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1 Le mercredi 17 juin 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
7 présentes dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.
8 Madame la Greffière d'audience, veuillez appeler l'affaire, je vous prie.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il
10 s'agit de l'affaire IT-02-54-R77.5-T dans la procédure ouverte contre
11 Florence Hartmann.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
13 Je voudrais que les parties se présentent, en commençant par l'Accusation.
14 M. MacFARLANE : [interprétation] Bruce MacFarlane, je suis le Procureur
15 amicus curiae du Canada. J'ai avec moi et pour toute la déposition et les
16 audiences Mme Lori Ann Wanlin du Canada.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
18 Je souhaiterais que la Défense se présente.
19 M. KHAN : [interprétation] Je suis Me Karim Khan, accompagné de Me
20 Mettraux. Nous représentons les intérêts de Mme Florence Hartmann,
21 accompagnés de notre assistance juridique.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que nous ne commencions à
23 entendre à nouveau le témoin, je souhaiterais signaler le fait que mon
24 ordinateur ne semble pas branché. Puis-je obtenir de l'aide ?
25 Bonjour, Monsieur Joinet.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais juste vous rappeler que
28 vous êtes toujours tenu de respecter la déclaration solennelle que vous
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1 avez prononcée au début de votre déposition en vertu de laquelle vous aviez
2 indiqué que vous alliez dire la vérité, toute la vérité, et rien que la
3 vérité. Je vous remercie.
4 LE TÉMOIN : LOUIS JOINET [Reprise]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur MacFarlane.
6 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Contre-interrogatoire par M. MacFarlane : [Suite]
8 Q. [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Joinet.
9 Hier, vous aviez indiqué quelle était votre expérience lors de la
10 préparation de plusieurs rapports, et il est manifeste que vous avez joué
11 un rôle important pour ce qui est des préparatifs de ces rapports pour ce
12 qui est de l'évolution de l'analyse d'un certain nombre de questions que
13 l'on retrouve dans ces rapports; et parmi ces rapports, nombreux ont été
14 présentés par les Nations Unies. En fait, d'après ce que je comprends,
15 c'est que ces rapports ont abouti à un résultat concret globalement ou
16 partiellement. Mais je dirais que ces rapports ont emporté une contribution
17 à la pensée de l'époque dans ce domaine. Mais nous pouvons dire qu'en règle
18 générale, ces rapports ont été parfois adoptés, mais parfois ils n'ont pas
19 été adoptés.
20 R. En ce qui concerne mes propres rapports, ils ont toujours fait l'objet
21 d'une adoption. Comme je l'ai indiqué hier, la phase décisionnelle c'est
22 les recommandations : soit elles sont rejetées, soit elles sont adoptées.
23 Recommandations de prendre telle initiative, nommer un rapporteur spécial,
24 créer telle structure, ou un tribunal; c'était le cas pour le rapport
25 [inaudible.] Si cette recommandation est adoptée, comme je l'ai dit,
26 l'accessoire sur le principal, par conséquent, comme la recommandation et
27 la conséquence du rapport, le rapport se trouve adopté, disons,
28 implicitement, mais il y a toujours un processus de décider d'adoption ou
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1 pas les recommandations; et c'est lié.
2 Q. Merci. Certains de vos rapports, notamment le rapport précurseur à ce
3 Tribunal, qui a été préparé pendant les années 1990, comme d'autres de vos
4 rapports, j'aimerais savoir si vous avez suivi l'évolution au sein de ce
5 Tribunal depuis sa création au début des années 1990.
6 Est-ce que vous connaissez, par exemple, l'article 77 du Règlement de
7 procédure qui porte sur l'outrage au Tribunal ?
8 R. Je ne le connaissais pas, mais j'en ai pris connaissance la dernière
9 fois que j'avais été convoqué comme témoin par votre Cour et que l'agenda
10 n'a permis de m'entendre. Le Service des Témoins m'avait procuré le
11 Règlement du Tribunal que j'ai lu. Donc je me souviens de cet article qui
12 réglemente le "contempt of court." Oui, la réponse est donc oui à votre
13 question, Maître. Maintenant, je pourrais ajouter que le "contempt of
14 Court," je connais moins bien. N'étant pas de formation de droit anglo-
15 saxon, je n'ai pas de "common-law," je le connais moins par rapport à la
16 même infraction en France qu'on appelle "l'outrage à magistrat." Je me suis
17 aperçu à cette occasion qu'il y avait une assez grande différence entre les
18 deux.
19 Q. Merci. A la suite de la mise au point de l'article 77, une certaine
20 orientation a été déterminée pour ce qui est de l'outrage --
21 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Mettraux.
23 M. METTRAUX : [interprétation] Objection pour ce qui est des questions qui
24 ont été posées. Peut-être que M. MacFarlane pourrait nous dire quelle est
25 la base qu'il utilise, puisque nous n'avons pas parlé de l'article 77.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Objection non retenue. Car vous avez
27 posé au témoin des questions à propos des différentes législations qui
28 régissent ce secteur, et M. MacFarlane fait exactement la même chose.
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1 M. MacFARLANE : [interprétation]
2 Q. Monsieur Joinet, le Tribunal a donc établi une certaine orientation
3 pragmatique pour ce qui est de l'outrage. Est-ce que vous connaissez ce
4 document ? Est-ce que vous avez vu ce document qui vous donne les principes
5 directeurs, donc en matière d'outrage ?
6 R. Je n'ai pas ce document sur table. J'ai lu, si mes souvenirs sont
7 exacts, un extrait qui indique les qualifications qui ont été retenues pour
8 qualifier les faits d'outrage, mais je n'ai pas le document lui-même.
9 Q. Merci.
10 R. Je ne me souviens pas l'avoir vu dans les classeurs.
11 Q. Il y a un certain nombre de décisions rendues soit par la Chambre de
12 première instance, soit par la Chambre d'appel, à propos d'outrage, la
13 notion d'outrage de ces différents éléments, de ce qui doit être établi de
14 ces modalités. J'aimerais savoir si vous avez vu certaines de ces
15 décisions. Je pourrais en mentionner quelques-unes pour voir si cela vous
16 serait utile.
17 Il y a une décision appelée la décision Tadic, T-a-d-i-c; la décision
18 Aleksovski, la décision Brdjanin, la décision Jovic. Avez-vous lu certaines
19 de ces décisions, en avez-vous pris connaissance ? Il s'agit d'observations
20 des Chambres à propos de la nature du délit considéré comme outrage au
21 Tribunal, et ici à ce Tribunal ?
22 R. Je sais, j'ai 75 ans, ma mémoire n'est pas la vôtre, mais je vais
23 essayer de me souvenir.
24 Je crois avoir reconnu cette décision dans l'affaire Tadic, parce qu'il se
25 trouve que quand je présidais la Commission sur la détention
26 administrative, le général Tadic nous a saisis, en invoquant que cette
27 Cour, et c'est le Règlement de procédure qu'il attaquait, aboutissait à sa
28 détention arbitraire. Nous avons donc été amenés pendant six mois à
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1 travailler la question, que le groupe est comme un Tribunal, c'est cinq
2 personnes; il y a un rapporteur, on délibère; je me suis donc intéressé à
3 ce cas. C'est là que j'ai commencé à découvrir la procédure de votre Cour,
4 mais le "contempt of Court," auquel vous faites allusion est postérieur à
5 cette période. J'en ai eu connaissance parce que j'ai continué à
6 m'intéresser à ce cas et encore plus à cette Cour. Mais je n'ai pas le
7 détail du contenu de cette décision, de cette poursuite de "contempt of
8 Court."
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Lorsque vous dites : "Le général Tadic
10 a renvoyé l'affaire auprès de nous," qui entendez-vous par "nous" ?
11 LE TÉMOIN : C'était le groupe créé par la Commission des droits de l'homme,
12 un groupe de travail sur la détention arbitraire que je présidais, dans
13 lequel il y avait M. Laytikama [phon], qui ensuite est parti au Tribunal
14 d'Arusha. Nous étions cinq membres élus par la Commission des droits de
15 l'homme, et vu cette saisine, nous avons rejeté évidemment la demande après
16 une longue étude, mais c'était peut-être aussi une tentative de diversion
17 de la part de l'intéressé.
18 M. MacFARLANE : [interprétation]
19 Q. Monsieur Joinet, l'une des décisions capitales dans ce domaine est une
20 décision concernant Jovic, qui s'épelle J-o-v-i-c, il s'agit d'une décision
21 de la Chambre d'appel. Est-ce que vous vous souvenez en avoir pris
22 connaissance, décision en 2007 ?
23 R. Oui, mais je ne me souviens plus du détail. C'est un nom qui me dit
24 quelque chose de bien avant, du temps de quand j'avais fait mes enquêtes de
25 terrain.
26 Q. Merci. Pour ce qui est de l'évolution depuis les années 1990, et cela
27 sera mon propos, je me demande si une décision de la Cour suprême du Canada
28 a été portée à votre connaissance. Il s'agit d'observations faites à propos
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1 de l'importance de ce Tribunal et ce à un niveau international. Alors
2 j'aimerais vous donner lecture d'un extrait de cette décision de la Cour
3 suprême du Canada, décision de l'année 2005, vous me direz si vous avez des
4 observations à faire à ce sujet, si vous en avez été informé.
5 Voilà ce que stipule la décision suprême, il s'agit d'une décision unanime
6 prise par huit personnes, huit sur huit donc :
7 "Depuis 1994, un ensemble important de jurisprudence internationale a émané
8 du Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie et du Tribunal
9 international pour le Rwanda. Ces tribunaux ont produit un ensemble de
10 jurisprudence qui permet d'examiner les sources, l'évolution et
11 l'application du droit international coutumier. Par les décisions du TPIY
12 et du TPIR, bien que ces décisions plutôt ne soient pas contraignantes, la
13 compétence de ces tribunaux pour ce qui est du droit international
14 coutumier suggère que leurs constatations et leurs conclusions ne doivent
15 pas être minimisées ou considérées de façon légère par les tribunaux
16 canadiens qui mettent en vigueur les dispositions législatives nationales.
17 M. METTRAUX : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde à cette
18 question et afin d'aider le conseil d'ailleurs, est-ce que M. MacFarlane
19 aurait l'amabilité de fournir la référence de l'affaire, la question qui a
20 été étudiée, notamment pour ce qui est des définitions de crimes et de
21 délits qui correspondent à la principale juridiction de ce tribunal ou
22 compétence du tribunal. Nous en serions extrêmement reconnaissant.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez citer cela ?
24 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui, tout à fait. Il s'agit de l'affaire
25 Mugesera, M-u-g-e-s-e-r-a contre le Canada, je pense qu'il s'agit d'une
26 citation neutre, c'est à cela que je faisais référence, il s'agit d'une
27 décision très longue. Je vous ai donné lecture du paragraphe 26, cela a été
28 émis en 2005 par la Cour suprême du Canada. La référence papier est la
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1 suivante, rapport de la Cour suprême du Canada de l'année 2005, page 100.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle était la question en question ?
3 M. MacFARLANE : [interprétation] Il s'agissait de crimes de guerre. Il
4 s'agissait d'étudier les éléments du délit qui devaient être établis et
5 déterminés conformément à la législation nationale. Il s'agissait d'une
6 affaire appelée Finta, F-i-n-t-a, et le tribunal a dû reconsidérer la
7 décision Finta. La cour en question a pris en considération les décisions
8 de ce tribunal et a conclu fondamentalement que leur décision préalable
9 était erronée au vu des décisions et de l'orientation de ce Tribunal et du
10 Tribunal du Rwanda. Il faut savoir que vous pourrez trouver les
11 informations à propos de cette affaire sur internet. Il semblerait que nous
12 pourrions envoyer un courriel à ce sujet au conseil très rapidement, mais
13 je vous dirais que vous pouvez utiliser ce lien, décisions de la cour, qui
14 englobe tous les pays.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Mettraux.
16 M. MacFARLANE : [interprétation] J'aimerais alors soulever une objection
17 par rapport à la pertinence. Car il se trouve que je connais une de ces
18 affaires, Monsieur le Président, et je parle véritablement au pied levé
19 parce que nous n'avons pas reçu d'exemplaire de ce document, mais je crois
20 comprendre que le passage qui a été lu par M. MacFarlane est la citation
21 qui a été faite par M. MacFarlane relève de la définition de crime contre
22 l'humanité. Je crois comprendre que dans ce contexte, la Cour suprême du
23 Canada a effectivement fait une référence aux définitions et aux évolutions
24 qui se sont produites, mais je pense, et mon confrère pourra me corriger si
25 je m'abuse, qu'il n'y a pas de référence à la notion d'outrage dans ce
26 contexte.
27 M. MacFARLANE : [interprétation] J'aimerais juste indiquer la base à partir
28 de laquelle je pose la question. Je vous accorde le fait qu'il ne s'agit
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1 pas d'une affaire d'outrage, mais tout simplement il y a eu un certain
2 nombre de développements, d'évolutions importantes depuis le début des
3 années 1990 qui ont leur importance et qu'il faut absolument comprendre
4 puisqu'il a été fait référence à de nombreux rapports hier, mais la
5 situation a évolué depuis et je pense qu'il faut que cela soit pris en
6 considération.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Nous ne retenons pas
8 votre objection.
9 M. MacFARLANE : [interprétation]
10 Q. Monsieur Joinet, est-ce que vous connaissez cette décision de la Cour
11 suprême du Canada en d'autres termes, la Cour suprême du Canada a en
12 quelque sorte avalisé le travail effectué par ce Tribunal-ci.
13 R. Non, je ne la connais pas, en tout cas, tant qu'elle ne m'est pas
14 produite.
15 Q. Monsieur Joinet, une fois de plus, lorsque nous pensons à l'évolution -
16 -
17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
18 M. MacFARLANE : [interprétation]
19 Q. Je disais donc qu'à propos d'évolution, que je souhaiterais attirer
20 votre attention sur les orientations en matière de pratique. Il s'agit
21 d'une orientation émise par ce Tribunal le 4 février 2008. Des exemplaires
22 de cette orientation sont en train d'être distribués aux parties et à la
23 Chambre. Je pense qu'il s'agit de principes directeurs particulièrement
24 bien connus par la Chambre. Une version française est en train d'être
25 distribuée au témoin. Il s'agit d'une orientation en matière de procédure
26 relative à la variation des mesures de protection conformément à l'article
27 75(H) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international qui
28 vise l'accès aux documents confidentiels du Tribunal.
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1 Monsieur Joinet, je vais vous accorder quelques minutes pour que vous
2 puissiez parcourir ce document et j'aurai ensuite des questions d'ordre
3 général à vous poser. Je ne vais pas vous poser de questions précises à
4 propos de passages bien précis, mais j'ai quelques questions d'ordre
5 général à vous poser à propos de ce document.
6 LE TÉMOIN : Puis-je savoir, Monsieur le Président, quel est le passage
7 important que je dois lire, ou la totalité du document ?
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur MacFarlane, disposez-vous
9 d'une copie, d'un exemplaire pour les interprètes. Les interprètes qui vous
10 demande un exemplaire de ce document.
11 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui, oui.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, moi je peux tout à fait
13 remettre ma copie et je partagerai avec mes confrères.
14 M. MacFARLANE : [interprétation]
15 Q. Monsieur Joinet, je réponds à votre question. Vous pouvez tout à fait
16 prendre connaissance de l'intégralité du document qui a une page et demie,
17 mais je pense que la disposition la plus importante est probablement la
18 première disposition qui correspond au titre : "Présentation des requêtes".
19 Donc je vous en prie, vous pouvez lire tout le document, et de toute façon,
20 mes questions ne vont pas porter sur une disposition précise, mais seront
21 de nature plus générale.
22 R. Si vous me permettez, je ne vois pas de titre : "Présentation des
23 requêtes".
24 Q. Ça se trouve en haut de la page 3 dans la version anglaise en tout cas.
25 R. J'ai ce paragraphe. Je m'excuse de prendre du temps avec vous.
26 Oui, c'est le dernier alinéa surtout qui est important, je pense, dans
27 votre esprit ?
28 Q. Bien, nous allons procéder par étape. Le premier paragraphe, donc le
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1 paragraphe numéro 1 est comme suit en anglais :
2 "Une demande présentée conformément à l'article 75(H) du Règlement par un
3 juge d'une autre juridiction ou par des parties d'une autre juridiction
4 autorisés ou avalisés par une autorité judiciaire pour annuler, modifier ou
5 augmenter les mesures de protection qui ont été ordonnées en l'espèce
6 devant le tribunal sera prise en considération par le président de ce
7 tribunal…" et cetera, et cetera.
8 Donc je remarque notamment que cela envisage une demande présentée
9 par une autre juridiction ou par des parties autorisées par une autorité
10 judiciaire appropriée. Voilà ce que j'aimerais que vous envisagiez : dans
11 un premier temps, j'aimerais savoir si vous connaissiez ce document ?
12 R. J'en prends connaissance à l'instant et dans des conditions un
13 peu précaires.
14 Q. Merci. Voilà quelle est ma question : hier, vous avez parlé des
15 victimes, je sais que vous avez rédigé de nombreux articles à ce sujet, que
16 vous avez votre point de vue, que vous avez exprimé votre point de vue à
17 propos du droit des victimes, à savoir à propos de l'aptitude ou la
18 possibilité donnée aux victimes par le biais des mesures de protection.
19 Est-ce que ce genre de mécanisme répondrait à certaines de vos
20 préoccupations et les minimiseraient en quelque sorte ?
21 R. La question est juridiquement très pointue. Si je comprends bien la
22 question, ça revient à dire de manière plus accessible à mon esprit que,
23 est-ce qu'une juridiction autre que la présente cour peut être saisie
24 d'aspect d'un cas, ou en sens inverse, une juridiction autre que la cour
25 peut-elle s'adresser à votre cour, et quelles en seraient les conséquences
26 ? C'est cela, autrement dit, est-ce qu'une victime peut être envoyée devant
27 une juridiction nationale et porter l'affaire de la réparation devant une
28 juridiction nationale ?
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1 Je prends connaissance à l'instant d'un document un peu complexe, donc
2 juridiquement je ne sais pas, très précisément la question si vous pouviez
3 me la répéter très précisément ? A supposer que je puisse répondre par
4 "oui" ou "non", si vous voulez bien la re-formaliser ?
5 Q. Merci, Monsieur Joinet. Alors au vu du libellé du premier paragraphe où
6 il est indiqué qu'une demande peut être présentée par une partie dans une
7 autre juridiction, j'aimerais vous poser la question suivante : si par
8 exemple une victime est en mesure de présenter une demander, une victime
9 dans une autre juridiction j'entends, si elle est à même de présenter une
10 demande pour modifier des mesures de protection qui ont été imposées
11 préalablement par le tribunal, est-ce que cela répondrait à certaines de
12 vos préoccupations eu égard à la possibilité donnée à la victime de savoir
13 ce qui s'est passé, et nous savons à quel point il est important que les
14 victimes sachent ce qui s'est passé ?
15 R. Je crois mieux comprendre. Simplement quand vous demandez une demande
16 vers une autre juridiction, vous voulez dire une autre juridiction
17 internationale, comme la CIJ, ou comme la Cour pénale internationale, ou
18 bien vous voulez dire une autre juridiction, c'est-à-dire canadienne ou
19 française ou une juridiction nationale ? C'est cela qui n'est pas clair au
20 début de la phrase dans mon esprit.
21 Q. La question que je vous pose et à laquelle je souhaiterais que vous
22 réfléchissiez est la suivante : une victime qui fait l'objet d'une
23 procédure ou qui s'inscrit dans une procédure dans une autre juridiction et
24 qui demande des documents à ce Tribunal, et qui présente une demande
25 potentiellement, donc est-ce que ce type de mécanisme justement, est-ce que
26 c'est le genre de mécanisme qui pourrait soulager certaines de vos
27 préoccupations eu égard aux droits des victimes à savoir ce qui s'est passé
28 ?
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1 R. Je vais répondre.
2 Pour donner satisfaction, nous raisonnons au niveau des principes, n'est-ce
3 pas, donner satisfaction a deux aspects que nous avons évoqués, la victime
4 a d'abord et prioritairement droit à la vérité, savoir qu'est-ce qui s'est
5 passé, retrouver un corps, et cetera. Puis ensuite ou en même temps si
6 possible, le droit à réparation. Ce sont deux choses que j'ai bien
7 distinguées. Si la demande consiste, de cette autre juridiction consiste à
8 demander un assouplissement ou la levée de mesures, par exemple, de
9 confidentialité pour obtenir des informations pour satisfaire ce droit à la
10 vérité, si possible la réparation, si cette rédaction, paragraphe 1, le
11 permet, ça donnerait satisfaction à cette mission qui est d'obtenir
12 réparation d'abord par la vérité et si possible également réparation
13 matérielle.
14 Ce qui est d'ailleurs la question que j'ai évoquée hier qui se pose je
15 pense dans la pratique qui a évolué dans la CPI
16 partie civile, donc les droits de la victime ne peuvent pas être satisfaits
17 devant votre Cour sur le plan de la réparation matérielle, elle peut l'être
18 dans la mesure où votre Cour peut établir la vérité.
19 C'est donc une réparation morale qui n'est pas la réparation
20 matérielle. C'est pourquoi risque de se poser si devant une juridiction
21 autre, nationale par exemple, la victime peut faire valoir ses droits,
22 étant donné la confidentialité imposée aux documents qui sont des
23 documents-clés, notamment sur la question du génocide, il y aura
24 effectivement un problème, puisque la victime devant la juridiction
25 nationale a droit à ce que sa cause soit entendue. C'est le fameux principe
26 de la juridiction indépendante et impartiale, entendue équitablement, et
27 qu'elle n'aura pas accès à ces preuves pour faire valoir ses droits devant
28 cette autre juridiction d'où sa démarche sans doute de demander la levée de
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1 cette confidentialité sur les pièces qui lui permettent d'obtenir
2 réparation.
3 En l'état de la rédaction du texte que vous me présentez, je ne pense
4 -- il y a peut-être une ébauche de solution à cette question. Mais il ne
5 semble pas qu'il y ait la solution. Mais peut-être n'ai-je pas encore bien
6 compris la question.
7 Q. Je vous remercie. Je vous remercie de votre réponse. Je pense que le
8 moment est peut-être venu pour que j'aborde un autre thème, un autre thème
9 qui va porter sur le droit de la victime à savoir et l'importance que cela
10 a.
11 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur un document qui, me
12 semble-t-il, vous a été présenté par mon estimé confrère; il fait partie de
13 son classeur. Il s'agit d'un rapport du Conseil économique et social des
14 Nations Unies, en date du 2 octobre 1997, et il figure sur la liste révisée
15 65 ter. Il s'agit de l'intercalaire 95, volume 3 ou 4.
16 M. METTRAUX : [interprétation] Je pense qu'il s'agit peut-être soit des
17 intercalaires 58 et 59 du classeur de la Défense.
18 M. MacFARLANE : [interprétation] Il se peut que je demande l'assistance de
19 mon estimé confrère pour établir le lien entre les différents documents,
20 car je sais pertinemment qu'il y a différents classeurs, différentes
21 listes.
22 Q. Avez-vous le document, Monsieur Joinet ?
23 R. Oui.
24 Q. Merci. J'aimerais attirer votre attention sur le paragraphe 18 de ce
25 document, paragraphe qui se trouve précédé de l'intitulé : "Le droit de
26 savoir."
27 R. Il n'y a pas : "Droit de savoir," c'est : "Droit à la justice."
28 Q. La version anglaise que j'ai, le paragraphe 18, et juste avant le
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15 versions anglaise et française
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1 paragraphe vous avez le paragraphe 17 précédé de ce titre : "Le droit de
2 savoir."
3 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit de la page 5 dans la version
4 française.
5 M. MacFARLANE : [interprétation]
6 Q. J'aimerais vous demander de bien vouloir considérer le paragraphe 18
7 dont je vais vous donner lecture, ensuite nous aurons une discussion à ce
8 sujet. Je cite :
9 "Deux séries de mesures sont proposées à cet effet," donc il s'agit à cet
10 effet visant "Le droit de savoir" :
11 "La première concerne la mise en place en principe à bref délai de
12 commissions non judiciaires d'enquête, car sauf à rendre une justice
13 sommaire - et ce fut trop souvent le cas dans l'histoire - les tribunaux ne
14 peuvent sanctionner rapidement les bourreaux et leurs commanditaires. La
15 deuxième série de mesures vise à préserver les archives liées aux
16 violations des droits de l'homme."
17 Vous vous souvenez de cette déclaration ? Il s'agit d'un rapport que vous
18 avez préparé.
19 R. Tout à fait.
20 Q. J'aimerais vous demander de penser à ce paragraphe par rapport à l'une
21 des observations que vous avez faite hier lorsque vous avez indiqué que la
22 justice internationale était lente. J'aimerais vous demander si vous avez
23 changé de point de vue depuis l'année 1997, et ce, au vu de deux évolutions
24 sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention et j'aimerais à ce sujet
25 obtenir vos observations. Premièrement, il s'agit de ce que l'on a appelé
26 l'enquête portant sur le dimanche sanglant au Royaume-Uni. Il s'agit en
27 fait d'une enquête qui a été diligentée en 1998 avec une commission
28 d'enquête qui a été établie en 1998, 12 ans après son travail n'est
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1 toujours pas achevé. Donc nous avons cette commission d'enquête au Royaume-
2 Uni, cela fait 12 ans qu'elle travaille et nous n'avons toujours pas obtenu
3 de rapport. Est-ce que vous êtes informé de cette enquête au Royaume-Uni ?
4 R. Absolument pas. Je n'ai pas été saisi de situation concernant le
5 Royaume-Uni.
6 Q. Peut-être que je pourrais être un peu plus précis. Nombreuses seraient
7 les personnes qui indiqueraient qu'en matière de commission d'enquête, les
8 deux pays qui donnent le ton sont le Royaume-Uni et le Canada. Est-ce que
9 vous connaissez --
10 M. KHAN : [interprétation] Ecoutez, je m'excuse. Mais il se trouve que je
11 suis assez informé de l'enquête portant sur ce dimanche sanglant.
12 J'indiquerai en fait, enfin, je voudrais vraiment savoir quel est le
13 fondement sur lequel se base mon confrère.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur MacFarlane.
15 M. MacFARLANE : [interprétation] En fait, le site Web de l'enquête qui
16 indiquait que le rapport devait être rendu ou devrait être rendu au début
17 de l'année 2010. Je ne sais pas s'il y a un rapport intérimaire, mais vous
18 avez sur le site Web certains documents, et ce site suggère que le rapport
19 définitif n'a toujours pas été présenté.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
21 M. MacFARLANE : [interprétation]
22 Q. Est-ce que vous connaissez, Monsieur Joinet, ou est-ce que vous avez
23 entendu parler de cette enquête relative à la compagnie Air India au
24 Canada, enquête qui a commencé il y a un certain nombre d'années ?
25 R. Vu les milliers d'enquêtes, je ne peux pas vous répondre sur une
26 enquête canadienne sur un accident d'avion. Je l'ai peut-être lue dans la
27 presse, mais là, la question m'échappe.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Joinet, on ne vous pose pas
Page 337
1 de questions à propos de milliers d'enquêtes. Les questions portent sur des
2 enquêtes bien précises. Donc limitez-vous à l'enquête à propos de laquelle
3 on vous a posé une question.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Si c'est oui ou non, la réponse est non.
5 M. MacFARLANE : [interprétation]
6 Q. Monsieur Joinet, si je devais suggérer à votre intention que ces deux
7 enquêtes ont duré pendant des années et des années sans pour autant que
8 cela ait abouti à un rapport. J'aimerais savoir si cela changerait votre
9 point de vue à propos de la viabilité des commissions d'enquête; et
10 j'aimerais dans un deuxième temps savoir si cela changerait votre point de
11 vue à propos de la viabilité potentielle de tribunaux tels que le nôtre qui
12 devrait régler des questions de façon beaucoup plus rapide que des
13 commissions
14 d'enquête ?
15 R. Non, je ne pense pas que ça fait évoluer mon point de vue. Tout le
16 débat que nous avons eu sur les commissions d'enquête qui sont parties des
17 toutes premières initiatives en ce temps, partaient du principe, qui est
18 développé d'ailleurs dans le rapport, que la justice ne peut pas être
19 rapide parce qu'elle parvient, elle aboutit à des risques d'erreurs, de
20 passion. Je l'ai vécu dans ma jeunesse. Je suis né 1934, je me souviens
21 qu'à la libération de la France, la justice dite populaire a été quelque
22 chose d'atroce. Il y a eu des gens de jugés en trois jours, des gens
23 fusillés, c'est quelque chose qui m'avait beaucoup marqué.
24 C'est pourquoi cette question de : Comment enquêter à chaud ? Il y a un
25 besoin d'investigation, ce que nous avons fait avec M. Mazowiecki. Il est
26 clair que l'enquête avec M. Mazowiecki n'était pas fiable judiciairement,
27 si je puis dire. Il a fallu après qu'une Commission Bassuni [phon] qu'il a
28 mise en forme pour être utilisée par les tribunaux, et cetera.
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1 Mais donc, il faut faire quelque chose, une démarche, on dirait en
2 système juridique, quasi juridictionnelle, mais pas du tout la justice,
3 d'où l'idée des commissions vérité et réconciliation, avec des variantes
4 très importantes. Dans certaines, on ne révèle pas les noms. C'était le cas
5 pour l'Argentine. Dans d'autres, on les révèle, et c'était le cas pour
6 l'Afrique du Sud, avec des procédures différentes l'une de l'autre, mais
7 l'idée, c'est cela. On n'attend pas que la justice soit en mesure de passer
8 parce qu'il faut du temps; donc c'était l'utilité de ces commissions, qui
9 se sont d'ailleurs beaucoup développées.
10 Je pourrais m'étendre longuement, mais elles jouent aussi un rôle de
11 préparation des esprits, car ce qui est très important dans cette question
12 c'est quand on recherche tous la réconciliation. Le but ultime, c'est la
13 réconciliation. Mais je pense qu'avant la réconciliation, qui est presque
14 d'ordre moral, il y a, ce que j'appelle, la conciliation. Il faut arriver à
15 ce que les gens, à un moment, se mettent autour d'une table - c'est une
16 image - mais que l'on puisse progresser dans la recherche de la vérité en
17 commun sous une certaine manière. C'est dans ce sens-là que ces commissions
18 vérité et réconciliation travaillent nécessairement beaucoup plus vite que
19 les tribunaux.
20 Je répète, je ne suis pas du tout favorable à la lenteur de la
21 justice internationale, mais mon expérience de magistrat de cour suprême
22 montre que la véritable recherche de la vérité dans le cadre du travail du
23 juge et du tribunal demande du temps. Voilà donc cette complémentarité que
24 j'ai vécue sur l'ex-Yougoslavie, enquête de terrain avec M. Mazowiecki,
25 ensuite il y a eu la mise en forme juridictionnelle judiciaire par la
26 Commission Bassuni, ensuite les institutions, comme la vôtre, s'en sont
27 emparées.
28 Donc c'est un processus, la justice internationale. Il n'y a pas un
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1 moment où on va pouvoir vite rendre la justice.
2 Q. J'aimerais vous poser une toute dernière question à ce sujet, Monsieur
3 Joinet. J'accepte ce qu'avançait mon estimé confrère à propos du fait que
4 le rapport est présenté ou non. Mais il faut savoir que cette enquête
5 portant le dimanche sanglant existe au Royaume-Uni depuis un certain nombre
6 d'années, pour ne pas parler d'une décennie. A votre avis, est-ce que vous
7 considérez que la vitesse de cette justice, en quelque sorte, est
8 acceptable pour les victimes ?
9 R. Je ne pense pas que quelque victime que ce soit puisse se satisfaire
10 d'une grande lenteur, même d'une simple lenteur. Ça n'est pas satisfaisant.
11 Maintenant, entre l'idéalement souhaitable et le pratiquement possible, la
12 justice internationale essaie d'aller dans le sens du pratiquement
13 possible.
14 Q. Merci. J'aimerais maintenant aborder un autre sujet, Monsieur Joinet,
15 et j'aimerais que nous nous repenchions sur certains des éléments de preuve
16 que vous avez apportés hier.
17 Vous avez, par exemple, parlé de mesures de protection, d'ordonnances
18 confidentielles. Vous avez parlé, par exemple, de situation où
19 l'information que l'on essaye de protéger appartient déjà au domaine
20 public, et je pense que vous avez prononcé les mots de "domaine public."
21 Est-ce que vous vous souvenez de cette partie de votre déposition ?
22 R. Oui. J'avais même cité un cas que j'ai connu dans une affaire
23 d'espionnage, si c'est à ça que vous faites allusion, où le rechercheur qui
24 était suspecté d'avoir remis à un agent soviétique des informations
25 secrètes, mais je l'ai déjà dit hier. Je peux le répéter, mais je ne
26 voudrais pas prendre sur le temps de la Cour. Ils se sont aperçus après que
27 tout avait déjà été publié dans des revues scientifiques, donc c'était du
28 domaine dit public. C'était l'exemple que j'ai cité.
Page 340
1 Q. Merci. Justement à ce sujet, je souhaiterais vous poser quelques
2 questions relatives au concept du domaine public. A partir de quel moment
3 quelque chose fait partie du domaine public, de telle façon que d'aucuns
4 pourraient avancer que la confidentialité n'est plus de mise ou a disparu.
5 En fait, j'aimerais vous présenter toute une série de scénarios et je vous
6 demanderais de faire des observations à ce sujet pour voir si l'on peut
7 justifier cette conclusion suivant laquelle quelque chose appartient au
8 domaine public.
9 Alors voilà le scénario auquel je pense : supposons pendant un moment
10 qu'un tribunal pénal international a rendu une ordonnance, une ordonnance
11 confidentielle, une ordonnance relative à des mesures de protection, et
12 supposons qu'un journal en Indes relate ou écrive un article à propos de la
13 teneur de l'ordonnance et que certains faits soient tout à fait exacts
14 alors que d'autres soient erronés. A votre avis, est-ce que cela fait
15 partie du domaine public, à telle enseigne, que la confidentialité
16 justement a disparu ?
17 R. Dans la terminologie française exacte, on ne dirait pas qu'ils
18 appartiennent au domaine public, mais qu'ils sont rendus publics par une
19 personne peut-être qui est en Indes, je ne sais pas. La nuance domaine
20 public c'est lorsqu'une autorité rend public quelque chose dans un
21 communiqué de presse d'un ministère tandis que là, c'est en réalité une
22 fuite, donc à ce moment-là c'est rendu public. C'est la nuance que j'ai
23 dans ma langue, mais le résultat est le même.
24 Q. A votre avis, le fait que le journal ait consigné de façon exacte
25 certains faits alors que d'autres sont erronés, est-ce que cela a une
26 pertinence ?
27 R. Quel est le mot anglais de "pertinence" ? Est-ce "pertinent" ? Je ne
28 comprends pas le mot "pertinence."
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1 Q. "Relevance."
2 R. Est-ce que cela est "relevant" ? S'il y a des choses vraies et des
3 choses fausses, l'auteur de l'article n'est pas un bon professionnel. Que
4 puis-je vous répondre ? C'est son problème.
5 Q. Oui, mais est-ce que cela a une incidence sur la conclusion, à savoir
6 les mesures de protection de l'ordonnance ont été touchées par cela ? En
7 d'autres termes, le fait que le journaliste a consigné de façon exacte
8 certains faits et d'autres faits de façon erronée, est-ce que cela a une
9 pertinence pour la confidentialité de l'information ?
10 R. A partir du moment où le journaliste a rendu public une information,
11 qu'elle soit fausse ou qu'elle soit vraie, la confidentialité n'existe
12 plus, si c'est le sens de votre question, enfin, tel que je l'entends.
13 Q. Donc pour bien préciser, à votre avis, si un journal, un seul journal,
14 quel qu'il soit, dans un pays absolument éloigné, à l'autre bout de la
15 planète, fait état des mesures de protection avec des faits exacts et
16 d'autres qui ne le sont pas, à votre avis donc, la confidentialité a
17 disparu ?
18 R. Au prima facie, je répondrais oui. Comment une chose qui est publique
19 peut-elle être confidentielle ?
20 Q. Mais est-ce que cela aura des incidences pour l'ordonnance à proprement
21 parler, à savoir le fait que cela ait été relaté ou ait fait l'objet d'un
22 article en Indes, à tort ou à raison d'ailleurs, le fait que l'ordonnance a
23 été délivrée de façon confidentielle, est-ce que cette ordonnance continue
24 à être absolument en vigueur et est-ce que l'information doit continuer à
25 être protégée ?
26 R. Dans ma culture juridique, je distingue bien ce que j'ai appelé hier le
27 contenant et le contenu, et l'ordonnance, elle-même, ne peut pas relever du
28 confidentiel. Une ordonnance, qui va redonner la confidentialité, ne peut
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1 pas être confidentiel; sinon, ça devient une justice secrète. Ce qui doit
2 rester confidentiel, ce sont les documents auxquels l'ordonnance décide
3 d'appliquer la confidentialité. C'est l'exemple que j'ai donné. En France,
4 quand on prononce le huis clos à l'audience, on doit le faire publier en
5 audience publique et en donner les motifs. Bien, c'est pareil. Une
6 ordonnance qui redonne la confidentialité à certains documents, elle-même
7 est nécessairement publique et motivée.
8 Par contre, une fois que cette ordonnance est rendue publiquement, ce sont
9 les faits, les preuves en l'espèce, les documents serbes qui sont couverts
10 par la confidentialité, mais pas l'ordonnance elle-même. Enfin. Dans ma
11 culture juridique.
12 Q. Dans une situation où un journaliste aurait décidé d'écrire un article
13 concernant une ordonnance de confidentialité et, par exemple, rédige un
14 article, un article dans un journal ou un article ou un livre, même, qui va
15 décider si cet acte à proprement parler a eu des conséquences sur
16 l'ordonnance et sur la nature confidentielle de l'ordonnance et sur les
17 mesures de protection qui avaient été décrétées par cette ordonnance ? Qui
18 décide de cela ?
19 R. Dans mon système juridique, dans une telle situation, le procureur
20 prend ou ne prend pas l'initiative d'intenter des poursuites. C'est pas le
21 tribunal, il peut pas être à la fois tribunal et procureur. C'est pas le
22 tribunal qui peut décider qu'il y aura des poursuites. C'est pas du
23 Tribunal qu'est rendue l'ordonnance. Donc dans mon système, pour répondre à
24 votre question, le procureur estime qu'il y a eu violation et c'est à ce
25 moment-là qu'il va saisir la juridiction compétente pour ce que vous
26 appelez le contempt of court qui n'existe pas chez moi. Ce serait plutôt
27 violation du secret d'instruction ou quelque chose comme cela, mais la
28 démarche est la même. Donc pour répondre à votre question : qui va prendre
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1 l'initiative, c'est le parquet. Ça peut pas être le tribunal qui serait
2 juge et partie. Alors ensuite, le tribunal donne suite aux poursuites ou
3 non.
4 C'est bien ce genre de question que vous me posiez ? La réponse est
5 pertinente par rapport à votre question puisque vous m'avez demandé qui va
6 faire la poursuite ?
7 Q. Nous pourrions peut-être regarder cela sous un angle différent. Est-ce
8 que le journaliste peut unilatéralement prendre une décision et considérer
9 qu'une ordonnance n'est plus confidentielle ou est-ce que c'est une
10 décision qui incombe à la cour ?
11 R. Le journaliste, son métier, généralement, est de sortir de
12 l'information. Donc, surtout avec le journalisme d'investigation qui se
13 développe. Donc le journaliste fait son métier. Ensuite, pour savoir si
14 cette information était couverte ou non par la confidentialité, c'est le
15 rôle du procureur de voir s'il y a eu une infraction de commise ou pas.
16 S'il estime qu'il y a une infraction commise, il va saisir - enfin, dans
17 mon pays - le tribunal pour des poursuites contre le journaliste.
18 Q. Donc, en fait, la décision définitive incombe au judiciaire.
19 R. Incombe dans mon système, en tout cas, judiciaire, tribunal de première
20 instance, cour d'appel, cour de cassation qui est la chambre dans laquelle
21 je siégeais, Cour européenne des droits de l'homme, le cas échéant.
22 Q. Donc en d'autres termes, comme cela incombe au judiciaire, on ne peut
23 pas se trouver dans une situation où un journaliste dirait, Bien, je prends
24 la décision que ceci n'est plus confidentiel. Donc ça n'incombe pas au
25 journaliste, ça incombe au judiciaire ?
26 R. Non, le journaliste ne prend pas de décision. Le journaliste, il
27 recueille de l'information. Puis, bon, généralement, c'est extrêmement
28 fréquent que des journalistes sortent des informations qui sont couvertes
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1 par le secret défense. On a un journal, en France, qui s'appelle : "Le
2 canard enchaîne," dont c'est le métier. Alors, il y a des poursuites de
3 temps en temps, d'autres pas. Mais ce n'est pas le journaliste qui va
4 décider. Il fait un acte professionnel, il en prend le risque mais c'est à
5 la juridiction saisie. Si le parquet estime qu'il y a lieu à poursuivre de
6 le faire. Mais c'est ni au journaliste, ni au tribunal. Si le tribunal
7 n'est pas saisi par le parquet, il peut pas s'autosaisir. Il serait juge et
8 partie.
9 Q. Donc en d'autres termes, si j'ai bien compris ce que vous venez de
10 dire, si un journaliste décide de prendre le risque, pour utiliser vos
11 termes, donc de prendre le risque, cela pourrait être référé au bureau du
12 procureur et ensuite, aux décisions judiciaires pour décision; est-ce exact
13 ?
14 R. Il va le livrer au bureau du procureur. C'est au procureur à prendre
15 l'initiative proprio motu. C'est ce qu'on appelle le principe de
16 l'opportunité des poursuites qui est de la compétence du procureur.
17 Q. Merci. Je pense que je vais maintenant passer au point suivant et
18 j'aimerais vous demander un certain nombre de rapports sur lesquels votre
19 attention a été attirée hier.
20 M. MacFARLANE : [interprétation] Le premier étant -- il s'agit du point 79
21 dans le classeur de la Défense. Il s'agit d'une déclaration conjointe.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Par un "point," vous voulez dire
23 "onglet ?"
24 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui, je m'excuse. L'onglet.
25 M. METTRAUX : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à ce document.
26 Nous voulons simplement dire que ce document n'avait pas été utilisé ni
27 montré à M. Joinet dans le cadre de l'interrogatoire principal.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que c'est dans le dossier que
Page 345
1 vous avez fourni ?
2 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, tout à fait. Il s'agit donc de l'onglet
3 79.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
5 M. MacFARLANE : [interprétation] Peut-être pourrais-je vous expliquer un
6 petit peu le fondement pendant que vous cherchez ce document et ce, à
7 l'intention du témoin.
8 Il s'agit d'un document qui fait partie des documents de la Défense et qui
9 s'intitule : "Mécanismes internationaux pour la promotion de la liberté
10 d'expression." C'est une déclaration conjointe du rapporteur spécial des
11 Nations unies sur la liberté d'opinion et d'expression. Le représentant de
12 l'OSCE pour la liberté de la presse et le rapporteur spécial de l'OEA sur
13 la liberté d'expression. Donc les Nations Unies ont participé à travers
14 leur rapporteur spécial sur la liberté d'expression.
15 LE TÉMOIN : Vous ne l'avez pas en français ?
16 M. MacFARLANE : [interprétation]
17 Q. Je ne pense pas qu'il y ait d'exemplaire en français.
18 LE TÉMOIN : Je dois tout lire ou --
19 M. MacFARLANE : [interprétation]
20 Q. Je pense que je vais vous donner lecture de la partie concernée pour
21 vous aider.
22 Il s'agit donc d'une déclaration conjointe, comme je l'ai dit, qui concerne
23 le rapporteur spécial des Nations Unies et deux autres rapporteurs qui se
24 sont rencontrés à Londres en décembre 2002, sous les auspices ou dans le
25 cadre de l'article 19 : "Campagne internationale pour la liberté
26 d'expression." J'aimerais vous demander de vous reporter au bas de la page
27 1, sous l'intitulé : "Liberté d'expression et administration de la
28 justice," "Freedom of expression and the administration of Justice" dans la
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1 version anglaise. On y retrouve une série de points dans ce paragraphe
2 intitulé : "Liberté d'expression et administration de la justice" et je
3 vais vous lire le premier qui vous sera traduit :
4 "Les restrictions particulières concernant les commentaires sur les
5 tribunaux et les juges ne peuvent être justifiées. Le judiciaire joue un
6 rôle essentiel et en tant que tel, doit faire l'objet d'un examen public
7 ouvert."
8 Il s'agit là donc des déclarations générales. Le point suivant que
9 l'on trouve en haut de la page 2 est celui sur lequel je vais vous poser
10 des questions -- en fait, sur les deux suivants d'ailleurs. Celui qui se
11 trouve en haut de la page 2 se lit comme suit :
12 "Aucune restriction sur les rapports concernant les procédures
13 juridiques ne peuvent être justifiées sauf à ce qui est un risque important
14 de préjudice quant à l'équité de ces procédures et une menace, et que le
15 droit à un procès équitable ou à la présomption d'innocence soit menacé et
16 ceci l'emporte sur la liberté d'expression."
17 Q. Donc en s'arrêtant quelques instants sur ce paragraphe, il est dit que
18 : "Il n'y a pas de restrictions sur les rapports sur les procédures
19 juridiques en cours à moins que…" - et l'on vous donne une série
20 d'exceptions - "c'est-à-dire que ceux-là puissent aller à l'encontre de
21 l'équité du procès," "la présomption d'innocence," et cetera. Est-ce que
22 vous êtes d'accord pour dire que, si l'accent dans ce document dans la
23 déclaration conjointe est mis sur le fait qu'il ne devrait pas y avoir de
24 restrictions sur les rapports qui pourraient être faits sur les procédures
25 juridiques, il y a néanmoins des exceptions. Même dans le cadre de la
26 déclaration conjointe, il est reconnu qu'il y a des exceptions à cela ?
27 R. Oui. C'est formulé d'une manière de formuler différente, ce que je
28 crois avoir évoqué hier. Le premier paragraphe c'est qu'en matière de
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1 liberté d'opinion et d'expression, c'est la liberté qui est la règle. Des
2 restrictions sont admissibles, c'est l'exception, toute exception est
3 nécessairement d'interprétation stricte, et les motifs qui sont apparemment
4 donnés ce serait dans l'hypothèse où il y aurait violation du droit à un
5 procès équitable, ou bien atteinte à la présomption d'innocence. Alors
6 c'est toute la difficulté.
7 Est-ce qu'une restriction, qui aura pour objet d'interdire l'accès à des
8 preuves, est-ce qu'on considérait que cette restriction va violer le droit
9 à un procès équitable ? Oui, je le pense. S'il y a des pièces qui ne
10 peuvent pas être connues, comment le procès sera-t-il équitable ?
11 Puisqu'une partie aura les pièces, un pays en cause, par exemple, puis pas
12 la victime.
13 Ou bien porter atteinte à la présomption d'innocence, j'ai le souvenir que
14 quand j'ai témoigné dans le procès de l'Accusation -- l'Accusation du
15 procès des généraux argentins, évidemment il y avait ce problème de ne pas
16 donner certaines informations qui devaient rester confidentielles, mais il
17 me semble qu'à ce moment-là en donnant ces informations il n'y avait aucun
18 risque de violer la présomption d'innocence; sinon, comment voulez-vous que
19 la justice fonctionne ?
20 C'est donc très important de souligner que mes collègues - en tout cas, mon
21 collègue, M. Ligabo - ont finalement transcrit la règle c'est la liberté,
22 la restriction c'est l'exception, et les interprétations strictes. Car ce
23 n'est justifiable que dans deux cas : atteinte au procès équitable et la
24 présomption d'innocence.
25 Q. Merci. J'aimerais maintenant passer au point suivant, le point qui se
26 trouve immédiatement en dessous et qui concerne les sanctions qui
27 pourraient être appliquées du fait des procès juridiques :
28 "Toutes sanctions concernant des rapports sur des procédures juridiques
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1 devraient être appliquées uniquement après audience équitable et publique
2 par un tribunal compétent, indépendant et impartial; la pratique d'une
3 justice sommaire étant appliquée dans des affaires impliquant des critiques
4 des procédures judiciaires est inacceptable."
5 Je voudrais vous demander de lire cela, d'y réfléchir, et ma question est
6 la suivante : est-ce que, même dans une déclaration conjointe portant sur
7 la liberté d'opinion et d'expression, n'est-il pas clair que même dans un
8 cadre comme celui-ci, une sanction est envisagée lorsque l'on fait rapport
9 sur les procédures juridiques dans certaines circonstances ?
10 R. Vous voulez dire que --
11 La sanction dont parle ce paragraphe, ça serait la sanction qu'on
12 chargerait contre un journaliste qui aurait rendu public quelque chose;
13 c'est cela ?
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'est pas nécessaire que ce soit un
15 journaliste. Cela concerne n'importe qui pourrait faire état des
16 procédures.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu.
18 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] -- qu'il fasse d'un procès, ça me paraît le
20 rappel de ce que nous avons dit tout à l'heure, toute la difficulté - et
21 c'est le débat d'hier - c'est de savoir s'il y a une proportionnalité
22 suffisante entre la poursuite et les faits qui sont reprochés. C'est
23 toujours le même principe du droit international. Une dérogation est
24 admissible, mais à condition qu'elle soit proportionnelle par rapport au
25 but à atteindre c'est tout l'enjeu, et c'est le rôle du juge d'apprécier
26 cette proportionnalité.
27 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci.
28 Q. J'aimerais passer à ce que je pense être le document suivant, à
Page 350
1 l'onglet 80 dans le classeur de la Défense, qui s'intitule : "Le conseil de
2 l'Europe, comité des ministres," déclaration. Il s'agit de l'onglet 80, 81
3 en français. Je ne pense pas que nous ayons une version française -- ah si,
4 si, nous en avons une.
5 Monsieur Joinet, je souhaiterais attirer votre attention sur la page 2,
6 l'intitulé qui, en anglais, s'appelle : "Calls on Member States," et en
7 français : "Appelle les Etats membres." Il y a toute une série -- il y a
8 d'abord le préambule dans la déclaration et des attendus, et ensuite les
9 Etats membres sont appelés à faire un certain nombre de choses.
10 J'aimerais attirer votre attention sur le tout premier point concernant
11 l'appel lancé aux Etats membres par les ministres. Est-ce que vous pourriez
12 lire ce premier point, s'il vous plaît ?
13 R. "Appelle," c'est là le paragraphe 1 : "Appelle les Etats membres à
14 encourager les reportages sur cela."
15 Je vous demande une seconde de lecture.
16 Q. Oui, pas de problème. Merci.
17 R. Oui, j'ai terminé la lecture.
18 Q. Merci. Le paragraphe stipule que les ministres appellent les Etats
19 membres à encourager les reportages responsables sur les procédures pénales
20 dans les médias en favorisant la formation des journalistes dans le domaine
21 du droit et de la procédure judiciaire en coopération avec les médias et
22 leurs organisations professionnelles, et cetera. Ce que j'aimerais que vous
23 regardiez ce sont les premiers termes : "A encourager les reportages
24 responsables sur les procédures pénales dans les médias," et la question
25 que je vous pose est la suivante : est-il responsable de la part de
26 quelqu'un réalisant un reportage, dans le contexte dont nous parlons,
27 d'écrire et de divulguer des informations confidentielles ?
28 R. Tel que je le lis dans la version française, ce paragraphe concerne une
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1 question que je connais bien, par ailleurs. Ce que l'on demande aux Etats,
2 c'est d'encourager une bonne formation des journalistes. Pourquoi ? Parce
3 qu'on constate dans beaucoup de pays, y compris dans le mien, que le grand
4 public a de la peine à comprendre comment fonctionne la justice, comprendre
5 les procédures judiciaires. C'est ce qui est écrit dans le texte.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Joinet, nous n'avons pas
7 beaucoup de temps. Donc la question ne porte pas sur l'éducation et sur la
8 formation mais est-ce qu'il s'agit de quelque chose de responsable. C'est
9 sur l'aspect responsable que porte la question. Est-ce que vous pourriez
10 vous en tenir à la question, et répondre à la question aussi directement
11 que possible et succinctement que possible ?
12 LE TÉMOIN : [hors micro] -- le texte qu'on m'a demandé de lire, la réponse
13 c'est, oui, il faut être responsable quand on écrit sur la justice pour
14 aider le public qui comprend mal à comprendre et les intérêts des parties
15 soient mieux saisis. C'est la réponse qui résulte nécessairement de la
16 lecture du texte.
17 M. MacFARLANE : [interprétation]
18 Q. Peut-être pourrais-je reformuler ma question pour qu'elle soit plus
19 précise ?
20 Les ministres ont appelé les Etats membres à encourager les reportages
21 responsables sur les procédures pénales. Ma question est la suivante : est-
22 il responsable de la part d'un ou d'une journaliste d'écrire dans les
23 médias ou de relater dans les médias des informations confidentielles ?
24 R. Ça peut être aussi bien un journaliste qu'une journaliste d'ailleurs,
25 mais le rôle du journaliste est décrire et ensuite, c'est au procureur de
26 dire et de faire des poursuites s'il estime que la loi a été violée. Je
27 reviens toujours au même problème, mais cet alinéa --
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Joinet. Monsieur Joinet,
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1 nous avons déjà parlé de l'Accusation et du fait qu'elle entreprendrait des
2 procédures. La question est de savoir, et c'est une question bien
3 spécifique, est-il responsable de la part d'un journaliste de relater des
4 éléments confidentiels dans les procédures juridiques ? C'est une question
5 très simple et il n'est pas nécessaire d'en dire plus. La réponse c'est:
6 oui, c'est responsable; non, ce n'est pas responsable. Ou bien : je ne sais
7 pas.
8 LE TÉMOIN : Pour répondre d'une manière binaire à la question complexe, je
9 pense que, oui, c'est le rôle d'un journaliste de trouver de l'information.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ce n'est pas la question. La
11 question est la suivante : est-il responsable de relater des éléments
12 confidentiels ? La question n'est pas de savoir quel est le rôle du
13 journaliste.
14 LE TÉMOIN : Lui ne doit pas s'estimer responsable. C'est à la juridiction
15 de décider s'il est responsable ou non. Si le journaliste s'estime
16 totalement lié par tout ce qui est confidentiel, il y aurait une limitation
17 au rôle de la presse tel qu'énormément d'événements mondiaux ne pourraient
18 plus apparaître.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tout à fait. Mais depuis hier, vous
20 témoignez en nous disant que vous avez beaucoup écrit sur ce domaine et
21 tout ce que vous savez sur ce domaine. La question qui vous est posée, en
22 oubliant le côté judicaire, c'est -- est-ce que vous considérez qu'il est
23 responsable d'agir ainsi, étant donné toutes vos connaissances et vos
24 dépositions depuis ces deux derniers jours ?
25 LE TÉMOIN : Si j'étais journaliste, je dis, oui, ce serait responsable,
26 quand on --
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non pas si vous étiez journaliste.
28 Mais vous, là où vous êtes, à votre place, considérez-vous que c'est
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1 responsable ou que cela n'est pas responsable d'agir ainsi ?
2 LE TÉMOIN : C'est-à-dire il faut que je réponde comme si je n'étais pas
3 dans la situation. Moi, j'aurais tendance à dire que c'est responsable. Ça
4 dépend si c'est comme journaliste, comme magistrat, comme avocat. Il n'y a
5 pas de réponse binaire possible.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Mais supposons que vous êtes
7 Louis Joinet, est-ce que Louis Joinet serait considéré comme responsable ou
8 non responsable ?
9 LE TÉMOIN : Responsable, comme étant de l'obligation de le faire, je crois
10 que je le ferais, à partir du moment où je suis dans une situation où la
11 gravité des faits est telle qu'il appartient de mon devoir de les révéler.
12 Puis si on estime que j'ai outrepassé, à ce moment-là, le parquet va me
13 poursuivre. Mais sinon, ça serait encourager à l'autocensure. C'est donc un
14 problème de fond très important.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pensez-vous que le moment est venu de
16 faire une pause ?
17 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc nous faisons une pause et nous
19 reviendrons à moins le quart.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.
21 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur MacFarlane.
23 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Monsieur Joinet, il ne me restait pas beaucoup de questions, quelques-
25 unes simplement. Le premier domaine dans lequel je vais vous poser des
26 questions concerne un document qui vous a été présenté par mon éminent
27 confrère, hier. Cela figure dans le classeur qui a été utilisé hier,
28 Monsieur Joinet, et il s'agit de l'onglet 54.
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1 M. METTRAUX : [interprétation] La version française se trouve à l'onglet
2 55, Monsieur le Président.
3 M. MacFARLANE : [interprétation] Version française, onglet 55.
4 Q. Pour vous resituer un petit peu le contexte, il s'agit du Conseil
5 économique et social et c'est un rapport qui vous a été présenté par mon
6 éminent confrère; il est en date de 1991 et le titre est le suivant :
7 "Examen des faits nouveaux intervenus dans les domaines dont la sous-
8 commission s'est déjà occupée, notamment le droit à la liberté d'opinion et
9 d'expression." Je voudrais attirer votre attention sur le paragraphe -- en
10 fait, sur deux paragraphes qui sont les paragraphes 25 et 26 qui portent
11 sur la question du "contempt of court, outrage à la cour."
12 Est-ce que vous avez le paragraphe 25 sous les yeux, Monsieur Joinet ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous souvenez-vous que mon éminent confrère vous avait lu une partie de
15 ce paragraphe. En anglais, le paragraphe commence par :
16 "Un autre membre a suggéré que le rapporteur approfondisse sa question du
17 'contempt of court,' en vue de réfléchir à une interprétation restrictive
18 de cette notion. Compte tenu de sa portée en tant que mesures restrictives
19 à la liberté, on craint qu'elle ne devienne d'un usage trop courant devant
20 les tribunaux."
21 Mon éminent confrère vous a donc lu cette partie du paragraphe. Mais
22 la phrase suivante est également importante et j'aimerais avoir votre avis,
23 la phrase suivante se lit :
24 "La encore, le temps n'a pas permis d'approfondir cette question."
25 Pouvez-vous nous dire un peu ce que signifie cette phrase ?
26 R. Cette phrase, et j'ai relativement bonne mémoire parce qu'il y a eu
27 d'importants débats, nous avions consulté des collègues de la sous-
28 commission avant même de rédiger le rapport que tel que présenté. Cela a
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1 mis beaucoup de temps au départ et c'était pour essayer de cerner ce dont
2 les deux systèmes juridiques, le "common law" ou droit civil, quelles
3 étaient les différences et quelles étaient les concordances entre, comme je
4 l'ai dit, le "contempt of court," et l'outrage à magistrat, qui est l'autre
5 concept, parce qu'il nous paraissait difficile d'avancer sur cette question
6 sans avoir une connaissance suffisamment approfondie de ces deux cultures
7 juridiques qui tendent au même but mais qui ont des approches différentes.
8 Le "contempt of court" est plus large, si mes souvenirs sont exacts de
9 cette analyse, que le concept d'outrage. Bien. Oui, la question qui s'est
10 posée, le deuxième débat, mais je l'ai déjà indiqué hier, était de savoir
11 si les conséquences juridiques étaient les mêmes selon que les faits
12 reprochés pour le "contempt of court" étaient des faits qui se produisaient
13 alors que l'affaire était en cours, c'est-à-dire tant qu'il n'y a pas eu de
14 décision de jugement définitif, un décès ou une prescription, et cetera.
15 Est-ce qu'on estimait que si les faits dans cette période où la justice n'a
16 pas fini d'être administrée, il y a une différence si les faits qui
17 pouvaient constituer un "contempt of court" survenaient alors que l'affaire
18 était terminée par un jugement définitif, par décès ou par prescription.
19 Car les deux facteurs communs ou du système, c'est que le "contempt
20 of court" existe pour éviter d'entraver le fonctionnement de la justice. En
21 France, c'est déjà plus ad hominem, c'est presque le magistrat qui est visé.
22 Le "contempt of court," c'est la juridiction, son fonctionnement, donc
23 l'administration de la justice.
24 Le débat que nous avions était que si les faits se produisent avant
25 que l'affaire soit close, l'administration de la justice est en cause, mais
26 une fois que l'affaire est terminée, l'administration de la justice par
27 prescription, par condamnation ou hélas par décès, a rempli sa mission. Par
28 conséquent, le "contempt of court" n'a pas la même rigueur une fois que
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1 l'affaire est close que si c'est pendant que la justice s'administre.
2 Tout cela a demandé beaucoup de temps. Nous devions en débattre en
3 séance plénière, et en séance plénière, on n'a pas eu le temps, et donc on
4 a décidé d'en rester là. Il avait été envisagé de nommer un rapporteur ad
5 hoc pour approfondir cette question pour la suite, mais tel n'a pas été le
6 cas parce qu'il y a eu des renouvellements dans la composition de la sous-
7 commission.
8 C'est tout.
9 Q. Merci. Donc lorsqu'à la fin de ce paragraphe il est dit là encore, le
10 temps n'a pas permis d'approfondir ces questions, c'est simplement le fait
11 que les idées exprimées ici sont des points de vue préliminaires et qu'il
12 n'y a pas eu de temps pour une discussion complète.
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. Oui, merci. Concernant maintenant le paragraphe 26, point similaire,
15 hier on a parlé d'une partie de ce paragraphe et le paragraphe se lit comme
16 suit :
17 "Il a été souhaité que l'on s'intéresse plus spécifiquement à la protection
18 des journalistes (qu'ils soient ou non en mission), y compris par la
19 nomination d'un rapporteur spécial."
20 Mais la partie qui n'a pas été abordée hier et je vous demanderais de
21 commenter ce point est la phrase suivante.
22 "Il serait prématuré de se prononcer sur ce point dans le présent rapport…"
23 C'est la même chose, à savoir qu'il était trop tôt pour avoir une
24 discussion complète et pour arriver à une conclusion claire ?
25 R. Oui, c'est ce que cela veut dire. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas
26 eu d'initiative de prise par la suite.
27 Q. Merci. Monsieur Joinet, hier lors de votre déposition, vous avez fait
28 un commentaire à un moment donné, vous avez fait une observation concernant
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1 les objectifs du processus d'inculpation et vous avez dit que ce processus
2 pouvait être efficace de deux façons. Tout d'abord, concernant les
3 punitions et deuxièmement, la prévention. Est-ce que vous vous souvenez de
4 cela ?
5 R. [hors micro] -- international, j'ai parlé du rôle non seulement de
6 sanction, mais de prévention des juridictions internationales, c'est ce
7 dont je me souviens.
8 Q. Mais le point auquel je voulais arriver, c'est que pour ce qui est du
9 processus de sanction, vous y voyez deux dimensions, l'une étant donc la
10 sanction et l'autre, la prévention pour l'avenir.
11 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, si M. MacFarlane
12 souhaite avancer cela comme étant une proposition du témoin, il serait bon
13 qu'il indique la page du compte rendu d'audience à laquelle vous faites
14 référence, parce que nous n'avons aucun souvenir de M. Joinet ayant parlé
15 de cette question. Cette question est celle dont il vient de parler il y a
16 un instant.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur MacFarlane, je ne suis pas
18 sûr de ce qui a été dit il y a un instant par M. Mettraux -- et, Monsieur
19 Mettraux, le témoin lui-même a dit :
20 "Lorsque je parlais du rôle de la juridiction internationale, j'ai parlé de
21 la sanction et du rôle de la prévention dans ce cadre international…" donc
22 le témoin se souvient.
23 M. METTRAUX : [interprétation] La question qui a été soulevée et la réponse
24 qui a été donnée en rapport avec cela, tel que nous le comprenons,
25 concernait le rôle du tribunal, et il a dit qu'il pouvait y voir deux
26 rôles.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais le témoin se souvient. Il peut
28 clairement --
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1 Monsieur Mettraux.
2 M. METTRAUX : [interprétation] Si vous le souhaitez, Monsieur le Président.
3 M. MacFARLANE : [interprétation]
4 Q. Monsieur Joinet, est-ce que l'on peut dire que ce processus de sanction
5 comporte deux éléments; donc d'un côté la sanction, de l'autre côté la
6 prévention ?
7 R. La réponse est oui. La prévention sera d'autant plus efficace que la
8 sanction est assurée, quand il y a évidemment culpabilité. Je me souviens
9 très bien en avoir parlé puisque j'ai donné même un exemple qui s'était
10 produit à la réunion de cabinet du premier ministre à laquelle j'ai
11 assisté, où le chef du cabinet militaire qui rentrait d'une tournée dans
12 Kokaz et les Balkans a dit, mais c'est que les chefs militaires commencent
13 à prendre cela au sérieux et ils commencent à comprendre qu'ils courent des
14 risques. Donc j'ai bien évoqué la question, je peux vous le confirmer, et
15 je m'en souviens très bien.
16 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci. Pour le compte rendu d'audience
17 pour ce qui est des références, nous venons de faire une recherche sur le
18 prétoire électronique, c'est très pratique, il s'agit du bas de la page 287
19 et du haut de la page 288, ce sont là les points auxquels nous faisons
20 référence.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur MacFarlane.
22 M. MacFARLANE : [interprétation]
23 Q. Bien. Les deux objectifs dont vous avez parlé, Monsieur Joinet, je
24 considère que cela s'applique à toutes les formes de conduite pénale
25 alléguée, y compris l'outrage à la cour.
26 R. Sur la prévention ? Oui. Dès lors que c'est proportionné, oui.
27 Q. Peut-on dire en tout équité que dans un cadre d'outrage à la cour, la
28 prévention est importante car cela permet d'envoyer des signaux à
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1 d'éventuels auteurs à l'avenir ?
2 R. Vous voulez bien répéter en français ?
3 Q. Peut-on dire que dans le cadre d'un outrage à la cour, la prévention
4 est importante car cela permet d'envoyer des signaux à des auteurs qui
5 envisageraient d'écrire sur ce point à l'avenir ?
6 R. Oui ça peut s'appliquer, toute la question d'y a-t-il atteinte ou non à
7 la crédibilité de la cour.
8 Q. Non, ma question ne porte pas sur la crédibilité du tribunal, mais
9 plutôt au processus de condamnation. J'aimerais que vous puissiez commenter
10 cela, si dans le cadre d'une condamnation dans une affaire en particulier,
11 étant donné l'aspect préventif, est-ce que la condamnation peut être un
12 signal important pour des personnes qui à l'avenir envisageraient de
13 prendre ce risque.
14 R. Ça joue dans les deux sens. Ça peut être un signal important pour
15 d'autres personnes qui voudraient agir, mais ça peut être aussi un signal
16 désastreux sur la crédibilité de la juridiction. Chaque hypothèse est
17 différente.
18 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci.
19 Monsieur le Président, si vous me permettez quelques secondes pour
20 vérifier mes notes, je pense que j'en ai fini, mais je voudrais vérifier
21 mes notes…
22 Merci, Monsieur le Président, j'en ai terminé avec l'interrogatoire du
23 témoin.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur MacFarlane.
25 Avez-vous des questions supplémentaires, Monsieur Mettraux ?
26 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 Nouvel interrogatoire par M. Mettraux :
28 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Joinet. J'aurais quelques questions
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1 à vous poser dans le cadre des questions supplémentaires. Comme nous sommes
2 quelque peu pressés par le temps, je vous demanderais de répondre de façon
3 aussi succincte que possible, et si vous vous en sentez capable, de
4 répondre simplement par "oui" ou par "non".
5 Vous souvenez-vous hier qu'aux pages 91 et 94 à 95, le Procureur vous a
6 posé des questions sur les conflits de droit. Est-ce que vous vous souvenez
7 de cette question qu'il vous a posée ?
8 Monsieur Joinet, ne vous intéressez pas au compte rendu d'audience.
9 Intéressez-vous à ma question. Est-ce que vous vous souvenez de questions
10 portant sur le conflit des droits qui vous auraient été posées par le
11 Procureur ?
12 R. Oui, je crois que c'est au début de son intervention. C'était une
13 question que j'avais mal saisie d'ailleurs.
14 Q. Vous souvenez-vous également qu'une question vous a été posée portant
15 sur l'importance pour un tribunal de mettre en vigueur une ordonnance ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous souvenez-vous, et il s'agissait de la page 95, Monsieur le
18 Président, du compte rendu d'audience.
19 Vous souvenez-vous qu'une question vous ait été posée concernant les
20 limitations recevables au principe de liberté d'expression ? Vous souvenez-
21 vous de ces questions ?
22 R. Oui. Le terme exact étant "admissible" et non pas "recevable". Il y a
23 une nuance en français en tout cas.
24 Q. Est-ce que vous vous souvenez des questions qui vous ont été posées
25 concernant le principe de proportionnalité, et ceci s'applique à la liberté
26 d'expression. Vous souvenez-vous de ces questions ?
27 R. Tout à fait. Question centrale.
28 Q. Vous souvenez-vous qu'aujourd'hui, il vous ait été demandé de commenter
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1 les diverses décisions de diverses juridictions ? Vous en souvenez-vous ?
2 Le Canada, la Grande-Bretagne, et cetera, vous souvenez-vous de cela ?
3 R. La question a été posée et je n'ai pas pu répondre.
4 Q. Vous souvenez-vous également qu'une question vous ait été posée portant
5 sur les informations du domaine public et la signification de ce fait ?
6 Vous souvenez-vous de cette question qui vous a été posée ce matin ?
7 R. Aucun doute, oui.
8 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, avec l'aide de
9 l'huissier, il y a des documents que nous aimerions distribuer à la Cour,
10 au Procureur et à M. Joinet.
11 Q. Monsieur Joinet, pour vous aider à vous familiariser avec les
12 documents, il y a quatre décisions que j'ai données en français et en
13 anglais. Vous pouvez voir que les 2 et 4 sont les versions en français. Je
14 vous demanderais d'abord de regarder l'onglet 2 de ce document.
15 Il s'agit de l'onglet 1, Monsieur le Président, en anglais.
16 Pour le procès-verbal d'audience, Monsieur Joinet, il s'agit d'une
17 affaire devant la cour européenne des droits de l'homme. Il s'agit de
18 l'affaire de M. Weber contre la Suisse, c'est un jugement du 22 mai 1990.
19 Comme cela est indiqué, il vient de l'ECHR.
20 Avec l'aide de l'huissier, pourriez-vous passer au paragraphe 7 de
21 cette décision ?
22 M. METTRAUX : [interprétation] Est-ce que l'huissier pourrait donner
23 des copies de ces documents aux interprètes, s'il vous plaît, et je
24 m'excuse auprès des interprètes.
25 Q. Monsieur Joinet, est-ce que vous avez le paragraphe 7 de cette
26 décision sous les yeux ?
27 R. Je crois que c'est cela.
28 Q. Si vous regardez le paragraphe 7, vous verrez que M. Weber est un
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1 journaliste suisse qui vient du canton de Vaud, de mon pays; est-ce que
2 vous voyez cela ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que je pourrais vous demander maintenant de vous reporter au
5 paragraphe 13 de cette même décision. Là, je vous demanderais de regarder
6 plus particulièrement la date qui figure dans ce paragraphe. Il est dit que
7 le 2 mars 1982, M. Weber a participé à une conférence de presse où un
8 certain nombre de faits concernant une enquête ont été divulgués; est-ce
9 que vous voyez cela ?
10 R. Oui.
11 Q. Si vous passez au paragraphe suivant dans ce même document, il s'agit
12 du paragraphe 14, il y est dit que le lendemain, le 3 mars 1982, un journal
13 suisse, la gazette de Lausanne, a rapporté les déclarations du requérant;
14 voyez-vous cela ?
15 R. Oui.
16 Q. Si vous descendez maintenant au paragraphe 15 du même document, vous
17 pouvez lire que suite à cette divulgation d'une information judiciaire
18 confidentielle, il y a eu une enquête sur ce qui avait été dit exactement
19 pour violation du secret de l'enquête; est-ce que vous voyez cela ?
20 R. Oui.
21 Q. Le paragraphe suivant de cet arrêt, et je vous demanderais de bien
22 vouloir me croire et s'il y a litige sur ce point, M. MacFarlane pourra
23 soulever ce point. Le paragraphe suivant parle du fait que M. Weber a été
24 poursuivi en justice en Suisse et condamné.
25 Est-ce que je peux vous demander maintenant de passer au paragraphe 49 de
26 ce document. Je vais peut-être vous donner quelques secondes, Monsieur
27 Joinet, pour lire ce paragraphe. Mais est-ce que je peux vous dire et vous
28 pouvez me dire par la suite si vous êtes d'accord ou pas, que l'argument
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1 soulevé par M. Weber devant la cour européenne des droits de l'homme dans
2 cette affaire particulière a été de dire que l'information qu'il avait
3 divulguée était du domaine public et que la condamnation en Suisse allait à
4 l'encontre de sa liberté d'expression conformément à l'article 10 de la
5 convention européenne. Est-ce que vous pouvez me dire si cela va dans le
6 sens de ce que M. Weber indique ici ?
7 R. En particulier l'article 10, que je connais bien.
8 Q. Si maintenant vous passez au paragraphe suivant, ce sont là les
9 requêtes du gouvernement suisse. Là, je vais vous donner lecture de ce que
10 le gouvernement suisse a dit en réponse à ce qu'avançait M. Weber. Ils ont
11 dit ce qui suit :
12 "Argument ne convint pas la cour en raison de la nature formelle du secret
13 visé aux articles 184 et 185 du code. D'après la jurisprudence et la
14 doctrine suisse en la matière, le simple fait de communiquer l'un des
15 éléments d'information d'une instruction judiciaire suffirait pour semer
16 l'infraction; qu'il s'agisse de faits connus auparavant ou de leur
17 notoriété antérieure le rapportant sur leur caractère plus ou moins secret
18 n'entreraient en ligne de compte que pour la fixation du montant de
19 l'amende."
20 Est-ce que vous voyez cela concernant le gouvernement suisse ?
21 R. Paragraphe 50, c'est bien ça.
22 Q. Je vous demanderais maintenant de passer au paragraphe suivant, qui est
23 le paragraphe 51 de ce document. Il s'agit là donc des conclusions de la
24 cour européenne des droits de l'homme dans cette affaire qui stipule, en
25 parlant de la requête du gouvernement suisse :
26 "La cour considère que cet argument ne convint pas la cour. Aux fins de la
27 convention, l'intérêt de garder secret les faits susmentionnés n'existaient
28 plus le 2 mars 1982."
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1 Vous vous souviendrez que cette date, Monsieur Joinet, est la date à
2 laquelle s'est déroulée la conférence de presse. Le paragraphe continue en
3 disant :
4 "A cette date, la sanction infligée au requérant n'apparaissait donc plus
5 nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi."
6 Si maintenant vous voulez bien regarder le paragraphe 52 qui sont les
7 conclusions définitives de la cour concernant l'article 10, il se lit :
8 "Eu égard aux circonstances particulières de la cause, la cour conclut que
9 par sa condamnation à une amende, M. Weber a subi dans l'exercice de son
10 droit à la liberté d'expression une ingérence qui n'était pas, et je cite,
11 'nécessaire dans une société démocratique' à la réalisation du but légitime
12 poursuivi."
13 Monsieur Joinet, pouvez-vous me dire s'il s'agit là d'un exemple ou de
14 l'illustration du rôle de la cour appliquant le principe de
15 proportionnalité dans le contexte de la liberté d'expression et de
16 violation du secret judiciaire; est-ce que c'est là un exemple de cela ?
17 R. Je dirais que c'était un exemple clinique, puisque cela revenait à dire
18 qu'avant le 2 mars le principe de proportionnalité était pertinent, mais
19 qu'à partir du 2 mars, les faits étant rendus publics, il n'y avait plus à
20 se poser la question de la proportionnalité. C'est d'ailleurs la raison
21 pour laquelle le paragraphe 52 dit que ce n'est plus nécessaire dans une
22 société démocratique. Avant, ça l'était; après cette date, non. C'est une
23 illustration comme j'ai dit, clinique du rôle fondamental du principe de
24 proportionnalité ou particulier dans le domaine des restrictions concernant
25 le champ des droits de l'homme.
26 Q. Vous souvenez-vous que le Procureur vous a posé des questions vous
27 demandant si vous étiez au courant de modifications dans le droit
28 international qui se seraient produites, comme l'a dit le Procureur, depuis
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1 1991 et au moment où vous avez publié votre rapport sur la liberté
2 d'expression ? Vous souvenez-vous de ces questions posées par mon confrère
3 ?
4 R. Je n'en avais pas toujours bien saisi le contexte, mais je me souviens
5 qu'elles ont été posées.
6 Q. Je voudrais maintenant vous montrer une décision récente sur ce point
7 en date du 12 novembre 2007, et que vous trouverez dans la liasse de
8 documents que vous avez sous les yeux, à l'onglet 4 pour la version
9 française et 3 pour l'anglais. Là encore, Monsieur Joinet, il s'agit d'un
10 arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme et il s'agit donc d'une
11 affaire Dupuis et autres contre la France en date du 7 juin 2007; est-ce
12 que vous voyez cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Peut-être que pour rappeler le contexte - et je ne pense pas que cela
15 soit remis en question - c'est une affaire qui concerne deux journalistes,
16 M. Dupuis et M. Pontaut, qui ont publié un livre intitulé "Les oreilles du
17 président." Connaissez-vous ce livre, Monsieur Joinet ?
18 R. Oui.
19 Q. Peut-on dire que ce livre est un livre qui a été rédigé par deux
20 journalistes français qui ont mené une enquête sur un programme civil
21 orchestré par le président français de l'époque, M. Mitterrand, et ce dont
22 ils ont parlé dans leur livre c'est plus ou moins le contexte de cette
23 affaire ? Peut-être, pour avancer rapidement, si vous connaissez ce livre,
24 est-il exact de dire que, dans cette affaire -- ou si vous le savez, est-ce
25 que vous savez que ces deux journalistes ont été inculpés par les autorités
26 pour avoir révélé le contenu de documents qui font partie d'une enquête
27 judiciaire confidentielle ? Etes-vous au courant de cela ?
28 R. Oui.
Page 367
1 Q. Etes-vous également au courant du fait qu'une fois inculpés, ils ont
2 été condamnés par les tribunaux français ? Est-ce que vous savez cela, et
3 que leur argumentation, basée sur la liberté d'expression, a été rejetée ?
4 Est-ce que vous êtes au courant de
5 cela ?
6 R. Oui, j'en ai le souvenir.
7 Q. Pourrais-je vous demander maintenant de passer au paragraphe 36 de
8 l'arrêt que vous avez sous les yeux ? Paragraphe 36.
9 La cour dit ce qui suit :
10 "D'une manière générale, la nécessité 'd'une quelconque restriction à
11 l'exercice de la liberté d'expression doit se trouver établie de manière
12 convaincante'."
13 Le paragraphe continue en disant :
14 "Qu'il revient en premier lieu aux autorités nationales d'évaluer s'il
15 existe 'un besoin social impérieux susceptible de justifier ces
16 restrictions,' exercice pour lequel elle bénéficie d'une certaine marge
17 d'appréciation."
18 Est-ce que vous voyez cela ?
19 R. Une seconde, s'il vous plaît. Besoin social impérieux, c'est ce qui est
20 écrit, c'est certain.
21 Q. Il s'agit du paragraphe 36, Monsieur Joinet.
22 Ensuite, la cour continue, en disant :
23 "Dans le contexte actuel de la presse, le pouvoir d'appréciation national
24 se heurte à l'intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir
25 la liberté de la presse.
26 "De même, il convient d'accorder un grand poids --"
27 R. [aucune interprétation]
28 Q. Il s'agit du paragraphe 36, Monsieur Joinet. Page 11, paragraphe 36.
Page 368
1 La cour poursuit, en disant :
2 "De même, il convient d'accorder un grand point à cet intérêt lorsqu'il
3 s'agit de déterminer, comme l'exige le paragraphe 2 de l'article 10, si la
4 restriction était proportionnée au but légitime poursuivi."
5 Je voudrais m'arrêter là une seconde, Monsieur Joinet.
6 Est-ce que cette définition ou cette description est conforme à votre
7 compréhension du principe de proportionnalité auquel vous avez fait
8 référence suite aux questions du Procureur ?
9 R. Tout à fait, d'autant plus que j'étais témoin dans ce procès en France.
10 Q. Merci pour cette information, Monsieur Joinet. Je n'étais pas au
11 courant de cela.
12 Puis-je maintenant vous demander de passer au paragraphe 39 de ce même
13 document. Vous verrez qu'il s'agit de la section qui s'intitule :
14 "Applications au cas d'espèce."
15 Dans la première phrase du paragraphe 39, la cour dit ce qui suit :
16 "La cour observe d'emblée que le thème de l'ouvrage concernait un débat qui
17 était d'un intérêt public considérable."
18 Est-ce que vous voyez cela ?
19 R. Oui.
20 Q. Puis vient un deuxième élément sur ce point au paragraphe 40 et la cour
21 applique cela aux considérations sur les faits et la cour dit ce qui suit :
22 "La cour rappelle que l'article 10, paragraphe 2 de la convention ne laisse
23 guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le
24 domaine du discours politique ou des questions d'intérêt général."
25 Est-ce que vous voyez cela ?
26 R. Très bien.
27 Q. Si vous considérez un autre élément au paragraphe 41, la première
28 phrase, la cour dit ce qui suit :
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1 "La fonction de la presse consiste à diffuser des informations et des
2 idées sur des questions d'intérêt public; s'ajoute le droit pour le public
3 d'en recevoir."
4 Est-ce que vous pouvez voir cela ?
5 R. Oui.
6 Q. Dans le même paragraphe, la cour poursuit en disant ce qu'on appelle le
7 degré d'émotion ou une émotion et un écho particulièrement significatif.
8 Au paragraphe 42, ce sont les mêmes éléments qui ont été pris en compte par
9 la cour pour procéder à l'application au cas d'espèce. Est-ce que vous
10 voyez que la cour parle de l'importance des médias dans le domaine de la
11 justice pénale qui est très reconnue ? Est-ce que vous voyez ceci dans le
12 paragraphe 42 ?
13 R. Oui.
14 Q. Au dernier paragraphe, la cour réitère le même point, à savoir que :
15 "Le public doit être en mesure de recevoir les informations sur le
16 système de justice pénal par le truchement des médias, et que les
17 journalistes, par conséquent, doivent être en mesure d'avoir le droit de
18 pouvoir librement rendre compte du fonctionnement de justice pénal."
19 C'est en haut de la page 14. Est-ce que vous voyez cela ?
20 R. Oui.
21 Q. La cinquième considération que la cour a prise en compte dans le
22 contexte de son arrêt est au paragraphe 43 où la cour stipule que :
23 "Ceux qui exercent une liberté d'expression, y compris les journalistes,
24 assument des 'devoirs et responsabilités' dont l'étendue dépend de leur
25 situation et du procédé technique utilisé."
26 Est-ce que vous voyez cela ?
27 R. Je ne vois pas quelle -- c'est le 43 ? C'est au début ou à la fin du 43
28 ?
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1 Q. Veuillez m'excuser. Il s'agit du paragraphe 43, c'est la première
2 phrase qui commence par "Certes, quiconque," et cetera.
3 Pouvez-vous voir cela ?
4 R. [hors micro]
5 Q. Je vais vous donner quelques secondes pour lire le paragraphe 44. Est-
6 ce qu'il serait juste de dire qu'une autre considération que la cour a
7 prise, en compte pour appliquer le principe de proportionnalité et la
8 nécessité de limitation des droits, est en fait la grande couverture
9 médiatique qui existait à l'époque concernant cette affaire, et le fait
10 également que la cour stipule que : "Cette affaire était déjà de notoriété
11 publique, que G.M. était mis en examen dans cette affaire" ?
12 Donc, je vais vous donner quelques secondes pour lire cet [imperceptible]
13 du paragraphe 44.
14 R. [hors micro]
15 Q. Est-ce exact de dire, Monsieur Joinet, qu'une des considérations de la
16 Cour européenne des droits de l'homme, dans ce contexte, était en fait la
17 très large médiatisation de l'affaire en question; est-ce exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce que je peux vous demander de regarder la dernière phrase de ce
20 paragraphe, Monsieur Joinet ? Il est mentionné :
21 "Dès lors, la protection des informations en tant qu'elles étaient
22 confidentielles ne constituait pas un impératif
23 prépondérant."
24 Vous voyez cela ?
25 R. Oui, on aurait même pu dire qu'il "ne constituait plus un intérêt." Je
26 ne sais pas en anglais quelle est la traduction.
27 Q. Vous voyez un autre attendu de la cour dans l'application à ce principe
28 dans ce contexte. C'est le paragraphe 45, Monsieur Joinet :
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1 "A cet égard, il faut relever que si la condamnation des requérants pour
2 recel reposait sur la reproduction et l'utilisation dans leur ouvrage des
3 documents contenus au dossier d'instruction, et dès lors considérés comme
4 communiqués en violation du secret de l'instruction professionnelle, elle
5 touchait inévitablement la révélation d'informations."
6 La cour poursuit en disant :
7 "On peut toutefois se demander s'il subsistait encore l'intérêt de garder
8 secrètes des informations dont le contenu avait déjà au moins en partie été
9 rendu public."
10 Est-ce que vous voyez ceci ? Ils citent certaines affaires liées à cela.
11 R. [hors micro]
12 Q. Ensuite la cour stipule :
13 "Qu'il était susceptible d'être connu par un grand nombre de
14 personnes, eu égard à la couverture médiatique de l'affaire, tant en raison
15 des faits que de la personnalité de nombreuses victimes desdites écoutes."
16 R. [hors micro]
17 Q. Ensuite on passe au paragraphe 46, à savoir :
18 "La cour estime au demeurant qu'il convient d'apprécier avec la plus grande
19 prudence, dans une société démocratique, la nécessité de punir pour recel
20 de violation de secret de l'instruction ou de secret professionnel des
21 journalistes qui participent à un débat public d'une telle importance
22 exerçant ainsi leur mission de 'chiens de garde' de la démocratie."
23 Est-ce que vous voyez cela ?
24 R. Je ne vois pas. C'est le paragraphe 47 ?
25 Q. C'est le paragraphe 46.
26 R. Quarante-six, excusez-moi.
27 Q. Non, je m'excuse. Il s'agit du paragraphe 46, première phrase.
28 R. Oui, tout à fait.
Page 372
1 Q. Si vous prenez le paragraphe 48, la cour considère ce qu'elle appelle
2 une amende qui est considérée comme relativement modérée, et elle considère
3 également l'effet saisissant que cela pourrait avoir sur la liberté
4 d'expression. Au paragraphe 49, la cour conclut :
5 "En conclusion, la cour estime que la condamnation des requérants s'analyse
6 en une ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d'expression
7 des intéressés, et qu'elle n'était donc pas nécessaire dans une société
8 démocratique."
9 Est-ce que vous voyez cela ?
10 R. Oui.
11 Q. Je vais peut-être vous reposer la même question. Mais pensez-vous,
12 qu'entre autres, il s'agit d'un exemple de ce que vous comprenez comme le
13 principe de proportionnalité utilisé et en vigueur dans les tribunaux et
14 cours d'Europe ainsi qu'au Conseil de
15 l'Europe ?
16 R. Oui, c'est un cas clinique, comme je l'ai dit tout à l'heure, en
17 particulier le paragraphe 48 qui montre qu'on risque d'engendrer
18 l'autocensure s'il y a trop de limitations disproportionnées. L'autocensure
19 des journalistes, enfin.
20 Q. Merci. J'aimerais maintenant que nous examinions un autre document qui
21 vous a été montré rapidement il y a quelque temps de cela par l'amicus
22 curiae. Il se trouve à l'intercalaire 79 du classeur de la Défense. Je vais
23 vous expliquer ce dont il s'agit. Il s'agit d'une déclaration conjointe du
24 rapporteur spécial des Nations Unies, il s'agit d'une déclaration relative
25 à la liberté d'opinion et d'expression, il s'agit du représentant de
26 l'OSCE, il s'agit également de la liberté des médias. M. MacFarlane a eu
27 l'amabilité de vous lire deux principes de ce document. Il vous a posé des
28 questions à propos d'exceptions éventuelles. Vous avez dit d'ailleurs que
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1 ces deux exceptions étaient l'équité du procès pour l'accusée ainsi que la
2 présomption d'innocence. Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?
3 R. [hors micro] -- un document sous les yeux, mais je crois me souvenir
4 que c'était bien cela. Mais je ne connaissais pas la nature de ce document.
5 Simplement une déclaration à la presse ou devant une instance habilitée, je
6 ne sais pas. Je vous remercie.
7 Q. Puis-je vous demander de bien vouloir regarder le premier alinéa qui se
8 trouve tout en haut de la page.
9 R. Oui. [en anglais] "No restrictions."
10 [interprétation] Ça commence par les mots "aucune
11 restriction" ?
12 Q. Oui. Est-ce que vous vous souvenez avoir indiqué à mon confrère que
13 pour ce qui est de ce principe, il y a deux types de restrictions qui sont
14 reconnus à la liberté d'expression dans ce contexte, vous avez donc
15 l'équité du procès pour l'accusé ainsi que la présomption d'innocence de
16 l'accusé ? Vous vous souvenez avoir dit cela ?
17 R. [en français] Oui. J'ai même précisé que tant que l'action publique
18 n'était pas éteinte, c'était la règle.
19 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir ajouté également que l'une des
20 situations où l'on envisage la fin de la procédure c'est lorsqu'il y a
21 décès de l'accusé ?
22 R. Il y a en trois causes; condamnation de [imperceptible] définitive, la
23 prescription ou le décès.
24 Q. Est-ce que vous savez qu'à l'époque où Mme Hartmann a publié son livre,
25 ainsi que l'article qui est en jeu ici en l'espèce, les décisions -- ou
26 plutôt, l'accusé à propos desquels les décisions avaient été rendues était
27 décédé ? Est-ce que vous saviez cela ?
28 R. Je ne comprends -- que M. Milosevic était décédé ? Oui, c'était de
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1 notoriété publique dans les minutes qui ont suivi sa mort.
2 Q. Est-ce que vous savez qu'en vertu d'une ordonnance du 14 mars 2006, le
3 Tribunal, par le biais de cette ordonnance, a ordonné la fin de la
4 procédure intentée contre Milosevic ? Est-ce que vous le saviez cela ?
5 R. [hors micro] -- une conséquence nécessaire de sa mort.
6 Q. J'aimerais maintenant vous demander de faire une observation
7 rapidement. Il y a un document qui vous a été montré.
8 Il s'agit de l'intercalaire 80 du classeur. C'est un document qui vous a
9 été montré par l'Accusation. En fait, il s'agit des recommandations du
10 Conseil de l'Europe du 10 juillet 2003.
11 Donc je ne pense pas qu'il soit -- mais je remercie M. l'Huissier qui vous
12 amène le document.
13 J'aimerais tout simplement vous demander, Monsieur Joinet, de bien vouloir
14 vous concentrer sur la première page de ce document, et je souhaiterais que
15 vous examiniez le quatrième paragraphe de ce document, me semble-t-il, et
16 je vais vous en donner lecture. Voilà ce qui est écrit, je cite :
17 "Rappelant également le droit des médias à informer le public, étant donné
18 que le public a le droit de recevoir l'information, notamment lorsqu'il
19 s'agit d'informations relatives" --
20 R. [hors micro]
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, Maître Mettraux, moi non plus
22 je ne trouve pas le paragraphe.
23 M. METTRAUX : [interprétation] Ecoutez, Monsieur le Président, cela doit se
24 trouver à l'intercalaire 79 --
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'intercalaire 79, le quatrième
26 paragraphe commence par les mots "condamnant," et cetera.
27 M. METTRAUX : [interprétation] Ecoutez, je m'excuse, non, non. Je pense
28 qu'il s'agit de l'intercalaire 80, me semble-t-il. En fait, j'ai un
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1 document différent et étant donné que vous n'avez pas le document, je vais
2 vous donner lecture de cela.
3 Q. Monsieur Joinet, aux fins du compte rendu d'audience, il s'agit d'une
4 recommandation du conseil de l'Europe de l'année 2003. Il s'agit du comité
5 des ministres des Etats membres et il s'agit du 10 juillet 2003,
6 déclaration sur la diffusion de l'information par les médias en relation
7 avec les procédures pénales. Il s'agit du comité des ministres du conseil
8 de l'Europe. Faites abstraction du texte pour le moment, Monsieur Joinet.
9 Je vais vous donner lecture de deux extraits et je vous demanderai votre
10 point de vue après.
11 La première déclaration est comme suit :
12 "Rappelant également que les médias ont le droit d'informer le public étant
13 donné que le public a le droit de recevoir des informations, notamment des
14 informations --"
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Mettraux, le Juge Guney
16 souhaiterait intervenir.
17 M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]
18 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, la référence est une
19 recommandation, Rec, (2003) 13, 1-3, du comité des ministres destiné aux
20 Etats membres. Il s'agit d'une recommandation relative à la diffusion
21 d'informations par les médias en relation avec les procédures pénales.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous pourriez nous dire à quel
23 intercalaire se trouve ce document ?
24 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, nous pensons que
25 c'est un document erroné qui a été placé dans le classeur. Donc c'est nous
26 qui avons fait la faute. Je vais vous donner lecture de la déclaration et
27 il s'agit de la recommandation qui est relative à cette déclaration.
28 Q. Monsieur Joinet, dans ce document, le conseil de l'Europe, par son
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1 comité des ministres, stipule ce qui suit :
2 "Rappelant que les médias ont le droit d'informer le public, étant donné
3 que le public a le droit de recevoir des informations, notamment des
4 informations portant sur des questions d'intérêt public conformément à
5 l'article 10 de la convention, et que les médias ont un devoir
6 professionnel de se comporter de la sorte."
7 Alors, j'aimerais vous poser cette question. Il s'agit d'une déclaration de
8 principe émise par le comité des ministres du conseil de l'Europe. Est-ce
9 que cette déclaration est conforme au point de vue adopté par la sous-
10 commission au moment où vous avez travaillé pour cet organe ?
11 R. Oui, le droit de recevoir étant toujours corrélatif à l'obligation de
12 donner des informations.
13 Q. Puis il y a un deuxième et dernier passage dont j'aimerais vous donner
14 lecture. Deux paragraphes plus bas, voilà ce qui est écrit :
15 "Insistant sur l'importance du fait que les médias présentent des rapports
16 et informent le public à propos de procédures pénales, ce qui représente
17 une fonction de dissuasion visible tout en assurant le contrôle public du
18 fonctionnement du système judiciaire pénal."
19 Monsieur Joinet, j'aimerais vous poser la même question. Est-ce qu'il
20 s'agit d'un point de vue exprimé par le comité des ministres du conseil de
21 l'Europe qui était conforme au point de vue adopté par la sous-commission
22 des Nations Unies à l'époque où vous travailliez pour cet organe ?
23 R. Oui.
24 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé pour
25 ce qui est des questions supplémentaires. Il nous reste encore deux
26 éléments et je me propose -- d'ailleurs, nous avons eu un accord avec M.
27 MacFarlane pour ce qui est des documents, des documents qui ont été
28 présentés à ce témoin. M. MacFarlane n'a aucune objection à ce que ces
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1 documents soient versés directement, et je pense que nous allons donc
2 adopter exactement la même chose que ce que nous avons fait avec le témoin
3 précédent.
4 Je vous remercie, Monsieur Joinet.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup d'être venu
6 témoigner, Monsieur Joinet. Vous êtes arrivé maintenant au terme de votre
7 déposition. Vous pouvez maintenant disposer et je vous souhaite un bon
8 retour chez vous.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Mettraux.
13 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Nous allons appeler notre témoin suivant, Mme Natasa Kandic.
15 Nous aimerions indiquer à la Chambre, tel que nous en avons informé le
16 Greffier, la Section des Victimes et des Témoins, ainsi que nos collègues
17 de l'Accusation, que nous n'allons pas convoquer le troisième témoin qui
18 devait être notre dernier témoin et qui figurait sur notre liste de
19 témoins, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne sais pas. Est-ce que l'huissier
21 va faire entrer le témoin, ou est-ce qu'il est en train de s'occuper du
22 témoin qui vient de partir du prétoire ? Où se trouve le témoin qui doit
23 comparaître maintenant ?
24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Madame.
26 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
27 M. METTRAUX : [interprétation] Vous pouvez vous exprimer en B/C/S.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parle pas français. Je parlerai -- dois-
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1 je parler anglais ?
2 M. METTRAUX : [interprétation] Non, non, en B/C/S.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Madame.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous demande de prononcer la
6 déclaration solennelle.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN : NATASA KANDIC [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez prendre place, je vous en
12 prie.
13 Maître Mettraux.
14 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Interrogatoire principal par M. Mettraux :
16 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Kandic. Je m'appelle Guenal Mettraux
17 et je représente Mme Florence Hartmann.
18 Avant que nous ne commencions, j'aimerais juste m'assurer que vous entendez
19 bien l'interprétation en serbe.
20 R. Oui, oui.
21 Q. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, décliner votre identité ainsi
22 que votre date de naissance.
23 R. Je m'appelle Natasa Kandic. Je suis née le 16 décembre 1946.
24 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est votre profession actuelle
25 ?
26 R. Je travaille dans le domaine des droits de l'homme. Je m'occupe de
27 plusieurs projets qui se consacrent à la mise au point d'une justice de
28 transition dans les Etats de l'ex-Yougoslavie.
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1 Q. A ce titre, est-ce que vous dirigez un organe ou un centre ?
2 R. Oui. Oui, oui. Je suis la fondatrice ainsi que la directrice du centre
3 de Droits humanitaires qui est une organisation où nous avons des documents
4 relatifs aux crimes de guerre et qui est une organisation également qui
5 s'occupe de justice transitionnelle.
6 Q. Brièvement, parce que nous avons beaucoup de questions à vous poser,
7 mais en tant que fondatrice et directrice de ce centre - et je pense
8 également à vos diverses activités dans le domaine des droits de l'homme -
9 j'aimerais savoir si vous avez reçu des prix, par exemple ?
10 R. Oui. J'ai reçu plusieurs récompenses, la dernière d'ailleurs m'ayant
11 été décernée il y a deux jours. Il s'agissait d'une récompense qui m'a été
12 décernée par une organisation locale au Kosovo.
13 Q. Je ne vais pas entrer dans les détails de tout cela, mais j'aimerais
14 savoir si la revue "Time" vous a nommé comme l'une des héroïnes pour
15 l'année 2003, ainsi que l'une des personnes épousant la cause des droits de
16 l'homme en 2007 ? Est-ce que cela a été dit ?
17 R. Oui.
18 M. METTRAUX : [interprétation] Tout simplement pour le compte rendu
19 d'audience, le CV ou, en tout cas, une partie du CV se trouve à
20 l'intercalaire 82 du classeur. Je pense que nous n'allons plus entrer dans
21 ces détails du curriculum vitae mais nous allons demander son versement au
22 dossier.
23 Q. Madame Kandic, est-ce que votre centre, ce centre de Droits
24 humanitaires, est-ce que ce centre a des liens avec ce Tribunal, son
25 mandat, ses organes ?
26 R. Oui, oui, tout à fait. En fait, j'ai été la première personne, la
27 première militante des droits de l'homme des Etats de l'ex-Yougoslavie à
28 être invitée par le bureau du Procureur en août 1994, afin que je les aide
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1 à compiler et collecter des renseignements et informations pertinents,
2 étant donné qu'ils ne faisaient que commencer leur travail dans le cadre de
3 la première enquête à l'époque. Juste après cela, quelques mois plus tard,
4 nous au centre pour les Droits humanitaires avons collecté, préparé, et
5 traduit en anglais plusieurs documents extrêmement précieux qui étaient
6 relatifs à des violations importantes des droits de l'homme en Bosnie-
7 Herzégovine. Puis par la suite, à plusieurs reprises d'ailleurs, nous avons
8 présenté au bureau du Procureur nos propres documents, nous avons partagé
9 avec eux le résultat ou les résultats de nos contacts avec les témoins.
10 Nous les avons aidé à trouver des témoins, et nous avons d'ailleurs
11 toujours maintenu une coopération très, très étroite à propos de ce domaine
12 d'activités, à savoir les documents relatifs aux crimes de guerre.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Mettraux, permettez-moi.
14 J'aimerais tout simplement savoir : Madame, quand est-ce que le
15 centre en question a été fondé ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] En novembre 1992.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mettraux.
18 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je disais en novembre 1992.
20 M. METTRAUX : [interprétation]
21 Q. Oui, je vous remercie, Madame Kandic. Est-ce que vous pourriez nous
22 dire si votre organisation, ce centre pour les Droits humanitaires, a pris
23 des mesures pour que soit mieux connu dans la région le travail de ce
24 Tribunal, donc à savoir dans les Etats qui auparavant formaient l'ex-
25 Yougoslavie ?
26 R. Oui, oui, tout à fait. Nous l'avons fait. Nous avons organisé quatre
27 conférences importantes au cours desquelles nous avons présenté les
28 jugements du Tribunal de La Haye essentiellement et précisément parce que
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1 nous pensions qu'il était absolument essentiel de promouvoir la vérité
2 judiciaire telle que déterminée par ces jugements officiels. Nous avons
3 également organisé des colloques ou des réunions auxquels venaient toujours
4 plus de 150 participants, pour ce qui était des jugements dans l'affaire
5 Brcko, dans l'affaire Foca, dans l'affaire Srebrenica, dans l'affaire
6 Celebici. Il faut savoir que ce sont les seules conférences organisées en
7 Serbie où il a été question de façon détaillée des éléments de preuve qui
8 sous-tendaient les jugements. D'ailleurs, nous avons également invité les
9 témoins à partager leurs points de vue pour que la vérité judiciaire puisse
10 enfin être rendue.
11 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer peut-être brièvement pourquoi il est
12 important que votre centre participe aux efforts faits pour mieux faire
13 connaître le travail du Tribunal ?
14 R. Parce que le centre pour les Droits humanitaires, ainsi que d'autres
15 organisations qui œuvrent dans le domaine des droits de l'homme, ont
16 véritablement et se sont ralliés en fait, et ce, de façon véhémente au
17 travail accompli par ce Tribunal, parce qu'il s'agissait de la première
18 institution internationale mise sur pied afin de mettre un terme à la
19 violence et aux crimes de guerre en commençant donc ces procès pour les
20 crimes de guerre, ce qui fait que plus personne ne pouvait compter sur
21 l'impunité. Nous pensons que notre coopération avec le TPIY, notamment avec
22 le bureau du Procureur était importante précisément parce qu'il s'agit
23 d'opposer une résistance à la culture de l'impunité qui avait véritablement
24 dominé pendant des années tous ces Etats de l'ex-Yougoslavie.
25 Q. Alors, nous allons revenir sur cette question dans un petit moment,
26 mais j'aimerais maintenant aborder la question de vos liens avec Mme
27 Hartmann, l'accusée en l'espèce.
28 Est-ce que vous pouvez vous souvenir, de façon approximative peut-
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1 être, quand vous avez rencontré pour la première fois Mme Hartmann, et le
2 cas échéant, dans quelles circonstances ?
3 R. Pendant les années 1990, Florence Hartmann était une journaliste
4 particulièrement bien connue dans les Etats de l'ex-Yougoslavie, notamment
5 après le début des conflits armés. Elle était reconnue comme une
6 journaliste qui se trouvait dans tous les endroits où les droits de l'homme
7 étaient violés. Elle était connue comme quelqu'un qui présentait ses
8 reportages de façon véridique et de façon objective pendant toutes ces
9 années.
10 Notamment pendant les années 1991 et 1992, nous ne commencions qu'à
11 traiter les droits de l'homme. Nous avons appris beaucoup en matière de
12 violations de droits de l'homme et nous l'avons appris la première fois
13 très souvent grâce aux reportages de Florence Hartmann. Je me souviens très
14 bien de l'époque où elle a été expulsée de Serbie. Elle a dû quitter ce
15 pays à une époque où les organisations de droits de l'homme, et moi-même,
16 personnellement, nous avons réagi de façon violente contre cette situation.
17 Mais c'était une époque où les voix des militants des droits de l'homme
18 n'avaient aucune importance, et Florence Hartmann ainsi que d'autres
19 journalistes importants et très compétents ont dû quitter la Serbie.
20 Q. Juste pour enchaîner à la suite de ce que vous venez de dire, parce que
21 vous venez de nous dire que Mme Hartmann a été expulsée de Serbie, est-ce
22 que vous savez qui a expulsé Florence Hartmann de Serbie, et pour quelle
23 raison ?
24 R. Elle a dû quitter la Serbie à la suite d'une décision prise par les
25 autorités, et à l'époque, les autorités correspondaient à tout un système
26 qui était dirigé par Slobodan Milosevic, mais je pense que cette décision
27 précise fut prise par le ministère de l'Intérieur. Elle a dû quitter le
28 pays du fait des reportages qui étaient censés être partiaux et ce qui
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1 était allégué en fait engendré un climat d'intimidation pour de nombreuses
2 personnes en Serbie. En d'autres termes, elle se contentait tout simplement
3 de faire son travail de façon professionnelle.
4 Q. Est-ce que vous savez quelles sont les véritables raisons pour
5 lesquelles Mme Hartmann a été expulsée du pays par M. Milosevic ?
6 R. Je ne m'en souviens pas précisément, mais j'ai eu une impression -
7 impression d'ailleurs qui était partagée par de nombreuses personnes - j'ai
8 eu l'impression, disais-je, que le problème était que Mme Hartmann s'était
9 rendue de Belgrade à Vukovar, et grâce à ses articles, nous avions reçu
10 certaines informations à propos de la situation qui prévalait en Croatie, à
11 Vukovar, en Bosnie-Herzégovine, et ce, à la fin de l'année 1991 et au début
12 de l'année 1992, ainsi que dans d'autres endroits, il faut savoir qu'à
13 cette époque, des crimes de guerre très graves ont été commis. C'est, en
14 tout cas, ce que pensaient les organisations de droits de l'homme, et c'est
15 la raison essentielle, la raison essentielle étant d'interrompre le flux
16 d'information.
17 Q. Après la fin de la guerre en ex-Yougoslavie, est-ce que vous avez
18 continué à voir Mme Hartmann ? Est-ce que vous avez continué avoir des
19 contacts avec elle ?
20 R. J'ai toujours suivi son travail, je dois dire qu'elle se rendait
21 fréquemment en Bosnie-Herzégovine. En fait, Mme Hartmann était un type de
22 journaliste qui elle était elle plutôt très attachée à la région de l'ex-
23 Yougoslavie qu'elle connaît très, très bien d'ailleurs, et par la suite
24 elle est devenu porte-parole du bureau du Procureur. Pour moi ainsi que
25 pour d'autres militants des droits de l'homme, cela avait son importance
26 parce que nous pensions qu'il était extrêmement judicieux qu'une personne
27 telle quelle, une personne qui avait tant de connaissance, une personne,
28 qui s'était rendue dans un nombre infini d'endroits et qui avait une
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1 connaissance en matière de crimes de guerre, soit nommée à cette fonction.
2 Il s'agissait d'une personne à qui ne l'on devait rien apprendre sur ce qui
3 s'était passé car elle avait une expérience directe du terrain, de ce qui
4 s'était passé sur le terrain.
5 Q. Est-ce que Mme Hartmann avait des contacts avec le centre que vous
6 dirigez ?
7 R. Oui. L'année dernière, en 2008, nous avons élu un nouveau conseil de
8 direction, et étant donné qu'elle ne travaillait plus pour le TPIY, il m'a
9 semblé que c'était l'occasion si l'en fut de prendre contact avec elle et
10 de l'inviter à devenir membre du conseil de direction de notre centre pour
11 le droit humanitaire, parce qu'il aurait été ou cela aurait été à
12 l'encontre de notre Règlement de l'inviter de devenir membre du conseil de
13 direction alors qu'elle était encore porte-parole du TPIY. Mais puisqu'elle
14 est maintenant freelance, je l'ai invitée à le faire. Depuis le début de
15 l'année 2008, elle est membre de notre conseil de direction.
16 Q. Est-ce que sa réputation - bon, qu'il s'agisse de sa réputation
17 professionnelle ou en tant que personne, si tant est que vous puissiez nous
18 parler de ces deux réputations - est-ce que sa réputation a été importante
19 pour que vous preniez la décision de l'inviter à devenir membre du conseil
20 de direction ?
21 R. Oui, tout à fait, parce que je connais Florence Hartmann depuis les
22 années 90. Elle est journaliste, elle était correspondante, j'ai appris
23 beaucoup d'elle.
24 Lorsque j'ai commencé à travailler dans le domaine des crimes de guerre en
25 1991, pour moi, il était absolument essentiel de savoir quels étaient les
26 journalistes qui étaient objectifs, de savoir quels étaient les
27 journalistes qui s'étaient rendus dans la région et qui avaient été témoins
28 oculaires de crimes de guerre, et donc il m'était important de connaître
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1 les journalistes dont je pouvais utiliser les informations comme point de
2 départ de nos enquêtes.
3 Au cours de toutes ces années, jamais Florence Hartmann n'a rédigé quelque
4 chose qui s'est avéré inexact ou que l'on aurait pu remettre en question,
5 par exemple, du point de vue professionnel.
6 Q. Lorsque vous avez entendu parler de cette inculpation devant le
7 Tribunal de Mme Hartmann pour un délit d'outrage à la Cour, est-ce que vous
8 avez envisagé de l'expulser du conseil ? Est-ce que vous avez envisagé de
9 le faire - et je parle du conseil du centre ?
10 R. Bien, la situation était bizarre. Je n'ai pas entendu parler de cette
11 inculpation de la bouche de Mme Hartmann, et cela ne m'a pas beaucoup
12 étonné, puisque cela fait des années que je la connais, et elle n'est pas
13 ce type de personne. Elle n'est pas le type de personne qui parlerait de
14 ses propres problèmes ou qui dirait que les choses sont dures ou difficiles
15 pour elle. J'ai lu cela dans les journaux.
16 Sa première réaction, lorsqu'elle m'a par la suite appelée, a été de
17 demander si cela ne posait pas problème qu'elle continue à être membre du
18 conseil exécutif du centre de Droit humanitaire. J'ai été surprise par la
19 question et quelque peu même offensée. Je me suis demandée si elle pensait
20 peut-être que le plus important pour moi, lorsque j'avais décidé de
21 l'inviter à devenir membre du conseil, était le fait qu'elle travaillait
22 comme porte-parole du bureau du Procureur, mais cela, en fait, découlait
23 plutôt de son côté humain et de son côté professionnel. Elle était prête à
24 aller aussi loin que possible pour éviter de mettre qui que ce soit dans
25 l'embarras.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mettraux, est-ce le bon
27 moment ?
28 M. METTRAUX : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons donc faire une pause et
2 revenir à la demie, à midi et demi.
3 --- L'audience est reprise à 12 heures 03.
4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Mettraux.
6 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Président. Est-ce que l'huissier
7 pourrait aider le témoin en lui remettant le classeur qui se trouve là,
8 s'il vous plaît. Merci. Il s'agit du classeur numéro 3.
9 Q. Madame Kandic, pourrais-je vous demander, s'il vous plaît, de passer à
10 l'onglet 83 de ce dossier.
11 M. MacFARLANE : [interprétation] Onglet 53 ?
12 M. METTRAUX : [interprétation] Non, 83.
13 Q. Est-ce que, Madame Kandic, vous avez sous les yeux communiqué de presse
14 du Centre de droit humanitaire en date du 3 novembre 2008 ? Est-ce que vous
15 l'avez sous les yeux ?
16 R. Oui, tout à fait, je le vois.
17 Q. Est-ce que vous avez participé à la préparation de ce document ? Si tel
18 est le cas, de quelle partie du document s'agit-il ?
19 R. Oui, j'ai participé à la rédaction de ce document, avec d'autres
20 organisations et d'autres signataires qui figurent sur ce document.
21 Q. Je voudrais peut-être vous lire très rapidement le premier paragraphe
22 de ce document. Il est dit :
23 "Concernant le procès de la journaliste Florence Hartmann devant le
24 Tribunal de La Haye pour la publication des décisions confidentielles de la
25 Chambre d'appel dans l'affaire Slobodan Milosevic, des organisations des
26 droits de l'homme des Etats successeurs de l'ancienne Yougoslavie
27 voudraient attirer l'attention sur le fait que le contenu de ces décisions
28 avait fait l'objet de nombreux rapports dans la presse et de débats publics
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1 après que la Cour internationale de Justice ait rendu son jugement en
2 février 2007 dans le cas de la BiH contre la Serbie dans le cadre de
3 l'accusation de génocide, et l'on ne comprend pas pourquoi Mme Hartmann a
4 été montrée du doigt par les Juges à La Haye."
5 Vous avez indiqué dans ce paragraphe qu'il y a eu beaucoup de rapports de
6 presse et de débats publics. Pouvez-vous nous expliquer, en termes
7 généraux, sur quoi cela portait ?
8 R. Oui, c'est exact. Nous tous, moi-même comme d'autres militants des
9 droits de l'homme, nous avons été étonnés de cet acte d'accusation, parce
10 que nous avons discuté du contenu de cette décision controversée pendant
11 des années et de façon très intense pendant la création de la Cour
12 internationale de Justice, car il était de notoriété publique que ces
13 comptes rendus d'audience et ces procès-verbaux du Conseil suprême de la
14 Défense existent et que certains des paragraphes du compte rendu d'audience
15 avaient été expurgés. C'était quelque chose dont on parlait constamment,
16 sur quoi portaient ces comptes rendus d'audience, ce qui était caché dans
17 ces comptes rendus, et il n'y avait pas d'opposition de la part des
18 autorités à ce que nous, organisations des droits de l'homme, disions, à
19 savoir que ces comptes rendus contiennent des parties des débats et des
20 délibérations au sein du Conseil de la Défense suprême qui concernent
21 Srebrenica, en premier, et également la participation de la police et des
22 forces armées de la Serbie dans ces événements. J'en ai parlé ouvertement,
23 et personne n'a jamais dit que cela n'était pas la vérité. Ce n'est pas ce
24 que contiennent ces parties expurgées des comptes rendus. Personne n'a
25 jamais remis cela en question dans notre pays, n'a jamais remis en question
26 le fait que le gouvernement de Serbie ait demandé au Tribunal à La Haye
27 cette décision pour protéger les parties expurgées du compte rendu. Ce qui
28 était concerné c'était le contenu de ces comptes rendus d'audience. Il nous
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1 semblait parfaitement illogique qu'une seule personne soit montrée du doigt
2 pour en parler.
3 Je me souviens du livre de Florence Hartmann qui a été cité dans des
4 rapports de presse après nombreux de discussions dans les médias. Nous ne
5 pouvions pas comprendre pourquoi est-ce que Florence Hartmann était montrée
6 du doigt, parce que nous parlions de ces choses-là de façon tout à fait
7 ouverte dans la presse. Il y avait même eu un séminaire d'experts dans
8 notre région qui avait été organisé après la décision de la Cour
9 internationale de Justice en juin et juillet 2007. Nous ne comprenions pas
10 pourquoi cette personne, entre autres, avait été choisie et montrée du
11 doigt, alors que nous avions tous autorisation de débattre du contenu de
12 ces décisions.
13 C'est ce qui nous a emmenés, nous militants des droits de l'homme, à
14 nous trouver dans une situation curieuse. Nous parlions de la transparence
15 de la procédure dans les affaires, dans l'affaire Milosevic et dans
16 d'autres affaires, pourquoi une telle décision de caviarder ces parties
17 était prise en premier lieu, et pourquoi est-ce que ce critère de sécurité
18 nationale était appliqué de cette façon. Nous avons discuté de l'intérêt de
19 la sécurité nationale non seulement en Serbie, mais dans l'ensemble de la
20 région. Nous en avons discuté à maintes reprises, et nous nous retrouvions
21 toujours face au même dilemme, à savoir si l'acceptation de ce critère
22 contribuait réellement à établir les faits concernant ces événements; et
23 est-ce que cela était réellement en conformité avec l'obligation de la Cour
24 de prendre en compte tous les faits pertinents qui pouvaient nous permettre
25 de voir ce qui s'était réellement produit, et pourquoi est-ce que toutes
26 ces choses ne pouvaient être publiques ? Nous pensions qu'il fallait
27 entourer cela d'aussi peu de secret que possible, tout particulièrement
28 lorsqu'il s'agissait de crimes de guerre.
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1 Le TPIY était, pour la première fois, dans une situation qui lui
2 permettait d'essayer de découvrir la vérité sur ce qui s'était passé et
3 pourquoi cela s'était passé. Nous nous attendions tous que cette Cour
4 l'indique en public et nous aide, nous dans la région, à prendre
5 connaissance de ces faits et à commencer à réfléchir à ce qui s'était passé
6 autrefois, et que grâce à cela, nous pourrions résister et nous attaquer à
7 cette culture de l'impunité, et utiliser ces faits pour établir les
8 responsabilités personnelles et également les responsabilités des autorités
9 et de l'Etat.
10 Il nous semble que c'était là un critère qui n'était pas approprié
11 dans le contexte de procès pour crimes de guerre et également dans le cadre
12 de procès visant à établir la responsabilité des Etats. Il nous semblait
13 qu'il était totalement inapproprié du point de vue des droits de l'homme,
14 et que ceci n'allait pas dans le sens de ce que nous envisagions et la
15 façon dont les tribunaux devaient agir pour établir la responsabilité
16 personnelle et la responsabilité d'Etat. Nous pensons que ce critère, cette
17 norme, devaient être largement débattus et que les juristes des
18 organisations et les organisations des droits de l'homme devraient être
19 autorisées à en discuter ouvertement, notamment savoir si ce critère permet
20 d'établir des faits et de les présenter en public - et je ne sais pas
21 comment le dire - mais pour créer un climat différent dans les Etats
22 impliqués dans ce conflit.
23 Nous, au sein d'organisations des droits de l'homme, pensions que les
24 cours, qu'il s'agisse de cours pénales et d'affaires pénales ou de la Cour
25 internationale de Justice, nous devrions rester très prudents en prenant
26 des décisions et être conscients que ces décisions doivent permettre un
27 équilibre entre la sécurité nationale et la nécessité de rendre justice,
28 qu'il y a également le facteur des victimes et leurs attentes. Les victimes
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1 s'attendent à ce que les tribunaux prennent des décisions qui vont dans le
2 sens de la justice, et en prenant des décisions différentes, ces tribunaux
3 aident les Etats qui se préparent à commettre les crimes les plus terribles
4 dans leurs propres intérêts. Et --
5 Q. Madame Kandic, nous reviendrons à cela dans un instant. Si vous pouviez
6 juste vous recentrer sur la question. Vous avez parlé de beaucoup de
7 choses, mais je vous demanderais d'essayer de répondre à la question aussi
8 précisément que possible dans la mesure où nous avons peu de temps.
9 Pouvez-vous indiquer à la Chambre si les informations que vous avez dit que
10 vous, organisation humanitaire et d'autres organisations, possédiez,
11 concernant les expurgations qui avaient été ordonnées concernant les
12 procès-verbaux du Conseil suprême de la Défense, est-ce que vous avez reçu
13 ces informations avant la publication du livre de Mme Hartmann ou après ?
14 R. Oui, oui. J'étais tout à fait au courant moi-même et il en va de même
15 pour d'autres militants des droits de l'homme. C'était quelque chose qui
16 avait été publié dans les médias et qui avait fait l'objet de longues
17 discussions. Des représentants de l'Etat de Serbie, même ceux qui faisaient
18 partie de l'équipe de la Défense, disaient que l'Etat devait être protégé,
19 que la sécurité nationale de l'Etat est ce qu'il y a de plus important, et
20 en public ils avaient parlé de l'importance de cacher certaines
21 informations.
22 Par ailleurs, nous pensions que l'établissement et la divulgation des faits
23 étaient extrêmement importants pour établir et rendre la justice dans les
24 Etats de l'ancienne Yougoslavie. Nous pensions que cela était quelque chose
25 d'important, et c'est quelque chose, c'était un sujet dont on parlait en
26 public et dont on avait parlé dans diverses réunions. Ce n'est pas quelque
27 chose que nous avons découvert au moment de la publication du livre. Le
28 livre n'a rien dit de nouveau et ce n'était pas quelque chose dont nous
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1 avions commencé à parler lorsque le livre a été publié.
2 Q. Je voudrais d'abord vous montrer quelques exemples, ce qui nous
3 permettra peut-être d'aller un petit peu plus vite, peut-être.
4 Je vous demanderais de prendre l'onglet 84 bis dans votre dossier. Dans cet
5 onglet de classeur, vous trouverez un article du "New York Times" en date
6 du 9 avril 2007, qui a été rédigé par Marlise Simons, et qui s'intitule :
7 "La Cour contre le génocide après une décision pour la Serbie sans avoir vu
8 l'ensemble des archives de guerre." Est-ce que vous voyez ce document ?
9 Est-ce que vous avez ce document sous les yeux ?
10 R. Oui, oui, je le vois.
11 Q. Pouvez-vous me dire si vous avez fait l'objet d'un entretien concernant
12 cet article ?
13 R. Oui, j'ai parlé au journaliste du "New York Times," et comme vous
14 pouvez le voir, il s'agissait du mois d'avril 2007, ce qui a été bien avant
15 la publication du livre de Mme Hartmann, et cela concernait le procès-
16 verbal et le compte rendu d'audience du Conseil suprême de la Défense. J'en
17 ai dit beaucoup plus à cette occasion que ce qui apparaît dans le texte.
18 J'ai dit au journaliste dans quelle mesure --
19 Q. Madame Kandic, un instant, s'il vous plait. Je viendrai sur cette
20 partie qui concerne votre entretien plus tard. Prenons maintenant cet
21 article étape par étape.
22 Si vous regardez les deux premiers paragraphes, il est dit qu'au
23 printemps 2003, pendant le procès de M. Milosevic, des centaines de
24 documents sont arrivés au Tribunal. Ensuite, au paragraphe suivant, il est
25 fait référence à des caches pour certains documents. Dans le troisième
26 paragraphe, il est dit que la Serbie, héritière de la Yougoslavie, a obtenu
27 la permission du Tribunal pour que certaines parties des archives ne soient
28 pas du domaine public.
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1 "En citant la sécurité nationale, ses juristes ont caviardé un grand
2 nombre de pages sensibles, et ceux qui les ont vues parlent de pages
3 incriminantes …"
4 Le paragraphe suivant fait référence aux juristes et ceux qui
5 étaient impliqués dans cette demande de secret de la Serbie. Est-ce que
6 vous voyez cela ?
7 R. Oui.
8 Q. A la page suivante de cet article du "New York Times," je vous
9 demanderais de vous pencher sur un paragraphe vers la fin de la page qui
10 commence par : "However." "Néanmoins, les juristes qui ont vu les
11 documents…" C'est trois paragraphes avant la fin.
12 R. Oui, je le vois, le paragraphe.
13 Q. La journaliste du "New York Times" stipule que :
14 "Les juristes qui ont vu ces archives et d'autres dossiers personnels
15 disent qu'ils parlent de contrôle et de la direction de la Serbie plus
16 directement encore, révélant comment est-ce que Belgrade a financé et
17 soutenu la guerre en Bosnie, et comment l'armée serbe de Bosnie, bien que
18 séparée officiellement après 1992, est restée dans la réalité une extension
19 de l'armée yougoslave. Ils ont dit que les archives étaient, en fait, des
20 rapports verbatim et des résumés des réunions que les forces serbes, y
21 compris la police secrète, avaient joué un rôle dans la prise de Srebrenica
22 et la préparation du massacre sur place."
23 D'après ce que je vous ai lu, vous semble-t-il que cette journaliste du
24 "New York Times" d'avril 2007 discute de ce qu'elle croit être le contenu
25 du procès-verbal du Conseil suprême de la Défense ? Est-ce que c'est ce qui
26 figure dans ce passage ici ?
27 R. Ce passage, oui, effectivement, il fait référence au contenu de ces
28 procès-verbaux. Je me souviens, en parlant à cette journaliste, bien que
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1 cela ne soit pas mentionné ici, j'ai indiqué que dans le cas des Skorpions,
2 il s'agit d'une affaire qui est jugée devant un tribunal national pour des
3 crimes de guerre à Belgrade, qu'en tant que représentant des victimes,
4 j'avais pu avoir accès à beaucoup de documents qui confirment ce que la
5 journaliste dit dans ce paragraphe.
6 Il y avait des documents signés par le ministère de la Police des
7 Serbes de Bosnie ou, plutôt, de la Republika Srpska, qui indiquent qu'en
8 juillet 1995, pendant l'opération Srebrenica, non seulement des membres de
9 Skorpions ont participé, mais également d'autres membres des forces de
10 police serbes, de sorte qu'en ce qui me concerne, cette histoire, à savoir
11 si les forces régulières serbes, c'est-à-dire de la République serbe,
12 avaient participé à l'opération dite Srebrenica, et cela n'avait, dans mon
13 esprit, créé aucun dilemme.
14 Q. Un instant, Madame Kandic. Je voudrais vous poser des questions et je
15 vous demanderais de vous concentrer sur ces questions.
16 Ces discussions, ce dont je viens de vous parler qui figure dans l'article
17 du "New York Times," s'agissait-il là également de questions qui avaient
18 été discutées en public, de façon générale, et/ou dans les organisations
19 humanitaires dans les Balkans et ailleurs ?
20 R. Oui, tout à fait. Dans les médias, lors de réunions d'organisations des
21 droits de l'homme, ce sont des sujets qui ont fait l'objet de discussions
22 tout à fait ouvertes. Par ailleurs, il y avait des organisations des droits
23 de l'homme qui considéraient que le gouvernement serbe doit prendre une
24 décision pour divulguer le procès-verbal du Conseil suprême de la Défense
25 et que cacher des informations et des faits est quelque chose à quoi il
26 fallait mettre un terme. Il était de notoriété publique que les forces
27 régulières de Serbie avaient participé à Srebrenica, et par ailleurs --
28 Q. Un instant, s'il vous plaît, une chose à la fois. La prochaine
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1 question, Madame Kandic, est la suivante : ces discussions publiques, est-
2 ce qu'elles ont eu lieu avant la publication du livre de Mme Hartmann,
3 après la publication du livre de Mme Hartmann, ou avant ou après la
4 publication de cet ouvrage ? Vous en souvenez-vous ?
5 R. Ces discussions ont commencé bien avant la publication de ce livre.
6 Elles ont commencé, me semble-t-il, les discussions sur ce point se sont
7 multipliées dans le cadre d'une enquête de l'Institut de Londres sur la
8 guerre, c'est l'organisme "Institute for War Reporting", c'est devenu à ce
9 moment-là une question extrêmement importante pour la communauté des
10 organisations des droits de l'homme. Nous avons fait tout notre possible
11 pour prouver que dans notre esprit, il n'y avait aucun doute quant au
12 contenu de ces documents et que nous demandions à ce qu'ils soient
13 divulgués. Donc c'était longtemps avant la publication du livre. Cela a
14 commencé en 2005 et s'est poursuivi jusqu'à maintenant.
15 Q. Je voudrais maintenant vous montrer un autre document. Vous avez fait
16 référence à cet Institut à Londres, le "London Institute for War
17 Reporting", que l'on connaît également sous l'acronyme IWPR, et vous
18 trouverez cela à l'onglet 84 ter de votre document.
19 Il y a là un article de l'IWPR en date du 17 mai 2005, intitulé :
20 "Enquête spéciale : La justice à quel prix. Permettre à Belgrade de
21 garder des éléments de preuve importants et de ne pas les divulguer en
22 public dans l'affaire Milosevic pourrait avoir une incidence très sérieuse
23 pour la justice et la réconciliation."
24 Est-ce que vous pouvez nous dire simplement : est-ce que c'est
25 l'article auquel vous faites référence ?
26 R. Oui, c'est bien l'article auquel j'ai fait référence.
27 Q. Si je pouvais maintenant attirer votre attention sur le premier
28 paragraphe de cet article qui stipule que :
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1 "Le Tribunal de La Haye a autorisé Belgrade a présenté des documents
2 importants dans le procès à long terme de Slobodan Milosevic, à la
3 condition qu'ils soient gardés secrets, infligeant ainsi un soufflet à ceux
4 qui souhaitaient que justice soit faite."
5 Voyez-vous cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Je voudrais maintenant vous demander de passer à la troisième page de
8 ce document. Si vous regardez le quatrième paragraphe, me semble-t-il, à
9 cette page qui commence par : "Les documents qui…" et je vais le lire pour
10 le compte rendu d'audience. J'en donne lecture :
11 "Les documents qui maintenant ont un statut protégé au Tribunal sont
12 connus pour contenir des références à la participation du régime dans la
13 guerre en Bosnie. Les documents les plus importants relatent les activités
14 de l'Etat yougoslave d'alors, des instances militaires et politiques
15 suprêmes, du Conseil suprême de la Défense, le SDC
16 Si vous pouviez maintenant passer à la page suivante, vous verrez à
17 peu près au milieu de la page qu'il y a un sous-titre : "Exercice de
18 limitation des dégâts de Belgrade". Le premier paragraphe fait référence à
19 l'article 54 bis du Règlement de preuve et de procédure de ce Tribunal. Cet
20 article indique que :
21 "C'est sur la base de cet article que le gouvernement de Belgrade a
22 demandé la protection de l'ensemble des archives du SDC
23 fait dans le cadre d'un certain nombre de sessions devant les Juges du
24 Tribunal de La Haye en stipulant de Serbie-et-Monténégro."
25 Est-ce que vous avez en votre possession, et par vous j'entends non
26 pas votre centre mais également la communauté des droits de l'homme et la
27 communauté des victimes en Serbie et ailleurs dans les Balkans ? Est-ce que
28 vous aviez connaissance de cette information à l'époque et est-ce que vous
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1 en discutiez en public ?
2 R. Oui. Cette enquête et ce texte remontent à mai 2005, autant que
3 je m'en souvienne. J'ai également parlé à cet enquêteur de l'institut,
4 l'IWPR, et c'est un sujet qui a fait l'objet de discussions au sein de la
5 communauté des droits de l'homme, et c'est à ce moment-là que nous avons
6 pris entièrement conscience de ce qui se passait et de ce que la Serbie
7 avait obtenu suite à la décision de la Chambre d'appel, dans une situation
8 où il est extrêmement difficile de déterminer la vérité, de déterminer qui
9 a participé, qui a été responsable des événements de Srebrenica de juillet
10 1995.
11 Q. Dans l'article, vous verrez, il est mentionné que des mesures de
12 protection ont été demandées afin de protéger la Serbie au vu de la
13 poursuite contre la CIJ, et en bas de la page, il est mentionné :
14 "Pour répondre à la question de l'IWPR pour savoir si l'affaire auprès de
15 la CIJ avait été la raison principale pour laquelle le gouvernement avait
16 insisté pour conserver ces documents comme étant considérés comme
17 confidentiels, la personne qui était responsable des négociations avec le
18 Tribunal, l'ancien ministre des affaires étrangères de Serbie-et-
19 Monténégro, Goran Svilanovic a répondu, 'c'est tout à fait exact.'"
20 Je vais vous poser la question suivante. Au vu de vos contacts avec les
21 responsables du gouvernement serbe, qu'il s'agisse de M. Svilanovic ou
22 quelqu'un d'autre, est-ce que vous pensez que ces mesures de protection
23 avaient été dissimulées du public lorsqu'ils étaient en discussion avec le
24 Tribunal ?
25 R. Non, cela n'avait pas été du tout dissimulé. Cela avait même d'ailleurs
26 fait l'objet de félicitations. Tout le monde en Serbie -- ou plutôt, les
27 représentants des autorités s'étaient félicités de la stratégie des
28 nouvelles autorités. Il y avait eu des critiques de la part des centres des
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1 droits de l'homme ou des activistes dans ce domaine sur la manière dont
2 l'Etat était protégé, un Etat criminel dirigé par un M. Milosevic. La
3 réponse officielle était qu'il n'était pas protégé, même l'Etat à l'époque
4 de Milosevic.
5 Mais je répète, ceci n'a pas été dissimulé. Ceci était connu et c'était la
6 principale raison pour laquelle les poursuites à venir auprès de la Cour
7 internationale de Justice, et le besoin de la Serbie d'être protégée,
8 avaient été présentés à la cour. Ceci aurait montré que les événements de
9 Srebrenica avaient été orchestrés avec une participation directe de
10 formations régulières de la Serbie.
11 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être pour gagner
12 un peu de temps, je voudrais attirer votre attention sur la page 7 de cet
13 article, avec votre aide.
14 Q. Madame Kandic, je vais vous poser une question concernant la dernière
15 page de ce document. Il y a une déclaration qui vous est attribuée. Je vais
16 commencer par citer ces propos :
17 "Natasa Kandic, directeur du centre de Droit humanitaire à Belgrade, relie
18 à ce type de démenti ce refus du gouvernement à ce qui s'est passé dans les
19 années précédentes."
20 Puis il y a une autre citation qui vous est attribuée et qui commence par
21 ceci :
22 "Dans cette affaire le gouvernement pensait que les intérêts
23 nationaux visaient à empêcher la Bosnie d'utiliser ces documents dans son
24 affaire contre la CIJ en dissimulant par ce biais la vérité."
25 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette déclaration et la phrase suivante
26 qui s'ensuit ?
27 R. Je pense que tout est très clair. Je pense que lorsque le gouvernement
28 de la Serbie avait fait des demandes pour certains documents ou certaines
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1 parties de documents, s'ils avaient fait l'objet de protection, ceci était
2 contraire à tout processus par lequel passe une société après des guerres,
3 à savoir de faire toute la lumière sur la vérité. Ceci devait être fait
4 pour s'assurer que les mêmes exactions ne se reproduisent pas.
5 Q. Vous avez mentionné un moment que la Serbie ou à l'époque la Serbie-et-
6 Monténégro avait essayé de dissimuler les faits, à savoir qu'ils essayaient
7 d'obtenir des mesures de protection auprès du tribunal concernant les
8 archives du SDC. Est-ce qu'ils ont essayé également de dissimuler les faits
9 concernant le fait que ces décisions portaient sur des éléments
10 confidentiels ?
11 R. Mais ce n'était pas un problème. Personne des autorités serbes n'avait
12 mentionné que ces décisions étaient confidentielles. C'est seulement après
13 les discussions que nous avons organisées en juin 2007, donc après le
14 prononcé du jugement, c'est-à-dire le 29 juin 2007, c'est seulement à ce
15 moment-là, étant donné que le groupe d'experts était composé de
16 représentants d'une équipe serbe, comme par exemple le professeur Rade
17 Stojanovic et le professeur Sasa Obradovic, et c'est seulement à ce moment-
18 là que cet avocat Sasa Obradovic a mentionné que ces décisions étaient
19 frappées de confidentialité. C'est le responsable de l'équipe de la
20 Défense, le professeur Stojanovic, qui a dit qu'il souhaitait que le
21 contenu de ces comptes rendus soit diffusé ou communiqué, et il l'a dit à
22 plusieurs reprises. Par conséquent, il n'a jamais été principalement
23 question de savoir si les décisions de la cour étaient confidentielles
24 puisque les discussions portaient sur le contenu.
25 Q. Qu'entendez-vous par "contenu" au singulier ou au pluriel ?
26 R. Quand je dis les contenus, je veux dire que tout le monde était au
27 courant de cela, tout le monde savait qu'il y avait des preuves de la
28 participation de la police et de l'armée de la République de Serbie dans le
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1 génocide de Srebrenica. Bien sûr, lors de cette réunion de ce groupe
2 d'experts qui s'est tenue en juin 2007, le responsable de l'équipe de la
3 Défense de la Serbie a déclaré qu'ils avaient fait tout ce qui était en
4 leur pouvoir y compris l'obtention de mesures de protection pour certains
5 documents afin de défendre la Serbie contre les accusations que le pays
6 aurait participé au génocide. Il était donc clair que ces documents ou
7 plutôt les demandes et l'obtention des mesures de protection avaient permis
8 à l'équipe de la Serbie de se défendre contre les chefs d'accusation à
9 l'encontre de la Serbie. C'est la principale raison pour laquelle ils
10 avaient demandé des mesures de protection.
11 Q. Pour gagner du temps, Madame Kandic, est-ce que vous pouvez confirmer
12 que lors de cette conférence que vous avez mentionné avoir organisée, le
13 compte rendu de cette conférence ou les actes de cette conférence sont dans
14 l'onglet 85 bis. Madame Kandic, est-ce que vous pourriez me dire si lors de
15 cette conférence, les représentants, vous avez mentionné M. Sasa Obradovic
16 et le professeur Stojanovic qui est un ancien ambassadeur de Serbie-et-
17 Monténégro, est-ce que vous pouvez confirmer qu'ils ont discuté ouvertement
18 durant cette conférence l'existence de ces ordonnances confidentielles qui
19 avaient été octroyées pour les comptes rendus du SDC
20 avait été octroyé par le tribunal ? Est-ce que vous pouvez confirmer ou pas
21 ?
22 R. Oui, tout à fait, ils ont été tout à fait francs et ouverts en la
23 matière puisque c'est un thème qui a été abordé par le menu et ils ne
24 pouvaient pas dire qu'ils n'étaient pas au courant de cela. Donc ça a été
25 discuté de manière publique.
26 Q. De façon à gagner du temps, les Juges et le Procureur ont un document,
27 nous avons les actes de cette conférence, et tout le monde a un exemplaire
28 dans ce prétoire, est-ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agit d'un compte
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1 rendu verbatim des discussions qui se sont tenues lors de cette conférence
2 ?
3 R. Oui. Il y a même un livre. Il s'agit des actes complets de la
4 conférence, donc de la totalité des discussions.
5 Q. Est-ce que ce document est du domaine public ?
6 R. Tout à fait. Ce livre a été publié et tous les participants et les
7 membres du groupe d'experts ont un exemplaire comme beaucoup d'autres
8 personnes également.
9 Q. Est-ce que vous avez reçu des plaintes laissant penser que le contenu
10 de ce document ne reflétait pas de manière fidèle les propos et les dires
11 des participants durant cette conférence ?
12 R. Non, jamais.
13 M. METTRAUX : [interprétation] Nous ferons référence à l'onglet 85 bis et
14 nous le verserons au dossier un peu plus tard.
15 Q. Madame Kandic, est-ce que vous pourriez passer maintenant à l'onglet 86
16 de votre jeu de documents. Madame Kandic, comme vous le voyez, il s'agit
17 d'un extrait d'une audience publique devant la Cour internationale de
18 Justice qui porte la date de 8 mai 2006, et le passage que vous avez
19 commence à la page 27 et c'est une réponse à une question posée par un des
20 juges de la CIJ, le Juge Simma, et la personne qui parle est le
21 représentant de la Serbie-et-Monténégro dans l'affaire contre la Bosnie-
22 Herzégovine.
23 Dans le paragraphe 55, le représentant de la Serbie dit ce qui suit :
24 "Madame la Présidente, je voudrais maintenant passer à un autre point - la
25 question posée par le Juge Simma concernant les sections qui ont été
26 marquées en noir ou occultées, qui ont été donc caviardées dans les
27 documents du Conseil suprême de la Défense de la République fédérale de
28 Yougoslavie.
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1 Est-ce que vous voyez cela ?
2 R. Oui.
3 Q. Si l'on continue, vous voyez que dans le paragraphe 56 il y a une
4 référence à une lettre d'un agent de la Serbie-et-Monténégro qui porte la
5 date du 16 janvier, et dans la dernière phrase de ce paragraphe vous verrez
6 que le représentant de la Serbie fait référence, et je cite :
7 "…les contenus de la partie expurgée du compte rendu et les notes
8 sténographiques du commandement Suprême de notre Etat."
9 Est-ce que vous voyez ceci dans le document qui est devant vous ?
10 R. De quel paragraphe parlez-vous ?
11 Q. Il s'agit du paragraphe 56, la dernière phrase de ce paragraphe. Est-ce
12 que vous voyez cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Nous reviendrons à cette page, mais je vous demande de passer à la page
15 suivante, le paragraphe 59. Dans la première phrase, vous voyez :
16 "Madame la Présidente, avec tout le respect que je dois à cette honorable
17 cour de justice, les représentants de la Serbie-et-Monténégro ne sont pas
18 habilités à aborder les contenus des sections expurgées des documents du
19 Conseil suprême de Défense à ce moment précis…"
20 Je voudrais donc vous poser une question : selon vous, vous l'avez peut-
21 être déjà dit précédemment, mais selon vous que cherchait à faire les
22 représentants de la Serbie-et-Monténégro pour conserver le caractère
23 confidentiel ? Est-ce que c'était le contenu des comptes rendus du SDC ou
24 est-ce que c'était l'existence des décisions portant sur ces documents, ou
25 est-ce que c'était pour un autre motif ?
26 R. Je l'ai déjà dit. Ils protégeaient le contenu. Ils ne voulaient pas que
27 les faits ou les données soient présentées. Nous, au niveau des
28 organisations de droit de l'homme, nous avons exprimé des doutes
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1 publiquement quant au contenu de ces documents. Ceci était lié à
2 l'implication ou à la participation de la police serbe et de l'armée serbe
3 à la commission du génocide à Srebrenica.
4 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, nous ferons
5 simplement référence au compte rendu à un stade ultérieur.
6 Nous pouvons passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
8 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-être qu'avec l'aide de l'huissier, nous
9 pouvons mettre un document sur le rétroprojecteur -- le document ne devra
10 pas être placé sur le rétroprojecteur.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
12 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
18 M. METTRAUX : [interprétation]
19 Q. Donc je disais, compte rendu du 20 avril 2006. Vous voyez qu'il s'agit
20 d'un compte rendu, compte rendu d'une audience à la CIJ, audience dans
21 l'affaire Bosnie et Serbie. Si vous tournez la page - vous verrez qu'il
22 s'agit de la page 40 d'ailleurs - le représentant de la Bosnie-Herzégovine
23 s'adresse à la cour, il parle justement du CDS, du Conseil de Défense
24 suprême et des rapports du CDS. Si vous tournez encore la page, vous
25 trouverez à la page 41, et vous avez ensuite la page 42, le paragraphe 43,
26 et voilà ce que dit le représentant de la Bosnie :
27 "Seulement récemment, alors que nous étions en pleine procédure devant
28 cette Cour, elle, et elle fait référence à la Serbie et au Monténégro, elle
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1 a essayé de faire en sorte que le TPIY ne rendrait pas public sa décision
2 confidentielle ordonnant à la Serbie et au Monténégro de produire certains
3 documents, notamment le dossier personnel de Ratko Mladic."
4 Alors, j'aimerais maintenant que nous nous concentrions exclusivement sur
5 le dossier personnel de M. Mladic. Le fait qu'il y avait une certaine
6 résistance de la part du gouvernement serbe à présenter, à produire le
7 dossier personnel de M. Mladic qui était -- alors, est-ce que ce dossier
8 faisait partie ou était, ou faisait partie du domaine public en avril 2006,
9 à cette date-là ?
10 R. En Serbie, le public savait pertinemment que le Tribunal de La Haye
11 avait demandé et demandé en permanence la production du dossier personnel
12 de Ratko Mladic. Mais dans les médias, vous pouviez lire ou entendre ce que
13 disaient les représentants des autorités serbes, qui disaient que ce
14 dossier n'existait pas ou qu'il ne pouvait pas être trouvé, que personne ne
15 savait où il se trouvait. Le public a compris très clairement que la Serbie
16 ne souhaitait pas remettre ce dossier, car ce dossier contenait des
17 informations que la Serbie ne voulait absolument pas communiquer.
18 M. METTRAUX : [interprétation] Alors, pour aller un peu plus vite en
19 besogne, nous allons faire deux choses. Dans un premier temps, nous allons
20 nous référer à une décision dans l'affaire Milosevic, il s'agit d'une
21 décision qui porte la date du 16 juin 2005. C'est une décision qui est
22 intitulé : "Décision relative à la requête présentée par le Procureur aux
23 fins de verser au dossier le certificat personnel de Ratko Mladic dans
24 l'armée Yougoslave (CJ)." Vous verrez t qu'il y a eu un débat tout à fait
25 public et tout à fait à bâtons rompus à ce sujet.
26 Madame Kandic, est-ce que vous pourriez, je vous prie, reprendre
27 l'intercalaire 84 pour une petite seconde.
28 Est-ce que M. l'Huissier pourrait aider Mme Kandic ? Il s'agit de
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1 l'intercalaire 84 ter, en fait, et il s'agit de la page 14 du document.
2 Malheureusement, la version dont vous disposé n'a pas été numéroté. Donc je
3 vous demande de prendre cinq pages avant la fin. Il s'agit d'un alinéa
4 intitulé, "Mémoire sélective."
5 M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]
6 M. METTRAUX : [interprétation]
7 Q. Vous l'avez trouvé, Madame Kandic ?
8 R. Oui.
9 Q. Voilà ce qui est dit. Alors vous voyez que : c'est l'IWPR, c'est un
10 article de l'IWPR, article publié le 7 mai 2005. Voilà ce qui est dit :
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a pas de pagination.
12 M. METTRAUX : [interprétation] Non, je comprends tout à fait, mais j'étais
13 en train de dire qu'il fallait compter cinq pages à partir ou avant la fin,
14 et vous verrez que, sur cette page, il y a, quasiment au milieu de la page,
15 un titre suivi d'un point d'interrogation, ce titre étant : "Mémoire
16 sélective" ?
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Mettraux, cela se trouve où
18 exactement ?
19 M. METTRAUX : [interprétation] Cinq pages avant la fin.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais quel intercalaire.
21 M. METTRAUX : [interprétation] 84 ter.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
23 M. METTRAUX : [interprétation]
24 Q. Je vais vous donner lecture de tout cela pour que tout aille un peu
25 plus vite. Alors il y a des indications suivant lesquelles certains
26 documents pertinents n'ont pas été rendus disponibles et suivant lesquels
27 certains ont disparu. Sur un de ces documents, il semblerait que tout comme
28 son officier de l'armée, le général Mladic lui-même a perçu une solde alors
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1 qu'il était membre régulier de l'armée yougoslave. Le président du conseil
2 juridique du ministère des Affaires étrangères de la Serbie et du
3 Monténégro, le Pr Radoslav Stojanovic, a révélé à l'IWPR au mois d'août
4 2004 qu'il existait un ordre de l'armée yougoslave, un ordre secret qui
5 datait de l'année 1993, ordre qui a concédé une promotion à Mladic. Il est
6 signé par le président yougoslave de l'époque, à savoir Zoran Lilic en sa
7 capacité de président du CDS."
8 Si vous tournez la page, vous voyez que le texte se poursuit comme
9 suit :
10 "Bien que l'ordre relatif à la promotion ait été filtré aux médias à
11 Sarajevo en novembre 2004, il ne semble pas qu'il ait été envoyé au
12 Tribunal du fait de la transaction en matière de mesures de protection.
13 "L'IWPR a obtenu un exemplaire du dossier personnel de Mladic qui
14 inclut des renseignements sur sa retraite et sur les dates de ses
15 promotions et sur les dates des ordres de promotion. Les documents montrent
16 que Mladic a reçu sa dernière promotion le 16 juin 1994, qu'il a été promu
17 au rang de général de brigade. Son dossier personnel indique -- ou l'on
18 retrouve cette idée dans la déclaration du Pr Stojanovic, déclaration selon
19 laquelle Mladic est resté officier de l'armée yougoslave bien après que
20 Belgrade ait indiqué qu'il n'était plus sous son commandement."
21 J'aurais une question très brève à vous poser à ce sujet, Madame Kandic.
22 Est-ce que ces faits, qui sont indiqués dans l'article du mois de mai 2005,
23 étaient de notoriété publique - et je pense aux organisations de victimes
24 et aux organisations des droits de l'homme en Serbie et ailleurs dans la
25 région des Balkans ?
26 R. Nous savions tous pertinemment qu'il y avait un 30e Centre du
27 Personnel, comme il était appelé, et que c'est par ce centre qu'étaient
28 organisées les soldes de tous les officiers de l'armée de Yougoslavie qui,
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1 par la suite, a été rebaptisée armée de la Serbie-et-Monténégro, et que
2 cela était valable pour toutes les personnes qui ont été affectées en
3 Bosnie après le 19 mai 1992.
4 Q. Une petite seconde. De toute façon, nous devons aller encore plus vite
5 en besogne que précédemment, parce que nous n'avons vraiment plus beaucoup
6 de temps à notre disposition. Est-ce que vous pouvez me dire si
7 l'information dont je viens donner lecture, information qui émane de cet
8 article, a été mise à la disposition du public et notamment des
9 organisations et protection des droits de l'homme et des organisations de
10 victimes en Serbie avant la publication de l'ouvrage de Mme Hartmann. Est-
11 ce que vous pourriez le confirmer par l'affirmative ou la négative ?
12 R. Oui, cela était connu, nous le savions. Nous étions, bien entendu,
13 informés de ce rapport de l'IWPR, et les organisations qui oeuvraient pour
14 les droits de l'homme le savaient également. Pour le public c'était tout à
15 fait normal. De toute façon, tout le monde savait pertinemment que Ratko
16 Mladic était officier de l'armée yougoslave et que l'armée de la Republika
17 Srpska faisait partie de l'armée de la Serbie et du Monténégro, à savoir de
18 la République fédérale de Yougoslavie. Il n'y avait absolument aucun
19 dilemme à ce sujet. Tout le monde savait pertinemment qu'il n'y aurait pas
20 eu d'armée de Republika Srpska sans armée de la Yougoslavie.
21 M. METTRAUX : [interprétation] J'ai posé toutes mes questions et j'ai
22 essayé d'être aussi rapide que faire se peut.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mettraux.
24 Vous avez des questions dans le cadre d'un contre-interrogatoire, Monsieur
25 MacFarlane ?
26 Contre-interrogatoire par M. MacFarlane :
27 Q. [interprétation] J'aimerais, Madame, attirer votre attention sur la
28 conférence qui a eu lieu à Belgrade, le 29 juin 2007 dont le texte se
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1 trouve à l'intercalaire 85 bis du classeur de la Défense. Vous y avez déjà
2 fait référence. Vous avez fait référence à plusieurs observations qui ont
3 été faites et notamment, à une observation portant sur la confidentialité
4 de certains documents. En d'autres termes, est-ce que certains documents
5 auraient dû rester confidentiels ou est-ce qu'ils auraient dû être
6 communiqués. Lorsque je vois le texte de cette conférence, j'ai
7 l'impression qu'il s'agissait plutôt d'un débat. C'est plutôt la teneur de
8 cette conférence, le débat. J'aimerais attirer votre attention sur un
9 élément et plus particulièrement sur un extrait qui, apparemment, ne fait
10 pas partie des pages qui ont été incluses par la Défense, bien que je pense
11 que cela figure dans votre ouvrage du compte rendu de la conférence. Aux
12 pages 93 et 94, il y a une déclaration que nous devons à Sasa Obradovic,
13 Obradovic s'épelant O-b-r-a-d-o-v-i-c. Voilà ce qu'a dit cette personne :
14 "Vous ne nous avez pas dit comment vous avez obtenu ce document. Je ne vais
15 absolument pas aborder cette question ici, mais c'est aussi simple que
16 cela. Si vous avez un document qui a été protégé du public par le Tribunal
17 de La Haye, alors, vous commettez un délit de manque de respect au
18 Tribunal. Certains journalistes de la Croatie ont répondu --
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse, mais avant que vous ne
20 commenciez votre réponse, Madame, je dirais à M. MacFarlane qu'il a fait
21 référence à un livre. Mais de quel livre s'agit-il ? Je n'en suis pas très
22 sûr.
23 M. MacFARLANE : [interprétation] La Défense a déposé une partie du compte
24 rendu de ce colloque qui ne fait pas partie des documents de la Défense.
25 M. METTRAUX : [interprétation] Si cela peut vous permettre d'aller plus
26 vite, nous n'avons absolument aucune objection à ce que l'intégralité de ce
27 compte rendu de la conférence soit versée au dossier.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Si M. MacFarlane doit faire des
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1 références à une partie du document qui a déjà été versé au dossier, il va
2 sans dire que le reste doit également être versé au dossier.
3 M. MacFARLANE : [interprétation]
4 Q. Est-ce que vous connaissez cet extrait de Sasa Obradovic ?
5 R. Oui, oui, tout à fait.
6 Q. Donc, il semblerait que cette personne a indiqué de façon très très
7 claire que tout document protégé doit rester protégé et que vous commettez
8 un délit --
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Mettraux.
10 M. METTRAUX : [interprétation] C'est une façon particulièrement inique de
11 poser la question. Si M. MacFarlane veut aborder cette question, je pense
12 qu'il doit faire référence à la discussion précédente, à savoir le contenu
13 du document expurgé.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que vous pouvez le faire dans
15 le cadre de votre contre-interrogatoire. Vous êtes en train de nous donner
16 lecture du procès-verbal, du compte rendu de cette conférence.
17 Donc, poursuivez.
18 M. MacFARLANE : [interprétation] Je vous remercie.
19 Q. Mais n'est-il pas exact que Sasa Obradovic est détaché ou travaille
20 pour l'ambassade de la Serbie aux Pays-Bas et d'ailleurs, c'est ce qui est
21 indiqué. Il est indiqué comme faisant partie de l'ambassade de la Serbie.
22 R. Oui, c'est vrai. C'est un fonctionnaire. C'est le seul moment, pendant
23 toute la conférence, où l'un des fonctionnaires de la République de Serbie
24 mentionne la décision relative à la confidentialité.
25 Je dirais pour les Juges que vous avez dit : "Oui, mais vous avez
26 seulement omis de dire." C'est ce que vous avez cité, ce qui pourrait
27 donner l'impression aux Juges que Sasa Obradovic s'adressait à moi, alors
28 qu'il faut savoir qu'il s'adressait à un journaliste.
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1 Q. Oui, mais je vois qu'il y a eu plusieurs points de vue différents qui
2 ont été présentés lors de ce colloque et que, justement, des perspectives
3 différentes ont été mises en avant, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, oui. C'est ce qui s'est passé. Alors, il y a eu d'un côté des
5 représentants de l'équipe de la défense de Serbie qui avaient un point de
6 vue. Il y avait par ailleurs des représentants d'organisations de promotion
7 des droits de l'homme qui ont réitéré leur point de vue, à savoir que tous
8 les documents protégés devraient être rendus publics. Puis il y avait
9 également des représentants de victimes de Bosnie-Herzégovine ou d'autres
10 représentants qui étaient de victimes de Bosnie-Herzégovine. Leur point de
11 vue était que l'Etat de Serbie était contraint et devait, dans l'intérêt du
12 passé et dans l'intérêt surtout des victimes, de communiquer les documents
13 en question. Bien entendu, il y avait des représentants de l'équipe de la
14 défense de Bosnie-Herzégovine qui pensaient que de cette façon, la Serbie
15 empêchait la population serbe de savoir comment le génocide à Srebrenica a
16 été commis.
17 Q. Moi ce que j'avance, c'est que lors de ce colloque, il y a eu toute une
18 série de points de vue qui ont été exprimés par des personnes individuelles
19 et que l'intention n'était pas de présenter le point de vue officiel du
20 gouvernement de la Serbie mais plutôt de présenter les points de vue de
21 personnes.
22 R. Oui, mais je vous en prie, les représentants de l'équipe juridique de
23 la Serbie ne pouvaient pas déclarer leurs points de vue personnels. Ce sont
24 des fonctionnaires qui, de ce fait, représentent l'Etat dans le cadre d'une
25 équipe juridique et ils ont toujours, toujours fait valoir leurs points de
26 vue qui étaient tout à fait conformes à la stratégie juridique adoptée par
27 la défense. La seule exception pendant ce colloque, et pendant toutes les
28 années jusqu'à l'heure actuelle, a été le professeur Stojanovic qui, lui, a
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1 indiqué qu'il préconisait la communication de tous les documents protégés.
2 Mais personne de son équipe d'ailleurs ne s'est rallié à ce qu'il a dit.
3 D'ailleurs, il n'a plus jamais redit quelque chose de la sorte.
4 M. MacFARLANE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais aborder
5 deux autres domaines. Je sais pertinemment quelle heure il est en ce
6 moment, mais il s'agit de deux domaines très importants et je vais
7 m'efforcer d'être aussi rapide que possible.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, Monsieur MacFarlane, si vous
9 n'avez pas terminé, il faudra que vous repreniez le fil de votre contre-
10 interrogatoire, sans oublier qu'il se peut que les Juges aient également
11 des questions à poser.
12 M. MacFARLANE : [interprétation] Alors, pour aborder ces deux questions que
13 j'ai l'intention de terminer aujourd'hui, nous devons passer à huis clos
14 partiel.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je souhaiterais que la Chambre
16 passe à huis clos partiel.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
18 [Audience à huis clos partiel]
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15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Kandic, malheureusement, nous
17 n'avons pas pu terminer votre déposition aujourd'hui. Malheureusement, vous
18 allez devoir revenir pour terminer votre déposition. Je voudrais simplement
19 vous rappeler que pendant que vous ne serez pas devant ce Tribunal, vous
20 n'êtes pas supposée discuter de cette affaire avec qui que ce soit tant que
21 vous n'avez pas fini de déposer. D'accord ? Est-ce que c'est clair ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
24 Malheureusement, il est très difficile de prévoir une date dans un
25 avenir tout proche. Donc il va falloir que nous levions l'audience jusqu'au
26 1er juillet 2009. Je pense que les parties seront informées de la date et
27 de l'heure. Merci. Ce sera donc le 1er juillet.
28 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi 1er
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1 juillet 2009.
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