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1 Le jeudi 29 avril 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 31.
5 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour. Je demande au greffier de citer
6 le numéro de l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour à tous, Monsieur le
8 Président. Il s'agit de l'affaire IT-03-67-R77.3-I [comme interprété], le
9 Procureur contre Vojislav Seselj.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
11 Monsieur Seselj, est-ce que vous entendez les débats dans une langue que
12 vous comprenez ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, en anglais, mais je n'entends pas
14 l'interprétation.
15 M. LE JUGE HALL : [interprétation] L'interprétation de quoi ? Excusez-moi.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourriez-vous répéter ce que vous m'avez dit ?
17 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Absolument. La question que je vous ai
18 posée, Monsieur, consistait à vous demander si vous m'entendiez dans une
19 langue que vous comprenez.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous ai entendu tout à l'heure déjà, mais je
21 n'entendais pas l'interprétation. Normalement, je dois entendre de
22 l'interprétation en langue serbe. Maintenant j'entends l'interprétation.
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Bien. Donc tout va bien.
24 Je demanderais à l'Accusation de présenter ses représentants.
25 M. MacFARLANE : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je m'appelle
26 Bruce MacFarlane, je suis avocat canadien et je comparais en l'espèce en
27 tant que ami du bureau du Procureur.
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Seselj, suis-je en droit de
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1 comprendre que vous assurez vous-même votre défense ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, et j'ai fait savoir au greffe, d'ailleurs,
3 dans les délais, mon intention d'assurer moi-même ma défense.
4 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.
5 Avant de poursuivre, il y a une première chose que je tiens à faire,
6 Monsieur Seselj, à savoir vous rappeler qu'aux termes du Statut du
7 Tribunal, vous avez le droit à tout moment de garder le silence dans le
8 cours des présents débats.
9 Je voudrais d'abord indiquer quel est le contexte dans lequel se situe
10 l'espèce, et l'ordonnance en lieu et place d'acte d'accusation qui a été
11 dressé contre M. Seselj.
12 Pendant le procès de M. Seselj devant une autre Chambre de première
13 instance pour crimes présumés commis entre 1991 et 1993 en Croatie, en
14 Vojvodine et en Bosnie-Herzégovine, l'Accusation a déposé une requête
15 confidentielle ex parte au titre de l'article 77 du Règlement alléguant une
16 violation des mesures de protection de la part de M. Seselj et des associés
17 de sa Défense dans trois ouvrages dont il est présumé être l'auteur. Le 13
18 mars 2009, le Président du Tribunal a confié à la présente Chambre de
19 première instance la mission d'examiner cette requête.
20 Le 25 août 2009, la Chambre de première instance a décidé qu'elle n'avait
21 pas de fondement suffisant pour émettre une ordonnance en lieu et place
22 d'acte d'accusation contre M. Seselj pour cause de réimpression de
23 renseignements confidentiels dans l'un des trois livres en question, alors
24 que le deuxième de ces livres révélait des renseignements qui constituaient
25 une violation d'une ordonnance de la Chambre et, par conséquent, un acte
26 d'outrage au Tribunal au titre de l'article 77(A)(ii) du Règlement. La
27 Chambre n'a pas été convaincue que dans les circonstances présentes une
28 telle révélation ait eu un degré de gravité suffisant pour justifier
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1 qu'elle exerce son droit de discrétion en application de l'article 77(D) du
2 Règlement en lançant une procédure contre M. Seselj pour réimpression de ce
3 renseignement.
4 Si elle disposait de fondement suffisant pour estimer que le
5 troisième de ces trois ouvrages révélait des renseignements confidentiels
6 qui constituent un acte de violation déclaré d'une ordonnance de la Chambre
7 et, par conséquent, peut avoir constitué un acte d'outrage au titre de
8 l'article 77(A)(ii), la Chambre n'était pas convaincue que dans les
9 circonstances présentes cette révélation ait eu un degré de gravité
10 suffisant pour lui permettre d'exercer son droit discrétionnaire en
11 application de l'article 77(D) du Règlement qui lui aurait donc permis
12 d'entamer des poursuites contre M. Seselj. S'il y avait des raisons de
13 croire qu'à l'époque le troisième de ces trois ouvrages a été publié alors
14 que M. Seselj savait que neuf des 13 personnes mentionnées dans cet ouvrage
15 bénéficiaient de mesures de protection devant ce Tribunal, la Chambre n'a
16 pas jugé qu'un fondement suffisant existait pour lui permettre de penser
17 que la révélation de tels renseignements dans ce troisième ouvrage
18 permettait de qualifier, ou en tout cas d'estimer que des ordonnances
19 émises par la Chambre de première instance en charge du procès Seselj
20 avaient été violées. La Chambre a estimé en réalité que les renseignements
21 révélés dans cet ouvrage ne concernaient que des individus qui étaient
22 témoins de la Défense et donc qui n'étaient pas témoins de l'Accusation, la
23 Chambre a estimé qu'il n'y avait aucune mention des pseudonymes affectés à
24 ces personnes, la même situation s'appliquant aux collaborateurs de M.
25 Seselj.
26 Le 17 décembre 2009, la Chambre d'appel du Tribunal, jugeant en appel sur
27 pourvoir en appel de l'Accusation, a estimé que les éléments de preuve qui
28 lui avaient été présentés permettaient de penser à première vue que M.
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1 Seselj n'avait pas révélé les renseignements permettant d'identifier 11
2 témoins en toute connaissance de cause, et n'avait pas violé des
3 ordonnances de la Chambre de première instance chargée du procès Seselj en
4 toute connaissance de cause. Par conséquent, aucun juge raisonnable des
5 faits n'aurait pu conclure que des fondements suffisants existaient pour
6 poursuivre M. Seselj en application de l'article 77(D) du Règlement en
7 raison de révélation de tels renseignements. La Chambre d'appel a, par
8 conséquent ordonné à la Chambre de première instance de procéder pour
9 outrage contre M. Seselj, en émettant une ordonnance en lieu et place
10 d'acte d'accusation en vue de le poursuivre pour révélation d'information
11 risquant d'identifier 11 témoins protégés en violation des ordonnances de
12 la Chambre Seselj.
13 Le 3 février 2010, la Chambre de première instance a émis une ordonnance en
14 lieu et place d'acte d'accusation, dont je parlerai désormais en la
15 désignant sous le terme d'acte d'accusation, et a ordonné qu'un amicus
16 curiae de l'Accusation soit nommé, et le 2 mars 2010 le greffier adjoint a
17 nommé M. MacFarlane en qualité d'amicus curiae de l'Accusation en l'espèce.
18 Monsieur Seselj, en vertu de cet acte d'accusation, vous êtes poursuivi
19 pour outrage au Tribunal sanctionnable au titre de l'article 77(A)(ii) du
20 Règlement de procédures et de preuve pour avoir révélé des renseignements
21 risquant d'identifier 11 témoins protégés en violation des ordonnances
22 d'une Chambre de ce Tribunal.
23 Avant que nous ne poursuivions, Monsieur Seselj, pourriez-vous confirmer
24 pour le compte rendu d'audience que vous êtes bien le Vojislav Seselj dont
25 le nom figure dans cet acte d'accusation ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je suis le Dr Vojislav Seselj, professeur
27 d'université et le plus grand ennemi du Tribunal de La Haye.
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur.
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1 J'ai appris que vous aviez appris reçu le texte de l'acte d'accusation dans
2 votre langue. Pouvez-vous confirmer ce fait à mon attention ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'ai reçu cet acte d'accusation, mais je
4 n'ai pas reçu des renseignements accompagnant l'acte d'accusation qui sont
5 particulièrement importants et que l'Accusation a reçus. Je veux parler de
6 copie de requête du 26 janvier, de copie de décision de la Chambre de
7 première instance, du pourvoir en appel de l'Accusation. Je n'ai pas non
8 plus reçu la décision de la Chambre de première instance suite au pourvoir
9 en appel de l'Accusation, pas plus que tous les éléments annexés à ce
10 document, en particulier l'ordonnance de la Chambre du 3 février 2010.
11 Selon cette ordonnance, le Procureur était censé recevoir tous ces
12 documents tout comme moi. Donc dès le départ, nous ne sommes pas sur un
13 pied d'égalité. Si vous aviez prévu que durant l'audience d'aujourd'hui se
14 déroule ma comparution initiale et qu'il me soit demandé de dire si je
15 plaide coupable ou non coupable, je puis vous dire d'emblée que je n'en
16 ferai rien tant que je n'aurai pas reçu ces documents.
17 J'ai compris tout ce dont vous avez donné lecture. J'ai reçu l'ordonnance,
18 mais sans les documents accompagnant l'acte d'accusation, je refuse de me
19 prononcer sur ma façon de plaider.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Avant de
21 poursuivre, je voudrais consulter le juriste de la Chambre.
22 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur MacFarlane, pouvez-vous nous
24 proposer un commentaire sur le point qui vient d'être évoqué par M. Seselj.
25 M. MacFARLANE : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Je vous remercie.
26 J'ai reçu les documents évoqués qui ont été préparés par le personnel, et
27 j'ai passé pas mal de temps à parcourir ces documents pour apprécier quels
28 étaient les documents qui relevaient de l'article 66 du Règlement, du point
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1 de vue de l'obligation de communication. Une série de documents auxquels
2 l'article 66 du Règlement s'applique a été préparé et communiqué à l'accusé
3 aujourd'hui. Donc je crois que les exigences de l'accusé ont été
4 satisfaites, mais il a reçu une liasse de documents de plusieurs
5 centimètres d'épaisseur aujourd'hui.
6 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Vous dites bien qu'il a reçu ces
7 documents aujourd'hui. Etes-vous d'accord avec ce que dit l'accusé, à demi-
8 mot en tout cas, car pour ma part je ne savais qu'il avait reçu les
9 documents. Mais êtes-vous d'accord avec le fait qu'après réception de ces
10 documents, il a besoin de quelque temps pour prendre connaissance du
11 contenu de tous ces documents avant que la procédure ne se poursuive ?
12 M. MacFARLANE : [interprétation] Il est certain que le nombre des documents
13 qui lui a été communiqué est important au titre de l'article 66 du
14 Règlement, qui prévoit que ces documents doivent lui être communiqués dans
15 un délai de 30 jours par rapport à la date de comparution initiale, dans un
16 procès pour outrage. Ici, nous sommes dans un délai de 10 jours, donc ceci
17 indique quelle est la situation du point de vue du moment de la
18 communication, mais nous n'avons pu que récemment terminer la préparation
19 de cette liasse de documents. Et je suis tout à fait d'accord sur le fait
20 que les documents qui lui ont été communiqués et qu'il a à consulter sont
21 nombreux, et je comprends bien qu'il lui faille un certain temps pour les
22 examiner.
23 Maintenant, est-ce que ceci doit absolument être fait avant qu'il ne
24 se prononce sur sa façon de plaider ou pas, c'est un point, je suppose,
25 dont il est permis de discuter.
26 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelques mots, Monsieur Hall ?
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que vient de dire M. MacFarlane est tout
2 simplement contraire à la vérité ou, en tout cas, c'est une vérité
3 partielle. Quant à vous, Monsieur Hall, en votre qualité de Juge
4 d'expérience, vous savez que les vérités partielles sont, dans la plupart
5 des cas, des contrevérités.
6 Avant le début de l'audience, j'ai effectivement reçu toute une liasse de
7 documents, comme M. MacFarlane vient de l'indiquer, de façon tout à fait
8 réelle. Bien, en dépit de cela, j'ai réussi à consulter les documents en
9 question, et je puis vous assure que dans ces documents ne se trouve aucun
10 des documents qui sont évoqués dans la décision de la Chambre de première
11 instance en date du 3 février, et qui sont les plus indispensables. On n'y
12 trouve pas la requête de l'Accusation du 26 janvier, on n'y trouve pas la
13 décision de la Chambre de première instance qui rejette les poursuites pour
14 outrage, on n'y trouve pas non plus le recours en appel de l'Accusation,
15 pas plus que la décision de la Chambre d'appel. Aucun de ces documents
16 évoqués dans le document que je viens de mentionner ne figure dans la
17 liasse que j'ai reçue. On peut très bien demander à un gardien du Tribunal
18 présent ici, dans la salle d'audience, d'apporter ces documents, pour que
19 chacun puisse se persuader que j'ai raison et que je dis la vérité.
20 Donc M. MacFarlane vient de présenter une demi-vérité. En fait, il présente
21 le cas le plus flagrant de contrevérité, parce que je n'ai toujours pas
22 reçu les documents qui sont indispensables pour moi en vue de comprendre la
23 nature du crime qui m'est imputé. J'ai besoin de la requête de l'Accusation
24 qualifiant le crime, pour commencer, et également j'ai besoin de la
25 décision de la Chambre qui indique que ce crime présumé ne peut donner lieu
26 à poursuite au pénal. J'ai également besoin de l'arrêt de la Chambre
27 d'appel et du recours en appel de l'Accusation, et je n'ai rien reçu de ces
28 documents, ce qui pose un problème juridique, et il importe que nous
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1 discutions d'abord de ce problème juridique.
2 Ce que M. MacFarlane m'a communiqué, ce sont mes propres requêtes, des
3 déclarations de personnes qui ont fait ces déclarations devant des
4 représentants de mon équipe de Défense, que j'ai publiées dans mes
5 ouvrages, et cetera, et cetera, donc des documents très peu importants vis-
6 à-vis des débats juridiques qui nous occupent ici aujourd'hui.
7 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Bien, dans la mesure
8 où il y effectivement diverses étapes de procédure à suivre au nombre
9 desquelles ont trouve effectivement ce délai de 10 jours préalablement à
10 votre obligation de vous prononcer quant à votre façon de plaider par
11 rapport à l'Accusation, j'invite le greffier à donner lecture de l'acte
12 d'accusation à votre intention aujourd'hui. Nous avons entendu ce que vous
13 avez dit. Vous n'avez aucune intention de vous prononcer sur votre
14 plaidoyer aujourd'hui en tout état de cause. Donc aux termes du Règlement,
15 vous êtes autorisé à un préavis d'un minimum de 10 jours avant de le faire,
16 mais pour d'autres raisons nous allons suspendre l'audience aujourd'hui. Je
17 veux parler des préoccupations qui sont les vôtres et de la nécessité pour
18 vous de prendre connaissance des documents que vous avez reçus afin de vous
19 prononcer. Donc la question de savoir si vous avez reçu les documents
20 nécessaires peut être réglée aujourd'hui et si tel est le cas, nous
21 n'aurons pas d'autres retards vis-à-vis de vos obligations par rapport à
22 l'acte d'accusation. J'invite donc le greffier à vous donner lecture de cet
23 acte d'accusation.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
25 Ordonnance en lieu et place d'acte d'accusation.
26 Vojislav Seselj, né en 1954 à Sarajevo, République de Bosnie-Herzégovine,
27 et actuellement jugé par le Tribunal, est accusé d'un chef d'outrage au
28 Tribunal en vertu de l'article 77 (A)(ii) du Règlement, comme détaillé ci-
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1 dessous :
2 Allégations factuelles.
3 Dans sa décision du 1e juin 2005, du 30 août 2007 et du 16 octobre 2007, la
4 Chambre de première instance chargée du procès le Procureur contre Vojislav
5 Seselj a ordonné un certain nombre de mesures de protection à appliquer à
6 des témoins. Suite au dépôt des troisième et quatrième requêtes de
7 l'Accusation, en vue de mesures de protection à accorder à des témoins
8 pendant la période préalable au procès, avec annexe confidentielle ex parte
9 en date du 1e juin 2005, la Chambre de première instance Seselj "a octroyé
10 un pseudonyme à ces personnes pour utilisation pendant les audiences
11 publiques du Tribunal jusqu'au moment où le témoin dépose, ainsi que
12 d'autres mesures de protection qui sont applicables aux témoins protégés
13 jusqu'à nouvel ordre."
14 Dans sa décision relative aux mesures de protection du 30 août 2007, la
15 Chambre Seselj a octroyé des pseudonymes à ces personnes, à dix des 11
16 témoins restants, et a interdit la révélation de "leurs noms, de leurs
17 adresses, de leurs lieux de résidence ou de tout autre renseignement
18 susceptible de permettre leur identification puisqu'il s'agit de témoins
19 protégés. Elle a interdit également la communication de ces renseignements
20 à toute tierce partie, sauf si ce renseignement est directement et
21 indispensablement lié à la préparation et à la présentation des moyens de
22 la Défense."
23 Peu de temps après, un ouvrage dont l'auteur est Vojislav Seselj a été
24 publié. Cet ouvrage comporte de nombreuses références à ces témoins, y
25 compris leurs véritables noms, leurs professions, leurs lieux de résidence,
26 tous éléments permettant de les identifier. A l'époque de la publication de
27 ce livre, Vojislav Seselj connaissait l'ordonnance qui octroyait les
28 mesures de protection à ces témoins, ainsi que les ordonnances qui
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1 interdisaient de façon très précise la révélation de tout renseignement
2 susceptible de permettre l'identification des témoins protégés.
3 Chefs d'Accusation.
4 En raison de ces actes et de ces omissions, Vojislav Seselj a commis un
5 outrage au Tribunal, qui est sanctionnable au titre des pouvoirs inhérents
6 au Tribunal, ainsi que de l'article 77 (A)(ii) du règlement de procédure et
7 de preuve, et ce, en raison du fait qu'il a révélé des renseignements
8 susceptibles de permettre l'identification de 11 témoins protégés en
9 violation des ordonnances du Chambre de première instance de ce Tribunal
10 dans un livre.
11 Je vous remercie.
12 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
13 Monsieur Seselj, étant donné tout ce que vous avez déjà dit, est-ce que le
14 compte rendu d'audience démontre bien à ce stade que vous renoncez à votre
15 droit de vous prononcer sur votre façon de plaider aujourd'hui ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je renonce à ce droit aujourd'hui, pas
17 parce que l'acte d'accusation n'est pas clair à mes yeux, mais parce que je
18 n'ai pas reçu les documents accompagnant l'acte d'accusation qui sont très
19 importants pour moi.
20 Donc c'est une action démonstrative de ma part, et je manifeste mes
21 protestations en agissant de la sorte. Je pourrais me prononcer sur mon
22 plaidoyer aujourd'hui, mais je ne vais pas le faire, parce que la Chambre
23 de première instance a agi de façon irresponsable. Elle aurait dû me faire
24 communiquer tous ces documents et parce que le Procureur l'a fait
25 également, puisqu'il ne m'a pas communiqué les documents qu'il avait
26 obligation de communiquer en étant pleinement conscient du fait que ces
27 documents étaient importants pour moi.
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Il est pris note de ce
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1 que vous venez de dire.
2 A ce stade, j'ai également l'obligation de souligner à votre
3 attention que vous avez un droit de vous faire représenter par un conseil,
4 et je vous demande de confirmer encore une fois, comme vous l'avez déjà
5 dit, que vous avez choisi d'assurer vous-même votre défense.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'assurerai moi-même ma Défense, c'est
7 certain. Et j'aimerais vous dire autre chose qu'il importe de ne pas perdre
8 de vue non plus. Puis-je le dire avant la suspension d'audience ?
9 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je vous en prie.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que je le dise
11 immédiatement ?
12 Je proteste, Monsieur le Juge, en raison d'une violation de l'article 62 du
13 Règlement, qui stipule qu'un accusé doit sans délai comparaître devant une
14 Chambre de première instance ou un Juge dès lors qu'il se trouve au
15 quartier pénitentiaire et qu'il est disponible pour le Tribunal, et dès
16 lors qu'un acte d'accusation a été dressé à son encontre.
17 L'acte d'accusation a été dressé à mon encontre le 3 février, donc il y a
18 déjà pas mal de temps, et le 4 février j'étais à la disposition du
19 Tribunal.
20 La seconde décision rendue par la Chambre de première instance numéro II
21 l'a été le 3 février également, et ma comparution initiale était prévue
22 pour le 28 avril, c'est-à-dire très tard. Par conséquent, cela veut dire
23 qu'elle était prévue deux mois après. Ceci est sans précédent. Cela n'est
24 jamais arrivé dans ce Tribunal. En général, l'accusé n'attend que deux à
25 trois jours avant de comparaître dans le cadre de sa comparution initiale,
26 et pour autant que je le sache, cela fait longtemps que je suis ici, plus
27 de sept ou huit ans. Or, personne n'a attendu plus de trois jours pour
28 participer à sa comparution initiale, alors que j'ai dû attendre deux mois,
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1 après décision du report signé par M. le Juge Kwon dont les raisons
2 d'ailleurs étaient très terre à terre. M. MacFarlane, en raison de
3 l'éruption volcanique récente, ne pouvait pas prendre un avion lui
4 permettant de venir du Canada.
5 Alors, vous savez, Monsieur le Juge, que pour une comparution initiale M.
6 MacFarlane n'est pas nécessité d'être présent physiquement dans le
7 prétoire. Il aurait pu déléguer une autre personne, un autre conseil qui
8 aurait agi en son nom devant le Tribunal. Mais dans le quartier
9 pénitentiaire les rumeurs ont circulé quant au fait que ma comparution
10 initiale avait été reportée. Il a décidé qu'elle ne se tiendrait pas le 20
11 avril, en raison du fait qu'un certain nombre de Juges, de Procureurs, et
12 cetera, étaient en train de fêter l'anniversaire d'Hitler, l'anniversaire
13 de la naissance d'Adolf Hitler.
14 J'ai été absolument ébahi d'entendre cela également, mais il semble que
15 dans ce Tribunal pour qui Hitler est encore le principal dirigeant
16 idéologique, on retarde ma comparution initiale. Ensuite, la comparution en
17 question a été fixée au 29 avril, à savoir à la date anniversaire du décès
18 d'Hitler. Pourquoi ? Parce que c'est un véritable démon qui est à la tête
19 de ce Tribunal. Et étant donné l'échec enregistré dans les comptes à régler
20 depuis sept ans avec moi, on essaie de faire appel à la magie noire et au
21 vaudou, Monsieur le Juge, parce que je suis sûr que vous ne savez pas ce
22 qui se passe au sein de l'Union européenne et quelles sont les forces
23 obscures qui sont en jeu. Donc on invoque Adolf Hitler pour le ressusciter
24 et redonner vie à ceux qui ont raté leurs tentatives de régler leurs
25 comptes avec moi, mais je pense que même Adolf Hitler ne peut pas les
26 aider, car de la même façon que la Russie orthodoxe a réglé ses comptes en
27 1945 avec Adolf Hitler, j'agirai de même en 2010 ou lors d'une des années à
28 venir. Je réglerai mes comptes avec les partisans d'Hitler aujourd'hui qui
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1 sont les instruments du Tribunal de La Haye. Voilà ce que je tenais à vous
2 dire.
3 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj. Comme
4 je l'ai dit au début de l'audience, l'audience d'aujourd'hui marque le
5 début d'un processus et trois requêtes importantes sont en cours d'examen
6 par la Chambre dont l'une est une requête en vue de disqualification des
7 Juges O-gon Kwon et Kevin Parker. Il me semble que je pourrais inviter M.
8 MacFarlane à répondre, et que nous sommes allés aussi loin que nous
9 pouvions le faire à l'étape d'aujourd'hui, car chacun doit attendre qu'une
10 décision soit rendue au sujet de la requête en vue de disqualification des
11 deux autres Juges composant la présente Chambre.
12 M. MacFARLANE : [interprétation] A la réception de la requête en
13 disqualification, j'ai, bien entendu, relu l'article 15 du Règlement, et il
14 apparaît que se contenter d'alléguer un défaut d'objectivité suffit pour
15 entamer une procédure de cette nature. Donc pour cette simple raison, nous
16 convenons que les conditions ne sont pas réunies pour poursuivre
17 aujourd'hui, et si vous souhaitez, Monsieur le Juge, que je vous apporte de
18 arguments complémentaires sur les étapes à venir, je suis prêt à le faire.
19 Mais il semble que le mandat applicable aujourd'hui soit très strictement
20 limité.
21 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Puisque vous êtes
22 debout, Monsieur MacFarlane, y a-t-il d'autres questions préliminaires que
23 vous souhaiteriez évoquer devant moi avant que je ne suspende l'audience ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais également quelque chose à ajouter,
25 Monsieur.
26 M. MacFARLANE : [interprétation] Il y a un point qui découle des
27 commentaires de l'accusé il y a quelques minutes. Normalement j'aurais
28 laissé faire, mais j'estime qu'il est important pour moi d'y répondre
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1 directement, car il apparaît que l'accusé fait droit à une espèce de
2 théorie du complot quant au calendrier de travail, et j'estime qu'il est
3 très important de tirer ce point au clair pour le compte rendu. Il y a déjà
4 des documents qui ont été déposés dans la présente procédure qui
5 l'établisse, mais peut-être pourrais-je brièvement ajouter quelques
6 commentaires pour le compte rendu de l'audience d'aujourd'hui.
7 La théorie du complot développé par l'accusé est simplement erronée. La
8 comparution initiale était prévue au départ pour le 20 avril. J'ai été
9 nommé en tant qu'amicus du bureau du Procureur, et je n'ai tout simplement
10 pas réussi à traverser l'Atlantique en raison des circonstances que la
11 Chambre connaît parfaitement bien, j'en suis sûr. Il y avait, en fait, une
12 centaine de milliers de vols à l'intérieur de l'Europe qui ont été annulés
13 pendant cette période de cinq ou six jours. Je n'ai donc pas pu comparaître
14 et je n'ai pas de co-conseil en l'espèce. Donc cela ne pouvait être que
15 moi, et pas moi ou quelqu'un d'autre.
16 Du point de vue du choix de la nouvelle date, je n'ai pas connaissance des
17 raisons pour lesquelles la date du 29 a été choisie. C'est le Tribunal qui
18 a choisi cette date. Si j'ai bien compris, elle a été fixée en tenant
19 compte de la disponibilité des vols aériens, donc de la reprise des vols
20 transatlantiques et pour cette seule et unique raison. Donc je souhaite
21 exprimer mon désaccord complet avec ce qui vient d'être dit ou sous-entendu
22 par l'accusé.
23 S'il y a d'autres questions préliminaires que la Chambre et vous-même
24 souhaitiez que je traite devant vous, j'aurai plaisir à le faire, mais
25 voilà quels sont mes commentaires pour le moment.
26 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur MacFarlane.
27 Monsieur Seselj, y a-t-il d'autres questions préliminaires que vous
28 souhaiteriez évoquer devant moi avant la suspension d'audience ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, très rapidement.
2 M. MacFarlane, je suppose, sait que le téléphone fonctionne quoi qu'il en
3 soit, même si les avions avaient cessé de voler. Donc il aurait pu déléguer
4 son mandat de représentation. Le fax fonctionnait également. Il aurait pu
5 déléguer à un autre juriste qui aurait comparu devant le Tribunal. Il
6 aurait pu le faire pour la comparution initiale.
7 En deuxième lieu, s'agissant de ma requête en disqualification de deux
8 Juges de la Chambre. Elle comporte 40 pages. Elle a été traduite en
9 anglais, j'ai reçu la traduction il y a quelque temps.
10 J'aimerais souligner deux points importants. Je ne peux pas être jugé
11 par le même Juge à deux reprises dans deux affaires différentes. Ils m'ont
12 jugé dans une procédure en outrage, ils auraient pu me juger une nouvelle
13 fois dans la même affaire si la Chambre d'appel avait donné son accord.
14 Mais nous sommes maintenant dans une affaire complètement nouvelle. Je ne
15 peux pas être jugé par les mêmes Juges en permanence. Cela n'est jamais
16 arrivé par le passé. D'abord, personne n'a été jugé plusieurs fois, et
17 encore moins par les mêmes Juges.
18 Puis j'ai publié trois livres. L'un de ces Juges évoque le Juge
19 Bonomy, qui n'est plus ici. Donc je ne vais plus parler de lui. Des mots
20 assez insultants ont été utilisés dans le titre de ces ouvrages. Si je
21 devais répéter les mêmes mots et que cela entraîne une expurgation du
22 compte rendu d'audience, je préfère ne pas les prononcer pour éviter ce
23 risque. Toutefois, ces livres montrent qu'il y a un conflit entre moi et M.
24 le Juge Kwon et M. le Juge Kevin Parker. Même si ces hommes étaient les
25 meilleures personnes du monde et j'étais la pire personne du monde, après
26 la publication de ces deux ouvrages, ils n'ont plus le droit moral ou
27 professionnel de comparaître dans une salle d'audience, en qualité de Juges
28 susceptibles de me juger. C'est tout à fait clair. Par conséquent, aucun
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1 débat supplémentaire n'est nécessaire sur cette question. Je suis persuadé
2 qu'il est absolument impossible d'un point de vue juridique que ces deux
3 hommes restent membres de la Chambre de première instance qui me jugera.
4 Donc, Monsieur Hall, j'espère que dans les plus brefs délais, vous
5 allez avoir deux nouveaux collègues à vos côtés, qui pourront me juger le
6 plus rapidement possible, quelle que soit la procédure engagée à mon
7 encontre.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.
9 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous sommes toujours au stade de la
11 comparution initiale de l'accusé. Pour des raisons qui ont déjà été
12 évoquées, nous allons maintenant lever l'audience et reporter la poursuite
13 de cette comparution initiale à une date qui sera fixée ultérieurement.
14 Merci.
15 --- La comparution initiale est levée à 15 heures 07 sine die.
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