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1 Le vendredi 3 avril 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Nous remarquons que nous
6 sommes en train de prendre de plus en plus de retard par rapport à notre
7 calendrier. Je pense qu'il serait important de bien garder cela à l'esprit.
8 Il y a un grand nombre de témoins en espèce. Les moyens de preuve qui vont
9 être apportés par de nombreux témoins n'ont une pertinence que pour un ou
10 deux thèmes, et je pense qu'il faudrait que les conseils aiguisent
11 davantage leurs armes et se concentrent beaucoup plus sur la pertinence des
12 témoins, tout en apportant moins d'attention à des détails plus secondaire
13 lors de l'interrogatoire principal ou du contre-interrogatoire si nous
14 souhaitons terminer ce procès en un délai raisonnable. Je pense, par
15 exemple, à cette semaine, le témoin que nous allons entendre aujourd'hui
16 qui manifestement devra être entendu peut-être jusqu'à lundi, Puis il y a
17 également deux autres témoins qui auraient dû comparaître plus tôt que nous
18 n'avons toujours pas entendu d'ailleurs. J'encouragerais vivement les
19 conseils, qu'il s'agisse de l'Accusation et de la Défense d'ailleurs,
20 d'être conscients de ce facteur de temps lorsque les deux témoins prévus
21 pour aujourd'hui seront entendus.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je souhaiterais que vous nous donniez
26 lecture de la déclaration solennelle dont le texte vous est remis sur la
27 carte.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
2 LE TÉMOIN : SABIT KADRIU [Assermenté]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre
5 place.
6 Mme Kravetz a quelques questions à vous poser.
7 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. Bonjour Monsieur. Pourriez-vous décliner votre identité aux fins du
9 compte rendu d'audience.
10 R. Je m'appelle Sabit Kadriu.
11 Q. Monsieur Kadriu, avez-vous fourni une déclaration au bureau du
12 Procureur en 2000 ?
13 R. Oui.
14 Q. Avez-vous eu la possibilité d'examiner votre déclaration avant de
15 comparaître aujourd'hui ?
16 R. Oui.
17 Q. Lors des séances de récolement, vous avez apporté quelques corrections.
18 Je vais maintenant passer en revue la liste des corrections et je vous
19 demanderais de confirmer ces corrections. A la page 6, paragraphe 4, il est
20 indiqué à l'heure actuelle :
21 "Je dois mentionner qu'après la guerre j'ai coopéré avec la LDK, mais à la
22 suite j'ai eu quelques différences avec le conseil…"
23 Vous avez corrigé la phrase pour quelle soit tout simplement comme suit :
24 "Je dois mentionner qu'après la guerre j'ai coopéré avec la LDK…" et en
25 fait le reste de la phrase doit être supprimé puisque cette information
26 n'est pas exacte, c'est cela ?
27 R. Oui, c'est tout à fait cela.
28 Q. Page 9, la page 9 contient une liste des victimes du massacre à Galice,
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1 et vous avez en fait les noms de Sejdi Kabashi, qui avait 20 [comme
2 interprété] ans du village de Polac; Enver Kabashi, 36 ans du village de
3 Poluza. Et vous souhaitiez en fait indiquer que ces deux noms avaient été
4 omis ?
5 R. C'est exact.
6 Q. Outre ces deux corrections, êtes-vous en mesure de nous dire que les
7 informations qui figurent dans votre déclaration sont véridiques et
8 correspondent à la réalité, à votre connaissance ?
9 R. Oui, tout à fait.
10 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
11 dossier de cette pièce. Il s'agit de la pièce de la liste 65 ter 02377.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00515.
14 Mme KRAVETZ : [interprétation]
15 Q. Monsieur Kadriu, aviez-vous également témoigné précédemment devant ce
16 Tribunal dans l'affaire Milutinovic et consorts ?
17 R. Oui, tout à fait.
18 Q. Avant de venir dans le prétoire aujourd'hui, avez-vous eu la
19 possibilité d'examiner le compte rendu de votre déposition précédente, et
20 ce, avec l'aide de notre assistant linguistique ?
21 R. Oui, je l'ai vu.
22 Q. Lors de la séance de récolement, vous avez indiqué que vous souhaitiez
23 préciser un élément d'information qui fait l'objet de la page 5 073, ligne
24 16, pour l'affaire Milutinovic, cela correspond à la page 18 dans le
25 prétoire électronique. Cette phrase se lit comme suit :
26 "Simic était le commandant adjoint de la police, et Dusko Janjic --"
27 Vous avez indiqué qu'il faudrait indiquer que :
28 "Simic était le commandant adjoint de Vucina Janicevic" ?
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1 R. Oui, c'est exact. Simic était effectivement le commandant adjoint.
2 Q. Je vous remercie. Outre cette précision, si les mêmes questions vous
3 étaient posées, vous répondriez de la même façon ?
4 R. Oui, tout à fait.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
6 dossier de ce compte rendu d'audience 05093 de la liste 65 ter.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00516.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pour pouvoir procéder de façon efficace, et
10 je pense aux pièces à conviction présentées en annexe à ce compte rendu
11 d'audience, je me propose de vous donner lecture des différentes cotes 65
12 ter pour que le greffier d'audience puisse attribuer une cote si cela vous
13 convient, Messieurs les Juges.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, tout à fait.
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] Voilà la liste des pièces qui figurent à
16 l'annexe B de notre requête au titre de l'article 92 bis. La première pièce
17 est la pièce 00008 de la liste 65 ter, je souhaiterais demander son
18 versement au dossier.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera fait.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00517.
21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Deuxième pièce, 00046, je souhaiterais
22 demander son versement au dossier.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera fait.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P00519 [comme interprété].
25 Mme KRAVETZ : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]
27 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Puis nous avons la pièce 02386, je demande
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1 son versement au dossier.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cela sera versé au dossier.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00520.
4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Puis nous avons la pièce 01335, je demande
5 le versement au dossier.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00521.
8 Mme KRAVETZ : [interprétation] Puis nous avons la pièce 00477, je demande
9 son versement au dossier.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00522.
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Puis nous avons la pièce 01334, je demande
13 le versement au dossier.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00523.
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Nous avons la pièce 00487, et je demande son
17 versement au dossier.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00524.
20 Mme KRAVETZ : [interprétation] La dernière pièce est finalement la pièce
21 02393, et je demande son versement au dossier.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00525, Messieurs les
24 Juges.
25 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vous remercie.
26 Q. Monsieur, la Chambre dispose de votre déposition précédemment faite, de
27 votre déclaration écrite également. J'ai quelques questions à vous poser,
28 et j'aimerais attirer votre attention sur la page 21 de votre déclaration.
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1 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je souhaiterais que l'on fournisse au témoin
2 un exemplaire papier de sa déclaration. Il s'agit en fait de la page 20
3 pour la version albanaise.
4 Q. Vous décrivez dans votre déclaration des événements qui se sont
5 déroulés dans la municipalité de Vucitrn le 2 mai, et sur cette page vous
6 avez énuméré la liste de plus d'une centaine de victimes qui ont péri lors
7 du massacre du convoi qui s'est déroulé le 2 mai. J'aimerais que vous
8 expliquiez aux Juges de la Chambre comment vous avez compilé les noms qui
9 figurent dans cette déclaration de la page 21 à la page 24.
10 R. Cela ne fut pas un problème pour compiler les noms parce qu'il ne faut
11 pas oublier que je faisais partie de ce convoi le 2 mai, mais le fait est
12 que la nuit où ce crime effroyable a été commis, nous parlons de plus d'une
13 centaine de personnes qui ont été tuées, je ne connaissais pas le nombre
14 exact des personnes mortes. Après ma libération de la prison et avec
15 l'entrée des forces de l'OTAN au Kosova, les conditions ont commencé à être
16 propices pour que nous puissions mener à bien une enquête à propos de cet
17 événement. J'avais entendu tout simplement dire qu'il y avait une
18 soixantaine de personnes qui avaient été tuées, et ce, à la suite d'une
19 conversation entre les policiers, mais après la guerre nous nous sommes
20 rendu compte que plus d'une centaine de personnes avaient été exécutées
21 dans un laps de temps très court. C'est la raison pour laquelle j'ai
22 travaillé sur cette affaire.
23 J'ai commencé à mener à bien une enquête en interrogeant les familles et je
24 faisais partie d'ailleurs de la commission qui avait été créée. Il
25 s'agissait d'une commission chargée de l'enquête à propos des crimes commis
26 par les Serbes, et c'est une commission qui a été créée après la guerre,
27 j'en étais le président. Puisque je faisais partie du convoi, je pensais
28 que mon devoir était de faire en sorte que cela soit élucidé jusqu'au bout.
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1 Il faut savoir qu'à cet endroit maintenant il y a un monument qui a été
2 érigé et nous avons en fait toutes les tombes des personnes exécutées
3 pendant la nuit du 2 mai.
4 Q. Monsieur Kadriu, vous venez de faire référence à une enquête à propos
5 de cet événement. Lorsque vous avez mené à bien cette enquête, est-ce que
6 vous avez interrogé les témoins du convoi, les personnes qui étaient
7 présentes pendant ces meurtres et assassinats ?
8 R. Oui, oui. Nous nous sommes organisés en tant que groupe de cette
9 commission, et nous sommes allés obtenir des éléments de preuve auprès des
10 membres des familles des personnes qui avaient été tuées cette nuit-là, je
11 pense aux membres des familles qui avaient réussi à revenir après la
12 guerre, à revenir de l'Albanie et du Monténégro au Kosova.
13 Nous avons créé un dossier spécial, nous avons dessiné un croquis de
14 l'itinéraire suivi par le convoi à partir de Sllakovc, Studime e Eperme, en
15 passant par Studime e Poshteme, puis jusqu'à Vushtrri, qui était la
16 destination finale d'ailleurs. Nous avons remis ces éléments de preuve qui
17 montraient par le menu le déplacement du convoi le 2 mai.
18 Q. Vous dites que vous avez créé un dossier spécial. Avez-vous eu la
19 possibilité de consulter ce dossier lorsque vous nous avez fourni cette
20 liste qui figure dans votre déclaration, est-ce que vous l'avez remis à nos
21 enquêteurs, ce dossier ?
22 R. Oui, bien sûr. Il fallait que nous soyons très prudents lors de la mise
23 au point de cette liste, parce que si une seule personne n'avait pas été
24 incluse dans notre liste, cela aurait été un synonyme d'échec. C'est la
25 raison pour laquelle nous avons fait de notre mieux, nous avons pris notre
26 temps pour établir cette liste. Même si nous avons eu moult difficultés
27 lors de notre travail, puisqu'il ne faut pas oublier qu'après la guerre
28 nous ne disposions pas de tout le matériel nécessaire, nous avons toutefois
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1 réussi à préparer le dossier et interroger les membres des familles des
2 personnes décédées.
3 Q. Vous nous avez dit un peu plus tôt que vous-même vous étiez membre du
4 convoi. J'aimerais que vous jetiez un coup d'œil sur cette liste afin de me
5 dire si vous reconnaissez le nom de personnes que vous auriez vues dans ce
6 convoi ce soir-là.
7 R. Mais j'en connais beaucoup. Il y en avait que je ne connaissais que de
8 vue bien sûr, mais il y en a dont je connaissais le nom et prénom parce
9 que, vous savez, très souvent vous connaissez quelqu'un de vue, mais vous
10 ne connaissez pas son nom, son prénom. Par exemple, la famille Gerxhaliu,
11 moi je connais Kadri Gerxhaliu, son frère était là, il a été exécuté; je
12 connaissais Shaban Gerxhaliu. J'en connaissais également d'autres, Musa
13 Abazi, par exemple, un professeur, je travaillais avec lui à l'école
14 secondaire de Vushtrri; puis il y a d'autres noms que je reconnais, je les
15 ai vus cette nuit-là avant que ce crime ne soit commis.
16 Q. Vous nous avez dit que vous connaissiez Kadri Gerxhaliu et son frère.
17 Est-ce que vous vous souvenez du prénom du frère de Kadri Gerxhaliu ?
18 R. Ecoutez, juste au pied levé je ne m'en souviens pas. Mais je sais que
19 c'était un étudiant en médecine. Il a été exécuté avec son frère. Et il y
20 avait Shaban, l'oncle de Kadriu, qui a également été exécuté avec son fils;
21 et puis il y avait également Enver Prronaj, je le connaissais, nous avions
22 des liens de famille. Je l'ai vu avec sa famille dans le convoi avant que
23 le crime ne soit commis. Il était présent dans le convoi avec son frère. Je
24 ne connais pas d'ailleurs le nom de son frère, mais son nom à lui, je le
25 connais. Il s'appelle Enver, Enver Prronaj.
26 Et puis il y a certains avec qui j'ai parlé, juste avant que le crime ne
27 soit commis, parce qu'ils conduisaient leurs tracteurs. Moi, j'étais tout
28 seul. Je marchais et, bien sûr, je marchais lentement, mais c'est ainsi que
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1 le long du convoi j'ai rencontré beaucoup de personnes, étant donné que
2 j'étais seul. Moi, je n'avais pas de famille à mes côtés, et je n'avais pas
3 à conduire ni tracteur, ni voiture d'ailleurs; donc oui, j'ai salué les
4 gens ici et là. Et puis j'ai vu d'autres personnes dont je ne connaissais
5 pas forcément les noms mais que je connaissais de vue, par exemple, Haki
6 Gerxhaliu, par exemple, et d'autres. Il y avait Skender également. Il y a
7 d'autres personnes que je connaissais également. Il y a des personnes dont
8 je vous ai déjà dit, je ne les connaissais que de vue, mais je ne
9 connaissais pas leurs noms.
10 Q. Monsieur Kadriu, vous avez cette liste. Alors, consultez cette liste,
11 je vous prie, et indiquez-nous s'il y a des personnes dont les noms
12 figurent sur cette liste que vous vous souvenez avoir vu dans le convoi
13 juste avant le massacre. Vous venez de nous donner les noms de certains des
14 membres de la famille Gerxhaliu.
15 R. Musa Abazi, je le connaissais très bien, par exemple. Moi, je
16 travaillais avec Musa. Nous étions collègues. Nous étions collègues à
17 l'école secondaire de Vushtrri.
18 Et puis il y a également, comme je vous l'ai déjà dit, Skender Gerxhaliu.
19 Moi, je le connaissais également. Il faisait partie de la famille
20 Gerxhaliu. Kadri Gerxhaliu, je le connaissais. Shaban Gerxhaliu, je le
21 connaissais. Haki Gerxhaliu également, qui était le frère de Skender
22 d'ailleurs. Bajram Muliqi, je le connaissais également. Je connaissais la
23 famille Prronaj. Je connaissais Enver Prronaj, ainsi que sa famille. Je ne
24 connais pas les noms des autres membres de sa famille, à l'exception de son
25 épouse, qui était la belle-sœur de ma sœur. Donc, ma sœur était mariée à un
26 membre de cette famille. Donc, je connaissais sa belle-famille. Et je les
27 ai vus aussi sur leurs tracteurs. Voilà quelques noms dont je me souviens.
28 Il y en a beaucoup d'autres que je connaissais de vue, sans forcément
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1 connaître leurs prénoms ou leurs noms. Nous nous saluons tout simplement
2 lorsque nous nous voyons.
3 Q. Et pour que tout soit bien clair, et je pense à vos réponses, les noms
4 que vous avez mentionnés aujourd'hui sont des noms de personnes que vous
5 avez vous-même vues dans le convoi lorsque vous vous déplaciez avec ledit
6 convoi, c'est cela ?
7 R. Oui, et pas seulement ça, mais j'ai vu, comme je l'ai déjà dit, des
8 milliers de personnes, mais ces personnes faisaient partie du convoi avec
9 leurs familles. Ils étaient avec leurs tracteurs. Ils étaient avec leurs
10 tracteurs, avec leurs épouses et leurs enfants. Comme je vous l'ai déjà
11 dit, je m'arrêtais, je leur parlais, je parlais surtout à ceux que je
12 connaissais. J'en ai rencontré d'autres également, mais voilà maintenant
13 les noms dont je me souviens, puisque j'avais des liens de famille avec ces
14 personnes.
15 Q. Alors, j'aimerais que nous prenions un certain recul par rapport à cet
16 événement, puisque vous en parlez de façon assez détaillée dans votre
17 déclaration écrite, mais j'aimerais vous poser quelques questions à propos
18 d'un autre incident séparé, incident auquel vous faites référence
19 d'ailleurs dans votre déclaration. A la page 24 de votre déclaration, vous
20 faites référence à un événement qui s'est déroulé le 22 mai 1999. Il s'agit
21 de meurtres qui ont été commis, et vous avez fourni la liste des victimes
22 de cet incident. Alors, est-ce que vous avez vous-même mené à bien
23 l'enquête à propos de cet incident ?
24 R. Oui, il s'agit également d'un incident à propos duquel nous avons, nous
25 membres de la commission, mené à bien une enquête. Je pense donc aux
26 membres de la commission chargée de l'enquête sur les crimes commis au
27 Kosova. Et permettez-moi de demander ou de dire à la Chambre de première
28 instance que le 22 mai, très tôt le matin après qu'une grande partie, une
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1 grande zone de la ville de Vushtrri a été assiégée, il faut savoir que les
2 forces militaires étaient arrivées par l'est, les forces de police étaient
3 arrivées par l'ouest, les forces de police qui étaient renflouées de
4 volontaires, et il y avait d'autres groupes qui étaient venus leur prêter
5 main-forte, il y a avait d'autres groupes qui venaient de la Serbie. Il
6 s'agit de groupes de paramilitaires, de groupes de police, de groupes de la
7 police qui avaient expulsé les familles de leurs foyers.
8 Le 22 mai, ils étaient en train de les diriger vers le cimetière de la
9 ville, et ils séparaient certains membres des familles du convoi, parce
10 qu'ils devaient passer par un groupe de policiers qui formaient en quelque
11 sorte un périmètre de sécurité. Ces policiers et ces paramilitaires avaient
12 également leurs véhicules blindés. Certains portaient des cagoules. Ils les
13 ont séparés, comme je l'ai dit. Alors, ils ont séparé certains d'entre eux,
14 ils leur ont demandé d'entrer dans une maison. Et alors que ces personnes
15 entraient dans ces maisons, ils ont exécuté 74 personnes en un laps de
16 temps très, très court. Et pendant ce temps, simultanément, on continuait à
17 rassembler les gens près de ce cimetière, et ils ont mis le feu aux maisons
18 qui ont brûlé. Cette route, qui d'ailleurs maintenant est appelée la route
19 du 22 mai, sur cette route 74 personnes ont été tuées. Lorsque je suis venu
20 témoigner dans l'affaire Milosevic, ces personnes étaient considérées comme
21 des personnes portées disparues.
22 Q. Oui, mais je vais vous interrompre --
23 R. Non, moi je voulais tout simplement fournir une explication parce que
24 j'ai une obligation et une responsabilité morale vis-à-vis de leurs
25 familles, parce que ces personnes qui ont été exécutées le 22 mai, la
26 plupart de ces personnes sont revenues, mais il y en a qui sont encore
27 portées disparues. Je pense que le moment est venu d'attirer l'attention de
28 cette Chambre de première instance sur le sort et la destinée de ces
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1 personnes, de ces personnes qui sont encore considérées comme portées
2 disparues. Mais quand elles ont été exécutées le 22 mai --
3 Q. Ecoutez, je vais vous interrompre, Monsieur Kadriu. Je voulais juste
4 savoir si vous disposez d'éléments d'information sur le sort de ces
5 personnes ou des victimes qui ont été tuées le 22 mai.
6 R. C'est à cela que je voulais en venir, car il faut savoir que le sort de
7 ces victimes a été absolument tragique. Elles ont toutes été exécutées. Ces
8 74 personnes ont été toutes exécutées, à la suite de quoi leurs corps ont
9 été placés dans des camions. Ils ont probablement été transportés vers le
10 charnier de Batajnica qui se trouve à 300 kilomètres de notre ville.
11 Batajnica, c'est un polygone de tir, un champ de tir pour les forces
12 spéciales serbes. L'accusé, qui est présent dans ce prétoire, est plus que
13 quiconque responsable du sort de ces personnes. Il devrait nous dire
14 comment se fait-il que ces 74 personnes ont été transportées de Vushtrri et
15 conduites vers cette base militaire qui était une base militaire pour les
16 forces spéciales à Belgrade. Je m'excuse, mais je tenais à dire ceci.
17 Q. Comment est-ce que vous savez que les corps de ces personnes ont été
18 trouvés à Batajnica ?
19 R. Je le sais parce qu'après 2002 les représentants de ce Tribunal ont
20 exhumé les cadavres de ce charnier, de cette fosse commune de Batajnica. Je
21 dirais que 70 % des cadavres ont été rendus à leurs familles, enfin les
22 dépouilles ont été rendues à leurs familles. Donc moi, j'étais présent à
23 l'inhumation de ces personnes dont la vie s'est terminée de façon si
24 tragique dans la fosse commune de Batajnica près de Belgrade.
25 Q. Je vous remercie, Monsieur Kadriu.
26 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'ai plus de question à poser à ce
27 témoin. Je dois vous avouer que je viens maintenant de me rendre compte que
28 j'ai omis de donner lecture du résumé relatif à ce témoin pour la
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1 déposition. Je vais le faire maintenant.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je vous en prie.
3 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vais maintenant vous donner lecture de ce
4 résumé de votre déclaration, Monsieur.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas entendu l'interprétation.
6 Mme KRAVETZ : [interprétation] Le témoin était président du Conseil des
7 droits de l'homme dans la municipalité de Vucitrn. Il décrit la situation
8 dans sa municipalité durant l'offensive serbe en été 1998 et il décrit
9 l'avancée des forces serbes à la fin du mois de février 1999.
10 Le 27 mars 1999, le témoin a pu observer les forces serbes à Vucitrn qui
11 portaient différents uniformes de camouflage. Ces forces incendiaient des
12 maisons privées et ont détruit la mosquée au centre de Vucitrn. Après cette
13 attaque dans la municipalité Vucitrn, la population civile a été déplacée
14 dans la direction du sud-ouest de Vucitrn.
15 Le témoin a parlé du massacre du convoi qui a eu lieu sur la route Gornja
16 Sudimlja le 2 mai 1999. Donc, il était l'un des réfugiés dans cette
17 colonne. Il estime que 30 000 réfugiés étaient dans la colonne. Il décrit
18 que lors de l'attaque des forces serbes contre la colonne, il y avait des
19 victimes et il fournit les noms de ces victimes. Après le massacre, les
20 forces serbes ont ordonné aux réfugiés qui étaient restés sur place de
21 continuer en direction de Vucitrn. Les forces serbes ont amené un groupe de
22 personnes qui était composé de plus de 1 000 réfugiés par Donja Sudimlja
23 jusqu'à une coopérative agricole qui se trouve à l'extérieur de Vucitrn.
24 Ces réfugiés sont restés dans l'enceinte de la coopération agricole pendant
25 la nuit.
26 Le 3 mai 1999, la police serbe a séparé les Albanais du Kosovo, les hommes,
27 des femmes, des enfants et des personnes âgées, et ont ordonné à des hommes
28 de monter à bord des camions. Ils les ont donc amenés à Smrekovnica dans la
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1 prison qui se trouve sur le territoire de la municipalité de Vucitrn. Le
2 témoin a été parmi les hommes qui étaient emprisonnés là-bas. Il a décrit
3 les conditions inhumaines de leur détention. Le 23 mai 1999, les détenus
4 ont été relâchés et leurs papiers d'identité ont été pris avant de passer
5 la frontière avec l'Albanie à Zhur.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.
7 Monsieur Kadriu, je pense qu'il faut expliquer notre procédure parce que
8 nous avons reçu une explication très longue de plusieurs choses que vous
9 avez vécues et nous pouvons comprendre que vous avez reçu ce matin la
10 déclaration entière faite en 2000 ainsi que le compte rendu de votre
11 déposition que vous avez déjà fait devant ce Tribunal dans l'affaire
12 Milutinovic. Donc la Chambre a tous ces documents. Et ce que vous avez
13 voulu dire, vous avez déjà dit cela avant ainsi que dans votre déclaration
14 et dans votre déposition dans l'affaire Milutinovic. Pour éviter que tout
15 cela soit réitéré - et cela n'est pas nécessaire - nous utilisons donc
16 votre déclaration ainsi que le compte rendu de votre déposition antérieure.
17 Nous avons déjà tout cela; donc vous voulez les redire encore une fois. Il
18 ne faut que vous pensiez que nous négligeons cela, nous avons tout cela.
19 La Défense commencera à vous poser des questions dans cette affaire parce
20 qu'il y a des questions qui sont importantes pour cette affaire et qui
21 n'étaient pas peut-être abordées pendant votre déposition antérieure, et
22 cela sera posé comme question par rapport à votre déclaration. Tout cela
23 sera pris en considération et j'ai pensé qu'il était nécessaire d'expliquer
24 tout cela pour que vous compreniez tout cela. Merci.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le conseil de
26 la Défense commence à me poser des questions, il est vrai que ce que vous
27 venez de dire, j'ai fait ma déclaration avant, mais les choses ont changé
28 depuis. Voilà la vérité, lorsque j'ai témoigné dans l'affaire Milosevic,
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1 nous ne savions rien pour ce qui est du destin de ces 74 personnes. Et au
2 fur et à mesure, il y avait plus de lumière qui a été jetée sur beaucoup de
3 choses par rapport au destin de ces 74 personnes.
4 Et comme le temps passait, nous étions en mesure de voir ce qui s'était
5 passé réellement dans notre ville pour ce qui est de ce crime terrible.
6 Donc, s'il vous plaît, il faut que vous compreniez que quand j'avance
7 quelque chose ou quand je demande quelque chose, je fais cela au nom des
8 membres de ces familles.
9 A Prishtina il y a quelques jours, il y avait des manifestations organisées
10 par les membres des familles et des personnes disparues parce qu'à peu près
11 1 784 personnes sont toujours considérées comme disparues. Et pour moi
12 c'est une bonne occasion, la meilleure pour demander au Tribunal de faire
13 des efforts pour essayer de connaître le destin de ces personnes disparues.
14 Parce que les membres des familles de ces personnes disparues vont
15 probablement demander pour ce qui est du destin de leurs membres de leurs
16 familles, lorsque je rentre au Kosova. Et c'est pour cela que j'ai pensé
17 que c'est une bonne occasion pour que je présente cette demande, demande
18 adressée à l'accusé pour qu'il nous dise où se trouvent ces charniers pour
19 que les membres des familles des personnes disparues puissent donc être
20 informés pour ce qui est du destin des dépouilles de leurs proches. Et cela
21 faciliterait la tâche de cette Chambre de première instance parce que comme
22 cela, la Chambre serait plus en mesure de comprendre mieux ce qui s'est
23 passé au Kosova en 1998 et 1999. Et je pense que l'accusé également serait
24 soulagé s'il nous dit où se trouvent les charniers avec les dépouilles de
25 nos parents, de nos frères et de nos sœurs, et cetera.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il vous plaît, comprenez que vous
27 n'êtes pas le seul témoin ici, il y a d'autres témoins qui parlent des
28 événements importants. Nous allons continuer à entendre d'autres témoins
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1 pour ce qui est des cadavres qui ont été retrouvés, donc les dépouilles des
2 personnes ainsi que pour ce qui est des cadavres qui n'ont pas été
3 retrouvés jusqu'ici. Donc on ne parle pas de cela seulement aujourd'hui.
4 Pendant cette affaire, et cette affaire durera à peu près un an, on aura
5 120 témoins de l'Accusation par exemple. Et il faut que vous compreniez que
6 nous réunissons toutes les informations, un grand nombre d'informations, et
7 après nous allons tirer des conclusions.
8 Donc, s'il vous plaît, il ne faut pas que vous pensiez que nous ne
9 pensons pas à des préoccupations de ces gens, mais il faut que vous
10 compreniez que nous devons vraiment entendre beaucoup de témoignages de
11 façon efficace parce que nous devons avoir une image complète de ce nous
12 essayons de comprendre aujourd'hui. Merci.
13 Maître Djordjevic, vous avez la parole.
14 Contre-interrogatoire par M. Djordjevic :
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
16 R. Bonjour, Maître Djordjevic.
17 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vais être bref. Je demanderai au témoin
18 de répondre aux questions. On lui a posé des questions pour ce qui est des
19 faits et non pas pour ce qui est de ce qu'il en pense et le témoin ne peut
20 pas demander à l'accusé qu'il lui dise quel était le destin des victimes et
21 de dire où se trouvent les charniers. Puisqu'il s'agit d'un intellectuel du
22 Kosovo, de l'homme qui a été président du Comité des droits de l'homme,
23 selon sa biographie qui nous a été fournie, j'aimerais que le témoin
24 respecte tous ces principes qui sont les principes sacrés. Maintenant, je
25 vais commencer à poser des questions.
26 Q. Monsieur Kadriu, je vais vous poser des questions seulement pour ce qui
27 des faits qui sont pertinents pour cette affaire, et non seulement pour la
28 Défense --
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1 R. Je ne portais préjudice à qui que ce soit. J'ai tout simplement
2 présenté des faits, et le nombre que j'ai fourni est un nombre exact de
3 personnes disparues. Je suis un témoin qualifié et qui a certaines
4 compétences, et je peux dire en assumant toute la responsabilité que cet
5 accusé était responsable pour le transport des cadavres et pour leur
6 enterrement dans le charnier --
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il faut que je vous arrête là. On vous
8 a permis de parler avec beaucoup de liberté sans que les questions ne vous
9 soient posées. Maintenant nous avons besoin de procéder de façon efficace
10 pour ce qui est de votre témoignage. S'il vous plaît, écoutez bien les
11 questions et répondez-y, cela va nous permettre d'arriver à des conclusions
12 à la fin de cette affaire. Merci.
13 Et vous, Maître Djordjevic, la Chambre doit voir à qui incombe la charge de
14 preuves, et ce n'est pas à vous ni au témoin de se pencher là-dessus. Vous
15 pouvez poser vos questions.
16 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci.
17 Q. Monsieur Kadriu, vous étiez président du Conseil chargé des droits de
18 l'homme. En tant que président de ce conseil, pouvez-vous me dire où se
19 trouvait le siège de ce comité ?
20 R. C'est vrai. J'étais à la tête du Conseil des droits de l'homme à
21 Vushtrri. J'ai été président d'une branche de ce comité à Vushtrri. Il y
22 avait une hiérarchie selon laquelle le bureau principal se trouvait à
23 Prishtina et toutes les villes avaient une sorte de filiale. J'étais
24 président du Conseil des droits de l'homme pour le territoire de la
25 municipalité de Vushtrri.
26 Q. Merci, Monsieur Kadriu. En tant que président du Conseil des droits de
27 l'homme pour la municipalité de Vucitrn, dites-nous quels étaient les
28 objectifs du fonctionnement de cette organisation non gouvernementale,
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1 parce que je suppose qu'il s'agissait d'une organisation non
2 gouvernementale ?
3 R. Il est vrai qu'il s'agissait d'une organisation non gouvernementale. Le
4 Comité des droits de l'homme a été créé parce que les circonstances l'ont
5 exigé, une fois l'autonomie du Kosova révoquée, il y avait des violations
6 des droits de l'homme, surtout des Albanais au Kosova, cela a continué.
7 Etant donné tout cela, il était nécessaire de former ce comité dans la
8 capitale et dans d'autres villes. Notre devoir principal était de faire les
9 enquêtes portant sur les violations des droits des citoyens sur le
10 territoire de la municipalité de Vushtrri.
11 Q. Dites-moi qui a fondé plutôt ce Comité des droits de l'homme au Kosovo,
12 qui est son fondateur ?
13 R. Dans les années 1990 le Comité des droits de l'homme a été formé à
14 Prishtina, au Kosova, et ça a été formé par un groupe d'intellectuels,
15 Idriz Ajeti, Pajazit Nushi, et Adem Demaqi, après qu'il a été relâché de la
16 prison, il a joint ce Conseil des droits de l'homme, et par la suite il a
17 été nommé le président de ce conseil. Comme vous savez, Adem Demaqi a été
18 condamné à une peine d'emprisonnement de 28 ans parce qu'il était actif
19 dans le domaine de la protection des droits de l'homme au Kosova.
20 Q. Vous avez dit que ce conseil a été fondé parce que les droits des
21 citoyens du Kosovo ont été menacés. Ai-je raison de dire que vous avez fait
22 référence seulement aux citoyens qui appartenaient au groupe ethnique
23 albanais au Kosovo ?
24 R. C'est vrai. En 1989, l'autonomie des citoyens du Kosova a été réduite.
25 La plupart des citoyens au Kosova étaient Albanais,
26 95 %; les autres étaient Serbes, et ils avaient tous les droits, même les
27 droits plus importants que les citoyens des pays démocratiques en Europe.
28 Pourtant, les Albanais n'avaient pas le droit à l'éducation, nos écoles
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1 n'étaient plus disponibles pour nous, il n'y avait pas d'emplois pour les
2 Albanais, les Albanais étaient licenciés dans des usines qui ont été
3 fondées par eux-mêmes, ensuite ils n'avaient plus le droit à bénéficier de
4 sécurité sociale ainsi que d'autres droits. L'autonomie a été révoquée
5 cette année-là en 1974. Les mères albanaises ne pouvaient plus aller dans
6 des hôpitaux pour accoucher. Nous ne pouvions même plus organiser des
7 enterrements comme il fallait.
8 Q. Pour ce qui est des violations des droits de l'homme des citoyens
9 serbes et d'autres citoyens au Kosovo, dites-nous quelque chose là-dessus,
10 de ces violations de leurs droits, des infractions concernant leur
11 réputation, leur honneur ainsi que leur propriétés ? Avez-vous des
12 connaissances là-dessus ? Avez-vous protégé les droits de ces citoyens
13 aussi ?
14 R. Bien sûr, nous avons protégé les droits de toutes les personnes dont
15 les droits étaient menacés par le gouvernement. Si les organes du
16 gouvernement ou d'autres organes ont commis des violations des droits de
17 l'homme pour ce qui est de citoyens, nous menions des enquêtes dans de tels
18 cas et, bien sûr, si le citoyen en question voulait qu'une enquête soit
19 menée --
20 Q. En tant que président de ce conseil, avez-vous fait un rapport
21 contenant un prénom ou un nom de famille serbe, rom ou turc ? Avez-vous
22 fait des rapports pour ce qui est des violations des droits de l'homme et
23 qu'il ne s'agissait pas des Albanais ?
24 R. Si les organes du gouvernement, de la police, de l'administration
25 commettent une violation des droits du citoyen dépendant de leur
26 appartenance ethnique, nous faisions une enquête. Par exemple, un Serbe a
27 été tué --
28 Q. Répondez à ma question. Avez-vous rédigé un tel rapport, oui ou non ?
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1 R. Vous avez posé votre question, et je pense que vous devriez attendre
2 que je finisse ma réponse. Je vais vous fournir ma réponse, réponse pour
3 laquelle je pense que je devrais vous fournir et non pas réponse que vous
4 voudriez entendre de ma bouche. Voilà ce que j'ai dit : si les organes du
5 gouvernement, de la législation, de la police ou les organes judiciaires
6 commettaient des violations des droits de citoyens, nous procédions à des
7 enquêtes dans de tels cas; mais, comme je l'ai déjà dit, les droits des
8 Serbes n'étaient pas menacés, à l'exception d'un cas où un Serbe a été tué.
9 Maintenant, vous me regardez comme si je n'avais pas répondu à votre
10 question.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que votre réponse à la question
12 du conseil est non ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il y avait de tels cas, oui, nous procédions
14 à la rédaction des rapports, mais il s'agissait du gouvernement serbe, et
15 ce gouvernement ne commettait pas des violations des droits des Serbes. Ils
16 faisaient tout pour ces 5 ou 6 % de la population, la population serbe.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
18 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
19 Q. Vous avez dit que vous avez protégé leurs droits s'ils avaient été
20 menacés, est-ce que les droits des citoyens d'appartenance ethnique turque
21 à Vucitrn avaient été violés ? Je peux en conclure qu'il n'y avait pas de
22 violations de leurs droits ? Ai-je raison pour dire cela ?
23 R. Oui, il y avait de tels cas. J'ai mentionné un cas, et il y avait
24 d'autres cas.
25 Q. Voilà ma question suivante : en tant que président du Conseil des
26 droits de l'homme, je suppose que vous connaissez toutes les conventions
27 relatives à la protection des droits de l'homme. Ai-je raison pour dire
28 cela pour ce qui est des conventions internationales relatives à la
Page 3191
1 protection des droits de l'homme ?
2 R. Vous avez raison. Les conventions de Genève, je les ai lues. Je ne suis
3 pas juriste, mais vu les circonstances qui régnaient à l'époque, je les ai
4 lues attentivement, toutes les conventions de Genève de 1949.
5 Q. Avez-vous compris qu'il y a d'autres formes de violations des droits de
6 l'homme, non seulement les violations de la part des organes du
7 gouvernement ?
8 R. C'est vrai, mais dans le cadre de notre travail, nous procédions à des
9 enquêtes, de cas de violence et de répression dans les organes du
10 gouvernement, de la police, de l'armée, et cetera. Ce que vous venez de
11 dire, c'est vrai. Il y avait de tels cas également, et nous les notions.
12 Q. C'est pour cela que j'ai posé cette question. Est-ce que vous étiez
13 également -- de poser des questions qui figurent dans les documents versés
14 au dossier, avez-vous enregistré les propriétés serbes endommagées, des cas
15 de violations graves des droits de l'homme commises avant 1998 ou 1997 ?
16 Vous avez dit que votre organisation a été fondée dans les années 1990, si
17 je ne m'abuse.
18 R. Monsieur, qui aurait pu détruire les biens serbes, alors que tout était
19 entre les mains des Serbes ? Qui aurait osé violer les droits des Serbes
20 alors que les Albanais ne pouvaient même pas vivre dans leurs propres
21 maisons de façon libre ? Il n'y avait pas de tels cas. Les organes du
22 gouvernement serbe ne nous permettaient pas de vivre dans notre propre
23 maison en paix. S'ils avaient fait cela, si nous avions été libres
24 d'exercer nos droits, il n'y aurait pas eu de guerre, ni d'UCK.
25 Q. Vous dites 95 % des Albanais et 5 % des Serbes. D'où tenez-vous ces
26 chiffres ? Etes-vous au courant d'un recensement dont je ne suis pas au
27 courant peut-être ?
28 R. Je fais référence à des données statistiques du recensement de la
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1 population mené par le gouvernement yougoslave en 1981. Il n'y avait pas de
2 recensement après cette année au Kosova. Ces chiffres sont approximatifs,
3 il y avait des modifications mineures, je dirais de zéro virgule quelque
4 pourcent, mais il s'agit de la structure de la population, Monsieur le
5 Conseil de la Défense. On ne peut changer cela en rien.
6 Q. Merci. Pour ce qui est du recensement dernier au Kosovo-Metohija, il
7 n'y a pas de cette proportion 95 % et 5 %, mais en tout cas il y avait plus
8 de population albanaise, et c'est pour cela que je vous ai posé la question
9 concernant les violations des droits de l'homme des Serbes au Kosovo.
10 Puisque vous avez répondu que les droits de l'homme ne pouvaient pas être
11 menacés ni violés, je vais vous poser une question --
12 R. Les Albanais étaient en majorité absolue, mais nous n'avions pas le
13 pouvoir. Le gouvernement n'était pas le nôtre. En tant que peuple, nous
14 étions en majorité, mais le gouvernement était serbe ou yougoslave après
15 1989. Donc, 95 % de la population était gouverné par 5 % de la population
16 au Kosova.
17 Q. Je ne vais pas poser des questions pour ce qui est objectifs politiques
18 de l'UCK. Je vais vous poser des questions concernant les objectifs
19 politiques des Albanais, à savoir de ceux qui étaient l'élite
20 intellectuelle du peuple au Kosovo. Répondez-moi ce qu'étaient les
21 objectifs politiques de l'élite intellectuelle des Albanais ? Vous en avez
22 parlé dans votre déclaration, mais là je vous pose donc une question
23 concrète là-dessus.
24 R. Monsieur le Conseil de la Défense, pouvez-vous être plus précis. A
25 quelle période avez-vous fait référence, pour que je puisse vous donner une
26 réponse plus détaillée ?
27 Q. Je parle de la période qui pour vous, comme vous l'avez dit, était
28 décisive pendant la période où l'autonomie des citoyens au Kosovo, à savoir
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1 des Albanais, a été annulée, et lorsque la constitution de la Serbie et de
2 la République fédérale de Yougoslavie a été modifiée, selon laquelle
3 l'autonomie du Kosovo a été annulée. Il y avait des protestations. Je vous
4 demande quels étaient les objectifs des Albanais dans la situation qui
5 prévalait à l'époque. Je ne vais pas poser des questions pour savoir qui a
6 participé à ces protestations pour savoir s'il s'agit d'étudiants ou pas.
7 R. Pour survivre, pour survivre. Après la révocation de l'autonomie du
8 Kosova en 1989, notre survie était en danger, la survie même. Nous étions
9 licenciés des institutions, expulsés des écoles, des crèches. Nous ne
10 vivions pas dans des conditions normales. Je pense qu'il s'agissait du
11 crime contre l'humanité, du génocide.
12 Q. Ecoutez-moi bien. Quels étaient les objectifs politiques des Albanais ?
13 Pouvez vous répondre à cette question, s'il vous plaît.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin a répondu à cette question
15 d'une façon générale, mais votre question est aussi une question
16 extrêmement générale, et je pense qu'il serait peut-être naïf de dire que
17 tous les Albanais ou que toute l'élite intellectuelle albanaise avait un
18 objectif politique unique. Maintenant, Maître Djordjevic, nous voudrions
19 vous dire la chose suivante. Même s'il est important de mener des débats
20 pour des raisons diverses, pour ce qui est du contexte politique général et
21 des circonstances générales qui régnaient à l'époque, la Chambre de
22 première instance ne veut avoir des connaissances que sur des événements
23 concrets en 1999, et non pas pour ce qui est des événements qui se sont
24 passés dans les années qui précédaient cette époque.
25 Bien sûr, vous pouvez poser des questions pour ce qui est du
26 contexte, mais le nombre de ces questions est limité et, s'il vous plaît,
27 concentrez-vous sur les questions qui nous préoccupent ici. Il faut que
28 vous ayez cela à l'esprit, il faut que vos questions soient très
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1 spécifiques et non pas générales, et on peut espérer que les réponses
2 seraient spécifiques et concrètes.
3 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
4 Q. Est-ce que j'ai raison pour dire que l'objectif des Albanais ou leur
5 demande principale était que le Kosovo devienne une République ?
6 R. C'est vrai. C'était la demande qui était la nôtre depuis 1981, je suis
7 d'accord avec vous pour dire cela.
8 Q. Est-il vrai que le rêve de tous les Albanais était de vivre dans un
9 pays unique, dans un état unique ?
10 R. Nous avons toujours ce rêve aujourd'hui, car nous avons été injustement
11 séparés en 1913. C'est comme si on avait coupé un membre à quelqu'un; et si
12 on vous coupe un membre, vous vous sentiriez handicapé, estropié. Notre
13 peuple a ressenti cela, il a été divisé en deux états, et c'était là
14 quelque chose d'injuste.
15 Q. Est-ce que la raison de la fondation de l'UCK réside précisément dans
16 la volonté de réaliser ce but et ce rêve et cela est la raison du début des
17 affrontements armés avec les forces serbes au Kosovo ?
18 R. Non. En 1981, il n'y avait pas l'UCK. Il n'y avait que des ouvriers,
19 des jeunes, des étudiants qui voulaient une République du Kosova. Ensuite
20 entre 1981 et le moment de la création de l'UCK, de nombreuses années ont
21 passé --
22 Q. [aucune interprétation]
23 R. Et je vous ai répondu. C'était les forces yougoslaves, les forces de
24 police de Vlastimir Djordjevic, et les forces du général Pavkovic qui ont
25 contribué à créer l'UCK. C'est en raison de cette violence que les gens se
26 sont organisés afin de pouvoir se défendre. Et si vous vous étiez trouvé
27 dans la même situation, vous auriez agi de même.
28 Q. Merci pour cette réponse. Ma question suivante : puisque vous étiez sur
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1 le territoire de Vucitrn, est-ce que vous pouvez estimer quelle était la
2 part du territoire qui était sous le contrôle de l'UCK et celle qui était
3 sous le contrôle des forces serbes ?
4 R. A vrai dire, il est difficile pour moi de m'exprimer en terme de
5 pourcentage, car les forces de l'UCK ne disposaient pas d'un territoire
6 permanent, si on peut dire. Ils se sont trouvés sur des parties de
7 territoires sur lesquelles ils menaient une guérilla et on ne pouvait pas
8 parler de contrôle permanent d'un territoire. Je ne peux pas vous donner de
9 pourcentage. Ils tenaient une partie du territoire pendant un certain temps
10 puis ensuite ils ont abandonné ces parties de territoire pour en contrôler
11 d'autres. C'était des forces qui menaient une guérilla, ils ne pouvaient
12 pas se permettre de mener une guerre de front, car le pouvoir yougoslave
13 auquel ils faisaient face était si puissant qu'ils auraient eu à faire face
14 à des avions, des chars, des canons, des missiles. Il est absurde de croire
15 que ce type de forces peut être affronté avec les moyens d'une guérilla.
16 Q. Avez-vous connaissance de la fréquence à laquelle des affrontements se
17 produisaient au cours de cette période s'étendant, disons, de mars 1999
18 jusqu'en juin lorsque les affrontements se sont terminés avec les
19 bombardements de l'OTAN, et cetera ? A quelle fréquence y avait-il des
20 affrontements entre l'UCK et les forces serbes; le savez-vous ?
21 R. Oui, il y avait des affrontements, c'est un fait. Mais lorsque les
22 forces serbes ont employé 80 véhicules blindés dans une opération dirigée
23 contre les villages occupés par des Albanais du Kosova, l'UCK évidemment a
24 procédé à une attaque et ensuite s'est retirée pour défendre ces villages.
25 Cela avait pour but d'endommager la machine de guerre de l'armée de la
26 police. Il y avait des affrontements, et ce, qui étaient provoqués des deux
27 côtés. L'armée et la police ont quitté leur caserne et, bien sûr, ils ne
28 l'ont pas fait pour aller se promener. Ils sont allés incendier les maisons
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1 pour aller détruire tout ce qui était présent sur le terrain en utilisant
2 la technique de la terre brûlée.
3 Q. Savez-vous qui était Bislim Zyrapi ?
4 R. J'ai entendu parler de lui, mais je ne le connais pas. Je ne l'ai
5 jamais rencontré. J'ai entendu parler de lui à travers la presse, la
6 télévision, mais je ne le connais pas du tout.
7 Q. Pouvez-vous me dire si cette UCK dont vous avez dit qu'elle menait des
8 opérations de guérilla a également eu recours fréquemment à des civils, des
9 civils albanais du Kosovo bien sûr ?
10 R. Non, cela n'était pas nécessaire. C'est absurde ce que vous êtes en
11 train de dire.
12 Q. Avez-vous jamais entendu dire que l'on ait donné l'ordre, que le
13 commandement de l'UCK ait donné l'ordre aux civils de se retirer d'un
14 certain territoire en raison des circonstances qui prévalaient et des
15 changements qui étaient intervenus ? Avez-vous jamais entendu cette
16 information ?
17 R. Non.
18 Q. Merci. Savez-vous de quelle façon l'UCK était organisée ?
19 Etait-elle organisée comme une armée ou s'agissait-il d'une organisation ad
20 hoc ? Avez-vous des éléments à ce sujet ?
21 R. Oui, je n'étais pas le général de cette armée. Je m'occupais des droits
22 de l'homme. Mais pour répondre à votre question, je pourrais dire, comme je
23 l'ai déjà dit précédemment, que l'UCK disposait d'unités qui menaient une
24 guérilla. Il ne s'agissait pas d'une armée organisée. Si elle l'avait été,
25 je ne crois pas que les forces serbes auraient pu ainsi pénétrer le
26 territoire et commettre 50 000 assassinats, et Vlastimir Djordjevic
27 n'aurait pas été en mesure de venir au Kosova aussi souvent qu'il le
28 souhaitait. Il pouvait traverser le Kosova du nord au sud, mais
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1 malheureusement nous n'avions pas une armée puissante. Si nous en avions
2 une, les choses auraient été différentes.
3 Q. Est-ce que le Kosovo-Metohija, cette province autonome, représentait un
4 territoire de l'Etat souverain de la République fédérative de Yougoslavie
5 et de la République de Serbie ? Je ne vois rien d'étonnant qu'un
6 ressortissant de la Serbie, un citoyen serbe se rende sur un territoire
7 appartenant à son propre Etat.
8 R. Mais il s'agissait d'un territoire qui avait été annexé par la force.
9 Vous n'êtes pas sans savoir qu'après la Seconde Guerre mondiale, il y avait
10 un mouvement dirigé contre l'unification du Kosova et de l'Albanie. Cela
11 s'est produit immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, et le
12 gouvernement yougoslave de l'époque s'est livré à un véritable massacre
13 contre la population albanaise de Drenice, car cette population ne
14 souhaitait pas que le Kosova reste dans le cadre de la Yougoslavie.
15 Vous connaissez le cas de Shaban Polluzha qui a participé à cette guerre
16 contre le fascisme. Vous l'avez traité d'anticommuniste. Mais en réalité,
17 il n'était pas communiste, 6 000 personnes avaient été tuées, leurs maisons
18 incendiées, non pas parce qu'elles étaient communistes mais parce qu'elles
19 étaient albanaises.
20 Q. Je ne vais pas polémiquer avec vous sur ce sujet, j'en reste à ce qui
21 fait l'objet de cette affaire. Je ne suis pas d'accord avec vous --
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je dois encore une fois vous
23 interrompre car la situation ne fait qu'empirer. Maître Djordjevic, vous
24 vous livrez à des déclarations politiques à l'intention de ce témoin; et le
25 témoin répond non seulement d'un point de vue politique mais également
26 personnel.
27 Vous vous adressez au conseil de la Défense comme s'il s'agissait d'un
28 ennemi ou d'un membre d'une force adverse. Il s'agit ici d'un prétoire.
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1 Nous avons une décision à prendre en terme de culpabilité ou d'innocence,
2 mais il ne s'agit pas de vous ici. Vous ne devez pas vous adresser au
3 conseil de la Défense comme s'il s'agissait d'un ennemi. Il joue ici un
4 rôle important qui a trait à la protection de droits humains. Et nous
5 devons nous assurer que la procédure qui se déroule ici est juste.
6 Vous devez donc respecter le conseil de la Défense qui, à son tour, se
7 comportera avec respect envers vous. Vous devez également considérer avec
8 respect les intérêts qui sont ceux de l'accusé dans le cadre de la décision
9 juste et équitable qui doit être prise ici. Donc je vous prie, à l'avenir,
10 de montrer le respect nécessaire aussi bien à la Cour qu'au conseil de la
11 Défense.
12 Et je voudrais, Monsieur Djordjevic, vous demander de vous éloigner de tout
13 débat politique pour en rester aux faits.
14 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais juste
15 vous dire que mon intention était de demander au témoin s'il avait
16 conscience du fait que le Kosovo-Metohija faisaient partie du territoire
17 serbe. C'est une catégorie juridique constitutionnelle; et je voudrais ici
18 vous présenter mes excuses s'il y a eu un malentendu, mais mon intention
19 n'a jamais différé de cela.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Messieurs les
21 Juges. J'ai dit votre Etat, la Yougoslavie, votre gouvernement, le
22 gouvernement yougoslave. Je respecte le conseil de la Défense. Mais il y a
23 peut-être eu un malentendu. Il ne s'agissait pas d'un manque de respect à
24 l'intention du conseil de la Défense.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Espérons qu'à partir de maintenant,
26 aussi bien le témoin que le conseil de la Défense auront un comportement
27 plus responsable. Je vous remercie.
28 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
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1 Q. Le massacre du 2 mai, selon vos propres termes, vous avez affirmé en
2 avoir été le témoin oculaire dans cette colonne, ce convoi qui a été visé;
3 ai-je raison de dire cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Dites-moi, quelles sont toutes les différentes sortes d'uniformes que
6 vous avez vues être portées par les membres de ce que vous ave appelez les
7 forces serbes ? Pouvez-vous nous le dire ?
8 R. Est-ce que vous m'interrogez au sujet de la date du 2 ou du 3 mai, car
9 ce qui s'est passé le 2 mai s'est passé de nuit, et franchement, je n'étais
10 pas en mesure d'identifier quelque uniforme que ce soit. Même si je me suis
11 efforcé de le faire, il faisait nuit, et c'était très difficile
12 d'identifier et de reconnaître les uniformes. Peut-être dois-je m'estimer
13 heureux que cela se soit passé de nuit, autrement peut-être qu'ils
14 m'auraient reconnu, et que je ne serais pas aujourd'hui ici pour témoigner.
15 Q. Je vous demande cela car vous avez parlé des forces de la police, vous
16 en avez fait mention, c'est pour cela que je vous pose la question. Vous
17 avez quand même dû voir quelque chose ?
18 R. En effet, cela va de soi qu'il y avait des membres des forces de la
19 police et de l'armée. Les forces armées étaient entrées dans les montagnes
20 de Bajgore et avaient utilisé des mortiers et des roquettes, et la partie
21 du territoire par laquelle le convoi était en train de passer, il y avait
22 là-bas des membres des forces paramilitaires, de l'armée, et des forces de
23 police. Ils portaient des masques, comme j'ai dit, c'est exact. Mais
24 lorsqu'ils sont arrivés à la route de Prishtina, un convoi de plusieurs
25 véhicules blindés est passé.
26 Donc il y avait ici plusieurs forces qui agissaient de façon conjointe.
27 D'abord la police est entrée, a rejoint les rangs de la population, a tué
28 des personnes; et ensuite l'armée a apporté son soutien aux actions de la
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1 police en utilisant des mortiers. Monsieur le Conseil de la Défense, cela
2 est fait de façon coordonnée et concertée à partir d'un commandement
3 central. Il n'est pas difficile de comprendre de qui il s'agissait. Il ne
4 s'agissait pas d'extraterrestres.
5 Q. Croyez bien que j'en suis moi aussi persuadé. Mais avant que la nuit ne
6 tombe, vous dites qu'il y avait des membres des forces armées, de la
7 police, des unités paramilitaires, et cetera. Donc vous avez vu des unités.
8 Mais expliquez-nous ce qui s'est passé pendant la journée avant la tombée
9 de la nuit et tous ces événements terribles. Quels étaient les différents
10 types d'uniformes et de masques dont vous avez fait état ? Pourriez-vous
11 nous les décrire, selon le souvenir que vous pouvez en avoir ?
12 R. Nous avons été, pour ainsi dire, retenus en otage dans cette
13 coopérative agricole, mais je ne suis pas tout à fait sûr si vous n'êtes
14 pas en train de me poser une question concernant la période précédente ?
15 Q. Oui, j'ai compris que vous nous avez décrit avoir vu l'armée, la police
16 lorsque la colonne s'est mise en route et que c'était de jour. C'est ce que
17 je vous demanderais de nous décrire, s'il vous plaît.
18 R. Les uniformes de la police étaient généralement de deux types. Il y
19 avait un uniforme de camouflage de couleur bleu, et d'autres membres de la
20 police portaient des tenues de camouflage vertes avec des gilets pare-
21 balles. Parfois il y avait également en leur compagnie des personnes qui ne
22 portaient pas d'uniformes, qui n'avaient que des bandeaux sur la tête.
23 Comme j'ai dit, c'était une action conjointe avec des forces
24 paramilitaires.
25 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre. Vous avez dit "parfois," mais je
26 vous demande ce qui s'est passé exactement cette journée avant les
27 événements dont il est question, et non pas en général. Je vous interroge
28 sur ce qui s'est passé, non pas parfois, mais précisément cette journée-là.
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1 R. Oui, c'est pour ça que je vous ai prié de bien vouloir préciser votre
2 question, car cela n'était pas tout à fait clair pour moi. Ecoutez, un jour
3 avant le 2 mai, je n'avais vu aucune force présente. J'ai simplement vu que
4 des obus tombaient en provenance de la direction de Sllakovc. Ils
5 s'abattaient de façon constate, mais je n'ai pas vu s'il y avait là-bas des
6 forces de la police un jour avant, si c'est ce que vous me demandez. Nous
7 avons vu des forces de police lorsqu'il faisait sombre, nous avons vu des
8 silhouettes. Mais une journée avant, nous n'avons fait qu'entendre les tirs
9 de mortier, et nous sommes partis. Nous avons fui avant l'arrivée des
10 forces armées et de la police. S'ils m'avaient trouvé et m'avaient vu, ils
11 m'auraient certainement tué. Nous avons fait en sorte de pouvoir fuir avant
12 leur arrivée. Il ne s'agissait pas de l'armée britannique ici. C'était
13 contre des civils qu'ils se battaient, avec la police.
14 Q. Je vous remercie. Vous avez dit dans votre déclaration que vous avez pu
15 reconnaître certains des policiers. Est-ce que vous pouvez préciser cela ?
16 R. Oui --
17 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande si nous
18 ne pourrions pas demander au conseil de la Défense de citer précisément à
19 quel passage de la déclaration il fait référence.
20 M. LE JUGE PARKER : [hors micro]
21 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, très bien.
22 J'essayais d'avancer plus rapidement afin qu'on ne perde pas de temps,
23 essayez de retrouver la référence en question. Mais il a vraiment été
24 question dans cette déclaration de l'identification de certains policiers
25 qui auraient été reconnus. Je peux retrouver ce passage, mais cela
26 demandera du temps.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela concerne le jour suivant. Le 3 mai, c'est
28 exact, cela se trouve dans ma déclaration, mais pas au sujet du 2 mai; au
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1 sujet du 3.
2 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
3 Q. Entendu, mais c'est ce au sujet de quoi je vous interroge justement.
4 Ces policiers que vous avez reconnus, est-ce qu'ils étaient de Vucitrn ?
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est en date du 3 mai ?
6 M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous nous sommes compris.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le 3 mai, mais la façon dont vous m'avez
9 posé la question m'a fait croire que vous me la posiez au sujet du 2 mai.
10 C'est pourquoi je n'étais pas tout à fait sûr.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 3 mai vous avez reconnu certains
12 policiers, n'est-ce pas ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'en ai reconnu de nombreux.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, vous voulez les
15 noms ?
16 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Non, non. Mais puisqu'il dit les avoir
17 reconnus, je voulais lui demander s'il savait si c'était des policiers de
18 Vucitrn, de la localité où il vivait. Je ne demandais rien d'autre,
19 Monsieur le Président.
20 Q. Si nous pouvons simplement avoir la réponse ?
21 R. Je connaissais certains d'entre eux. Ils étaient du district de
22 Vushtrri, à l'exception de Simic qui était du district de Decan.
23 Q. Ces personnes que vous avez reconnues, c'est ce que je vous demandais.
24 R. Oui.
25 Q. Cette personne aussi venait de ce même district.
26 Ma question suivante concerne la nuit du 2 mai. Est-ce que vous avez
27 reconnu des policiers alors ?
28 R. Non. Ils portaient des masques et il faisait nuit. Franchement non, je
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1 n'en ai pas reconnu. J'ai essayé de voir si je ne pouvais pas reconnaître
2 quelqu'un. Est-ce que je pourrais expliquer quelque chose ? La colonne en
3 question était composée de 30 à 40 000 personnes. Lorsque cette colonne
4 s'est divisée après les pilonnages, c'est dans la seconde partie de la
5 colonne que les personnes ont été tuées. Heureusement pour moi, je me suis
6 trouvé être dans la première partie de cette colonne. Les familles qui ont
7 perdu certains de leurs membres, certaines ont été entièrement décimées,
8 ont reconnu des policiers, certains des policiers qui étaient du village de
9 Gojbulja, un village habité par des Serbes. Le nombre de tués dépassait les
10 100 personnes. C'était un véritable massacre.
11 Q. Merci.
12 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il me faudrait
13 encore 15 à 20 minutes pour mon contre-interrogatoire; cependant, en raison
14 du sujet auquel nous allons passer, je souhaiterais suggérer que nous
15 fassions une pause maintenant pour des raisons techniques.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La procédure pour des raisons
17 techniques exige que nous prenions suffisamment de temps, une demi-heure,
18 pour que l'on prépare les bandes. Nous aurions normalement eu la pause dans
19 cinq minutes, mais nous allons la faire maintenant et reprendre dans une
20 demi-heure, à 11 heures moins 5. Merci.
21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.
22 --- La pause est terminée à 10 heures 57.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, reprenez.
24 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Ma question suivante, Monsieur le Témoin, est-ce que vous aviez
26 personnellement quelque lien que ce soit avec l'UCK, et si oui, de quelle
27 nature ?
28 R. Personnellement non, je n'avais aucun lien avec l'UCK. Un de mes frères
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1 qui a fait ses études à Tirana, puisqu'il était impossible pour lui de
2 revenir au Kosova, était recherché par les autorités serbes. A partir de
3 1992 jusqu'à la fin de la guerre, il est resté à Tirana et s'est occupé de
4 questions logistiques. Il a recruté de nouveaux membres pour l'UCK, de
5 nombreux Albanais qui venaient de l'étranger pour rejoindre les rangs de
6 l'UCK.
7 Q. Est-ce que vous pourriez me dire qui était Musa Terbunja ?
8 R. Musa Terbunja est ingénieur en technologie. Nous travaillions ensemble
9 dans le même établissement scolaire. Lorsque la guerre a éclaté, lorsque
10 les forces serbes sont entrées dans le village, il est allé dans la
11 montagne et a rejoint les rangs de l'UCK. C'était un membre de l'UCK.
12 Q. Mais c'était un commandant de l'UCK, n'est-ce pas ? C'est ce que vous
13 dites dans votre déclaration.
14 R. Oui, c'était un commandant local, un commandant de section me semble-t-
15 il. Enfin bon, je ne connais pas très bien leur structure, mais en tout
16 cas, c'était un commandant local.
17 Q. A la page 12 de votre déclaration, c'est le dernier paragraphe
18 d'ailleurs dans lequel vous faites référence à cette personne, vous dites,
19 entre autres, que le chauffeur de bus a dit aux Albanais qui s'étaient
20 rassemblés au cimetière qu'ils allaient être amené en Albanie, et vous,
21 vous avez dit que vous êtes allé à Sudimlja où vous avez passé une nuit
22 chez votre ami, je vous ai posé des questions à ce sujet il y a quelques
23 minutes de cela. Ensuite vous dites que vous êtes allé à Cecelija qui est
24 un endroit où l'UCK avait une sorte de QG.
25 Pourquoi est-ce que vous êtes allé dans un premier temps auprès du
26 commandant local et ensuite pourquoi est-ce que vous êtes allé auprès de
27 l'état-major principal à Cecelija, la structure de l'UCK qui se trouvait là
28 ?
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1 R. Le 2 mai, j'ai quitté la ville en toute illégalité. De toute façon, je
2 n'avais pas d'autre façon de le faire. J'ai dû me dissimuler dans les
3 montagnes, où je devais trouver un endroit où trouver refuge. Je ne pouvais
4 pas véritablement marcher au vu et au su de tout le monde. En fait, le 2
5 mai je suis allé à Studime e Poshteme -- non en fait, je m'excuse, ce
6 n'était pas le 2 mai, c'était un peu plus tôt d'ailleurs. Je pense que
7 c'était un mois plus tôt, le 2 avril si je ne m'abuse. Toujours est-il que
8 cette nuit-là je suis allé chez Musa Terbunja pour chercher de quoi manger.
9 C'était la nuit lorsque je suis parti pour me rendre à cet endroit. Lorsque
10 je suis arrivé chez lui, j'ai constaté qu'il y avait de nombreux réfugiés
11 qui se trouvaient chez lui. Vous me suivez, Maître ?
12 Q. Oui.
13 R. Je disais qu'il y avait de nombreux réfugiés qui se trouvaient chez
14 lui, étant donné qu'il n'y avait pas d'endroit pour moi pour que je puisse
15 y passer la nuit, puisqu'il y avait bon nombre de réfugiés chez lui, j'ai
16 donc décidé d'aller chez quelqu'un qui faisait partie de la famille de
17 Musa.
18 D'ailleurs je dois dire que même aujourd'hui, je ne sais toujours pas si
19 j'ai passé la nuit à Studime avec des membres de sa famille ou à Ceceli,
20 non pas au QG de l'UCK, mais chez Fadil Beqiri, c'est là que j'ai séjourné
21 pendant un mois entier. Il y avait d'autres réfugiés également, mais j'y
22 suis resté un mois, jusqu'au 2 mai.
23 Q. Merci. J'aimerais maintenant vous poser une autre question. Pendant
24 toute l'époque qui a précédé les événements en 1998 et en 1999, en tant que
25 citoyen de la République fédérale de Yougoslavie, j'aimerais savoir si vous
26 avez été traduit en justice, si vous avez fait l'objet de poursuites
27 pénales ?
28 R. Oui. Pour autant que je m'en souvienne, à huit reprises, Maître. En
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1 général, on nous amenait pour subir un interrogatoire au poste de police --
2 Q. Vous nous dites que vous avez fait l'objet de poursuites au pénal huit
3 fois, c'est cela ?
4 R. Oui, pour des infractions. Est-ce que vous voulez savoir pourquoi,
5 Maître ?
6 Q. Non. Je voulais tout simplement savoir si vous avez fait l'objet de
7 poursuite au pénal.
8 R. En 1999, oui. Je m'excuse, en fait c'est avant l'année 1998. Si vous
9 scindez la période en deux, disons que vous avez la période allant jusqu'en
10 1998 et puis la période qui suit l'année 1998 en quelque sorte. J'étais
11 professeur, j'enseignais à Xerxe, j'étais également un militant des droits
12 de l'homme. J'ai passé 20 jours derrière les barreaux parce que tout
13 simplement j'étais un professeur, j'enseignais à nos étudiants non pas dans
14 le cadre d'établissements scolaires classiques, parce qu'il ne faut pas
15 oublier que nous avons été expulsés des établissements scolaires en 1990.
16 J'enseignais chez des particuliers.
17 Ce qui se passait en fait, c'est que la police arrivait, elle nous
18 arrêtait, elle nous faisait subir des sévices au vu et au su de nos
19 étudiants et elle nous amenait au poste de police pour que des
20 interrogatoires aient lieu.
21 Q. Mais cela figure dans vos déclarations, ce n'est pas cela qui
22 m'intéresse. Ce qui m'intéresse c'est de savoir pourquoi et quand vous avez
23 fait l'objet de poursuite pénale ?
24 R. J'ai fait l'objet de poursuite au pénal une fois, j'ai été arrêté la
25 nuit du 2 mai entre les deux localités Studime. C'est ce que je voulais
26 préciser. C'est la seule fois où j'ai fait l'objet de poursuite pénale.
27 J'ai été accusé d'être terroriste en dépit du fait que je faisais partie de
28 quelque 30 000 voire 40 000 civils qui formaient un convoi. J'ai été
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1 inculpé de terrorisme, mais voyez-vous Maître, pendant toute ma vie j'ai
2 été militant des droits de l'homme et j'enseignais à des enfants dans des
3 écoles. Souhaiteriez-vous que je vous explique comment ils se sont pris en
4 fait pour me poursuivre au pénal ? J'ai été arrêté entre les deux localités
5 de Studime --
6 Q. Mais j'aimerais savoir pour quel délit vous avez été poursuivi, pour
7 quelle infraction --
8 L'INTERPRÈTE : Demande aux orateurs de marquer un temps d'arrêt entre les
9 questions et les réponses.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous parlais du 2 mai, la date où j'ai été
11 arrêté. Ils ont ouvert la prison ou le camp de Smrekonica. C'est là où nous
12 avons été arrêtés. Nous étions environ un millier à avoir été arrêtés. Nous
13 avons été conduits à la prison de Smrekonica et là, ils nous ont interrogés
14 sur nos activités terroristes et des actes d'accusation ont été dressés à
15 notre encontre.
16 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
17 Q. Mais j'aimerais savoir quel est le tribunal qui a entendu cette affaire
18 et quel fut le jugement prononcé, quel fut le verdict ?
19 R. Je ne sais pas de qui il s'agissait. Il s'agissait de civils. Il y
20 avait un greffier d'audience. Ce n'était pas véritablement un jugement,
21 c'était une décision, la décision étant de nous accuser de terrorisme. Donc
22 ils nous ont donné un document et dans le document voilà ce qui était écrit
23 : Je, soussigné Sabit Kadriu, a été arrêté à Qyqavica, ce qui était
24 complètement absurde puisque nous avions été arrêtés dans le convoi à
25 Studime. Lorsque je leur ai dit, mais vous ne m'avez pas arrêté à Qyqavica,
26 vous m'avez arrêté à Studime, il m'a rétorqué : Qui pose des questions ici
27 --
28 Q. Donc je peux, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, en conclure
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1 que vous n'avez jamais fait l'objet de poursuites pénales et que vous
2 n'avez jamais été condamné par un tribunal serbe, n'est-ce pas ?
3 R. J'ai été inculpé, j'ai été accusé. Il y a eu un chef d'inculpation. On
4 m'a donné ce document et ce document, ils nous l'ont repris lorsque nous
5 avons été libérés de la prison de Smrekonica. Et je pense que dans ce
6 document il était stipulé que conformément à l'article 133 nous étions
7 accusés de ce crime. Je dois dire que c'était une accusation collective,
8 d'ailleurs. Ces documents ont été émis de façon collective, nous avons fait
9 l'objet de sévices. Il y a d'ailleurs de nombreuses personnes qui sont
10 mortes à la suite de ces sévices. Mais comme je vous l'ai déjà dit, c'est
11 un document qu'on nous a repris au moment où nous avons été libérés de la
12 prison. Je ne sais pas d'ailleurs pourquoi ils nous ont pris ce document,
13 mais le fait est qu'ils l'ont fait. Nous étions donc dans un camp, Maître -
14 -
15 Q. Donc il n'y a pas eu de jugement -- il n'y a pas eu de procès plutôt.
16 Vous n'avez jamais fait l'objet d'un verdict, vous n'avez jamais été
17 condamné de tel et tel crime; c'est cela que je voulais savoir.
18 Mais maintenant j'aimerais vous poser une autre question car à la page 14
19 de votre déclaration vous dites : Nous avons appris que le professeur
20 Bajram Mulaku, ancien dirigeant de la Ligue démocratique du Kosovo, ainsi
21 que Muharrem Shabani, un villageois du coin ont fabriqué un drapeau et
22 qu'ils dirigeaient le convoi en arborant ce drapeau.
23 Alors, est-ce que vous pourriez nous dire de façon succincte, si vous le
24 savez, ce que voulaient ces personnes, ce qui leur est advenu, quel fut
25 leur sort. De façon claire et succincte -- donc concise et succincte.
26 R. Moi je ne sais pas pourquoi ils ont fait cela. Moi je ne savais pas qui
27 était en tête du convoi, mais par la suite j'ai appris qu'Ibrahim Muliqi et
28 Bajram Mulaku, un professeur, et Muharrem Shabani, un ancien militant de la
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1 municipalité avant l'année 1999 [comme interprété] j'entends, donc j'ai
2 entendu dire que ces personnes avaient placé un morceau de tissu blanc sur
3 une branche et qu'elles étaient à la tête du convoi effectivement.
4 Et à un moment donné, le convoi s'est arrêté. Certes, moi je me trouvais au
5 milieu du convoi, et au milieu du convoi personne ne savait pourquoi le
6 convoi ne se déplaçait plus. Alors, en compagnie d'un de mes amis, Fadil
7 Beqiri, nous avons commencé à poursuivre notre chemin, nous avons dépassé
8 des groupes de personnes et nous sommes arrivés à la tête du convoi, même
9 si cela n'a pas été une tâche particulièrement facile. Et lorsque nous
10 sommes arrivés en tête de convoi, j'ai vu ces trois personnes que j'ai
11 mentionnées et je leur ai posé la question, je leur ai dit : Pourquoi est-
12 ce que vous avez arrêté le convoi ? Pourquoi est-ce que nous ne continuons
13 pas notre chemin ? Et ils ont répondu -- il y en a un qui m'a dit de façon
14 ironique : La personne qui osera porter ce drapeau et poursuivre son chemin
15 a toute liberté pour le faire.
16 Ensuite ils ont dit qu'au niveau de la colline de Rashice, il y avait des
17 forces de la police et des forces militaires qui avaient investi des
18 positions et à partir de ces positions, ils pouvaient voir très clairement
19 l'endroit où se trouvait le convoi. Donc ce morceau de tissu blanc qui
20 faisait office de drapeau blanc avait été placé pour être visible, pour que
21 les forces de la police le voient. Et ils pensaient qu'un membre des forces
22 de la police viendrait et fraierait un passage pour que le convoi puisse
23 poursuivre son chemin.
24 Mais lorsque nous avons vu que personne n'est venu, nous avons dit à ces
25 trois personnes : Ecoutez, vous vous êtes placés en tête de convoi, donc
26 c'est vous qui dirigez le convoi. Pourquoi est-ce que nous ne reprenons pas
27 notre route ? Ils nous ont dit qu'il y avait un couvre-feu et que nous ne
28 pouvions plus poursuivre notre route. Et il ne faut pas oublier que le
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1 convoi était ciblé à l'arrière également. Donc nous étions véritablement
2 bloqués ou entravés des deux côtés. Il s'agissait d'une vallée encaissée
3 dans deux collines. Il y avait des tirs. Devant nous, il y avait la colline
4 de Rashice où se trouvaient positionnées les forces de police et les forces
5 militaires, et à l'arrière du convoi il y avait également des forces qui
6 avaient brûlé Studime et qui nous suivaient. Donc ces personnes ont été
7 d'avis qu'il était beaucoup plus judicieux de passer la nuit à cet endroit.
8 Q. Je vais vous interrompre. Et j'aimerais vous demander très rapidement
9 si ces trois hommes vous ont dit qu'ils avaient été arrêtés par l'UCK ou
10 non. Est-ce que vous êtes au courant de cet élément d'information ?
11 R. Il n'y avait pas de présence de l'UCK à cet endroit-là, pas du tout.
12 Q. Merci.
13 R. Les forces serbes étaient présentes, elles étaient donc positionnées au
14 niveau de la colline de Rashice. Cela faisait des mois d'ailleurs qu'ils se
15 trouvaient à cet endroit, et ce, jusqu'à la fin de la guerre. Je sais que
16 l'aviation de l'OTAN voulait les cibler, mais je ne sais pas s'ils ont
17 réussi à les cibler.
18 Q. Merci. Je souhaiterais maintenant vous poser quelques questions brèves,
19 ce qui m'amènera au terme de mon contre-interrogatoire.
20 Puis-je donc avancer que vous n'avez pas de connaissance directe des actes
21 criminels ou des meurtres et assassinats au cours desquels les gens à
22 Galica ont perdu la vie; ce que j'entends, c'est que vous n'avez pas été
23 témoin oculaire de cet événement, n'est-ce pas ?
24 R. Non, ce n'est pas exact. Je n'étais pas présent lorsque ces personnes
25 ont été exécutées, mais j'étais présent toutefois lorsque nous avons trouvé
26 les cadavres. Il y a des villageois qui m'ont informé, moi je suis allé à
27 cet endroit où gisaient ces 14 corps. Il y avait certains corps qui avaient
28 été mis en tas en quelque sorte; donc il y avait des piles de cadavres,
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1 trois ou quatre cadavres à quelques quinzaines de mètres d'une autre pile
2 de cadavres. Je voudrais vous dire, Maître, que trois des corps --
3 Q. Mais vous n'avez pas été témoin oculaire de ces meurtres ou assassinats
4 ?
5 R. Entre le 22 mai et le 24 mai, période au cours de laquelle les
6 montagnes de Qyqavica et les villages qui se trouvaient dans cette zone ont
7 été complètement encerclés, en commençant par Mitrovica jusqu'à Obiliq, il
8 faut savoir que dans ce secteur, dans cette zone il y a eu plus d'une
9 centaine de personnes qui ont été tuées au cours d'une seule et même
10 opération qui a été effectuée entre le 22 mai et le 24 mai --
11 Q. Je ne voudrais pas trop perdre de temps, donc je vous interromps, et je
12 voudrais que vous répondiez de façon concise à mes questions qui sont
13 concises. J'étais en train de vous parler donc de ces personnes qui ont été
14 tuées dans le village de Galica, à savoir s'il y a eu des témoins oculaires
15 de cet événement. Et je ne vous parle que de Galica, je ne vous parle pas
16 d'autres endroits. Est-ce qu'il y a eu des témoins oculaires de cet
17 événement ?
18 R. Oui, il y en a eu de nombreux, parce qu'il y avait de nombreux civils
19 qui se trouvaient à Qyqavica. Moi, j'ai récupéré ces 14 cadavres ainsi que
20 d'autres cadavres à Qyqavica. Nous l'avons fait avec d'autres personnes, et
21 nous avons dégagé ces cadavres de la route. D'ailleurs, même leurs familles
22 ne savaient pas qu'ils avaient été tués. J'ai même trouvé le corps de
23 certains de mes étudiants. C'était des étudiants à qui j'avais enseigné. Et
24 c'est pour cela que je lance un appel pour que Me Vlastimir Djordjevic
25 réfléchisse en toute conscience à ce qui a été fait --
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, je vous ai déjà mis en garde,
27 Monsieur. Donc, je vous demanderais de vous abstenir de faire ce genre
28 d'observation.
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1 Je pense que la réponse est que le témoin n'a pas été témoin oculaire de
2 cet événement, Maître. Non ? Ce n'est pas ce que vous concluez ? Donc
3 poursuivez. Non seulement le témoin n'a pas été témoin oculaire, mais il
4 n'est pas informé de la présence d'autres témoins oculaires.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 Le témoin a dit qu'il y a eu de nombreux témoins, et pourtant dans sa
7 déclaration au paragraphe 3, page 8, il indique qu'il n'y a pas de témoins
8 oculaires de ce massacre.
9 Q. Alors, pour ce qui est du village d'Oslan dans la municipalité de
10 Vucitrn --
11 R. Maître, excusez-moi, je devrais préciser quelque chose. Est-ce que vous
12 allez m'autoriser à apporter une précision, une petite précision à propos
13 des jeunes gens de Galica ?
14 J'ai un dossier, un dossier où se trouvent les noms de témoins
15 oculaires. Moi, je suis allé à cet endroit peu de temps après que ces
16 personnes ont été tuées. Mais il existe un dossier, un dossier qui fait
17 l'objet d'une pièce à conviction avec les noms des témoins oculaires. Alors
18 bien entendu, ils ne se trouvaient peut-être pas sur le terrain. S'ils
19 avaient été sur le terrain, ils auraient été exécutés également. Il ne
20 s'agissait pas d'une armée qui se battait contre une autre armée. Il
21 s'agissait d'une armée qui se battait contre des civils, et depuis l'époque
22 de Genghis Khan.
23 Q. Bon, je pense que maintenant nous avons compris qu'il n'y avait pas de
24 témoins oculaires, et de grâce, faites abstraction de Genghis Khan. Si vous
25 voulez répondre à mes questions, c'est parfait; sinon, je vous demanderais
26 de faire abstraction des autres éléments. Sinon, il va falloir que je
27 procède de façon différente pour mon contre-interrogatoire, ou que je
28 l'arrête, que j'y mette un terme.
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1 Alors, dans le village d'Oslan qui se trouve dans la municipalité de
2 Vucitrn, il y a eu ces événements du mois de septembre 1998. Puis-je
3 avancer que vous n'avez absolument aucune connaissance directe et
4 personnelle de ces événements ?
5 R. Non, non, je sais ce qui s'est passé. Il y a plus de 14, je pense que
6 c'est 16 personnes qui ont perdu la vie, si je ne m'abuse. Vous savez, dix
7 ans se sont écoulés depuis, Maître, donc il se peut que je commette une
8 erreur, mais je pense que c'est le chiffre exact.
9 Q. Je pense qu'il y a eu peut-être un problème d'interprétation. Peut-être
10 qu'il y a un problème d'interprétation. Je ne vous pose pas de questions à
11 propos de vos recherches effectuées après les événements. Je vous demande
12 quelle est votre connaissance directe de ces événements. Ce que j'entends,
13 c'est que vous, vous n'avez pas été présent lorsque cela s'est passé. Vous
14 n'avez pas été témoin oculaire, contrairement à la situation décrite lors
15 de la nuit entre le 2 et le 3 mai où là, vous avez été témoin oculaire.
16 J'aimerais maintenant vous poser une autre question. Est-il exact que vous
17 n'avez aucune connaissance directe des événements qui se sont déroulés en
18 septembre 1998 à Zivode [phon] et à Bivolak ?
19 R. Vous me posez des questions mais vous n'attendez pas mes réponses.
20 Alors de grâce, essayez de me comprendre, car à partir du 22 septembre
21 jusqu'au 24 septembre, ce massacre a eu lieu. Il y a eu plus de 130
22 personnes qui ont été tuées. Moi, je me déplaçais. Je suis allé dans tous
23 ces villages. J'allais à Galica. J'allais à Oshlan. Il se trouve que je
24 n'étais pas présent le jour des exécutions, mais j'ai vu les cadavres. Nous
25 avons récupéré les cadavres. Nous avons inhumé ces corps, Maître. Si
26 j'avais été présent sur le site de l'exécution, si j'avais été un témoin
27 oculaire de l'exécution, j'aurais été moi-même l'une des victimes, et je ne
28 serais pas ici pour témoigner aujourd'hui. Donc moi, je faisais partie de
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1 cette population civile qui se trouvait là. Donc, je me déplaçais. J'allais
2 ici et là chaque fois que je le pouvais, bien entendu. Je peux vous dire --
3 je vous ai déjà dit d'ailleurs que nous avons participé à l'inhumation de
4 ces corps, parce qu'après que les forces serbes se soient retirées, c'est
5 ce que nous avons fait. C'est seulement quand Sadako Ogata est venu à cet
6 endroit-là, sinon ils ne se seraient jamais retirés.
7 Q. Mais vous avez déjà témoigné à ce sujet. Nous savons cela. Vous avez
8 déjà fait état de cette situation, et comme vous l'a expliqué le Président
9 de la Chambre de première instance, M. le Juge Parker, cela fait partie du
10 dossier en l'espèce. J'essaie tout simplement d'obtenir des précisions de
11 votre part, mais je ne peux qu'en conclure maintenant que vous n'étiez pas
12 présent sur les lieux en question, et toutes les autres conclusions
13 d'ailleurs sont absolument superflues.
14 Mais ce que j'aimerais savoir, c'est ce qui suit. Vous nous avez
15 parlé de 14 personnes, ou de 12 ou de 16 ou de huit personnes. Mais lorsque
16 vous parlez de ce nombre de personnes, est-ce que vous connaissiez
17 personnellement ces personnes ? Est-ce que vous connaissiez les personnes
18 qui ont été tuées lors de ces incidents ? J'ai mentionné les lieux Zivode,
19 Bivolak, Galica, par exemple, Balince. Vous les connaissiez, ces personnes
20 qui ont été tuées à ces endroits-là ? Vous les connaissiez personnellement
21 ?
22 R. Oui, oui, il y en a certains que je connaissais personnellement.
23 Toutefois, je reviens à ma réponse précédente. Vous me dites : Vous n'étiez
24 pas présent sur les lieux. Ce n'est pas la peine de faire une observation.
25 Puis ensuite, vous faites des observations à propos de ma réponse, comme
26 cela vous convient le mieux. Je ne pense pas que cela soit juste, Maître,
27 car je pense qu'il faudrait que vous fassiez preuve d'une certaine
28 compréhension à mon égard, et que vous deviez m'autoriser à répondre. Je
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1 vous ai déjà dit que je n'étais pas présent lorsque ces personnes ont été
2 exécutées, mais je vous ai dit que je me suis rendu sur ces lieux très peu
3 de temps après. Ils ont été d'ailleurs enterrés, ces gens, le jour de leur
4 exécution.
5 Pour ce qui est de votre question, à savoir vous m'avez demandé si je
6 connaissais certaines des victimes, comme je l'ai déjà dit, à Galica par
7 exemple j'ai vu qu'il y avait certains de mes anciens étudiants qui avaient
8 été tués. Il y avait un homme avec ses deux fils, un autre homme avec ses
9 deux fils. Il y a des familles entières qui ont été décimées. De toute
10 façon, maintenant ils n'ont plus de futur, d'avenir, ceux qui restent.
11 Leurs foyers ont été détruits. Psychologiquement ils ont été détruits. Je
12 connaissais également un professeur --
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une question vous a été posée :
14 Connaissez-vous certaines de ces personnes ? Vous avez répondu par
15 l'affirmative.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais voyez-vous, Maître Djordjevic, le
18 problème vient également du fait que vous avez demandé au témoin s'il avait
19 une connaissance des événements. Il a une grande connaissance des
20 événements. Je pense qu'il faudrait peut-être que vous lui demandiez :
21 Etiez-vous présent ? Avez-vous vu les exécutions ? Non, ce n'est pas la
22 peine de vous lancer dans une polémique, Maître. Je vous indique quelle est
23 la racine du problème pour le moment. Donc, c'est la façon dont vous
24 formulez votre question. De la formule de la question dépend en grande
25 partie la réponse. Donc, vous demandez si le témoin a une connaissance des
26 faits --
27 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Non, cela vient d'une mauvaise
28 interprétation, d'une mauvaise interprétation.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, c'est bon. Ce n'est pas la
2 peine de vous lancer dans ce débat. Je vous indique quelle est la source du
3 problème, parce que vous n'avez plus beaucoup de temps, et je ne voudrais
4 surtout pas perdre de temps.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est exactement ce que j'ai demandé. Je
6 lui ai demandé s'il avait été présent, s'il avait été témoin. Je ne sais
7 pas s'il a compris. Ce n'était pas de sa faute. Moi, je voulais tout
8 simplement savoir ce qu'il savait.
9 Q. Bien entendu, vous en connaissiez certains parmi ces personnes. Alors,
10 ces personnes qui ont été tuées sur les sites que nous avons mentionnés,
11 est-ce que vous êtes sûr qu'aucune de ces personnes - et je pense aux
12 personnes que vous connaissiez - qu'aucune de ces personnes, disais-je,
13 était membre de l'UCK ?
14 R. Je sais que l'un d'entre eux à Oshlan était membre de l'UCK, il n'était
15 pas membre actif de l'UCK. Je ne parle que d'une seule personne du village
16 d'Oshlan, il s'appelait Mustafa Shyti. Le nom de cette personne figure sur
17 la liste.
18 Monsieur le Conseil de la Défense, nous ne sommes pas en train d'essayer
19 ici de nier le fait que certaines personnes soient membres de l'UCK ou pas.
20 S'ils l'étaient, ils étaient membres et ils sont considérés comme étant
21 martyrs. Ceux qui étaient membres de l'UCK et qui ont été tués pendant la
22 guerre ils ont été proclamés martyrs. Pour ce qui est des 46 membres de
23 l'UCK qui ont été tués, ils étaient de la municipalité de Vushtrri.
24 Comme je l'ai déjà dit, les forces serbes ne combattaient pas tout le temps
25 contre les unités de la guérilla, mais contre le peuple. Il y avait des
26 milliers de civils parmi lesquels ils pouvaient choisir pour les tuer. Je
27 suis ici pour témoigner des meurtres des civils et non pas pour des
28 meurtres des membres de l'UCK. L'UCK a son système de juridiction, de
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1 commandants, d'avocats, et cetera.
2 Q. En tant que membre de l'organisation à laquelle vous apparteniez, à
3 savoir en tant que membre d'honneur du Conseil des droits de l'homme, est-
4 ce que vous disposez du nombre de civils qui ont été tués au Kosovo ? Non
5 seulement le nombre de civils albanais, mais le nombre total de tous les
6 civils tués au Kosovo ?
7 R. Je ne peux pas vous donner ces informations par cœur, je ne peux pas
8 vous citer tous ces chiffres. Mais pour ce qui est des registres du Comité
9 international de la Croix-Rouge et d'autres organisations, il y a à peu
10 près 15 000 personnes qui ont été tuées au Kosova. Ce n'est peut-être pas
11 le chiffre exact, mais parce que
12 1 874 personnes sont toujours portées disparues, j'aimerais encore une fois
13 répéter ma demande pour ce qui est de l'accusé à tirer ce point au clair --
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kadriu. Cela suffit, c'est la
15 troisième reprise que vous revenez à ce sujet.
16 Avez-vous d'autres questions, Maître Djordjevic ?
17 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
18 Q. Pour ce qui est du massacre du 22 mai, comme vous l'avez appelé, vous
19 savez que cela a eu lieu parce que vous avez eu des informations là-dessus
20 ainsi que des chiffres indirectement, parce que vous n'étiez pas dans la
21 colonne au moment où se massacre a eu lieu ?
22 R. D'une certaine façon j'ai appris cela de façon directe parce qu'à la
23 fin de la guerre nous nous sommes rendus à toutes les familles des
24 personnes disparues pour procéder à la rédaction d'une liste. Non seulement
25 une fois je me suis rendu à ces familles à plusieurs reprises chaque année,
26 mais toutes les familles ont disparu, à savoir les hommes des familles.
27 Q. Quand vous avez mené des entretiens avec les personnes en tant que
28 membre du conseil pour le Conseil des droits de l'homme, quand vous avez
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1 enquêté sur les crimes commis contre les Albanais comme vous l'avez dit,
2 pouvez-vous nous dire si vous avez des informations portant sur les
3 uniformes portés par les membres des forces serbes ce jour, le 22 mai.
4 R. Oui, j'ai des connaissances à ce sujet. Une partie de ma famille était
5 à Vushtrri ce jour-là, dans la partie à l'est de Vushtrri il y avait des
6 forces militaires qui avaient pénétré, et c'est là-bas où les membres de ma
7 famille se trouvaient. Dans la partie occidentale de ma ville, il y avait
8 des opérations menées par les forces composées de plusieurs éléments, les
9 hommes de Frenki, des unités régulières et les membres de toutes ces unités
10 portaient des uniformes divers. Ils ont expulsé les civils de la ville et
11 ils les ont rassemblé au cimetière. Je pense qu'il y avait 20 000 personnes
12 qui ont été expulsées et qui ont été dirigées vers le cimetière.
13 Q. Mais pour ce qui est des uniformes, s'il vous plaît, pouvez-vous nous
14 dire quelque chose là-dessus ?
15 R. Je suis absolument certain, parce que j'ai parlé avec les membres des
16 familles qu'il s'agissait d'uniformes de camouflage de couleur bleue et de
17 couleur verte avec des gilets pare-balles. Ils y en avaient qui portaient
18 des casques et d'autres pas, et au cimetière même, Vucina Janicevic a tenu
19 un discours, Ljubisa Simic et Dragan Petrovic se sont adressés au peuple.
20 Ils étaient des dirigeants ou des responsables de cela.
21 Ceux qui avaient plus de 18 ans parmi ces civils les ont reconnus, à
22 l'exception de certaines femmes qui peut-être n'avaient pas d'occasion de
23 sortir très souvent. Ils ont séparé les hommes des autres pour les amener à
24 la prison à Smrekonica, il y en avait entre 700 et 800, et 74 personnes ont
25 été exécutées avec les membres de la famille de Sezai. Les cadavres de ces
26 74 personnes ont été transportés à Batajnica dans le champ de tir des
27 forces spéciales de la police serbe. C'est où ils ont été retrouvés.
28 Q. Puisque vous avez mentionné Batajnica, y a-t-il des témoins pour ce qui
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1 est du transport des cadavres à Batajnica parmi les gens auxquels vous avez
2 parlé ?
3 R. Les gens ont vu les cadavres qu'on chargeait à bord de camions et ils
4 ont dit qu'ils ont reconnu le chauffeur dont le nom de famille était
5 Popovic. Il travaillait pour l'entreprise Kosovo Trans. Après que les gens
6 ont été exécutés, ils ont été chargés à bord de camions pour être
7 transportés par la suite à Batajnica où ils ont été retrouvés en 2002 au
8 moment où le Tribunal international de La Haye a procédé à des exhumations.
9 Q. Est-ce que les gens auxquels vous avez parlé et qui ont survécu ce
10 jour, le 22 mai, vous ont dit avoir reconnu certaines des personnes qui
11 procédaient à des exécutions le 22 mai ?
12 R. Ils ont reconnu les personnes qui les avaient expulsés de leurs
13 maisons. Ils ont reconnu certains d'entre ces personnes. Il s'agissait des
14 policiers locaux, alors que sur le site du massacre du 22 mai, ils ne les
15 ont pas reconnus parce qu'ils portaient des cagoules et ils étaient à bord
16 de véhicules blindés de transport de troupes. Ce jour-là ils portaient des
17 cagoules, le jour de l'exécution et l'opération a duré peu de temps.
18 Il y avait des personnes qui disaient qu'ils n'osaient même pas
19 regarder les membres de ces forces, parce qu'ils auraient été séparés des
20 autres et exécutés. Vous pouvez imaginer qu'un être humain ne veut que
21 survivre dans de telles circonstances.
22 M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'en ai fini avec mon contre-
23 interrogatoire de ce témoin. Merci.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djordjevic.
25 Madame Kravetz, avez-vous des questions supplémentaires pour ce témoin ?
26 Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Merci.
27 [La Chambre de première instance se concerte]
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kadriu, vous serez content de
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1 savoir qu'on est arrivé à la fin de votre témoignage. Comme j'ai déjà
2 souligné avant, ce que vous avez dit aujourd'hui ne représente que l'ajout
3 à la déclaration que vous avez déjà fait ainsi qu'au compte rendu de votre
4 déposition antérieure. Nous avons beaucoup d'information que vous nous avez
5 fournie. Nous vous remercions d'être venu encore une fois à La Haye pour
6 témoigner, et maintenant vous pouvez retourner chez vous à vos activités
7 habituelles.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
9 Juges. J'ai fait de mon mieux pour vous être utile; pourtant, je ne pense
10 pas que nous puissions enquêter sur tous les cas. Durant ces dernières dix
11 années il y avait du progrès. Il y a beaucoup de cas sur lesquels j'ai
12 travaillé et qui sont maintenant dans l'acte d'accusation, par exemple,
13 l'exécution de la famille de Selatin. Je quitte ce prétoire avec ce fardeau
14 qui pèse sur moi parce que je n'étais pas en mesure de mentionner tous les
15 cas malgré tous les efforts que j'ai déployés pour le faire. A chaque fois
16 que j'essayais de le faire, on m'accordait le temps limité.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous apprécions cela mais il faut que
18 vous nous laissiez cette charge pour ce qui est d'évaluer le témoignage
19 concernant ces questions. Merci. L'huissier va vous aider pour quitter le
20 prétoire. Merci.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
22 [Le témoin se retire]
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Neuner, est-ce que votre
25 témoin suivant est prêt à commencer son témoignage ?
26 M. NEUNER : [interprétation] J'espère que oui.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En attendant que le témoin suivant
28 n'entre dans le prétoire, j'aimerais rappeler le programme de la semaine
Page 3222
1 suivante parce qu'il y avait des changements parce que nous devons arranger
2 certaines choses pour ce qui est d'autres affaires dans des salles
3 d'audience disponibles. Nous siégeons lundi matin et mardi après-midi,
4 ensuite mercredi matin et jeudi de la semaine suivante. Le jour férié c'est
5 déjà vendredi, et la pause durera jusqu'au 21, mardi le 21, où nous allons
6 continuer nos débats. Lundi de la semaine prochaine nous travaillons le
7 matin, mardi l'après-midi, mercredi le matin et jeudi. Nous espérons
8 pouvoir terminer pour ce qui est des témoins qui sont dans le programme
9 pour la semaine suivante.
10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. S'il vous plaît,
12 lisez la déclaration solennelle dont le texte figure sur cette feuille de
13 papier.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
16 LE TÉMOIN : DUSAN DUNJIC [Assermenté]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
19 M. Neuner va vous poser des questions.
20 Interrogatoire principal par M. Neuner :
21 Q. [interprétation] Bonjour.
22 R. Bonjour.
23 Q. Pouvez-vous nous décliner votre identité ainsi que la date de naissance
24 ?
25 R. Je m'appelle Dusan Dunjic. Mon père s'appelle Jovan, je suis né le 8
26 avril 1950, à Belgrade.
27 Q. En 2001, où avez-vous travaillé ?
28 R. En 2001 je travaillais à l'Institut de médecine légale à Belgrade, et
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1 j'étais directeur de l'institut de médecine légale à l'époque. Ma carrière
2 professionnelle a commencé à l'institut, où je travaille au jour
3 d'aujourd'hui.
4 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, maintenant je fais
5 référence à votre décision du 11 février 2009 pour ce qui est de la requête
6 de l'Accusation concernant l'admission des comptes rendus de la déposition
7 de ce témoin expert pour que cela soit versé au dossier à son témoignage de
8 vive voix conformément à l'article 92 bis. Aux paragraphes 1 et 2 de la
9 décision, la Chambre a décidé que la déclaration de ce témoin ainsi que le
10 compte rendu de son témoignage dans l'affaire Milutinovic soient versés au
11 dossier pour que cela soit disponible pour le contre-interrogatoire. Aux
12 fins du compte rendu il s'agit du numéro 2389 65 ter, c'est le numéro de la
13 déclaration de ce témoin, la déclaration a été faite entre le 9 et le 11
14 mai 2006. Je propose que ce document soit versé au dossier.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00526.
17 M. NEUNER : [interprétation] Concernant cette décision j'aimerais proposer
18 le versement au dossier le compte rendu du témoignage de ce témoin qui
19 porte le numéro 5086 65 ter.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00527.
22 M. NEUNER : [interprétation]
23 Q. Monsieur le Témoin, si j'ai bien compris, avant d'être arrivé ici
24 aujourd'hui vous avez eu l'occasion de parcourir votre déclaration ainsi
25 que le compte rendu de votre témoignage, êtes-vous d'accord pour ce qui est
26 de la teneur de ces deux documents ?
27 R. Oui, tout à fait.
28 M. NEUNER : [interprétation] Maintenant je vais lire le résumé de la
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1 déclaration, ainsi que du compte rendu de son témoignage antérieur.
2 Dusan Dunjic était directeur de l'Institut de médecine légale à
3 l'Université de Belgrade, et il l'est toujours. M. Dunjic a surveillé les
4 travaux des équipes chargées des exhumations qui ont procédé à l'examen des
5 cadavres à plusieurs sites en Serbie en 2001, y compris le champ de tir à
6 Batajnica, du SAJ qui se trouve à l'extérieur de Belgrade.
7 Son équipe a exhumé des cadavres du Kosovo et aux sites d'exhumation qui
8 portent les appellations Batajnica 1 et Batajnica 2. Au charnier Batajnica
9 1, au moins 36 cadavres ont été exhumés. Dans le charnier Batajnica 2, 269
10 cadavres ont été retrouvés. Le témoin a identifié et a confirmé
11 l'authenticité des rapports qui ont été rédigés par rapport à ces
12 charniers. Le témoin a également décrit la procédure qui a été appliquée
13 pour relever des exemplaires de tissus du cadavre pour les analyses d'ADN,
14 les échantillons de tissus, et il a dit qu'il a transporté, en novembre
15 2001, un jeu de tels échantillons au Dr Alonso à Madrid en Espagne pour que
16 cela soit analysé.
17 On peut en conclure que des milliers de victimes albanaises du Kosovo ont
18 été enterrées dans les charniers à Batajnica. Pour ce qui est du témoignage
19 de ce témoin, les paragraphes 72(d) et 75(h) sont pertinents pour ce qui
20 est des calendriers D et H.
21 Monsieur le Président, pour que nous travaillions d'une façon efficace pour
22 ce qui est des pièces à conviction présentées par le biais de ce témoin
23 dans l'affaire Milutinovic, je proposerais de lire ces numéros 65 ter de
24 ces pièces à conviction pour que le greffier puisse octroyer des cotes à
25 ces pièces dans cette affaire, si la Chambre de première instance en est
26 d'accord.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvez-vous nous rappeler le nombre de
28 ces pièces à conviction.
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1 M. NEUNER : [interprétation] Quarante-sept si j'ai bien compté, mais peut-
2 être que je me suis trompé. Il y a peut-être un de plus ou de moins.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Disposez-vous de la liste exhaustive
4 des pièces à conviction ?
5 M. NEUNER : [interprétation] Oui. Je l'ai transférée en pièce jointe au
6 Greffe.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous communiqué une copie à Me
8 Djordjevic ?
9 M. NEUNER : [interprétation] Me Djordjevic a reçu une notification pour ce
10 qui est de ce témoin et les pièces à conviction qui ont été présentées par
11 rapport à ce témoin, il y a un peu plus de documents, peut-être six ou
12 sept. Mais j'ai consulté mon éminent collègue avant l'audience aujourd'hui
13 dans le prétoire, j'ai abordé cette question et j'ai dit que l'intention de
14 l'Accusation est de demander le versement au dossier de ces documents de
15 cette façon.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans ce cas-là il faut que je pose la
17 question à Me Djordjevic s'il soulève des objections pour ce qui est de ces
18 pièces à conviction ?
19 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons
20 également envoyé un message électronique à M. Neuner pour ce qui est des
21 pièces à conviction par rapport auxquelles la Défense n'a pas l'intention
22 de soulever d'objection. Pour ce qui est des photographies, par exemple,
23 nous ne disposons pas de la source des photographies, nous ne savons pas
24 quelle entité a pris ces photographies, selon quelle ordonnance, ça pour ce
25 qui est des photographies.
26 Ensuite nous avons d'autres pièces à conviction par rapport auxquelles nous
27 ne pouvons pas nous prononcer maintenant pour ce qui est des objections.
28 Nous avons envoyé un message électronique à l'Accusation pour dire quelles
Page 3226
1 sont les pièces à conviction contestables et quelles sont les autres pièces
2 à conviction qui ne sont pas contestables et également quelles questions
3 doivent être soulevées aujourd'hui.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Messieurs, j'essaie de ne pas perdre
5 beaucoup de temps. La Chambre de première instance serait prête à faire
6 verser au dossier ces documents avec des cotes individuelles pour ce qui
7 est des pièces à conviction par rapport auxquelles il n'a pas d'objection.
8 Et s'il y a, le deuxième groupe de documents, c'est-à-dire des
9 photographies par rapport auxquelles on se pose la question concernant la
10 source de ces photographies, on peut s'occuper de ce groupe de documents de
11 façon séparée. Mais ce qui ne m'est pas clair est de voir quel est le
12 nombre de d'autres documents qui sont contestables.
13 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, lorsqu'il s'agit des
14 photographies, j'ai écouté attentivement les propositions de mon éminent
15 collègue, et je suis prêt à jeter la base du versement au dossier de ces
16 documents en posant des questions au témoin, donc nous pouvons procéder au
17 versement au dossier de ces documents un par un. Il y a aussi 16 rapports
18 d'après la liste dont je dispose. Si mon émient collègue le veut, je
19 pourrais poser des questions au témoin par rapport à cela.
20 L'Accusation a compris que c'est le témoin qui a signé la plupart de ces
21 rapports, et nous pouvons donc parcourir tous ces documents en posant des
22 questions au témoin. Je ne suis pas certain de pouvoir résumer tout cela de
23 façon spontanée parce qu'il y a quelques ordonnances de la Chambre que nous
24 croyons être pertinentes à première vue, parce que selon ces ordonnances ce
25 témoin et son équipe devaient procéder à des exhumations à Batajnica.
26 Nous considérons également que ce sont des questions qu'on peut résoudre
27 rapidement, Monsieur le Président. Et que peut-être même pendant le contre-
28 interrogatoire on pourrait faire cela et la Chambre pourrait peut-être
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1 faire verser les documents au dossier, et après le contre-interrogatoire
2 décider pour ce qui est du poids à accorder à ces documents.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, pour ce qui est des
4 comptes rendus, est-ce que vous attaquez leur authenticité ou bien plutôt
5 les opinions exprimées dans ces rapports ?
6 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Les opinions du Pr Dunjic, pour ce qui est
7 ses opinions, je ne vais pas les contester, mais il y a un problème
8 pratique, par exemple, le rapport d'autopsie rédigé par une équipe de sept,
9 huit anthropologistes, pathologues [phon], médecins spécialistes de
10 médecine légale, et cetera, qui ont rédigé le rapport d'autopsie d'un
11 cadavre.
12 Mon collègue M. Neuner a dit, par exemple, le rapport d'autopsie de Lirija
13 Beqiri, par exemple, par rapport à cette personne on ne voit pas qui a
14 procédé à l'analyse de l'ADN de cette personne, et c'est pour ça que ce
15 témoin est ici. C'est pour ça que je ne peux pas accepter cela, c'est-à-
16 dire je ne peux pas accepter ce rapport d'autopsie sans lien à l'analyse
17 d'ADN pour confirmer qu'il s'agit du rapport d'autopsie de Lirija Berisha,
18 par exemple.
19 Le chef de l'équipe était Jose-Pablo Baraybar, le témoin qu'on a entendu
20 ici, il était chef du département d'analyse d'ADN. Mais je laisse à mon
21 collègue Neuner de poser des questions à ce sujet. Parce que dans ces
22 rapports on ne peut pas savoir de quelle personne il s'agit, son identité
23 n'est pas indiquée, et ces sept experts pathologistes disent que vu l'état
24 dans lequel se trouvaient les cadavres, le degré de putréfaction des
25 tissus, il n'est pas possible d'identifier les personnes.
26 Nous avons communiqué hier après-midi à M. Neuner. Merci. Il y a plusieurs
27 rapports de ce type.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'on peut essayer d'avancer,
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1 Monsieur Neuner. Est-ce qu'on peut essayer de voir d'abord si vous disposez
2 de la liste des pièces à conviction que vous proposez au versement au
3 dossier et par rapport auxquelles il n'y a pas d'objection ?
4 M. NEUNER : [interprétation] Oui. Il s'agit de sept documents qui énumèrent
5 dans la pièce jointe au message électronique, et je peux lire leurs numéros
6 65 ter --
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous pouvons tout
8 simplement rendre une ordonnance selon laquelle il faut que cela soit versé
9 au dossier. Vous allez communiquer cette liste de ces pièces à conviction
10 au greffier d'audience, qui va s'occuper de cela pendant la pause suivante
11 en accordant à ces pièces des cotes appropriées.
12 M. NEUNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais procéder
13 ainsi. Donc je vais laisser de côté ces sept pièces à conviction par
14 rapport auxquelles il y a des objections et je vais parler des
15 photographies. Il s'agit de 26 photographies.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez poser des questions au
17 témoin par rapport à ces photographies, n'est-ce pas ?
18 M. NEUNER : [interprétation] Oui.
19 Q. Monsieur le Témoin, d'abord, pour ce qui est du compte rendu de votre
20 témoignage antérieur, j'ai pu comprendre que les exhumations ont commencé
21 en juin 2001, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Pouvez-vous me dire, à l'occasion de ces exhumations, pourquoi on prend
24 des photos ?
25 R. On prend des photos pour avoir des preuves du travail effectué, pour
26 pouvoir identifier les personnes, pour faciliter le processus de
27 l'identification des personnes, parce qu'on prend des photos des détails
28 des lésions, des vêtements retrouvés sur les cadavres. Donc dans le cadre
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1 des exhumations et ainsi que pendant l'autopsie, on prend des photographies
2 de tous les détails qui pourraient nous aider pour savoir quel était le
3 mécanisme de lésion, pour ce qui est des vêtements aussi. Donc pour avoir
4 tous les éléments nécessaires pour pouvoir procéder à l'autopsie d'un côté,
5 et de l'autre pour pouvoir identifier la cause du décès.
6 Pour ce qui est des photographies mêmes, les photographies ont été
7 prises à l'époque par les membres de la police technique et scientifique du
8 MUP de la Serbie, c'est le cas aujourd'hui aussi sur l'ordonnance du juge
9 d'instruction qui a donné l'ordre qu'on procède à des autopsies ou à des
10 exhumations. La personne qui dirige de façon directe l'exhumation et
11 l'autopsie sur le terrain - et c'était dans ce cas-là moi-même à Batajnica
12 1 et Batajnica 2 - donc j'étais la personne responsable ensemble avec mes
13 collègues qui prenaient des photographies pour pouvoir procéder à des
14 vérifications de certains éléments de cette façon-là. Donc on a des
15 documents écrits authentifiés par le médecin ou l'anthropologiste, on
16 procède aussi à la prise des photos. Donc c'est la procédure adoptée chez
17 nous.
18 Q. Pouvez-vous nous dire, si vous vous rappelez cela, bien sûr, qui
19 étaient les membres de l'équipe de la police scientifique et technique qui
20 ont pris ces photographies en été 2001 ? Si vous ne pouvez pas vous
21 rappeler ces techniciens, vous pouvez le dire.
22 R. Maintenant je ne peux pas me souvenir de ces techniciens. Je pense que
23 dans les rapports cela est noté. Dans le rapport que j'ai communiqué en
24 juin 2006. Je pense que dans ce rapport il s'agissait de Petar, mais je ne
25 me souviens pas de son nom de famille, mais je sais qu'il était technicien
26 de la police scientifique et technique qui a été détachée et se rattachait
27 à notre équipe selon l'ordonnance de Goran Cavlina, juge d'instruction.
28 Q. Je vais vous montrer quelques-unes des ces photographies, après quoi je
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1 vais demander à la Chambre le versement de ce jeu de photographies.
2 M. NEUNER : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher d'abord la pièce
3 159, la page numéro 1.
4 Q. Pouvez-vous nous dire très brièvement ce que nous pouvons voir sur
5 cette photographie ? En une ou deux phrases.
6 R. C'est le site de Batajnica 1. A droite on voit une tente qui est montée
7 sur le site où les exhumations ont été effectuées. A gauche il y a une
8 autre tente, sur la photographie qui est devant moi, c'est l'endroit où on
9 a procédé à des expertises, à des autopsies. Le véhicule de couleur rouge
10 c'est une citerne, et le véhicule blanc, à savoir le camion blanc est un
11 camion frigorifique où on déposait des cadavres après des autopsies.
12 Q. Merci. Qui a pris cette photographie ?
13 R. Un technicien appartenant à l'équipe médico-légale.
14 M. NEUNER : [interprétation] Je vais maintenant demander que la page numéro
15 2 soit affichée. Je m'excuse -- on a une série de photographies ici.
16 Q. Qu'est-ce qu'on peut voir ici ?
17 R. C'est l'entrée du site où on procédait à des exhumations, on voit une
18 tente montée là-dessus, et pratiquement c'est la vue frontale du site où on
19 procédait à des exhumations.
20 Q. Qui a pris cette photographie ?
21 R. Le technicien de la police scientifique.
22 M. NEUNER : [interprétation] Puis-je demander le versement de cette pièce
23 de la liste 65 ter numéro 159.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, maintenez-vous
25 votre objection pour ces photographies ?
26 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, bien que cela ne
27 soit pas habituel, je voudrais simplement demander au témoin de répondre
28 s'il s'agit d'un technicien de l'institut ou d'un technicien de la police
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1 scientifique quant à l'auteur de ces photos.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans ce que j'ai compris, il
3 s'agissait d'un technicien du MUP, de la police.
4 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Et que ces photographies ont été faites
5 sur ordre du juge d'instruction. Mais est-ce que le Pr Dunjic a
6 éventuellement lui aussi donné certains ordres ? C'est tout ce que j'aurais
7 souhaité demander.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre ?
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Le juge d'instruction est celui qui dirige
11 l'ensemble de la procédure, c'est lui qui a mis sur pied cette équipe de
12 légistes. Il a obtenu également du MUP de la Serbie une équipe de
13 techniciens car nous avons demandé la présence obligatoire d'un technicien
14 de la police scientifique qui était présent et qui a fait toutes ces photos
15 non seulement de nos travaux, mais également des autopsies. Nous, nous
16 avons donné --
17 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Cela suffira. Je ne ferai pas d'objection
18 au versement de ces photographies.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djordjevic.
20 La Chambre a donc reçu ces pièces à conviction qui sont sous la désignation
21 A, et maintenant dans la catégorie B du planning qui a été préparé par
22 l'Accusation, nous recevons 26 autres photographies. Le greffier attribuera
23 des cotes en temps voulu à ces documents qui seront versés.
24 La Chambre a également brièvement discuté de la façon dont il convenait de
25 procéder avec les rapports qui sont ici listés par l'Accusation dont on
26 demande le versement. La Chambre propose que pour chacun de ces rapports on
27 procède au versement en tant que pièce à conviction lors du contre-
28 interrogatoire au fur et à mesure. Donc les documents sont versés, mais
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1 sous condition pour le moment; et si des soucis apparaissent, nous
2 examinerons la question du statut de ces pièces plus avant. Pour le moment,
3 ces rapports sont versés.
4 Cela nous laisse cinq autres documents dans la partie D. Est-ce qu'il y a
5 des questions à poser au témoin concernant ces cinq documents ?
6 M. NEUNER : [interprétation] Tout d'abord, Messieurs les Juges, je voudrais
7 remarquer que quatre de ces documents ont déjà été examinés dans l'affaire
8 Milutinovic. Dans le planning que j'ai remis au greffier, j'ai listé les
9 pages du compte rendu d'audience dans l'affaire Milutinovic dans lesquelles
10 on voit que ces quatre documents parmi les cinq ont déjà été examinés. Donc
11 j'estime que cela fournit déjà des explications.
12 Nous avons également inclus cette information dans notre requête au
13 titre de l'article 92 bis sur les experts légistes, ce qui a été communiqué
14 également à la Défense, si bien que la Défense pourrait en prendre acte
15 pour la préparation de son contre-interrogatoire aujourd'hui.
16 Je suis maintenant prêt à demander pour le dernier document, le 2411
17 sur la liste 65 ter, je suis prêt à poser quelques questions et à demander
18 le versement, par ailleurs, de l'ensemble des cinq documents, Messieurs les
19 Juges.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Posez la question.
21 M. NEUNER : [interprétation] Pouvons-nous avoir la pièce 2411 de la liste
22 65 ter à l'écran, s'il vous plaît.
23 Q. Pouvez-vous juste regarder rapidement ce document. C'est la première
24 page. Avez-vous déjà vu ce document, pour commencer ?
25 R. Oui.
26 Q. Pouvez-vous nous donner une brève explication le concernant.
27 R. Il s'agit ici d'une liste de documents que j'ai fait suivre au juge
28 d'instruction Milan Dilparic. Afin qu'il n'y ait pas de malentendu ici,
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1 c'est le juge d'instruction Goran Cavlina qui dirigeait les travaux autour
2 de Batajnica 1. Quant à Batajnica 2, les exhumations et l'instruction ont
3 été dirigées par le juge Milan Dilparic, et ce que nous avons sous les yeux
4 concerne le second site.
5 Il s'agit donc d'une liste des documents que nous avons remis, entre autres
6 les rapports d'autopsie, les photographies qui avaient été prises, les
7 procès-verbaux des exhumations accompagnés de la documentation
8 photographique adaptée, les rapports des anthropologues, les
9 enregistrements de restes, des squelettes, les listes de vêtements et les
10 listes d'autres objets qui ont été remis aux autorités judiciaires. C'est
11 ce document.
12 Q. Vous nous donnez une explication très longue au sujet de ce document --
13 M. NEUNER : [interprétation] Mais je voudrais simplement demander son
14 versement. Donc, c'est la pièce 2411 de la liste 65 ter.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre décide que les cinq
16 documents sont versés -- les cinq documents figurant dans la catégorie D de
17 la liste, là encore sous réserve de tout problème qui pourrait apparaître
18 au cours du contre-interrogatoire. Donc pour le moment, les documents sont
19 versés, et en temps voulu le greffier attribuera des cotes. Vous pouvez
20 donc poursuivre sur la base de ces documents.
21 M. NEUNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y a juste
22 encore un sujet que je souhaitais aborder, qui a trait à un accès plus
23 facile -- enfin, je voudrais que nous puissions accéder plus aisément à ces
24 différentes photographies et documents, notamment pour vous, Messieurs les
25 Juges.
26 Q. Monsieur le Témoin, il y a des numéros de codes qui ont la forme Ba- et
27 ensuite des numéros sur les photographies des corps notamment. Est-ce que
28 vous pourriez expliquer pour les Juges de la Chambre qui a attribué ces
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1 codes ?
2 R. Dans mon équipe, il y avait un accord au terme duquel nous attribuions
3 le code Ba, qui était une abréviation pour Batajnica. Le nombre qui suivait
4 le chiffre était attribué pour chaque corps ou chaque partie de corps qui
5 avait été identifié sur les lieux. Ce numéro qui était attribué en plus de
6 la marque Ba suit la personne et tous les objets qui l'accompagnaient
7 pendant toute la durée du processus, jusqu'au bout.
8 Q. Encore une question. Vous nous avez dit que vous avez eu affaire à deux
9 charniers, Batajnica 1 et Batajnica 2. Si votre équipe attribuait un numéro
10 de code se rapportant au tout premier charnier, à quoi ressemblerait ce
11 numéro de code ? Et si votre équipe attribuait un numéro de code pour un
12 cadavre retrouvé dans le second charnier, à quoi ressemblerait ce second
13 numéro de code ? Merci.
14 R. Pour le deuxième site, on avait devant les lettres Ba le chiffre 2, qui
15 désignait donc le second site. Donc, on avait cette marque de Ba suivie du
16 numéro attribué au corps retrouvé.
17 Q. Donc, si j'ai un numéro Ba-2, et ensuite un autre chiffre qui suit, de
18 quel charnier cela proviendrait-il ?
19 R. Cela proviendrait de Batajnica 2, ou bien on aurait Ba-2, ou bien on
20 aurait 2-Ba. Dans mon équipe, on s'était mis d'accord pour 2-Ba comme
21 système. Cela correspond également à Batajnica 2.
22 Q. Et si l'on a un numéro du type Ba- et ensuite des chiffres, à quel
23 charnier cela correspondrait-il ?
24 R. Batajnica 1.
25 M. NEUNER : [interprétation] Messieurs les Juges, l'Accusation n'a pas
26 d'autres questions.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Afin de gagner du
28 temps, je demanderais au greffier de verser un mémorandum comprenant la
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1 liste de toutes ces pièces et tous les documents figurant à la liste 65
2 ter.
3 Maître Djordjevic, c'est à vous.
4 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
5 juste me préparer.
6 Contre-interrogatoire par M. Djordjevic :
7 Q. [interprétation] Bonjour.
8 R. Bonjour.
9 Q. Monsieur le Professeur, vous êtes docteur en médecine. Je voudrais
10 simplement que vous puissiez nous dire dans quelle spécialité vous avez eu
11 votre doctorat ?
12 R. C'était en médecine légale.
13 Q. Merci. Je voudrais ensuite vous demander de nous indiquer sommairement
14 quel était votre parcours depuis la fin de vos études en mentionnant votre
15 spécialité, dans quel domaine vous vous êtes spécialisé, quel type de
16 master vous avez obtenu jusqu'à votre doctorat. Vous êtes ici témoin mais
17 également expert.
18 R. Oui, puisque je suis un témoin, la couleur de mes cheveux en dit
19 également long sur ma carrière. En 1976, j'ai eu mon master. En 1980, j'ai
20 obtenu mon doctorat, et dans les deux cas j'ai été diplômé en médecine
21 légale. Par ailleurs, j'ai évidemment achevé mes études de médecine tout à
22 fait régulièrement. Je me suis spécialisé en médecine légale en 1980, et
23 c'est pratiquement dès mon premier emploi que j'ai travaillé dans le
24 domaine de la médecine légale.
25 Jusqu'à présent j'ai publié neuf ouvrages et plus de 180 publications
26 scientifiques et articles. J'ai également travaillé dans de nombreuses
27 affaires devant tous les tribunaux de Serbie et de Yougoslavie, et j'ai été
28 impliqué ici également dans ce Tribunal, engagé par plusieurs équipes de la
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1 Défense.
2 J'ai travaillé une fois comme expert pour le bureau du Procureur, et j'ai
3 une certaine expérience professionnelle. En effet, depuis 1990 j'ai
4 travaillé sur le terrain et en Croatie et en Bosnie. J'ai enquêté sur les
5 victimes de la torture, victimes appartenant à tous les groupes ethniques,
6 je souhaite le souligner. Plusieurs livres ont été écrits à ce sujet. J'ai
7 travaillé sur le cas du village de Racak. J'ai travaillé également sur un
8 cas qui est bien connu de l'opinion publique, celui du lac Radonjic au
9 Kosovo, près de Glodjane. Et concernant ces affaires de plus importantes,
10 j'ai malheureusement aussi participé au travail d'expertise et d'enquête
11 sur l'assassinat du premier ministre Djindjic.
12 Q. Monsieur le Témoin, êtes-vous expert permanent auprès de la cour en
13 Serbie ?
14 R. Oui.
15 Q. Depuis quand ?
16 R. Il me semble qu'officiellement, c'est depuis 1980.
17 Q. Merci. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le comité de médecine
18 légale de la faculté de médecine de Belgrade ? Quel est son rôle ?
19 R. Il s'agit d'un organe qui représente le troisième niveau d'expertise.
20 Il est composé de professeurs de différentes spécialités, et il intervient
21 sur mandat de la cour ou le mandat des tribunaux lorsqu'il existe des avis
22 divergents dans une affaire donnée sur une question particulière.
23 On estime que l'opinion de cette commission de médecine légale qui a
24 également une aile spécialisée, un sous-comité spécialisé en psychiatrie,
25 on estime que cette opinion est la dernière autorité devant les tribunaux.
26 Q. Monsieur Dunjic, ce qui a été trouvé à Batajnica a été fait par une
27 commission d'experts et de médecins que vous avez dirigée; n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. Donc il y avait M. Jecenica, Vesna Djokic, Marija Djuric, M. Savic, au
2 sein de cette équipe, ainsi que Tatjana Atanasijevic. Pouvez-vous me dire
3 qui a décidé de la composition de cette commission d'experts, était-ce vous
4 ?
5 R. Oui, c'était ma décision.
6 Q. Sur quoi se fondait votre décision ?
7 R. En tant que directeur de l'institut à l'époque, lorsque j'ai reçu
8 l'ordre du juge d'instruction Goran Cavlina me demandant de former une
9 équipe d'experts pour procéder à l'exhumation demandée, j'ai formé une
10 équipe sur la base de ce que je pouvais prévoir quant à l'ampleur des
11 travaux. J'ai été obligé de laisser une partie de mes collègues à
12 l'institut afin qu'ils puissent continuer à assumer les tâches qui étaient
13 les leurs. J'ai donc formé cette commission d'experts en choisissant des
14 personnes qui, à l'époque, étaient en mesure de s'acquitter de ces tâches.
15 Q. Merci. Monsieur le Professeur, pouvez-vous nous expliquer quel est le
16 rôle de l'anthropologue légiste dans votre équipe.
17 R. Son rôle, non seulement dans mon équipe mais dans toutes les équipes de
18 ce type, est de nous apporter leur aide dans le processus d'identification
19 des changements qui interviennent au niveau des structures osseuses, et
20 avant tout de nous aider à identifier le sexe, l'âge, la taille des
21 individus. Donc on leur demande de procéder à une estimation sur la base
22 des paramètres qui sont propres à l'anthropologie.
23 Q. Est-ce que des observateurs étrangers ont participé à vos travaux ou
24 des représentants du présent Tribunal, du bureau du Procureur; et si oui,
25 qui étaient-ils et quel était leur rôle ? Ensuite, avez-vous des
26 observations particulières par rapport à cette question que je viens de
27 poser et dont vous souhaiteriez nous faire part aujourd'hui ?
28 R. Lorsqu'on a procédé aux exhumations à Batajnica 1, puisque c'était le
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1 premier site, en raison de quoi il a également été désigné comme numéro 1,
2 nous ne connaissions pas encore l'existence des autres. Sur ordre du juge
3 Goran Cavlina et du président du tribunal du district de l'époque, M. Vida
4 Petrovic-Kero, il a été décidé qu'eux seuls pouvaient prendre des décisions
5 pour ce qui concernait la présence d'autres personnes sur le site lui-même.
6 Et toutes les personnes qui se rendaient sur le site à l'époque devaient
7 tout d'abord s'adresser à eux afin d'obtenir leur autorisation; et ensuite
8 sur le site même, ils devaient obtenir mon accord.
9 J'interdisais strictement toute ingérence dans la partie purement technique
10 et le travail des experts sur le terrain. J'ai également interdit la prise
11 de photos. Il n'existe donc qu'un seul jeu de photographies, ce sont les
12 photographies que nous avons annexées à nos rapports d'expert. Tout ce qui
13 a pu être fait en dehors de cela a été fait sans mon autorisation et sans
14 celle de la cour. A l'époque, nous essayions d'être aussi professionnels
15 que possible, nous avons eu la visite de nombreuses délégations. M. William
16 Fulton a été présent, M. Brenda Kennedy, originaires tous deux du présent
17 Tribunal en tant qu'anthropologues; eux n'avaient que ce statut
18 d'observateurs.
19 Q. Et qu'était M. Fulton de métier ?
20 R. Pour autant que j'aie bien compris, il était enquêteur car lorsque nous
21 avons commencé nos travaux, c'est par son intermédiaire que nous devions
22 nous procurer tout le matériel dont nous ne disposions pas encore pour
23 mener à bien nos travaux, des gants, et cetera. Nous disposions d'un
24 certain nombre de choses mais cela disparaissait très rapidement au sens où
25 nous les utilisions très rapidement. Et nous devions demander à ce monsieur
26 de nous aider afin qu'il nous fournisse ces bottes, tenues de protection,
27 gants et autres équipements à partir des stocks et des réserves dont il
28 pouvait disposer.
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1 Q. Alors, je suppose que ce que vous nous dites là a trait à Batajnica 1 ?
2 R. Cela concerne aussi Batajnica 2, selon le même principe.
3 Q. Très bien. Les mêmes personnes étaient présentes en tant
4 qu'observateurs ?
5 R. Pour autant que je le sache, il y avait des personnes appartenant à des
6 ONG, à des associations de protection des droits de l'homme, je ne me
7 rappelle pas le nom. Il y avait deux ou trois femmes qui étaient présentes
8 à tour de rôle et qui observaient tout. Mais pour ce qui est des rapports
9 quotidiens qui étaient soumis par moi et qui étaient soumis uniquement au
10 juge d'instruction, j'étais le seul à les envoyer. Tous autres rapports
11 sont non officiels. Les seuls rapports officiels sont ceux que je remettais
12 verbalement et par écrit au juge d'instruction.
13 Q. Est-ce que lors des travaux d'exhumation à Batajnica 1 il y a jamais eu
14 qui que ce soit de présent qui aurait été un représentant de l'OPMF ?
15 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris l'interprétation.
16 Q. Oui, c'est ce à quoi je m'attendais. Il s'agit d'un organe de la MUNIK
17 qui est en charge des aspects de médecine légale au Kosovo et qui était
18 dirigé par M. Jose-Pablo Baraybar, un anthropologue.
19 R. Je l'ai rencontré pour la première fois lorsqu'il est venu à l'institut
20 de médecine légale. Il est venu au sein de l'équipe de la MUNIK, et
21 puisqu'à l'époque, j'étais à la tête de tout ce qui était en cours comme
22 travaux à Batajnica et j'étais membre du centre de coordination du
23 gouvernement serbe pour le Kosovo-Metohija, après les premières exhumations
24 à Batajnica 1 ensuite à Batajnica 2, s'est posé le problème de
25 l'identification.
26 Nous avons prélevé des échantillons osseux, nous les avons entreposés, et
27 j'ai personnellement remis le premier jeu de ces échantillons osseux, et
28 ce, sur ordre de la cour, je les ai emmenés à Madrid. Ensuite les profils
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1 ADN que nous avons reçus de Madrid, nous devions les comparer avec les
2 données qui avaient été recueillies par la MUNIK car nous n'étions pas
3 allés au Kosovo. La MUNIK avait prélevé des échantillons de sang en
4 provenance de la famille des disparus, a recueilli également des données
5 post mortem aux fins de l'identification. Nous devions donc utiliser ces
6 trois sources pour procéder à l'identification, et c'est sur ordre de notre
7 juge que cette comparaison a été effectuée. Et c'est alors que j'ai
8 rencontré pour la première fois M. Baraybar qui s'est rendu sur place. Il a
9 été convenu que tous ceux qui passaient ce processus d'indentification qui
10 était le nôtre qui avaient été exhumés à Batajnica 1 ou 2 soient transférés
11 au Kosovo lorsque leur identité était établie. C'est alors que j'ai pour la
12 première fois appris que tous ces corps que nous transférions au Kosovo par
13 l'intermédiaire du centre de coordination étaient procédés à des examens.
14 J'ignorais qui le faisait. Il s'agissait des corps que nous avions exhumés
15 et examinés.
16 Q. Monsieur le Professeur, vous nous avez dit que vous avez transporté
17 certains éléments du squelette pour une analyse d'ADN qui a été faite à
18 Madrid si je vous ai bien compris. Vous dites que vous les aviez amené à
19 Madrid, et je suppose qu'il s'agissait en fait d'éléments osseux, des côtes
20 en l'occurrence ?
21 R. Non, il s'agissait d'échantillons fémoraux, il s'agissait en fait de 2
22 centimètres de fémur qui avait été prélevés. Si par exemple on trouvait un
23 bras qui était séparé du tronc du corps et que l'anthropologue ne pouvait
24 pas en fait intégrer le bras en question au reste d'un corps qui avait été
25 trouvé ailleurs, alors nous prenions un échantillon du bras supérieur, de
26 l'os du bras supérieur, où nous prenions l'os de la clavicule.
27 Q. Est-ce que cela suffisait pour vous permettre d'établir le profil d'ADN
28 pour identifier la personne en question ?
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1 R. Cela suffisait pour établir un profil d'ADN.
2 Q. Est-ce que c'est ce que faisait la MINUK ?
3 R. Pour pouvoir comparer le profil d'ADN avec quelque chose il fallait
4 dans un premier temps déterminer le profil ADN sanguin qui devait être pris
5 pour les personnes qui avaient été portées disparues. Ensuite il fallait
6 établir une corrélation entre ces résultats et les mettre en parallèle,
7 pour pouvoir déterminer qui était la personne et pour pouvoir déterminer
8 s'il s'agissait de la même personne.
9 Q. Nous allons bientôt avoir notre pause technique, mais j'ai encore une
10 question à vous poser avant la pause pour en terminer avec ce thème. Voilà
11 ce qui m'intéresse, vous aviez donc Batajnica 1 et Batajnica 2 : j'aimerais
12 savoir si vous avez pris de tous les corps des échantillons de fémur, ou
13 d'autres os d'ailleurs pour pouvoir déterminer le profil ADN comme vous
14 nous l'avez dit à Madrid ?
15 R. Non, nous ne l'avons fait que pour Batajnica 1, pour autant que je m'en
16 souvienne, pour ce qui était de les transporter à Madrid.
17 Q. Qu'est-il advenu des restes de Batajnica 2, des restes pertinents pour
18 la détermination du profil d'ADN j'entends ?
19 R. Pour ce qui était de tous les échantillons que nous avons pris, nous
20 avons consulté le juge, nous sommes parvenus à un accord et en fait il a
21 contacté l'ICMP, et il a été décidé qu'il devrait s'occuper des
22 échantillons, parce qu'à l'époque à la fin de l'année 2001/2002, il y avait
23 un laboratoire d'ADN qui avait été crée à Sarajevo, me semble-t-il. Ensuite
24 nous avions en fait un laboratoire d'ADN et il y en avait un autre à Banja
25 Luka. Il y avait trois institutions indépendantes qui pouvaient analyser
26 les profils d'ADN obtenus. Pour ce qui était de Batajnica 1, les
27 échantillons de Batajnica 1 j'entends, et des échantillons osseux de
28 Glodjane ou du lac Radonjic, c'est ce dont mon équipe s'occupait et ces
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1 échantillons ont également été amenés à Madrid. Il y avait deux ensembles
2 d'échantillon pour le lac Radonjic, il y avait les victimes qui avaient été
3 trouvées à cet endroit sur ce lieu en 1998, puis il y avait les
4 échantillons des victimes de Batajnica 1 qui remontait à 2001.
5 Il a fallu en fait obtenir l'aval et la permission du président du
6 Tribunal de première instance, et pour faire en sorte que cela soit fait
7 conformément à la loi parce qu'il fallait que ce matériel biologique soit
8 amené à l'étranger aux fins d'identification d'analyse d'ADN.
9 Q. Je vous remercie.
10 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je pense que nous pourrions peut-être
11 faire la pause maintenant.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons avoir notre deuxième
13 pause, et nous reprendrons à 13 heures.
14 --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.
15 --- L'audience est reprise à 13 heures 02.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, reprenez.
17 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Q. Monsieur le Professeur, vous avez déclaré que les premiers laboratoires
19 d'analyse d'ADN ont été établis dans les Balkans, tout d'abord à Sarajevo
20 puis ensuite à Belgrade et enfin à Banja Luka, n'est-ce pas ?
21 R. Je n'ai pas parlé des Balkans, mais plutôt de l'Ex-Yougoslavie. Je
22 pense que simultanément que cela s'est mis en place aussi à Zagreb, quant à
23 notre institut, cela a démarré à la fin 2002.
24 Q. Alors il y a une chose que je n'ai pas très bien comprise, cela
25 concerne Batajnica 2. Est-ce que votre commission d'experts a prélevé des
26 échantillons sur ces cadavres aux fins de l'élaboration de profils d'ADN, y
27 avez-vous procédé ou non comme cela a été le cas à Batajnica 1 ?
28 R. Oui. Nous l'avons fait, j'ai ici un aide-mémoire où il est dit que le
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1 10 septembre 2001, des échantillons fémoraux ont été prélevés sur le site
2 Batajnica 2, non pas un seul échantillon, mais deux échantillons.
3 Q. Est-ce que vous avez reçu ces profils d'ADN pour les cadavres sur
4 lesquels vous avez procédé à ces prélèvements ?
5 R. L'ICMP, qui jouait le rôle d'intermédiaire, l'Institut pour les
6 personnes portées disparues, nous envoyait au fur et à mesure les groupes
7 d'individus pour lesquels l'identité avait été établie. Il disposait des
8 échantillons d'ADN que nous leur avions envoyés confirmant l'utilisation
9 donnée par la cour, et il disposait des profils d'ADN établis à partir des
10 échantillons sanguins prélevés auprès des membres de la famille qui avaient
11 fait état de personnes portées disparues dans leur famille, information à
12 eux par la MINUK du Kosovo.
13 Q. Lorsque vous avez reçu ces éléments que vous dites avoir reçu de cette
14 institution, avez-vous également été informé de l'identité de ces
15 personnes, du moins dans la mesure où leur identification avait été
16 possible ?
17 R. C'est un peu compliqué maintenant d'aborder ce sujet. Je vais me
18 contenter de vous dire que le profil d'ADN que nous recevions était basé
19 sur les échantillons osseux assortis de la cote que nous avions attribuée
20 avec un numéro de code correspondant. Ensuite nous avions le profil d'ADN
21 dans ce document que nous recevions qui était élaboré à partir des
22 échantillons de sang, profil d'ADN classé par nom et prénom sur la base des
23 deux ou trois parents qui avaient été consultés par la MINUK.
24 C'est sur la base de l'ensemble de ces éléments que l'ICMP concluait
25 l'identité. Cela ne concluait pas le processus d'identification, car de par
26 notre expérience et en coopération avec notre expert en génétique, nous
27 procédions à une analyse comparative. Ces données post mortem sous forme
28 écrite qui avaient été recueillies par la MINUK pour chaque personne portée
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1 disparue, étaient mises en regard et comparées avec nos rapports d'autopsie
2 et nos rapports d'expertise anthropologique. D'une part et d'autre part
3 avec le rapport d'analyse d'ADN reçu de l'ICMP, et ensuite nous procédions
4 à un croisement de toutes ces données afin de déterminer si tout cela était
5 cohérent et correspondait bien à la personne correspondante. C'est sur la
6 base de ces paramètres que notre commission décidait si en espèce, qu'il
7 s'agisse de Batajnica 1 ou Batajnica 2, s'il s'agissait de telle ou telle
8 personne.
9 Q. Très bien, c'est déjà un peu plus clair maintenant. Ce que je
10 souhaitais aussi vous demander à propos des travaux qui ont été les vôtres
11 à Batajnica 1 et 2 et concernant votre rencontre avec Jose-Pablo Baraybar,
12 vous dites qu'il s'est rendu à votre institut, par rapport à ces deux
13 événements, les exhumations à Batajnica 1 et Batajnica 2. Quand cette
14 personne est-elle venue ?
15 R. Croyez-moi j'essaie de m'en souvenir, mais je ne m'en souviens pas
16 précisément. Il me semble que c'était déjà à un moment où les exhumations
17 étaient terminées à Batajnica 2 et à un moment où nous recevions déjà les
18 premiers profils ADN et, à ce moment-là, les rapatriements des corps
19 avaient déjà commencé. Quand cela s'était produit exactement, je l'ignore.
20 Q. Compte tenu de votre participation à ces analyses d'expert, à ces
21 exhumations, et compte tenu du fait que vous étiez à la tête de cette
22 équipe, disposez-vous d'éléments allant dans le sens de l'existence d'un
23 protocole de coopération entre la MUNIK ou plutôt l'OPMF, qui était la
24 façon de fonctionner de la MINUK en matière de médecine légale et de
25 pathologie. C'était l'organe dirigé par Baraybar et d'autre part, les
26 autorités serbes ? Y avait-il un protocole de coopération entre ces deux
27 entités ?
28 R. Croyez-moi, j'ignore tout de cela. J'ai seulement ouï dire quelque
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1 chose à ce sujet. Il y avait soi-disant une information selon laquelle ils
2 ont demandé quelque chose de cette nature, mais j'ignore tout de cela, car
3 à ce moment-là, d'un côté comme de l'autre, il y avait des requêtes en vue
4 d'identifier les corps et de retrouver les personnes portées disparues au
5 Kosovo. Or, moi-même, les membres de mon équipe, mais également les autres
6 experts de mon pays ne pouvaient pas se rendre sur place au Kosovo pour
7 procéder à des examens, des exhumations, pour procéder à des recherches
8 concernant les personnes portées disparues.
9 Il n'y a eu qu'en 1998 et janvier 1999 que je me suis occupé du cas
10 de Glodjane et Racak. Après les bombardements en 1999, c'est devenu
11 impossible. Je ne pouvais pas m'y rendre en tant qu'expert et il y avait
12 une tension qui était présente pendant toute cette période quant à la
13 possibilité qu'une équipe serbe puisse se rendre au Kosovo procéder à des
14 exhumations ou inversement, la possibilité pour une équipe albanaise de se
15 rendre à Batajnica. Un de mes collègues, c'est un Albanais de Pristina - je
16 ne me rappelle pas son nom à l'instant - il était plus jeune que moi, il
17 est venu voir comment nous procédions à Batajnica 1 et 2. Il est venu à
18 l'institut. Il a dit qu'il était content de pouvoir venir et nous avons
19 également dit que nous étions très content de le recevoir, car il n'était
20 pas question de cacher quoi que ce soit. C'était fait de façon très
21 professionnelle et au sens de permettre un échange d'information.
22 Q. Alors dans ces circonstances malheureuses, il est fait mention de
23 deux autres sites, Petrovo Selo et Perucac. Il y avait une autre équipe qui
24 travaillait, c'était le Dr Radovan Karadzic. Vous le connaissez ?
25 R. Oui, bien sûr. C'était un assistant à Nis.
26 Q. C'était votre collègue. Et il dirigeait l'une de ces équipes, à
27 moins que je ne me trompe ?
28 R. A Petrovo Selo ?
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1 Q. Oui.
2 Par rapport à ce protocole de coopération au sujet duquel je vous ai
3 interrogé, vous dites que vous avez, à ce sujet, une information assez
4 confuse, mais cet accord prévoyait une coopération entre l'OPMF et les
5 organes compétents, qui étaient chargés précisément de ce dont vous aviez
6 la charge, à savoir l'élaboration des rapports d'autopsie à Batajnica 1,
7 Batajnica 2, Petrovo Selo, Perucac, et cetera. Est-ce que vous avez des
8 éléments, puisque vous venez de me dire que vous connaissez le Dr Karadzic,
9 des éléments donc allant dans le sens que le Dr Radovan Karadzic n'ait
10 jamais eu quelque contact que ce soit avec quelqu'un de l'OPMF; vous
11 semblez ne pas avoir eu de tels contacts, mais qu'en est-il de lui ?
12 R. Je ne peux pas vous répondre. Je connais ce collègue sur la base de nos
13 réunions professionnelles. Il était spécialiste de médecine légale. Quant à
14 savoir avec qui il a pu être en contact, croyez-moi, je l'ignore tout à
15 fait.
16 Q. Mais ne devriez-vous pas être informé du fait, si cela s'était produit,
17 qu'une telle réunion ait pu se tenir ?
18 R. Pour pouvoir vous répondre, il faudrait que je puisse me reporter à
19 cette période. Nous avons donc commencé à procéder au rapatriement des
20 corps exhumés à Batajnica 1 et 2. Il y avait donc ce problème relatif à la
21 conservation de ces corps et la façon de les entreposer.
22 Ensuite s'est posé le problème de leur rapatriement. Il y avait une
23 femme médecin qui s'est présentée comme expert légiste, M. Kozlowski, un
24 nom de ce type-là, et elle a participé avec nous à l'examen de ces corps
25 pour vérifier que, dans la housse portant le numéro tant et tant de
26 Batajnica 1 ou 2, se trouvait bien le corps correspondant au registre des
27 autopsies qu'elle a demandé à voir. C'est alors que ces corps ont été
28 chargés dans un camion, ont été transportés jusqu'à la frontière avec le
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1 Kosovo, et c'est ainsi qu'on a procédé au rapatriement.
2 Qu'est-ce qui s'est passé ensuite, je l'ignore. Est-ce que quelqu'un
3 a procédé à une vérification, à un examen là-bas, je l'ignore. J'ai eu des
4 informations en provenance d'un collègue plus jeune qui ont sous-entendu
5 qu'il y aurait de nouvelles autopsies, mais vraiment j'ignore. Je n'ai
6 aucun document ni information écrite indiquant que quelqu'un ait fait
7 quelque chose de cet ordre plus tard.
8 Q. Ai-je raison pour dire qu'après ce que vous venez de dire, je peux
9 conclure que vous n'avez absolument pas d'information concernant les
10 activités de l'OPMF concernant des dépouilles rapatriées des citoyens
11 albanais décédés ?
12 R. Non, je n'en sais rien.
13 Q. Merci. Lorsque vous avez dit que vous aviez reçu un rapport d'un
14 collègue plus jeune ou une information, je n'ai pas tout à fait compris de
15 quoi il s'agissait. Dites-nous s'il s'agissait peut-être du résumé des
16 recherches effectuées par OPMF, cette partie du bureau chargée de
17 recherches en médecine légale ?
18 R. Ce collègue m'a informé verbalement, puisqu'il a participé au
19 rapatriement. De la part de notre commission qui s'occupait de Batajnica 1
20 et de Batajnica 2, je l'ai donc habilité à prendre contact avec Kozlowski,
21 cette femme dont je ne me souviens pas très bien. J'ai oublié son prénom.
22 Donc il a raccompagné les membres de nos organes ainsi que des
23 représentants de la MINUK jusqu'à la frontière avec le Kosovo. Donc, il y a
24 six ou sept ans, il m'a dit, nous avons remis les cadavres ainsi que la
25 liste. Il n'était pas possible de les remettre tous au même moment.
26 Cela a duré des années. Il leur a remis la liste et, avec le juge, on
27 s'est mis d'accord de leur remettre des rapports d'autopsie également. Donc
28 ils pouvaient avoir accès à ces deux types de documents, à des certificats
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1 de décès également, parce que notre médecin a procédé à la rédaction de ces
2 certificats de décès, le médecin qui a constaté la mort. Il m'a dit qu'il
3 allait donc examiner ces cadavres, mais je ne sais pas si on lui a dit cela
4 ou s'il a entendu dire cela par quelqu'un d'autre. Mais je ne sais pas.
5 Q. Savez-vous d'où il tenait cette information ?
6 R. Probablement de contacts avec ces personnes.
7 Q. Merci.
8 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Brièvement, je vais m'arrêter dans mon
9 contre-interrogatoire pour apporter une correction, parce que mes
10 assistants m'ont dit que je disais OPMF tout le temps, ce qui est erroné.
11 C'est OMPF.
12 Est-ce qu'on peut afficher maintenant la pièce 5454, la deuxième page du
13 document. Il s'agit du paragraphe 2 de la page 2, à la page 27 en B/C/S.
14 Non, ce n'est pas la page 27. C'est la page 2. Non, non. C'est la page 27.
15 Paragraphe 2 à la page 27, s'il vous plaît. C'est la pièce 5454 et la page
16 25 dans la version en anglais. Il faut que la version en B/C/S soit
17 affichée aussi.
18 Le numéro ERN est K053-5916. Ça peut aider peut-être. Il s'agit des annexes
19 C et D à la déclaration du témoin Jose-Pablo Baraybar. P454, c'est le bon
20 document.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce P454 ?
22 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans cette affaire.
24 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
26 M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est la page 27 en B/C/S et la page 25 en
27 anglais. En B/C/S, il s'agit de la page 2. Non pas à la page 27. Non. Non
28 plus. C'est la page 27. Dans le prétoire électronique, c'est la page numéro
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1 14 et cela devrait être la page 2 dans la version en B/C/S, donc dans le
2 même document. La page 14 ici.
3 M. NEUNER : [interprétation] Mon éminent collègue a-t-il une copie papier
4 pour qu'on la place sur le rétroprojecteur.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui. J'en dispose -- parce que ce numéro
6 n'est pas exact.
7 Est-ce que M. l'Huissier peut donc donner cette copie papier au
8 témoin et après, déplacer cette même copie sur le rétroprojecteur. Dans
9 cette copie, j'ai souligné certains points et j'ai dessiné des cercles
10 autour de certaines choses et j'aimerais que le témoin lise cela, ce que
11 j'ai donc souligné.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] "Ce sont les parties du
13 rapport…" --
14 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] "Le rapport a quatre parties. La première
16 partie représente l'introduction à l'analyse des dépouilles humaines
17 retrouvées dans des charniers et il est dit qu'il faut "formuler" la cause
18 la plus probable du décès. Baraybar et Gasior en 2006," c'est une
19 référence, le lieu graphique, "lorsqu'il est possible de le faire. La
20 deuxième partie, il s'agit de la description des natures de ces
21 examinations et la troisième partie représente la comparaison de ces
22 conclusions avec les conclusions des organes de la Serbie. Et dans la
23 quatrième partie, on présente des conclusions de tous ces examens."
24 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
25 Q. [aucune interprétation]
26 M. NEUNER : [interprétation] Je m'excuse, mais il s'agit donc de la partie
27 qui se trouve au milieu du rapport. On commence à lire à partir de cela. Je
28 n'ai pas l'intention de soulever d'objection par rapport à ce sujet, mais
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1 mon éminent collègue, peut-être, pourrait jeter des bases pour pouvoir
2 poser de telles questions en demandant au témoin s'il avait déjà vu ce
3 rapport, s'il connaissait déjà ce rapport.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Neuner, je crois que nous
5 pouvons permettre à M. Djordjevic d'avancer, parce que je suppose qu'il va
6 demander des commentaires au témoin pour continuer. Je ne pense pas qu'il
7 ait des difficultés pour le faire.
8 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je pense qu'on ne peut pas être inquiet
9 par rapport à cela.
10 Q. Etes-vous d'accord que les médecins légistes, mis à part l'identité de
11 la personne, aient tous les éléments nécessaires pour identifier la
12 personne, l'âge, le sexe, la taille. Est-ce qu'ils peuvent déterminer les
13 causes du décès en se faisant une idée du mécanisme de lésion et de
14 traumatisme. Est-ce que cela fait partie de leur travail ?
15 R. Non. Les anthropologues ne sont pas médecins. Les anthropologues, pour
16 ce qui est de leur profession même, sont formés pour faire tout ce que vous
17 venez de dire. Seulement les médecins légistes ont des connaissances
18 nécessaires pour pouvoir déterminer la cause du décès d'une personne, à
19 savoir les médecins légistes peuvent fournir au Tribunal les faits sur la
20 base desquels on peut arriver à cette conclusion, c'est-à-dire déterminer
21 la cause du décès.
22 Donc un anthropologue n'a pas de compétences nécessaires pour parler
23 de la cause du décès sans collaborer avec le médecin légiste. Il ne peut
24 que nous aider pour ce qui est des explications partielles du squelette,
25 des lésions ou de la description du squelette, et non pas du tout de la
26 cause du décès ou du temps où la lésion a été donc provoquée.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Neuner.
28 M. NEUNER : [interprétation] Oui, j'aimerais dire la chose suivante, on a
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1 demandé à ce témoin de donner son opinion, et aujourd'hui on a un témoin
2 qui parle des faits, il peut certainement nous parler de ses connaissances,
3 de ce qu'il a pu observer et de ce qu'il a vu. Mais la Chambre a entendu
4 l'opinion pour ce qui est d'un autre témoin et de son travail qui a été
5 convoqué pour témoigner ici dans cette affaire. Mais nous n'avons toujours
6 pas de base pour pouvoir demander à ce témoin ce qu'il en sait.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Neuner. Nous avons
8 donc déjà entendu quelles sont les compétences de ce témoin, et à ce
9 moment-là je ne pense pas que le commentaire qu'il a fourni ne sorte du
10 domaine qui est son domaine spécifique, la médecine légale.
11 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
12 Q. J'aimerais maintenant vous poser une autre question : quel était l'état
13 des corps que se trouvaient à Batajnica 1 et 2 ? Est-ce que vous pouvez
14 nous fournir une description générale qui serait valable pour tous les
15 corps ou est-ce qu'il faut parler des différents corps individuels ?
16 R. Ecoutez, je vais essayer d'être aussi concis que faire se peut. Pour ce
17 qui est de la description générale, des caractéristiques générales pour
18 Batajnica 1 et Batajnica 2 également, était que sur les deux sites les
19 cadavres étaient dans différentes phases de décomposition, je pense, pour
20 ce qui est des tissus mous et durs. Voilà la description d'un expert que je
21 peux vous donner. Nous, experts légistes, accordons une attention
22 particulière à ces mutations dans les tissus mous et durs.
23 Je m'excuse, je ne vous vois pas à cause de ce rétroprojecteur, je dois
24 vraiment tendre le cou pour vous voir.
25 Mais bon, toujours est-il que nous avons accordé une attention très
26 particulière à ces mutations ou changements dans les tissus mous et durs,
27 afin de déterminer si ces changements observés sur le corps en question
28 avaient été provoqués ante ou post mortem, il s'agissait de savoir si ces
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1 changements avaient été provoqués par des lésions, si la blessure avait été
2 infligée à l'aide d'un objet bien particulier, et par ailleurs les
3 blessures post mortem nous permettent de déterminer de façon indirecte
4 d'ailleurs l'heure du décès. Voilà ce que je peux vous dire de façon très
5 brève.
6 Q. D'après vos propos je peux tirer la conclusion suivante, la cause du
7 décès mais également le mode du décès, dans tous les cas qui ont été
8 examinés par votre commission, n'ont pas été déterminés justement parce
9 que, comme vous l'indiquez, les cadavres se trouvaient déjà dans un état
10 très avancé de décomposition ?
11 R. Oui, mais je dois poursuivre. Puisque je témoigne ici en tant que
12 témoin qui a quand même une certaine expérience dans le domaine de la
13 médecine légiste, je me sens quand même obligé d'expliquer à cette Chambre
14 de première instance que j'ai déjà témoigné en tant que témoin témoignant
15 sur les faits incriminés. Je viens de l'Institut de médecine légale à
16 Belgrade qui est quand même l'un des instituts les plus anciens en Europe
17 méridionale -- ou en Europe du sud, je ne parle pas des Balkans. Notre
18 pratique médicale pour ce qui est du domaine de la médecine légale se fonde
19 sur la meilleure pratique retenue, à savoir la pratique allemande, avec
20 quelques ajouts du programme de médecine légale anglo-saxon ainsi que des
21 éléments qui ont été glanés également au programme de médecine légale
22 russe, ce qui fait que nous avons retenus et fait converger les trois
23 approches les plus solides dans ce domaine.
24 Pour ce qui est de l'Institut de médecine légale à Belgrade dont je viens,
25 il y a des manuels et des ouvrages qui ont été publiés dès 1850. Ce sont
26 des articles et des ouvrages rédigés par nos experts. Tous les autres
27 instituts de l'ex-Yougoslavie émanent de notre institut. Voilà pour ce qui
28 est de notre approche, de l'école de pensée que nous avons retenue.
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1 Tout ce que je dis correspond aux propos d'un professionnel, et c'est ainsi
2 que les choses sont faites dans notre monde, dans notre domaine bien
3 particulier et dans le monde entier. Vous avez d'un côté les faits, il faut
4 également qu'il y ait une certaine gestion et un certain traitement des
5 faits. Sur la base de ces faits des conclusions sont dégagées, et là il
6 s'agit d'un autre élément, et puis il y a le troisième élément, qui est
7 l'interprétation de ces faits, en d'autres termes, l'opinion ou l'avis qui
8 est donné à ce Tribunal. Qu'il s'agisse de ce Tribunal ou d'un tribunal
9 national, il faut encore qu'il y ait une certaine logique et harmonisation
10 entre les constatations et les conclusions relatives à la cause du décès.
11 Ce qui signifie que si dans vos conclusions vous n'avez pas un élément,
12 vous ne disposez pas de tous les éléments qui vous permettraient d'avancer
13 qu'il y a eu, par exemple, telle ou telle blessure et que la blessure a été
14 infligée à la personne de son vivant, alors vous ne pouvez pas utiliser
15 cette conclusion pour déterminer la cause du décès de la personne, vous ne
16 pouvez pas avancer que la blessure a provoqué le décès de la personne.
17 C'est la raison pour laquelle lorsqu'on utilise ce concept, si vous avez un
18 corps qui se trouve déjà dans une phase assez avancée de décomposition et
19 de putréfaction, vous ne pouvez pas déterminer la cause du décès.
20 Qu'est-ce que cela signifie de façon pragmatique et pratique pour un
21 tribunal ? Cela signifie que la cause du décès est la blessure, et vous, en
22 tant qu'expert, vous devez pouvoir prouver que cette blessure a été
23 infligée du vivant de la personne. Cela peut vous paraître un tant soit peu
24 ridicule maintenant, mais il y a des blessures qui peuvent être infligées
25 post mortem juste après le décès de la personne, et en fait elles
26 présentent exactement le même profil. Là en l'espèce il n'y avait pas de
27 tissus mous, ce qui fait que vous ne pouvez pas déterminer quelles étaient
28 les fonctions vitales qui fonctionnaient encore. Vous ne pouvez pas
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1 déterminer à quel moment la blessure a été infligée au corps.
2 Ce qui fait que si vous avez une blessure au niveau de la boîte crânienne
3 sur un corps qui n'est plus qu'un squelette, vous pouvez supposer que cette
4 blessure a provoqué le décès de la personne. D'aucun peuvent le supposer.
5 En tant qu'expert je dois vous répondre en tant qu'expert, et quels sont
6 les éléments de preuve qui permettent de prouver que ce fait a provoqué le
7 décès. J'ai regardé le rapport d'autopsie, je vois que le corps n'était
8 plus qu'un squelette, et comme je vous l'ai dit, pour moi, cela signifie
9 qu'il n'y a pas de preuve pour les tissus. Enfin, c'est mon avis en tout
10 cas.
11 Et c'est extrêmement important lorsque vous travaillez sur des corps
12 exhumés. Pas seulement pour Batajnica. J'ai déjà témoigné en tant qu'expert
13 de la Défense dans les affaires de Srebrenica et dans d'autres affaires
14 d'ailleurs également. Pourquoi est-ce que cela a une importance si capitale
15 ? Cela a son importance parce qu'il y a différents types de blessures qui
16 peuvent être infligés à différents intervalles de temps avant et après le
17 décès. Si vous voyez qu'il y a trois ou cinq de ce type de blessure sur le
18 corps, vous ne pouvez pas déterminer dans un premier temps quel a été
19 l'ordre des blessures, dans quel ordre ces blessures ont été données, et
20 vous ne pouvez pas non plus déterminer si ces blessures ont été portées à
21 la personne de son vivant et vous ne pouvez pas déterminer quelles sont les
22 causes du décès.
23 Pour que tout soit clair j'ai vu l'image d'un crâne avec une blessure qui
24 le transperçait de part et d'autre, c'était une blessure infligée par une
25 balle, je peux le dire en tant que médecin légiste mais un anthropologue ne
26 pourra pas dire ce que j'avance. Parce que si vous avez une personne dont
27 le crâne a été percé de part et d'autre, avec l'orifice d'entrée au niveau
28 de l'os temporal droit et l'orifice de sortie au niveau de l'os temporal
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1 gauche.
2 J'ai examiné une personne qui avait ce genre de blessure alors
3 qu'elle était encore vivante. C'était un soldat qui avait essayé de se
4 suicider en appuyant et en se tirant une balle dans la tête. Il a essayé
5 ensuite de poursuivre en justice pour obtenir une compensation et j'ai dû
6 l'examiner. Il avait ce qu'on appelle un défaut osseux au niveau de cet os,
7 on pouvait déterminer cela en regardant la radio. Mais si vous regardiez la
8 personne, il était bien vivant lorsque je l'ai examiné. S'il était mort, si
9 le corps qui m'avait été présenté était un squelette, qu'est-ce qu'un
10 anthropologue aurait conclu pour la cause du décès ? Il aurait conclu que
11 cette personne était morte du fait de la blessure qui avait traversé son
12 crâne. Ce qui n'aurait pas été vrai, puisqu'il aurait pu se tuer d'une
13 autre façon et de toute façon, il a vécu encore trois ans après cette
14 tentative de suicide. Je l'ai examiné trois années après justement.
15 Lorsque je suis venu témoigner au tribunal, je fais la même chose
16 ici, je m'en tiens à ma spécialité de médecin légiste. Je peux vous fournir
17 des éléments de preuve et ces éléments de preuve doivent suivre une
18 certaine logique. Nos conclusions suivant lesquelles les causes du décès ne
19 pouvaient pas être déterminées correspondent tout à fait aux constatations
20 effectuées. Cela est valable pour la médecine légiste, non seulement en
21 Serbie, mais dans le monde entier, parce que sinon, on se fondrait sur des
22 hypothèses de travail, des suppositions.
23 Q. J'aimerais vous poser une autre question maintenant : quel aurait pu
24 être l'état de ces restes humains lorsqu'ils ont été ramenés au Kosovo ?
25 Comme vous le savez, cette période de rapatriement a duré deux ans, de 2004
26 à 2006, à l'époque où la commission de la MUNIK effectuait ces examens
27 comme je l'ai indiqué un peu plus tôt. Donc quel aurait pu être l'état de
28 ces restes. Vous, vous avez fait vos analyses en 2001, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Donc trois, quatre, cinq, six ans après, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Mais au vu de vos expériences, Monsieur ?
5 R. Non, ce n'est pas seulement au vu de mes expériences, c'est également
6 d'après ce que je sais, d'après mes connaissances. Lorsque nous avons
7 commencé à rapatrier les cadavres, les corps que nous avions autopsiés et
8 que nous avions, dans un premier temps, exhumés puis autopsiés, la
9 décomposition de ces corps, que nous avions inspectés et examinés, était
10 encore plus prononcée. Qu'entends-je par là ? Ce que je veux dire c'est
11 qu'à partir du moment où vous enlevez un corps de la terre et que vous
12 l'exposez à l'air, notamment pendant l'été qui a été la période à laquelle
13 nous avons travaillé, le processus de putréfaction s'en voit accélérer,
14 surtout lorsqu'il s'agit de la putréfaction des tissus mous. Je dois dire
15 que la plupart des cadavres que nous avons rapatriés étaient quasiment en
16 état de squelette. Donc ils étaient dans un état de squelette beaucoup plus
17 avancé qu'au moment de l'autopsie.
18 Q. Merci. Monsieur le Professeur, au vu des constatations dégagées eu
19 égard à ces corps qui étaient décomposés, si vous prenez en considération
20 les quelques tissus mous qui restent sur les squelettes, est-ce que dans
21 certains cas vous pouvez déterminer le mécanisme de la blessure, donc la
22 cause du décès de la personne qui fait l'objet d'une autopsie ?
23 R. Là, je dois dire que je ne vous ai pas tout à fait suivi, Maître. Est-
24 ce que vous parlez d'autopsie de personnes mortes récemment ou d'autopsie
25 de personnes exhumées ?
26 Q. Non, de corps exhumés. C'est de cela je parle.
27 R. Lorsqu'il s'agit de corps exhumés, donc il s'agit de corps qui ont
28 passé un certain temps inhumés, enterrés où il y a une certaine phase de
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1 putréfaction et les blessures peuvent être identifiées au niveau des tissus
2 durs, sur les os en d'autres termes, ou sur les restes, si vous avez des
3 restes de tissus mous, cela peut vous être utile pour comprendre le
4 mécanisme de la lésion, de la blessure.
5 Mais il y a quelque chose qui a son importance pour chaque blessure et je
6 vais revenir en fait à quelque chose que j'ai déjà énoncé auparavant, il
7 s'agit de déterminer l'heure à laquelle la blessure a été provoquée. En
8 d'autres termes, il faut savoir si la blessure a été infligée à la personne
9 avant la mort ou après la mort, parce que parfois il y a des blessures qui
10 peuvent sembler être post mortem alors que la personne a subi ces blessures
11 de son vivant. Je pense à des traumatismes, en fait, des traumatismes
12 provoqués par des objets contondants. Il en va de même d'ailleurs pour les
13 blessures provoquées par des tirs.
14 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
15 Juges, étant donné que je sais que cet après-midi personne ne siège dans ce
16 prétoire, je ne sais pas, Monsieur le Président, si vous m'autoriserez à
17 poursuivre et à terminer le contre-interrogatoire de ce témoin aujourd'hui.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, je vous accorde jusqu'à 14
19 heures. Mais vous savez il y a certaines personnes parmi les membres du
20 personnel qui doivent partir ensuite. Donc je vous donne un délai de grâce
21 de dix minutes, dix minutes supplémentaires.
22 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vais m'efforcer de faire de mon mieux,
23 sinon il faudra que nous reprenions lundi.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
25 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
26 Q. Alors j'aimerais vous poser une autre question sur les corps qui ont
27 été exhumés de Batajnica, et par Batajnica j'entends Batajnica 1 et
28 Batajnica 2, est-ce que vous avez pu constater l'existence d'objets
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1 militaires tels que des vêtements, des brodequins ?
2 R. Ecoutez, je ne m'en souviens pas pour Batajnica 1, mais pour Batajnica
3 2, il y avait quelques pantalons de camouflage, par exemple. Il y avait un
4 cas dont je me souviens. Je me souviens qu'à un moment donné, nous avons
5 trouvé dans le pantalon porté par un homme de la ficelle que l'on utilise
6 pour nettoyer le canon d'un fusil, c'est un morceau de tissu et vous le
7 passez à l'intérieur du canon pour nettoyer le canon, c'est ce que nous
8 avons trouvé. Je dois dire d'ailleurs, qu'à Batajnica 2, il s'agissait
9 essentiellement d'hommes. Alors je ne connais pas le nombre de ces
10 personnes. Nous n'avons pas procédé à ce genre d'analyse, par contre nous
11 en avons fait une description, il y a les photos de tout ce que nous avons
12 trouvé.
13 Q. Alors au vu de votre expérience et de vos connaissances, lorsque vous
14 avez des corps qui ont passé au moins deux mois dans l'eau, est-ce que vous
15 pouvez déterminer la cause du décès, par exemple, est-ce que vous pouvez
16 déterminer si la personne est morte de noyade, par exemple, ou est morte à
17 la suite d'un autre
18 événement ?
19 R. Là, maintenant vous me placez dans une situation délicate. Je dois à la
20 fois vous répondre et ne pas vous répondre.
21 Q. Bien, faites de votre mieux.
22 R. Je suis un témoin ici. Je vous demande de faire preuve d'une certaine
23 indulgence à mon égard. Mais ce que je peux vous dire en tant qu'expert,
24 c'est que si vous avez un corps qui a passé une certaine période de temps
25 dans l'eau, alors si l'eau est froide, par exemple, s'il n'y avait pas
26 d'animaux dans l'eau, donc pas d'attaque d'animal, s'il n'y a pas de
27 décomposition importante du corps. Bien entendu, il y a toujours un élément
28 de putréfaction, même si le corps se trouve dans l'eau, parce que, en plus,
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1 cela dépend de l'état de santé de la personne, cela dépend du type de
2 blessure, puis il ne faut pas oublier nos conditions climatologiques, parce
3 qu'avec ces conditions climatologiques, vous avez une certaine putréfaction
4 qui se met en place. Donc il est très difficile, pour tous ces paramètres,
5 de déterminer si la personne, dont le corps est trouvé dans l'eau, s'est
6 noyée. Tous les corps qui sont trouvés dans l'eau ne sont pas forcément
7 morts de noyade, ce n'est pas forcément la cause du décès, il peut y avoir
8 différents types de cause de décès, puis en fait vous trouvez le cadavre de
9 la personne dans l'eau.
10 Q. Si on a la même situation et on a le cadavre qui a passé au moins deux
11 mois dans l'eau, est-ce qu'on peut faire une différence entre le tissu
12 sanguin et le liquide de putréfaction ?
13 R. Le liquide de putréfaction ressemble au sang, au tissu sanguin. Le
14 liquide putréfaction est collecté dans certaines cavités et le liquide de
15 putréfaction a une couleur rouge sale, c'est pour ça qu'on l'appelle
16 liquide de putréfaction à la différence du sang qui circule librement. Mais
17 si le cadavre est dans l'eau, les globules rouges sont détruits et les
18 traces disparaissent, les traces qui pourraient nous aider à dire qu'il
19 s'agissait du sang ou du liquide de putréfaction. Donc le sang peut être
20 raréfié, mais le liquide de putréfaction a un aspect différent, une
21 concentration de globules rouges différente que le sang pur. Mais s'il
22 s'agit d'un cadavre qui est venu dans l'eau avec le sang déjà hors
23 circulation, ce tissu sanguin peut être raréfié et peut ressembler au
24 liquide de putréfaction qui est créé pendant le processus de putréfaction.
25 Q. Par exemple, on a le cadavre qui a passé au moins deux mois dans l'eau
26 et on a des parties de vêtement sur le cadavre et, sur ces parties de
27 vêtements, on a des taches de sang. Est-ce qu'on peut déterminer s'il
28 s'agit des taches provoquées par le liquide de putréfaction, par le sang ou
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1 par un autre élément ?
2 R. Dans cette situation, je devrais procéder à l'analyse en tant
3 qu'expert, médecin légiste, je devrais analyser tout cela pour vous donner
4 une question précise. Parce que cela dépendrait de nombreux facteurs et ce
5 sont d'abord le type de tissus, de vêtements, l'existence ou la non-
6 existence des lésions qui auraient saignées à un moment donné, par exemple,
7 au bras. S'il y a des taches de sang sur le pantalon, on pose la question
8 comment c'est possible qu'il y a une lésion à l'épaule ou au bras et des
9 taches de sang au pantalon, mais là il s'agit d'une expertise de médecin
10 légiste et là je suis en qualité de témoin.
11 Q. Est-ce que qu'on peut déterminer sur des restes humains depuis quelle
12 distance cette personne a été tuée, s'il s'agit d'une balle de fusil ou une
13 balle de pistolet qui a provoqué une blessure ?
14 R. Il y a des changements sur le corps, changements au niveau de la
15 putréfaction et s'il n'y avait pas d'analyse pour ce qui est du point de
16 sortie de la balle et si le point d'entrée de la balle est constaté, donc
17 on ne peut pas déterminer cela.
18 Il est très difficile de déterminer la distance depuis laquelle la
19 balle est partie, parce que beaucoup de traces peuvent être détruites, des
20 traces concernant l'explosion de la charge, de la poudre, s'il s'agit donc
21 d'une balle qui est passée par les vêtements, on peut voir les traces de la
22 poudre sur les restes osseux, parce que la plupart de ces indices
23 disparaissent, parce que les cadavres se trouvent habituellement dans de
24 telles conditions, c'est-à-dire beaucoup de facteurs météorologiques ou
25 atmosphériques qui font disparaître ces indices, l'humidité du sol, la
26 présence de l'eau, et cetera.
27 Q. Merci. Est-ce qu'en observant le point d'entrée et le point de sortie
28 de la balle on peut déterminer le calibre de la balle qui a provoqué la
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1 lésion et en utilisant quels éléments on peut déterminer cela et si on
2 analyse également le tissu décomposé ainsi que le canal de passage de la
3 balle ?
4 R. Il y a des lésions provoquées par une arme à feu, il y a des lésions
5 sur les tissus mous et les tissus durs. Pour ce qui est des tissus mous
6 après la putréfaction, donc ça disparaît. On peut déterminer le calibre du
7 projectile seulement en se basant sur l'analyse des lésions sur les os. Il
8 y a les os, par exemple les os du crâne, du bassin pelvien, il y a donc
9 d'autres os de l'épaule qui sont plus durs. Il y a des os qui sont plus
10 mous comme les os du visage. Sur de tels os il y a des lésions
11 caractéristiques, spécifiques à propos desquels ont peut dire, avec
12 beaucoup de probabilité, qu'elles ont été provoquées par un projectile.
13 Plus spécifiquement, pour ce qui est de votre question, c'est
14 seulement le projectile, qui entre à angle droit dans un os, qui peut
15 laisser des traces relativement exactes pour ce qui est du calibre ou du
16 diamètre du profil de l'orifice d'entrée. Mais il faut que je vous décrive
17 cela un peu plus en détail. Lorsqu'un projectile est lancé du tube d'une
18 arme à feu, il est en train de faire une rotation autour de son axe
19 horizontal, mais en même temps, la queue du projectile fait des mouvements
20 caractéristiques. Lorsque le projectile rencontre le premier obstacle,
21 c'est-à-dire la peau, mais ça peut être n'importe quoi, le projectile, en
22 supposant qu'il s'agit de la peau en tant que ce premier obstacle, donc le
23 projectile change de position à cause des mouvements de rotation, parce que
24 le projectile a une célérité énorme. Il a une petite masse et une célérité
25 énorme, donc il provoque une lésion en forme de trou, mais en analysant cet
26 orifice, on ne peut pas déterminer le calibre exactement, on peut donner le
27 calibre approximatif, par exemple, 7 millimètres et non pas 12 millimètres
28 à peu près.
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1 Ce projectile, une fois qu'il a heurté l'obstacle, est passé par la
2 structure osseuse ou la masse osseuse, il ne change pas sa trajectoire. Il
3 continue à se mouvoir sur la même trajectoire, mais il y a des mouvements
4 différents lors de ce mouvement et, au point de sortie, on peut voir
5 seulement la balle et non pas la douille qui reste dans le corps. Le point
6 de l'orifice de sortie est plus grand que le point d'entrée, donc cet
7 orifice est beaucoup plus important et seulement si le projectile est entré
8 dans le corps à l'angle droit.
9 C'est seulement dans cette situation qu'on peut déterminer le calibre
10 approximatif, approximatif je le répète et non pas le calibre qui pourrait
11 être pertinent pour ce qui est de la décision du tribunal, parce que le
12 tribunal a besoin d'une preuve pertinente. En tant que médecin légiste,
13 nous ne pouvons que dire qu'il s'agissait d'une lésion provoquée par le
14 projectile du calibre de moins de 10 millimètres, voilà.
15 Q. Malheureusement, j'ai encore de nombreuses questions et je n'aurai pas
16 le temps de vous les poser avant lundi. Il est déjà 14 heures, mais la
17 raison, se sont vos cheveux blancs et votre expérience considérable.
18 J'espère que vous ne m'en voudrez pas à cause de cela. Je suis contraint de
19 faire mon travail comme il se doit.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien nous prenons acte, Maître
21 Djordjevic. Je crains, Monsieur le Professeur, que nous ne soyons contraint
22 de vous demander de revenir lundi. Je pense que nous pourrons nous attendre
23 donc, Maître Djordjevic, à ce que vous continuez avec votre contre-
24 interrogatoire.
25 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pendant au moins une demi-heure.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une demi-heure. Ensuite, Monsieur
27 Neuner vous procéderiez aux questions supplémentaires, je suppose que vous
28 disposerez du temps pour cela. Malheureusement, nous n'avons plus de temps
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1 aujourd'hui. L'Huissier va maintenant vous assister afin que vous puissiez
2 revenir lundi, mais pour le moment, nous devons lever l'audience et nous
3 vous attendrons donc, nous reviendrons pour la fin de votre déposition.
4 --- L'audience est levée à 14 heures 01 et reprendra le lundi 6 avril
5 2009, à 9 heures 00.
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