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2 [Jugement]
3 [Audience publique]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que l'on peut faire entrer
6 l'accusé dans le prétoire.
7 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bonjour.
9 Monsieur le Greffier, veuillez citer la cause.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
11 Messieurs les Juges.
12 Il s'agit de l'affaire IT-03-67-R77.4, dans l'affaire contre Vojislav
13 Seselj.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Aujourd'hui, la Chambre de première
15 instance, composée des Juges Stefan Trechsel, le Président de la Chambre,
16 le Juge O-Gon Kwon et le Juge Melville Baird, rend ce jugement relatif aux
17 allégations d'outrage au Tribunal contre l'accusé Vojislav Seselj.
18 Ce qui suit est un résumé, un résumé du jugement qui ne fait pas partie du
19 jugement de la Chambre de première instance. Seul fait autorité le jugement
20 écrit de la Chambre de première instance dans sa version confidentielle.
21 Cette version sera fournie à l'accusé à l'issue de l'audience. Une
22 traduction en B/C/S du jugement lui sera communiquée ultérieurement. Une
23 version publique et expurgée du jugement sera disponible au public.
24 C'est la Chambre de première instance qui poursuit l'accusé en l'espèce
25 pour outrage au Tribunal, en application de l'article 77 du Règlement de
26 procédure et de preuve du Tribunal. L'acte d'accusation initial a été émis
27 le 9 mai 2011. Il a été modifié le 21 octobre 2011, et encore une fois le
28 29 mars 2012.
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1 L'accusé Vojislav Seselj est accusé d'outrage au Tribunal pour avoir
2 délibérément et sciemment entravé le cours de la justice en ayant refusé de
3 se conformer aux différentes ordonnances de la Chambre de première instance
4 lui demandant d'enlever de son site internet les informations contenant des
5 éléments d'information confidentiels au sujet d'un certain nombre de
6 témoins protégés. Il s'agit notamment des ordonnances suivantes :
7 Le 16 décembre 2009, la Chambre d'appel a ordonné que l'on enlève un livre
8 écrit par l'accusé ainsi que son avis d'appel et le mémoire d'appel déposés
9 de façon confidentielle dans une précédente procédure pour outrage au
10 Tribunal;
11 Le 31 janvier 2011, la Chambre de première instance II a ordonné à l'accusé
12 d'enlever un deuxième livre et deux écritures confidentielles;
13 Le 17 février 2011, la Chambre de première instance II a ordonné à l'accusé
14 d'enlever le troisième livre ainsi que des écritures confidentielles;
15 Le 15 juillet 2011, la Chambre de première instance II a ordonné à l'accusé
16 d'enlever le quatrième livre;
17 Et puis, le 3 novembre 2011, la Chambre de première instance II a ordonné à
18 l'accusé d'enlever une écriture confidentielle.
19 Ces ordonnances ont été émises dans des affaires différentes, y compris
20 dans le procès principal contre Vojislav Seselj ainsi que dans une
21 précédente procédure pour outrage au Tribunal dans laquelle il avait été
22 jugé coupable d'avoir publié des informations confidentielles.
23 Lors de la comparution initiale qui a eu lieu le 6 juillet 2011, et lors de
24 la comparution suivante du 17 avril 2012, l'accusé a plaidé non coupable
25 par rapport aux chefs d'accusation. Lors de la comparution suivante du 4
26 novembre 2011, l'accusé n'a plaidé ni coupable ni non coupable; c'est donc
27 un plaidoyer de non-culpabilité qui a été prononcé en son nom en vertu de
28 l'article 62 lors de la comparution suivante qui a eu lieu le 11 novembre
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1 2011.
2 Plusieurs questions de mise en état se sont posées en l'espèce, des
3 questions qui ont eu un impact sur le procès. La Chambre va les décrire
4 brièvement avant de revenir aux questions de fond.
5 Lors de la Conférence de mise en état du 19 mars 2012, l'accusé a déclaré
6 qu'il déposerait en tant que témoin dans son propre procès et que son
7 conseiller juridique, qui est également son conseiller juridique dans le
8 procès principal contre l'accusé, mènerait l'interrogatoire principal.
9 L'accusé a également déclaré qu'il avait l'intention de demander la
10 récusation du Juge Kwon. Dans la décision écrite du 24 avril 2012, la
11 Chambre a ordonné à l'accusé de soumettre sa demande de récusation du Juge
12 Kwon par écrit dans le délai de sept jours à partir de la réception de la
13 traduction de la décision de la Chambre du 24 avril. Dans ce même délai,
14 l'accusé devait également soumettre sa liste des témoins et de pièces à
15 conviction.
16 Le 15 mai 2012, conformément au délai imparti, l'accusé a
17 effectivement communiqué sa liste des témoins. Cependant, il n'a pas soumis
18 de demande écrite portant sur la récusation du Juge Kwon. D'après la liste
19 des témoins, l'accusé s'est proposé d'être le seul témoin dans cette
20 affaire.
21 Le 30 mai 2012, la Chambre a été informée que l'OLAD, le bureau du
22 Greffe chargé de l'aide juridictionnelle et des questions juridiques, avait
23 fait droit à la demande de l'accusé, à savoir de permettre à son conseiller
24 juridique dans le cadre de son procès principal de lui rendre visite dans
25 le quartier pénitencier avec l'assurance de la confidentialité et de la
26 communication entre l'avocat et son client en vue de préparations pour la
27 présentation des moyens de la Défense. L'OLAD avait, en revanche, refusé la
28 demande de l'accusé qui avait demandé que son commis à l'affaire dans le
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1 procès principal participe également à ces sessions.
2 La Chambre avait programmé une Conférence préalable au procès pour le
3 12 juin 2012, en ayant prévu que le procès suivrait immédiatement après
4 celle-ci. La Chambre avait également décidé que le conseiller juridique
5 pourrait mener l'interrogatoire principal de l'accusé. Lors de la
6 Conférence préalable au procès, l'accusé a fait valoir, entre autres, qu'on
7 lui a refusé le droit à l'aide juridique à cause du refus de l'OLAD de sa
8 demande, la demande qu'il avait formulée au sujet de son commis à
9 l'affaire. L'accusé a demandé que la Chambre revienne sur la décision en
10 permettant à son commis à l'affaire d'être présent. Après s'être retirée
11 pour délibérer, la Chambre a décidé qu'elle ne reviendrait pas sur sa
12 décision. Suite à cela, l'accusé a déclaré que, dans l'absence de son
13 conseiller juridique et de son commis à l'affaire, il ne serait pas en
14 mesure de présenter sa défense car il n'y avait personne pour pouvoir
15 conduire l'interrogatoire principal.
16 La Chambre a considéré que la Conférence de mise en état était donc
17 terminée et est passée au procès proprement dit. La Chambre a pris note du
18 fait que l'acte d'accusation et le document à l'appui de l'acte
19 d'accusation avaient été signifiés à l'accusé. La Chambre a ensuite invité
20 l'accusé de présenter ses moyens de défense en se présentant lui-même à la
21 barre des témoins; la Chambre avait précisé qu'elle allait elle-même
22 conduire l'interrogatoire principal. L'accusé a répété qu'il n'était pas en
23 mesure de présenter sa défense et qu'il ne souhaitait pas participer à la
24 procédure tant qu'on ne lui ait pas donné la possibilité d'avoir la
25 présence de son conseiller juridique et de son commis à l'affaire.
26 Après une deuxième pause que la Chambre a mise à profit pour examiner
27 la demande de l'accusé, la Chambre a décidé que le procès allait être
28 reporté d'une semaine, au 18 juin 2012. La Chambre a également répété que
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1 le conseiller juridique était le bienvenu, mais qu'elle ne garantissait pas
2 l'utilisation du commis à l'affaire. La Chambre a également mis en garde
3 l'accusé en lui disant que s'il persistait dans son comportement, la
4 Chambre n'allait pas continuer avec le procès.
5 Le 18 juin 2012, le conseiller juridique n'était pas présent. Les
6 Juges ont donc invité l'accusé à la barre des témoins en lui indiquant
7 qu'au lieu de l'interroger, ils allaient lui offrir la possibilité
8 d'exprimer son point de vue par rapport aux faits, plutôt que de le
9 soumettre à un interrogatoire. L'accusé a déclaré qu'il refusait de
10 présenter sa défense en avançant l'argument qu'on lui avait refusé le
11 droit, pourtant garanti, de bénéficier de la présence de son conseiller
12 juridique et de son commis à l'affaire, un droit donc pourtant garanti par
13 la procédure.
14 Suite à cela, la Chambre a pris note du fait que tous les points
15 pertinents à l'affaire sont dans le dossier de l'affaire et a donc invité
16 l'accusé à prononcer son plaidoyer. Dans son plaidoyer, l'accusé a, entre
17 autres, avancé l'argument que le procès était partial et a remarqué que
18 c'est l'OLAD qui avait désigné le commis à l'affaire à son procès principal
19 ainsi qu'à une précédente procédure pour outrage au Tribunal. L'accusé a
20 également fait valoir que la Chambre l'avait empêché de présenter sa
21 défense. Après cela, la Chambre a clôturé le procès.
22 Je vais maintenant en venir au fond de cette affaire.
23 Le Tribunal dispose d'une compétence inhérente pour garantir que
24 l'exercice de la compétence que lui confère le Statut ne soit pas compromis
25 et que ses fonctions judiciaires fondamentales soient protégées. L'article
26 77(A) dispose que le Tribunal, dans l'exercice de son pouvoir inhérent,
27 peut déclarer coupables d'outrage les personnes qui entravent délibérément
28 et sciemment le cours de la justice.
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1 L'élément matériel du crime que constitue le fait d'entraver le cours
2 de la justice comprend tout comportement délibéré qui crée un véritable
3 risque de porter atteinte à la confiance dans la capacité du Tribunal à
4 accorder des mesures de protection efficaces. Une violation d'une
5 ordonnance du Tribunal per se constitue une entrave. L'élément mental est
6 établi lorsqu'un accusé a entravé délibérément et sciemment le cours de la
7 justice.
8 La Chambre a examiné l'affaire sous le régime de l'article 77(A), par
9 opposition à l'article 77(A)(ii), parce que M. Seselj est accusé d'outrage
10 au Tribunal pour n'avoir pas respecté les ordonnances de la Chambre
11 l'enjoignant à enlever du site web des documents confidentiels, et non pas
12 pour avoir communiqué lesdits documents confidentiels.
13 Eu égard à l'élément matériel, la Chambre a conclu qu'en raison des
14 ordonnances délivrées par différentes Chambres, l'accusé était obligé
15 d'enlever les livres et les documents confidentiels de son site web. Il a
16 été déterminé qu'il n'a pas respecté et exécuté ces ordonnances. Il n'est
17 pas contesté que l'accusé était à même de prendre des mesures positives
18 pour enlever ou faire en sorte que soient enlevés les documents en
19 question. A cet égard, la Chambre de première instance a pris bonne note de
20 ses déclarations relatives à certains documents, déclarations présentées
21 lors d'une audience dans la principale affaire Seselj, ainsi que ses
22 écritures déposées devant la Chambre de première instance numéro II suivant
23 lesquelles il n'avait pas l'intention d'enlever l'un des livres. La Chambre
24 a également prise en considération les déclarations de l'accusé durant le
25 procès dans la deuxième affaire d'outrage contre lui, déclarations qui
26 prouvent et démontrent qu'il maîtrise parfaitement le contenu et les ajouts
27 sur son site web. En dernier lieu, la Chambre a examiné une écriture
28 déposée devant la Chambre par la personne sous le nom duquel le site a été
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1 enregistré suivant laquelle l'accusé, "est le seul propriétaire du site web
2 et décide en toute exclusivité de ce qui y figure."
3 Eu égard à l'élément mental, la Chambre a pris bonne note des différents
4 récépissés que l'accusé a présentés pour confirmer réception des deux
5 ordonnances qu'il n'a pas respectées, dans lesquelles les décisions et les
6 écritures sont mises en exergue. La Chambre a pris note du fait que
7 l'accusé a déclaré de façon très explicite à propos de l'un de ses livres
8 qu'il n'avait pas l'intention de respecter l'ordonnance pertinente
9 l'enjoignant à l'enlever du site web. La Chambre a également acté sa
10 déclaration devant la Chambre de première instance III dans la principale
11 affaire Seselj, suivant laquelle il avait placé sur le site web des
12 documents confidentiels qui avaient trait à un témoin protégé.
13 Pour ces raisons, la Chambre est convaincue que l'élément matériel
14 d'outrage, en application de l'article 77(A), a été prouvé au-delà de tout
15 doute raisonnable et que l'accusé était informé des ordonnances et de son
16 obligation à enlever du site web les documents confidentiels en question.
17 Par conséquent, la Chambre a conclu que l'accusé est coupable d'outrage au
18 Tribunal car il a entravé délibérément et sciemment le cours de la justice
19 en n'exécutant pas les ordonnances de la Chambre.
20 Nous allons maintenant aborder la question relative à la peine, en
21 application de l'article 77(G). La peine maximale qu'encourt une personne
22 convaincue d'outrage est de sept ans d'emprisonnement ou d'une amende de
23 100 000 euros, ou les deux. La gravité de l'outrage et la nécessité de
24 dissuader une récidive et des comportements semblables de la part d'autres
25 sont des facteurs pris en considération pour fixer la peine. La Chambre a
26 également considéré l'existence de circonstances aggravantes ou
27 atténuantes.
28 Ce procès porte sur une grave affaire d'outrage au Tribunal résultant d'un
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1 manquement à respecter les ordonnances du Tribunal. Les ordres et les
2 décisions dont l'accusé a été informé le contraignent à enlever ou à faire
3 en sorte que soient enlevés les documents confidentiels du site web. Le
4 non-respect de ces ordonnances est une affaire grave, qui, non seulement
5 entrave le cours de la justice mais risque d'ébranler la confiance du
6 public dans le Tribunal et, de ce fait, l'efficacité de sa fonction
7 judiciaire, notamment sa capacité à accorder des mesures de protection
8 effectives et efficaces en cas de besoin.
9 La Chambre a considéré comme facteur aggravant les défis répétés face à
10 l'autorité du Tribunal. Le caractère répétitif de son comportement est
11 démontré par son refus continu de respecter les ordonnances exigeant qu'il
12 enlève les documents confidentiels qu'il avait divulgués à maintes reprises
13 au cours de plusieurs années. Ce mépris flagrant pour les ordonnances de la
14 Chambre constitue une attaque directe de l'autorité judiciaire du Tribunal.
15 L'accusé a déjà été condamné à deux reprises pour outrage au Tribunal. Dans
16 les deux affaires, il a été condamné car il avait divulgué des informations
17 confidentielles ainsi que des éléments de preuve relatifs à des témoins
18 protégés dans deux des livres mis en cause en l'espèce. Ces condamnations
19 ont été considérées comme des facteurs aggravants.
20 La Chambre de première instance s'est interrogée sur l'existence de
21 circonstances atténuantes, telles qu'une indication ou un signe de remords,
22 mais a jugé qu'il n'en existait pas.
23 Pour ces raisons, la Chambre de première instance fixera une peine qui
24 tiendra compte de la gravité du crime de l'accusé en l'espèce et de la
25 nécessité de dissuasion.
26 Monsieur Seselj, veuillez vous lever, je vous prie.
27 L'ACCUSE : [interprétation] Vous voulez que je me lève pour vous ? Mais
28 vous n'êtes pas normaux. Vous êtes des brigands de calibre global. Pourquoi
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1 voulez-vous qu'un voïvode chetnik se lève pour vous ?
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La Chambre a conclu à votre
3 culpabilité pour un chef d'outrage au Tribunal, en application des articles
4 54 et 77 du Règlement, la Chambre, à la majorité, M. le Juge Trechsel
5 exprimant une opinion dissidente, vous condamne à une peine unique
6 d'emprisonnement de deux ans.
7 J'ai présenté en annexe une opinion dissidente relative à la peine fixée.
8 J'aurais préféré une peine beaucoup moins sévère.
9 L'audience est close.
10 --- L'audience est levée à 9 heures 27.
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