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1 Le 28 janvier 2004
2 [Audience sentencielle]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs.
7 J'aimerais demander à Madame la Greffière, de citer l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, il
9 s'agit de l'affaire IT-02-61-S, le Procureur contre Miroslav Deronjic.
10 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'indique aux fins du compte rendu
11 d'audience, que nous avons les mêmes parties qu'hier.
12 Puis-je vous demander Monsieur Deronjic, si vous êtes en mesure de suivre
13 dans une langue que vous comprenez.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, oui, je peux tout à fait
15 le suivre ce qui se dit.
16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Monsieur Deronjic, je saisis cette
17 occasion, car une conférence de Mise en état doit avoir lieu aujourd'hui.
18 Je saisis cette occasion pour vous demander si vous souffrez de problèmes
19 de santé ou de tout autres problèmes au sein du Quartier pénitentiaire, ou
20 je vous demande si vous avez d'autres que vous auriez aimé soulever à
21 l'attention de cette Chambre.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je ne souffre
23 d'aucun problème de santé. Je n'ai aucun problème au Quartier
24 pénitentiaire. Tout se passe parfaitement bien.
25 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci beaucoup.
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1 Conformément à nos devoirs, eu égard à la conférence de Mise en état, nous
2 avons rempli nos fonctions. Je pense, que les deux parties conviendront du
3 fait que nous n'avons pas besoin de conférence de Mise en état. Ceci étant,
4 je vois les parties qui hochent du chef. Je vous remercie.
5 Nous avons entendu M. Deronjic hier, il appartient maintenant à la Chambre
6 de première instance de statuer sur la culpabilité. La Chambre de première
7 instance est tout à fait consciente de nombreux décalages importants que
8 l'on trouve dans la plupart des dépositions et témoignages de M. Deronjic
9 devant les différentes Chambres de première instance. Toutefois, lorsqu'il
10 s'agit d'accepter un accord, un plaidoyer de culpabilité, les conditions
11 pour qu'un accord de culpabilité ou de plaidoyer de culpabilité soit
12 considéré comme valable sont énumérées dans la règle 62 bis. Après avoir
13 entendu le plaidoyer de culpabilité, eu égard au deuxième acte d'accusation
14 amendé et à l'exposé des faits supplémentaires, après avoir entendu les
15 précisions nécessaires qui ont été fournies hier lors de la déposition de
16 M. Deronjic, la Chambre de première instance convient que conformément à la
17 règle 62 bis, le plaidoyer de culpabilité a été présenté de façon
18 volontaire. Le plaidoyer de culpabilité est fait de façon informelle. Le
19 plaidoyer de culpabilité n'est pas équivoque, et qui plus est, nous avons
20 un exposé des faits suffisants qui portent sur le crime et sur la
21 participation de l'accusé dans ce crime ou pour ce qui est du manque de
22 désaccord entre les parties à propos des faits de cette affaire.
23 Madame la Greffière, j'aimerais que vous preniez en considération le fait,
24 que compte tenu du plaidoyer de culpabilité, du second acte d'accusation
25 amendé, de l'exposé des faits supplémentaires et de la déposition de M.
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1 Deronjic, hier en date du 27 janvier 2004, cette Chambre de première
2 instance considère qu'il y a culpabilité par rapport au chef d'accusation
3 de persécutions qui se fonde sur toutes les allégations contenues dans le
4 deuxième acte d'accusation amendé en date du 29 septembre 2003.
5 J'aimerais maintenant que nous commencions stricto sensu l'audience
6 relative au prononcé de la peine, et j'espère que nous pourrons terminer
7 aujourd'hui. J'aimerais demandé à l'Accusation s'il lui serait possible de
8 conclure en une heure 30, ou aurez-vous besoin de plus de temps ?
9 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
10 Juges, je pourrais tout à fait conclure en ce laps de temps.
11 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci beaucoup. Qu'en est-il de la
12 Défense ? Est-ce qu'une heure et demie vous suffirait pour votre
13 plaidoirie ?
14 M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La Défense
15 aimerait présenter une suggestion avec laquelle, M. Harmon, est tout à fait
16 d'accord. Nous souhaiterions qu'il n'y ait pas de pause entre le
17 réquisitoire et la plaidoirie. Il pourrait y avoir une pause entre le
18 réquisitoire et la plaidoirie, mais non pas une pause entre les différentes
19 interventions. Nous n'aurons pas ainsi besoin de plus de temps.
20 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que nous
21 pourrons poursuivre conformément à notre calendrier prévu.
22 Monsieur Harmon, vous avez la parole.
23 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur le
24 Juge, avant de commencer mes observations, j'aimerais régler quelques
25 questions d'intendance qui ont été soulevées hier. J'aimerais demander
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1 l'aide de l'huissier, afin que vous soient présentés des exemplaires d'une
2 image réduite de Glogova. Cela a été fait et rendu possible grâce aux
3 services extraordinaires de nos experts en cartographie. Je pense que nous
4 leur devons une dette de reconnaissance. Si cela vous convient, je pense
5 que nous pouvons verser cela au dossier.
6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je vous
7 demanderais de transmettre nos plus vifs remerciements aux personnes qui se
8 sont chargées de cela.
9 Ce document a déjà été reçu comme preuve à conviction sous la cote DS20.
10 Nous allons l'appeler, la version réduite. Je pense que la cote sera
11 DS20/A. Il s'agit d'une vue aérienne de Glogova avant sa destruction.
12 Je vous remercie, Monsieur Harmon.
13 M. HARMON : [interprétation] Hier, je dois dire qu'il y a eu une certaine
14 confusion qui a régné après une déclaration de
15 M. Deronjic. Vous avez cité une déclaration. J'avais une déclaration
16 semblable avec des cotes différentes. Grâce à l'aide de M. Karlsson, nous
17 avons pu tirer au clair les écarts. Il y a apparemment deux versions, des
18 versions officieuses en fait de la déclaration de la déposition de M.
19 Deronjic, dont l'une est DS8, qui a été présenté par la Défense à la
20 Chambre de première instance. C'est la version, Monsieur le Président, que
21 vous aviez.
22 J'ai une version séparée officieuse également de la déclaration de M.
23 Deronjic. C'est une déclaration qui avait obtenu une cote différente, parce
24 que la version que j'ai reçue ou plutôt les personnes qui ont préparé la
25 version que j'ai reçue avaient omis certains numéros dans la suite des
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1 numéros. Je pense que, par souci de clarté, il serait tout à fait judicieux
2 que nous continuions à utiliser la cote DS8 pour la version en question.
3 Nous n'allons pas prendre en considération la version que j'ai utilisée
4 hier. Nous vous présenterons, Monsieur le Président, Madame et Messieurs
5 les Juges, cela comme l'une des pièces à conviction. Vous avez également la
6 version en langue B/C/S qui est la version d'origine de la déclaration de
7 M. Deronjic.
8 Hier, pour ce qui est de la version anglaise de la déposition de M.
9 Deronjic, vous avez souhaité que M. Deronjic signe un exemplaire de cette
10 version anglaise. J'ai eu la possibilité de m'en entretenir avec mes
11 collègues de la Défense. Je tiens compte, en fait, de leur conseil qui
12 indiquait qu'il s'agissait d'une traduction non officielle. Je parle au nom
13 de mes collègues de la Défense. Notre suggestion qui est mutuelle,
14 suggestion que nous vous présentons, est de faire en sorte d'obtenir une
15 traduction officielle que M. Deronjic pourrait, ensuite, signer en tant que
16 traduction officielle en version anglaise, de sa déposition. La Défense
17 étant entièrement d'accord avec cela. Si vous n'y voyez pas
18 d'inconvénients, nous pourrons donc vous présenter cela plus tard.
19 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous en avons déjà parlé ce matin.
20 Il est évident que la version qui fait foi est la version en B/C/S,
21 puisqu'il s'agit de la version comprise par M. Deronjic. Nous avons, d'ores
22 et déjà, la version en B/C/S. Je pense que nous pouvons lui attribuer la
23 cote DS8/A. Vous trouverez cela parmi la liste des pièces à conviction.
24 Je pense, Madame la Greffière, que vous pourrez ajouter la lettre A dans la
25 version anglaise.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président,
2 cela a été présenté dans mon projet de lettre.
3 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'ai, en effet, cette lettre qui a
4 été mise à jour. Nous avons la traduction anglaise et nous avons étudié les
5 éléments centraux, qui font partie du compte rendu d'audience d'hier. Si
6 nous ne revenons pas sur cette question, je pense que nous pourrons
7 poursuivre sans avoir de traduction anglaise. Ce n'est pas la peine de
8 perdre davantage de temps ou de ressources humaines sur cette question. Je
9 pense que cette question a été réglée.
10 M. HARMON : [interprétation] Je vous remercie. Ensuite, il y avait la
11 question juridique que vous m'avez posée à la fin de l'audition, hier. Vous
12 m'avez demandé de supprimer les mots ?ordered and? dans la version
13 anglaise, donc ?ordonné et? et de laisser le mot ?committed?, donc,
14 ?engagé?. Nous acceptons votre proposition qui consiste à supprimer les
15 mots de ?ordonné et.?
16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Puisse-je entendre le point de vue
17 de la Défense ?
18 M. ZECEVIC : [interprétation] Nous sommes d'accord, Monsieur le Président,
19 aucune objection.
20 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] La Chambre de première instance
21 accepte cela et, par conséquent, le deuxième acte d'accusation amendé sera
22 lu sans les mots ?ordonné et.?
23 M. HARMON : [interprétation] Je pense que ce sont des mots que nous
24 trouvons aux paragraphes 2, 27 et 40.
25 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Il s'agit d'une question
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1 différente. Ce n'est pas forcément au sens judiciaire du terme.
2 M. HARMON : [interprétation] Très bien.
3 Nous avons versé, dans le cadre de notre réquisitoire, sept dépositions de
4 victimes. Cela a été versé sous scellé. Nous souhaitons que cela reste sous
5 scellé pour le moment, parce que ces différentes victimes souhaitaient à
6 bénéficier de mesures de protection. Ma suggestion est que nous présentions
7 des exemplaires expurgés de ces sept victimes sur l'impact des événements
8 sur elles, si le Tribunal le juge approprié.
9 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] S'il en va dans l'intérêt de la
10 protection des témoins, je pense que nous pourrons considérer ces documents
11 comme nous le faisons de coutume, à savoir, avec une barre oblique. En
12 l'occurrence, nous aurons PS19/1 jusqu'à PS19/7.
13 M. HARMON : [interprétation] C'est tout à fait exact.
14 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Cela est donc accepté.
15 Puisque nous avons déjà abordé la question de la confidentialité, est-il
16 nécessaire que le mémoire relatif au prononcé de la peine de l'Accusation
17 reste confidentiel ?
18 M. HARMON : [interprétation] Ce n'était pas une question que je me
19 proposais d'examiner, Monsieur le Président, donc, je vais y réfléchir et
20 nous pourrons revenir sur cette question cette après-midi.
21 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.
22 M. HARMON : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je pense que nous pourrons préciser
24 d'ores et déjà aujourd'hui la liste des pièces à conviction.
25 Madame la Greffière, je vous demande d'avoir l'amabilité de préparer cette
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1 liste. Merci.
2 M. HARMON : [interprétation] Très bien.
3 J'en ai terminé avec ces questions d'intendance et je pense que je vais
4 commencer mon réquisitoire.
5 J'aimerais, dans un premier temps, Monsieur le Président, remercier
6 publiquement et exprimer ma gratitude à l'égard de la Chambre de première
7 instance pour la manière méticuleuse avec laquelle elle a instruit cette
8 affaire. Le rapport psychologique préparé par Ana Najman, qui est
9 spécialiste en psychologie clinique, et le rapport d'analyse comparative
10 sur la grille des peines d'emprisonnement, préparé par le Dr. Ulrich Sieber
11 de l'Institut Max Planck, m'ont été particulièrement utiles dans cette
12 affaire.
13 Il s'agit d'une affaire extrêmement importante pour le Tribunal et, je vous
14 l'accorde, d'une affaire particulièrement difficile. M. Deronjic est
15 coupable d'un crime terrible. Il nous a, également, fourni des preuves
16 extrêmement précieuses à propos de toute une gamme de sujets qui
17 permettront au bureau du Procureur de respecter son mandat, qui consiste à
18 poursuivre les personnes responsables pour des violations sérieuses du
19 droit international humanitaire. Ceci étant, cette affaire crée une tension
20 importante entre le fait de déterminer la sanction exacte pour quelqu'un
21 responsable du plus grave des crimes, mais il s'agit, également, de
22 quelqu'un qui a pris des mesures concrètes et importantes pour aider le
23 Procureur. Votre tâche consiste à trouver le juste équilibre entre la
24 punition qui sera octroyée à un auteur de crimes graves et sérieux, tout en
25 ne décourageant pas, par ailleurs, d'autres personnes qui se trouveraient
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1 dans une situation semblable au défendeur, et qui souhaiterait coopérer et
2 fournir une aide importante au Procureur à l'avenir.
3 Pour ma part, je dois dire que j'ai étudié cette question de façon
4 circonspecte, après avoir consulté le Procureur et mes collègues et après
5 avoir examiné l'objectif et le but de ce Tribunal. Le mandat qui est
6 octroyé au bureau du Procureur, consiste à poursuivre des personnes
7 responsables de violations sérieuses du droit humanitaire international.
8 Pour ce faire, il est absolument nécessaire de démêler les cheveux des
9 faits portant sur des événements à propos desquels les états et les
10 personnes individuelles, ne sont pas en mesure de fournir la lumière, ou
11 hésitent parfois à le faire. Sans ces déclarations, le bureau du Procureur
12 ne peut pas engager la procédure. Je dois dire que cela fait une décennie
13 que nous déployons cet effort et, en fin de compte, l'aptitude de mon
14 bureau à poursuivre des personnes responsables pour avoir commis des crimes
15 sérieux en ex-Yougoslavie dépend de notre aptitude à obtenir des preuves.
16 En ce qui me concerne, après avoir étudié de façon très soigneuse tous les
17 impératifs qui entrent en ligne de compte lors des enquêtes, afin,
18 justement, de faire en sorte que ces crimes complexes soient poursuivis,
19 puisqu'ils tombent sous le couvert de notre mandat, je vous dirais,
20 qu'après avoir réfléchi aux objectifs qui consistent à octroyer une
21 condamnation et à ce qui représente une sanction appropriée pour quelqu'un
22 qui est responsable et coupable d'un crime important; après avoir compris
23 que notre mandat inclut l'établissement de la vérité à propos du crime bien
24 précis dont il est question dans ce cas d'espèce Glogova, ainsi que les
25 autres crimes qui font l'objet d'enquêtes et de poursuites par mon bureau;
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1 après avoir compris l'importance et le fait que nous devons mieux
2 comprendre d'autres crimes commis par des personnes responsables et
3 des personnes qui sont les auteurs de ces crimes, et finalement, après
4 avoir évalué de façon très méticuleuse le degré de coopération de l'accusé,
5 les membres de mon bureau ainsi que moi-même sommes parvenus au jugement à
6 propos d'une peine que le bureau du Procureur pourrait recommander à la
7 Chambre.
8 Cela ne fut pas une décision facile et c'est une décision qui pourra, peut-
9 être, engendrer frustration et colère mais c'est une décision qui a été
10 faite en toute bonne foi, après avoir étudié de façon soigneuse l'aptitude
11 de mon bureau à respecter son mandat.
12 J'aimerais vous rappeler un peu cette affaire. Je commencerai par procéder
13 à un bref récapitulatif. Le 6 juillet 2002, Miroslav Deronjic a été arrêté
14 à la suite d'un acte d'accusation scellé portant sur des crimes qui se sont
15 produits dans le village de Glogova le 9 mai 1992. Le 10 juillet 2002, le
16 défendeur a comparu pour ce qui est de ces chefs d'accusation. Environ 14
17 mois et demi après le 30 septembre 2003, et avant qu'une date de procès ait
18 été choisie, Miroslav Deronjic a présenté un plaidoyer de culpabilité pour
19 ce qui est du chef d'accusation de persécution contenu dans le second acte
20 d'accusation amendé. Le chef d'accusation de persécution afférent à
21 l'attaque sur le village de Glogova le 9 mai 1992 et c'est à propos de ces
22 actes et c'est pour ces actes seulement que M. Deronjic est ici
23 aujourd'hui.
24 Le plaidoyer de culpabilité a été le résultat d'un accord de plaidoyer qui
25 a été déposé auprès de la Chambre de première instance et qui est du
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1 domaine public. L'accord de plaidoyer identifie la peine maximum que la
2 Chambre de première instance pourrait imposer pour ce plaidoyer de
3 culpabilité, à savoir un emprisonnement qui pourrait inclure et aller
4 jusqu'à l'emprisonnement à vie. L'accord de plaidoyer stipule au paragraphe
5 11, sous l'alinéa A, que compte tenu de l'étendue du scellé et de la
6 coopération de Miroslav Deronjic avec le bureau du Procureur, le Procureur
7 recommandera à la Chambre de première instance qu'il impose une peine de 10
8 ans d'emprisonnement.
9 La cour de plaidoyer stipule de façon claire et explicite que la Chambre de
10 première instance n'est pas obligée d'accepter les recommandations du
11 Procureur et peut imposer une peine d'emprisonnement qui sera inférieure ou
12 supérieure à la peine d'emprisonnement recommandée par le Procureur.
13 A la suite des rapports portant sur les violations sérieuses du droit
14 humanitaire international qui se sont produites dans l'ex-Yougoslavie, les
15 Nations Unies ont demandé à une commission d'experts impartiale d'analyser
16 la situation en ex-Yougoslavie. Le rapport intérimaire de la commission des
17 experts a été déposé auprès du conseil de Sécurité des Nations Unies en
18 février 1993. Compte tenu de la teneur de ce rapport, le conseil de
19 Sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 808 par lequel il exprime
20 : "sa préoccupation sérieuse face aux rapports continus de violations de
21 plus en plus étendues du droit humanitaire international qui se produisent
22 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, notamment des rapports d'assassinats
23 en masse et la pratique du nettoyage ethnique."
24 Le conseil de Sécurité a déterminé que cette situation représentait une
25 menace à la paix et à la sécurité internationale et le 25 mai 1993, a
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1 adopté la résolution 827 en vertu de laquelle ce Tribunal fut créé. Ainsi,
2 le conseil de Sécurité était absolument convaincu que la poursuite de
3 personnes responsables de violations sérieuses du droit humanitaire
4 international permettrait de contribuer à la restauration et au maintien de
5 la paix. L'établissement de la vérité, de la part de ce Tribunal, est une
6 composante vitale et essentielle des efforts déployés pour restaurer et
7 maintenir la paix en ex-Yougoslavie.
8 Comme cela a été stipulé lors du jugement Erdemovic, la découverte de la
9 vérité et je cite : "Une étape fondamentale sur la route de la
10 réconciliation." J'aimerais, maintenant, aborder le thème de la gravité du
11 crime qui s'est produit à Glogova, le 9 mai 1992. En fait, ce que je vais
12 dire a déjà été expliqué dans l'exposé des faits et est du domaine public.
13 Le crime pour lequel Miroslav Deronjic va être condamner est précisément le
14 type de crime à propos duquel le conseil de Sécurité a exprimé sa
15 préoccupation très grave dans la résolution 808. Les événements de Glogova
16 du 9 mai 1992 sont un exemple classique de nettoyage ethnique et sont
17 précisément la raison pour laquelle le conseil de Sécurité a établi le
18 Tribunal. L'attaque sur Glogova n'a pas été un événement isolé ou un
19 événement aléatoire mais représente un élément critique dans un système
20 plus important de divisions de la Bosnie-Herzégovine afin de créer des
21 territoires ethniquement serbes.
22 Dans le cadre de ce système, il est absolument impératif de créer des
23 territoires ethniquement serbes en faisant en sorte que soit séparée et
24 expulsée, de façon permanente, la population non-serbe issue depuis les
25 municipalités qui étaient désignées comme des municipalités serbes. Le
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1 dirigeant serbe de Bosnie avait l'intention de créer des territoires
2 ethniquement serbes qui auraient créés soit par accord, soit par force. M.
3 Deronjic qui était l'officiel serbe de plus haut niveau en Bosnie pour la
4 municipalité de Bratunac s'est rallié, de façon sans aucun équivoque, à la
5 politique consistant à créer des territoires ethniquement serbes à
6 l'intérieur de la Bosnie et s'est rallié, également, à la politique visant
7 à utiliser la force pour expulser les Musulmans de leur territoire. Pour
8 parvenir à cet objectif des forces militaires, de police et des forces
9 paramilitaires venues de la Bosnie et de la Serbie ont été utilisées. Le 17
10 avril 1992, des volontaires de la Serbie sont arrivés à Bratunac et ont
11 lancé un ultimatum aux musulmans bosniens de Bratunac afin qu'ils rendent
12 leurs armes et en indiquant que les Serbes avaient l'autorité juridique
13 pour le demander ou sinon ils seraient absolument anéantis.
14 Les Bosniens ont acquiescé face à cette demande.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce PS21.
16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.
17 M. HARMON : [interprétation] Cette carte indique l'endroit où se situe
18 Glogova, en particulier par rapport à Bratunac. D'après le recensement de
19 1991, Glogova avait une population de 1 913, dont
20 1 901 des habitants étaient des Bosniens. En avril 1992, une unité de la
21 JNA est arrivée à Bratunac et a participé aux efforts qui visaient aux
22 désarmements de villages musulmans. Le 5 janvier -- pardonnez-moi, le 5
23 avril, la décision d'attaquer Glogova a été prise. Ceux qui ont participé à
24 l'attaque étaient les membres de la TO locale, la Défense territoriale, la
25 JNA et je cite : "les volontaires," toutes ces personnes ont agi de concert
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1 afin de réaliser l'objectif commun. Une réunion de la cellule de Crise
2 s'est tenue la veille de l'attaque présidée par Miroslav Deronjic. Il a
3 expliqué que le plan qui visait à l'établissement d'un territoire
4 ethniquement serbe ne pouvait pas être mis en place à Bratunac et dans la
5 municipalité de Bratunac sans prendre le contrôle de la ville de Glogova et
6 de transférer l'ensemble de la population musulmane, de l'expulser de
7 Bratunac. L'intention derrière cette attaque était de transférer toute la
8 population musulmane de Glogova et de l'expulser vers un territoire non-
9 serbe.
10 M. Deronjic savait que cette attaque faisait partie d'une attaque
11 systématique et généralisée, dirigée contre la population musulmane civile
12 en Bosnie. Ceci a été fait dans le but de créer des territoires
13 ethniquement serbes en Bosnie. Le 9 mai 1992, dans les premières heures du
14 matin, Glogova fut attaquée, aucune résistance dans la part des habitants
15 musulmans du village. M. Deronjic était présent personnellement et sa
16 participation à cette attaque est décrite dans l'exposé des faits. Au cours
17 de l'attaque, un nombre important de maisons des Musulmans de Bosnie ont
18 été incendiées et rasées. M. Deronjic a autorisé l'incendie de ces maisons.
19 Soixante-cinq habitants musulmans ont été assassinés. Il ne les a pas tué
20 lui-même, personnellement, mais au moment où il a ordonné l'attaque du
21 village, il était prévisible que ceci pourrait se produire. Il se prenait
22 ce risque, à savoir que des civils innocents seraient assassinés.
23 Tous les résidents musulmans du village ont été expulsés de la municipalité
24 de Bratunac. L'attaque de Glogova a été exécutée conformément au nettoyage
25 ethnique, dirigée contre un village qui avait été désarmé. Le nettoyage du
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1 village et l'attaque des autres localités musulmanes qui ont suivi, avait
2 pour but de contribuer à un plan plus large qui visait à mettre en place un
3 territoire ethniquement serbe en Bosnie-Herzégovine.
4 Nous présentons dans notre réquisitoire qu'il y avait deux facteurs
5 aggravants eu égard à ce crime que nous souhaitons que la Chambre de
6 première instance considère : l'autorité de supérieurs hiérarchiques de
7 l'accusé, la population de Glogova était sans défense ayant été désarmé
8 avant l'attaque, et n'a opposé aucune résistance au cours de l'attaque.
9 Cela ne fait aucun doute que le crime dont est accusé Miroslav Deronjic est
10 un crime extrêmement grave. Il est certain que le facteur le plus
11 important, c'est le facteur le plus important à prendre en considération
12 lorsque l'on définira la peine, l'impact, l'incidence sur les victimes.
13 Nous avons, dans les différentes conclusions, précisé que les déclarations
14 d'un certain nombre de victimes de ces événements tragiques, des événements
15 du 9 mai, ont été présentées. Les conséquences qui ont résulté de ces
16 atrocités au cours de l'attaque, les victimes ont souffert de tout ceci,
17 nous avons présenté ceci dans nos arguments. L'incidence de ce crime a eu
18 des effets sur la vie des habitants de la communauté de Glogova. La
19 destruction d'une communauté musulmane entière. Les victimes ont subi la
20 perte d'un nombre important de membres de leur famille. Un des témoins a
21 perdu 14 membres de sa famille, un autre en a perdu 9. Certaines victimes
22 ont souffert, qui ont perdu leurs maisons ainsi que tous leurs biens.
23 D'autres victimes ont perdu la capacité à gagner leurs vies. D'autres
24 victimes ont décrit qu'ils ont été arrachés à une vie qui était prospère et
25 pacifique et que maintenant leur vie est désespérée et ils sont dans les
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1 camps de réfugiés. Les victimes ont décrit qu'il s'agissait d'effets à long
2 terme tout à fait traumatisants et certains d'entre eux souffrent encore de
3 cauchemars, en particulier, les enfants.
4 La souffrance des victimes est une longue litanie qui découle des actes qui
5 ont été commis par l'accusé qui en porte la responsabilité, responsabilité
6 qu'il a avoué. Je crois que cela mérite une peine des plus dures. Bien
7 qu'il y ait des éléments de preuve, bien qu'il y ait des circonstances
8 atténuantes, je n'aurais aucun, je crois qu'il est important d'imposer une
9 telle peine, une peine lourde. Je veux parler maintenant des circonstances
10 atténuantes. Il y un cas assez inhabituel, je crois, il s'agit des facteurs
11 que je viens d'évoquer et je souhaite vous dire que l'imposition d'une
12 peine moins lourde peut en être la conséquence. Je vais, par conséquent,
13 demander à la Chambre de première instance d'accepter que la peine que nous
14 recommandons eu égard au plaidoyer de culpabilité, une peine de dix années
15 d'emprisonnement. J'ai la responsabilité de vous informer et d'informer le
16 public des raisons pour lesquelles je fais cette recommandation.
17 Le premier facteur ou circonstance atténuante dans le cas de M. Deronjic et
18 son plaidoyer de culpabilité, le fait qu'il a accepté la responsabilité
19 pour ces actes criminels dont il a été l'auteur. Dans l'exposé des faits,
20 M. Deronjic donne un compte rendu détaillé des événements qui ont conduit à
21 la commission de ce crime et du rôle qu'il a joué dans ce crime, le rôle
22 des autres entités; les unités paramilitaires, la JNA et la TO et d'autres
23 individus. Je vais décrire ceci plus dans les détails. La jurisprudence du
24 TPI a reconnu lors d'un précédent plaidoyer de culpabilité que les
25 circonstances atténuantes sont importantes pour trois raisons : Il est
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1 important que les victimes puissent venir présenter leur témoignage et ceci
2 permet au Tribunal de gagner énormément de temps et de ressources pour ce
3 Tribunal ad hoc, c'est le cas des jumeaux Plavsic, paragraphe 66; c'est
4 important également d'établir la vérité sur les événements qui se sont
5 produits. M. Deronjic et son récit des événements de Glogova, le 9 mai
6 1992, et les raisons pour lesquelles cette tragédie s'est produite et
7 permet d'établir la vérité sur ces événements en question, ce qui constitue
8 une étape primordiale et favorise la réconciliation. Pour ces raisons, nous
9 présentons comme arguments que M. Deronjic -- on doit tenir compte de son
10 plaidoyer de culpabilité dans ce cas.
11 En vertu de l'Article 101(B)(ii) du Tribunal, Règles de procédure et de
12 preuve, précise que : "la Chambre de première instance tiendra compte de
13 l'étendue du sérieux de la coopération avec le Procureur de la personne
14 avant ou après sa condamnation." D'après la jurisprudence du Tribunal, la
15 coopération importante dépend de la qualité, de l'étendue de l'information
16 fournie par l'accusé, peut comprendre les témoignages précédents faits
17 auprès de l'Accusation, la disposition sur les informations nouvelles avec
18 les différentes identités et les noms des auteurs, justification et
19 confirmation des informations existantes, coopération éventuelle et
20 témoignage éventuel au nom de l'Accusation. Dans notre jugement, la
21 coopération fournie au bureau du Procureur par Miroslav Deronjic a été
22 étendue au sens de cet article du Règlement de procédure et de preuve.
23 Je souhaite établir ici une comparaison avec le cas à l'affaire Drazen
24 Erdemovic. M. Erdemovic a présenté un plaidoyer de culpabilité au chef de
25 violations et de lois et coutumes de la guerre pour sa participation dans
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1 les massacres de Branjevo à la ferme militaire, le 16 juillet 1995, à
2 Srebrenica. Il a présenté un deuxième plaidoyer de culpabilité à la suite
3 d'un appel et M. Erdemovic a reçu ou a été condamné à cinq ans, en
4 particulier, à cause de l'élément, ici, d'intimidation qui a existé dans
5 son cas et aussi parce qu'en raison de la coopération étendue avec le
6 bureau du Procureur.
7 Si je me souviens bien, c'était Mme la Juge Mumba qui était le président de
8 la Chambre dans le cas de cette affaire. Je puis dire un bon nombre
9 d'années après ce plaidoyer de culpabilité que la coopération de M.
10 Erdemovic avec le bureau du Procureur était tout à fait conséquente à ce
11 moment-là. C'est la coopération permanente avec le bureau du Procureur qui
12 est importante aujourd'hui.
13 Comment avons-nous pu définir cela, coopération ? Je vais en parler
14 brièvement. Il a confirmé qu'une exécution avait lieu à la ferme militaire
15 de Branjevo, le 16 juillet 1995 et il a défini son rôle et sa participation
16 dans ce massacre. Il a identifié un autre site de massacres. Il s'agissait
17 à quelques distances de là, d'un endroit dont nous n'avions aucune
18 information jusque-là, à Pilica, les auteurs de ces exécutions à la ferme
19 de Branjevo ainsi qu'au centre culturel de Pilica. Il a témoigné en vertu
20 de l'Article 61 contre Karadzic et Mladic. J'ai moi-même été présent. Il a
21 également témoigné dans le cas de l'affaire Krstic. Il a témoigné dans
22 d'autres affaires également.
23 M. Erdemovic a fourni des éléments très importants, tout à fait, uniques et
24 a permis de mieux comprendre un événement en particulier, le massacre de
25 Srebrenica en 1995. Des renseignements, les éléments de preuve fournis par
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1 M. Deronjic au bureau du Procureur sont beaucoup plus étendus en matière de
2 contenu et en matière pour ce qui est de la période des événements qu'il
3 décrit entre 1991 jusqu'en 1995. C'est en raison de l'étendue et du niveau
4 de la coopération de M. Deronjic avec le bureau du Procureur que le bureau
5 du Procureur a fait une recommandation en ce sens.
6 Pour le bien du public et pour vous-même, je vais maintenant vous parlez de
7 l'essentiel de la coopération de M. Deronjic avec le bureau du Procureur.
8 Je vais tout d'abord commencer par le renseignement qu'il a fourni au
9 bureau du Procureur. Nous avons pris plusieurs déclarations, une très
10 longue sur un certain nombre de sujets de M. Deronjic portant sur les
11 événements en Bosnie entre 1991 et 1995. Il est très important de constater
12 qu'à l'époque où M. Deronjic nous a fait ces déclarations auprès du bureau
13 du Procureur, il l'a fait sans aucune promesse de récompense, aucun
14 avantage pour lui. Ceci, je crois, mérite d'être pris en considération.
15 Nous avons déposé un exemplaire. Je crois que c'est DS8 ce même document.
16 Il s'agit d'un exemplaire de la déclaration qu'il a faite auprès du bureau
17 du Procureur. Je n'ai pas l'intention d'aborder dans le détail le contenu
18 de cette déclaration fournie par M. Deronjic. C'est une déclaration qui
19 comporte 71 pages, et qui est du domaine public. Néanmoins, il y a certains
20 éléments que je souhaite porter à votre attention de façon à ce que vous-
21 même ainsi que le public connaissent l'étendu de sa coopération au bureau
22 du Procureur.
23 Les renseignements qu'il nous a fournis à propos de l'organisation des
24 dirigeants serbes de Bosnie en 1991 et 1992. Dans sa très longue
25 déclaration, M. Deronjic décrit la philosophie politique qui sous-tendait
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1 les décisions des assemblées serbes de Bosnie. Il s'agissait de porter le
2 soutien à la création d'un état souverain en Bosnie-Herzégovine. Le
3 principe essentiel qui animait les dirigeants serbes de Bosnie était la
4 création d'un territoire uniquement serbe, la division de la Bosnie-
5 Herzégovine. Ceci signifiait qu'il y aurait une séparation ainsi qu'une
6 expulsion permanente des populations ethniques des municipalités désignées
7 comme étant serbes, soit par accord soit par la force. Eu égard à l'acte
8 d'accusation que vous avez sous les yeux, le programme politique a atteint
9 son apogée en 1992 à la municipalité de Bratunac avec le nettoyage ethnique
10 de Glogova et des villages voisins.
11 Je vais tourner mon attention maintenant vers les éléments d'information
12 fournis par M. Deronjic. Il s'agi ici des versions A et B d'un certain
13 document, lorsqu'il s'agissait de sélectionner certaines municipalités qui
14 avaient été visées par le plan les Serbes de Bosnie, M. Radovan Karadzic en
15 1991 le document auquel nous avons fait référence au cours de notre
16 audience hier, et connu sous le nom variante A et variante B, M. Deronjic a
17 fourni dans son témoignage des éléments et a répondu aux questions qui ont
18 été posées à propos de ces documents hier qui étaient présents lors de la
19 réunion, et cetera. La pièce suivante nous n'avons pas besoin de la mettre
20 sous le rétroprojecteur, néanmoins il nous faut un numéro. Il s'agit d'un
21 exemplaire de la variante A et B, si vous pourriez m'attribuer un numéro de
22 cote, à ce moment-là aux fins d'identification de ces documents, s'il vous
23 plaît, de façon à ce que je puisse poursuivre.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] PS22.
25 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Pourrions-nous avoir une différence
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1 entre la variante A et B, s'il vous plaît.
2 M. HARMON : [interprétation] Il s'agit de la variante A et B.
3 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Comment souhaitez-vous procéder ?
4 Souhaitez-vous d'abord commencer par la version anglaise ou la version en
5 B/C/S ?
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] PS22/A pour la version anglaise, et
7 PS22 pour le document original en B/C/S.
8 M. HARMON : [interprétation] Bien.
9 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ce document est versé au dossier.
10 M. HARMON : [interprétation] Je crois qu'il n'est pas utile de répéter ce
11 que M. Deronjic a dit à propos des variantes A et B. Cela figure dans son
12 témoignage ainsi que dans sa déclaration. Je note néanmoins que
13 l'authenticité, la recevabilité de ces documents en question qui a été
14 fortement contestée lors de deux procès avant celui-ci, l'Accusation contre
15 M. Simic et consort, l'Accusation contre M. Brdjanin. J'avance que si son
16 témoignage avait été disponible dans les affaires Simic et Brdjanin, ceci
17 aurait été fort utile et aurait pu être d'une grande aide à la Chambre de
18 première instance dans le cadre de ces deux affaires.
19 Je peux dire sans équivoque, Messieurs les Juges, que ce témoignage pourra
20 être fort utile à l'Accusation dans les procès futurs, en particulier dans
21 le cas de l'affaire Krajisnik qui dont le procès doit commencer le 3
22 février.
23 M. Deronjic a également fourni à l'Accusation certains éléments
24 d'information sur un incident avant la guerre, la prise de contrôle de la
25 municipalité de Bratunac ainsi que des municipalités voisines, l'armement
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1 des Serbes de Bosnie. Il a fourni des informations très précieuses sur ses
2 voyages à Belgrade avec le feu Goran Zekic et son contact avec Mihajlo
3 Kertes, qui était le ministre de l'Intérieur de la RSFY sur la livraison
4 des armes à la Bosnie. Kertes, je cite de la conversation : "Sur une zone
5 de 50 kilomètres de distance du fleuve la Drina, tout serait serbe." Cette
6 déclaration a été faite bien avant que les objectifs stratégiques n'ont été
7 établis et que vous avez sous les yeux, bien avant que ces objectifs ont
8 été promulgués par l'assemblée des Serbes de Bosnie le 12 mai 1992.
9 Il a également fourni des éléments d'information au bureau du Procureur sur
10 la manière dont ces armes avaient été livrées aux Serbes de Bosnie dans la
11 région Podrinje, soit par la RSFY où l'origine de ces armes, comment ces
12 armes ont été livrées à la Bosnie, à qui ces armes ont été livrées, où ces
13 armes ont été entreposées. De plus, il a également fourni de différents
14 éléments nous permettant de comprendre comment les Serbes de Bosnie ont
15 reçu des armes, par différents moyens. Ces éléments sont par conséquent,
16 très importants et son témoignage nous a été fort utile.
17 Je vais maintenant parler d'un autre sujet à propos duquel
18 M. Deronjic nous a donné des éléments d'information : la prise de contrôle
19 de Bratunac le 17 avril 1992. Les éléments qu'il nous a fournis sont à la
20 fois uniques et corroboraient d'autres éléments d'information dont
21 disposait déjà le bureau du Procureur. Ce qui est particulièrement
22 important eu égard à la prise de contrôle de la municipalité de Bratunac,
23 c'est le rôle qu'ont joué les volontaires. M. Deronjic nous a fourni des
24 informations très précieuses sur ces volontaires : d'où ils venaient, qui
25 ils étaient, quels rôles ils ont joué dans la prise de contrôle de la
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1 ville. Les événements qui se sont produits à Bratunac constituent des
2 éléments très importants surtout eu égard à l'accusé d'accusation adressé
3 contre M. Krajisnik dont le procès vous démarrer la semaine prochaine.
4 M. Deronjic nous a également fourni des éléments sur la conduite de la
5 prise de contrôle de différentes municipalités en Bosnie. Il nous a décrit
6 comment ceci s'est produit. Il a décrit comment les volontaires de la JNA
7 ont travaillé en étroite collaboration avec des Serbes de la région, en vue
8 de prendre le contrôle d'autres municipalités, et en vue de créer de
9 territoire serbe. Il s'agit d'éléments très importants pour le bureau du
10 Procureur. Eu égard à la prise de contrôle de Bratunac, il a fourni un
11 récit détaillé à l'arrivée d'une unité de la JNA dans la municipalité de
12 Bratunac. Il a clairement identifié cette unité ainsi que son commandant.
13 Il a décrit le rôle qu'a joué cette unité de la JNA en question dans le
14 désarment des Musulmans de Bosnie, ainsi que le nettoyage ethnique de la
15 municipalité en question. Bon nombre des éléments fournis par M. Deronjic
16 sont uniques et seront très importants dans d'autres procès.
17 Je vais maintenant vous parler de la prise de contrôle de la ville de
18 Glogova. Dans l'exposé des faits et les témoignages que nous a donnés M.
19 Deronjic hier, il a parlé des événements qui ont précédé à la prise de
20 contrôle du village. Ceci s'est contenu au paragraphe 14 jusqu'à 37 de
21 l'exposé de faits. La description de M. Deronjic des événements qui ont
22 précédé l'attaque et les raisons pour lesquelles cette attaque a été lancée
23 et comment l'attaque a fait partie d'un plan général qui visait à mettre en
24 place des territoires éthiquement serbes sont très précieux pour le bureau
25 du Procureur, et d'autres pour toute personne qui doit rendre des jugements
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1 au plan juridique et historique sur cette guerre qui a eu lieu en
2 Bosnie-Herzégovine.
3 M. Deronjic a fourni beaucoup de détails sur l'attaque elle-même, l'attaque
4 de Glogova, tels qu'ils sont exposés au paragraphe 38 à 43 de l'exposé de
5 faits. Il a également fourni des éléments d'information supplémentaires
6 hier, lors de son témoignage.
7 Je dois dire que les éléments d'information qu'il nous a fournis sont
8 uniques et confirment d'autres. Il a fourni des éléments sur l'identité des
9 auteurs. Il nous a fourni des éléments d'information ce qui confirment les
10 informations que nous avions à propos de ces mêmes événements déjà.
11 Pour finir, eu égard à l'attaque de Glogova, M. Deronjic a décrit, aux
12 paragraphes 45 jusqu'à 47 de l'exposé des faits ainsi dans son témoignage
13 d'hier, une réunion importante à laquelle il a assisté à Pale après
14 l'attaque. Immédiatement après l'attaque, il devait rendre des comptes à
15 Ratko Mladic, Radovan Karadzic et Velibor Ostojic ainsi que les dirigeants
16 des municipalités. Il devait rendre des comptes sur les événements qui
17 s'étaient produits à Glogova. Il nous a dit qu'on l'avait applaudi pour
18 avoir ainsi relaté les événements. Il a précisé que Velibor Ostojic a dit :
19 "Maintenant, nous pouvons colorer la ville de Bratunac en bleu." Il s'agit
20 ici d'un élément d'information extrêmement important pour le bureau du
21 Procureur.
22 M. Deronjic a également fourni des éléments d'information sur le transfert
23 forcé et l'expulsion forcée de Musulmans de Bosnie de la municipalité de
24 Bratunac, au mois d'avril et mai 1992. La façon dont ce nettoyage ethnique
25 s'est produit, chose que connaissait déjà le bureau du Procureur, le récit
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1 de M. Deronjic était très important dans la mesure où il a permis de
2 confirmer ces événements.
3 Son compte rendu détaillé des événements, l'objectif de l'attaque, le
4 contexte qu'il nous a fourni et le fait que ceci faisait partie d'un plan
5 plus général, constitue des éléments très importants qui seront utiles dans
6 le cadre de deux, trois affaires.
7 Je souhaite également parler d'un autre élément qui a été fort utile pour
8 le bureau du Procureur. Il s'agit de la présence des Bérets rouges à
9 Bratunac entre 1992 et 1993. M. Deronjic nous a décrit la présence des
10 camps d'entraînement des Bérets rouges dans la municipalité de Bratunac et
11 dans les municipalités voisines. On m'a dit et je puis dire que dans
12 d'autres affaires et dans d'autres cas, nous estimons qu'il s'agit là
13 d'éléments d'information uniques et extrêmement précieux que nous allons
14 faire valoir dans le cadre d'autres procès devant ce Tribunal.
15 Un des éléments particulièrement important pour ce Tribunal et les
16 historiens est de savoir si la JNA a participé aux activités de combats en
17 Bosnie après que la JNA se soit retirée de Bosnie. C'est un objet de débat
18 et de polémique depuis que je travaille dans ce Tribunal. En avril, en
19 1993, une contre-offensive serbe contre les forces musulmanes de Bosnie a
20 eu lieu dans la région de Bratunac. A ce moment-là, l'armée yougoslave
21 était censée avoir quitté la Bosnie, ce qui n'était pas le cas. M. Deronjic
22 a observé lui-même et reconnu qu'il existait des unités de la JNA, qui
23 étaient présentes dans la région de Bratunac et qui étaient engagées au
24 combat. Il a témoigné dans cette affaire ainsi que dans l'affaire Milosevic
25 à cet égard. La manière dont il a présenté ces éléments de preuve dans
Page 201
1 l'affaire Milosevic ont été clairement présentés par M. Geoffrey Nice, qui
2 est le Procureur dans le cas de cette affaire. Ces éléments d'information
3 sont particulièrement importants.
4 M. Deronjic nous a fourni des informations sur Srebrenica en 1995. Il a
5 fourni des informations sur les massacres qui se sont produits et les
6 informations sont uniques et, tout à fait, confirment ce que nous savions
7 déjà. Ces éléments comportaient ce qui suit : des éléments d'information
8 sur les réunions, les contacts avec Radovan Karadzic avant les événements,
9 pendant les événements et après les événements tragiques de Srebrenica. Les
10 informations qu'il nous a fourni étaient claires et seront utile à l'avenir
11 pour le bureau du Procureur, tout à fait, uniques et un bon nombre d'égard,
12 ceci a confirmé d'autres des éléments que nous avions déjà. Des éléments
13 d'information uniques sur le rôle du colonel Ljubisa Beara dans les
14 massacres. Le colonel Beara est une figure centrale de ce plan, qui a été
15 accusé, par le Tribunal, pour le rôle qu'il a joué dans ces massacres. Il
16 est, comme vous le savez, c'est toujours un fugitif. Le témoignage de M.
17 Deronjic dans ce cas est très important.
18 M. Deronjic a accepté et reconnu qu'il y a eu des massacres à Srebrenica.
19 Ceci est un élément très important, comme je vous l'ai dit hier, je me suis
20 occupé de l'affaire Srebrenica depuis que le Tribunal a commencé à enquêter
21 en 1995. Je me suis rendu sur les différents sites d'exécution. Je me suis
22 rendu à Glogova moi-même. Il y a une fosse commune. Je dois ajouter que
23 j'ai vu que dans la Republika Srpska, les gens ne souhaitaient pas parler
24 de ces événements, encore moins les reconnaître. J'ai convoqué un certain
25 nombre d'officiers de l'armée de la Republika Srpska, tous ont refusé
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1 d'admettre que des massacres avaient eu lieu. Il y avait beaucoup de
2 réticences à cet égard. J'ai poursuivi le général Krstic pendant 15 mois
3 pour la responsabilité qu'il a joué dans ces événements. Il était clair à
4 ce moment-là, et c'est clair aujourd'hui encore que la reconnaissance de
5 ces massacres reste quelque chose de très difficile pour les habitants de
6 la Republika Srpska et constitue un obstacle à la réconciliation.
7 Cette insistance que rien ne s'est passé à Srebrenica face à toutes les
8 preuves qui existent est quelque chose d'étonnant. Ce qu'on note très
9 progressivement, cela change et en grande partie grâce aux efforts déployés
10 par ces institutions. Dans le cadre de l'affaire Krstic on a pu entendre
11 les médecins légistes et voir leurs rapports. Il en va de même dans
12 l'affaire Blagojevic. Je cite ici aussi les plaidoyers de culpabilité de
13 Dragan Obrenovic et de Momir Nikolic, qui avaient reconnu avoir participé
14 dans ces meurtres. Leurs reconnaissances publiques de leur participation
15 dans ces meurtres ont contribué à la réconciliation. Sans aucun doute, le
16 fait que M. Deronjic reconnaît cela en public et qu'il a donné les
17 informations au bureau du Procureur ne peut qu'aider à rétablir la vérité
18 et commencer un processus de réconciliation.
19 Pourquoi est-ce que j'en parle ? Puisque dans la Republika Srpska, il y a
20 encore beaucoup d'efforts qui sont faits pour renier l'existence des
21 événements de Srebrenica. La prochaine pièce à conviction pour laquelle je
22 demande la cote est un rapport.
23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Avant d'attribuer la cote, puis-je
24 demander à la Défense s'ils ont des objections quant à la pertinence du
25 document dans notre affaire.
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'objections, Monsieur le
2 Président.
3 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Puis-je vous demander de nous
4 donner des renseignements supplémentaires. Cela dit, de façon tout à fait
5 correcte, auparavant, cette Chambre de première instance est ici pour
6 statuer uniquement sur les événements du 9 mai 1992 à Glogova. C'est bien
7 ce que nous avons souligné déjà hier. On voit donc que l'Accusation qui
8 souhaite verser ce document au dossier ainsi que le document suivant que
9 vous proposez de verser et concernent, tous les deux, Srebrenica. Vous
10 voulez montrer qu'il y avait beaucoup de propagande dans la région et que
11 les personnes ici présentes ont œuvré pour que la vérité soit établie. Il
12 ne sera peut-être pas nécessaire de verser ces pièces au dossier puisque
13 cela pourrait provoquer une confusion auprès du public compte tenu de
14 l'affaire. Je vous prie de nous expliquer en quoi cela serait pertinent
15 pour notre affaire.
16 M. HARMON : [interprétation] Oui. Je veux vous l'expliquer, Monsieur le
17 Président.
18 Le document dont nous parlons représente la contribution que M. Deronjic
19 auprès du bureau du Procureur et donc explique quelle a été cette
20 coopération. M. Deronjic, nous a donné une déclaration importante et
21 détaillée sur les événements à Srebrenica et sur les personnes qui ont joué
22 un rôle au moment du massacre. Il nous a parlé de documents qu'il avait
23 préparés dont je vais parler d'ici quelques instants, et ceci vise à nier
24 les tendances révisionnistes à propos de ces événements. Donc, tout
25 simplement d'un côté on montre qui avait tendance d'établir la vérité et
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1 aussi cela aurait pour but d'empêcher à des révisionnistes à l'avenir de
2 pouvoir nier l'existence de ces événements. Au moment où ces personnes
3 pourraient voir les dépositions faites par Messieurs Obrenovic, Nikolic ou
4 Deronjic, ils ne pourraient plus nier une existence de ces massacres. Il ne
5 faut pas que ces voix soient mises sous silence.
6 En tout cas, nous estimons que pour la Chambre, c'est un document utile.
7 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Harmon,
8 la Chambre va se consulter.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le document intitulé "Le rapport
11 sur Srebrenica, première partie," sera versé au dossier. Peut-on en avoir
12 la cote ?
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] PS23.
14 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.
15 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Ce document, PS23 que je ne mettrai pas dans son intégralité sur le
17 rétroprojecteur, mais uniquement en partie, a été préparé par le centre de
18 documentation de la Republika Srpska, les bureaux que le gouvernement de la
19 Republika Srpska a pour la coopération avec le Tribunal de La Haye. Il a
20 été préparé au mois de septembre 2003 [comme interprété]. Dans le but
21 suivant, et je cite :
22 "L'objectif de ce rapport est de présenter toute la vérité sur les crimes
23 commis à Srebrenica quelque soit le nationalité des auteurs des crimes au
24 moment des faits."
25 Sur le rétroprojecteur, à la page 38 [comme interprété] vous voyez la page
Page 205
1 38 [comme interprété] de ce rapport, et dans tout ce rapport qui parle des
2 "des massacres de Srebrenica," on arrive à la page 34, à la conclusion dans
3 le paragraphe en haut, je cite, il est dit : "Le nombre de Musulmans qui
4 ont été exécutés par les forces serbes de Bosnie pour vengeance personnelle
5 tombe sous la coupe d'une loi internationale est probablement de moins
6 d'une centaine."
7 Il s'agit là d'un document qui est atroce et terrible dans son jugement.
8 Les renseignements qui ont pu être donnés par M. Deronjic et le rôle que
9 différentes personnes ont pu jouer lors des massacres est quelque chose qui
10 aidera beaucoup à combattre les thèses révisionnistes qui existent dans la
11 Republika Srpska.
12 En parlant de ce rapport, un autre ineptie que l'on trouve dans ce rapport
13 est la suggestion que les femmes bosniennes, ainsi que les vieux et les
14 enfants avaient été transférés de l'enclave de manière correcte et
15 humanitaire. Et bien, ceci est quelque chose qui a été contestée de
16 nombreuses fois par des témoins devant ce Tribunal, que ce soit dans le
17 cadre de l'affaire Krstic, ou dans le cadre de l'affaire Blagojevic, Jokic.
18 Il s'agissait en réalité d'expulsions par force des populations musulmanes.
19 Ce qui a aussi confirmé la déclaration de M. Deronjic. Passons maintenant à
20 la prochaine pièce à conviction.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Elle portera la cote PS24.
22 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Et ce document a été versé au
23 dossier.
24 M. HARMON : [interprétation] Pourriez-vous s'il vous plaît le placer sur le
25 rétroprojecteur. Il s'agit d'un document que je connais très bien puisqu'il
Page 206
1 s'agit d'une pièce à conviction dans le cadre de l'affaire Krstic. Et je
2 suis sûr qu'il a été utilisé aussi dans l'affaire Blagojevic et Jokic. Dans
3 ce document on voit la source de cette information qui disait qu'il
4 s'agissait d'un transfert tout à fait humanitaire des femmes et des enfants
5 bosniens de Srebrenica. Il nous en a été parlé par M. Deronjic, mais aussi
6 par le commandant Franken, qui commandait les forces néerlandaises à
7 Potocari à l'époque.
8 Ce qu'il est dit, c'est que les Musulmans de Srebrenica avaient le choix
9 soit de rester dans l'enclave ou bien d'être évacués. S'ils voulaient être
10 évacués, ils avaient le choix de choisir l'endroit où ils voulaient se
11 rendre, et que cette évacuation allait être mise en œuvre par l'armée des
12 Serbes de Bosnie et sous le contrôle de FORPRONU. Et enfin que tout cela
13 aura lieu selon les dispositions du droit international humanitaire.
14 Il s'agit là d'un document, il était le document clé des fausses
15 informations qui se sont répandues par la suite. Je vais passer très
16 rapidement d'un contenu à l'autre.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je suis en train de chercher la cote.
18 M. HARMON : [interprétation] Vous trouverez les numéros en haut à droite.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation]Ce sera le document PS25 pour l'original
20 B/C/S et 25A, la traduction anglaise. Le document prochain portera la cote
21 PS25/1. Par la suite, ce sera au PS25/2, c'était pour le document OTP 113,
22 et à la fin OTP 114, en haut à droite, portera la cote de PS25/3.
23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Nous aurons peut-
24 être besoin de revenir là-dessus, parce que de temps à autre nous avons
25 aussi des versions parfois en B/C/S, parfois en anglais que nous devons
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1 mentionner. Ce qui est nécessaire, c'est de verser au dossier les documents
2 dans les deux langues.
3 M. HARMON : [interprétation] Ces documents, Monsieur le Président,
4 reflètent cette idée que rien ne s'était passé à Srebrenica. On voit ici
5 que, dès le 17 juillet 1995, cela avait commencé.
6 Pourrions-nous voir le premier document, qui porte la cote PS25. Dans ce
7 document, dans ce résumé, on voit que M. Zametica qui était le porte parole
8 de M. Karadzic, déclare que la description de ce qui s'était passé à
9 Srebrenica et qui avait été fait par les médias internationaux, était de la
10 propagande violente.
11 Nous passons maintenant à la prochaine pièce à conviction. Pour nous, c'est
12 le OTP 114/2. C'est aussi un rapport datant du 17 juillet 1995. M. Zametica
13 à nouveau parle, dit : "Vous parlez des Musulmans qui ont été expulsés.
14 Ceci est entièrement faux. Il s'agissait d'une évacuation qui avait été
15 convenue auparavant avec les représentants musulmans."
16 Nous passons désormais à la prochaine pièce à conviction -- avant, cela
17 portait la cote 114/3, où M. Zametica continue à nier les faits. Il dit
18 qu'il s'agissait des évacuations qui avaient été menées d'après les
19 dispositions des conventions de Genève. Dans le document préparé par M.
20 Deronjic et Franken, on parle de M. Deronjic dans ce rapport daté du 18
21 juillet.
22 Par la suite, on voit M. Karadzic le 5 novembre 1995, déclare que rien ne
23 s'était passé à Srebrenica. Je ne mentionne cela que pour démontrer à la
24 Chambre qu'il y avait des nombreux efforts déployés dans la Republika
25 Srpska, qui avait commencé au moment des massacres, qui avait continué à
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1 être répandus par les fonctionnaires de la Republika Srpska encore en 2002.
2 Le document qui a été signé par les trois personnes dont j'avais parlé
3 auparavant, est un document qui est important dans les deux procès qui
4 doivent avoir lieu devant ce Tribunal. Quel est le rôle de M. Deronjic ? Il
5 parle dans son rapport du rôle de Radovan Karadzic qui avait déclaré, qu'il
6 n'y avait pas réellement de raison pour que les Musulmans restent à
7 Srebrenica, que c'était préparé pour des raisons de propagande, que le
8 contenu de ce rapport ne correspond pas à la vérité, que la raison pour
9 laquelle ce document a été préparé était pour tromper la communauté
10 internationale.
11 Le fait qu'il nous a parlé des vraies raisons pour lesquelles ce document a
12 été rédigé, c'est important pour nous. C'est tout simplement pour que les
13 procès qui sont actuellement dans ce Tribunal et qui parlent de Srebrenica,
14 ou bien les procès qui vont venir, en parleront. Tout simplement, on montre
15 que les Musulmans ne sont pas partis de Srebrenica de leur plein gré. Par
16 ailleurs, à l'avenir, on pourra empêcher les révisionnistes de dire que
17 l'expulsion par force des Musulmans de Srebrenica n'était pas quelque chose
18 qui a été fait dans le cadre de la loi humanitaire.
19 Nous faisons cela pour combattre ces thèses révisionnistes et pour établir
20 la vérité. M. Deronjic a ainsi apporté son évol [phon] en rétablissement de
21 la vérité quand aux événements qui avaient eu lieu à Srebrenica.
22 Monsieur le Président, je souhaiterais parler d'autres façons dont M.
23 Deronjic a coopéré avec ce Tribunal. Il a été témoin dans plusieurs
24 affaires qui sont au nombre de quatre. Krstic, il a été témoin à la barre
25 dans l'affaire Obrenovic, idem, dans l'affaire Milosevic. Je vous ai déjà
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1 mentionné l'importance qu'accordait M. Nice à la déposition de M. Deronjic.
2 Il a aussi témoigné dans le cadre de l'affaire Blagojevic. Aussi une
3 cinquième fois ici, il a parlé des affaires à Glogova. M. Deronjic sera un
4 témoin important du Procureur dans l'affaire de M. Krajisnik. J'ai
5 l'intention de verser au dossier les dépositions de M. Deronjic.
6 M. Deronjic a accepté de témoigner aussi dans le cadre des affaires qui
7 auront lieu à l'avenir devant ce Tribunal, ainsi que dans les affaires qui
8 concernent des personnes qui sont des fugitifs de justice, et je suis
9 confiant, seront un jour jugés par ce Tribunal. M. Deronjic a accepté de
10 coopérer aussi dans le cadre des autres enquêtes menées par le bureau des
11 enquêtes du bureau du Procureur.
12 M. Deronjic a aussi donné au bureau du Procureur un certain nombre de
13 documents originaux tels que des procès-verbaux, des réunions du SDS à
14 Bratunac en 1995. Ces documents représentent des documents importants,
15 parce qu'ils nous démontrent de quelle façon a fonctionné la cellule de
16 Crise de Bratunac et de quelle façon avait mis en œuvre de la variante A et
17 la variante B de la stratégie. Mis à part ces deux classeurs ici, M.
18 Deronjic nous a donné quatre documents originaux qui parlent des
19 commissions de guerre et la façon dont celles-ci avaient été créées.
20 Certains de ces documents ont été signés par Radovan Karadzic, et ces
21 documents seront utilisés en tant qu'élément de preuve dans un certain
22 nombre d'affaires.
23 Je passe ici à un autre sujet, M. Deronjic a donné au bureau du Procureur
24 des détails sur les crimes qui avaient eu lieu à Bratunac en 1992; tout
25 particulièrement l'arrestation des Musulmans en provenance de Srebrenica
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1 qui ont été arrêtés au Monténégro.
2 J'aborde un autre sujet maintenant, M. Deronjic a donné les identités des
3 auteurs de crimes qui nous étaient inconnus auparavant. Je ne rentrerai pas
4 dans les détails.
5 Comme j'ai dit Monsieur le Président, au début de mon intervention,
6 l'affaire pour laquelle M. Deronjic reconnaît sa culpabilité, est une
7 affaire tout à fait grave, sérieuse et atroce. Ce sont des crimes pour
8 lesquels je demanderai une peine très importante. J'essaierai d'expliquer
9 pourquoi je ne demande pas une peine maximale dans le cadre de la présente
10 affaire. Puisque tout cela m'a amené à croire ainsi qu'à mes collègues du
11 bureau du Procureur, que la peine de M. Deronjic devrait être différente.
12 C'est pour cela Monsieur le Président, Messieurs et Madame les Juges je
13 propose que M. Deronjic serve [phon] une peine de prison de 10 ans.
14 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. L'audience est
15 levée jusqu'à 16 h 10.
16 --- L'audience est suspendue à 15 heures 41.
17 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.
18 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Une petite précision : car nous
19 nous sommes consultés brièvement sur cette question, M. Mark Harmon, vous
20 avait demandé l'autorisation de verser une déclaration supplémentaire et de
21 verser, également, le compte rendu d'audience lors d'une autre audience. La
22 Chambre de première instance est d'avis que vous avez, déjà, fourni
23 suffisamment de documents pour que nous puissions évaluer la contribution
24 de l'Accusation. Donc, nous pensons que votre contribution, en ce sens, est
25 déjà importante. Je pense que nous devrions faire référence à des affaires
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1 passées et non pas à des affaires futures. Nous ne pensons pas qu'il soit
2 nécessaire de verser cela au dossier.
3 M. HARMON : [interprétation] Je ferai comme l'a indiqué, Monsieur le
4 Président. Merci.
5 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Il appartient, maintenant à
6 la Défense, de présenter sa plaidoirie.
7 M. CVIJETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Monsieur le Président, vous avez ici l'Accusé, Miroslav Deronjic, qui fut
9 arrêté face à son domicile à Bratunac, le 6 juillet 2002, sur la base d'un
10 acte d'accusation qui avait été délivré trois jours auparavant, le 3
11 juillet 2002, pour être précis. Avant sa première comparution au Tribunal
12 international, le 10 juillet 2002, M. Deronjic a plaidé non coupable à tous
13 les chefs d'accusation de l'acte d'accusation. Entre les 29 et 30 septembre
14 2003, le Procureur et M. Deronjic ont présenté un accord de plaidoyer,
15 conformément auquel il est convenu de plaider coupable pour un chef
16 d'accusation, le crime contre l'humanité sanctionnable conformément à
17 l'Article 5(H) et 7(1) du Statut du Tribunal, tel que cela est décrit dans
18 le deuxième acte d'accusation amendé.
19 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je m'excuse. Normalement, je
20 n'interromps pas les conseils. Mais, pour que nous comprenions mieux,
21 auriez-vous l'amabilité de nous expliquer ce que nous avons à l'écran. Je
22 peux lire 1 septembre.
23 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous avais déjà
24 indiqué qu'il s'agit d'un document que nous allons verser au dossier et je
25 vous présenterai des explications à ce sujet. Il s'agit du discours de
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1 Miroslav Deronjic, à un rassemblement du SDA. Nous en avons parlé hier et,
2 lorsque le moment sera venu, j'aimerais, en fait, que nous puissions
3 entendre cet extrait. Puis-je poursuivre, merci.
4 Conformément à l'accord de plaidoyer, M. Deronjic comprend que la Chambre
5 de première instance peut lui imposer la peine maximale, à savoir, un
6 emprisonnement à vie, compte tenu de l'étendue et du sérieux de la
7 coopération de Miroslav Deronjic, le Procureur a recommandé à la Chambre de
8 première instance une peine de dix ans d'emprisonnement. Aucune autre
9 promesse ou aucune autre incitation, si ce n'est ce qui a été énuméré dans
10 l'accord de plaidoyer, n'a été présenté par le Procureur afin de convaincre
11 M. Deronjic de présenter cet accord de plaidoyer.
12 En fonction des facteurs et des considérations écrites dans la règle
13 101(B), la Défense a recommandé à la Chambre de première instance une peine
14 d'emprisonnement qui ne sera plus importante que six années de prison. Le
15 30 septembre 2003, M. Deronjic a présenté un plaidoyer de culpabilité pour
16 ce qui du chef d'accusation de persécution, du deuxième acte d'accusation
17 amendé. La Chambre de première instance, ayant dans un premier temps
18 vérifié que l'accord était conforme à la Règle 62 bis, a accepté l'accord
19 du plaidoyer de culpabilité.
20 Je vais maintenant vous parler de la vie de M. Deronjic, Miroslav Deronjic
21 est né le 6 juin 1954 dans le village de Magasici, municipalité de Bratunac
22 en Bosnie-Herzégovine. Avant la guerre, le village de Magasici était
23 essentiellement habité par des citoyens musulmans. Les parents de Miroslav
24 Deronjic étaient une famille de notables bien connus. Son père Milovan
25 était ouvrier de profession et sa mère Jelika était femme au foyer. M.
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1 Deronjic avait trois sœurs. M. Deronjic a suivi les cours de l'école
2 élémentaire à Bratunac, et l'école secondaire à Srebrenica. Entre 1973 et
3 1977, il a suivi des cours de philosophie à l'université de Sarajevo et a
4 obtenu un diplôme qui portait sur l'histoire de la littérature des peuples
5 de Yougoslavie, et il a obtenu, également, un diplôme en langue serbo-
6 croate. Il a obtenu ces diplômes avec des mentions A et a obtenu sa licence
7 de science en 1977 avec mention.
8 La même année, il a obtenu un emploi auprès du quotidien de Sarajevo
9 Oslobodjenje. Il a, également, travaillé à la radio Sarajevo et pendant six
10 mois fut enseignant dans l'établissement secondaire Igmanski Mars à
11 Sarajevo. En 1979, M. Deronjic a commencé à travailler comme enseignant
12 d'un établissement secondaire à Srebrenica.
13 Pendant la période allant de 1983 à 1985, M. Deronjic a travaillé en France
14 en tant qu'enseignant auprès d'enfants de travailleurs yougoslaves,
15 employés à l'étranger. Lorsque M. Deronjic est revenu de France, il est
16 devenu enseignant de langue à l'école secondaire de Srebrenica où il a
17 travaillé jusqu'en 1990. En 1984,
18 M. Deronjic a épousé Ranka Stevanovic de Bratunac. Ils ont deux fils Neven
19 qui naquit en 1984, et Stefan né en 1986. Son épouse est morte tragiquement
20 en 1992, et ensuite il a épousé Danica Stevic en 1996.
21 Son second mariage lui a donné deux enfants un fils Vuk, né en 1996, et une
22 fille Lola, née en 2001. M. Deronjic est le père de quatre enfants dont
23 trois sont des mineurs.
24 Monsieur le Président, j'aimerais, maintenant, aborder sa carrière
25 politique. M. Deronjic s'est rallié au parti démocrate serbe en 1990.
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1 Jusqu'à cette période, M. Deronjic n'avait, jamais véritablement, eu
2 d'appartenance politique et n'a joué aucun rôle dans la création du SDS en
3 Bosnie-Herzégovine. Le point de vue politique de M. Deronjic était et
4 continu à être anti-communiste et démocratique. Au départ, il a soutenu
5 pardon le SPO le mouvement de rénovation serbe, qui était un parti
6 d'opposition en Serbie, qui était véhément opposé au régime de Slobodan
7 Milosevic.
8 Puis, M. Deronjic est devenu le président du SDS à Bratunac en 1991 pour
9 être précis, poste qu'il a occupé jusqu'en 1995. En 1993, il devint membre
10 du conseil principal du SDS. Après la signature des accords de Dayton en
11 1996, Miroslav Deronjic est devenu le vice-président du SDS. En avril 1992,
12 Miroslav Deronjic fut élu président de la cellule de Crise de Bratunac,
13 fonction qu'il occupa jusqu'en juin 1992, date à laquelle il s'est retiré
14 de toutes les fonctions civiles et politiques au sein de la communauté.
15 Cela et après la mort tragique de sa femme, il s'est retiré de façon
16 temporaire de la ligne politique, et s'est entièrement consacré à ses
17 enfants. Puis, il a cessé toute activité politique en 1996. Depuis 1996 et
18 ce jusqu'au moment de son arrestation, il était au chômage.
19 J'aimerais, maintenant, vous parlez de sa personnalité et de sa moralité,
20 Monsieur le Président. Dans la communauté où il vivait et où il
21 travaillait, parmi ses collègues, les enseignants, pour ce qui est de ses
22 élèves, dans les cercles intellectuels et dans le cadre de sa vie privée,
23 il est considéré comme une personne intelligente, tolérante ayant le don de
24 la communication; une personne qui se consacrait, véritablement, à
25 l'enseignement de son sujet auprès de ses étudiants. Il était responsable
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1 de la bibliothèque, il était quelqu'un qui aimait beaucoup les livres, et
2 d'ailleurs il a su transmettre cet amour des livres, à toutes les
3 générations.
4 Sans aucune compensation financière dans le cadre d'activités extra
5 scolaire, il enseignait à ses étudiants l'histoire de l'art et a ainsi su
6 leur transmettre son goût pour les arts. La société, dans laquelle il
7 évoluait, était une société multi ethniques. J'en veux pour preuve son
8 témoin à son premier mariage qui était un de ses amis les plus proches, et
9 personne n'a jamais remarqué de geste de discrimination, d'agression ou de
10 haine venant de Miroslav Deronjic. Bien au contraire, il avait des
11 caractéristiques ou des traits de caractère très humains, et très positifs.
12 Monsieur le Président, nous avons présenté des preuves de moralité qui nous
13 ont été données par des amis, des étudiants et d'autres intellectuels et
14 vous verrez que nous avons parlé à des représentants de tous les groupes
15 ethniques, musulmans, croates et serbes qui ont apporté leur contribution.
16 La personnalité et la moralité de l'accusé sont, également, appréciée par
17 l'expert en psychologie Ana Najman qui a présenté un rapport écrit et ses
18 conclusions. Elle décrit Miroslav Deronjic comme une personne ayant des
19 aptitudes intellectuelles au dessus de la moyenne, et elle ne fait pas état
20 de trait de caractère tel que discrimination, agression ou haine.
21 J'aimerais, également, vous parler des efforts qu'il a déployés au nom de
22 la démocratie et de ses sentiments anti-communistes. A l'époque où il y
23 avait un seul parti dans la société socialiste, Miroslav Deronjic était
24 tout à fait apolitique. Toutes les personnes connaissaient, conviennent
25 d'une chose, à savoir, il avait payé un prix très, très lourd pour ses
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1 positions anticommunistes. Avec l'avènement d'un ordre politique
2 multipartite, il a commencé à s'intéresser à la politique, parce qu'à
3 l'époque, il y a vu une possibilité afin de promouvoir ses points de vue
4 anticommunistes et démocratiques. Dans ce sens, il a toujours accepté de
5 façon bienveillante toute organisation politique ayant les mêmes objectifs
6 et lors de la convention fondatrice du parti pour l'Action démocratique,
7 qui a organisé de façon politique la population musulmane, Miroslav
8 Deronjic s'est adressé aux personnes présentes, le 1er septembre 1990, dans
9 le stade de Bratunac et au nom du comité, qui souhaitait former le Parti
10 démocratique serbe, qui n'avait pas encore été créé à cette époque. Après
11 que certains dirigeants musulmans locaux ont fait chauffer l'atmosphère par
12 le truchement de discours à connotation nationaliste, Miroslav Deronjic
13 s'est adressé aux personnes présentes.
14 En fait, il fut véritablement persiflé de façon haute et claire. Toutefois,
15 après qu'il se soit réjoui du rassemblement politique de la population
16 musulmane et après qu'il ait établi le lien entre la lutte anticommuniste
17 et l'avènement de la démocratie, son allocution fut véritablement
18 accueillie par des applaudissements. Monsieur le Président, dans le cadre
19 de notre plaidoirie, la Défense a attaché en annexe le discours de Miroslav
20 Deronjic, prononcé le 1er septembre 1990, lors de l'assemblée fondatrice du
21 SDA à Bratunac. Nous aimerions, en fait, verser au dossier l'extrait vidéo
22 de ce rassemblement. Il s'agit du document DS13/11. Nous allons attribuer
23 la marque A au type vidéo.
24 J'aimerais demander au technicien de nous présenter cet enregistrement.
25 [Diffusion de vidéo cassette]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Merci beaucoup. J'aimerais maintenant
2 inviter M. Miroslav Deronjic, au nom du conseil de l'initiative du Parti
3 démocrate serbe de Bratunac."
4 "Miroslav Deronjic : Chers invités, c'est un grand honneur pour moi que de
5 vous accueillir. C'est un grand honneur pour moi de vous accueillir au nom
6 du peuple serbe de la municipalité de Bratunac et au nom du conseil de
7 l'initiative du Parti démocratique serbe de Bratunac et en mon nom
8 personnel. J'aimerais, en fait, vous souhaitez la bienvenue avec un dicton,
9 un vieux dicton : paix, unité et amour parmi nous, frères."
10 "Car je suis absolument convaincu que ces mots domineront, non seulement la
11 réunion d'aujourd'hui mais également toutes les réunions que nous et vous
12 organiserons à l'avenir car c'est une manifestation de bonne volonté des
13 deux peuples en cette époque de profonde mutation politique tumultueuse et
14 je souhaiterais que la raison et la dignité humaine prévalent. Je suis
15 absolument convaincu que la démocratie est la seule destinée du peuple
16 serbe tout comme je suis convaincu que la démocratie est le destin et la
17 destinée de votre peuple et de tous les autres peuples. La haine, la
18 sauvagerie, le caractère primitif n'ont aucune chance dans ce monde. Toute
19 personne qui construira sa politique sur ces principes sera véritablement
20 responsable du destin de son peuple. Qui se verra repousser aux périphéries
21 de l'histoire de la civilisation et du progrès ? Notre lutte commune doit
22 cibler l'ouverture de nouveaux espaces, des espaces de culture, de
23 relations entre les êtres humains, de tolérance et de compréhension ou
24 comme M. Crnjanski [phon] l'a dit, un espace de joie dans tous les cœurs et
25 dans tous les esprits. Cette personne, véritablement, pourra faire en sorte
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1 que son peuple entre dans la famille des peuples européens heureux."
2 "Nous sommes absolument convaincus que nos intentions et vos intentions
3 soient des intentions nobles et je suis absolument convaincu que vous
4 persévérerez et j'aimerais que vous m'autorisiez à vous accueillir en
5 prononçant notre formule. J'aimerais en fait que votre parti soit un parti
6 durable et heureux."
7 M. CVIJETIC : [interprétation] Voilà pour ce qui est de l'extrait vidéo,
8 Monsieur le Président. Nous avons présenté deux CDs, versés comme pièce à
9 conviction, qui contiennent l'ensemble de ce rassemblement, avec les
10 discours des dirigeants musulmans afin de corroborer ce que nous avançons
11 lorsque je vous dis que l'atmosphère qui avait été suscité par ces
12 dirigeants musulmans étaient assez chaude. Miroslav Deronjic a ensuite fait
13 un discours tolérant, un discours cultivé, dirigé vers la population
14 musulmane, comme vous l'avez entendu, il fut reçu par des applaudissements.
15 La deuxième raison pour laquelle nous voulons présenter cela comme pièce à
16 conviction est qu'il n'a jamais prononcé aucune phrase invitant à la
17 discrimination ou à la haine. Miroslav Deronjic, à l'instar de ses discours
18 publics, quelque soient les personnes auxquelles il s'adressait, des
19 Musulmans ou des Serbes, qu'il s'agit d'une réunion du Parti démocratique
20 serbe ou de ses activités préalables en tant qu'intellectuel, enseignant ou
21 dans son cercle privé, n'a jamais prononcé de paroles de haine et n'a
22 jamais fait montre d'intentions discriminatoires. Je vous ai déjà présenté
23 des pièces à conviction pour corroborer cela.
24 J'aimerais maintenant aborder la question de la guerre. A partir de la
25 Croatie, la guerre s'est étendue à la Bosnie-Herzégovine et a aggravé les
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1 relations interethniques. Miroslav Deronjic, en coopération avec les
2 représentants musulmans des autorités locales, a essayé de trouver des
3 solutions pour que les tensions ethniques n'aboutissent pas une à escalade
4 vers un conflit ouvert. Une tentative, de division du pouvoir local a été
5 menée à bien de façon tout à fait légale lors d'une réunion de l'assemblée
6 municipale à Bratunac et, a été mis en pratique pour ce qui est de la
7 division de la police. Miroslav Deronjic a expliqué et a avancé les raisons
8 pour lesquelles cela n'était pas possible dans d'autres sphères.
9 Je vous dirais, en fait, aux fins de comparaison que la réunion de cette
10 assemblée municipale a eu lieu le 4 avril 1992 lorsque la guerre a commencé
11 en Bosnie-Herzégovine. M. Deronjic, hier, avait mentionné Zvornik et
12 Bijeljina qui se trouvait à proximité. Peut-être qu'il aurait été possible
13 d'éviter le conflit ouvert si des unités paramilitaires volontaires ne
14 s'étaient pas trouvées dans les rues de Bratunac, le 17 avril 1992. Dès le
15 début, Miroslav Deronjic a été la cible d'attaques de la part de membres
16 extrémistes de ces unités car il n'a pas véritablement accueilli leurs
17 arrivées et a condamné publiquement leurs conduites. Pour ces personnes,
18 Miroslav Deronjic n'était pas un Serbe ou alors il était un Serbe qui
19 n'était pas assez dur. En ce qui concerne la population musulmane et sa
20 participation en tant que membre du SDS, il était un Serbe extrémiste. Il
21 n'était pas facile de trouver une formule où les comportements qui
22 satisfaisaient les deux côté, les deux camps. La crainte, la panique, les
23 frustrations collectives, les premiers assassinats, l'éclatement de la
24 guerre ouverte à Srebrenica n'a fait qu'exacerber la situation qui régnait
25 à Bratunac.
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1 Et j'aimerais maintenant vous parler de Glogova, le village de Glogova est
2 le plus grand village de la municipalité de Bratunac. Et avant la guerre,
3 c'est un village qui est essentiellement peuplé de Musulmans. Il se trouve
4 sur la route principale entre la ville de Bratunac et Konjevic Polje. Le
5 village de Glogova sépare Bratunac de l'enclave du village serbe de
6 Kravica. Et la route, qui était en fait le seul lien entre Bratunac et le
7 reste de la Republika Srpska, passait par Glogova pendant la guerre. Toutes
8 les tentatives, faites par les forces musulmanes, à partir de Srebrenica,
9 pour s'emparer de Bratunac ont été justement faites par le village de
10 Glogova en essayant de séparer Bratunac du territoire, qui était passé sous
11 le contrôle des Serbes. Et précisément du fait de son importance, le
12 village de Glogova a très souvent été pendant la guerre la cible
13 d'opérations, de contre-opérations de la part d'unités militaires
14 musulmanes et serbes. Alors la réalité du village, qui a été entièrement
15 détruit, complètement incendié est le résultat d'ailleurs de toutes ces
16 actions et non pas seulement le résultat de l'action menée à bien le 9 mai
17 1992.
18 Dans l'après-midi du 8 mai 1992, Goran Zekic, une personnalité populaire et
19 politique de Bratunac, qui était membre de l'assemblée de la République
20 serbe, a tété tué de Srebrenica et son corps fut amené à Bratunac.
21 Srebrenica a été, à partir de ce jour, placée sous le contrôle des forces
22 musulmanes. Et pendant le courant de cette journée et de cette nuit, tous
23 les Serbes ont quitté Srebrenica et se sont enfuis soit vers Bratunac ou
24 vers la Serbie. Et puis plus tard, le même jour, à 22 heures, la cellule de
25 Crise de Bratunac s'est réunie, notamment du fait des événements qui
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1 entouraient le décès de Goran Zekic et le plan consistait à mener à bien
2 une opération afin d'attaquer Glogova.
3 Miroslav Deronjic a présidé cette réunion. Et cette réunion -- lors de
4 cette réunion de la cellule de Crise, Miroslav Deronjic a expliqué
5 l'importance stratégique de la prise de Glogova. Il a indiqué que si le
6 village n'opposait aucune résistance, il était nécessaire que tous les
7 citoyens musulmans de Glogova soient amenés au centre du village et soient
8 transportés dans des bus et des camions à l'extérieur de la municipalité de
9 Bratunac vers Kladanj. Il a indiqué que cette expulsion permanente des
10 Musulmans si l'opération de Glogova devait avoir lieu, devrait être
11 poursuivi au cours des journées à venir dans la ville de Bratunac a
12 proprement parlé et dans les communautés locales de Suha et de Voljavica.
13 Et Miroslav Deronjic a également indiqué qu'étant donné qu'il n'était
14 possible de prévoir les événements à Glogova, certaines maisons devraient
15 être incendiées afin de lancer une mise en garde ou un avertissement aux
16 Musulmans.
17 Miroslav Deronjic a participé à l'opération militaire contre le village de
18 Glogova en tant que membre de la Défense territoriale, on passe donc à
19 l'unité dont il faisait partie et qui se trouvait sur les hauteurs du
20 village de Glogova. Miroslav Deronjic est passé par Glogova avec
21 l'intention de se rendre à l'enterrement de Goran Zekic, qui venait d'être
22 tué. Et cet enterrement devait avoir lieu ce jour-là. Hier, en tant que
23 témoin, M. Deronjic a déclaré qu'il n'avait pas vu de personnes tuées et
24 que la mosquée n'avait pas été détruite. Cependant les habitants musulmans
25 du village n'avaient pas opposé de résistance. Pendant l'attaque sur le
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1 village, les soldats, qui appartenaient aux unités qui avaient provoqués
2 l'attaque avaient tués 65 habitants du village qui n'étaient pas armés.
3 Miroslav Deronjic n'a pas assisté à un seul meurtre, et ce jour-là, il
4 n'était pas au courant de ce meurtre. Après cette opération, il y a eu
5 d'autres opérations qui avaient le même but et ces opérations ont eu lieu à
6 Suha et à Voljavica, et il n'y a pas eu d'incendie de maison et il n'y a
7 pas eu de personne tuée.
8 Quant au hameau de Mocilo, quant au village de Magasici, qui était donc les
9 villages avoisinants et c'étaient donc des villages où Miroslav Deronjic
10 s'est engagé personnellement pour que les habitants puissent être évacués
11 avec leurs voisins musulmans. La Défense donne ici une pièce à conviction
12 dans laquelle on paraphrase les paroles de Miroslav Deronjic, et où il est
13 dit, "une armée inconnue est arrivée à Bratunac et Miroslav Deronjic
14 n'avait pas le contrôle de cette armée. Et il avait peur. Donc il nous
15 avait proposé de partir de notre village de manière temporaire et de nous
16 rendre soit tous là, soit à Srebrenica. Il avait promis à ce moment-là des
17 cars et de l'accompagnement si les gens décidaient de quitter le village
18 pour Tuzla. Cependant les habitants se sont décidés de passer à Srebrenica
19 de manière organisée. D'après les mots de ce témoin, je continue ici à le
20 citer : "Il n'a pas eu d'armée organisée qui s'était rendue ce jour dans
21 notre village, aucune maison n'a été incendiée." Tout cela s'est passé dans
22 la nuit du 12 au 13 mai 1992, donc après l'attaque sur Glogova.
23 Après l'opération à Glogova, Miroslav Deronjic, lors de la réunion de la
24 cellule de Crise a proposé qu'une décision soit prise d'expulser les
25 volontaires. Ceci a provoqué des réactions houleuses auprès d'une partie de
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1 la population, qui lors des manifestations, l'une qui avait eu lieu le
2 lendemain, a physiquement attaqué Miroslav Deronjic ainsi que certains
3 autres membres de la cellule de Crise. Les représentants des unités
4 volontaires ont passé à tabac Miroslav Deronjic, et ils l'avaient aussi
5 amené jusqu'à la Drina dans le but de l'exécuter. Dans des entrepôts que
6 l'on appelait hangar et après l'opération, les volontaires avaient détenu
7 dans ces lieux des quelques centaines des Musulmans. On a commencé à les
8 exposer aux mauvais traitements et on a commencé aussi à les tuer. Miroslav
9 Deronjic, à l'initiative de la cellule de Crise, demande à ce que ces
10 civils soient évacués de manière urgente et pendant la nuit et qu'ils
11 soient évacués vers Pale par la suite et ils ont fait l'objet d'échange.
12 C'est quelque chose dont Miroslav Deronjic a parlé hier, ici. C'était un
13 autre exemple du conflit que Miroslav Deronjic a pu avoir avec les
14 extrémistes qui contrôlaient Bratunac.
15 Je passerai maintenant à un autre thème qui est la culpabilité de Miroslav
16 Deronjic. Miroslav Deronjic est coupable. Il est coupable parce qu'il
17 savait que l'attaque sur Glogova et que l'expulsion par force des Musulmans
18 qui habitaient ce village, faisaient partie d'une attaque généralisée et
19 systématique, qui visait à nuire aux Musulmans de Bosnie, qui habitaient
20 les parties de Bosnie-Herzégovine, qui avaient été proclamée territoire de
21 la République Srpska. L'idée d'expulser les Musulmans de Glogova de manière
22 permanente, les habitants musulmans de Glogova était fait dans l'idée du
23 nationalisme serbe. Miroslav Deronjic a accepté le concept de la création
24 de la République Srpska, une idée qu'il soutenait en public. Par la suite,
25 il a aussi accepté que cette Republika Srpska soit créée même en utilisant
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1 des méthodes de force, y inclus l'expulsion des populations musulmanes.
2 Miroslav Deronjic est coupable, parce qu'au moment où il a demandé à ce que
3 l'attaque sur Glogova soit organisée, étant donné le but et l'objectif de
4 cette attaque, étant donné que les unités qui devaient prendre partie à
5 l'attaque, compte tenu de tout cela, il pouvait prévoir que des habitants
6 musulmans innocents pouvaient être tués lors de l'opération. Il avait
7 accepté ce risque. Il s'agissait d'un risque prévisible. Miroslav Deronjic
8 est tout à fait conscient de ses actes et de ses responsabilités. Il
9 reconnaît cette culpabilité, il ressent les remords, il ressent beaucoup de
10 sympathie envers les victimes et les familles des victimes. Miroslav
11 Deronjic reconnaît sa culpabilité, ce qui atténue le degré de cette
12 culpabilité.
13 Il faut tenir compte du fait qu'il reconnaît sa culpabilité, il faut tenir
14 compte du fait qu'il a toujours avant, eu une conduite exemplaire, et il
15 faut tenir compte des circonstances qui régnaient à l'époque à Bratunac. Un
16 peu plus tard, la Défense vous parlera des conséquences juridiques quant à
17 sa responsabilité.
18 Permettez-moi d'aborder maintenant le droit et la grille de peine en la
19 matière à l'ex-Yougoslavie. Je vais essayer de vous en donner un aperçu
20 bref, puisque je pense qu'il y a des points plus importants que je dois
21 évoquer ici.
22 En vertu de l'Article 24 du Statut et de l'Article 101 du règlement, il est
23 prévu que la Chambre de première instance, en essayant d'évaluer la peine,
24 prendra en compte la grille de peine et la jurisprudence en la matière dans
25 l'ex-Yougoslavie. La Chambre de première instance n'est pas tenue de suivre
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1 cette grille de peine, au moment du prononcé de la peine, mais il est
2 obligatoire de prendre en compte et de consulter cette grille de peine qui
3 sera une sorte d'aide dans l'évaluation, la détermination de la peine.
4 D'après le Code pénal de la SFRY, il est prévu, entre autres, et je cite
5 que : "Au moment du prononcé de la peine, toutes circonstances qui peuvent
6 déterminer la longueur de la peine seraient prises en compte :
7 circonstances aggravantes; circonstances atténuantes; la responsabilité
8 pénale; les motifs du crime; les comportements de l'accusé de par le passé;
9 son remords; la façon dont il s'est comporté après le crime et toutes les
10 autres circonstances qui peuvent être pertinentes.?
11 A l'Article 42 du même Code pénal de la SFRY, il est prévu qu'un juge peut
12 décider s'il y a des circonstances atténuantes, telles qu'indique que l'on
13 peut arriver au même but en prononçant une peine moins grave. A l'Article
14 24 du Statut du Tribunal, il est dit que la Chambre de première instance
15 devrait prendre en compte la gravité du crime, ainsi que les circonstances,
16 la situation individuelle de l'auteur. Il faut aussi citer l'Article 101(B)
17 du règlement qui demande à la Chambre de première instance de tenir compte
18 de toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes.
19 En vertu de l'Article 101(A) du règlement, une personne coupable peut être
20 condamnée à une peine d'emprisonnement, y inclus la prison à vie.
21 Cependant, étant donné le type de peine que nous, en tant que Défense,
22 proposons à la Chambre de première instance, nous sommes d'avis que la
23 peine maximale qui peut être prononcée pour ce crime ou bien, qui aurait pu
24 être prononcée pour des actes semblables, d'après la grille de peine de
25 l'ex-Yougoslavie, n'est pas requise ici.
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1 Quelques mots maintenant sur les circonstances dont il faut tenir compte
2 lors de la détermination de la peine et des raisons pour lesquelles on
3 prononce une peine.
4 D'après la jurisprudence de ce Tribunal, il faut prononcer une peine pour
5 remplir trois fonctions : la vengeance; la rétribution; qui est ici
6 expliquée, le châtiment de l'auteur pour un acte criminel concret et la
7 dissuasion générale qui prévient d'autres crimes; la réinsertion. On en a
8 parlé déjà beaucoup lors des audiences relatives au prononcé de la peine
9 devant ce Tribunal. Pour atteindre le but au prononcé de la peine, il faut
10 déterminer un certain nombre d'éléments. Il faut tenir compte de la
11 jurisprudence en la matière, en ex-Yougoslavie; il faut tenir compte de la
12 gravité du crime et aussi la façon et le degré d'implication de l'auteur au
13 moment où le crime a été commis, ainsi que toutes les circonstances
14 aggravantes ou atténuantes. Les facteurs aggravants doivent être pris en
15 compte, au-delà de tout doute raisonnable. Quant aux circonstances
16 atténuantes, il n'est pas nécessaire de les prouver au-delà de tout doute
17 raisonnable. On doit essayer de les évaluer.
18 Jusqu'à présent, devant ce Tribunal, on a débattu et accepté les facteurs
19 suivants, qui représentaient des circonstances atténuantes; telles que la
20 reconnaissance de la culpabilité; la coopération avec le Bureau du
21 Procureur; le remords; les personnes qui se seront rendues au Tribunal de
22 leur plein gré; une personnalité exemplaire; la façon dont la personne
23 s'est conduite dans l'unité pénitentiaire, ainsi que la situation
24 personnelle. Nous nous sommes l'une de nos écritures fondés sur un certain
25 nombre d'affaires devant ce Tribunal en matière de déterminer la peine, par
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1 exemple, Celebici ou Banovic.
2 Il faut être particulièrement sage quand on détermine la peine, pour que
3 les buts du châtiment soient réellement atteints. Toute peine doit être
4 individualisée. Il faut mettre en œuvre tous les facteurs qui peuvent
5 influencer la façon dont la peine est déterminée. Il va sans dire, et la
6 Défense l'accepte sans contester que la gravité du crime, la façon dont le
7 crime a été commis par son auteur et l'implication de celui-ci au moment de
8 commettre le crime, représentent les facteurs d'importance primordiale.
9 Je voudrais maintenant passer justement à l'explication de ce
10 facteur-là dans l'affaire Miroslav Deronjic. La persécution qui fait partie
11 des articles du Statut est un acte, un crime particulièrement grave,
12 puisqu'il compose aussi une partie d'intention de discrimination. C'est un
13 crime qui peut être effectué de différentes façons, qui peut avoir les
14 différents niveaux de gravité et les différents niveaux d'implication de
15 son auteur. La Défense connaît bien l'opinion d'après lequel la persécution
16 ne peut être faite que par préméditation qui est une forme de culpabilité.
17 Il a été clairement décidé ainsi dans le cadre de l'affaire Stakic.
18 Ce type de culpabilité, peut être plus fort ou moins fort; une
19 préméditation directe, en latin dolus directus ou préméditation éventuelle,
20 dolus eventualis. Quant à la participation de Miroslav Deronjic et la
21 préméditation qu'il a pu ressentir au moment où il a commis ce crime, nous
22 indique qu'il s'agit là d'une forme plus légère, parce que cela était
23 décrit ainsi dans le deuxième acte d'accusation modifié, et dans le fait
24 qu'il a reconnu sa culpabilité. On voit que l'accusé a commis ces actes
25 avec une préméditation éventuelle; la forme moins forte de préméditation.
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1 La Défense voudrait souligner ici, que cette préméditation a eu comme faute
2 grave, 65 civils tués. Ceci est beaucoup plus proche d'un acte mal réfléchi
3 ou un acte qui est consciemment négligé. Cela nous rapproche plutôt du bas
4 de l'échelle de la gravité de ce type de crime.
5 Nous sommes tout à fait conscients de l'importance et de la gravité des
6 crimes, et nous avons pu entendre les Procureurs. Ces circonstances
7 aggravantes font partie de la description même de l'acte de persécution. Il
8 faut aussi voir si d'après la jurisprudence du Tribunal, on ne peut pas
9 parler des circonstances aggravantes spécifiques, même si ces circonstances
10 font partie de la description même du crime.
11 Chez l'accusé Miroslav Deronjic, en revanche, nous trouvons que toutes les
12 circonstances atténuantes existent. Toutes les circonstances atténuantes
13 qui ont été prises en compte dans la jurisprudence de ce Tribunal. Il n'y
14 en a pas une seule qui manque. D'après la Défense, il s'agit là des
15 circonstances atténuantes qui indiquent que le but de prononcer la peine
16 peut être atteint même si la peine est moins importante.
17 Commençons par la reconnaissance de la culpabilité. Le fait de reconnaître
18 sa culpabilité démontre la sincérité. Il est très important à ce que ce
19 Tribunal encourage les gens de dire la vérité. Reconnaître la culpabilité,
20 contribue à la réalisation de la mission première de ce Tribunal, à savoir,
21 de déterminer la vérité en matière de crimes qui rentrent dans les
22 compétences de ce Tribunal. Reconnaître la culpabilité, est un moyen
23 incontesté de trouver tous ces éléments qui contribuent à la réconciliation
24 entre les parties ennemies. La responsabilité individuelle qui contribue à
25 rétablir un état de droit, la réconciliation, et une pacification du
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1 territoire de l'ex-Yougoslavie. Tout ceci fait partie de la mission de ce
2 Tribunal.
3 Reconnaître la culpabilité, est quelque chose qui contribue au travail du
4 Tribunal, qui par ailleurs, épargne beaucoup de ressources. La
5 reconnaissance de la culpabilité, épargne aussi les victimes et les témoins
6 du stress qu'ils éprouvent lors de dépositions à la barre.
7 L'accusé qui reconnaît la culpabilité avant le début de son procès, peut
8 bénéficier de beaucoup d'éléments qui s'y réfèrent. Je ne viens ici que de
9 vous dire un certain nombre de citations de différentes affaires.
10 Reconnaissant que la culpabilité de M. Deronjic démontre qu'il ressent du
11 remords et qu'il se sent responsable des crimes commis à Glogova, le 9 mai
12 1992. Le fait qu'il accepte la responsabilité personnelle pour ces crimes,
13 va contribuer à ce que la justice soit faite. Cela va aussi contribuer à
14 prévenir que d'autres commettent des actes semblables, ainsi, cela
15 apportera quelque chose qui va dans le sens de la réconciliation en Bosnie-
16 Herzégovine. Le fait que l'accusé ait reconnu sa culpabilité au moins un an
17 avant le début de son procès, contribue à une plus grande importance du
18 travail fait par ce Tribunal.
19 La Défense, après que l'accusé a plaidé coupable, a essayé d'analyser de
20 quelle façon cela a pu avoir un impact sur les victimes. Nous sommes
21 rentrés en contact avec des personnes qui viennent du territoire de
22 Bratunac, nous avons été en contact avec les personnes qui avaient perdu
23 des proches, pendant cette action. Il y en avait, parmi ces personnes-là,
24 qui avaient perdu même une dizaine de membres de leur famille. Mais nous
25 voyons qu'un certain nombre d'entre eux ont commencé à charger leurs
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1 opinions. Il y en a un qui nous a dit : "Je ne vais pas me pencher sur la
2 culpabilité de Miroslav Deronjic, parce que je n'en sais rien. Je sais
3 qu'il a reconnu sa culpabilité devant le Tribunal de La Haye. Moi, en tant
4 que victime de cette guerre, cette reconnaissance de culpabilité est
5 quelque chose que je trouve importante."
6 Un autre nous a dit, quelqu'un qui a eu beaucoup de morts dans sa famille :
7 ?Je pense que tous les peuples de Bosnie-Herzégovine doivent tourner la
8 page. Ils doivent regarder vers l'avenir. Ce n'est que de cette façon-là
9 qu'une réconciliation interethnique peut être obtenue. Ceux qui sont
10 accusés par le Tribunal de La Haye peuvent y contribuer, quelle que soit
11 leur appartenance ethnique. Ils peuvent y contribuer, s'ils reconnaissent
12 leur culpabilité et s'ils ressentent sincèrement le remord.?
13 Nous avons décidé de ne pas verser au dossier ces déclarations. Nous avons
14 pensé qu'il serait beaucoup mieux de vous citer un certain nombre des
15 déclarations des victimes et que ceci constituerait un élément beaucoup
16 plus sincère, surtout lorsque ces victimes sont représentées par des
17 organisations, des associations, des organisations non gouvernementales. La
18 Défense remarque que deux points de vue similaires ont été présentés par
19 des victimes qui viennent de différents groupes ethniques. Ils se sont
20 regroupés autour ou dans les associations suivantes : Les Femmes victimes
21 de la guerre; les Femmes de Srebrenica; Association d'anciens co-détenus
22 dans les camps, il s'agit de Croates; Association d'ex-détenus dans les
23 camps de la Republika Srpska; ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine; l'Association
24 des victimes de régime ethnique bosniennes.
25 Lors de la conférence de La Haye, il a été reconnu que la reconnaissance de
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1 la culpabilité eu égard aux victimes, ainsi qu'une conférence qui s'est
2 tenue les 5 et 6 décembre 2003, organisée par les Droits de l'homme de
3 Sarajevo, ainsi que le programme de communication ?Outreach Program? du
4 Tribunal de La Haye, les différents participants ont présenté un seul et
5 même point de vue, comme suit : Ce qui est particulièrement important,
6 c'est de prouver qu'un crime a été commis. Par conséquent, il est important
7 de dévoiler la politique mise en œuvre par l'une ou l'autre des parties qui
8 ont conduit à ce crime.
9 Dans ce sens, une peine appartient à une catégorie donnée, car Monsieur le
10 Président, Madame, Monsieur le Juge, aucune peine ne peut entièrement
11 satisfaire une victime pour la perte qu'elle a subie.
12 Des points de vue plus détaillés des participants à cette conférence se
13 trouvent auprès du Greffe de ce Tribunal.
14 Par conséquent, les victimes de cette guerre souhaitent quelque chose à
15 laquelle a contribué M. Deronjic, par sa sincérité et sa reconnaissance de
16 culpabilité, avant le commencement du procès. Non seulement, en tant
17 qu'accusé, mais en tant que victime de la guerre, également. Pendant cette
18 guerre, M. Deronjic a perdu deux beaux-frères : le mari de sa sœur, ainsi
19 que le mari de sa cousine germaine; il a perdu sa femme, ainsi que vingt
20 membres de sa famille et de sa famille élargie. Sa ville natale de Magasici
21 a été incendiée à deux reprises. Sa maison familiale a été incendiée. Le
22 cimetière où se trouvent enterrés les membres de sa famille, a été détruit,
23 ainsi que le tombeau et la stèle de sa mère. Depuis 1992, deux de ses sœurs
24 sont des réfugiées. Il y a eu trois attentats contre lui, des Serbes ont
25 essayé de l'assassiner. On a essayé de l'intenter pour meurtre et la presse
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1 belgradoise l'a accusé de trahison.
2 Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge, je souhaite maintenant
3 parler du remords en tant que facteur atténuant. Le remords constitue une
4 circonstance atténuante, si la Chambre de première instance estime que
5 l'Accusé a fait preuve de sincérité à cet égard. Dans le cas de l'affaire
6 Banovic, la Chambre de première instance a adopté la position suivante et
7 je cite : "La Chambre de première instance accepte que les déclarations de
8 l'accusé au cours des entretiens avec le Procureur, ainsi que les
9 déclarations présentées au cours de l'audience, portant sur la
10 condamnation, sont l'expression d'un remords sincère." Au fil des ans, M.
11 Deronjic a été interviewé à de multiples reprises par l'Accusation. Au
12 cours de ces entretiens, entre autres éléments, il a clairement exprimé son
13 remords. La Défense a cité les différents extraits de ces témoignages
14 portant sur ce point dans le mémoire portant sur le prononcé de la peine.
15 Nous souhaitons ajouter que le remords doit être sincère. Si le remords est
16 simplement déclaré et simplement prononcé, il ne peut s'agir d'un facteur
17 atténuant. La reconnaissance de la culpabilité est la conséquence directe
18 d'un remords sincère. Sa coopération avec l'Accusation et son désir de
19 révéler les crimes et leurs auteurs est une vraie expression, une véritable
20 expression, de son remords. L'Accusé fera usage de cette opportunité pour
21 exprimer son remords en public, devant vous Madame, Messieurs les Juges. En
22 tant que conseil de la Défense, je dois dire qu'il ne s'agit que de la
23 position ultime de l'Accusé, après un comportement qui n'a pas changé au
24 fil des ans.
25 Je souhaite maintenant dire quelques mots à propos de son [imperceptible]
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1 volontaire, comme faisant partie d'une circonstance atténuante. La Chambre
2 de première instance, dans le jugement -- dans le jugement prononcé à
3 propos de Momir Nikolic, a découvert, je cite : "La Chambre de première
4 instance reconnaît le fait que Momir Nikolic n'a pas échappé aux questions
5 des enquêteurs. Elle ne peut pas conclure qu'il était au courant de
6 l'arrestation qui était éminente. Nikolic se serait rendu de façon
7 volontaire. Pour ce faire, la Chambre de première instance devrait, en
8 l'état des choses,
9 spéculer."
10 Pour ce qui est de Deronjic, je crois que la Chambre de première instance
11 n'a pas besoin de spéculer là-dessus. Lors de ces entretiens avec les
12 enquêteurs, M. Deronjic a très clairement expliqué qu'il avait l'intention
13 de se rendre volontairement. Ceci a été enregistré et consigné dans le
14 compte rendu d'audience de ces entretiens et figure sur les cassettes
15 audio. L'acte d'accusation contre Miroslav Deronjic a été publié le 3
16 juillet 2002, confirmé le 4 juillet 2002; et dès le 6 juillet 2002, en
17 raison d'une célérité exceptionnelle de la part des personnes qui l'ont
18 arrêté, il n'a pas eu l'occasion de se rendre de son plein gré. Il ne
19 savait même pas ce jour-là qu'un acte d'accusation avait été rédigé contre
20 lui. Dans le cas de l'affaire Obrenovic, la Chambre de première instance a
21 constaté, je cite : "La Chambre de première instance constate que son offre
22 ou sa proposition de déferrement volontaire tel qu'il figure dans un
23 entretien avec l'Accusation est considérée comme un facteur atténuant ayant
24 une conséquence sur le prononcé de la sentence."
25 Ce point de vue s'applique particulièrement au cas de Miroslav Deronjic, et
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1 la Défense estime que ceci devrait être considéré comme un facteur, d'un
2 élément atténuant dans ce cas-ci.
3 Je souhaite également parler de la coopération étendue et me servir de
4 l'étendue de M. Deronjic avec l'Accusation. Il s'agit là d'un élément
5 important dont on tient compte lorsque l'on prononce la sentence. C'est la
6 seule circonstance atténuante qui figure clairement dans le Règlement de
7 procédure et de preuve. L'étendue, se servir de la coopération avec le
8 bureau du Procureur constitue le seul facteur atténuant que la Chambre de
9 première instance est tenu de considérer en vertu du Règlement de procédure
10 et de preuve. La Défense, dans son mémoire, a cité un certain nombre
11 d'arrêts qui confirme cela. La Défense a également versé des comptes rendus
12 d'audience, de retranscriptions entretiens qui ont été donnés aux fils des
13 ans. L'Accusation a versé un document confidentiel dans lequel figure tous
14 les éléments de cette coopération. Aujourd'hui, nous avons entendu
15 l'étendue de cette coopération à la présentation très complète qu'en a
16 faite M. Harmon aujourd'hui.
17 Je souhaite ajouter ceci simplement : Dans sa coopération avec le bureau du
18 Procureur, l'accusé a passé toutes les étapes de ce processus. Il a
19 commencé comme témoin, ensuite, c'était un suspect et pour finir, un
20 accusé. Après son déferrement à La Haye, l'accusé a continué à coopérer
21 avec le bureau du Procureur. Des entretiens très longs ont été menés et M.
22 Deronjic a témoigné dans bon nombre de procès en cours. Il a également
23 accepté de témoigner dans bon nombre de procès qui n'ont pas encore
24 commencé.
25 L'accusé souhaite dire la vérité et souhaite dire toute la vérité. Il
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1 sacrifie, par la même, sa famille et sa famille doit maintenant avoir des
2 mesures de protection particulières. La Défense avance que la qualité, la
3 sincérité et l'étendue de la coopération de l'accusé va bien au-delà de
4 tout ce qu'on en a pu constaté devant ce Tribunal jusqu'au jour
5 d'aujourd'hui. Dans le détail des récits, des faits, des éléments de preuve
6 fournis par M. Deronjic, ceux-ci figurent également dans le mémoire de
7 l'Accusation. Nous avons la retranscription des entretiens et ces
8 témoignages. La période couverte par ces témoignages est longue. Il s'agit
9 des années qui ont précédé la guerre, choses qui sont abordées dans ses
10 déclarations. Certains nouveaux éléments sont présentés, des éléments de
11 preuve que nous ne connaissions pas avant cette date et qui n'avaient pas
12 été portés à la connaissance de l'Accusation, élément que l'accusé a
13 dévoilé. Sa coopération est particulièrement précieuse à cet égard comme
14 l'a dit l'Accusation. Le statut, les Règles de procédure et de preuve, la
15 jurisprudence de ce Tribunal ainsi que le droit comparatif est tout à fait
16 aux faits de cet élément-là. Bon nombre de systèmes juridiques accordent
17 une importance non négligeable à ceci. Miroslav Deronjic est, par
18 conséquent, un témoin tout à fait essentiel.
19 Nous considérons, par conséquent, qu'il s'agit là, véritablement de
20 circonstances atténuantes. En conclusion, je dois vous parler un petit peu
21 des circonstances familiales de l'accusé. Il s'agit là de circonstances
22 atténuantes. Dans son introduction, la Défense a déjà abordé les
23 circonstances familiales et personnelles de l'accusé. Jusqu'au moment où le
24 crime a été commis, M. Deronjic était un homme respecté. C'était un homme
25 qui avait une activité professionnelle, une vie sociale. C'était un homme
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1 honnête. C'était un professeur de littérature et de langue. C'est un homme
2 qui avait un casier judiciaire vierge. C'est un homme sur lequel une
3 enquête n'avait jamais été menée jusque-là. Lorsqu'il est entré en
4 politique, c'est un homme qui prônait l'anticommunisme, la démocratie, la
5 tolérance. C'est un bon père de famille. Sa mère, Jelika, est décédée en
6 1983. Son père, Milovan, qui a maintenant 80 ans, vit seul. Après la mort
7 tragique de la première épouse de M. Deronjic, Ranka, en 1992, il est resté
8 seul avec deux fils, Neven, alors âgé de 8 ans et Stefan, alors âgé de 6
9 ans. Il a consacré tout son temps à ses deux fils. Il s'est remarié en 1996
10 et a deux enfants, Vuk et Lola, de ce deuxième lit. M. Deronjic, par
11 conséquent, a quatre enfants. Trois de ces enfants sont des mineurs. Sa
12 femme et ses enfants ont des mesures de protection particulières. Ceci est
13 la conséquence directe de sa coopération et de son plaidoyer de
14 culpabilité.
15 Le comportement de cette personne en détention ainsi que son niveau de
16 coopération générale avec le Tribunal et le bureau du Procureur au cours de
17 cette procédure constitue également un facteur atténuant. Depuis le jour de
18 son arrestation, M. Deronjic a toujours fait preuve de coopération et de
19 respect à l'égard du Tribunal et du Procureur. Lorsqu'il s'est trouvé au
20 quartier pénitentiaire des Nations Unies, M. Deronjic a tout à fait
21 respecté les conditions de détention qui lui ont été imposées.
22 Je souhaite maintenant parler de sa réinsertion. Ceci a démarré dès 1997
23 lorsqu'il a, pour la première fois, été en contact avec le bureau du
24 Procureur. Le temps qu'il a passé au Quartier pénitentiaire et du temps qui
25 est maintenant a produit ses fruits. D'après le rapport d'expert
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1 psychologique, Mme Ana Najman, nous pourrions accélérer ce processus. Tout
2 ceci est une indication du bon comportement de la bonne moralité de
3 l'accusé. Conformément a l'Article 101(C), le temps que l'accusé a passé en
4 garde à vue sera déduit de son temps, puisque il a été arrêté le 6 juillet
5 2002, et transféré au quartier pénitentiaire des Nations Unies le 8 juillet
6 2002. Il est resté au quartier pénitentiaire depuis cette date jusqu'au
7 jour d'aujourd'hui.
8 Maintenant, je souhaite parler du prononcé de la sentence. La Défense a
9 déjà avancé les circonstances atténuantes eu égard à la gravité du crime.
10 Il faut tenir compte de sa personnalité, de sa bonne moralité, nous
11 estimons que le châtiment est un châtiment qui comporte trois composantes,
12 s'il s'agit clairement d'indiquer un châtiment, ce qui constitue le rôle
13 primordial de la Chambre de première instance. Nous avons soin, par
14 conséquent, que l'objectif du prononcé de la peine dans le cadre de M.
15 Deronjic doit être une peine beaucoup moins lourde. La Défense avance par
16 ailleurs que la peine ne doit pas s'excéder six ans, et il sera approprié
17 pour M. Deronjic qu'on puisse déduire le temps qu'il a déjà passé au
18 quartier pénitentiaire.
19 Monsieur le Président, Messieurs et Madame les Juges, je vous remercie. Je
20 souhaite maintenant que M. Miroslav Deronjic puisse prendre la parole.
21 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous devons attendre parce que
22 comme cela a été indiqué, ce n'est pas lui qui a le dernier mot. L'accusé
23 peut avoir le dernier mot. Mais avant cela, je vais demander à l'Accusation
24 s'il souhaite répondre ?
25 M. HARMON : [interprétation] Non, je vous remercie.
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1 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Y a-t-il des questions de la part
2 des Juges ? Tel n'est pas le cas.
3 Néanmoins, il y a une certaine question d'ordre technique que nous devons
4 aborder, surtout en ce qui concerne la liste des pièces. Je crois que nous
5 pouvons terminer avec cette liste aujourd'hui. Madame la Greffière vous
6 nous avez remis une liste. Nous souhaitons donc avoir un exemplaire de la
7 liste mise à jour des pièces. Je crois que la façon la plus facile de
8 procéder consiste à demander aux deux parties lesquelles de ces pièces
9 elles considèrent comme étant des pièces qui devaient être versées sous pli
10 scellé.
11 L'Accusation vous avez la parole.
12 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je me tourne vers la
13 page numéro 3, au point 2, PS12. Il s'agit du témoignage de M. Deronjic
14 dans l'affaire à l'Accusation contre Blagojevic et consort. Une partie de
15 ce témoignage est sous pli scellé. C'est un témoignage qui a été entendu en
16 audience à huis clos partiel. Nous avons versé au dossier une partie de la
17 pièce, et l'exemplaire qui a été expurgé nous avons retiré de ce témoignage
18 la partie du témoignage qui a été donné en audience à huis clos partiel.
19 Par conséquent, si vous acceptez cette pièce dans ce cas, nous n'avons
20 aucune objection à ce qu'elle soit versée au dossier, et nous sommes tout à
21 fait disposés à vous remettre l'ensemble de la retranscription de ce qui a
22 été entendu à huis clos partiel et à huis clos si vous le souhaitez.
23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je pense qu'à l'origine, une
24 ordonnance avait été rendue par cette Chambre et l'Accusation a avancé que
25 le compte rendu d'audience devait être présenté. Nous devons tenir compte
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1 du fait que certaines parties de ce témoignage sont effectivement sous pli
2 scellé, et certains points ont été abordés au cours de ce témoignage à huis
3 clos partiel, et cela n'a fait aucun doute que ceci est bien évidemment
4 important et pertinent. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de verser ceci.
5 Nous avons hier versé ce dossier. Il n'est pas nécessaire de le verser deux
6 fois. Il est préférable d'avoir une vue d'ensemble. Il serait préférable
7 d'avoir tout le compte rendu d'audience. Nous tiendrons compte évidemment
8 des éléments qui auront été présentés à huis clos partiel et des éléments
9 qui auront été présentés en audience publique.
10 M. HARMON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
11 Evidemment, nous devons tenir compte des restrictions imposées par l'autre
12 Chambre de première instance.
13 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'entends fort bien.
14 M. HARMON : [interprétation] Ensuite, Monsieur le Président, nous allons
15 tourner vers la page 5 et 6, au point 3, en bas du document portant la cote
16 PS19/1 et passer à la page suivante qui se termine par le point numéro 4,
17 PS19/7, nous avons versé ces déclarations sous pli scellé. J'ai déjà
18 indiqué un peu plus tôt ceci lorsque j'ai parlé de questions d'intendance.
19 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous avons effectivement la cote
20 PS18 pour ce document, et ensuite 19/7. C'est indiqué que le document est
21 sous pli scellé.
22 M. HARMON : [interprétation] C'est exact. La question que je vous pose est
23 de savoir si vous souhaitez que j'expurge les éléments d'information qui
24 permettraient d'identifier le témoin et de vous remettre la deuxième
25 version si vous souhaitez que cela tombe dans le domaine public. Souhaitez-
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1 vous que je vous remette des exemplaires expurgés ou une version expurgée
2 de ces déclarations ?
3 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit
4 nécessaire. Nous avons les extraits qui nous intéressent. Nous savons que
5 ce document est dans sa totalité versé sous pli scellé. Cela ne fait aucun
6 doute. Nous ferons très attention de ne pas divulguer ce qui ne doit pas
7 l'être. Nous devons respecter la même obligation que vous.
8 M. HARMON : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, je n'ai plus
9 de commentaires à faire eu égard à la liste que vous m'avez remise. Merci.
10 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Je crois qu'il s'agit d'une
11 liste qui a été fournie par le Greffe.
12 M. HARMON : [interprétation] Je vous remercie ainsi que le Greffe.
13 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] La Défense.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci. Je souhaite remercier le Greffe
15 également.
16 La Défense souhaite lever le scellé sur deux déclarations de témoin.
17 Cependant, nous avons l'obligation de protéger les mesures ou de faire
18 attention aux mesures de protection qui ont été accordés à certains
19 témoins.
20 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Bien sûr.
21 M. ZECEVIC : [interprétation] Par conséquent, je vais passer en revue la
22 liste et ensuite je parlerais de différents points en particulier.
23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous en prie.
24 M. ZECEVIC : [interprétation] DS18, bien évidemment, c'est une liste de
25 témoins qui doit rester sous scellé parce les noms des témoins y figurent.
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1 DS18/1 est également sous scellé. DS18/2, nous souhaitons lever le scellé.
2 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] C'est accepté.
3 M. ZECEVIC : [interprétation] DS18/3 doit rester sous scellé. DS18/4, nous
4 demandons que la Chambre de première instance lève le scellé.
5 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] C'est accordé.
6 M. ZECEVIC : [interprétation] DS18/5, nous demandons à ce que la Chambre de
7 première instance lève le scellé.
8 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] C'est accepté.
9 M. ZECEVIC : [interprétation] DS18/6, nous souhaitons garder ce document
10 sous scellé. DS18/7, nous demandons à la Chambre de première instance de
11 bien vouloir lever le scellé.
12 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Accordé.
13 M. ZECEVIC : [interprétation] DS18/8, nous demandons à la Chambre de
14 première instance de lever le scellé.
15 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Accordé.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous en avons terminé avec cette
18 liste. Le moment est venu, maintenant, pour entendre le dernier mot. C'est,
19 bien évidemment, facultatif, Monsieur Deronjic, si vous souhaitez vous
20 adresser à la Chambre de première instance, vous pouvez, maintenant, faire
21 une courte déclaration dans l'intérêt de toutes les personnes présentes.
22 Nous vous accordons environ 10 minutes. Nous allons poursuivre, plutôt que
23 de faire une pause maintenant.
24 Si vous voulez bien prendre la place à l'endroit où vous avez témoigné
25 hier.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je suis né dans un petit
2 village en Bosnie orientale, un village du nom de Bratunac. C'est là que
3 j'ai passé le plus clair de ma vie. J'y ai grandi. J'y ai connu mes amis.
4 J'y ai travaillé. J'y ai fait le travail pour lequel j'avais été formé. J'y
5 ai établi ma famille. C'est là que j'ai commencé à avoir une famille. Ma
6 vie, d'ailleurs, n'était pas différente de la vie de la majorité des
7 personnes que je connaissais. Dans mon voisinage, à quelques 10 kilomètres,
8 il existe une ville semblable du nom de Srebrenica. Il y avait de nombreux
9 liens, en fait, qui reliaient ces deux villes : des liens d'affaires, des
10 liens familiaux, des liens de voisinage. Nous vivions une vie ordinaire.
11 Nous n'étions pas très fortunés. Nous étions, en quelque sorte, un peu
12 oubliés de tout le monde.
13 Au début des années 1990, notre état commun a commencé à se désintégrer.
14 Cet état s'appelle la Yougoslavie. Peu de temps après, la guerre a éclaté.
15 Au début, nous espérions que cette guerre ne nous atteindrait pas. Les
16 liens qui unissaient les différentes personnes avaient commencé à se
17 briser. Auparavant, la vie était la seule valeur que nous avions. Nous
18 avons commencé à accepter d'autres valeurs au lieu des valeurs ordinaires
19 que nous connaissions. Au lieu de prononcer les mots ordinaires que nous
20 connaissions, nous avons commencé à prononcer des mots plus nobles : les
21 mots d'état, de nation, de religion. Ceux qui nous enseignaient ces mots ne
22 nous connaissaient même pas et nous pensions qu'ils le faisaient dans notre
23 intérêt, pour nous. Peu de temps après, nous avons commencé à comprendre ce
24 que signifiaient les chroniques des morts, des disparus. La guerre, qui ne
25 nous a pas évités, s'est manifestée dans toute sa brutalité, notamment dans
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1 cette région. Elle s'est manifestée par des événements absolument
2 sanguinaires et atroces.
3 Rien n'y a échappé. Les gens, les propriétés, tout ce qui avait été érigé
4 au fil des décennies, même les biens de la nature dont nous étions si
5 fiers, bien que nous soyons très, très pauvres, les forêts, par exemple,
6 les endroits où nous nous rendions pour nos vacances. Je n'ai pas
7 véritablement de méthode pour expliquer et décrire tout ce qui s'est passé.
8 Lorsque tout cela s'est terminé et cela nous a semblé durer une éternité,
9 pour les personnes qui avaient survécu, au lieu de trouver le paradis que
10 tout un chacun nous avait promis, nous nous sommes rendus compte que nous
11 nous trouvions en plein enfer. Il y avait des milliers de personnes mortes
12 autour de nous, des dizaines de milliers de foyers détruits, des propriétés
13 qui étaient abandonnées qui se trouvaient sans personne, des monuments
14 religieux qui avaient été détruits, des écoles, des établissements
15 scolaires. La tristesse et la dévastation restaient autour de nous, et ce
16 sont des blessures qui vont continuer à nous hanter pendant des décennies.
17 A l'heure actuelle, la ville dont je vous parlais, la ville de Bratunac, se
18 trouve entre deux cimetières. Un cimetière qui se trouve au nord et un
19 autre cimetière qui se trouve au sud. L'un de ces cimetières contient les
20 corps d'un groupe et l'autre contient les corps d'un autre groupe qui sont
21 divisés même dans la mort. Les deux cimetières ont été construits pendant
22 et après la guerre. Lorsque vous comptez les personnes qui sont enterrées
23 dans ces cimetières, il y a deux fois plus de personnes que le nombre de
24 personnes qui habitent la ville. Cela est le résultat de la guerre, le
25 résultat de ces événements terribles que nous avons connus. Cela est le
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1 résultat de concepts politiques qui n'ont aucun sens, mais avec lesquels
2 nous avons marqué notre accord et auxquels nous avons participé.
3 La ville de Srebrenica n'existe plus. A qui appartient-elle de nos jours ?
4 Aux Serbes, aux musulmans ? C'est une ville de morts. Les personnes qui ont
5 connu cela, ont tué cette ville. Cette ville qui n'a plus son passé et qui
6 n'a plus d'avenir. Tout ce qui reste, c'est son passé. Son passé qui
7 remonte à des siècles. Est-ce qu'il y a une condamnation plus grave pour
8 les personnes qui ont commis ce crime, quel qu'il soit et quel que soit
9 leur nom. Ils se cachent à l'heure actuelle et ils se sont décrits comme
10 des héros, à un moment donné. Ils nous ont dit qu'ils étaient loyaux.
11 Comment est-ce que cela est possible, qu'ils aient peur de la justice des
12 hommes ? Que va-t-on faire de la justice qui sera rendue pour tout le
13 monde, bientôt ?
14 Il est difficile de vivre avec le souvenir de ce qui s'est passé, avec ce
15 sentiment de honte et de gêne profonde. Au cours des années dernières,
16 durant de nombreuses nuits d'insomnie, je me répétais sans cesse ces mêmes
17 questions : comment est-ce qu'il est possible que nous nous ayons fait
18 cela, les uns aux autres ? Comment est-ce que nous avons pu accepter ce
19 genre de choses ? Si nous sommes ce que nous sommes, est-ce qu'il y a
20 véritablement une possibilité de salut pour nous tous ?
21 Beaucoup de temps s'est écoulé depuis, je n'ai toujours pas trouvé de
22 réponse à ces questions. Je suis conscient d'une chose : si la vérité ne
23 peut pas nous sauver, alors rien véritablement ne pourra nous sauver. C'est
24 la raison pour laquelle, Monsieur le Président, j'ai dit la vérité. Je ne
25 suis pas en train de vous dire qu'il s'agisse de la seule vérité. Tout ce
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1 que je peux vous dire, c'est que ce que j'ai avancé correspond à ce que je
2 savais et que cela est absolument exact. C'est une vérité qui ne sera,
3 peut-être, pas du goût de tout à chacun, mais est-il nécessaire de vous
4 dire que, moi non plus, je n'aime pas cette vérité ?
5 Lors de nombreux entretiens avec le Procureur qui peuvent être évalués au
6 fil des milliers de pages remplies et les quatre fois où j'ai déposé devant
7 ce Tribunal dans le cadre d'affaires différentes, j'ai dit tout ce que je
8 devais dire, notamment en disant la vérité à propos de moi-même. Depuis le
9 premier jour où j'ai commencé à participer à la vie politique en l990
10 jusqu'au moment où j'ai cessé mes activités politiques, je n'ai jamais
11 caché quoi que ce soit. Je suis qui je suis.
12 Je ne peux pas me défendre de moi-même. J'ai accepté la responsabilité pour
13 Glogova et je n'ai accusé personne des délits dont je suis coupable. Je ne
14 comprends pas ma culpabilité au sens juridique du terme, mais je lui
15 accorde un sens plus large, plus ample, un sens humain. Même les choses que
16 je n'ai pas bien comprises à l'époque ou même pour ce qui est des choses
17 que je n'avais pas, véritablement, comprises ou que je ne savais pas, je
18 sais que j'étais obligé de les connaître et de les comprendre. Parce que,
19 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, j'en suis tout à fait
20 capable.
21 C'est pour cela que ma culpabilité est d'autant plus profonde et d'autant
22 plus importante. J'en suis absolument conscient et c'est la raison pour
23 laquelle, j'ai reconnu ma culpabilité. Lorsque je me suis rendu compte de
24 la réalité des événements de Glogova et lorsque je l'ai compris pour la
25 première fois complètement, lorsque je me trouvais ici et que j'écoutais
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1 certaines dépositions de survivants dans le cadre d'autres affaires, j'ai
2 décidé, sans plus y réfléchir davantage, de reconnaître ma culpabilité. Car
3 quelle est ma vie par rapport à la vie de toutes ces victimes innocentes ?
4 Quelle est la valeur de ma vie et comment puis-je la mesurer ? En vertu de
5 quoi ? Je ne l'ai pas calculé, notamment par rapport à une condamnation ou
6 à une peine qui me sera octroyée. Je n'y ai pas pensé à l'époque et je ne
7 le pense pas aujourd'hui. Je porte trop de culpabilité depuis trop
8 longtemps pour m'autoriser à réfléchir à cela.
9 J'accepterai la sanction qui me sera imposée tout comme j'ai accepté ma
10 culpabilité. Je suis conscient du fait que cela ne pourra jamais être plus
11 important ou plus lourd que la condamnation que je m'impose à moi-même
12 puisque je me suis autorisé à me retrouver dans la situation où je me
13 trouve maintenant, situation dont je suis particulièrement honteux. Je suis
14 conscient du fait qu'aucune sanction ne me permettra de régler ma dette
15 vis-à-vis des décédés et des vivants. J'aime ces villes de la Bosnie
16 orientale. A l'heure actuelle, elles ne m'aiment plus. Elles m'ont rejeté
17 et cela est ma véritable punition. Il n'existe pas pour moi de punition
18 plus lourde.
19 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je m'incline face aux
20 souvenirs de ces victimes innocentes de Glogova. Tout ce que j'ai fait au
21 sein de ce Tribunal et je n'en connais pas la valeur, mais tout ce que j'ai
22 fait, je le consacre à ces personnes dans l'espoir que cela permettra,
23 peut-être, de soulager la douleur de leurs êtres proches. Je connais cette
24 douleur parce que je suis, moi-même, porteur et vecteur de cette douleur.
25 Je regrette les expulsions que j'ai commises et j'exprime mon remords pour
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1 toutes les victimes de cette guerre, quel que soit les cimetières où elles
2 reposent. Je m'excuse auprès des personnes pour qui j'ai causé de la peine
3 et je m'excuse auprès des personnes que j'ai abandonnées.
4 J'aimerais consacrer la dernière phrase que je vais prononcer face à cette
5 Chambre de première instance à ma famille et à mes enfants : au cours de
6 cette guerre, je n'ai jamais souhaité, ordonné ou commis un seul meurtre.
7 Je vous remercie, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.
8 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Monsieur Deronjic, vous
9 pouvez vous asseoir.
10 Je dois vous annoncer que le jugement relatif à cette affaire sera prononcé
11 après une préparation méticuleuse. Il sera prononcé mardi 30 mars. C'est en
12 ce jour que nous prononcerons le jugement et j'aimerais demander aux
13 parties d'être prêtes pour cette journée où nous aurons le prononcé de la
14 sentence.
15 J'aimerais savoir si vous avez des remarques supplémentaires à faire ?
16 Apparemment non.
17 L'audience est levée.
18 --- L'audience sentencielle est levée à 17 heures 58.
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