Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 4 février 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait faire entrer

  6   le témoin dans le prétoire, je vous prie.

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Madame Berisha.

  9   J'aimerais vous rappeler que la déclaration solennelle que vous avez

 10   prononcée et en vertu de laquelle vous allez dire toute la vérité est

 11   toujours valable.

 12   Je vous en prie, Madame Gopalan.

 13   LE TÉMOIN : SHYHRETE BERISHA [Reprise]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   Interrogatoire principal par Mme Gopalan : [Suite]  

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Berisha.

 17   R.  Je m'excuse. Mais je souhaiterais entendre l'interprétation non pas en

 18   serbe, mais en albanais.

 19   Q.  Lundi, Madame Berisha, lorsque vous avez témoigné, nous avions parlé

 20   des événements du 25 mars, il s'agit du jour qui a suivi l'emménagement de

 21   votre famille et de la famille de Faton dans la maison de Vesel Berisha.

 22   J'aimerais aujourd'hui que nous parlions du jour suivant, à savoir de la

 23   journée du 26 mars 1999, et j'espère que nous pourrons être assez efficaces

 24   à ce sujet.

 25   J'aimerais savoir, Madame Berisha, si le 26 mars vous avez vu des véhicules

 26   ou du matériel dans les environs de la maison de Vesel Berisha.

 27   R.  Oui. Le 26 mars, juste au-dessus de la maison d'oncle Vesel, il y a en

 28   fait un terrain là. Il faut savoir que ce n'est pas un terrain cultivable,

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  1   puisque c'est assez montagneux. Mais il y avait deux grands chars qui

  2   étaient positionnés là.

  3   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la couleur de ces chars ?

  4   R.  Je n'en suis pas vraiment sûre. Ils étaient peut-être soit bleu foncé,

  5   soit vert foncé. Je ne m'en souviens pas exactement. Mais ce dont je me

  6   souviens, c'est que ces deux chars étaient bien placés là.

  7   Q.  Lundi vous avez indiqué que vous aviez vu un char près de la maison

  8   d'Agron Berisha. Est-ce que vous vous souvenez si les chars qui se

  9   trouvaient derrière la maison de Vesel étaient différents du char qui se

 10   trouvait à l'extérieur de la maison d'Agron ?

 11   R.  Le char qui se trouvait près de la maison d'Agron, et qui était tourné

 12   vers notre maison, était en métal, était un peu plus petit d'ailleurs de

 13   taille, il avait des roues, alors que les deux autres chars qui se

 14   trouvaient au-dessus des maisons étaient beaucoup plus grands, étaient

 15   beaucoup plus volumineux, et ils avaient des chenilles et non pas des

 16   roues.

 17   Q.  Est-ce qu'il y avait un canon positionné sur ces chars ?

 18   R.  Oui. Le canon était dirigé vers notre maison.

 19   Q.  Je vous remercie, Madame Berisha. Ce jour-là - et nous parlons toujours

 20   du 26 mars - que s'est-il passé vers midi ?

 21   R.  Vers midi, la police du poste de police est arrivée. Ils portaient tous

 22   des fusils automatiques. Ils étaient très nombreux. Ils portaient

 23   l'uniforme et ils se déplaçaient entre les maisons. D'abord, ils se sont

 24   dirigés vers la maison d'Ismet Kuci. Il n'y avait pas beaucoup de personnes

 25   dans cette maison, donc ils ne sont pas restés là-bas très longtemps.

 26   Ensuite ils ont couru vers notre maison.

 27   Q.  Est-ce que vous vous souvenez plus ou moins du nombre de policiers

 28   qu'il y avait ?

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  1   R.  Il y avait de nombreux policiers. Ils étaient nombreux. Ils étaient

  2   très nombreux. C'était un groupe important. Il y avait également des

  3   civils, et il y avait également des personnes qui ne portaient pas

  4   d'uniformes.

  5   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de l'uniforme porté par ceux qui étaient

  6   revêtus d'un uniforme ?

  7   R.  Je n'en suis pas très sûre, mais je dirais qu'il y avait des uniformes

  8   qui étaient bleu foncé, mais je ne me souviens pas précisément maintenant.

  9   Q.  Vous avez indiqué que ces personnes ont couru vers votre maison et

 10   qu'ils sont entrés chez vous. Est-ce que vous les avez reconnus ? Est-ce

 11   que vous en avez reconnu certains ?

 12   R.  Oui. Drilon et Sedat ont reconnu Zoran. Moi, Zoran, je le connaissais

 13   très bien aussi. Il est Serbe, qui vivait et travaillait à Suhareka. Je

 14   dois dire qu'il parlait très bien l'albanais.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 16   M. DJURDJIC : [interprétation] Je voulais juste que le témoin finisse sa

 17   phrase. Il s'agit de l'interrogatoire principal. Le témoin n'a jamais dit

 18   que les policiers étaient entrés dans la maison, alors que mon estimé

 19   consœur vient de demander ce qui s'était passé une fois qu'ils étaient

 20   entrés dans la maison. Je pense qu'il faudrait peut-être laisser le témoin

 21   nous relater son histoire, nous relater les faits tels qu'ils se sont

 22   produits, et je ne pense pas qu'il faille poser des questions directrices

 23   de ce style.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan, est-ce que vous

 25   pourriez, je vous prie, prendre ce qui vient d'être dit en considération ?

 26   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Les policiers ne sont pas entrés dans la

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  1   maison. Lorsque j'ai fait ma déclaration aux enquêteurs du TPIY, j'avais

  2   dit de façon très claire que les policiers ne sont pas entrés dans la

  3   maison. Ils sont restés dans la cour. Ils n'avaient absolument aucune

  4   raison d'entrer à l'intérieur de la maison.

  5   Premièrement, Zoran a appelé Bujar en albanais, et les hommes ont dit

  6   qu'il vaut mieux que nous sortions parce que sinon ils vont tous nous

  7   brûler vifs à l'intérieur, donc tout le monde - les hommes, les femmes et

  8   les enfants - tout le monde a couru à l'extérieur et ils ont tous poursuivi

  9   leur course en quelque sorte. Ils ne sont pas entrés dans la maison.

 10   Mme GOPALAN : [interprétation]

 11   Q.  J'aimerais interrompre, Madame Berisha.

 12   Mme GOPALAN : [interprétation] Il y a peut-être un problème

 13   d'interprétation, parce que dans le compte rendu d'audience il a été

 14   consigné que ces personnes étaient entrées dans la maison, et c'est pour

 15   cela que j'ai cité cette phrase. Mais il semblerait que cela ait maintenant

 16   été précisé. Mais j'aimerais indiquer, juste aux fins du compte rendu

 17   d'audience, qu'il se peut qu'il y ait eu un problème de traduction à ce

 18   sujet.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, il avait été dit qu'ils étaient

 20   entrés dans la maison. Vous avez tout à fait raison à ce sujet.

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, elle a dit qu'ils étaient entrés dans

 22   la maison.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 24   Mme GOPALAN : [interprétation] Très bien.

 25   Q.  Je vais poursuivre, Madame Berisha. Vous nous dites que Zoran a appelé

 26   Bujar en albanais. Que s'est-il passé après qu'il l'ait appelé ?

 27   R.  Lorsqu'il a appelé Bujar, je dois dire que nous étions tous extrêmement

 28   effrayés. La mère de Bujar a dit qu'elle allait sortir en premier.

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  1   Lorsqu'elle est sortie, il a crié et lui a dit : "Non, laissez Bujar

  2   sortir, ce n'est pas vous qui devez sortir. Pas vous. Vous, vous rentrez

  3   dans la maison. Ensuite Bujar est sorti, a demandé à Zoran ce qu'il lui

  4   voulait, et à ce moment-là nous avons entendu un tir, et nous avons

  5   commencé à courir et nous avons quitté la maison.

  6   Q.  Je vous remercie, Madame Berisha. Comment est-ce que vous saviez que

  7   cette personne qui a appelé Bujar était Zoran ?

  8   R.  Je connaissais très bien Zoran, je l'ai vu là, parmi ce groupe, et je

  9   savais que c'était Zoran. Je l'ai reconnu grâce à sa voix. Il parlait très

 10   bien l'albanais, et de toute façon c'était lui que l'on entendait le plus

 11   dans ce groupe.

 12   Q.  Zoran a appelé Bujar, et est-ce qu'il a dit autre chose ?

 13   R.  Lui, de toute façon, il jurait constamment et proférait des insultes.

 14   Il nous disait : Appelez vos amis, les Américains, maintenant pour vous

 15   aider.

 16   Q.  En quelle langue s'exprimait-il, Madame Berisha ?

 17   R.  Zoran s'exprimait parfois en serbe et d'autres fois en albanais. Enfin

 18   lorsque j'ai dit qu'il "parlait," il proférait des jurons.

 19   Q.  Vous avez indiqué qu'après avoir entendu des tirs, vous avez commencé à

 20   courir et vous êtes partie de la maison. J'aimerais que nous précisions

 21   maintenant qui se trouvait dans la maison à vos côtés ?

 22   R.  Nous étions tous là, toute la famille, mon mari, mes enfants, et il y

 23   avait également la famille de Vjollca.

 24   Mme GOPALAN : [interprétation] Peut-être que pour préciser tout cela, nous

 25   pourrions consulter l'arbre généalogique des Berisha. Il s'agit de la pièce

 26   P272, et je pense avoir distribué des exemplaires papier à la Chambre de

 27   première instance ainsi qu'au conseil de la Défense lundi, mais j'ai aussi

 28   un exemplaire que je peux remettre au témoin. Avec votre permission,

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  1   Monsieur le Président, je souhaiterais que ce document soit remis au

  2   témoin.

  3   Q.  Madame Berisha, lorsque vous nous dites que dans la maison, il y avait

  4   toute votre famille, votre mari, vos enfants ainsi que la famille de

  5   Vjollca; est-ce que vous faites référence à la portion supérieure de

  6   l'arbre généalogique, donc la famille de Faik et Bahrije et de Vesel et

  7   Hava ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce qu'il y en avait qui n'était pas présents dans la maison ce

 10   jour-là ?

 11   R.  Voilà qui n'étaient pas présents ce jour-là dans la

 12   maison : Naim, par exemple, Vesel, Ismet, Arben, Faik et Bahrije. Ces

 13   personnes dont les noms sont écrits en noir ne se trouvaient pas dans la

 14   maison ce jour-là. Et pour ce qui est des autres, à savoir quelque 24 ou 25

 15   membres de la famille, ils se trouvaient à l'intérieur de la maison.

 16   Q.  Merci. Vous avez dit que vous êtes sortie de la maison en courant. Est-

 17   ce que vous avez vu quiconque lorsque vous êtes sortie de la maison ?

 18   R.  Lorsque Bujar est sorti, nous avons commencé à courir. Nous avons

 19   quitté la maison. J'ai entendu deux tirs. Et lorsque je suis sortie, j'ai

 20   vu Bujar qui gisait sur le balcon, et sa femme a commencé à hurler, elle a

 21   commencé à dire : Pauvre de moi, ils ont tué mon Bujar, et là nous nous

 22   sommes mis à courir aussi vite que nous le pouvions. Et lorsque nous sommes

 23   arrivés chez moi, dans ma maison, ils avaient arrêté mon mari, Faton, son

 24   neveu, ainsi que Nexhmedin. Mon mari s'appelait Nexhat. Miskovic était un

 25   policier que je connaissais très bien, il était de Suhareka, il ne portait

 26   pas l'uniforme de la police, il portait des vêtements noirs.

 27   Il y avait un autre policier que je ne connaissais pas. Lui aussi tenait

 28   Faton par le bras, comme Miskovic. Entre-temps, Fatime, la mère de Faton,

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  1   lui a dit : Prenez-moi au lieu de prendre mon fils; laissez-le partir. A ce

  2   moment-là, Sedat a commencé à courir. Il a essayé de s'échapper, mais ils

  3   l'ont rattrapé, et je n'ai plus jamais revu Sedat. Il essayait, en fait, de

  4   se diriger vers la maison d'Agron, mais je ne l'ai plus jamais revu.

  5   Q.  Qu'est-il advenu à votre mari, Madame Berisha, après qu'ils l'ont

  6   arrêté ?

  7   R.  Je me suis arrêtée là avec mes quatre enfants, puis il y avait la fille

  8   aînée de Vjollca. Je tenais la main d'Altin. Majlinda portait le plus jeune

  9   ou lui tenait la main, et il y avait Herolinda qui était avec moi

 10   également. Donc nous nous sommes arrêtés pour voir ce qu'ils allaient faire

 11   avec les hommes. Nous étions véritablement très effrayés. Mes enfants ont

 12   refusé de continuer à marcher. Donc il a pris Nexhat par le bras et il lui

 13   a dit : Maintenant, les Américains vont venir te sauver, et il lui a tiré

 14   dessus dans le dos, deux fois; puis Nexhat est tombé par terre.

 15   Q.  Qu'est-il arrivé à Nexhmedin, Madame Berisha ?

 16   R.  Nexhmedin a essayé de s'échapper avec sa femme. Et Lirije, un peu comme

 17   Fatime - parce que Lirije, c'était la femme de Nexhmedin. Elle était très

 18   jeune. Elle était enceinte. Elle devait accoucher deux semaines plus tard.

 19   Lorsque les tirs se sont intensifiés, nous avons entendu d'autres voix qui

 20   s'exprimaient en serbe et qui disaient : Mais tirez, qu'est-ce que vous

 21   attendez donc. Les tirs venaient de tous les côtés, et j'ai dit à mes

 22   enfants : Courons parce qu'ils vont également nous tuer. Donc Nexhmedin et

 23   Lirije se sont mis à courir également. Moi-même et Herolinda, nous avons

 24   couru dans une direction et Majlinda avec mes deux fils, Altin et Redon

 25   ainsi que Dafina, qui était la fille de Vjollca, eux, ils ont parti dans

 26   l'autre direction.

 27   Evidemment, je n'ai pas pu voir ce qui se passait. C'était absolument

 28   épouvantable. On entendait beaucoup de tirs, les gens vociféraient. Nous

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  1   avons tout simplement essayé de nous échapper.

  2   Q.  Je vous remercie, Madame Berisha. Savez-vous quel a été le sort de

  3   Faton ?

  4   R.  Tout ce que je sais, c'est que j'ai vu Faton et Fatime ont tombé par

  5   terre. Je ne sais rien d'autre.

  6   Q.  Vous nous avez dit que vous ainsi que vos enfants avez commencé à

  7   courir dans des directions différentes. J'aimerais savoir dans quelle

  8   direction vous avez couru ?

  9   R.  Avec ma fille Herolinda, nous avons couru vers l'arrêt de bus, la

 10   station d'essence. Je dois dire que nous courrions très vite. Il y avait un

 11   cousin de mon mari, Jashar Berisha, qui se trouvait là et il m'a dit :

 12   Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que tu

 13   cours ? Et je lui ai dit : "Oncle Jashar, ils ont tué tous nos maris, tous

 14   nos hommes, et on essaie tout simplement de sauver nos vies.

 15   Et près du centre commercial nous avons vu d'autres membres de notre

 16   famille, donc je suis allée vers eux avec ma fille. Je leur ai demandé :

 17   Pourquoi est-ce que vous êtes arrêtés ici ? Personne n'a répondu. Et c'est

 18   là qu'un cousin de mon mari nous a dit : Les policiers nous ont demandé de

 19   nous arrêter là. Et là, il y avait deux familles Berisha à cet endroit.

 20   Q.  Quel était le nom du cousin de votre mari qui vous a dit que les

 21   policiers leur avaient demandé de s'arrêter dans ce café ?

 22   R.  C'était un cousin de mon mari, c'était aussi son meilleur ami. On

 23   l'appelait tous Tushi. Mais si je ne m'abuse, il s'appelait Avdi Berisha.

 24   Q.  Qui étaient les autres personnes qui s'étaient rassemblées là, outre

 25   Avdi et votre famille ?

 26   R.  La famille de Hajdin Berisha se trouvait là également, donc il y avait

 27   ma famille, la famille de Vjollca, Avdi Berisha et sa famille, et il y

 28   avait une autre famille Berisha.

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  1   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

  2   Mme GOPALAN : [interprétation]

  3   Q.  Madame Berisha, vous avez dit que la famille de Hajdin Berisha se

  4   trouvait là, la famille de Vjollca, la famille d'Avdi Berisha, et qu'il y

  5   avait également une autre famille Berisha. Est-ce que vous pourriez répéter

  6   le nom de la dernière famille Berisha ?

  7   R.  C'était la famille de Hajdin Berisha.

  8   Q.  Merci.

  9   R.  Vesel Berisha était le père de Hajdin. Et le père de Bujar s'appelait

 10   également Vesel, c'est pour cela que j'ai parlé de la famille de Hajdin

 11   Berisha pour ne pas semer de confusion.

 12   Q.  Pour préciser tout cela, nous pourrions peut-être nous pencher à

 13   nouveau sur l'arbre généalogique des Berisha. Je vous rappelle qu'il s'agit

 14   de la pièce P272. Lorsque vous parlez de la famille d'Avdi Berisha, est-ce

 15   qu'il s'agit bien des noms que l'on voit au milieu de la page ?

 16   R.  Oui, Avdi Berisha.

 17   Q.  Et lorsque vous parlez de la famille de Hajdin et de Vesel Berisha,

 18   vous nous avez dit que Vesel Berisha était son père, est-ce que vous faites

 19   référence à l'arbre généalogique qui se trouve juste en bas de la page ?

 20   R.  Oui, c'est exact. C'est ce qui se trouve en bas de page.

 21   Q.  Après que votre famille s'est rassemblée, que s'est-il passé ?

 22   R.  A un moment donné, mes enfants sont arrivés, et Altin m'a dit : Maman,

 23   ils m'ont blessé. Son bras saignait. Et il m'a dit : Maman, le policier, il

 24   a tiré vers moi, mais ils ne m'ont pas touché. Il était très pâle. Son cœur

 25   battait très vite. Ils tiraient même sur les enfants qui s'enfuyaient. Puis

 26   assez vite un groupe de policiers est arrivé et nous ont dit de rentrer à

 27   l'intérieur du café. Et comme c'était un café, il y avait des tables à

 28   l'intérieur, donc nous sommes tous allés à l'intérieur. Et ils nous ont dit

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  1   de nous asseoir et dès que nous nous sommes assis, ils ont commencé à tirer

  2   sans aucune interruption. C'était une salve après l'autre. Il s'agissait de

  3   tirs de fusils automatiques.

  4   Q.  Madame Berisha, est-ce que vous pouvez nous décrire les policiers ?

  5   R.  Je ne les ai pas vus. Je sais qu'il s'agissait d'un groupe de

  6   policiers, mais personne ne pouvait les voir, personne ne les a reconnus.

  7   De toute façon c'était un groupe assez nombreux de personnes. Tout ce que

  8   je sais, c'est qu'il y a un groupe de policiers qui est arrivé et qui nous

  9   ont dit d'aller à l'intérieur. Ils vociféraient, ils disaient qu'ils

 10   allaient tuer tous les Albanais, qu'ils n'allaient pas laisser un seul

 11   survivant albanais. D'après leurs voix, j'avais encore l'impression que

 12   c'était Zoran qui criait le plus fort.

 13   Q.  Outre ces tirs, Madame Berisha, est-ce que vous avez entendu autre

 14   chose ?

 15   R.  Premièrement, comme je vous l'ai dit, ils ont ouvert le feu, il y a eu

 16   des salves. Ensuite ils ont arrêté. Et dès qu'ils ont entendu qu'il y avait

 17   des voix à l'intérieur, qu'il y avait encore des gens qui vivaient, ils ont

 18   jeté des choses à l'intérieur, ils ont jeté les grenades, c'est ainsi que

 19   les femmes et les enfants sont morts. Moi, en fait, j'étais allongée par

 20   terre. Tout ce que j'entendais, c'était des gens pleurer, geindre, se

 21   plaindre, puis après qu'ils ont jeté ces choses à l'intérieur, le calme est

 22   revenu, puis plus personne ne parlait.

 23   Q.  Madame Berisha, pour ce qui est des blessures qui étaient les vôtres,

 24   de quoi s'agissait-il ?

 25   R.  J'avais plusieurs blessures. L'ensemble de mon corps était vraiment,

 26   pour ainsi dire, couvert de blessures. Le tout ayant été perpétré par les

 27   agents de police serbes qui m'ont battu également. Mais voilà que Dieu a

 28   voulu que je sois conservée, que je reste en vie pour venir dire la vérité

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  1   ici.

  2   Lorsqu'ils se sont rendu compte du fait que j'étais toujours en vie, ils

  3   m'ont une fois de plus tiré dessus, sur mon bras, mais il s'agissait d'une

  4   balle qui a traversé mon bras, sans plus. Ils ont cru que nous étions tous

  5   morts. Moi, tout simplement, j'ai perdu connaissance et je n'étais pas

  6   morte, et voilà pourquoi ils ne m'ont plus tiré dessus. Mais mon corps

  7   était couvert de blessures, une fois de plus, que j'ai été atteinte

  8   d'éclats de grenade au niveau de la jambe, du ventre, de la cage

  9   thoracique. J'ai été blessée à plusieurs reprises et encore une fois j'ai

 10   des éclats de grenade dans mon corps.

 11   Q.  Madame Berisha, lorsque tout s'est arrêté, que s'est-il passé par la

 12   suite ?

 13   R.  Après que la fusillade a pris fin, lorsque tous ont été tués - il m'est

 14   difficile maintenant d'en parler, il est difficile de mentionner leurs noms

 15   - ces gens-là se sont remis à parler en serbe et à dire : Allons charger

 16   les cadavres à bord de ce camion.

 17   Q.  Avez-vous reconnu ces voix-là ?

 18   R.  Non, parce que je n'osais pas soulever la tête. Je faisais semblant

 19   d'être morte, comme je vous l'ai déjà dit, mais je les ai entendus parler

 20   entre eux en serbe. L'un d'entre eux a dit : Qu'est-ce que c'est que toute

 21   cette vie-là ? Pourquoi tue-t-on enfants et femmes ? Un autre a dit : On va

 22   nettoyer tout ça. Il s'agissait de deux personnes qui, entre elles,

 23   parlaient en serbe.

 24   Ils avaient des brancards et c'est là qu'ils ont pu charger des cadavres.

 25   Et il y avait des gens qui étaient encore en vie. Drilon, par exemple,

 26   était en vie. Mais une fois qu'ils se sont rendu compte que quelqu'un était

 27   en vie, ils se sont remis à tirer dessus, de même en est-il pour les femmes

 28   et enfants. De même ils ont tiré sur mon fils qui avait été déjà blessé à

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  1   la jambe. Gramoz lui aussi a été blessé, mais ils n'ont pas pu le voir,

  2   parce que son visage était couvert par un jacquet. Mon Altin à moi était

  3   encore en vie. Je lui ai dit : Fais semblant d'être mort. Il n'a pas

  4   échappé un seul cri, mais on s'est rendu compte du fait qu'il était en vie

  5   une fois qu'ils l'ont ramassé, et une fois de plus ils se sont remis à

  6   tirer dessus et je n'ai pu entendre qu'un seul cri.

  7   Après quoi ils se sont mis à charrier tous ces cadavres, de même avec

  8   moi. J'avais un collier en or autour de mon cou, mais eux ils ont cru que

  9   ce collier et ces chaînettes en or étaient plus précieux que ma vie, et

 10   évidemment ils ont tout pris. Ceci était quelque chose sans aucune valeur

 11   pour moi, mais c'est juste pour vous dire comment ils se sont comportés.

 12   Ils m'ont pris ces chaînettes, pour me charrier à bord de ce camion --

 13   Q.  Et que s'est-il passé --

 14   R.  [aucune interprétation]

 15   Q.  Qu'est-il advenu de vous une fois qu'on vous a embarqués sur ce camion

 16   ?

 17   R.  Une fois qu'on nous a embarqués à bord de ce camion, il y avait de la

 18   puanteur qui prévalait là. Partout du sang. Environ 40 cadavres. Le camion

 19   s'était mis en route pendant un certain temps pour s'arrêter ensuite. Une

 20   fois qu'il s'est arrêté, une femme a pris la parole. On l'a entendue parler

 21   en serbe et elle a dit comme suit : Mon fils, s'en est fait de nous. Oui,

 22   je crois que tout est fini, a-t-il répondu. Ensuite elle a dit : Bon

 23   voyage. Sur ce j'ai soulevé la tête, et lui aussi, le garçon. J'étais

 24   intéressée à mon fils Altin pour savoir s'il était en vie. Je voulais lui

 25   parler. Vjollca m'a entendu parler à Altin pour me demander si j'étais en

 26   vie. J'ai dit que oui, je suis toujours en vie, mais tous nos parents, tous

 27   nos cousins ont été tués. La police serbe a achevé toute notre famille

 28   jusqu'au dernier. Tout cela s'était passé une fois que le camion s'est

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  1   arrêté.

  2   Et lorsque le camion s'est arrêté, cette femme s'est mise à parler en

  3   serbe. J'ai eu l'impression que c'était la mère de Zoran, je n'ai pas pu la

  4   voir, mais à en juger d'après sa voix, j'ai eu l'idée que c'était peut-être

  5   la mère de Zoran. Après quoi je me suis adressée à Vjollca pour lui

  6   demander si elle a entendu ce que l'autre a dit à Zoran lorsqu'il lui a été

  7   dit : Avez-vous achevé votre besogne ? Sa réponse était affirmative, parce

  8   qu'elle connaissait mieux que moi cette personne Vera Laza.

  9   Q.  Vous pensez à cette personne, Vera Laza. Est-ce qu'il s'agit de Vera,

 10   la mère de Zoran, et s'agit-il de cette femme qui a parlé en serbe et que

 11   vous avez évoquée tout à l'heure ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci, Madame Berisha. Avant de traiter de ce qui s'était passé par la

 14   suite, lorsqu'on vous a mis à bord de ce camion et que le camion s'était

 15   mis en route, pouvons-nous peut-être voir une pièce à conviction, à savoir

 16   la pièce à conviction P272, il s'agit une fois de plus de l'arbre

 17   généalogique de votre famille.

 18   Parmi tous ces noms-là qu'on a mentionnés, et surtout en blanc [comme

 19   interprété], pouvez-vous nous dire qui sont les personnes qui ont pu

 20   survivre à cet événement qui a eu lieu dans ce café ?

 21   R.  Tous ces noms-là marqués en bleu, de même que les noms d'autres

 22   personnes, se trouvaient là. Il n'y avait que moi, Vjollca et Gramoz qui

 23   avions survécu à cet événement. Tous les autres ont été achevés, comme je

 24   vous ai déjà dit, lorsqu'on nous charriait à bord de ce camion, et qu'on

 25   nous embarquait, il y en avait qui étaient en vie encore.

 26   Q.  Gramoz, quel âge avait-il en ce moment-là ?

 27   R.  Huit ans.

 28   Q.  Merci.

Page 489

  1   R.  Huit ans et demi à peu près.

  2   Mme GOPALAN : [interprétation] Je voudrais que l'on présente maintenant la

  3   pièce à conviction P269, notamment la page 2 de ce document.

  4   Q.  Avant d'aller de l'avant, Madame Berisha, avec votre déposition, je

  5   voudrais vous demander si vous êtes capable de nous situer sur cette carte

  6   le lieu où se trouvait ce café pour lequel vous nous avez dit que c'était

  7   pratiquement le lieu où l'événement s'était produit.

  8   R.  Approximativement, c'est ici que se trouve cette station d'essence.

  9   Alors ça doit être non loin de là.

 10   Q.  Pouvez-vous peut-être faire une annotation, c'est-à-dire marquer par le

 11   chiffre 1.

 12   R.  Je n'en suis pas tout à fait certaine pour autant si c'est bien le lieu

 13   de ce -- j'ai quelque peu oublié.

 14   Q.  Mais vous vous rappelez que ceci devrait être non loin de là pour

 15   parler de ce café ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Juste pour tirer au clair les annotations faites par vous, s'agit-il là

 18   de la station d'essence ou du café en question ?

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y, Monsieur Djurdjic.

 20   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 21   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. On demande maintenant au témoin de

 22   dire où se trouve un café. S'agit-il encore une fois de dire qu'on va

 23   induire le témoin à répondre. On lui avait demandé où se trouvait le café.

 24   Madame a fait une annotation. Maintenant on insiste davantage, chose que

 25   nous ne pouvons pas permettre, c'est directeur.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que la question avait un

 27   autre sens, Monsieur Djurdjic. Il s'agissait de savoir si on avait annoté

 28   le lieu où devait se trouver la station d'essence, chose mentionnée par le

Page 490

  1   témoin, ou peut-être s'agissait-il de marquer le lieu où se trouvait le

  2   café. Ceci n'a pas été tout à fait tiré au clair. Mme le Procureur a essayé

  3   d'y voir plus clair. C'est ainsi au moins que j'ai compris. Je vous

  4   remercie.

  5   Mme GOPALAN : [interprétation]

  6   Q.  Madame Berisha, juste pour élucider certaines choses, les annotations

  7   faites par vous, notamment ce que vous avez marqué par le chiffre 1, cela

  8   concerne quoi très exactement ?

  9   R.  Ma main tremble. C'est le lieu où se trouve le café, mais comme je vous

 10   l'ai déjà dit, je ne suis pas en mesure de vous indiquer l'endroit très

 11   exact.

 12   Q.  O.K.

 13   R.  Ce n'est pas ici que vous allez le trouver. C'est de l'autre côté. Ici

 14   se trouverait plutôt -- 

 15   Q.  Est-ce bien l'annotation faite par vous répondant au chiffre 1 ?

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Je vous remercie. Maintenant cela est beaucoup plus clair. Merci

 18   beaucoup.

 19   Je vais passer à un autre sujet, Madame Berisha, j'espère que nous

 20   allons le faire vite.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous soumettez pour

 22   versement au dossier cette pièce à conviction ?

 23   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous remercie

 24   [comme interprété].

 25   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction 275

 27   [comme interprété]. Merci, Monsieur le Président.

 28   Mme GOPALAN : [interprétation]

Page 491

  1   Q.  Madame Berisha, une fois qu'on vous a mis à bord ce camion, que s'est-

  2   il passé par la suite ?

  3   R.  Vjollca et moi avons eu très peur. Nous étions très inquiètes. Nous

  4   nous sommes mises à parler entre nous. Elle m'a dit que Gramoz était en

  5   vie, alors qu'elle pensait que Nexhat a été blessé. Mais lorsque Lirije

  6   était venue, elle voulait plutôt appeler Nexhmedin et Nexhat, peut-être ces

  7   deux ont-ils été aidés par quelqu'un. Je lui ai dit : Je vais sauter du

  8   haut de ce camion. Je ne veux pas me rendre à ces ignobles Serbes qui ont

  9   tué tous nos enfants. Allons. Sautons d'ici, disons à tout le monde par qui

 10   nous avons été tués. Et Vjollca a dit : Non, Shyhrete, nous ne pouvons pas

 11   sauter du haut de ce camion. Mais lorsqu'on nous aura enterrés et couverts

 12   par la terre, penses-tu. Pour mon part, j'ai répondu que nous ne pouvions

 13   pas le faire.

 14   Et je me suis rendu compte du fait qu'il y avait une espèce de bâche

 15   en plastique dont le camion était couvert. Je me suis rendu compte qu'il y

 16   avait un trou là. Je ne savais pas très bien où nous nous trouvions. J'ai

 17   dit à Vjollca, qui était tout près de la ridelle du camion, et je lui ai

 18   dit : Ne saute pas du côté, parce qu'on pourrait nous repérer grâce à leurs

 19   rétroviseurs. Il vaut mieux sauter par la partie arrière du camion. On ne

 20   pourra pas nous voir.

 21   Le camion a pris de la vitesse, et pendant que je parlais à Vjollca, j'ai

 22   sauté du haut du camion, et comme je suis tombée, je me suis blessée au

 23   front. Cette blessure était grave, beaucoup de sang coulait de mon front.

 24   Après quoi Vjollca a sauté elle aussi, et Gramoz avec.

 25   Q.  Madame Berisha, est-ce que vous vous rappelez à quel endroit vous avez

 26   pu sauter ?

 27   R.  Oui. Une fois que j'étais tombée par terre des gens m'ont vue et ils

 28   sont venus à mon secours. Il s'agit d'un village qui se trouve loin de

Page 492

  1   Prizren.

  2   Q.  Que s'est-il passé par la suite lorsque ces gens-là sont venus vous

  3   aider ? Qu'est-ce qu'ils ont fait, eux ?

  4   R.  C'était une jeune fille là qui m'a repérée et elle a appelé son père,

  5   ce vieil homme là, lui, de son côté, a fait venir deux autres jeunes gens.

  6   On leur a dit tout simplement de ramasser cette femme - c'était moi - qui

  7   baignait dans le sang. Ces jeunes gens sont venus, ils m'ont ramassée et

  8   ils m'ont fait entrer dans une maison. Ils m'ont dispensé les premiers

  9   secours. Ils m'ont accompagnée ensuite au village où il y avait un médecin.

 10   Mais ils n'étaient pas en mesure réellement de m'aider grandement.

 11   Q.  Pendant combien de temps êtes-vous restée dans Kosovo après cet

 12   événement, Madame Berisha ?

 13   R.  J'y suis restée jusqu'au mois de mai. Après quoi, je me suis rendue au

 14   village, Budakova. C'est là où j'ai pu rejoindre mes parents qui, eux, ont

 15   appris ce qu'il était advenu de notre famille, car ce qui s'était produit à

 16   nous tous a été connu des Serbes de Mushtisht. Les gens parlaient entre

 17   eux, ils ont compris ce que les Serbes ont fait aux femmes et aux enfants.

 18   Ainsi mon père a-t-il appris ce qui s'était passé avec nous et c'est ainsi

 19   qu'ils sont venus dans ce village.

 20   Non loin de là, se trouvait un bois. C'est là que nous nous sommes

 21   rassemblés, je les ai rejoints là à Vranig de concert avec leurs oncles. Et

 22   c'est ainsi que nous sommes tout le temps là restés dans la forêt, dans ces

 23   montagnes là. J'ai été grièvement blessée. J'étais très triste, parce que

 24   je sais que dans la forêt il y a eu beaucoup d'enfants qui étaient morts.

 25   Il y en avait qui étaient complètement devenus fous, ils ne pouvaient plus

 26   tenir le coup. Les hommes ont décidé qu'il a fallu de nous rendre tous.

 27   Nous avions nos tracteurs. S'il faut qu'ils nous achèvent, qu'ils nous

 28   tuent, soit, nous ne pourrons plus souffrir tout cela.

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  1   Et c'est ainsi que les hommes se sont mis à arborer un drapeau blanc. Il y

  2   avait une colonne de tracteurs. Et lorsque nous sommes arrivés dans le

  3   village de Bukosh, la confusion y régnait, une grande confusion y régnait.

  4   C'était une journée très, très pénible pour moi. Aussi pénible que le jour

  5   où on avait tué mes enfants. Je ne pouvais plus souffrir ce chaos, cette

  6   confusion. Il y avait de tout côté des gens armés. Des policiers venaient,

  7   des gens hurlaient, des gens, des jeunes gens ont été amenés, de même en

  8   est-il pour mon oncle. Certaines femmes ont été amenées dans une école non

  9   loin de là. On leur a retiré tous les objets de valeur que ces gens-là

 10   pouvaient avoir. Certaines de ces femmes ont été renvoyées, ont pu être de

 11   retour alors que des hommes, quant à eux, ils n'ont jamais pu revenir.

 12   Leurs cadavres ne seront découverts qu'à la fin de la guerre. Pour ce qui

 13   est des autres hommes, hommes âgés, ils ont été renvoyés, mis en liberté et

 14   ils ont pu, tout comme mon oncle, regagner le village. Ensuite, nous nous

 15   sommes dirigés vers un autre village et c'est ainsi que notre trajet vers

 16   l'Albanie a été entamé.

 17   Q.  A quel endroit, quel poste-frontière avez-vous traversé, la frontière

 18   pour passer en Albanie; est-ce que vous vous rappelez cela ?

 19   R.  A Kukes, mais je ne suis pas certaine de quelle date il s'agissait,

 20   était-ce le 5 ou le 6 mai. Mais en tout cas je sais que c'était au début

 21   mai.

 22   Q.  Merci. Et que s'est-il passé à ce poste-frontière de

 23   Kukes ?

 24   R.  A ce poste-frontière, la police a été très agressive à notre encontre.

 25   Ces gens-là étaient en uniforme. Je ne pouvais plus les voir. Je ne pouvais

 26   plus voir leurs armes. Ils nous ont dit : Nous allons vous tuer tous. Une

 27   femme a perdu connaissance. Des membres de police se sont approchés d'elle

 28   pour dire : Elle est bonne à rien, ça ne va pas. Il y avait des femmes là

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  1   qui ont voulu l'arroser avec un peu d'eau, ainsi elle a repris

  2   connaissance. On nous a demandé de l'argent, alors donner, ont demandé nos

  3   papiers d'identité. Une confusion y régnait. Il y avait beaucoup de jeunes

  4   filles, de femmes, et nous avons été tous en proie à la frayeur. Mais nous

  5   avons réussi à passer ce poste-frontière et d'entrer dans l'Albanie.

  6   Q.  On vous a demandé de montrer vos papiers d'identité. Est-ce qu'on vous

  7   les a rendus par la suite ?

  8   R.  Non. Tous ceux qui avaient un papier d'identité quelconque étaient

  9   obligés de le rendre sans jamais pouvoir les récupérer. Quant à moi, je

 10   n'avais pas de papier, mais j'ai vu tant de femmes qui ont eu des papiers

 11   qu'elles ont remis et sans jamais pouvoir les récupérer.

 12   Q.  Madame Berisha, lorsque vous avez traversé la frontière et entré en

 13   Albanie, est-ce que vous avez également permis une prise sanguine à

 14   l'intention des enquêteurs du Tribunal pénal international de l'ex-

 15   Yougoslavie ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Merci, Madame Berisha.

 18   Mme GOPALAN : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce

 19   témoin, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Monsieur Djurdjic, avez-vous des questions à poser à Mme le Témoin ?

 22   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 23   Contre-interrogatoire par M. Djurdjic : 

 24   Q.  [interprétation]  Madame Berisha, je suis Veljko Djurdjic, membre de

 25   l'équipe du conseil de la Défense de Vlastimir Djordjevic. J'ai à mes

 26   côtés, Mme Marie O'Leary, un membre de l'équipe du conseil de la Défense.

 27   M. Dragoljub Djordjevic est absent pour des raisons justifiées, il est le

 28   principal conseil de la Défense de l'accusé.

Page 495

  1   Avant de poser des questions en mon nom et au nom de M. Vlastimir

  2   Djordjevic, je voudrais vous présenter mes condoléances les plus profondes

  3   et les plus sincères du fait de la perte de vos proches qui vous sont

  4   tellement chers. Je ne proposais pas de vous poser des questions et je ne

  5   me propose pas de poser des questions concernant votre déposition. Mais je

  6   me dois de vous poser quelques questions qui ne se rapportent pas

  7   directement à votre déposition d'aujourd'hui, mais qui ont un certain lien

  8   avec elle.

  9   Dans vos déclarations, vous avez dit que vous avez fait des études

 10   supérieures. Pouvez-vous nous dire quelle est l'école supérieure où vous

 11   avez terminé vos études; et si oui, quand et où ?

 12   R.  J'ai fini mes études secondaires à Suhareka, et également l'école

 13   pédagogique supérieure, l'école normale, supérieure à Prizren.

 14   Q.  Merci. En quelle année avez-vous terminé vos études à cette école

 15   supérieure de Prizren ? Est-ce que vous en avez souvenance ?

 16   R.  En 1988, encore que je n'en suis pas certaine pour autant. J'ai oublié

 17   pas mal de choses parce que vous m'avez détruit ma mémoire. Je ne saurais

 18   être plus précise.

 19   Q.  Merci, Madame Berisha. Est-ce qu'il s'agissait d'une école mixte ?

 20   Pouvait-on y voir du point de vue appartenance ethnique des étudiants faire

 21   leurs études et qui venaient de groupes ethniques différents ?

 22   R.  Je ne me souviens pas vraiment comment se présentait la situation qui

 23   prévalait à l'école normale supérieure, mais à l'école secondaire, oui, il

 24   s'agissait d'une école mixte, nous étions tous ensemble, Albanais et

 25   Serbes.

 26   Q.  Merci. Est-il exact de dire qu'après la fin de vos études, vous n'êtes

 27   pas entrée dans le monde du travail, vous n'avez pas trouvé d'emploi ?

 28   R.  Oui, cela est exact. Je ne me suis pas fait embaucher une fois mes

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  1   études terminées.

  2   Q.  Merci. Madame Berisha, votre mari, Nexhat, quelles sont les études

  3   supérieures, peut-être, les plus importantes qu'il a faites ou achevées ?

  4   R.  Nexhat, quant à lui, a fait et terminer ses études secondaires et avait

  5   entamé des études universitaires à l'université de Prishtina, sans

  6   poursuivre ses études. Il s'est fait embaucher à la maison de la culture de

  7   Suhareka, il était responsable des activités dites d'amateurs.

  8   Q.  Merci. Peut-on dire pour lui qu'en 1999, il était toujours employé à la

  9   maison de la culture ?

 10   R.  Non. Non, ces toutes dernières années, il n'a pas travaillé parce qu'il

 11   a été congédié, il avait été licencié.

 12   Q.  Merci. Dans le cadre de la déposition faite par vous dans l'affaire

 13   Milutinovic, vous avez dit que quotidiennement votre époux se rendait au

 14   bâtiment de l'OSCE. Est-ce que cela veut dire qu'il y travaillait, il y a

 15   été employé, fin 1998 et en début de 1999 ?

 16   R.  Non, non. Non, il n'a pas travaillé pour l'OSCE, mais il s'y rendait

 17   tout simplement tous les jours. Il a été tout à fait habilité à se rendre

 18   dans sa maison à lui toutes les fois où il l'aurait souhaité.

 19   Q.  Merci. Savez-vous ce qu'il y faisait lorsqu'il s'y rendait, étant donné

 20   qu'une partie de votre maison a été prise en location par l'organisation en

 21   question pour servir de bureau ?

 22   R.  Au début, mon mari et mes deux filles s'y rendaient pour nettoyer, pour

 23   faire le ménage. Ceci a duré comme ça pendant un certain temps après quoi

 24   l'organisme de l'OSCE a embauché une femme de ménage, et c'est ainsi que

 25   mon mari se rendait tous les jours à Suhareka. Les enfants fréquentaient

 26   une école là-bas et c'est la raison pour laquelle mon mari lui aussi s'y

 27   rendait quotidiennement.

 28   Q.  Merci. Je crois que j'ai bien compris, reprenez-moi si tel n'était pas

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  1   le cas, est-ce que j'ai bien compris qu'une fois que vous avez donné cette

  2   maison en location, que votre époux et vous, vous étiez passés pour vivre

  3   dans la maison de votre père ?

  4   R.  Quand nous avons commencé à louer notre maison à l'OSCE, le personnel

  5   de l'OSCE est venu dans notre maison et moi, mes enfants, mon mari, nous

  6   sommes allés à Mushtischt et c'est là que nous passions nos nuits et c'est

  7   là que nous résidions. Mais mes trois enfants, Majlinda, Altin, Herolinda,

  8   ils ont continué d'aller à l'école à Suhareka; donc ils se déplaçaient tous

  9   les jours de Mushtisht à Suhareke, et mon mari faisait pareil. Il voyageait

 10   avec la voiture de mon père tous les jours à Suhareka. Mes enfants se

 11   rendaient à l'école parfois en autocar, mais parfois c'était en voiture

 12   avec mon époux. Mais comme j'ai dit, mon époux ne travaillait pas pour

 13   l'OSCE.

 14   Q.  Merci. Madame Berisha, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la

 15   nouvelle maison que vous avez construite quelle se trouve rue Miladin

 16   Popovic, et que normalement c'est le chemin de Restanski qu'on appelle cet

 17   endroit ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Merci. A quel moment avez-vous construit cette nouvelle maison et quand

 20   est-ce que vous avez emménagé là-dedans ?

 21   R.  Cette maison, on a pris plusieurs années pour la construire, c'était

 22   long les travaux de construction. Mais moi, je n'y ai vécu que pendant une

 23   année.

 24   Q.  Merci. En répondant aux questions, vous avez dit qu'au rez-de-chaussée

 25   de cette nouvelle maison il y avait une boutique où on vendait des pièces

 26   de rechange pour les voitures ?

 27   R.  Il y avait un petit commerce, un petit magasin où on vendait des pièces

 28   détachées pour les voitures. Oui, c'est vrai.

Page 498

  1   Ce n'était pas de notre côté de la maison, c'était du côté de Faton.

  2   Q.  Corrigez-moi si je me trompe, alors c'est Faton qui était le

  3   propriétaire de cette boutique, de ce magasin-là ?

  4   R.  Oui. Oui, ça appartenait à Faton.

  5   Q.  Merci. Est-ce que je peux en conclure que vous n'entriez pas dans ce

  6   magasin ? Répondez, s'il vous plaît.

  7   R.  Qu'entendez-vous par là ?

  8   Q.  Vous vous êtes contentée d'opiner de la tête mais il nous faut une

  9   réponse verbale pour que nous puissions la consigner au compte rendu

 10   d'audience. Juste pour les besoins du compte rendu d'audience ?

 11   R.  Est-ce que vous auriez l'amabilité de répéter votre question, s'il vous

 12   plaît.

 13   Q.  J'en déduis que vous n'entriez pas dans cette boutique, dans ce magasin

 14   ? Ai-je raison d'arriver à cette conclusion ?

 15   R.  Il m'est arrivé d'entrer dans ce magasin, bien sûr, avant la guerre.

 16   Q.  Merci. A votre retour, après le 20 mars 1999, est-ce qu'il vous est

 17   arrivé d'entrer dedans ?

 18   R.  Après le 20 mars, non. Non, je ne suis plus rentrée dans le magasin

 19   après cette date-là.

 20   Q.  Ai-je raison de dire que vous ne savez pas ce qui se trouvait dedans à

 21   votre retour en mars lorsque vous êtes revenue dans votre maison ?

 22   R.  Non. Je sais très bien ce qu'il y avait dedans. Il y avait des pièces

 23   détachées pour les voitures, puis c'est une seule et même personne qui y

 24   travaille encore aujourd'hui, la même qu'à l'époque. Il n'y avait là rien

 25   d'autre que des pièces de rechange pour les voitures, Monsieur.

 26   Q.  Je vous remercie. Mais qui était le responsable, qui était le

 27   propriétaire de cette boutique ?

 28   R.  La même personne qui en a été le propriétaire pendant la guerre l'est

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  1   encore aujourd'hui. Mais donnez-moi quelques instants pour retrouver son

  2   nom. Je le connais. Je n'arrive pas à me souvenir de son nom là sur-le-

  3   champ. Sa femme travaille à Balkans. C'est ma cousine. Et il vient du

  4   village de Sematisht, ce propriétaire de ce commerce, son beau-frère

  5   travaillait dans le magasin. Et ces gens  sont restés là jusqu'à il y a un

  6   an. Et après la guerre, il m'est arrivé de les voir. Je ne sais pas s'ils

  7   sont toujours là, mais je sais qu'ils ont continué de travailler, de vendre

  8   ces pièces détachées pour les voitures, après la guerre dans ce même

  9   magasin.

 10   Q.  Merci. Dites-moi, s'il vous plaît, le 26 mars, il y avait quelqu'un qui

 11   travaillait dans ce magasin pendant les heures de la matinée ?

 12   R.  Le 6 mars ?

 13   Q.  Le 26 mars, excusez-moi.

 14   R.  Non, il n'y avait personne. Personne ne travaillait là le 26 mars.

 15   Q.  Je vous remercie. Madame Shyhrete, quand est-ce que vous avez appris

 16   l'arrivée de l'OSCE à Suva Reka ?

 17   R.  L'OSCE est arrivée en 1998 dans la région de Suhareka. Je ne peux pas

 18   vous donner la date exacte. Mais je sais que c'est en 1998 qu'ils sont

 19   arrivés dans ce secteur de Suhareka.

 20   Q.  Vous les avez vus ou vous avez entendu dire cela de la part de

 21   quelqu'un d'autre ?

 22   R.  Je les ai vus moi-même. L'OSCE s'est installée à Shirokq, à l'hôtel

 23   Boss. Je passe par ce village à chaque fois que je me rends chez mes

 24   parents. Et je suis allée voir mes parents très souvent, donc j'ai vu à cet

 25   hôtel le personnel de l'OSCE et leurs véhicules.

 26   Q.  Merci. Pendant l'interrogatoire principal, vous nous avez dit que votre

 27   époux et Faton avaient fait la connaissance de gens qui travaillaient pour

 28   l'OSCE. Pourriez-vous me dire dans quelles circonstances, à quel moment et

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  1   où il les a rencontrés ?

  2   R.  Non. Les employés de l'OSCE sont venus chez nous, dans ma maison.

  3   J'étais là avec mes enfants. Ils ont demandé à mon époux et à Faton s'ils

  4   accepteraient de leur louer la maison. Donc mon mari et Faton ont donné

  5   leur accord et c'est comme ça que cela s'est passé, qu'ils viennent et

  6   qu'ils s'installent dans notre maison.

  7   Q.  Merci. Madame Berisha, vous nous avez dit que c'est en voiture avec

  8   votre époux, en allant à Musutiste, qu'il vous est arrivé de voir un

  9   prénommé Miskovic en passant devant l'hôtel Boss ?

 10   R.  Non, ce n'était pas mon époux qui me l'a signalé. Je connaissais

 11   Miskovic moi-même. Il était policier de Suhareka. Tout le monde connaissait

 12   Miskovic à Suhareka.

 13   Q.  Merci. Et le contrat passé, je suppose, entre votre mari et les

 14   personnes qui sont venues louer votre maison ?

 15   R.  Oui, j'ai vu le contrat, et j'étais présente lorsqu'ils se sont mis

 16   d'accord.

 17   Q.  Je vous remercie. Madame Berisha, vous êtes certaine que ce contrat a

 18   été passé avec l'OSCE et non pas une autre mission d'observateurs ?

 19   R.  Non, Monsieur, je suis certaine que c'est avec l'OSCE qu'on a passé cet

 20   accord. Le chef de l'OSCE était un Américain. C'était un homme de grande

 21   taille. Il s'appelait Rufus. A l'époque, je connaissais même son nom de

 22   famille, mais ça fait dix ans, donc je ne me souviens plus de son nom.

 23   Et quand je suis arrivée en Albanie, Rufus était là. C'est le premier que

 24   j'ai vu en Albanie. Et il a vraiment regretté ce qui nous est arrivé pour

 25   moi, c'étaient des intellectuels, des jeunes, des gens qui n'auraient

 26   jamais fait quelque chose de comparable, quelque chose comme ce que les

 27   Serbes ont fait à ma famille.

 28   Donc je suis plus que certaine que ce contrat a été passé avec l'OSCE.

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  1   Q.  Madame, à l'hôtel Boss, il y avait la mission diplomatique kosovare.

  2   Est-ce que vous pouvez me faire confiance là-dessus et l'OSCE ne s'est pas

  3   trouvée à l'hôtel Boss en 1998.

  4   R.  Je ne vous crois pas, car la vérité c'est que l'OSCE était installée à

  5   l'hôtel Boss à Shirokq. Le frère de Miskovic travaillait là en tant que le

  6   chargé de sécurité et il lui est arrivé de venir dans notre maison lorsque

  7   l'OSCE est passée dans notre maison, et c'est là aussi qu'il a travaillé

  8   comme garde. L'OSCE, comme je vous l'ai dit, se trouvait à Shirokq, à

  9   l'hôtel Boss, et c'est de là qu'ils ont déménagé pour s'installer chez

 10   nous.

 11   Q.  Je vous remercie. Et le frère de Miskovic, comment savez-vous qu'il

 12   travaillait aussi comme étant chargé de la sécurité à l'hôtel Boss ?

 13   R.  Je le sais parce que ma fille aînée, Majlinda, m'a dit à une occasion

 14   cela. Elle m'a dit que le frère de Miskovic, qui travaillait comme chargé

 15   de la sécurité pour l'OSCE à l'hôtel Boss, travaillait également pour

 16   l'OSCE dans notre maison comme étant chargé de sécurité. Et mon mari aussi

 17   m'a dit la même chose quand il est venu à la maison, lorsqu'il est venu

 18   pour poser des questions au sujet d'une machine à photocopier. Donc je suis

 19   certaine là-dessus, je suis sûre que le frère de Miskovic a été chargé de

 20   sécurité dans notre maison.

 21   Q.  Donc puis-je en déduire que vous n'avez pas de connaissance directe là-

 22   dessus ? Vous ne savez que ce qui vous a été dit par votre mari et par

 23   votre fille.

 24   R.  Qu'entendez-vous par là ?

 25   Q.  Mais vous, personnellement, vous n'avez jamais vu le frère de Miskovic

 26   en train d'assurer la sécurité de l'hôtel Boss à l'époque où la mission de

 27   l'OSCE se trouvait là-bas ?

 28   R.  L'hôtel Boss, je n'ai pas vu le frère de Miskovic là-bas, mais je l'ai

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  1   vu de mes propres yeux pendant qu'il travaillait comme garde chez nous dans

  2   notre maison. Souvent il m'est arrivé d'aller voir Vjollca avec mon fils

  3   cadet pendant que mon mari n'était pas à la maison, donc j'ai vu le frère

  4   de Miskovic de mes propres yeux. Je l'ai vu travailler là-bas comme chargé

  5   de sécurité. Lorsqu'ils ont encerclé notre maison, lorsqu'ils nous ont

  6   tués, Miskovic était présent. Il a pris part à ces événements. Mais comme

  7   je vous ai dit, il n'était pas en uniforme à cette occasion-là.

  8   Q.  Madame Shyhrete, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous contentez de

  9   répondre à mes questions. Je ne vous ai posé ma question qu'au sujet de la

 10   sécurité de l'hôtel Boss. Je ne vous ai pas posé la question sur le reste.

 11   Pour qu'on puisse avancer plus vite et de manière plus ciblée, s'il vous

 12   plaît, répondez juste à ce que je vous demande. Merci.

 13   Madame Berisha, vous nous avez dit que le 25 dans la matinée, à 5 heures,

 14   que vous avez entendu des coups à la porte, quelqu'un frappait à la porte

 15   de la maison où vous étiez; est-ce que c'est exact ? Vous avez ouvert la

 16   porte.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Madame Shyhrete, je me suis rendu dans de nombreuses maisons albanaises

 19   situées soit dans des villages, soit en ville, mais ce n'est jamais arrivé

 20   qu'une femme vienne ouvrir une porte, même pas les enfants. Donc est-ce que

 21   c'est quelque chose qui fait partie de la tradition dans le peuple albanais

 22   que ce soit l'époux qui ouvre la porte d'entrée lorsque quelqu'un se rend à

 23   la maison, et en particulier lorsqu'il est 5 heures du matin ?

 24   R.  Ce n'était pas un invité, cela se passe en temps de guerre. Et dans ma

 25   belle-famille dont je suis devenue partie, les hommes et les femmes étaient

 26   placés sur un pied d'égalité.

 27   Q.  Mais oui, justement, c'est en temps de guerre, il est 5 heures du

 28   matin, quelqu'un frappe à la porte, il arrive et vous ouvrez la porte. Mais

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  1   on ne peut pas dire que c'est quelqu'un qui est bienvenu à la maison ?

  2   R.  Mais bien sûr qu'il n'est pas bienvenu. J'étais certaine que c'était la

  3   police qui se présentait à la porte parce qu'il y avait des coups de feu.

  4   Et pendant toute la journée, j'ai eu peur, pendant toute la journée, je

  5   redoutais que la police serbe ne vienne à notre maison, la même chose que

  6   ce qui s'est passé avec d'autres maisons où l'OSCE est venue s'installer.

  7   Je n'étais pas illettrée. J'avais le droit d'ouvrir la maison pour me

  8   rendre où je voulais. J'avais tous les droits peu importe que je sois une

  9   femme.

 10   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez nous décrire les uniformes de

 11   ces policiers que vous avez vus le 25 au matin ?

 12   R.  Ils étaient tous en uniforme, ils avaient tous un fusil automatique.

 13   Mais comme je vous ai dit, cela fait dix ans, et je ne peux pas vous donner

 14   des détails, je ne peux pas vous décrire la couleur. Mais ils étaient tous

 15   en uniforme.

 16   Q.  Merci. Qu'est-ce qui vous a permis de penser ou d'arriver à la

 17   conclusion que c'était des policiers ?

 18   R.  Ils portaient un uniforme. Ils avaient des fusils automatiques.

 19   Q.  Mais on peut être membre d'une autre entité en étant en uniforme tout

 20   en portant les mêmes armes ?

 21   R.  Ces gens étaient en uniforme et ils étaient armés de fusils

 22   automatiques. Je n'ai rien à ajouter.

 23   Q.  Après votre réponse, je vous ai demandé ce qui vous a permis d'arriver

 24   à la conclusion que ces hommes étaient des

 25   policiers ?

 26   R.  Parce qu'ils n'étaient pas en civil; ils étaient en uniforme.

 27   Q.  Est-ce que la seule chose dont vous êtes certaine n'est pas que vous

 28   avez vu devant votre porte des hommes en uniforme, armés ?

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  1   R.  Il ne s'agit pas de dire que je suis certaine ou pas. C'est quelque

  2   chose que j'ai vu de mes propres yeux, et j'ai subi beaucoup de choses. Et

  3   ces hommes parlaient serbe.

  4   Q.  Merci. Ai-je raison de dire que vous n'êtes pas rentrée dans la partie

  5   de la maison où se trouvait votre mari avec la

  6   police ?

  7   R.  Non. C'est la police qui m'a empêchée de le faire. Dès qu'ils m'ont

  8   remarquée, parce que j'essayais de voir par là où ils se trouvaient, ils se

  9   mettaient à me crier dessus et à me dire de rentrer.

 10   Q.  Merci. Est-il exact de dire pour la partie de la maison qui appartenait

 11   à Faton où vous êtes revenue par la suite, est-ce qu'il est exact de dire

 12   qu'un homme en uniforme est rentré avec vous dans cette partie-là ?

 13   R.  Oui. C'était la partie de la maison qui appartenait à Faton. Un

 14   policier est rentré, un policier en uniforme. Il s'est mis à fouiller dans

 15   des armoires, placards, et je lui ai adressé la parole en serbe. Je lui ai

 16   dit : Il n'y a rien là-dedans, il n'y a que dans vêtements qui

 17   appartiennent à des enfants. Il a trouvé un sac, il a fouillé le sac, et

 18   quand il a vu qu'il n'y avait rien dedans, il n'y avait ni argent ni bijou,

 19   rien en or, il a juste balancé le sac dans l'escalier. Il y avait là des

 20   médicaments pour les enfants. Et il m'a dit de le suivre dans la cave. Il

 21   m'a montré avec ses doigts des signes pour  parler de l'argent, il m'a

 22   demandé si j'avais de l'argent. Il m'a dit : Est-ce que tu sais que la vie

 23   de ton mari est en danger ? Donc je suis allé à l'étage. J'ai pris 1 000

 24   deutschemarks de Sebahate, et quand il a vu l'argent il a dit : C'est pas

 25   suffisant pour la vie de ton mari. Je l'ai dit que je n'avais plus d'argent

 26   et il est parti. Il s'est rendu dans la cour, il a quitté la maison.

 27   Q.  Je vous remercie. Ai-je raison de dire que votre mari est revenu avec

 28   les policiers dans la partie de la maison où vous étiez avec la famille de

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  1   Faton ?

  2   R.  Oui. Le policier a ramené mon mari là-bas et au seuil de la porte, ils

  3   l'ont cogné avec le fusil, ont donné des coups de pied. Il est tombé là sur

  4   le seuil de la porte, mais il s'est redressé, il est rentré dans la maison

  5   avec ces trois policiers.

  6   Q.  Ai-je raison de dire que vous avez déclaré que les policiers vous

  7   avaient demandé de l'argent pour ne pas tuer votre époux à ce moment-là ?

  8   L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

  9   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, il marche à présent.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le moment serait-il bien ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le policier --

 12   M. DJURDJIC : [interprétation] Je voudrais juste terminer avec cette série

 13   de questions, mais nous pouvons aussi faire la pause.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, non, je vous en prie. Terminez.

 15   Terminez maintenant.

 16   M. DJURDJIC : [interprétation]

 17   Q.  Peut-être que vous ne vous souvenez plus de ma question, Madame

 18   Shyhrete. Souhaitez-vous que je vous la répète, ma question ?

 19   R.  L'un des policiers a demandé de l'argent en échange de la vie sauf pour

 20   mon mari. C'est ce qu'il a dit. Il a dit que la vie de mon mari était en

 21   danger. Mais les autres policiers qui ont emmené mon mari à la maison, eux

 22   aussi ils nous ont demandé de l'argent. Ils nous ont dit : Vous voyez ce

 23   char là-bas ? Nous allons vous brûler tous et nous allons faire sauter

 24   cette maison avec tous les enfants qui s'y trouvent.

 25   Q.  Madame Shyhrete, avez-vous remis 3 000 marks à ce moment-là pour que

 26   les policiers ne tuent pas votre mari ?

 27   R.  Oui. J'avais 3 000 deutschemarks sur moi, et je les ai donnés aux

 28   policiers. Tout d'abord, j'ai donné 1 000 deutschemarks au policier dans la

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  1   cave quand il m'a dit que la vie de mon époux était en danger. Mais il y

  2   avait aussi ces trois autres policiers. Ce n'est pas la même chose que le

  3   premier. Donc les autres, les trois autres, je leur ai donné 3 000

  4   deutschemarks que j'avais sur moi. J'avais trop peur qu'ils m'enlèvent mes

  5   vêtements, donc j'ai retiré l'argent et je leur ai remis cet argent.

  6   Q.  Ai-je raison de dire que c'est dans votre soutien-gorge que vous avez

  7   caché cet argent ?

  8   R.  C'était sur moi, mon corps, mon corps.

  9   Q.  Et ma dernière question : vous êtes allée demander à Sebahate 1 000

 10   deutschemarks au moment où vous aviez cet échange avec le policier pour les

 11   remettre à ce policier pour qu'il ne tue pas votre époux; et maintenant,

 12   vous nous dites que vous aviez sur vous

 13   3 000 deutschemarks; c'est bien ça ? Puis le premier policier, vous lui

 14   avez dit que vous n'aviez plus d'argent, que vous n'aviez que ces 1 000

 15   deutschemarks de Sebahate ?

 16   R.  Oui, c'est exact. J'ai dit au policier que je n'avais pas d'argent. Je

 17   suis allée à l'étage dans une pièce, et j'ai pris 1 000 marks allemands à

 18   Sebahate. Alors il n'y avait que moi et ce policier dans la cave. Donc je

 19   n'ai pas osé prendre l'argent que j'avais sur moi devant lui, parce que si

 20   j'avais essayé de le faire - ce que je craignais, en fait, c'est que

 21   quelque chose m'arrive. Donc c'est pour cela que j'ai dit à ce policier :

 22   Attendez. Je vais auprès des femmes qui se trouvent en haut, je vais voir

 23   si elles ont de l'argent. Donc j'ai pris à Sebahate ces 1 000 marks

 24   allemands, ensuite je suis redescendue à la cave et je lui ai donné cet

 25   argent. Mais les 3 000 marks allemands que j'avais sur moi, je les avais

 26   toujours.

 27   Q.  Merci. Donc je peux en conclure que le policier était toujours dans la

 28   cave lorsque vous êtes allée au deuxième étage et que vous êtes

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  1   redescendue, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui. Oui, oui, il est resté dans la cave. Moi, je suis allée en haut à

  3   l'étage. J'ai pris les 1 000 marks allemands, puis j'ai redescendu dans la

  4   cave avec cette somme. Mais il voulait davantage d'argent. C'est là que je

  5   lui ai dit que je n'avais pas plus d'argent.

  6   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

  7   moment est venu de faire la pause.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une pause et nous

  9   reprendrons à 16 heures 20.

 10   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

 11   --- L'audience est reprise à 16 heures 20.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 13   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 14   Q.  Madame Berisha, le 25 mars, au moment où vous êtes passée de la partie

 15   de la maison qui était la partie de Faton à celle de Vesel Berisha…

 16   R.  Oui. Le 25 mars, après que la police serbe a pris notre argent et tout

 17   ce qu'il voulait bien prendre d'ailleurs dans notre  maison, ils ont pris

 18   le char qui était dirigé vers notre maison, et je dois dire que nous avions

 19   tous très, très peur et nous sommes restés pendant un laps de temps très

 20   bref, ensuite nous sommes allés chez oncle Vesel, et c'est là que toute la

 21   famille s'est rassemblée.

 22   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il y a un

 23   problème d'interprétation. Car je lui posais la question suivante : Le 25

 24   mars 1999 quand êtes-vous passée de la partie de la maison qui était celle

 25   de Faton à la partie qui était celle de Vesel Berisha.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre à

 27   cette question, Madame Berisha. Quand êtes-vous passée d'une partie à

 28   l'autre ?

Page 508

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Nous sommes allés  chez Vesel après

  2   le départ de la police serbe, mais je ne sais plus quelle était l'heure

  3   exacte. Peut-être que cela s'est passé une heure après, deux heures après,

  4   trois heures après, je n'en suis pas sûre. Je ne m'en souviens pas

  5   véritablement.

  6   M. DJURDJIC : [interprétation]

  7   Q.  Madame Berisha, hier vous nous avez montré sur la photographie la route

  8   qui relie Pristina à Prizren et vous nous avez dit que c'est là que vous

  9   aviez vu des colonnes de la police et des véhicules militaires. Dans quelle

 10   maison vous trouviez-vous à ce moment-là ?

 11   R.  A ce moment-là, nous étions chez Faton, dans sa maison.

 12   Q.  Merci. Vous avez indiqué cet endroit et vous avez parlé des chars qui

 13   se trouvaient sur la route. Avez-vous remarqué quand est-ce que ce char est

 14   parti et est-ce que vous savez quelle direction il a pris ?

 15   R.  Le char est parti depuis la maison de Faton et il a emprunté la

 16   direction du poste de police. Je n'en sais pas davantage. Après je ne le

 17   sais pas, tout ce que je sais, c'est qu'il s'est dirigé vers de poste de

 18   police.

 19   Q.  Merci. Et ce matin-là, à 5 heures du matin, est-ce que vous avez vu un

 20   convoi de policiers et de véhicules militaires qui sont passés près de

 21   votre maison et qui prenaient la direction du village de Rastane ?

 22   R.  Non, je ne les ai pas vus. Tout ce que je sais, c'est ce que j'ai vu se

 23   dérouler dans notre cour lorsqu'ils ont jeté les papiers. Je sais quand

 24   est-ce qu'ils sont partis. D'abord il y avait des chars qui étaient

 25   positionnés. Je sais quand est-ce que les chars sont partis. Voilà ce que

 26   je sais.

 27   Q.  Et ce matin-là, est-ce que vous avez entendu des chars qui passaient

 28   près de votre maison ? Est-ce que vous avez entendu des bus, des camions

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  1   militaires passer près de votre maison, et ce, en direction de Rastane ? Je

  2   fais référence à la matinée du 25.

  3   R.  Non, je n'ai rien vu. En fait, je n'ai vu aucun bus et aucun char et

  4   aucun camion qui allait soit dans la direction de Rrashtan ou soit dans la

  5   direction de Prishtina. Je n'ai rien vu.

  6   Q.  Merci.

  7   M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce

  8   P269, je vous prie.

  9   Q.  Madame Shyhrete, est-ce que vous pourriez nous indiquer à l'aide du

 10   chiffre numéro 1 la maison où vous vous trouviez le matin du 25 mars.

 11   R.  Le matin du 25 mars, je me trouvais dans notre partie de la maison --

 12   non, non, je me trouvais dans la partie de la maison qui appartenait à

 13   Faton.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, indiquer à l'aide du

 15   chiffre numéro 2 l'emplacement du poste de police de Suva Reka.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semblerait que le numéro 1 est

 17   disparu, Maître Djurdjic.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, effectivement. Voilà. Merci.

 19   Q.  Est-ce que nous pouvons voir la maison de Hajdin Berisha sur cette

 20   photographie ?

 21   R.  Oui, la maison peut être vue. Je ne sais pas, mais il me semble que

 22   c'est celle-ci que je vous montre maintenant, mais je n'en suis pas sûre et

 23   certaine. Ce que je ne savais pas très, très bien quelle maison appartenait

 24   à qui. Voilà, c'est là. Vous voyez ce groupe de maisons, c'est là que se

 25   trouve cette maison.

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez faire un cercle autour de ce groupe de

 27   maisons. Indiquez-nous où vous pensez où se trouvait la maison de Hajdin.

 28   R.  Voilà, je pense qu'elle se trouve ici, voilà la maison de Hajdin, il

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  1   s'agit de la maison de Hajdin. Et il y avait également la maison d'Avdiu

  2   qui était -- et il y avait les maisons des cousins de mon mari, mais je ne

  3   sais pas exactement quelles maisons appartenaient à qui.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être

  5   mettre un cercle autour du groupe de maisons auquel appartient la maison de

  6   Hajdin ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas absolument sûre. Je vous ai

  8   déjà dit que je connaissais ces personnes, mais je ne savais pas exactement

  9   quelles maisons appartenaient à qui. Mais voilà, c'est approximativement

 10   ici, là où je vous montre maintenant. Je ne sais pas exactement quelle

 11   maison appartenait à Hajdin et quelle maison appartenait à son frère. Je

 12   n'en suis pas sûre, parce que même à l'époque j'avais dit que je ne savais

 13   pas exactement quelle maison appartenait à qui.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Lorsque vous dites ici, vous dites que

 15   vous pensez que sa maison se trouve dans un groupe de maisons, est-ce que

 16   vous pourriez faire un cercle à cet emplacement ? Vous avez dit de façon

 17   claire que vous ne savez pas exactement laquelle parmi ces maisons était sa

 18   maison.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas sûre. Je pense que c'est

 20   celle-ci. Parce qu'en fait je n'ai jamais été chez lui. Tout ce que je

 21   sais, c'est que ces maisons étaient assez proches de la nôtre.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que vous pourriez mettre le

 23   chiffre 3, je vous prie.

 24   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame

 26   Berisha, c'est très utile.

 27   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Madame Berisha, j'aimerais que nous précisions quelque chose. Je pense

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  1   que vous avez dit qu'un an avant l'arrivée de l'OSCE, vous aviez emménagé

  2   dans cette maison. Est-ce que vous connaissiez

  3   ce secteur, votre quartier, est-ce que vous connaissiez bien ce quartier ?

  4   Est-ce que vous saviez où se trouvaient les voisins qui vivaient dans ce

  5   quartier ? Est-ce que vous connaissiez ce quartier bien ?

  6   R.  Oui, bien sûr que je savais où se trouvait ma maison et bien sûr que je

  7   savais où se trouvaient les maisons des parents proches de mon mari. Alors

  8   ces deux personnes étaient des cousins de mon mari, certes, mais des

  9   cousins éloignés. Ils appartenaient, en fait, à une autre branche de la

 10   famille.

 11   Q.  Je m'excuse, Madame Berisha. Je m'excuse, mais écoutez mes questions

 12   pour que nous puissions aller de l'avant sans trop perdre de temps. Parce

 13   qu'il y a beaucoup de maisons ici et la famille Berisha est peut-être l'une

 14   des familles les plus larges à Suva Reka. Parce que nous voyons qu'il y a

 15   des douzaines de maisons ici. Donc ce que je vous demande c'est : est-ce

 16   que vous connaissiez les gens qui vivaient dans votre quartier ? Parce que

 17   je sais que vous résidiez dans ce quartier depuis peu de temps, en fait,

 18   vous n'aviez passé qu'une année dans ce quartier.

 19   R.  Oui, j'ai passé environ une année dans ce quartier, mais les cousins de

 20   mon mari, ceux qui vivaient là --

 21   Q.  Merci. Je voulais vous poser une autre question parce que vous en aviez

 22   parlé hier. Dans cette maison qui se trouve sur la route de Ristane ou dans

 23   la rue Miladin Popovic, est-ce que vous saviez où se trouvait l'atelier de

 24   menuiserie ?

 25   R.  Non, je ne le sais pas.

 26   Q.  Est-ce que nous pouvons voir le cimetière musulman ou en tout cas la

 27   route qui mène au cimetière musulman ?

 28   R.  La route qui mène au cimetière se trouve sur ce côté-ci de la

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  1   photographie. Mais je ne sais pas si vous le voyez.

  2   Q.  Est-ce que vous voyez le tournant ? Vous pouvez voir la route

  3   principale, mais est-ce que vous voyez qu'il y a un tournant ? Est-ce que

  4   vous pourriez peut-être dessiner une flèche pour nous indiquer où se trouve

  5   la route qui mène au cimetière musulman, si tant est que vous voyez cela.

  6   R.  Je ne sais pas s'il s'agit de ce tournant-ci ou de celui-là. Je n'en

  7   suis pas sûre.

  8   Q.  Mais de façon approximative --

  9   R.  Parce que vous savez, je n'allais pas au cimetière très souvent.

 10   Q.  Est-ce que vous pouvez dessiner une flèche pour indiquer la direction

 11   pour que nous sachions plus ou moins où il se trouve ?

 12   R.  Non, je ne peux pas le faire, parce que je vous ai dit que je n'étais

 13   pas sûre de l'emplacement en question.

 14   Q.  Je vous remercie, Madame Shyhrete.

 15   R.  Merci.

 16   M. DJURDJIC : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 17   dossier de cette pièce et je souhaiterais qu'une cote lui soit attribuée.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00020, Monsieur le

 20   Président.

 21   M. DJURDJIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche à

 22   nouveau le document P269. Merci.

 23   Q.  Madame Berisha, pourriez-vous nous indiquer où se trouve la maison de

 24   Vesel Berisha à l'aide du chiffre 1.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Pourriez-vous nous indiquer la maison d'Ismet Kuci en mettant le

 27   chiffre 2.

 28   R.  Je ne suis pas sûre de l'emplacement de la maison d'Ismet Kuci non

Page 513

  1   plus. Voilà. Je ne peux pas la voir très bien cette maison. Je ne suis pas

  2   sûre s'il s'agit de cette maison-ci. 

  3   Q.  A quelle maison faites-vous référence, si vous n'êtes pas sûre, faites

  4   une croix.

  5   R.  Je ne suis pas sûre de l'emplacement d'Ismet Kuci. Je n'arrive pas à me

  6   concentrer et je n'arrive pas à la retrouver là.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez alors nous indiquer grâce au chiffre 3 où se

  8   trouve le poste de police de Suva Reka, l'OUP de Suva Reka.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Est-ce que vous pourriez nous indiquer l'endroit où vous avez vu pour

 11   la première fois des policiers le matin du 26 mars 1999.

 12   R.  L'endroit où nous avons vu les policiers. Voilà. C'était dans cette

 13   direction. Nous les avons vus courir.

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez faire une croix à l'endroit où vous avez vu

 15   pour la première fois des policiers le matin du 26 mars 1999. Est-ce que

 16   vous pourriez nous indiquer où vous, vous les avez vus.

 17   R.  Voilà, ils venaient du poste de police là. Voilà.

 18   Q.  Est-ce que vous pourriez nous indiquer à l'aide d'une ligne la

 19   direction qu'ils ont suivie.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Je ne parle que de ce que vous avez vu vous-même ?

 22   R.  Il y avait un groupe de policiers, ils sont partis dans différentes

 23   directions. Il y en a certains qui sont venus vers nous, d'autres par ici,

 24   par là, ils ont emprunté de nombreuses directions, et ils couraient.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je souhaiterais indiquer aux fins du

 26   compte rendu d'audience que le témoin a d'abord dessiné une flèche à partir

 27   de ce qui semble être le poste de police, ils ont traversé la rue, et elle

 28   a fait une flèche pour indiquer l'emplacement où les policiers ont été vus

Page 514

  1   pour la première fois; ensuite elle a indiqué quatre autres lignes pour

  2   indiquer que les policiers s'étaient éparpillés dans plusieurs directions.

  3   Merci.

  4   M. DJURDJIC : [interprétation]

  5   Q.  Madame Shyhrete, vous nous avez dit aujourd'hui et vous l'avez indiqué

  6   à plus d'une reprise dans votre déclaration, que les policiers sont entrés

  7   dans la maison d'Ismet Kuci. Est-ce que vous pouvez maintenant vous

  8   souvenir de l'endroit où se trouvait la maison d'Ismet Kuci ?

  9   R.  Oui. Il s'agit de ces maisons-là, de ce groupe de maisons, mais je n'en

 10   suis pas absolument sûre. Ils ont couru. Ils venaient du poste de police.

 11   Ils n'ont pas tous couru dans la même direction. Comme je l'ai déjà dit,

 12   ils étaient nombreux à courir dans plusieurs directions. Certains sont

 13   venus vers la maison d'Ismet Kuci, d'autres un peu plus loin, et cetera.

 14   Donc ils se sont éparpillés dans toutes les directions. C'était un combat

 15   en quelque sorte. C'est la police serbe qui courait de cette façon. Même

 16   dans les films vous ne voyez pas ce genre de structure.

 17   Q.  Madame Shyhrete, vous nous avez dit aujourd'hui et à plusieurs reprises

 18   précédemment que vous avez vu des policiers entrer dans la maison d'Ismet

 19   Kuci, et qu'étant donné qu'elle était vide, ils sont repartis très vite

 20   après et qu'ils sont venus chez vous.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Gopalan. Avant que vous ne

 22   répondiez, Madame Berisha, je donne la parole à Mme Gopalan.

 23   Mme GOPALAN : [interprétation] Peut-être que Me Djurdjic pourrait indiquer

 24   la référence du compte rendu d'audience pour nous indiquer où et quand elle

 25   a dit qu'ils étaient entrés chez Ismet Kuci.

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Madame, aujourd'hui, lorsque vous avez

 27   commencé à lui poser des questions à propos du 26 mars, le témoin a dit

 28   qu'ils étaient entrés chez Ismet Kuci, dans sa maison, mais qu'étant donné

Page 515

  1   qu'elle était vide, ils en étaient repartis quasiment immédiatement après,

  2   puis qu'ils sont allés vers la maison où se trouvait le témoin. Ma consœur

  3   va vous trouver la référence du compte rendu d'audience; mais je pense que

  4   vous vous souvenez avoir posé cette question.

  5   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, je m'en souviens, et la référence que

  6   j'ai trouvée se trouve à la page 2, ligne 20, et voilà ce qui est écrit.

  7   "Ils sont d'abord partis en direction de la maison d'Ismet Kuci. Il

  8   n'y avait pas beaucoup de monde, et étant donné qu'il n'y avait pas

  9   beaucoup de monde, ils n'y sont pas restés très longtemps."

 10   Je ne trouve pas la référence indiquant qu'ils sont entrés dans la maison

 11   d'Ismet Kuci. Peut-être que Me Djurdjic pourrait la trouver.

 12   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci beaucoup.

 13   Q.  Comme ils n'ont pas trouvé beaucoup de monde, ils ont poursuivi

 14   leur chemin. Cette référence est encore meilleure que la mienne.

 15   R.  Non, ils n'ont trouvé personne. Ils n'ont trouvé absolument personne

 16   chez Ismet Kuci.

 17   Q.  Merci, Madame Shyhrete. Je ne voudrais pas être désagréable, mais je

 18   pense qu'il serait important que vous nous indiquiez où se trouve la maison

 19   d'Ismet Kuci, si vous pouvez, bien entendu. Si vous ne pouvez pas nous le

 20   dire, nous allons passer à autre chose. Bien.

 21   Est-ce que vous pourriez nous indiquer l'endroit où vous vous trouviez chez

 22   Vesel Berisha, endroit à partir duquel vous avez vous-même pu observer et

 23   constater tout ce que vous nous avez relaté, l'arrivée des policiers, et

 24   cetera ?

 25   R.  Voilà. Nous étions là, vous voyez l'entrée. Comme je vous l'ai déjà

 26   dit, la maison a deux entrées, mais on peut, en fait, entrer dans la maison

 27   des quatre côtés. Il y a deux entrées qui sont surélevées par rapport aux

 28   deux autres qui sont un peu plus en contrebas. Donc voilà. Il y a l'entrée.

Page 516

  1   Il y a la fenêtre. Il y a une fenêtre ici, puis il y a l'entrée.

  2   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous indiquer par quelle porte vous

  3   vous êtes enfuie de la maison ?

  4   R.  La porte, elle se trouve là, devant. La maison, en fait, nous la voyons

  5   du côté opposé.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Berisha, est-ce que vous

  7   pourriez avec le chiffre numéro 4 nous indiquer l'emplacement où vous vous

  8   trouviez lorsque vous a vu la police ? Vous avez fait deux points sur la

  9   maison et vous nous avez parlé de l'étage inférieur de la maison. Est-ce

 10   que vous pourriez mettre un 4 à ce niveau-là.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Non, ce n'est pas au niveau de l'entrée

 12   supérieure, parce qu'il y a un escalier, mais c'est un peu plus bas, c'est

 13   l'entrée qui est en contrebas en quelque sorte.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez apposer le

 15   chiffre 4 à côté de ce que vous venez d'écrire sur la photographie.

 16   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 4 s'est mélangé avec les autres

 18   repères. Maintenant on ne discerne pas très bien le 4. Est-ce que vous

 19   pourriez peut-être faire autre chose : mettez le chiffre 5 pour nous

 20   indiquer où se trouvait la porte d'entrée par laquelle vous êtes passée

 21   pour quitter la maison en question, c'est ce que vous nous avez décrit.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un peu difficile.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez mettre le 5

 24   dans le jardin, à l'extérieur de la porte d'entrée.

 25   M. DJURDJIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais je

 26   pense que la prochaine photographie que nous allons voir nous permettra

 27   beaucoup mieux de voir où se trouve cette porte.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que je pourrais mentionner,

Page 517

  1   Maître Djurdjic, le fait suivant : au vu de mon expérience, il est très

  2   difficile lorsque vous présentez une photographie aérienne à un témoin, et

  3   si c'est la première fois que vous voulez présenter cette photographie

  4   aérienne, il est très difficile aux témoins de reconnaître le bâtiment en

  5   question, parce que eux, le bâtiment en question, ils l'ont toujours vu,

  6   non pas à bord d'un avion, mais alors qu'ils se trouvaient au même niveau

  7   que les bâtiments en question.

  8   Nous allons certainement passer beaucoup de temps là-dessus et je ne sais

  9   pas si nous parviendrons à grand-chose. Il vous appartient de poursuivre

 10   maintenant.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président, je

 12   voudrais que cette pièce à conviction soit versée au dossier.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ainsi soit-il.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

 15   D00021, Monsieur le Président.

 16   M. DJURDJIC : [interprétation] Je voudrais demander maintenant à M.

 17   l'Huissier d'afficher la pièce à conviction D9. Je vous en remercie.

 18   Q.  Madame Shyhrete, reconnaissez-vous maintenant, vu sous cet angle-là, ce

 19   que représente cette photo  et est-ce que vous y voyez le lieu de votre

 20   maison, où vous résidiez ?

 21   R.  Oui, oui. Je peux reconnaître cela.

 22   Q.  Pouvez-vous nous dire où étaient positionnés ces deux chars si sur

 23   cette photo-là par rapport à votre maison, vous pouvez voir ce lieu, si ce

 24   n'est pas le cas, ne le faites pas.

 25   R.  Non, on ne peut pas voir ce lieu-là, ce site-là. Ce site devrait être

 26   un petit peu plus en haut de la part de ce --

 27   Q.  Je vous remercie. Madame Berisha, est-ce que je peux conclure par là

 28   que ce char a été sur une élévation, celle de Dulja et c'est là que vous

Page 518

  1   l'avez observé ?

  2   R.  Non, non. Je n'étais pas à Dula, ceci ne devrait pas être observé à

  3   Dula à partir de ce lieu-ci, cela est au-dessus des maisons, nos prés, nos

  4   terres se trouvent là. Un peu plus en haut, il y a plusieurs arbres et

  5   c'est là que se trouvaient positionnés ces deux chars, mais il ne s'agit

  6   pas de Dula du tout.

  7   Q.  Merci. Nous pouvons voir maintenant très bien la maison de Vesel

  8   Berisha, encore que nous ne l'ayons pas vue sur cet angle-là. Peut-on y

  9   observer cette entrée de la maison par laquelle vous vous êtes échappée en

 10   courant ou peut-être s'agit-il de dire encore c'est de l'autre côté de la

 11   maison que cette entrée se trouve ?

 12   R.  L'entrée est ici.

 13   Q.  Merci. Et pour ce qui est des caves ou de ces pièces en soubassement à

 14   partir desquelles vous vous êtes échappée, se trouvent où ?

 15   R.  Le séjour y était, ce que je montre, nous nous trouvions là, mais ce

 16   n'est pas de parler de la cave. Il s'agit plutôt de dire que c'est au

 17   premier étage, ou plutôt, ras, enfin, de la terre, du sol. Ce n'était pas

 18   une cave. Nous étions dans le séjour.

 19   Q.  Merci. Si j'ai fait une erreur. Je vous en prie, marquez  cette pièce à

 20   partir de laquelle vous êtes échappée en courant de cette maison-là ?

 21   R.  Il s'agit de la même pièce-là, que je montre là, l'entrée de ce séjour,

 22   de cette pièce-là, c'est une grande pièce, ici se trouve la porte, ici la

 23   fenêtre, c'est le séjour.

 24   Q.  Ce qui a attiré mon attention c'est justement ce que vous avez dit dans

 25   votre déclaration le 15 mai 1999. Et je peux vous en donner lecture :

 26   "Tous les hommes et les enfants sont descendus dans la cave de la maison."

 27   R.  Il s'agissait d'une pièce qui se trouvait à ras de sol, c'était utilisé

 28   comme étant une certaine cave, débarras. On l'appelait aussi de temps à

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  1   temps comme étant un séjour, d'autrefois on traitait autrement parce que

  2   ceci se trouve au ras de sol.

  3   Q.  Fort bien. Nous y reviendrons plus tard pour d'autres raisons. Je

  4   remercie.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Président, si je

  6   peux offrir cette pièce à conviction pour être versée au dossier étant

  7   donné que Mme le Témoin vient de marquer, de faire une annotation

  8   concernant l'entrée mais aussi la sortie de la maison par laquelle elle

  9   s'en est échappée en courant.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons recevoir cela pour être

 11   versé au dossier, il s'agira de dire que cette pièce a des annotations en

 12   bleu telles que Mme le Témoin l'a indiqué. Il s'agit de la porte à travers

 13   laquelle porte ils sont passés.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

 15   pièce D0022 [comme interprété].

 16   M. DJURDJIC : [interprétation]

 17   Q.  Madame Berisha, lorsqu'en date du 26 mars 1999, vous avez pu observer

 18   des policiers venir en direction de votre maison, quels uniformes

 19   portaient-ils ?

 20   R.  Beaucoup d'années se sont écoulées depuis, et je ne suis plus certaine

 21   de pouvoir parler de la couleur de leurs uniformes, mais ils portaient tous

 22   les mêmes uniformes. Ils avaient des couvre-chefs et ils avaient des fusils

 23   automatiques dans leurs mains.

 24   Q.  Merci. Est-ce que sur la route principale qui relie Pristina-Prizren,

 25   près du commissariat de police, il vous est arrivé de voir des camions

 26   également stationnés; et si oui, à quelle occasion ?

 27   R.  Est-ce que vous parlez de la date du 26 mars ?

 28   Q.  Oui. Excusez-moi, je ne parle que de cette date-là, celle du 26 mars.

Page 520

  1   R.  En date du 26 mars, lorsque nous avons quitté la maison de concert avec

  2   Vjollca, nous avons quitté la maison d'Agron. Ici se trouvait garer un gros

  3   poids lourd, il y avait un homme grand de taille qui se tenait là.

  4   Q.  Madame Berisha, je vous ai posé la question comme quoi ce matin-là,

  5   lorsque vous avez vu des policiers près du commissariat de police, est-ce

  6   que de l'autre côté de la route qui relie Pristina à Prizren vous avez pu

  7   voir - il s'agit évidemment du commissariat de police de Suva Reka - de

  8   voir donc, il vous est arrivé de voir deux poids lourds garés ici ?

  9   R.  Pour ce qui est des poids lourds garés, nous les avons vus que devant

 10   notre maison.

 11   Q.  Merci. Est-ce qu'à la croisée de la route pour Rastane et la route

 12   principale Pristina-Prizren, il vous est arrivé de voir garée une voiture

 13   jeep et lorsque vous l'avez regardée, le commissariat de police, est-ce que

 14   vous vous êtes approchée ?

 15   R.  Vous faites référence à ce moment-là où nous avons quitté notre maison

 16   ?

 17   Q.  Non, Madame Berisha. Pendant que vous étiez plutôt à la maison et

 18   lorsqu'il vous est arrivé de voir les policiers qui partaient depuis le

 19   commissariat de police. Est-ce qu'à ce moment-là, il vous est arrivé de

 20   voir une voiture, un véhicule, une jeep garée à l'intersection de ces deux

 21   routes, c'est-à-dire la route principale et votre rue à vous ? Est-ce que

 22   vous l'avez vu ce véhicule, jeep qui pouvait être garée là ?

 23   R.  Avant que la police n'entre dans notre maison ce matin-là, il y avait

 24   une colonne de véhicules, véhicules de police. Je n'ai pas pu constater

 25   qu'il s'agissait de véhicules, jeeps, mais il y avait des camions qui

 26   étaient garés devant notre maison au moment où nous la quittions. Il y

 27   avait également des jeeps, des autocars, des poids lourds avant ce moment-

 28   là.

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  1   Q.  Madame Berisha, vous êtes en train de parler d'un camion qui était garé

  2   devant le magasin de pièces détachées; puis-je le dire ainsi ?

  3   R.  Oui, un camion était garé devant la maison au moment où nous l'avons

  4   quittée.

  5   Q.  Merci. Madame Berisha, vous rappelez-vous avoir fait une déclaration en

  6   déposant devant la Chambre de première instance chargée des procès ou des

  7   crimes de guerre et lequel tribunal se trouve à Belgrade. Il s'agissait

  8   d'un tribunal du district de Belgrade ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que vous vous rappeler que vous avez dit, parlant de policiers

 11   allant depuis le commissaire de police vous avez dit :

 12   "Avant que nous venions près de la maison de Kuci - et je crois pour

 13   ma part qu'eux ils étaient sortis du commissariat de police préalablement."

 14   Est-ce que vous vous rappelez cela ?

 15   R.  Il ne s'agit pas de dire que je pensais cela, je les ai vus

 16   quitter le commissariat de police.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

 18   Excusez-moi, vous pouvez poursuivre, Maître Djurdjic

 19   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Est-il exact, Madame Shyhrete, que vous n'avez pas pu observer ce

 21   moment-là où Bujar a été tué ?

 22   R.  Je me trouvais toujours à l'intérieur de la maison lorsque j'ai entendu

 23   des cris, des pleurs, mais lorsque j'étais sortie j'ai pu voir Bujar gisant

 24   sur le balcon et j'ai pu voir également Flora pleurait depuis le balcon.

 25   Q.  Est-ce que je suis dans mon droit de dire que vous ne vous êtes pas

 26   rendu compte du moment même où Bujar a été tué, parce que vous vous

 27   trouviez à l'intérieur de la maison ?

 28   R.  Oui. Oui, cela est exact. Je n'ai pu qu'entendre que des mouvements,

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  1   des bruits, puis en sortant de la maison j'ai pu voir Bujar gisant sur le

  2   balcon et Flora je l'ai entendue crier : On a tué Bujar, ils ont tué Bujar.

  3   Mais ils les ont tués tous. Ils ont tout simplement tué tous qui étaient

  4   là.

  5   Q.  Madame Shyhrete, ce qui m'intéresse, c'est de me dire ce que vous avez

  6   pu voir. Essayons de distinguer cela de ce que vous avez entendu. Tout ce

  7   que vous me dites, j'accepte bien, mais dites-moi, quelles sont les

  8   informations tenues par vous-même et les distinguer en quelque sorte des

  9   autres que vous avez entendu dire par d'autres.

 10  

 11   R.  J'ai tout dit dans le cadre des dépositions et déclarations que j'ai

 12   faites, tout ce que j'ai pu voir, tout ce que j'ai subi, tout ce que j'ai

 13   pu voir de mes propres yeux. Il ne s'agit pas de parler de choses que j'ai

 14   dû entendre d'autres gens qui en parlaient ou qui en parleraient, je ne

 15   vous parle que ce que j'ai vu de mes propres yeux. Tout ce que j'ai pu

 16   voir, observer, mes enfants, mon mari, toutes ces femmes, tout cela, je

 17   l'ai vu de mes propres yeux.

 18   Q.  Madame Shyhrete, vous nous avez dit aujourd'hui que vous avez vu Zoran

 19   et que vous l'avez reconnu en date du 26 mars, le matin, ce matin-là. Pour

 20   ma part, je vous dis que vous n'avez jamais pu parler avec Zoran, je dis

 21   aussi que vous ne savez pas comment il se présente.

 22   R.  Je n'ai jamais parlé à Zoran, mais je le connais fort bien. En vérité,

 23   je le connaissais fort bien. Souvent il m'est arrivé de le voir, lui et son

 24   épouse à Suhareka. Je suis désolée de le dire, mais au fait son épouse

 25   était une amie à moi, et je suis désolée d'être aussi indignée mais nous

 26   allions à l'école ensemble. Nous fréquentions la même classe lors de nos

 27   études. Zoran, je le connais fort bien et de concert avec Slavica, je

 28   pouvais le voir très souvent à Suva Reka. Et je suis vraiment désolée de

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  1   vous faire part de tels sentiments maintenant, parce qu'elle était une

  2   Serbe et une charmante personne. A cette époque-là mon père a été l'ami de

  3   son père à elle. Je connais fort bien Zoran.

  4   Q.  Madame Shyhrete, vous avez dit une première fois le 4 décembre 1997,

  5   devant la Chambre de première instance du tribunal de district à Belgrade,

  6   que vous n'avez pas pu voir lorsque de tels faits-là et vous n'en n'avez

  7   pas parlé. Est-ce que je suis dans mon droit de le dire ainsi ?

  8   R.  Cela est exact, vrai. Je ne voulais pas en faire mention. J'arrive au

  9   moment où je peux me haïr moi-même de l'avoir pour amie. Voilà la raison

 10   pour laquelle je n'en n'ai pas fait mention. Mais en vérité je connais fort

 11   bien Zoran. A tant de reprises, j'ai pu le voir à Suhareka. Tout le monde

 12   le connaissait. Lui il fréquentait des Albanais. Il a grandi auprès et avec

 13   les Albanais. Il connaissait fort bien la langue albanaise.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

 15   Mme GOPALAN : [interprétation] Le moment a été passé en quelque sorte

 16   lorsque je voulais soulever une objection. Je la retire.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation]

 19   Q.  Madame Shyhrete, en date du 15 mai 1999, dans une déclaration

 20   recueillie par le Procureur, vous avez dit comme suit : "Ce dont je me

 21   souviens c'est que j'ai entendu un Serbe parler en albanais, et lui aurait

 22   dit : Bujar, où es-tu ? J'ai reconnu la voix de ce Serbe qui se prénommait

 23   Zoran. C'était justement l'homme dont Drilon et Sedat m'ont parlé."

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Attendez. Ne répondez pas tout de

 25   suite, Madame Gopalan.

 26   Mme GOPALAN : [interprétation] Mon éminent confrère a fait référence à ce

 27   qui a été dit en date du 15 mai 1992 alors que les événements se sont

 28   produits en 1999. Alors serait-il capable de nous indiquer la référence

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  1   concernant cette déclaration, puis indiquer la date exacte pour que nous

  2   puissions être capables de le suivre.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic, ceci certainement

  4   ne devrait pas être une déclaration faite en 1992.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Certainement pas, Monsieur le Président. Il

  6   s'agit de l'année 1999. Ceci est dû à une erreur faite par moi ou par

  7   l'interprète. Il s'agit de la déclaration faite à ce Tribunal à laquelle je

  8   fais référence en date du 15 mai 1999, et je m'excuse auprès des

  9   interprètes si j'ai commis une erreur.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvez-vous nous indiquer la page et

 11   le paragraphe ?

 12   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, en version anglaise,

 13   nous sommes à la page 7, cinquième fragment, cinquième alinéa sur cette

 14   page. Cela commence par : "Une autre chose dont je me souviens," et cetera.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour ce qui est du point fort de cette

 16   question, Madame Berisha, c'est que dans une déclaration faite par vous en

 17   1990 [comme interprété], si vous êtes d'accord avec nous l'avoir faite,

 18   vous dites avoir reconnu la voix d'un Serbe, qui lui, appelait Bujar en

 19   albanais et vous avez dit que cet homme-là se prénommait Zoran. Est-ce que

 20   c'est dans cet ordre-là que vous l'avez dit ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cela est vrai. Drilon et Sedat l'ont vu,

 22   et Drilon a dit : Papa, papa, c'est Zoki, l'homme gros. En albanais on

 23   l'appelait Zok et non pas Zoran. Une fois que nous avons pu voir tous les

 24   policiers au dehors, c'est lui qui s'était mis à crier et quant à moi j'ai

 25   reconnu la voix de Zoran. En fait, c'était Bujar qu'on cherchait et qu'on

 26   appelait pour sortir.

 27   M. DJURDJIC : [interprétation] 

 28   Q.  Je vous remercie, Madame Shyhrete. Permettez-moi de vous rappeler que

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  1   devant la chambre de première instance du tribunal de district à Belgrade,

  2   vous avez déclaré que vous n'avez jamais parlé à Zoran; est-ce exact ?

  3   R.  Oui, cela est vrai. Je n'ai jamais parlé avec Zoran, mais je le

  4   connaissais. Je le connaissais fort bien, mais je n'ai jamais eu l'occasion

  5   de lui parler.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

  7   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   l'avocat fait toujours référence à une déclaration faite devant le tribunal

  9   de Belgrade. Pouvons-nous une référence s'y rapportant et le numéro du

 10   paragraphe peut pouvoir suivre le contre-interrogatoire du témoin.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 12   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 13   nous avons envoyé pour être traduites toutes les parties du compte rendu

 14   d'audience devant la chambre de première instance du tribunal chargée des

 15   crimes de guerre, il s'agit du tribunal de Belgrade, nous l'avons fait le 4

 16   décembre 2007.

 17   Mais il ne s'agit pas de demander le versement au dossier de ces

 18   notes d'audience. Je voulais tout simplement rappeler à l'attention de Mme

 19   le Témoin, ce qui s'était passé lors de cette audience. Elle n'a qu'à dire

 20   oui ou non.

 21   Pour ce qui est de la référence, il s'agit de dire que le témoin

 22   vient de dire qu'elle a vu Zoran, dans quelles circonstances ceci a été

 23   fait alors que le conseil de la Défense soutient qu'elle n'a pas pu le

 24   voir. Ce n'est que sur la base du timbre de sa voix et de ce que les autres

 25   ont pu penser que lui se trouvait ce jour-là en ce moment critique là où

 26   elle prétend.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il autre chose que vous voulez

 28   dire, Madame Gopalan, ayant entendu cette réponse ?

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  1   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, il me serait utile

  2   d'entendre l'avocat de la Défense donner lecture de ce fragment-là de la

  3   déclaration à laquelle il fait référence.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, s'il vous plaît, toute la

  5   référence concernant les notes de cette audience. Serait-il bon, Monsieur

  6   Djurdjic, de voir quels seraient les chiffres pour parler des versions en

  7   anglais, en serbe ou albanais.

  8   M. DJURDJIC : [interprétation] Volontiers, Monsieur le Président, mais

  9   étant donné que la traduction n'a pas encore été faite, je ne me proposais

 10   pas de faire référence concernant ni la page ni les lignes, mais je vous ai

 11   tout simplement donné lecture de ces notes d'audience du transcript.

 12   D'abord, il s'agit de la pièce à conviction qui est de notre côté présentée

 13   comme étant D0001-347, il s'agit de ce texte qui n'a pas encore été

 14   traduit.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous comprenez, j'en suis certain,

 16   Maître Djurdjic, que cela s'avère difficile à suivre pour la Chambre de

 17   première instance, pour le témoin et pour l'Accusation, suivre notamment et

 18   comprendre les questions que vous venez de poser, lorsque tout ceci était

 19   basé sur des déclarations dont nous n'avons pas possession, et lorsque vous

 20   faites référence à des notes d'audience, que nous ne possédons pas non

 21   plus. Or, il est difficile surtout pour Mme le Témoin, elle est dans une

 22   situation tout à fait défavorable lorsqu'elle doit se rappeler ce qui

 23   s'était dit et ce qui a été dit à cette occasion-là, et quoi très

 24   exactement.

 25   Vous avez posé la question; nous allons voir si le témoin est en mesure de

 26   répondre à cette question. Mais j'ai bien peur que la Chambre de première

 27   instance se devra de limiter ce type de question à ce stade-là lorsque vous

 28   vous fondez sur des éléments qui sont inconnus de la Chambre de première

Page 527

  1   instance, qui ne se trouvent pas non plus dans le prétoire électronique,

  2   inconnus du témoin et des autres personnes ici dans le prétoire. Mais

  3   poursuivez en posant de telles questions si vous le souhaitez déjà.

  4   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons essayé de

  5   faire entrer le transcript en serbe dans le prétoire électronique.

  6   Malheureusement, nous n'avons pas pu vous en fournir pour autant la

  7   traduction. Voilà pourquoi je n'ai jamais demandé à ce que ce transcript

  8   soit enregistré, parce que tout simplement une traduction ne tardera pas.

  9   Je n'ai fait que citer de ces notes d'audience des parties de questions et

 10   des réponses qui sont supposées être celles de Mme Shyhrete. Si ceci n'est

 11   pas exact, nous pouvons toujours passer de l'avant, mais je comprends le

 12   problème que nous venons d'ouvrir à ce stade-ci.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En posant des questions, vous mettez

 14   l'accent sur le fait de savoir si "c'est faux ou vrai," c'est ce qui

 15   justement est de nature à soulever le problème. Mme le Témoin ne peut pas

 16   le savoir si elle ne s'avère pas d'avoir vu et de pouvoir voir le

 17   transcript pour savoir très précisément quels étaient ses propos à cette

 18   époque-là par rapport à ses propos d'aujourd'hui. Voilà.

 19   Je vous dis qu'étant donné la situation, vous êtes habilité à poser des

 20   questions pour voir si Mme le Témoin se souvient ou pas de ceci ou de cela,

 21   mais ceci ne veut pas dire pour autant que ceci est vrai ou faux; tout

 22   simplement, elle ne le sait pas.

 23   M. DJURDJIC : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, je vous

 24   remercie.

 25   Q.  Madame Shyhrete, vous rappelez-vous qu'en réponse à des questions

 26   posées par la présidente de la chambre de première instance, Mme Birahi, on

 27   vous a posé la question :

 28   "Est-ce que vous avez vu préalablement Zoran, est-ce que vous lui

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  1   avez parlé ?"

  2   Vous avez dit : "Non, je n'ai jamais parlé à Zoran. J'ai pu parler avec sa

  3   femme. Sa femme était une amie de ma jeunesse. Je me déteste maintenant de

  4   voir que nous avons été ensemble. Nous avons voyagé ensemble pour aller à

  5   l'école…" et cetera.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. Madame Shyhrete, est-ce vrai de dire que vous n'avez jamais été

  8   en contact, non plus que vous avez pu parler à Vera Petkovic, c'est-à-dire

  9   la mère de Zoran ?

 10   R.  Avec Vera, sa mère, non. Mais je la voyais souvent dans la rue, et je

 11   l'ai vue s'adresser à d'autres personnes, mais personnellement, je n'ai

 12   jamais eu l'occasion de lui parler. Nous, nous avons l'habitude de

 13   l'appeler Vera de Laza.

 14   Q.  Madame, n'est-il pas vrai que la première fois que vous avez entendu

 15   parler d'elle, c'était au moment où il y a eu cet incident avec le véhicule

 16   de l'OSCE, fin 1999 -- fin 1998 début

 17   1999 ?

 18   R.  Non. C'est bien avant que je l'avais connue. Je la connais. C'était une

 19   femme assez forte, et je la voyais souvent en ville. Il n'est pas vrai que

 20   c'est uniquement cette année-là que j'ai appris qu'elle existait. Non.

 21   J'avais connu Vera bien avant. Tous les Albanais la connaissaient, Vera.

 22   Même à Mushtisht dans mon village, on la connaissait, parce qu'elle avait

 23   une amie albanaise. Je l'ai connue avant cela.

 24   Q.  Mais vous n'avez jamais eu l'occasion de lui parler; est-ce exact ?

 25   R.  Oui. Ça, c'est exact. Je n'ai jamais eu l'occasion de lui parler.

 26   Q.  Madame Shyhrete, est-il exact de dire - et je pense que vous l'avez

 27   confirmé aujourd'hui - que le 26 mars 1999 les policiers ne sont pas

 28   rentrés à l'intérieur de la maison de Vesel Berisha ?

Page 529

  1   R.  Les policiers sont arrivés à la maison où nous nous trouvions. Ils sont

  2   venus dans la cour, mais ils ne sont pas rentrés à l'intérieur dans la

  3   maison. Ils ont utilisé leurs armes pour tirer, mais je ne les ai pas vus

  4   tuer Bujar. J'ai juste entendu le bruit. Et je les ai entendus crier :

  5   Sortez de la maison. Et nous sommes sortis de la maison. Ils sont arrivés à

  6   la maison de Vesel Berisha, mais ils n'ont pas pénétré dedans. Ça s'est

  7   passé en très peu de temps. Nous sommes restés à l'intérieur pendant très

  8   peu de temps.

  9   Q.  Pouvez-vous, s'il vous plaît, vous concentrer sur la substance de mes

 10   questions ?

 11   Est-il exact de dire que les policiers ne vous ont pas indiqué par où vous

 12   deviez partir en courant, à partir du moment où vous étiez déjà dehors ?

 13   R.  Non. Ils nous ont juste crié dessus en serbe, en disant : Partez,

 14   allez-vous-en. Et ils nous ont insultés, ils ont proféré des jurons contre

 15   nous.

 16   Q.  Excusez-moi. Ma question était la suivante : Est-il vrai de dire qu'ils

 17   n'ont pas fait quelque chose. Donc vous répondez par l'affirmative : Il est

 18   vrai qu'ils ne nous ont pas indiqué par où on devait partir. Ils ont juste

 19   juré ?

 20   R.  Je ne sais pas exactement quelle est la réponse que vous souhaitez

 21   entendre. Les policiers sont arrivés et nous ont crié dessus et nous ont

 22   dit de sortir. Et nous sommes partis en courant vers notre maison. Depuis

 23   la maison de Vjollca nous avons couru vers notre maison. Ils ne nous ont

 24   pas dirigés en nous indiquant par où il fallait qu'on aille, mais ils nous

 25   ont crié dessus. C'était une situation chaotique à ce moment-là.

 26   Q.  Je vous remercie. Vous avez tout expliqué.

 27   Ai-je raison de dire la chose suivante : devant la pizzeria, vous avez

 28   trouvé d'autres membres de la famille Berisha qui ne vous ont pas dit

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  1   comment ça se fait qu'ils sont là, ils ne vous ont pas dit d'où ils étaient

  2   venus à cet endroit ?

  3   R.  Oui. J'ai rencontré d'autres membres de la famille Berisha à cet

  4   endroit, de la famille de Hajdin et la famille d'Avdiu, et je leur ai

  5   demandé : Mais qui vous a dit de venir ici ? Et ils ont répondu : C'est la

  6   police qui nous a dit de venir ici. On n'a dit rien d'autre à ce moment-là.

  7   Q.  Est-il exact de dire que normalement vous auriez poursuivi votre chemin

  8   si vous ne les aviez pas trouvés là ?

  9   R.  Qu'est-ce qu'on aurait fait, on serait probablement resté tous en vie.

 10   Je ne comprends pas votre question. Quelle est votre question ? Que voulez-

 11   vous savoir ? Je m'occupais de tous les enfants. Je serais partie. J'ai vu

 12   Vjollca, Flora, Sebahate, et quand je les ai vus, je me suis arrêtée pour

 13   me trouver avec d'autres membres de ma famille.

 14   Q.  Je vous remercie, Madame. Je voulais juste savoir une chose. De l'autre

 15   côté de la rue, à proximité, derrière la mairie, est-ce que c'est là que se

 16   trouve une maison qui appartient à l'oncle de votre époux, je ne sais pas

 17   exactement son nom ?

 18   R.  Non, c'est la maison de Vesel Berisha. Ce n'est pas une maison qui

 19   appartiendrait à l'oncle de mon époux. Vous parlez de la maison de Jashar

 20   Berisha, qui travaillait à la station d'essence ?

 21   Q.  Non, Madame Shyhrete. Je parle du frère du père de votre époux, de

 22   votre beau-père.

 23   R.  Le frère de mon beau-père, c'est Vesel Berisha. C'est lui qui est le

 24   beau-père de Vjollca, et sa maison se situe derrière la nôtre. C'est là que

 25   les policiers sont venus, et ils ont tué Bujar, et ils nous ont crié

 26   dessus, nous ont dit de sortir, de partir. C'est la maison de l'oncle de

 27   mon mari. Mais il y a un autre oncle, et sa maison se situe au centre de

 28   Suhareka. Il s'appelle Rasim Berisha. Sa maison ne se trouve pas derrière

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  1   la mairie. C'est au centre de Suhareka.

  2   Q.  Je vous remercie. Excusez-moi, mais une personne s'est présentée comme

  3   étant le frère de vôtre beau-père.

  4   A Suva Reka, lorsque cela s'est produit, aurais-je raison de dire que vous

  5   n'avez pas vu un seul membre de l'armée le 26 mars

  6   1999 ?

  7   R.  Dans la matinée, j'ai vu des véhicules, des autocars se déplacer.

  8   Q.  Ce que vous venez de dire, vous les avez vus avancer dans la rue ?

  9   R.  Oui, une colonne de véhicules dans la rue, dans la matinée.

 10   Q.  Je vous remercie. Mais cette colonne, elle était en mouvement, elle

 11   avançait ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Je vous remercie. Est-il exact de dire que vous n'êtes pas en mesure de

 14   nous préciser quel était le nombre de policiers devant la pizzeria à votre

 15   arrivée et que vous n'avez vu aucun policier ?

 16   R.  Nous avons parlé à Lirija, quand elle m'a appelée, elle m'a dit : Viens

 17   par ici, ton oncle a besoin d'aide. Et elle a appelé ses autres proches

 18   pour leur venir en aide. Elle était enceinte, normalement elle aurait pu

 19   accoucher deux semaines plus tard. Lirija et moi, nous nous sommes parlé et

 20   je lui ai dit que je ne pouvais pas aller avec. Ils allaient me tuer moi

 21   aussi et il fallait que je m'occupe de mes enfants. Lirija s'est mise en

 22   branle pour aider les siens. C'est à ce moment-là que la police est arrivée

 23   et nous avons tous dû rentrer, on était obligé de rentrer dans la pizzeria

 24   à ce moment-là. Je l'ai vu de mes propres yeux, je ne suis pas aveugle. Je

 25   les ai vus. Tout cela s'est passé vite, très vite.

 26   Q.  Seriez-vous en mesure de me dire quel est l'uniforme que portaient ces

 27   policiers ?

 28   R.  Je ne suis pas certaine pour ce qui est de la couleur des uniformes,

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  1   mais ils étaient en uniforme. Ils avaient des couvre-chefs, des fusils

  2   automatiques. Un grand groupe de ces hommes est arrivé, et Hava et Lirija

  3   n'ont pas pu aider les hommes, donc elles sont restées avec nous.

  4   Q.  Je vous remercie. Vous nous avez dit aujourd'hui que c'était en passant

  5   devant la station d'essence que vous avez vu Berisha, que vous l'avez

  6   croisé et que vous lui avez parlé. Est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre à

  7   la station d'essence à ce moment-là en plus de Berisha ?

  8   R.  Ça a duré très peu de temps. Nous fuyions en courant. Il m'a juste

  9   demandé cela, je lui ai répondu. Je n'avais pas le temps de regarder pour

 10   voir s'il y avait une autre personne là-bas. A ce moment-là, il m'a posé la

 11   question en me demandant ce qui était en train de se passer. Pourquoi nous

 12   fuyions ? Je lui ai dit que la police serbe avait tué nos hommes. Il est la

 13   seule personne à qui j'ai adressé la parole à la station d'essence. Je n'ai

 14   vu rien d'autre.

 15   Q.  Je vous remercie. Madame Shyhrete, devant la chambre des crimes de

 16   guerre du tribunal district de Belgrade, l'avocat Goran Folic vous a posé

 17   une question. Il a demandé : "Mme le Témoin peut-elle nous dire si la

 18   police qui s'est trouvée devant sa maison était aussi devant la pizzeria."

 19   En d'autres termes :

 20   "Etait-ce les mêmes policiers qui se sont trouvés devant sa maison et

 21   devant la pizzeria ? Est-ce qu'elle a reconnu quelqu'un," et là vous avez

 22   répondu : "Plus d'une fois j'ai répondu, Monsieur, que je ne pouvais voir

 23   personne à la pizzeria. Etait-ce des policiers ou des civils ou qui était-

 24   ce. Je l'ai dit, je l'ai déclaré à plusieurs reprises."

 25   R.  J'ai dit la chose suivante; je ne pouvais pas distinguer les gens. Il y

 26   avait un groupe de policiers, mais moi, j'étais entourée de femmes et

 27   d'enfants; et je ne pouvais pas les reconnaître. Mais il y avait là un

 28   groupe de policiers. A Belgrade, ils peuvent écrire ce qu'ils veulent, ils

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  1   peuvent changer les choses. Mais j'ai expliqué ce que j'ai vécu, je l'ai

  2   dit à l'enquêteur et c'est la vérité sur ce que la police serbe a fait à ma

  3   famille, à la famille Berisha, à Suhareka.

  4   Q.  Je vous remercie. Madame Berisha, vous avez été grièvement blessée. Et

  5   vous avez été soignée dans plusieurs centres hospitaliers. Je ne doute pas

  6   que vous ayez en votre possession un dossier médical très épais. Ai-je

  7   raison ?

  8   R.  Oui. Au départ, au Kosova on m'a fourni des soins de base, puis quand

  9   je suis arrivée en Albanie, à ce moment-là, les Italiens à l'hôpital

 10   italien ont procédé à une intervention chirurgicale. Ils ont enlevé des

 11   éclats d'obus, je ne sais pas exactement comment ça s'appelle, mais ils ont

 12   enlevé cela de mon corps.

 13   Q.  Je vous remercie. Et ces documents, ce dossier médical, l'avez-vous

 14   remis au Procureur de ce Tribunal ? Le Procureur vous a-t-il demandé de lui

 15   remettre cela ?

 16   R.  Non. Rufus, le chef de l'OSCE, qui m'a amenée à l'hôpital italien, je

 17   pense qu'il avait les notes et les documents attestant de ce qui avait été

 18   enlevé de mon corps. Mais pour moi, ce n'était pas important d'avoir ces

 19   documents, parce que rares sont ceux qui peuvent comprendre ma situation.

 20   Ces éclats d'obus dans mon corps n'avait aucune signification, aucune

 21   importance à mes yeux. Et comme je vous l'ai déjà dit, j'ai encore à ce

 22   jour des éclats d'obus dans mon corps.

 23   Q.  Madame Shyhrete, vous m'avez mal compris. Avez-vous remis des documents

 24   médicaux au bureau du Procureur du Tribunal de La Haye, vous ont-ils

 25   demandé de leur remettre cela ?

 26   R.  J'ai très bien compris votre question. Et je vous comprends très bien.

 27   Je vous ai répondu en disant que je n'avais reçu aucun document de la part

 28   des médecins italiens et que je n'avais rien remis non plus aux enquêteurs

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  1   du Tribunal de La Haye s'agissant des documents. S'il m'avait demandé ce

  2   qu'il en était des documents, je me serais adressée à Rufus pour les avoir

  3   et j'aurais remis les documents. Mais je suppose que ces documents doivent

  4   se trouver quelque part. Personnellement, je n'ai rien reçu, je n'ai rien

  5   chez moi, mais je sais que les docteurs italiens ont tout noté tout ce

  6   qu'ils ont fait pendant l'opération, et c'était un petit hôpital à Kukes où

  7   ils ont fait cette intervention chirurgicale.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, qu'en est-il ? Est-ce

  9   que ça serait un bon moment pour faire une pause ?

 10   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui. Merci.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Vous ai-je jamais dit que

 12   je souhaitais que ce témoin puisse terminer sa déposition, y compris les

 13   questions supplémentaires avant la fin de la journée d'aujourd'hui, et j'ai

 14   la sensation que nous avançons très lentement depuis quelque temps. Est-ce

 15   que vous pourriez faire attention à cela, s'il vous plaît. Revoyez vos

 16   notes pendant la pause.

 17   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause

 19   et nous reprendrons à 18 heures 10.

 20   --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.

 21   --- L'audience est reprise à 18 heures 14.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic, vous avez la

 23   parole.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 25   pense que nous allons pouvoir terminer très rapidement, du moins c'est ce

 26   que j'espère.

 27   Q.  Madame, le 4 décembre 2007, à Belgrade, vous avez été entendue par la

 28   chambre chargée des crimes de guerre du tribunal du district de Belgrade.

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  1   Vous vous souvenez dans la matinée on a procédé à l'un des gestes que l'on

  2   pratique généralement dans le cadre d'une enquête d'une instruction, à

  3   savoir on vous a demandé de reconnaître des gens. Vous vous en souvenez ?

  4   Il y a un nom, un nom spécial pour ça.

  5   R.  L'identification de ces individus dont j'avais donné les noms ?

  6   Q.  L'identification de tous les individus accusés devant la chambre des

  7   crimes de guerre du tribunal du district de Belgrade, il y a sept coaccusés

  8   et il y avait sept groupes d'individus. Vous vous êtes trouvée à 8 heures

  9   15 au rez-de-chaussée de ce bâtiment de cet immeuble et on vous a demandé

 10   de reconnaître ces individus. Vous vous souvenez il y avait le juge

 11   d'instruction, il y avait vous, et on a procédé à cette identification.

 12   R.  Je n'ai donné que trois noms. Mais ce jour-là il y a eu une procédure

 13   d'identification et tout de suite après nous nous sommes rendus au

 14   tribunal.

 15   Q.  Madame Shyhrete, est-ce que vous voulez bien répondre à ma question ?

 16   Devant le tribunal du district de Belgrade, on a dressé des charges contre

 17   sept individus pour des crimes de guerre, donc on vous a présenté sept

 18   groupes, vous vous en souvenez ? Sept groupes chacun comportant cinq

 19   individus. On vous a demandé si vous reconnaissiez qui que ce soit dans ces

 20   groupes. Vous vous en

 21   souvenez ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Je vous remercie.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] S'il vous plaît, la pièce

 25   D001-3042.

 26   Est-ce qu'on peut présenter cela au témoin. Monsieur le Président, en

 27   attendant. Hélas, il y a eu une erreur qui s'est glissée. La première page

 28   a été traduite en anglais et à la place de la deuxième c'est la quatrième

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  1   page qui a été traduite. Or c'est la page 2 qui nous intéresse. Mais c'est

  2   la première page où commence le procès-verbal de présentation de suspects

  3   ou d'identification.

  4   Q.  Petkovic Zoran, vous vous souvenez que vous ne l'avez pas reconnu au

  5   moment de cette présentation de suspects ?

  6   R.  Zoran, je ne l'ai pas reconnu. Je ne pouvais pas le reconnaître parce

  7   qu'il avait beaucoup changé.

  8   Q.  Je vous remercie.

  9   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite que cette

 10   pièce soit versée aux fins d'identification en attendant que la page qui

 11   nous importe soit traduite et le témoin a répondu à la question que j'avais

 12   posée.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document recevra une cote aux fins

 14   d'identification.

 15   Excusez-moi, l'Accusation, Madame Gopalan.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] La page 1 c'est bien cette page qui manque

 17   ou qui nous manque pour le moment, et c'est celle-là qui recevra une cote

 18   aux fins d'identification ?

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sont les pages 1 et 4 qui seront

 20   maintenant marquées aux fins d'identification.

 21   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé que dans

 22   son intégralité ce document soit traduit mais seule la première page a été

 23   traduite. Et ce qui est important pour nous c'est la page 2, là où on

 24   procède à l'identification de Petkovic Zoran. Maintenant nous l'avons qu'en

 25   serbe, mais très rapidement nous aurons la traduction en anglais. Et

 26   j'espère que nous aurons l'intégralité du document pas seulement cette page

 27   qui nous intéresse. La première page elle est déjà traduite en anglais,

 28   nous l'avons.

Page 537

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Aux fins d'identification, le document

  2   dans sa totalité en serbe recevra une cote, puis nous aurons également une

  3   cote pour les pages qui ont été traduites en anglais.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] D00023, cote aux fins d'identification

  5   MFI, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  6   M. DJURDJIC : [interprétation]

  7   Q.  Madame Berisha, est-il exact de dire qu'au poste-frontière de Morina

  8   vous avez quitté le Kosovo-Metohija pour vous rendre en Albanie ?

  9   R.  J'ai quitté le Kosova et je suis allée en Albanie au poste-frontière de

 10   Kukes. C'est là que j'ai franchi la frontière.

 11   Q.  Excusez-moi, mais à qui appartient ce poste-frontière

 12   Kukes ?

 13   R.  Je ne me souviens pas du nom. La seule chose dont je me souviens, c'est

 14   que nous sommes allés du Kosova à Kukes.

 15   Q.  Je vous remercie. Est-il exact de dire qu'au moment où vous avez

 16   franchi la frontière, vous n'avez présenté aucune pièce d'identité et qu'on

 17   ne vous a privée d'aucune de vos pièces d'identité, on ne vous a rien saisi

 18   ?

 19   R.  Je n'avais pas de documents sur moi. Je n'avais rien à leur présenter.

 20   Je n'avais que les blessures qui m'ont été infligées par la police serbe.

 21   C'est tout ce que j'avais.

 22   Q.  Je vous remercie. Est-il exact de dire que vous n'avez aucune

 23   attestation prouvant qu'on vous a pris un échantillon de sang à l'hôpital

 24   en Albanie après votre intervention chirurgicale ? Aucune attestation ni de

 25   la part du bureau du Procureur du Tribunal de La Haye ou toute autre

 26   organisation qui aurait pu vous faire un prélèvement de sang ?

 27   R.  Je n'ai reçu aucune attestation. Je vous ai dit que c'était Rufus qui

 28   était avec moi, le chef de l'OSCE. Et on ne m'a donné aucun papier, aucun

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  1   document. Mais les Italiens, ils ont fait leur intervention chirurgicale

  2   sur moi dans leur propre hôpital et ils ont enlevé un éclat de mon estomac.

  3   Et c'est vrai que moi-même je ne suis en possession d'aucun papier.

  4   Q.  Ma dernière question, Madame Shyhrete : est-il exact que lorsque vous

  5   vous êtes trouvée à Kukes, vous n'êtes pas descendue du tracteur ? Vous

  6   n'étiez pas présente à l'école. Et tout ce que vous avez appris, vous

  7   l'avez appris grâce à ce que vous ont dit d'autres personnes ?

  8   R.  Je n'ai rien appris de la bouche d'autres personnes. J'ai tout vu de

  9   mes propres yeux. J'étais sur ce tracteur. Ils ne m'ont pas amenée à

 10   l'école, mais depuis le tracteur j'ai pu suivre tout ce qui se passait. Je

 11   n'ai pas entendu des choses de la part d'autres personnes. Je n'avais pas

 12   besoin de les écouter parler. J'étais l'une des personnes concernée.

 13   Q.  Il me faudra vous présenter votre déclaration du 15 mai 1999, D001-301

 14   -- c'est la version serbe, D001-3010 pour la version anglaise. Page 13 en

 15   version anglaise, troisième paragraphe, qui commence par les mots suivants

 16   :

 17   "Plus tard j'ai appris que les femmes ont été amenées à l'école, qu'on leur

 18   a enlevé leurs vêtements, qu'on les a privées de leur argent, de leurs

 19   bijoux en or, et qu'elles ont été libérées."Vous m'avez entendu, Madame

 20   Berisha ?

 21   R.  C'est ce que les femmes ont dit, mais moi, je n'ai pas été amenée à

 22   l'école. Ils ne m'ont pas demandé non plus de descendre du tracteur. Pour

 23   ce qui est d'autres femmes, elles ont été amenées à l'école et ces femmes

 24   m'ont dit qu'on leur avait pris leur argent et leurs bijoux, tout ce

 25   qu'elles avaient sur elles. Je n'ai pas vu ce qu'on leur a pris à l'école,

 26   c'est vrai, mais le reste je l'ai vu, j'en suis témoin, je l'ai vu de mes

 27   propres yeux. J'ai vu la police serbe tirer les coups de feu, j'ai vu

 28   qu'ils ont amené les jeunes ainsi que les vieux, enfin, les hommes. Et j'ai

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  1   vu que certains, pour ce qui est des jeunes hommes, ne sont jamais revenus.

  2   Q.  Je vous remercie. Ce que j'ai affirmé, c'est que vous avez entendu

  3   parler de cela, Madame, et que vous ne vous êtes pas trouvée à l'école,

  4   c'est tout. Je vous remercie. Je n'ai plus de questions pour vous.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Djurdjic.

  7   Madame Gopalan, est-ce que vous avez des questions supplémentaires à poser

  8   ?

  9   Mme GOPALAN : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires à

 10   poser, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   Questions de la Cour : 

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Berisha, je souhaiterais vous

 15   poser une question. Pendant que Me Djurdjic vous posait des questions, vous

 16   avez dit que le matin en question, vous avez entendu une voix s'exprimant

 17   en albanais en appelant Bujar et que vous avez reconnu cette voix comme

 18   étant la voix de Zoran. Vous vous souvenez de quoi je parle ?

 19   R.  Oui, c'est exactement ce que j'ai dit.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voilà ce que j'aimerais entendre de

 21   votre part. Comment est-ce que vous avez reconnu la voix de Zoran si vous

 22   ne lui aviez jamais parlé ?

 23   R.  Je suis absolument sûre qu'il s'agissait de Zoran parce qu'il

 24   s'exprimait parfaitement en albanais. C'était Zoran. Je n'ai pas eu la

 25   possibilité de lui parler, mais je l'avais croisé dans la rue avec son

 26   épouse très souvent. Par conséquent, j'étais absolument sûre qu'il

 27   s'agissait de Zoran, parce qu'il n'y avait personne d'autre hormis Zoran

 28   qui parlait si bien l'albanais.

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc c'est plutôt la façon dont il

  2   s'exprimait en albanais que la voix qui vous a permis d'identifier cette

  3   personne comme étant Zoran.

  4   R.  Oui, parce qu'en fait lorsqu'il parlait en albanais, on aurait pu

  5   penser qu'il était lui-même albanais. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait du

  6   frère de Zoran, parce que son frère faisait partie également de ce groupe.

  7   Mais pour ce qui est de Zoran, je suis absolument sûre qu'il s'agissait de

  8   lui. C'était sa voix.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup et je pense

 10   que vous ne serez pas mécontente d'entendre que vous êtes arrivée au terme

 11   de votre déposition.

 12   Oui, Madame Gopalan.

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] Au vu des questions que vous venez de poser,

 14   Monsieur le Président, j'aimerais poser une toute dernière question.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons d'abord dans un premier

 16   temps voir si Me Djurdjic souhaite poser des questions à la suite des

 17   questions que je viens de poser.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, oui, tout à fait

 19   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Djurdjic : 

 20   Q.  [interprétation] Est-ce que Miskovic parlait également albanais ?

 21   R.  Je ne suis pas sûre pour ce qui est de Miskovic. Je ne suis pas sûre.

 22   Je ne sais pas s'il parlait albanais ou non. Je connaissais Zoran beaucoup

 23   mieux que Miskovic. Le frère de Miskovic avait beaucoup de connaissances ou

 24   d'amis parmi les Albanais.

 25   Q.  Oui, Madame Shyhrete, mais lui aussi parlait albanais, n'est-ce pas ?

 26   R.  Pour ce qui est de Miskovic, je n'en sais rien. Je n'en suis pas sûre.

 27   Mais je suis absolument sûre et certaine et catégorique qu'il s'agissait de

 28   Zoran. Je suis sûre de ce que je dis à propos de son albanais. Il parlait

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  1   albanais tous les jours.

  2   Q.  Madame, ce que je dis, c'est que tous les Serbes à Suva Reka parlaient

  3   albanais s'ils devaient le faire, tout comme vous-même vous pouvez vous

  4   exprimer en serbe.

  5   R.  Non. Ils ne parlaient pas tous albanais. La plupart des Albanais

  6   avaient l'habitude de parler serbe, parce que nous étions obligés

  7   d'apprendre le serbe à l'école, mais ce n'était pas la même chose pour les

  8   Serbes, ils étaient très peu à parler albanais. Et Zoran était justement

  9   l'une de ces personnes. Il parlait très bien l'albanais et le frère de sa

 10   femme, son beau-frère, Kola, lui, il parlait également, il parlait très

 11   bien l'albanais. Je sais qui parlait albanais. Nous, nous connaissions le

 12   serbe, mais pour ce qui est des Serbes, seule une minorité parlait

 13   l'albanais.

 14   Q.  Merci.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 16   Oui, Madame Gopalan.

 17   Mme GOPALAN : [interprétation]

 18   Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Gopalan : 

 19   Q.  [interprétation] Madame Berisha, vous avez dit que Zoran s'exprimait

 20   très bien en albanais. Quand est-ce que vous avez entendu pour la première

 21   fois de votre vie la voix de Zoran ?

 22   R.  J'ai entendu Zoran parler très souvent lorsque je le rencontrais avec

 23   sa femme. Il parlait avec les Albanais : Salut, comment ça va, et cetera.

 24   Mais moi-même, je n'ai pas eu l'occasion de lui parler directement, mais je

 25   l'ai entendu très souvent parler albanais avec des Albanais et avec des

 26   Serbes également d'ailleurs.

 27   Mais à Belgrade, au tribunal de première instance, il y avait de

 28   nombreuses années qui s'étaient écoulées, il avait beaucoup changé. Il

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  1   avait beaucoup maigri. Il portait des lunettes. Donc ce n'était pas l'homme

  2   que je connaissais auparavant alors que pour ce qui est de Miskovic et du

  3   frère de Zoran, je les ai reconnus immédiatement. Vous savez, c'est normal

  4   après neuf années, après tout ce que j'ai vécu, c'est normal que je n'ai

  5   pas été en mesure de le reconnaître. Mais lorsqu'il a parlé au tribunal,

  6   j'ai immédiatement reconnu Zoran.

  7   Q.  Je vous remercie, Madame Berisha. Je n'ai plus de questions à

  8   vous poser.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 10   Madame Berisha, je pense que vous serez heureuse d'entendre que vous êtes

 11   arrivée au terme de votre déposition. Et je n'ai plus de questions à vous

 12   poser non plus. Je vous remercie d'être venue à La Haye. Nous savons que

 13   vous êtes venue déposer plus d'une fois ici et que cela représente une

 14   véritable pression pour vous.Nous vous remercions d'être venue et nous vous

 15   remercions de toute l'aide que vous nous avez apportée.

 16   Vous pouvez maintenant suivre Mme l'Huissière et vous pouvez tout à

 17   fait maintenant repartir et reprendre le cours normal de votre vie.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 19   [Le témoin se retire]

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp.

 21   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Le

 22   témoin suivant est Ali Gjogaj, et c'est M. Mathias Neuner qui va lui poser

 23   des questions, qui vient juste d'entrer dans le prétoire.

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous

 28   prie, nous donner lecture de la déclaration solennelle dont le texte figure

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  1   sur la carte qui vous est montrée maintenant.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la

  3   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  4   LE TÉMOIN : ALI GJOGAJ [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Veuillez

  7   prendre place. Je pense que M. Neuner souhaitera vous poser quelques

  8   questions.

  9   Interrogatoire principal par M. Neuner : 

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, pour commencer.

 11   R.  Bonjour.  

 12   Q.  Est-ce que vous pourriez décliner votre identité, je vous prie.

 13   R.  Je m'appelle Ali Gjogaj. Je suis né le 25 novembre 1963.

 14   Q.  Quelle est votre appartenance ethnique, Monsieur Gjogaj ?

 15   R.  Je suis Rom.

 16   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était votre profession en

 17   1999 ?

 18   R.  Au début, je travaillais comme agent de nettoyage dans la ville.

 19   Ensuite j'ai été affecté par la défense civile, et ce, afin de m'occuper

 20   des corps.

 21   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire pour quelle entreprise vous

 22   travailliez ?

 23   R.  Je travaillais pour une entreprise qui s'appelait Hygiène publique.

 24   Q.  Et qui était votre supérieur dans cette entreprise Hygiène publique ?

 25   R.  Le directeur général était Jova Vujicic et Budimir Spasic était notre

 26   superviseur.

 27   Q.  J'aimerais maintenant que nous parlions des événements de l'année 1999,

 28   de la campagne aérienne de l'OTAN. Est-ce que vous pourriez nous dire quel

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  1   vêtement portait sur les lieux du travail M. Jova Vujicic pendant le

  2   bombardement aérien ?

  3   R.  Jovo Vujicic portait des vêtements de policier. C'était un réserviste

  4   qui portait son uniforme de la police. Il avait le grade de commandant.

  5   Cela correspondait à sa fonction.

  6   Q.  Et où se trouvait le siège de cette entreprise, Hygiène publique en

  7   1999 ?

  8   R.  Le siège se trouvait à la périphérie sur la route qui va vers

  9   l'Albanie. C'est là ou se trouvaient les bureaux.

 10   Q.  Et durant la campagne aérienne de l'OTAN en 1999, pourriez-vous nous

 11   dire qui utilisait le siège de l'entreprise d'Hygiène publique pour ses

 12   bureaux ?

 13   R.  Il y avait différentes forces de la police qui se trouvaient-là, qui

 14   venaient de la Serbie, qui avaient été également cantonnés là, mais je ne

 15   les connaissais pas. Mais il y avait également d'autres policiers dans le

 16   bureau.

 17   Q.  Lorsque vous parlez du "bureau," est-ce que vous pourriez nous dire où

 18   était exactement cantonnée la police qui venait de la Serbie ?

 19   R.  Elle était cantonnée à l'intérieur des bureaux de notre société. En

 20   fait, ils ont écarté nos chefs et ils ont investi les bureaux.

 21   Q.  Pourquoi est-ce que vous croyez que ces personnes qui venaient de la

 22   Serbie étaient des policiers ?

 23   R.  Ils portaient des uniformes de la police, et vous pouviez dire d'après

 24   leurs uniformes qu'il s'agissait de policiers.

 25   Q.  Quand est-ce que ces personnes ont commencé à utiliser des bureaux au

 26   siège de cette entreprise appelée Hygiène publique ?

 27   R.  Durant les frappes aériennes de l'OTAN, ils n'étaient pas cantonnés là

 28   avant, mais lorsque la campagne de l'OTAN a commencé, un groupe de

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  1   policiers est venu au siège.

  2   Q.  Pour le compte rendu d'audience, pourriez-vous nous préciser dans

  3   quelle ville était située l'entreprise Hygiène

  4   publique ?

  5   R.  Cette entreprise Hygiène publique se trouve dans la partie ouest de la

  6   ville.

  7   Q.  De quelle ville s'agit-il ?

  8   R.  De Prizren.

  9   Q.  J'aimerais maintenant vous poser quelques questions à propos du travail

 10   que vous avez effectué pendant les bombardements de l'OTAN. Que faisiez-

 11   vous exactement ?

 12   R.  Je travaillais comme homme de ménage, mais lorsque les frappes

 13   aériennes de l'OTAN ont commencé, ils nous ont fourni des uniformes de la

 14   défense civile. Et un jour ils nous ont emmenés à Koris pour que nous

 15   inhumions des corps. Ils avaient tout préparé, les camions, les bulldozers,

 16   tout. Et j'ai travaillé également à la morgue de Prizren.

 17   Q.  Est-ce que je peux vous interrompre. Vous nous avez fourni force

 18   détails. Vous nous avez dit : "Un jour, il nous ont emmenés à Koris."

 19   Premièrement --

 20   R.  Koris, oui.

 21   Q.  Oui, il est écrit effectivement Koris au compte rendu d'audience. Mais

 22   est-ce que vous pourriez nous décrire cet endroit ?

 23   R.  En fait, il s'agit de Lubizhda. Je me suis mal exprimé. C'est un

 24   village, le village de Lubizhda, et la police avait érigé un poste de

 25   contrôle dans les environs; et c'est là qu'ils effectuaient leur

 26   entraînement. C'était un polygone d'entraînement de l'armée de la Serbie.

 27   Q.  Un polygone d'entraînement pour quoi ?

 28   R.  L'armée s'exerçait sur ces lieux-là. Il s'agit d'un terrain d'exercice,

Page 546

  1   tirs aux cibles.

  2   Q.  Fort bien. Serait-il d'utilité pour vous si je vous soumettais une

  3   carte pour que vous nous situiez très exactement pour dire où se trouvait à

  4   Ljubiste ce terrain d'exercice polygone où les soldats s'entraînaient ?

  5   R.  Oui.

  6   M. NEUNER : [interprétation] Nous avons préparé ici à un exemplaire de

  7   cette carte. Je crois que nous pouvons toujours le faire afficher moyennant

  8   le prétoire électronique, mais le fait est que nous avons dû en quelque

  9   sorte procéder à une collation, nous avons deux cartes, au titre de

 10   l'article 65 ter, il s'agit du document 615. Pour faciliter la tâche de ce

 11   témoin, nous avons imprimé la version de cette carte, et avec l'aide de Mme

 12   l'Huissière je voudrais bien que l'on soumette cette carte-là, format

 13   papier, au témoin, au conseil de la Défense mais aussi et surtout à la

 14   Chambre de première instance.

 15   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 16   M. NEUNER : [interprétation] Nous faisons de notre mieux pour utiliser le

 17   prétoire électronique.

 18   Q.  Monsieur Gjogaj, je vous prie de vous munir de vos lunettes, peut-être

 19   seriez-vous en mesure de voir très bien ce que vous verrez à l'écran. Par

 20   conséquent, nous allons utiliser le prétoire électronique.

 21   M. NEUNER : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je dirai

 22   qu'il s'agit du document 615.01, au titre du 65 ter. Pour que tout cela

 23   soit allégé, votre tâche, ne faisons pas en sorte qu'à l'écran vous ayez

 24   deux cartes, mais tout simplement essayons de voir la carte dans son

 25   ensemble sur l'écran là.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous suis.

 27   M. NEUNER : [interprétation] Pouvons-nous d'abord faire un zooming [phon],

 28   nous focaliser sur -- voilà, c'est bien maintenant.

Page 547

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous suis.

  2   M. NEUNER : [interprétation] Je prie Mme l'Huissière de donner au témoin le

  3   crayon électronique.

  4   Q.  Je vous prie, Monsieur le Témoin, d'encercler ce terme de Ljubiste

  5   [comme interprété].

  6   R.  Patientez une seconde, s'il vous plaît. C'est à peu près l'endroit où

  7   nous avons exhumé les cadavres. Peut-être que je n'ai pas été très précis

  8   ici pour faire cette annotation sur cette carte, mais c'est à peu près ce

  9   site-là.

 10   Q.  Soyez aimable et marquez ce site-là par le chiffre 1.

 11   R.  [Le témoin s'exécute]

 12   Q.  Merci. La première question que j'ai à vous poser est la suivante. Au

 13   cours de la guerre, quand approximativement vous êtes-vous rendus à cet

 14   endroit-là ?

 15   R.  Nous nous y sommes rendus début avril. Je ne me souviens pas très bien

 16   de la date, nous n'y n'avons pas prêté attention.

 17   Q.  En quelle année cela s'est-il produit, Monsieur ? En début du mois

 18   d'avril, vous dites, mais en quelle année ?

 19   R.  En 1999.

 20   Q.  Pouvez-vous nous dire par qui vous avez été escortés lorsque vous vous

 21   y êtes rendus, si jamais il y a eu une escorte quelconque ?

 22   R.  Ils étaient venus nous chercher à la maison. A 8 heures ou 9 heures du

 23   soir. Il y avait là-bas Buda et trois autres hommes. On nous a munis de

 24   vêtements. Et nous nous sommes dirigés vers Suhareka, après quoi à ce

 25   terrain d'exercice, ce polygone.

 26   Tout était là, les bulldozers, les fossoyeurs, les camions. Et notre

 27   directeur était in situ.

 28   Q.  Essayez de répondre, s'il vous plaît, aux questions que je vous pose.

Page 548

  1   Je voulais tout simplement savoir si quelqu'un a été chargé de vous

  2   escorter, de vous sécuriser lorsque vous y êtes rendus. Plus tard, nous

  3   allons reprendre ce que vous venez de dire.

  4   R.  Oui, c'était Buda et Jova, en d'autres termes, c'était le directeur de

  5   cette firme municipale et mon chef.

  6   Q.  Et pour être plus clair, il s'agit du directeur de cette entreprise

  7   Hygiène publique ?

  8   R.  Oui, il s'agit de Jova, directeur de cette entreprise municipale,

  9   Hygiène publique.

 10   Q.  Lorsque vous êtes arrivés sur place, qui avez-vous trouvé là-bas ?

 11   R.  Il y avait là-bas des membres de la police. Il y avait encore un

 12   camion. Nous, nous étions à bord d'une fourgonnette. Nous en descendîmes

 13   pour attendre sur place.

 14   Q.  Pouvez-vous nous décrire ce camion qui appartenait à la police ? Parce

 15   que vous dites qu'il y avait des membres de la police avec un camion.

 16   R.  Il s'agissait plutôt d'un Pinzgauer, une espèce de jeep de police et il

 17   y avait des membres de la police.

 18   Q.  Pourquoi croyez-vous que ces jeeps, ces véhicules appartenaient à la

 19   police, Pinzgauer de police ?

 20   R.  C'est qu'on le savait, c'était généralement notoire que la police y

 21   était présente. La police circulait dans cette région-là à bord de tels

 22   véhicules.

 23   Q.  De quelle couleur étaient ces véhicules ?

 24   R.  A la tombée de la nuit, si je peux me rappeler comme il faut, c'était

 25   des véhicules de police de couleur bleu foncé.

 26   Q.  Vous nous avez dit que c'était la nuit déjà. A peu près à quelle heure

 27   du jour êtes-vous arrivé sur ce site ?

 28   R.  Vers 9 heures du soir.

Page 549

  1   Q.  Vous avez dit préalablement qu'il y avait là deux directeurs de votre

  2   entreprise à laquelle vous travailliez, Buda et Jova. Comment étaient-ils

  3   vêtus ces deux-là ?

  4   R.  Le directeur Jova portait un uniforme de police, alors que l'autre

  5   avait un uniforme militaire.

  6   Q.  Vous avez dit qu'il y avait là-bas sur place des membres de la police.

  7   Que faisaient-ils là-bas ?

  8   R.  Certains membres de la police devaient nous prendre en charge en nous

  9   sécurisant pour ne pas qu'il y ait empêchement. D'autres membres de la

 10   police sortaient, moyennant le fossoyeur, des corps.

 11   Q.  Combien de membres de police prenaient part à cette opération où il a

 12   fallu retirer des corps d'un autre site ?

 13   R.  Environ sept, huit policiers.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Neuner, j'attire votre

 15   attention à la page 41, lignes 7 et 8. Il me semble que la réponse n'est

 16   pas tout à fait cohérente quant à votre question, occupez-vous en.

 17   M. NEUNER : [interprétation]

 18   Q.  Je voudrais, s'il vous plaît, que vous nous aidiez un petit peu. Tout à

 19   l'heure, parlant des vêtements que portait le directeur Jova, vous avez

 20   répondu à la question.

 21   Mais au compte rendu d'audience, peut-être il s'agit d'une erreur dû à

 22   l'interprétation, nous pouvons lire Jova portait un uniforme de police

 23   alors que Jova portait également un uniforme militaire. Pouvez-vous nous

 24   dire, s'il vous plaît, lequel des deux directeurs portait quel uniforme ?

 25   Soyez aimable.

 26   R.  Jova portait un uniforme de police, Jova, c'est le directeur général de

 27   la firme; alors que Budimir Spasic, notre chef à nous, portait un uniforme

 28   militaire.

Page 550

  1   Q.  Fort bien. Je voudrais maintenant que vous nous expliquiez cela plus en

  2   détail.

  3   M. NEUNER : [interprétation] Pouvons-nous peut-être prendre cette carte

  4   pour être considérée comme une pièce à conviction.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Ce document a été versé au

  6   dossier, mais nous faudra-t-il encore verser au dossier la carte sans

  7   annotation, puis après la carte avec annotation.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour ce qui est de la carte sans

  9   annotation, il s'agira de la pièce à conviction 0015-00 [comme interprété],

 10   soit la pièce à conviction P0076 [comme interprété]. 

 11   M. NEUNER : [interprétation] Je voudrais également que la carte présentant

 12   des annotations soit versée au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

 14   P00277, Monsieur le Président.

 15   M. NEUNER : [interprétation] Je voudrais que l'on présente au témoin le

 16   document 02375 au titre du 65 ter.

 17   Q.  En attendant l'affichage de ce document à l'écran, Monsieur Gjogaj, je

 18   voudrais en quelque sorte embrayer sur ce que vous disiez tout à l'heure

 19   parlant des uniformes portés par vos supérieurs.

 20   M. NEUNER : [interprétation] Peut-on obtenir un agrandissement de cette

 21   photo. Je vois que mon confrère est sur pied.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

 23   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que ceci

 24   n'est pas adéquat de procéder à l'identification de quatre uniformes que

 25   l'on présente à ce témoin. Primo, une telle pièce à conviction avait existé

 26   préalablement lorsque le témoin a pris part à ces différentes affaires et

 27   si l'on veut procéder à une identification et si on doit demander au témoin

 28   de reconnaître quoi que ce soit, faudra-t-il avoir davantage d'uniformes

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  1   pour qu'il puisse avoir vraiment un choix à faire en vue d'identification.

  2   Si c'est comme cela, alors là il n'y a pas lieu de dire qu'il devrait y

  3   être maintenant fait une identification. Alors dans ce cas-là, on devrait

  4   lui présenter un seul uniforme, sans plus. Merci.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Neuner.

  6   M. NEUNER : [interprétation] Il est tout à fait clair aux yeux du Procureur

  7   qu'on offre au témoin quatre possibilités. Le fait est qu'il s'agit là de

  8   photos qui avaient été préalablement présentées pour identification au

  9   témoin lors du récolement. D'après la documentation dont dispose le bureau

 10   du Procureur chacun de ces quatre modèles est très particulier.

 11   Bien entendu, nous étions en mesure de présenter dix ou 15 modèles

 12   différents d'uniformes, mais nous croyons tout de même que le témoin a un

 13   large choix à faire, il peut, par exemple, dire que ses supérieurs ne

 14   portaient aucun de ces modèles d'uniformes. Il peut opter pour l'une de ces

 15   possibilités ou dire, si ma mémoire est bonne, mes supérieurs ne portaient

 16   rien de semblable à ce que nous voyons ici, et cetera, par conséquent, il y

 17   a là cinq possibilités pour ce témoin de répondre à la question.

 18   Et ce montage auquel il a été procédé pour représenter différents

 19   modèles d'uniformes a déjà eu lieu dans l'affaire Milutinovic, et nous

 20   n'avons pas d'autres documents disponibles.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais vous avez déjà fourni une

 22   réponse à la question que j'aurais été prêt à poser : s'agit-il d'une seule

 23   version d'uniforme de treillis de camouflage que vous avez à votre

 24   disposition ?

 25   M. NEUNER : [interprétation] Justement, je me suis entretenu avec mes

 26   confrères, et on me dit que nous n'avons pas d'autres exemples où il y

 27   aurait davantage de choix à faire. Une seconde, s'il vous plaît.

 28   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

Page 552

  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   M. NEUNER : [aucune interprétation] 

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre va autoriser que la

  4   question soit posée, Maître Djurdjic. Bien entendu, nous reconnaissons que

  5   le choix est limité et que le choix d'échantillon est limité et que, bon,

  6   ensuite, cela nous amène à la question du poids qui sera accordé à la

  7   réponse par la Chambre. C'est quelque chose qui sera déterminé en temps

  8   voulu.

  9   Monsieur Neuner, nous avons déjà dépassé le temps qu'il nous était imparti.

 10   Je ne sais pas si vous voulez obtenir une réponse maintenant ou est-ce que

 11   nous pourrions peut-être reprendre demain matin.

 12   M. NEUNER : [interprétation] J'espère que nous pourrions avoir une réponse

 13   brève aujourd'hui, ce soir.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Donc nous allons

 15   poursuivre.

 16   M. NEUNER : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur, vous nous avez parlé de Jova Vujicic. En regardant ces

 18   exemples, ces échantillons, est-ce que vous vous souvenez de l'uniforme

 19   qu'il portait ce soir-là ?

 20   R.  C'était celui-ci, celui de la police.

 21   Q.  Est-ce que vous pourriez nous mettre le chiffre 1 sur l'échantillon que

 22   vous avez reconnu.

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Bien. Alors je vois que vous avez vous avez coché deux fois

 25   l'échantillon en question. Il se trouve dans le coin supérieur gauche.

 26   Et j'aimerais savoir si vous reconnaissez l'uniforme qui était porté

 27   par Budimir Spasic ce soir-là, parmi les quatre échantillons ?

 28   R.  Oui.

Page 553

  1   Q.  Est-ce que vous pourriez mettre le chiffre 2 sur cet échantillon.

  2   M. NEUNER : [interprétation] Je dirais que le témoin a mis le chiffre 2 sur

  3   le coin supérieur droit des échantillons. Et je souhaiterais maintenant

  4   demander le versement au dossier de cette pièce, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00278, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Neuner, nous devons

  9   maintenant lever l'audience pour ce soir.

 10   Monsieur, nous devons lever l'audience, nous reprendrons demain matin à 9

 11   heures dans une autre salle d'audience. Les personnes qui vous aident vont

 12   s'occuper de vous d'ici demain matin et j'aimerais que vous reveniez demain

 13   matin et que vous soyez présent avant

 14   9 heures.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons maintenant lever

 17   l'audience et nous reprendrons demain à 9 heures dans le prétoire numéro I.

 18   --- L'audience est levée à 19 heures 06 et reprendra le jeudi 5 février

 19   2009, à 9 heures 00.

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