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3 [Plaidoiries]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
7 présentes dans ce prétoire et autour de celui-ci.
8 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire au rôle.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
10 L'affaire IT-04-83-T, le Procureur contre Rasim Delic.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
12 Pouvons-nous avoir les présentations, commençant par l'Accusation.
13 M. MUNDIS : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
14 Bonjour à toutes et à tous, à la Défense, au général Delic, aux personnes
15 se trouvant autour du prétoire, et dans celui-ci. Daryl Mundis, Matthias
16 Neuner, Laurie Sartorio, Kyle Wood, Aditya Menon, et notre commis à
17 l'affaire, Djurdja Mirkovic.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 Pour la Défense ce sera.
20 Mme VIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
21 Madame et Messieurs les Juges. Bonjour aux représentants de l'Accusation, à
22 toutes les personnes se trouvant dans ce prétoire et autour de celui-ci.
23 Nicholas Robson et moi-même pour défendre le général Delic, et nous avons
24 Lejla Gluhic, Lana Deljkic, Asja Zujo, et notre interne Claire Bonnel.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Vidovic.
26 Maître Robson, bonjour.
27 M. ROBSON : [interprétation] Bonjour.
28 Dans cette partie de nos plaidoiries, je vais revenir sur les affirmations
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1 que fait l'Accusation pour ce qui est des faits reprochés, et quelques mots
2 sur la peine également.
3 Commençons par les allégations en matière de faits incriminés. Comme
4 l'Accusation l'a fait, j'ai ventilé en trois sujets : d'abord, les crimes
5 apparemment commis le 8 juin; ceux du mois de juillet de 1995; et en
6 troisième lieu, ceux de septembre 1995.
7 Commençons par le premier sujet, Bikosi. Dans son mémoire en clôture,
8 paragraphe 195, l'Accusation laisse entendre qu'El Moudjahidine pour le
9 camp de Poljanice s'est livré à des combats avec la 306e Brigade à Malina,
10 le 8 juin 1993. Lundi, l'Accusation a dit que la participation des
11 Moudjahidines n'était pas un incident aléatoire.
12 Dans notre mémoire en clôture, paragraphes 204 à 209, nous disons de façon
13 détaillée qu'aucune preuve n'a été apportée de la participation des
14 Moudjahidines avec cette unité, même dans le village de Maline ou que ce
15 soit ailleurs ce jour-là. Dans son argumentaire, l'Accusation fait valoir
16 que la Chambre ne doit accorder aucun poids à ce qu'a dit Saban Alic, un
17 témoin à charge, membre des Moudjahidines de Poljanice. Pourquoi ? Parce
18 que, a-t-on dit, il avait passé moins d'une semaine avec les Moudjahidines
19 au moment des combats.
20 Rappelez-vous, Madame et Messieurs les Juges, M. Alic a dit qu'il n'y avait
21 aucun lien avec la 306e Brigade et qu'il n'y avait eu aucun dispositif
22 préalable de conclu. Il a dit qu'ils avaient appris qu'ils allaient monter
23 au combat la veille de l'action même. Ce que nous disons c'est que même
24 s'il n'avait été qu'un simple fantassin, la semaine qu'il a passée avec ce
25 petit groupe de Moudjahidines aurait suffit pour qu'il sache s'il y avait
26 des plans qui se préparaient afin que les Moudjahidines participent à des
27 combats avec l'ARBiH.
28 Ce qui compte davantage encore, c'est que ceci corrobore ce que d'autres
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1 témoins à charge ont dit. Aucun d'entre eux, rappelez-vous, n'a mentionné
2 qu'il y aurait eu des combats conjoints avec l'armée de Bosnie. Des membres
3 de la 306e Brigade, Osman Fusko et Sinan Begovic, l'ont confirmé, l'armée
4 n'a pas combattu aux côtés des Moudjahidines.
5 L'Accusation a fait valoir que le témoin sur lequel il fallait se reposer
6 c'était Ali Hamad. Pourtant, celui-ci, il l'a dit clairement au moment où
7 il y a les combats du 8 juin, il était basé à Bijelo Bucje, et lorsqu'il a
8 essayé de se diriger vers la vallée de la Bila, il n'a pu aller que jusqu'à
9 Travnik. Il a expliqué il l'a fallu près de dix jours après les combats,
10 les combats du 8 juin, pour refaire la jonction avec les Moudjahidines.
11 Pages de compte rendu 60 et 61 de sa déposition de septembre 2007.
12 Ce témoin n'était pas à Mehurici, pas plus qu'il n'était à Poljanice
13 lorsque des plans ont été préparés en vue de combat. Ceci se voit aussi
14 dans la partie du compte rendu mentionnée par l'Accusation l'autre jour,
15 page 29. Il parlait de façon générale lorsqu'il a parlé de contacts avec
16 l'ARBiH, il ne pensait pas au combat du 8 juin.
17 Nous l'avons dit dans notre mémoire en clôture, et ce qu'il a dit par la
18 suite l'indique clairement, les Moudjahidines n'étaient pas contrôlés par
19 l'ARBiH.
20 Lundi, l'Accusation vous a également montré des cartes annotées par
21 témoins, pièce 99 et pièce 64, mais ces pièces ne montrent pas que les
22 Moudjahidines auraient combattu aux côtés de l'ARBiH.
23 Hier, ma consoeur a mentionné rapidement la pièce 64, la pièce de Begovic,
24 parce que c'était un document basé sur de l'ouï-dire. Mais même si vous,
25 vous attachez de l'importance à ce document, que peut-on dire à propos
26 d'une distance d'un kilomètre entre les unités de l'ARBiH et les
27 Moudjahidines le 8 juin. Ceci montre, bien entendu, qu'ils n'ont pas
28 combattu côte à côte.
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1 Parlons maintenant de Guca Gora, ce qui a été mentionné par l'Accusation
2 lundi. On a laissé entendre que les événements concernant Ali Hamad à Guca
3 Gora indiquaient que le chef des Moudjahidines avait accepté l'ordre
4 d'Alagic qui était de ne pas faire sauter l'église. Je ne veux pas
5 m'attarder trop longtemps là-dessus parce que c'est dans le paragraphe 118
6 dans notre mémoire en clôture, et Me Vidovic a effleuré la question hier.
7 Mais rappelez-vous, Ali Hamad a déclaré dans sa déposition que les
8 Moudjahidines avaient menacé de tuer Mehmed Alagic à l'église. Nous le
9 voyons, page du compte rendu 120 de sa déposition du 8 septembre de l'année
10 dernière.
11 Ali Hamad a confirmé que si on avait décidé de ne pas faire sauter ou
12 d'endommager l'église, c'est que ce monsieur avait estimé que c'était mieux
13 de ne pas avoir un conflit avec les Musulmans de Bosnie, en tout cas c'est
14 ce que pensait le ministère de la Justice.
15 Aucune de ces pièces n'indique un lien de contrôle effectif.
16 L'affirmation la plus importante de l'Accusation dans son mémoire en
17 clôture en ce qui concerne les assassinats de Bikosi, c'est qu'apparemment
18 ce serait les Moudjahidines qui en seraient responsables de ceux du camp de
19 Poljanice. L'Accusation affirme que l'auteur est venu de ce camp. Au
20 contraire, nous avons expliqué au paragraphe 228 de notre mémoire en
21 clôture qu'il y a eu des éléments différents qui ont été présentés quant à
22 l'origine de ces Moudjahidines. Mais une chose est claire, aucun témoin n'a
23 jamais dit qu'ils étaient venus du camp, pas plus qu'ils n'ont dit qu'ils
24 venaient du paramètre extérieur à ce camp.
25 L'Accusation affirme que Halim Husic a confirmé que le Moudjahidine de
26 Poljanice était le seul groupe présent dans la zone, mais il a dit tout à
27 fait le contraire dans son témoignage. Je le cite : "Au cours de cette
28 période, il y avait plusieurs groupes différents qui souvent avaient des
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1 intérêts conflictuels et qui étaient actifs dans les zones différentes." Il
2 a expliqué ce qu'il en était du groupe de Guca Gora. De plus, il a dit que
3 le 10 juin 1993, il avait vu des hommes à Guca Gora et qu'il avait appris
4 plus tard qu'ils venaient de Guca Gora. Il a dit de Guca Gora à Bikosi, il
5 n'y a que deux kilomètres, par une voie bitumée qui, en fait, est très
6 courte et qui reliait les deux localités.
7 Une des caractéristiques les plus remarquables de la thèse de
8 l'Accusation se retrouve dans le mémoire en clôture. On ignore tous les
9 éléments de preuve montrant qu'il y avait d'autres groupes de Moudjahidines
10 actifs en Bosnie centrale, tant en 1993 qu'en 1995. Dans son argumentation,
11 l'Accusation a laissé entendre que les groupes de Moudjahidines, les autres
12 dont a parlé la Défense au paragraphe 230 de son mémoire, n'avaient pas de
13 membres bosniaques dans ses rangs.
14 Dans ce paragraphe, mis à part le groupe de Moudjahidines de
15 Poljanice, nous nous sommes appuyés sur des cas pour montrer qu'il y avait
16 trois autres groupes : Abu Hamza, son groupe à Guca Gora; la Guérilla
17 turque de Zenica et le groupe d'Abu Zubeir.
18 Tout d'abord --
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'ils avaient aussi des
20 Bosniens locaux ?
21 M. ROBSON : [interprétation] Oui. Si vous voulez regarder la pièce 179, je
22 vais vous montrer pourquoi.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voulais simplement vous poser la
24 question.
25 M. ROBSON : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir cette pièce 179.
26 Qu'allons-nous voir ? C'est un document que la Chambre a souvent vu. Il
27 s'agit de la lettre de Hadzihasanovic du 13 juin 1993. Dans cette lettre,
28 nous voyons au premier paragraphe, il dit ceci : "Dans la zone générale de
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1 la municipalité de Zenica, depuis le début de la guerre, il y a des
2 volontaires venant de pays étrangers, des Turcs et des Arabes, mais aussi
3 un groupe de Bosniaques qu'ils ont formé, les supposer Guérilleros."
4 Il est donc clair à la lecture de cette lettre, que ce groupe de Guérillas
5 comprenait des habitants du coin, et Halim Husic s'est vu poser la question
6 lorsqu'il a déposé.
7 Voici ce qu'on lui a demandé. C'est mon confrère de [imperceptible] : "Un
8 instant, s'il vous plaît. Quand vous dites 'Guérilla de Zenica', est-ce que
9 ce sont des étrangers ou des gens du coin ?"
10 Il a répondu : "C'était une Guérilla turque qui se composait surtout
11 d'étrangers."
12 Donc il a confirmé aussi qu'il y avait certains habitants de la région dans
13 ces rangs. C'est très important, en rapport avec la déposition de M. Husic,
14 car sa déposition montre que ces Moudjahidines, la Guérilla turque,
15 opéraient dans la zone le 10 juin, très peu de temps après les assassinats.
16 Pour ce qui est du groupe d'Abu Hamza, ce n'est pas la Défense qui doit
17 prouver qu'il y avait des habitants de la région dans ce groupe, mais nous
18 relevons que l'Accusation n'a pas cité de témoins pour montrer que ce
19 groupe se serait composé uniquement d'étrangers.
20 On laisse entendre aussi que le groupe d'Abu Zubeir se composait uniquement
21 d'étrangers. Dans son argumentaire, l'Accusation s'est appuyée sur la
22 déposition de PW-9, qui a dit qu'à sa connaissance ce groupe ne comptait
23 que des Arabes. Cependant, regardez cette même déclaration, paragraphe 101.
24 Nous le voyons, PW-9 a entendu parler du groupe d'Abu Hamza seulement à la
25 fin de 1994. L'Accusation n'a pas cité de témoins pour montrer qu'il n'y
26 avait pas de Bosniens locaux dans le groupe d'Abu Zubeir en juin 1993, 18
27 mois plus tôt.
28 Par conséquent, au vu des faits, le fait que où il y a eu des Moudjahidines
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1 non loin du camp de Poljanice ne peut pas vous pousser à conclure au-delà
2 de tout doute raisonnable que c'étaient des membres du groupe El
3 Moudjahidine qui étaient basés là. Il ne peut manifestement pas être exclu
4 que les Moudjahidines qui se sont livrés à ces assassinats étaient membres
5 des autres groupes présents dans la région ou même un ramassis ponctuel de
6 personnes locales et étrangères qui se sont livrées à des faits criminels.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant que vous ne passiez à autre
8 chose, restant à ce sujet, manifestement, ce qui attire l'attention de la
9 Chambre c'est le schéma des attaques du 8 juin. On voit les deux formations
10 qui descendent. Je le reconnais, c'est ce qu'a dit ce soldat que vous avez
11 mentionné, mais nous n'avons pas de raisons de douter que ce qu'il nous a
12 dit quant à la façon dont se sont opérés ces déplacements n'aurait pas été
13 vraie. On a l'impression qu'il y a eu un mouvement coordonné de deux
14 unités.
15 Est-ce que vous nous dites ici que c'est un simple hasard, une coïncidence
16 que ces unités se sont déplacées dans le même sens, ou est-ce qu'il peut y
17 avoir eu une forme de planification ?
18 M. ROBSON : [interprétation] Je pense que vous parlez de Sinan Begovic. Me
19 Vidovic vous l'a dit hier, il n'a rien vu. C'est simplement par ouï-dire
20 qu'il s'est formé cette explication qu'il vous a montrée hier lorsqu'il a
21 tracé cette carte. Il n'a pas de connaissances véritables de ce qui s'est
22 passé ce jour-là.
23 N'oubliez pas que d'après les preuves il y avait d'autres groupes dans la
24 région. En tout cas, c'est certain le groupe d'Abu Hamza n'était qu'à deux
25 kilomètres de là, pas loin du tout. La route était bonne, asphaltée, qui
26 reliait ces deux endroits. A notre avis, les éléments de preuve montrent
27 qu'on ne peut pas exclure que ça aurait été un des autres groupes qui était
28 à proximité à ce moment-là.
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1 Si vous voulez bien, je vais revenir à l'accusation de traitement cruel au
2 regard des événements de Bikosi. L'Accusation doit montrer qu'il y avait un
3 acte intentionnel ou une omission intentionnelle qui a été commise et a
4 provoqué des atteintes graves à la santé physique ou mentale ou aurait
5 constitué une atteinte grave à la dignité de l'homme.
6 Rappelez-vous, au vu des pièces soumises pendant le procès Hadzihasanovic,
7 trois témoins ont parlé des événements de Bikosi, dont Berislav Marijanovic
8 et Zdravko Pranjes, deux témoins que nous, nous avons entendus aussi, et la
9 Chambre a conclu qu'aucune Chambre raisonnable n'aurait pu conclure qu'il y
10 avait eu des traitements cruels. L'accusé Hadzihasanovic a été acquitté de
11 ce chef d'accusation. C'était une décision portant acquittement en
12 application de l'article 98 bis du 27 septembre 2004. A notre avis, les
13 éléments présentés ici portant sur les traitements cruels ne sont pas plus
14 solides.
15 Autre affirmation principale de l'Accusation, le général Delic aurait le
16 contrôle effectivement des Moudjahidines le 8 juin 1993. Manifestement, ce
17 n'est pas le cas. C'est l'Accusation qui doit prouver que les auteurs, en
18 tout cas les membres d'un groupe identifiable, l'auraient fait et qu'ils
19 étaient sous le contrôle effectif du général Delic au moment de la
20 commission des crimes.
21 Au paragraphe 253 de notre mémoire en clôture, nous donnons des détails
22 quant au moment où ont eu lieu ces assassinats à Bikosi. Une conclusion
23 raisonnable serait de dire que ça s'est passé vers midi ou en début
24 d'après-midi au plus tard. Osman Fusko avait déjà reçu des informations
25 portant sur ces assassinats dans le courant de l'après-midi. Par
26 conséquent, au vu des éléments de preuve, l'Accusation n'a pas réussi à
27 prouver que la décision de nommer Delic comme chef de l'état-major
28 principal aurait été prise avant la commission des crimes. Même s'il avait
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1 été nommé chef du Grand état-major, la norme à appliquer ici c'est qu'il
2 n'aurait dû avoir exercé un contrôle effectif sur les auteurs présumés. Un
3 contrôle effectif de facto sur ses subordonnés immédiats, ceci n'a pas été
4 établi avant 20 heures le 8 juin 1993. Par conséquent, son autorité ne
5 pouvait pas passer par les échelons inférieurs de la hiérarchie, pas avant
6 un stade ultérieur. Il faut qu'il y ait une coïncidence temporelle parfaite
7 entre les crimes et le contrôle effectif, et nous faisons valoir qu'en
8 aucune façon il n'aurait pu exercer de contrôle effectif au moment où les
9 crimes ont été commis.
10 Madame et Messieurs les Juges, permettez-moi aussi de relever que
11 l'Accusation n'a même pas abordé la question de l'heure dans son mémoire en
12 clôture.
13 De plus, dans ce mémoire en clôture, l'Accusation dit qu'il y a des raisons
14 convaincantes qui poussent à s'écarter de ce qui a été décidé dans l'appel
15 interlocuteur Hadzihasanovic. Paragraphe 228 du mémoire de l'Accusation.
16 Mais l'Accusation n'a pas tenu compte du fait que cette décision
17 interlocuteur est devenue un élément de jurisprudence constante appuyée par
18 la Chambre d'appel dans l'appel Halilovic, paragraphe 67. Aucun juge en
19 appel n'a eu d'opinion dissidente et c'est donc une jurisprudence constante
20 que cette Chambre doit appliquer.
21 Parlons maintenant de la question de la connaissance concernant Bikosi.
22 La connaissance effective des assassinats de Bikosi, à ce propos au
23 paragraphe 229 du mémoire de l'Accusation, plusieurs facteurs sont évoqués.
24 L'Accusation dit que la Chambre doit les examiner pour savoir s'il y a eu
25 connaissance effective des crimes, que si celle-ci peut n'en être déduite.
26 Aucun ou très peu de ces facteurs ne peuvent aider à l'Accusation. Si
27 d'ailleurs on s'appuie sur ces facteurs, tous vous pousseront à conclure
28 que le général Delic n'avait pas de connaissance effective.
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1 L'Accusation affirme que le général Delic avait été précisément
2 informé des assassinats du 8 juin par le Témoin PW-3. Mais les éléments
3 présentés par ce témoin n'étaient pas dignes de foi ou ils ne permettaient
4 pas de conclure raisonnablement que le général Delic n'avait pas reçu de
5 communications écrites à propos de ces assassinats ou qu'il en aurait
6 informé en personne.
7 Pour ce qui est de la communication écrite de PW-3, l'Accusation affirme
8 que le centre de communication de Sivoka normalement aurait dû envoyer les
9 pièces 170 et 171 au général Delic. Dans notre mémoire en clôture,
10 paragraphes 276 et 312, nous énumérons plusieurs facteurs qui auraient pu
11 entraver la transmission de cette communication.
12 Lundi, l'Accusation a insisté sur plusieurs documents envoyés au général
13 Delic entre juin et août 1993, et il semblerait que l'Accusation fasse
14 valoir que parce qu'on peut être sûr que le général Delic a reçu une
15 poignée de documents au cours de cette période, on peut être sûr qu'il a
16 reçu toutes les communications qui lui étaient destinées.
17 Ce ne serait pas raisonnable de faire une telle supposition pour les
18 raisons que nous avançons dans notre mémoire, l'Accusation n'a pas prouvé
19 au-delà de tout doute raisonnable que ces documents auraient effectivement
20 été transmis à M. Delic, pièces 170 et 171.
21 De plus, dans son mémoire en clôture, paragraphe 238, l'Accusation affirme
22 que le général Delic n'a pas répondu à une question de fond que l'on trouve
23 dans la pièce 174, une lettre qui mettait en garde à propos des forces
24 armées musulmanes qui menaçaient de séparer et de diviser le 3e Corps. Nous
25 l'avons expliqué dans notre mémoire, au contraire le général Delic a bien
26 reçu cette lettre et il a réagi en envoyant la pièce 225, ceci a été
27 confirmé par le Témoin PW-3.
28 Par conséquent, où est-ce que ceci nous amène ? A notre avis, les éléments
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1 de preuve le montrent clairement, là où la Chambre peut être sûre que le
2 général Delic a reçu une demande d'assistance, il a réagi, il a essayé de
3 résoudre le problème posé.
4 La thèse de l'Accusation en un mot est de dire que le général Delic a reçu
5 les communications de PW-3 portant sur des problèmes avec les
6 Moudjahidines, et que pour des raisons inconnues, il aurait simplement
7 ignoré le sujet. Cependant, cet argument n'est pas logique si l'on tient
8 compte du fait que le 16 juin 1993, moins d'une semaine après les
9 assassinats de Bikosi - et n'oubliez pas que le général Delic n'avait pas
10 été averti de ce qui s'était passé - il a préparé la pièce 163. Rappelez-
11 vous c'était un ordre qu'il donnait à ses subordonnés, Hadzihasanovic en
12 l'occurrence, pour que des mesures soient prises afin que le Groupe de la
13 guérilla moudjahidine soit amené à Zenica dans un système de contrôle et de
14 direction. Dans cet ordre, le général Delic dit ceci, faute de quoi
15 Hadzihasanovic et là je cite l'ordre, "ne doit témoigner d'aucune
16 hospitalité envers eux et doit finir par les désarmer."
17 Cet élément de preuve montre que le général Delic n'avait aucun moyen de
18 faire appliquer cet ordre parce que ses subordonnés ont conspiré de façon
19 active pour saper ses actions. Cet acte est aussi important parce qu'il
20 montre que le général Delic était prêt à prendre des mesures pour essayer
21 de venir à bout du groupe des Moudjahidines. Dans le contexte que nous
22 avons exposé de façon détaillée dans notre mémoire en clôture, le fait
23 qu'il n'a pas répondu aux pièces 170 et 171 vous oblige à une seule
24 conclusion, une conclusion qui est la seule raisonnable, à savoir qu'il
25 n'avait pas reçu ces lettres.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que c'est vraiment la seule
27 conclusion raisonnable ?
28 M. ROBSON : [interprétation] En tout cas, elle ne peut pas être exclus.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est la seule conclusion
2 raisonnable ? Est-ce qu'on ne pourrait pas dire raisonnablement aussi qu'il
3 a peut-être décidé de ne pas y répondre, qu'il les a ignorées ou qu'il a
4 oublié d'y répondre ?
5 M. ROBSON : [interprétation] Manifestement, ce n'est pas l'avis que nous
6 défendons.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends bien. Je le comprends
8 bien, mais je dis simplement, est-ce qu'il n'y a pas plus qu'une seule
9 conclusion raisonnable ?
10 M. ROBSON : [interprétation] En temps utile, vous allez soupeser les
11 éléments de preuve et vous verrez si vous tenez compte de nos arguments et
12 de nos conclusions; mais pour le moment, nous disons que la conclusion
13 raisonnable c'est qu'il n'a pas reçu les documents en question.
14 On affirme aussi que PW-3 a discuté de certains sujets avec le général
15 Delic, l'Accusation en parle au paragraphe 239 de son mémoire. La Chambre a
16 essayé de poser des questions à ce témoin pour savoir s'il avait discuté de
17 certains sujets mais il n'y a pas vraiment eu de réponse. Aucune mention de
18 sa part de ce qu'il aurait discuté des Moudjahidines avec Delic. Donc on
19 n'a jamais tiré au clair la question de savoir si certains sujets avaient
20 été évoqués.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je trouve que quand on en a parlé avec
22 lui, il a simplement haussé les épaules.
23 M. ROBSON : [interprétation] Exact, Monsieur le Président. Mais aussitôt
24 après cela vous verrez il a commencé à parler de problèmes avec la 7e
25 Brigade musulmane.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais il me semblerait qu'il en a
27 discuté avec le général Delic.
28 M. ROBSON : [interprétation] Mais il a dit qu'il avait eu une discussion
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1 avec le général Delic, mais on ne sait pas exactement de quels sujets ils
2 ont parlé.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais à propos de Bikosi, il a dit que
4 le général Delic avait haussé les épaules.
5 M. ROBSON : [interprétation] Nous, notre interprétation c'est qu'il n'était
6 pas du tout clair lorsqu'il a parlé des assassinats de Bikosi.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons vérifier. Je vous
8 remercie.
9 M. ROBSON : [interprétation] Il s'ensuit que l'Accusation n'a pas prouvé
10 que le général Delic aurait jamais été informé des assassinats de Bikosi.
11 Pour ce qui est de la question de la connaissance, nous tenons à insister
12 sur ceci, l'Accusation n'a pas pu prouver que les auteurs de ces
13 assassinats de Bikosi seraient devenus plus tard membres du Détachement El
14 Moudjahidine. C'est essentiel pour que l'Accusation puisse prouver que ces
15 assassinats de Bikosi étaient pertinents pour montrer que l'accusé avait
16 des raisons de savoir que des crimes allaient plus tard être commis par le
17 Détachement El Moudjahidine. Rappelez-vous l'appel à Hadzihasanovic,
18 paragraphe 30, il montre que l'Accusation doit prouver que ce même groupe
19 de subordonnés aurait participé à chacune des infractions alléguées.
20 Pour ce qui est du résultat des enquêtes menées plus tard en 1993,
21 l'Accusation affirme dans son mémoire que le résultat des enquêtes
22 d'octobre 1993 le contredit directement, ce que général Delic savait déjà.
23 Je vous l'ai dit à l'instant, nous, nous arguons que le général Delic n'a
24 jamais reçu d'information avant la lettre d'Izetbegovic du 17 octobre 1993.
25 Lundi, M. le Juge Moloto, a dit ceci : d'après le souvenir que vous avez du
26 mode de transmission de l'information d'Izetbegovic à Delic n'était pas en
27 conflit avec l'information venant de PW-3; mais nous ne pensons pas que ce
28 soit le cas.
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1 Est-ce que nous pouvons passer à huis clos partiel ?
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
4 [Audience à huis clos partiel]
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10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Robson, à vous.
12 M. ROBSON : [interprétation] Merci. Alors, je reste sur le même sujet.
13 Ce que nous savons, Monsieur le Président, c'est que suite à la lettre du
14 président Izetbegovic, le général Delic avait donné bel et bien l'ordre de
15 diligenter une enquête. Lorsqu'il a reçu un rapport du 3e Corps, il avait
16 tout à fait le droit de se fonder sur celui-ci.
17 Lundi, l'Accusation a affirmé que la période de temps de quatre jours
18 pour obtenir une réponse était un délai trop court pour que cette enquête
19 soit diligentée rapidement. Mais le fait que ce rapport soit reçu
20 rapidement ne doit pas être retenu contre le général Delic. La lettre du
21 président Izetbegovic datée du 17 octobre demandait à ce qu'un rapport soit
22 rédigé le plus rapidement possible. Bien entendu il y a celui de Dzemal
23 Merdan, qui était le deuxième des officiers dans l'ordre de la hiérarchie
24 au sein du 3e Corps. Bien entendu le général Delic est censé lui faire
25 confiance, s'appuyer dessus.
26 Le rapport où on a fait référence également c'est le site où ont été
27 enterrées des personnes, et c'est le site évoqué par les membres de la
28 communauté internationale pour ce qui est des Croates de Bosnie. Il est
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1 fait référence à la 306e Brigade, et l'impression qui se dégage c'est qu'il
2 y a eu une investigation de conduite à des échelons plus bas.
3 Il n'y a pas de rapport qui dirait qu'il n'y aurait pas de raisons où le
4 général Delic aurait rejeté la teneur de rapport qui lui serait envoyé par
5 la sécurité militaire. Alors, l'enquête diligentée par ces sécurités
6 militaires a beaucoup plus de poids, indépendamment des rapports portant
7 sur des crimes qu'il aurait déjà reçus auparavant.
8 Alors, Madame, Messieurs les Juges, le Procureur a laissé entendre que le
9 bureau du procureur militaire de Zenica n'a jamais reçu de plaintes pour
10 délits au pénal concernant ce qui s'est passé à Bikosi. Je me réfère au
11 paragraphe 241.
12 Nous en avons parlé dans notre mémoire de clôture, mais ce que je
13 voudrais rappeler, c'est que la pièce à conviction 881 contient une liste
14 de dossiers sélectionnés qui sont repris dans le bureau du procureur public
15 de Zenica. En page 3 en B/C/S on voit qu'il y a un dépôt de plainte au
16 pénal déposé contre Bezim Spahic, qui se trouvait à la tête de la
17 municipalité de Zenica ou qui avait une fonction de ce genre. Entre autres,
18 cela se rapporte à Maline et à Bikosi. On voit une autre plainte au pénal
19 de déposée contre un commandant du 3e Corps, à savoir Hadzihasanovic.
20 Dans son témoignage, le procureur public de Zenica, M.
21 Hadziselimovic, ne pouvait pas exclure la possibilité de dire que ces
22 crimes sont en corrélation avec ce qui s'est passé avec Bikosi. Donc il en
23 découle que le procureur n'a pas réussi à prouver au-delà du doute
24 raisonnable qu'il n'y a pas eu d'enquête de diligentée à l'encontre de
25 quelque individu que ce soit ou qu'il n'y a eu personne de poursuivi pour
26 les crimes de Bikosi.
27 Monsieur le Président, et Madame, Monsieur les Juges, je voudrais
28 passer à un deuxième sujet qui serait la base de crime du mois de juillet.
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1 Comme vous le savez, comme les Juges de la Chambre en ont eu vent,
2 les éléments se rapportent à deux sites : le village de Livada et le camp
3 de Kamenica.
4 Alors qu'il s'agit de Livade, le Procureur affirme que deux soldats
5 capturés de la VRS, Knezevic et Momir Mitrovic ont été emmenés à Livada
6 pour y être exécutés.
7 Tout d'abord, nous ne sommes pas d'accord pour dire que l'on a
8 déterminé les identités de ces deux personnes exécutées à Livada. Les
9 allégations relatives aux identifications faites par Velibor Trivicevic
10 sont faites dans des circonstances plus que difficiles.
11 Si on se penche sur les pièces à conviction sur lesquelles se fonde
12 l'Accusation pour établir l'identité de ces personnes, et je me réfère aux
13 pièces à conviction 1174 et 644, il n'y a pas de chaîne de filière de
14 conservation de ces éléments de preuve, et si on prend les échantillons de
15 reste de ces cadavres retrouvés à Bozici en mai 2006, ça nous amène à des
16 rapports d'ADN d'octobre 2006 où on dit qu'il s'agit de Knezovic et
17 Mitrovic. Mais personne ne nous a expliqué comment ces échantillons ont été
18 pris pour être analysés.
19 On ne dit pas dans ces analyses ce qui s'est passé, on ne sait pas
20 non plus où ces échantillons ont été envoyés. Les numéros d'identification
21 relatifs à ces cadavres ne coïncident pas de façon appropriée aux numéros
22 d'identification dans les rapports d'ADN.
23 Par conséquent, les Juges de la Chambre sont censés imaginer comment le
24 processus s'est passé et dans sa présentation de son affaire, la Défense a
25 fait savoir que les éléments de preuve médico-légaux sont contestés. Il ne
26 suffit pas que l'Accusation fasse référence à deux notes de bas de page
27 pour qu'il y ait corrélation établie par les Juges de la Chambre. C'est une
28 approche qui n'est pas appropriée pour ce qui est d'une procédure au pénal,
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1 notamment lorsqu'il s'agit de ce type de questions. Mis à part, les
2 éléments de preuve médico-légaux ne prouvent pas au-delà de tout doute
3 raisonnable qu'il s'agit de Predrag Knezevic et de Momir Mitrovic.
4 Deuxièmement, s'agissant de ces exécutions, l'élément le plus important est
5 le fait de ne pas pouvoir dire avec certitude qui est-ce qui a tué ces deux
6 hommes, et s'il s'agissait de membres d'un groupe identifiable, et
7 notamment s'il s'agissait des membres de ce Détachement El Moudjahidine.
8 Nous allons nous souvenir du fait que les éléments de preuve qui en parlent
9 montrent que des hommes auraient entendu du bruit, des cris, et que les
10 Moudjahidines qui assuraient le gardiennage des prisonniers sont sortis en
11 courant et sont revenus avec une tête découpée. La théorie de l'Accusation
12 dit que ce gardien ne pouvait pas être seul auteur de ce méfait.
13 Madame, Messieurs les Juges, indépendamment du nombre de cartes
14 tridimensionnelles qu'on pourrait montrer, ça ne rend pas la pièce à
15 conviction plus forte. Une procédure pénale ne doit pas se baser sur des
16 spéculations et des hypothèses. Nous n'avons aucune idée de l'auteur ou des
17 auteurs. Nous ne savons pas s'ils ont été tués à Livada ou ailleurs. Le
18 Procureur ne peut pas prouver que ces meurtres ont été commis par les
19 membres du El Moudjahidine ni prouver dans quelles circonstances ces
20 exécutions ont été commises.
21 Alors je passe au site suivant, la base de crime du mois de juillet, à
22 savoir campement de Kamenica.
23 Lorsqu'il s'agit de Gojko Vujicic, l'Accusation n'est pas en mesure de
24 déterminer dans la mesure nécessaire pour ce qui est d'une procédure au
25 pénal, que l'auteur de ce meurtre se trouvait être un membre de ce
26 Détachement El Moudjahidine. Dans les mémoires de clôture, il est dit par
27 l'Accusation au paragraphe 153, qu'après avoir transféré les prisonniers au
28 camp de Kamenica, ils ont été inspectés par des soldats de l'ABiH qui
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1 n'étaient pas membres de ce Détachement El Moudjahidine.
2 Ceci indique que la théorie de l'Accusation dans son argumentation
3 affirme qu'il y avait des membres de l'armée qui n'étaient pas membres de
4 ce Détachement El Moudjahidine qui avaient accès à Kamenica et qu'ils
5 avaient concrètement accès aux prisonniers de la VRS. Ce que je veux
6 rappeler c'est qu'il n'y a pas eu d'autres éléments de preuve montrant
7 qu'il y avait eu des gens qui n'étaient pas membres de ce Détachement El
8 Moudjahidine. Je rappelle aussi que Mme Sartorio a dit qu'il n'y avait pas
9 d'éléments de preuve pour dire qu'un autre groupe se serait servi de ce
10 camp.
11 Ce qui est prouvé c'est qu'il n'y avait pas une bonne sécurité et
12 qu'il y avait des gardiens qui faisaient le tour du campement. Est-ce qu'il
13 y avait une clôture ou des barbelés pour garder les visiteurs indésirables
14 à l'extérieur de ce camp. On a également dit qu'aucun autre groupe n'avait
15 rendu visite à ce camp.
16 Partant de ce que l'Accusation a allégué, à savoir que personne à
17 l'extérieur de ce Détachement El Moudjahidine n'avait accès à ce camp, il
18 en découlerait que le Procureur ne saurait exclure la possibilité de voir
19 que l'auteur pourrait avoir été quelqu'un qui ne serait pas membre de ce
20 Détachement El Moudjahidine.
21 Pour ce qui est maintenant des allégations au sujet des comportements ou
22 des méfaits du camp de Kamenica au mois de juillet, l'Accusation affirme,
23 au paragraphe 252, que les soldats de la VRS ont été soumis à de mauvais
24 traitements à partir du moment de leur capture jusqu'au dernier moment de
25 leur détention. L'Accusation dit que ces mauvais traitements ont été
26 incessants et que cela a duré pendant toute la durée de la détention. Il a
27 été démontré qu'il n'y a pas eu de preuve pour ce qui est de ce type
28 d'allégations de la part des Procureurs.
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1 Nous voudrions convier les Juges de la Chambre à se pencher sur le
2 fait de savoir si ces gens ont quitté le camp ou pas; et il y a des
3 descriptions faites par les témoins eux-mêmes avec des mains ligotées ou
4 des pieds liés, et une ou deux dents de cassées, pas d'autres blessures.
5 D'après, M. le Dr Sikanic, pour ce qui est de ce dénommé Gojko
6 Vujicic, il était l'un des autres prisonniers qui avait subi des blessures,
7 et une autre personne qui s'appelait Goran Stokanovic. Dans sa déclaration
8 en page 9, le Dr Sikanic a dit que cet homme avait une grande blessure à la
9 jambe, blessure par balle. Nous n'avons pas affirmé qu'il n'y avait pas de
10 mauvais traitements, mais nous voulions dire que ces prisonniers ont été
11 soignés pendant qu'ils se trouvaient là-bas.
12 Pour ce qui est de l'argumentation présentée par l'Accusation disant
13 que Velibor Trivicevic aurait dit qu'un garçon avait coupé au couteau son
14 oreille, ce que je voudrais dire c'est que M. Trivicevic a aussi témoigné
15 du fait que ses deux oreilles étaient entières et intactes et que ces
16 petites coupures, que ces coupures à l'oreille ou traces de coupures
17 étaient plutôt petites.
18 Comme on l'a dit dans nos écritures, les conditions et les
19 circonstances de détention ont évolué et se sont améliorées au fur et à
20 mesure.
21 Alors maintenant on en arrive au dernier sujet, qui est la base de
22 crimes du mois de septembre.
23 Je vais d'abord parler des exécutions alléguées de Milenko Stanic et
24 de Zivinko Todorovic, qui sont censées avoir pris place à proximité de
25 Kesten.
26 D'après Milenko Stanic, l'Accusation s'appuie sur les dires de DRV-3
27 [comme interprété] et de PW-10. Dans DRV-3, il est dit que l'homme que l'on
28 dit s'appelait Milenko Stanic a été tué à côté de la route conduisant vers
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1 Kesten. D'après son témoignage, il n'a pas été prouvé qu'on l'ait retrouvé
2 et qu'il avait un statut protégé.
3 Par contre, pour ce qui est du PW-10, un témoin de la règle 92 bis a
4 dit que Stanisic a été tué à l'extérieur de Kesten. Donc en guise de
5 résultat, il semblerait que c'est un Moudjahidine qui l'a tué et qui
6 l'aurait poignardé à plusieurs reprises. Mais il n'est pas clair si DRV-3
7 et PW-10 ont parlé vraiment du même incident.
8 Plus loin, PW-10 dit qu'Izet Karahasanovic aurait indiqué aux Juges
9 de la Chambre que deux soldats de la VRS auraient été tués ce matin-là, et
10 ce, sur la route en direction de Kesten. Nous n'avons pas pu faire venir ou
11 faire comparaître ce témoin pour vérifier ces dires.
12 Comme on l'a dit dans le mémoire en clôture, au paragraphe 577,
13 lorsqu'on a interrogé le Témoin DRW-3, on lui a demandé s'il connaissait
14 Zivinko Todorovic, et il a répondu par la négative. Lundi, l'Accusation
15 vous a convié à ne pas prêter attention à cette réponse. Ils ont demandé de
16 prêter attention à sa déclaration faite auprès du ministère de l'Intérieur
17 où elle a donné une description de l'exécution, du meurtre.
18 Madame et Messieurs les Juges, un Tribunal pénal ne devrait pas
19 fonctionner ainsi. Si un témoin a des trous de mémoire on peut toujours
20 demander à ce que le document lui soit montré afin que sa mémoire soit
21 rafraîchie. En l'occurrence, cela n'a pas été fait, et bien que le témoin
22 ait témoigné par vidéoconférence, on aurait pu toujours recourir à ce type
23 d'action.
24 La position de la Défense est celle de dire qu'il n'y a pas
25 suffisamment d'éléments de preuve pour déterminer que les auteurs des
26 exécutions sur la route de Kesten étaient des membres de ce El
27 Moudjahidine. C'était l'une des questions que vous aviez également posée
28 vous-même, à savoir la question numéro 1.
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1 Je vais passer maintenant à ce qui suit, à savoir les allégations les
2 plus graves disant qu'un groupe de 51 prisonniers de la VRS a été exécuté.
3 Nous voulons dire que l'Accusation n'a pas prouvé que ce groupe de 51
4 personnes avait été capturé par des membres du El Moudjahidine pour être
5 emmené au camp de Kamenica. Ce que nous voulons dire c'est que leurs
6 allégations se fondent sur des éléments de preuve peu fiables.
7 Pour parler ou pour en venir à la question numéro 2 de la part des
8 Juges, je voudrais dire que Marko Maric est arrivé dans cette salle de
9 Kesten et cela fait l'objet de la question numéro 2. Nous disons qu'il
10 n'est pas clair s'il est arrivé ou pas dans cette salle. La seule chose
11 qu'on nous laisse entendre c'est que c'est ce qui figure à l'avant-dernier
12 paragraphe de PW-10 où on dit que Marko Maric manquait dans le groupe des
13 52 ou 53. Mais on ne dit pas où est-ce qu'on a vu pour la dernière fois cet
14 individu, et il n'y a pas eu d'informations claires pour indiquer qu'il s'y
15 trouvait.
16 C'est la réponse que nous apportons à la question numéro 2.
17 Si nous nous penchons sur les éléments de preuve concernant la
18 capture de 51 prisonniers, les récits des témoins oculaires ne peuvent pas
19 nous assister pour ce qui est de déterminer lequel des groupes, est-ce les
20 Moudjahidines ou un autre qui l'avait fait.
21 Comme l'Accusation l'a si fermement affirmé lundi en disant que la
22 déclaration en application de la règle 92 ter faite par Muhamed Omerasevic
23 prouvait que c'étaient les Moudjahidines qui avaient pris ces prisonniers,
24 et c'est dit au paragraphe 76. Toutefois, le témoin se réfère à ces
25 personnes qui ont pris des prisonniers comme en disant que c'étaient des
26 Arabes. Cela ne nous permet pas d'établir que c'étaient des membres du
27 Détachement El Moudjahidine.
28 Les éléments de preuve montrent que les membres de ce Détachement El
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1 Moudjahidine et les membres d'autres groupes de Moudjahidines étaient vêtus
2 de façon similaire. Ils portaient des uniformes ou combinaison militaire et
3 vêtements civils, ils venaient de toute une série de pays différents, ils
4 portaient tous la barbe, et bon nombre de Bosniens en avaient également.
5 L'Accusation s'est fondée sur des documents pour prouver que ce
6 Détachement El Moudjahidine a participé à des combats non loin de Kesten le
7 10 et 11 septembre, mais les éléments de preuve documentaires montrent que
8 ce Détachement El Moudjahidine s'était dirigé vers Kvrge en s'éloignant de
9 ce site-là.
10 Fuad Zilkic a confirmé que lorsqu'ils ont pris en charge les soldats
11 de la VRS, il avait vu les soldats du groupe El Moudjahidine partir vers
12 Kvrge. Donc si on tire ça du contexte, il semblerait que cela n'est pas
13 très loin, mais dans des circonstances d'activité militaire et dans un
14 terrain si accidenté et si montagneux comme celui de Vozuca-Ozren, cela est
15 une distance quand même assez considérable.
16 Il ne peut pas être affirmé au-delà de tout doute raisonnable que le
17 groupe qui s'est emparé de ces prisonniers était celui-là ou un autre
18 groupe de Moudjahidines qui intervenait dans le secteur. Je tiens également
19 à vous rappeler qu'Ali Hamad, que l'Accusation avait décrit comme étant
20 l'un des plus importants des témoins dans l'affaire, a dit que le groupe
21 Abu Zubeir se trouvait présent dans la région de Vozuca-Ozren. Vous allez
22 vous souvenir de la carte qu'il a tracée de façon très précise en montrant
23 que le groupe d'Abu Zubeir passait directement par le secteur de Kesten.
24 L'un des éléments dont les Juges de la Chambre peuvent être certains
25 lorsqu'il s'agit des combattants Moudjahidines qui ont tué les prisonniers
26 de la VRS, le témoin a dit qu'il avait vu des membres de ce groupe d'Abu
27 Zubeir et son adjoint en train de perpétrer ces meurtres.
28 L'Accusation se réfère sur toute une série de témoignages viva voce
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1 et sur des témoignages en application du 92 bis. Ce que je voudrais
2 indiquer lorsque les Juges de la Chambre se montreront sur les dires des
3 témoins en parlant de la base de crime, il s'agit de réétudier les dires de
4 chaque témoin et chaque élément de preuve de façon individuelle afin de
5 décider si l'on peut suffisamment s'appuyer sur les dires de chacun de ces
6 témoins, cela doit être fait attentivement.
7 Si vous voyez qu'un témoin ou une pièce à conviction est suffisamment
8 fiable et qu'on peut s'y fier, on peut passer au témoignage du témoin
9 suivant et aux éléments de preuve présentés pour voir si c'est le cas. Mais
10 ce qui ne peut pas être fait, c'est savoir si le premier témoin est fiable
11 et se pencher en même temps sur le témoignage du deuxième et du troisième
12 et déterminer s'ils disent la même chose. Et s'il n'y a pas la même chose
13 de dite, on affirmerait que le premier est fiable. Alors, cette façon de
14 procéder est une méthode de corroboration qui se trouverait être inexacte.
15 Dans notre long mémoire de clôture, nous avons présenté les raisons
16 pour lesquelles DRW-3 et PW-7 ne peuvent être considérés comme étant des
17 témoins fiables à tout point de vue. Pour tous ces témoins, ce qui est
18 commun, c'est qu'il s'est passé beaucoup de temps avant qu'il ne leur soit
19 demandé de faire des déclarations, et en sus de ce fait, ils ont dit eux-
20 mêmes qu'ils avaient des difficultés à se souvenir des événements.
21 Il est évident qu'au fil du temps la mémoire se fait défaillante et
22 on mélange certaines choses, et on peut dire que le Témoin DRW-3 a fait sa
23 première déclaration en novembre 1999, le même jour que DRW-1 et 2. Pour ce
24 qui est de PW-12 et PW-7, les premières déclarations datent du mois de mars
25 2000, et bien que PW-12 ait eu besoin de plus d'une année pour faire ces
26 déclarations.
27 Pour s'éloigner maintenant de l'aspect de la fiabilité de ces
28 témoins, ce que je voudrais indiquer, c'est que ce que l'Accusation a mis
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1 en exergue lundi, c'est que nous n'avons jamais mis en contestation la
2 crédibilité de ces trois témoins.
3 Et nous disons tout à fait le contraire. Donc il s'agit de se pencher
4 attentivement sur les dires de tout témoin et sur toute pièce à conviction,
5 et sans cela, aucun fait ne saurait être déterminé.
6 Maintenant pour ce qui est des trois femmes, nous avons expliqué que
7 les éléments de preuve montraient que ces femmes ont été emmenées par des
8 membres d'un autre groupe, pas celui qui a pris les 51 personnes de Kesten.
9 Que montrent les éléments de preuve ? Ces femmes ont pu être capturées par
10 un autre groupe qui ne se trouvait pas être le Détachement El Moudjahidine.
11 A la différence de ce que l'Accusation a dit lundi, nous n'avons
12 jamais affirmé que DRW-3 n'avait entendu que de la langue bosniaque de
13 parlée, nous avons dit que c'était la langue prédominante qu'elle avait pu
14 entendre.
15 Lundi, l'Accusation nous a fait savoir qu'elle se trouvait à Kamenica
16 et que c'était un membre de la police militaire qui l'avait affirmé, cela
17 diffère de ce que l'Accusation a dit dans son mémoire de clôture au
18 paragraphe 335. Là ils ont affirmé que ce sont les soldats sur le premier
19 site qui ont identifié l'endroit comme étant Kamenica.
20 Le fait est que dans le témoignage de DRW-3, ce point de vue est
21 assez confus. Elle a d'abord affirmé que l'endroit où elle a d'abord été
22 détenue se trouvait être Kamenica, et qu'il y avait là-bas un soldat à la
23 porte d'entrée. Ensuite, elle a dit que les femmes une fois arrivées à
24 l'école, elle leur a demandé si elles savaient si elles se trouvaient à
25 Kamenica, elles auraient répondu que non. Ensuite, on lui a demandé si le
26 nom du site lui aurait été donné par l'un des soldats de l'ABiH qu'ils ont
27 pris à Podbrezje, et elle a clairement dit que c'étaient ces deux soldats
28 qui le lui avaient dit.
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1 Toutefois, dans son témoignage, Zakir Alispahic, le membre de la
2 police militaire qui a emmené ces deux femmes, a clairement indiqué que ce
3 n'était pas lui qui avait dit à ces femmes où ils se trouvaient, il ne
4 savait pas où elles avaient été non plus.
5 Dans ce type de circonstances, nous pensons qu'il serait tout à fait
6 peu sûr pour les Juges de la Chambre de conclure du fait que cette femme
7 avait reçu des informations au terme de quoi elle se trouvait à Kamenica à
8 l'époque où elle était détenue ou est-ce qu'elle s'y trouvait une fois
9 qu'elle a été relâchée.
10 Dans son mémoire de clôture, au paragraphe 343, l'Accusation affirme
11 que ces trois femmes ont été emmenées de Kamenica vers Podbrezje pour y
12 être exposées à des tortures psychiques. La Défense conteste les
13 allégations pour ce qui est de Vatrostalno et de Podbrezje, et affirme que
14 cela est un comportement cruel, mais ce n'est pas de la torture.
15 Nous affirmons que l'Accusation n'a pas affirmé qu'il y a eu des
16 mauvais traitements à Vatrostalno et à Podbrezje dans son mémoire préalable
17 au procès. Nous avons entendu parler de ces allégations rien qu'au mémoire
18 final, ce qui fait que la Défense n'a pas été informée de l'intention
19 d'alléguer que Vatrostalno était l'un des sites qui était reproché à
20 l'Accusation dans l'acte d'accusation.
21 Monsieur le Président, je vais maintenant parler brièvement d'un
22 groupe de dix prisonniers.
23 Lorsqu'il s'agit de ces prisonniers, vous avez entendu les
24 témoignages de PW-12 et PW-7. Nous affirmons que leurs dires sont
25 contradictoires et peu fiables, notamment lorsqu'il est question de ce qui
26 leur a été dit par d'autres personnes. L'un des éléments-clés des pièces à
27 conviction sur lesquelles s'appuie l'Accusation est le fait que PW-12 a dit
28 qu'il avait entendu des personnes sortir et qu'il a entendu des coups de
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1 feu. Maintenant, si vous vous penchez sur les arguments de l'Accusation
2 dans son mémoire de clôture, les termes utilisés disent qu'il croyait que
3 les prisonniers de guerre détenus ont été amenés et descendus par
4 l'escalier, et il a dit qu'il pensait que ces personnes-là étaient
5 exécutées à l'occasion des tirs qu'on a pu entendre.
6 Nous pensons que l'utilisation de ce type de langage signale aux
7 Juges de la Chambre que c'est là une chose sur laquelle on ne saurait se
8 fonder.
9 Madame, et Messieurs les Juges, pour ce qui est de la documentation
10 utilisée par l'Accusation, j'aimerais par exemple évoquer le fax
11 intercepté, la pièce à conviction 666 [comme interprété]. Il n'est pas
12 établi que les membres du Détachement El Moudjahidine ont emmené ces
13 prisonniers. Comme vous vous en souviendrez, il s'agit d'un rapport de
14 combat que les membres du Détachement envoyaient à leur supérieur à
15 l'étranger et où ils vantent d'avoir commandé cette opération.
16 Le témoin de l'Accusation PW-4 a dit que ce document n'était pas
17 exact. Egalement, le Témoin PW-4 [comme interprété], lorsqu'on lui a posé
18 une question sur le fait d'avoir pris 60 personnes et de les avoir
19 emprisonnées, vous vous rappellerez qu'il y a dit concernant cette
20 question, il a dit : "Oui, effectivement. Ceci peut être une référence à
21 quelque unité que ce soit concernant les combattants."
22 Bien sûr, le Témoin PW-9 était en mesure de savoir de quoi il en était
23 concernant le Détachement, et il a été très clair lorsqu'il a dit qu'il
24 n'avait jamais capturé un si grand nombre de prisonniers de guerre.
25 Je vais maintenant parler de l'article 92 bis, l'article sur lequel se
26 penche l'Accusation. D'après le Témoin PW-10, le témoin nous raconte
27 comment les soldats de l'ABiH l'ont sauvé et l'ont emmené. Ceci est
28 mentionné au paragraphe 328.
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1 Maintenant, le fait qu'on n'a pas dit au témoin où se trouvait son père ou
2 où se trouvaient d'autres prisonniers, ceci nous indique que l'ABiH et les
3 officiers qui étaient présents sur place ne savaient pas en réalité où les
4 prisonniers de la VRS avaient été capturés et emmenés.
5 Enes Malicbegovic, un autre témoin 92 bis, dit avoir entendu qu'il y avait
6 un centre qui se trouvait au 13ième kilomètre et c'est là qu'on avait envoyé
7 des prisonniers de guerre. Toutefois, si l'on prend la déclaration de ce
8 dernier du 18 octobre 2007, en fait, ce qu'il nous dit, il a dit : "J'ai
9 entendu que le Détachement avait un centre au 11ième et 12ième kilomètre, et
10 qu'on avait capturé et emmené des personnes, mais ce n'est que de l'ouï-
11 dire."
12 Il poursuit pour dire que : "Personne du centre de sécurité de la Brigade
13 n'avait essayé de s'enquérir sur le sort des prisonniers de guerre qui
14 avaient été capturés."
15 Egalement, dans son autre déclaration du 18 janvier 2007 [comme
16 interprété], M. Malicbegovic dit : "Je ne peux pas me souvenir que la
17 Brigade au poste de commandement avancé avait reçu une information
18 s'agissant des 50 prisonniers de guerre qui avaient été pris, et je ne me
19 rappelle pas non plus que notre service avait reçu de rapport envoyé par
20 Karahasanovic."
21 Vous vous souviendrez que M. Malicbegovic, un témoin, parlait justement de
22 ceci, et c'est un témoin 92 bis. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire
23 en clôture, les éléments de preuve concernant d'autres témoins qui sont
24 venus déposer nous démontrent qu'aucun élément de preuve n'a été donné pour
25 conclure que le Détachement El Moudjahid avait capturé un très grand nombre
26 de prisonniers.
27 Je vais maintenant vous parler de l'exhumation. L'Accusation prétend qu'il
28 y avait sept hommes qui ont été exhumés de Kamenica. Dans notre mémoire en
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1 clôture, nous avons expliqué les manquements dans cette thèse.
2 Alors que l'Accusation au début ne parle que de cinq hommes qui
3 avaient été trouvés, plus tard ils nous disent que dans leur mémoire en
4 procès, l'Accusation nous dit qu'il y avait six corps, effectivement, qui
5 auraient été trouvés à Zavidovici [comme interprété]. Si vous vous penchez
6 sur la pièce 655 et 645, vous verrez qu'il y a -- on ne peut pas trouver de
7 rapport de l'ADN et donc on ne peut pas établir un lien entre les corps
8 trouvés et les personnes manquantes.
9 Donc pour conclure, nous soutenons que l'Accusation a omis d'établir que le
10 Détachement El Moudjahid a emmené le groupe, un groupe de 51 prisonniers,
11 que ces derniers avaient été envoyés pour être tués au camp de Kamenica.
12 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vais très brièvement
13 parler de la peine, aborder les questions de la peine, si je puis.
14 Effectivement, si vous estimez que le général Delic est coupable, à ce
15 moment-là il faudra dispenser une peine, mais nous estimons que ce dernier
16 n'est pas coupable.
17 Le fait que le général Delic avait la position la plus élevée au sein de
18 l'ABiH, ceci constitue un facteur aggravant.
19 Si vous prenez le jugement en appel de Hadzihasanovic, au paragraphe 230,
20 on décrit que la position d'autorité en soi ne doit pas attirer une
21 sentence plus élevée. Ce n'est qu'un abus d'une autorité telle par un
22 supérieur qui peut être une situation aggravante.
23 Le fait que le général Delic n'était -- mais nous savons que le général
24 Delic n'est pas un homme qui a abusé de son autorité.
25 Deuxièmement, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'aimerais
26 vous ramener à ce qui s'est passé au début de cette affaire. Vous vous
27 souviendrez que l'Accusation a tenté d'obtenir que l'affaire du général
28 Delic soit renvoyée en Bosnie-Herzégovine. Maintenant, je vais faire
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1 référence à certains arguments qui ont été inclus dans notre mémoire en
2 clôture. Nous estimons qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve
3 pour prouver la culpabilité de notre accusé. Nous avons entendu un très
4 grand nombre d'éléments de preuve, et nous estimons que l'Accusation n'a
5 pas prouvé la culpabilité de l'accusé.
6 Dans la requête 11 bis, l'Accusation sous-tend que l'affaire entourant le
7 général Delic est différente des autres accusés. Lors de l'audience 11 bis,
8 M. Mundis a dit qu'il y avait une différente quantitative et qualitative
9 entre un commandant militaire qui donnait des ordres et un commandant dont
10 il y a des actes d'accusation qui pèsent contre lui conformément à
11 l'article 7(3).
12 Contrairement à un très grand nombre d'accusés qui comparaissent devant ce
13 Tribunal, le général Delic n'a pas conspiré, n'a pas planifié d'attaquer un
14 Etat. Il n'a pas donné d'ordres s'agissant d'activités militaires qui ont
15 détruit la vie de personnes innocentes.
16 Ce n'est que le contraire qui est la vérité. Il s'agit ici d'un homme qui a
17 travaillé et qui voulait faire en sorte que l'organisation devienne stable
18 et il voulait établir un système de commandement. Il a parlé des unités de
19 volontaires, il a mis en place des systèmes d'information pour plusieurs
20 sections des armées et il s'est toujours plié aux exigences du droit
21 international humanitaire.
22 Monsieur le Président, l'été 1995 démontre que le général Delic était
23 engagé dans un processus de paix et de stabilité pour la Bosnie-
24 Herzégovine.
25 Le général Delic a apporté un apport très important pour la stabilité et la
26 paix de ce pays. Il a emmené une stabilité et il a mis fin au cauchemar à
27 un très grand nombre de Bosniaques qui vivaient dans ce pays. C'est la
28 raison pour laquelle nous estimons qu'il doit être traité de façon décente
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1 et il doit faire objet de --
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez quelque chose à
3 dire ?
4 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois que nous
5 pourrions peut-être prendre une pause en ce moment, et nous aurons 45
6 minutes.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Prenons une pause
8 maintenant et nous retournerons dans 30 minutes.
9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 10.
10 --- L'audience est reprise à 10 heures 46.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis.
12 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 [Duplique de l'Accusation]
14 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
15 Juges, quelques points à soulever dans le cadre de notre réplique.
16 Je souhaiterais d'abord apporter une correction, une correction qui a
17 été mentionnée par la Défense. La note en bas de page 350 dans le mémoire
18 en clôture de l'Accusation devrait être corrigée. La note en bas de page
19 fait référence à la pièce 65. En fait, il faudrait la remplacer par la
20 pièce 97. J'ai compilé certaines diapositives, en réalité, et tout est très
21 clair dans les diapositives.
22 Si vous prenez le tableau 4 dans le mémoire en clôture de l'Accusation, et
23 si vous comparez ce tableau aux entrées de la pièce 97, qui de nouveau
24 correspond à la note en bas de page 350, les noms qui sont mentionnés au
25 tableau 4 se trouvent en réalité à la pièce 97, dans la diapositive, et
26 cette diapositive nous démontre très clairement ceci.
27 La note en bas de page 350 dans le mémoire en clôture de l'Accusation
28 devrait être remplacée par -- le numéro 65 devrait être remplacé par 97.
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1 Ensuite, mon éminent confrère M. Robson a soulevé une question
2 concernant les auteurs ou les auteurs allégués des crimes commis à Bikosi.
3 Je souhaiterais attirer l'attention de la Chambre en faisant une
4 comparaison avec la pièce 65 et la pièce 97.
5 Ce que nous avons fait ici sur cette diapositive que vous avez sous
6 les yeux, nous avons énuméré les noms qui sont énumérés dans la liste 65.
7 C'est la liste des soldats transférés qui faisaient partie du Détachement
8 El Moudjahidine. Les noms qui sont surlignés sont les noms qui figurent
9 également sur la pièce 97 qui est une pièce du mois de février 1996, vous
10 vous rappelez, et c'est une liste qui fait état des membres du Détachement
11 El Moudjahidine.
12 Je soulève ceci en relation avec les commentaires faits par M. Robson
13 ce matin concernant l'entrée numéro 1, Ishak Aganovic, et l'entrée numéro
14 38, Zihmad Sejdic. Vous vous souviendrez, Madame, Messieurs les Juges, que
15 ces deux noms ont été évoqués par les survivants de l'incident Bikosi, ces
16 deux personnes étant deux personnes qui étaient sorties du camp de
17 Poljanice. Ils étaient responsables pour les crimes commis à Bikosi.
18 Si vous faites une recherche aux transcripts pour ces deux noms,
19 Ishak Aganovic, et au numéro 2, Zihmad Sejdic, numéro 38 -- Zihmad Sejdic
20 et numéro 2, Aganovic Ishak, vous verrez que non seulement que les auteurs
21 allégués des crimes commis à Bikosi sont ces deux-là, mais également que
22 ces deux personnes étaient des membres du Détachement El Moudjahidine, et
23 ceci également vers la fin de la guerre. Ceci est bien expliqué ici à la
24 pièce 97.
25 Je souhaiterais maintenant aborder un autre sujet et attirer
26 l'attention de cette Chambre de première instance.
27 Me Vidovic ainsi que M. Robson plus tôt ont parlé de la question des
28 fax envoyés à l'étranger par le Détachement El Moudjahidine. Je
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1 souhaiterais simplement attirer votre attention sur ce qui a été dit hier,
2 à la page 23 et à la page 43, concernant les fax qui avaient été envoyés à
3 Milan, mais également je voudrais vous expliquer quelle est notre position
4 concernant ces fax ou ces communications interceptés qui étaient envoyés
5 par le Détachement El Moudjahid aux sources se trouvant à l'extérieur de la
6 République de Bosnie-Herzégovine.
7 L'Accusation fait valoir que ces télécopies étaient sans doute des outils
8 de propagande destinées à obtenir des subventions pour le Détachement El
9 Moudjahid. Nous estimons que ces fax n'ont pas la même valeur que leur
10 donne la Défense et par leurs arguments vous demande de leur donner cette
11 même valeur.
12 Nous disons ceci car vous avez entendu certains témoins qui sont venus
13 déposer devant vous. Le Témoin PW-9 a déposé le 17 avril en réponse à une
14 question, il a dit : "Nous avons vu aujourd'hui les documents reproduits
15 par le centre de presse concernant les documents qui avaient été envoyés à
16 l'étranger."
17 Il avait dit : "Oui, effectivement, en réponse à cette question on pourrait
18 dire cela."
19 Ensuite, il poursuit pour dire dans sa déposition à la suite des questions
20 qu'on lui a posées concernant le bulletin qui parlait d'un appel au Djihad,
21 il dit : "Les personnes qui ont reçu le rapport envoyé par le détachement
22 ont envoyé l'information et ont mené une sorte de propagande pour l'appeler
23 ainsi, propagande au bénéfice du détachement."
24 Il poursuit plus loin, en disant : "Permettez-moi de vous donner une
25 illustration qui vous donnerait une idée très claire de la façon dont les
26 choses fonctionnent. En Arabie saoudite, par exemple, il avait Abu Muaz qui
27 était chargé d'obtenir de l'argent et c'est lui qui avait reçu des rapports
28 du Détachement El Moudjahid. Il s'est servi de cette information pour aller
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1 voir les Sheiks et les hommes fortunés pour voir s'il y avait des donateurs
2 potentiels. Il leur a également apporté des enregistrements vidéo que nous
3 avons faits au sein du détachement. Ces vidéos avaient été distribuées à la
4 suite de ces derniers, des dons et des subventions nous étaient données."
5 Nous soutenons que le fait que le Détachement El Moudjahid a demandé un
6 soutien à l'étranger ne veut pas du tout dire que la République de Bosnie-
7 Herzégovine n'avait absolument aucun impact, aucun contrôle sur cette
8 unité, car le but de ces rapports qui étaient envoyés dans le but d'obtenir
9 des subventions de l'étranger et peut-être de recruter des personnes pour
10 entrer en Bosnie depuis l'étranger pour rejoindre les rangs du détachement
11 correspondait à l'effort de guerre déployé par l'ABiH.
12 Ces rapports avaient été envoyés pour obtenir de l'argent mais également à
13 des fins de propagande. Ceci est la signification qui devrait être donnée à
14 ces documents.
15 De nouveau, le témoignage du Témoin PW-9 sur ce point est très important :
16 "Les fonds qui avaient été reçus depuis l'étranger, qu'a-t-on fait avec cet
17 argent ?" On lui a posé la question.
18 Il a répondu : "Les fonds et l'argent étaient employés pour acheter de la
19 munition, des armes, de la nourriture, des vêtements, l'équipement, tout ce
20 dont avait besoin le Détachement El Moudjahid, les moyens de communication,
21 des véhicules, et ainsi de suite."
22 "Question : "Tout ceci, tout ce que vous avez énumérez était employé pour
23 les fins de guerre ?"
24 "Réponse : Oui. Pour la plupart, le but était de nous permettre d'aller en
25 guerre."
26 Je voudrais passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
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1 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Merci.
18 Je vous écoute, Monsieur Mundis. Poursuivez, s'il vous plaît.
19 M. MUNDIS : [interprétation] Ensuite vous avez entendu d'autres éléments de
20 preuve concernant l'armée qui dirigeait les efforts déployés par le
21 détachement. M. Awad en a parlé dans sa déposition. On lui a posé la
22 question : "Qui avait donné les priorités de combat pour le détachement ?"
23 Il a répondu à cette question : "C'est tout à fait logique, les priorités
24 avaient été données par les commandants, soit les commandants du corps
25 d'armée ou le commandant du groupe opérationnel, c'est-à-dire ce sont les
26 personnes qui avaient plusieurs unités placées sous leur commandement ou
27 leur contrôle, car le Détachement El Moudjahidine en tant que petite unité
28 ne pouvait pas savoir où les autres allaient mener des opérations de combat
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1 et où eux-mêmes allaient mener des opérations de combat. Donc il est tout à
2 fait logique et il est tout à fait normal pour les personnes qui ont le
3 contrôle de plusieurs brigades et de plusieurs unités d'effectuer la
4 planification et de déterminer les priorités…"
5 Passons maintenant à la pièce 1394.
6 La Défense fait valoir, en faisant référence à la pièce 1394, que le
7 Détachement El Moudjahidine avait renoncé à un certain nombre d'opérations.
8 L'Accusation soumet respectueusement qu'en prenant cet aspect, la pièce
9 1394 n'est pas fiable car la preuve démontre qu'au cours de l'existence du
10 Détachement El Moudjahid, plus particulièrement lorsqu'on parle de l'année
11 1994 et 1995, ces deux années-là, cette unité n'a pas effectué deux combats
12 au cours de l'été 1994 et au mois de novembre de 1994. Donc à deux
13 occasions elle n'a pas effectué d'opérations de combat.
14 De nouveau, Aiman Awad lorsqu'on lui a posé cette question, il a dit qu'il
15 n'y avait qu'un seul refus de mener à bien une attaque qui a eu lieu au
16 mois de novembre 1994, et vous voyez la référence à l'écran.
17 L'Accusation, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge, sous-tend
18 que l'ABiH a pu et s'est appuyée sur le Détachement El Moudjahid. Hier, Me
19 Vidovic a fait valoir le fait que l'armée ne pouvait pas compter sur le
20 Détachement El Moudjahid. Nous soutenons, avec tout le respect que nous
21 vous devons, que c'est tout à fait inexact. Les missions les plus
22 importantes concernant les opérations militaires au cours de la période
23 pertinente et qui font l'objet de cette affaire en l'espèce avaient été
24 confiées au Détachement El Moudjahid. Nous soutenons que ceci démontre
25 clairement, beaucoup plus clairement que toute autre preuve, que l'ABiH a
26 pu et s'est fortement appuyée sur le Détachement El Moudjahid.
27 De nouveau, Ali Hamad a répondu à une question posée par le Juge Harhoff :
28 "Au niveau technique, quelle était la façon dont les détails techniques
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1 étaient organisés ?"
2 Il répond : "Nous, les combattants étrangers, étions d'abord les premiers à
3 frapper. Ils nous demandaient l'aide lorsqu'ils avaient l'impression qu'ils
4 ne pouvaient à eux seuls libérer une zone ou une hauteur."
5 Un élément particulièrement important c'est l'attaque qui correspond
6 tout à fait à cette catégorie concernant les opérations de Paljenik, et
7 vous vous souviendrez des éléments de preuve obtenus et de la visite sur
8 les lieux, qu'il s'agissait d'un point très important et qui faisait partie
9 d'une campagne de libérer la poche de Vozuca. Et c'était le Détachement El
10 Moudjahid à qui on avait confié cette mission, cette mission qu'ils ont
11 exécutée avec succès.
12 La valeur et la fiabilité de ce détachement ont été clairement
13 prouvées même avant le moment des opérations de Proljece 2 et de Farz en
14 juillet et septembre 1995.
15 S'agissant de Proljece 2, la pièce 606 le montre clairement, le
16 Détachement El Moudjahidine est la figure de proue dans les tâches qui
17 doivent être accomplies, le chef de file.
18 Je vous l'ai dit, la Chambre le sait parfaitement d'ailleurs,
19 plusieurs témoins, dont M. Hajderhodzic, M. Jusic, et M. Ribo, sont tous
20 venus vous dire l'importance que redevait ce point topographique au moment
21 des actions de 1995.
22 Parlons maintenant de la question concernant feu le président Izetbegovic
23 et le Détachement El Moudjahidine.
24 Hier, Me Vidovic à plusieurs fois fait référence à des éléments qui
25 sembleraient indiquer que le président Izetbegovic, par ses liens directs,
26 avait le contrôle du Détachement El Moudjahidine. Vous voyez ces références
27 à l'écran que vous avez sous les yeux.
28 Ce que nous faisons valoir, c'est que les décisions du président
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1 Izetbegovic sur l'armée et ses unités constitutives dont le Détachement El
2 Moudjahidine, étaient instruites, informées par le général Delic. Rappelez-
3 vous, M. Cornish, expert de la Défense, on lui a posé des questions à ce
4 propos.
5 Voici ce qu'il a dit : "Si plusieurs chefs prennent des décisions
6 quant à l'utilisation des forces armées, il est fondamental et tout à fait
7 logique que ce processus de prise de décisions se base sur un savoir-faire
8 des connaissances militaires." C'est surtout important à notre avis
9 lorsqu'on a une situation comme celle qui s'est présentée en République de
10 Bosnie-Herzégovine pendant la guerre lorsque la présidence de Guerre
11 élargie incluait dans ses membres le général Delic.
12 La Chambre est saisie d'éléments de preuve qui montrent que le
13 président Izetbegovic faisait confiance à M. Delic. Nous avons la
14 déclaration 92 ter de Buljubasic à cet effet. Il avait été nommé par la
15 présidence. C'était lui qui avait le plus d'influence dans la présidence.
16 Il s'agit ici de M. Izetbegovic qui soutenait M. Delic.
17 Je vous l'ai dit, et c'est dit plus clairement au paragraphe 50 de
18 notre mémoire final, le général Delic était membre de la présidence élargie
19 avec, parmi les autres membres bien entendu, le président Izetbegovic.
20 M. Jusic en a parlé aussi. On lui a demandé ceci : "Il y avait les séances
21 formelles de la présidence, mais est-ce qu'il y avait aussi d'autres
22 réunions où il y aurait eu des membres de la présidence ?"
23 Réponse : "Oui, et il n'y avait pas que moi qui le savais; tout le monde
24 était au courant. C'était des réunions auxquelles assistaient certains
25 membres seulement de la présidence, le président et en général celui qui
26 avait la responsabilité de l'armée. D'abord ça avait été Halilovic, plus
27 tard ce fût Delic."
28 D'autres éléments de preuve que vous avez reçus, ça nous montre
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1 qu'Izetbegovic a fait des inspections d'unités de l'armée et que chaque
2 fois le général Delic l'avait accompagné.
3 Le général Divjak vous a dit que le général Delic communiquait
4 régulièrement avec le président Izetbegovic, "sans doute quotidiennement",
5 a dit le général Divjak.
6 De l'avis de l'Accusation, les éléments de preuve montrent que le général
7 Delic avait un contrôle indirect sur le Détachement El Moudjahidine par
8 l'autorité qu'il avait sur le chef du 3e Corps d'armée, et ceci pendant
9 toute la période couverte par l'acte d'accusation.
10 Hier, Me Vidovic a fait quelques affirmations ou a fait valoir que l'ABiH
11 avait le contrôle effectif du Détachement El Moudjahidine, c'était l'armée
12 et pas le général Delic a-t-elle dit. Mais rien à notre avis ne montre
13 parmi les éléments de preuve que le général Delic n'avait pas d'autorité de
14 commandement sur le chef du 3e Corps; et au moment de l'acte d'accusation
15 le Détachement El Moudjahidine était une unité organique du 3e Corps
16 d'armée.
17 M. Buljubasic, je reviens à lui, il a dit que : "Les rapports entre le
18 général Delic et le chef du 3e Corps d'armée, le général Mahmuljin, étaient
19 des relations marquées par le professionnalisme et le respect. C'étaient
20 les mêmes rapports que ceux qui existaient entre tout autre chef de corps
21 d'armée et une unité subordonnée…"
22 La Défense a également fait valoir quant au fait de savoir si ce
23 détachement respectait les ordres de l'ABiH, la Défense dit que la Shura
24 prenait les décisions finales.
25 Pour nous, ce n'est pas important que ce soit les ordres de combat ou du
26 démantèlement de ce détachement pour savoir si c'était la Shura qui prenait
27 ces décisions, il suffit de savoir que les ordres donnés par l'ABiH étaient
28 exécutés par le Détachement El Moudjahidine.
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1 Au vu des éléments de preuve donnés notamment par le général Sead
2 Delic, le concept de la Shura n'était pas quelque chose d'inusité dans
3 d'autres unités de l'ABiH.
4 Il vous a dit que le général Brzina l'avait aidé à établir la 9e
5 Brigade musulmane parce que dans cette unité on avait fait référence à la
6 Shura et le général Sead Delic a dit qu'il ne savait pas ce qu'était la
7 Shura.
8 Dans le cadre de sa thèse sur le Centre culturel islamique, la Défense a
9 dit que le Sheik Anwar Saban était l'autorité de facto qui exerçait son
10 contrôle sur le Détachement El Moudjahidine; c'est ce qu'a dit Me Vidovic
11 hier.
12 De l'avis de l'Accusation, aucune preuve ne montre que Saban aurait dérangé
13 le contrôle effectif qu'avait le général Delic sur le Détachement El
14 Moudjahidine, car ce détachement a exécuté et appliqué les instructions
15 données par l'ABiH. Sur quoi nous basons-nous ? Les éléments de preuve nous
16 éclairent. Hier, Me Vidovic a dit qu'on avait délivré une fatwa. Le Témoin
17 PW-9 en a parlé. Les éléments de preuve donnés à propos d'une fatwa par le
18 général Saban ne concernent qu'un incident portant sur les élections et ont
19 eu lieu en Bosnie-Herzégovine.
20 Vous avez des éléments de preuve qui vous montrent que Saban avait appliqué
21 les ordres donnés par le général Delic. Pour ce qui est de la dissolution
22 du Détachement El Moudjahidine, pièce 365 qui montre qu'à la fin il a dit :
23 "En fin de compte, ils allaient accepter toutes les décisions prises par
24 nos dirigeants politiques et militaires."
25 C'est la dernière occasion que j'ai de m'adresser à vous, Madame et
26 Messieurs les Juges, et ce fût un véritable honneur et un privilège d'être
27 à la tête de l'équipe de Défense mais aussi de travailler avec toutes les
28 personnes très professionnelles de l'équipe de la Défense et une équipe du
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1 greffe qui a travaillé toujours d'arrache-pied.
2 Des affaires, des dossiers ne se perdent pas parce qu'un avocat
3 n'aurait pas été éloquent au moment des réquisitoires et plaidoiries. Ce
4 n'est pas une différence ici. Vous avez entendu des témoins et vous avez
5 posé des questions aux parties comme aux témoins. Vous allez maintenant
6 délibérer, Madame et Messieurs les Juges pour vous prononcer sur un thème
7 important parce que c'est votre responsabilité. Il n'y a aucun doute dans
8 notre esprit, vous allez tirer les conclusions qui seront les bonnes.
9 Permettez-moi de conclure par un bref commentaire sur certains des
10 arguments que Me Robson a présentés ce matin.
11 Il vous a dit que le général Delic, et là je le cite : "Que c'était un
12 homme qui dès qu'il avait pris fonction a travaillé sans relâche pour faire
13 de l'ABiH une armée plus professionnelle, pour que les groupes soient
14 contrôlés dans le système de commandement et de direction et qu'il s'était
15 occupé des voyous dans la mesure où il pouvait le faire."
16 Lorsque vous allez examiner cet argument, nous vous demandons de vous
17 demander si les actions entreprises par l'accusé pour mieux former le
18 Détachement El Moudjahidine sont dans le droit fil de l'idée de
19 professionnaliser l'ABiH. Demandez-vous, s'il vous plaît, si le général
20 Delic a vraiment utilisé toute l'autorité qui était la sienne pour
21 maîtriser des unités scélérates.
22 Me Robson a poursuivi ce matin. Il a dit : "Les éléments de preuve
23 présentés à propos de l'été 1995 et plus tard montrent que le général Delic
24 s'est vraiment engagé pour rétablir la paix et la stabilité en Bosnie. Il
25 aurait fait un apport considérable dans ce sens. Il a permis la stabilité
26 et il a mis un terme au cauchemar qui touchait des millions de Bosniaques
27 ordinaires."
28 Demandez-vous, s'il vous plaît, si les honneurs donnés par l'ABiH à
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1 ce détachement vont vraiment dans ce sens. Lorsqu'il était présent à la
2 cérémonie d'adieux du détachement, est-ce que c'est vraiment là aller dans
3 le sens des objectifs affichés de la Bosnie-Herzégovine en faveur d'une
4 armée pluriethnique ?
5 Demandez-le-vous, s'il vous plaît. Je pense qu'il n'y a qu'une
6 conclusion raisonnable et elle est inspirée par l'ensemble des éléments de
7 preuve. L'accusé a exercé un contrôle effectif sur les Moudjahidines de
8 Poljanice, puis sur le Détachement El Moudjahidine, une unité qu'il a
9 formée pendant toute la durée de l'acte d'accusation. Il n'a pas empêché
10 que des crimes soient commis. Il n'a pas puni les auteurs lorsqu'il avait
11 été averti que des crimes avaient été commis.
12 L'accusé est coupable des accusations retenues contre lui dans l'acte
13 d'accusation, suite aux crimes et en raison des fonctions qu'il exerçait
14 pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation. Nous vous
15 demandons d'imposer une peine de 15 ans de réclusion.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
17 Est-ce que vous avez une réplique, Maître Vidovic ?
18 Mme VIDOVIC : [interprétation] Volontiers, Monsieur le Président, et
19 je vous remercie vivement.
20 [Réplique de la Défense]
21 Mme VIDOVIC : [interprétation] Permettez-moi de commencer par les dernières
22 observations formulées par M. Mundis, celles-ci se rapportent aux activités
23 de l'accusé s'agissant de ce Détachement El Moudjahidine.
24 Le Procureur vient de nous dire, et il l'affirme depuis le tout début, que
25 le général Delic est la personne qui a créé ce Détachement El Moudjahidine.
26 Madame et Messieurs les Juges, je tiens à vous rappeler une fois de plus la
27 situation au niveau des éléments de preuve.
28 Madame et Messieurs les Juges, nous avons ici deux situations qui ont
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1 influé sur la création du Détachement El Moudjahid. La première des
2 situations c'est celle qui est survenue au sein de l'ABiH et au sein de la
3 communauté internationale, qui s'est efforcée de régler la situation en
4 Bosnie-Herzégovine. Les éléments de preuve sans ambiguïté dont vous avez eu
5 à connaître sont les éléments de preuve présentés par PW-3 et ceux
6 présentés par le général Divjak disant que la communauté internationale
7 avait insisté pour que les Moudjahidines soient placés sous contrôle. La
8 communauté internationale a insisté que ce soit fait auprès du président
9 Izetbegovic. Ça vous avez pu l'apprendre.
10 Au-delà de tout doute raisonnable, compte tenu de ces deux éléments
11 présentés par des témoins de l'Accusation, c'est qu'il y a eu une décision
12 de prise concernant la création de ce détachement en dehors de l'autorité
13 exercée par le général Delic. C'était une décision politique, une décision
14 qui était en même temps celle de son supérieur hiérarchique qui avait des
15 attributions cumulatives. Le président Izetbegovic, non seulement avait-il
16 des attributions en sa qualité de président de la présidence, mais il avait
17 aussi des attributions en sa qualité de membre du commandement Suprême.
18 C'était la personne à la tête du commandement Suprême de l'ABiH.
19 Il n'y a pas que cela, le président Izetbegovic avait des compétences
20 explicites prévues par l'article 10 du décret portant forces armées - pièce
21 à conviction 22 - disant qu'il représentait les forces armées lors des
22 contacts avec les éléments à l'intérieur et les éléments à l'extérieur du
23 pays.
24 Donc la décision portant création de ce détachement, ou plutôt, l'ordre
25 portant création de ce détachement est un ordre que le général Delic n'a
26 fait que transmettre en obéissant aux décisions de son supérieur
27 hiérarchique à lui.
28 Madame et Messieurs les Juges, toute une partie de notre intervention a été
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1 consacrée aux circonstances et aux conditions auxquelles doit satisfaire à
2 la décision d'un accusé pour être pertinente et prise en considération dans
3 le contexte de son contrôle effectif à lui.
4 Je veux maintenant revenir sur ce qui fait l'objet de ce procès. Madame et
5 Messieurs les Juges, vous n'avez pas devant vous une ABiH mise sous
6 inculpation, vous n'avez pas le général Mahmuljin, qui était commandant du
7 3e Corps, vous avez devant vous le général Rasim Delic, qui est le
8 commandant de l'ABiH. La question de toutes les questions dans cette
9 affaire, c'est celle de savoir si le général Delic a exercé un contrôle
10 effectif, lui, et non pas savoir si c'est le général Mahmuljin, ou si le
11 contrôle effectif était effectué par l'ABiH.
12 Et pendant que j'y suis, je tiens encore à dire, Dieu nous préserve du fait
13 ou de l'éventualité où la Défense aurait accepté de dire qu'il y a eu
14 contrôle de l'ABiH vis-à-vis du Détachement El Moudjahidine. C'est une
15 chose qui n'a pas été bien comprise concernant ce que j'ai déjà dit.
16 Je reviens maintenant sur la question du contrôle effectif en sa qualité de
17 question-clé. Le Procureur aujourd'hui essaie de dire que j'ai présenté des
18 preuves disant que c'était le président Izetbegovic qui contrôlait ce
19 détachement.
20 Madame et Messieurs les Juges, j'ai commenté tout à fait autre chose hier.
21 J'ai dit que le Procureur, quand il a parlé de la responsabilité du général
22 Delic dans son paragraphe 161, a dit que l'El Moudjahidine avait négocié
23 avec le président Izetbegovic, et c'est le général Mahmuljin par la suite
24 qui exécutait les ordres.
25 Madame et Messieurs les Juges, la question du contrôle effectif sous-entend
26 ce qui suit : cela sous-entendrait en effet que le général Delic donne des
27 ordres découlant de ses attributions à lui, que ses subordonnés exécutent,
28 à savoir le commandant du 3e Corps, puis le commandant de la 35e Division,
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1 et Abu Maali en sa qualité de commandant du El Moudjahidine, et les autres
2 exécutants en dessous, alors dans l'affaire qui nous concerne, c'est loin
3 d'être la réalité.
4 Ce que le Procureur a dit lui-même dans son mémoire de clôture, quand il
5 parle du président Izetbegovic pour dire qu'il avait concerté les membres
6 du Détachement El Moudjahidine et le commandant du corps là-bas quelque
7 part avait exécuté tout cela, ce n'est pas une chose qui fait partie de la
8 chaîne de commandement. Ça se trouve à l'extérieure de la chaîne de
9 commandement.
10 Le Procureur hier vous a dit à plusieurs reprises qu'il y a eu des
11 réunions à des niveaux différents qui devaient faire partie du contrôle
12 effectif, comme vous le savez. Or, le contrôle effectif ça sous-entend que
13 les éléments sont résolus ou solutionnés dans le cadre de la chaîne de
14 commandement, ni plus ni moins. A partir du moment où le chef du
15 Détachement Abu Maali, s'il se trouve à être resubordonné à la 35e
16 Division, va sauter, passer par-dessus son commandement et se concerter
17 avec le commandant du corps, à ce moment-là il n'y a plus chaîne de
18 commandement et à ce moment il n'y a plus contrôle d'exercer.
19 Quoi qu'il en soit, je tiens à vous rappeler, Madame et Messieurs les
20 Juges, encore un élément très important lorsqu'il est question du contrôle
21 effectif. Ce contrôle effectif est clairement précisé au travers de la
22 pratique judiciaire, dans l'affaire Blaskic par exemple, à laquelle nous
23 n'avons pas grandement fait référence. Mais dans cette affaire, il est
24 clairement précisé que les éléments de preuve doivent faire montre du fait
25 que les exécutants sont ceux qui obéissent aux ordres de l'accusé, de cet
26 accusé-là, et non pas d'un autre commandement. A partir du moment où l'on
27 détermine qu'il y a une chaîne de commandement parallèle, il n'y a plus
28 contrôle effectif.
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1 Madame et Messieurs les Juges, j'affirme qu'en l'occurrence, non pas pour
2 affirmer qu'il y a un doute raisonnable pour ce qui est de l'absence d'un
3 contrôle effectif. Nous sommes allés même au-delà, un pas au-delà. Nous
4 avons prouvé, la Défense ici a prouvé l'existence d'une chaîne de
5 commandement parallèle de façon absolue.
6 Et pour revenir aux documents qu'a évoqués aujourd'hui le Procureur et
7 qu'il vous dit ne pas devoir faire l'objet d'une attribution de poids de
8 votre part pour ce qui est des documents retrouvés à Milan.
9 Alors, pour ce qui est des documents de Milan, les documents qui ont été
10 retrouvés à l'institut de Milan, à l'intérieur du cabinet du cheik Anwar
11 Saban, c'est deux catégories qu'il faut prendre en considération. L'une des
12 catégories, c'est celle dont a parlé mon confrère M. Mundis, ce sont les
13 bulletins du Détachement El Moudjahidine. Mais là, il y a une autre
14 catégorie qui est très importante pour cette affaire. Il n'y a pas que les
15 bulletins qui allaient vers le Détachement El Moudjahidine. Vous avez pu
16 voir des rapports militaires, en bonne et due forme, qui n'ont rien à voir
17 avec ce dont a parlé le Témoin PW-9. Cette partie de son témoignage a été
18 extraite de son contexte, parce qu'on a déterminé l'exactitude des
19 rapports. Ça a été confirmé, s'il s'agissait de rapports militaires. Il y a
20 donc des bulletins et il y a des rapports militaires au sens strict de ce
21 terme.
22 J'aimerais qu'on se penche, si les Juges de la Chambre le veulent bien, sur
23 une pièce à conviction, le 1201, page 3, version anglaise.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je suis le seul à entendre
25 des bruits là ?
26 Mme VIDOVIC : [interprétation] Ce que je vous demande, c'est de mettre le
27 D001-1238, version bosniaque. Afin que l'accusé puisse suivre aussi, D001-
28 1238.
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1 Voilà. Madame, Messieurs les Juges, c'est ce dont je parle. Ici, vous avez
2 un document, un fax envoyé au Centre culturel islamique de Milan. Penchez-
3 vous sur ce rapport, je vous prie. Il s'agit d'un rapport concernant la
4 bataille de Kajin Sopot, dont on a plusieurs fois entendu parler. Ce
5 rapport représente un rapport militaire détaillé dans tous ses aspects.
6 J'aimerais qu'on nous montre la page d'après, s'il vous plaît.
7 Madame et Messieurs les Juges, ici il ne s'agit pas d'un appel à la
8 collecte de l'aide humanitaire pour le Détachement El Moudjahid; c'est un
9 rapport militaire au sein strict de ce terme.
10 J'aimerais que la page de la version anglaise qui nous montre une signature
11 soit affichée. La page d'après, je vous prie. Voilà.
12 On peut voir que le rapport qu'on nous a montré, E-1201, est un
13 rapport militaire qui est envoyé au cheik Saban au Centre culturel
14 islamique par le chef du Bataillon Abu El-Maali. Il l'informe de la
15 bataille, et en aucune façon nous demande-t-il de l'argent ici.
16 Pièce à conviction 1387. C'est un rapport relatif à la bataille Pocilovo
17 [phon]. C'est un rapport militaire, pure et simple, comme celui-ci. A part
18 entière, cela décrit les détails de la bataille. Ça part des circonstances
19 climatiques et ça va jusqu'au nombre de victimes.
20 Vous comprendrez, bien entendu, que nous n'avons pas le temps de retrouver
21 tout cela, mais vous vous souviendrez de ce rapport portant sur les tués et
22 blessés, et tous les rapports qui sont envoyés au cheik Saban.
23 Par conséquent, il n'est pas exact d'affirmer de la part de l'Accusation
24 que le détachement envoyait ces rapports pour recevoir de l'aide matériel.
25 C'est loin d'être la vérité.
26 Ce que je veux vous montrer c'est le 1390 encore, pour que nous comprenions
27 aisément le rôle du cheik El Saban.
28 En attendant la présentation de cette pièce, je vous rappelle que la
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1 question relative à la nomination des commandants des unités et des
2 effectifs à l'intérieur de l'unité est un aspect-clé du contrôle effectif.
3 Si l'ABiH n'a, à quelque niveau que ce soit, n'est pas capable de nommer
4 ces commandants, si ces commandants sont déterminés par cheik Saban et
5 s'ils sont envoyés depuis l'étranger, de quel contrôle pouvons-nous parler
6 alors ? Il ne s'agit pas d'appels à l'aide. Il s'agit de nomination et
7 d'expédition de commandants en Bosnie.
8 C'est la page 3 de la version anglaise.
9 Il s'agit ici d'un document en provenance de l'institut de Milan. Il s'agit
10 d'une conversation interceptée entre Anwar Saban et cheik Al Abdul Aziz,
11 dont on a longuement entendu parler.
12 Et qui nous dit que cheik Saban envoie des commandants vers la
13 Bosnie. Regardez, première phrase.
14 Abdul Aziz : "Dis-moi, y a-t-il là-bas des gars pour vous qui partent
15 en Bosnie ?"
16 Anwar Saban : "C'est moi qui organise leur départ. Ça fonctionne bien. Je
17 fais autre chose encore. Si ça marche, nous allons pouvoir envoyer beaucoup
18 de gens, beaucoup d'hommes."
19 "Abu el-Haris" - et vous vous souviendrez qu'Abu el-Haris est l'un des
20 commandants de ce Détachement El Moudjahid - "il m'a appelé de Bosnie et il
21 a dit qu'il avait besoin de commandants pour plusieurs champs de bataille."
22 Madame et Messieurs les Juges, il ne fait pas l'ombre d'un doute que Saban
23 est celui qui décide des commandants.
24 Ensuite, vous vous souviendrez d'un document 1394. C'est un document qui a
25 été évoqué tout à l'heure par l'Accusation et où, sans aucun doute, il est
26 dit que le détachement apporte des justificatifs pour expliquer qu'ils
27 n'étaient pas sous le contrôle de l'armée.
28 Mais même si l'on ne se penche pas du tout sur cet aspect-là, qui est
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1 certes un élément de preuve crucial, si on se penche sur les autres parties
2 de ce document, il sera donné la possibilité de comprendre que ce
3 Détachement El Moudjahid, s'agissant de toutes les questions, tous aspects,
4 tous problèmes de ces activités font l'objet de rapports à cheik Saban.
5 C'est auprès de lui que l'on se justifie de ce qui se passe à l'intérieur
6 du détachement. Alors partons d'un élément vital : Nous n'avons pas besoin
7 de règlements. Nous n'avons pas besoin de lois.
8 Pourquoi se justifier ? On se justifie auprès de son supérieur
9 hiérarchique. On ne va pas se justifier auprès d'une personne imaginaire.
10 Par conséquent, Madame et Messieurs les Juges, la Défense a fait montre
11 d'un doute raisonnable du point de vue du fait de l'existence d'une chaîne
12 de commandement parallèle. Mais nous avons prouvé, nous avons pris sur nous
13 la charge de la preuve. Nous l'avons prise parce que le Procureur s'était
14 assis sur ces éléments de preuve. Il n'avait pas le droit d'inculper le
15 général Delic, s'ils avaient eu connaissance de l'existence de ce type
16 d'éléments de preuve. C'est nous qui avons été amenés dans une situation de
17 prise en charge de la charge de la preuve. Nous l'avons fait,
18 indépendamment du fait que le Procureur n'ait pas démontré au-delà de tout
19 doute raisonnable que le général Delic ait exercé un contrôle, que ce soit
20 de façon directe ou de façon indirecte.
21 Pour ce qui est maintenant de l'allégation du Procureur au terme de
22 quoi le général Delic avait exercé de façon indirecte un contrôle à l'égard
23 de ce Détachement El Moudjahidine, tout d'abord je dirais que pendant toute
24 la durée de ce procès, le Procureur s'est comporté comme s'il n'y avait pas
25 d'acte d'accusation du tout. Il a d'abord accusé le général Delic d'avoir
26 ordonné une bataille, Proljece 2, au mois de juillet. Ensuite, qu'il avait
27 ordonné la Bataille de Farz et qu'il avait commandé dans ces batailles et
28 que dans ces batailles il s'était servi du Détachement El Moudjahid.
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1 Or, Madame et Messieurs les Juges, rien de tout cela n'est exact. Le
2 général Delic n'a ni donné l'ordre ni commandé. D'après la théorie que nous
3 avons entendue présenter par l'Accusation hier et aujourd'hui, le fait que
4 l'état-major ou que le général Delic ait reçu des informations pour ce qui
5 est d'un déplacement des lignes, c'est loin d'avoir un commandement et un
6 contrôle effectif.
7 Mais ici, le Procureur doit établir un lien de proximité entre
8 l'accusé et les événements qui font l'objet de l'acte d'accusation et non
9 pas au niveau des événements imaginaires, mais de ceux qui font l'objet de
10 l'acte d'accusation.
11 Parce que d'après ce que M. Mundis a dit tout à l'heure, le
12 Procureur, M. Mundis, Rasim Delic aurait eu une responsabilité pour tout
13 événement survenu dans la zone de responsabilité de la totalité des unités
14 d'armée de Bosnie-Herzégovine, parce qu'il se trouvait en effet à la tête
15 de l'état-major. L'état-major était une instance qui dirigeait, de façon
16 réglementaire, l'armée en passant par des commandants de corps. Mais ce
17 n'est pas -- c'est une nécessité pour le droit humanitaire international.
18 Il faut qu'on prouve qu'il ait exercé un contrôle effectif. Ils ne l'ont
19 pas prouvé et ils n'ont pas prouvé qu'il ait passé pour ce faire par les
20 commandants du 3e Corps dans cette affaire-ci. A l'époque des événements,
21 si on peut parler ou penser qu'il était ou faisait partie d'une chaîne de
22 commandement vis-à-vis de ce Détachement El Moudjahidine, cela aurait été
23 un élément de resubordination au commandant de la 3e Division. C'est ce qui
24 aurait constitué la situation de jure, resubordination vis-à-vis la 35e
25 Division. Mais dans cette situation le général Mahmuljin n'aurait rien eu à
26 faire, puisque c'est le 3e Corps qui les a resubordonnés.
27 Le premier subordonné du général Delic n'était pas en situation
28 d'exercer un contrôle effectif et d'en informer éventuellement le général
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1 Delic.
2 Je terminerai en disant que les rapports sont un aspect très
3 important, crucial, pour ce qui est de l'exercice effectif du contrôle. Les
4 rapports relatifs à cette unité et à ces événements-là devaient forcément
5 aboutir au général Delic. Ils devaient arriver à lui. Il devait recevoir
6 des rapports sur les activités de ces unités et notamment devait-il avoir
7 des informations accessibles à lui pour ce qui est de ce que cette unité a
8 fait ou pas.
9 Vous avez pu voir ici des tas de documents, des résumés de rapports
10 militaires qui ont montré que les rapports portant sur les activités de
11 combat allaient au poste de commandement à Kakanj. Là, on les résumait pour
12 transmettre deux ou trois phrases vers Sarajevo à l'intention du général
13 Delic.
14 Madame et Messieurs les Juges, non seulement la situation était
15 telle. Selon l'application du droit humanitaire international, vous êtes
16 tenu de vous pencher sur la situation dans laquelle l'accusé se trouvait à
17 l'époque. A l'époque des événements du mois de juillet, vous avez vu des
18 éléments de preuve ? Non seulement il n'a rien reçu au sujet de ce
19 Détachement El Moudjahidine, mais rien n'est parti vers Sarajevo. Quand
20 bien même on aurait envoyé cela à Sarajevo, l'individu, le général Rasim
21 Delic, à l'époque, se trouvait à une conférence en Croatie, à Split. Vous
22 l'avez vu au-delà de tout doute. Vous avez vu des documents à ce sujet.
23 Ensuite, cet individu a commandé les opérations de Sarajevo. Il a
24 été préoccupé par une situation terrible pour ce qui est d'apporter une
25 solution à la situation de Sarajevo. La vidéo montrant les victimes de
26 Sarajevo, c'est ce que le général Rasim Delic essayait de surmonter. Il
27 essayait de procéder au déblocage afin de faire survivre des centaines de
28 milliers d'habitants de Sarajevo. C'est à cela qu'il vaquait.
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1 Imaginez, Madame et Messieurs les Juges. Est-il réaliste de penser
2 que le général Rasim Delic devait tenir compte de centaines de petits
3 groupes et unités dans une situation de ce type. Non, il n'était pas en
4 mesure d'avoir une information quelle qu'elle soit au sujet de ce
5 Détachement El Moudjahidine au mois de juillet. Vraiment, Madame et
6 Messieurs les Juges, il manque de sérieux d'affirmer que le général Delic,
7 depuis sa conférence en Malaisie, à Kuala Lumpur, était en mesure, en
8 possibilité de recevoir des informations et d'exercer un contrôle vis-à-vis
9 de ce qui se passait à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine. Ça manquerait
10 de sérieux. Ce serait loin de toute pensée raisonnable. Vous avez ce recul
11 du temps. Vous avez aussi une situation où la question de l'aide des pays
12 islamiques était une question cruciale pour la survie. Il ne s'agissait
13 plus de l'ABiH. Il ne s'agissait plus de son commandement. Ce dont il
14 s'agissait c'était la survie de centaines de milliers ou d'un million de
15 Musulmans là-bas, Musulmans et autres, que l'on tuait, que l'on
16 persécutait, que l'on violait, et cetera. C'est, je vous le demande de le
17 comprendre, la question dont était préoccupé le général Delic. Il
18 s'agissait de collecter de l'aide et de faire en sorte qu'avec la
19 communauté internationale il soit procédé à un déblocage de cette ville, de
20 Sarajevo. Il faut tenir compte de la situation dans laquelle se trouvait
21 l'accusé lui-même. C'est ce que vous demande le droit international de
22 faire.
23 Autre chose encore importante pour ce qui est des rapports relatifs à
24 l'action Farz, nous avons, de façon inéquivoque [phon], prouvé qu'il a été
25 représenté par le général Hadzihasanovic à l'époque et que tous les
26 rapports relatifs à l'opération Farz n'allaient pas vers le général Delic,
27 mais ils allaient en main propre au président Izetbegovic. C'est un état de
28 faits.
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1 Par conséquent, Madame et Messieurs les Juges, une fois de plus nous
2 proposons à ce que vous vous prononciez un acquittement à l'attention du
3 général Rasim Delic.
4 Nous remercions les Juges de la Chambre et nos confrères du bureau du
5 Procureur pour leur coopération et nous remercions les Juges de la Chambre
6 pour leur patience.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Vidovic. Avez-vous
8 des questions Madame le Juge, Monsieur le Juge ?
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
11 Ceci met terme aux réquisitoires et plaidoiries. La Chambre va se retirer
12 et délibérer et en temps utile vous convoquera afin que le jugement soit
13 prononcé.
14 L'audience est levée sine die.
15 --- L'audience est levée à 11 heures 43, sine die.
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