Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 21 avril 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 11 heures 04.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  6   Etes-vous prête pour faire convoquer le témoin suivant, Madame D'Ascoli ?

  7   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  9   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Le témoin suivant est Reshit Salihi et son

 10   témoignage conserve les paragraphes 72(a) et 77 de l'acte d'accusation.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 14   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 15   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais j'ai

 16   pensé profiter de ce moment pour présenter une observation. Vu cette

 17   période de 20 jours de pause, vu que les témoins qui vont témoigner

 18   conformément à l'article 92 bis, j'ai l'impression que les dispositions de

 19   cet article maintenant revêtent une autre signification.

 20   Donc j'ai reçu des documents qui ont été traduits en serbe, trois pages, 20

 21   ou 30 paragraphes de modifications et il y a des éléments nouveaux, ce qui

 22   me fait penser que, selon les dispositions de l'article 92 bis ne sont pas

 23   appliquées et qu'on applique 92 ter ou un autre article. C'est ce que je

 24   voulais dire pour ce qui est de l'observation qui est la mienne par rapport

 25   à l'application de l'article 92 bis.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous allons y réfléchir à un

 27   moment propice pour le faire.

 28   Bonjour, Monsieur.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

  3   répétez après moi les paroles suivantes :

  4   Je déclare solennellement --

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement --

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- que je dirai la vérité --

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] -- que je dirai la vérité --

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- toute la vérité --

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] -- toute la vérité --

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : RESHIT SALIHI [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mme D'Ascoli va vous poser quelques

 17   questions.

 18   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.

 19   Interrogatoire principal par Mme D'Ascoli : 

 20   Q.  [interprétation] Bonjour Monsieur, dites-nous votre nom et votre

 21   prénom, s'il vous plaît.

 22   R.  Je m'appelle Reshit Salihi.

 23   Q.  Pouvez-vous nous donner votre date de naissance et lieu de naissance.

 24   R.  Je suis né en 1947 à Celine au mois de février.

 25   Q.  A quelle date du mois de février ?

 26   R.  Oui, en février.

 27   Q.  Vous vous souvenez du jour de votre naissance ?

 28   R.  Non, je ne suis pas éduqué.

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  1   Q.  Bien, merci. Quelle est votre profession actuelle, Monsieur Salihi ?

  2   R.  Je suis agriculteur.

  3   Q.  Où vivez-vous maintenant ?

  4   R.  A Celine.

  5   Q.  Merci. Monsieur Salihi, avez-vous fait une déclaration au bureau du

  6   Procureur de ce Tribunal en avril 1999, et après, il y avait un addendum à

  7   cette déclaration en janvier 2002 ?

  8   R.  A Tirana.

  9   Q.  Oui. Vous souvenez-vous d'avoir fait la déclaration au bureau du

 10   Procureur ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Avez-vous eu récemment l'occasion de parcourir cette déclaration ? Est-

 13   ce que cette déclaration vous a été lue à voix haute ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Pendant cela, je me souviens que vous avez dit que l'année de votre

 16   naissance qui figure sur la première page de votre déclaration n'est pas

 17   correcte et, aux fins du compte rendu, il s'agit du document 02336, 65 ter

 18   et sur la page de couverture de la déclaration, pour ce qui est de la

 19   déclaration de ce témoin, la date de naissance de M. Salihi est le 15

 20   février 1940 et non pas 1947.

 21   R.  Ce n'est pas correct. Je suis né au mois de février en 1947.

 22   Q.  Bien. Merci. Monsieur Salihi, mis à part ces corrections, est-ce que

 23   toutes les informations contenues dans votre déclaration sont véridiques et

 24   exactes pour autant que vous vous souveniez ?

 25   R.  Oui. Tout cela est exact, parce que j'ai vu tout ce qui y figure.

 26   Q.  Merci.

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que cette

 28   déclaration soit versée au dossier. Il s'agit du document qui porte le

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  1   numéro 65 ter 02336.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document recevra la cote P00632.

  4   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Monsieur Salihi, vous souvenez-vous que vous avez témoigné dans

  6   l'affaire Milutinovic et consorts en septembre 2007 [comme interprété] et

  7   que vous avez témoigné des mêmes événements ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Récemment avez-vous eu l'occasion de parcourir le compte rendu de votre

 10   témoignage précédent ? Est-ce que ce compte rendu de votre témoignage vous

 11   a été lu à voix haute ?

 12   R.   [aucune interprétation]

 13   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la réponse du témoin. Est-ce que

 14   le témoin pourrait se rapprocher du microphone ?

 15   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Salihi, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous rapprocher du

 17   microphone un peu plus ? Merci. Pourriez-vous répéter votre réponse à ma

 18   question ? Parce que je voulais savoir si le compte rendu de votre

 19   témoignage précédent -- de votre témoignage dans l'affaire Milutinovic et

 20   consorts vous a été lu à voix haute. Pouvez-vous répondre à cette question,

 21   s'il vous plaît ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci. Nous avons eu un problème pour ce qui est de l'interprétation.

 24   Monsieur Salihi, est-ce que le compte rendu de votre témoignage précédent

 25   reflète donc correctement ce que vous avez dit lors de votre témoignage, et

 26   est-ce qu'aujourd'hui vous témoigneriez de la même façon pour ce qui est

 27   des mêmes événements ?

 28   R.  Oui, tout est exact et je répondrais de la même façon aujourd'hui aux

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  1   mêmes questions.

  2   Q.  Merci.

  3   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, je propose ce compte

  4   rendu de témoignage du témoin au versement au dossier 65 ter, le numéro est

  5   05029.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] P00633.

  8   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.

  9   Maintenant, je vais lire le résumé du témoignage de ce témoin.

 10   Le témoin a décrit l'attaque des forces serbes contre le village de Celine,

 11   municipalité de Orahovac en mars 1999. Tôt dans la matinée le 25 mars 1999,

 12   les forces serbes ont commencé à pilonner le village de Celine, à piller et

 13   à incendier les maisons, et une partie de la famille du témoin ont fui et

 14   ont quitté la maison.

 15   Durant l'après-midi, un groupe de policiers s'est rapproché de la maison du

 16   témoin et l'un des frères du témoin a été tué devant lui par des rafales

 17   d'une arme automatique. Le témoin s'est donc caché dans une maison voisine

 18   et après, il est parti dans la forêt où il est resté pendant trois jours

 19   jusqu'à ce qu'un groupe de policiers ne soit arrivé dans la forêt.  

 20   Les policiers ont séparé les enfants et les femmes des hommes et ils ont

 21   commencé à fouiller et à piller les gens, après quoi ils les ont forcé de

 22   repartir en direction du village. Ils ont été donc forcés de marcher dans

 23   la colonne dans la direction de Prizren.

 24   Le témoin a décrit qu'une trentaine de minutes après, un grand nombre de

 25   camions est arrivé. La police les a forcés à forcer les villageois de

 26   monter au bord de ces camions pour les transporter à Zhur, où on leur a

 27   ordonné de descendre des camions pour aller en Albanie. Le témoin et sa

 28   famille la plus proche ont été emmenés dans le camp pour les réfugiés à

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  1   Tirana.

  2   C'est la fin de son résumé.

  3   Q.  Monsieur Salihi, vous avez dit que les forces serbes ont pilonné votre

  4   village de Celine le 25 mars 1999 et vous avez dit qu'après le pilonnage,

  5   les forces serbes "en uniformes noirs étaient entrées dans le village."

  6   Pouvez-vous nous dire qui était ou qui faisait partie des forces

  7   serbes terrestres.

  8   R.  C'était la police serbe.

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que ces forces ont fait une fois entrées dans

 10   le village ?

 11   R.  Ils sont entrés dans le village. Ils ont commencé à incendier des

 12   maisons dans le village. Ils ont tué les gens et ils ont pillé les maisons.

 13   Q.  Dans votre déclaration, également, vous avez mentionné que les Serbes

 14   ont incendié les maisons et d'autres édifices dans le village, est-ce que

 15   c'est quelque chose que vous avez vu de vos propres yeux que les maisons

 16   ont été incendiées et pillées ?

 17   R.  Oui, j'ai vu cela de mes propres yeux.

 18   Q.  Où étiez-vous le 25 mars, dans la matinée du 25 mars au moment où vous

 19   avez pu observer tout cela ?

 20   R.  A la maison. J'ai pu voir le village et j'ai vu l'infanterie et la

 21   police entrer dans le village. Je les ai vus commencer à incendier les

 22   maisons et à les piller, et cetera.

 23   Q.  Pouvez-vous nous dire à quel groupe ethnique appartenaient les gens à

 24   qui appartenaient ces maisons, les maisons qui ont été pillées et

 25   incendiées ?

 26   R.  Aux Albanais. Les Serbes n'ont jamais vécu au village de Celina.

 27   Q.  Donc cela veut dire qu'il n'y avait pas de Serbes à Celine, si j'ai

 28   bien compris votre réponse ?

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  1   R.  Non.

  2   Q.  Merci. Monsieur Salihi, dans votre déclaration - et aux fins du compte

  3   rendu, c'est à la page 3, paragraphe 3 et je pense que la version en B/C/S

  4   est le début de la page 4 - vous avez dit que dans la soirée du 25 mars,

  5   vous avez fui dans une forêt pour y rester pendant trois jours. Pouvez-vous

  6   nous dire s'il y avait d'autres personnes qui partaient dans cette forêt ?

  7   R.  Tout le village était là-bas, mais il y avait d'autres réfugiés qui

  8   affluaient d'autres villages avoisinants, qui ont quitté leur village.

  9   Q.  Savez-vous, pour ces gens étaient là-bas, pourquoi ils ont dû quitter

 10   leur village ?

 11   R.  C'est parce que leurs maisons étaient en flammes et les gens de ces

 12   villages ne savaient pas où partir.

 13   Q.  Vous souvenez-vous de quels villages ces personnes étaient arrivées

 14   dans la forêt ?

 15   R.  Oui. De Mala Krusa, Hoxha, Brestovc, Nagavci.

 16   Q.  Merci. Pendant que vous étiez caché dans la forêt, pendant ces jours-

 17   là, étiez-vous en mesure d'entendre ou de voir quoi que ce soit ?

 18   R.  Nous pouvions entendre des tirs provenant du village et nous avons vu

 19   la fumée des maisons incendiées.

 20   Q.  Monsieur Salihi, parlons du moment où les policiers étaient arrivés

 21   pour séparer les femmes et les enfants des hommes et pour vous ramener au

 22   village de Celine.

 23   Pouvez-vous nous dire si vous avez vu quoi que ce soit en passant par

 24   le village de Celine ?

 25   R.  Nous ne pouvions rien voir. Nous n'osions regarder autour de nous. Nous

 26   étions isolés, nous étions encerclés, nous ne pouvions pas regarder autour.

 27   Q.  Etiez-vous escortés au moment où vous avez été ramené au village ?

 28   R.  A tous les dix ou 20 mètres, il y avait un groupe différent de

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  1   policiers et ces policiers ont continué à battre les gens et à les

  2   malmener.

  3   Q.  J'ai compris cela, mais avez-vous eu l'occasion de voir ce qui s'est

  4   passé au village ?

  5   R.  Non, je n'avais pas l'occasion de voir ce qui se passait dans le

  6   village, mais le village était en flammes.

  7   Q.  Vous souvenez-vous d'avoir vu ces flammes pendant que vous marchiez ou…

  8   R.  Oui, oui. Nous pouvions voir les flammes, la fumée, tout.

  9   Q.  Monsieur Salihi, à bord de camions, vous avez été transportés à Zhur,

 10   après quoi la police vous a ordonné de marcher vers l'Albanie. Pouvez-vous

 11   nous dire ce qui s'est passé à la frontière avec l'Albanie, avant d'être

 12   entré dans le territoire d'Albanie ?

 13   R.  On nous a demandé de remettre les papiers d'identité et il n'y avait

 14   pas de problèmes là-bas.

 15   Q.  Avez-vous fait cela, avez-vous remis vos papiers d'identité à ce

 16   moment-là à la frontière ?

 17   R.  J'ai remis ma carte d'identité au moment où j'étais à la montagne

 18   Pisjak et à la frontière, je n'avais plus ma carte d'identité, je n'avais

 19   plus d'argent non plus sur moi.

 20   Q.  Bien. A ce moment-là, vous n'étiez pas en mesure de remettre votre

 21   carte d'identité, parce que vous avez déjà fait cela à Celine ?

 22   R.  Non, je ne l'avais plus sur moi.

 23   Q.  Je comprends cela. Vous souvenez-vous quand vous êtes retourné au

 24   Kosovo de l'Albanie ?

 25   R.  Oui. Trois mois après.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu une fois retourné au village

 27   de Celine trois mois après ?

 28   R.  Il n'y avait plus rien dans le village. Tout ce qu'il y avait là-bas

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  1   avant avait été incendié, tout, les maisons et tout ce qu'il y avait dans

  2   les maisons.

  3   Q.  Votre maison et la ferme de votre famille ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé pour ce qui est de votre maison et de votre

  6   ferme ? Quelles conditions avez-vous retrouvé tout cela une fois retourné

  7   au village de Celine ?

  8   R.  Toutes les maisons ont été incendiées, comme je l'ai déjà dit. Quand

  9   nous sommes retournés dans le village, nous devions vivre sous les tentes

 10   que nous avons reçues en Albanie, parce que nous ne pouvions pas vivre dans

 11   les maisons.

 12   Q.  Donc votre maison a été incendiée et détruite ?

 13   R.  Ma maison a été rasée.

 14   Q.  Bien. Monsieur Salihi, y avait-il une mosquée au village de Celine ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Pour ce qui est de cette mosquée, pouvez-vous nous dire dans quel état

 17   vous avez retrouvé la mosquée lorsque vous êtes retourné à votre village ?

 18   R.  La mosquée a été rasée également.

 19   Q.  Avez-vous vu cela de vos propres yeux ?

 20   R.  Oui, maintenant oui.

 21   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant montrer la

 22   photographie 65 ter 02445, s'il vous plaît ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux vous dire --

 24   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 25   Q.  Voyez-vous la photographie sur l'écran, Monsieur Salihi ?

 26   R.  Oui. Est-ce que je peux vous montrer cela ?

 27   Q.  D'abord, est-ce que vous reconnaissez ce qui figure sur cette

 28   photographie ?

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  1   R.  Ici je peux voir un mur, ensuite deux arbres.

  2   Q.  Sur la photo même ? Qu'est-ce qu'il y a sur la photo même ?

  3   R.  Il y a une mosquée.

  4   Q.  De quelle mosquée s'agit-il, est-ce que vous reconnaissez cette mosquée

  5   ?

  6   R.  La mosquée au village de Celine.

  7   Q.  Comment pouvez-vous la reconnaître ?

  8   R.  Donc sur la photo, cela a l'air d'être cette mosquée.

  9   Q.  Vous avez mentionné des arbres et des murs. Est-ce que cela vous aide à

 10   arriver à cette conclusion ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Donc je suppose que la mosquée à Celine ressemblait à cela avant sa

 13   destruction ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  D'accord.

 16   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'aimerais que cette photographie soit

 17   versée au dossier. C'est 02445 65 ter.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera P00634.

 20   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Salihi, quel est le nombre de membres de votre famille qui ont

 22   été tués à Celine le 25 mars, 1999 ?

 23   R.  Huit membres de ma famille.

 24   Q.  Ce sont votre frère, Bajram; votre frère, Faik; son épouse; ainsi que

 25   ses cinq enfants ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Savez-vous ce qui s'est passé pour ce qui est de la famille de Zeqiri,

 28   qui vous a rejoint sur votre ferme le 25 mars ?

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  1   R.  Ils étaient avec nous et ils étaient là-bas également.

  2   Q.  Avez-vous appris quel était leur destin une fois retourné à Celine ?

  3   R.  Quand nous sommes retournés dans le village, ils étaient morts.

  4   Q.  Est-ce que leurs cadavres ont été retrouvés quelque part ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Pouvez-vous nous dire où exactement si vous le savez, si vous pouvez

  7   vous souvenir de cet endroit ?

  8   R.  Oui. Ils se trouvaient dans la cour où ils avaient été tués et un

  9   groupe de personnes qui était resté dans le village avait enterré leur

 10   corps; lorsque nous sommes retournés dans le village, nous les avons

 11   retrouvés.

 12   Q.  Est-ce que vous pensez aux cadavres des membres de la famille Zeqiri ?

 13   R.  Oui, la famille Zeqiri et les membres de ma famille étaient ensemble.

 14   Q.  Donc cela veut dire que leurs cadavres ont été retrouvés dans la cour

 15   où ils auraient été tués ?

 16   R.  Au même endroit.

 17   Q.  Dites-nous ce qui s'est passé par la suite ?

 18   R.  Une équipe d'étrangers est arrivée au moment où nous avons exhumé les

 19   cadavres. Nous leur avons donné des informations pour ce qui est des gens

 20   qui avaient été tués, après quoi ils ont rendu les cadavres pour que nous

 21   puissions les enterrer dans le village.

 22   Q.  Merci, Monsieur Salihi, pour avoir répondu à mes questions.

 23   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 25   Maître Djurdjic, avez-vous des questions pour le contre-interrogatoire ?

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   Contre-interrogatoire par M. Djurdjic : 

 28   Q.  [interprétation] Monsieur Salihi, bonjour. Je m'appelle Veljko

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  1   Djurdjic, membre de l'équipe de la Défense de l'accusé Vlastimir

  2   Djordjevic. Avec moi aujourd'hui se trouve Mlle Marie O'Leary, membre de

  3   notre équipe de la Défense.

  4   Je vais vous demander d'écouter attentivement mes questions pour qu'on

  5   puisse en finir avec le contre-interrogatoire le plus vite possible. Vu que

  6   cela est interprété en plusieurs langues, je vous prie de ménager une pause

  7   après mes questions avant de répondre à mes questions.

  8   Au milieu des problèmes relatifs à votre année de naissance, je

  9   dirais que cela fait quasiment dix ans que vous avez fait votre déclaration

 10   à Tirana et ce n'est que maintenant que nous avons pu déterminer qu'en

 11   fait, vous étiez né sept années plus tard que ce que vous pensiez, et vous

 12   ne connaissez toujours pas la date précise de votre naissance, n'est-ce pas

 13   ? Alors j'aimerais savoir si vous-même vous savez si vous êtes né avant ou

 14   après la Deuxième Guerre

 15   mondiale ?

 16   R.  Ecoutez, je n'en sais rien. Je suis né en 1947. Mais vous savez, je ne

 17   sais vraiment quand est-ce qu'a eu lieu la Deuxième Guerre mondiale ou la

 18   Troisième Guerre mondiale. Peut-être que vous vous le savez.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous avez été à l'école à

 20   un moment donné de votre vie ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire quelle est votre langue maternelle ?

 23   R.  Albanais.

 24   Q.  Merci. Je vais maintenant commencer par la fin de l'interrogatoire

 25   principal de mon estimée consoeur. Vous avez terminé votre interrogatoire

 26   principal en disant que des membres de votre famille et de la famille

 27   Zeqiri étaient enterrés dans la cour de votre propriété familiale; est-ce

 28   exact ?

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  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Merci. Est-ce que vous savez qui les a enterrés ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Merci. Vous avez indiqué qu'une équipe était venue et avait procédé à

  5   l'exhumation de ces corps, est-ce exact, ou pour être plus précis, je ne

  6   dirais pas qu'ils les ont exhumés, mais ils les ont déterrés ?

  7   R.  Oui. Tout le monde de la famille ont donné des détails à propos de

  8   leurs membres de leur famille, puis les étrangers ont pris les corps qu'ils

  9   ont emmenés jusqu'à Rahovec.

 10   Q.  Merci. Le lieu de l'exhumation, est-ce qu'il a été photographié lorsque

 11   cette exhumation a été faite ?

 12   R.  Oui, oui. Les étrangers ont pris des photos.

 13   Q.  Je pense que c'est la troisième fois que vous venez témoigner dans des

 14   procès différents ici. Donc j'aimerais savoir si vous avez pu voir les

 15   photographies ? Est-ce qu'elles vous ont été montrées, ces photographies ?

 16    R.  Même s'ils m'ont montré ces photographies, je ne peux véritablement

 17   pas parler de ces photographies. Je n'ai pas véritablement été à l'école,

 18   donc je ne pourrais pas annoter ces photographies.

 19   Q.  Merci. J'aimerais que nous examinions la pièce 634, qui a été versée au

 20   dossier il y a un petit moment.

 21   Monsieur Salihi, est-ce qu'il s'agit d'une mosquée sans

 22   minaret ?

 23   R.  Non. Notre mosquée avait un minaret.

 24   Q.  Mais est-ce que vous avez jamais vu une mosquée sans minaret ?

 25   R.  Non. Vous savez, je ne suis pas allé voir d'autres mosquées. J'avais

 26   une mosquée dans mon village.

 27   Q.  Merci. Mais alors dans quelle mesure est-ce que votre mosquée est

 28   différente des autres mosquées, hormis le fait qu'elle se trouvait dans

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  1   votre village?

  2   R.  Je peux déterminer qu'il s'agit de notre mosquée au vu de l'entrée dans

  3   la cour, puisqu'il y a également présence de ces deux arbres, également du

  4   fait du mur d'enceinte qui l'entoure.

  5   Q.  Merci. Mais conviendrez-vous que vous ne pouvez pas voir la cour sur

  6   cette photographie ?

  7   R.  Non, vous ne pouvez pas la voir. Là, avec cette photo, vous ne pouvez

  8   pas la voir.

  9   Q.  Merci. Sur cette photographie, vous êtes en mesure de reconnaître la

 10   mosquée grâce au mur d'enceinte; c'est cela ?

 11   R.  Oui, oui. Du fait de ce mur et des deux arbres que l'on voit sur la

 12   photographie.

 13   Q.  Merci, Monsieur Salihi. Ecoutez, vous ne pouvez pas véritablement voir

 14   la mosquée. Vous ne pouvez voir que le minaret et ce qui se trouve à côté

 15   du minaret. 

 16   R.  Non, mais on peut également voir un peu la bâtisse de la mosquée. On

 17   peut la voir quand même un peu.

 18   Q.  Oui, un peu. Oui, oui. Certes, je suis d'accord avec vous.

 19   Vous nous avez dit que les gens s'étaient enfuis dans les bois parce que

 20   leurs maisons avaient été incendiées. Comment est-ce qu'ils auraient pu se

 21   rassembler au même endroit, puisqu'il y avait des gens qui venaient de

 22   villages différents. Vous avez fait référence à Brestovac, à Krusa, à

 23   Nagavci, à votre village ?

 24   R.  Ecoutez, les gens s'enfuyaient de chez eux. Ils allaient se réfugier

 25   avec leurs familles, chez d'autres membres de leurs familles, chez leurs

 26   belles-familles, par exemple. Lorsque leurs maisons ont été incendiées,

 27   tout le monde est parti avec tous les membres de leurs familles et les gens

 28   sont partis vers la montagne de Pisjak.

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  1   Q.  Bien, justement c'est ce que je souhaiterais savoir. Comment se fait-il

  2   que vous vous trouviez tous ensemble, alors que d'après ce que je sais,

  3   Orahovac était près, Prizren était près également, Zrze était tout près,

  4   Pirane était tout près également. Donc comment se fait-il que vous vous

  5   êtes tous dirigés vers le mont Pisjak ?

  6   R.  Vous savez, il nous était impossible de nous déplacer. Tout le monde

  7   cherchait à se réfugier. Nous étions encerclés de tous côtés.

  8   Q.  Comment est-ce que vous savez ce qu'il en était des autres villages,

  9   des villages de Brestovac, par exemple, Krusa, Velika, Mala, Nagavci ?

 10   R.  Non, pas Krusa et Vogel, mais comme je l'ai déjà dit, Krusa et Madhe.

 11   Vous savez, comme je vous l'ai déjà expliqué, les gens avaient de la

 12   famille dans d'autres villages et c'est là qu'ils s'étaient réfugiés, parce

 13   qu'ils n'avaient aucun autre endroit où ils auraient pu aller.

 14   Q.  Merci. Vous avez fait référence au mont Pisjak. J'ai étudié toutes les

 15   cartes géographiques de la région et je n'ai jamais trouvé le nom de cette

 16   montagne. Est-ce que vous pourriez me dire à quelle distance de votre

 17   village ce trouve ce mont Pisjak. Donc je pense à l'endroit où vous vous

 18   êtes réfugié dans les bois; c'est cet endroit-là que vous appelez Pisjak,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  D'après ce que je sais, cela se trouve à deux kilomètres. Je n'ai pas

 21   mesuré la distance, mais je vous donne une distance approximative.

 22   Q.  Merci. Nous reviendrons sur certaines photographies un peu plus tard et

 23   peut-être que nous pourrons déterminer cela avec plus de précision.

 24   Monsieur Salihi, vous nous avez dit que vous étiez agriculteur. Est-ce que

 25   votre père était agriculteur également ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que votre père était en vie en 1999 lorsque la guerre a éclaté ?

 28   R.  Non. Mon père est décédé 25 ans plus tôt.

Page 3470

  1   Q.  Merci. Donc si je ne m'abuse, vous aviez six frères ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Merci. Est-ce que tous vos frères étaient en vie en 1999 lorsque la

  4   guerre a éclaté ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vos frères étaient également agriculteurs ?

  7   R.  Oui, tous l'étaient.

  8   Q.  Merci. Voilà ce que j'aimerais savoir, après le décès de votre grand-

  9   père, est-ce que la propriété familiale a été partagée ?

 10   R.  Non, nous avions tous possession de la propriété.

 11   Q.  Merci. Je ne sais pas si vous m'avez bien compris. Je ne vous posais

 12   pas de questions à propos de la propriété de votre père, mais je vous

 13   parlais de l'héritage que vous avez reçu de votre grand-père. Est-ce qu'il

 14   y a eu une division, un partage de la propriété ou est-ce que vous viviez

 15   ensemble, est-ce qu'il y avait indivision ?

 16   R.  Oui, nous étions tous propriétaires de la propriété.

 17   Q.  Merci. Donc je peux en conclure qu'il y avait vos oncles, il y avait

 18   leurs enfants et votre famille, donc vous viviez tous en communauté en

 19   quelque sorte ?

 20   R.  Chacun avait sa maison, mais nous vivions tous ensemble.

 21   Q.  Merci. Qui était le chef de cette communauté, qui était la personne

 22   aînée ?

 23   R.  Vous me posez la question à propos de mes frères ?

 24   Q.  Oui, à propos de vos frères ou de vos oncles, peu importe.

 25   R.  C'est mon frère, Bajram, qui était l'aîné.

 26   Q.  Merci. Combien de maisons, de foyers y avait-il sur cette propriété

 27   familiale ?

 28   R.  Bien, nous étions six frères, donc il y avait six maisons.

Page 3471

  1   Q.  Merci. Quelle était la superficie de cet endroit où se trouvaient ces

  2   maisons ?

  3   R.  Environ 10 hectares.

  4   Q.  Merci. Donc il y avait cette propriété familiale où se trouvaient ces

  5   maisons et j'aimerais savoir en fait s'il y avait un mur qui séparait la

  6   partie commune du reste de l'endroit ?

  7   R.  Il y avait également mon voisin Miftar Zeqiri, et c'est toujours

  8   d'ailleurs mon voisin, et lui aussi avait le mur d'enceinte.

  9   Q.  Merci. Est-ce qu'il y avait un portail par lequel on devait passer pour

 10   entrer dans votre propriété familiale ?

 11   R.  Vous aviez la route principale et chacun pouvait entrer dans sa maison

 12   à partir de la route principale en passant par une entrée.

 13   Q.  Merci. Quelle était la hauteur du mur ?

 14   R.  Écoutez, je ne l'ai pas mesuré, mais je dirais qu'il avait une hauteur

 15   qui était inférieure à 2 mètres.

 16   Q.  Merci. En quoi était fait ce portail ?

 17   R.  Je ne comprends pas votre question. Vous voulez parler de la porte qui

 18   d'ailleurs était construite dans le mur ou vous voulez parler d'autre chose

 19   ?

 20   Q.  Oui, il y avait donc ce portail qui était construit à même le mur et

 21   qui vous donnait accès à la propriété familiale.

 22   R.  Oui, il s'agissait en fait d'un portail en bois.

 23   Q.  Merci. Le mur, en quoi était-il fait ?

 24   R.  En briques rouges.

 25   Q.  Est-ce vous aviez des machines agricoles ?

 26   R.  Nous avions des chevaux, des chevaux de labours que nous utilisions

 27   pour travailler la terre.

 28   Q.  Merci. Je ne sais pas, est-ce que vous aviez un camion ou des voitures

Page 3472

  1   ?

  2   R.  Non, nous n'en avions pas.

  3   Q.  Merci. Monsieur Salihi, pour ce qui était de la répartition du travail,

  4   votre contribution à cette vie en communauté consistait à travailler la

  5   terre seulement, est-ce que vous alliez, par exemple, dans d'autres

  6   endroits pour vendre les produits de la terre ?

  7   R.  Oui, nous allions au marché et ailleurs également, là où nous pouvions

  8   vendre nos produits pour gagner notre vie. Nous ne choisissions pas le

  9   travail.

 10   Q.  Est-ce que je peux donc en conclure que vous partiez de Celine pour

 11   aller vers d'autres lieux et, le cas échéant, est-ce que vous pourriez me

 12   dire où est-ce que vous vous rendiez ?

 13   R.  A Prizren, à Gjakove et à Rahovec.

 14   Q.  Merci. Quelle était la superficie des terres dont vous étiez

 15   propriétaire ?

 16   R.  Deux hectares.

 17   Q.  Merci.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions demander

 19   l'affichage sur nos écrans du document de la Défense

 20   D002-5633 ?

 21   Q.  Monsieur Salihi, dites-nous, je vous prie, vous voyez, il y a une route

 22   que l'on voit sur la droite de la photographie; est-ce que vous savez où

 23   aboutie cette route ?

 24   R.  Comme je l'ai déjà dit un peu plus tôt, je ne vous suis pas d'une

 25   grande utilité pour ce qui est de ces documents parce que je n'ai pas

 26   terminé l'école. Donc je ne peux pas apporter d'annotations.

 27   Q.  Monsieur Salihi, je ne vous ai pas demandé d'annoter quoi que ce soit.

 28   Je vous ai juste posé une question car vous pouvez voir comme tout un

Page 3473

  1   chacun, donc je vous demande si vous savez la réponse à cette question.

  2   Vous viviez là, vous dites vous-même que vous vous rendiez à Djakovica et à

  3   Prizren, donc il s'agit d'une photographie de Celine et de la région

  4   avoisinante. Je ne vais pas vous poser de questions à propos de la route,

  5   mais vous voyez le village de Celine, est-ce que vous reconnaissez ?

  6   R.  Je vous en prie, je ne peux pas faire la différence entre les routes,

  7   parce que je ne suis pas en mesure de lire la carte. Je ne peux rien vous

  8   dire à propos de cette photographie.

  9   Q.  Merci. Bien alors je ne vais pas vous poser de questions à propos des

 10   routes, mais est-ce que vous pourriez nous montrer où se trouvait votre

 11   maison à Celine ?

 12   R.  Non, je ne peux pas véritablement vous répondre.

 13   Q.  Très bien. Est-ce que vous pourriez me dire où se trouvait votre maison

 14   à Celine ?

 15   R.  Je ne comprends pas véritablement votre question. Je suis ici pour vous

 16   raconter mon vécu, mon expérience. C'est pour cela que je suis ici. C'est

 17   mon objectif principal.

 18   Q.  Oui, Monsieur Salihi, et c'est bien pour cela que je vous pose ces

 19   questions. Je voudrais que vous m'indiquiez où se trouvait votre maison à

 20   Celine, parce que d'après ce dont je me souviens dans votre déclaration,

 21   vous parlez de cette maison, vous parlez non seulement de votre maison,

 22   mais d'autres maisons qui appartiennent à d'autres personnes et je vais

 23   vous poser des questions à ce sujet également.

 24   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame D'Ascoli.

 26   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre mon confrère,

 27   mais je pense que le témoin a déjà répondu et il a indiqué qu'il n'était

 28   pas en mesure de lire la carte.

Page 3474

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais le conseil a tout à fait le

  2   droit de lui demander si visuellement il se souvient de la photographie

  3   présentée par la carte.

  4   Poursuivez, je vous prie.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'accepte le

  6   fait que le témoin n'est pas en mesure de reconnaître visuellement ce que

  7   je lui présente ici, donc il va falloir véritablement que nous suivions la

  8   procédure qui est beaucoup plus longue. Parce que en fait, il a vécu dans

  9   ce village, donc je voulais lui demander où se trouvait sa maison et je

 10   voulais ensuite qu'il me permette de déterminer où se trouvaient d'autres

 11   bâtiments. Je voulais vérifier en quelque sorte ce qu'il avance dans sa

 12   déclaration. Mais peut-être il ne veut pas répondre à mes questions, mais

 13   qu'il le dise alors et je n'insisterai pas. Mais à ce moment-là, la

 14   situation est tout à fait différente.

 15   Q.  Monsieur Salihi, oubliez la carte et cette carte d'ailleurs va

 16   disparaître de notre écran.

 17   M. DJURDJIC : [aucune interprétation]

 18   Q.  Ce que j'aimerais savoir c'est où se trouvait exactement votre

 19   propriété familiale en fait à Celine.

 20   R.  Écoutez, je ne comprends pas ce qui se passe. Comme je vous l'ai déjà

 21   dit, je ne suis pas en mesure de lire cette carte. Je ne suis pas en mesure

 22   de vous expliquer où se trouve ma maison sur la carte parce que ce serait

 23   un mensonge de ma part et je ne suis pas ici pour dire des mensonges.

 24   Q.  Merci. Je suis sûr que vous êtes venu ici pour dire la vérité, donc

 25   est-ce que vous pourriez me dire où se trouvait votre maison, votre

 26   propriété familiale; elle se trouvait où à Celine ?

 27   R.  Écoutez, je peux vous la décrire. Je peux le faire en vous disant en

 28   fait quelle se trouvait dans la partie basse du village, l'endroit qui

Page 3475

  1   relie Krusha e Madhe et Celine. Il y a une rivière qui nous sépare en

  2   quelque sorte. Voilà ce que je peux vous dire pour ce qui est de

  3   l'emplacement de ma maison.

  4   Q.  Merci. A quelle distance de votre maison se trouvait la voie ferrée ?

  5   R.  Je vous ai parlé de la rivière, de la rivière Krusha, n'est-ce pas ?

  6   C'est à cela que vous pensiez ?

  7   Q.  Non, je vous avais posé une question à propos de la voie ferrée. Je

  8   voulais savoir à quelle distance de votre maison se trouvait la voie ferrée

  9   ?

 10   R.  Maintenant j'ai compris, vous me parlez de la voie ferrée, je dirais à

 11   1 000 mètres environ.

 12   Q.  Merci. Pourriez-vous me dire, par rapport à la route qui relie Prizren

 13   à Djakovica, est-ce que vous pourriez nous dire à quelle distance de votre

 14   maison se trouvait cette route ?

 15   R.  La route goudronnée, elle est près de la voie ferrée.

 16   Q.  Merci. Dites-moi : votre maison par rapport à la route menant à

 17   Nagavci, à quelle distance se trouve-t-elle ?

 18   R.  Près de nous, parce que nos champs sont près les uns, les autres. Cela

 19   ne se trouve pas très loin.

 20   Q.  Merci. Vous avez donc pensé aux champs à cultiver, mais j'ai pensé donc

 21   à la position de la route menant à Nagavci et la distance qui sépare votre

 22   maison et cette route menant à Nagavci.

 23   R.  Vous devez passer par Krusha e Madhe, ensuite Nagavc, Hoxha, Brestovc

 24   et plus loin. C'est l'itinéraire de la route.

 25   Q.  Est-ce que votre maison se trouve sur la route qui mène à Nogavac ?

 26   R.  Non, non. Nous vivons à Celine.

 27   Q.  Cela m'éclaire, mais est-ce que votre maison se trouve près de la route

 28   ou sur la route qui mène à Nogavac ou si cela n'est pas le cas, pouvez-vous

Page 3476

  1   nous expliquer où se trouve la route vers

  2   Nogavac ?

  3   R.  Vous devez emprunter la route principale en passant par Celine, ensuite

  4   par Krusha e Vogel, ensuite tourner vers Nogavc.

  5   Q.  Merci. J'aimerais tirer un point au clair. La route goudronnée qui mène

  6   entre Prizren et Djakovica, à partir de cette route il y a une autre route

  7   qui mène à Celine, n'est-ce pas ? J'ai raison pour dire cela ?

  8   R.  [interprétation] Oui.

  9   Q.  La route donc qui mène vers le village de Celine, qui part de cette

 10   route principale, n'est pas une route goudronnée, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'était ainsi autrefois, mais aujourd'hui c'est une route

 12   goudronnée.

 13   Q.  Merci. Dites-moi : la route qui mène de Celine à Bela Crkva, est-ce

 14   qu'il y avait une route locale qui reliait ces deux endroits ?

 15   R.  Oui, parce que la route qui mène à Celine est reliée à Bellacerke.

 16   Q.  Votre maison se trouve où par rapport à cette route-là ?

 17   R.  La route pour Bellacerke et non pas pour Krusha.

 18   Q.  Oui, la route pour Bela Crkva.

 19   R.  Non, non. Ce n'est pas dans la direction de Bellacerke. Si vous

 20   empruntez la route principale, oui. Mais chez nous, non.

 21   Q.  J'ai voulu savoir s'il y a une route locale qui relie Bela Crkva et

 22   Celine et cette question découle de ma question précédente.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Ensuite je vous ai posé la question suivante. Par rapport à cette route

 25   locale entre Celine et Bela Crkva, où se trouve votre maison par rapport à

 26   cette route locale ?

 27   R.  C'est loin par rapport à la route.

 28   Q.  Merci. Est-ce que Bela Crkva se trouve à l'ouest de Celine ? Est-ce que

Page 3477

  1   vous êtes d'accord pour dire cela ?

  2   R.  Bela Crkva se trouve tout près de Rahovec.

  3   Q.  Par rapport à la route principale entre Prizren et Djakovica - et par

  4   rapport à l'emplacement du village de Celine - est-ce que votre maison se

  5   trouve dans la partie du village qui est plus près de la route principale

  6   au sud du village, n'est-ce pas ?

  7    R.  Ce n'est pas tout près de la route principale. Nous sommes dans la

  8   partie du village qui se trouve donc en haut.

  9   Q.  Merci. L'école, par rapport à votre propriété familiale, où se trouve-

 10   t-elle ?

 11   R.  L'école se trouve plutôt au-dessus du village, là-haut.

 12   Q.  Merci. Où se trouve la mosquée par rapport à votre maison ?

 13   R.  C'est après l'école.

 14   Q.  Quelle est la distance entre votre propriété familiale et l'école

 15   lorsque vous empruntez la route ?

 16   R.  Vous devez marcher assez longtemps pour y arriver.

 17   Q.  Merci. Ai-je raison pour dire qu'il faut marcher encore plus longtemps

 18   pour arriver à la mosquée depuis votre maison ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire, si vous le savez, s'il y a un

 21   responsable du village de Celine, quelqu'un qui est chef du village ?

 22   R.  Je ne le pense pas.

 23   Q.  Merci. Avez-vous jamais assisté à des réunions où les chefs de familles

 24   ou de foyers du village de Celine étaient rassemblés, de toutes les

 25   familles de Celine ?

 26   R.  Il n'y avait pas de réunions de ce type.

 27   Q.  Merci. Connaissez-vous une personne qui s'appelle Agim Jemini ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  L'avez-vous vu ici à La Haye ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Savez-vous où se trouve sa maison au village de Celine ?

  4   R.  Oui. Il n'habite pas près de ma maison.

  5   Q.  Pouvez-vous me dire où exactement il vit ?

  6   R.  Vous pensez à Agim ?

  7   Q.  Oui.

  8   R.  Il vit dans le même village dans sa maison.

  9   Q.  Merci. C'est ce que vous nous avez déjà dit, mais par rapport à

 10   l'emplacement de sa maison, pouvez-vous nous dire quelle est la distance

 11   qui sépare votre maison de sa maison ?

 12   R.  J'ai déjà dit qu'il habite loin de ma maison, oui.

 13   Q.  Pourriez-vous nous dire plus précisément quelle est la distance qui

 14   sépare vos maisons ? Pourriez-vous être plus précis par rapport à cette

 15   distance ?

 16   R.  Je n'ai pas mesuré la distance entre nos maisons. Il vit sur la route

 17   qui relie ma maison à la route principale. Je dois emprunter cette route

 18   pour arriver à la route principale.

 19   Q.  Merci. C'est lorsqu'on part dans une direction précise et par rapport à

 20   l'autre direction, direction opposée par rapport à sa maison, pouvez-vous

 21   nous dire vers où mène cette route, dans quelle direction mène cette route

 22   ?

 23   R.  Il n'y a qu'une seule route. Cette route passe par la maison d'Agim. Il

 24   n'y a pas d'autre route à proximité.

 25   Q.  Cette route arrive à la rue principale entre Prizren et Djakovica, si

 26   je vous ai bien compris ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Dans la direction opposée par rapport à votre maison, lorsque vous

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  1   montez la route qui mène dans la direction opposée par rapport à la maison

  2   de Agim, pouvez-vous nous dire vers où cette route mène ?

  3   R.  Cette route nous relie avec Krusha. C'est là-bas où Krusha finit.

  4   Q.  Merci. Monsieur Salihi, au paragraphe 2 de votre déclaration, vous

  5   dites :

  6   "Jusqu'au mois de mars cette année, ma famille et moi-même, nous

  7   pouvions vivre relativement normalement vu la situation globale au Kosovo."

  8   Pouvez-vous nous expliquer quelle était cette situation globale au Kosovo

  9   et ce que cela veut dire que vous pouviez mener une vie normale ?

 10   R.  Alors jusqu'au moment où tout ce que j'ai décrit s'est passé, nous

 11   vivions normalement.

 12   Q.  Merci. Est-ce que je peux en conclure que jusqu'à l'éclatement de la

 13   guerre, vous viviez normalement ?

 14   R.  Oui. Nous menions une vie tout à fait normale. Nous avions des

 15   problèmes, oui, beaucoup de problèmes avant, mais ce n'était pas le même

 16   type de problèmes auquel nous étions confrontés à l'époque.

 17   Q.  Merci. Au même paragraphe, vous dites, je cite :

 18   "En fait, puisque sur le territoire de notre village il n'y avait pas de

 19   Serbes, les problèmes qui surgissaient au Kosovo n'influençaient

 20   généralement pas notre vie."

 21   Pouvez-vous m'expliquer ce que cela voulait dire, ce que vous avez dit dans

 22   votre déclaration ?

 23   R.  Oui. Je peux vous expliquer ce point. Il n'y avait pas de Serbes à

 24   Celine.

 25   Q.  Bien. Pouvez-vous me dire pourquoi il y a des problèmes lorsqu'il y a

 26   des Serbes, si vous pouvez m'expliquer cela ? Et vice-versa, s'il n'y a pas

 27   de problèmes, il n'y a pas de Serbes.

 28   R.  Non, je n'ai pas dit cela. Les problèmes ont eu lieu le 25, après leur

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  1   arrivée.

  2   Q.  J'aimerais qu'on avance plus vite, mais encore une fois, il faut que je

  3   vous lise une partie de votre déclaration. Au paragraphe 2, vous avez dit

  4   et je cite : 

  5     "En fait, puisque sur le territoire de notre village il n'y avait pas de

  6   Serbes, les problèmes qui ont eu lieu au Kosovo n'influençaient

  7   généralement pas notre vie."

  8   Pouvez-vous nous expliquer ce point ? Donc s'il y a des Serbes, il y a des

  9   problèmes; et s'il n'y a pas de Serbes, il n'y a pas de problèmes ?

 10   R.  Non, non. Même à des endroits où il y avait des Serbes avant, il n'y

 11   avait pas de problèmes là-bas non plus.

 12   Q.  Est-ce que je peux en conclure que cet article de votre déclaration n'a

 13   pas été interprété de façon correcte ?

 14   R.  Pourquoi cela n'a pas été bien compris ?

 15   Q.  Mais vous m'avez dit qu'il n'y avait pas de problèmes, ni avec ni sans

 16   Serbes et que cela n'a pas été bien interprété et cela n'a pas été bien

 17   consigné dans votre déclaration, parce que ce n'était pas vous qui avez

 18   consigné cela dans votre déclaration ?

 19   R.  Ecoutez-moi, ils n'ont pas commis cette erreur. A Celine, il n'y avait

 20   pas de Serbes qui vivaient et nous n'avions pas de problèmes. Dans tout

 21   village, indépendamment du fait qu'il y avait des problèmes ou pas, les

 22   villageois de ces villages connaissaient leurs propres problèmes. Je

 23   connaissais pas tout ce qui se passait au Kosovo et je n'ai rien dit par

 24   rapport à la situation dans le reste du pays.

 25   Q.  Mais vous avez dit que, puisqu'il n'y avait pas de Serbes, les

 26   problèmes qui se produisaient au Kosovo n'influençaient pas votre vie en

 27   général. C'est pour cela que je vous demande cette

 28   question : dans les endroits où il y avait des Serbes, quels étaient les

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  1   problèmes qui influençaient la vie au Kosovo, si ce qui figure ici est vrai

  2   ?

  3   R.  Je ne sais pas pourquoi vous insistez. Je ne comprends pas cela.

  4   Q.  Merci. Donc je n'ai fait que lire cette partie de votre déclaration.

  5   Mais nous pouvons avancer si vous n'êtes pas en mesure de m'expliquer ce

  6   point.

  7   R.  Je ne peux pas répondre à des questions concernant les événements

  8   survenus dans d'autres villages. Je suis ici pour décrire ce qui s'est

  9   passé dans mon propre village. Je suis venu ici pour déposer sur ces

 10   événements. Je ne peux pas déposer sur d'autres événements survenus dans

 11   d'autres villages au Kosovo.

 12   Q.  Est-il vrai que vous avez mentionné des problèmes à ceux à qui vous

 13   avez parlé des problèmes qui ont eu lieu au Kosovo et qui ne vous

 14   concernaient pas, qui ne concernaient pas votre vie, parce que où vous

 15   viviez, il n'y avait pas de Serbes. Est-ce que c'est ce que vous avez dit ?

 16   R.  J'ai dit que dans mon village, il n'y avait pas de Serbes et qu'il n'y

 17   avait pas de problèmes. C'est ce que j'ai dit.

 18   Q.  Merci. Comment avez-vous appris que la guerre a commencé ?R.  Bien la

 19   guerre a commencé le 25 mars - je n'oublierai jamais ce moment - quand nous

 20   nous sommes réveillés dans la matinée, nous étions encerclés de tous les

 21   côtés. Des forces de l'armée et de la police avaient bouclé le village de

 22   Celine et après, tout ce que j'ai déjà décris a eu lieu. Ils ont commencé à

 23   incendier, à massacrer. La police a fait tout cela, pas l'armée. C'est ce

 24   que je voudrais souligner.

 25   Q.  Merci. Si vous avez quelque chose d'autre à dire, dites-le, mais

 26   j'aimerais que vous répondiez à mes questions pour qu'on avance un peu plus

 27   vite dans le contre-interrogatoire.

 28   Comment avez-vous appris que la guerre avait éclaté, si vous avez appris

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  1   cela ?

  2   R.  Je ne sais pas comment cela s'est passé au niveau général. C'est ce qui

  3   s'est passé dans mon village.

  4   Q.  Aujourd'hui vous pouvez vous souvenir de certaines dates pour ce qui

  5   est des événements survenus à l'époque, n'est-ce pas ?

  6   R.  Quelles dates ?

  7   Q.  En mars 1999, par exemple.

  8   R.  Oui, de cette date là, oui je m'en souviens.

  9   Q.  Quel élément a été l'élément décisif pour que vous puissiez vous

 10   souvenir de ces dates spécifiques; comment pouvez-vous vous souvenir de ces

 11   dates ?

 12   R.  Je me souviens de ces dates, parce que nous avons souffert ces dates-

 13   là, tout le Kosovo a vécu des choses affreuses.

 14   Q.  Vous m'avez dit que vous vous êtes réveillé le matin. Pouvez-vous nous

 15   dire à quelle heure vous vous êtes levé, à quel moment de la matinée ?

 16   R.  Écoutez-moi, je n'ai pas regardé ma montre à ce moment-là, pourtant je

 17   dois dire ici, comme je l'ai déjà dit précédemment quand j'étais venu pour

 18   témoigner ici, je n'ai pas regardé ma montre et je ne sais pas quelle heure

 19   il était exactement, mais c'était pendant la matinée.

 20   Q.  A l'époque, portiez-vous une montre ?

 21   R.  Non, je ne portais pas une montre.

 22   Q.  Je vous pose cette question, parce qu'il y a des heures différentes

 23   mentionnées dans votre déclaration; 10 heures du soir, du matin, 8 heures,

 24   9 heures. Il ne faut pas que vous soyez fâché contre moi, vous avez dit que

 25   c'était pendant la matinée. Est-ce que je peux en conclure qu'il faisait

 26   jour déjà ?

 27   R.  J'ai dit que je ne regardais pas une montre et je ne savais pas quel

 28   moment de la journée il était, même s'il était 5 heures, 6 heures ou 7

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  1   heures du matin.

  2   Q.  Merci. Mais vous n'avez pas regardé une montre ou une horloge, mais

  3   est-ce qu'il faisait jour lorsque vous vous êtes levé dans la matinée ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Où se trouve votre chambre dans la maison où vous viviez ?

  6   R.  Comment vous décrire cela ? Je ne sais pas.

  7   Q.  Je vais essayer de vous poser des questions en vous demandant des

  8   réponses. Est-ce que votre maison est une maison qui n'a que le rez-de-

  9   chaussée; est-ce que ce c'est une maison de plein pied ?

 10   R.  Ma maison a la forme de la lettre G.

 11   Q.  Vu qu'il y a plusieurs maisons au village, est-ce que votre maison est

 12   la maison la plus proche de la route et quelle est sa position par rapport

 13   à d'autres maisons ?

 14   R.  Ma maison se trouve près de la route.

 15   Q.  Merci. Etes-vous sorti de votre maison quand vous vous êtes réveillé le

 16   25 mars, comme vous l'avez dit ?

 17   R.  J'ai dit à mes enfants de quitter la maison et moi-même je suis resté à

 18   la maison.

 19   Q.  S'il vous plaît, doucement. Vous avez dit que vous vous étiez réveillé,

 20   il faisait jour. Je vous demande si vous avez quitté votre maison ou si

 21   vous êtes resté dans votre maison ?

 22   R.  J'étais dans la cour de ma maison.

 23   Q.  Merci. Par rapport à votre déclaration, où avez-vous vu l'armée qui

 24   était en train d'encercler le village ?

 25   R.  Oui. Je suis allé à la maison de mon frère, le frère qui a été tué. Son

 26   père se trouve un peu plus loin. De la cours je pouvais voir l'armée se

 27   trouvant au dessus de la mosquée. L'armée avait des chars. Également j'ai

 28   décris cela dans ma déclaration, ils ont commencé à tirer et à pilonner.

Page 3485

  1   Ils n'avaient pas de dommages causés à la population, mais plus tard la

  2   police est arrivée, un groupe des membres de la police ont incendié des

  3   maisons, ont tué des gens et ont pillé. Les membres de l'armée ne

  4   provoquaient pas de dommages au village. Les forces de la police ont fait

  5   cela, c'est pour cela que je suis ici, pour déposer des événements qui se

  6   sont réellement passés et rien d'autre.

  7   Q.  Monsieur Salihi, répondez brièvement à mes questions. Vous avez donc

  8   décrit beaucoup de choses. Avant la pause, je vais poser une brève

  9   question. Lorsque vous êtes sorti de votre maison, pourquoi êtes-vous parti

 10   chez votre frère ?

 11   R.  Je suis allé jusqu'à la maison de mon frère pour voir ce qui arrivait

 12   au village. C'est pour cela que je suis allé là-bas. Tout simplement je me

 13   suis rendu vers une autre maison se trouvant dans le village. C'est tout.

 14   Q.  Merci. Comment saviez-vous que quelque chose était en train de se

 15   produire dans le village ?

 16   R.  Nous étions encerclés. Il y avait des pilonnages. Nous pouvions

 17   entendre des tirs et c'est pour cela que nous savions que quelque chose se

 18   passait. Je les ai vus de mes propres yeux. Je ne suis pas ici pour

 19   proférer des mensonges.

 20   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Je pense qu'il est le moment pour

 21   faire la pause.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 23   Nous devons faire la pause maintenant et nous allons continuer à 13

 24   heures.

 25   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

 26   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 31.

 27   --- L'audience est reprise à 13 heures 20.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

Page 3486

  1   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   Q.  Monsieur Salihi, vous nous avez dit, il y a un petit moment de cela,

  3   que vous aviez quitté votre maison le matin et que vous étiez allé chez

  4   votre frère. Pourriez-vous nous dire ce que vous portiez lorsque vous avez

  5   quitté votre maison ?

  6   R.  J'avais des vêtements normaux - enfin, je ne sais pas - comme je porte

  7   maintenant.

  8   Q.  Merci. Après votre départ de votre maison ce matin-là et -- j'aimerais

  9   savoir en fait si vous êtes revenu chez vous à un moment donné, donc après

 10   le départ, est-ce que vous êtes revenu chez vous jusqu'au moment où vous

 11   avez quitté la demeure familiale.

 12   R.  Nous étions tous ensemble. Nos maisons sont les unes après les autres.

 13   Mes frères y avaient une maison tout comme moi j'y avais une maison.

 14   Q.  Merci. Mais quelles étaient vos intentions ? Si les événements qui se

 15   sont déroulés ne s'étaient pas déroulés, que souhaitiez-vous faire ?

 16   R.  Écoutez, je serais allé travailler dans un champ.

 17   Q.  Merci. Comment étiez-vous habillé ?

 18   R.  Bien je ne portais pas de costume probablement, mais je ne sais pas, je

 19   portais des habits normaux, des vêtements normaux de tous les jours.

 20   Q.  Merci. Lorsque vous avez vu ces forces qui se trouvaient près de la

 21   mosquée, qu'avez-vous fait ?

 22   R.  Rien. Nous nous sommes contentés d'observer ce qu'ils faisaient.

 23   Qu'est-ce que nous aurions pu faire d'autre ?

 24   Q.  Merci. Alors vous nous avez déjà fourni quelques explications, vous

 25   avez dit ce que vous aviez vu, mais est-ce que vous avez vu ces forces

 26   quelque part ailleurs ?

 27   R.  Tout le village était encerclé par les forces serbes, par l'armée et

 28   par la police.

Page 3487

  1   Q.  Merci. Comment est-ce que vous saviez cela ?

  2   R.  Nous pouvions voir, nous pouvions observer. Nous en avons fait

  3   l'expérience.

  4   Q.  Pourriez-vous nous relater ce qui fut votre expérience ?

  5   R.  Écoutez, nous étions là, puis ils ont commencé à tuer des gens, à

  6   pilonner, à brûler des maisons, jusqu'au moment où ils se sont retrouvés

  7   très très près de ma maison et là ils ont tué huit personnes. J'ai tout vu.

  8   J'ai vu l'incendie, j'ai vu comment ils avaient tué les gens.

  9   Q.  Merci. Vous nous avez dit, à plusieurs reprises maintenant et vous

 10   venez d'ailleurs juste de le répéter cela, mais ce que je voudrais savoir

 11   c'est ce qui suit : Comment est-ce que vous saviez que le village était

 12   encerclé de tous côtés ?

 13   R.  Vous pouviez le voir. Les gens pouvaient le voir. Nous savions tous que

 14   nous étions encerclés; c'était évident.

 15   Q.  Écoutez, je ne sais pas ce qu'on vu les autres, mais vous, qu'est-ce

 16   que vous avez vu ? Vous nous dites que vous avez juste vu quelque chose qui

 17   se trouvait ou quelque chose qui se passait près de la mosquée ?

 18   R.  Oui, je les ai vu, je vous ai déjà parlé des chars qui se trouvaient

 19   près de la mosquée. Donc il y avait des forces militaires et il y avait des

 20   forces de la police.

 21   Q.  Merci. Est-ce que c'est la seule chose que vous ayez vue ?

 22   R.  Non, tout le monde pouvait voir que nous étions encerclés.

 23   Q.  Merci. Monsieur Salihi, est-ce que vous savez ce que signifie le terme

 24   de "méthode" ?

 25   R.  Non, je ne sais pas ce que cela veut dire "méthode".

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez-nous dire ce que signifient les forces

 27   terrestres serbes ? Qu'est-ce que vous entendez par cela ?

 28   R.  Oui, je peux dire que les forces terrestres sont venues et ont provoqué

Page 3488

  1   des dommages pour la population. Ils sont venus, c'était de l'infanterie.

  2   Ils sont venus à pied. Ils nous ont fait toute sorte de choses très

  3   maléfiques.

  4   Q.  Merci. Avez-vous fait votre service militaire ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous savez ce qu'était votre spécialisation militaire ?

  7   R.  Je faisais partie de l'infanterie. Une arme m'avait été donnée. J'avais

  8   un fusil. J'étais illettré, mais je connaissais quand même les règles

  9   militaires qui prévalaient dans l'armée.

 10   Q.  Merci. Alors dites-moi autre chose. Lorsque vous parlez des "forces

 11   terrestres," est-ce que vous faites référence à "l'infanterie" ?

 12   R.  Oui, mais je ne parle pas de l'armée. Je parle de l'infanterie de la

 13   police.

 14   Q.  Vous nous avez dit hier, à la ligne 6, page 7 du compte rendu

 15   d'audience, que vous avez vu des éléments d'infanterie qui entraient dans

 16   le village. Vous avez vu donc des éléments d'infanterie ou que vous aviez

 17   vu plutôt l'infanterie et la police qui entraient dans le village. Alors ce

 18   qui m'intéresse, c'est de savoir comment vous faites la différence entre la

 19   police et l'infanterie.

 20   R.  Ecoutez, l'armée est entrée dans le village. Ils ont vu que la

 21   population civile était complètement paniquée. Les enfants pleuraient.

 22   Qu'ils n'avaient, en fait, nulle part où aller. Donc ils n'ont fait aucun

 23   mal aux gens qui se trouvaient dans le village. Ensuite l'infanterie des

 24   forces de la police est entrée dans le village. Ils ont commencé à

 25   incendier des maisons, ils ont pillé les maisons, ils ont tué des gens. Ils

 26   ont fait véritablement les choses les plus atroces, nous ont fait à nous

 27   les choses les plus atroces auxquelles on puisse penser.

 28   Q.  Merci. Donc si je vous dis que l'armée a pilonné le village à plusieurs

Page 3489

  1   reprises; est-ce que c'est exact ?

  2   R.  Oui, ils l'ont pilonné, mais ils n'ont absolument pas fait de mal à la

  3   population civile, parce qu'ils savaient pertinemment que la population

  4   civile n'avait nulle part où aller.

  5   Q.  Merci. Mais où vous trouviez-vous lorsque l'armée a pilonné le village

  6   ?

  7   R.  J'étais chez moi, dans la cour. Comme tous les autres d'ailleurs,

  8   j'étais en train d'observer ce qui se passait.

  9   Q.  Merci. Alors d'après ce que j'ai compris, votre cour se trouve sur un

 10   terrain qui est plat, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'est un terrain plat, certes, mais c'est un terrain plat qui est

 12   quand même un peu surélevé. Il y a des arbres, mais nous pouvions, de toute

 13   façon, observer le déplacement et le mouvement dans le village à partir de

 14   cet endroit. Nous pouvions très bien le voir d'ailleurs.

 15   Q.  Merci. Dites-moi : où sont tombés tous ces obus ?

 16   R.  Sur les maisons.

 17    Q.  Merci. À partir de l'endroit où vous vous trouviez dans la cour,

 18   jusqu'à quelle distance pouviez-vous voir ?

 19   R.  Je ne sais pas jusqu'à quelle distance je pouvais voir, mais ce qui est

 20   important c'est que je peux vous dire que je pouvais voir tout ce qui se

 21   passait en tout cas.

 22   Q.  Merci. Mais votre village est quand même assez important. Vous ne

 23   pouvez pas tout voir. Vous ne pouvez pas voir tout ce qui s'y passait quand

 24   même. Il est plutôt grand, votre village, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Oui, mais, moi, je me trouvais à partir d'un endroit qui était

 27   surélevé, donc je pouvais voir tout ce qui s'y passait. Je pouvais voir les

 28   gens. C'est vrai que c'est un village assez important, comme vous l'avez

Page 3490

  1   dit, puisqu'il compte quelque 200 maisons, mais le fait est que je pouvais

  2   tout voir.

  3   Q.  Puis-je avancer qu'il y avait des tirs dans le village ?

  4   R.  Des tirs qui venaient d'où ? Ou qui c'est qui ?

  5   Q.  Je vous le demande, je pose la question. Vous nous dites qu'il y avait

  6   des tirs dans le village, donc est-ce qu'il y a eu des tirs dans le village

  7   ? Est-ce que cela est exact ?

  8   R.  Oui. La police tirait.

  9   Q.  A la périphérie du village, vous avez vu en fait que seule la police

 10   tirait; est-ce bien exact ?

 11   R.  Ecoutez, comme je vous l'ai déjà dit, dans un premier temps, c'est

 12   l'armée qui entrée dans le village. Elle a vu, l'armée, que la population

 13   partait, était complètement paniquée. Ensuite la police est arrivée dans le

 14   village. La police, elle a pillé des maisons, elle a incendié les maisons,

 15   elle a tué les personnes qu'elle trouvait dans les maisons.

 16   Q.  Merci. Dites-moi, donc j'aimerais savoir : quelle est la distance à vol

 17   d'oiseau entre l'endroit où vous vous trouviez et la périphérie ou l'orée

 18   du village ?

 19   R.  Je ne sais pas la distance. Je ne l'ai pas mesuré, mais le fait est que

 20   je pouvais voir très très bien à partir de cet endroit.

 21   Q.  Vous, vous pouviez voir des maisons qui se trouvaient à l'orée du

 22   village; c'est cela ?

 23   R.  Oui, je pouvais les voir.

 24   Q.  Ces maisons, est-ce qu'elles étaient entourées d'un mur d'enceinte ?

 25   R.  Oui, certaines en avaient, d'autres n'en avaient pas. Mais, même si

 26   toutes ces maisons avaient eu un mur d'enceinte, vous pouviez quand même

 27   voir dans quelles maisons ils entraient et quelles maisons ils

 28   incendiaient.

Page 3491

  1   Q.  Merci. Est-ce qu'on pouvait voir s'il y avait des tirs qui provenaient

  2   de ces maisons ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Comment est-ce que vous savez qu'il s'agissait de la police qui portait

  5   des uniformes noirs ?

  6   R.  Mais nous les appelions Les Bleus. Mais, en fait, justement, leurs

  7   uniformes, les uniformes de la police étaient de cette couleur.

  8   Q.  Monsieur Salihi, dans toutes vos déclarations jusqu'à présent, vous

  9   avez toujours dit que les uniformes étaient noirs. Alors comment se fait-il

 10   maintenant que vous nous dites que ce qui est noir, c'est quelque chose que

 11   vous appelez bleu ?

 12   R.  Ils opéraient en groupes, il y avait différents groupes. De toute

 13   façon, ils ont tués tant de personnes. J'aurais pu moi aussi être une de

 14   ces personnes qui seraient mortes. Mais il y avait différents groupes.  

 15   Q.  Au paragraphe 4, votre déclaration, voilà ce que vous dites : 

 16   "Les forces serbes qui étaient rentrées dans le village étaient

 17   habillés en uniformes noirs, bien que je fusse trop éloigné d'eux pour

 18   pouvoir voir les écussons sur leurs uniformes".

 19   R.  Oui, à cette distance-là, on avait l'impression que c'était du noir.

 20   Q.  Alors je ne souhaiterais pas passer trop de temps sur ce point-là, mais

 21   dans l'affaire Milutinovic, vous avez également dit que vous aviez vu ce

 22   type d'uniformes noirs avant la guerre.

 23   R.  Avant la guerre, c'est impossible; avant la guerre, je n'aurais jamais

 24   pu les voir. Je les ai vus ce jour-là, et comme je vous l'ai dit, il y

 25   avait un groupe différent tous les 20 mètres et, de toute façon, tous ces

 26   groupes différents ont fait ça chacun leur tour.

 27   Q.  Alors pour ne pas trop perdre votre temps, nous reviendrons là-dessus

 28   un peu plus tard, mais j'aimerais que vous nous indiquiez où vous avez vu

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  1   ces policiers ? De quelle direction provenaient-ils ? Où se trouvaient-ils

  2   ?

  3   R.  Alors je vais encore une fois répéter ce que j'ai déjà dit. Le village

  4   était encerclé par ces personnes-là. Ils savent mieux que quiconque de

  5   quelle direction ils venaient et où ils se trouvaient. De toute façon, tout

  6   le village était encerclé par les policiers, donc ils pouvaient entrer dans

  7   le village par n'importe quelle voie d'accès, comme ils le souhaitaient.

  8   Q.  Monsieur Salihi, je m'excuse, mais vous avez témoigné, vous avez dit

  9   qu'ils étaient entrés dans le village. Je me suis juste contenté de vous

 10   dire de quelle direction ils venaient. Je souhaiterais que vous m'indiquiez

 11   ce que vous avez vu et non pas ce que d'autres savaient. Je vous pose cette

 12   question, parce que je voudrais que vous nous indiquiez ce que vous avez pu

 13   observer. Si vous les avez vus, dites-moi ce que vous avez vu ? Parce que

 14   vous ne parlez pas seulement de la police maintenant, vous parlez des

 15   véhicules blindés de combat, des chars, et cetera. Donc quand est-ce que

 16   vous avez vu ces policiers ?

 17   R.  Lorsque nous nous sommes réveillés, nous avons vu que le village était

 18   encerclé par l'armée et par la police. Ensuite ils sont entrés dans le

 19   village, ils sont entrés par tous les côtés. Ils pouvaient faire ce qu'ils

 20   voulaient. Nous, lorsque nous nous sommes réveillés, comme je l'ai déjà

 21   expliqué, nous étions encerclés.

 22   L'armée a tiré, mais l'armée n'a absolument pas fait de morts dans la

 23   population, parce que l'armée pouvait très bien voir que la population

 24   était complètement paniquée et c'est ensuite que la police est arrivée, que

 25   la police a pillé les maisons et que la police s'est livrée à toutes sortes

 26   de crimes. Voilà ce que je peux vous dire.

 27   Q.  Mais une fois de plus, vous ne répondez pas à ma question, car vous

 28   parlez de façon générale. Vous parlez de la police qui encercle le village

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  1   et de ce qui s'est passé par la suite. Mais dans votre vocabulaire, lorsque

  2   vous me dites que le village a été encerclé, qu'est-ce que vous entendez

  3   par "encerclé" ?

  4   R.  Cela signifie que nous étions encerclé par l'armée et par la police.

  5   C'est ce que j'ai déjà dit et je le répète à nouveau. Je réitère le fait

  6   que l'armée n'a absolument pas provoqué de dégâts et n'a fait de mal à

  7   personne.

  8   Q.  Bien. On va oublier l'armée un petit instant. Mais là vous dites que

  9   vous avez vu quelque chose au-dessus de la mosquée; est-ce exact, c'est ce

 10   que vous avez voulu dire ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Merci. Quelle était la couleur des chars, je ne sais pas, des chars que

 13   vous avez aperçus ?

 14   R.  Les chars, bien c'étaient des chars militaires sur des chenilles. Ils

 15   avaient les mêmes couleurs que l'herbe, c'est comme cela qu'on le dit.

 16   Q.  Les blindés ?

 17   R.  Je n'ai pas vu de véhicules de combat et je n'ai pas vu l'endroit où

 18   ils les ont laissé.

 19   Q.  Merci. Ai-je raison de dire que vous n'avez pas été le témoin oculaire

 20   de l'incendie de la mosquée et de l'école ?

 21   R.  Oui. En ce qui concerne l'école, c'est exact; en ce qui concerne la

 22   mosquée, ce n'est pas exact.

 23   Q.  Bien. Vous vous trouviez à quelle distance par rapport à l'école ?

 24   Alors je parle de l'endroit où vous étiez-vous.

 25   R.  J'étais loin, assez loin, mais la visibilité était bonne. Donc je les

 26   ai vu entrer dans l'école, l'incendier, ensuite ils sont allés jusqu'aux

 27   maisons et là ils ont fait tout ce qu'ils voulaient.

 28   Q.  Est-ce que vous avez vu de quelle façon on a mis le feu à l'école ?

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  1   R.  Je ne sais pas ce qu'ils ont utilisé pour mettre le feu à l'école,

  2   toujours est-il que j'ai vu les flammes.

  3   Q.  Est-ce que vous avez entendu quoi que ce soit ?

  4   R.  Il y avait beaucoup de bruit, parce qu'ils tiraient avec leurs armes,

  5   ils entraient librement dans les maisons.

  6   Q.  Merci. Comment avez-vous pu constater le nombre de maisons qui avaient

  7   été incendiées ?

  8   R.  Ils ont incendié beaucoup de maisons. Quand on est rentré d'Albanie, on

  9   a compris que le village tout entier avait été réduit en cendres, que tout

 10   avait été brûlé et pillé.

 11   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire où vous trouviez-vous au moment où vous

 12   avez pu remarquer que les gens étaient en train de quitter le village ?

 13   R.  Je pense que je vous l'ai déjà dit. J'ai été dans la cour de la maison

 14   de mon frère. C'est là que l'on était assis et on a vu les gens fuirent les

 15   maisons à la recherche d'un abri pour leurs familles.

 16   Q.  Ils fuyaient quel village exactement, quelles maisons ?

 17   R.  Tout le village essayait de partir. Ils cherchaient tous un abri pour

 18   leur propre famille. Puis ils essayaient de les sortir des maisons.

 19   Q.  Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Où est-ce qu'ils sont

 20   allés ?

 21   R.  Ils ont quitté le village, ensuite ils se sont rassemblés sous le mont

 22   de Pisjak.

 23   Q.  Merci. Pourriez-vous voir depuis l'endroit où vous vous trouviez, est-

 24   ce que vous pouviez voir cette montagne, Pisjak ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Comment alors pourriez-vous dire qu'ils étaient en train de fuir en

 27   direction de cette montagne, justement ?

 28   R.  Vers 3 heures 30 dans l'après-midi, après qu'ils aient tué huit membres

Page 3495

  1   de ma famille et 14 membres de la famille Zeqiri, au retour, je suis allé à

  2   Pisjak pour y trouver ma famille. Je les ai trouvés vers 10 heures du soir,

  3   moi et ma famille, nous avons rejoint le reste des gens qui étaient

  4   rassemblés là-bas.

  5   Q.  Merci. Donc c'est uniquement après être arrivé à cet endroit, à

  6   l'endroit où se trouvait votre famille, ce n'est qu'à ce moment-là que vous

  7   avez compris où ils se trouvaient, pas dans le moment où vous étiez encore

  8   dans la cour, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non. Tout ce que je pouvais voir, c'est qu'ils étaient en train de

 10   quitter leurs maisons.

 11   Q.  Merci. Est-ce qu'il existait un accord entre vous, vos voisins, et

 12   cetera, portant sur la destination vers laquelle il fallait se diriger ?

 13   R.  Personne ne savait à l'avance où ils allaient partir. Ils sont partis

 14   parce qu'ils devaient partir.

 15   Q.  Merci. Monsieur, lors de votre déposition dans l'affaire Milutinovic, à

 16   la page 4 219 du compte rendu d'audience, le Juge Bonomy a posé une

 17   question et vous avez répondu en disant qu'avant la guerre, vous avez vu

 18   des policiers. On vous a demandé si vous vous rappeliez de l'uniforme

 19   qu'ils portaient et vous avez répondu qu'ils portaient des uniformes noirs.

 20   Nous en avons même parlé tout à l'heure.

 21   R.  Oui, mais ils changeaient de vêtements. Ils portaient des uniformes

 22   différents. Ils portaient tout ce qu'ils voulaient porter, d'ailleurs.

 23   Q.  Merci. Mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là, quand

 24   vous dites qu'ils se déguisaient et qu'ils se changeaient.

 25   R.  Comme je l'ai déjà dit, ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient.

 26   Q.  Merci. Au début du paragraphe 5, vous avez dit que les membres de votre

 27   famille avaient quitté la ferme vers 5 heures 30 du matin et qu'ils se sont

 28   cachés dans un bosquet à proximité de chez vous. On en a déjà parlé de

Page 3496

  1   cette question de bois et de forêts. Mais dites-nous pourquoi n'êtes-vous

  2   pas parti en même temps qu'eux ?

  3   R.  Je ne suis pas parti, parce que j'ai demandé à mes frères que l'on

  4   parte ensemble, mais ils ont refusé. A cause de cela, j'ai pris la décision

  5   de rester, parce que c'était ma maison. Donc je suis resté chez moi, dans

  6   ma maison.

  7   Q.  Merci. Mais il n'y avait que vous, votre frère Bajram et Faik, et vous

  8   dites aussi que la famille de Faik était restée là aussi, les quatre

  9   membres de toute sa famille qui étaient là ?

 10   R.  C'est vrai.

 11   Q.  Pourquoi n'êtes-vous pas partis tous de la maison ?

 12   R.  Je vais vous expliquer cela. Si on avait su que les choses qui se sont

 13   produites allaient se produire, on serait parti.

 14   Q.  Merci. Mais est-ce que vous êtes parti pour défendre votre terre ?

 15   R.  J'ai pensé qu'ils n'allaient pas nous faire du mal; cependant, ils

 16   l'ont fait. Ils nous ont fait beaucoup de mal et voilà où nous en sommes

 17   aujourd'hui.

 18   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes resté là pour défendre votre terre, votre

 19   ferme ?

 20   R.  Si j'avais pu, j'aurais défendu même les membres de ma famille, plutôt

 21   les membres de ma famille que ma ferme, que mes biens.

 22   Q.  Merci. Mais nous allons en parler aussi de cela. Mais dites-moi, vous

 23   avez dit que Miftar Zeqiri était votre voisin le plus proche. Pourquoi

 24   alors il quitte sa ferme et vient chez vous accompagné des 14 membres de sa

 25   famille ? Pourquoi le fait-il ?

 26    R.  Nos cours sont tout près. On avait l'impression qu'on partageait une

 27   même maison. Toute sa famille est venue là et nous nous nous installions,

 28   c'est tout. 

Page 3497

  1   Q.  A quelle heure Zeqiri est venu vous voir avec toute sa famille ?

  2   R.  C'était dans la matinée, quand les enfants se sont réveillés. Mais je

  3   ne savais pas l'heure.

  4   Q.  Mais la plupart des membres de votre famille avaient quitté votre ferme

  5   familiale et même les autres villageois ont quitté le village, comme vous

  6   l'avez dit, alors que Zeqiri vient vous voir vous, c'est ce que vous dites

  7   ?

  8   R.  Nous sommes voisins. C'est mon voisin le plus proche et on passait du

  9   temps ensemble.

 10   Q.  Bien. A partir du moment où ils sont venus chez vous dans votre cour,

 11   vous étiez où exactement, vous et Zeqiri, ainsi que les membres de votre

 12   famille ?

 13   R.  Comme je l'ai déjà indiqué, ils étaient ensemble. Bajram s'est levé.

 14   Une maison s'y trouvait, une maison qui n'avait pas encore été construite

 15   en entier, et la police lui a tiré dessus et il a été tué. Quand il a été

 16   tué, je suis parti.

 17   L'infanterie est arrivée par la suite, et ils ont tout massacré, les

 18   enfants, tous ceux qui s'y trouvaient. Un bébé âgé de six mois a été

 19   massacré là-bas.

 20   Q.  Je vous remercie. Mais vous ne répondez pas aux questions que je vous

 21   ai posées. Je vous ai posé une question très précise. Veuillez m'écouter,

 22   s'il vous plaît. Où étiez-vous exactement à partir du moment où la famille

 23   Zeqiri est arrivée ? Vous étiez où, physiquement ? Ensuite, on va parler de

 24   ce dont vous, vous parlez sans arrêt.

 25   R.  Je vous ai dit où j'étais. J'étais là-bas. Je ne me rappelle pas du

 26   nombre de fois que je l'ai dit.

 27   Q.  Monsieur Salihi, vous avez six maisons, vous avez une grande cour. Vous

 28   nous avez donné la superficie de votre ferme familiale. Moi, je vous ai

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  1   demandé où vous étiez, vous, les Zeqiri et les autres qui sont restés.

  2   Parce qu'il y avait huit membres de votre famille et il y en avait 14 du

  3   côté des Zeqiri. Vous étiez où exactement ? Vous n'aviez pas de montre,

  4   vous ne saviez pas l'heure qu'il était, mais vous pouvez me répondre où

  5   vous étiez ?

  6   R.  Je pense que je vous ai déjà dit que j'étais avec eux. On était

  7   ensemble, je ne sais pas quoi d'autre je pourrais vous dire.

  8   Q.  Bien, vous pouvez nous dire dans quelle maison vous étiez, dans quelle

  9   partie de la maison vous étiez. Vous pouvez nous dire aussi que vous étiez

 10   dans la cour pendant tout le temps. Parce que jusqu'à maintenant, vous

 11   m'avez dit que vous étiez dans la cour, que vous n'êtes entré dans aucune

 12   maison depuis le matin. Donc là, je vous demande de nous dire où vous

 13   étiez, tout simplement.

 14   R.  J'étais dans la cour de la maison de mon frère. On y était tous. La

 15   famille Zeqiri y était aussi. Je ne sais pas comment vous l'expliquer

 16   autrement.

 17   Q.  Merci. Donc vous étiez à l'extérieur de la maison; c'est cela ? Pendant

 18   tout ce temps-là, vous étiez à l'extérieur de la maison, vous étiez dans la

 19   cour ?

 20   R.  Oui, oui.

 21   Q.  Bien. Où avez-vous vu la police serbe pour la première

 22   Fois; là, je parle de la fois où ils sont venus dans votre cour ?

 23   R.  On était là-bas au moment où on a vu la police.

 24   Q.  Où se trouvait la police au moment où vous l'avez vue pour la première

 25   fois ?

 26   R.  Ils sont arrivés, ils sont entrés dans le village de l'école, ensuite

 27   ils sont arrivés au niveau de l'endroit où nous étions, nous.

 28   Q.  Où est-ce que vous les avez vus ?

Page 3499

  1   R.  On les a vus en train de s'approcher.

  2   Q.  Est-ce qu'ils marchaient dans la rue ?

  3   R.  Il y avait pas de rue, mais on les a vus entrer dans les maisons,

  4   sortir des maisons. Ils le faisaient partout.

  5   Q.  Je vous ai posé une question au sujet de votre ferme. Je vous prie de

  6   bien vouloir m'écouter avec beaucoup d'attention.

  7   R.  Vous parlez de ma famille à moi ?

  8   Q.  Je parle de l'instant où vous avez vu la police entrer dans votre ferme

  9   familiale. Où est-ce que vous les avez vus pour la première fois ? Où se

 10   trouvaient-ils au moment où vous les avez vus ? Est-ce que vous les avez

 11   vus d'ailleurs avant qu'ils ne pénètrent dans votre domaine familial ?

 12   R.  Je les ai vus avant qu'ils n'entrent dans la cour.

 13   Q.  Après cela, vous les avez vus quand pour la première fois ?

 14   R.  Je pense que je vous ai déjà dit, je vous ai dit donc de quelle

 15   direction ils venaient. Je les ai vus entrer et sortir des maisons. Cela

 16   fait 100 fois que je vous le dis.

 17   Q.  C'est vrai. Vous répondez toujours la même chose mais vous ne répondez

 18   pas aux questions que je vous pose, c'est cela le problème. Donc si je vous

 19   ai bien compris, devant votre ferme il n'y avait qu'une seule route, il y

 20   avait aussi une route qui va en direction de Velika Krusa et d'autres qui

 21   va en direction de la maison de Jemini Agim. Puis, l'école est plus loin, à

 22   plusieurs kilomètres de là. Moi, j'essaie de vous demander où est-ce que

 23   vous avez aperçu la police pour la première fois, mais vous, vous répondez

 24   toujours que c'était à côté de l'école. Mais bon. On va plus en parler.

 25   Pour vous, c'est quoi un fusil d'assaut ?

 26   R.  Est-ce que je peux dire quelque chose ? Est-ce que je peux répondre à

 27   ce monsieur ? Parce que je pense qu'il ne me comprend pas très bien. Ou

 28   peut-être qu'il souhaite pas me comprendre.

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, allez-y.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] La police n'a pas pris la route, comme vous le

  3   dites. Ils allaient de maison à maison, ils mettaient le feu dans la

  4   maison, ils les tuaient dans les maisons, dans leurs propres maisons. Pas

  5   dans les rues. Ils ne sont pas allés en direction de la maison d'Agim ou

  6   bien d'une autre maison que vous avez mentionnée. Je les ai pas vus se

  7   diriger dans cette direction-là. Ils allaient de maison en maison, ils

  8   faisaient tout ce qu'ils voulaient dans ces maisons. C'est de cela que je

  9   parlais.

 10   M. DJURDJIC : [interprétation]

 11   Q.  Merci. C'est vrai que vous l'avez dit, mais maintenant, on parle du

 12   moment où ils arrivent dans votre maison, chez vous. Je n'ai pas des

 13   intentions cachées, je voudrais tout simplement vous demander de

 14   m'expliquer un certain nombre de choses. A partir du moment où ils sont

 15   arrivés chez vous, vous les avez vus où exactement ? Ils se trouvaient où,

 16   la première fois que vous les apercevez ?

 17   R.  Je vous l'ai déjà dit, mais je vais essayer de vous l'expliquer à

 18   nouveau. Donc il y avait une maison qui était près de la maison des Zeqiri.

 19   C'était une maison qui était encore en construction. C'est là que se

 20   trouvait la police. On ne les a pas vus. C'est depuis cet endroit qu'ils

 21   ont tiré sur mon frère parce qu'il s'était levé. Il a été touché par une

 22   balle et il est mort sur place. C'est là que j'ai quitté la maison. J'ai vu

 23   de mes propres yeux un groupe de cinq personnes. L'infanterie est arrivée

 24   là où se trouvait ma famille et la famille Zeqiri, et ils les ont

 25   massacrés.

 26   Q.  Merci. C'est quoi un fusil d'assaut pour vous ?

 27   R.  Je ne sais pas, parce que je n'étais pas avec eux pour voir exactement

 28   le type d'armes qu'ils avaient. Ce qu'on essayait de faire c'était de

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  1   partir nous cacher. C'est eux qui savaient quelles étaient les armes qu'ils

  2   portaient.

  3   Q.  Merci. Je vous ai posé la question parce que dans le paragraphe 5,

  4   l'avant-dernière phrase, on parle de fusils d'assaut, donc j'ai voulu vous

  5   demander quelle était cette arme, ce fusil d'assaut. Mais bon. Est-ce que

  6   vous pouvez nous dire, donc les policiers qui sont arrivés chez vous dans

  7   votre ferme, quels étaient les uniformes qu'ils portaient ?

  8   R.  Ils se trouvaient dans des groupes différents. Ils étaient vêtus

  9   d'uniformes bleus. Il y en avait qui avaient des rubans blancs et d'autres

 10   qui avaient des rubans rouges. Je ne sais pas ce que je pourrais vous dire

 11   de plus parce que je n'étais pas avec eux, je ne pourrais pas les décrire

 12   en détail. Je vous parle des choses que j'ai vues.

 13   Q.  Merci. Dans le paragraphe 6, vous dites :

 14   "Tout d'un coup, il y a eu trois rafales de tirées depuis les armes

 15   automatiques en direction de notre ferme. J'ai vu que Bajram était touché

 16   au niveau de l'estomac et il est mort sur-le-champ."

 17   Pourriez-vous nous dire où il se trouvait au moment où cela s'est produit,

 18   ce que vous décrivez dans le paragraphe 6 ?

 19   R.  Oui. On se trouvait à une distance de 5 mètres. Moi, j'étais dans la

 20   cour au moment où il a été tué.

 21   Q.  Lui, il se trouvait où ?

 22   R.  Je pense que je vous l'ai déjà dit, il était tout près de moi.

 23   Q.  Merci. Est-ce que cela veut dire qu'il était dans la cour, lui aussi ?

 24   R.  Oui, dans la cour de Faik, c'est là que se trouvait la famille Zeqiri,

 25   et toute ma famille. On était tous là.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous avez vu des gens qui ont ouvert le feu ?

 27   R.  Après que Bajram a été tué, j'ai dit que je suis parti après cela, que

 28   j'ai pu les voir donc en train de descendre. C'est à ce moment-là que les

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Page 3503

  1   soldats d'infanterie sont entrés. Je n'arrive même pas à imaginer comment

  2   ils ont pu faire cela, comment ils ont pu faire ces choses horribles, même

  3   aux petits enfants, aux habitants du Kosovo ? Le monde entier était choqué

  4   par ce qu'ils ont fait.

  5   Q.  Monsieur Salihi, lorsque vous étiez dans la cour, avez-vous vu la

  6   provenance des tirs ? Vous m'avez plutôt dit ce qui s'était passé après

  7   cela, ce n'était pas à quoi portait ma question.

  8   R.  Si je ne me trompe, j'ai dit qu'ils sortaient de la maison. J'ai dit

  9   que Miftar Zeqiri avait cette maison qui n'était pas encore finie. Ils ont

 10   quitté la maison depuis laquelle ils ont tiré, et ils sont venus dans la

 11   cour où se trouvait mon frère avec ses enfants ainsi que la famille Zeqiri.

 12   Q.  Par rapport au portail de votre propriété familiale et le portail de la

 13   propriété familiale de la famille Zeqiri, il y a combien de mètres ?

 14   Pouvez-vous me dire quelle est la distance entre ces deux portails ?

 15   R.  Il y a une haie qui nous sépare, sinon nos maisons se trouvent l'une à

 16   côté de l'autre.

 17   Q.  C'est pour cela que je vous demande quelle est la distance qui sépare

 18   le portail de votre propriété du portail de la propriété de la famille

 19   Zeqiri parce que justement il y a cette haie ?

 20   R.  La maison de mon frère, où nous sommes allés à l'époque, se trouve à

 21   côté de la maison de Miftar Zeqiri. Cela veut dire qu'ils sont les premiers

 22   voisins et c'est pour cela qu'ils sont venus chez nous tous.

 23   Q.  Merci. Mais vous n'avez pas répondu à la question quelle est la

 24   distance qui sépare le portail de votre propriété et le portail de la

 25   propriété de la famille Zeqiri.

 26   R.  Il n'y a qu'une haie qui nous sépare. Ces deux portails ne sont pas

 27   très loin l'un de l'autre; et puisque ces deux portails ne sont pas très

 28   loin l'un de l'autre, ils sont venus dans notre cour pour être avec nous.

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  1   Q.  Merci. Mais c'était beaucoup de temps avant les tirs et avant le moment

  2   où votre frère a été touché. Ai-je raison pour dire cela ?

  3   R.  C'était à 15 heures 30.

  4   Q.  Bien. Est-ce que j'ai bien compris qu'à ce moment-là la famille Zeqiri

  5   était dans votre cour ?

  6   R.  Mais les cours sont l'une à côté de l'autre.

  7   Q.  Monsieur, tout à l'heure vous nous avez dit que la famille Zeqiri est

  8   venue pour se cacher chez vous et que la famille Zeqiri était dans votre

  9   cour. Est-ce que la famille Zeqiri était dans votre cour au moment où votre

 10   frère a été touché par balle ?

 11   R.  Je pense que je vous ai déjà dit qu'ils sont les premiers voisins.

 12   Notre propriété se trouve ici et la leur là-bas, et c'est là-bas où ils

 13   restaient.

 14   Q.  Votre réponse devrait être oui ou non. Est-ce que la famille Zeqiri se

 15   trouvait dans la cour de votre propriété au moment où votre frère a été

 16   touché par balle ?

 17   R.  Entre ces deux propriétés familiales il y a une haie et ils étaient des

 18   deux côtés de la haie. Ils étaient tous ensemble, rassemblés des deux côtés

 19   de la haie.

 20   Q.  Vous voulez dire qu'une partie de la famille Zeqiri se trouvait dans

 21   votre cour ?

 22   R.  Non, je n'ai pas dit cela. Les deux familles étaient là-bas. Les

 23   enfants étaient là-bas, ensemble.

 24   Q.  Où "là-bas" ? Dites-le-moi.

 25   R.  Dans la cour de mon frère, qui se trouve à côté de la maison et de la

 26   cour de la famille Zeqiri.

 27   Q.  Merci. A quelle distance se trouvaient votre frère et d'autres membres

 28   de votre famille par rapport à vous et à votre frère Bajram au moment où,

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  1   lui, il a été touché par balle ?

  2   R.  Ils se trouvaient tous dans un groupe, tous ensemble.

  3   Q.  Merci. A quelle distance vous trouviez-vous par rapport à eux -- par

  4   rapport à ce groupe ?

  5   R.  Je pense que je vous ai déjà dit que je me trouvais à cinq mètres par

  6   rapport à lui, peut-être même pas à cinq mètres.

  7   Q.  Merci. Vous dites qu'après les tirs vous avez fui dans la propriété de

  8   Miftar Zeqiri, pourquoi ?

  9   R.  Je n'ai pas dit cela. Si je m'étais rendu dans la maison de Zeqiri, je

 10   serais mort, moi aussi.

 11   Q.  Je devrais vous lire le paragraphe 6 de votre déclaration.

 12   "J'ai vu que Bajram a été touché à l'abdomen et tué sur place. Faik et sa

 13   famille était resté dans notre propriété avec la famille Zeqiri, je suis

 14   allé chez mes voisins jusqu'à la propriété familiale de Zeqiri."

 15   R.  Il s'agit d'une erreur là.

 16   Q.  Merci. Ensuite vous dites, je cite :

 17   "J'ai trouvé un trou dans lequel je me suis caché, ce trou était profond de

 18   trois pieds (90 centimètres)"

 19   R.  Oui, je n'ai pas mesuré la profondeur de ce trou, mais c'était à peu

 20   près la profondeur du trou.

 21   Q.  Où se trouve le trou dans lequel vous vous êtes caché ?

 22   R.  Cela se trouve au-dessus des maisons.

 23   Q.  Des maisons de qui ?

 24   R.  De toutes nos maisons ainsi que des maisons de nos voisins, au-dessus

 25   de la maison de Miftar Zeqiri.

 26   Q.  Donc cela veut dire que vous étiez à l'extérieur de votre propriété

 27   familiale ainsi que la propriété familiale de la famille Zeqiri, vous étiez

 28   dans cette troupe, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui. Je pense que je vous ai dit que quand mon frère avait été tué, je

  2   fuyais, puisque qu'ils se dirigeaient vers nous. C'est pour cela que j'ai

  3   fui. Après ils sont entrés et ont fait ce que j'ai déjà dit à plusieurs

  4   reprises.

  5   Q.  Après cela, où avez-vous fui ?

  6   R.  Je suis resté dans le trou jusqu'à ce que la nuit soit tombée, après

  7   quoi je suis parti, une fois la nuit tombée, pour essayer de retrouver ma

  8   famille dans la montagne. C'est là-bas où je les ai retrouvés.

  9   Q.  Vous êtes agriculteur qui se rendait dans de grandes villes pour vendre

 10   ses produits de la ferme, donc je vous ai posé une question pour savoir où

 11   se trouvait le trou dans lequel vous vous êtes caché. Je pense que vous

 12   avez bien compris cette question, Monsieur Sahili ?

 13   R.  Où je me suis caché ?

 14   Q.  Où se trouve le trou dans lequel vous vous êtes caché au moment où

 15   votre frère a été touché par balle ?

 16   R.  Je vous ai dis que j'avais fui. Là-bas il y a une tente derrière nos

 17   maisons, derrière ce quartier et c'est là-bas où je me suis caché de

 18   l'autre côté de la colline.

 19   Q.  Mais nous de savons pas où se trouve ce trou. Dites-nous : c'est où

 20   derrière vos maisons, où se trouve cette pente, ce versant de la montagne,

 21   par où vous êtes passé ?

 22   R.  Je ne sais pas. Pourquoi vous me posez des questions comme cela pour

 23   savoir un détail où je me suis caché, et cetera ? Mais les gens ont été

 24   tués là-bas et vous ne posez pas de questions pour ce qui est de ces gens.

 25   Q.  Merci. Aviez-vous des armes ?

 26   R.  Non. Si j'avais eu une arme, j'aurais peut-être pu sauver la vie de

 27   quelqu'un.

 28   Q.  La famille Zeqiri, avait-elle des armes ?

Page 3507

  1   R.  Je ne sais pas. Je peux vous dire seulement ce que je sais pour ce qui

  2   est de moi-même. Je ne connais que ce que j'ai fait moi-même et c'est pour

  3   cela que je suis ici pour répondre à de telles questions.

  4   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas à combien de reprises je dois

  6   vous dire la chose suivante. Si nous avions eu une arme, nous ne serions

  7   pas restés chez nous.

  8   M. DJURDJIC : [interprétation]

  9   Q.  Il semble que je doive répéter ma question. Est-ce que Faik avait une

 10   arme ?

 11   R.  Je ne sais pas s'il avait une arme.

 12   Q.  Merci. Dites-moi si vous connaissez la langue serbe, si vous parlez la

 13   langue serbe et si vous pouviez parler la langue serbe à l'époque.

 14   R.  Je peux comprendre la langue serbe.

 15   Q.  Paragraphe 6 de votre déclaration, vous dites que vous aviez entendu

 16   quelqu'un crier : "Tirez, il y a des terroristes par ici."

 17   Est-ce que c'est vrai ?

 18   R.  Oui, j'ai entendu cela clairement et distinctement. Tout le monde était

 19   terroriste pour eux, les enfants, tout le Kosovo.

 20   Q.  Où se trouvaient-ils, les terroristes ?

 21   R.  Je ne sais pas.

 22   Q.  Dites-moi : ce que cela veut dire, "des terroristes," pour

 23   vous ?

 24   R.  Je ne sais pas. Nous avons tout simplement entendu ce terme.

 25   Q.  Merci. Vous dites qu'à un moment donné dans la soirée, vous êtes arrivé

 26   à l'endroit où votre famille était et, au paragraphe 7 de votre

 27   déclaration, vous dites que le lendemain un groupe de 40 policiers est

 28   arrivé dans les bois. Les avez-vous vus, ces

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  1   policiers ?

  2   R.  Pensez-vous à la date du 28 mars, quand nous devions quitter la

  3   montagne ?

  4   Q.  Je pensais à la première matinée après que vous avez quitté le trou

  5   pour vous rendre dans les bois, le lendemain matin. Selon vos calculs, cela

  6   devait être --

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, je m'excuse, il faut que je vous

  8   interrompe. Le témoin a dit qu'il était resté là-bas pendant trois jours et

  9   que le lendemain matin --

 10   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, vous avez raison. Je pense à cette

 11   matinée-là, donc après avoir été deux ou trois jours dans les bois.

 12   Q.  Je pense au jour où les policiers sont arrivés, je pense à ce matin.

 13   R.  Vous voyez que personne n'est à l'abri de l'erreur. A quelle date avez-

 14   vous fait référence là ?

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 28 mars, c'est la bonne réponse.

 16   M. DJURDJIC : [interprétation] C'est exact.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, lorsqu'ils nous ont forcés de quitter

 18   l'endroit. Il y avait beaucoup de groupes là-bas, plus de policiers que de

 19   civils. Savoir s'ils étaient 40 ou plus, je ne le sais pas.

 20   M. DJURDJIC : [interprétation]

 21   Q.  Paragraphe 7, vous dites que 40 policiers étaient arrivés. C'est pour

 22   cela que j'ai voulu vous demander de quelle direction ils étaient arrivés,

 23   si vous les avez vus arriver ?

 24   R.  Ils tiraient du sommet du mont et nous les avons vus quand nous étions

 25   dans la prairie. Nous ne pouvions pas voir la direction depuis laquelle ils

 26   sont arrivés.

 27   Q.  Etiez-vous dans les bois ou dans le pré ?

 28   R.  J'étais dans les bois, mais le lendemain matin quand ils nous ont

Page 3509

  1   forcés de partir, nous nous sommes réunis dans un pré.

  2   Q.  Dites-moi s'il est vrai qu'il y avait 40 policiers là-bas ?

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ici, il est dit plus de 40 policiers.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne les avons pas comptés, parce que nous

  5   avons vu des milliers de policiers plus tard.

  6   M. DJURDJIC : [interprétation]

  7   Q.  Ce sont les chiffres qui figurent dans votre déclaration. Ici il est

  8   dit qu'il y avait à peu près 10 000 personnes. Est-ce que c'est votre

  9   estimation approximative ? Ou de quelqu'un d'autre ? Dites-nous de quoi il

 10   s'agit ici ?

 11   R.  Il y avait beaucoup de civils là-bas. C'est parce que toute la

 12   population s'est arrêtée là-bas. Les gens de mon village étaient là-bas. Il

 13   y avait beaucoup de gens là-bas. Peut-être que ce chiffre de 10 000 n'est

 14   pas exact, peut-être qu'il y en avait 8 000, peut-être plus, mais en tout

 15   cas il y en avait beaucoup.

 16   Q.  Merci. Je vais revenir un peu en arrière pour poser la question

 17   suivante. Lorsque vous avez dit que quelqu'un avait dit qu'il y avait des

 18   terroristes par là-bas, est-ce que vous avez dit qu'il y avait des coups de

 19   feu et que cela a duré 15 minutes ? Est-ce que c'est vrai ?

 20   R.  Je ne sais pas maintenant de quel événement ou de quel endroit vous

 21   parlez.

 22   Q.  Je suis revenu à la période où les policiers sont arrivés et où

 23   quelqu'un a dit : "Tirez, il y a des terroristes par ici."

 24   Ensuite vous dites qu'il y avait des coups de feu qui ont duré 15 minutes ?

 25   R.  Quand ils ont tué les membres de ma famille ainsi que les membres de la

 26   famille de mon frère. C'est là où j'ai entendu cela au moment où les forces

 27   d'infanterie sont arrivées. Ils sont entrés dans la cour et ils les ont

 28   tués sur place.

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  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   R.  Non, j'ai seulement entendu cela, mais je les ai vus partir, descendre

  3   la pente de la colline.

  4   Q.  Merci. Pouvez-vous me dire ce que l'UCK veut dire; le savez-vous ?

  5   R.  A vrai dire, cela ne m'intéressait pas. Cela ne m'importait pas de

  6   savoir qui est qui. Dans ma déclaration, vous pouvez trouver ce que j'ai

  7   dit pour ce qui est de ces forces et de ce que ces forces ont fait à la

  8   population civile.

  9   Q.  C'est vrai. Mais je vous ai demandé si vous pouviez me dire ce que

 10   l'UCK est.

 11   R.  Je ne peux pas vous répondre, parce que je n'en sais rien et tout

 12   simplement je ne peux pas répondre à cette question.

 13   Q.  Il ne faut pas que vous compreniez cela comme une provocation. Je vous

 14   pose cette question, parce que dans votre déclaration au paragraphe 12 il

 15   est écrit et je cite : "Puisque toute ma vie je vivais au village de

 16   Celine, je peux dire que dans mon village il n'y avait jamais de membres de

 17   l'UCK."

 18   C'est pour cela que je vous pose cette question : savez-vous ce que

 19   l'UCK représente ou OVK en serbe ?

 20   R.  J'ai dit qu'au village de Celine il n'y avait pas de l'UCK. Pour vous

 21   dire ce que cela veut dire, je ne peux pas vous dire parce que je ne me

 22   suis jamais intéressé à le savoir.

 23   Q.  Est-ce que jamais avant d'avoir fait cette déclaration vous avez

 24   entendu parler de l'UCK ?

 25   R.  Oui, j'ai entendu parler de l'UCK ou de l'OVK, en serbe, mais je ne

 26   m'intéressais pas à savoir ce que cela voulait dire et qui représentait

 27   l'UCK.

 28   Q.  Bien. Je vais accepter cela. Mais comment savez-vous qu'aucun des

Page 3511

  1   villageois n'était membre de l'UCK, et qu'en fait il n'y avait pas de

  2   membres de l'UCK à votre village ?

  3   R.  Je le sais parce que je n'ai vu personne partir du village.

  4   Q.  Merci. Donc cela veut dire que si quelqu'un était dans le village, il

  5   ne devait pas partir et cela ne voulait pas dire qu'il n'était pas membre

  6   de l'UCK ?

  7   R.  Je ne les ai pas vus.

  8   Q.  Merci. Au paragraphe 7 de votre déclaration, vous dites que la police

  9   vous a fouillé lorsque vous étiez dans les bois, au moment où les policiers

 10   étaient arrivés dans les bois; est-ce vrai ?

 11   R.  Oui, c'est vrai. Lorsque nous avons quitté les bois -- lorsqu'ils nous

 12   ont forcés de partir des bois, ils ont séparé les hommes des enfants et des

 13   parents [phon]. C'est ensuite qu'ils ont divisé les hommes en trois

 14   groupes. Ils ont demandé, ils nous ont demandé nos cartes d'identité, ils

 15   ont collecté tout cela, ils ont pris notre argent. Ils n'ont pas voulu des

 16   dinars serbes. Ils ont voulu seulement des marks allemands, et tout ce que

 17   nous avions sur nous, nous devions leur donner, et ils ont collecté tout

 18   cela. Ils ont tué un jeune homme, Agim Ramadani.

 19   Q.  Merci. Ma question était de savoir si la police vous a fouillés ? Ai-je

 20   raison pour dire cela ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que la police a trouvé quoi que ce soit sur vous lors de ces

 23   fouilles ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Merci. Dans votre déclaration, plus loin, il est écrit, je cite : "Ils

 26   m'ont fouillé. Après quoi, ils m'ont ordonné de leur donner 50 marks

 27   allemands." Est-ce vrai ?

 28   R.  C'est vrai. Absolument vrai. Tout simplement, nous avons jeté notre

Page 3512

  1   argent à leurs pieds parce qu'ils avaient des armes, des couteaux. Donc

  2   tous les civils ont jeté cela devant leurs pieds, tout ce qu'ils avaient

  3   sur eux.

  4   Q.  Merci. Vous avez dit qu'après, que vous aviez sur vous

  5   5 000 marks allemands et que ce matin-là vous êtes allé dans les champs et

  6   vous dites maintenant que vous étiez dans votre cour et que vous aviez sur

  7   vous 5 000 marks allemands. C'est vrai ?

  8   R.  Ecoutez-moi bien. J'aimerais que vous me compreniez bien. Nous nous

  9   sommes réveillés dans la matinée, nous devions nous sauver, sauver nos

 10   vies. Ce matin-là, nous ne pouvions pas aller dans nos champs pour les

 11   labourer comme on faisait habituellement.

 12   Q.  Merci.

 13   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

 14   moment est peut-être venu de faire la pause technique.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, Maître

 16   Djurdjic. Je pensais que vous veniez de dire que vous n'aviez plus qu'une

 17   question à poser. Mais bon. Visiblement, je ne vous ai pas très bien

 18   compris.

 19   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je serai

 20   effectivement très, très bref. Je n'ai pas beaucoup de questions à poser,

 21   mais il y avait cette question que j'avais oubliée. Il a fallu que je

 22   revienne là-dessus. Mais de toute façon, cela ne va pas durer très, très

 23   longtemps. J'arrive bientôt au terme du contre-interrogatoire.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause et

 25   nous reprendrons à 15 heures 15.

 26   --- L'audience est suspendue à 14 heures 46.

 27   [Le témoin quitte la barre]

 28   --- L'audience est reprise à 15 heures 23.

Page 3513

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je m'excuse. J'ai quelques minutes de

  2   retard qui sont expliquées par un autre problème.

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  6   Q.  Monsieur Salihi, ai-je raison d'avancer que vous n'étiez pas témoin

  7   oculaire du moment où votre fille a remis 6 000 marks allemands et vous

  8   n'avez pas non plus été témoin oculaire du moment où la police a pris son

  9   collier en or ?

 10   R.  Ils ont été arrêtés à Krusha e Vogel. Ils ont été rués de coups là-bas

 11   et ma fille m'a dit qu'ils lui avaient pris son argent ainsi que son

 12   collier en or -- sa chaîne en or, plutôt.

 13   Q.  Merci. Donc j'ai raison lorsque je dis que vous n'étiez pas témoin

 14   oculaire de cet événement ?

 15   R.  Non, non. C'est ma fille qui m'a décrit cela.

 16   Q.  Merci. Est-ce que vous connaissez Agim Ramadani ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire qui était Agim

 19   Ramadani ?

 20   R.  C'était un jeune homme qui avait environ 17 ou 18 ans.

 21   Q.  D'où était-il ?

 22   R.  De Celine.

 23   Q.  Est-ce qu'il vivait à Celine ?

 24   R.  Oui, il vivait chez lui.

 25   Q.  Est-ce que vous savez où se trouve son domicile ?

 26   R.  Oui, je le sais.

 27   Q.  Mais vous, personnellement, est-ce que vous connaissiez Agim Ramadani ?

 28   R.  Oui.

Page 3514

  1   Q.  Est-ce que vous étiez un ami de sa famille ?

  2   R.  Non, non. C'était juste un autre villageois du village.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous savez ce qu'il a fait ?

  4   R.  Son père est agriculteur, c'est un fermier également.

  5   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que portait Agim Ramadani

  6   lorsque les forces de police sont venues dans la

  7   forêt ?

  8   R.  Je pense qu'il avait des vêtements courants, normaux, enfin, de tous

  9   les jours, comme tout le monde.

 10   Q.  Est-ce que vous l'avez vu avant l'arrivée de la police ?

 11   R.  Oui, lorsque nous sommes partis de la montagne je l'ai vu, nous étions

 12   ensemble. On nous a demandé de nous aligner et il était assez près de moi.

 13   Q.  Merci. A quelle distance vous trouviez-vous de lui ?

 14   R.  A une vingtaine de mètres.

 15   Q.  Merci. Alors est-ce que j'ai bien compris, les policiers, en fait, l'on

 16   fait sortir du rang et l'on amené quelque part; c'est cela ?

 17   R.  Oui, ils l'ont fait sortir du rang. A une trentaine de mètres, ils

 18   l'ont amené à une trentaine de mètres, puis ils l'ont roué de coups.

 19    Q.  Merci. Est-ce que vous les avez vus le fouiller ? Est-ce qu'il y a eu

 20   une fouille corporelle dans son cas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce qu'ils ont trouvé quelque chose sur lui près de cette fouille ?

 23   R.  Non. Ils n'ont absolument rien trouvé sur personne.

 24   Q.  Merci. Vous dites que la police vous a séparé en deux groupes. Alors

 25   nous n'allons pas parler du nombre de personnes en question, mais vous nous

 26   avez dit qu'il y avait de nombreux camions qui sont arrivés pour vous

 27   transporter à ce moment-là; c'est cela ?

 28   R.  Oui, c'est exact. Ils nous ont gardés près de la route toute la

Page 3515

  1   journée.

  2   Q.  Est-ce que vous aviez des membres de votre famille avec vous ?

  3    R.  Oui. Mon fils, qui avait 13 ans à l'époque. Mon fils se trouvait avec

  4   moi.

  5   Q.  Dites-moi, je vous prie : le reste de votre famille se trouve dans un

  6   autre groupe; c'est cela ?

  7   R.  Toutes les femmes ont été séparées. En fait, elles n'étaient pas avec

  8   nous. Nous ne savions pas où elles avaient été envoyées, mais par la suite,

  9   nous avons entendu dire qu'elles se trouvaient à Krusha e Vogel. Voilà pour

 10   ce qui était du reste de ma famille, voilà ce qu'il est advenu aux femmes.

 11   Q.  Merci. Est-ce que votre fils s'appelle Arben ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Alors peut-être que vous savez en quelle année il est né ?

 14   R.  Je ne sais pas exactement. Il a 20 ans ou 21 ans. Peut-être qu'il a 22

 15   ans, en fait. Je ne peux pas véritablement vous le dire, je m'en excuse.

 16   Q.  Merci. Je vous pose cette question parce que, dans votre déclaration,

 17   il semble être indiqué que les femmes et les enfants ont été séparés des

 18   hommes.

 19   R.  Oui. Lorsqu'on nous a fait descendre de la montagne, nous avons été

 20   séparés. Nous ne savions pas où ils avaient envoyé les femmes et les

 21   enfants. Nous l'avons appris par la suite cela.

 22   Q.  Merci. Pourtant, dans la déclaration, il est dit qu'à l'époque, Arben

 23   avait 15 ans.

 24   R.  Peut-être que je l'ai dit, mais je n'en suis pas sûr. Il avait peut-

 25   être 14 ans alors.

 26   Q.  Merci. Si je vous dis que vous avez vu, dans un article de journal, en

 27   Albanie, que des membres de la famille Faik et de la famille Zeqiri avaient

 28   été tués; ai-je raison d'avancer cela ? C'est là que vous l'avez vu dans ce

Page 3516

  1   journal ?

  2   R.  Non, cela je le savais. Je le savais au moment où ils ont été tués. Je

  3   le savais sur le champ. Ceci étant, effectivement, les journaux ont relaté

  4   cet incident.

  5   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 11, vous indiquez que vous aviez

  6   peur que quelque chose d'horrible leur soit arrivé. Pourtant vous aviez vu

  7   ces articles de la presse écrite, donc c'est légèrement différent de ce que

  8   vous dites maintenant, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, mais je ne peux pas lire les articles de presse.

 10   Q.  Je sais cela, mais c'est ce qui est écrit dans votre déclaration. Il

 11   n'est pas dit que vous avez lu les articles de presse, mais que vous les

 12   avez vus. Mais passons à autre chose.

 13   Est-ce que vous connaissez le nom d'Ekrem Rexha ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Merci. Est-ce que vous savez où se trouve le lit de la rivière Hoca ?

 16   R.  Vous parlez de Hoqe e Vogel ?

 17   Q.  Est-ce que votre famille se trouvait là lorsqu'elle est partie du

 18   village ?

 19   R.  Ma famille, elle est allée à Pisjak. Je n'ai jamais dit qu'elle était

 20   allée du côté de la rivière Hoqe.

 21   Q.  Oui, c'est exact. En fait je vous demande s'ils sont allés dans le lit

 22   de la rivière Hoca.

 23   R.  Je ne comprends pas ce que vous dites. De quel Hoqe parlez-vous ? Dans

 24   ce sens, ça n'existe pas Hoqe. Mes enfants ont été envoyés à Krusha e

 25   Vogel, on les a mis dans des camions et ils ont été envoyés en Albanie.

 26   Q.  Je ne parle pas de cela, Monsieur Salihi. Je vous parle du moment où

 27   votre famille a quitté le village à la veille de l'arrivée des forces

 28   serbes. Ils sont allés vers la rivière Hoca, à Hocanska Reka et vous y êtes

Page 3517

  1   allé également et vous nous avez dit que les forces serbes vous avaient

  2   dit, à la fin des combats à Celine, que vous pouviez retourner dans votre

  3   village.

  4   R.  C'est une erreur. Je ne sais pas où vous avez lu cela, mais en tout cas

  5   ce n'est pas vrai.

  6   Q.  Merci. Mais si je vous dis que dans le village de Celine, les membres

  7   de l'UCK avaient construit des fortifications assez puissantes à l'orée du

  8   village justement, et ce en face de Bela Crkva, et si je vous disais que le

  9   matin du 25 mars, ils ont opposé une résistance farouche aux forces serbes,

 10   que me diriez-vous ?

 11   R.  Je ne suis absolument pas renseigné sur la question. Donc les personnes

 12   qui sont au courant pourraient peut-être répondre à votre question.

 13   Q.  Merci. Si je vous dis que vous êtes parti de Celine à 10 heures du

 14   matin, vous avez quitté Celine ainsi; est-ce que c'est exact ?

 15   R.  Je pense que je vous ai dit que j'étais resté chez moi dans la cour de

 16   mon frère jusqu'à 15 heures 30, jusqu'au moment donc où mon frère a été

 17   tué.

 18   Q.  Merci.

 19   M. DJURDJIC : [interprétation] Je souhaiterais demander que l'on affiche un

 20   document de la Défense D002-5628.

 21   Q.  Monsieur Salihi, il s'agit de votre déclaration du 23 juillet

 22   2001 et dans cette déclaration, au paragraphe 4, vous dites ce qui suit :

 23   "Ma famille et moi-même sommes retournés à Celine quelque trois mois après

 24   que nous en étions partis. La maison avait été complètement pillée et elle

 25   était complètement vide. Par la suite j'ai pu déterminer que huit membres

 26   de ma famille avaient été tués lors des événements du 25 mars 1999."

 27   Mais vous n'avez jamais mentionné que votre maison avait été incendiée ?

 28   R.  Mais écoutez, si une maison était complètement incendiée et qu'il n'en

Page 3518

  1   reste plus rien, qu'est-ce que je peux dire, qu'elle existe encore ?

  2   Q.  Non, certainement pas, mais je suppose que cela vous le saviez le 23

  3   juillet 2001 ?

  4   R.  La maison avait été complètement détruite. Enfin elle avait été plus

  5   qu'incendiée. Complètement brûlée.

  6   Q.  Merci. Merci, Monsieur Salihi. Je n'ai plus de questions à vous poser.

  7   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, et

  8   j'en ai terminé avec ce contre-interrogatoire.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djurdjic.

 10   Madame D'Ascoli, est-ce que vous avez des questions supplémentaires à poser

 11   ?

 12   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai quelques

 13   questions à poser.

 14   Nouvel interrogatoire par Mme D'Ascoli : 

 15   Q.  [interprétation] Monsieur Salihi, mon estimé confrère vous a demandé,

 16   au début de son contre-interrogatoire -- vous a posé des questions à propos

 17   des tombes des membres de votre famille et du fait que les membres de votre

 18   famille avaient été enterrés et inhumés dans la cour de votre propriété

 19   familiale et il vous a également posé des questions à propos des

 20   exhumations effectuées par une équipe internationale. Alors j'aimerais vous

 21   poser quelques questions à ce sujet.

 22   Est-ce que vous vous souvenez de quel type de tombes il s'agissait ? Je

 23   pense aux tombes qui se trouvaient dans votre jardin, là où les membres de

 24   votre famille ont été trouvés lorsque vous êtes revenu à Celine; vous

 25   comprenez ?

 26   R.  Oui, je comprends. Ils avaient été tués là-bas, ensuite ils avaient été

 27   enterrés dans une tombe très superficielle. En quelque sorte, ils avaient

 28   tout simplement été recouverts de terre et c'est ce que nous avons

Page 3519

  1   découvert en fait lorsque nous sommes rentrés.

  2   Q.  Est-ce que vous étiez présent lorsque l'équipe internationale a exhumé

  3   les corps des membres de votre famille ?

  4   R.  J'étais présent moi-même. D'ailleurs j'ai donné les noms des membres de

  5   ma famille.

  6   Q.  D'après ce que je crois comprendre, vous avez été convoqué pour

  7   l'identification de ces corps, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui. Il y avait cette équipe étrangère qui a exhumé les corps. Nous,

  9   nous n'avons eu le droit de ne rien faire avec ces corps.

 10   Q.  Alors je vais passer à autre chose, parce que mon estimé confrère vous

 11   a également posé des questions à propos des gens avec qui vous étiez dans

 12   la forêt lorsque vous vous êtes caché pendant deux jours. Il vous a

 13   également posé des questions à propos des villages qu'avaient fuis ces

 14   personnes. Lorsque vous vous trouviez là-bas, est-ce que vous avez pu

 15   parler à ces personnes que vous avez rencontrées dans la forêt ?

 16   R.  Oui, avec les gens de mon village.

 17   Q.  Avec les gens d'autres villages ?

 18   R.  Non. Ceux d'autres villages se trouvaient plus loin. Il s'agissait

 19   d'une grande surface de 4 ou 5 hectares où se trouvaient beaucoup de gens.

 20   Q.  Vous étiez tous rassemblés ensemble là-bas et vous pouviez voir les

 21   uns, les autres ?

 22   R.  Oui, toute la population était rassemblée là-bas et restait là-bas

 23   pendant trois jours.

 24   Q.  Comment saviez-vous de quels villages provenaient ces

 25   gens ?

 26   R.  Oui, comme j'ai déjà dit, il y avait des gens dont les membres de

 27   famille habitaient ce village, donc ils ont fui leurs villages respectifs

 28   pour rejoindre les autres membres de leurs familles.

Page 3520

  1   Q.  Vous avez mentionné la montagne Pisjak. Est-ce que c'est la forêt que

  2   vous avez mentionnée et dans laquelle vous, ainsi que les membres de votre

  3   famille et d'autres gens, étiez rassemblés ?

  4   R.  Oui, pendant trois jours.

  5   Q.  Vous l'appelez Pisjak cet endroit-là, n'est-ce pas, ou le mont Pisjak ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Monsieur Salihi, vous avez dit que vous avez fait votre service

  8   militaire; est-ce vrai ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pouvez-vous donc distinguer les uniformes portés par les membres de

 11   l'armée des uniformes portés par les membres de la

 12   police ?

 13   R.  La police portait des uniformes de couleur bleue. C'est ce que j'ai

 14   déjà décrit. Il y avait des forces militaires, mais les militaires

 15   portaient les uniformes différents par rapport à la police. Ils portaient

 16   des uniformes qui étaient de couleur verte comme l'herbe.

 17   Q.  Par conséquent, j'ai raison pour dire que vous êtes en mesure de

 18   distinguer ces différents types d'uniformes ?

 19   R.  Oui, je suis en mesure de distinguer les membres de la police des

 20   membres de l'armée.

 21   Q.  En répondant à des questions de mon éminent collègue, vous avez

 22   également dit que vous aviez vu des différents groupes des forces serbes à

 23   Celine et que ces membres portaient des uniformes différents. Est-ce que

 24   j'ai bien compris cette partie de votre témoignage, à savoir que vous avez

 25   dit qu'il y avait des forces qui portaient des uniformes noirs et des

 26   uniformes bleus ?

 27   R.  Il est vrai qu'il y avait des groupes différents de gens portant des

 28   uniformes différents de couleurs différentes.

Page 3521

  1   Q.  Alors avez-vous vu des uniformes de couleur noire, bleue, ainsi que

  2   d'autres types d'uniformes ?

  3   R.  Les uniformes que j'ai décrits sont les uniformes que j'ai vus et je ne

  4   pouvais pas vraiment regarder de près tout cela, parce que nous n'osions

  5   regarder autour. Nous étions encerclés.

  6   Q.  J'ai compris cela. Mais dans votre témoignage, vous avez d'abord

  7   mentionné les uniformes noirs et ensuite bleus. Par exemple, à la page 3,

  8   paragraphe 4, dans votre déclaration, vous avez décrit les policiers qui

  9   étaient arrivés dans les bois et vous avez dit que ces policiers portaient

 10   des uniformes de camouflages bleus. C'est vrai que vous avez vu tous ces

 11   différents types de couleurs d'uniformes ?

 12   R.  C'est vrai. Nous étions sous leur contrôle là-bas et ceux d'entre eux

 13   qui étaient plus près de nous, nous pouvions les voir.

 14   Q.  Merci. Je ne poserai plus de question à ce sujet.

 15   Avez-vous vu le meurtre d'Agim Ramadani de vos propres yeux ?

 16   R.  Oui. J'ai vu cela de mes propres yeux, parce qu'il se trouvait très

 17   près de l'endroit où j'étais.

 18   Q.  Avez-vous vu qui l'a tué ?

 19   R.  La police.

 20   Q.  Voilà ma dernière question : mon éminent collègue vous a posé la

 21   question concernant l'endroit. Vous vous êtes caché après le meurtre de

 22   votre frère, ainsi que d'autres membres de votre famille, et c'était un

 23   trou dans lequel vous êtes resté jusqu'à la tombée de la nuit avant d'être

 24   reparti dans les bois. Est-ce que cet endroit se trouve à la proximité de

 25   la propriété familiale de Zeqiri ? Vous pouvez vous souvenir de cela ?

 26   R.  Oui, cet endroit est près de leur propriété, de la propriété de mon

 27   frère et non pas de la propriété de la famille Zeqiri. C'est une colline

 28   qui se trouve derrière les maisons, derrière nos maisons et ainsi que les

Page 3522

  1   maisons de nos voisins. C'est là-bas dans ce trou où je me suis caché.

  2   Q.  Merci.

  3   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Cela m'amène à la fin de mes questions

  4   supplémentaires, Monsieur le Président.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Salihi, vous serez content

  7   d'apprendre qu'il n'y aura plus de questions pour vous, que votre

  8   témoignage a fini. La Chambre vous est très reconnaissante parce que vous

  9   êtes venu à nouveau à La Haye pour témoigner, pour nous aider, ce que vous

 10   avez fait. Maintenant vous pouvez retourner chez vous à vos activités

 11   habituelles, la Chambre vous remercie d'être venu ici et d'avoir été en

 12   mesure de faire cela.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci pour m'avoir invité à témoigner ici.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Mme l'Huissière va vous

 15   raccompagner hors du prétoire.

 16   [Le témoin se retire]

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar, est-ce que le témoin

 18   suivant est prêt ?

 19   M. BEHAR : [interprétation] Oui, je crois que oui. C'est Agim Jemini. Avant

 20   de commencer avec le témoin suivant, j'ai voulu soulever une question

 21   procédurale.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 23   M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais demander oralement que de nouvelles

 24   photographies soient ajoutées à notre liste de pièces à conviction. Il

 25   s'agit des photographies que M. Jemini a apportées hier lorsqu'il est venu

 26   à la séance de récolement. M. Jemini a apporté plusieurs photographies.

 27   Comme il va expliquer, ces photographies ont été prises à l'époque à

 28   laquelle se réfère son témoignage. Nous avons vérifié dans notre système de

Page 3523

  1   base de données pour confirmer que nous n'avions pas ces photographies

  2   avant. Je vais vous dire en quoi consiste leur pertinence.

  3   Pour ce qui est de la communication de ces photographies à nos

  4   éminents collègues de la Défense, nous l'avons fait hier soir. Egalement,

  5   vu notre obligation de communication des pièces à conviction, nous leur

  6   avons communiqué 42 photographies, bien qu'aujourd'hui je ne vais utiliser

  7   que six de ces photographies.

  8   Pour ce qui est de la pertinence, je peux vous dire brièvement que

  9   l'un des éléments importants du témoignage de M. Jemini est que dans cette

 10   période de 30 jours à peu près lui, ainsi qu'un certain nombre d'autres

 11   hommes, étaient cachés dans les champs entre Celine et Bela Crkva et la

 12   nuit ils entraient à Celine pour trouver un grand nombre de cadavres de

 13   civils pour les enterrer.

 14   Toutes les photographies que je veux présenter sont les photographies

 15   prises pendant cette période de 30 jours. Sur quatre de ces photographies,

 16   on voit les cadavres, et il y a également une photographie sur laquelle on

 17   peut voir d'autres gens, M. Jemini, par exemple. Il y aussi des hommes qui

 18   étaient cachés dans les champs. Je pense que cela pourrait être utile à la

 19   Chambre.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 21   Maître Djurdjic.

 22   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Ce matin, au moment où nous avons

 23   commencé cette audience, j'ai présenté mon observation et j'étais conscient

 24   du fait que cela arriverait plus tard, bien que ma collègue D'Ascoli ait

 25   abrégé le nombre d'informations communiquées à la Défense. C'est dans le

 26   cadre de l'article 92 bis.

 27   Mais je pense que cela n'entre pas dans le cadre de l'article 92 bis.

 28   Ce que l'Accusation voudrait faire maintenant - et je ne parle pas de

Page 3524

  1   l'heure à laquelle ces documents nous ont été communiqués, parce que la

  2   Défense pourrait se trouver dans la même situation.

  3   Mais ici le vrai problème est l'article 92 bis. C'est-à-dire nous

  4   nous ne sommes pas opposés au versement de ces déclarations et nous avons

  5   reçu de nouvelles photographies, ainsi que de nouvelles informations

  6   concernant ce témoin sur trois pages, et tout cela dix ans après.

  7   J'aimerais répéter que la base de la déclaration de ce témoin --

  8   enfin, c'est la déclaration du 17 septembre [comme interprété]. Dans cette

  9   déclaration, il mentionne les personnes à qui il a parlé. Il dit qu'il

 10   avait dit à John Zdrilic, l'existence des photographies qui montrent des

 11   tombes, des photographies qui ont été prises il y a dix ans.

 12   Donc la Défense n'est pas du tout intéressée à avoir ces

 13   photographies, mais l'Accusation considère que ces photographies sont

 14   pertinentes, en particulier six ou sept.

 15   Les autres photographies sur lesquelles Haradinaj et les autres

 16   apparaissent avec des fusils, je considère que cela n'est pas du tout

 17   important ni pertinent pour cette affaire. C'est pour cela que la Défense

 18   s'oppose à ce que ces nouvelles pièces à conviction soient présentées, et

 19   c'est ce que l'Accusation a proposé oralement, d'autant mieux que ces deux

 20   témoins devaient témoigner pendant la dernière semaine avant les vacances

 21   judiciaires, et c'est seulement aujourd'hui qu'ils ont présenté la demande

 22   orale pour que ces nouvelles pièces à conviction soient présentées à

 23   l'audience. Merci.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous une réponse à me présenter,

 25   Monsieur Behar ?

 26   M. BEHAR : [interprétation] Je pense que non. Monsieur le Président, peut-

 27   être une chose. Ce que mon éminent collègue a mentionné concernant la

 28   déclaration, il est vrai que M. Jemini a dit, je cite :

Page 3525

  1   "J'ai photographié la plupart des tombes et j'ai l'intention

  2   d'envoyer cela au Tribunal à La Haye."

  3   Je devrais dire que d'abord je ne parle pas ici de photographies des

  4   tombes. Pourtant, nous avons parcouru tout le document pour voir que si ces

  5   photographies n'existaient pas peut-être parmi nos documents.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Me Djurdjic a mentionné trois pages de

  7   pièces à conviction supplémentaires. Est-ce vrai ?

  8   M. BEHAR : [interprétation] Je ne suis pas certain de quoi Me Djurdjic ait

  9   parlé. Pour ce qui est de M. Jemini, nous allons communiquer des

 10   informations supplémentaires.

 11   Mais pour ce qui est d'autres questions, je ne pense pas que je

 12   poserai des questions pendant plus de 30 minutes. Mais je ne suis pas

 13   certain de savoir de quelles pièces à conviction supplémentaires le conseil

 14   de la Défense ait parlé.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre va admettre les

 18   photographies, six ou sept, que vous avez mentionnées, Monsieur Behar,

 19   parce que la Chambre pense que c'est pertinent pour cette affaire. S'il y a

 20   des questions concernant le témoignage oral concernant l'article 92 bis,

 21   s'il y a des sujets qui sont radicalement différents, on peut en discuter

 22   de façon séparée au cours du témoignage de ce témoin.

 23   Maintenant j'aimerais que le témoin entre dans le prétoire.

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Voudriez-vous lire

 26   la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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  1   LE TÉMOIN : AGIM JEMINI [Assermenté]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir. Merci.

  4   M. Behar a des questions à vous poser.

  5   M. BEHAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Interrogatoire principal par M. Behar : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour. Pourriez-vous décliner votre identité ainsi

  8   que la date de naissance, s'il vous plaît, aux fins de compte rendu

  9   d'audience ?

 10   R.  Je m'appelle Agim Jemini. Je suis né le 25 novembre 1960.

 11   Q.  J'ai compris que vous étiez représentant du village de Celine à

 12   Rahovec; est-ce vrai ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pouvez-vous nous dire quand vous êtes devenu représentant ou chef du

 15   village de Celine, pendant combien de temps vous occupez cette position ?

 16   R.  En 1984, et j'ai occupé cette position jusqu'à il y a deux mois. Donc

 17   cela fait à peu près 22 ou 23 ans.

 18   Q.  Pouvez-vous nous dire quel était le nombre d'habitants du village de

 19   Celine au début du mois de mars 1999 ?

 20   R.  En 1999, il y avait à peu près 2 000 habitants à Celine.

 21   Q.  Merci. Monsieur Jemini, vous souvenez-vous faire [comme interprété] la

 22   déclaration au bureau du Procureur le 17 juillet

 23   1999 ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  J'ai compris que vous avez fait un complément à votre déclaration le 3

 26   juin 2002, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Avez-vous eu l'occasion de lire votre déclaration, ainsi que ce

Page 3528

  1   complément ou cet addendum à cette déclaration avant d'être venu au

  2   Tribunal aujourd'hui ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Pouvez-vous dire que les informations contenues dans ces documents sont

  5   exactes et véridiques pour autant que vous en

  6   sachiez ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Merci.

  9   M. BEHAR : [interprétation] Je demande que cette déclaration ainsi que son

 10   addendum soient versés au dossier, le numéro 65 ter est 02338.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La déclaration ainsi que son addendum

 12   seront versés au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00635, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. BEHAR : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Jemini, vous souvenez-vous d'avoir témoigné dans l'affaire

 17   Slobodan Milosevic le 7 juin 2002 ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Avez-vous eu l'occasion de parcourir ou d'entendre le compte rendu de

 20   votre témoignage dans cette affaire ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que ce compte rendu reflète correctement votre témoignage, et

 23   est-ce que vous témoigneriez aujourd'hui de la même façon ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Merci.

 26   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que le

 27   document 65 ter 02353 soit versé au dossier.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

Page 3529

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que P00636.

  2   M. BEHAR : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Jemini, vous souvenez-vous d'avoir témoigné dans l'affaire

  4   Milutinovic et consorts le 28 septembre 2006 ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Avez-vous eu l'occasion de revoir le compte rendu de votre témoignage

  7   dans cette affaire ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce que ce compte rendu reflète de façon exacte votre témoignage, et

 10   est-ce que vous témoigneriez de la même façon aujourd'hui pour ce qui est

 11   des mêmes faits ?

 12   R.  Oui.

 13   M. BEHAR : [interprétation] Est-ce qu'on peut versé au dossier le document

 14   65 ter 05012.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote sera P00637.

 17   M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais qu'on verse au dossier les pièces à

 18   conviction qui sont liées au témoignage de M. Jemini, qui sont énumérées à

 19   l'annexe B de notre requête 92 bis, et nous allons passer un par un.

 20   D'abord 01800.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qu'est-ce que c'est ?

 22   M. BEHAR : [interprétation] Il s'agit d'une photographie agrandie de la

 23   mosquée détruite à Celine.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

 25   M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic.

 27   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que j'ai tiré

 28   des conclusions erronées, mais au début de l'audience je pense que nous

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  1   avons dit que toutes les pièces à conviction devaient être présentées et

  2   versées au dossier et non pas versées au dossier en tant que des pièces à

  3   conviction en une seule pièce conformément à l'article 92 bis et 92 ter.

  4   Peut-être que j'ai tort de dire cela, mais je pense que c'est la décision

  5   de la Chambre de première instance.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est partiellement correct. La

  7   Chambre a dit, Maître Djurdjic, que l'on débattrait l'admission des pièces

  8   à conviction au moment où le témoin témoignera. Mais la déclaration du

  9   témoin, ainsi que les comptes rendus de ces témoignages précédents, ont

 10   déjà été versés au dossier en tant que pièces à conviction dans cette

 11   affaire, et donc c'est la base sur laquelle la Chambre s'appuie pour voir

 12   si les autres pièces à conviction seront versées au dossier.

 13   Tout cela, vu la nature de cette pièce à conviction particulière, ce sont

 14   les pièces à conviction qui sont suffisamment décrites par le témoin pour

 15   justifier leur admission au versement au dossier, à moins que vous n'ayez

 16   des objections particulières. Il est probable que cela soit le cas pour

 17   beaucoup d'autres pièces à conviction qui ont été liées à des déclarations

 18   précédentes ou comptes rendus de témoignages précédents dans une autre

 19   affaire.

 20   Mais il y aurait des occasions où l'Accusation demanderait le

 21   versement d'une pièce au dossier qui n'a pas été suffisamment présentée

 22   dans la déclaration ou dans le compte rendu du témoignage précédent. Dans

 23   ce cas-là, on peut demander de l'Accusation de jeter plus de base pour que

 24   cette pièce à conviction soit versée au dossier.

 25   Je pense que cela pourrait vous aider pour comprendre pourquoi nous avons

 26   attendu jusqu'à ce moment pour pouvoir décider si une pièce à conviction

 27   peut être versée au dossier. Cela sera le cas pour ce qui est d'autres

 28   témoins également.

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  1   Continuez, Monsieur Behar.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] 65 ter 01800 portera la cote P00638.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  4   M. BEHAR : [interprétation] La pièce à conviction suivante est 02339; c'est

  5   la photographie qui montre la vue du grenier ou de la lucarne du grenier de

  6   la maison de M. Jemini.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera P00639.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

  9   M. BEHAR : [interprétation] La pièce suivante, 05014, c'est la même

 10   photographie que la précédente, mentionnée par le témoin pendant son

 11   témoignage, mais sans annotations.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela portera la cote P00614 [comme

 14   interprété].

 15   M. BEHAR : [interprétation] La photographie suivante, 02340, c'est la

 16   photographie sur laquelle on voit la maison du témoin à Celine.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00641.

 19   M. BEHAR : [interprétation] Ensuite, 05013, la même photographie,

 20   mentionnée par le témoin, mais marquée par le témoin lors de son

 21   témoignage.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Versé au dossier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00642.

 24   M. BEHAR : [interprétation] Le document suivant, 02356, c'est une autre

 25   photographie qui montre la vue de la lucarne du grenier de la maison du

 26   témoin.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Versé au dossier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera le document portant la cote

Page 3532

  1   P00643.

  2   M. BEHAR : [interprétation] Ensuite, 05015, la même photographie avec des

  3   annotations du témoin apportées pendant son témoignage.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00644.

  6   M. BEHAR : [interprétation] A la fin, le document 0516, ce sont les cartes

  7   géographiques du Kosovo avec des annotations apportées par le témoin durant

  8   son témoignage.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00645.

 11   M. BEHAR : [interprétation] Maintenant je vais lire le bref résumé du

 12   témoignage de ce témoin, qui concerne principalement les paragraphes 72(a)

 13   et 77 de l'acte d'accusation.

 14   M. Jemini est l'ancien maire de Celine, dans la région de Rahovec au

 15   Kosovo.

 16   Il décrit l'offensive serbe à Celine qui a commencé le 25 mars 1999. Les

 17   forces serbes ont encerclé le village et après quoi, les forces serbes ont

 18   pilonné le village. M. Jemini s'est caché dans une cavité au toit de la

 19   maison qu'il construisait à l'époque, avec son cousin Isuf. Il a vu les

 20   soldats entrer dans la ville de quatre directions et, avec la police, ces

 21   forces ont commencé à piller les maisons. Il a vu les maisons incendiées

 22   ainsi que l'école locale.

 23   M. Jemini a entendu la teneur d'une conversation radio entre deux hommes

 24   qu'il a identifiés comme étant des commandants serbes.

 25   Le lendemain, M. Jemini a vu des véhicules de transport de troupes

 26   s'approchant du village par la route principale en apportant des forces de

 27   police spéciale barbues, des crânes rasés et portant des rubans rouges. Il

 28   a vu entre 200 et 300 membres de ces forces dans le village, sous peu; il y

Page 3533

  1   en avait qui portaient des rubans blancs ou des bandanas et ils allaient

  2   d'une maison à l'autre. Un groupe de sept ou huit hommes est entré dans la

  3   maison de M. Jemini et a donc fait sortir de la maison son père, sa mère,

  4   son oncle, le fils de son oncle et l'épouse de son oncle. Ils ont demandé

  5   de l'argent. Après quoi, ils les ont exécutés tous les cinq de ces membres.

  6   Après les forces serbes ont incendié les maisons, les ont pillées en

  7   utilisant des lance-flammes. M. Jemini a entendu des tirs des armes

  8   automatiques et des cris. Il a fui la maison avec son cousin à Zrze, après

  9   il a vu des cadavres tout près de Bela Crkva.

 10   Après une trentaine de jours, M. Jemini est retourné à Celine pour enterrer

 11   les victimes, au total 78 victimes. Il va décrire avoir vu la police à bord

 12   des camions qui, le long de la route principale à Celine, rassemblaient des

 13   cadavres.

 14   C'est la fin du résumé, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 16   M. BEHAR : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Jemini, je vais poser des questions pour ce qui est de

 18   certaines parties de votre témoignage. Dans votre déclaration et dans votre

 19   témoignage, vous avez dit que l'offensive serbe a commencé le 25 mars 1999

 20   et vous avez décrit comment vous vous êtes caché. Vous avez dit, à la page

 21   3 de votre déclaration, paragraphe 6, que vous avez entendu les commandants

 22   des forces serbes, dans une conversation radio, qu'il fallait arrêter

 23   l'offensive contre Celine. Vous avez donc décrit avoir entendu la réponse

 24   de ce commandant.

 25   Voilà ma question : après avoir entendu cet échange radio, avez-vous pu

 26   observer des changements pour ce qui est des événements à Celine ?

 27   R.  A ce moment-là, les réponses étaient reçues au commandement à 9 heures

 28   du soir, l'offensive a été arrêtée; les forces serbes ont pris les

Page 3534

  1   positions autour du village. L'offensive s'est arrêtée jusqu'au lendemain.

  2   Q.  Pour que ce soit bien clair, est-ce que vous l'avez vue personnellement

  3   ?

  4   R.  Les tirs se sont arrêtés. On ne pouvait plus entendre de tirs. Il n'y

  5   avait plus d'activités poursuivies par ces forces. On a vu ça de nos

  6   propres yeux.

  7   Q.  Vous avez décrit dans votre déclaration que le lendemain, c'était le 26

  8   mars, il y avait un groupe de sept ou huit hommes qui sont entrés dans

  9   votre maison, ont enlevé votre père, votre mère, votre oncle, le fils de

 10   votre oncle, la femme de votre oncle. Est-ce que vous pouvez expliquer aux

 11   Juges ce qui s'est passé ?

 12   R.  Le 26 mars --

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un instant.

 14   Monsieur Djurdjic, allez-y.

 15   M. DJURDJIC : [interprétation] Je suis désolé, mais je n'ai pas reçu la

 16   traduction de la question, ni la réponse.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous reposer la question ?

 18   M. BEHAR : [interprétation] Bien sûr --

 19   M. DJURDJIC : [interprétation] Je suis désolé. La question est là en

 20   anglais, on la voit au compte rendu d'audience, mais je n'ai pas reçu la

 21   traduction en B/C/S. Je n'ai pas reçu de traduction. Je vois bien que c'est

 22   quelque qui figure au compte rendu d'audience.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vais demander que l'on entende à

 24   nouveau la traduction. Ou bien, le cas échéant, vous pouvez peut-être

 25   reposer la question de sorte que nous puissions recevoir la question, sa

 26   traduction et la réponse.

 27   M. BEHAR : [interprétation] Bien sûr.

 28   Q.  Monsieur Jemini, dans votre déclaration, vous avez dit que le

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  1   lendemain, donc le 26 mars, un groupe de sept ou huit hommes est entré dans

  2   votre maison et a enlevé votre père, votre mère, votre oncle, son fils et

  3   son épouse. Pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui leur est arrivé ?

  4   R.  A ce moment-là, ces personnes sont entrées dans le sous-sol, ont enlevé

  5   mon père, mon oncle et les autres hommes, ils les ont emmenés dans la cour.

  6   Ils ont demandé de l'argent, ils ont demandé à mon père de leur donner de

  7   l'argent; mon père a dit combien d'argent il avait. Ma mère a réagi et elle

  8   a dit : Mais pourquoi faites-vous cela ? Ensuite les policiers ont dit à ma

  9   mère : Ne dis rien à personne. Personne ne t'a rien demandé. A ce moment-

 10   là, ils leur ont ordonné de leur donner l'argent et d'aller dans la chambre

 11   à coucher, de prendre l'argent et de leur donner cet argent. Ensuite ont-

 12   ils demandé qu'ils aillent dans la cour jusqu'à la porte. Après cela, il y

 13   avait un des soldats qui a tiré en l'air alors que les autres ont tiré sur

 14   les membres de ma famille et les ont laissés là-bas. C'était un instant

 15   vraiment tragique.

 16   Q.  Quand vous avez dit : "Qu'ils ont tiré sur les membres de votre famille

 17   et qu'ils les ont laissés là-bas," je sais que c'est très difficile pour

 18   vous, mais est-ce qu'aucun membre de votre famille n'a survécu ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Pour que les choses soient encore plus claires, vous avez parlé des

 21   "soldats," de la "police." Pourriez-vous nous expliquer qui étaient les

 22   gens qui avaient fait cela ? Est-ce qu'il s'agissait de soldats, de

 23   policiers ou bien de gens appartenant à un autre groupe ?

 24   R.  Non, ce n'étaient pas les soldats, pas le 25. C'étaient les membres de

 25   forces paramilitaires serbes. Ils portaient des vêtements différents, ils

 26   avaient des foulards sur leurs têtes et leurs hommes étaient différents.

 27   Ils ne faisaient pas partie de l'armée régulière. L'armée régulière était

 28   là la veille.

Page 3536

  1   Q.  Vous avez aussi parlé de la police. Est-ce qu'il y avait des membres de

  2   la police parmi ce groupe d'hommes ?

  3   R.  Oui, les policiers y étaient aussi dans cette unité, et nous, on dit

  4   que ce sont les Unités d'Arkan. Ce n'était pas l'armée régulière. Ils

  5   portaient les uniformes de couleur bleue ou noire, bleu nuit. Ils avaient

  6   des rubans ou même des foulards, des bandanas dans la tête. Il y en avait

  7   qui avaient les têtes rasées, et ils ont participé à la deuxième partie de

  8   l'offensive, la deuxième volée.

  9   Q.  A la cinquième page de votre déclaration, vous parlez de votre retour à

 10   Celine. Vous avez d'abord fui Celine, ensuite vous êtes revenu. Vous avez

 11   vu la police entrer de façon quotidienne dans le village avec les tziganes

 12   en train d'incendier des maisons et de voler. Ensuite vous décrivez comment

 13   vous êtes entré la nuit dans le village et que là, vous avez trouvé des

 14   gens massacrés. Vous les avez enterrés. Je voudrais vous montrer un certain

 15   nombre de photos.

 16   M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander qu'on me montre le document

 17   5246 en vertu de l'article 65 ter.

 18   Q.  Monsieur, reconnaissez-vous cette photo ?

 19   R.  Oui. Cette photographie a été prise le 21 ou bien le 24, j'étais dans

 20   ce village pendant le bombardement. Voilà. On me voit sur la photo. J'ai vu

 21   les troupes en train de chasser la population de Peje et Gjakova. Tout ceci

 22   s'est passé à 6 heures, 7 heures du soir.

 23   Pendant la journée, on ne pouvait pas entrer dans le village parce

 24   que la police et d'autres personnes qui travaillaient étaient en train de

 25   voler et de piller dans les maisons. Pendant la journée, on s'est abrité

 26   dans le village. Tout ce qu'on faisait, c'était d'observer les entrées et

 27   les sorites du village. Ensuite dans la soirée, on y allait et on a bien vu

 28   ce qui se passait avec les gens qui étaient restés dans le village. On a vu

Page 3537

  1   les cadavres des victimes. Il y a d'autres photos qui montrent que ces gens

  2   avaient été enterrés, et cetera.

  3   Q.  Très bien. Je vais vous poser encore quelques questions très précises

  4   pour que ceci soit bien clair. Donc vous avez dit que cette photo a été

  5   prise le 21 ou le 24. De quel mois ?

  6   R.  Non. Pas le 21 ou le 24. C'était 21 jours après le 24 mars, donc 21

  7   jours plus tard, ils ont pris cette photo. J'ai dit, dans ma déclaration,

  8   qu'au cours de ces 21 jours, nous avons enterré 78 victimes. Pendant la

  9   journée, on ne pouvait pas se rendre dans le village, parce qu'on avait

 10   peur. Donc on a profité du temps qu'on avait la nuit pour enterrer les

 11   gens.

 12   Q.  Alors --

 13   R.  Les membres de ma famille qui avaient été tués, on les a emmenés à

 14   Rahovec. Les autres ont été enterrés dans le village.

 15   Q.  Pour que tout ceci soit clair, quand vous dites 21 jours après le 24,

 16   cela veut dire que tout cela s'est produit à peu près à la mi-avril ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Qui a pris cette photo ?

 19   R.  On était 15 ou 16 dans ce groupe. Il y en avait un parmi nous, une

 20   personne qui avait pour mission de prendre des photos. C'était Hamdi

 21   Fazliu. Il lui revenait de prendre les photos de tout ce qu'on faisait à

 22   l'époque.

 23   Q.  Les cadavres qui ont été trouvés sur place, est-ce que vous pourriez

 24   dire dans quel état étaient ces corps à partir du moment où vous les avez

 25   trouvés ?

 26   R.  C'étaient les corps des gens qui avaient été chassés, donc retrouvés

 27   sur les lieux d'exécution. Leurs corps sont restés au même endroit. Donc

 28   ils étaient assis là-bas avant qu'on ne les tue. Ensuite ils sont restés

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  1   là. Personne les a vus au moment où ils ont été tués. On les a enterrés par

  2   la suite. Cela s'est passé 25 jours plus tard. C'est là qu'on a pris la

  3   photo. 

  4   Q.  Je pense que vous avez dit que vous vous trouvez à l'arrière-plan de la

  5   photo.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous êtes la personne qui marche ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci.

 10   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que cette pièce soit versée au

 11   dossier.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P00646.

 14   M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander que l'on montre la pièce 65

 15   ter 05248 en vertu de l'article 65 ter.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 17   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous en avons terminé

 18   avec la dernière photo, mais je pense que là, nous sommes allés bien au-

 19   delà de la portée de l'article 92 bis, parce qu'il était pas question de

 20   ces corps et de ces photos et du fait que le témoin allait en parler de

 21   quelque façon que ce soit.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est vrai que, de façon précise, on

 23   n'en a pas parlé, et je pense que là, vous avez raison. Les Juges ne

 24   considèrent pas que cela fait partie de la déclaration en vertu de

 25   l'article 92 bis, mais en tant qu'une déposition du témoin dans le

 26   prétoire, il est ici avant tout pour que vous puissiez le contre-interroger

 27   par la suite. Puisqu'il est là, on en profite pour élargir la portée de sa

 28   déposition.

Page 3539

  1   Les Juges de la Chambre savent que ceci ne constitue pas une procédure

  2   normale et vous auriez eu assez raison de le dire. C'est quelque chose que

  3   nous allons observer et suivre de près. Ce n'est pas la pratique que les

  4   Juges vont accepter d'emblée, mais vu la nature de certaines dépositions,

  5   il est dans l'intérêt de la justice d'entendre les dépositions, plutôt les

  6   entendre que de ne pas les entendre. Vu les circonstances, les Juges de la

  7   Chambre sont prêts à accepter de telles dépositions, et là, il me semble

  8   que cette déposition sert les intérêts de la justice.

  9   Cela étant dit, votre observation a été prise en compte et nous allons en

 10   tenir compte. Si vous pensez que là, il s'agit d'un écart beaucoup trop

 11   important et que c'est quelque chose qui nuit à votre thèse, bien, nous

 12   allons nous pencher là-dessus le moment venu.

 13   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, mais

 14   je voudrais répondre à ce que dit mon confrère. A la page au niveau du

 15   cinquième paragraphe, on a bien dit que les gens étaient massacrés et

 16   qu'ils ont enterré 78 personnes.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, il n'a pas dit que ce n'était pas

 18   le cas. Il a dit qu'il s'agit là d'une déposition qui va au-delà de

 19   l'article 92 bis.

 20   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 22   M. BEHAR : [interprétation]

 23   Q.  Maintenant on a sur l'écran une photo. Pourriez-vous nous dire si c'est

 24   les corps que l'on voit de plus près ici ou bien si c'est autre chose ?

 25   R.  Oui, c'est un agrandissement d'une photo d'un corps d'enfant, d'un

 26   bébé. Donc sur l'autre photo, une photo qui montre le corps d'une petite

 27   fille qui a été tuée.

 28   Q.  Est-ce que vous savez qui c'était ? Est-ce que c'est quelqu'un que vous

Page 3540

  1   connaissiez ?

  2   R.  Oui, elle s'appelle Albana Zeqiri. C'est comme cela qu'elle s'appelait.

  3   Donc son nom se trouve sur la liste des personnes exécutées, et j'ai des

  4   documents qui parlent de cela.

  5   Q.  Merci. Est-ce que c'est quelqu'un qui vient de votre village ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci.

  8   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que celle-ci soit versée au

  9   dossier.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci sera la pièce P00647.

 12   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que l'on montre la photo 05251,

 13   s'il vous plaît.

 14   Q.  Monsieur, est-ce que vous reconnaissez cette photo ? Est-ce que vous

 15   pourriez nous dire de quoi il s'agit ?

 16   R.  Oui. Cette photo décrit le corps qui a été brûlé, c'est un villageois.

 17   Dix-huit corps sur 78 ont été brûlés, et c'est quelque chose qui peut être

 18   prouvé par d'autres photos, des originaux d'ailleurs qui ont été pris entre

 19   le 24 mars et le 15 avril, c'est des photos qui ont été prises sur place.

 20   Q.  Merci Monsieur.

 21   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que cette photo soit versée au

 22   dossier.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00648.

 25   M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander à présent que l'on montre la

 26   photo 05252.

 27   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez participé à la prise de cette photo ?

 28   R.  Oui. J'ai dirigé ce groupe qui comptait 15 ou 16 personnes, le groupe

Page 3541

  1   qui est resté là après le début du bombardement. On est resté jusqu'au

  2   moment où les corps ont été enterrés, donc jusqu'au moment où on a organisé

  3   l'enterrement de ces corps. Vous pouvez voir que certaines personnes se

  4   trouvent sous le véhicule et tous les corps et les véhicules ont été brûlés

  5   par la suite.

  6   Q.  Merci.

  7   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que ceci soit versé au dossier.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00649.

 10   M. BEHAR : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur, à la page 5 de votre déclaration, au niveau du paragraphe 4,

 12   vous avez décrit la façon dont vous avez pris ces photos, vous avez

 13   expliqué comment vous vous êtes cachés dans les champs entre Bela Crkva et

 14   Celine.

 15   M. BEHAR : [interprétation] Est-il possible de voir la photographie 05247,

 16   s'il vous plaît.

 17   Q.  Sur cette photo, je peux observer qu'il n'y a pas de feuilles sur les

 18   arbres. Pourriez-vous nous dire à quel moment cette photo a été prise ?

 19   R.  Entre le 24 mars et le 15 mai c'est là que nous étions dans le village.

 20   Donc cette photo a été prise au cours du printemps, c'est pendant cette

 21   époque-là que l'on s'est caché entre le matin et l'après-midi vers à peu

 22   près 6 heures de l'après-midi. Moi, je suis assis avec un groupe de gens,

 23   il y en a qui sont couchés par terre.

 24   On est resté ici pendant la journée, on voit bien les abris. On est resté

 25   parce qu'on avait peur, et on ne sortait que le soir. C'est quelque chose

 26   qui se reproduisait tous les jours. C'est là que l'on restait pendant la

 27   journée, ensuite le soir, on enterrait les personnes massacrées.

 28   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire quelle est la distance qui vous

Page 3542

  1   sépare de Kotlina ?

  2   R.  De Celine ?

  3   Q.  Non, de Kotlina. Si vous savez de quoi il s'agit, quel est cet endroit

  4   ?

  5   R.  Je ne comprends pas.

  6   Q.  Est-ce que vous savez où se trouve ce village ?

  7   R.  Non, ça ne me dit rien.

  8   Q.  Très bien. Nous pouvons poursuivre.

  9   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que cette

 10   photo soit versée au dossier.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00650.

 13   M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander que l'on montre la photo

 14   05253.

 15   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire où cette photo a été prise ?

 16   R.  Cette photo a été prise pendant qu'on n'était pas dans le village, on

 17   était parti à cet endroit où tout le village s'est retrouvé à peu près le

 18   25 mars. C'est un endroit qui se trouve à peu près à 1 kilomètre de

 19   distance du bas du village.

 20   Q.  Du village de Celine ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Quelle est la distance qui sépare cet endroit de l'endroit qui a été

 23   montré sur la photo précédente ?

 24   R.  A peu près 200 mètres. Cet endroit, là où la photo précédente a été

 25   prise, bien, c'est un endroit qui est un peu derrière, plus en amont par

 26   rapport à la photo, celle-ci.

 27   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que celle-ci soit versée au

 28   dossier.

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00651.

  3   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que la pièce 00634 soit montrée

  4   sur l'écran. Est-ce que informations sont correctes ? Mais je vais vous

  5   attendre. Un petit instant, s'il vous plaît.

  6   [Le conseil de l'Accusation se concerte] 

  7   M. BEHAR : [interprétation] Excusez-moi. Je vois où se trouve le

  8   problème, puisque là il s'agit d'un document qui a été marqué aujourd'hui.

  9   C'est le document P00334, et c'est moi qui me suis trompé.

 10    Q.  Monsieur Jemini, est-ce que vous reconnaissez cet

 11   immeuble ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Pourriez-vous me dire de quoi il s'agit ?

 14   R.  C'est la mosquée du village.

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire comment vous pouvez reconnaître cela ?

 16   R.  Je peux reconnaître cette mosquée puisque c'est là que j'habitais. Il y

 17   avait qu'une mosquée dans le village. C'est un lieu sacré, donc je peux

 18   reconnaître cet endroit.

 19   Q.  Dans votre déposition dans l'affaire Milutinovic, vous avez dit que

 20   cette mosquée avait été détruite au mois de mars 2009 [comme interprété].

 21   Comment le savez-vous ?

 22   R.  Oui. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pendant deux mois, nous avons

 23   circulé autour du village pendant la journée, et le soir, la nuit, on

 24   entrait dans le village. Six ou sept jours après le 24 mars, à peu près à

 25   10 heures du soir, cette mosquée a été bombardée. Il y a des photos qui

 26   montrent comment cette mosquée a été détruite. Ensuite, le même jour, quand

 27   nous avons visité cette mosquée, bien, nous avons pu voir qu'elle était

 28   complètement détruite, elle était rasée. Elle avait explosé.

Page 3544

  1   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que vous avez entendu ou vu vous-même

  2   personnellement ?

  3   R.  On est à peu près à 600, 700 mètres de la mosquée. On s'est caché à

  4   cette distance-là de la mosquée. La détonation a été si puissante, elle

  5   était presque aussi puissante que la détonation des autres forces

  6   militaires. Quand nous avons entendu cette explosion, nous avons vu les

  7   minarets tomber et nous avons compris qu'ils avaient à ce moment-là détruit

  8   la mosquée. Vu qu'on était curieux, vers 5 heures de l'après-midi, nous

  9   sommes allés voir ce qui s'est passé de nos propres yeux.

 10   Q.  Au moment de l'explosion, est-ce qu'il y avait des forces serbes dans

 11   la ville; le cas échéant, quelles étaient ces forces ?

 12   R.  Oui, ces forces étaient là régulièrement le matin jusqu'à peu près 3

 13   heures, 4 heures de l'après-midi. Donc ils entraient régulièrement dans le

 14   village, et ce jour-là, ces forces étaient dans le village.

 15   Q.  Quand vous dites "eux," à qui faites-vous référence ?

 16   R.  Les forces de la police accompagnées d'autres collaborateurs, des gens

 17   qui, quotidiennement, pillaient le village tous les jours. Ils entraient

 18   dans le village et ils volaient les maisons.

 19   Q.  Merci.

 20   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai besoin d'encore 30

 21   secondes, ensuite je voudrais m'adresser à vous par la suite.

 22   Je vais demander à présent que l'on montre la pièce 01800, s'il vous plaît.

 23   Q.  Monsieur, reconnaissez-vous cela ?

 24   R.  Oui. C'est la mosquée après sa destruction, après l'explosion et après

 25   que l'explosif a été mis là-bas et après que la mosquée a été détruite. Le

 26   même jour, cette photo a été prise.

 27   Q.  Merci.

 28   M. BEHAR : [interprétation] C'étaient toutes mes questions pour ce témoin.

Page 3545

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voulez-vous proposer ce document au

  2   versement au dossier ?

  3   M. BEHAR : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document a une

  6   cote qui lui a été octroyée avant. C'est P00638.

  7   M. BEHAR : [interprétation] Merci.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Jemini, nous devons

  9   lever l'audience et nous allons continuer demain à 9 heures. Je vous

 10   demande de retourner demain pour continuer votre témoignage. Mme

 11   l'Huissière va vous raccompagner du prétoire, après quoi nous allons nous

 12   occuper d'une question procédurale, brièvement.

 13   [Le témoin quitte la barre]

 14   M. STAMP : [interprétation] Je serai bref, Monsieur le Président.

 15   J'aimerais vous dire que pour ce qui est des trois témoins qui sont au

 16   programme pour la prochaine semaine, deux d'entre eux ont  

 17   dit qu'ils n'étaient pas en mesure de venir. Il y en a un qui a été

 18   hospitalisé, il s'agit de K86 et K79. Pour ce qui est du troisième témoin,

 19   il a dit qu'il y a des difficultés, c'est John Crosland, cela devrait être

 20   confirmé. Donc je suis en train d'essayer de remplacer ces témoins,

 21   d'autres témoins pour ce qui est de la semaine prochaine, lundi, mardi et

 22   mercredi. Je crois qu'aujourd'hui, je serai en mesure d'informer les

 23   parties dans cette affaire pour ce qui est de la situation, Mais j'ai tenu

 24   à dire à la Chambre que ces témoins, soudainement, nous ont informés qu'ils

 25   ne pouvaient pas venir la semaine prochaine.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour ce qui est des témoins de réserve

 27   ?

 28   M. STAMP : [interprétation] Pour la semaine prochaine, nous n'avions que

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  1   trois jours confirmés --

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quatre jours --

  3   M. STAMP : [interprétation] Trois jours --

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vendredi également.

  5   M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas vu que cela a été confirmé.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous vu que quelqu'un aurait dit

  7   que nous n'allions pas siéger vendredi ?

  8   M. STAMP : [interprétation] Non, non, je n'ai pas vu de tel avis, mais nous

  9   devons planifier la comparution des témoins seulement quand c'est confirmé,

 10   quand les dates sont confirmées.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais pour ce qui est de vendredi,

 12   vendredi c'est un jour où on a des audiences.

 13   M. STAMP : [interprétation] Mais --

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que M. Stamp, si c'est dit "à

 15   confirmer," cela veut dire que nous devons siéger.

 16   M. STAMP : [interprétation] En tout cas, ces trois témoins qui ont été

 17   programmés pourraient témoigner --

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En tout cas, je pense qu'il y a peut-

 19   être moins d'attention pour ce qui est de la responsabilité à assumer pour

 20   qu'on avance dans cette affaire, parce que nous avons eu la même difficulté

 21   ou la difficulté de même type avant Pâques. Nous sommes préoccupés du fait

 22   que les témoins ne sont pas en mesure pour témoigner ici à la dernière

 23   minute, et nous demandons si vous avez des témoins de réserve prêts à venir

 24   pour témoigner, mais vous devez savoir que nous ne sommes pas contents pour

 25   ce qui est de l'avancement de cette affaire. Donc vous avez un problème de

 26   témoins, qui vous ont dit à la dernière minute qu'ils ne pouvaient pas

 27   venir et le troisième témoin a dit qu'il avait des problèmes, des

 28   difficultés --

Page 3547

  1   M. STAMP : [interprétation] Oui, en effet.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- cela veut dire qu'ils n'ont pas eu

  3   des informations adéquates pour ce qui est de leur obligation pour venir

  4   ici.

  5   M. STAMP : [interprétation] Ils y en avaient qui ont reçu l'injonction à

  6   comparaître il y a quelques temps. L'un d'entre eux a été hospitalisé et

  7   c'est quelque chose qui n'est pas sous son contrôle; je n'expose pas des

  8   détails pour ce qui est de tout cela, mais les notifications pour ce qui

  9   est de leur témoignage ici leur a été communiquées en temps utile.

 10   Je pense que, si on fait le calcul pour la semaine prochaine, trois

 11   témoins suffiront à remplir la semaine prochaine et que probablement leurs

 12   témoignages donc continueront la semaine d'après, et nous avons pensé qu'il

 13   ne serait pas approprié ou utile de faire venir le quatrième témoin dans la

 14   semaine où un jour férié parce que ces trois témoins sont des témoins

 15   initiés et l'autre est témoin au niveau international et ces trois témoins

 16   pourraient être suffisant à remplir la semaine à venir.

 17   Si j'avais pu, j'aurais du -- quelque chose pour assurer leur arrivée

 18   ici, mais ils ont dit qu'ils n'étaient pas en mesure de venir et, Monsieur

 19   le Président, je m'en excuse auprès de la Chambre pour cela.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Demain nous allons entendre ce que

 21   vous avez à dire; vous allez peut-être pouvoir trouver une solution

 22   satisfaisante.

 23   M. STAMP : [interprétation] J'aimerais dire à la Chambre que --

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- et donc vous espérez pouvoir faire

 25   venir des témoins de réserve, mais cela fait soulever la question pour la

 26   Défense pour savoir s'ils auront suffisamment de temps pour se préparer

 27   pour ces témoins, il faut que vous teniez ça en compte lorsque vous essayez

 28   de trouver d'autres témoins, témoins de réserve. Mais encore une fois, je

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  1   vous dis qu'il me semble que maintenant à présent, il n'y a pas de témoin

  2   prêt à témoigner.

  3   Je suppose, Monsieur Stamp, que sur la base de ce vous avez dit que

  4   vous espérez, ou vous anticipez qu'on ne travaillerait pas vendredi.

  5   M. STAMP : [interprétation] Nous n'avons pas prévu de travailler

  6   vendredi.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour ce qui est donc de vos actions

  8   dans le futur, comprenez que vous devrez être prêt.

  9   M. STAMP : [interprétation] Comme j'ai déjà dit, ces trois témoins avaient

 10   été prévus pour déposer pendant trois jours et nous avons pensé que cela

 11   serait suffisant pour remplir la semaine.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons en parler durant la soirée

 14   et nous allons vous informer du point de vue de la Chambre pour ce qui est

 15   du vendredi.

 16   Nous continuons demain à 9 heures. L'audience est levée.

 17   --- L'audience est levée à 16 heures 56 et reprendra le mercredi 22

 18   avril 2009, à 9 heures 00.

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