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1 Le vendredi 29 mai 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Voulez-vous, s'il vous plaît,
6 appeler la cause.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
8 les Juges. C'est l'affaire IT-03-67-R77.2, le Procureur contre Vojislav
9 Seselj.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Pourriez-vous me dire
11 qui représente les parties, s'il vous plaît.
12 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis
13 Bruce MacFarlane. Je suis du Canada et je fais fonction de Procureur dans
14 cette procédure, et avec moi cet après-midi et pour tout l'ensemble du
15 procès, Lori Ann Wanlin, également du Canada.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur MacFarlane.
17 Bonjour, Monsieur Seselj. Pour le compte rendu, pourriez-vous déclinez
18 votre identité, s'il vous plaît.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Professeur Vojislav Seselj, professeur
20 d'université. Je suis l'accusé mis en accusation par le Tribunal de La Haye
21 qui a la plus longue durée de mise en détention dans toute l'histoire.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends que vous suivez la
23 procédure et les débats dans une langue que vous comprenez.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si à un moment quelconque vous avez un
26 problème de compréhension, veuillez nous le faire savoir.
27 La Chambre de première instance a indiqué dans son ordonnance du 22 mai que
28 le procès en l'espèce aura lieu aujourd'hui. Avant que nous ne commencions
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1 ce procès il y a quelques questions qui doivent être réglées qui font
2 partie d'une Conférence préalable au procès, pour commencer, il y a le
3 calendrier de ce procès.
4 Monsieur MacFarlane, combien de temps pensez-vous qu'il vous faudra pour la
5 présentation de vos moyens à charge ?
6 M. MacFARLANE : [aucune interprétation]
7 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous allumer votre microphone,
9 s'il vous plaît, Monsieur MacFarlane.
10 M. MacFARLANE : [interprétation] Monsieur le Président, les moyens de
11 l'Accusation ont deux éléments principaux. Le premier, c'est le fait de
12 déposer matériellement un certain nombre de documents pour admission au
13 dossier; le deuxième sera la présentation des arguments à charge en ce qui
14 concerne ces documents une fois qu'ils auront été placés dans leur
15 contexte.
16 Il n'y aura pas de témoins, donc d'après mes prévisions, il faudra à
17 l'Accusation environ trois heures pour l'essentiel. Ceci comportera mes
18 arguments à charge présentés à la Chambre en ce qui concerne les documents
19 qui auront été d'abord présentés.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas complètement compris ce que
21 vous dites. Vous dites qu'il vous faut trois heures pour présenter les
22 pièces ?
23 M. MacFARLANE : [interprétation] Non, peut-être que je pourrais être un peu
24 plus clair sur ce point. Ce que je voulais dire, c'était que le dépôt
25 matériellement parlant --
26 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît, Monsieur MacFarlane.
27 M. MacFARLANE : [interprétation] -- le dépôt des pièces à présenter ne
28 prendra guère, je pense, plus d'une demi-heure. En ce qui concerne les
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1 arguments, notamment les arguments en clôture, c'est ça qu'il me faudra
2 comme temps essentiellement. Donc la présentation des éléments de preuve
3 sera relativement brève.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et le reste du temps dont vous aurez
5 besoin prendrait combien de temps ?
6 M. MacFARLANE : [interprétation] Je pense que j'aurais besoin d'environ
7 deux heures.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci serait à la fois la déclaration
9 liminaire et les arguments en clôture ?
10 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Combien de temps pensez-vous qu'il va
12 vous falloir pour votre déclaration liminaire ?
13 M. MacFARLANE : [interprétation] Ce sera relativement peu de temps. Je
14 pense que ce serait peut-être dix minutes.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous devrions
16 maintenant traiter la demande visant à admettre au dossier des pièces
17 directement à l'audience.
18 Comme nous l'avons indiqué dans une ordonnance précédente, nous
19 allons en traiter et régler la question verbalement. Est-ce que vous avez
20 quelque chose à ajouter à ce qui a été dit dans votre requête ?
21 M. MacFARLANE : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Le cadre
22 juridique et les arguments qui sont présentés figurent effectivement dans
23 ces écritures. Il n'y a rien de plus que je veuille ajouter. Je voulais
24 simplement réaffirmer tout ce que nous avons dit dans le document contenant
25 la requête.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce qui n'était pas clair pour moi,
27 c'était la question du livre, à savoir le numéro 1 de la liste 65 ter a
28 trait à la version en B/C/S, tandis que le numéro 2 a trait à la traduction
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1 en anglais. Est-ce que j'ai bien compris cela ? Et est-ce que votre
2 intention c'est de demander le versement de l'ensemble du livre en B/C/S ?
3 M. MacFARLANE : [interprétation] Non, mon intention n'est pas de demander
4 le dépôt de l'ensemble du livre matériellement parlant. Ce qui sera
5 présenté, ce sont des copies papier en anglais et en B/C/S des parties
6 pertinentes du livre, mais pour ce qui est de l'ouvrage matériellement
7 parlant avec sa couverture, celui-là ne sera pas présenté pour versement au
8 dossier.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Une catégorie de documents
10 que vous avez l'intention de présenter au versement au dossier, ce sont les
11 documents qui appartiennent au procès principal, ainsi qu'à la présente
12 instance de la Chambre et l'accusé a accès, ainsi que vous-même, à cette
13 partie du compte rendu. Ça fait partie du compte rendu.
14 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez l'intention d'en
16 demander le dépôt comme pièce à conviction ?
17 M. MacFARLANE : [interprétation] Je m'y référerai et j'indiquerai les
18 rapports ou les liens avec la traduction du livre. Il m'a semblé que faire
19 en sorte que cela fasse partie du dossier serait préférable. Je reconnais
20 qu'ils font partie de l'ensemble des archives du Tribunal, mais il m'a
21 semblé qu'on pourrait comparer et voir les différences entre certaines
22 parties. Ceci pourrait être utile.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Je voudrais maintenant
24 entendre ce que M. Seselj a à dire.
25 D'après ce que j'ai compris, la traduction de la requête vous a été
26 communiquée hier. Est-ce exact, Monsieur Seselj ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je voudrais vous dire d'abord, c'est que
28 je vais insister pour bénéficier du droit qui est le mien d'utiliser un
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1 temps égal à celui qui est accordé à l'Accusation, mais j'ai une remarque à
2 faire sur l'exigence exprimée par le Procureur. Il dit avoir besoin de
3 trois heures. J'estime que c'est beaucoup trop et qu'il peut exposer sa
4 thèse en un temps beaucoup plus réduit et qu'en fait le procès pourrait se
5 terminer aujourd'hui. Je considère qu'il est de l'intérêt de chacun de
6 gagner du temps dès lors que la chose est possible, d'autant plus qu'à mon
7 avis, cette affaire est une affaire secondaire alors que j'ai à m'occuper
8 de choses beaucoup plus importantes.
9 Eu égard à l'exigence exprimée par le Procureur s'agissant du versement au
10 dossier de ces documents, il est exact que c'est seulement hier que j'ai
11 reçu la traduction de cette requête et qu'il y a quelques jours, on m'a
12 communiqué de très nombreux documents. Cela étant, je suis parvenu à
13 prendre connaissance de ces documents, donc je n'émets pas d'objections par
14 rapport au temps qui m'a été alloué.
15 Troisième chose que je voudrais vous dire : ce qui pose un grand problème,
16 c'est de voir le Procureur demander le versement au dossier direct de ces
17 documents dans ces conditions. Cependant, si l'on tient compte du fait que
18 l'on parle ici de documents qui sont de notoriété publique, en tout cas,
19 qui sont des documents très connus par ce Tribunal, je ne vais pas
20 m'opposer à cela non plus. J'estime qu'il n'y a aucune raison pour moi à
21 m'opposer au versement au dossier de documents dont chacun sait qu'ils
22 existent. Il serait absolument incompréhensible de s'opposer à cela.
23 Mais j'appelle votre attention sur le fait que parmi ces documents
24 figurent de très nombreux documents inutiles, ce qui alourdit exagérément
25 le compte rendu d'audience. Il y a dans la présente affaire un grand nombre
26 de choses incontestables. Il est incontestable que je suis l'auteur du
27 livre dont nous parlons. Il était inutile, par conséquent, de le prouver à
28 partir de documents, puisque je l'ai dit à de nombreuses reprises. J'ai
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1 déjà dit, dans ce procès, y compris dans quelles conditions j'ai écrit ce
2 livre et dans quelles conditions je l'ai donné à imprimer.
3 Donc il y a de nombreux éléments ici qui sont incontestables et qui
4 n'ont rien à voir avec le problème qui est au cœur de ce procès, à savoir
5 est-ce que oui ou non les noms de témoins protégés ont été divulgués.
6 Ensuite se pose la question de mon prétendu mobile. Est-ce que mon
7 mobile était de nuire à la réputation de ces prétendus témoins protégés ou
8 est-ce que mon mobile était de démolir ce qui est à la base du procès qui
9 m'est intenté, qui n'est justifié par rien. Voilà, je crois, les questions
10 qui se posent sur le fond. Par ailleurs, il n'y a aucune raison de verser
11 immédiatement au dossier des éléments de preuve indiquant que ces trois
12 témoins bénéficiaient de mesures de protection et que j'ai été informé en
13 temps utile de ce statut de témoin protégé qui était le leur, et donc que
14 je savais que leurs noms ne devaient pas être divulgués. Ceci peut entrer
15 au compte rendu. Il n'y a aucune raison que je m'y oppose. Je vois ici
16 toute une série de documents que j'ai sous les yeux actuellement qui sont
17 proposés par le Procureur.
18 Je n'ai pas non plus la moindre objection par rapport au fait de
19 verser au dossier des comptes rendus d'audiences d'affaires précédentes
20 dans lesquelles je m'exprime au sujet de ce livre en disant en particulier
21 dans quelles conditions ce livre a été imprimé. Parmi ces documents, je
22 trouve aussi des documents qui évoquent la publication de ce livre et le
23 succès qu'il a remporté auprès de l'opinion en Serbie. Ces documents, je
24 n'ai pas non plus la moindre raison de m'opposer à leur versement au
25 dossier, mais c'est un fait incontestable, alors pourquoi les verser ?
26 Puis il y a ici un certain nombre de comptes rendus qui portent sur
27 ce que ces témoins ont dit à plusieurs reprises ailleurs. Est-ce que cela
28 mérite d'être versé au dossier de la présente affaire ou pas, c'est à vous
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1 de le déterminer. Pour ma part, je considère qu'on alourdit de façon
2 absolument inutile le compte rendu au moyen du versement de ces documents
3 qui ne sont pas contestés.
4 A présent, ce qui pose problème, c'est qu'en examinant tous ces documents,
5 je suis arrivé à la conclusion que le livre dans sa version intégrale n'a
6 pas été traduit. Seules des portions du livre ont été traduites. Je
7 considère qu'il n'y a pas un seul tribunal au monde qui soit un tribunal
8 sérieux et qui puisse aboutir à un verdict dans une affaire de ce genre
9 sans que les juges n'aient eu la possibilité de prendre connaissance de
10 l'intégralité du livre contesté. Monsieur le Président, Messieurs les
11 Juges, je considère que vous ne pouvez pas saisir ce livre dans son
12 intégralité si vous n'en lisez que des portions. D'ailleurs, je vous
13 citerai un propos du Cardinal Richelieu, un cardinal français, qui a dit un
14 jour : Donnez-moi une seule phrase hors de son contexte et cela me
15 permettra de trouver un motif valable pour envoyer l'auteur à la pendaison.
16 Donc pourquoi est-ce que le Procureur n'a pas fait en sorte que tout le
17 livre soit traduit ?
18 D'ailleurs le Procureur, la dernière fois, vous a donné un
19 renseignement inexact en vous disant que ce livre comptait 1 400 pages. Ce
20 livre n'a que 1 200 pages, donc 200 pages de moins. Cela fait 200 pages de
21 moins à traduire, et le Procureur avait tout le temps nécessaire à sa
22 disposition pour faire en sorte que l'intégralité du livre soit traduite.
23 On ne peut comprendre ce livre que si on le lit de la première à la
24 dernière page. Lorsque je prononcerai le propos liminaire de la Défense, de
25 même que dans mon plaidoyer à la fin du procès, je dirai pourquoi ce livre
26 est aussi long. Mais accepter l'attitude du Procureur et vous contenter de
27 ne lire que des portions du livre, je considère que ceci ne vous permet pas
28 de travailler dans de bonnes conditions. Si vous estimez le contraire,
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1 alors poursuivons.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur MacFarlane, pourriez-vous nous
5 expliquer la pertinence ou la nécessité de présenter pour le dossier ces
6 déclarations de témoins, est-ce que vous pourriez procéder sans vous en
7 servir ?
8 M. MacFARLANE : [interprétation] Les charges contre M. Seselj plus
9 particulièrement concernent le fait d'avoir révélé, communiqué les parties
10 des déclarations de l'un des témoins. Ceci fait donc tout à fait partie de
11 l'un des chefs d'accusation. Et en ce qui concerne les deux autres témoins,
12 les parties de déclarations ne sont pas simplement révélées, il y a
13 également l'aspect, un renseignement qui permet d'identifier. Donc pour
14 tous ces motifs, les déclarations font parties effectivement du tableau
15 général en l'espèce.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Voudriez-vous répondre
17 à l'argument de M. Seselj selon lequel l'ensemble du livre devrait être
18 admis au dossier ?
19 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui, il y a quelque chose que je
20 souhaiterais dire à ce sujet. Pour commencer, en ce qui concerne la
21 longueur, le nombre de pages du livre, M. Seselj a aujourd'hui la copie
22 papier avec couverture, et d'après ce que je comprends, il s'agit donc de 1
23 200 pages. La version électronique fait 1 400 pages, et c'est la version
24 que nous utilisons. C'est la réponse à la question de la différence entre 1
25 200 et 1 400.
26 Pour la traduction de l'ensemble du livre, à savoir s'il faudrait la faire
27 plutôt que seulement les parties pertinentes, comme je l'ai dit la dernière
28 fois, nous avons un traducteur pour l'ensemble du livre, et il est devenu
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1 très évident que cette personne avait vu dans l'ensemble du livre qu'il
2 était tout à fait dénué de pertinence. Il traite de questions qui sont
3 extrêmement éloignées des problèmes qui nous occupent et qui sont portés
4 devant la Chambre, donc ces parties du livre, il y a des parties qui sont
5 pertinentes et qui ont été identifiées ou qui permettraient d'identifier,
6 ce sont des parties qui ont été traduites officiellement. Dans ce contexte,
7 pour les replacer dans le contexte nous avons fait preuve de la plus grande
8 prudence. En fin de compte, il est devenu clair que c'était essentiellement
9 une question de temps qu'il faudrait pour avoir une traduction officielle
10 d'un livre de 1 400 pages avec un texte extrêmement dense. Donc il y avait
11 également cette question dont il fallait tenir compte du fait qu'une
12 procédure pour outrage doit être relativement simple et se dérouler avec
13 une certaine célérité. Enfin, ce sont les raisons dont on a tenu compte
14 pour les parties du livre qui ont été traduites.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une dernière question, Monsieur
16 MacFarlane. Cette question de présentation directe des documents, elle
17 devait être réglée au cours d'une Conférence préalable au procès, en
18 quelque sorte, donc il ne serait pas nécessaire de séparer les propos
19 liminaires et le réquisitoire, ou est-ce que vous pouvez faire tout ça dans
20 un seul coup ?
21 M. MacFARLANE : [interprétation] Je serais tout à fait près à le faire,
22 Monsieur le Président, et en fait ça dépendra de savoir combien de temps
23 dureront les débats, et quelle sera leur évolution cet après-midi, mais il
24 se peut effectivement que je puisse accélérer la présentation de mes
25 arguments et commentaires d'une façon qui fait que je n'aurais pas besoin
26 du nombre d'heures mentionnées.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
28 Monsieur Seselj, est-ce que vous souhaitez dire quelque chose ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, j'espère que vous avez
2 remarqué un point qui est très significatif dans les propos que vient de
3 tenir le Procureur devant vous. Le Procureur a dit que dans mon livre
4 existaient des éléments susceptibles de permettre l'identification des
5 témoins. Donc le Procureur met le doigt en disant cela sur le point le plus
6 fondamental. Il existe des éléments qui pourraient permettre
7 l'identification. C'est probable, mais le Procureur n'a pas eu le courage
8 de dire : J'ai identifié les témoins par leurs noms, car si nous parlons
9 d'identification, il faut que ça soit une identification tout à fait
10 claire, elle ne peut pas être simplement envisagée ou hypothétique. Alors
11 écoutez, comment est-ce que vous pouvez déterminer le motif qui m'a poussé
12 à écrire ce livre si vous n'avez pas accès aux portions du livre dont le
13 Procureur affirme qu'elles ne sont pas pertinentes ?
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Seselj, ça c'est aux membres de
15 la Chambre qu'il appartiendra d'en juger dans le courant du procès. Nous
16 reviendrons à ces aspects très brièvement quand le procès aura commencé.
17 Aux fins de calendrier, je voudrais maintenant savoir quel type d'éléments
18 de preuve vous avez l'intention de présenter aujourd'hui. D'après ce que
19 j'ai compris, vous n'avez pas l'intention de proposer la comparution de
20 témoins.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque le Procureur ne prévoit pas d'entendre
22 des témoins, je ne le prévois pas non plus. Si le Procureur avait cité des
23 témoins à la barre, j'en aurais cité cinq, je les avais déjà choisis, et
24 ils étaient déjà prêts à témoigner. Mais puisque le Procureur renonce à
25 présenter des témoins, je n'en présenterai pas non plus. Cela dit, je
26 considère que la version intégrale du livre doit être versée au dossier,
27 sinon, le compte rendu d'audience n'aurait aucun sens.
28 Car me mettre en accusation pour le contenu d'un livre que vous ne
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1 connaissez pas dans son intégralité, je considère que c'est absolument
2 inacceptable et inadmissible. Le Procureur a reçu de moi un exemplaire de
3 ce livre. Il a donc la possibilité d'en réaliser la traduction en un temps
4 très court. Je ne comprends pas pourquoi les responsables du bureau du
5 Procureur n'ont pas donné ce livre à traduire. Il est possible qu'il soit
6 tellement passionné par le contenu du livre qu'il ne puisse pas le lâcher.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Seselj, est-ce que vous avez
8 d'autres pièces à présenter, d'autres documents à présenter pour versement
9 au dossier autres que le livre en question ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai rien d'autre à proposer en tant
11 qu'élément de preuve matériel à verser au dossier.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre considère que les pièces
14 présentées par l'Amicus curiae faisant fonction de Procureur sont
15 pertinentes et ont valeur probante, et par conséquent, ces pièces sont
16 admises intégralement au dossier. Mais les documents qui sont susceptibles
17 de révéler des renseignements confidentiels concernant des personnes
18 protégées, doivent être déposées sous pli scellé. Je vais maintenant
19 prendre les questions point par point, avec l'aide du Greffier, pour ce qui
20 va être communiqué aux parties.
21 Et maintenant s'agissant de votre livre, Monsieur Seselj, nous allons
22 l'admettre au dossier intégralement comme élément de preuve. Toutefois,
23 ceci ne veut pas dire nécessairement que l'ensemble du livre devra être
24 traduit. Les parties nécessaires pourront faire l'objet de référence ou de
25 citation au cours du procès par vous-même, ce qui veut dire que ces parties
26 pourront être traduites, et si nécessaire, la Chambre pourra examiner les
27 parties qui pourraient être évoquées au cours du procès par la suite.
28 Ceci étant dit, c'est à vous qu'il appartient, Monsieur MacFarlane, de
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1 présenter vos propos liminaires.
2 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le premier
3 point, probablement, serait la présentation des documents et l'attribution
4 d'une cote, à moins que la Chambre ne préfère procéder autrement et ait
5 d'autres idées concernant les documents en question.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. SESELJ : [interprétation] J'ai une objection par rapport à la demande du
8 Procureur.
9 M. MacFARLANE : [interprétation] Je n'ai pas entendu M. Seselj.
10 M. SESELJ : [interprétation] J'ai une objection à faire par rapport à la
11 demande du Procureur. Je ne me suis pas opposé au versement au dossier de
12 l'un quelconque des documents soumis par le Procureur, donc il peut
13 automatiquement en obtenir le versement et obtenir soit un numéro de cote
14 par document, soit un document unique pour l'ensemble des documents,
15 puisque le Procureur en a déjà fait la demande. Je pense que cela nous
16 permettrait de gagner du temps, mais j'ai l'impression qu'en fait le
17 Procureur souhaite nous faire perdre beaucoup de temps. A mon avis, la
18 question des éléments de preuve peut être réglée sur base d'une phrase
19 prononcée par chacune des parties et d'un accord verbal entre les parties,
20 et nous pouvons passer à autre chose, mais je pense que ce n'est pas la
21 volonté du Procureur.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai tendance à être d'accord avec vous,
23 Monsieur Seselj. Ceux qui ont été déjà présentés, admis, communiqués, les
24 numéros peuvent être attribués par la suite et communiqués aux parties.
25 M. MacFARLANE : [interprétation] Certainement. Je tiens à ce que les débats
26 se déroulent avec célérité. Mais j'allais suggérer qu'une des façons de
27 procéder serait de faire en sorte que les numéros qui figurent dans
28 l'annexe à ma requête soient ceux qui puissent être acceptés comme numéros
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1 de pièces, et que ceci pourrait se faire très rapidement et peut-être au
2 cours d'une suspension de séance ou après.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci peut être fait facilement. Je veux
4 simplement vérifier avec le Greffier si ceci présenter des problèmes ou
5 non.
6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur MacFarlane, vous pouvez
8 procéder sur cette base. Donc, vos numéros seront identiques dans la
9 requête présentée au titre de l'article 65 ter. Et ce qui est demandé
10 directement à l'audience, vous avez utilisé les mêmes numéros ?
11 M. MacFARLANE : [interprétation] C'est exact.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, mais moi, je ne suis pas
13 très au clair là-dessus. J'ai ici une annexe A et une annexe B, et ils
14 semblaient à un moment donné être identiques sauf pour la référence au
15 livre. Alors, maintenant, est-ce que l'une d'entre elles doit être vue
16 comme étant des numéros d'index pour ces pièces ?
17 M. MacFARLANE : [interprétation] Ma suggestion, c'est que nous utilisions
18 l'annexe B confidentielle à la requête qui porte pour titre "Teneur ou
19 contenu du CD utilisant les numéros de pièces de la liste 65 ter." Et ça,
20 c'est l'annexe B.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et donc, l'annexe B comprend la
22 version B/C/S du livre, telle qu'elle se présente.
23 M. MacFARLANE : [interprétation] Et ceci pourrait d'ailleurs faire ce que
24 souhaite l'accusé en l'espèce.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais alors donc, c'est sur la
26 deuxième page et porte le numéro 1.
27 M. MacFARLANE : [interprétation] C'est exact.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon, alors ceci permet de régler le
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1 problème, en l'occurrence, de l'admission du livre lui-même. Il fait partie
2 des documents que vous présentez. Je vous remercie.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Poursuivons.
4 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Juste
5 quelques commentaires avant que l'on n'en vienne aux éléments de preuve
6 proprement dits.
7 Respectueusement, je voudrais dire qu'il s'agit là, je pense, d'un procès
8 relativement simple. Il s'agit de la publication de textes qui
9 comporteraient un outrage au Tribunal. Il y a un accusé, une accusation,
10 une publication, ce qui fait que l'affaire est un peu différente, c'est --
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur MacFarlane, premièrement,
12 pourriez-vous parler dans le microphone. J'ai oublié de vous dire, ainsi
13 qu'à M. Seselj, d'éviter de donner des renseignements qui pourraient
14 révéler l'identité des témoins protégés. Donc, je veux rappeler à M. Seselj
15 une fois encore le fait que le titre du livre, qui est déposé sous pli
16 scellé -- de ne pas mentionner le titre exact du livre à l'audience
17 publique. Quand ce sera nécessaire, nous pourrons aller en audience à huis
18 clos partiel.
19 Excusez-moi de vous avoir interrompu, Monsieur MacFarlane.
20 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci. Je vais faire en sorte de m'assurer
21 que je suis bien entendu, enregistré et interprété.
22 Donc, je disais, ce qui, évidemment, distingue cette affaire, d'une
23 certaine manière, des autres affaires, c'est que les éléments de preuve
24 pourront prouver que l'accusé a pris un comportement, s'est lancé dans un
25 comportement qui avait pour but de camoufler l'identification des témoins
26 en vue d'éviter des poursuites au pénal, et c'est ça qu'il a soutenu.
27 Compte tenu de ce que l'on a comme éléments de preuve, les éléments de
28 preuve démontreraient qu'il a eu l'impression que seule une personne très
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1 astucieuse serait en mesure de procéder à des identifications de témoins.
2 Selon moi, d'après les éléments dont on dispose, ce type d'identification
3 peut être fait par toute personne raisonnable qui a connaissance des faits,
4 et on peut imaginer que pratiquement tout le monde pourrait faire cette
5 identification par rapport au livre. Et de plus, l'accusé s'est exprimé de
6 façon relativement claire en ce qui concerne son plan en l'espèce. Ceci
7 m'amène d'ailleurs à parler des comptes rendus de procès. Il s'agit des
8 comptes rendus du procès principal. Tous ne seront pas nécessaires pour que
9 je puisse faire des références, en raison de ce que l'accusé a admis, a
10 reconnu.
11 La question de la promotion du livre, bon, l'accusé a déjà fait des
12 commentaires à ce sujet. Je voudrais simplement noter certains passages du
13 compte rendu qui sont pertinents. Le premier, c'est le 7 mai 2009, page 29.
14 L'accusé note que non seulement il est l'auteur du livre, mais il en est
15 très fier, et grâce à ces procès, ceci a suscité un grand intérêt pour ce
16 livre, et également sur son site internet, plusieurs milliers d'exemplaires
17 ont été photocopiés et reproduits, et de cela, il est très satisfait.
18 Ceci, donc, règle la question de la portée de la publication de son livre.
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 Je pense que j'en resterai là pour ce moment. Il y a d'autres comptes
24 rendus d'audiences qui traitent de la promotion et de la publicité de cette
25 publication, de sa portée, mais de façon à accélérer les débats, je
26 voudrais simplement noter (expurgé)
27
28 promotion, et il y avait environ 3 000 personnes qui étaient présentes au
Page 47
1 moment où il y a eu cette distribution. Et je pense que là aussi, j'en
2 resterai là sur la question de la portée de cette publication.
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
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17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 Certaines parties des comptes rendus sont pertinentes, à mon avis, à
23 la question de l'intention. L'élément moral mens rea, deux comptes rendus
24 en particulier; le premier, c'est le 9 octobre 2008, à la page 10 582 du
25 compte rendu, l'accusé a dit ceci :
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 48
1 (expurgé)
2
3 travaux, en vertu de mes instructions, ils sont comme le prolongement de
4 mon bras dans tout ceci."
5 Ceci indique d'ailleurs la nature des relations entre les conseillers
6 de l'équipe de l'accusé. Le conseiller et l'équipe semblent, pour
7 l'essentiel, avoir préparé conformément aux instructions ce qui leur était
8 donné en tant que prolongement du bras de l'accusé.
9 Un commentaire analogue a été fait par l'accusé le 21 octobre 2008 aux
10 pages 10 810 et 10 811. Donc, pour être bien sûr que ceci est bien vu dans
11 le contexte, je donnerai lecture de ce paragraphe.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur MacFarlane, excusez-moi de vous
13 interrompre, mais je voudrais vous prier de vous efforcer de ne pas révéler
14 de renseignements qui seraient susceptibles de donner le titre du livre, et
15 cetera.
16 M. MacFARLANE : [interprétation] Je vous remercie.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
18 M. MacFARLANE : [interprétation] Je vais m'efforcer d'éviter certains mots.
19 Il est dit que l'accusé aurait dit ceci :
20 "Maintenant, en plus de (expurgé)
21 importante sur la base de ce livre et il est dit que mes associés
22 l'auraient compilé comme une annexe pour la dernière plainte par rapport à
23 l'acte d'accusation. Vous savez, le texte, c'est une lettre assez longue,
24 d'environ 300 pages, et il a été ordonné qu'elle ne devrait pas être
25 traduite en anglais. J'ai dit qu'il fallait l'imprimer et la publier, mais
26 qu'il fallait biffer et écarter les noms et donner des noms de codes, des
27 codes qui étaient utilisés par l'Accusation, et dans ce livre vous verrez
28 ces codes."
Page 49
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur MacFarlane, quand vous lisez un
2 texte, pourriez-vous aller un peu plus lentement pour les interprètes.
3 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui, merci.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et si vous pouviez répéter ce que vous
5 avez dit depuis le moment où on voit : "Il est question du fait que
6 l'accusé ait donné des instructions."
7 M. MacFARLANE : [interprétation] Je vais répéter cette partie pertinente,
8 Monsieur le Président.
9 "C'est un rapport que mes associés ont compilé pour moi comme annexe à ma
10 dernière plainte contre l'acte d'accusation. Vous savez que ce texte était
11 assez long, environ 300 pages, et vous avez donné l'ordre de ne pas le
12 traduire en anglais. J'ai dit qu'il fallait l'imprimer et le publier, mais
13 que les noms soient enlevés et que l'on donne des noms de codes, à savoir
14 les noms de code utilisés par l'Accusation, et dans ce livre vous verrez
15 ces noms de codes." Et l'accusé continue ensuite d'une façon
16 particulièrement importante.
17 "Le fait que quelqu'un qui est intelligent et astucieux peut tirer ses
18 propres conclusions pour savoir qui était cette personne, ça, qu'est-ce que
19 ça peut me faire ?"
20 D'autres commentaires qui sont pertinents dans le cadre de la question de
21 l'élément moral, mens rea, il semble que l'accusé ait pris une décision
22 consciente d'éviter plus particulièrement le nom d'un témoin, et il a donné
23 des instructions précises pour éviter de donner ce nom. Je vais en parler
24 maintenant, parce que si on regarde en lisant ce livre, il devient apparent
25 que même cette personne pourrait être identifiée. Pour l'essentiel, c'est
26 comme un puzzle que l'accusé et ses associés s'efforcent de recomposer de
27 façon à faire échec à des poursuites au pénal.
28 (expurgé)
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8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 A une autre occasion -- Je vais terminer mon propos sur les comptes rendus
11 d'audiences dans un instant.
12 Le 25 février 2009, à la page 14 261, l'accusé a formulé la remarque
13 suivante concernant le livre en question :
14 "En ce qui me concerne, dans un magnifique ouvrage de 1 200 pages avec un
15 merveilleux titre, dans le propos liminaire, je n'ai jamais divulgué les
16 noms de témoins protégés. Dans l'appendice au livre et dans différents
17 documents que j'ai recueillis, vous trouvez des documents où les noms
18 entiers de témoins sont indiqués, mais vous ne trouvez pas leurs
19 pseudonymes juste à côté de ces noms, donc il faut véritablement consacrer
20 un effort et il faut être assez futé afin de pouvoir deviner l'identité de
21 ces témoins."
22 A mon sens, il s'agit là d'un extrait particulièrement révélateur qui
23 provient du compte rendu d'audience sur la question de la mens rea. Son
24 plan est d'assurer que nullement retrouve-t-on le pseudonyme et le
25 véritable nom ensemble à la même ligne ou dans la même partie de l'ouvrage.
26 Dans mon examen du livre, il semble qu'il a assez bien réussi à faire cela.
27 Ça, c'était le plan.
28 Donc il dit : "Nous ne les avons jamais mis côte à côte. Il faut donc
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1 faire un effort, il faut être assez avisé pour pouvoir deviner l'identité."
2 En parcourant l'ouvrage, je ferai valoir à la Chambre que c'est
3 essentiellement la nature de l'ouvrage. Il a réussi à éviter de placer le
4 pseudonyme et le nom du témoin ensemble, mais grâce au contexte, au contenu
5 et à l'activité, toute personne dotée d'un intellect raisonnable est à même
6 de déterminer qui sont les témoins.
7 Il y a une dernière remarque que je souhaiterais faire concernant les
8 comptes rendus d'audience du procès principal, mais par nécessité, je vais
9 devoir traiter d'informations protégées, donc il y aura peut-être lieu de
10 passer à huis clos partiel pour quelques instants.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait. Donc je pense que le huis
12 clos partiel devrait suffire. Merci.
13 Nous sommes maintenant à huis clos partiel.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges, nous sommes à
15 huis clos partiel.
16 [Audience à huis clos partiel]
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15 (expurgé)
16 [Audience publique]
17 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. En cas où l'on
18 arriverait à une culpabilité en matière de chef d'accusation, il y a
19 ensuite mes éléments de preuve par rapport à la sentence appropriée. Il y a
20 en fait plusieurs situations s'agissant d'outrage par publication. Il y a
21 différence qu'on pourrait qualifier d'outrage par publication de faible
22 niveau jusqu'à des tentatives pour s'immiscer avec des témoins, et en
23 certains cas, intimider les témoins ou les effrayer. Donc il y a différents
24 scénarios qui peuvent surgir. Dans mes éléments à charge, ces trois témoins
25 disposaient d'une très forte protection qui a été fournie par la Chambre.
26 Il était évident à la Chambre qu'ils avaient besoin de protection et que
27 les mesures prises étaient extrêmement importantes.
28 Ça c'est la première chose.
Page 83
1 Deuxième point, qu'il est devenu apparent que l'accusé s'est lancé dans une
2 tentative d'action délibérée. Il a sciemment dissimulé ou a cherché à
3 dissimuler les noms des témoins afin de pouvoir sortir son livre, et à ce
4 moment-là, toute personne qui regardait ce livre, qui lisait ce livre,
5 comprendrait bien qui était ces témoins, et à ce sens les exposer au monde
6 non seulement parce que le monde peut lire ce livre et sur le site Web de
7 l'accusé.
8 Donc le champ est clairement en question, la protection autour des
9 témoins est une caractéristique aggravante, c'est clairement une tentative
10 visant à manipuler ou à intimider les témoins en les exposant.
11 L'accusé affirme qu'il ne s'est pas livré à une intimidation.
12 J'affirme devant la Chambre que cela est inexact. Il y a eu une tentative
13 d'intimidation à les exposer, malgré les mesures de protection imposées par
14 la Chambre.
15 J'ai eu l'occasion de passer en revue pratiquement tous les procès
16 d'outrage qui vont de 1999 à 2008, et dans certains cas une sanction
17 pécuniaire a été imposée, dans d'autres cas une sentence d'emprisonnement
18 allant de trois, quatre à cinq mois imposée par la Chambre.
19 J'affirme respectueusement que les faits dans cette affaire où des
20 témoins soigneusement protégés ont été exposés par un plan délibéré, que la
21 sanction qui est prévue et que la Chambre ne devrait pas tolérer cette
22 sorte de manipulation et de subterfuge d'un témoin qui a été manipulé. Donc
23 j'affirme effectivement que s'agissant de la durée d'emprisonnement est
24 nécessaire et plutôt dans la fourchette supérieure sur la base des faits de
25 cette affaire. Voilà donc les éléments de base sur ma question de sentence.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur MacFarlane.
27 Monsieur Seselj, maintenant vous avez le temps de présenter vos éléments à
28 la Chambre, ainsi que les éléments de preuve.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
2 me dois d'emblée d'admettre devant vous que je suis très désagréablement
3 surpris après l'exposé de M. MacFarlane dans ses fonctions d'amicus curiae.
4 Je m'attendais à un exposé beaucoup plus compétent, beaucoup plus
5 professionnel. C'est un homme qui, en dehors de cela, a tout fait pour
6 empêcher que l'on ait une vision globale sur le fond des raisons qui
7 motivent la mise en accusation, et maintenant il prend la parole, et il dit
8 : Il y aura un acte criminel, et sur la base du fait qu'il peut se produire
9 un acte criminel à l'avenir, il se met à rechercher l'élément moral, le
10 mens rea. Mais il n'a rien fait d'autre. Son abord de la question a été
11 théolologique [phon], c'est-à-dire à la recherche d'un objectif, d'un but.
12 Je tiens qu'une correction soit immédiatement apportée au compte rendu
13 d'audience. Il est écrit "théologique", et j'ai dit "théléologique" [phon].
14 Je crois que le problème qui se pose ici c'est l'absence d'interprètes
15 compétents dans ce Tribunal. J'ai dit "théléologique" et il a été consigné
16 au compte rendu d'audience théologique. Mais vos interprètes ne sont pas
17 assez éduqués pour faire la différence entre les deux mots.
18 Voilà, c'est une bonne occasion pour moi de parler du compte rendu
19 d'audience, car j'ai une très mauvaise impression déjà de l'interprétation
20 dans ce Tribunal issue du procès principal qui se mène contre moi.
21 Donc le Procureur a recherché au départ tous les arguments qui pourraient
22 être utilisés pour exprimer des accusations, mais en ne cessant de sortir
23 les arguments défendus par lui du contexte établi par le livre. Donc peut-
24 être cela peut-il servir à asseoir sa mise en accusation, mais sur le fond
25 cela crée un écran de fumée qui empêche de voir quel est le problème
26 principal. Le Procureur n'a pas lu le livre et ne peut donc émettre aucun
27 jugement par rapport à lui. Il déclare que l'objectif que poursuivait
28 l'impression de ce livre consistait à divulguer l'identité de témoins
Page 85
1 protégés. S'il avait lu le livre, il n'aurait jamais pu défendre un tel
2 argument devant les Juges.
3 Ecoutez, faisons un petit test. En utilisant ce test, je vous démontrerai
4 que M. MacFarlane n'a pas la moindre idée de ce qui est écrit dans ce
5 livre. Il n'a pas la moindre idée, par exemple, du nombre de fois où le nom
6 de M. le Juge Ian Bonomy, membre de la présente Chambre de première
7 instance, est mentionné dans ce livre. Ça, M. MacFarlane ne le sait
8 absolument pas. Il n'a pas été informé du fait que le nom de M. le Juge
9 Bonomy est écrit dans le livre. D'ailleurs, regardez-le maintenant. Par sa
10 gestuelle, il montre qu'il n'en avait pas la moindre idée. Le nom de M. le
11 Juge Bonomy est évoqué dans le livre quatre fois, parce que le Juge Bonomy
12 a été membre de la Chambre à laquelle je me suis adressé à plusieurs
13 reprises en rapport avec un certain nombre de questions juridiques liées à
14 la procédure. C'est la raison pour laquelle son nom figure dans les pages
15 de garde de quatre documents qui sont produits dans le livre.
16 Cette situation nous amène à nous poser la question de savoir comment ce
17 livre a été publié, de quoi il se compose. La Chambre de première instance
18 numéro II qui a mené la procédure préalable au procès intenté à mon
19 encontre, et ce, jusqu'au début de l'année 2007, m'a privé de mon droit de
20 faire appel par rapport au deuxième acte d'accusation modifié. Et pour des
21 raisons de procédure qu'elle a invoquées, elle m'a même ôté le droit
22 d'utiliser les dates limites de dépôt de certaines requêtes. C'est la
23 raison pour laquelle j'ai fait appel auprès de la Chambre de première
24 instance numéro III. J'ai présenté le problème qui se posait par rapport au
25 délai qui m'a été autorisé et n'a pas été respecté pour faire appel et j'ai
26 demandé un nouveau délai. La Chambre de première instance numéro III - vous
27 trouverez tout ça dans des documents qui figurent au début de mon livre et
28 le Procureur aurait dû le savoir - la Chambre de première instance numéro
Page 86
1 III, par conséquent, en octobre 2007, m'a accordé un nouveau délai pour
2 interjeter appel contre l'acte d'accusation, et je l'ai fait. Cette requête
3 a été rédigée par mes collaborateurs, conseil juridique, et j'ai annexé à
4 cette requête un document à l'appui de 300 pages.
5 Dans cette analyse, je souhaitais fournir à la Chambre de première instance
6 des éléments de preuve très nombreux qui la contraindraient à éliminer une
7 partie des charges retenues contre moi de l'acte d'accusation au motif
8 qu'elles étaient totalement infondées. Je suppose que M. le Juge Parker se
9 rappelle qu'en 2004, alors qu'il était membre de la Chambre de première
10 instance qui menait la procédure préalable au procès à mon encontre, donc
11 en 2004, la Chambre de première instance dont il faisait partie a délibéré
12 au sujet de ma requête préliminaire contre l'acte d'accusation.
13 Et parmi les divers lieux qui sont mentionnés comme ayant un rapport
14 avec les charges retenues contre moi, charges qui concernent des crimes, il
15 y a un lieu qui devait être retiré de l'acte d'accusation, car le Procureur
16 n'avait apporté aucune preuve du fait que dans cette localité, il y aurait
17 eu un conflit, une guerre.
18 La Chambre d'appel a replacé cette localité dans l'acte d'accusation en se
19 contentant de dire qu'il importait peu de savoir si au départ s'il y avait
20 eu guerre ou pas dans cette localité, puisque cette question serait
21 discutée et tranchée pendant le procès lui-même. Donc le procès devait
22 commencer et la preuve à ce sujet devait être apportée ultérieurement. Mais
23 pour ma part, j'avais suffisamment de preuves à ma disposition pour
24 déclarer que non seulement il n'y avait pas eu de guerre dans cette
25 localité, mais qu'il n'y avait même eu aucune attaque.
26 Vous savez, Messieurs les Juges, que selon l'article 5 du Statut, pour que
27 cet article s'applique, il faut d'abord qu'il y ait une guerre dans une
28 localité considérée, mais il faut aussi que soit prouvée l'existence d'une
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1 attaque systématique ou généralisée. J'ai apporté pour ma part un certain
2 d'éléments de preuve dans ce document annexé de 300 pages démontrant qu'il
3 n'y avait pas eu la moindre attaque et encore moins une attaque
4 systématique ou généralisée. Reynaud Theunens du bureau du Procureur a
5 confirmé d'ailleurs qu'aucune attaque n'avait été lancée contre la
6 population civile dans ces localités.
7 Mais que s'est-il passé ? La Chambre de première instance saisie était
8 impatiente, elle subissait des pressions de la part du Conseil de l'Europe
9 qui exigeait que le procès qui m'était intenté commence dans les plus brefs
10 délais et n'a donc pas estimé nécessaire de respecter toutes les
11 contraintes en statuant sur cette étude que je lui avait soumise. La
12 Chambre a même décidé que cette étude n'avait pas besoin d'être traduite,
13 et le début du procès, la date du début du procès a été fixée comme ça,
14 sans qu'aucune contrainte, qu'aucune exigence de procédure n'ait été
15 pleinement respectée. Tous les éléments de preuve regroupés dans le cadre
16 des documents 65 ter ne m'avaient pas encore été communiqués, les décisions
17 relatives aux requêtes interlocutoires n'étaient pas rendues. Donc, en
18 bref, rien n'était prêt pour que le procès commence dans le respect du
19 Règlement.
20 Dans de telles conditions, j'ai décidé de publier ce texte, cette étude, et
21 j'ai donné instruction très ferme à mes collaborateurs de ne mentionner
22 dans ce texte aucun nom des témoins protégés, ce qui est d'ailleurs indiqué
23 dans la préface du livre. Dans cette étude, entre la page 77 et la page 330
24 et quelques - je ne vais pas chercher la page exacte - maintenant, si vous
25 me le permettez, le nom d'aucun témoin n'est nulle part mentionné. Mais les
26 allégations qui ont été retenues contre moi sont évoquées et leur
27 inexactitude mise en exergue. Parce que j'aimerais appeler votre attention
28 sur le nombre incroyable de déclarations fallacieuses qui ont été faites à
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1 mon encontre. Par exemple, il est dit que lors des meetings du Parti
2 radical serbe, j'aurais préconisé en public de tuer tous les enfants issus
3 de mariages mixtes et toutes sortes d'autres monstruosités. Vous savez,
4 j'ai déjà publié un livre de plus de 1 000 pages qui est intitulé
5 "Instrumentalisation des faux témoins par le Tribunal de La Haye," qui
6 reprend un très grand nombre de déclarations préliminaires écrites de
7 témoins, témoins qui sont des faux témoins ayant subi des pressions de la
8 part du Procureur et qui ont refusé de venir comparaître en personne.
9 Ne passons pas à huis clos partiel, je vous prie, parce que ceci n'est
10 vraiment pas justifié. Le livre dont je viens de parler a été évoqué à
11 plusieurs reprises durant le procès principal.
12 Alors, revenons à l'étude dont je parlais. J'avais donné instruction à mes
13 collaborateurs, eu égard à tous les documents dont nous traitions pour
14 qu'ils ne soient pas publiés, même s'ils indiquaient bien la réalité des
15 événements survenus dans les diverses localités évoquées à l'acte
16 d'accusation. Je ne vais pas mentionner le nom de ces localités. On trouve
17 en tout cas dans mon livre des interviews des personnes qui peu ou proue
18 ont participé aux événements, ainsi que des interviews de membres des
19 Services de sûreté de l'Etat, de la police et des habitants de ces
20 localités. Il y a également des dépositions faites par des policiers, des
21 notes d'information provenant de la police et des documents judiciaires.
22 Donc ce très grand nombre de documents, puisqu'ils composent 900 pages de
23 documents, grâce à tous ces documents, je décrivais la situation réelle
24 dans les localités en question, sans omettre quoi que ce soit.
25 Les trois témoins qui sont mentionnés ici étaient des personnalités
26 publiques étant donné les fonctions ou les professions qui étaient les
27 leurs. C'était des personnalités bien connues au sein de la communauté, et
28 il était impossible d'éviter que dans tel ou tel document inclus dans ces
Page 90
1 900 pages, une mention de leur nom ne surgisse pas ici ou là, puisqu'ils
2 avaient eu une participation aux événements dont nous parlons. Je n'avais
3 pas le droit, puisque moi, ces documents je les ai trouvés en faisant des
4 recherches dans des lieux déterminés. Mais je n'avais pas le droit
5 d'intervenir en falsifiant ces documents et en supprimant telle chose qui
6 figurait dans un document public, par ailleurs.
7 Lorsque le Procureur déclare qu'un témoin peut être identifié sur la
8 base d'un contrat d'échange d'appartements qu'il aurait signé, il sort la
9 situation de son contexte. Mais il y a toutes sortes de contrats de vente,
10 d'achat, de location d'appartement qui sont signés par toutes sortes de
11 personnes qui ne sont pas nécessairement des témoins dans un procès au
12 TPIY, parce que j'ai publié un tel contrat, j'aurais eu l'intention de
13 faire connaître le nom d'un témoin protégé. C'est l'allégation qui est
14 retenue contre moi.
15 Si mon objectif avait été de divulguer le nom d'un témoin protégé et
16 d'intimider ce témoin par là même, Messieurs les Juges, vous savez bien que
17 pendant près d'un demi-siècle, la Serbie et la Yougoslavie communiste ont
18 subi une dictature communiste sous le régime du Maréchal Tito et de ses
19 successeurs. Ce régime communiste m'a opposé une interdiction décidée par
20 les tribunaux de publier cet ouvrage dont j'étais l'auteur. Je dois
21 admettre, même avec une certaine réticence, que ces procureurs des
22 tribunaux de l'ex-Yougoslavie qui préparaient des procédures à mon encontre
23 l'ont fait beaucoup plus soigneusement que cela n'est le cas ici au TPIY.
24 Les procureurs de Serbie avaient lu de la première à la dernière page les
25 livres dont il était question dans les débats, ils ont donc fait leur
26 travail comme leur imposait la procédure en vigueur à l'époque.
27 Nous avons ici un Procureur, face à nous, qui n'a pas la moindre idée
28 du contenu du livre dont il parle. Il avance des allégations arbitraires
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1 indiquant que mon intention était de communiquer les noms de témoins
2 protégés et, par conséquent, de les intimider.
3 (expurgé)
4 (expurgé)
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7 (expurgé)
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13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 Par conséquent, ce n'était pas mon objectif d'intimider ou de faire
18 peur à des témoins protégés ou même de rendre leurs noms publics. Mon
19 objection était de faire la vérité sur (expurgé)
20 d'accusation, de contrer des fausses accusations, de fausses déclarations
21 écrites de témoins et de faux témoins entendus pendant le procès. Il n'y a
22 pas une pierre qui n'a pas été retournée par l'Accusation ou qui que ce
23 soit d'autre, et d'ailleurs c'est ce qui a fini par bloquer le procès, car
24 ces pierres, je les ai contrées. La Chambre de première instance ne sait
25 pas dans quel cul-de-sac elle est engagée désormais. Mais c'est un jeu
26 d'échecs que nous jouons.
27 Tant qu'il durera, il durera, je ne sais pas combien de temps. Nous
28 verrons. Cela n'a aucune importance. J'ai une très grande patience. Cela
Page 92
1 fait sept ans que cela dure. Je peux encore supporter 70 ans, le cas
2 échéant.
3 Dans le livre que nous avons ici, le Procureur a trouvé des éléments
4 susceptibles d'identifier les témoins protégés. En principe, c'est vrai,
5 mais vous avez une longue expérience dans d'autres procès qui ont déjà été
6 jugés avec votre participation, Messieurs les Juges, et dans tous ces
7 procès, vous savez que l'on peut s'exprimer en public ou à huis clos
8 partiel, et que si entendre la voix d'un témoin risque de permettre son
9 identification, on déforme sa voix. Vous savez que l'image du visage du
10 témoin à l'écran peut être déformée, que les témoins peuvent témoigner avec
11 un pseudonyme, et que seul le contenu du témoignage est connu et rien
12 d'autre.
13 Monsieur Kwon, à l'époque où vous étiez Juge dans la Chambre saisie
14 de l'affaire Milosevic, par exemple, c'est bien ce que vous avez vécu. Je
15 ne pense pas que M. Bonomy ait oublié que Milan Babic a témoigné en tant
16 que témoin protégé dans le procès auquel il a participé. J'ai suivi le
17 procès de Belgrade et j'ai immédiatement identifié Milan Babic sur la base
18 de ce qu'il disait dans le prétoire. Plusieurs jours plus tard, les mesures
19 de protection ont été levées et Milan Babic a poursuivi sa déposition en
20 public.
21 Donc par déduction ou en se servant de son intelligence, on peut
22 toujours reconnaître un témoin, même protégé. Des experts ont établi il y a
23 plus de 20 ans que j'avais un QI supérieur à 240, mais peut-être ces
24 experts ont-ils menti.
25 Alors quel est le QI de M. MacFarlane ? Je ne sais pas. Avant le
26 procès, je pensais qu'il avait un QI bien supérieur à ce que je constate
27 ici, mais bien sûr, je ne voudrais rien dire de négatif à son sujet, parce
28 qu'il a employé le mot intelligence, il a parlé des aptitudes d'un homme
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1 moyen. Donc c'est par association d'idées que j'ai dit ce que je viens de
2 dire, mais sans aucune volonté de l'insulter.
3 Qui est-ce qui aurait pu, en lisant mon livre, déterminer l'identité
4 des trois témoins en question ? Posez-vous la question : Qui a eu le temps
5 ou qui a pu déployer les efforts nécessaires pour lire un livre de 1 200
6 pages simplement pour découvrir le nom de trois témoins protégés ?
7 Personne, à mon avis, qui aurait le moindre bon sens n'agirait ainsi. On
8 peut imprimer un tract, même anonyme, et le distribuer. Personne ne peut
9 savoir qui est l'auteur de ce tract, mais peut découvrir les noms des
10 témoins protégés d'une façon beaucoup plus facile si l'objectif poursuivi
11 est de créer la peur. Dans l'affaire Haradinaj, par exemple, vous vous
12 rappellerez que des témoins ont été tués, mais dans aucun procès intenté à
13 des Serbes, une chose de ce genre ne s'est produite. Combien de témoins ont
14 été tués dans l'affaire Haradinaj, des dizaines ? Qui est-ce qui peut le
15 savoir ?
16 Le Procureur poursuit en disant que le problème qui se pose dans la
17 présente affaire est très grave. Ceci est tout simplement contraire à la
18 vérité. Ce n'est pas vrai. Il n'y a aucun problème ici. Tout ce que nous
19 avons, c'est un Procureur qui pense qu'il a un problème, parce qu'il risque
20 de se trouver confronter à l'échec total de la thèse défendue par lui dans
21 le procès principal.
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26
27 là, on pouvait de toute façon télécharger ce livre sur internet, et on peut
28 le faire encore aujourd'hui, car je ne fais rien payer pour ce
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1 téléchargement.
2 Donc pas mal de temps s'est écoulé avant que le Procureur n'ait
3 l'idée de poser une question qui ressort logiquement de la lecture du livre
4 et qu'il amène soudain la thèse qu'il nous présente.
5 Le Procureur est confronté à un problème, et pour sortir de ce
6 problème, il veut m'empêcher d'assurer ma propre défense, il veut m'imposer
7 un conseil de la Défense dans mon procès principal, qui ne défendrait pas
8 mes intérêts, mais les intérêts du Procureur des Etats-Unis, de l'OTAN, de
9 l'Union européenne, et cetera. Voilà ce qui est au cœur de la question.
10 C'est pour cette raison que le Procureur a soudain estimé nécessaire de me
11 proclamer et de vous demander de me proclamer coupable de façon à disposer
12 d'un fondement juridique pour m'empêcher d'assurer moi-même ma défense dans
13 le procès principal.
14 Les sanctions dont il est question ici n'ont pas la moindre
15 importance. Vous devez, bien entendu, trancher en prononçant des sanctions,
16 mais ce qui importe, c'est ce qui se passe dans le procès principal. Les
17 sanctions pour outrage au Tribunal ne sont que symboliques. Si quelqu'un
18 passe sept ans en prison pour un tel motif, ce serait ridicule.
19 Ce qui m'intéresse dans toute cette affaire, c'est les autres sanctions que
20 l'on risque de m'imposer. Qu'est-ce qui est fondamental et vital pour moi,
21 c'est que si vous me déclarez coupable ici, le Procureur va, tout d'un
22 coup, pouvoir sortir une requête sur la base de votre jugement en disant
23 que le Tribunal a établi que par mes soins, les mesures de protection
24 consenties à des témoins avaient été violées, que j'ai donc abusé du droit
25 qui était le mien d'assurer moi-même ma défense, et que ceci renforce
26 l'Accusation dans son désir de m'empêcher de le faire. Voilà ce que le
27 Procureur veut obtenir. Maintenant cela permettrait, lorsque des témoins
28 éventuels viendraient s'exprimer ici dans le cadre de la présentation de
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1 mes moyens, puisque nous sommes arrivés au stade de la présentation des
2 moyens de la Défense, d'avoir du côté du Procureur un espion qui agirait
3 prétendument pour ma défense dans mon procès principal.
4 Il y a très peu de procès où un accusé peut participer à l'interrogatoire
5 des témoins. Mais si ce que je viens de décrire se passait, je pourrais
6 dire au revoir à mon avenir et me désintéresser de mon procès, car nous
7 serions en présence d'une coopération absolument idéale pour le Tribunal
8 entre l'Accusation et la Défense.
9 Car aucun avocat de la Défense agissant dans ce Tribunal n'assure
10 réellement les intérêts de son client.
11 Puis il y a un autre point important. M. MacFarlane n'a pas le moindre
12 élément de preuve susceptible de démontrer qu'après la publication de mon
13 livre, l'un des trois témoins dont nous parlons ici aurait eu le moindre
14 problème, aurait subi le moindre désagrément, que quelqu'un l'aurait
15 provoqué, intimidé, menacé ou quoi que ce soit de ce genre ou qu'il aurait
16 subi des agressions physiques contre sa personne ou contre des membres de
17 sa famille ou des agressions contre ses biens ou quoi que ce soit. Rien de
18 cela ne s'est passé.
19 Et je vais vous dire encore une chose. Ces trois témoins protégés ont
20 déjà comparu à plusieurs reprises en qualité de témoins. Ils ont donné des
21 interviews à des journaux, ils ont évoqué le même genre de choses lors de
22 ces interviews, les mêmes choses qu'ils avaient discutées avec le Procureur
23 au moment de la rédaction de leur déclaration préliminaire.
24 Donc d'où vient le problème ? Où serait l'intimidation, et pourquoi
25 d'ailleurs aurais-je le désir d'intimider ces témoins pour commencer,
26 puisque je pourrais les avoir en face de moi et les interroger dans un
27 prétoire. J'ai retourné complètement les dépositions de ces témoins lorsque
28 je les ai contre-interrogés. Donc pourquoi est-ce que j'aurais encore
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1 besoin de les intimider ?
2 La force de mes arguments est telle qu'il ne reste plus rien dans
3 l'acte d'accusation. Il ne reste plus une lettre de l'acte d'accusation qui
4 puisse tenir, et en conversation privée, de nombreuses personnes me l'ont
5 dit. Vos collègues de l'Accusation vous le diront, ne pourront pas vous
6 dire autre chose. J'en suis certain, parce qu'il y a tout de même le poids
7 de l'opinion publique sur ce Tribunal, et ce Tribunal est tout à fait
8 conscient du fait que le bureau du Procureur et l'Accusation dans mon
9 procès principal ont vécu un échec complet. Le procès est maintenant
10 interrompu, nous attendons quelque chose, semble-t-il. Ce que nous
11 attendons, je ne le sais pas. Nous attendons qu'on m'impose un conseil de
12 la Défense, sans doute pour qu'il puisse agir en milieu et place pendant la
13 présentation des moyens de la Défense. Ce conseil soutiendrait le Procureur
14 et viendrait au secours des faux témoins qui ont été entendus grâce à cette
15 collaboration maximum avec le Procureur.
16 Vous voyez, M. MacFarlane prétend que je voudrais cacher quelque chose. Je
17 n'ai rien à cacher. Je ne veux pas masquer quoi que ce soit. Dans l'étude
18 dont je parlais tout à l'heure, qui a été élaborée par mes collaborateurs,
19 l'identité d'aucun témoin protégé n'est divulguée nulle part.
20 Si vous lisez mon livre du début à la fin avec une grande attention,
21 d'ailleurs c'est un point sur lequel j'aimerais appeler votre attention,
22 sur la multitude de faits que l'on trouve évoqués dans ces 1 200 pages.
23 D'ailleurs, il y a plus que 1 200 pages, mais enfin, si c'étaient des
24 feuillets de journalistes, cela ferait 2 400 feuillets. Donc si quelqu'un
25 se voit indiquer à l'avance les passages que M. MacFarlane a cités, peut-
26 être pourra-t-il connaître l'identité de ces témoins dans ces passages.
27 Mais tout le monde ne peut pas le faire. Tout le monde n'en a pas la
28 capacité.
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1 Et je vous demande, par conséquent, quel est le lecteur qui peut se
2 concentrer tellement de la première page à la 1 200e page ou plus ? C'est
3 seulement quelqu'un qui a une très, très grande expérience. Or,
4 pratiquement aucun lecteur ne peut s'appliquer et se concentrer aussi
5 longtemps à la lecture d'un livre. Il n'est donc même plus nécessaire
6 d'évoquer la déduction, la conclusion ou le caractère logique d'une
7 conclusion. Ce qui est en cause ici, c'est le très grand nombre de pages et
8 la nécessité d'extraire d'un livre aussi volumineux les portions qui ont
9 été abordées par le Procureur.
10 Tous les incidents qui sont évoqués dans le livre et qui auraient eu lieu
11 dans certaines localités ont été évoqués dans des procès menés en Serbie.
12 Là nous avons des preuves matérielles qui montrent que le bureau du
13 Procureur a proposé des faux témoignages, parce que dans la deuxième
14 citation du Procureur, l'homme qu'il évoque a été entendu à plusieurs
15 reprises dans des procès en Serbie. Des documents de tribunal existent, et
16 si ces documents avaient été déposés ici, le Procureur en aurait eu
17 connaissance.
18 Le Procureur poursuit en disant que je serais satisfait en constatant que
19 plusieurs milliers d'exemplaires avaient été téléchargés à partir de mon
20 site. C'est ce que tout auteur souhaiterait voir, à savoir que son livre
21 soit publié dans un très grand nombre d'exemplaires, mais le fait est que
22 ce livre est beaucoup trop coûteux pour que je puisse en publier une
23 nouvelle édition.
24 Une première édition a été vendue à perte, donc il a été distribué
25 gratuitement. Une deuxième édition serait beaucoup trop coûteuse. Nous ne
26 pouvons pas distribuer un très grand nombre d'exemplaires gratuitement. Si
27 quelqu'un souhaite lire le livre, à ce moment-là, ils peuvent le
28 télécharger à partir de mon site. Il a été publié sur le site du Parti
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1 radical serbe, et c'est donc un livre qui ressemble au parti. Et dans ce
2 Parti radical serbe, c'est dans ses intérêts, les intérêts du Parti radical
3 serbe, de démontrer au public et de démontrer à une opinion publique
4 professionnelle que l'orientation de ces livres est que l'une des affaires
5 qui est mentionnée dans le chef d'accusation contre moi, en tant que
6 président du Parti radical serbe, a été totalement construit de manière
7 artificielle et dit effectivement que le Parti radical serbe est l'éditeur
8 de cet ouvrage, que je suis l'auteur exclusif de cet ouvrage et que les
9 gens ont agi sur mes instructions, en suivant mes instructions à la lettre.
10 Donc je suis responsable pour chacune des pages qui se trouvent dans cet
11 ouvrage. Il ne fait aucun doute de cela. Nous n'aurions pas dû perdre du
12 temps sur des affaires de ce genre.
13 Le Procureur réfère à ma déclaration concernant des personnes qui sont
14 intelligentes et qui peuvent comprendre. C'est pas une question d'être
15 intelligent, ça concerne le professionnalisme. Seule une personne qui
16 comprend certaines notions de base et des catégories peuvent lire ce livre.
17 Ce livre n'est pas destiné au public en général. L'homme dans le traitement
18 qui peut être fasciné par la couverture de cet ouvrage et le nombre de
19 pages, mais une personne ordinaire n'a pas suffisamment de patience pour
20 lire la totalité de l'ouvrage.
21 Un juriste, qui est particulièrement intéressé dans ce domaine, va
22 bien sûr s'intéresser à lire cet ouvrage, mais ça n'est destiné qu'à un
23 très petit nombre de personnes.
24 Si mon intention était d'intimider les témoins, j'aurais donné
25 l'instruction à quelqu'un de rédiger un tract publié comportant une dizaine
26 ou une trentaine de pages et de le distribuer. Même ce tract aurait pu
27 comporter une invitation à ce que les témoins soient attaqués ou que
28 quelque chose soit entrepris. Il n'y avait rien de ce genre dans mon
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1 intention. Pendant tout ce processus, rien de cela ne s'est passé. Ce n'est
2 pas la première fois que le bureau du Procureur à La Haye souhaite
3 fabriquer un procès contre moi pour outrage de la Cour.
4 Je voudrais vous rappeler, peut-être que le Juge Parker s'en souviendra
5 puisqu'il était à l'époque Président de la Chambre, qu'en 2005, le bureau
6 du Procureur, sur la seule base d'une conférence téléphonique que j'avais
7 eue lorsque j'ai dit à un ami la chose suivante : "J'ai entendu qu'un tel
8 était un faux témoin secret, que dans une partie du procès et qu'il a un
9 emploi dans votre municipalité. Essayez de vous débarrasser de cela" et des
10 choses de ce genre.
11 Après que le bureau du Procureur ait été informé par l'administration du
12 centre pénitentiaire, avait ordonné une interdiction me soit imposée
13 s'agissant d'appels téléphoniques et de visites, en alléguant du fait que
14 j'avais divulgué le nom d'un témoin protégé. Pendant deux mois, je n'ai
15 aucun contact avec le monde extérieur. Je n'ai pas reçu une seule visite de
16 ma famille. Mon beau-père est décidé pendant cette période, de même que le
17 mari de ma belle-sœur, et je n'ai aucun contact avec quiconque.
18 Après l'expiration des deux mois, le bureau du Procureur a décidé de ne pas
19 poursuivre et de me poursuivre pour outrage au Tribunal. Bien qu'ils
20 avaient affirmé que cet homme était un témoin protégé dans mon procès, il
21 ne m'en avait jamais informé.
22 Vous savez, quand j'ai été informé de cela, que cet homme allait
23 comparaître comme témoin dans mon procès, seul récemment en début d'année
24 mais pas avant, je n'ai même pas reçu sa déclaration préliminaire. Il n'y
25 avait aucune déclaration qu'il aurait, lui, donnée. La première déclaration
26 qu'il a donnée au bureau du Procureur était en décembre de l'année
27 dernière, pratiquement trois années après l'événement que je viens de
28 décrire.
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1 Oui, il est vrai qu'il a été interrogé en tant que suspect. Je vous
2 dis ceci pour illustrer des tentatives analogues de la part du bureau du
3 Procureur pour que je sois inculpé d'outrage au Tribunal, et me priver par
4 là même du droit de me représenter moi-même. C'était là leur principale
5 motivation.
6 Une fois qu'ils aient échoué à parvenir à cela, ils ont eu recours à
7 une méthode plus brutale, et ça s'est terminé en 2006, et qu'il a donc
8 fallu remplacer toute la Chambre de première instance.
9 Il y avait une autre tentative de la part de l'Accusation pour
10 outrage, je suppose que le Juge Parker s'en souviendra, mais je n'avais
11 aucune idée de quoi il s'agissait --
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Combien de temps vous faudrait-il
13 pour conclure ?
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien sûr, effectivement, si vous souhaitez que
15 nous faisions une pause, nous pouvons faire une pause. Je ne peux pas vous
16 donner une estimation exacte, mais je peux effectivement me rallier à votre
17 demande. Dites-moi, combien de temps vous avez besoin jusqu'à la fin, mais
18 je ne veux pas, bien sûr, dépasser le temps qui a été alloué au bureau du
19 Procureur. Dites-moi, si j'ai déjà dépassé les délais. Mais je souhaiterais
20 savoir combien de temps, j'ai encore quelque chose à dire.
21 Si vous pensez que le moment est venu pour faire la pause, après la pause
22 nous pourrons revenir, mais dites-moi combien de temps. Je parlerai pendant
23 aussi longtemps que vous me laisserez la parole.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause, après
25 quoi je voudrais conclure dans une demi-heure après la pause.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une demi-heure me convient parfaitement.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vingt minutes.
28 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.
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1 --- L'audience est reprise à 18 heures 04.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Seselj, veuillez poursuivre.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant la pause, j'ai commencé à évoquer un
4 autre cas où le Procureur s'était efforcé de lancer un procès pour outrage
5 au tribunal. Ce cas s'est produit en 2005. Bien, encore aujourd'hui, je
6 n'ai pas la moindre idée de ce sur quoi était fondée cette demande. Et
7 quand tout s'est terminé, la Chambre de première instance à laquelle
8 participait M. Parker a donné l'ordre au Greffe de m'informer en une phrase
9 quant à l'existence de cette requête du Procureur en vue de procès pour
10 outrage et quant au fait que la Chambre avait rejeté cette requête. Donc il
11 s'agit là de la troisième tentative de la part du Procureur pour lancer un
12 tel procès, tout cela dans le but de créer artificiellement un prétendu
13 fondement susceptible de justifier qu'on me retire le droit à assurer moi-
14 même ma défense.
15 Je ne sais pas, Messieurs les Juges, si vous savez que bien d'autres formes
16 de persécution ont été engagées par moi au cours des sept dernières années.
17 Vers la fin de 2003 et jusqu'au mois de juillet 2004, au mépris du droit,
18 j'ai été privé de tout contact téléphonique et de toute visite de la part
19 de mes familles, sous prétexte que mon parti avait obtenu un grand nombre
20 de voix aux élections et que par téléphone ou par le biais d'une visite,
21 j'aurais pu agir sur la formation du gouvernement ou du pouvoir politique
22 en Serbie.
23 Et il y a deux jours, quelque chose de très étonnant s'est produit. Il y a
24 deux jours, la direction du quartier pénitentiaire m'a interdit d'aller en
25 promenade. Donc le 27, le 28 mai et aujourd'hui, interdiction de promenade.
26 Vous savez, Messieurs les Juges, que ceci est complètement interdit. Même
27 les condamnés à mort ont droit à une heure de promenade par jour. Qu'est-ce
28 qui s'est passé ? Il y a deux jours alors que je partais pour la promenade
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1 dans un lieu qu'on nous a imposé récemment, où il n'y a pas un brin
2 d'herbe, et où l'hiver on doit passer devant la salle réservée aux visites,
3 donc pour arriver à cet endroit je passe devant des bureaux où travaillent
4 les avocats. Je vois un autre prisonnier, c'est un général âgé, et je crie
5 son nom et à ce moment-là un des gardes en civil intervient et entame une
6 querelle verbale avec moi.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Seselj, je me demande quelle
8 est la pertinence de ce que vous dites en ce moment. Pourriez-vous vous
9 concentrer sur l'affaire ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] La pertinence c'est que je suis concentré sur
11 mon procès principal, et je pense que l'effort qui a été déployé ici c'est
12 un effort destiné à me déstabiliser sur le plan psychique. Je ne peux pas
13 être déstabilisé sur le plan psychique, mais les nouveaux dirigeants de la
14 prison qui sont nouveaux ne le savent pas. Donc je pense qu'il est
15 important que je le dise. Vous savez, Messieurs les Juges, que personne ne
16 peut se voir interdire la promenade. Je suis d'accord sur le fait que je
17 suis le pire des prisonniers à Scheveningen. J'admets que je suis le moins
18 discipliné de tous les prisonniers. Mais l'interdiction d'une promenade ne
19 peut pas et ne doit pas être une sanction disciplinaire. Et d'ailleurs ceci
20 n'est jamais arrivé jusqu'à présent. C'est arrivé deux jours avant le début
21 du procès auquel nous participons ici. Alors tirez les conclusions,
22 déterminez pour quelles raisons ceci a été fait, car ceci est en tout état
23 de cause totalement contraire au droit.
24 Encore quelques mots, si vous voulez bien, eu égard à la thèse défendue par
25 les représentants de l'Accusation. A plusieurs reprises M. MacFarlane a dit
26 qu'il semblerait que j'aurais donné des consignes, qu'il semblerait que
27 j'aurais pris consciemment la décision de ne pas prononcer le nom d'un
28 témoin.
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1 Alors, Messieurs les Juges, en droit pénal, qu'est-ce que c'est ce que
2 concept de "il semble que" est-ce que c'est une constatation sérieuse ? Il
3 semble que j'aurais commis un acte criminel, et d'ailleurs on me juge en
4 raison de cette apparence. L'apparence n'existe pas dans le droit pénal. En
5 droit pénal, soit on a des preuves, soit on n'en a pas. Le droit pénal ne
6 supporte pas les supputations. Or, le Procureur ici ne cesse de faire des
7 supputations. Il le fait de la façon la plus explicite qu'il soit. Pourquoi
8 le fait-il ? J'ai l'impression qu'il est persuadé à l'avance que sa mise en
9 accusation va réussir. Et dans ces conditions, il peut se permettre, y
10 compris d'émettre des supputations. Le Procureur, s'il n'est pas convaincu
11 à l'avance du succès de sa thèse ne se permettra pas d'agir ainsi. Dans ce
12 cas, il fait son travail et laisse la décision aux Juges de la Chambre de
13 première instance qui se prononcent en fonction du comportement
14 professionnel du Procureur.
15 Le Procureur a dit également que j'avais mis au point un plan avec
16 mes collaborateurs pour échapper à des procédures pénales. Bien, je vous
17 pose la question : qui dans le monde serait capable de mettre au point un
18 puzzle aussi compliqué que celui-ci simplement pour échapper à des
19 procédures ? Si on agit de façon artificielle, on ne réussit pas. Un puzzle
20 n'a aucune chance de réussir. Mais la réunion d'un très grand nombre de
21 documents très convaincants pourrait être le résultat d'un travail
22 compétent et professionnel. Cela étant, ce n'est même pas le cas. Ce dont
23 il est question ici, ce qui est le cas, c'est un exposé fructueux qui
24 évoque un prétendu plan, un prétendu complot, une prétendue conspiration.
25 Vous savez, Messieurs les Juges, que les événements dont il est
26 question se sont déroulés dans un lieu déterminé, et qu'en dehors de moi
27 personne n'a été mis en accusation pour quelque fait en rapport avec cette
28 localité.
Page 104
1 Alors, en quoi est-ce que les efforts déployés par le Procureur
2 s'englobent dans la défense de l'idée de l'existence d'une entreprise
3 criminelle commune ? Le Procureur veut manifestement, en invoquant ce que
4 j'aurais écrit dans mon livre, démasquer un complot qui ferait partie d'un
5 prétendu plan. Mais il n'y a rien dans ce livre qui démontrerait, qui
6 prouverait l'existence d'un plan que j'aurais mis au point pour intimider
7 et effrayer les témoins.
8 Il y a autre chose qui m'a frappé. C'est de façon tout à fait
9 délibérée que j'évite de commenter dans le détail les propos de M.
10 MacFarlane, simplement parce que je voudrais éviter que nous passions à
11 huis clos partiel puisque tout cela ne m'intéresse guère. Mais parmi tous
12 les principes que les tribunaux civilisés appliquent en cas de procès, un
13 des premiers principes est le principe de la publicité des débats. Et vous
14 savez que je tiens beaucoup à cette publicité. C'est la raison pour
15 laquelle je ne vais pas répondre à tout ce qu'a dit M. MacFarlane.
16 Mais je vais tout de même reprendre une chose qu'il a dite. M.
17 MacFarlane a énuméré les diverses méthodes que j'aurais utilisées pour
18 divulguer l'identité des témoins, et que parmi ces méthodes, s'agissant
19 d'un témoin, il y avait le fait que j'aie dit que l'un de ces témoins était
20 alcoolique notoire, et que ce faisant, j'avais permis l'identification de
21 ce témoin. Alors c'est possible, disons. Mais comme je n'ai pas l'intention
22 d'utiliser pleinement les 30 minutes que vous m'avez octroyées tout à
23 l'heure je vais en arriver à la conclusion de mon exposé.
24 Dans la présente affaire, affaire intentée à mon encontre pour
25 outrage au tribunal, aucune infraction, aucun acte criminel n'a été commis.
26 Il n'y en a pas le moindre début. Et le Procureur s'est montré totalement
27 incapable de démontrer un quelconque élément moral de ma part, autrement
28 dit une intention que j'aurais eue de divulguer le nom de certains témoins
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1 dans le but de les terroriser. Tout cela est inexistant dans la présente
2 affaire.
3 Maintenant, vous, les Juges de cette Chambre, vous ferez ce que vous
4 voudrez, selon votre conscience ou selon d'autres intérêts qui sont les
5 vôtres, mais la décision vous appartient. J'ai pour ma part dit tout ce que
6 j'avais à dire.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, si j'ai bien
10 compris ce que vous avez dit, dans une de vos propositions il était permis
11 de penser que les trois témoins avaient consenti des interviews à la presse
12 en certaines occasions en s'exprimant dans des termes qui étaient
13 comparables à ceux qu'ils avaient utilisés dans leurs déclarations écrites
14 pour le bureau du Procureur. Qu'avez-vous de concret à l'appui de cette
15 proposition ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il existe le texte des interviews à la
17 presse.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Auriez-vous la possibilité de
19 nous soumettre par écrit après votre retour au quartier pénitentiaire un
20 exemplaire de ces interviews à la presse ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque nous sommes maintenant en audience
22 publique, je peux en public demander à Dejan Mirovic, mon conseiller
23 juridique, et à Marina Raguz, mon assistante, de transmettre au Greffe par
24 courriel avant lundi un certain nombre de ces articles de presse qui
25 reprennent ces interviews.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur MacFarlane, considérez-vous que
28 vous êtes dans la nécessité de répondre à M. Seselj ?
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1 M. MacFARLANE : [interprétation] Non, je ne pense pas que ce soit
2 nécessaire. Je vous remercie.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre remercient
5 l'amicus curiae, également Procureur en exercice, ainsi que l'accusé pour
6 leurs exposés. Ils réservent leur décision, vont réfléchir à tous les
7 éléments de l'affaire, et rendront leur décision ultérieurement.
8 L'audience est levée.
9 --- L'audience de la Règle 77 est levée à 18 heures 19.
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