Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 241

1 Le jeudi 19 janvier 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 34.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. La Chambre a

6 décidé de commencer plus tôt que prévu aujourd'hui, de commencer à 8 heures

7 30 au lieu de 9 heures afin que nous disposions de plus de temps pour

8 entendre la présentation des moyens de la Défense si elle souhaite

9 présenter des moyens. Je vais me tourner en premier lieu vers les

10 représentants de la Défense pour savoir ce qu'il en est.

11 M. KRSNIK : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

12 Juges. En quelques mots, je vais vous présenter la nature de notre

13 position, la position commune. J'interviens donc ici au nom de Me Ivanovic

14 et de moi-même.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

16 M. KRSNIK : [interprétation] Je reste dans l'esprit qui était le nôtre

17 quand nous avons entamé cette affaire après consultation de notre client --

18 de mon client, après avoir entendu les moyens produits par l'Accusation,

19 nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il était inutile de citer à la

20 barre de nouveaux témoins, puisque s'agissant de M. Tomljanovich, le témoin

21 d'hier, nous estimons que les événements de preuve présentés sont

22 totalement superflus, inutiles. Nous n'avons rien à répondre, à opposer à

23 ce qui a été dit par ce témoin.

24 Maintenant, pour ce qui est de ce qu'a dit M. Cameron, nous estimons que

25 son témoignage a été utile et nous pensons que ce témoin à charge là, il a

26 confirmé, même précisé parfois au cours de sa déposition, ce que nous, nous

27 souhaitions prouver par le truchement de nos propres témoins. Voilà les

28 raisons essentielles pour lesquelles nous estimons qu'il n'est pas

Page 242

1 nécessaire d'entendre de nouveaux témoins, toujours dans cet esprit de

2 souplesse, de flexibilité qui était nôtre. Je parle ici de la question des

3 nouveaux témoins à citer à la barre par leur soin.

4 Maintenant, s'agissant de l'admission de documents qui ne sont pas admis

5 par le truchement de témoins, j'aimerais que vous admettiez les documents

6 suivants en question, des documents de la Chambre. Il s'agit en

7 l'occurrence de deux décisions. Les deux décisions de la Chambre d'appel --

8 de la Chambre -- pardon -- de première instance dans l'affaire Blaskic,

9 c'était M. le Juge Claude Jorda qui présidait cette formation. Il s'agit en

10 l'occurrence de deux ordonnances de mesures de protection. Avec ces

11 ordonnances, nous souhaitons montrer ce qui a dicté la conduite de la

12 Chambre de première instance. Il s'agit de décisions qui ont trait au

13 général Morillon, l'ancien commandant de la FORPRONU, et cela a également

14 trait à M. Jean-Pierre Thébault, qui était le haut représentant des Nations

15 Unies. Ces deux personnes ont déposé à huis clos dans l'affaire Blaskic. Il

16 est manifeste que la Chambre de première instance a décidé de les entendre

17 à huis clos. Mais il faut savoir que la Chambre a également édicté des

18 règles très claires pour protéger la teneur, le contenu de la déposition,

19 si bien que jamais ni la Défense ni l'Accusation ne seront en mesure de

20 révéler ce qui a été dit. Inutile de m'étendre sur cette question.

21 En revanche, leurs noms, l'identité de ces témoins, n'a pas été protégée, à

22 savoir qu'il est de notoriété publique que ces deux hommes ont déposé. Mais

23 en revanche, la teneur de leurs dépositions, elle, bénéficie d'une

24 protection, hormis notre temps à mettre en évidence ceci, parce que la

25 déposition de M. van Kuijk ne s'est jamais inscrite dans ce même contexte

26 et n'a jamais bénéficié exactement de la même protection, du même type de

27 protection. Parce que si cela s'était révélé nécessaire, il est manifeste

28 que la Chambre en serait venue à rendre une ordonnance distincte et

Page 243

1 semblable à celle que je viens d'évoquer. Si bien que nous affirmons à

2 partir de ce document que je vous demande de verser au dossier, nous

3 affirmons qu'il n'y a jamais eu de mesures de protection en réalité pour le

4 témoin van Kuijk. Je dispose de copies de ces décisions pour les parties

5 ainsi que pour les Juges de la Chambre. J'aimerais vous demander de bien

6 vouloir vous pencher sur ces textes et de les recevoir. C'est tout ce que

7 j'ai à dire. Je vous remercie de votre patience.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez procéder à la distribution de

9 ces pièces aux Juges. Je voudrais entendre l'Accusation.

10 M. AKERSON : [interprétation] Nous n'avons aucune objection s'agissant du

11 versement de ces documents.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons accepter le versement de

14 cette pièce. Il va nous falloir des cotes.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] La première décision en date du 12 mai

16 1999 sera la pièce D1. La deuxième décision du 30 mai 1990 se voit octroyer

17 la cote D2. Merci.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Va-t-on maintenant passer aux

19 déclarations de clôture ? On va commencer par l'Accusation.

20 M. KRSNIK : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Krsnik.

22 M. KRSNIK : [interprétation] Excusez-moi, mais je n'ai pas le compte rendu

23 à l'écran. Si le technicien pouvait m'apporter son aide. Je n'ai rien à

24 l'écran. Je n'ai pas de compte rendu. C'est peut-être un petit problème

25 technique.

26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Akerson, vous avez la parole.

27 M. AKERSON : [interprétation] Le 18 novembre 2004, Hrvatski List a publié

28 deux articles qui ont dévoilé le nom d'un témoin ainsi que sa déposition à

Page 244

1 huis clos. Cet article s'est remis en question l'autorité du Tribunal et sa

2 capacité à protéger la confidentialité des témoins, ceci constituant une

3 entrave aux cours de la justice.

4 Je vais, au cours de mon intervention, vous présenter des diapositives qui

5 apparaîtront à l'écran.

6 Les faits de l'espèce sont incontestés pour l'essentiel, enfin même

7 complètement incontestés. En décembre 1997, Johannes van Kuijk, un

8 Néerlandais, a déposé à huis clos dans l'affaire Blaskic. Son identité n'a

9 jamais été révélée --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites que les faits ne sont

11 pas contestés. Néanmoins, il y a un point pourtant qui me semble

12 fondamental sur lequel vous pourriez faire la lumière. Hier, vous avez

13 présenté un document où on compare ce qui a été dit par le témoin dans sa

14 déclaration au TPIY et ce qui a été dit également dans sa déposition.

15 Qu'est-ce qu'on retrouve de tout cela dans l'article ?

16 M. AKERSON : [interprétation] Dans l'article, on trouve l'essentiel de la

17 déposition -- de la déclaration du témoin. Je vais y venir plus tard. La

18 déclaration est pratiquement publiée dans son intégralité, la déclaration

19 écrite. On la trouve pratiquement dans son intégralité dans l'article.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

21 M. AKERSON : [interprétation] Marijacic était le rédacteur en chef de

22 Hrvatski List. C'est lui qui était l'auteur des articles en question. Dans

23 l'article principal, il a dévoilé l'identité de van Kuijk. Il a donné son

24 nom. Il a publié la déclaration de cet homme, que l'on présente comme un

25 document secret en gros caractères rouge vif. Il a dit que le témoin avait

26 déposé en secret. On voit partout dans cet article les mots "document

27 secret." Dans les documents qui sont publiés à côté, on trouve le nom de

28 Rebic, Rebic qui dit que c'est lui qui a fourni à Hrvatski List tous ces

Page 245

1 documents. Il déclare qu'il savait bien que ces documents étaient protégés.

2 On peut le voir à l'écran à ce moment.

3 Il dit : "Ce sont des documents protégés. Je sais que ce sont des documents

4 protégés," quand il y a une question qui lui est posée, et "de tels

5 documents ont déjà été révélés par le passé, mais on pourrait considérer

6 qu'il s'agit d'une entrave au travail du Tribunal," dit-il. Ce qui revient

7 à ce que nous avons nous-mêmes dit, à savoir, entrave à la bonne

8 administration de la justice, entrave au travail du bureau du Procureur du

9 Tribunal.

10 En avril, la publication d'acte d'accusation contre les deux hommes,

11 Marijacic, Rebic. Peu après, il réitère ce qu'ils avaient reconnu

12 précédemment. Le 7 mars, Marijacic s'exprime auprès des représentants de

13 HINA, de l'agence de presse croate. Il répète ce qu'il a déjà dit dans son

14 article au sujet du témoin protégé, au sujet de la déposition, au sujet de

15 la révélation de tout cela. Vous pouvez le voir à l'écran. Un peu plus

16 tard, le 5 mai 2005, Marijacic consacre un numéro entier de Hrvatski List à

17 l'acte d'accusation.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai perdu la chronologie. Vous parlez

19 d'avril, vous parlez de mars, vous parlez d'une interview à HINA. Quand

20 est-ce qu'on -- ces dates sont-elles exactes ?

21 M. AKERSON : [interprétation] L'acte d'accusation date d'avril. En mai,

22 nous avons un numéro de Hrvatski List qui est consacré à cet acte

23 d'accusation -- à l'acte d'acc-- la date est le 27 avril. On voit mars à

24 l'écran.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On voit également "Marijacic."

26 M. AKERSON : [interprétation] Oui. Le 27 avril, Rebic a accordé une

27 interview à l'agence HINA.

28 Dans l'édition du 5 mai de Hrvatski List, Marijacic déclare qu'il a reçu

Page 246

1 les documents en novembre de l'année précédente, et que comme M. Rebic les

2 lui a donnés, il savait très bien qu'il s'agissait d'un témoin protégé. Il

3 déclare qu'ils se sont interrogés sur la nécessité ou non de publier,

4 qu'ils ont décidé de le faire après avoir peser le pour et le contre.

5 Ensuite, Marijacic ajoute, je cite : "De plus, en Croatie, il nous est déjà

6 arrivé de révéler l'identité de témoins protégés sans subir aucune

7 conséquence." M. Marijacic donne le nom ensuite d'un autre témoin protégé

8 dans l'affaire Blaskic. Il déclare qu'il s'agissait d'un témoin qui avait

9 déposé en secret à La Haye contre la Croatie et contre le général Blaskic,

10 et que beaucoup de médias croates avaient publié son nom ainsi que sa

11 déposition."

12 Voici l'essentiel des faits de l'espèce, Monsieur le Juge. Pour déclarer

13 Marijacic et Rebic coupables, la Chambre doit être convaincue au-delà de

14 tout doute raisonnable que l'Accusation a prouvé trois choses aux termes de

15 l'article 77(A)(ii). Premièrement, que Marijacic et Rebic ont sciemment et

16 délibérément entraver le cours de la justice en révélant des informations

17 relatives à cette audience, et ceci en violation d'une ordonnance rendue

18 par le Tribunal. Je vais prendre chacun de ces éléments-clés et les

19 développer.

20 Premièrement, l'Accusation doit établir au-delà de tout doute raisonnable

21 que Rebic et Marijacic ont délibérément et sciemment entraver le cours de

22 la justice en contrevenant une ordonnance de la Chambre. Ils reconnaissent

23 l'avoir fait. Ce faisant, ils ont entravé le cours de la justice. Nous

24 avançons qu'il s'agit en soi d'une entrave au cours de la justice,

25 puisqu'ils ont délibérément entravé ou violé une ordonnance qui avait été

26 rendue par la Chambre et ceci de manière publique, provocante.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous dites que cela s'applique

28 même si cette ordonnance n'a aucune utilité ?

Page 247

1 M. AKERSON : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait d'accord sur ce

2 point.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas été en mesure hier de

4 nous expliquer quelle était l'utilité de cette ordonnance.

5 M. AKERSON : [interprétation] Je vais y arriver, je peux répondre tout de

6 suite, l'objectif était le suivant : l'objectif c'est quoi ? C'est que nous

7 avons un procès qui s'annonce avec des témoins croates. Quand on a un

8 journal qui remet en question de manière aussi provocante ces mesures de

9 protection, cela remet en question notre capacité, la capacité des Juges à

10 faire venir des témoins ici et à leur garantir que leur anonymat va être

11 respecté.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, c'est différent. Ma question est

13 tout autre, ma question est la suivante : quelle était l'utilité de cette

14 ordonnance en question au moment de la publication ?

15 M. AKERSON : [interprétation] Vous parlez de l'ordonnance rendue oralement

16 aux fins d'entendre le témoin à huis clos ?

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

18 M. AKERSON : [interprétation] Cela a été décidé par le Juge de la Chambre

19 après avoir entendu les parties.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais la publication a eu lieu

21 sept ans plus tard. Je voudrais savoir quelle était l'utilité de cette

22 ordonnance-là au moment de la publication ou est-ce qu'on avait tout

23 simplement oublié cette ordonnance ? Est-ce que qu'elle n'avait plus aucun

24 intérêt ?

25 M. AKERSON : [interprétation] Oui, mais la question qui se pose --

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, sept ans plus tard.

27 M. AKERSON : [interprétation] Il est manifeste que la teneur de la

28 déposition était protégée. Ils l'ont publiée, c'est incontestable.

Page 248

1 Maintenant s'agissant d'identité, c'est autre chose.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas la question. La

3 question qui se pose, c'est la suivante -- la question elle va plus loin.

4 La question d'identité, cela, c'est autre chose. Quelle était l'utilité de

5 protéger la teneur de la déposition à ce moment-là ?

6 M. AKERSON : [interprétation] En 1997 ?

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, en 2004, au moment où il y a eu

8 cette violation alléguée.

9 M. AKERSON : [interprétation] Nous avançons, quant à nous, que peu importe,

10 même si ce n'est pas le cas --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, c'est autre chose. Je veux que

12 vous me disiez quelle était l'utilité de cette ordonnance, à quoi servait-

13 elle cette ordonnance au jour de la publication de cet article. Pourquoi

14 est-ce que cette ordonnance était toujours en vigueur ? D'ailleurs, est-ce

15 qu'elle l'était vraiment toujours en vigueur ?

16 M. AKERSON : [interprétation] Oui, elle était toujours en vigueur. Personne

17 n'a le droit d'annuler, enfin, c'est ce que nous pensons. Quant à nous,

18 personne n'a le droit, personne à l'exception d'une Chambre de première

19 instance ou du Tribunal n'a le droit de modifier une ordonnance rendue par

20 une Chambre. L'argumentation que vous êtes en train de soulever, c'est que

21 quiconque peut finalement revenir sur une ordonnance rendue par une Chambre

22 s'ils estiment que cette ordonnance n'avait pas lieu d'être. Partons du

23 principe que dès le départ, cette ordonnance n'avait pas lieu d'être. Est-

24 ce que cela signifie pour autant que n'importe quel organe de presse puisse

25 dire : Bien, finalement cette ordonnance n'a pas lieu d'être, donc, il est

26 inutile que nous nous y tenions. Ce sont ces principes-là qui se posent.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, c'est autre chose. La question à

28 laquelle je voudrais toujours avoir une réponse : quelle était l'utilité de

Page 249

1 cette ordonnance à la date de novembre 2004 ? Si l'Accusation avait

2 véritablement réfléchi à nouveau sur toute cette problématique, est-ce

3 qu'elle ne l'aurait pas annulée ?

4 M. AKERSON : [interprétation] De notre point de vue --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon, vous ne pouvez pas répondre,

6 poursuivez.

7 M. AKERSON : [interprétation] La provocation publique, la remise en cause

8 de la capacité du Tribunal à assurer la confidentialité des témoins

9 constitue une entrave grave au cours de la justice. Les témoins courent

10 souvent de graves risques en venant déposer au Tribunal, et souvent, ils

11 déposent de manière anonyme, confidentielle. Il est absolument essentiel

12 que ces mesures soient respectées. Or, c'est ce qui a été remis en cause

13 par Hrvatski List et qui a remis en cause la confiance dans le Tribunal des

14 Croates en général, et cela constitue également une entrave à

15 l'administration de la justice. Cela remet en cause notre capacité à faire

16 venir des témoins dans le cadre d'un procès qui va avoir trait à la

17 Croatie, une fois avoir mis en cause notre capacité à fournir ces mesures

18 de protection et à les faire respecter.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faut qu'on vous croit sur parole

20 sur ce point ?

21 M. AKERSON : [interprétation] Pardon ?

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au sujet de cette entrave, vous dites

23 que cela va entraver le bon cours d'une affaire, une affaire qui va

24 commencer ? Où sont les preuves à l'appui de cette affirmation ?

25 M. AKERSON : [interprétation] C'est ce qu'on voit dans le journal. C'est ce

26 qu'on voit dans le journal qui remet en question de manière tout à fait

27 provocante tous les systèmes de protection des témoins, et ceci étant

28 publié partout dans tous les kiosques à journaux de Croatie. Cela se passe

Page 250

1 même de commentaires, c'est évident.

2 L'élément suivant qu'il convient que nous prouvions, c'est que Rebic

3 et Marijacic ont révélé des informations au sujet d'une procédure. En

4 l'occurrence, il s'agit de l'affaire Blaskic, ce qui est incontestable dans

5 le cas déposé dans l'affaire Blaskic. Les ordonnances qui s'appliquent et

6 dont on parle ici, elles viennent de l'affaire Blaskic. Tout est en rapport

7 avec l'affaire Blaskic.

8 Dernier élément qui doit être établi par l'Accusation. Il faut que nous

9 montrions que les deux accusés ont sciemment contrevenu à une ordonnance

10 rendue par la Chambre, cela c'est essentiel. Nous avons deux ordonnances;

11 l'ordonnance rendue oralement du 16 décembre 1997 où on décide de procéder

12 à huis clos; et nous avons une autre ordonnance, l'ordonnance du 1er

13 décembre 2000. Je vais traiter de chacune de ces ordonnances tour à tour.

14 Vous avez sous les yeux, à l'écran, l'ordonnance qui a été rendue

15 oralement. On voit qu'il est répété à chaque page, on voit qu'on parle de

16 huis clos. Il s'agit d'une déposition donnée à huis clos. "Déposition

17 donnée à huis clos," cela revient sans cesse.

18 Rebic et Marijacic avaient manifestement connaissance de cette

19 ordonnance aux fins d'entendre le témoin à huis clos puisque Rebic a remis

20 le compte rendu papier à Marijacic qui a reconnu l'avoir reçu, et dans le

21 compte rendu d'audience, il est fait, à de nombreuses reprises, référence à

22 la déposition à huis clos. Rebic et Marijacic ont contrevenu à cette

23 ordonnance en publiant la déclaration de van Kuijk.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Akerson, pourriez-vous nous

25 faire une espèce de petit condensé de tous les éléments de preuve que vous

26 avez, s'agissant de la remise par M. Rebic du compte rendu d'audience à M.

27 Marijacic. En d'autres termes, quelles sont les preuves dont vous disposez

28 sur ce point ? Quelles sont celles qui auraient été remises à la Chambre

Page 251

1 sur ce point ?

2 M. AKERSON : [interprétation] Le fait que Rebic --

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- ait remis le compte rendu à

4 Marijacic.

5 M. AKERSON : [interprétation] Nous avons l'article du 18 novembre 2004.

6 C'est publié, ce fait est publié dans l'article. Ils le reconnaissent, ils

7 le reconnaissent dans une interview. J'aimerais qu'on l'affiche à l'écran.

8 M. Rebic dit : "Il y a deux documents. Il y a la déclaration du témoin van

9 Kuijk, et il y a sa déposition et je les remets à Hrvatski List." Ensuite,

10 dans l'interview, on lui demande si ces pièces sont protégées, il répond :

11 "Oui, elles sont protégées, je le sais." Vous avez déjà pu voir l'extrait

12 où il dit : "Est-ce que c'est une entrave au cours de la justice ?" Il

13 répond : "Oui, on pourrait considérer cela comme une entrave au travail du

14 Tribunal."

15 Il y a cela d'abord, cet aveu, et si vous voulez une corroboration, il faut

16 savoir qu'ils ont effectivement publié la déclaration du témoin. Ce qui

17 confirme ce qu'il dit quand il dit : "J'ai remis ces documents et nous

18 avons décidé de les publier." C'est confirmé par le fait que la déclaration

19 elle a effectivement été publiée. Ensuite le 27 avril, M. Rebic accorde une

20 interview à HINA, dan laquelle il confirme le fait qu'il a remis ce

21 document et qu'il savait pertinemment ce qu'il savait et qu'il savait que

22 ce document était protégé. Vous remarquez ici c'est que à ce moment-là, M.

23 Rebic n'est plus seulement la personne qui a remis un compte rendu à

24 quelqu'un d'autre mais il est employé par Hrvatski List. Alors si la

25 Chambre dit que si ce n'est pas fiable que ce journal ait publié des

26 documents qu'ils admettent, on pourrait croire que M. Rebic ne veut pas

27 être associé à un organe de presse qui en fait jamais avait affirmé

28 erronément qu'il avait transmis le document. Or, il y a confirmation, ceci

Page 252

1 se trouve dans le deuxième numéro de Hrvatski List du 5 mai. M. Marijacic

2 confirme que ceci lui a été remis par M. Rebic. Il n'y a pas eu de

3 rétractation officielle de la part de Hrvatski List, pas de numéro publié

4 ultérieurement qui revienne sur ces faits. Manifestement, de façon patente,

5 c'était une déclaration honnête. C'est la seule conclusion qu'il est

6 logique de tirer.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Au fond, vous demandez à la Chambre de

8 première instance de s'appuyer sur ces articles de presse pour condamner

9 les accusés à propos de quelque chose que ne concèdent même pas les

10 accusés ?

11 M. AKERSON : [interprétation] Je ne pense pas qu'on peut contester

12 l'authenticité de ces articles, mais effectivement, le fond même de cette

13 affaire, c'est le numéro de votre liste du 18 novembre, c'est l'article du

14 27 avril 2001, l'article du 5 mai, et le fait qu'il n'y a pas eu de

15 rétraction publiée officiellement dans l'un ou l'autre de cet article. Je

16 vous remercie.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Poursuivez, Monsieur Akerson.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où trouvez-vous le lien entre M.

19 Rebic et la direction de Hrvatski List ?

20 M. AKERSON : [interprétation] Dans le numéro du 5 mai de Hrvatski List.

21 Vous avez le gros titre où dans l'en-tête on dit que M. Rebic est le

22 rédacteur.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a un principe lorsque

24 deux personnes sont mises en accusation, principe qui dit que si une

25 déclaration faite par l'une de ces personnes ne peut être retenue comme

26 accusation contre l'autre de ces personnes ? Je reformule ma pensée. Vous

27 accusez M. Marijacic et la personne qu'il interview, et vous vous fondez

28 pour ce faire sur ce qu'a écrit M. Marijacic. Est-ce qu'il est possible

Page 253

1 d'utiliser ceci comme moyen à charge contre M. Rebic ?

2 M. AKERSON : [interprétation] A mon avis, oui. Pour autant que ce soit

3 adopté par les deux parties en cause dans des publications ultérieures.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui --

6 M. AKERSON : [interprétation] Dans cette ordonnance orale, on parlait du

7 fait que M. Marijacic avait connaissance de l'existence de cette ordonnance

8 qui protégeait l'intégralité de cette déclaration, mais en retour, ce

9 document a été publié. La question pour les Juges, c'est de savoir si la

10 publication de cette déclaration est synonyme de publication du témoignage.

11 Vous avez entendu les éléments de preuve auparavant à ce propos. La

12 question qui se pose c'est celle-ci : si une Chambre fait une audience à

13 huis clos, est-ce que vous protégez l'identité du témoin ou la teneur de sa

14 déposition aussi ? A notre avis, la seule conclusion logique, c'est que la

15 teneur de ce que cette personne dit est protégée également. J'irais même

16 jusqu'à dire que si moi, journaliste ou journal, je voulais publier des

17 informations présentées de façon confidentielle par un témoin, il est

18 beaucoup plus efficace de publier une déclaration lorsqu'elle reflète bien

19 sa déposition que le compte rendu en tant que tel. Parce qu'un compte

20 rendu, il est long, il est rempli et truffé d'objections. Il y a des

21 interruptions, des hiatus et il n'y a pas de suivi logique alors qu'une

22 déclaration, elle est synthétique, elle est condensée et elle comprend tous

23 éléments-clés sur lesquels portera la déposition à l'audience de ce témoin

24 ou celle qui compte au regard de ce témoin.

25 Vous le savez, Messieurs les Juges, dans beaucoup d'interrogatoires

26 principaux, on se sert de la déclaration préalable du témoin comme

27 fondement, comme matrice si vous voulez. En fait, il y a un effet miroir

28 entre la déclaration préalable écrite et la déposition à l'audience.

Page 254

1 L'intention de M. Marijacic, c'était de publier la déposition. Ils le

2 disent d'ailleurs. Or, ils le font en publiant la déclaration préalable qui

3 est un véhicule, un moyen bien plus efficace au niveau de la publication

4 que le compte rendu d'une audience. Lorsqu'on passe à huis clos, ce que dit

5 le témoin dans sa déposition est protégée, quelle que soit la forme

6 utilisée, que ce soit un résumé, une déclaration préalable dont la partie

7 sait qu'elle contient les mêmes informations. En publiant cette déposition

8 --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi est-ce que vous dites que

10 c'est un véhicule plus efficace ?

11 M. AKERSON : [interprétation] Je ne vous ai pas entendu, Monsieur le Juge,

12 je m'excuse.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi dites-vous que la

14 publication d'une déclaration préalable de témoin est plus efficace que la

15 publication d'un compte rendu d'audience ?

16 M. AKERSON : [interprétation] Dans une déclaration préalable, il se peut

17 qu'un témoin dise ceci : "J'ai vu telle ou telle chose." Lorsqu'il vient

18 déposer à l'audience, on va peut-être lui poser des questions qui feront

19 éventuellement l'objet d'objections, et sur deux pages de compte rendu,

20 vous aurez tout un argumentaire ou une discussion sur l'objection. Si on

21 lui rafraîchit la mémoire en posant une autre question, il dira peut-être :

22 Je ne me souviens pas de la question, est-ce que vous pouvez la

23 reformuler ? Cela va peut-être traîner sur plusieurs pages. Cela arrive

24 souvent, la plupart du temps, dirais-je, c'est qu'il y a beaucoup plus de

25 pages de compte rendu qui concernent un seul élément d'information que ce

26 qu'on trouve souvent dans une déclaration préalable écrite en un seul

27 paragraphe où les informations, les éléments sont repris de façon beaucoup

28 plus concise.

Page 255

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il se peut que le thème que vous

2 avez utilisé m'ait induit en erreur. Vous aviez parlé en anglais de

3 "effective," efficace.

4 Poursuivez.

5 M. AKERSON : [interprétation] Ce je viens de dire, il apparaît clairement,

6 à mon avis, que lorsqu'il y a publication par ces deux individus de cette

7 déclaration, il y a eu violation de l'ordonnance qui concernait M. van

8 Kuijk pour qu'il poursuive sa déposition à huis clos.

9 Ce qui compte de savoir, c'est de savoir s'il y a violation de l'ordonnance

10 en violant l'identité ou en dévoilant l'identité du témoin, cette question

11 vient d'être soulevée par le conseil de la Défense. S'il n'y a pas

12 d'ordonnance écrite exigeant le passage à huis clos, est-ce

13 qu'automatiquement cela va protéger l'identité du témoin ? La Défense a

14 évoqué une affaire qui vient à l'appui de notre thèse. En fait, cela

15 viendrait plus de la teneur de la déposition. En général, cela protège

16 l'identité mais ce n'est pas toujours le cas. Vous aviez le cas du général

17 Morillon, la Chambre de première instance le cite comme témoin. Tout

18 d'abord, on énumère plusieurs témoins dont M. le général Morillon, en

19 donnant les noms et on dit : "Si vous voulez des mesures de protection,

20 demandez-les à la Chambre." On a d'abord révélé l'identité et c'est après

21 qu'on demande au témoin de dire si oui ou non, par voie de requête, il veut

22 protection de l'identité. Ceci montre clairement que la seule chose qui

23 était protégée, c'était la teneur de la déposition du général Morillon, pas

24 son identité.

25 Ici, nous avons un cas de figure tout à fait différent. Ici, on ne révèle

26 jamais l'identité de M. van Kuijk en audience publique, pas à une seule

27 reprise. Les Juges ne se servent pas de son nom et sont très prudents et

28 parlent toujours du "témoin" sans donner son nom quand ils se demandent

Page 256

1 s'il faut que la déposition se fasse à huis clos. Puis, lorsqu'on passe à

2 huis clos, à ce moment-là, c'est seulement à ce moment-là que les Juges le

3 citent. Manifestement, les Juges veulent protéger son identité. Ces faits,

4 le compte rendu qu'avaient les deux accusés, montrent que l'identité de M.

5 van Kuijk était protégée et elle l'a été pendant les sept ans qui ont suivi

6 sa déposition jusqu'au moment de la publication par Harvatski List. C'était

7 reconnu par les accusés dans la première publication et dans le second

8 dossier. Vous avez aussi ce qu'a dit M. Tomljanovich, qui a dit qu'en 1997

9 en 1998, M. Rebic était conseiller où il avait dit que l'identité des

10 témoins en règle générale était protégée lorsqu'il y avait décision par

11 voie d'ordonnance.

12 Vous connaissez mieux les procédures de huis clos que moi, mais le huis

13 clos, c'est la forme la plus extrême de protection que peut obtenir un

14 témoin. On baisse les stores, le public se trouvant dans la galerie ou

15 ailleurs ne voit rien du tout. Forcément l'intention, lorsqu'on prononce le

16 huis clos, c'est de protéger l'identité du témoin sauf preuve du contraire.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a quand même une particularité

18 que vous pourriez évoquer. Comment est-ce qu'on a mentionné le témoin dans

19 une liste ? Est-ce que son nom a été repris où que ce soit dans une liste

20 de témoins publiée ou communiquée ?

21 M. AKERSON : [interprétation] Il n'a pas été mentionné dans la liste

22 initiale; on l'a ajouté à la liste des témoin en audience publique et cet

23 acte d'audience. On a toujours parlé de lui comme étant "un témoin

24 sensible."

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci en tant que tel peut constituer

26 une circonstance exceptionnelle, l'exception à la règle, à savoir que les

27 témoins dont l'identité protégée en général se voient recevoir un

28 pseudonyme.

Page 257

1 M. AKERSON : [interprétation] Je pense que cela a été le cas ici, mais cela

2 n'a pas été le cas. Il n'y avait pas encore ce pseudonyme à ce moment-là,

3 et dans le compte rendu d'audience on ne parle pas de pseudonyme. On dit

4 toujours "le témoin sensible," sauf au moment où on passe au huis clos,

5 moment à partir duquel on donne son nom.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pensez que plus tard au cours

7 de la procédure, il se peut qu'il se soit vu attribuer un pseudonyme ?

8 M. AKERSON : [interprétation] Oui --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je serais très intéressé de le

10 savoir.

11 M. AKERSON : [interprétation] Oui, par la suite, on lui a donné un

12 pseudonyme, c'est du moins ce que je crois comprendre.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons cet élément de

14 preuve, cela a été prouvé ?

15 M. AKERSON : [interprétation] Je n'aurais aucune difficulté à vous le

16 prouver puisque ceci a été archivé.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais montrez-le nous alors. C'est

18 nécessaire.

19 M. AKERSON : [interprétation] Je l'ai vu uniquement hier lorsque vous avez

20 demandé s'il y avait eu des mesures de protection supplémentaires. Hier,

21 j'avais parlé au premier substitut d'audience qui avait été dans cette

22 affaire, cette conversation était rapide pendant une pause. Apparemment,

23 les pseudonymes dans le procès Blaskic avaient été attribués pour les

24 réquisitions et plaidoiries pour qu'on puisse parler de tel ou tel témoin

25 sans violer ou sans mentionner plus exactement le nom de témoins protégés.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je parle en mon nom personnel, mais

27 j'aimerais que ceci soit élucidé.

28 M. AKERSON : [interprétation] J'essayerai de le faire.

Page 258

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est important parce que ceci

2 m'aiderait de décider s'il y avait l'intention de protéger l'identité des

3 témoins.

4 M. AKERSON : [interprétation] Je le ferai volontiers, mais nous soutenons

5 que l'acte officiel, le compte rendu de l'audience, ce dossier montre de

6 façon très claire que l'intention des parties, c'était de protéger

7 l'identité du témoin. Ceci était en possession de M. Rebic et de M.

8 Marijacic.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour le moment, ce n'est pas aussi

10 clair pour moi que pour vous, manifestement, parce que je crois qu'on a agi

11 un peu à la va-vite sans beaucoup réfléchir aux conséquences à l'époque, un

12 peu dans la veine de l'ordonnance édictée pour Morillon et Thébault, et la

13 façon dont on l'a traité. Je ne sais pas si vous alliez laisser entendre

14 qu'il y a d'autres exemples de témoins qui étaient des fonctionnaires de

15 l'Etat, qu'ils aient résidés en ex-Yougoslavie ou pas, à propos desquels,

16 apparemment, il y avait eu des ordonnances destinées à dissimuler leur

17 identité.

18 M. AKERSON : [interprétation] Vous dites que cela a été apparemment un

19 travail fait à la va-vite --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui --

21 M. AKERSON : [interprétation] Parlez-vous de la décision concernant les

22 mesures de protection de M. van Kuijk ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je crois qu'ici, cela arrive sans

24 aucun avertissement.

25 M. AKERSON : [interprétation] L'Accusation a découvert ce temoin à un stade

26 assez tardif, en 1997. Il a été ajouté --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais s'il n'avait d'identité, comment

28 l'a-t-on ajouté ?

Page 259

1 M. AKERSON : [interprétation] C'est que l'Accusation a dit qu'elle voulait

2 discuter d'un sujet délicat à huis clos. Il y a eu toute une discussion à

3 huis clos, et à l'époque, je parle ici d'un moment antérieur au jour de la

4 déposition de van Kuijk. On n'a jamais mentionné son nom au cours de ces

5 débats. Ces débats se sont focalisés sur l'opportunité de fournir les

6 déclarations préalables de ces témoins éventuels à la Défense. Mais

7 effectivement, on l'avait découvert quelques jours précédents. Il a vite

8 déposé et partout on parle de lui comme étant "un témoin dont l'identité

9 est protégée". Au moment même de sa déposition, jamais en audience

10 publique, que son nom n'a été mentionné.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Nous avons

12 délibéré sur le siège pour établir une décision.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Akerson, vous avez à

15 votre disposition d'abondantes ressources. Je vous suggère de demander à un

16 de vos assistants de mener une petite enquête pour savoir si à un stade

17 ultérieur on a attribué un pseudonyme à ce témoin, et vous pourrez nous le

18 dire.

19 M. AKERSON : [interprétation] Fort bien, nous le ferons pendant la pause.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 M. AKERSON : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

23 M. AKERSON : [interprétation] Je viens de parler des éléments de preuve

24 concernant l'ordonnance orale.

25 Maintenant, je passe à l'ordonnance écrite du 1er décembre 2000. Je vais

26 demander que cette ordonnance du 1er décembre 2000 soit affichée à l'écran.

27 L'élément ou le dispositif concernait deux journaux, l'un où travaillait

28 Marijacic, et l'autre ordre, c'est que "La publication de déclarations ou

Page 260

1 de témoignages des témoins concernés ou de tout témoin protégé, doit cesser

2 immédiatement, et il est ordonné également que toute publication de cette

3 déclaration ou témoignage -- expression où ces auteurs ou autres

4 responsables à être déclarés coupables d'outrage au Tribunal."

5 L'application du 77(A)(ii), il faut que l'Accusation prouve qu'il y a une

6 violation en connaissance de cause d'une telle ordonnance. La première

7 question qui s'impose est celle-ci. Est-ce que ceci s'applique à M. van

8 Kuijk parce que ceci s'applique à un témoin protégé, décision récente de la

9 Chambre d'appel. Il était effectivement un témoin protégé. Donc cela, c'est

10 réglé.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que la Chambre d'appel l'a dit ?

12 On a parlé de mesures de protection. On n'a pas dit, me semble-t-il, que M.

13 van Kuijk était un témoin protégé.

14 M. AKERSON : [interprétation] Il faudra que j'examine de nouveau le libellé

15 exact de ces décisions d'appel. Mais, à notre avis, lorsqu'on dit "témoin

16 protégé", cela signifie implicitement que c'est aussi -- ces déclarations à

17 cette -- effectivement, ici pour enrayer les fuites qui se produisaient

18 alors par rapport à ces deux journaux.

19 M. Marijacic a publié cette déclaration préalable. Cela, c'est clair. M.

20 Rebic reconnaît avoir fourni ces éléments à deux journaux. Il le sait - et

21 c'est dit d'ailleurs - qu'il y a eu des discussions quant à l'utilité de

22 publier ces documents. Donc, il collabore au processus de publication. Ce

23 faisant, il relève donc du dernier membre de phrases ou des segments, à

24 savoir, je cite : "Autres responsables."

25 La seule question que Marijacic et Rebic peuvent légitimement poser,

26 c'est de savoir s'ils avaient connaissance de cette ordonnance.

27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, Monsieur Akerson, M. Rebic n'a pas

28 été accusé d'avoir collaboré à la publication de ces déclarations

Page 261

1 préalables. Il a été mis en accusation pour avoir divulgué ces éléments

2 d'information -- pour vous dire que M. Rebic a contrevenu à la troisième

3 ordonnance du 1er décembre 2000, vu le contexte de l'acte d'accusation. Mais

4 comment pouvez-vous le dire ? M. AKERSON : [interprétation] Il est accusé

5 d'avoir divulgué des informations qui sont en contravention de la présente

6 ordonnance, ordonnance qui dit que : "Ceux qui sont responsables de la

7 publication de déclarations préalables ou de dépositions," d'où vous avez

8 la publication et l'aspect de la responsabilité en divulguant ces

9 événements à des journaux, et vous avez une preuve patente, celle de ce

10 qu'il avoue lui-même dans les journaux et pas de l'intention qu'il avait de

11 donner ces documents au journal, donc, pour publication. Donc, il y a

12 publication par divulgation. Il divulgue ces éléments à un journal, il est

13 donc ainsi, en contravention de la présente ordonnance. C'est ce que nous

14 avançons.

15 La question qui se posait : est-ce que les deux accusés avaient

16 connaissance de cette ordonnance ? Nous savons que M. Marijacic a travaillé

17 pour Slobodna Dalmacija en novembre et en décembre 2000, en tant que

18 journaliste, et Terry Cameron est venu vous en parler. Vous avez vu ces

19 numéros, les numéros pertinents de Slobodna Dalmacija, l'ordonnance et

20 cessation immédiatement, celle-ci est du 1er décembre 2000, a été signifiée

21 à un Slobodna Dalmacija après que ce journal a publié pendant quatre jours

22 les déclarations préalables d'un autre témoin protégé. Ce journal, à ce

23 moment-là, a publié l'ordonnance dans son intégralité dans un numéro pour

24 ensuite, de façon spectaculaire, affirmer qu'elle allait ignorer cette

25 ordonnance. Il y a eu toute une série de publications d'articles qui

26 commence le 26 novembre et qui se termine fin décembre.

27 Outre la publication de la totalité de l'ordonnance, à plusieurs

28 reprises, il y a dans ce journal en une, le fait qu'il y ait eu,

Page 262

1 effectivement, signification à ce journal de cette ordonnance. Il y a deux

2 numéros, en tout, qui font référence à l'ordonnance et à la question de la

3 protection, au fait que le Tribunal a décerné une ordonnance immédiate à ce

4 journal. La seule conclusion qu'il est possible logiquement de tirer,

5 Marijacic connaissait ce journal. Il lisait le journal pour lequel il

6 travaillait et qu'il y a eu connaissance de sa part de ce qui était

7 vraiment un article important dans ce journal. Vous avez eu plusieurs

8 articles qui sont connexes et qui se trouvent souvent physiquement à côté

9 d'extraits du compte rendu protégé qui a été publié dans le journal. Donc

10 sur la même page, vous avez ses articles à lui, ce compte rendu. Il devra

11 en avoir connaissance.

12 Nous estimons dès lors qu'il avait connaissance de cette ordonnance de --

13 M. KRSNIK : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai le droit d'intervenir,

14 mais je voudrais le faire, Messieurs les Juges.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Seulement si vous estimez qu'on a

16 erronément présenté certains éléments; sinon, vous devez attendre jusqu'au

17 moment de votre plaidoirie.

18 M. KRSNIK : [interprétation] Fort bien. J'attendrai.

19 M. IVANOVIC : [interprétation] Je pense qu'on a tiré une conclusion erronée

20 en disant que M. Marijacic aurait écrit quoique ce soit à propos de sa

21 déposition. Vous avez été saisis de tous les éléments, et vous pouvez

22 constater qu'il n'y a pas une seule ligne écrite par M. Marijacic qui

23 concerne le témoignage de cet autre témoin.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que la Défense aura l'occasion

25 et le temps de réfuter ce que dit le Procureur.

26 Poursuivez, Monsieur Akerson.

27 M. AKERSON : [interprétation] La seule déduction logique de l'avis de

28 l'Accusation, c'est que c'était un sujet important puisqu'il a fait l'objet

Page 263

1 de publication pendant six semaines, elle tournait autour de ce témoin. La

2 publication de sa déposition s'est faite dans un journal pour lequel

3 travaillait M. Marijacic qui devait forcément avoir connaissance de

4 l'existence de l'ordonnance.

5 Vous avez l'arrêt, la décision de la Chambre d'appel pour l'outrage dans

6 l'affaire, qui dit que si on veut tirer comme conclusion qu'il travaillait

7 pour un journal, qu'il écrivait des articles qui n'étaient en rapport

8 direct ou qui n'étaient pas un commentaire de cette déposition mais étaient

9 quand même en rapport avec un témoin protégé, et qu'il est possible de

10 prouver qu'il participait à la rédaction de toute une série d'articles.

11 Mais si on veut déduire de façon générale simplement qu'il ait connaissance

12 de façon générale de cette ordonnance, après tout, ce sont des articles

13 qu'on publie pendant une période de six semaines, alors que c'est un

14 quotidien très important dans ce pays. La Chambre d'appel à Aleksovski dit

15 que si une personne refuse de prendre connaissance, reste délibérément

16 aveugle et ignorant de l'existence d'une ordonnance, il ne peut pas en

17 ignorer pour autant son existence, même s'il n'a qu'une connaissance

18 générale, un souvenir général de l'existence de cette ordonnance, il ne

19 peut pas rester ignorant du fait qu'il y avait cette ordonnance lorsqu'il y

20 a publication dans un journal de la déposition d'un témoin protégé. On

21 l'accuse d'avoir eu une connaissance effectivement en connaissance de cause

22 en date de ce principe. Mais si on prend la thèse, le principe de

23 l'ignorance délibérée, s'il décide de ne pas se rafraîchir la mémoire, il y

24 a quand même responsabilité.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel était son travail essentiel

26 dans le cadre de ce journal ?

27 M. AKERSON : [interprétation] C'était un auteur d'article.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, c'était un journaliste qui

Page 264

1 contribuait à la publication d'article ?

2 M. AKERSON : [interprétation] Il a, dans cette série, écrit 11 articles.

3 C'était des articles qui concernaient le témoin. Un témoin qui est un

4 témoin protégé. Souvent, c'est en parallèle si vous voulez. Si vous voyez

5 une page de ce journal, vous voyez comment sont posés ces articles.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il faisait partie de la

7 direction de ce journal ?

8 M. AKERSON : [interprétation] Nous n'avons pas de preuve. Mais quand on

9 voit la constitution, l'ours cela ne se met pas très clair. Il l'a dit

10 d'ailleurs qu'il était employé par Slobodna Dalmacija, mais en quelle

11 qualité officiellement, je ne sais pas. Je ne pense pas que ce soit

12 tellement pertinent parce qu'il a écrit des articles. C'est un journaliste

13 qui à l'époque a rédigé des articles publiés dans le cadre d'une série

14 d'articles concernant une ordonnance. Ce qui compte c'est qu'il avait

15 connaissance de l'existence de cette ordonnance. Ce qu'il faisait

16 précisément dans ce journal, peu importe. Si c'est un journaliste, alors

17 que le journal s'intéresse tout particulièrement à cette ordonnance du

18 Tribunal c'est important. C'est quand même quelque chose très spectaculaire

19 où on conteste publiquement l'autorité de ce Tribunal. Ce Tribunal qui dit

20 voilà, nous estimons que le Tribunal n'a pas le droit de nous interdire de

21 poursuivre la publication. C'était vraiment quelque chose qui faisait la

22 une de ce journal. C'était un grand titre. Forcément, M. Marijacic

23 travaillant dans ce journal devait lire son propre journal.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites que lui-même a écrit des

25 articles à propos de cette ordonnance ? C'est bien ce que vous avez dit.

26 M. AKERSON : [interprétation] Il n'a pas écrit d'article à propos de

27 l'ordonnance, mais il a écrit des articles à propos du témoin qui faisait

28 l'objet de l'ordonnance. Vous le verrez si vous examinez votre écran. Vous

Page 265

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 266

1 voyez son nom qui apparaît en tant qu'auteur de l'article. Vous avez là le

2 témoin protégé. Donc ce que vous avez c'est un article qui montre le compte

3 rendu de la déposition du témoin protégé. Cela se poursuit sur plusieurs

4 jours, parce que le journal dit nous allons chaque jour publier un morceau

5 de cette déposition parce qu'il faut en fait la totalité. Parce que nous

6 n'admettons pas l'ordonnance de cessation immédiate signifiée par le

7 journal. Ici, Marijacic publie un article à propos de ce même témoin sur la

8 même page qui parait sur la même page. Donc là, c'est manifeste. Il n'y a

9 qu'une conclusion possible, une déduction possible. Il devait forcément

10 avoir lu l'ordonnance, en avoir connaissance. C'est la seule conclusion

11 logique et la seule chose que nous devons prouver. Il connaît ce témoin. Il

12 sait puisque ce témoin ou l'accusé fait partie, est l'objet même de ces

13 articles qu'il y avait une ordonnance.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que des poursuites ont été

15 engagées pour outrage à ce Tribunal à l'époque à l'encontre de ces

16 journaux.

17 M. AKERSON : [interprétation] Est-ce que je peux passer à huis clos partiel

18 pour répondre à votre question ?

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons le faire. Ce ne sera

20 pas long.

21 [Audience à huis clos partiel]

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 267

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page 267 expurgée. Audience à huis clos partiel

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

 

Page 268

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 [Audience publique]

8 M. KRSNIK : [interprétation] Par conséquent, Monsieur le Président, il

9 s'agit d'un acte d'accusation public, qui a été dressé publiquement contre

10 M. Jovic uniquement. Je suis son conseil principal. M. Marijacic n'est

11 absolument pas mentionné ni dans le cadre de l'enquête ni dans l'acte

12 d'accusation. Il s'agit d'un acte d'accusation public. Il n'y a aucune

13 enquête interne. Je ne vois pas de quoi il s'agit. Cela fait six mois que

14 l'acte d'accusation a été dressé.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il faudra que l'on

16 revienne à cela dans un instant. Une autre question que je voudrais vous

17 poser, Monsieur Akerson : même si cette ordonnance s'applique à M.

18 Marijacic, qu'est-ce que cela ajoute à l'ordonnance portant sur huis clos ?

19 M. AKERSON : [interprétation] Ce sont deux choses totalement distinctes. Il

20 ne s'agit pas d'un ordre -- d'une ordonnance cumulative. Chacune de ces

21 ordonnances existe en soi et constituerait donc -- la violation de chacune

22 de ces ordonnances constituerait l'outrage. Il y a d'une part l'ordonnance

23 orale et d'autre part l'ordonnance écrite qui ont été délivrées à des

24 moments différents.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi la Chambre d'appel n'a-t-elle

26 pas jugé utile d'invalider cette ordonnance ?

27 M. AKERSON : [interprétation] Non, non. Est-ce qu'on peut le revoir. Vous

28 vous référez maintenant à la demande de l'Accusation auprès de la Chambre

Page 269

1 d'appel de lever les mesures de protection dont bénéficiait M. Kuijk. Nous

2 pouvons maintenant citer son nom. Il fallait déterminer quelles étaient les

3 mesures de protection et s'il convenait de les lever. L'ordonnance du 1er

4 décembre, là ils ont considéré que cette ordonnance concernait les témoins

5 protégés. Lorsqu'ils ont déterminé qu'en levant les mesures de protection

6 concernant l'ordonnance de huis clos, il ne serait plus protégé. Cette

7 ordonnance ne s'appliquait plus. Donc, il ne fallait plus, il n'y avait pas

8 lieu de modifier l'ordonnance pour lever les mesures de protection. Elles

9 étaient levées automatiquement.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas ce qu'on lit dans

11 l'ordonnance.

12 M. AKERSON : [interprétation] Page 4 de l'ordonnance, s'il vous plaît. Le

13 premier paragraphe qui commence par "lieu." Je pense que c'est à cette

14 ordonnance-là que vous vous référez. Ensuite, vous avez le paragraphe

15 "attendu." Je pense que c'est là que la Chambre énonce son principe, ce

16 principe-là, à savoir que les mesures de protection ne sont pas garanties

17 conformément à l'ordonnance, qu'elles peuvent être levées suite à la motion

18 -- la demande de l'Accusation, puisqu'il s'agit d'un ordre qui s'applique

19 aux mesures au témoin protégé.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Akerson, vous voyez qu'il est

21 dit ici qu'il n'y a pas de mesures de protection additionnelles accordées

22 conformément à l'ordonnance ou aux termes de l'ordonnance du 1er décembre

23 2000. Pour la même raison, il semble estimer que cette ordonnance n'a pas

24 accordé des mesures de protection qui pourraient être levées.

25 M. AKERSON : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait d'accord avec tous

26 mes respects, Monsieur le Juge. Mon interprétation est qu'ils ont pris la

27 décision que ce qu'ils devaient modifier -- ils se sont demandés ce qu'ils

28 devaient modifier, et ils ont décidé qu'il ne fallait pas modifier quoi que

Page 270

1 ce soit, puisqu'à partir du moment où le témoin n'était plus protégé,

2 l'ordonnance pouvait rester en place.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A partir du moment où le témoin n'est

4 plus protégé ou que le compte rendu de sa déposition peut être divulgué au

5 public, c'est quelque chose -- c'est de cette manière-là qu'on aurait pu le

6 formuler si cela avait été si simple. Mais ce n'est pas ce qu'on lit dans

7 l'ordonnance, Monsieur Akerson.

8 M. AKERSON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il

9 aurait été mieux s'ils s'étaient exprimés de manière aussi simple mais ce

10 n'est pas ce qu'ils ont fait. Je ne pense pas que ce soit clair, Monsieur

11 le Juge. Si vous voulez en déduire ce que vous êtes en train de dire, je ne

12 pense pas que cela ressorte clairement de la manière dont cela a été

13 formulé. Je ne pense pas que ce soit la meilleure conclusion que l'on

14 puisse tirer de la disposition de l'ordonnance.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez passer à autre chose, Monsieur

16 Akerson.

17 M. AKERSON : [interprétation] Je me suis posé la question de la

18 connaissance qu'avait M. Marijacic de l'ordonnance du

19 1er décembre 2000, de la manière comment elle s'appliquait à lui. Je veux

20 évidemment parler de la connaissance qu'avait M. Rebic. Vous avez trois

21 articles du 18 novembre 2004, du 5 mai 2005 et l'article du HINA du 27

22 avril. Tous ces articles nous montrent de manière tout à fait claire qu'il

23 y a eu un débat intentionnel, une collaboration entre MM. Rebic et

24 Marijacic au sujet de l'application de ces mesures de protection. Et la

25 question s'est posée entre autre très clairement de savoir s'il fallait ou

26 non publier. M. Marijacic dit qu'ils ont eu une discussion. Il dit : Nous

27 avons décidé de publier. Dans l'article original, ils ont dit qu'ils ont

28 décidé de publier. C'est très clair qu'ils en ont parlé.

Page 271

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quelle ordonnance il s'agit ? Vous

2 dites qu'ils ont mentionné clairement l'ordonnance de cette discussion,

3 Maître Akerson.

4 M. AKERSON : [interprétation] Ce que j'avance, Monsieur le Juge, c'est que

5 Marijacic était clairement au courant de l'ordonnance du 1er décembre 2000,

6 lorsqu'ils ont parlé de ce point en particulier, à savoir, est-ce que les

7 ordonnances s'appliquaient à cela ? Est-ce qu'il fallait publier ou pas ?

8 Bien sûr, ils appliquaient l'ordonnance du 1er décembre 2000. C'est la seule

9 chose qui a fait l'objet de leur discussion.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un argument très grave que vous

11 avancez, n'est-ce pas, que nous pouvons -- lorsque vous nous dites que nous

12 devons déduire de cette dite discussion le fait qu'ils savaient que les

13 éléments de preuve étaient protégés et qu'ils allaient publier cela en

14 défiant l'ordonnance de la Chambre. Donc -- c'est -- que nous devons

15 nécessairement comprendre là que c'est de la troisième ordonnance qu'ils

16 ont parlé.

17 M. AKERSON : [interprétation] Oui, je pense que c'est un argument grave et

18 que c'est une déduction logique. Si vous examinez l'écran, non seulement

19 ils ont dit qu'ils ont publié, mais ils disent qu'ils se sont longtemps

20 posés la question, vraiment posés la question. Ils avaient -- ils étaient

21 au courant de l'ordonnance écrite. Ils l'avaient, et le transcript. J'ai

22 parlé de l'ordonnance écrite, j'ai parlé de l'ordonnance orale, de la

23 publication de la déclaration de M. van Kuijk et de son identité. Alors,

24 les deux sont en violation de cette ordonnance.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on peut dire que la

26 troisième ordonnance s'applique uniquement aux deux journaux qui sont

27 énoncés dans cette ordonnance ? L'une des pièces à conviction comprenait la

28 notification que le Tribunal a envoyé à la République de Croatie afin

Page 272

1 qu'elle enjoigne aux journaux Globus et Slobodna de respecter les termes de

2 l'ordonnance. Il est dit que cette ordonnance s'applique à ces deux

3 journaux.

4 M. AKERSON : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on peut dire que cette

6 ordonnance s'appliquait seulement à ces deux journaux ?

7 M. AKERSON : [interprétation] Je ne pense pas que c'est une conclusion

8 raisonnable. Je pense que le principe de la loi est que c'est quelqu'un au

9 courant de l'existence d'une ordonnance formulée de manière aussi large,

10 qui explicite l'intention claire de la part de la Chambre de protéger les

11 éléments d'information. Et lorsqu'ils sont au courant de l'existence de

12 l'ordonnance, et que lorsque leur intention de violer l'ordonnance en

13 publiant les éléments d'information protégés, l'ordonnance s'applique à

14 eux.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, je

16 voudrais tirer cela au clair. Il me semble que vous êtes en train de vous

17 fonder sur l'ordonnance portant sur huis clos et l'ordonnance du 1er

18 décembre 2000.

19 M. AKERSON : [interprétation] C'est exact.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous ne cherchez plus du tout à

21 présenter d'arguments qui porteraient sur la première ordonnance,

22 l'ordonnance du 6 juin 1997. Est-ce que vous voulez dire que vous avez

23 concédé des points sur cette ordonnance-là ?

24 M. AKERSON : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Akerson.

26 M. AKERSON : [interprétation] La question qui s'est posée hier a été de

27 savoir s'il s'agit d'une entrave grave. Je pense que c'est le dernier point

28 que je devrai aborder aujourd'hui. Comme je l'ai dit, la protection la plus

Page 273

1 importante fournie par ce Tribunal à un témoin, c'est le huis clos. On tire

2 les stores pour que le public ne puisse pas voir le témoin. On protège son

3 identité. Le public est totalement exclu des débats. Dans la plupart des

4 circonstances, on cherche à protéger tout ce qui concerne le témoin en

5 question, y compris son identité.

6 Donc, je voudrais vous citer quelque chose de l'arrêt dans l'affaire

7 pour outrage Aleksovski, page 8. La Chambre d'appel dit la chose suivante :

8 "La décision de la Chambre de première instance au sujet des mesures de

9 protection à accorder à un témoin, qui peut être cette décision soit par

10 écrit ou soit orale, peut être soit écrite, soit orale." - je reprends

11 leurs termes - "est d'une toute première importance, non seulement

12 s'agissant de vies des témoins mais aussi pour les travaux du Tribunal.

13 "Le 18 novembre, les accusés ont publié en connaissance de cause

14 l'identité et la déclaration du témoin qui avait reçu la plus -- l'ultime

15 forme de protection de la part du Tribunal. Ils ont ouvertement défié ces

16 mesures de protection. Le bureau du Procureur estime qu'il s'agit là d'une

17 entrave grave à notre capacité de convaincre les témoins de venir déposer

18 dans les affaires qui concernent la Croatie en particulier, que lorsqu'ils

19 viennent, on leur promet la confidentialité. Il faudrait que cela ait du

20 contenu, que cela signifie quelque chose, que ce Tribunal souscrit à cela,

21 qu'il les protège, que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour

22 les protéger. Clairement, l'on en voit là une preuve d'entrave aux cours de

23 la justice. Nous vous demandons de déclarer coupables d'outrage au Tribunal

24 MM. Rebic et Marijacic.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

26 Akerson. Est-ce qu'on fait une pause avant d'entendre les arguments en

27 clôture, la plaidoirie de la Défense ? Y a-t-il un point que vous souhaitez

28 préciser ? Je me demande si votre collègue vous a apporté les éléments.

Page 274

1 M. AKERSON : [interprétation] Je ne l'ai pas encore vu.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour une

3 demi-heure.

4 --- L'audience est suspendue à 9 heures 45.

5 --- L'audience est reprise à 10 heures 20.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Akerson.

7 M. AKERSON : [interprétation] Monsieur le Président, le

8 Greffe a pu m'aider. Je me suis procuré la liste définitive de témoins dans

9 l'affaire Blaskic. C'est la liste qui comprend aussi un pseudonyme pour M.

10 van Kuijk. Je vais fournir des exemplaires de cette liste, qui est

11 confidentielle d'une part, et j'ai aussi une version publique. Son identité

12 est protégée sur les deux listes.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui a rédigé ces listes ?

14 M. AKERSON : [interprétation] C'est la liste définitive de témoins dans

15 cette affaire.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le Greffe qui en est l'auteur ?

17 M. AKERSON : [interprétation] Oui, tout à fait. Le pseudonyme qui a été

18 attribué à M. van Kuijk, ce pseudonyme était EE. Nous avons parcouru le

19 compte rendu d'audience pour le repérer, et on le retrouve qu'une seule

20 fois pour toute la durée du procès, c'est pendant la plaidoirie de la

21 Défense, le 30 juillet 1999. Nous avons également recherché dans le

22 jugement dans l'affaire Blaskic, et là, il n'y a aucune référence faite à

23 van Kuijk ou à EE. Je voudrais simplement confirmer ce que j'avais déjà

24 dit.

25 Je voudrais rappeler à la Chambre ce qui est déjà versé au dossier,

26 la pièce à conviction P13. Il s'agit d'une pièce ex parte de l'Accusation.

27 Il s'agit d'une requête ex parte, in camera, de la part de l'Accusation aux

28 fins d'une audience au sujet des éléments de preuve nouvellement révélés.

Page 275

1 C'était une requête qui a été déposée par l'Accusation afin d'étayer sa

2 demande d'ajouter M. van Kuijk sur la liste des témoins. Précédemment, la

3 Défense ne l'avait pas connu. C'est la pièce P13.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Numéro OTP ?

5 M. AKERSON : [interprétation] 4, me semble-t-il.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel intercalaire --

7 M. AKERSON : [interprétation] Intercalaire 13, ce serait 2, je pense --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Y aurait-il --

9 M. AKERSON : [interprétation] Intercalaire 13, volume 2.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a quoi que ce soit

11 qui nous permettrait de penser que le fait d'attribuer le pseudonyme EE à

12 M. van Kuijk était autre chose qu'une mesure administrative qui avait été

13 prise par le Greffe ? Est-ce qu'il y a quelque élément que ce soit qui nous

14 permettrait de savoir que c'est quelque chose qui était confirmé par la

15 Chambre de première instance ?

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ou ordonné par la Chambre de première

17 instance.

18 M. AKERSON : [interprétation] La Défense s'est référée au témoin en

19 utilisant ce pseudonyme, et c'est la preuve que c'est ce pseudonyme qui a

20 été utilisé durant le procès. Cela était utilisé pendant sa plaidoirie. Il

21 n'utilise pas son nom. Il utilise le pseudonyme.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, pourriez-vous me dire

23 où sur cette liste de témoins on se réfère à Morillon et Thébault ?

24 M. AKERSON : [interprétation] Si vous me donnez une minute, je vais

25 regarder, Monsieur le Juge.

26 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

27 M. AKERSON : [interprétation] Vous avez sous les yeux uniquement la liste

28 des témoins de l'Accusation. Vous parlez, s'agissant de ces deux personnes,

Page 276

1 des témoins cités par la Chambre. Il nous faudra donc obtenir cette liste

2 de témoins cités par la Chambre. J'ai en main la liste de témoins, cités

3 par la Chambre, sans pour autant en avoir les exemplaires, il faudra

4 demander que ce soit fait par le Greffe.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ces deux personnes sont

6 citées nommément dans cette liste ?

7 M. AKERSON : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. AKERSON : [interprétation] Nous avons besoin de photocopies de

11 cette pièce.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Akerson, savez-vous si

13 cette liste a été établie avant les réquisitoires et plaidoiries en

14 l'espèce ?

15 M. AKERSON : [interprétation] Je ne peux pas vous le dire de façon

16 certaine. Je ne sais pas si c'est le cas mais ce pseudonyme existait avant

17 cette phase de la procédure, car on n'aurait pas pu s'en servir s'il

18 n'avait pas existé.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Auriez-vous des éléments permettant

20 d'expliquer comment on peut expliquer la création de ces pseudonymes ? Est-

21 ce que c'était une décision des Juges ou est-ce que cela était simplement

22 une mesure administrative prise par le Greffe ?

23 M. AKERSON : [interprétation] Je pense que le dossier officiel de la

24 Chambre reprenait la liste des témoins, telle que vous l'avez sous les

25 yeux. Je n'ai pas de document qui explique selon quelle modalité on a

26 attribué ces pseudonymes. Je n'ai pas de document pouvant vous le prouver

27 ou à vous fournir. Je serais très étonné si cela avait été une mesure prise

28 officieusement entre parties simplement par accord avec le Procureur pour

Page 277

1 décider d'utiliser des pseudonymes, car la Chambre n'aurait aucune idée de

2 la façon dont on a décidé de donner des pseudonymes aux témoins. Je pense

3 que c'est quelque chose d'irréfutable, si c'est utilisé au niveau des

4 plaidoiries, si tout le monde sait de qui il s'agit lorsqu'on donne ce

5 pseudonyme. Il fallait nécessairement que tout le monde ait disposé de

6 cette liste.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais une chose est claire. Pendant

8 la déposition de ce témoin, on ne l'a pas appelé "Témoin EE." Est-ce que je

9 suis en droit de le penser ?

10 M. AKERSON : [interprétation] C'est exact. Lorsque M. van Kuijk a déposé,

11 lorsqu'on a décidé qu'il lui serait possible de témoigner à huis clos, on a

12 simplement dit à son propos que c'était un témoin. A huis clos, on a

13 prononcé son nom, mais à l'époque on n'a jamais utilisé le pseudonyme EE.

14 J'ai ici copie des pages où on en fait mention, et ceci montre aussi, c'est

15 précisé : "C'est la déposition du Témoin EE, nom néerlandais que je ne

16 parviens pas à bien prononcer," page du compte rendu d'audience 5 531.

17 Manifestement là, on fait référence à un témoin dont on connaît l'identité.

18 C'est très clair. Il s'agit ici de van Kuijk. Ceci était la liste établie

19 par le Greffe que vous avez sous les yeux.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cette conclusion était

21 présentée à huis clos complet ?

22 M. AKERSON : [interprétation] A huis clos partiel.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A huis clos partiel. Je vois.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. KRSNIK : [interprétation] Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

27 M. KRSNIK : [interprétation] Dans l'intervalle, j'ai essayé aussi d'obtenir

28 certains éléments d'information, mais une chose est désormais très claire à

Page 278

1 mes yeux. Vous le verrez sur cette liste confidentielle de l'Accusation,

2 c'est mentionné clairement pour la première fois dans le coin supérieur

3 droit de la page à quel moment cette liste a été distribuée. C'était tout

4 juste avant les réquisitoires des plaidoiries. Le 18 septembre 1998, est-il

5 dit, pour moi, c'est très clair. Avant cette date, on n'a pas utilisé de

6 pseudonyme puisque cette liste n'a été reçue qu'à cette date-là. C'est

7 également confirmé par le compte rendu d'audience --

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous avez cette date ?

9 M. KRSNIK : [interprétation] Oui, je viens de recevoir ce document de

10 l'Accusation.

11 M. AKERSON : [interprétation] Est-ce que je peux apporter une précision ?

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

13 M. AKERSON : [interprétation] Vous n'avez pas ce document; je suis fort

14 heureux de vous le fournir. J'ai été voir le premier substitut qui m'a

15 fourni sa copie personnelle. Il y a une note, dans le coin supérieur droit,

16 donnant la date du 18 septembre 1998. Les réquisitoires et plaidoiries ont

17 été présentés près de dix mois plus tard, le 30 juillet 1999. Ici, vous

18 avez un document qui fait partie d'un dossier interne où la date se situe

19 dix mois avant les plaidoiries et les réquisitoires. Je ne sais pas qui est

20 l'auteur de cette note. Cela vient simplement d'un dossier interne mais si

21 le conseil de la Défense en demande le versement, ceci tend à montrer que

22 ceci existait au moins dix mois avant la présentation des réquisitoires et

23 plaidoiries. J'ajouterais que jamais je n'ai affirmé ici qu'au moment de la

24 déposition de M. van Kuijk, qu'on lui avait attribué un pseudonyme. Jamais

25 nous n'avons affirmé cela, que ce soit oralement ou par écrit.

26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je regrette que l'Accusation n'a pas été

27 en mesure de présenter ce document au moment de la présentation de ses

28 moyens, mais je vais maintenant donner la parole à Me Krsnik.

Page 279

1 Avez-vous quelque chose à dire à propos de ce document ?

2 M. KRSNIK : [interprétation] Si vous examinez ce compte rendu que viennent

3 de me fournir mes confrères, je veux de le lire - je n'ai pas un anglais

4 parfait - mais cela montre clairement que les conseils de la Défense ont du

5 mal à prononcer le nom du témoin. C'est uniquement pour cela qu'on prononce

6 le pseudonyme "EE". Cela a été l'unique fois où l'on s'est servi de ce

7 pseudonyme. Rien ne prouve que ces lettres EE ont été utilisées avant ou

8 après ce moment. C'est du moins de cette façon-là que je comprends le texte

9 en anglais.

10 Bien entendu, dans ma plaidoirie, je vais vous fournir un exemplaire de ce

11 document. Cela me semble équitable et il me semble juste que vous puissiez

12 constater par vous-même ce qui est indiqué dans le coin supérieur droit.

13 Autre élément, Messieurs les Juges, à l'époque, je travaillais déjà

14 au Tribunal. Il a fallu six mois pour préparer la phase des réquisitoires

15 et plaidoirie. C'était le temps prévu. Je suis sûr que ce fut uniquement

16 une mesure administrative décidée par le Greffe.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Akerson, que pensez-vous,

18 quel traitement la Chambre devrait-elle réserver à ce document ?

19 M. AKERSON : [interprétation] Je demande le versement.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant ?

21 M. AKERSON : [interprétation] Oui, parce que c'est un document de la

22 Chambre qui s'authentifie de lui-même.

23 Je voudrais réagir à ce que vient de dire la Défense. Apparemment, on se

24 serait servi spontanément du pseudonyme EE, mais le compte rendu le montre,

25 le procès était important et on était à la phase des réquisitoires et

26 plaidoirie, s'il n'y avait pas de concertation et accord entre les parties.

27 La Chambre ou l'Accusation se serait opposée à l'utilisation de ce nom

28 parce que tout le monde connaissait de quoi il retournait. Je pense qu'il

Page 280

1 est peu plausible de laisser entendre que ce fut là une utilisation

2 spontanée du nom du témoin. C'est l'argument que je veux vous soumettre. Le

3 compte rendu montre que la liste du Greffe est le reflet de ce que savaient

4 les parties à cette phase du procès Blaskic. Vous avez une date officieuse

5 sur ce document de l'Accusation. Je ne voulais pas le verser. Vous pourrez

6 en faire l'utilisation que vous jugez souhaitable, mais vous verrez les

7 conclusions que vous pouvez tirer.

8 Mais je pense que la Chambre devrait voir ce document puisque la question a

9 été soulevée. Mais tous les éléments dont vous disposez laissent entendre

10 clairement que ce fut là un pseudonyme officiel reconnu par tous, tous les

11 protagonistes présents à l'audience, y compris par la Chambre.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Krsnik, vous avez la parole.

13 M. KRSNIK : [interprétation] Messieurs les Juges, la seule chose

14 pertinente, c'est la décision de la Chambre de première instance. Pourquoi

15 est-ce que le bureau du Procureur ne l'a pas fourni, parce que le bureau du

16 Procureur ne l'a pas. J'estime qu'il faudrait suspendre l'audience en

17 attendant d'avoir cette décision. C'est la seule chose pertinente. Mais

18 maintenant nous sommes au stade des plaidoiries. On ne peut pas à mon avis

19 présenter de nouveaux éléments de preuve, mais s'il y a des preuves

20 pertinentes, la seule, c'est bien la décision de la Chambre de première

21 instance et cela ne doit pas être difficile de la trouver. Si on n'a pu

22 trouver ce document, pourquoi on ne pourrait pas trouver cette décision.

23 L'Accusation a des ressources, a tous les logiciels nécessaires; cela

24 devrait se trouver quelque part dans un ordinateur. Ce qui est clair, c'est

25 qu'une telle décision n'existe pas.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Akerson,

28 vous souhaitez intervenir apparemment.

Page 281

1 M. AKERSON : [interprétation] Ces documents, le Greffe nous les a fournis à

2 la demande de vous, Messieurs les Juges, parce que nous le faisions en

3 réponse de vos demandes. Il serait normal de lui donner une cote de la

4 Chambre puisque c'est vous qui avez demandé ces documents; ils vous étaient

5 fournis à votre demande.

6 Deuxième chose, la Défense dit qu'il n'est pas autorisé d'apporter des

7 nouveaux éléments de preuve à ce stade de la procédure. Hier, en dépit du

8 fait qu'ici il y a eu une audience alors qu'il n'y avait pas d'éléments

9 nouveaux, et qu'on s'attend à la tenue de cette audience depuis six mois.

10 Hier, la Défense a dit qu'elle va peut-être faire venir beaucoup de

11 témoins. Je ne me souviens plus de la formulation exacte. Ils ont dit à un

12 moment : Il faudrait peut-être beaucoup de nouveaux témoins. Maintenant la

13 Défense nie qu'il n'est pas possible de réagir à une demande de la Chambre

14 qui cherchait des nouveaux documents, alors que ces documents sont

15 pertinents, vous les avez demandés à l'Accusation ces documents qui

16 s'authentifient d'eux-mêmes. Le principe suprême ici c'est que ces

17 documents vous aident à prendre une décision, à partir de faits, de faits

18 en l'espèce. Si on prend ce critère, surtout celui de la pertinence, il

19 faudrait l'exercer quel que soit le poids que vous allez leur accorder à

20 ces documents et l'utilisation que vous en ferez.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous concéderez qu'il n'y avait

22 pas d'ordonnance de la Chambre avant cette liste -- les plaidoiries.

23 M. AKERSON : [interprétation] Je concéderai que je n'étais pas au courant

24 de l'existence d'une telle ordonnance. Nous ne l'avons pas trouvée. Si nous

25 l'avions trouvée, nous vous l'aurions fournie. Ceci étant dit, vous savez

26 que nul n'est parfait. Il est difficile d'archiver tous les documents. Cela

27 ne veut pas dire que ce document n'existe pas, mais nous avons effectué une

28 recherche en toute bonne foi et nous n'avons pas réussi à trouver ce genre

Page 282

1 de document.

2 [Le Chambre de première instance se concerte]

3 M. AKERSON : [interprétation] Une dernière chose qui me semble pertinente,

4 Messieurs les Juges, le voici. Dans une affaire d'outrage, nous engageons

5 des poursuites en votre nom. Ce ne sont pas des poursuites qui nous sont

6 propres. Vous avez donné une ordonnance nous instruisant de mener une

7 enquête d'outrage parce qu'ici, nous cherchons à appliquer et à soutenir

8 vos pouvoirs. Ce n'est pas une procédure classique parce qu'ici on cherche

9 à veiller à l'application des pouvoirs qui vous sont intrinsèques. A notre

10 avis, vous ne devriez pas vous limiter à des éléments qui pourraient être

11 utiles pour déterminer si oui ou non il y a eu outrage en ce qui concerne

12 les deux accusés ici présents. C'est la seule chose qui compte. La seule

13 chose qui compte c'est que les éléments de preuve soient pertinents.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez encore quelque

15 chose à dire, Maître Krsnik ?

16 M. KRSNIK : [interprétation] Oui, oui, oui. J'ai quelque chose à dire. Je

17 ne peux pas m'empêcher de le dire. J'ai essayé d'apprendre la rhétorique et

18 du système common law même si j'essaie de ne pas me lever chaque fois qu'un

19 commentaire est fait. Ce que vient de dire le Procureur, cependant, n'est

20 pas exact, c'est aussi simple que cela. L'initiative, elle a été prise par

21 le bureau du Procureur, par en application d'une ordonnance de la Chambre,

22 et sûrement pas de la Chambre dont le Juge Jorda était le président.

23 C'était le Procureur qui voulait une enquête, et c'est ce bureau qui a

24 soumis un acte d'accusation au Juge de permanence. L'Accusation ayant

25 invoqué l'article 75, ce n'est pas la Chambre de première instance qui est

26 à la base de cette initiative. En plus de cela, la Chambre ne voulait pas

27 qu'il y ait cette enquête.

28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est au courant de la

Page 283

1 situation et elle va se prononcer, elle va prendre une décision.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Décision majoritaire de la Chambre, ces

4 documents sont déclarés recevables en application de l'article 98, et ce

5 seront des pièces de la Chambre. Ceci ne veut pas dire pour autant que la

6 Chambre reconnaît qu'il y avait une ordonnance octroyant ce genre de

7 pseudonyme. La question n'est toujours pas tranchée, je parle de la

8 question de savoir si une ordonnance avait été rendue en ce sens par la

9 Chambre ou si l'identité du témoin avait été protégée par un pseudonyme.

10 Nous allons donner une côte à ces documents en tant que pièce de la

11 Chambre. Il y a plusieurs de ces documents. Ils sont tous versés ainsi que

12 le compte rendu d'audience.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci de cette précision. Cette liasse se

14 compose de la liste du Greffe confidentielle, version publique et version

15 confidentielle fournie aujourd'hui au bureau du Procureur. Il y a aussi la

16 liste des témoins tels que fournie par l'Accusation à la Chambre. Dernier

17 document, le compte rendu d'audience se sera la pièce C1.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pourrions peut-être donner une cote

19 séparée au compte rendu d'audience, à savoir, la pièce D [comme

20 interprété]. Maintenant, le Juge Bonomy va vous faire part rapidement de sa

21 position.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous dire en quelques mots

23 pourquoi je ne voudrais pas que ce document soit versé au dossier à ce

24 stade. J'ai remercié vivement M. Akerson de nous avoir donné une idée

25 complète de documents, et de la présence de cette -- mais il ne serait

26 pertinent en l'espèce que s'il s'appliquait à la suite ou l'ordonnance

27 donnée à la Chambre. Ici, nous n'avons pas preuve de l'existence d'une

28 telle ordonnance, par conséquent, ces documents sont tous sans intérêt, ni

Page 284

1 pertinence.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci étant fait, nous allons maintenant

3 donner la parole à la Défense à commencer par Me Ivanovic au nom de M.

4 Ivica Marijacic.

5 M. IVANOVIC : [interprétation] Permettez-moi de prendre la parole, je vous

6 remercie Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Dans cette affaire

7 contre Ivica Marijacic, il faut tenir compte du fait qu'il s'agit là d'un

8 journaliste professionnel. Donc, le droit à la publicité, le droit à

9 fournir l'information à l'opinion est inhérente à son travail. Mais

10 exerçant son travail, il doit aussi relayer les débats de ce Tribunal. La

11 publicité de débat est quelque chose qui est connu dans les dispositions de

12 l'article 21 du Statut de ce même Tribunal, il en ressort que tout ce qui

13 n'a pas été précisément déclaré comme étant confidentiel doit être public

14 et doit être à la disposition de tous pour que le public puisse avoir un

15 regard. Elle a un droit de regard sur le déroulement de ces débats, et pour

16 savoir si ce déroulement est correct ou non. Ivica Marijacic n'a pas pu

17 vérifier s'il s'agissait d'une déclaration confidentielle s'agissant de la

18 déclaration de ce témoin.

19 Le témoin qui a été cité ici par le bureau du Procureur a dit lui-

20 même à cette Chambre que sur la déclaration préalable du témoin ne figure

21 aucune mention du caractère confidentielle de celle-ci.

22 Par conséquent, la Chambre ici présente, sur demande de ce bureau du

23 Procureur, devrait être la première Chambre de cette haute instance qui

24 déclarerait coupable les journalistes lorsqu'il s'agit d'un journaliste qui

25 s'est contenté de s'acquitter de son devoir professionnel. C'est que les

26 faits que nous avons entendus ici depuis deux jours étaient ceci ? Nous

27 estimons que non, Monsieur le Président. De quoi accuse-t-on Ivica

28 Marijacic ? Exclusivement d'avoir contrevenu, d'avoir violé une ordonnance

Page 285

1 du Tribunal ? Mais de quelle ordonnance parlons-nous ? Nous avons en

2 ordonnance du 16 janvier 2006. Il en ressort très clairement -- non je ne

3 parle pas de l'ordonnance du 6 juin 1997, comme ceci a été confirmé par M.

4 le Procureur d'ailleurs. Comme la Chambre le constate, il ne s'agit même

5 pas de l'ordonnance du 1er décembre 2000. Cette ordonnance invoque

6 l'ordonnance du Tribunal du 6 juin 1997. Pourquoi ne peut-on pas appliquer

7 l'ordonnance du 1er décembre de l'an 2000, pourquoi cela ne s'applique pas à

8 M. Ivica Marijacic ? Parce que la Chambre d'appel en se prononçant sur la

9 décision du 16 janvier décide qu'il n'y a rien à invalider dans cette

10 ordonnance, rien à lever, car on a ajouté rien par la décision du 16 juin.

11 Il est décidé clairement que les mesures de protection sont octroyées aux

12 témoins qui sont résidents du territoire de l'ex-Yougoslavie. La Chambre

13 d'appel a constaté que le témoin van Kuijk n'était pas résident du

14 territoire de l'ex-Yougoslavie.

15 Par conséquent, il ressort clairement que cette ordonnance du 1er décembre

16 de l'an 2000 ne peut pas, elle non plus, s'appliquer à

17 M. Marijacic car cette ordonnance n'accorde rien de particulier, aucune

18 protection particulière à M. le Témoin van Kuijk.

19 Donc, la question qui reste, c'est celle de l'ordonnance orale

20 prononcée par la Chambre de première instance, la décision du 19 décembre.

21 Tout d'abord, Ivica Marijacic pas plus que Hrvatski List n'ont publié ne

22 serait-ce qu'une seule lettre émanant du huis clos devant cette Chambre.

23 Ceci a été confirmé par un témoin de l'Accusation également. Qui plus est,

24 l'Accusation affirme que votre principe est de ne pas autorisé des parties

25 tierces d'interpréter les ordonnances, les décisions du Tribunal. J'y

26 souscris. Mais ces décisions, elles doivent être claires, elles doivent

27 être bien définies, elles ne doivent pas être claires uniquement pour

28 l'oreille d'un juriste, mais elles doivent être claires lorsque le public

Page 286

1 les interprète. Cette décision qui porte sur le huis clos, hélas, n'est pas

2 suffisamment claire. Dans aucune de ces parties, elle ne se réfère à une

3 déclaration qui a été fournie au préalable, la déclaration fournie quatre

4 mois avant l'ordonnance qui porte sur le huis clos. De manière explicite,

5 elle ne la déclare ni secrète, ni confidentielle, ne la désigne comme telle

6 non plus, ni la Chambre de première instance, ni le Greffe, ni

7 l'Accusation, personne ne le fait. Mais qui a le devoir de le faire ? Mais

8 de toute évidence, c'est celui qui propose les mesures de protection, en

9 l'occurrence, c'est l'Accusation. Cela revient aussi à celui qui en décide,

10 à savoir, la Chambre de première instance qui est saisie de l'affaire. Je

11 ne sais pas s'il y a une autre instance qui serait concernée par cela ou

12 compétente pour le faire, mais de toute façon cela ne peut être un

13 journaliste. Il n'appartient pas aux journalistes d'en décider; les

14 décisions de la Cour du Tribunal doivent être claires.

15 Donc Monsieur le Président, le témoin nous a dit --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, Monsieur Ivanovic, il y a un

17 point qui est clair en l'espèce, sans aucun doute, que l'identité du témoin

18 ait été protégée ou non par l'ordonnance portant sur huis clos, la teneur

19 de sa déposition était protégée par cette ordonnance. Est-ce que vous

20 pouvez argumenter d'une manière quelle qu'elle soit une position opposée ?

21 Est-ce que vous pouvez présenter vos arguments à l'opposé ?

22 M. IVANOVIC : [interprétation] Mais tout à fait, Monsieur le Président,

23 c'est ce que je continue à dire dans la poursuite de ma plaidoirie, sa

24 déposition à huis clos est protégée, elle. Mais Ivica Marijacic et Hrvatski

25 List n'ont publié ne se serait-ce qu'une seule lettre émanant du huis clos.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Essayons de procéder dans l'ordre. M.

27 Marijacic, en rédigeant son article, savait de toute évidence qu'il violait

28 l'ordonnance. C'est ce qu'il dit dans son article. Il se propose de faire

Page 287

1 cela de manière explicite. Vous devez faire preuve de cohérence dans votre

2 argumentation ou montrez-nous qu'il a fait une erreur, qu'il s'est trompé

3 au sujet de l'ordonnance. Je ne comprends pas. Les éléments de preuve sont

4 clairs là-dessus. C'est plutôt une question technique. Vous nous dites : Il

5 n'a pas révélé, verbatim, ce qui a été dit, et lorsqu'il s'est servi de la

6 déclaration, il n'a pas fourni verbatim les mêmes informations.

7 M. IVANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Ivica Marijacic a

8 publié des portions de la déclaration préalable qui ne portent sur elle

9 aucune mention de confidentialité. Ivica Marijacic n'était pas présent

10 devant cette Chambre de première instance, dans ce prétoire. Il ne pouvait

11 pas être au courant d'une ordonnance prononcée à huis clos. Ivica Marijacic

12 a reçu, a publié ce qui a été publié autant que fac-similé.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quelle ordonnance parle-t-il alors

14 lorsqu'il parle de témoignages secrets ? Dans son article il parle de quoi

15 alors ?

16 M. IVANOVIC : [interprétation] De la manière dont j'ai compris son article,

17 Ivica Marijacic ne mentionne aucun propos précis, ni aucune ordonnance

18 précise de ce Tribunal. En vérifiant sur Internet probablement, Ivica

19 Marijacic s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de déposition de ce

20 témoin.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne voudrais pas que vous vous

22 lanciez dans des spéculations. Focalisez-vous sur les éléments de preuve,

23 sur la base des éléments de preuve. Quelle est la conclusion à laquelle

24 voulez-vous que cette Chambre arrive, si ce n'est qu'en publiant cela, il

25 avait l'intention d'enfreindre à l'ordonnance de la Chambre portant sur la

26 déposition à huis clos ?

27 M. IVANOVIC : [interprétation] Ivica Marijacic, encore une fois, ni

28 Hrvatski List n'ont publié une seule lettre de document protégé secret.

Page 288

1 Tout ce qui figure du huis clos, c'est le compte rendu d'audience, mais

2 Ivica Marijacic n'a pas publié une seule lettre de ce compte rendu

3 d'audience.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous ai entendu. Veuillez

5 poursuivre.

6 M. IVANOVIC : [interprétation] Il n'y a pas de mention de confidentialité

7 sur la déclaration elle-même. C'est ce que nous ont dit les employés --

8 enfin, nous a dit l'employé, le témoin de l'Accusation, pas n'importe qui;

9 quelqu'un qui était au courant. Une personne qui a -- ou les journaliste en

10 particulier ne sont pas appelés à interpréter les ordonnances du Tribunal

11 en dépit des ordonnances très claires émanant de ce Tribunal. Il y a eu des

12 gens qui ont continué de publier des documents protégés. C'est ce qu'on a

13 entendu. Je répète encore une fois, mon client n'a jamais reçu d'ordonnance

14 explicite qui s'adressait à lui. Toutes les personnes précédemment citées

15 ont été mises en garde sur ce qu'elles allaient faire mais pas mon client.

16 Monsieur le Président, on vous demande maintenant justement de condamner

17 mon client, la personne qui n'a jamais reçu d'ordonnance. C'est elle que

18 vous allez condamnée pour outrage. Est-ce que ce serait faire justice ?

19 Est-ce que ce serait faire preuve d'équité ? L'espèce, l'affaire à huis

20 clos, c'est clair. Le Procureur n'a jamais cherché de preuves, n'a jamais

21 trouvé de preuves que mon client ait violé une ordonnance de ce Tribunal.

22 Tout simplement parce que mon client n'a jamais reçu une ordonnance de la

23 sorte. Pourquoi n'applique-t-on pas à l'égard de mon client les mêmes

24 mesures, la même attitude qu'à l'égard de tous les autres journalistes ?

25 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la question qui se pose est la

26 suivante : dans des cas semblables, comment a réagi la Chambre de première

27 instance de l'affaire Blaskic ? Je pense que cela se voit clairement

28 lorsqu'on se penche sur les dépositions du général Morillon et de M.

Page 289

1 Thébault. De manière tout à fait claire, la Chambre a décidé dans ces cas

2 de figure que ces témoins allaient déposer à huis clos. La Chambre a décidé

3 de considérer comme confidentiel toutes les déclarations préalables

4 fournies par ces témoins. Leur identité était-elle protégée, était-elle

5 secrète ? Non. Alors, où est-ce qu'on trouve la même décision, la décision

6 similaire dans l'affaire van Kuijk ? Il n'y en a pas. L'Accusation cite

7 l'ordonnance portant sur huis clos ou demandant huis clos. Encore une fois,

8 Ivica Marijacic n'a certainement pas violé cette ordonnance, puisque rien

9 n'a été publié dans Hrvatski List qui découle de ce huis clos.

10 Enfin, la question qui se pose est de savoir si oui et comment Ivica

11 Marijacic, ce journaliste professionnel, pouvait-il savoir que pratiquement

12 neuf ans plus tard, l'Accusation allait dire qu'une déclaration préalable

13 ne portant qu'une mention de confidentialité, ayant un caractère public,

14 que devait-il penser ? D'ailleurs, le témoin de l'Accusation lui-même l'a

15 pensé également, et le témoin intéressé l'a pensé. Est-ce qu'il devait

16 estimer que ceci allait rester secret simplement parce que le témoin, après

17 avoir fourni cette déclaration préalable, est venu déposer à huis clos ?

18 Comment Ivica Marijacic aurait-il pu savoir que l'Accusation allait adopter

19 cette position-là ? Il n'avait aucun moyen de le savoir. Enfin, la question

20 qui se pose est de savoir pourquoi la Chambre de première instance dans

21 l'affaire Blaskic a demandé un huis clos.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Ivanovic, il a écrit que M. Rebic

23 lui a remis les deux documents. Il lui a demandé : "Est-ce qu'il s'agit là

24 de documents protégés ?"

25 Il lui a répondu qu'il s'agissait de documents protégés et qu'il était

26 conscient des conséquences éventuelles de leur publication.

27 Quoique l'on puisse dire au sujet de ce qui a été présenté comme élément de

28 preuve contre M. Marijacic, il y a là des éléments de preuve contre M.

Page 290

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 291

1 Marijacic sans aucun doute. Il était pleinement conscient qu'il s'agissait

2 de documents protégés. Il a décidé de ne pas répondre en décidant de ne pas

3 déposer. Par conséquent, quelle conclusion voulez-vous qu'on en tire si ce

4 n'est qu'il savait que c'était des documents protégés ?

5 M. IVANOVIC : [interprétation] En répondant à votre question, je vais me

6 contenter de dire que M. Marijacic sait que M. Rebic lui non plus n'a pris

7 part au procès devant ce Tribunal.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez, Maître

9 Ivanovic.

10 M. IVANOVIC : [interprétation] La Chambre dans l'affaire Blaskic s'exprime

11 d'une manière tout à fait claire. La décision a été prise, parce qu'il y a

12 un caractère sensible de cette déposition, caractère sensible eu égard au

13 Royaume des Pays-Bas. L'Etat estime que ses intérêts nationaux pourraient

14 être mis en péril. L'Etat se protège en demandant qu'un de ses

15 représentants soit présent au moment de la déposition. Il n'y a pas eu de

16 présence le 1er et le

17 2 août 1997 d'officier haut gradé du Royaume des Pays-Bas, mais un tel

18 représentant était présent pendant la déposition à huis clos. Il me semble

19 que le Royaume des Pays-Bas montrait par là que la déclaration, elle ne

20 mettait pas en péril les intérêts nationaux, mais l'Etat a cherché à

21 protéger ses intérêts pendant la déposition à huis clos en estimant que

22 c'est là qu'il pouvait être mis en péril.

23 C'est la même chose qu'on a pu entendre de la part non seulement du témoin

24 de l'Accusation mais aussi du Procureur lui-même. Aucune des raisons pour

25 lesquelles on a décidé du huis clos ne se présentait au moment où l'article

26 a été publié par Hrvatski List.

27 Enfin, il ne nous reste plus qu'une seule question, à savoir,

28 pourquoi la Chambre de première instance n'avait pas pris une décision

Page 292

1 claire portant sur la déposition de M. van Kuijk, comme dans le cas des

2 dépositions Morillon et Thébault. Pourquoi est-ce qu'elle agit de manière

3 ambiguë ? Pourquoi est-ce qu'il y a des zones d'ombre qui restent ? On ne

4 sait pas, tout comme on ne sait pas qui en est responsable. La seule chose

5 que nous savons, c'est qu'Ivica Marijacic n'endosse aucune responsabilité

6 dans l'affaire. Je ne voudrais pas, qu'à cause des déficiences dans les

7 agissements des autres, mon client soit déclaré coupable. Il s'est contenté

8 d'agir en tant que journaliste, journaliste professionnel, en respectant la

9 publicité en tant que l'un des principes de ce Tribunal et de la

10 démocratie. Le principe que j'invoque signifie que tout ce qui n'a pas été

11 désigné comme confidentiel est public. Cela fait partie des droits

12 fondamentaux de l'homme. Le statut lui-même de ce Tribunal le garantit

13 comme étant l'un des modèles à suivre au premier chef dans le comportement

14 de tout un chacun. On ne peut pas accepter que ce soit de manière

15 aléatoire, sept ans après les faits, que l'on décide de ce qui est secret

16 ou non. Ceci doit être mentionné de manière claire au moment où naît une

17 décision, tout comme cela a été décidé clairement dans le cas du général

18 Morillon et de M. Thébault.

19 Enfin, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, permettez-moi de

20 rappeler un des faits qui sont peut-être des faits parmi les faits-clés de

21 l'espèce. Ivica Marijacic, parmi tous les journalistes accusés devant ce

22 Tribunal ou par ce Tribunal, n'a jamais reçu d'ordonnance. En particulier,

23 il n'a reçu aucun avertissement, aucune ordonnance ni au sujet de van Kuijk

24 ni au sujet de Hrvatski List, alors que tous les journaux et autres

25 journalistes accusés ici l'ont reçue. Je pense qu'il est tout à fait simple

26 de prouver cela à cette Chambre.

27 Ivica Marijacic n'a pas violé l'ordonnance du 6 juin 1997, pas plus

28 que celle du 1er décembre 2000, pas plus que l'ordonnance portant sur huis

Page 293

1 clos parce qu'il n'a rien publié de ce huis clos. Il n'a jamais mis en

2 péril ni van Kuijk ni les intérêts du Royaume de Pays-Bas. Ivica Marijacic

3 est le seul journaliste qui a été accusé sans avoir été mis en garde à

4 travers ou par le truchement d'une ordonnance spécifique comme ceci a été

5 le cas de tous les autres journalistes.

6 Je suis certain que cette Chambre protégera le droit de l'homme et du

7 journaliste qu'est Ivica Marijacic, et s'assurera que pas une personne

8 tierce, que personne ne peut avoir la possibilité de décider arbitrairement

9 de ce qui est secret et de ce qui ne l'est pas.

10 Qui plus est, je suis convaincu que la Chambre de première instance prendra

11 en compte le fait qu'aucun élément de preuve présenté ici n'a été suffisant

12 pour que cette Chambre de première instance se détermine en prononçant la

13 culpabilité en créant un précédent dans la pratique de ce Tribunal pénal

14 international, et en violant le droit professionnel et humain de mon

15 client.

16 Enfin, Monsieur le Président, Ivica Marijacic est un journaliste

17 professionnel. Ne le transformez pas en criminel. Ceci ne serait absolument

18 pas juste. Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Ivanovic.

20 Maître Krsnik.

21 M. KRSNIK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

22 vais essayer d'être bref. Je vais essayer de faire preuve des raisons. Je

23 ne voudrais m'aventurer dans aucun débat de taille. Il ne s'agit pas ici

24 d'une chose très compliquée ou très savante; il s'agit d'un fait ordinaire,

25 simple, d'une question juridique qui se pose au quotidien, à savoir, mon

26 client a-t-il commis l'outrage, le déni d'outrage et mes collègues du

27 bureau du Procureur ont-ils présenté suffisamment de preuves à l'appui,

28 puisque d'ailleurs, c'est eux qui ont la charge la preuve. Ont-ils présenté

Page 294

1 suffisamment de preuves pour le prouver au-delà de tout doute raisonnable ?

2 D'après ce que je vois et d'après l'impression que j'ai pu avoir suite à

3 ces deux jours de débat, beaucoup de conclusions ont été tirées sans que ce

4 soit fait de manière rigoureuse et sans respecter les principes

5 d'argumentation juridique. Si vous voulez m'entendre, j'ai quelque chose à

6 dire au sujet des arguments juridiques. La vraie raison pour laquelle cet

7 acte d'accusation a été dressé, c'était pour montrer la force de

8 l'Accusation. C'est une manifestation de la force de leur part. En plus,

9 par deux reprises, ils ont dit que cette affaire a été lancée hormis la

10 préparation d'autres affaires plus importantes. On devra accepter cela

11 comme argument, qu'on a violé les règles parce qu'on se préparait à

12 d'autres affaires.

13 Puisque l'Accusation a dit cela, je suppose qu'elle le pense

14 honnêtement. Vous savez pourquoi je suis de cet avis ? Je vais vous citer

15 un exemple, je vais vous expliquer pourquoi. Et là, je vais passer à l'huis

16 clos partiel.

17 [Audience à huis clos partiel]

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

 

Page 295

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans la manière dont j'ai compris

22 l'Accusation, l'Accusation a dit que si les mesures de protection garanties

23 par le Tribunal n'étaient pas perçues comme étant efficaces, que ceci

24 allait décourager ou allait créer un risque de décourager des témoins

25 potentiels de s'engager à venir déposer ici en tant que témoin devant son

26 Tribunal.

27 M. KRSNIK : [interprétation] C'est comme cela que je l'ai compris moi

28 aussi. J'ai aussi compris les messieurs de l'Accusation comme souhaitant

Page 296

1 avoir recours à la force, manifester leur force. Parce que sinon, toutes

2 les violations qui se sont produites dans la presse écrite de l'ex-

3 Yougoslavie auraient fait l'objet de nombreuses affaires. Or, il n'y en a

4 pas eu une seule.

5 Puisque vous me posez la question, Monsieur le Juge Bonomy, avec tous mes

6 respects, je suis très attentifs à vos -- enfin, ne me comprenez pas mal.

7 Je ne veux pas être obscur, mais je vous suis dans vos remarques qui

8 contiennent une grande sagesse. Pourquoi n'a-t-on pas accusé Vjesnik [phon]

9 ni Globos ? Pourquoi a-t-on accusé Hrvatski List. Est-ce qu'il appartient

10 au bureau du Procureur d'opérer la sélection et de décider qui il va

11 accuser. On a accusé que Hrvatski List, Novasko Slovo [phon], et Slobodna

12 Dalmacija; personne d'autre. Il y a des centaines de journalistes qui

13 agissent.

14 Qu'en est-il des témoins de la Défense qui ont été protégés ?

15 Pratiquement tous mes témoins bénéficiant des mesures de protection se sont

16 vus révéler leur identité. Je n'ai pas eu droit à une enquête. Le Procureur

17 était à l'origine des fuites. Que s'est-il passé ? Rien. Soudain, Monsieur

18 le Président, il se montre très préoccupé. Ils n'ont pas demandé des

19 mesures de protection pour ce témoin, c'est le gouvernement néerlandais qui

20 les a demandées. Le jugement a été prononcé dans l'affaire. Cela fait cinq

21 ans que le Bataillon néerlandais n'est plus déployé là-bas. C'est le

22 gouvernement néerlandais qui veille à protéger leurs intérêts et non pas le

23 Procureur qui lui devrait le faire. Il devrait respecter les règles, tout

24 comme nous tous devons les respecter.

25 Monsieur le Président, jamais personne sur la planète n'a le droit de

26 publier cela si l'on suit le raisonnement du Procureur. Alors, qu'en

27 pensera l'histoire ou les étudiants demain de ce Tribunal si quelque chose

28 n'est pas fondé dans le sens. Cela ne peut pas être non plus équitable ou

Page 297

1 juste. Le droit ne peut pas aller à l'encontre du bon sens.La question est

2 de savoir si ce témoin a été mis en péril. Nous le savons tous que non.

3 C'est un précédent que l'Accusation souhaite créer. Ils veulent

4 pouvoir brandir votre condamnation, enfin la condamnation que vous avez

5 prononcée. Je suis certain qu'ils ont des intentions à cacher.

6 Bien entendu, je me lance dans des conjectures. Mais quoiqu'il en soit,

7 j'en suis complètement persuadé.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, vous risquez là de vous éloigner

9 de votre promesse de l'engagement dont vous vous étiez fait à vous-même,

10 d'agir au nom du bon sens et de traiter cette question comme une question

11 juridique comme on en voit tous les jours. Mais cela, ce n'est qu'une

12 partie de l'affaire, Maître Krsnik.

13 L'autre question, c'est celle des documents, des pièces protégées ou pas.

14 M. KRSNIK : [interprétation] Je défends M. Rebic. Il a été mis en

15 accusation pour deux choses, vous réunissez cela sous un seul chapitre. En

16 fait, il a été mis en accusation pour communication d'identité du témoin

17 protégé et pour communication du compte rendu d'audience. J'ai une réponse

18 très simple à faire à cela. J'aurais pu faire déposer M. Rebic si c'est ce

19 que c'était ce que je pensais. Il aurait pu déposer face à vous, vous dire

20 non, non je n'ai pas remis le compte rendu d'audience en question. Mais je

21 vais vous poser une question des plus claires, des plus simples. Est-ce que

22 vraiment vous allez considérer un article de presse comme une pièce à

23 conviction faisant foi, alors que nous sommes dans un pays qui en est à ses

24 tous débuts en matière de journalisme, en matière de droit, en matière de

25 démocratie ? Le Hrvatski List, ce n'est pas le Washington Post. Le

26 Washington Post, c'est le premier organe de presse qui a révélé l'histoire

27 de Brano. Tout le monde le sait.

28 Et cette chère Mme Carla del Ponte a menacé de s'adresser au conseil de

Page 298

1 Sécurité de Nations Unies, et a accusé la Croatie de cacher Cicko Bralo, a

2 accusé M. Rebic d'en être responsable. Maintenant, quand on lit la

3 déclaration de van Kuijk, on voit que c'était complètement faux. Une

4 véritable tempête s'était déclenchée. Les médias croates ne parlaient que

5 de cela pendant plusieurs jours. Hrvatski List a été un des journaux à

6 parler de cette question. Voilà l'essentiel du problème.

7 Simplifions les choses. Présentons les choses de manière simple. Je

8 crois qu'à aucun moment, avec aucun élément de preuve, l'Accusation n'a

9 fait les preuves de ce qu'elle avance. Voilà ma position. Les avocats ont

10 généralement tendance à exagérer. Ils veulent impressionner leurs clients;

11 ce n'est pas mon genre.

12 Je vous dis tout simplement que l'Accusation n'a pas prouvé au-delà de tout

13 doute raisonnable que mon client avait communiqué l'identité ou le compte

14 rendu d'audience du témoin, sauf pour les journaux, enfin, à part les

15 journaux, les seules preuves. Si cela vous suffit, si ce genre de preuve

16 vous suffit, je sais bien ce qui m'attend. Les journaux, les articles de

17 presse, cela ne suffit pas. Je sais à ce moment-là ce qui m'attendrait. Il

18 y a autre chose que je sais. Je demande que la Chambre de première instance

19 ici fasse un précédent. Ce qui est en jeu ici, c'est le droit à l'opinion

20 publique d'avoir des informations.

21 Peut-être ne vous en rendez-vous pas compte, mais vous êtes ici

22 investis d'un pouvoir qui vous a été conféré par la communauté

23 internationale. Ce qu'il faut que vous sachiez, c'est que les yeux de tout

24 le monde en ex-Yougoslavie, ces yeux vous regardent, sont fixés sur vous et

25 ils sont suspendus à vos lèvres. Ils attendent votre décision. L'un des

26 principes qui guide le travail du Tribunal, c'est de contribuer à la

27 restauration de la paix dans la région. Vous pouvez faire un précédent ici

28 et vous pouvez dire le droit en affirmant que lorsqu'une ordonnance n'a pas

Page 299

1 été rendue de manière suffisamment claire dans son libellé, à ce moment-là,

2 il n'y a pas de protection clairement accordée, il n'y a pas eu infraction

3 à ces ordonnances. J'affirme que M. Rebic n'a pas enfreint ces ordonnances.

4 Troisièmement, il faut que vous preniez une position tout à fait claire,

5 tout à fait définie pour déterminer à quel moment commence l'outrage au

6 Tribunal.

7 Il y a encore un argument que je souhaite soulever. Il a trait à

8 l'application de l'article 77 du Règlement. Le Procureur ne cesse d'évoquer

9 cet article en présentant sont interprétation. Il en a tout à fait le

10 droit; je le reconnais. L'article 77 du Règlement est un article un peu

11 plus limpide, particulièrement en son alinéa (C). Je ne vais, bien entendu,

12 pas vous en donner lecture, vous le connaissez déjà. L'article 77, en son

13 alinéa (A) sous-paragraphe (ii) précise très clairement que : "Toute

14 personne qui divulgue des informations relatives à ces procédures en

15 violant en connaissance de cause une ordonnance d'une Chambre, peut être

16 déclaré coupable." C'est à vous de décider s'il y a eu violation, si cela

17 était le fait de M. Rebic. Si c'est le cas, s'il y a eu violation

18 effectivement, à ce moment-là, de quelle ordonnance de la Chambre s'agit-

19 il. J'estime que le simple fait que l'audience s'est tenue à huis clos

20 n'implique pas protection du témoin. Voilà. Parce que c'est là

21 l'interprétation de l'Accusation, une interprétation très restrictive, très

22 particulière, dirons-nous. Nous attendons maintenant votre réponse à vous,

23 Messieurs les Juges. S'il y avait protection, à ce moment-là, cette

24 protection, elle aurait dû être accordée, traduite par une ordonnance de la

25 Chambre de première instance. Si nous disposions de cette ordonnance, je

26 n'ai pas le moindre doute, l'Accusation nous l'aurait présentée depuis

27 longtemps.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est l'autre interprétation que

Page 300

1 vous faites de la décision de la Chambre de passer à huis clos, Maître

2 Krsnik ?

3 M. KRSNIK : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai passé beaucoup de temps

4 dans ces prétoires au Tribunal, comme vous d'ailleurs. Vous savez

5 pertinemment comment cela se passe, ce qu'il en est des audiences à huis

6 clos. Pour nous, il s'agissait ici dans l'affaire qui nous intéresse, de la

7 protection des intérêts militaires du Royaume des Pays-Bas. Il n'y avait

8 pas d'autres raisons. S'il y avait eu d'autres motifs à cette décision,

9 cela aurait été précisé dans une ordonnance rendue par la Chambre. C'est

10 pourquoi le Royaume des Pays-Bas, après le retour du Bataillon néerlandais,

11 aurait dû demander à ce que ces mesures soient annulées, sans en laisser

12 l'initiative au Procureur. Bien qu'en réalité, à proprement parler, ce soit

13 le travail du Procureur. Le Procureur ne peut pas être le seul à décider

14 qui est protégé ou pas, ou plutôt qui est coupable d'outrage ou pas, parce

15 que cela reviendrait à leur donner un grand pouvoir.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas. Est-ce que

17 c'était au gouvernement néerlandais de demander à ce que ces mesures soient

18 annulées ? Est-ce qu'ils ont demandé à ce que ces mesures soient annulées ?

19 M. KRSNIK : [interprétation] Oui. M. Cameron nous l'a confirmé. Le

20 gouvernement néerlandais a demandé à ce que ces mesures de protection

21 soient annulées. Ceci a été confirmé par M. Cameron. Cela figure également

22 dans la déclaration de ce même monsieur, qu'on m'a fourni ou que je vous ai

23 fournie. Je vous donnerai la page, si nécessaire.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a peut-être une erreur de

25 traduction ici. Le gouvernement néerlandais a demandé l'imposition des

26 mesures, enfin a été traduit par "a demandé à ce que ces mesures soient

27 annulées."

28 M. KRSNIK : [interprétation] Un instant, un instant. Attendez, je vais

Page 301

1 expliquer. Puisque c'est à moi qu'on a quand même posé la question.

2 M. AKERSON : [interprétation] Me Krsnik a fait de nombreuses objections

3 pendant mon intervention, et là il est en train de déformer les faits.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, on va faire la lumière là-dessus.

5 Parce que pour l'instant, ce n'est pas clair. Quand il aura terminé, vous

6 pourrez intervenir.

7 M. KRSNIK : [interprétation] Au cours du printemps 1997, le gouvernement

8 néerlandais a demandé des mesures de protection à cause du caractère très

9 sensible des opérations militaires menées à cette époque. En 2005, le

10 gouvernement néerlandais s'est tourné vers le bureau du Procureur demandant

11 l'annulation de ces mesures de protection. Pourquoi ? Parce que les motifs

12 qui expliquaient la demande de ces mesures de protection, ces motifs, ils

13 n'existaient plus. Cela, on le retrouve dans la déclaration du témoin

14 Cameron, on le retrouve dans ce qu'il nous a dit pendant sa déposition. Je

15 l'ai interrogé à ce sujet, et il l'a confirmé.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous disposons de cette déclaration,

17 donc on peut vérifier. Cela ne me dit rien, franchement.

18 M. KRSNIK : [interprétation] C'est l'avant-dernière page de sa déclaration.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que nous disposions ici

20 de cette déclaration. Si M. Akerson pouvait intervenir pour nous aider, il

21 peut le faire.

22 M. AKERSON : [interprétation] Vous n'avez pas la déclaration. Ce dont vous

23 disposez en revanche, c'est la requête aux fins d'amélioration des mesures

24 de protection qui précisent les choses. Le gouvernement néerlandais n'a

25 pas, n'a pas demandé au bureau du Procureur d'annuler ces mesures de

26 protection; c'est nous qui nous sommes adressés à eux. Vu l'affaire en

27 l'espèce, nous leur avons demandé s'ils acceptaient que ces mesures soient

28 annulées. Cela figure d'ailleurs dans notre requête aux fins d'annulation

Page 302

1 des mesures de protection.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est ce dont je me souvenais

3 effectivement.

4 M. KRSNIK : [interprétation] Mais non. Non, non, j'ai trouvé le passage

5 concerné. Laissez-moi le temps et je vais trouver la déclaration. Il figure

6 noir sur blanc.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

8 [Le conseil de la Défense se concerte]

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agissant de la déclaration de M.

10 Cameron, on s'est contenté de placer la première page, la page de

11 couverture de garde plutôt sur le rétroprojecteur. Mais on ne nous a pas

12 remis la déclaration. Nous avons reçu la déclaration de

13 M. Tomljanovich, mais pas celle de M. Cameron.

14 M. KRSNIK : [interprétation] J'ai trouvé le passage. J'ai la version en

15 croate uniquement; je n'ai pas la version en anglais. Dans la version en

16 croate, cela se trouve à la page 4, paragraphe 5.

17 On peut y lire la chose suivante. Je vais donner lecture du passage

18 concerné lentement. Je remercie d'avance les interprètes de leur

19 assistance. Je leur ai remis la déclaration hier. Je suis en train de

20 donner lecture d'une déclaration préalable qui a été établie par M. Cameron

21 en personne. Ce que nous désignons sous la mention suivante "déclaration

22 faite au bureau du Procureur."

23 On peut lire la chose suivante : "Le 27 octobre 2005, j'ai reçu une

24 communication électronique de la part du ministère de la Défense

25 néerlandais autorisant le Tribunal pénal international à ce que le compte

26 rendu de la déposition de M. van Kuijk soit rendu public, et d'annuler les

27 mesures de protection concernant le capitaine van Kuijk. Source : Terrance

28 Cameron."

Page 303

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ce n'était pas là une

2 réaction à la demande faite par l'Accusation quand l'Accusation a demandé

3 au gouvernement s'il était d'accord ou non pour annuler les mesures de

4 protection ?

5 M. KRSNIK : [interprétation] Je ne vois rien de tel ici. Je vois que c'est

6 une initiative du ministère de la Défense. On ne voit nulle part ici qu'il

7 s'agirait d'une réaction à une demande faite par le bureau du Procureur au

8 même gouvernement.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La requête présentée par l'Accusation à

10 la Chambre d'appel demandant la modification des mesures de protection, à

11 savoir, l'annulation des mesures de protection concernant le témoin van

12 Kuijk, cette requête, elle a été déposée le 2 novembre 2005. Je vois qu'il

13 a reçu cette communication de la part du ministère de la Défense

14 néerlandais le 27 octobre 2005. On peut partir du principe que ce qu'il a

15 ainsi reçu, c'était en réponse à la demande ou à la question faite par

16 l'Accusation.

17 M. KRSNIK : [interprétation] Non, non, non, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Après que l'Accusation a déposé cette

19 requête, après avoir reçu cette information de la part du gouvernement.

20 M. KRSNIK : [interprétation] Oui, c'est cela, après.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La requête a été présentée après que

22 l'Accusation a eu demandé au gouvernement néerlandais s'il était d'accord

23 ou non pour donner des mesures de protection ? Oui. Bon, continuez.

24 M. KRSNIK : [interprétation] Oui. Je suis satisfait de voir que nous avons

25 précisé la chose. On voit que l'initiative vient du Royaume des Pays-Bas,

26 pas du bureau du Procureur. C'est la raison pour laquelle je demande aux

27 Juges de la Chambre de ne pas permettre au bureau du Procureur de procéder

28 de la sorte, mais au contraire, il convient de lui envoyer un message tout

Page 304

1 à fait clair afin de garantir l'équité des procès, la publicité des

2 audiences. Chaque fois que des mesures sont prises, et que ces mesures ne

3 sont pas prises en obéissant aux règles de la raison, à ce moment-là, ce

4 sont eux qui doivent demander à ce que ces mesures soient annulées, parce

5 qu'il ne convient pas que ce soit le bureau du Procureur qui puisse tout

6 décider en l'espèce, de l'officier d'un pouvoir discrétionnaire de ce type.

7 Que s'est-il passé ici au Tribunal ? Vous connaissez l'ordonnance de

8 1996. La Chambre a rejeté la requête, leur requête. Ils avaient déposé une

9 requête pour faire une enquête. Jamais cette enquête n'a été autorisée. Le

10 Juge de permanence a examiné la requête. Il l'a rejetée. J'ai étudié la

11 question, je sais, parce que je connais l'article 77, que c'est à la

12 Chambre de première instance exclusivement qu'il appartient de statuer sur

13 les outrages au Tribunal. Je vous serais reconnaissant d'aborder dans mon

14 sens dans la décision que vous rendrez. Je ne vais pas ici me lancer dans

15 une discussion sur les droits de la presse, sur les droits à l'information,

16 surtout information venant du Tribunal, mais si on lit avec attention

17 l'article 75(A), on voit quelque chose de très intéressant. C'est un

18 article qui ne limite pas les droits de l'accusé, qui les protège. Si on

19 adaptait l'interprétation du Procureur, est-ce que là cela ne mettrait pas

20 en péril les droits de toutes les parties ou est-ce qu'au moins, cela ne

21 les limiterait pas de manière assez inquiétante, en particulier les droits

22 des médias, en particulier la liberté de la presse ? Je répète pour la

23 ixième fois que si on applique un gros bon sens, on ne peut que dire que le

24 comportement de mon client n'a jamais fait courir de risques à qui que ce

25 soit.

26 Je ne veux pas abuser de votre temps. Je ne souhaite pas faire

27 référence à la déposition de M. Tomljanovich. Je souhaiterais simplement

28 dire que mon client, M. Rebic, jusqu'à son départ à la retraite le 26

Page 305

1 février, date à laquelle il a quitté ses fonctions, c'était le 26 février

2 2000, date depuis laquelle il est à la retraite, malheureusement en

3 Croatie, les pensions ne sont pas faramineuses, et comme initialement, il

4 était professeur de philosophie, puisqu'il a un doctorat de philosophie,

5 que fait-il ? Il travaille comme journaliste free-lance pour Hrvatski List.

6 Il écrit de temps à autre des articles pour cette publication. Pendant

7 qu'il était assistant du ministre de la Défense chargée de la sécurité, il

8 a fait preuve d'un grand degré de clairvoyance. Je remercie le bureau du

9 Procureur de nous avoir permis d'écouter M. Tomljanovich. Comme cela, on

10 peut faire des comparaisons très utiles. Il a assuré la protection de tous

11 les documents qu'il utilisait, et il a fait en sorte que tous ces documents

12 portaient la mention "confidentielle," si c'était le cas, si ces documents

13 étaient effectivement confidentiels. Le fait que le Procureur ait mis la

14 main sur ces documents - cela d'ailleurs cela m'impressionne - je suis très

15 favorablement impressionné par le travail qui a été entrepris dans le

16 bureau du Procureur, qui a parvenu à obtenir ces documents de l'Etat

17 croate. Je dois dire qu'en Croatie, il pourrait être sanctionné de manière

18 beaucoup plus sévère qu'ici pour avoir autorisé la communication de ces

19 pièces. Pendant 15 ans, de 1991 à 2004, M. Markica Rebic n'a jamais

20 divulgué quoi que ce soit à qui que ce soit, parce qu'il avait une

21 responsabilité aussi bien face au regard de la législation nationale que

22 face à la communauté internationale ou à la législation internationale.

23 L'Accusation nous dit que c'est ce qu'il a fait justement en 2001.

24 Mais même si c'était le cas et si jamais on prouve que j'ai tort, à ce

25 moment-là, ma conscience ne me tourmentera jamais pour ne pas avoir fait

26 mon travail correctement et ne pas l'avoir fait déposer en l'espèce. Je ne

27 me pardonnerai jamais si vous le déclarez coupable d'outrage au Tribunal

28 sur la base des éléments de preuve présentés, éléments de preuve de preuve

Page 306

1 dont j'estime qu'ils sont manifestement insuffisants en ce qui concerne en

2 tout cas mon client. Il y a une seule pensée qui m'obsède et qui me guide.

3 C'est que nous devons faire preuve d'un grand sérieux dans l'exercice de

4 nos fonctions. J'essaie de ne pas faire déposer mes clients, ni même de

5 faire venir des témoins de moralité. Je crois que la vérité s'est

6 manifestée simplement pendant la présentation des moyens à charge, des

7 moyens qui sont insuffisants.

8 Maintenant, mes yeux, ils sont braqués sur vous. Cela a été pour moi un

9 véritable privilège, un véritable honneur, que d'intervenir dans l'intérêt

10 de mon client devant la Chambre de première instance qui est face à moi,

11 une Chambre de première instance que l'on a l'habitude de voir sur les

12 écrans de télévision en Croatie. Je vous remercie de votre patience, et

13 j'espère que mon client sera acquitté.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Krsnik.

15 Vous avez quelque chose à dire dans le cadre de la réplique, Maître

16 Akerson ?

17 M. AKERSON : [interprétation] Oui. Je souhaiterais intervenir brièvement.

18 Vous voulez que nous fassions une pause ou que je parle tout de suite ?

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De combien de temps avez-vous besoin ?

20 M. AKERSON : [interprétation] De cinq à dix minutes, pas plus.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons vous écouter tout de suite.

22 M. AKERSON : [interprétation] Un instant, je vous prie. Je vais chercher

23 mon pupitre.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. KRSNIK : [interprétation] Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, M. Krsnik.

27 M. KRSNIK : [interprétation] Pendant que mon collègue se prépare,

28 permettez-moi de dire une dernière chose. Je pense que la Chambre de

Page 307

1 première instance doit savoir une chose. Ce sont le clients qui rémunèrent

2 eux-mêmes les avocats qui paient pour toutes les dépenses considérables, le

3 prix des billets d'avions, l'hôtel. Nos clients sont véritablement épuisés.

4 Ils ont même dû faire des dettes pour pouvoir payer toutes leurs factures

5 parce que leur demande a été rejetée par le Greffe. Est-ce que je peux vous

6 demander ceci ? Peut-être que ceci sort tout à fait de l'ordinaire, mais

7 est-ce que vous pourriez rendre une décision aujourd'hui, serait-ce

8 possible ? Ou à défaut, au moment où vous prendrez votre décision, est-ce

9 que vous pourriez faire part de votre décision par liaison vidéo ? Bien

10 sûr, je ne vous demande pas une réponse sur-le-champ, mais je ressentais le

11 besoin de vous faire cette demande.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je parle en mon nom personnel. Je ne

13 pense pas qu'il appartient à la Chambre de décider des questions

14 financières. C'est quelque chose qui relève du Greffe, et bien sûr, je dois

15 en discuter avec les autres Juges pour savoir si on peut rendre notre

16 décision par vidéo conférence, mais je vous ferai part de notre décision

17 sur ce point.

18 M. KRSNIK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 M. AKERSON : [interprétation] Je voulais simplement réagir sur quelques

20 points mineurs parce que là il y avait une présentation erronée des faits

21 en ce qui concerne le gouvernement néerlandais, quant à la question de

22 savoir qui a demandé l'annulation des mesures de protection. Veuillez

23 consulter, Messieurs les Juges, la décision relative à la requête déposée

24 par l'Accusation aux fins d'annuler les mesures de protection en l'espèce,

25 page 4, plus précisément dernier paragraphe. Dans cette requête il est dit

26 : "En vertu de ce dit l'Accusation, ni van Kuijk, ni le ministère

27 néerlandais de la Défense ne s'opposent aux mesures demandées dans la

28 requête de l'Accusation."

Page 308

1 Le calendrier des événements est important car il est ici affirmé que

2 c'est le gouvernement néerlandais qui nous a contacté pour demander la

3 levée de ces mesures. C'était avant le procès et je ne sais pas si c'est le

4 gouvernement néerlandais qui a spontanément ou si c'est nous qui avons

5 demandé la levée de ces mesures après l'aval de ce gouvernement.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si cela se passait en octobre 2004,

7 c'était peut-être pertinent, mais je ne vois pas la pertinence de ce qui se

8 soit passé en octobre et en novembre 2005.

9 M. AKERSON : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais

10 je reviens à ce qu'avait dit l'avocat de M. Marijacic. Ici apparemment, ce

11 serait un procès sur la liberté de la presse, ce n'est pas le cas. C'est un

12 principe essentiel et primordial, nous le concédons tous, mais il y a quand

13 même des restrictions imposées à cette liberté de la presse. Il y a la loi

14 sur la diffamation ou tout autre atteinte à la vie privée. Ce qui compte

15 davantage pour nous c'est que le huis clos limite la liberté de la presse

16 parce que sont exclues toutes les personnes qui se trouvent en dehors du

17 prétoire. Il y a ici un exercice d'équilibrage à faire. Bien sûr, il faut

18 la publicité des débats dans la meilleure du possible et c'est ce que

19 veulent les Juges, mais il faut aussi protéger les témoins qui viennent

20 déposer, les risques qu'ils encourent face à la presse.

21 Ni M. Marijacic, ni M. Rebic n'ont pu répondre à la question qui leur

22 avait été posée. Cette question était de savoir si le contenu de ce qui

23 s'était dit à huis clos était protégé. Aucun des deux n'a répondu pas plus

24 que l'un ou l'autre n'aurait répondu à une autre question. Savaient-ils

25 qu'il s'agissait là d'information protégée ? Est-ce qu'ils désavouent ces

26 déclarations comme étant inexactes ? Rien n'a été dit à ce propos par ces

27 deux. Ils ont reconnu que les éléments étaient protégés. Vous avez ces

28 éléments et ils l'ont admis. Ils savaient que c'étaient des éléments

Page 309

1 protégés. Or, ils ont quand même publié en violation flagrante d'une

2 ordonnance de protection. La question qui se pose est manifeste pour vous,

3 elle a de grandes répercussions. Est-ce qu'un huis clos protège la tenue de

4 ce qui se dit en déposition à huis clos ?

5 D'après l'avocat de M. Rebic, qui vient de le dire carrément, ce n'est pas

6 nécessaire.

7 Page 58, ligne 16, à 11 heures 52 et quelques lignes plus loin aussi.

8 Le Juge Bonomy demande si le huis clos signifie que le contenu de ce qui se

9 dit dans les dépositions est protégé. Il répond par la négative.

10 Les répercutions, inutile de s'attarder sur elles, mais elles sont graves

11 parce qu'un témoin demande des mesures de protection et va venir déposer

12 parce qu'elles existent. Il ne s'agit pas ici d'intimider le témoin. On n'a

13 jamais dit que ce témoin, M. van Kuijk, avait été intimidé. Ce n'est pas du

14 tout ce que nous avons dit. Cela veut dire simplement qu'on entrave notre

15 capacité de garantir à un témoin qui s'adresse à nous, de la protéger. Il

16 accepte de venir uniquement parce qu'il se voit promettre que ce sera

17 confidentiel ce qu'il va dire et que les mesures resteront de vigueur. Si

18 ce n'est pas le cas, nous devons agir et nous devons accuser d'outrage pour

19 veiller à ce que les mesures de protection restent de rigueur.

20 L'avocat de M. Marijacic a dit que le huis clos n'a pas été publié ou

21 ce qui s'est dit à ce huis clos. Il y a un autre principe dont est saisie

22 la Chambre, c'est indiscutable. C'est la déposition d'un témoin qui est

23 protégé par la forme dans laquelle il le fait. Il a dit : "Nulle part dans

24 le compte rendu d'audience n'est-il dit que c'est là une déposition

25 'secrète.' Elle n'affirme pas de façon explicite que le contenu est

26 secret." Or, si on suit ce genre de raisonnement, cela veut dire que tout

27 compte rendu, dans lequel il y a des éléments donnés à huis clos, serait

28 public d'après ce que dit cet avocat parce qu'on ne dit pas que c'est

Page 310

1 "secret." Si un huis clos ne veut pas dire huis clos, c'est-à-dire,

2 excluant le public, cela devient quelque chose de public. La défense nous

3 dit que ce sera quelque chose de public. Je pense que la Chambre doit

4 estimer qu'un déposition à huis clos protège la déposition des témoins

5 quelque en soit la forme, c'est la seule déduction possible.

6 M. Marijacic a dit également qu'il n'y avait pas eu d'ordonnance

7 intimant personnellement à son client de ne pas agir. La Défense reconnaît

8 avoir eu possession de ce compte rendu donné à huis clos. Cette ordonnance

9 doit protéger les éléments. Il y a eu violation en connaissance de cause de

10 cette protection et c'est la quintessence de ce qu'il faut retenir.

11 C'est tout ce que j'aurais à dire, je vous remercie, Messieurs les Juges.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Maître Krsnik, je

13 crois que vous voulez intervenir, mais je voudrais dire qu'en vertu de

14 l'article 86 : "Les parties doivent aussi évoquer les questions de peine et

15 de durée de peine, si une peine est imposée au moment des réquisitions et

16 plaidoiries."

17 Qu'avez-vous à dire, M. Akerson, à propos de cette question ?

18 M. AKERSON : [interprétation] Uniquement à ce que nous avons dit. Pour

19 nous, c'est une violation grave vu le côté sensationnaliste, la façon dont

20 cela a été présenté dans les journaux ce qui constitue une entrave grave à

21 la bonne administration de la justice.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

23 Maître Krsnik, vous avez la parole.

24 M. KRSNIK : [interprétation] Un seul mot pour répondre à ce que vient de

25 dire l'Accusation. Jamais, jamais l'Accusation n'a disposé de motifs

26 valables et le Procureur l'a prouvé. Pourquoi ? Parce qu'il y a la première

27 ordonnance et c'est à ce moment-là qu'on commencé ces différentes

28 ordonnances. Je ne veux pas vous importuner mais ceci ne concerne que des

Page 311

1 individus résidant sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Maintenant libre

2 à nous de donner l'interprétation qu'on veut à ces termes mais ceci ne

3 concerne pas van Kuijk qui n'a jamais bénéficié de mesures de protection.

4 Je vous remercie.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître Ivanovic, vous avez la

6 parole.

7 M. IVANOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais simplement

8 revenir sur un des points évoqué par le Procureur. Jamais nous n'avons dit

9 que le compte rendu n'était pas considéré comme confidentiel; je parle du

10 témoin van Kuijk. Nulle part concernant son compte rendu, il n'est indiqué

11 que c'était un compte rendu confidentiel. Je vous remercie.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je tiens à remercier les deux parties de

14 leur assistance apportée à la Chambre, au nom de mes collègues et de moi-

15 même. Vous serez informés en temps utile de la décision rendue par la

16 Chambre.

17 L'audience est levée.

18 --- L'audience est levée à 11 heures 55.

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28