cetera." Là, la Défense nous dit que Drljaca maintient le secret

21 sur ce camp. Si on examine la fin du document, on peut voir destinataire

22 "copies" et "copies envoyées à" et on voit ici la mention "cellule de

23 Crise, coordinateurs des services de Sécurité, centre des services de

24 Sécurité de Banja Luka, chef de la police, chef de la sécurité, directeur

25 de la mine de minerais de Ljubija et archives."

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1 Quand il est dit qu'il est expressément interdit de diffuser quelque

2 information que ce soit, ceci bien entendu signifie qu'il ne faut pas faire

3 diffuser cette information dans l'opinion publique. Ce qui n'est pas très

4 surprenant là. Il n'est pas étonnant que ces gens-là n'aient pas eu envie

5 que l'on sache publiquement qu'ils avaient mis en place ce que l'on ne peut

6 que qualifier de camp de concentration. Un lieu où les prisonniers étaient

7 soumis à des passages à tabac, à des tortures, à des meurtres, et cetera.

8 Cette interdiction de diffusion ne s'appliquait aux instances officielles

9 puisque ce document était distribué au CSB. Zupljanin était au courant.

10 Zupljanin était membre de la cellule de Crise, nous le savons, il a

11 participé aux réunions. Sans oublier la visite qui a été rendue au camp

12 même.

13 Le secret devait être maintenu à l'égard de l'opinion publique. Cela ne

14 concerne pas des autorités serbes qui avaient l'intention de se débarrasser

15 des Musulmans en les éliminant.

16 Pièce maintenant P1254, il s'agit d'un rapport relatif aux activités du CSB

17 de Banja Luka, ceci était envoyé au chef du centre des services de Sécurité

18 de Banja Luka. Au cas où il subsiste encore un moindre doute sur Banja

19 Luka, on voit qu'il émet des griefs. Une fois encore, il se plaint de

20 l'Unité spéciale qui s'est mise à arrêter, à interroger, à malmener

21 différents prisonniers à Banja Luka.

22 Pour terminer la pièce P717, page 5 dudit document, et ceci pour vous

23 montrer que Prijedor n'était la seule municipalité impliquée dans la mise

24 en place de ce camp, oui, c'est ce paragraphe qui m'intéresse. Merci. Je

25 cite ici le passage où il parle de Keraterm ou d'Omarska et de Trnopolje,

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1 je cite : "D'autres employés habilités du poste de Sécurité publique de

2 Prijedor, en plus de leur travail habituel, ont procédé à l'interrogatoire

3 et à la sélection des personnes faites prisonnières avec les employés des

4 services de Sécurité militaires et nationales et des membres du CSB de

5 Banja Luka et du SGB de Banja Luka."

6 Ceci à titre d'exemple, pour nous montrer que, contrairement à ce qu'on

7 veut nous faire savoir, Prijedor ne faisait pas ce qui lui plaisait, mais

8 que c'était quelque chose de délibéré, qui se passait également ailleurs

9 dans la région. Il est vrai qu'il existe des documents et c'est, ce sur

10 lesquels s'appuie la Défense dans lesquels Prijedor annonce ne pas

11 respecter les décisions de la cellule de Crise régionale avant le 22 juin.

12 Mais le 22 juin c'est une date cruciale, parce que c'est à ce moment-là,

13 qu'on a pris la décision de mettre tout le monde à pied. Je résume. En

14 fait, je vais très vite. Il semble un peu bizarre de dire qu'après le 22

15 juin nous ne respecterons pas les décisions qui ont été prises avant le 22

16 juin. Même si on accepte que certaines municipalités avaient leur petit

17 caractère, il est indéniable qu'elles n'opéraient pas indépendamment les

18 unes des autres.

19 Pour ce qui est de Sanski Most, il apparaît clairement que Rasula, qui

20 était président de cette municipalité, on voit très clairement qu'il y

21 avait des liens étroits avec les autorités régionales. Pour vous en

22 convaincre, je vous inviterais à vous pencher sur les déclarations du

23 témoin BT-104, page 18 503 du compte rendu d'audience.

24 Maintenant si nous passons à Bosanski Petrovac, la Défense fait tout ce

25 qu'elle peut pour essayer de nier les éléments de preuve extrêmement

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1 convaincants qui sont les documents fournis par M. Radojko. Ce sont des

2 documents qui sont authentiques et conformes à la réalité et qui montrent

3 qu'on suivait avec une certaine réticente les instructions de la cellule de

4 Crise. M. Radojko, page 20 151 du compte rendu d'audience, ligne suivante

5 dit à la question suivante, je cite : "Je pense que vous avez déjà

6 expliqué, s'agissant de la décision de la cellule de Crise, que vous étiez

7 contraint d'en suivre les instructions, est-ce que vous maintenez votre

8 réponse ? C'est la réponse que vous avez donnée lors de votre

9 interrogatoire précédent." Réponse : "Je maintiens ma réponse. C'est la

10 manière dont cela se passait. Vous voyez vous-même, à partir de ces

11 documents, que c'est exactement la manière dont cela se passait. J'ai déjà

12 dit que les relations personnelles qui existent entre les personnes qui

13 occupent certains postes n'ont rien à voir avec ce qui se passe au niveau

14 officiel, parce qu'il aurait été risqué pour le président ou la totalité de

15 la cellule de Crise de ne pas s'en tenir aux décisions qu'ils étaient

16 obligés d'appliquer."

17 La Défense nous dit que nous avons sorti cela de son contexte. Le contexte

18 est le suivant. C'est que Radojko a dit que M. Novakovic, président de la

19 cellule de Crise ne pensait pas être subordonné à qui que ce soit bon, nous

20 n'avons pas les moyens de le vérifier parce que M. Novakovic est décédé

21 mais la cellule de Crise de Bosanski Petrovac faisait ce que l'on lui

22 disait de faire. Nous l'avons vu. Pour la raison qui nous a été donnée par

23 M. Radojko. Dans la dernière requête fournie par la Défense, on accorde une

24 grande place à la déposition de ce témoin. Pourquoi ? Pourquoi, parce

25 qu'elle va complètement à l'encontre des allégations de la Défense qui nous

Page 25210

1 dit que Petrovac est encore une de ces municipalités totalement

2 indépendantes. La Défense a besoin d'éluder ou de se débarrasser de la

3 déposition de M. Radojko.

4 Quant à nous, nous vous invitons à lire l'intégralité de la déposition de

5 M. Radojko. C'est la seule manière de voir si les arguments présentés par

6 la Défense se tiennent. Si vous estimez que c'est le cas, à ce moment-là,

7 vous ignorez tout ce que nous avons pu vous dire au sujet de ce témoin.

8 Cependant, je souhaiterais vous rappeler encore une fois une partie des

9 propos qu'il a tenus lors de sa déposition, page 20 346. On lui pose la

10 question suivante, je cite : "Pourquoi n'avez-vous pas dit à l'entreprise,"

11 il s'agit des mises à pied dont M. Radojko dit les avoir mis en œuvre avec

12 beaucoup de réticence puisqu'il était complètement illégal de mettre, de

13 renvoyer des gens juste du fait de leur appartenance ethnique, "pourquoi

14 n'avez-vous pas dit à cette entreprise de renvoyer ces gens chez eux plutôt

15 que de les licencier comme cela conformément à l'ordre de la cellule de

16 Crise ?"

17 Réponse : "Pour deux raisons, premièrement, parce qu'il savait ce que nous

18 avions fait avec nos propres employés et ils pouvaient suivre notre

19 exemple. Deuxième chose, si nous avions donné une telle instruction

20 officiellement, ceci aurait pu être diffusé et connu et nous aurions dû

21 subir les conséquences de cet acte puisque nous aurions essayé d'éviter

22 d'appliquer ces instructions."

23 En d'autres termes, les instructions, qui ont été données sous la signature

24 de M. Brdjanin le 22 juin, sont ici évoquées, de toute façon sur la

25 signature. Mais en tout cas quoi qu'il en soit, ces instructions, on ne

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1 pouvaient pas simplement les ignorer même si Petrovac dit que les gens

2 n'ont pas, effectivement été licenciés mais qu'on essayaient de les

3 renvoyer chez eux sans les licencier officiellement puisque Petrovac nous

4 dit qu'en fait, il donne pour instruction aux entreprises de procéder au

5 licenciement et que s'il ne l'avait pas fait à ce moment-là, ils aurait été

6 en grande difficulté. Ensuite, on demande au témoin mais c'est la vérité

7 comme vous l'avez dit, à Me Cunningham, vous auriez été responsable si vous

8 aviez agi contre les instructions de la cellule de Crise dans la région."

9 Il a répondu : "Oui, oui, les dirigeants de la municipalité auraient dû

10 rendre des comptes."

11 La Défense essaie de nous faire croire que l'exécution de ceci n'est pas de

12 la responsabilité de la RAK. On reprend la déposition du témoin.

13 "Il n'y a pas de doute que nous étions, que nous aurions été démis de nos

14 fonctions. Il y a deux mécanismes qui ont été mis en œuvre. L'un informel,

15 par le biais de la population, on aurait appliquer certaines méthodes et,

16 sinon, on aurait pu faire appliquer d'autres moyens de pression. En tout

17 cas, ce qu'on y dit, c'est que si nous n'avions pas pris la décision, c'est

18 la RAK qui l'aurait prise, puisqu'il y aurait eu protestation de la

19 population, et cetera."

20 C'est tout ce que j'avais à dire. Voici tout ce que j'avais à dire au sujet

21 des états-majors municipaux et des états-majors régionaux. Je pourrais vous

22 montrer les documents que j'ai préparés dans l'autre tableau à ce sujet

23 après la pause.

24 Maintenant je vais parler de la réunion entre la RAK et sa cellule de Crise

25 et la police qui a fait l'objet de nombreux débats en l'espèce. La cellule

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1 de Crise régionale a donné un grand nombre de décisions et d'instructions à

2 la police. Comme on peut le voir, dans les exemples que je vais vous citer

3 et qui s'ajoutent aux décisions et aux conclusions relatives au

4 désarmement, il est clair qu'on coopérait avec la police. Je ne vais pas

5 passer en revue tous les éléments de preuve, je vais simplement les

6 mentionner.

7 Il existe un ordre, selon lequel, tous les organes de la JNA doivent

8 remettre tous les dossiers militaires aux secrétariats municipaux chargés

9 de la Défense nationale, pièce P1815. A un moment donné, je ne vais pas

10 passer en revue le document, M. Kupresanin et M. Radic sont autorisés à

11 traiter de toutes les questions militaires et politiques se posant dans le

12 territoire de la RAK, les présidents des conseils de la Défense du peuple

13 doivent informer le colonel Sajic de l'existence de tout convoi militaire,

14 ceci a trait à l'armée. Le CSB se voit donner pour instructions d'examiner

15 au quotidien les certificats délivrés par le secrétariat à la Défense

16 nationale. Le CSB a pour mission de vérifier les certificats de délivrance

17 d'essence afin de garantir un emploi rationnel des produits pétroliers. Les

18 dirigeants du CSB doivent imposer des contrôles systématiques au sujet de

19 la consommation de ces produits et de leur utilisation, et cetera, et

20 cetera.

21 Nous estimons que, par l'intermédiaire du CSB et de son chef, Stojan

22 Zupljanin, qui est toujours en fuite, et par l'intermédiaire de la cellule

23 de Crise municipale, Radoslav Brdjanin, par l'intermédiaire des cellules de

24 Crise qu'il dirigeait était en mesure de contrôler ce que faisait la

25 police. On se référera à une conversation téléphonique qui a eu lieu le 31

Page 25213

1 octobre. J'espère que ce document sera affiché à l'écran grâce au logiciel

2 Sanction, sinon, je vais vous en remettre une copie papier.

3 Merci. Passons à la pièce à conviction 2357, tout d'abord, page 3. Je vous

4 donne le contexte. Brdjanin parle à Karadzic, le 31 octobre 1991.

5 Apparemment, il y a des problèmes qui ont trait à un club de danse, qui

6 doivent faire une représentation, apparemment on veut interdire cette

7 représentation. La troisième page, Brdjanin dit, mais pourquoi est-ce qu'on

8 a besoin de l'armée, je cite le passage : "Alors que 28 de nos gars ont été

9 tués hier, et que c'est la même armée qui dirige cette école de danse. (Ces

10 gens ont été tués en Croatie)."

11 Réponse de Karadzic : "Je sais Brdjo, mais il faut les approcher prudemment

12 et avec sagesse. Si cela ne marche pas, à ce moment-là, il faut proclamer

13 une journée de deuil." Ensuite des insultes diverses et variées. "Tu

14 n'arrêtes pas de m'appeler pour des tas de questions sans importances et

15 j'ai 5 000 choses à faire. J'ai 5 000 choses à l'esprit. Si tu es capable

16 de gouverner la Krajina, à ce moment-là, gouverne-la, merde. Ne me demande

17 pas de m'occuper de tout. En plus le gouvernement civil, c'est toi qui le

18 dirige."

19 Maintenant nous allons passer à la page suivante. C'est la page numéro 4,

20 et nous allons surligner le passage où Karadzic, dans un mouvement de

21 colère, tient les propos suivants. "En fait, tu peux continuer à m'appeler

22 pour n'importe quoi. Ce qui montre que tu es incompétent." Nous n'allons

23 pas traduire les jurons à la fin.

24 Cela montre en fait l'idée selon laquelle M. Brdjanin n'est pas très proche

25 de Karadzic, ne tient pas la route. Voilà.

Page 25214

1 Brdjanin répond. Il dit qu'il n'appellera plus. Karadzic répond : "Non,

2 non. Ce n'est pas que tu ne dois pas m'appeler mais téléphone-moi pour les

3 problèmes que tu ne peux résoudre, tu as tout le pouvoir en Krajina,

4 pourquoi ne pas l'utiliser, l'exercer."

5 Ensuite en bas de page, il parle du fait que la police a libéré les bus.

6 Brdjanin dit : "Je sais ce que nous pourrions tous les licencier, et

7 effectivement les licencier." "Oui," répond Karadzic, "si Stojan Zupljanin

8 n'est pas compétent, licencions-le. Oui, effectivement."

9 Cela cadre avec ce que nous disons dans notre mémoire final. Il n'y avait

10 pas la hiérarchie rigide que l'on connaissait en temps de paix en Bosnie où

11 la police répondait à ses supérieurs, acceptait les ordres provenant des

12 supérieurs. Il s'agissait d'un système hybride, et dans ce sens, l'un des

13 témoins a décrit comment l'assemblée municipale, même en temps de paix,

14 avait certains pouvoirs sur la police. Selon nous, il apparaît clairement,

15 des preuves présentées qu'il existait un double le système. La police

16 dépendait du ministère de l'Intérieur à Pale d'une part, et en même temps

17 recevait ses ordres des autorités régionales. A ce stade-là, même si cela a

18 changé plus tard, c'était là l'intention de Karadzic. Dans un des ses

19 discours, début 1992, il a déclaré "que la police devait être placée sous

20 le contrôle des autorités civiles." La Défense dit que cela signifie que

21 l'autorité est à Pale. Nous, nous disons, pas sur la base des documents que

22 nous avons présentés comme moyens de preuve.

23 En juillet 1991, M. Brdjanin déclarait que M. Kesic, qui était membre de la

24 cellule de Crise chargé du renseignement du CSB, devait être nommé chef du

25 secteur des services de la Sécurité de l'état. Ensuite le document P202, ce

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1 fameux document dont il vaut la peine que nous vous remonterions.

2 "Conclusions adoptées lors de la réunion du conseil central du 6 mai 1992."

3 Je mets en lumière le premier paragraphe. Etaient présents les chefs de

4 toutes les municipalités y compris, Prijedor, Sanski Most, Kljuc, Petrovac,

5 et cetera.

6 Passons à la partie, deuxième page, paragraphe 4. Apparemment, cela ne

7 fonctionne pas. Nous allons utiliser le rétroprojecteur. Je vais demander à

8 ce qu'on utilise la salle d'audience I, Monsieur le Président.

9 "Tous mes ordres oraux ou écrits ou transmis doivent être exécutés, ils

10 sont votre loi. L'organigramme, les charges de commandement à l'exécution

11 sont clairement indiqués pour ce service. Si un membre de votre personnel

12 refuse d'exécuter un ordre, il faut simplement, il n'y a qu'à les

13 licencier. Il faut se débarrasser d'anciennes idéologies qui prévalaient."

14 En fait ce qu'il dit plus ou moins, c'est "Je suis Dieu, en tout cas, en ce

15 qui concerne la police."

16 Ensuite, il y a le paragraphe 14. "Le chef du CSB se mettra d'accord avec

17 le gouvernement autonome de Krajina pour reprendre des décisions

18 contrairement à l'Article 510 de la loi sur la procédure pénale qui

19 autorisera le centre de Sécurité de Banja Luka à s'approprier de tous les

20 biens confisqués sans propriété et à les vendre." Ce qu'il s'agit c'est

21 "légaliser" le vol.

22 Pour terminer, bon, vous connaissez par cœur maintenant, mais je pense que

23 cela vaut la peine d'insister là-dessus. "Dans toutes nos activités, nous

24 sommes obligés de respecter toutes les mesures et appliquer toutes les

25 procédures décidées par la cellule de Crise de la région autonome." S'il

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1 n'y avait pas de pouvoir en ce qui concerne cette cellule de Crise

2 régionale à ce moment-là, quel est le sens, qu'est-ce que cela a comme sens

3 que Zupljanin donne cela comme aux instructions aux chefs régionaux des

4 différents corps de

5 police ?

6 On parle également du désarmement, mais du désarmement, j'en parlerai dans

7 le cadre d'une section consacrée spécifiquement à ce sujet.

8 Il existe plusieurs exemples qui montrent que le CSB donne des ordres

9 directement aux SJB locaux. Je pense qu'on ne peut fonctionner avec

10 Sanction ici, mais je vais vous rappeler les différents documents. Le 14

11 mai, c'est un document P195, Zupljanin envoie un ordre à tous les SJB

12 locaux : "Conformément à la décision de la région autonome de la Krajina,

13 en ce qui concerne la remise des armes détenues illégalement et des

14 munitions détenues illégalement, les centres de Sécurité publique doivent

15 prendre les mesures suivantes," et cetera, et cetera.

16 Le 31 juillet 1992, il envoie un ordre à tous les SJB de la région

17 ordonnant la mise en œuvre de la décision de la cellule de Crise de la RAK

18 du 3 juin, qui interdit aux Musulmans de quitter la région avec plus de 300

19 deutsche Marks sur eux. C'est le document P294.

20 Je dois juste le vérifier.

21 Ensuite, le 12 juin, l'ordre a été modifié et c'est pour cela qu'il y a une

22 certaine confusion. Zupljanin transmet à tous les chefs de police

23 municipale la décision de la cellule de Crise du 10 juin. Celle-là, je vais

24 peut-être la projeter, car je ne l'ai que sous la forme de document papier.

25 Il s'agit du document P240. Cela était envoyé à "tous les chefs de centres

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1 de Sécurité publique, 10 juin. Seules les enfants et les femmes et les

2 personnes âgées peuvent quitter, de manière volontaire, c'est-à-dire, de

3 leur propre chef, la région autonome de la Krajina."

4 Ce dont il s'agit ici, apparemment on parle de mouvement volontaire de

5 population sur la base de ce qu'il avait déjà dit précédemment. Non, non,

6 en fait, au mois de juin, on ne laissait pas partir volontairement tous

7 ceux qui étaient en âge de porter les armes. Les femmes, les enfants, les

8 vieilles personnes, oui, les autres, non. Il fallait obtenir la permission

9 ou être dans les camps. Nous savions qu'ils y étaient le 10 juin.

10 Ensuite, le 1er juillet 1992, ils ont envoyé la décision relative au

11 licenciement de tout le monde le 22 juin. C'est la pièce 272.

12 Drljaca, le 5 juillet, a parlé d'un ordonnance de la cellule de Crise,

13 P1288, si je ne m'abuse. Je peux projeter cela rapidement. Je vous invite à

14 regarder dans le premier paragraphe : "Dans le cadre de l'ordonnance de la

15 cellule de Crise de la RAK, des fusils, fusils automatiques et des

16 pistolets ainsi que des cartouches ont été rendus."

17 C'est tout ce que je voulais faire au sujet de ce document.

18 P1288.

19 Est quelque chose de similaire de Sanski Most. Tous ceux qui répondaient à

20 cela, je ne vais pas le projeter. Il s'agit de la pièce 699. A la suite de

21 l'ordonnance de la cellule de Crise de la RAK sur le désarmement, ces armes

22 ont été rendues à l'armée, à la Défense territoriale et aux SJB. Il faut

23 relever que les soi-disant extrémistes musulmans, armés jusqu'aux dents,

24 vous pouvez voir le nombre d'armes qu'ils ont remis. Ce sont des fusils

25 automatiques, des pistolets et 55 cartouches. A Sanski Most, beaucoup de

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1 munitions et d'explosions, mais pas d'armes. Est-ce que j'ai dit

2 explosions ? Je voulais dire explosifs. Il y a une liste qui détaille les

3 armes saisies là.

4 Il est bon également, à ce stade, d'évoquer la déposition de l'officier de

5 police musulman, M. Sadikovic, qui a été licencié et a fait une telle

6 résistance à Kotor Varos qu'il a pu négocier son départ. A la page 18 215,

7 il est indiqué que : "Le poste de Police de Kotor Varos recevait ses

8 instructions du centre de Sécurité publique à Banja Luka. C'était là la

9 chaîne de commandement et de communication."

10 Question : "Est-ce que l'assemblée municipale détenait une autorité en ce

11 qui concerne la possibilité de donner des instructions à la police ?"

12 "Non, non. Dans les circonstances, cela veut dire en temps de paix, le

13 droit sur les affaires intérieures, car celui-ci existe, permettait à

14 l'assemblée municipale de proposer des amendements ou, si des problèmes

15 survenaient, faire des propositions pour nous aider à résoudre les

16 problèmes. Cela était en temps de paix. Mais, en temps de guerre, dans des

17 conditions d'urgence, bien entendu, les compétences, le mandat de

18 l'assemblée, sont différents du temps de paix. Nous assistions aux réunions

19 lorsque des problèmes pertinents étaient abordés, et nous coopérions pour

20 résoudre en commun les résultats, et nous respections toujours les

21 propositions et suggestions de l'assemblée. Toutes les personnes assemblées

22 à l'hôtel de ville de Kotor Varos."

23 Question : "Vous dites qu'en temps de guerre, dans des situations

24 d'urgence, les choses étaient différentes. Que s'est-il passé lorsque

25 l'assemblée ne pouvait pas se réunir et que ses fonctions étaient exercées

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1 par une cellule de Crise, est-ce que celle-ci pouvait donner de telles

2 instructions à la police ?"

3 Réponse : "Oui, de tels cas, bien entendu, l'assemblée municipal cessait de

4 fonctionner. La cellule de Crise reprenait toutes ses prérogatives et la

5 cellule de Crise a davantage de compétences et davantage de prérogatives en

6 ce qui concerne les autres instances, notamment, en matière de questions

7 qui concernent l'armée et la police."

8 Question : "Est-ce que le chef de la police était membre de la cellule de

9 Crise ?"

10 Réponse : "Oui, d'office, du fait de sa fonction."

11 Plus tard, après, non, il s'agissait ici du contre-interrogatoire, après

12 cela, on lui demandé de parler de du droit sur les affaire intérieures.

13 "Pourriez-vous nous dire" C'est la

14 page 18 351.

15 "En examinant la loi sur les affaires intérieures, vous avez appris que la

16 chaîne de commandement du ministère de l'Intérieur passait par la police

17 locale, par les centres régionaux du CSB, et le MUP à Sarajevo à l'époque,

18 et la seule autorité civile était au sommet à Sarajevo, n'est-ce pas ? "

19 Réponse : "Oui, effectivement."

20 Question : "Pourriez-vous nous dire où cette loi prévoit une différence

21 entre le temps de paix et le temps de guerre ou d'urgence ? Où est-il

22 prévu, dans cette loi, que des civils peuvent donner des ordres à la

23 police, en situation d'urgence ou de guerre. Je pense que la réponse est

24 que nulle part, est-ce que c'est exact ?"

25 Réponse : "Il y a peut-être ici un malentendu, la loi est claire et sans

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1 ambiguïté. Elle ne s'applique qu'à des situations normales, c'est-à-dire,

2 lorsqu'il n'y a pas de guerre. En cas d'état d'urgence, c'est un autre

3 ensemble de lois qui trouvera à s'appliquer."

4 Lors de l'interrogatoire supplémentaire, la question a été abordée et on a

5 montré au témoin l'Article 46 de cette loi sur les affaires intérieures.

6 La déposition ou les éléments de preuve émanant de BW-1 étaient différents.

7 Effectivement les preuves provenant des témoins sont contradictoires en ce

8 qui concerne cette question. Les personnes qui ont déposé, qui étaient

9 associées aux autorités régionales ou à la cellule de Crise, à l'exception

10 de M. Radojko, étaient très claires. Il n'y avait aucun pouvoir en ce qui

11 concerne les instructions à la police. Pour ce qui est de M. Radojko, il

12 existait une différence car il y avait un changement entre être ou relever

13 du CSB de la région de Bihac et être placé sous la responsabilité de Banja

14 Luka. Mais si l'on examine les différents documents qui proviennent des

15 cellules de Crise, ceux-ci sont truffés d'ordres et d'instructions destinés

16 à la police qui, de toute évidence, ont été exécutés. M. Radojko dit :

17 "Cela peut être formulé comme une instruction mais cela veut dire que c'est

18 un ordre, que c'est obligatoire." Selon nous, Monsieur le Président, en

19 cette époque de conflits, les autorités régionales et municipales étaient

20 en mesure d'exercer une certaine autorité, un certain contrôle sur la

21 police.

22 Je passe, à présent, à la relation entre la cellule de Crise régionale et

23 l'armée. Je dirais et j'ai toujours soutenu que la cellule de Crise

24 régionale et M. Brdjanin, en tant que civil à ce niveau, n'avait aucune

25 autorité de jure en droit en ce qui concerne l'armée, à savoir, donner des

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1 ordres aux militaires quant à la manière dont ils devaient exécuter une

2 action. La cellule de Crise à Kljuc, je pense explique très bien la

3 relation entre les civils et les militaires à ce niveau. Il s'agit de la

4 pièce P208, datée du 27 mai 1992. Je pense que vous vous souvenez de ce

5 document. Les relations entre les autorités militaires et les autorités

6 civiles doivent être telles que les militaires exécuteront les ordres, des

7 ordres civils, alors que les autorités civiles ne s'ingéreront pas dans la

8 manière dont ces ordres sont exécutés. Si c'est l'utilisation du terme

9 "ordre", il faut faire une distinction entre une instruction à l'intention

10 des militaires. Nous voulons que cette région soit nettoyée. Il faut

11 l'attaquer parce qu'elle est pleine de Musulmans qui ont des armes. Un

12 ordre qui consiste à envoyer les troupes dans le feu de l'action.

13 Il est clair que les militaires ne travaillent pas en vase clos. Ce n'était

14 pas un état militaire. Ils n'ont pas dit : "Nous allons prendre le

15 contrôle." Ils ont dit : "Nous allons consulter les politiques, les

16 politiques nous expliqueront ce qu'il faut faire dans une région donnée, à

17 un moment donné, de manière à ce que les objectifs auxquels nous avons

18 adhéré en tant que militaires, à savoir que la création d'un état serbe

19 puisse être réalisé."

20 La cellule de Crise régionale de la RAK se coordonnait comme le montre les

21 éléments de preuve avec les forces armées et voyait ses objectifs et sa

22 politique mis en œuvre par les militaires. Le général Talic était membre de

23 la cellule de Crise en dépit des déclarations de son conseil en cours

24 d'affaire selon lesquelles il n'était pas membre. Les gens l'ont vu, en

25 tout cas lors de la première réunion, peut-être lors d'une autre réunion.

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1 Son certificat de décès, le document je pense que vous avez admis au

2 dossier DB300 ou 332, je ne sais plus qui déclare qu'il n'était pas membre

3 de cette cellule de Crise contient également un mensonge effronté. S'il

4 n'était pas là, vous avez entendu les témoins que le colonel Vujnovic, un

5 autre officier, a été envoyé aux réunions pour prendre des notes et pour en

6 informer le général Talic. Pourquoi ? S'il n'avait aucune autorité, rien à

7 faire avec l'armée ?

8 Il y avait quelque chose là, la cellule de Crise selon nous avait un rôle

9 important en ce qui concerne la coordination avec le 1er Corps de la Krajina

10 et des autres bataillons de ce corps, de la même façon que la cellule de

11 Crise avait un rôle important en ce qui concerne les militaires et les

12 paramilitaires et les Unités de la Défense territoriale. Le document du

13 général Talic, c'est le DB305, me souffle-t-on.Dans l'extrait relatif aux

14 instructions d'autorité que nous avons examiné hier, on dit que la cellule

15 de Crise coordonne les fonctions d'autorité de manière à assurer la défense

16 des territoires. Vous avez entendu M. Brown qui expliquait comment la

17 cellule de Crise est devenue une partie importante de l'organisation en

18 veillant à ce que la coordination se fasse car c'est là que convergeaient

19 les différentes autorités civiles, militaires et policières. Le contrôle

20 était exercé par les cellules de Crise municipales qui étaient placées sous

21 la coupe de la cellule de Crise régionale, ce qui permettait d'exercer un

22 contrôle strict des Unités de Défense territoriale qui formaient l'ossature

23 des forces militaires, et que ce rôle allait au-delà d'une simple

24 coordination.

25 En avril 1993, le VRS a publié son rapport dont vous avez pu prendre

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1 connaissance. Je pense qu'il s'agit de la pièce P2419. C'est un long

2 document que je ne vous montrerai pas. Sur l'analyse de la préparation au

3 combat et d'activités du VRS en 1992. L'un des paragraphes est le suivant :

4 "L'armée de la Republika Srpska est devenue l'organisation stratégique la

5 plus importante du peuple serbe dans l'ancienne Bosnie-Herzégovine capable

6 de réaliser les objectifs stratégiques et autres qui lui sont assignés par

7 le haut commandement et par le président de la Republika Srpska, qui est le

8 chef de cette armée." Voilà l'autorité civile au sommet de la hiérarchie

9 qui avait l'autorité directe de donner des ordres, de véritables ordres à

10 l'armée, aux militaires.

11 Ici ce qui est intéressant, c'est que lorsqu'on nous a formé le 12 mai

12 1992, l'objectif des différentes Unités de la VRS était de mener à bien, de

13 réaliser les objectifs des peuples serbes.

14 Général Gvero, lors de la 34e assemblée de la Republika Srpska, a,

15 notamment, félicité le SDS pour l'armement initial du peuple serbe. Cela

16 figure dans la pièce à conviction P355. Apparemment dans son mémoire final

17 la Défense ne parle plus de la question de l'armement des Serbes.

18 Il a expliqué la stratégie consistant à autoriser ces forces armées à

19 opérer en dehors du cadre prévu, en dehors de la chaîne commandement prévu.

20 "Personne," dit-il "n'a insisté sur l'organisation militaire de l'armée

21 opérationnelle car cela serait de nature à amenuiser sérieusement nos

22 forces sur le front. C'est pour cette raison que les groupes et les

23 groupements purement locaux qui étaient, souvent, contraires à un système

24 efficace de guerre de commandement et de contrôle, indépendants et avec une

25 idée de leur autosuffisance, autarcie et de leur importance exceptionnelle

Page 25224

1 ont été armés et graduellement intégrés au système de commandement et de

2 contrôle de l'armée."

3 On avait autorisé ces groupes paramilitaires à agir sans aucun contrôle.

4 Vous vous rappelez que le lieutenant Milankovic, qui était l'ancien chef

5 des Loups de Vucak, a été intégré à l'armée VRS régulière et décoré pour sa

6 contribution précieuse aux objectifs du peuple serbe.

7 Une partie du contrôle, comme cela a été indiqué, résidait à Sanski Most et

8 à Kljuc. En ce qui concerne Sanski Most, mais nous allons peut-être, avant

9 d'examiner la pièce P637, effectuer une pause, car le programme ne

10 fonctionne pas pour le moment.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons faire une pause de 25

12 minutes. Merci.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

14 --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Korner.

16 Mme KORNER : [interprétation] Nous avons même fait venir le grand gourou

17 qui n'a pas réussi à faire fonctionner le système. Je pense qu'il faudra

18 peut-être que l'on évite d'aborder certains documents --

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On aurait besoin de l'intervention que

20 l'on n'a pas.

21 Mme KORNER : [interprétation] J'allais aborder la question de Sanski Most.

22 Des conclusions du 21 mai. Il s'agit de la pièce P637, et toute une série

23 d'instructions ont été données dans ces conclusions, et ces instructions

24 concernent l'armée. Tout d'abord, l'état-major municipal de la Défense

25 territoriale serbe a reçu des instructions. Il est placé directement sous

Page 25225

1 le contrôle de la cellule de Crise. Il convient, d'après ces conclusions,

2 de trouver le commandant adéquat pour la défense civile. Le commandant de

3 la 6e Brigade, le colonel Basara, le commandant de la Défense territoriale

4 serbe, le colonel Anicic, reçoivent l'instruction de protéger les

5 installations d'importance vitale dans la ville, et cetera. A la fin de ce

6 document, une date butoir est fixée pour la remise des armes. Il s'agit de

7 la date du 24 mai à 20 heures du soir. Pour ce qui est du désarmement, des

8 formations paramilitaires de Sanski Most, les colonels Basara et Anicic

9 sont chargés de mettre cela en œuvre.

10 Il y a eu un plan qui a été conçu, suite à cette instruction, qui a eu pour

11 conséquence l'attaque et le nettoyage de la Mahala. La pièce à laquelle je

12 me réfère est la pièce P638. L'ordre qui a été donné est l'ordre consistant

13 à dire que la 6e Brigade, en coordination avec les Unités de la Défense

14 territoriale, doit désarmer ce qui est désigné comme forces ennemies. Le 4

15 juin, Monsieur le Président, la cellule de Crise de Sanski Most affirme que

16 Messieurs Vrucinic, le chef de la police et le colonel Anicic sont chargés

17 de résoudre la question des prisonniers, de les répartir par groupes, et de

18 les déporter à Manjaca. A ce stade et en particulier à la lumière des

19 questions que vous m'avez posées, Monsieur le Président, au sujet du

20 génocide, il convient de dire que la première catégorie de prisonniers, est

21 celle qui réunit des hommes politiques, pas des combattants, pas des

22 traites, on ne parle pas de traites. Il s'agit ici uniquement d'hommes

23 politiques.

24 La troisième catégorie regroupe les gens dont la présence n'est pas

25 souhaitable dans la municipalité de Sanski Most. Dans la conclusion, par la

Page 25226

1 suite, il est dit, qu'à la lumière de cela, il convient d'avoir un

2 entretien avec le colonel Stevilovic du 1er Corps d'armée de Krajina. Ces

3 camps étaient vraiment administrés en tant qu'entreprise commune du

4 personnel civil, de la police, et des militaires. Quant à savoir si Manjaca

5 était un camp militaire, et si Omarska était un camp civil, un camp tenu

6 par la police, c'est une autre chose. Il n'empêche qu'il y avait une

7 coordination permanente entre ces instances.

8 Encore une fois, pour ce qui est de la cellule de Crise de Prijedor, et la

9 pièce P1268, une section d'intervention a donné l'ordre de se constituer

10 et, bien entendu, il s'agissait là d'une unité militaire. Je vais revenir

11 un peu plus tard, à la visite qu'a rendue M. Brdjanin dans la zone de Kotor

12 Varos. Si je puis vous rappeler ce que M. Mayhew a dit au sujet du contrôle

13 qui était exercé par les forces militaires et politiques. Il était d'accord

14 avec l'appréciation donnée dans le rapport. Le rapport qui a été rédigé

15 après la visite, fin août, début septembre, où il est dit, et je

16 cite : "En dépit de l'existence des seigneurs de guerre, le gros des

17 éléments de preuve montre que les dirigeants étaient responsables. La

18 mission pense que, de manière générale, les dirigeants exercent un contrôle

19 effectivement sur les structures militaires et civiles. Contrairement à ce

20 qui est admis généralement les éléments soient disant qui échappent au

21 contrôle sont d'importance secondaire ou marginale. Il existe, mais leur

22 importance a été exagérée par les différents dirigeants qui trouvent là-

23 dedans une explication qui leur convient et qui leur permet de justifier de

24 nombreux actes sauvages." Alors --

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Madame Korner. Je suis

Page 25227

1 désolé de vous interrompre, pouvez-vous me donner la référence du texte que

2 vous êtes en train de lire ?

3 Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi. Je suis en train de lire un

4 rapport du CSC, il s'agit de la pièce P1617/S217, c'était initialement une

5 pièce à conviction dans l'affaire Stakic. M. Mayhew était d'accord pour

6 dire que cette pièce était véridique, et cela figure au compte rendu

7 d'audience en page 13 575. Excusez-moi, je ne voudrais pas oublier quelque

8 chose mais je voudrais justement souligner un point. M. Mayhew connaissait

9 bien ce domaine et cette zone. Il s'y est rendu. Il nous a dit, qu'il était

10 là au début de 1992, et il y est retourné. Tandis que M. McLeod n'est venu

11 dans ces zones que pour la première fois. C'était sa première visite de la

12 région.

13 Je reviendrai à la question du désarmement plus tard. A présent, je

14 voudrais aborder d'autres éléments de preuve qui montrent qu'il y a eu une

15 relation entre les structures politiques et militaires. Monsieur le

16 Président, Mesdames les Juges, au sujet de la reddition des combattants,

17 des membres de la résistance de Kotor Varos, ceci a eu lieu grâce à

18 l'activité de M. Kupresanin. Je dois dire qu'il a forcé le président du SDA

19 de la région à prendre part à cette reddition, il a menacé en fait de

20 l'envoyer à Manjaca. Sans aucun doute, il y a eu une visite qui a été

21 rendue par M. Kupresanin à Manjaca pendant la période couverte par cet acte

22 d'accusation. Il a fait le tour des bâtiments, et il s'est adressé aux gens

23 en leur disant qu'ils allaient être libérés. Ceci pour la plupart des cas

24 n'était pas vrai. Apparemment, M. Kupresanin, pendant la période qui suit

25 l'existence de la cellule de Crise a écarté M. Sejmenovic d'Omarska. La

Page 25228

1 question n'est pas de savoir si les instructions de faire cela ont été

2 données par Karadzic ou qui que ce soit d'autre, mais la question est de

3 savoir, si cela montre que la cellule de Crise s'est servie de son

4 autorité, et si, elle avait l'autorité lui permettant de renvoyer les gens

5 des camps, des camps qui étaient administrés par la police et par l'armée.

6 Pour ce qui est de Donji Vakuf, la municipalité était sous la tutelle de

7 l'administration militaire jusqu'aux conclusions prises par la cellule de

8 Crise en date du 17 juin 1992, jusqu'à que par ces conclusions n'ordonnent

9 qu'il y ait constitution d'un gouvernement civil. Il s'agit de la pièce

10 P1725. Les militaires n'ont pas dit à la cellule de Crise de la RAK que

11 faire de cette décision. A la place, ils ont accepté les conclusions, et

12 ils ont cédé le contrôle à un gouvernement civil au niveau de la

13 municipalité. Les militaires ont écartés les Musulmans et les Croates de

14 leurs postes, et ce, sur demande suivant l'ordre qui a été donné. Enfin,

15 peu importe le terme qu'on utilisera. Il a été suggéré ici qu'ils allaient

16 le faire parce que ces hommes étaient potentiellement des saboteurs ou des

17 traîtes de l'armée serbe. A ce stade l'armée serbe était déjà en train de

18 fonctionner depuis plus d'un mois, et même si, il y en a eu quelques-uns

19 qui ont été écartés des autorités, qui à ce moment-là géraient l'armée, ils

20 se sont contentés de garder quand même des personnes, comme le colonel

21 Selak et d'autres au sein de l'armée. Encore une fois, l'armée n'a pas dit

22 aux autorités locales, aux autorités régionales comment elle devait agir,

23 elle s'est simplement pliée aux ordres.

24 Un autre aspect intéressant de cette région Sanski Unska et que la Défense

25 dit qu'il s'agissait d'une région qui était de toute évidence renégate,

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1 qu'elle agissait sur sa propre initiative de manière autonome, c'est ce qui

2 a été dit hier, et qu'ils affirmaient de leur point de vue, la cellule de

3 Crise régionale ne faisait pas suffisamment d'efforts afin d'atteindre les

4 objectifs du peuple serbe. Ce qui est absolument fascinant, c'est ce qu'ils

5 pensaient que la cellule de Crise régionale n'était suffisamment efficace.

6 Pourquoi est-ce que c'est à cette cellule-là qu'ils s'adressaient avec

7 leurs demandes ? Pourquoi ils ne s'adressaient directement au général

8 Mladic ou au gouvernement de la République de Pale ? C'est quelque chose

9 que j'ai déjà abordé, et encore une fois, je dois dire qu'une fois que ce

10 pouvoir a été imposé, même si c'était de manière réticente, ils ont accepté

11 ce niveau d'autorité, ils ont accepté leur position d'instance supérieure.

12 Enfin, un dernier lot de documents. Il s'agit de la conclusion du 18 mai

13 1992. C'est le moment où la cellule de Crise de la RAK émet une directive

14 spécifique disant que les armes qui ont été obtenues de manière illégale

15 seront confisquées aux membres de la police civile et militaire. Il s'agit

16 de la pièce P227. La date est celle du 18 mai.

17 Le processus de désarmement à Kljuc constitue l'un de nombreux exemples qui

18 confirme que les instances militaires et policières ont bien suivi les

19 décisions de la RAK. Le 28 mai 1992, à 8 heures du matin, la cellule de

20 Crise de Kljuc s'est réunie et un ordre a été donné. Il s'agit de la pièce

21 P196. L'ordre, qui a été donné, est que les citoyens qui se sont procurés

22 des armes illégalement et là, notre affirmation est que cela concerne

23 uniquement les Musulmans et les Croates, qu'ils doivent rendre ces armes

24 entre 12 heures et 14 heures et la menace qui est proférée est que :

25 "autrement des mesures fermes seront prises afin de mener à bien le

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1 désarmement, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la

2 sécurité, à la fois, de la population et de leurs biens." Cela, c'est la

3 pièce P921.

4 Le même jour, le commandement de la 1ere Brigade d'infanterie du 1er Corps de

5 la Krajina fait un rapport, c'est la pièce P924, où il est dit : "Compte

6 tenu de la situation de Kljuc, le 3e Bataillon de la 1ere Brigade

7 d'infanterie est en état de préparation au combat maximale comme ordonné.

8 Si les Musulmans ne rendent pas leurs armes avant le 27 mai à midi, le

9 bataillon mènera une opération de nettoyage."

10 Dès le lendemain, le 29 mai, le général Talic fait rapport à l'état-major

11 de la VRS. Là, il s'agit de la pièce P654, en disant

12 : il y a encore une résistance faible opposée à la confiscation des armes

13 dans la zone plus large de Prijedor, Sanski Most et Kljuc. Talic dit aussi,

14 sous l'intitulé "la disposition au combat des unités" que : "La coopération

15 avec le ministère de l'Intérieur dans l'opération du nettoyage du

16 territoire et la confiscation des armes des formations illégales dans la

17 zone de Prijedor, Sanski Most et Kljuc continuent."

18 Nous savons parfaitement bien, grâce aux éléments de preuve qui ont été

19 présentés, ce qui s'est produit à Prijedor, Sanski Most et Kljuc.

20 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, pour dire quelque chose au sujet

21 de certains des documents, dont nous avons parlé beaucoup plus en détail

22 dans notre mémoire de clôture, ils montrent, à notre sens, qu'il y avait

23 coordination entre les autorités régionales, la cellule de Crise, la police

24 et l'armée et qu'ils exerçaient l'autorité.

25 A présent, je voudrais rapidement essayer de parcourir quelques éléments de

Page 25231

1 preuve sur la mise en œuvre du plan criminel dans la région autonome. Les

2 événements qui se sont produits dans les municipalités de Prijedor, Sanski

3 Most, Kljuc, Kotor Varos, ceux qui relèvent de la variante B, l'ensemble de

4 ces événements nous montre qu'il y avait un mode de comportement identique

5 qui a donné lieu à la commission des crimes. Dans notre mémoire préalable

6 au procès, nous avons dit la chose suivante : "Les événements qui se sont

7 produits n'étaient pas dû au hasard. Ils ne se sont pas produits de manière

8 spontanée. Ils constituaient une partie intégrante d'une entreprise qui a

9 été planifiée et exécutée de manière minutieuse. Pour l'Accusation, ceci

10 concerne la férocité des méthodes qui ont été employées à l'encontre des

11 non-Serbes et à l'encontre de tout ce qui constituait trace ou preuve de

12 leur existence, de leur culture, de leur religion. Ceci nous permet d'en

13 conclure que l'intention était de détruire, dans sa totalité ou en partie,

14 la population musulmane et croate qui résidaient dans la RAK."

15 Nous avons dit : "La thèse de l'Accusation est que les crimes commis dans

16 les diverses municipalités, dans certaines zones, dans certains secteurs,

17 étaient le résultat de la destruction de tout ou de presque tous les

18 membres de la communauté musulmane ou croate de Bosnie qui y résidaient."

19 Encore une fois, nous reviendrons demain à cela.

20 Nous vous rappellerons les éléments de preuve qui ont été présentés. "La

21 nature systématique et généralisée des crimes, y compris des meurtres sur

22 une grande échelle, nous impose la conclusion, l'avons-nous dit qu'il

23 s'agissait d'une destruction planifiée et intentionnelle de ces

24 populations, et ce, dû à leur appartenance ethnique." Monsieur le

25 Président, c'est ce que nous avons dit, au début du procès, que nous

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1 espérions parvenir à prouver.

2 Aujourd'hui, nous affirmons que les éléments de preuve que nous avons

3 présentés, nous ont permis de prouver le bien fondé de ces allégations

4 parce que, et pour le dire de la manière la plus brève, je résume, le

5 modèle des événements qui se sont produits sur le territoire de ces

6 municipalités, est le suivant : ceci a commencé par des persécutions. Dans

7 la plupart des localités, on a renvoyé de leur poste les Musulmans et les

8 Croates, ces persécutions se sont poursuivies de manière continue et avec

9 une intensité accrue pendant toute la durée de la période couverte par

10 l'acte d'accusation.

11 Contrairement à ce qu'affirme la Défense dans son mémoire de clôture, ces

12 licenciements n'ont pas eu un impact uniquement sur ceux qui avaient des

13 postes qu'on pourrait qualifier de sensibles pour ce qui est de la

14 sécurité, par exemple, de l'état serbe. L'un des faits sur lesquels ils se

15 reposent, ce sont les conventions de Genève où il est dit que l'on est en

16 droit de limoger, de licencier les gens en situation extraordinaire. Mais,

17 Monsieur le Président, ils n'ont pas seulement licencié les gens qui

18 étaient à la tête des sociétés qui étaient importantes pour la production

19 ou les centres de communication, ils ont licencié tous ceux qui étaient

20 d'appartenance musulmane ou pratiquement tous les Musulmans et Croates. Des

21 travailleurs dans les usines. Ceux qui travaillaient sur l'entretien des

22 routes. Vous avez entendu toute une série, des milliers de descriptions

23 d'éléments vous parlant de la situation de ceux qui ont été licenciés. Je

24 vous ai rappelé, ce matin, un certain nombre d'éléments de preuve au sujet

25 de Petrovac.

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1 Quoiqu'il en soit, après avoir été licenciés, ceux qui n'avaient pas été

2 emprisonnés ou expulsés, ils étaient forcés de travailler. Ils étaient

3 soumis à la strate, au travail. Tout simplement, ils ne recevaient aucune

4 rémunération pour cela. Ils n'avaient aucune sécurité d'emploi. Ils

5 n'avaient plus de toits.

6 Je pense qu'il serait utile de voir ce que M. Brdjanin en a dit lui-même.

7 Nous avons une bande vidéo qui nous permettra de l'entendre. C'est un

8 rapport au sujet de la découverte des camps au mois d'août.

9 [Diffusion de cassette audio]

10 Mme KORNER : [interprétation] "Aucun poste ne devait plus être occupé par

11 des personnes qui n'étaient loyales à la politique serbe." C'est ce que le

12 journaliste dit lui-même, en août 1992. Il affirme que tout le monde avait

13 été licencié.

14 S'agissant de l'ordre portant désarmement, j'allais dire que j'allais y

15 revenir. C'est un ordre qui a été beaucoup contesté. Il est allégué que cet

16 ordre concernait tout le monde, les Serbes, les Musulmans et les Croates.

17 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, de nombreux Musulmans sont venus

18 déposés ici, au sujet de désarmement. Vous avez également entendu la

19 déposition d'un nombre moins important de Croates à ce sujet. Je vous

20 demanderais à présent de vous reporter à ce que le témoin BT-95 a dit au

21 sujet de Teslic. Il s'agit des pages 19 532, et 33 du compte rendu

22 d'audience.

23 Le colonel Sajic a dit la chose suivante, ou plutôt c'est ce qu'il a dit

24 dans un entretien au sujet duquel on lui a rafraîchi la mémoire. "Pendant

25 l'entretien avec nous, vous avez honnêtement parlé des personnes qui

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1 étaient désarmées. On vous a demandé, au sujet de cet ordre portant

2 mobilisation et désarmement, quel a été son effet, et que son effet était

3 que seuls les Musulmans et les Croates se sont vus retirés ou confisqués

4 leurs armes, n'est-ce pas ?" Sa réponse qui figure dans le compte rendu

5 d'audience était : "Pour l'essentiel, oui, on ne peut pas dire que c'était

6 à 100 % le cas, mais effectivement, on peut accepter cette affirmation."

7 C'est la page T23 683.

8 Monsieur le Président, lorsqu'on examine ces pages, on voit qu'il a

9 continué avec ses explications en disant qu'il avait un ami musulman qui

10 voulait garder son arme, mais que, même après son intervention, cette arme

11 lui a été prise.

12 Pour ce qui est de Sanski Most, je vous prie, maintenant, d'examiner la

13 déposition de BT-104, page 18 513 du compte rendu d'audience.

14 Dans sa réponse à la page 4, la Défense continue vaillamment à essayer de

15 persuader la Chambre de première instance qu'il convient de rejeter les

16 éléments de preuve pourtant si convaincants selon lesquels, le désarmement

17 a uniquement été mis en place à l'encontre des Musulmans et des Croates.

18 Page 4, on peut lire la chose suivante, je cite : "Il n'y a eu aucun ordre

19 venant de la cellule de Crise de la RAK qui visait uniquement les non-

20 Serbes qui possédaient des armes." BT-104, nous dit le contraire. On nous

21 dit que : "La citation s'applique uniquement à Sanski Most, une

22 municipalité renégate."

23 Mais ce n'est pas vrai. Il n'y a aucun ordre qui soit conforme à ce que

24 nous dit la Défense : "Désarmement le 11 mai ou le 14 mai au plus tard,

25 uniquement pour les Musulmans et les Croates." C'est ce qui s'est

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1 effectivement passé. Nous avons cinq conclusions de la cellule de Crise de

2 la RAK rendues entre le 8 et le 18 mai, c'est-à-dire, à peu près une fois

3 tous les deux jours, et qui exige que les armes soient rendues. Pour la

4 décision du 14 mai : "On prévoit les sanctions les plus sévères qui

5 soient." Non, il s'agit du 8 mai, je m'excuse : "Sanctions les plus sévères

6 qui soient appliquées à ceux qui refuseront de se soumettre, et le 14 mai,

7 on prévoit ce jour-là des sanctions très sévères à l'encontre de ceux qui

8 ignoreront les injonctions de la cellule de Crise."

9 Brdjanin, en tant que président de la cellule de Crise, a signé cette

10 décision, mais cela va plus loin. Il a fait des déclarations publiques. Il

11 a mis toute son autorité à l'appui de cette décision exigeant que les armes

12 soient rendues. Ainsi, le 9 mai, Oslobodjenje, pièce P180, sous le titre

13 "Il convient de rendre les armes" il est dit je cite : "Les membres des

14 Unités paramilitaires et les personnes individuelles de la zone de Bosanska

15 Krajina doivent rendre ou donner toutes leurs armes et tous leurs moyens de

16 combat, qu'ils possèdent de manière illégale, avant le 11 mai." Ceci est

17 une déclaration de Radoslav Brdjanin, commandant de la cellule de Crise de

18 la Bosanska Krajina.

19 Même chose dans Glas, le 9 mai 1992, sous le titre "On va maintenant droit

20 au but." Je cite cet extrait de l'article : "Evoquant l'ordre portant sur

21 le désarmement des formations illégales et des personnes individuelles,

22 Brdjanin a lancé une mise en garde, et dit qu'il souhaitait que ces armes

23 soient remises aux cellules de Crise municipales le 11 mai au plus tard,

24 ajoutant que les armes seraient récupérées par la force si ceux qui les

25 détenaient refusaient d'obéir." On voit que l'allégation selon laquelle M.

Page 25236

1 Brdjanin n'était pas à 100 % derrière cette décision, et n'y participait

2 pas, n'a pas lieu d'être.

3 Nous avons examiné un ordre qui vient du CSB, n'est-ce pas ? Dans cet

4 ordre, il y a un passage qui est consacré au désarmement. Je cite : "Le

5 jour de l'expiration de la date butoir de reddition des armes le 11 mai,

6 nous ne prendrons aucune décision, nous ne ferons rien avant que la cellule

7 de Crise ne prenne les décisions qui s'imposent." M. Sajic a parlé de ce

8 passage du document, il a accepté, il a reconnu que la cellule de Crise,

9 effectivement, avait le pouvoir. Page du compte rendu d'audience 23 720 à

10 23 721 du compte rendu d'audience, je résume parce que le passage en

11 question est fort long.

12 Ces décisions étaient cruciales. Pourquoi ? Parce qu'elles ont servi de

13 prétexte pour lancer des offensives contre les villages musulmans et

14 croates. Vous avez, Mesdames et Monsieur le Juge, entendu des témoins à ce

15 sujet. Je vous demande, une fois encore, de vous reporter à la déposition

16 du témoin BT-104, page 18 514. Le désarmement était utilisé comme excuse

17 pour attaquer, pour nettoyer le quartier musulman de Mahala à Sanski Most.

18 Il s'agissait là de réaliser l'objectif numéro 1, l'objectif stratégique

19 numéro 1.

20 L'accusé et la cellule de Crise de la RAK ont fourni une justification clé

21 en main à la police et à l'armée pour lancer leurs attaques puisque c'est

22 l'armée et la police qui étaient chargées de mener à bien les opérations de

23 désarmement. Comme nous l'avons dit, l'affirmation selon laquelle cet ordre

24 s'appliquait à d'autres que les Musulmans et les Croates n'a pas lieu

25 d'être.

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1 Le 12 mai, comme nous vous l'avons rappelé hier, M. Vjestica parlait déjà

2 de ce processus de désarmement à Bosanski Novi, et la même chose allait

3 bientôt se produire à Sanski Most. Pièce P680, rapport de la police de

4 Sanski Most, voilà encore une pièce intéressante. J'ai perdu l'autre, mais

5 en tout cas, la pièce P680, nous montre que des Unités de l'armée serbe et

6 des Unités de la Défense territoriale, ainsi que le SJB, procèdent aux

7 désarmements de formations paramilitaires musulmanes et croates. Ceci se

8 rapporte au 15 juin.

9 A Hambarine, à Prijedor, excusez-moi j'ai perdu le fil. A Hambarine,

10 l'incident du point de contrôle a servi de prétexte. A Kljuc, c'est

11 l'incident de la zone de Pudin Han à laquelle a participé Filipovic. Tous

12 ces incidents mineurs, d'après nous, ont servi de prétexte. Tous ces

13 incidents qui, en fait, découlaient du processus de désarmement parce que

14 les Musulmans ont réagi, en

15 disant : "On sait bien ce qui va se passer. On ne va pas vous remettre nos

16 armes," tout ceci a servi de prétexte à l'envoi des forces largement

17 supérieures en nombre du gouvernement serbe.

18 A Sanski Most, au sein de la cellule de Crise se trouvait un personnage qui

19 a été impliqué dans les meurtres, M. Kajtez Danilusko. Le SOS de Sanski

20 Most a été impliqué dans ces agissements. Il est ensuite devenu membre de

21 la 6e Brigade de la Krajina sous le commandement du colonel Basara.

22 Excusez-moi j'ai dit qu'il était membre de la cellule de Crise en fait je

23 me suis trompée, il était membre du SOS. Non en fait je me trompe. Il était

24 membre du SOS de Sanski Most. On a fait référence à ce personnage, dans un

25 document c'est le journal de Rasula, il s'agit de la pièce P759.

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1 Pour ce qui est maintenant d'autres régions, d'autres zones, commençons par

2 Lisnija, A Lisnija, la population a été l'objet d'une attaque de la part

3 des membres de la VRS. Nous avons un rapport du général Talic, pièce P657,

4 dans lequel on parle de l'expulsion de la population musulmane de la zone

5 du village de Lisnija. En réalité, Lisnija a fait l'objet d'une attaque.

6 Ces attaques ont été mises en œuvre parfois après avertissement, après mise

7 en garde mais parfois sans aucune mise en garde. Brisevo a fait l'objet de

8 deux attaques. M. Atlija nous l'a dit lors de sa déposition. Première

9 attaque en mai, compte rendu d'audience page 1 193. Il avait déposé dans

10 Stakic et ils ont passé en revue sa déclaration dans cette affaire. On lui

11 a demandé : "Vous avez parlé à longue vie de l'attaque sur Brisevo." En

12 juillet. "Qui a commencé à trois heures 30 le 24 juillet, n'est-ce pas ?

13 Réponse : "Oui."

14 Question : "C'est une attaque qui a eu lieu sans aucun avertissement,

15 n'est-ce pas ?"

16 Réponse : "Oui."

17 Brisevo était un village croate. En juillet 1992, toute la zone de la

18 municipalité de Prijedor était contrôlée par les forces serbes. Il y avait

19 eu une attaque en mai, attaque qui a ensuite été suivie par une attaque en

20 juillet. Cet endroit est habité en grande majorité par des femmes, par des

21 enfants. Pourtant ce lieu sera pilonné, sera pillé et je crois d'ailleurs

22 que ce village n'existe plus aujourd'hui.

23 Ce genre d'agissements, on les a vus se reproduire partout dans de nombreux

24 villages situés sur tout le territoire de la région autonome de la Krajina.

25 Après les pilonnages, on voyait arriver les soldats et les survivants,

Page 25239

1 désarmés des pilonnages, étaient tués. On pillait les maisons, on les

2 incendiait et on détruisait les mosquées et les églises. Nous allons

3 visionner une vidéo au sujet des mosquées et des églises mais je sais qu'on

4 avance du côté de la Défense que l'Accusation n'a pas apporté la preuve

5 qu'en fait on passe sous silence le fait que jamais aucun témoin n'a avancé

6 qu'on se servait de ces lieux de culte à des fins militaires.Oublions cela

7 un instant, oublions

8 Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à la Défense, nous le savons, d'aborder

9 les preuves, mais il n'en reste pas moins que nous le savons que de

10 nombreuses églises, de nombreuses mosquées ont été détruites, suite à des

11 pilonnages, qu'elles ont été détruites délibérément, une fois que les

12 soldats entraient dans les villages concernés. A Teslic, le Procureur n'a

13 aucun doute à ce sujet et il a établi un rapport selon lesquelles la

14 destruction des mosquées et des églises sur ce lieu était un crime de

15 guerre.

16 Mais il est clair, il est manifeste que ces lieux de culte n'avaient aucun

17 emploi militaire, jamais personne n'a dit quoi que ce soit dans ce sens.

18 La destruction des lieux destinés au culte ne constitue pas en soit un acte

19 de génocide. Les textes nous le montrent clairement. Cependant cet élément

20 peut servir d'indicateur qui atteste de l'intention des participants, des

21 auteurs de ces crimes, de leur intention de détruire le peuple musulman et

22 le peuple croate.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On n'en a parlé hier dans Krstic.

24 Mme KORNER : [interprétation] Oui. Je pense qu'effectivement ils ont abordé

25 cette question, justement cette question. D'ailleurs j'allais en parler.

Page 25240

1 Ceux qui n'ont pas trouvé la mort pendant les attaques ou après les

2 attaques, ont ensuite été regroupés, faits prisonniers. Les hommes et

3 parfois les femmes ont été emmenés dans des camps où certains ont été tués

4 ou victimes de mauvais traitements. Pour la plupart du temps, les femmes et

5 les enfants étaient séparés des hommes et emmenés d'abord dans des camps

6 temporaires ou intérimaires. Dans ces camps de nombreuses femmes ont été

7 violées pour ensuite être déportées ou expulsées. Bon ici, il y a la

8 différence qu'il convient de faire entre expulsion et transfert forcé.

9 Ces Musulmans et ces Croates qui se trouvaient dans ces zones attaquées ont

10 été contraints de partir dans des convois souvent très importants avec la

11 coopération involontaire, totalement involontaire des organisations

12 humanitaires. Nous voyons les éléments de preuve nous montrer que, pour ce

13 qui est de Bosanski Novi et de Bosanski Petrovac, si les organisations

14 humanitaires n'apportaient pas leur concours, à ce moment-là les Musulmans

15 risquaient d'être internés dans des camps ou tués.

16 Dans plus d'une municipalité, en particulier à Petrovac, les témoins ont

17 reconnu que les Musulmans ne constituaient aucun risque. M. Radojko nous

18 l'a dit à la page du compte rendu d'audience 20 069 de sa déposition. A

19 Prijedor, maintenant, nous avons un document qui a trait à la situation

20 dans cette municipalité, pièce 1379. --

21 Il s'agit d'une évaluation de la situation en matière de sécurité dans la

22 municipalité de Prijedor, document en date du 23 octobre 1992. Passons la

23 première page sur le rétroprojecteur.

24 Page suivante s'il vous plaît, nous avons une description de ce qui s'est

25 passé au mois d'octobre, je cite : "La situation dans la municipalité de

Page 25241

1 Prijedor a commencé à se détériorer en mai 1992." Les tensions étaient

2 ressenties dans la ville, on a vu s'attiser les relations entre les groupes

3 ethniques. La division entre les nationalités a atteint des sommets au

4 moment des conflits armés entre les Serbes qui se sont emparés du pouvoir,

5 et les Musulmans et les extrémistes de l'autre côté. On ressent encore les

6 conséquences de ces conflits. Des dizaines de villages ont pratiquement été

7 complètement détruits, ont été désertés par leurs habitants.

8 Ensuite on voit une liste de ce qui a été détruit, et avec ces destructions

9 on a vu le début d'un exode massif de la part des Musulmans et des Croates.

10 D'après les estimations qui nous sont données, et ici on est en octobre

11 1992, 38 000 Musulmans et Croates ont quitté la municipalité de Prijedor, à

12 ce jour. On parle dans le document de qui s'est passé quand les gens sont

13 partis. Avec le départ de cette population on a vu commencer des opérations

14 massives de pillage. Les biens de ceux qui étaient partis étaient sans

15 surveillance, aucune surveillance n'a été assurée non plus par les

16 autorités municipales.

17 Ensuite un peu plus haut sur la page, je poursuis ma lecture. Le reste de

18 la population croate et musulmane, du moins les plus extrêmes, doivent être

19 traités avec la plus grande prudence s'ils refusent d'accepter la situation

20 actuelle.

21 La totalité de cette période est marquée par la destruction des bâtiments

22 qui appartenaient à des Musulmans et des Croates, ainsi que par les lieux

23 de culte les intéressant. Ceci représente une menace directe à l'encontre

24 de la vie et des biens de tous les citoyens de la municipalité. Le

25 harcèlement de l'autre groupe ethnique par des hommes portant l'uniforme

Page 25242

1 est également manifeste. De tels individus constituent une menace

2 croissante pour tous les autres citoyens de la municipalité de Prijedor.

3 Ici on voit quelque chose qui ressemble à ce qui s'est passé avec les Mice

4 qui terrorisaient les Serbes dans d'autres municipalités.

5 Je pense avoir donné la cote, mais si c'en est pas le cas je peux le

6 redire. Oui effectivement, je pense l'avoir dit.

7 Nous avons vu qu'il y a eu expulsion, pillage, mais suite à cela les

8 municipalités ont entrepris de légaliser ces vols, cette prise de

9 possession illégale de la propriété de ceux qui étaient partis, en

10 insistant sur le fait que les gens étaient partis "sur une base

11 volontaire." Puisque personne n'avait le droit d'emporter plus de 300 marks

12 sur soi au moment de partir, les gens ont dû signer des papiers par

13 lesquels ils transféraient leurs biens à la municipalité. Il est très

14 facile de perdre de vue ce dont nous parlons quand on est dans une salle

15 d'audience. Il ne s'agit pas simplement de noms inscrits sur des feuilles

16 de papier, sur des documents. I s'agit de vie, d'êtres humains. Vous avez

17 entendu d'ailleurs certains d'entre eux s'exprimer devant vous, puisque cet

18 acte d'accusation a été dressé pour des raisons bien précises. Pour

19 demander des comptes à ceux qui ont été responsables des agissements

20 criminels, qui ont sévi dans cette région mais également pour promouvoir la

21 paix et la réconciliation en Bosnie.

22 Cependant il convient aussi que les victimes de ces crimes, de ces crimes

23 incontestés, il est important que les victimes de ces crimes aient leur

24 voix au chapitre. C'est pourquoi je pense qu'il convient très rapidement,

25 bien qu'un extrait vidéo soit un peu plus long que les autres, il est

Page 25243

1 important d'entendre encore une fois ces témoins. Il s'agit là d'extraits

2 des témoins qui ont déposé sur les attaques, sur les meurtres, sur les

3 passages à tabac. Je vais commencer par le témoin du Dr Merdzanic, au sujet

4 de l'attaque qu'a subi Kozarac. Il s'agit là de la pièce P1598.

5 [Diffusion de cassette vidéo]

6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

7 "Q. D'où venaient les pilonnages ? Est-ce qu'ils venaient d'autour de

8 Kozarac ?

9 R. D'après ce que nous avons vu cela venait du nord de Kozarac et de

10 l'ouest de Prijedor.

11 Q. Ici je résume les éléments que vous nous avez donnés à ce sujet. Des

12 gens ont été tués, ont été blessés au cours du pilonnage, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est exact. Il y a eu des blessés, il y a eu des tués.

14 Q. Vous avez essayé de négocier avec l'armée afin de pouvoir évacuer les

15 enfants, ainsi que les blessés.

16 Je signale aux Juges de la Chambre que ceci se trouve à la

17 page 7 737 et aux pages suivantes, mais vous n'avez pas obtenu ce que vous

18 souhaitiez lors de ces négociations ?

19 R. Le lendemain, le 25, lorsque nous sommes allés dans la maison où avait

20 été transférée la clinique, nous avions avec nous deux jeunes enfants. Il y

21 avait, notamment, une petite fille qui avait une dizaine d'années. Elle

22 avait eu les deux jambes arrachées pratiquement par le pilonnage. Elle ne

23 tenait plus que par un fil si l'on peut dire, et il y avait là également un

24 jeune garçon qui avait dans les huit ans et qui avait des blessures

25 importantes au niveau de sa cuisse gauche. On voyait son os, il saignait

Page 25244

1 abondamment. Il y avait également là deux femmes, l'une de ces femmes est

2 décédée très vite. Il y en a une qui était encore vivante. Il y avait là un

3 homme aussi qui avait reçu une balle dans le dos. Nous avions également là

4 un des leurs, un homme en uniforme qui avait été blessé au niveau de

5 l'abdomen. C'est surtout à cause des enfants que j'avais décidé d'essayer

6 de leur demander de nous permettre de transférer les blessés à Prijedor. A

7 l'étage il y avait la police et il y avait un véhicule de police qui était

8 garé à l'extérieur. J'ai demandé si je pouvais parler aux Serbes, ils ont

9 répondu qu'ils étaient à la radio, à la station de radio, et ils ont dit

10 que je pouvais très bien aller essayer de leur parler. C'est ce que j'ai

11 fait. J'ai essayé d'aller leur parler, je me suis présenté à eux, j'ai

12 expliqué qu'on avait des blessés, mais personne n'a accepté de

13 véritablement m'écouter, de parler avec moi. Ils se contentaient de rire,

14 je les entendais rire et ils ont dit quelque chose du style, vous n'avez

15 qu'à crever, vous, les Balijas on va vous tuer de toute manière. On a même

16 été jusqu'à leur dire que nous avions avec nous un de leurs blessés. Ce à

17 quoi ils n'ont absolument rien répondu. Ensuite, ils n'ont même pas dénié

18 nous répondre lorsqu'on les appelait sur cette fréquence."

19 Mme KORNER : [interprétation] Madame, à la fin de l'extrait de la vidéo.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Korner, un instant à vous de

21 laisser poursuivre. Vous vous apprêtiez à nous signaler quel était le

22 numéro de la pièce à conviction.

23 Mme KORNER : [interprétation] Il s'agit d'un extrait d'une déposition. Il

24 n'y a pas de numéro de pièce à conviction.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais c'est parce que vous avez commencé

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1 par dire, il s'agit de la pièce P et ensuite vous avez arrêté.

2 Mme KORNER : [interprétation] Non. C'est la pièce suivante qui va commencer

3 par un P, bien sûr.

4 Voilà, nous venons d'entendre un témoin qui nous a parlé de Kozarac et

5 Prijedor. Maintenant, nous allons passer un extrait vidéo P510. Il s'agit

6 d'un pilonnage. Cela a trait à quelque chose, un point sur lequel je

7 souhaite revenir un peu plus tard, qui est un petit peu différent.

8 [Diffusion de cassette vidéo]

9 Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Juge, il n'y a pas de son. Je

10 n'entends pas de son. Le son est important sur cet enregistrement.

11 [Diffusion de cassette vidéo]

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Korner, nous n'avons pas de son.

13 Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, sans mettre du temps

14 or le temps fait défaut. Je reviendrai à cela plus tard lorsque je parlerai

15 de M. Brdjanin. Je prendrai l'enregistrement original plutôt que cet

16 extrait qui ne semble pas fonctionner.

17 On parle ici de l'attaque de Kotor Varos, et je voudrais vous rappeler

18 parce que c'est là que l'on voit M. Brdjanin expliquer la visite de la

19 région. En ce qui concerne la déposition de Zoran Jokic, membre de la force

20 aérienne au sujet de ces attaques, il a vu cette vidéo qui est la même que

21 la 1598. Ensuite, on lui a posé la question de savoir le type de missiles

22 ou de bombes utilisés lors de cette attaque. Il a répondu sur cet

23 enregistrement : "Si je le vois précisément, il décrit un avion, c'est un

24 Orao [phon] apparemment, cet avion lançait des bombes au napalm, c'est-à-

25 dire, des bombes incendiaires, si je ne m'abuse, à savoir, des bombes qui

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1 sont utilisées ici."

2 Plus tard, il a vu la partie de la vidéo enregistrée dans la ville de

3 Vecici, P2431, et on lui a posé la question des bombes à fragmentation. Il

4 a dit et je le cite ici : "Une bombe à fragmentation est une bombe

5 conventionnelle qui ne contient pas d'agent chimique si ce n'est les

6 explosifs conventionnels. C'est une bombe qui contient exclusivement des

7 explosifs conventionnels." Je pense que c'est ce qu'il a dit en substance.

8 J'ai oublié de citer la page du compte rendu d'audience, il s'agit de la

9 page 24 048, et la précédente était 24 045.

10 La question qui était posée : "C'est une bombe qui est conçue pour créer le

11 maximum de dégât ?"

12 Réponse : "C'est le cas de toutes les bombes.

13 Question : " Notamment, c'est le cas d'une bombe à fragmentation. Ce serait

14 un crime de guerre que de projeter une telle bombe sur un hôpital ?"

15 Réponse : "C'est absolument clair que ce serait un crime de guerre."

16 Ensuite, sur la vidéo, il y a eu un enregistrement de l'hôpital à Vecici et

17 sur la bombe qui est tombée dessus.

18 Pour vous confirmer la supériorité écrasante de la VRS, j'en ai parlé hier,

19 par rapport aux fusils de chasse et l'arsenal limité dont les Musulmans et

20 les Croates disposaient en 1992. A la page

21 24 029, la question suivante était posée à Jokic : "Il est exact qu'en 1992

22 ou en 1993, en fait, pour toute la durée de la guerre ou la plupart de la

23 guerre, l'ABiH n'avait pas de force aérienne ? Réponse : "Pas une force

24 aérienne de ce type, mais selon mes informations, elle disposait de

25 certains avions de loisir légers adaptés pour en faire de petits chasseurs.

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1 Le type d'avions dont nous disposions dans l'armée de la Républika Srspka

2 et dont nous disposons toujours n'était pas le type dont ils disposaient,

3 ils n'en avaient pas à l'époque, et ils n'en ont pas maintenant."

4 Question : "Vous avez hérité, vous la VRS, avez hérité de la force aérienne

5 de la JNA, n'est-ce pas ?"

6 La réponse a été : "Oui." Lorsqu'on envisage la question de la crédibilité

7 des témoins, Monsieur le Président, c'est le témoin qui a détruit ses

8 carnets militaires, les carnets militaires après les accords de Dayton en

9 1995 qui, notamment, auraient fait apparaître les dates auxquelles, selon

10 lui-même, il a participé aux réunions de la cellule de Crise. C'est un

11 homme qui a dit également être proche de Stevandic, et que son invitation à

12 la cellule de Crise provenait de M. Dubocanin.

13 Voilà maintenant, espérons que le système fonctionne, je voudrais passer au

14 meurtre, cela vient de M. Nasic. C'est un extrait assez long, mais je pense

15 que cela vaut la peine.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je voudrais savoir si vous vous êtes

17 assurée que ce n'était pas à huis clos, huis clos partiel que certaine des

18 dépositions ont été faites dont nous montrons, à présent, les

19 enregistrements.

20 Mme KORNER : [interprétation] Oui. Cette vérification est effectuée.

21 Est-ce qu'on pourrait projeter la vidéo ?

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

24 "Pourriez-vous nous expliquer ce qui s'est passé à ce moment-là ?

25 Au moment où nous sommes tombés dans le bus, nous avons vu qu'il y avait

Page 25248

1 beaucoup de soldats armés. Nous sommes montés dans le bus ou on nous a fait

2 monter dans le bus quel que soit l'expression que vous voudriez utiliser.

3 Ils ont même jeté les cadavres dans le bus. Je me trouvais au bout, au fond

4 du bus. Ils étaient avec nous. Lorsque tout a été prêt le bus a démarré

5 empruntant une direction inconnue pour nous. Tout de suite, après le

6 démarrage du bus, un des soldats nous a demandé si nous voulions nous

7 rendre à Kuleva [phon]. Ensuite, il nous a fait chanter des chansons à eux,

8 dont les paroles disaient que la Serbie était petite et les gardes du

9 général Draja [phon]. Le bus a poursuivi vingt minutes je ne sais plus très

10 bien avant de s'arrêter.

11 Je ne sais pas combien il y avait d'hommes en armes à bord du bus, mais ils

12 sont descendus. Pendant que l'un d'entre eux, avec son fusil PAP se tenait

13 debout près de la porte, à côté du siège du chauffeur, il nous a dit de

14 sortir par groupes de trois. Après que nous sommes descendus du bus, dix ou

15 quinze secondes plus tard, nous avons entendus des coups de feux. Après les

16 coups de feux, il appelait d'autres personnes par leurs noms, jusqu'à ce

17 que notre tour vienne. On m'a appelé par mon nom, ainsi que deux jeunes

18 hommes qui m'accompagnaient. Au moment de descendre du bus, j'étais le

19 troisième du groupe, les deux premiers à être descendus se sont,

20 immédiatement, couché à côté du bus. J'étais troisième à descendre. Je

21 m'attendais à entendre les coups de feux, mais il y avait quelque chose

22 d'autre qui se passait car, quand j'ai revu, plus tard, les deux jeunes qui

23 étaient en ma compagnie ce soir-là, lorsque nous descendions, ils ont brisé

24 la fenêtre et sont sortis du bus, en sortant un par la fenêtre, ce qui fait

25 qu'ils ont attiré l'attention sur eux. Les soldats en armes se sont lancés

Page 25249

1 à leur poursuite car quatre ou cinq d'entre eux se sont échappés du bus et

2 se sont dispersés. Quatre d'entre eux ont réussis à fuir, mais parmi eux,

3 seul deux sont encore en vie. Si bien que, lorsque je suis sorti du bus,

4 j'attendais la rafale. Etant donné que les deux autres sont tombés à côté

5 du bus toute suite, j'ai trébuché, j'ai enjambé les corps de ceux qui

6 avaient été emmenés, qui avaient été tués avant cela. Comme il y avait un

7 petit creux, je me suis couché sur les corps, un creux qui faisait deux ou

8 trois mètres de profondeur, je ne me souviens plus très bien. Je me suis

9 couché parmi ces corps.

10 Dans l'intervalle, des coups de feux ont été tirés en direction des

11 fugitifs. Le calme est revenu. Les auteurs des coups de feux sont revenus

12 vers la porte. Je ne pouvais pas les voir, comme je me trouvais dans ce

13 creux, dans ce trou, en position couché, mais c'est l'image que je m'en

14 suis fait dans ma tête. Celui qui était devant, à côté de la porte, c'était

15 sans doute lui. Il a dit : 'Il y en a trois qui sont en vie et qui sont

16 sortis.'

17 Tout cela se passait en pleine nuit. Je ne sais plus exactement quand, mais

18 pendant la nuit, 20, 21, 22 heures, je n'en sais rien, mais c'était la

19 nuit. Cet homme a dit qu'il y en avait qui étaient encore en vie. Ils ont

20 utilisés leurs torches électriques, à l'aide de cette lampe, ils ont

21 éclairés les corps et la zone ou ils se trouvaient.

22 Il a dit : 'Putain de sa mère, celui-là est encore en vie. Ensuite, j'ai

23 entendu une rafale. Il est arrivé la même chose à l'autre homme. Ils

24 éclairaient, ils utilisaient leur lampe électrique pour éclairer l'endroit,

25 ce qui était suivi par une rafale.'

Page 25250

1 En même temps, ceux qui avaient été sortis du bus avant cela, et qui

2 avaient été touchés par un des balles, ne mourraient pas toute suite. On

3 les entendait gémir. Les hommes en armes leur ont tirés dessus. Je me

4 souviens les avoir entendu dire : 'Regardez ces guerriers, ils ont des

5 coeurs de pierre.'

6 Ce terme de guerrier était appliqué à eux, et j'ignore ce qu'ils voulaient

7 dire par là, car mon -- ils n'ont pas été arrêtés, comme soldats. Ensuite,

8 ils ont insulté leur mère musulmane en

9 disant : 'Regardez-les, ils ont des cœurs de pierre.'

10 Ensuite, est venu mon tour. Il a pris la lampe électrique, et éclairé

11 l'endroit. Etant donné que j'étais couché sur le ventre, j'ai senti la

12 lumière au-dessus de ma tête. A ce moment-là, cette personne a à nouveau

13 juré et a dit : 'En voilà un autre qui est encore en vie.' Veuillez

14 m'excuser. Il a pris son arme, ensuite une rafale. A nouveau avec la lampe

15 électrique, il a balayé l'endroit, et encore une rafale. L'opération a

16 continué jusqu'à ce qu'il tombe à court de munitions. Après la troisième

17 rafale, une voiture est arrivée. L'un d'entre eux, a dit qu'il fallait

18 utiliser les phares de la voiture pour éclairer tout l'endroit, car il y en

19 avait encore d'autres qui étaient encore en vie. Comme c'était un trou, il

20 ne pouvait pas être éclairé par les phares de la voiture. Il a pu encore

21 tirer deux rafales.

22 Après ces cinq rafales, il s'est trouvé à court de munitions, et a demandé

23 un pistolet. Quelqu'un le lui a donné. Il a tiré à deux ou trois reprises

24 autour de lui, et a à nouveau éclairé l'endroit où je me trouvais, à l'aide

25 de sa torche électrique. Il a pris le pistolet, et a tiré à nouveau, à une

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1 ou deux reprises en éclairant à nouveau l'endroit de sa torche. Pour la

2 énième fois, insulter ma mère.

3 Il a dit : 'Ce type n'est pas normal, il respire encore.' Un soldat, un

4 homme en uniforme ou quelqu'un qui était assis à côté, qui appartenait à

5 l'escorte qui était sur le bus et qui a tué ces gens, l'un d'entre eux, lui

6 a dit plusieurs fois que plus personne n'était en vie, que tout le monde

7 avait été tué. Il a insulté cet homme. Ils se sont mis à entonner leur

8 chant de guerre, qui dit que la Serbie est petite, et cetera. Ils sont

9 retournés dans la voiture et dans le bus, et sont repartis.

10 Q. Combien de temps êtes-vous resté là ?

11 R. 15 à 20 minutes."

12 Mme KORNER : [interprétation] Je pense que c'est terminé de toute façon.

13 Il est important que nous vous rappelions la déposition de personne telle

14 que M. Nasic, car les tueries les plus importantes au mont Vlasic, l'école

15 de Grabovica, de Velegici sont imprimées à jamais dans les mémoires de

16 chacun très probablement. Il y a des éléments de preuve qui font état de

17 nombreuses tueries telles que celles qui ont été décrites par cet homme, et

18 ces tueries dont il parlait qui se sont faites à Kipe, Redak et 90 hommes

19 ont trouvé la mort, des civils non armés qui ont été tués par les

20 militaires. Cette déposition corroborait les éléments de preuve provenant

21 de l'exhumation de Redak dont vous avez entendu parler par M. Sebire, et

22 vous avez eu les documents. Je pense que lorsque nous avons effectué la

23 visite de sites, je pense que vous vous souvenez avoir vu cet endroit.

24 Voilà pour ce qui est des éléments de preuve relatifs aux tueries. C'était

25 également la municipalité de Prijedor. Pour ce qui est des passages à

Page 25252

1 tabac, je vous rappellerai la déposition de

2 M. Biscevic de Sanski Most, étant donné que c'est un extrait très court.

3 [Diffusion de cassette vidéo]

4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

5 "Il m'a mis les menottes. 'Mets ces menottes derrière son dos, et serre-les

6 plus possible.' Comme j'ai une stature assez épaisse, cela me faisait du

7 mal. Je suis un costaud. C'était assez difficile pour moi. A mon retour,

8 deux soldats m'ont emmené vers ce verger, m'ont confisqué mes papiers. Je

9 les avais ici. Ils m'ont fouillé, vidé mes poches, pris mon argent, mon

10 permis de conduire, et ils ont commencé à me battre. Je ne sais pas combien

11 de temps ce passage à tabac a duré, sans doute longtemps. Tout ce que je

12 sais c'est que j'ai brisé les menottes.

13 Lorsqu'ils ont constaté cela, que les menottes étaient brisées et que je

14 n'étais plus capable de poser une quelconque résistance. Il n'est pas

15 nécessaire de faire une pause. Ils ont pris de la corde et m'ont attaché

16 les mains devant moi. Ils m'ont dit : 'Ecris.' Je ne savais pas quoi

17 écrire. Après un certain moment, il a pris un pistolet scorpion, m'a frappé

18 sur l'oreille et il m'a dit : 'Il faut que tu lises.' On m'a emmené vers la

19 ville au centre de Radiophonie.

20 Q. Avant de passer à ce centre radio, lorsque vous avez été passé à tabac

21 dans le verger par ces soldats, vous avez dit que les menottes étaient

22 brisées. Comment vous passaient-ils à tabac, à mains nues, avec des

23 bâtons ? Je sais que c'est pénible, mais est-ce que vous pourriez nous

24 décrire un petit peu.

25 R. Ils avaient une matraque de service, des bâtons et on m'a passé à tabac

Page 25253

1 avec les deux. On me frappait sur la tête, sur les reins, sur les jambes,

2 devant, dans les reins. Je ne sais pas si la traduction est correcte.

3 Q. Vous avez été frappé sur l'oreille à l'aide d'un pistolet, est-ce que

4 c'est exact ?

5 R. C'était Basara. Il ne m'a pas frappé. Il a tiré avec son scope. Il a

6 dit : 'Voilà ce qui t'attend toi et ta famille, si tu ne lis pas.' Je ne

7 sais pas ce qu'il a voulu dire par là, 'si tu ne le lis pas.'

8 Q. On vous a dit d'écrire. Est-ce que vous saviez quoi écrire sur cette

9 feuille qu'on vous tendait ?

10 R. Il m'a dit : 'Ecrit.' Il m'a laissé là quelques minutes. A son retour

11 il n'y avait rien. Je ne savais tout simplement pas quoi écrire. Je ne

12 savais pas dont il s'agissait, ce que l'on me demandait d'écrire."

13 Mme KORNER : [interprétation] Je devrais vous rappeler également que M.

14 Biscevic a été emmené de force à la radio pour faire cette annonce. Je ne

15 vais pas vous en parler, mais c'est l'émission radio qui a été versée au

16 dossier sous la cote P827.1.

17 J'ai encore quelques enregistrements à vous montrer, Monsieur le Président,

18 mais nous allons avoir la pause.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, 25 minutes. Est-ce que cela vous

20 convient, parce que cela fait trois heures que vous parlez ?

21 Mme KORNER : [interprétation] Oui, 25 minutes c'est bien; plus court ce

22 serait mieux. J'oublie toujours le fait qu'en parlant moins vite, cela met

23 plus de temps.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Merci.

25 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

Page 25254

1 --- L'audience est reprise à 13 heures 03.

2 Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, il existe une deuxième

3 portion de la déposition de M. Biscevic et qui prend les choses sous un

4 angle différent. J'aimerais qu'on le regarde maintenant. Je demanderais au

5 technicien de nous le montrer. C'est très bref.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

7 Mme KORNER : [interprétation] C'est bon.

8 [Diffusion de cassette vidéo]

9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

10 "C'est une introduction. C'est juste pour que vous voyiez ce qui est arrivé

11 à mon fils. C'était au mois de juillet. C'était très, très chaud, les

12 passages à tabac dans betonirka se sont passés 24 heures sur 24, sans

13 arrêt. Il y avait environ 60 personnes qui étaient tout à fait exténuées.

14 On les a fait monter à bord d'un camion qui était baché, et en fait était

15 complètement scellé. Il y avait juste quelques bidons à eau dedans. Ils ont

16 eu une panne de pneu, sur la route vers Manjaca, il y a eu des morts par

17 asphyxie.

18 Une fois arrivé à Manjaca, il y avait 18 personnes décédées à bord de ce

19 camion et 4 qui montraient encore quelques signes de vie. Une fois qu'ils

20 sont arrivés à Manjaca, on les a fait descendre des camions et on a

21 commencé à les appeler par leur nom.

22 Pendant qu'on faisait cela, personne ne descendait des camions, ils sont

23 allés voir à l'intérieur pourquoi personne ne descendait et c'est à ce

24 moment-là, qu'ils ont vu beaucoup de corps -- de cadavres. Ils étaient pris

25 de panique. Ils ont appelé Megosa Banovic [phon], un docteur, pour qu'il

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1 vienne vite. Le commandant, lui aussi, s'est précipité à cet endroit,

2 lorsque les gardes ont vu ce qui s'était passé, ils ont commencé à appeler,

3 est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui peut aider, apporter des soins à ces

4 gens.

5 Mon fils, Edin, qui était à bord d'un autre camion et où il n'y avait pas

6 de problème d'air, et ils avaient suffisamment d'air pour respirer. C'est

7 quelqu'un qui avait un peu d'expérience pour pouvoir aider les gens, les

8 soigner. Il y avait un autre homme aussi, et ils ont donné les premiers

9 soins. Ils leur ont donné de l'eau. Ils les ont aidé à retrouver la

10 respiration. Il y a eu quelqu'un qui a dit : 'Je n'accepterai pas qu'il y

11 ait des morts ici, emportez-les.' On les a remis dans le camion avec les

12 quatre autres qui avaient retrouvé leurs esprits depuis, et on a donné à

13 mon fils un bidon de 20 litres d'eau pour asperger les visages de ces gens

14 d'eau.

15 Il y a trois ou quatre mois, à Sanski Most, on retrouvé 18 de ces corps et

16 le corps de mon fils n'était pas là avec les corps des cinq autres hommes

17 montés à bord de ce camion. Je ne sais pas ce qui est advenu d'eux. Si ce

18 Tribunal ou qui que ce soit d'autre, y compris M. Talic, peut nous aider à

19 les retrouver, je leur en serais très reconnaissant."

20 Mme KORNER : [interprétation] La deuxième séquence que je voudrais que l'on

21 voit concerne(expurgé). Je voudrais que l'on commence tout de suite. La

22 Chambre sait parfaitement pour quelles raisons la Défense n'a pas contre-

23 interroger sur les détails de ce qui est arrivé à ces gens. Je voudrais que

24 l'on visionne à présent cette séquence vidéo.

25 Excusez-moi, j'ai mal prononcé le nom. Ce n'était pas (expurgé)

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1 (expurgé)

2 [Diffusion de cassette vidéo]

3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]"Slobodan Dubocanin, et il y avait aussi un

4 Zdravko, qui était vraiment bâti comme un sportif. Du moins, c'est

5 l'impression que j'en ai eue depuis mon bord. A l'époque, je pense qu'il

6 avait une trentaine d'années.

7 Q. [inaudible]

8 R. Je crois qu'il avait un teint ou des cheveux claire, du moins pour

9 autant que je m'en souvienne.

10 Q. Lorsqu'il est rentré dans la pièce, que s'est-il passé ?

11 R. Très brièvement, il m'a demandé d'où je venais, qui j'étais, pourquoi

12 j'ai été arrêté, et il a commencé à m'interroger, parce qu'apparemment, je

13 n'avais pas fourni les bonnes informations à Zdravko. On m'a posé une série

14 de questions, encore une fois, et Monsieur le Président, j'ai essayé du

15 mieux, de répondre à ces questions, mais indépendamment des questions que

16 je donnais [sic], ils n'étaient pas satisfaits, et ils se remettaient à me

17 frapper.

18 Q. Comment vous ont-ils battus ?

19 R. Ils m'ont battus avec des coups de poings, des coups de pieds,

20 quelqu'un a dit qu'il fallait pas me frapper à la tête, je ne sais pas qui,

21 et j'ai eu l'impression qu'il y avait parmi eux un sportif, parce que j'ai

22 reçu des coups très violents à la poitrine et au dos, et je souffrait

23 beaucoup, la douleur était très forte.

24 Q. L'un de ces hommes, était-il armé ?

25 R. Oui, deux d'entre eux. J'ai remarqué qu'il y en avait deux qui étaient

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1 armés, Slobodan Dubocanin, et Dule Vojcic. Zdravko était assis de l'autre

2 côté et je n'ai pas pu voir s'il avait une arme ou non.

3 Q. Après cet interrogatoire par Slobodan Dubocanin, quand ils ont

4 commencés à vous assigner des coups, est-ce qu'ils vous ont fait autres

5 choses ?

6 R. Oui. A un moment, Slobodan Dubocanin a sorti son pistolet qu'il m'a

7 montré, et il a dit -- il a commencé à tourner le varier (sic), et il a dit

8 qu'il voulait vérifier ma chance. Il a pointé le pistolet sur ma tempe, et

9 je m'attendais à ce qu'il appuie sur la gâchette. Je ne savais pas si

10 c'était un jeu, si c'était une tactique dont il se servait pendant

11 l'interrogatoire.

12 En tout cas, je l'ai pris très sérieusement, et à ce moment-là, tout c'est

13 arrêté pour moi - le temps, c'est arrêté, tout simplement, et j'ai vu

14 défiler toute une série d'images de ma vie, ma vie passée, et j'étais très

15 confus, je ne comprenais plus ce qui était en train de m'arriver. J'ai

16 entendu un déclic, c'est à ce moment-là, comme si je me réveillais. Mais

17 Slobodan Dubocanin a tiré un couteau à ce moment-là, et il a posé a côté de

18 mon œil droit, et il a poussé ma tête vers l'arrière, et j'ai éprouvé une

19 telle douleur que j'ai perdu connaissance, et je pensais que j'avais perdu

20 un œil, que cet œil ne faisais plus parti de moi. Cette douleur a été

21 tellement vive que je me suis évanoui. Je n'avais plus du tout conscience

22 de ce qui se passait.

23 Je subis toujours les séquelles de cela. J'ai toujours les problèmes de vue

24 avec mon œil droit.

25 Par moment, je vois en double, et à cause de tous ces coups qui m'ont été

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1 assenés, j'ai quasiment perdu la vue à mon œil droit, je ne voyais

2 quasiment plus rien de l'œil droit. Mais je vois quand même un petit peu,

3 et si je veux voir, distinguer quelque chose, il me faut cacher cet œil de

4 la main pour pouvoir voir.

5 J'ai ressenti de la douleur partout, dans tout mon corps. Je ne pouvais pas

6 remuer mes mains, mes bras, ou mes jambes, et j'étais comme paralysé."

7 Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, à présent, je souhaite

8 montrer quelques brèves séquences de destruction, et vous rappelez

9 simplement un certain nombre de photos. Tout d'abord, je voudrais que l'on

10 visionne une vidéo, qui vous permettra de voir Kozarac, comment était

11 Kozarac en 1992, lorsque la chaîne ABC news est arrivée dans la ville.

12 C'est la pièce P1511.

13 [Diffusion de cassette vidéo]

14 Mme KORNER : [interprétation] Pour ce qui est des photos qui ont été prises

15 par Charles McLeod en août, et début de septembre 1992, se sont des photos

16 qui concernent la zone de Prijedor et Kozarac. Si j'ai encore des problèmes

17 avec Sanction, je vais demander que l'on place ces photos sur le

18 rétroprojecteur.

19 Il s'agit des pièces P842.2, P842.3, P842.4. Pour résumer, les photos dans

20 les cotes sont 842.2 jusqu'à 842.7, j'aurais besoin de l'aide de

21 l'Huissier.

22 J'ai envie de commencer avec la photo P842.2, s'il vous plaît.

23 [Une photographe est montrée à la Chambre]

24 Mme KORNER : [interprétation] La photo suivante, s'il vous plaît.

25 [Une photographe est montrée à la Chambre]

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1 Mme KORNER : [interprétation]La photo suivante, s'il vous plaît.

2 [Une photographe est montrée à la Chambre]

3 Mme KORNER : [interprétation] Enfin, les photos point 6 et point 7, s'il

4 vous plaît.

5 [Une photographe est montrée à la Chambre]

6 Mme KORNER : [interprétation] Je pense que c'est le tracé de la frontière.

7 C'est autre chose. Merci.

8 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, puis-je revenir à présent à la

9 vidéo que j'ai voulu montrer précédemment ? Probablement la qualité du son

10 n'est-elle pas excellente, mais nous avons un exemplaire. Il s'agit de la

11 pièce P510.

12 [Diffusion cassette vidéo]

13 Mme KORNER : [interprétation] Ce n'est pas la bonne séquence. J'y

14 reviendrai plus tard, plutôt demain.

15 Ce qui m'amène à la question des camps. Monsieur le Président, je ne pense

16 pas que l'on ait besoin de vous rappeler davantage la visite que Paddy

17 Ashdown a rendu à Manjaca, ou la visite de Penny Marshall à Omarska et

18 Trnopolje. Je pense que ceci est très frais encore dans votre souvenir.

19 Pour ce qui est des photographies qui ont été prises par le Dr Merdzanic de

20 sang dont ont été éclaboussés les murs, les personnes qui ont été passées à

21 tabac, les personnes ou la personne. Cependant, nous pourrions peut-être

22 juste jeter un coup d'œil sur les vidéos, ou la séquence vidéo P2727,

23 puisqu'il s'agit d'une vidéo très récente. Au début, vous vous rappellerez

24 que toutes les personnes, lorsqu'elles décrivaient Manjaca, disaient qu'on

25 les a forcés à marcher la tête baissée, qu'ils n'avaient pas le droit de

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1 regarder les gardes, que ceci a beaucoup frappé les anciens officiers, M.

2 McLeod et M. Mayhew. Je voudrais que l'on visionne le début de cette

3 séquence.

4 [Diffusion de cassette vidéo]

5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

6 "Oui, nous avons pris en charge ces gens. Il n'y a pas eu d'infections, de

7 blessures. Je suis originaire de Prijedor. Je travaillais au sein de

8 l'état-major municipal de la Défense territoriale jusqu'au 20 avril. J'ai

9 été arrêté le 8 mai. J'ai passé 25 jours à Gradiska et depuis, je suis ici

10 à Manjaca.

11 Q. Quelles sont les conditions dans lesquelles vous vivez ici ?

12 R. Pour ce qui est des conditions, c'était une --"

13 L'INTERPRÈTE : Observation de la cabine : C'était une portion de la bande

14 audio de la séquence.

15 Mme KORNER : [interprétation] Les interprètes n'ont pas eu la transcription

16 de ce texte. Je reviendrai à cela, Monsieur le Président, demain. Je

17 voulais tout simplement vous rappeler l'aspect de ces hommes qui se

18 trouvaient à Manjaca.

19 Il ne fait aucun doute pour moi, que vous vous rappelez parfaitement quels

20 sont les éléments de preuve qui vous ont été présentés au sujet des

21 conditions qui prévalaient non seulement dans les camps les plus importants

22 tels qu'Omarska, Keraterm ou Manjaca, mais aussi dans les camps de taille

23 plus petite, Betonirka ou Sanski Most. Les différents postes de police qui

24 ont été utilisés dans les différentes zones et les types de conditions qui

25 prévalaient à ces endroits, sont quelque chose que vous connaissez

Page 25261

1 parfaitement.

2 Permettez-moi de m'assurer maintenant que les séquences que j'ai montrées

3 ne concernent pas les dépositions faites à huis clos. Malheureusement,

4 beaucoup de dépositions que nous avons entendues au sujet des meurtres les

5 plus importants, les survivants de ces meurtres, ces dépositions ont été

6 faites à huis clos. Je suis certaine que vous allez reparcourir les

7 éléments de preuve qui nous ont été fournis par les survivants de ces

8 passages à tabac et en particulier, le massacre d'environ 80 hommes sans

9 arme devant l'école de Velegici, le massacre d'entre 150 et 200 hommes sans

10 arme dans le village de Biljani, de Kljuc et Velegici. Kljuc, comme la

11 Défense l'a signalé à juste titre, est l'endroit où se sont déroulés des

12 crimes graves, très graves.

13 Le massacre d'un groupe d'entre 150 à 200 hommes sans arme, dans le camp de

14 Keraterm, du mois de juillet 1992, fait partie de ces crimes. Le meurtre

15 d'environ 120 hommes sans arme, le 5 août, à Keraterm. Le massacre du mont

16 Vlasic qui concerne environ 150 à 200 victimes, hommes sans arme. Encore

17 une fois, le 21 août, cela s'est passé le 21 août, c'étaient des hommes de

18 Prijedor. Vous vous rappellerez comment est cette zone. Enfin, l'un de ces

19 crimes qui a été commis à l'école Grabovica, le massacre de cette école

20 décrit par M. Nasic, où encore une fois, il y a eu à peu près 200 hommes

21 sans arme qui ont été tués, début novembre.

22 Bien entendu, c'était après la création de la cellule de Crise. C'est un

23 processus qui a commencé bien avant, qui a commencé en octobre 1991, qui a

24 connu une escalade tout au long de l'année 1992. Nous affirmons que vous

25 pouvez être certains qu'il n'y a aucun doute que ces passages à tabac et

Page 25262

1 que ces meurtres allaient se poursuivre jusqu'à ce que l'objectif recherché

2 soit atteint.

3 Le fait qu'il y ait eu des meurtres ne fait pas objet de contestations.

4 Lorsqu'on se penche sur l'échelle de ce crime, et lorsqu'on voit qui sont

5 les victimes, il ne s'agit pas seulement d'hommes ou d'hommes en âge de

6 combattre, il s'agit également de personnes âgées, de bébés, comme par

7 exemple, pour ce qui est des meurtres au garage de Hrustovo. Vous vous

8 rappellerez peut-être, puisque vous vous êtes rendu sur les lieux, vous

9 vous rappellerez l'endroit où se trouvait l'école de Velegici, mais où elle

10 n'est plus. Vous savez quel est le cimetière qui a pris sa place.

11 Je vous prie maintenant de regarder simplement une photographie qui a été

12 prise à cet endroit. Je sais que vous avez vu l'endroit, le site. J'ajoute

13 simplement qu'on n'a pas retrouvé de corps à cet endroit, que les corps ont

14 été exhumés à d'autres endroits, et ils ont été réenfouis à un moment

15 ultérieur. L'image n'est pas tout à fait claire, mais vous voyez qu'il y a

16 une des pierres tombales qui concerne M. Arif Pasic, qui est né en 1912,

17 qui est mort en 1992. Il avait 80 ans. Je vous remercie, Monsieur

18 l'Huissier.

19 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous avons entendu des

20 dépositions au sujet des viols. Dans leur ensemble ces dépositions ont été

21 données à huis clos en application de

22 l'Article 92. Je voulais tout simplement donner lecture de la déposition du

23 témoin BT-33 qui a déposé et des déclarations de BT-71, BT-74 et BT-75.

24 J'attire votre attention tout particulièrement sur la déposition de ce

25 dernier témoin.

Page 25263

1 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, le fait que dans leur ensemble

2 ces événements se sont reproduits sur le territoire de ces 13

3 municipalités, comme le montre les éléments de preuve, à notre sens, si

4 l'on s'appuie sur notre expérience, sur le bon sens, n'auraient pas pu se

5 produire par coïncidence, par hasard, ou ne pouvaient pas être le fait

6 simplement des activités des municipalités renégates qui agissaient de

7 manière autonomes. Ceci n'a pas pu se produire sans qu'il y ait de

8 coordination, sans qu'il y ait de plans et d'instructions données. Nous

9 vous demandons de bien vouloir vous reporter à la déposition de Bratunac-

10 19, une des dépositions sans doute les plus importantes de ceux qui

11 venaient de l'extérieur de cette zone, qu'on a appelé les témoins

12 internationaux, page du compte rendu d'audience T20635 à T20637.

13 De plus, je souhaiterais vous inviter à vous reporter à la chronologie qui

14 a été préparée à votre intention, un tableau chronologique qui vous indique

15 à quel moment, quel événement a eu lieu, dans quelle municipalité. Ceci

16 figure à la page 28 et 29 plus particulièrement. C'est trop court pour le

17 mettre sur le rétroprojecteur. L'ampleur de cette opération nécessitait une

18 coordination active entre la police, l'armée et les autorités politiques.

19 C'était nécessaire. Cela a effectivement été le cas. Cette coordination, ce

20 contrôle ont été assurés par les autorités régionales dirigées par Radoslav

21 Brdjanin.

22 Maintenant, faisons-nous une idée visuellement de l'application de ce plan.

23 Pour ce faire, nous avons préparé des cartes qui nous indiquent les

24 différents types de destruction qui ont touché la région. Commençons par

25 les sites d'exécution. Première pièce, c'est la P2650. Sur cette carte,

Page 25264

1 nous avons des points rouges et des points bleus, qui nous indiquent les

2 sites d'exécution en rapport avec les camps. On peut comprendre pourquoi la

3 Défense insiste sur le fait qu'il s'agissait de municipalités renégates,

4 parce que c'est à Prijedor, Sanski Most et Kljuc qu'ont eu lieu le plus

5 gros des atrocités. Kotor Varos n'y apparaît pas. On voit également la

6 municipalité de Novi, Bosanski Novi.

7 Passons maintenant à la carte suivante. Il s'agit d'une carte sur laquelle

8 figure les sites d'exhumation, pièce P2648, afin de vous donner une petite

9 idée de la difficulté qu'a représentée la récupération de ces corps. Comme

10 vous le savez, aujourd'hui encore, M. Biscevic nous l'a dit il y a quelques

11 instants, encore aujourd'hui, il y a de nombreux cadavres que l'on n'a pas

12 retrouvés. Nous l'avons indiqué dans notre mémoire en clôture. Nous avons

13 indiqué le nombre de corps qui ont été retrouvés et dans quel site. La

14 question à laquelle il n'en a pas encore donné une réponse, peut-être la

15 question la plus importante, c'est de savoir où se trouvent les corps des

16 hommes qui ont été tués à l'école de Grabovica. Merci.

17 Examinons rapidement, maintenant, la pièce P2649 qui nous indique où se

18 situait les camps. Vous pouvez voir que dans toutes les municipalités sans

19 exception, ou plutôt à une exception près, celle de Celinac, j'y reviendrai

20 demain, on trouve des camps. Une fois encore, c'est à Prijedor que l'on

21 trouve le plus de camps. Merci.

22 Passons maintenant à la pièce, dernière pièce dans cette série, P2647, qui

23 nous donne une idée de la destruction des édifices religieux ou des dégâts

24 causés à ces édifices. On voit qu'aucune municipalité ne fait exception.

25 C'est à Banja Luka que les destructions sont les plus importantes. En 1992,

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1 ces édifices n'ont subi que de légers dégâts. On comprend bien pourquoi le

2 Dr Kaiser, lorsqu'il a déposé, pourquoi cet expert a parlé de démarche

3 généralisée, de destruction généralisée systématique. Merci.

4 J'allais dire quelques mots au sujet du génocide, mais je parlerai de

5 génocide demain. Je voudrais plutôt avant d'en arriver à M. Brdjanin, lui-

6 même, parler de la propagande.Afin de persuader les Serbes de la rue de la

7 soi-disant menace que faisait peser sur eux leurs voisins croates et

8 musulmans, puisque jusqu'en 1991, tout le monde cohabitait en bons termes,

9 il fallait faire en sorte que la machine de propagande soit lancée, sans

10 faire l'objet d'aucune déposition de la part de la propagande qui venait de

11 la population croate et musulmane. Il fallait également faire en sorte que

12 ces proclamations soient diffusées.

13 Nous avons dit que les éléments de preuve présentés montrent qu'au sein de

14 la région autonome de la Krajina, l'accusé Brdjanin ainsi que ses acolytes,

15 le Dr Vukic, le SDS, et cetera, ont été les fers de lance de cette

16 stratégie, la stratégie qui consistait à prendre le contrôle des médias.

17 Nous avons déjà parlé de la prise de contrôle du relais de Kozara par le

18 groupe de Veljko Milankovic. Le témoin BT-19 nous a dit que cela a entraîné

19 des modifications considérables dans les programmes. Puisque maintenant on

20 ne recevait plus des programmes de Sarajevo, mais de Belgrade et de Novi

21 Sad.

22 Le 6 mars 1992, lors d'une conférence de presse, Vukic a fait une

23 déclaration au sujet de radio Banja Luka, en insistant sur le fait que "la

24 politique éditoriale à ce jour, ne servait pas suffisamment les intérêts du

25 parti au pouvoir, qu'il convenait d'y apporter des modifications aussi

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1 rapidement que faire ce peu."

2 Une dizaine de jours plus tard, il a déclaré que radio Banja Luka devait

3 faire des reportages depuis le champ de bataille tous les jours.

4 Vous vous souviendrez que nous avons parlé des événements de Banja Luka et

5 de la radio de Banja Luka assez longuement. La Défense, dans sa réponse

6 page 2, nous dit : "Que rien n'indique que la cellule de Crise de la région

7 autonome de la Krajina ou que Brdjanin lui-même ait donné des instructions

8 aux stations de radio." Si on interprète ces instructions de la manière

9 suivante : il faut que Banja Luka fasse ceci ou cela, effectivement c'est

10 vrai. Mais il faut savoir que dès le début, la cellule de Crise a rendu des

11 conclusions, a donné des instructions au sujet des médias.

12 Par exemple, le 6 mai 1992, il est dit, je cite : "Les médias dans la

13 région autonome de la Krajina doivent fournir un maximum d'information." Je

14 dois préciser que tout ce que je vais citer maintenant vient du journal

15 officiel, pièce P227.

16 Le 8 mai 1992, il est dit, je cite : "A l'avenir les médias de la Krajina

17 doivent fonctionner conformément à un programme de guerre." Si on vous

18 explique de quoi il s'agit : "Ce qui signifie qu'ils doivent le plus

19 rapidement possible informer tous les citoyens de tous les ordres, de

20 toutes les décisions rendues par l'état-major de guerre de la RAK."

21 Le 18 mai 1992, parce qu'on pouvait bien en fait donner des ordres, mais il

22 faut que la technique suive, à ce moment-là, on peut lire, je cite : "Télé

23 Banja Luka doit envoyer immédiatement des techniciens pour procéder à la

24 maintenance du relais de Vlasic." Ordre direct ici à la station.

25 Ensuite le 4 juin, on annonce la mise en place de la radio et télévision

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1 Krajina. Nous avons beaucoup de documents qui viennent de la gare de Banja

2 Luka, lapsus lingue de Mme Korner, il s'agit en fait de la station de

3 radio. Nous avons beaucoup de documents y affairant qui nous montrent qu'on

4 a donné lecture des décisions comme c'était demandé, en plus de ce qu'on

5 voyait dans les journaux. Pourquoi ? Parce que nous avons les copies des

6 décisions de la cellule de Crise annotées par les journalistes de la radio,

7 qui indiquaient qui devaient lire quoi.

8 Les cellules de Crise municipales ont également joué un rôle dans la mise

9 en place des instructions reçues par la RAK au sujet de ce qui devait être

10 diffusé à la radio. A Petrovac, le 18 juin 1992, pièce 1834. On indique

11 clairement le type d'émissions qui doivent être diffusées. Si on

12 s'intéresse à la nature exacte de la propagande, on peut tirer bénéfice de

13 l'examen de la pièce 1811. On voit qu'on diffuse une annonce qui commence

14 de la manière suivante : "Vous, les Serbes et tous ceux qui se tiennent

15 debout en Krajina, luttons contre la vague fasciste. Nos maisons, nos

16 villes, nos villages sont à nouveau détruits, sont à nouveau incendiés.

17 Nous luttons contre les fascistes oustachi et islamistes."

18 Il est manifeste que c'est une stratégie puisqu'il faut absolument, si on

19 veut convaincre son peuple qu'il est attaqué, le terroriser, lui faire

20 peur, lui faire croire que des ordres oustachi et des ordres de fascistes

21 islamistes sont là, prêts à attaquer. Ceci afin de persuader la population

22 de participer ou de d'approuver les crime qui vont être perpétrés. Les

23 stations de radio sont absolument indispensables pour diffuser les

24 ultimatums, les proclamations relatives à la reddition soit des

25 populations, soit de leurs armes à Kljuc, par exemple, lors d'incidents de

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1 Pudin Han. On l'a vu quand on a donné l'ordre à Omer Filipovic de se

2 rendre, alors qu'il était allé négocier.

3 Pièce P928, radio Kljuc, 29 mai 1992. Miracle de la technique, ceci

4 apparaît à l'écran. Il s'agit d'un des ultimatums qui ont été lancés, je

5 cite : "Nous espérons que les dirigeants de cette soit disant Défense

6 territoriale musulmane a enfin compris ce qu'elle est en train de faire, et

7 qu'il s'agit d'un véritable suicide politique de son peuple. En d'autres

8 termes, il s'agit d'un crime qui est perpétré contre son propre peuple avec

9 l'attaque de la patrouille de police," et cetera, des actes complètement

10 inutiles, et cetera, et cetera.

11 Le Journal Glas est peut-être le seul journal qui n'a pas toujours fait

12 preuve de servilité envers ses maîtres politiques. Ceci est peut-être dû au

13 fait que M. Mladjenovic, qui en était le rédacteur en chef, avait été un

14 député de la RAK ou de l'assemblée de la RAK. Il avait participé à la prise

15 de Kozara. Il évoluait dans les instances dirigeantes. Il connaissait tous

16 ces hommes. Mais même lui, est allé trop loin. En mars 1992, il a écrit un

17 article intitulé, "Tout le pouvoir vient de Dieu." Ceci on le trouvera à la

18 pièce P482 du dossier. Dans cet article, il a déclaré "qu'il n'avait aucune

19 intention de publier le journal du SDS, sauf dans la mesure où cela

20 garantirait le respect mutuel entre tous les peuples." Si bien que le 7

21 juillet, la présidence de Guerre de Banja Luka a licencié Mladjenovic."

22 Le 11 juillet 1992, Glas a publié un article relatif à une conférence de

23 presse donnée par Brdjanin et Kupresanin ainsi que sur une autre conférence

24 de presse donnée le même jour, par le conseil municipal du SDS, qui avait

25 trait à la mise à pied de M. Mladjenovic. Il a déclaré à cette occasion

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1 qu'il s'agissait là d'une décision de la cellule de Crise de la RAK,

2 confirmée par l'assemblée municipale de Banja Luka. Le 17 juillet 1992,

3 lors d'une séance de l'assemblée municipale, ici encore on reprend les

4 informations données par Glas. Radic a confirmé qu'effectivement la

5 décision d'origine, la première décision avait été prise lors d'une séance

6 de la présidence de Guerre de la RAK. Les pièces à conviction concernées

7 sont P498 et P2696. M. Radic a donné des éléments d'information qui ont un

8 rapport un petit lointain avec cette question, mais qui ont quand même un

9 rapport. Vous vous souviendrez qu'il y a eu une longue discussion au sujet

10 du procès-verbal, du fait qu'on ne tenait pas procès-verbal, de ce qu'il

11 disait lors des réunions de l'assemblée municipale et de ce qui avait trait

12 à la cellule de Crise de la RAK.

13 Nous y reviendrons quand on parlera du rôle de M. Brdjanin dans tout cela.

14 Ce que nous disons, c'est qu'il a joué un rôle important en défendant les

15 objectifs des dirigeants serbes. Ceci non seulement du fait des décisions

16 qu'il a prises à la tête de ces diverses organisations mais du fait des

17 discours incendiaires qu'il a prononcés. M. Radic nous a déclaré, je cite :

18 "En tant que député, en tant que président de la cellule de Crise, il avait

19 l'accès aux médias, à la télévision, aux journaux, à la radio." Ceci, on

20 retrouvera à la page 22 308 du compte rendu d'audience de la déposition de

21 M. Radic.

22 Dans notre mémoire en clôture, nous avons ajouté la mention suivante, nous

23 avons ajouté la précision suivante, qui est : qu'il avait accès uniquement

24 aux médias, parce que les médias faisaient l'objet d'un contrôle stricte,

25 était sous la coupe des dirigeants serbes qui en usaient comme bon leur

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1 semblait. La Défense a répondu à cela, page 2, en nous disant que partout

2 dans le monde, les hommes politiques ont accès aux médias même s'ils ne les

3 contrôlent pas. Certes, cela semble frapper au point du bon sens, et que

4 parfois certains hommes politiques ont accès aux médias et que c'est

5 injuste. Ce n'est pas la question ici. Il est possible qu'ailleurs les

6 hommes politiques aient accès aux médias ou non. Or, la cellule de Crise

7 principale et les cellules de Crise municipales ont pris toute une série de

8 décisions, de toutes sortes d'ordres pour se débarrasser des rédacteurs en

9 chef des journaux qui ne leur convenaient pas, ainsi que des rédacteurs en

10 chef des chefs de télévision si ceci ne leur convenait pas.

11 D'ailleurs, cela ne concernait pas uniquement. Je vois que l'heure tourne,

12 mais il y a encore deux documents que je souhaiterais vous présenter. J'en

13 parlerai demain lorsque je viendrai au rôle joué par M. Brdjanin, lui-même.

14 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite

15 simplement vous informer du fait que, même si les deux jours à venir sont

16 réservés pour la Défense, du fait du retard que nous avons pris dans nos

17 débats hier, nous accordons la première heure et demie de demain à Mme

18 Korner. Je souhaitais, simplement, vous le signaler.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, mais est-ce que le reste du

20 temps alloué, vous suffira ?

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, je pense que cela suffira.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Depuis hier, les Juges de la Chambre

23 ont débattu du fond de vos deux requêtes. La requête aux fins de

24 suppression ou du retrait du mémoire en clôture de l'Accusation et la

25 requête aux fins de suppression de l'annexe C. Nous rendrons une décision à

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1 cet effet dès demain, au moment du début de l'audience. Nous pensons utile

2 de vous faire connaître la nature de ces décisions afin que vous soyez

3 préparée, Madame Korner, parce que vous en terminerez de votre

4 réquisitoire, et vous, Maître Ackerman, parce que vous allez commencer. Nos

5 décisions seront rendues verbalement. Nous essayons d'économiser, au

6 maximum, les ressources qui sont à notre disposition et préférons faire

7 travailler nos collaborateurs à un certain nombre d'autres questions

8 afférentes à cette affaire. Nous allons rejeter les deux requêtes, je vous

9 le signale d'ores et déjà. Cependant, nous ferons état des motifs qui ont

10 guidé notre décision et d'autre part, nous commenterons certaines de vos

11 allégations et l'impact de vos allégations et de vos arguments selon la

12 Chambre de première instance. Enfin, vous avez une idée de la situation

13 d'ores et déjà.

14 Madame Korner.

15 Mme KORNER : [interprétation] J'imagine que tout cela ne se passera

16 qu'après le réquisitoire et la plaidoirie.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non. Non, vous allez en terminer de

18 votre réquisitoire et ensuite il y aura la Défense.

19 Mme KORNER : [interprétation] Non, non. Non, parce que vous m'avez mal

20 comprise. Vous allez donner votre décision après nos interventions ?

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, non, non. Dès le début de

22 l'audience de demain mais je ne veux surtout pas vous priver du temps qui

23 vous est imparti.

24 Mme KORNER : [interprétation] Merci. Justement, c'est ce que j'allais dire.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, justement, c'est cela qui importe.

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1 Je veux simplement que vous sachiez où nous allons, quelle sera la nature

2 de notre décision. Finalement, peu importe quand cette décision sera rendue

3 oralement, ce sera demain à un moment donné pendant la journée. D'accord ?

4 Merci. L'audience est suspendue jusqu'à demain.

5 --- L'audience est levée à 13 heures 52 et reprendra le mercredi 21 avril

6 2004, à 9 heures 00.

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