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1 Le mardi 21 avril 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 11 heures 04.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
6 Etes-vous prête pour faire convoquer le témoin suivant, Madame D'Ascoli ?
7 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
9 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Le témoin suivant est Reshit Salihi et son
10 témoignage conserve les paragraphes 72(a) et 77 de l'acte d'accusation.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.
14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
15 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais j'ai
16 pensé profiter de ce moment pour présenter une observation. Vu cette
17 période de 20 jours de pause, vu que les témoins qui vont témoigner
18 conformément à l'article 92 bis, j'ai l'impression que les dispositions de
19 cet article maintenant revêtent une autre signification.
20 Donc j'ai reçu des documents qui ont été traduits en serbe, trois pages, 20
21 ou 30 paragraphes de modifications et il y a des éléments nouveaux, ce qui
22 me fait penser que, selon les dispositions de l'article 92 bis ne sont pas
23 appliquées et qu'on applique 92 ter ou un autre article. C'est ce que je
24 voulais dire pour ce qui est de l'observation qui est la mienne par rapport
25 à l'application de l'article 92 bis.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous allons y réfléchir à un
27 moment propice pour le faire.
28 Bonjour, Monsieur.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,
3 répétez après moi les paroles suivantes :
4 Je déclare solennellement --
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement --
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- que je dirai la vérité --
7 LE TÉMOIN : [interprétation] -- que je dirai la vérité --
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- toute la vérité --
9 LE TÉMOIN : [interprétation] -- toute la vérité --
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- et rien que la vérité.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] -- et rien que la vérité.
12 LE TÉMOIN : RESHIT SALIHI [Assermenté]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mme D'Ascoli va vous poser quelques
17 questions.
18 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.
19 Interrogatoire principal par Mme D'Ascoli :
20 Q. [interprétation] Bonjour Monsieur, dites-nous votre nom et votre
21 prénom, s'il vous plaît.
22 R. Je m'appelle Reshit Salihi.
23 Q. Pouvez-vous nous donner votre date de naissance et lieu de naissance.
24 R. Je suis né en 1947 à Celine au mois de février.
25 Q. A quelle date du mois de février ?
26 R. Oui, en février.
27 Q. Vous vous souvenez du jour de votre naissance ?
28 R. Non, je ne suis pas éduqué.
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1 Q. Bien, merci. Quelle est votre profession actuelle, Monsieur Salihi ?
2 R. Je suis agriculteur.
3 Q. Où vivez-vous maintenant ?
4 R. A Celine.
5 Q. Merci. Monsieur Salihi, avez-vous fait une déclaration au bureau du
6 Procureur de ce Tribunal en avril 1999, et après, il y avait un addendum à
7 cette déclaration en janvier 2002 ?
8 R. A Tirana.
9 Q. Oui. Vous souvenez-vous d'avoir fait la déclaration au bureau du
10 Procureur ?
11 R. Oui.
12 Q. Avez-vous eu récemment l'occasion de parcourir cette déclaration ? Est-
13 ce que cette déclaration vous a été lue à voix haute ?
14 R. Oui.
15 Q. Pendant cela, je me souviens que vous avez dit que l'année de votre
16 naissance qui figure sur la première page de votre déclaration n'est pas
17 correcte et, aux fins du compte rendu, il s'agit du document 02336, 65 ter
18 et sur la page de couverture de la déclaration, pour ce qui est de la
19 déclaration de ce témoin, la date de naissance de M. Salihi est le 15
20 février 1940 et non pas 1947.
21 R. Ce n'est pas correct. Je suis né au mois de février en 1947.
22 Q. Bien. Merci. Monsieur Salihi, mis à part ces corrections, est-ce que
23 toutes les informations contenues dans votre déclaration sont véridiques et
24 exactes pour autant que vous vous souveniez ?
25 R. Oui. Tout cela est exact, parce que j'ai vu tout ce qui y figure.
26 Q. Merci.
27 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que cette
28 déclaration soit versée au dossier. Il s'agit du document qui porte le
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1 numéro 65 ter 02336.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document recevra la cote P00632.
4 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.
5 Q. Monsieur Salihi, vous souvenez-vous que vous avez témoigné dans
6 l'affaire Milutinovic et consorts en septembre 2007 [comme interprété] et
7 que vous avez témoigné des mêmes événements ?
8 R. Oui.
9 Q. Récemment avez-vous eu l'occasion de parcourir le compte rendu de votre
10 témoignage précédent ? Est-ce que ce compte rendu de votre témoignage vous
11 a été lu à voix haute ?
12 R. [aucune interprétation]
13 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la réponse du témoin. Est-ce que
14 le témoin pourrait se rapprocher du microphone ?
15 Mme D'ASCOLI : [interprétation]
16 Q. Monsieur Salihi, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous rapprocher du
17 microphone un peu plus ? Merci. Pourriez-vous répéter votre réponse à ma
18 question ? Parce que je voulais savoir si le compte rendu de votre
19 témoignage précédent -- de votre témoignage dans l'affaire Milutinovic et
20 consorts vous a été lu à voix haute. Pouvez-vous répondre à cette question,
21 s'il vous plaît ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Nous avons eu un problème pour ce qui est de l'interprétation.
24 Monsieur Salihi, est-ce que le compte rendu de votre témoignage précédent
25 reflète donc correctement ce que vous avez dit lors de votre témoignage, et
26 est-ce qu'aujourd'hui vous témoigneriez de la même façon pour ce qui est
27 des mêmes événements ?
28 R. Oui, tout est exact et je répondrais de la même façon aujourd'hui aux
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1 mêmes questions.
2 Q. Merci.
3 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, je propose ce compte
4 rendu de témoignage du témoin au versement au dossier 65 ter, le numéro est
5 05029.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] P00633.
8 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.
9 Maintenant, je vais lire le résumé du témoignage de ce témoin.
10 Le témoin a décrit l'attaque des forces serbes contre le village de Celine,
11 municipalité de Orahovac en mars 1999. Tôt dans la matinée le 25 mars 1999,
12 les forces serbes ont commencé à pilonner le village de Celine, à piller et
13 à incendier les maisons, et une partie de la famille du témoin ont fui et
14 ont quitté la maison.
15 Durant l'après-midi, un groupe de policiers s'est rapproché de la maison du
16 témoin et l'un des frères du témoin a été tué devant lui par des rafales
17 d'une arme automatique. Le témoin s'est donc caché dans une maison voisine
18 et après, il est parti dans la forêt où il est resté pendant trois jours
19 jusqu'à ce qu'un groupe de policiers ne soit arrivé dans la forêt.
20 Les policiers ont séparé les enfants et les femmes des hommes et ils ont
21 commencé à fouiller et à piller les gens, après quoi ils les ont forcé de
22 repartir en direction du village. Ils ont été donc forcés de marcher dans
23 la colonne dans la direction de Prizren.
24 Le témoin a décrit qu'une trentaine de minutes après, un grand nombre de
25 camions est arrivé. La police les a forcés à forcer les villageois de
26 monter au bord de ces camions pour les transporter à Zhur, où on leur a
27 ordonné de descendre des camions pour aller en Albanie. Le témoin et sa
28 famille la plus proche ont été emmenés dans le camp pour les réfugiés à
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1 Tirana.
2 C'est la fin de son résumé.
3 Q. Monsieur Salihi, vous avez dit que les forces serbes ont pilonné votre
4 village de Celine le 25 mars 1999 et vous avez dit qu'après le pilonnage,
5 les forces serbes "en uniformes noirs étaient entrées dans le village."
6 Pouvez-vous nous dire qui était ou qui faisait partie des forces
7 serbes terrestres.
8 R. C'était la police serbe.
9 Q. Pouvez-vous nous dire ce que ces forces ont fait une fois entrées dans
10 le village ?
11 R. Ils sont entrés dans le village. Ils ont commencé à incendier des
12 maisons dans le village. Ils ont tué les gens et ils ont pillé les maisons.
13 Q. Dans votre déclaration, également, vous avez mentionné que les Serbes
14 ont incendié les maisons et d'autres édifices dans le village, est-ce que
15 c'est quelque chose que vous avez vu de vos propres yeux que les maisons
16 ont été incendiées et pillées ?
17 R. Oui, j'ai vu cela de mes propres yeux.
18 Q. Où étiez-vous le 25 mars, dans la matinée du 25 mars au moment où vous
19 avez pu observer tout cela ?
20 R. A la maison. J'ai pu voir le village et j'ai vu l'infanterie et la
21 police entrer dans le village. Je les ai vus commencer à incendier les
22 maisons et à les piller, et cetera.
23 Q. Pouvez-vous nous dire à quel groupe ethnique appartenaient les gens à
24 qui appartenaient ces maisons, les maisons qui ont été pillées et
25 incendiées ?
26 R. Aux Albanais. Les Serbes n'ont jamais vécu au village de Celina.
27 Q. Donc cela veut dire qu'il n'y avait pas de Serbes à Celine, si j'ai
28 bien compris votre réponse ?
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1 R. Non.
2 Q. Merci. Monsieur Salihi, dans votre déclaration - et aux fins du compte
3 rendu, c'est à la page 3, paragraphe 3 et je pense que la version en B/C/S
4 est le début de la page 4 - vous avez dit que dans la soirée du 25 mars,
5 vous avez fui dans une forêt pour y rester pendant trois jours. Pouvez-vous
6 nous dire s'il y avait d'autres personnes qui partaient dans cette forêt ?
7 R. Tout le village était là-bas, mais il y avait d'autres réfugiés qui
8 affluaient d'autres villages avoisinants, qui ont quitté leur village.
9 Q. Savez-vous, pour ces gens étaient là-bas, pourquoi ils ont dû quitter
10 leur village ?
11 R. C'est parce que leurs maisons étaient en flammes et les gens de ces
12 villages ne savaient pas où partir.
13 Q. Vous souvenez-vous de quels villages ces personnes étaient arrivées
14 dans la forêt ?
15 R. Oui. De Mala Krusa, Hoxha, Brestovc, Nagavci.
16 Q. Merci. Pendant que vous étiez caché dans la forêt, pendant ces jours-
17 là, étiez-vous en mesure d'entendre ou de voir quoi que ce soit ?
18 R. Nous pouvions entendre des tirs provenant du village et nous avons vu
19 la fumée des maisons incendiées.
20 Q. Monsieur Salihi, parlons du moment où les policiers étaient arrivés
21 pour séparer les femmes et les enfants des hommes et pour vous ramener au
22 village de Celine.
23 Pouvez-vous nous dire si vous avez vu quoi que ce soit en passant par
24 le village de Celine ?
25 R. Nous ne pouvions rien voir. Nous n'osions regarder autour de nous. Nous
26 étions isolés, nous étions encerclés, nous ne pouvions pas regarder autour.
27 Q. Etiez-vous escortés au moment où vous avez été ramené au village ?
28 R. A tous les dix ou 20 mètres, il y avait un groupe différent de
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1 policiers et ces policiers ont continué à battre les gens et à les
2 malmener.
3 Q. J'ai compris cela, mais avez-vous eu l'occasion de voir ce qui s'est
4 passé au village ?
5 R. Non, je n'avais pas l'occasion de voir ce qui se passait dans le
6 village, mais le village était en flammes.
7 Q. Vous souvenez-vous d'avoir vu ces flammes pendant que vous marchiez ou…
8 R. Oui, oui. Nous pouvions voir les flammes, la fumée, tout.
9 Q. Monsieur Salihi, à bord de camions, vous avez été transportés à Zhur,
10 après quoi la police vous a ordonné de marcher vers l'Albanie. Pouvez-vous
11 nous dire ce qui s'est passé à la frontière avec l'Albanie, avant d'être
12 entré dans le territoire d'Albanie ?
13 R. On nous a demandé de remettre les papiers d'identité et il n'y avait
14 pas de problèmes là-bas.
15 Q. Avez-vous fait cela, avez-vous remis vos papiers d'identité à ce
16 moment-là à la frontière ?
17 R. J'ai remis ma carte d'identité au moment où j'étais à la montagne
18 Pisjak et à la frontière, je n'avais plus ma carte d'identité, je n'avais
19 plus d'argent non plus sur moi.
20 Q. Bien. A ce moment-là, vous n'étiez pas en mesure de remettre votre
21 carte d'identité, parce que vous avez déjà fait cela à Celine ?
22 R. Non, je ne l'avais plus sur moi.
23 Q. Je comprends cela. Vous souvenez-vous quand vous êtes retourné au
24 Kosovo de l'Albanie ?
25 R. Oui. Trois mois après.
26 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu une fois retourné au village
27 de Celine trois mois après ?
28 R. Il n'y avait plus rien dans le village. Tout ce qu'il y avait là-bas
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1 avant avait été incendié, tout, les maisons et tout ce qu'il y avait dans
2 les maisons.
3 Q. Votre maison et la ferme de votre famille ?
4 R. Oui.
5 Q. Qu'est-ce qui s'est passé pour ce qui est de votre maison et de votre
6 ferme ? Quelles conditions avez-vous retrouvé tout cela une fois retourné
7 au village de Celine ?
8 R. Toutes les maisons ont été incendiées, comme je l'ai déjà dit. Quand
9 nous sommes retournés dans le village, nous devions vivre sous les tentes
10 que nous avons reçues en Albanie, parce que nous ne pouvions pas vivre dans
11 les maisons.
12 Q. Donc votre maison a été incendiée et détruite ?
13 R. Ma maison a été rasée.
14 Q. Bien. Monsieur Salihi, y avait-il une mosquée au village de Celine ?
15 R. Oui.
16 Q. Pour ce qui est de cette mosquée, pouvez-vous nous dire dans quel état
17 vous avez retrouvé la mosquée lorsque vous êtes retourné à votre village ?
18 R. La mosquée a été rasée également.
19 Q. Avez-vous vu cela de vos propres yeux ?
20 R. Oui, maintenant oui.
21 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant montrer la
22 photographie 65 ter 02445, s'il vous plaît ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux vous dire --
24 Mme D'ASCOLI : [interprétation]
25 Q. Voyez-vous la photographie sur l'écran, Monsieur Salihi ?
26 R. Oui. Est-ce que je peux vous montrer cela ?
27 Q. D'abord, est-ce que vous reconnaissez ce qui figure sur cette
28 photographie ?
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1 R. Ici je peux voir un mur, ensuite deux arbres.
2 Q. Sur la photo même ? Qu'est-ce qu'il y a sur la photo même ?
3 R. Il y a une mosquée.
4 Q. De quelle mosquée s'agit-il, est-ce que vous reconnaissez cette mosquée
5 ?
6 R. La mosquée au village de Celine.
7 Q. Comment pouvez-vous la reconnaître ?
8 R. Donc sur la photo, cela a l'air d'être cette mosquée.
9 Q. Vous avez mentionné des arbres et des murs. Est-ce que cela vous aide à
10 arriver à cette conclusion ?
11 R. Oui.
12 Q. Donc je suppose que la mosquée à Celine ressemblait à cela avant sa
13 destruction ?
14 R. Oui.
15 Q. D'accord.
16 Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'aimerais que cette photographie soit
17 versée au dossier. C'est 02445 65 ter.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera P00634.
20 Mme D'ASCOLI : [interprétation]
21 Q. Monsieur Salihi, quel est le nombre de membres de votre famille qui ont
22 été tués à Celine le 25 mars, 1999 ?
23 R. Huit membres de ma famille.
24 Q. Ce sont votre frère, Bajram; votre frère, Faik; son épouse; ainsi que
25 ses cinq enfants ?
26 R. Oui.
27 Q. Savez-vous ce qui s'est passé pour ce qui est de la famille de Zeqiri,
28 qui vous a rejoint sur votre ferme le 25 mars ?
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1 R. Ils étaient avec nous et ils étaient là-bas également.
2 Q. Avez-vous appris quel était leur destin une fois retourné à Celine ?
3 R. Quand nous sommes retournés dans le village, ils étaient morts.
4 Q. Est-ce que leurs cadavres ont été retrouvés quelque part ?
5 R. Oui.
6 Q. Pouvez-vous nous dire où exactement si vous le savez, si vous pouvez
7 vous souvenir de cet endroit ?
8 R. Oui. Ils se trouvaient dans la cour où ils avaient été tués et un
9 groupe de personnes qui était resté dans le village avait enterré leur
10 corps; lorsque nous sommes retournés dans le village, nous les avons
11 retrouvés.
12 Q. Est-ce que vous pensez aux cadavres des membres de la famille Zeqiri ?
13 R. Oui, la famille Zeqiri et les membres de ma famille étaient ensemble.
14 Q. Donc cela veut dire que leurs cadavres ont été retrouvés dans la cour
15 où ils auraient été tués ?
16 R. Au même endroit.
17 Q. Dites-nous ce qui s'est passé par la suite ?
18 R. Une équipe d'étrangers est arrivée au moment où nous avons exhumé les
19 cadavres. Nous leur avons donné des informations pour ce qui est des gens
20 qui avaient été tués, après quoi ils ont rendu les cadavres pour que nous
21 puissions les enterrer dans le village.
22 Q. Merci, Monsieur Salihi, pour avoir répondu à mes questions.
23 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
25 Maître Djurdjic, avez-vous des questions pour le contre-interrogatoire ?
26 M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 Contre-interrogatoire par M. Djurdjic :
28 Q. [interprétation] Monsieur Salihi, bonjour. Je m'appelle Veljko
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1 Djurdjic, membre de l'équipe de la Défense de l'accusé Vlastimir
2 Djordjevic. Avec moi aujourd'hui se trouve Mlle Marie O'Leary, membre de
3 notre équipe de la Défense.
4 Je vais vous demander d'écouter attentivement mes questions pour qu'on
5 puisse en finir avec le contre-interrogatoire le plus vite possible. Vu que
6 cela est interprété en plusieurs langues, je vous prie de ménager une pause
7 après mes questions avant de répondre à mes questions.
8 Au milieu des problèmes relatifs à votre année de naissance, je
9 dirais que cela fait quasiment dix ans que vous avez fait votre déclaration
10 à Tirana et ce n'est que maintenant que nous avons pu déterminer qu'en
11 fait, vous étiez né sept années plus tard que ce que vous pensiez, et vous
12 ne connaissez toujours pas la date précise de votre naissance, n'est-ce pas
13 ? Alors j'aimerais savoir si vous-même vous savez si vous êtes né avant ou
14 après la Deuxième Guerre
15 mondiale ?
16 R. Ecoutez, je n'en sais rien. Je suis né en 1947. Mais vous savez, je ne
17 sais vraiment quand est-ce qu'a eu lieu la Deuxième Guerre mondiale ou la
18 Troisième Guerre mondiale. Peut-être que vous vous le savez.
19 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous avez été à l'école à
20 un moment donné de votre vie ?
21 R. Non.
22 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire quelle est votre langue maternelle ?
23 R. Albanais.
24 Q. Merci. Je vais maintenant commencer par la fin de l'interrogatoire
25 principal de mon estimée consoeur. Vous avez terminé votre interrogatoire
26 principal en disant que des membres de votre famille et de la famille
27 Zeqiri étaient enterrés dans la cour de votre propriété familiale; est-ce
28 exact ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Merci. Est-ce que vous savez qui les a enterrés ?
3 R. Non.
4 Q. Merci. Vous avez indiqué qu'une équipe était venue et avait procédé à
5 l'exhumation de ces corps, est-ce exact, ou pour être plus précis, je ne
6 dirais pas qu'ils les ont exhumés, mais ils les ont déterrés ?
7 R. Oui. Tout le monde de la famille ont donné des détails à propos de
8 leurs membres de leur famille, puis les étrangers ont pris les corps qu'ils
9 ont emmenés jusqu'à Rahovec.
10 Q. Merci. Le lieu de l'exhumation, est-ce qu'il a été photographié lorsque
11 cette exhumation a été faite ?
12 R. Oui, oui. Les étrangers ont pris des photos.
13 Q. Je pense que c'est la troisième fois que vous venez témoigner dans des
14 procès différents ici. Donc j'aimerais savoir si vous avez pu voir les
15 photographies ? Est-ce qu'elles vous ont été montrées, ces photographies ?
16 R. Même s'ils m'ont montré ces photographies, je ne peux véritablement
17 pas parler de ces photographies. Je n'ai pas véritablement été à l'école,
18 donc je ne pourrais pas annoter ces photographies.
19 Q. Merci. J'aimerais que nous examinions la pièce 634, qui a été versée au
20 dossier il y a un petit moment.
21 Monsieur Salihi, est-ce qu'il s'agit d'une mosquée sans
22 minaret ?
23 R. Non. Notre mosquée avait un minaret.
24 Q. Mais est-ce que vous avez jamais vu une mosquée sans minaret ?
25 R. Non. Vous savez, je ne suis pas allé voir d'autres mosquées. J'avais
26 une mosquée dans mon village.
27 Q. Merci. Mais alors dans quelle mesure est-ce que votre mosquée est
28 différente des autres mosquées, hormis le fait qu'elle se trouvait dans
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1 votre village?
2 R. Je peux déterminer qu'il s'agit de notre mosquée au vu de l'entrée dans
3 la cour, puisqu'il y a également présence de ces deux arbres, également du
4 fait du mur d'enceinte qui l'entoure.
5 Q. Merci. Mais conviendrez-vous que vous ne pouvez pas voir la cour sur
6 cette photographie ?
7 R. Non, vous ne pouvez pas la voir. Là, avec cette photo, vous ne pouvez
8 pas la voir.
9 Q. Merci. Sur cette photographie, vous êtes en mesure de reconnaître la
10 mosquée grâce au mur d'enceinte; c'est cela ?
11 R. Oui, oui. Du fait de ce mur et des deux arbres que l'on voit sur la
12 photographie.
13 Q. Merci, Monsieur Salihi. Ecoutez, vous ne pouvez pas véritablement voir
14 la mosquée. Vous ne pouvez voir que le minaret et ce qui se trouve à côté
15 du minaret.
16 R. Non, mais on peut également voir un peu la bâtisse de la mosquée. On
17 peut la voir quand même un peu.
18 Q. Oui, un peu. Oui, oui. Certes, je suis d'accord avec vous.
19 Vous nous avez dit que les gens s'étaient enfuis dans les bois parce que
20 leurs maisons avaient été incendiées. Comment est-ce qu'ils auraient pu se
21 rassembler au même endroit, puisqu'il y avait des gens qui venaient de
22 villages différents. Vous avez fait référence à Brestovac, à Krusa, à
23 Nagavci, à votre village ?
24 R. Ecoutez, les gens s'enfuyaient de chez eux. Ils allaient se réfugier
25 avec leurs familles, chez d'autres membres de leurs familles, chez leurs
26 belles-familles, par exemple. Lorsque leurs maisons ont été incendiées,
27 tout le monde est parti avec tous les membres de leurs familles et les gens
28 sont partis vers la montagne de Pisjak.
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1 Q. Bien, justement c'est ce que je souhaiterais savoir. Comment se fait-il
2 que vous vous trouviez tous ensemble, alors que d'après ce que je sais,
3 Orahovac était près, Prizren était près également, Zrze était tout près,
4 Pirane était tout près également. Donc comment se fait-il que vous vous
5 êtes tous dirigés vers le mont Pisjak ?
6 R. Vous savez, il nous était impossible de nous déplacer. Tout le monde
7 cherchait à se réfugier. Nous étions encerclés de tous côtés.
8 Q. Comment est-ce que vous savez ce qu'il en était des autres villages,
9 des villages de Brestovac, par exemple, Krusa, Velika, Mala, Nagavci ?
10 R. Non, pas Krusa et Vogel, mais comme je l'ai déjà dit, Krusa et Madhe.
11 Vous savez, comme je vous l'ai déjà expliqué, les gens avaient de la
12 famille dans d'autres villages et c'est là qu'ils s'étaient réfugiés, parce
13 qu'ils n'avaient aucun autre endroit où ils auraient pu aller.
14 Q. Merci. Vous avez fait référence au mont Pisjak. J'ai étudié toutes les
15 cartes géographiques de la région et je n'ai jamais trouvé le nom de cette
16 montagne. Est-ce que vous pourriez me dire à quelle distance de votre
17 village ce trouve ce mont Pisjak. Donc je pense à l'endroit où vous vous
18 êtes réfugié dans les bois; c'est cet endroit-là que vous appelez Pisjak,
19 n'est-ce pas ?
20 R. D'après ce que je sais, cela se trouve à deux kilomètres. Je n'ai pas
21 mesuré la distance, mais je vous donne une distance approximative.
22 Q. Merci. Nous reviendrons sur certaines photographies un peu plus tard et
23 peut-être que nous pourrons déterminer cela avec plus de précision.
24 Monsieur Salihi, vous nous avez dit que vous étiez agriculteur. Est-ce que
25 votre père était agriculteur également ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que votre père était en vie en 1999 lorsque la guerre a éclaté ?
28 R. Non. Mon père est décédé 25 ans plus tôt.
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1 Q. Merci. Donc si je ne m'abuse, vous aviez six frères ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Merci. Est-ce que tous vos frères étaient en vie en 1999 lorsque la
4 guerre a éclaté ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vos frères étaient également agriculteurs ?
7 R. Oui, tous l'étaient.
8 Q. Merci. Voilà ce que j'aimerais savoir, après le décès de votre grand-
9 père, est-ce que la propriété familiale a été partagée ?
10 R. Non, nous avions tous possession de la propriété.
11 Q. Merci. Je ne sais pas si vous m'avez bien compris. Je ne vous posais
12 pas de questions à propos de la propriété de votre père, mais je vous
13 parlais de l'héritage que vous avez reçu de votre grand-père. Est-ce qu'il
14 y a eu une division, un partage de la propriété ou est-ce que vous viviez
15 ensemble, est-ce qu'il y avait indivision ?
16 R. Oui, nous étions tous propriétaires de la propriété.
17 Q. Merci. Donc je peux en conclure qu'il y avait vos oncles, il y avait
18 leurs enfants et votre famille, donc vous viviez tous en communauté en
19 quelque sorte ?
20 R. Chacun avait sa maison, mais nous vivions tous ensemble.
21 Q. Merci. Qui était le chef de cette communauté, qui était la personne
22 aînée ?
23 R. Vous me posez la question à propos de mes frères ?
24 Q. Oui, à propos de vos frères ou de vos oncles, peu importe.
25 R. C'est mon frère, Bajram, qui était l'aîné.
26 Q. Merci. Combien de maisons, de foyers y avait-il sur cette propriété
27 familiale ?
28 R. Bien, nous étions six frères, donc il y avait six maisons.
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1 Q. Merci. Quelle était la superficie de cet endroit où se trouvaient ces
2 maisons ?
3 R. Environ 10 hectares.
4 Q. Merci. Donc il y avait cette propriété familiale où se trouvaient ces
5 maisons et j'aimerais savoir en fait s'il y avait un mur qui séparait la
6 partie commune du reste de l'endroit ?
7 R. Il y avait également mon voisin Miftar Zeqiri, et c'est toujours
8 d'ailleurs mon voisin, et lui aussi avait le mur d'enceinte.
9 Q. Merci. Est-ce qu'il y avait un portail par lequel on devait passer pour
10 entrer dans votre propriété familiale ?
11 R. Vous aviez la route principale et chacun pouvait entrer dans sa maison
12 à partir de la route principale en passant par une entrée.
13 Q. Merci. Quelle était la hauteur du mur ?
14 R. Écoutez, je ne l'ai pas mesuré, mais je dirais qu'il avait une hauteur
15 qui était inférieure à 2 mètres.
16 Q. Merci. En quoi était fait ce portail ?
17 R. Je ne comprends pas votre question. Vous voulez parler de la porte qui
18 d'ailleurs était construite dans le mur ou vous voulez parler d'autre chose
19 ?
20 Q. Oui, il y avait donc ce portail qui était construit à même le mur et
21 qui vous donnait accès à la propriété familiale.
22 R. Oui, il s'agissait en fait d'un portail en bois.
23 Q. Merci. Le mur, en quoi était-il fait ?
24 R. En briques rouges.
25 Q. Est-ce vous aviez des machines agricoles ?
26 R. Nous avions des chevaux, des chevaux de labours que nous utilisions
27 pour travailler la terre.
28 Q. Merci. Je ne sais pas, est-ce que vous aviez un camion ou des voitures
Page 3472
1 ?
2 R. Non, nous n'en avions pas.
3 Q. Merci. Monsieur Salihi, pour ce qui était de la répartition du travail,
4 votre contribution à cette vie en communauté consistait à travailler la
5 terre seulement, est-ce que vous alliez, par exemple, dans d'autres
6 endroits pour vendre les produits de la terre ?
7 R. Oui, nous allions au marché et ailleurs également, là où nous pouvions
8 vendre nos produits pour gagner notre vie. Nous ne choisissions pas le
9 travail.
10 Q. Est-ce que je peux donc en conclure que vous partiez de Celine pour
11 aller vers d'autres lieux et, le cas échéant, est-ce que vous pourriez me
12 dire où est-ce que vous vous rendiez ?
13 R. A Prizren, à Gjakove et à Rahovec.
14 Q. Merci. Quelle était la superficie des terres dont vous étiez
15 propriétaire ?
16 R. Deux hectares.
17 Q. Merci.
18 M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions demander
19 l'affichage sur nos écrans du document de la Défense
20 D002-5633 ?
21 Q. Monsieur Salihi, dites-nous, je vous prie, vous voyez, il y a une route
22 que l'on voit sur la droite de la photographie; est-ce que vous savez où
23 aboutie cette route ?
24 R. Comme je l'ai déjà dit un peu plus tôt, je ne vous suis pas d'une
25 grande utilité pour ce qui est de ces documents parce que je n'ai pas
26 terminé l'école. Donc je ne peux pas apporter d'annotations.
27 Q. Monsieur Salihi, je ne vous ai pas demandé d'annoter quoi que ce soit.
28 Je vous ai juste posé une question car vous pouvez voir comme tout un
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1 chacun, donc je vous demande si vous savez la réponse à cette question.
2 Vous viviez là, vous dites vous-même que vous vous rendiez à Djakovica et à
3 Prizren, donc il s'agit d'une photographie de Celine et de la région
4 avoisinante. Je ne vais pas vous poser de questions à propos de la route,
5 mais vous voyez le village de Celine, est-ce que vous reconnaissez ?
6 R. Je vous en prie, je ne peux pas faire la différence entre les routes,
7 parce que je ne suis pas en mesure de lire la carte. Je ne peux rien vous
8 dire à propos de cette photographie.
9 Q. Merci. Bien alors je ne vais pas vous poser de questions à propos des
10 routes, mais est-ce que vous pourriez nous montrer où se trouvait votre
11 maison à Celine ?
12 R. Non, je ne peux pas véritablement vous répondre.
13 Q. Très bien. Est-ce que vous pourriez me dire où se trouvait votre maison
14 à Celine ?
15 R. Je ne comprends pas véritablement votre question. Je suis ici pour vous
16 raconter mon vécu, mon expérience. C'est pour cela que je suis ici. C'est
17 mon objectif principal.
18 Q. Oui, Monsieur Salihi, et c'est bien pour cela que je vous pose ces
19 questions. Je voudrais que vous m'indiquiez où se trouvait votre maison à
20 Celine, parce que d'après ce dont je me souviens dans votre déclaration,
21 vous parlez de cette maison, vous parlez non seulement de votre maison,
22 mais d'autres maisons qui appartiennent à d'autres personnes et je vais
23 vous poser des questions à ce sujet également.
24 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame D'Ascoli.
26 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre mon confrère,
27 mais je pense que le témoin a déjà répondu et il a indiqué qu'il n'était
28 pas en mesure de lire la carte.
Page 3474
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais le conseil a tout à fait le
2 droit de lui demander si visuellement il se souvient de la photographie
3 présentée par la carte.
4 Poursuivez, je vous prie.
5 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'accepte le
6 fait que le témoin n'est pas en mesure de reconnaître visuellement ce que
7 je lui présente ici, donc il va falloir véritablement que nous suivions la
8 procédure qui est beaucoup plus longue. Parce que en fait, il a vécu dans
9 ce village, donc je voulais lui demander où se trouvait sa maison et je
10 voulais ensuite qu'il me permette de déterminer où se trouvaient d'autres
11 bâtiments. Je voulais vérifier en quelque sorte ce qu'il avance dans sa
12 déclaration. Mais peut-être il ne veut pas répondre à mes questions, mais
13 qu'il le dise alors et je n'insisterai pas. Mais à ce moment-là, la
14 situation est tout à fait différente.
15 Q. Monsieur Salihi, oubliez la carte et cette carte d'ailleurs va
16 disparaître de notre écran.
17 M. DJURDJIC : [aucune interprétation]
18 Q. Ce que j'aimerais savoir c'est où se trouvait exactement votre
19 propriété familiale en fait à Celine.
20 R. Écoutez, je ne comprends pas ce qui se passe. Comme je vous l'ai déjà
21 dit, je ne suis pas en mesure de lire cette carte. Je ne suis pas en mesure
22 de vous expliquer où se trouve ma maison sur la carte parce que ce serait
23 un mensonge de ma part et je ne suis pas ici pour dire des mensonges.
24 Q. Merci. Je suis sûr que vous êtes venu ici pour dire la vérité, donc
25 est-ce que vous pourriez me dire où se trouvait votre maison, votre
26 propriété familiale; elle se trouvait où à Celine ?
27 R. Écoutez, je peux vous la décrire. Je peux le faire en vous disant en
28 fait quelle se trouvait dans la partie basse du village, l'endroit qui
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1 relie Krusha e Madhe et Celine. Il y a une rivière qui nous sépare en
2 quelque sorte. Voilà ce que je peux vous dire pour ce qui est de
3 l'emplacement de ma maison.
4 Q. Merci. A quelle distance de votre maison se trouvait la voie ferrée ?
5 R. Je vous ai parlé de la rivière, de la rivière Krusha, n'est-ce pas ?
6 C'est à cela que vous pensiez ?
7 Q. Non, je vous avais posé une question à propos de la voie ferrée. Je
8 voulais savoir à quelle distance de votre maison se trouvait la voie ferrée
9 ?
10 R. Maintenant j'ai compris, vous me parlez de la voie ferrée, je dirais à
11 1 000 mètres environ.
12 Q. Merci. Pourriez-vous me dire, par rapport à la route qui relie Prizren
13 à Djakovica, est-ce que vous pourriez nous dire à quelle distance de votre
14 maison se trouvait cette route ?
15 R. La route goudronnée, elle est près de la voie ferrée.
16 Q. Merci. Dites-moi : votre maison par rapport à la route menant à
17 Nagavci, à quelle distance se trouve-t-elle ?
18 R. Près de nous, parce que nos champs sont près les uns, les autres. Cela
19 ne se trouve pas très loin.
20 Q. Merci. Vous avez donc pensé aux champs à cultiver, mais j'ai pensé donc
21 à la position de la route menant à Nagavci et la distance qui sépare votre
22 maison et cette route menant à Nagavci.
23 R. Vous devez passer par Krusha e Madhe, ensuite Nagavc, Hoxha, Brestovc
24 et plus loin. C'est l'itinéraire de la route.
25 Q. Est-ce que votre maison se trouve sur la route qui mène à Nogavac ?
26 R. Non, non. Nous vivons à Celine.
27 Q. Cela m'éclaire, mais est-ce que votre maison se trouve près de la route
28 ou sur la route qui mène à Nogavac ou si cela n'est pas le cas, pouvez-vous
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1 nous expliquer où se trouve la route vers
2 Nogavac ?
3 R. Vous devez emprunter la route principale en passant par Celine, ensuite
4 par Krusha e Vogel, ensuite tourner vers Nogavc.
5 Q. Merci. J'aimerais tirer un point au clair. La route goudronnée qui mène
6 entre Prizren et Djakovica, à partir de cette route il y a une autre route
7 qui mène à Celine, n'est-ce pas ? J'ai raison pour dire cela ?
8 R. [interprétation] Oui.
9 Q. La route donc qui mène vers le village de Celine, qui part de cette
10 route principale, n'est pas une route goudronnée, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, c'était ainsi autrefois, mais aujourd'hui c'est une route
12 goudronnée.
13 Q. Merci. Dites-moi : la route qui mène de Celine à Bela Crkva, est-ce
14 qu'il y avait une route locale qui reliait ces deux endroits ?
15 R. Oui, parce que la route qui mène à Celine est reliée à Bellacerke.
16 Q. Votre maison se trouve où par rapport à cette route-là ?
17 R. La route pour Bellacerke et non pas pour Krusha.
18 Q. Oui, la route pour Bela Crkva.
19 R. Non, non. Ce n'est pas dans la direction de Bellacerke. Si vous
20 empruntez la route principale, oui. Mais chez nous, non.
21 Q. J'ai voulu savoir s'il y a une route locale qui relie Bela Crkva et
22 Celine et cette question découle de ma question précédente.
23 R. Oui.
24 Q. Ensuite je vous ai posé la question suivante. Par rapport à cette route
25 locale entre Celine et Bela Crkva, où se trouve votre maison par rapport à
26 cette route locale ?
27 R. C'est loin par rapport à la route.
28 Q. Merci. Est-ce que Bela Crkva se trouve à l'ouest de Celine ? Est-ce que
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1 vous êtes d'accord pour dire cela ?
2 R. Bela Crkva se trouve tout près de Rahovec.
3 Q. Par rapport à la route principale entre Prizren et Djakovica - et par
4 rapport à l'emplacement du village de Celine - est-ce que votre maison se
5 trouve dans la partie du village qui est plus près de la route principale
6 au sud du village, n'est-ce pas ?
7 R. Ce n'est pas tout près de la route principale. Nous sommes dans la
8 partie du village qui se trouve donc en haut.
9 Q. Merci. L'école, par rapport à votre propriété familiale, où se trouve-
10 t-elle ?
11 R. L'école se trouve plutôt au-dessus du village, là-haut.
12 Q. Merci. Où se trouve la mosquée par rapport à votre maison ?
13 R. C'est après l'école.
14 Q. Quelle est la distance entre votre propriété familiale et l'école
15 lorsque vous empruntez la route ?
16 R. Vous devez marcher assez longtemps pour y arriver.
17 Q. Merci. Ai-je raison pour dire qu'il faut marcher encore plus longtemps
18 pour arriver à la mosquée depuis votre maison ?
19 R. Oui.
20 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire, si vous le savez, s'il y a un
21 responsable du village de Celine, quelqu'un qui est chef du village ?
22 R. Je ne le pense pas.
23 Q. Merci. Avez-vous jamais assisté à des réunions où les chefs de familles
24 ou de foyers du village de Celine étaient rassemblés, de toutes les
25 familles de Celine ?
26 R. Il n'y avait pas de réunions de ce type.
27 Q. Merci. Connaissez-vous une personne qui s'appelle Agim Jemini ?
28 R. Oui.
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1 Q. L'avez-vous vu ici à La Haye ?
2 R. Oui.
3 Q. Savez-vous où se trouve sa maison au village de Celine ?
4 R. Oui. Il n'habite pas près de ma maison.
5 Q. Pouvez-vous me dire où exactement il vit ?
6 R. Vous pensez à Agim ?
7 Q. Oui.
8 R. Il vit dans le même village dans sa maison.
9 Q. Merci. C'est ce que vous nous avez déjà dit, mais par rapport à
10 l'emplacement de sa maison, pouvez-vous nous dire quelle est la distance
11 qui sépare votre maison de sa maison ?
12 R. J'ai déjà dit qu'il habite loin de ma maison, oui.
13 Q. Pourriez-vous nous dire plus précisément quelle est la distance qui
14 sépare vos maisons ? Pourriez-vous être plus précis par rapport à cette
15 distance ?
16 R. Je n'ai pas mesuré la distance entre nos maisons. Il vit sur la route
17 qui relie ma maison à la route principale. Je dois emprunter cette route
18 pour arriver à la route principale.
19 Q. Merci. C'est lorsqu'on part dans une direction précise et par rapport à
20 l'autre direction, direction opposée par rapport à sa maison, pouvez-vous
21 nous dire vers où mène cette route, dans quelle direction mène cette route
22 ?
23 R. Il n'y a qu'une seule route. Cette route passe par la maison d'Agim. Il
24 n'y a pas d'autre route à proximité.
25 Q. Cette route arrive à la rue principale entre Prizren et Djakovica, si
26 je vous ai bien compris ?
27 R. Oui.
28 Q. Dans la direction opposée par rapport à votre maison, lorsque vous
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1 montez la route qui mène dans la direction opposée par rapport à la maison
2 de Agim, pouvez-vous nous dire vers où cette route mène ?
3 R. Cette route nous relie avec Krusha. C'est là-bas où Krusha finit.
4 Q. Merci. Monsieur Salihi, au paragraphe 2 de votre déclaration, vous
5 dites :
6 "Jusqu'au mois de mars cette année, ma famille et moi-même, nous
7 pouvions vivre relativement normalement vu la situation globale au Kosovo."
8 Pouvez-vous nous expliquer quelle était cette situation globale au Kosovo
9 et ce que cela veut dire que vous pouviez mener une vie normale ?
10 R. Alors jusqu'au moment où tout ce que j'ai décrit s'est passé, nous
11 vivions normalement.
12 Q. Merci. Est-ce que je peux en conclure que jusqu'à l'éclatement de la
13 guerre, vous viviez normalement ?
14 R. Oui. Nous menions une vie tout à fait normale. Nous avions des
15 problèmes, oui, beaucoup de problèmes avant, mais ce n'était pas le même
16 type de problèmes auquel nous étions confrontés à l'époque.
17 Q. Merci. Au même paragraphe, vous dites, je cite :
18 "En fait, puisque sur le territoire de notre village il n'y avait pas de
19 Serbes, les problèmes qui surgissaient au Kosovo n'influençaient
20 généralement pas notre vie."
21 Pouvez-vous m'expliquer ce que cela voulait dire, ce que vous avez dit dans
22 votre déclaration ?
23 R. Oui. Je peux vous expliquer ce point. Il n'y avait pas de Serbes à
24 Celine.
25 Q. Bien. Pouvez-vous me dire pourquoi il y a des problèmes lorsqu'il y a
26 des Serbes, si vous pouvez m'expliquer cela ? Et vice-versa, s'il n'y a pas
27 de problèmes, il n'y a pas de Serbes.
28 R. Non, je n'ai pas dit cela. Les problèmes ont eu lieu le 25, après leur
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1 arrivée.
2 Q. J'aimerais qu'on avance plus vite, mais encore une fois, il faut que je
3 vous lise une partie de votre déclaration. Au paragraphe 2, vous avez dit
4 et je cite :
5 "En fait, puisque sur le territoire de notre village il n'y avait pas de
6 Serbes, les problèmes qui ont eu lieu au Kosovo n'influençaient
7 généralement pas notre vie."
8 Pouvez-vous nous expliquer ce point ? Donc s'il y a des Serbes, il y a des
9 problèmes; et s'il n'y a pas de Serbes, il n'y a pas de problèmes ?
10 R. Non, non. Même à des endroits où il y avait des Serbes avant, il n'y
11 avait pas de problèmes là-bas non plus.
12 Q. Est-ce que je peux en conclure que cet article de votre déclaration n'a
13 pas été interprété de façon correcte ?
14 R. Pourquoi cela n'a pas été bien compris ?
15 Q. Mais vous m'avez dit qu'il n'y avait pas de problèmes, ni avec ni sans
16 Serbes et que cela n'a pas été bien interprété et cela n'a pas été bien
17 consigné dans votre déclaration, parce que ce n'était pas vous qui avez
18 consigné cela dans votre déclaration ?
19 R. Ecoutez-moi, ils n'ont pas commis cette erreur. A Celine, il n'y avait
20 pas de Serbes qui vivaient et nous n'avions pas de problèmes. Dans tout
21 village, indépendamment du fait qu'il y avait des problèmes ou pas, les
22 villageois de ces villages connaissaient leurs propres problèmes. Je
23 connaissais pas tout ce qui se passait au Kosovo et je n'ai rien dit par
24 rapport à la situation dans le reste du pays.
25 Q. Mais vous avez dit que, puisqu'il n'y avait pas de Serbes, les
26 problèmes qui se produisaient au Kosovo n'influençaient pas votre vie en
27 général. C'est pour cela que je vous demande cette
28 question : dans les endroits où il y avait des Serbes, quels étaient les
Page 3482
1 problèmes qui influençaient la vie au Kosovo, si ce qui figure ici est vrai
2 ?
3 R. Je ne sais pas pourquoi vous insistez. Je ne comprends pas cela.
4 Q. Merci. Donc je n'ai fait que lire cette partie de votre déclaration.
5 Mais nous pouvons avancer si vous n'êtes pas en mesure de m'expliquer ce
6 point.
7 R. Je ne peux pas répondre à des questions concernant les événements
8 survenus dans d'autres villages. Je suis ici pour décrire ce qui s'est
9 passé dans mon propre village. Je suis venu ici pour déposer sur ces
10 événements. Je ne peux pas déposer sur d'autres événements survenus dans
11 d'autres villages au Kosovo.
12 Q. Est-il vrai que vous avez mentionné des problèmes à ceux à qui vous
13 avez parlé des problèmes qui ont eu lieu au Kosovo et qui ne vous
14 concernaient pas, qui ne concernaient pas votre vie, parce que où vous
15 viviez, il n'y avait pas de Serbes. Est-ce que c'est ce que vous avez dit ?
16 R. J'ai dit que dans mon village, il n'y avait pas de Serbes et qu'il n'y
17 avait pas de problèmes. C'est ce que j'ai dit.
18 Q. Merci. Comment avez-vous appris que la guerre a commencé ?R. Bien la
19 guerre a commencé le 25 mars - je n'oublierai jamais ce moment - quand nous
20 nous sommes réveillés dans la matinée, nous étions encerclés de tous les
21 côtés. Des forces de l'armée et de la police avaient bouclé le village de
22 Celine et après, tout ce que j'ai déjà décris a eu lieu. Ils ont commencé à
23 incendier, à massacrer. La police a fait tout cela, pas l'armée. C'est ce
24 que je voudrais souligner.
25 Q. Merci. Si vous avez quelque chose d'autre à dire, dites-le, mais
26 j'aimerais que vous répondiez à mes questions pour qu'on avance un peu plus
27 vite dans le contre-interrogatoire.
28 Comment avez-vous appris que la guerre avait éclaté, si vous avez appris
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1 cela ?
2 R. Je ne sais pas comment cela s'est passé au niveau général. C'est ce qui
3 s'est passé dans mon village.
4 Q. Aujourd'hui vous pouvez vous souvenir de certaines dates pour ce qui
5 est des événements survenus à l'époque, n'est-ce pas ?
6 R. Quelles dates ?
7 Q. En mars 1999, par exemple.
8 R. Oui, de cette date là, oui je m'en souviens.
9 Q. Quel élément a été l'élément décisif pour que vous puissiez vous
10 souvenir de ces dates spécifiques; comment pouvez-vous vous souvenir de ces
11 dates ?
12 R. Je me souviens de ces dates, parce que nous avons souffert ces dates-
13 là, tout le Kosovo a vécu des choses affreuses.
14 Q. Vous m'avez dit que vous vous êtes réveillé le matin. Pouvez-vous nous
15 dire à quelle heure vous vous êtes levé, à quel moment de la matinée ?
16 R. Écoutez-moi, je n'ai pas regardé ma montre à ce moment-là, pourtant je
17 dois dire ici, comme je l'ai déjà dit précédemment quand j'étais venu pour
18 témoigner ici, je n'ai pas regardé ma montre et je ne sais pas quelle heure
19 il était exactement, mais c'était pendant la matinée.
20 Q. A l'époque, portiez-vous une montre ?
21 R. Non, je ne portais pas une montre.
22 Q. Je vous pose cette question, parce qu'il y a des heures différentes
23 mentionnées dans votre déclaration; 10 heures du soir, du matin, 8 heures,
24 9 heures. Il ne faut pas que vous soyez fâché contre moi, vous avez dit que
25 c'était pendant la matinée. Est-ce que je peux en conclure qu'il faisait
26 jour déjà ?
27 R. J'ai dit que je ne regardais pas une montre et je ne savais pas quel
28 moment de la journée il était, même s'il était 5 heures, 6 heures ou 7
Page 3484
1 heures du matin.
2 Q. Merci. Mais vous n'avez pas regardé une montre ou une horloge, mais
3 est-ce qu'il faisait jour lorsque vous vous êtes levé dans la matinée ?
4 R. Oui.
5 Q. Où se trouve votre chambre dans la maison où vous viviez ?
6 R. Comment vous décrire cela ? Je ne sais pas.
7 Q. Je vais essayer de vous poser des questions en vous demandant des
8 réponses. Est-ce que votre maison est une maison qui n'a que le rez-de-
9 chaussée; est-ce que ce c'est une maison de plein pied ?
10 R. Ma maison a la forme de la lettre G.
11 Q. Vu qu'il y a plusieurs maisons au village, est-ce que votre maison est
12 la maison la plus proche de la route et quelle est sa position par rapport
13 à d'autres maisons ?
14 R. Ma maison se trouve près de la route.
15 Q. Merci. Etes-vous sorti de votre maison quand vous vous êtes réveillé le
16 25 mars, comme vous l'avez dit ?
17 R. J'ai dit à mes enfants de quitter la maison et moi-même je suis resté à
18 la maison.
19 Q. S'il vous plaît, doucement. Vous avez dit que vous vous étiez réveillé,
20 il faisait jour. Je vous demande si vous avez quitté votre maison ou si
21 vous êtes resté dans votre maison ?
22 R. J'étais dans la cour de ma maison.
23 Q. Merci. Par rapport à votre déclaration, où avez-vous vu l'armée qui
24 était en train d'encercler le village ?
25 R. Oui. Je suis allé à la maison de mon frère, le frère qui a été tué. Son
26 père se trouve un peu plus loin. De la cours je pouvais voir l'armée se
27 trouvant au dessus de la mosquée. L'armée avait des chars. Également j'ai
28 décris cela dans ma déclaration, ils ont commencé à tirer et à pilonner.
Page 3485
1 Ils n'avaient pas de dommages causés à la population, mais plus tard la
2 police est arrivée, un groupe des membres de la police ont incendié des
3 maisons, ont tué des gens et ont pillé. Les membres de l'armée ne
4 provoquaient pas de dommages au village. Les forces de la police ont fait
5 cela, c'est pour cela que je suis ici, pour déposer des événements qui se
6 sont réellement passés et rien d'autre.
7 Q. Monsieur Salihi, répondez brièvement à mes questions. Vous avez donc
8 décrit beaucoup de choses. Avant la pause, je vais poser une brève
9 question. Lorsque vous êtes sorti de votre maison, pourquoi êtes-vous parti
10 chez votre frère ?
11 R. Je suis allé jusqu'à la maison de mon frère pour voir ce qui arrivait
12 au village. C'est pour cela que je suis allé là-bas. Tout simplement je me
13 suis rendu vers une autre maison se trouvant dans le village. C'est tout.
14 Q. Merci. Comment saviez-vous que quelque chose était en train de se
15 produire dans le village ?
16 R. Nous étions encerclés. Il y avait des pilonnages. Nous pouvions
17 entendre des tirs et c'est pour cela que nous savions que quelque chose se
18 passait. Je les ai vus de mes propres yeux. Je ne suis pas ici pour
19 proférer des mensonges.
20 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Je pense qu'il est le moment pour
21 faire la pause.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.
23 Nous devons faire la pause maintenant et nous allons continuer à 13
24 heures.
25 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]
26 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 31.
27 --- L'audience est reprise à 13 heures 20.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.
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1 M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 Q. Monsieur Salihi, vous nous avez dit, il y a un petit moment de cela,
3 que vous aviez quitté votre maison le matin et que vous étiez allé chez
4 votre frère. Pourriez-vous nous dire ce que vous portiez lorsque vous avez
5 quitté votre maison ?
6 R. J'avais des vêtements normaux - enfin, je ne sais pas - comme je porte
7 maintenant.
8 Q. Merci. Après votre départ de votre maison ce matin-là et -- j'aimerais
9 savoir en fait si vous êtes revenu chez vous à un moment donné, donc après
10 le départ, est-ce que vous êtes revenu chez vous jusqu'au moment où vous
11 avez quitté la demeure familiale.
12 R. Nous étions tous ensemble. Nos maisons sont les unes après les autres.
13 Mes frères y avaient une maison tout comme moi j'y avais une maison.
14 Q. Merci. Mais quelles étaient vos intentions ? Si les événements qui se
15 sont déroulés ne s'étaient pas déroulés, que souhaitiez-vous faire ?
16 R. Écoutez, je serais allé travailler dans un champ.
17 Q. Merci. Comment étiez-vous habillé ?
18 R. Bien je ne portais pas de costume probablement, mais je ne sais pas, je
19 portais des habits normaux, des vêtements normaux de tous les jours.
20 Q. Merci. Lorsque vous avez vu ces forces qui se trouvaient près de la
21 mosquée, qu'avez-vous fait ?
22 R. Rien. Nous nous sommes contentés d'observer ce qu'ils faisaient.
23 Qu'est-ce que nous aurions pu faire d'autre ?
24 Q. Merci. Alors vous nous avez déjà fourni quelques explications, vous
25 avez dit ce que vous aviez vu, mais est-ce que vous avez vu ces forces
26 quelque part ailleurs ?
27 R. Tout le village était encerclé par les forces serbes, par l'armée et
28 par la police.
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1 Q. Merci. Comment est-ce que vous saviez cela ?
2 R. Nous pouvions voir, nous pouvions observer. Nous en avons fait
3 l'expérience.
4 Q. Pourriez-vous nous relater ce qui fut votre expérience ?
5 R. Écoutez, nous étions là, puis ils ont commencé à tuer des gens, à
6 pilonner, à brûler des maisons, jusqu'au moment où ils se sont retrouvés
7 très très près de ma maison et là ils ont tué huit personnes. J'ai tout vu.
8 J'ai vu l'incendie, j'ai vu comment ils avaient tué les gens.
9 Q. Merci. Vous nous avez dit, à plusieurs reprises maintenant et vous
10 venez d'ailleurs juste de le répéter cela, mais ce que je voudrais savoir
11 c'est ce qui suit : Comment est-ce que vous saviez que le village était
12 encerclé de tous côtés ?
13 R. Vous pouviez le voir. Les gens pouvaient le voir. Nous savions tous que
14 nous étions encerclés; c'était évident.
15 Q. Écoutez, je ne sais pas ce qu'on vu les autres, mais vous, qu'est-ce
16 que vous avez vu ? Vous nous dites que vous avez juste vu quelque chose qui
17 se trouvait ou quelque chose qui se passait près de la mosquée ?
18 R. Oui, je les ai vu, je vous ai déjà parlé des chars qui se trouvaient
19 près de la mosquée. Donc il y avait des forces militaires et il y avait des
20 forces de la police.
21 Q. Merci. Est-ce que c'est la seule chose que vous ayez vue ?
22 R. Non, tout le monde pouvait voir que nous étions encerclés.
23 Q. Merci. Monsieur Salihi, est-ce que vous savez ce que signifie le terme
24 de "méthode" ?
25 R. Non, je ne sais pas ce que cela veut dire "méthode".
26 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez-nous dire ce que signifient les forces
27 terrestres serbes ? Qu'est-ce que vous entendez par cela ?
28 R. Oui, je peux dire que les forces terrestres sont venues et ont provoqué
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1 des dommages pour la population. Ils sont venus, c'était de l'infanterie.
2 Ils sont venus à pied. Ils nous ont fait toute sorte de choses très
3 maléfiques.
4 Q. Merci. Avez-vous fait votre service militaire ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous savez ce qu'était votre spécialisation militaire ?
7 R. Je faisais partie de l'infanterie. Une arme m'avait été donnée. J'avais
8 un fusil. J'étais illettré, mais je connaissais quand même les règles
9 militaires qui prévalaient dans l'armée.
10 Q. Merci. Alors dites-moi autre chose. Lorsque vous parlez des "forces
11 terrestres," est-ce que vous faites référence à "l'infanterie" ?
12 R. Oui, mais je ne parle pas de l'armée. Je parle de l'infanterie de la
13 police.
14 Q. Vous nous avez dit hier, à la ligne 6, page 7 du compte rendu
15 d'audience, que vous avez vu des éléments d'infanterie qui entraient dans
16 le village. Vous avez vu donc des éléments d'infanterie ou que vous aviez
17 vu plutôt l'infanterie et la police qui entraient dans le village. Alors ce
18 qui m'intéresse, c'est de savoir comment vous faites la différence entre la
19 police et l'infanterie.
20 R. Ecoutez, l'armée est entrée dans le village. Ils ont vu que la
21 population civile était complètement paniquée. Les enfants pleuraient.
22 Qu'ils n'avaient, en fait, nulle part où aller. Donc ils n'ont fait aucun
23 mal aux gens qui se trouvaient dans le village. Ensuite l'infanterie des
24 forces de la police est entrée dans le village. Ils ont commencé à
25 incendier des maisons, ils ont pillé les maisons, ils ont tué des gens. Ils
26 ont fait véritablement les choses les plus atroces, nous ont fait à nous
27 les choses les plus atroces auxquelles on puisse penser.
28 Q. Merci. Donc si je vous dis que l'armée a pilonné le village à plusieurs
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1 reprises; est-ce que c'est exact ?
2 R. Oui, ils l'ont pilonné, mais ils n'ont absolument pas fait de mal à la
3 population civile, parce qu'ils savaient pertinemment que la population
4 civile n'avait nulle part où aller.
5 Q. Merci. Mais où vous trouviez-vous lorsque l'armée a pilonné le village
6 ?
7 R. J'étais chez moi, dans la cour. Comme tous les autres d'ailleurs,
8 j'étais en train d'observer ce qui se passait.
9 Q. Merci. Alors d'après ce que j'ai compris, votre cour se trouve sur un
10 terrain qui est plat, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, c'est un terrain plat, certes, mais c'est un terrain plat qui est
12 quand même un peu surélevé. Il y a des arbres, mais nous pouvions, de toute
13 façon, observer le déplacement et le mouvement dans le village à partir de
14 cet endroit. Nous pouvions très bien le voir d'ailleurs.
15 Q. Merci. Dites-moi : où sont tombés tous ces obus ?
16 R. Sur les maisons.
17 Q. Merci. À partir de l'endroit où vous vous trouviez dans la cour,
18 jusqu'à quelle distance pouviez-vous voir ?
19 R. Je ne sais pas jusqu'à quelle distance je pouvais voir, mais ce qui est
20 important c'est que je peux vous dire que je pouvais voir tout ce qui se
21 passait en tout cas.
22 Q. Merci. Mais votre village est quand même assez important. Vous ne
23 pouvez pas tout voir. Vous ne pouvez pas voir tout ce qui s'y passait quand
24 même. Il est plutôt grand, votre village, n'est-ce
25 pas ?
26 R. Oui, mais, moi, je me trouvais à partir d'un endroit qui était
27 surélevé, donc je pouvais voir tout ce qui s'y passait. Je pouvais voir les
28 gens. C'est vrai que c'est un village assez important, comme vous l'avez
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1 dit, puisqu'il compte quelque 200 maisons, mais le fait est que je pouvais
2 tout voir.
3 Q. Puis-je avancer qu'il y avait des tirs dans le village ?
4 R. Des tirs qui venaient d'où ? Ou qui c'est qui ?
5 Q. Je vous le demande, je pose la question. Vous nous dites qu'il y avait
6 des tirs dans le village, donc est-ce qu'il y a eu des tirs dans le village
7 ? Est-ce que cela est exact ?
8 R. Oui. La police tirait.
9 Q. A la périphérie du village, vous avez vu en fait que seule la police
10 tirait; est-ce bien exact ?
11 R. Ecoutez, comme je vous l'ai déjà dit, dans un premier temps, c'est
12 l'armée qui entrée dans le village. Elle a vu, l'armée, que la population
13 partait, était complètement paniquée. Ensuite la police est arrivée dans le
14 village. La police, elle a pillé des maisons, elle a incendié les maisons,
15 elle a tué les personnes qu'elle trouvait dans les maisons.
16 Q. Merci. Dites-moi, donc j'aimerais savoir : quelle est la distance à vol
17 d'oiseau entre l'endroit où vous vous trouviez et la périphérie ou l'orée
18 du village ?
19 R. Je ne sais pas la distance. Je ne l'ai pas mesuré, mais le fait est que
20 je pouvais voir très très bien à partir de cet endroit.
21 Q. Vous, vous pouviez voir des maisons qui se trouvaient à l'orée du
22 village; c'est cela ?
23 R. Oui, je pouvais les voir.
24 Q. Ces maisons, est-ce qu'elles étaient entourées d'un mur d'enceinte ?
25 R. Oui, certaines en avaient, d'autres n'en avaient pas. Mais, même si
26 toutes ces maisons avaient eu un mur d'enceinte, vous pouviez quand même
27 voir dans quelles maisons ils entraient et quelles maisons ils
28 incendiaient.
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1 Q. Merci. Est-ce qu'on pouvait voir s'il y avait des tirs qui provenaient
2 de ces maisons ?
3 R. Oui.
4 Q. Comment est-ce que vous savez qu'il s'agissait de la police qui portait
5 des uniformes noirs ?
6 R. Mais nous les appelions Les Bleus. Mais, en fait, justement, leurs
7 uniformes, les uniformes de la police étaient de cette couleur.
8 Q. Monsieur Salihi, dans toutes vos déclarations jusqu'à présent, vous
9 avez toujours dit que les uniformes étaient noirs. Alors comment se fait-il
10 maintenant que vous nous dites que ce qui est noir, c'est quelque chose que
11 vous appelez bleu ?
12 R. Ils opéraient en groupes, il y avait différents groupes. De toute
13 façon, ils ont tués tant de personnes. J'aurais pu moi aussi être une de
14 ces personnes qui seraient mortes. Mais il y avait différents groupes.
15 Q. Au paragraphe 4, votre déclaration, voilà ce que vous dites :
16 "Les forces serbes qui étaient rentrées dans le village étaient
17 habillés en uniformes noirs, bien que je fusse trop éloigné d'eux pour
18 pouvoir voir les écussons sur leurs uniformes".
19 R. Oui, à cette distance-là, on avait l'impression que c'était du noir.
20 Q. Alors je ne souhaiterais pas passer trop de temps sur ce point-là, mais
21 dans l'affaire Milutinovic, vous avez également dit que vous aviez vu ce
22 type d'uniformes noirs avant la guerre.
23 R. Avant la guerre, c'est impossible; avant la guerre, je n'aurais jamais
24 pu les voir. Je les ai vus ce jour-là, et comme je vous l'ai dit, il y
25 avait un groupe différent tous les 20 mètres et, de toute façon, tous ces
26 groupes différents ont fait ça chacun leur tour.
27 Q. Alors pour ne pas trop perdre votre temps, nous reviendrons là-dessus
28 un peu plus tard, mais j'aimerais que vous nous indiquiez où vous avez vu
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1 ces policiers ? De quelle direction provenaient-ils ? Où se trouvaient-ils
2 ?
3 R. Alors je vais encore une fois répéter ce que j'ai déjà dit. Le village
4 était encerclé par ces personnes-là. Ils savent mieux que quiconque de
5 quelle direction ils venaient et où ils se trouvaient. De toute façon, tout
6 le village était encerclé par les policiers, donc ils pouvaient entrer dans
7 le village par n'importe quelle voie d'accès, comme ils le souhaitaient.
8 Q. Monsieur Salihi, je m'excuse, mais vous avez témoigné, vous avez dit
9 qu'ils étaient entrés dans le village. Je me suis juste contenté de vous
10 dire de quelle direction ils venaient. Je souhaiterais que vous m'indiquiez
11 ce que vous avez vu et non pas ce que d'autres savaient. Je vous pose cette
12 question, parce que je voudrais que vous nous indiquiez ce que vous avez pu
13 observer. Si vous les avez vus, dites-moi ce que vous avez vu ? Parce que
14 vous ne parlez pas seulement de la police maintenant, vous parlez des
15 véhicules blindés de combat, des chars, et cetera. Donc quand est-ce que
16 vous avez vu ces policiers ?
17 R. Lorsque nous nous sommes réveillés, nous avons vu que le village était
18 encerclé par l'armée et par la police. Ensuite ils sont entrés dans le
19 village, ils sont entrés par tous les côtés. Ils pouvaient faire ce qu'ils
20 voulaient. Nous, lorsque nous nous sommes réveillés, comme je l'ai déjà
21 expliqué, nous étions encerclés.
22 L'armée a tiré, mais l'armée n'a absolument pas fait de morts dans la
23 population, parce que l'armée pouvait très bien voir que la population
24 était complètement paniquée et c'est ensuite que la police est arrivée, que
25 la police a pillé les maisons et que la police s'est livrée à toutes sortes
26 de crimes. Voilà ce que je peux vous dire.
27 Q. Mais une fois de plus, vous ne répondez pas à ma question, car vous
28 parlez de façon générale. Vous parlez de la police qui encercle le village
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1 et de ce qui s'est passé par la suite. Mais dans votre vocabulaire, lorsque
2 vous me dites que le village a été encerclé, qu'est-ce que vous entendez
3 par "encerclé" ?
4 R. Cela signifie que nous étions encerclé par l'armée et par la police.
5 C'est ce que j'ai déjà dit et je le répète à nouveau. Je réitère le fait
6 que l'armée n'a absolument pas provoqué de dégâts et n'a fait de mal à
7 personne.
8 Q. Bien. On va oublier l'armée un petit instant. Mais là vous dites que
9 vous avez vu quelque chose au-dessus de la mosquée; est-ce exact, c'est ce
10 que vous avez voulu dire ?
11 R. Oui.
12 Q. Merci. Quelle était la couleur des chars, je ne sais pas, des chars que
13 vous avez aperçus ?
14 R. Les chars, bien c'étaient des chars militaires sur des chenilles. Ils
15 avaient les mêmes couleurs que l'herbe, c'est comme cela qu'on le dit.
16 Q. Les blindés ?
17 R. Je n'ai pas vu de véhicules de combat et je n'ai pas vu l'endroit où
18 ils les ont laissé.
19 Q. Merci. Ai-je raison de dire que vous n'avez pas été le témoin oculaire
20 de l'incendie de la mosquée et de l'école ?
21 R. Oui. En ce qui concerne l'école, c'est exact; en ce qui concerne la
22 mosquée, ce n'est pas exact.
23 Q. Bien. Vous vous trouviez à quelle distance par rapport à l'école ?
24 Alors je parle de l'endroit où vous étiez-vous.
25 R. J'étais loin, assez loin, mais la visibilité était bonne. Donc je les
26 ai vu entrer dans l'école, l'incendier, ensuite ils sont allés jusqu'aux
27 maisons et là ils ont fait tout ce qu'ils voulaient.
28 Q. Est-ce que vous avez vu de quelle façon on a mis le feu à l'école ?
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1 R. Je ne sais pas ce qu'ils ont utilisé pour mettre le feu à l'école,
2 toujours est-il que j'ai vu les flammes.
3 Q. Est-ce que vous avez entendu quoi que ce soit ?
4 R. Il y avait beaucoup de bruit, parce qu'ils tiraient avec leurs armes,
5 ils entraient librement dans les maisons.
6 Q. Merci. Comment avez-vous pu constater le nombre de maisons qui avaient
7 été incendiées ?
8 R. Ils ont incendié beaucoup de maisons. Quand on est rentré d'Albanie, on
9 a compris que le village tout entier avait été réduit en cendres, que tout
10 avait été brûlé et pillé.
11 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire où vous trouviez-vous au moment où vous
12 avez pu remarquer que les gens étaient en train de quitter le village ?
13 R. Je pense que je vous l'ai déjà dit. J'ai été dans la cour de la maison
14 de mon frère. C'est là que l'on était assis et on a vu les gens fuirent les
15 maisons à la recherche d'un abri pour leurs familles.
16 Q. Ils fuyaient quel village exactement, quelles maisons ?
17 R. Tout le village essayait de partir. Ils cherchaient tous un abri pour
18 leur propre famille. Puis ils essayaient de les sortir des maisons.
19 Q. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Où est-ce qu'ils sont
20 allés ?
21 R. Ils ont quitté le village, ensuite ils se sont rassemblés sous le mont
22 de Pisjak.
23 Q. Merci. Pourriez-vous voir depuis l'endroit où vous vous trouviez, est-
24 ce que vous pouviez voir cette montagne, Pisjak ?
25 R. Non.
26 Q. Comment alors pourriez-vous dire qu'ils étaient en train de fuir en
27 direction de cette montagne, justement ?
28 R. Vers 3 heures 30 dans l'après-midi, après qu'ils aient tué huit membres
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1 de ma famille et 14 membres de la famille Zeqiri, au retour, je suis allé à
2 Pisjak pour y trouver ma famille. Je les ai trouvés vers 10 heures du soir,
3 moi et ma famille, nous avons rejoint le reste des gens qui étaient
4 rassemblés là-bas.
5 Q. Merci. Donc c'est uniquement après être arrivé à cet endroit, à
6 l'endroit où se trouvait votre famille, ce n'est qu'à ce moment-là que vous
7 avez compris où ils se trouvaient, pas dans le moment où vous étiez encore
8 dans la cour, n'est-ce pas ?
9 R. Non. Tout ce que je pouvais voir, c'est qu'ils étaient en train de
10 quitter leurs maisons.
11 Q. Merci. Est-ce qu'il existait un accord entre vous, vos voisins, et
12 cetera, portant sur la destination vers laquelle il fallait se diriger ?
13 R. Personne ne savait à l'avance où ils allaient partir. Ils sont partis
14 parce qu'ils devaient partir.
15 Q. Merci. Monsieur, lors de votre déposition dans l'affaire Milutinovic, à
16 la page 4 219 du compte rendu d'audience, le Juge Bonomy a posé une
17 question et vous avez répondu en disant qu'avant la guerre, vous avez vu
18 des policiers. On vous a demandé si vous vous rappeliez de l'uniforme
19 qu'ils portaient et vous avez répondu qu'ils portaient des uniformes noirs.
20 Nous en avons même parlé tout à l'heure.
21 R. Oui, mais ils changeaient de vêtements. Ils portaient des uniformes
22 différents. Ils portaient tout ce qu'ils voulaient porter, d'ailleurs.
23 Q. Merci. Mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là, quand
24 vous dites qu'ils se déguisaient et qu'ils se changeaient.
25 R. Comme je l'ai déjà dit, ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient.
26 Q. Merci. Au début du paragraphe 5, vous avez dit que les membres de votre
27 famille avaient quitté la ferme vers 5 heures 30 du matin et qu'ils se sont
28 cachés dans un bosquet à proximité de chez vous. On en a déjà parlé de
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1 cette question de bois et de forêts. Mais dites-nous pourquoi n'êtes-vous
2 pas parti en même temps qu'eux ?
3 R. Je ne suis pas parti, parce que j'ai demandé à mes frères que l'on
4 parte ensemble, mais ils ont refusé. A cause de cela, j'ai pris la décision
5 de rester, parce que c'était ma maison. Donc je suis resté chez moi, dans
6 ma maison.
7 Q. Merci. Mais il n'y avait que vous, votre frère Bajram et Faik, et vous
8 dites aussi que la famille de Faik était restée là aussi, les quatre
9 membres de toute sa famille qui étaient là ?
10 R. C'est vrai.
11 Q. Pourquoi n'êtes-vous pas partis tous de la maison ?
12 R. Je vais vous expliquer cela. Si on avait su que les choses qui se sont
13 produites allaient se produire, on serait parti.
14 Q. Merci. Mais est-ce que vous êtes parti pour défendre votre terre ?
15 R. J'ai pensé qu'ils n'allaient pas nous faire du mal; cependant, ils
16 l'ont fait. Ils nous ont fait beaucoup de mal et voilà où nous en sommes
17 aujourd'hui.
18 Q. Merci. Est-ce que vous êtes resté là pour défendre votre terre, votre
19 ferme ?
20 R. Si j'avais pu, j'aurais défendu même les membres de ma famille, plutôt
21 les membres de ma famille que ma ferme, que mes biens.
22 Q. Merci. Mais nous allons en parler aussi de cela. Mais dites-moi, vous
23 avez dit que Miftar Zeqiri était votre voisin le plus proche. Pourquoi
24 alors il quitte sa ferme et vient chez vous accompagné des 14 membres de sa
25 famille ? Pourquoi le fait-il ?
26 R. Nos cours sont tout près. On avait l'impression qu'on partageait une
27 même maison. Toute sa famille est venue là et nous nous nous installions,
28 c'est tout.
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1 Q. A quelle heure Zeqiri est venu vous voir avec toute sa famille ?
2 R. C'était dans la matinée, quand les enfants se sont réveillés. Mais je
3 ne savais pas l'heure.
4 Q. Mais la plupart des membres de votre famille avaient quitté votre ferme
5 familiale et même les autres villageois ont quitté le village, comme vous
6 l'avez dit, alors que Zeqiri vient vous voir vous, c'est ce que vous dites
7 ?
8 R. Nous sommes voisins. C'est mon voisin le plus proche et on passait du
9 temps ensemble.
10 Q. Bien. A partir du moment où ils sont venus chez vous dans votre cour,
11 vous étiez où exactement, vous et Zeqiri, ainsi que les membres de votre
12 famille ?
13 R. Comme je l'ai déjà indiqué, ils étaient ensemble. Bajram s'est levé.
14 Une maison s'y trouvait, une maison qui n'avait pas encore été construite
15 en entier, et la police lui a tiré dessus et il a été tué. Quand il a été
16 tué, je suis parti.
17 L'infanterie est arrivée par la suite, et ils ont tout massacré, les
18 enfants, tous ceux qui s'y trouvaient. Un bébé âgé de six mois a été
19 massacré là-bas.
20 Q. Je vous remercie. Mais vous ne répondez pas aux questions que je vous
21 ai posées. Je vous ai posé une question très précise. Veuillez m'écouter,
22 s'il vous plaît. Où étiez-vous exactement à partir du moment où la famille
23 Zeqiri est arrivée ? Vous étiez où, physiquement ? Ensuite, on va parler de
24 ce dont vous, vous parlez sans arrêt.
25 R. Je vous ai dit où j'étais. J'étais là-bas. Je ne me rappelle pas du
26 nombre de fois que je l'ai dit.
27 Q. Monsieur Salihi, vous avez six maisons, vous avez une grande cour. Vous
28 nous avez donné la superficie de votre ferme familiale. Moi, je vous ai
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1 demandé où vous étiez, vous, les Zeqiri et les autres qui sont restés.
2 Parce qu'il y avait huit membres de votre famille et il y en avait 14 du
3 côté des Zeqiri. Vous étiez où exactement ? Vous n'aviez pas de montre,
4 vous ne saviez pas l'heure qu'il était, mais vous pouvez me répondre où
5 vous étiez ?
6 R. Je pense que je vous ai déjà dit que j'étais avec eux. On était
7 ensemble, je ne sais pas quoi d'autre je pourrais vous dire.
8 Q. Bien, vous pouvez nous dire dans quelle maison vous étiez, dans quelle
9 partie de la maison vous étiez. Vous pouvez nous dire aussi que vous étiez
10 dans la cour pendant tout le temps. Parce que jusqu'à maintenant, vous
11 m'avez dit que vous étiez dans la cour, que vous n'êtes entré dans aucune
12 maison depuis le matin. Donc là, je vous demande de nous dire où vous
13 étiez, tout simplement.
14 R. J'étais dans la cour de la maison de mon frère. On y était tous. La
15 famille Zeqiri y était aussi. Je ne sais pas comment vous l'expliquer
16 autrement.
17 Q. Merci. Donc vous étiez à l'extérieur de la maison; c'est cela ? Pendant
18 tout ce temps-là, vous étiez à l'extérieur de la maison, vous étiez dans la
19 cour ?
20 R. Oui, oui.
21 Q. Bien. Où avez-vous vu la police serbe pour la première
22 Fois; là, je parle de la fois où ils sont venus dans votre cour ?
23 R. On était là-bas au moment où on a vu la police.
24 Q. Où se trouvait la police au moment où vous l'avez vue pour la première
25 fois ?
26 R. Ils sont arrivés, ils sont entrés dans le village de l'école, ensuite
27 ils sont arrivés au niveau de l'endroit où nous étions, nous.
28 Q. Où est-ce que vous les avez vus ?
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1 R. On les a vus en train de s'approcher.
2 Q. Est-ce qu'ils marchaient dans la rue ?
3 R. Il y avait pas de rue, mais on les a vus entrer dans les maisons,
4 sortir des maisons. Ils le faisaient partout.
5 Q. Je vous ai posé une question au sujet de votre ferme. Je vous prie de
6 bien vouloir m'écouter avec beaucoup d'attention.
7 R. Vous parlez de ma famille à moi ?
8 Q. Je parle de l'instant où vous avez vu la police entrer dans votre ferme
9 familiale. Où est-ce que vous les avez vus pour la première fois ? Où se
10 trouvaient-ils au moment où vous les avez vus ? Est-ce que vous les avez
11 vus d'ailleurs avant qu'ils ne pénètrent dans votre domaine familial ?
12 R. Je les ai vus avant qu'ils n'entrent dans la cour.
13 Q. Après cela, vous les avez vus quand pour la première fois ?
14 R. Je pense que je vous ai déjà dit, je vous ai dit donc de quelle
15 direction ils venaient. Je les ai vus entrer et sortir des maisons. Cela
16 fait 100 fois que je vous le dis.
17 Q. C'est vrai. Vous répondez toujours la même chose mais vous ne répondez
18 pas aux questions que je vous pose, c'est cela le problème. Donc si je vous
19 ai bien compris, devant votre ferme il n'y avait qu'une seule route, il y
20 avait aussi une route qui va en direction de Velika Krusa et d'autres qui
21 va en direction de la maison de Jemini Agim. Puis, l'école est plus loin, à
22 plusieurs kilomètres de là. Moi, j'essaie de vous demander où est-ce que
23 vous avez aperçu la police pour la première fois, mais vous, vous répondez
24 toujours que c'était à côté de l'école. Mais bon. On va plus en parler.
25 Pour vous, c'est quoi un fusil d'assaut ?
26 R. Est-ce que je peux dire quelque chose ? Est-ce que je peux répondre à
27 ce monsieur ? Parce que je pense qu'il ne me comprend pas très bien. Ou
28 peut-être qu'il souhaite pas me comprendre.
Page 3500
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, allez-y.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] La police n'a pas pris la route, comme vous le
3 dites. Ils allaient de maison à maison, ils mettaient le feu dans la
4 maison, ils les tuaient dans les maisons, dans leurs propres maisons. Pas
5 dans les rues. Ils ne sont pas allés en direction de la maison d'Agim ou
6 bien d'une autre maison que vous avez mentionnée. Je les ai pas vus se
7 diriger dans cette direction-là. Ils allaient de maison en maison, ils
8 faisaient tout ce qu'ils voulaient dans ces maisons. C'est de cela que je
9 parlais.
10 M. DJURDJIC : [interprétation]
11 Q. Merci. C'est vrai que vous l'avez dit, mais maintenant, on parle du
12 moment où ils arrivent dans votre maison, chez vous. Je n'ai pas des
13 intentions cachées, je voudrais tout simplement vous demander de
14 m'expliquer un certain nombre de choses. A partir du moment où ils sont
15 arrivés chez vous, vous les avez vus où exactement ? Ils se trouvaient où,
16 la première fois que vous les apercevez ?
17 R. Je vous l'ai déjà dit, mais je vais essayer de vous l'expliquer à
18 nouveau. Donc il y avait une maison qui était près de la maison des Zeqiri.
19 C'était une maison qui était encore en construction. C'est là que se
20 trouvait la police. On ne les a pas vus. C'est depuis cet endroit qu'ils
21 ont tiré sur mon frère parce qu'il s'était levé. Il a été touché par une
22 balle et il est mort sur place. C'est là que j'ai quitté la maison. J'ai vu
23 de mes propres yeux un groupe de cinq personnes. L'infanterie est arrivée
24 là où se trouvait ma famille et la famille Zeqiri, et ils les ont
25 massacrés.
26 Q. Merci. C'est quoi un fusil d'assaut pour vous ?
27 R. Je ne sais pas, parce que je n'étais pas avec eux pour voir exactement
28 le type d'armes qu'ils avaient. Ce qu'on essayait de faire c'était de
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1 partir nous cacher. C'est eux qui savaient quelles étaient les armes qu'ils
2 portaient.
3 Q. Merci. Je vous ai posé la question parce que dans le paragraphe 5,
4 l'avant-dernière phrase, on parle de fusils d'assaut, donc j'ai voulu vous
5 demander quelle était cette arme, ce fusil d'assaut. Mais bon. Est-ce que
6 vous pouvez nous dire, donc les policiers qui sont arrivés chez vous dans
7 votre ferme, quels étaient les uniformes qu'ils portaient ?
8 R. Ils se trouvaient dans des groupes différents. Ils étaient vêtus
9 d'uniformes bleus. Il y en avait qui avaient des rubans blancs et d'autres
10 qui avaient des rubans rouges. Je ne sais pas ce que je pourrais vous dire
11 de plus parce que je n'étais pas avec eux, je ne pourrais pas les décrire
12 en détail. Je vous parle des choses que j'ai vues.
13 Q. Merci. Dans le paragraphe 6, vous dites :
14 "Tout d'un coup, il y a eu trois rafales de tirées depuis les armes
15 automatiques en direction de notre ferme. J'ai vu que Bajram était touché
16 au niveau de l'estomac et il est mort sur-le-champ."
17 Pourriez-vous nous dire où il se trouvait au moment où cela s'est produit,
18 ce que vous décrivez dans le paragraphe 6 ?
19 R. Oui. On se trouvait à une distance de 5 mètres. Moi, j'étais dans la
20 cour au moment où il a été tué.
21 Q. Lui, il se trouvait où ?
22 R. Je pense que je vous l'ai déjà dit, il était tout près de moi.
23 Q. Merci. Est-ce que cela veut dire qu'il était dans la cour, lui aussi ?
24 R. Oui, dans la cour de Faik, c'est là que se trouvait la famille Zeqiri,
25 et toute ma famille. On était tous là.
26 Q. Merci. Est-ce que vous avez vu des gens qui ont ouvert le feu ?
27 R. Après que Bajram a été tué, j'ai dit que je suis parti après cela, que
28 j'ai pu les voir donc en train de descendre. C'est à ce moment-là que les
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1 soldats d'infanterie sont entrés. Je n'arrive même pas à imaginer comment
2 ils ont pu faire cela, comment ils ont pu faire ces choses horribles, même
3 aux petits enfants, aux habitants du Kosovo ? Le monde entier était choqué
4 par ce qu'ils ont fait.
5 Q. Monsieur Salihi, lorsque vous étiez dans la cour, avez-vous vu la
6 provenance des tirs ? Vous m'avez plutôt dit ce qui s'était passé après
7 cela, ce n'était pas à quoi portait ma question.
8 R. Si je ne me trompe, j'ai dit qu'ils sortaient de la maison. J'ai dit
9 que Miftar Zeqiri avait cette maison qui n'était pas encore finie. Ils ont
10 quitté la maison depuis laquelle ils ont tiré, et ils sont venus dans la
11 cour où se trouvait mon frère avec ses enfants ainsi que la famille Zeqiri.
12 Q. Par rapport au portail de votre propriété familiale et le portail de la
13 propriété familiale de la famille Zeqiri, il y a combien de mètres ?
14 Pouvez-vous me dire quelle est la distance entre ces deux portails ?
15 R. Il y a une haie qui nous sépare, sinon nos maisons se trouvent l'une à
16 côté de l'autre.
17 Q. C'est pour cela que je vous demande quelle est la distance qui sépare
18 le portail de votre propriété du portail de la propriété de la famille
19 Zeqiri parce que justement il y a cette haie ?
20 R. La maison de mon frère, où nous sommes allés à l'époque, se trouve à
21 côté de la maison de Miftar Zeqiri. Cela veut dire qu'ils sont les premiers
22 voisins et c'est pour cela qu'ils sont venus chez nous tous.
23 Q. Merci. Mais vous n'avez pas répondu à la question quelle est la
24 distance qui sépare le portail de votre propriété et le portail de la
25 propriété de la famille Zeqiri.
26 R. Il n'y a qu'une haie qui nous sépare. Ces deux portails ne sont pas
27 très loin l'un de l'autre; et puisque ces deux portails ne sont pas très
28 loin l'un de l'autre, ils sont venus dans notre cour pour être avec nous.
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1 Q. Merci. Mais c'était beaucoup de temps avant les tirs et avant le moment
2 où votre frère a été touché. Ai-je raison pour dire cela ?
3 R. C'était à 15 heures 30.
4 Q. Bien. Est-ce que j'ai bien compris qu'à ce moment-là la famille Zeqiri
5 était dans votre cour ?
6 R. Mais les cours sont l'une à côté de l'autre.
7 Q. Monsieur, tout à l'heure vous nous avez dit que la famille Zeqiri est
8 venue pour se cacher chez vous et que la famille Zeqiri était dans votre
9 cour. Est-ce que la famille Zeqiri était dans votre cour au moment où votre
10 frère a été touché par balle ?
11 R. Je pense que je vous ai déjà dit qu'ils sont les premiers voisins.
12 Notre propriété se trouve ici et la leur là-bas, et c'est là-bas où ils
13 restaient.
14 Q. Votre réponse devrait être oui ou non. Est-ce que la famille Zeqiri se
15 trouvait dans la cour de votre propriété au moment où votre frère a été
16 touché par balle ?
17 R. Entre ces deux propriétés familiales il y a une haie et ils étaient des
18 deux côtés de la haie. Ils étaient tous ensemble, rassemblés des deux côtés
19 de la haie.
20 Q. Vous voulez dire qu'une partie de la famille Zeqiri se trouvait dans
21 votre cour ?
22 R. Non, je n'ai pas dit cela. Les deux familles étaient là-bas. Les
23 enfants étaient là-bas, ensemble.
24 Q. Où "là-bas" ? Dites-le-moi.
25 R. Dans la cour de mon frère, qui se trouve à côté de la maison et de la
26 cour de la famille Zeqiri.
27 Q. Merci. A quelle distance se trouvaient votre frère et d'autres membres
28 de votre famille par rapport à vous et à votre frère Bajram au moment où,
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1 lui, il a été touché par balle ?
2 R. Ils se trouvaient tous dans un groupe, tous ensemble.
3 Q. Merci. A quelle distance vous trouviez-vous par rapport à eux -- par
4 rapport à ce groupe ?
5 R. Je pense que je vous ai déjà dit que je me trouvais à cinq mètres par
6 rapport à lui, peut-être même pas à cinq mètres.
7 Q. Merci. Vous dites qu'après les tirs vous avez fui dans la propriété de
8 Miftar Zeqiri, pourquoi ?
9 R. Je n'ai pas dit cela. Si je m'étais rendu dans la maison de Zeqiri, je
10 serais mort, moi aussi.
11 Q. Je devrais vous lire le paragraphe 6 de votre déclaration.
12 "J'ai vu que Bajram a été touché à l'abdomen et tué sur place. Faik et sa
13 famille était resté dans notre propriété avec la famille Zeqiri, je suis
14 allé chez mes voisins jusqu'à la propriété familiale de Zeqiri."
15 R. Il s'agit d'une erreur là.
16 Q. Merci. Ensuite vous dites, je cite :
17 "J'ai trouvé un trou dans lequel je me suis caché, ce trou était profond de
18 trois pieds (90 centimètres)"
19 R. Oui, je n'ai pas mesuré la profondeur de ce trou, mais c'était à peu
20 près la profondeur du trou.
21 Q. Où se trouve le trou dans lequel vous vous êtes caché ?
22 R. Cela se trouve au-dessus des maisons.
23 Q. Des maisons de qui ?
24 R. De toutes nos maisons ainsi que des maisons de nos voisins, au-dessus
25 de la maison de Miftar Zeqiri.
26 Q. Donc cela veut dire que vous étiez à l'extérieur de votre propriété
27 familiale ainsi que la propriété familiale de la famille Zeqiri, vous étiez
28 dans cette troupe, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui. Je pense que je vous ai dit que quand mon frère avait été tué, je
2 fuyais, puisque qu'ils se dirigeaient vers nous. C'est pour cela que j'ai
3 fui. Après ils sont entrés et ont fait ce que j'ai déjà dit à plusieurs
4 reprises.
5 Q. Après cela, où avez-vous fui ?
6 R. Je suis resté dans le trou jusqu'à ce que la nuit soit tombée, après
7 quoi je suis parti, une fois la nuit tombée, pour essayer de retrouver ma
8 famille dans la montagne. C'est là-bas où je les ai retrouvés.
9 Q. Vous êtes agriculteur qui se rendait dans de grandes villes pour vendre
10 ses produits de la ferme, donc je vous ai posé une question pour savoir où
11 se trouvait le trou dans lequel vous vous êtes caché. Je pense que vous
12 avez bien compris cette question, Monsieur Sahili ?
13 R. Où je me suis caché ?
14 Q. Où se trouve le trou dans lequel vous vous êtes caché au moment où
15 votre frère a été touché par balle ?
16 R. Je vous ai dis que j'avais fui. Là-bas il y a une tente derrière nos
17 maisons, derrière ce quartier et c'est là-bas où je me suis caché de
18 l'autre côté de la colline.
19 Q. Mais nous de savons pas où se trouve ce trou. Dites-nous : c'est où
20 derrière vos maisons, où se trouve cette pente, ce versant de la montagne,
21 par où vous êtes passé ?
22 R. Je ne sais pas. Pourquoi vous me posez des questions comme cela pour
23 savoir un détail où je me suis caché, et cetera ? Mais les gens ont été
24 tués là-bas et vous ne posez pas de questions pour ce qui est de ces gens.
25 Q. Merci. Aviez-vous des armes ?
26 R. Non. Si j'avais eu une arme, j'aurais peut-être pu sauver la vie de
27 quelqu'un.
28 Q. La famille Zeqiri, avait-elle des armes ?
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1 R. Je ne sais pas. Je peux vous dire seulement ce que je sais pour ce qui
2 est de moi-même. Je ne connais que ce que j'ai fait moi-même et c'est pour
3 cela que je suis ici pour répondre à de telles questions.
4 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas à combien de reprises je dois
6 vous dire la chose suivante. Si nous avions eu une arme, nous ne serions
7 pas restés chez nous.
8 M. DJURDJIC : [interprétation]
9 Q. Il semble que je doive répéter ma question. Est-ce que Faik avait une
10 arme ?
11 R. Je ne sais pas s'il avait une arme.
12 Q. Merci. Dites-moi si vous connaissez la langue serbe, si vous parlez la
13 langue serbe et si vous pouviez parler la langue serbe à l'époque.
14 R. Je peux comprendre la langue serbe.
15 Q. Paragraphe 6 de votre déclaration, vous dites que vous aviez entendu
16 quelqu'un crier : "Tirez, il y a des terroristes par ici."
17 Est-ce que c'est vrai ?
18 R. Oui, j'ai entendu cela clairement et distinctement. Tout le monde était
19 terroriste pour eux, les enfants, tout le Kosovo.
20 Q. Où se trouvaient-ils, les terroristes ?
21 R. Je ne sais pas.
22 Q. Dites-moi : ce que cela veut dire, "des terroristes," pour
23 vous ?
24 R. Je ne sais pas. Nous avons tout simplement entendu ce terme.
25 Q. Merci. Vous dites qu'à un moment donné dans la soirée, vous êtes arrivé
26 à l'endroit où votre famille était et, au paragraphe 7 de votre
27 déclaration, vous dites que le lendemain un groupe de 40 policiers est
28 arrivé dans les bois. Les avez-vous vus, ces
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1 policiers ?
2 R. Pensez-vous à la date du 28 mars, quand nous devions quitter la
3 montagne ?
4 Q. Je pensais à la première matinée après que vous avez quitté le trou
5 pour vous rendre dans les bois, le lendemain matin. Selon vos calculs, cela
6 devait être --
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, je m'excuse, il faut que je vous
8 interrompe. Le témoin a dit qu'il était resté là-bas pendant trois jours et
9 que le lendemain matin --
10 M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, vous avez raison. Je pense à cette
11 matinée-là, donc après avoir été deux ou trois jours dans les bois.
12 Q. Je pense au jour où les policiers sont arrivés, je pense à ce matin.
13 R. Vous voyez que personne n'est à l'abri de l'erreur. A quelle date avez-
14 vous fait référence là ?
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 28 mars, c'est la bonne réponse.
16 M. DJURDJIC : [interprétation] C'est exact.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, lorsqu'ils nous ont forcés de quitter
18 l'endroit. Il y avait beaucoup de groupes là-bas, plus de policiers que de
19 civils. Savoir s'ils étaient 40 ou plus, je ne le sais pas.
20 M. DJURDJIC : [interprétation]
21 Q. Paragraphe 7, vous dites que 40 policiers étaient arrivés. C'est pour
22 cela que j'ai voulu vous demander de quelle direction ils étaient arrivés,
23 si vous les avez vus arriver ?
24 R. Ils tiraient du sommet du mont et nous les avons vus quand nous étions
25 dans la prairie. Nous ne pouvions pas voir la direction depuis laquelle ils
26 sont arrivés.
27 Q. Etiez-vous dans les bois ou dans le pré ?
28 R. J'étais dans les bois, mais le lendemain matin quand ils nous ont
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1 forcés de partir, nous nous sommes réunis dans un pré.
2 Q. Dites-moi s'il est vrai qu'il y avait 40 policiers là-bas ?
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ici, il est dit plus de 40 policiers.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne les avons pas comptés, parce que nous
5 avons vu des milliers de policiers plus tard.
6 M. DJURDJIC : [interprétation]
7 Q. Ce sont les chiffres qui figurent dans votre déclaration. Ici il est
8 dit qu'il y avait à peu près 10 000 personnes. Est-ce que c'est votre
9 estimation approximative ? Ou de quelqu'un d'autre ? Dites-nous de quoi il
10 s'agit ici ?
11 R. Il y avait beaucoup de civils là-bas. C'est parce que toute la
12 population s'est arrêtée là-bas. Les gens de mon village étaient là-bas. Il
13 y avait beaucoup de gens là-bas. Peut-être que ce chiffre de 10 000 n'est
14 pas exact, peut-être qu'il y en avait 8 000, peut-être plus, mais en tout
15 cas il y en avait beaucoup.
16 Q. Merci. Je vais revenir un peu en arrière pour poser la question
17 suivante. Lorsque vous avez dit que quelqu'un avait dit qu'il y avait des
18 terroristes par là-bas, est-ce que vous avez dit qu'il y avait des coups de
19 feu et que cela a duré 15 minutes ? Est-ce que c'est vrai ?
20 R. Je ne sais pas maintenant de quel événement ou de quel endroit vous
21 parlez.
22 Q. Je suis revenu à la période où les policiers sont arrivés et où
23 quelqu'un a dit : "Tirez, il y a des terroristes par ici."
24 Ensuite vous dites qu'il y avait des coups de feu qui ont duré 15 minutes ?
25 R. Quand ils ont tué les membres de ma famille ainsi que les membres de la
26 famille de mon frère. C'est là où j'ai entendu cela au moment où les forces
27 d'infanterie sont arrivées. Ils sont entrés dans la cour et ils les ont
28 tués sur place.
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1 Q. [aucune interprétation]
2 R. Non, j'ai seulement entendu cela, mais je les ai vus partir, descendre
3 la pente de la colline.
4 Q. Merci. Pouvez-vous me dire ce que l'UCK veut dire; le savez-vous ?
5 R. A vrai dire, cela ne m'intéressait pas. Cela ne m'importait pas de
6 savoir qui est qui. Dans ma déclaration, vous pouvez trouver ce que j'ai
7 dit pour ce qui est de ces forces et de ce que ces forces ont fait à la
8 population civile.
9 Q. C'est vrai. Mais je vous ai demandé si vous pouviez me dire ce que
10 l'UCK est.
11 R. Je ne peux pas vous répondre, parce que je n'en sais rien et tout
12 simplement je ne peux pas répondre à cette question.
13 Q. Il ne faut pas que vous compreniez cela comme une provocation. Je vous
14 pose cette question, parce que dans votre déclaration au paragraphe 12 il
15 est écrit et je cite : "Puisque toute ma vie je vivais au village de
16 Celine, je peux dire que dans mon village il n'y avait jamais de membres de
17 l'UCK."
18 C'est pour cela que je vous pose cette question : savez-vous ce que
19 l'UCK représente ou OVK en serbe ?
20 R. J'ai dit qu'au village de Celine il n'y avait pas de l'UCK. Pour vous
21 dire ce que cela veut dire, je ne peux pas vous dire parce que je ne me
22 suis jamais intéressé à le savoir.
23 Q. Est-ce que jamais avant d'avoir fait cette déclaration vous avez
24 entendu parler de l'UCK ?
25 R. Oui, j'ai entendu parler de l'UCK ou de l'OVK, en serbe, mais je ne
26 m'intéressais pas à savoir ce que cela voulait dire et qui représentait
27 l'UCK.
28 Q. Bien. Je vais accepter cela. Mais comment savez-vous qu'aucun des
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1 villageois n'était membre de l'UCK, et qu'en fait il n'y avait pas de
2 membres de l'UCK à votre village ?
3 R. Je le sais parce que je n'ai vu personne partir du village.
4 Q. Merci. Donc cela veut dire que si quelqu'un était dans le village, il
5 ne devait pas partir et cela ne voulait pas dire qu'il n'était pas membre
6 de l'UCK ?
7 R. Je ne les ai pas vus.
8 Q. Merci. Au paragraphe 7 de votre déclaration, vous dites que la police
9 vous a fouillé lorsque vous étiez dans les bois, au moment où les policiers
10 étaient arrivés dans les bois; est-ce vrai ?
11 R. Oui, c'est vrai. Lorsque nous avons quitté les bois -- lorsqu'ils nous
12 ont forcés de partir des bois, ils ont séparé les hommes des enfants et des
13 parents [phon]. C'est ensuite qu'ils ont divisé les hommes en trois
14 groupes. Ils ont demandé, ils nous ont demandé nos cartes d'identité, ils
15 ont collecté tout cela, ils ont pris notre argent. Ils n'ont pas voulu des
16 dinars serbes. Ils ont voulu seulement des marks allemands, et tout ce que
17 nous avions sur nous, nous devions leur donner, et ils ont collecté tout
18 cela. Ils ont tué un jeune homme, Agim Ramadani.
19 Q. Merci. Ma question était de savoir si la police vous a fouillés ? Ai-je
20 raison pour dire cela ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que la police a trouvé quoi que ce soit sur vous lors de ces
23 fouilles ?
24 R. Non.
25 Q. Merci. Dans votre déclaration, plus loin, il est écrit, je cite : "Ils
26 m'ont fouillé. Après quoi, ils m'ont ordonné de leur donner 50 marks
27 allemands." Est-ce vrai ?
28 R. C'est vrai. Absolument vrai. Tout simplement, nous avons jeté notre
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1 argent à leurs pieds parce qu'ils avaient des armes, des couteaux. Donc
2 tous les civils ont jeté cela devant leurs pieds, tout ce qu'ils avaient
3 sur eux.
4 Q. Merci. Vous avez dit qu'après, que vous aviez sur vous
5 5 000 marks allemands et que ce matin-là vous êtes allé dans les champs et
6 vous dites maintenant que vous étiez dans votre cour et que vous aviez sur
7 vous 5 000 marks allemands. C'est vrai ?
8 R. Ecoutez-moi bien. J'aimerais que vous me compreniez bien. Nous nous
9 sommes réveillés dans la matinée, nous devions nous sauver, sauver nos
10 vies. Ce matin-là, nous ne pouvions pas aller dans nos champs pour les
11 labourer comme on faisait habituellement.
12 Q. Merci.
13 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le
14 moment est peut-être venu de faire la pause technique.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, Maître
16 Djurdjic. Je pensais que vous veniez de dire que vous n'aviez plus qu'une
17 question à poser. Mais bon. Visiblement, je ne vous ai pas très bien
18 compris.
19 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je serai
20 effectivement très, très bref. Je n'ai pas beaucoup de questions à poser,
21 mais il y avait cette question que j'avais oubliée. Il a fallu que je
22 revienne là-dessus. Mais de toute façon, cela ne va pas durer très, très
23 longtemps. J'arrive bientôt au terme du contre-interrogatoire.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause et
25 nous reprendrons à 15 heures 15.
26 --- L'audience est suspendue à 14 heures 46.
27 [Le témoin quitte la barre]
28 --- L'audience est reprise à 15 heures 23.
Page 3513
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je m'excuse. J'ai quelques minutes de
2 retard qui sont expliquées par un autre problème.
3 [Le témoin vient à la barre]
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.
5 M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 Q. Monsieur Salihi, ai-je raison d'avancer que vous n'étiez pas témoin
7 oculaire du moment où votre fille a remis 6 000 marks allemands et vous
8 n'avez pas non plus été témoin oculaire du moment où la police a pris son
9 collier en or ?
10 R. Ils ont été arrêtés à Krusha e Vogel. Ils ont été rués de coups là-bas
11 et ma fille m'a dit qu'ils lui avaient pris son argent ainsi que son
12 collier en or -- sa chaîne en or, plutôt.
13 Q. Merci. Donc j'ai raison lorsque je dis que vous n'étiez pas témoin
14 oculaire de cet événement ?
15 R. Non, non. C'est ma fille qui m'a décrit cela.
16 Q. Merci. Est-ce que vous connaissez Agim Ramadani ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire qui était Agim
19 Ramadani ?
20 R. C'était un jeune homme qui avait environ 17 ou 18 ans.
21 Q. D'où était-il ?
22 R. De Celine.
23 Q. Est-ce qu'il vivait à Celine ?
24 R. Oui, il vivait chez lui.
25 Q. Est-ce que vous savez où se trouve son domicile ?
26 R. Oui, je le sais.
27 Q. Mais vous, personnellement, est-ce que vous connaissiez Agim Ramadani ?
28 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que vous étiez un ami de sa famille ?
2 R. Non, non. C'était juste un autre villageois du village.
3 Q. Merci. Est-ce que vous savez ce qu'il a fait ?
4 R. Son père est agriculteur, c'est un fermier également.
5 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que portait Agim Ramadani
6 lorsque les forces de police sont venues dans la
7 forêt ?
8 R. Je pense qu'il avait des vêtements courants, normaux, enfin, de tous
9 les jours, comme tout le monde.
10 Q. Est-ce que vous l'avez vu avant l'arrivée de la police ?
11 R. Oui, lorsque nous sommes partis de la montagne je l'ai vu, nous étions
12 ensemble. On nous a demandé de nous aligner et il était assez près de moi.
13 Q. Merci. A quelle distance vous trouviez-vous de lui ?
14 R. A une vingtaine de mètres.
15 Q. Merci. Alors est-ce que j'ai bien compris, les policiers, en fait, l'on
16 fait sortir du rang et l'on amené quelque part; c'est cela ?
17 R. Oui, ils l'ont fait sortir du rang. A une trentaine de mètres, ils
18 l'ont amené à une trentaine de mètres, puis ils l'ont roué de coups.
19 Q. Merci. Est-ce que vous les avez vus le fouiller ? Est-ce qu'il y a eu
20 une fouille corporelle dans son cas ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce qu'ils ont trouvé quelque chose sur lui près de cette fouille ?
23 R. Non. Ils n'ont absolument rien trouvé sur personne.
24 Q. Merci. Vous dites que la police vous a séparé en deux groupes. Alors
25 nous n'allons pas parler du nombre de personnes en question, mais vous nous
26 avez dit qu'il y avait de nombreux camions qui sont arrivés pour vous
27 transporter à ce moment-là; c'est cela ?
28 R. Oui, c'est exact. Ils nous ont gardés près de la route toute la
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1 journée.
2 Q. Est-ce que vous aviez des membres de votre famille avec vous ?
3 R. Oui. Mon fils, qui avait 13 ans à l'époque. Mon fils se trouvait avec
4 moi.
5 Q. Dites-moi, je vous prie : le reste de votre famille se trouve dans un
6 autre groupe; c'est cela ?
7 R. Toutes les femmes ont été séparées. En fait, elles n'étaient pas avec
8 nous. Nous ne savions pas où elles avaient été envoyées, mais par la suite,
9 nous avons entendu dire qu'elles se trouvaient à Krusha e Vogel. Voilà pour
10 ce qui était du reste de ma famille, voilà ce qu'il est advenu aux femmes.
11 Q. Merci. Est-ce que votre fils s'appelle Arben ?
12 R. Oui.
13 Q. Alors peut-être que vous savez en quelle année il est né ?
14 R. Je ne sais pas exactement. Il a 20 ans ou 21 ans. Peut-être qu'il a 22
15 ans, en fait. Je ne peux pas véritablement vous le dire, je m'en excuse.
16 Q. Merci. Je vous pose cette question parce que, dans votre déclaration,
17 il semble être indiqué que les femmes et les enfants ont été séparés des
18 hommes.
19 R. Oui. Lorsqu'on nous a fait descendre de la montagne, nous avons été
20 séparés. Nous ne savions pas où ils avaient envoyé les femmes et les
21 enfants. Nous l'avons appris par la suite cela.
22 Q. Merci. Pourtant, dans la déclaration, il est dit qu'à l'époque, Arben
23 avait 15 ans.
24 R. Peut-être que je l'ai dit, mais je n'en suis pas sûr. Il avait peut-
25 être 14 ans alors.
26 Q. Merci. Si je vous dis que vous avez vu, dans un article de journal, en
27 Albanie, que des membres de la famille Faik et de la famille Zeqiri avaient
28 été tués; ai-je raison d'avancer cela ? C'est là que vous l'avez vu dans ce
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1 journal ?
2 R. Non, cela je le savais. Je le savais au moment où ils ont été tués. Je
3 le savais sur le champ. Ceci étant, effectivement, les journaux ont relaté
4 cet incident.
5 Q. Dans votre déclaration, au paragraphe 11, vous indiquez que vous aviez
6 peur que quelque chose d'horrible leur soit arrivé. Pourtant vous aviez vu
7 ces articles de la presse écrite, donc c'est légèrement différent de ce que
8 vous dites maintenant, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, mais je ne peux pas lire les articles de presse.
10 Q. Je sais cela, mais c'est ce qui est écrit dans votre déclaration. Il
11 n'est pas dit que vous avez lu les articles de presse, mais que vous les
12 avez vus. Mais passons à autre chose.
13 Est-ce que vous connaissez le nom d'Ekrem Rexha ?
14 R. Non.
15 Q. Merci. Est-ce que vous savez où se trouve le lit de la rivière Hoca ?
16 R. Vous parlez de Hoqe e Vogel ?
17 Q. Est-ce que votre famille se trouvait là lorsqu'elle est partie du
18 village ?
19 R. Ma famille, elle est allée à Pisjak. Je n'ai jamais dit qu'elle était
20 allée du côté de la rivière Hoqe.
21 Q. Oui, c'est exact. En fait je vous demande s'ils sont allés dans le lit
22 de la rivière Hoca.
23 R. Je ne comprends pas ce que vous dites. De quel Hoqe parlez-vous ? Dans
24 ce sens, ça n'existe pas Hoqe. Mes enfants ont été envoyés à Krusha e
25 Vogel, on les a mis dans des camions et ils ont été envoyés en Albanie.
26 Q. Je ne parle pas de cela, Monsieur Salihi. Je vous parle du moment où
27 votre famille a quitté le village à la veille de l'arrivée des forces
28 serbes. Ils sont allés vers la rivière Hoca, à Hocanska Reka et vous y êtes
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1 allé également et vous nous avez dit que les forces serbes vous avaient
2 dit, à la fin des combats à Celine, que vous pouviez retourner dans votre
3 village.
4 R. C'est une erreur. Je ne sais pas où vous avez lu cela, mais en tout cas
5 ce n'est pas vrai.
6 Q. Merci. Mais si je vous dis que dans le village de Celine, les membres
7 de l'UCK avaient construit des fortifications assez puissantes à l'orée du
8 village justement, et ce en face de Bela Crkva, et si je vous disais que le
9 matin du 25 mars, ils ont opposé une résistance farouche aux forces serbes,
10 que me diriez-vous ?
11 R. Je ne suis absolument pas renseigné sur la question. Donc les personnes
12 qui sont au courant pourraient peut-être répondre à votre question.
13 Q. Merci. Si je vous dis que vous êtes parti de Celine à 10 heures du
14 matin, vous avez quitté Celine ainsi; est-ce que c'est exact ?
15 R. Je pense que je vous ai dit que j'étais resté chez moi dans la cour de
16 mon frère jusqu'à 15 heures 30, jusqu'au moment donc où mon frère a été
17 tué.
18 Q. Merci.
19 M. DJURDJIC : [interprétation] Je souhaiterais demander que l'on affiche un
20 document de la Défense D002-5628.
21 Q. Monsieur Salihi, il s'agit de votre déclaration du 23 juillet
22 2001 et dans cette déclaration, au paragraphe 4, vous dites ce qui suit :
23 "Ma famille et moi-même sommes retournés à Celine quelque trois mois après
24 que nous en étions partis. La maison avait été complètement pillée et elle
25 était complètement vide. Par la suite j'ai pu déterminer que huit membres
26 de ma famille avaient été tués lors des événements du 25 mars 1999."
27 Mais vous n'avez jamais mentionné que votre maison avait été incendiée ?
28 R. Mais écoutez, si une maison était complètement incendiée et qu'il n'en
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1 reste plus rien, qu'est-ce que je peux dire, qu'elle existe encore ?
2 Q. Non, certainement pas, mais je suppose que cela vous le saviez le 23
3 juillet 2001 ?
4 R. La maison avait été complètement détruite. Enfin elle avait été plus
5 qu'incendiée. Complètement brûlée.
6 Q. Merci. Merci, Monsieur Salihi. Je n'ai plus de questions à vous poser.
7 M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, et
8 j'en ai terminé avec ce contre-interrogatoire.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djurdjic.
10 Madame D'Ascoli, est-ce que vous avez des questions supplémentaires à poser
11 ?
12 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai quelques
13 questions à poser.
14 Nouvel interrogatoire par Mme D'Ascoli :
15 Q. [interprétation] Monsieur Salihi, mon estimé confrère vous a demandé,
16 au début de son contre-interrogatoire -- vous a posé des questions à propos
17 des tombes des membres de votre famille et du fait que les membres de votre
18 famille avaient été enterrés et inhumés dans la cour de votre propriété
19 familiale et il vous a également posé des questions à propos des
20 exhumations effectuées par une équipe internationale. Alors j'aimerais vous
21 poser quelques questions à ce sujet.
22 Est-ce que vous vous souvenez de quel type de tombes il s'agissait ? Je
23 pense aux tombes qui se trouvaient dans votre jardin, là où les membres de
24 votre famille ont été trouvés lorsque vous êtes revenu à Celine; vous
25 comprenez ?
26 R. Oui, je comprends. Ils avaient été tués là-bas, ensuite ils avaient été
27 enterrés dans une tombe très superficielle. En quelque sorte, ils avaient
28 tout simplement été recouverts de terre et c'est ce que nous avons
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1 découvert en fait lorsque nous sommes rentrés.
2 Q. Est-ce que vous étiez présent lorsque l'équipe internationale a exhumé
3 les corps des membres de votre famille ?
4 R. J'étais présent moi-même. D'ailleurs j'ai donné les noms des membres de
5 ma famille.
6 Q. D'après ce que je crois comprendre, vous avez été convoqué pour
7 l'identification de ces corps, n'est-ce pas ?
8 R. Oui. Il y avait cette équipe étrangère qui a exhumé les corps. Nous,
9 nous n'avons eu le droit de ne rien faire avec ces corps.
10 Q. Alors je vais passer à autre chose, parce que mon estimé confrère vous
11 a également posé des questions à propos des gens avec qui vous étiez dans
12 la forêt lorsque vous vous êtes caché pendant deux jours. Il vous a
13 également posé des questions à propos des villages qu'avaient fuis ces
14 personnes. Lorsque vous vous trouviez là-bas, est-ce que vous avez pu
15 parler à ces personnes que vous avez rencontrées dans la forêt ?
16 R. Oui, avec les gens de mon village.
17 Q. Avec les gens d'autres villages ?
18 R. Non. Ceux d'autres villages se trouvaient plus loin. Il s'agissait
19 d'une grande surface de 4 ou 5 hectares où se trouvaient beaucoup de gens.
20 Q. Vous étiez tous rassemblés ensemble là-bas et vous pouviez voir les
21 uns, les autres ?
22 R. Oui, toute la population était rassemblée là-bas et restait là-bas
23 pendant trois jours.
24 Q. Comment saviez-vous de quels villages provenaient ces
25 gens ?
26 R. Oui, comme j'ai déjà dit, il y avait des gens dont les membres de
27 famille habitaient ce village, donc ils ont fui leurs villages respectifs
28 pour rejoindre les autres membres de leurs familles.
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1 Q. Vous avez mentionné la montagne Pisjak. Est-ce que c'est la forêt que
2 vous avez mentionnée et dans laquelle vous, ainsi que les membres de votre
3 famille et d'autres gens, étiez rassemblés ?
4 R. Oui, pendant trois jours.
5 Q. Vous l'appelez Pisjak cet endroit-là, n'est-ce pas, ou le mont Pisjak ?
6 R. Oui.
7 Q. Monsieur Salihi, vous avez dit que vous avez fait votre service
8 militaire; est-ce vrai ?
9 R. Oui.
10 Q. Pouvez-vous donc distinguer les uniformes portés par les membres de
11 l'armée des uniformes portés par les membres de la
12 police ?
13 R. La police portait des uniformes de couleur bleue. C'est ce que j'ai
14 déjà décrit. Il y avait des forces militaires, mais les militaires
15 portaient les uniformes différents par rapport à la police. Ils portaient
16 des uniformes qui étaient de couleur verte comme l'herbe.
17 Q. Par conséquent, j'ai raison pour dire que vous êtes en mesure de
18 distinguer ces différents types d'uniformes ?
19 R. Oui, je suis en mesure de distinguer les membres de la police des
20 membres de l'armée.
21 Q. En répondant à des questions de mon éminent collègue, vous avez
22 également dit que vous aviez vu des différents groupes des forces serbes à
23 Celine et que ces membres portaient des uniformes différents. Est-ce que
24 j'ai bien compris cette partie de votre témoignage, à savoir que vous avez
25 dit qu'il y avait des forces qui portaient des uniformes noirs et des
26 uniformes bleus ?
27 R. Il est vrai qu'il y avait des groupes différents de gens portant des
28 uniformes différents de couleurs différentes.
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1 Q. Alors avez-vous vu des uniformes de couleur noire, bleue, ainsi que
2 d'autres types d'uniformes ?
3 R. Les uniformes que j'ai décrits sont les uniformes que j'ai vus et je ne
4 pouvais pas vraiment regarder de près tout cela, parce que nous n'osions
5 regarder autour. Nous étions encerclés.
6 Q. J'ai compris cela. Mais dans votre témoignage, vous avez d'abord
7 mentionné les uniformes noirs et ensuite bleus. Par exemple, à la page 3,
8 paragraphe 4, dans votre déclaration, vous avez décrit les policiers qui
9 étaient arrivés dans les bois et vous avez dit que ces policiers portaient
10 des uniformes de camouflages bleus. C'est vrai que vous avez vu tous ces
11 différents types de couleurs d'uniformes ?
12 R. C'est vrai. Nous étions sous leur contrôle là-bas et ceux d'entre eux
13 qui étaient plus près de nous, nous pouvions les voir.
14 Q. Merci. Je ne poserai plus de question à ce sujet.
15 Avez-vous vu le meurtre d'Agim Ramadani de vos propres yeux ?
16 R. Oui. J'ai vu cela de mes propres yeux, parce qu'il se trouvait très
17 près de l'endroit où j'étais.
18 Q. Avez-vous vu qui l'a tué ?
19 R. La police.
20 Q. Voilà ma dernière question : mon éminent collègue vous a posé la
21 question concernant l'endroit. Vous vous êtes caché après le meurtre de
22 votre frère, ainsi que d'autres membres de votre famille, et c'était un
23 trou dans lequel vous êtes resté jusqu'à la tombée de la nuit avant d'être
24 reparti dans les bois. Est-ce que cet endroit se trouve à la proximité de
25 la propriété familiale de Zeqiri ? Vous pouvez vous souvenir de cela ?
26 R. Oui, cet endroit est près de leur propriété, de la propriété de mon
27 frère et non pas de la propriété de la famille Zeqiri. C'est une colline
28 qui se trouve derrière les maisons, derrière nos maisons et ainsi que les
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1 maisons de nos voisins. C'est là-bas dans ce trou où je me suis caché.
2 Q. Merci.
3 Mme D'ASCOLI : [interprétation] Cela m'amène à la fin de mes questions
4 supplémentaires, Monsieur le Président.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Salihi, vous serez content
7 d'apprendre qu'il n'y aura plus de questions pour vous, que votre
8 témoignage a fini. La Chambre vous est très reconnaissante parce que vous
9 êtes venu à nouveau à La Haye pour témoigner, pour nous aider, ce que vous
10 avez fait. Maintenant vous pouvez retourner chez vous à vos activités
11 habituelles, la Chambre vous remercie d'être venu ici et d'avoir été en
12 mesure de faire cela.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci pour m'avoir invité à témoigner ici.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Mme l'Huissière va vous
15 raccompagner hors du prétoire.
16 [Le témoin se retire]
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar, est-ce que le témoin
18 suivant est prêt ?
19 M. BEHAR : [interprétation] Oui, je crois que oui. C'est Agim Jemini. Avant
20 de commencer avec le témoin suivant, j'ai voulu soulever une question
21 procédurale.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
23 M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais demander oralement que de nouvelles
24 photographies soient ajoutées à notre liste de pièces à conviction. Il
25 s'agit des photographies que M. Jemini a apportées hier lorsqu'il est venu
26 à la séance de récolement. M. Jemini a apporté plusieurs photographies.
27 Comme il va expliquer, ces photographies ont été prises à l'époque à
28 laquelle se réfère son témoignage. Nous avons vérifié dans notre système de
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1 base de données pour confirmer que nous n'avions pas ces photographies
2 avant. Je vais vous dire en quoi consiste leur pertinence.
3 Pour ce qui est de la communication de ces photographies à nos
4 éminents collègues de la Défense, nous l'avons fait hier soir. Egalement,
5 vu notre obligation de communication des pièces à conviction, nous leur
6 avons communiqué 42 photographies, bien qu'aujourd'hui je ne vais utiliser
7 que six de ces photographies.
8 Pour ce qui est de la pertinence, je peux vous dire brièvement que
9 l'un des éléments importants du témoignage de M. Jemini est que dans cette
10 période de 30 jours à peu près lui, ainsi qu'un certain nombre d'autres
11 hommes, étaient cachés dans les champs entre Celine et Bela Crkva et la
12 nuit ils entraient à Celine pour trouver un grand nombre de cadavres de
13 civils pour les enterrer.
14 Toutes les photographies que je veux présenter sont les photographies
15 prises pendant cette période de 30 jours. Sur quatre de ces photographies,
16 on voit les cadavres, et il y a également une photographie sur laquelle on
17 peut voir d'autres gens, M. Jemini, par exemple. Il y aussi des hommes qui
18 étaient cachés dans les champs. Je pense que cela pourrait être utile à la
19 Chambre.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
21 Maître Djurdjic.
22 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Ce matin, au moment où nous avons
23 commencé cette audience, j'ai présenté mon observation et j'étais conscient
24 du fait que cela arriverait plus tard, bien que ma collègue D'Ascoli ait
25 abrégé le nombre d'informations communiquées à la Défense. C'est dans le
26 cadre de l'article 92 bis.
27 Mais je pense que cela n'entre pas dans le cadre de l'article 92 bis.
28 Ce que l'Accusation voudrait faire maintenant - et je ne parle pas de
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1 l'heure à laquelle ces documents nous ont été communiqués, parce que la
2 Défense pourrait se trouver dans la même situation.
3 Mais ici le vrai problème est l'article 92 bis. C'est-à-dire nous
4 nous ne sommes pas opposés au versement de ces déclarations et nous avons
5 reçu de nouvelles photographies, ainsi que de nouvelles informations
6 concernant ce témoin sur trois pages, et tout cela dix ans après.
7 J'aimerais répéter que la base de la déclaration de ce témoin --
8 enfin, c'est la déclaration du 17 septembre [comme interprété]. Dans cette
9 déclaration, il mentionne les personnes à qui il a parlé. Il dit qu'il
10 avait dit à John Zdrilic, l'existence des photographies qui montrent des
11 tombes, des photographies qui ont été prises il y a dix ans.
12 Donc la Défense n'est pas du tout intéressée à avoir ces
13 photographies, mais l'Accusation considère que ces photographies sont
14 pertinentes, en particulier six ou sept.
15 Les autres photographies sur lesquelles Haradinaj et les autres
16 apparaissent avec des fusils, je considère que cela n'est pas du tout
17 important ni pertinent pour cette affaire. C'est pour cela que la Défense
18 s'oppose à ce que ces nouvelles pièces à conviction soient présentées, et
19 c'est ce que l'Accusation a proposé oralement, d'autant mieux que ces deux
20 témoins devaient témoigner pendant la dernière semaine avant les vacances
21 judiciaires, et c'est seulement aujourd'hui qu'ils ont présenté la demande
22 orale pour que ces nouvelles pièces à conviction soient présentées à
23 l'audience. Merci.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous une réponse à me présenter,
25 Monsieur Behar ?
26 M. BEHAR : [interprétation] Je pense que non. Monsieur le Président, peut-
27 être une chose. Ce que mon éminent collègue a mentionné concernant la
28 déclaration, il est vrai que M. Jemini a dit, je cite :
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1 "J'ai photographié la plupart des tombes et j'ai l'intention
2 d'envoyer cela au Tribunal à La Haye."
3 Je devrais dire que d'abord je ne parle pas ici de photographies des
4 tombes. Pourtant, nous avons parcouru tout le document pour voir que si ces
5 photographies n'existaient pas peut-être parmi nos documents.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Me Djurdjic a mentionné trois pages de
7 pièces à conviction supplémentaires. Est-ce vrai ?
8 M. BEHAR : [interprétation] Je ne suis pas certain de quoi Me Djurdjic ait
9 parlé. Pour ce qui est de M. Jemini, nous allons communiquer des
10 informations supplémentaires.
11 Mais pour ce qui est d'autres questions, je ne pense pas que je
12 poserai des questions pendant plus de 30 minutes. Mais je ne suis pas
13 certain de savoir de quelles pièces à conviction supplémentaires le conseil
14 de la Défense ait parlé.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre va admettre les
18 photographies, six ou sept, que vous avez mentionnées, Monsieur Behar,
19 parce que la Chambre pense que c'est pertinent pour cette affaire. S'il y a
20 des questions concernant le témoignage oral concernant l'article 92 bis,
21 s'il y a des sujets qui sont radicalement différents, on peut en discuter
22 de façon séparée au cours du témoignage de ce témoin.
23 Maintenant j'aimerais que le témoin entre dans le prétoire.
24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Voudriez-vous lire
26 la déclaration solennelle, s'il vous plaît.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
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1 LE TÉMOIN : AGIM JEMINI [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir. Merci.
4 M. Behar a des questions à vous poser.
5 M. BEHAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Interrogatoire principal par M. Behar :
7 Q. [interprétation] Bonjour. Pourriez-vous décliner votre identité ainsi
8 que la date de naissance, s'il vous plaît, aux fins de compte rendu
9 d'audience ?
10 R. Je m'appelle Agim Jemini. Je suis né le 25 novembre 1960.
11 Q. J'ai compris que vous étiez représentant du village de Celine à
12 Rahovec; est-ce vrai ?
13 R. Oui.
14 Q. Pouvez-vous nous dire quand vous êtes devenu représentant ou chef du
15 village de Celine, pendant combien de temps vous occupez cette position ?
16 R. En 1984, et j'ai occupé cette position jusqu'à il y a deux mois. Donc
17 cela fait à peu près 22 ou 23 ans.
18 Q. Pouvez-vous nous dire quel était le nombre d'habitants du village de
19 Celine au début du mois de mars 1999 ?
20 R. En 1999, il y avait à peu près 2 000 habitants à Celine.
21 Q. Merci. Monsieur Jemini, vous souvenez-vous faire [comme interprété] la
22 déclaration au bureau du Procureur le 17 juillet
23 1999 ?
24 R. Oui.
25 Q. J'ai compris que vous avez fait un complément à votre déclaration le 3
26 juin 2002, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Avez-vous eu l'occasion de lire votre déclaration, ainsi que ce
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1 complément ou cet addendum à cette déclaration avant d'être venu au
2 Tribunal aujourd'hui ?
3 R. Oui.
4 Q. Pouvez-vous dire que les informations contenues dans ces documents sont
5 exactes et véridiques pour autant que vous en
6 sachiez ?
7 R. Oui.
8 Q. Merci.
9 M. BEHAR : [interprétation] Je demande que cette déclaration ainsi que son
10 addendum soient versés au dossier, le numéro 65 ter est 02338.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La déclaration ainsi que son addendum
12 seront versés au dossier.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00635, Monsieur le
14 Président.
15 M. BEHAR : [interprétation]
16 Q. Monsieur Jemini, vous souvenez-vous d'avoir témoigné dans l'affaire
17 Slobodan Milosevic le 7 juin 2002 ?
18 R. Oui.
19 Q. Avez-vous eu l'occasion de parcourir ou d'entendre le compte rendu de
20 votre témoignage dans cette affaire ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que ce compte rendu reflète correctement votre témoignage, et
23 est-ce que vous témoigneriez aujourd'hui de la même façon ?
24 R. Oui.
25 Q. Merci.
26 M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que le
27 document 65 ter 02353 soit versé au dossier.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que P00636.
2 M. BEHAR : [interprétation]
3 Q. Monsieur Jemini, vous souvenez-vous d'avoir témoigné dans l'affaire
4 Milutinovic et consorts le 28 septembre 2006 ?
5 R. Oui.
6 Q. Avez-vous eu l'occasion de revoir le compte rendu de votre témoignage
7 dans cette affaire ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que ce compte rendu reflète de façon exacte votre témoignage, et
10 est-ce que vous témoigneriez de la même façon aujourd'hui pour ce qui est
11 des mêmes faits ?
12 R. Oui.
13 M. BEHAR : [interprétation] Est-ce qu'on peut versé au dossier le document
14 65 ter 05012.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote sera P00637.
17 M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais qu'on verse au dossier les pièces à
18 conviction qui sont liées au témoignage de M. Jemini, qui sont énumérées à
19 l'annexe B de notre requête 92 bis, et nous allons passer un par un.
20 D'abord 01800.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qu'est-ce que c'est ?
22 M. BEHAR : [interprétation] Il s'agit d'une photographie agrandie de la
23 mosquée détruite à Celine.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
25 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic.
27 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que j'ai tiré
28 des conclusions erronées, mais au début de l'audience je pense que nous
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1 avons dit que toutes les pièces à conviction devaient être présentées et
2 versées au dossier et non pas versées au dossier en tant que des pièces à
3 conviction en une seule pièce conformément à l'article 92 bis et 92 ter.
4 Peut-être que j'ai tort de dire cela, mais je pense que c'est la décision
5 de la Chambre de première instance.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est partiellement correct. La
7 Chambre a dit, Maître Djurdjic, que l'on débattrait l'admission des pièces
8 à conviction au moment où le témoin témoignera. Mais la déclaration du
9 témoin, ainsi que les comptes rendus de ces témoignages précédents, ont
10 déjà été versés au dossier en tant que pièces à conviction dans cette
11 affaire, et donc c'est la base sur laquelle la Chambre s'appuie pour voir
12 si les autres pièces à conviction seront versées au dossier.
13 Tout cela, vu la nature de cette pièce à conviction particulière, ce sont
14 les pièces à conviction qui sont suffisamment décrites par le témoin pour
15 justifier leur admission au versement au dossier, à moins que vous n'ayez
16 des objections particulières. Il est probable que cela soit le cas pour
17 beaucoup d'autres pièces à conviction qui ont été liées à des déclarations
18 précédentes ou comptes rendus de témoignages précédents dans une autre
19 affaire.
20 Mais il y aurait des occasions où l'Accusation demanderait le
21 versement d'une pièce au dossier qui n'a pas été suffisamment présentée
22 dans la déclaration ou dans le compte rendu du témoignage précédent. Dans
23 ce cas-là, on peut demander de l'Accusation de jeter plus de base pour que
24 cette pièce à conviction soit versée au dossier.
25 Je pense que cela pourrait vous aider pour comprendre pourquoi nous avons
26 attendu jusqu'à ce moment pour pouvoir décider si une pièce à conviction
27 peut être versée au dossier. Cela sera le cas pour ce qui est d'autres
28 témoins également.
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1 Continuez, Monsieur Behar.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] 65 ter 01800 portera la cote P00638.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
4 M. BEHAR : [interprétation] La pièce à conviction suivante est 02339; c'est
5 la photographie qui montre la vue du grenier ou de la lucarne du grenier de
6 la maison de M. Jemini.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera P00639.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
9 M. BEHAR : [interprétation] La pièce suivante, 05014, c'est la même
10 photographie que la précédente, mentionnée par le témoin pendant son
11 témoignage, mais sans annotations.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela portera la cote P00614 [comme
14 interprété].
15 M. BEHAR : [interprétation] La photographie suivante, 02340, c'est la
16 photographie sur laquelle on voit la maison du témoin à Celine.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00641.
19 M. BEHAR : [interprétation] Ensuite, 05013, la même photographie,
20 mentionnée par le témoin, mais marquée par le témoin lors de son
21 témoignage.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Versé au dossier.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00642.
24 M. BEHAR : [interprétation] Le document suivant, 02356, c'est une autre
25 photographie qui montre la vue de la lucarne du grenier de la maison du
26 témoin.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Versé au dossier.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera le document portant la cote
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1 P00643.
2 M. BEHAR : [interprétation] Ensuite, 05015, la même photographie avec des
3 annotations du témoin apportées pendant son témoignage.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00644.
6 M. BEHAR : [interprétation] A la fin, le document 0516, ce sont les cartes
7 géographiques du Kosovo avec des annotations apportées par le témoin durant
8 son témoignage.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00645.
11 M. BEHAR : [interprétation] Maintenant je vais lire le bref résumé du
12 témoignage de ce témoin, qui concerne principalement les paragraphes 72(a)
13 et 77 de l'acte d'accusation.
14 M. Jemini est l'ancien maire de Celine, dans la région de Rahovec au
15 Kosovo.
16 Il décrit l'offensive serbe à Celine qui a commencé le 25 mars 1999. Les
17 forces serbes ont encerclé le village et après quoi, les forces serbes ont
18 pilonné le village. M. Jemini s'est caché dans une cavité au toit de la
19 maison qu'il construisait à l'époque, avec son cousin Isuf. Il a vu les
20 soldats entrer dans la ville de quatre directions et, avec la police, ces
21 forces ont commencé à piller les maisons. Il a vu les maisons incendiées
22 ainsi que l'école locale.
23 M. Jemini a entendu la teneur d'une conversation radio entre deux hommes
24 qu'il a identifiés comme étant des commandants serbes.
25 Le lendemain, M. Jemini a vu des véhicules de transport de troupes
26 s'approchant du village par la route principale en apportant des forces de
27 police spéciale barbues, des crânes rasés et portant des rubans rouges. Il
28 a vu entre 200 et 300 membres de ces forces dans le village, sous peu; il y
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1 en avait qui portaient des rubans blancs ou des bandanas et ils allaient
2 d'une maison à l'autre. Un groupe de sept ou huit hommes est entré dans la
3 maison de M. Jemini et a donc fait sortir de la maison son père, sa mère,
4 son oncle, le fils de son oncle et l'épouse de son oncle. Ils ont demandé
5 de l'argent. Après quoi, ils les ont exécutés tous les cinq de ces membres.
6 Après les forces serbes ont incendié les maisons, les ont pillées en
7 utilisant des lance-flammes. M. Jemini a entendu des tirs des armes
8 automatiques et des cris. Il a fui la maison avec son cousin à Zrze, après
9 il a vu des cadavres tout près de Bela Crkva.
10 Après une trentaine de jours, M. Jemini est retourné à Celine pour enterrer
11 les victimes, au total 78 victimes. Il va décrire avoir vu la police à bord
12 des camions qui, le long de la route principale à Celine, rassemblaient des
13 cadavres.
14 C'est la fin du résumé, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
16 M. BEHAR : [interprétation]
17 Q. Monsieur Jemini, je vais poser des questions pour ce qui est de
18 certaines parties de votre témoignage. Dans votre déclaration et dans votre
19 témoignage, vous avez dit que l'offensive serbe a commencé le 25 mars 1999
20 et vous avez décrit comment vous vous êtes caché. Vous avez dit, à la page
21 3 de votre déclaration, paragraphe 6, que vous avez entendu les commandants
22 des forces serbes, dans une conversation radio, qu'il fallait arrêter
23 l'offensive contre Celine. Vous avez donc décrit avoir entendu la réponse
24 de ce commandant.
25 Voilà ma question : après avoir entendu cet échange radio, avez-vous pu
26 observer des changements pour ce qui est des événements à Celine ?
27 R. A ce moment-là, les réponses étaient reçues au commandement à 9 heures
28 du soir, l'offensive a été arrêtée; les forces serbes ont pris les
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1 positions autour du village. L'offensive s'est arrêtée jusqu'au lendemain.
2 Q. Pour que ce soit bien clair, est-ce que vous l'avez vue personnellement
3 ?
4 R. Les tirs se sont arrêtés. On ne pouvait plus entendre de tirs. Il n'y
5 avait plus d'activités poursuivies par ces forces. On a vu ça de nos
6 propres yeux.
7 Q. Vous avez décrit dans votre déclaration que le lendemain, c'était le 26
8 mars, il y avait un groupe de sept ou huit hommes qui sont entrés dans
9 votre maison, ont enlevé votre père, votre mère, votre oncle, le fils de
10 votre oncle, la femme de votre oncle. Est-ce que vous pouvez expliquer aux
11 Juges ce qui s'est passé ?
12 R. Le 26 mars --
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un instant.
14 Monsieur Djurdjic, allez-y.
15 M. DJURDJIC : [interprétation] Je suis désolé, mais je n'ai pas reçu la
16 traduction de la question, ni la réponse.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous reposer la question ?
18 M. BEHAR : [interprétation] Bien sûr --
19 M. DJURDJIC : [interprétation] Je suis désolé. La question est là en
20 anglais, on la voit au compte rendu d'audience, mais je n'ai pas reçu la
21 traduction en B/C/S. Je n'ai pas reçu de traduction. Je vois bien que c'est
22 quelque qui figure au compte rendu d'audience.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vais demander que l'on entende à
24 nouveau la traduction. Ou bien, le cas échéant, vous pouvez peut-être
25 reposer la question de sorte que nous puissions recevoir la question, sa
26 traduction et la réponse.
27 M. BEHAR : [interprétation] Bien sûr.
28 Q. Monsieur Jemini, dans votre déclaration, vous avez dit que le
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1 lendemain, donc le 26 mars, un groupe de sept ou huit hommes est entré dans
2 votre maison et a enlevé votre père, votre mère, votre oncle, son fils et
3 son épouse. Pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui leur est arrivé ?
4 R. A ce moment-là, ces personnes sont entrées dans le sous-sol, ont enlevé
5 mon père, mon oncle et les autres hommes, ils les ont emmenés dans la cour.
6 Ils ont demandé de l'argent, ils ont demandé à mon père de leur donner de
7 l'argent; mon père a dit combien d'argent il avait. Ma mère a réagi et elle
8 a dit : Mais pourquoi faites-vous cela ? Ensuite les policiers ont dit à ma
9 mère : Ne dis rien à personne. Personne ne t'a rien demandé. A ce moment-
10 là, ils leur ont ordonné de leur donner l'argent et d'aller dans la chambre
11 à coucher, de prendre l'argent et de leur donner cet argent. Ensuite ont-
12 ils demandé qu'ils aillent dans la cour jusqu'à la porte. Après cela, il y
13 avait un des soldats qui a tiré en l'air alors que les autres ont tiré sur
14 les membres de ma famille et les ont laissés là-bas. C'était un instant
15 vraiment tragique.
16 Q. Quand vous avez dit : "Qu'ils ont tiré sur les membres de votre famille
17 et qu'ils les ont laissés là-bas," je sais que c'est très difficile pour
18 vous, mais est-ce qu'aucun membre de votre famille n'a survécu ?
19 R. Non.
20 Q. Pour que les choses soient encore plus claires, vous avez parlé des
21 "soldats," de la "police." Pourriez-vous nous expliquer qui étaient les
22 gens qui avaient fait cela ? Est-ce qu'il s'agissait de soldats, de
23 policiers ou bien de gens appartenant à un autre groupe ?
24 R. Non, ce n'étaient pas les soldats, pas le 25. C'étaient les membres de
25 forces paramilitaires serbes. Ils portaient des vêtements différents, ils
26 avaient des foulards sur leurs têtes et leurs hommes étaient différents.
27 Ils ne faisaient pas partie de l'armée régulière. L'armée régulière était
28 là la veille.
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1 Q. Vous avez aussi parlé de la police. Est-ce qu'il y avait des membres de
2 la police parmi ce groupe d'hommes ?
3 R. Oui, les policiers y étaient aussi dans cette unité, et nous, on dit
4 que ce sont les Unités d'Arkan. Ce n'était pas l'armée régulière. Ils
5 portaient les uniformes de couleur bleue ou noire, bleu nuit. Ils avaient
6 des rubans ou même des foulards, des bandanas dans la tête. Il y en avait
7 qui avaient les têtes rasées, et ils ont participé à la deuxième partie de
8 l'offensive, la deuxième volée.
9 Q. A la cinquième page de votre déclaration, vous parlez de votre retour à
10 Celine. Vous avez d'abord fui Celine, ensuite vous êtes revenu. Vous avez
11 vu la police entrer de façon quotidienne dans le village avec les tziganes
12 en train d'incendier des maisons et de voler. Ensuite vous décrivez comment
13 vous êtes entré la nuit dans le village et que là, vous avez trouvé des
14 gens massacrés. Vous les avez enterrés. Je voudrais vous montrer un certain
15 nombre de photos.
16 M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander qu'on me montre le document
17 5246 en vertu de l'article 65 ter.
18 Q. Monsieur, reconnaissez-vous cette photo ?
19 R. Oui. Cette photographie a été prise le 21 ou bien le 24, j'étais dans
20 ce village pendant le bombardement. Voilà. On me voit sur la photo. J'ai vu
21 les troupes en train de chasser la population de Peje et Gjakova. Tout ceci
22 s'est passé à 6 heures, 7 heures du soir.
23 Pendant la journée, on ne pouvait pas entrer dans le village parce
24 que la police et d'autres personnes qui travaillaient étaient en train de
25 voler et de piller dans les maisons. Pendant la journée, on s'est abrité
26 dans le village. Tout ce qu'on faisait, c'était d'observer les entrées et
27 les sorites du village. Ensuite dans la soirée, on y allait et on a bien vu
28 ce qui se passait avec les gens qui étaient restés dans le village. On a vu
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1 les cadavres des victimes. Il y a d'autres photos qui montrent que ces gens
2 avaient été enterrés, et cetera.
3 Q. Très bien. Je vais vous poser encore quelques questions très précises
4 pour que ceci soit bien clair. Donc vous avez dit que cette photo a été
5 prise le 21 ou le 24. De quel mois ?
6 R. Non. Pas le 21 ou le 24. C'était 21 jours après le 24 mars, donc 21
7 jours plus tard, ils ont pris cette photo. J'ai dit, dans ma déclaration,
8 qu'au cours de ces 21 jours, nous avons enterré 78 victimes. Pendant la
9 journée, on ne pouvait pas se rendre dans le village, parce qu'on avait
10 peur. Donc on a profité du temps qu'on avait la nuit pour enterrer les
11 gens.
12 Q. Alors --
13 R. Les membres de ma famille qui avaient été tués, on les a emmenés à
14 Rahovec. Les autres ont été enterrés dans le village.
15 Q. Pour que tout ceci soit clair, quand vous dites 21 jours après le 24,
16 cela veut dire que tout cela s'est produit à peu près à la mi-avril ?
17 R. Oui.
18 Q. Qui a pris cette photo ?
19 R. On était 15 ou 16 dans ce groupe. Il y en avait un parmi nous, une
20 personne qui avait pour mission de prendre des photos. C'était Hamdi
21 Fazliu. Il lui revenait de prendre les photos de tout ce qu'on faisait à
22 l'époque.
23 Q. Les cadavres qui ont été trouvés sur place, est-ce que vous pourriez
24 dire dans quel état étaient ces corps à partir du moment où vous les avez
25 trouvés ?
26 R. C'étaient les corps des gens qui avaient été chassés, donc retrouvés
27 sur les lieux d'exécution. Leurs corps sont restés au même endroit. Donc
28 ils étaient assis là-bas avant qu'on ne les tue. Ensuite ils sont restés
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1 là. Personne les a vus au moment où ils ont été tués. On les a enterrés par
2 la suite. Cela s'est passé 25 jours plus tard. C'est là qu'on a pris la
3 photo.
4 Q. Je pense que vous avez dit que vous vous trouvez à l'arrière-plan de la
5 photo.
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous êtes la personne qui marche ?
8 R. Oui.
9 Q. Merci.
10 M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que cette pièce soit versée au
11 dossier.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P00646.
14 M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander que l'on montre la pièce 65
15 ter 05248 en vertu de l'article 65 ter.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.
17 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous en avons terminé
18 avec la dernière photo, mais je pense que là, nous sommes allés bien au-
19 delà de la portée de l'article 92 bis, parce qu'il était pas question de
20 ces corps et de ces photos et du fait que le témoin allait en parler de
21 quelque façon que ce soit.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est vrai que, de façon précise, on
23 n'en a pas parlé, et je pense que là, vous avez raison. Les Juges ne
24 considèrent pas que cela fait partie de la déclaration en vertu de
25 l'article 92 bis, mais en tant qu'une déposition du témoin dans le
26 prétoire, il est ici avant tout pour que vous puissiez le contre-interroger
27 par la suite. Puisqu'il est là, on en profite pour élargir la portée de sa
28 déposition.
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1 Les Juges de la Chambre savent que ceci ne constitue pas une procédure
2 normale et vous auriez eu assez raison de le dire. C'est quelque chose que
3 nous allons observer et suivre de près. Ce n'est pas la pratique que les
4 Juges vont accepter d'emblée, mais vu la nature de certaines dépositions,
5 il est dans l'intérêt de la justice d'entendre les dépositions, plutôt les
6 entendre que de ne pas les entendre. Vu les circonstances, les Juges de la
7 Chambre sont prêts à accepter de telles dépositions, et là, il me semble
8 que cette déposition sert les intérêts de la justice.
9 Cela étant dit, votre observation a été prise en compte et nous allons en
10 tenir compte. Si vous pensez que là, il s'agit d'un écart beaucoup trop
11 important et que c'est quelque chose qui nuit à votre thèse, bien, nous
12 allons nous pencher là-dessus le moment venu.
13 M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, mais
14 je voudrais répondre à ce que dit mon confrère. A la page au niveau du
15 cinquième paragraphe, on a bien dit que les gens étaient massacrés et
16 qu'ils ont enterré 78 personnes.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, il n'a pas dit que ce n'était pas
18 le cas. Il a dit qu'il s'agit là d'une déposition qui va au-delà de
19 l'article 92 bis.
20 M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
22 M. BEHAR : [interprétation]
23 Q. Maintenant on a sur l'écran une photo. Pourriez-vous nous dire si c'est
24 les corps que l'on voit de plus près ici ou bien si c'est autre chose ?
25 R. Oui, c'est un agrandissement d'une photo d'un corps d'enfant, d'un
26 bébé. Donc sur l'autre photo, une photo qui montre le corps d'une petite
27 fille qui a été tuée.
28 Q. Est-ce que vous savez qui c'était ? Est-ce que c'est quelqu'un que vous
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1 connaissiez ?
2 R. Oui, elle s'appelle Albana Zeqiri. C'est comme cela qu'elle s'appelait.
3 Donc son nom se trouve sur la liste des personnes exécutées, et j'ai des
4 documents qui parlent de cela.
5 Q. Merci. Est-ce que c'est quelqu'un qui vient de votre village ?
6 R. Oui.
7 Q. Merci.
8 M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que celle-ci soit versée au
9 dossier.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci sera la pièce P00647.
12 M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que l'on montre la photo 05251,
13 s'il vous plaît.
14 Q. Monsieur, est-ce que vous reconnaissez cette photo ? Est-ce que vous
15 pourriez nous dire de quoi il s'agit ?
16 R. Oui. Cette photo décrit le corps qui a été brûlé, c'est un villageois.
17 Dix-huit corps sur 78 ont été brûlés, et c'est quelque chose qui peut être
18 prouvé par d'autres photos, des originaux d'ailleurs qui ont été pris entre
19 le 24 mars et le 15 avril, c'est des photos qui ont été prises sur place.
20 Q. Merci Monsieur.
21 M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que cette photo soit versée au
22 dossier.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00648.
25 M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander à présent que l'on montre la
26 photo 05252.
27 Q. Monsieur, est-ce que vous avez participé à la prise de cette photo ?
28 R. Oui. J'ai dirigé ce groupe qui comptait 15 ou 16 personnes, le groupe
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1 qui est resté là après le début du bombardement. On est resté jusqu'au
2 moment où les corps ont été enterrés, donc jusqu'au moment où on a organisé
3 l'enterrement de ces corps. Vous pouvez voir que certaines personnes se
4 trouvent sous le véhicule et tous les corps et les véhicules ont été brûlés
5 par la suite.
6 Q. Merci.
7 M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que ceci soit versé au dossier.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00649.
10 M. BEHAR : [interprétation]
11 Q. Monsieur, à la page 5 de votre déclaration, au niveau du paragraphe 4,
12 vous avez décrit la façon dont vous avez pris ces photos, vous avez
13 expliqué comment vous vous êtes cachés dans les champs entre Bela Crkva et
14 Celine.
15 M. BEHAR : [interprétation] Est-il possible de voir la photographie 05247,
16 s'il vous plaît.
17 Q. Sur cette photo, je peux observer qu'il n'y a pas de feuilles sur les
18 arbres. Pourriez-vous nous dire à quel moment cette photo a été prise ?
19 R. Entre le 24 mars et le 15 mai c'est là que nous étions dans le village.
20 Donc cette photo a été prise au cours du printemps, c'est pendant cette
21 époque-là que l'on s'est caché entre le matin et l'après-midi vers à peu
22 près 6 heures de l'après-midi. Moi, je suis assis avec un groupe de gens,
23 il y en a qui sont couchés par terre.
24 On est resté ici pendant la journée, on voit bien les abris. On est resté
25 parce qu'on avait peur, et on ne sortait que le soir. C'est quelque chose
26 qui se reproduisait tous les jours. C'est là que l'on restait pendant la
27 journée, ensuite le soir, on enterrait les personnes massacrées.
28 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire quelle est la distance qui vous
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1 sépare de Kotlina ?
2 R. De Celine ?
3 Q. Non, de Kotlina. Si vous savez de quoi il s'agit, quel est cet endroit
4 ?
5 R. Je ne comprends pas.
6 Q. Est-ce que vous savez où se trouve ce village ?
7 R. Non, ça ne me dit rien.
8 Q. Très bien. Nous pouvons poursuivre.
9 M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que cette
10 photo soit versée au dossier.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00650.
13 M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander que l'on montre la photo
14 05253.
15 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire où cette photo a été prise ?
16 R. Cette photo a été prise pendant qu'on n'était pas dans le village, on
17 était parti à cet endroit où tout le village s'est retrouvé à peu près le
18 25 mars. C'est un endroit qui se trouve à peu près à 1 kilomètre de
19 distance du bas du village.
20 Q. Du village de Celine ?
21 R. Oui.
22 Q. Quelle est la distance qui sépare cet endroit de l'endroit qui a été
23 montré sur la photo précédente ?
24 R. A peu près 200 mètres. Cet endroit, là où la photo précédente a été
25 prise, bien, c'est un endroit qui est un peu derrière, plus en amont par
26 rapport à la photo, celle-ci.
27 M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que celle-ci soit versée au
28 dossier.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00651.
3 M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais que la pièce 00634 soit montrée
4 sur l'écran. Est-ce que informations sont correctes ? Mais je vais vous
5 attendre. Un petit instant, s'il vous plaît.
6 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
7 M. BEHAR : [interprétation] Excusez-moi. Je vois où se trouve le
8 problème, puisque là il s'agit d'un document qui a été marqué aujourd'hui.
9 C'est le document P00334, et c'est moi qui me suis trompé.
10 Q. Monsieur Jemini, est-ce que vous reconnaissez cet
11 immeuble ?
12 R. Oui.
13 Q. Pourriez-vous me dire de quoi il s'agit ?
14 R. C'est la mosquée du village.
15 Q. Pourriez-vous nous dire comment vous pouvez reconnaître cela ?
16 R. Je peux reconnaître cette mosquée puisque c'est là que j'habitais. Il y
17 avait qu'une mosquée dans le village. C'est un lieu sacré, donc je peux
18 reconnaître cet endroit.
19 Q. Dans votre déposition dans l'affaire Milutinovic, vous avez dit que
20 cette mosquée avait été détruite au mois de mars 2009 [comme interprété].
21 Comment le savez-vous ?
22 R. Oui. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pendant deux mois, nous avons
23 circulé autour du village pendant la journée, et le soir, la nuit, on
24 entrait dans le village. Six ou sept jours après le 24 mars, à peu près à
25 10 heures du soir, cette mosquée a été bombardée. Il y a des photos qui
26 montrent comment cette mosquée a été détruite. Ensuite, le même jour, quand
27 nous avons visité cette mosquée, bien, nous avons pu voir qu'elle était
28 complètement détruite, elle était rasée. Elle avait explosé.
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1 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous avez entendu ou vu vous-même
2 personnellement ?
3 R. On est à peu près à 600, 700 mètres de la mosquée. On s'est caché à
4 cette distance-là de la mosquée. La détonation a été si puissante, elle
5 était presque aussi puissante que la détonation des autres forces
6 militaires. Quand nous avons entendu cette explosion, nous avons vu les
7 minarets tomber et nous avons compris qu'ils avaient à ce moment-là détruit
8 la mosquée. Vu qu'on était curieux, vers 5 heures de l'après-midi, nous
9 sommes allés voir ce qui s'est passé de nos propres yeux.
10 Q. Au moment de l'explosion, est-ce qu'il y avait des forces serbes dans
11 la ville; le cas échéant, quelles étaient ces forces ?
12 R. Oui, ces forces étaient là régulièrement le matin jusqu'à peu près 3
13 heures, 4 heures de l'après-midi. Donc ils entraient régulièrement dans le
14 village, et ce jour-là, ces forces étaient dans le village.
15 Q. Quand vous dites "eux," à qui faites-vous référence ?
16 R. Les forces de la police accompagnées d'autres collaborateurs, des gens
17 qui, quotidiennement, pillaient le village tous les jours. Ils entraient
18 dans le village et ils volaient les maisons.
19 Q. Merci.
20 M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai besoin d'encore 30
21 secondes, ensuite je voudrais m'adresser à vous par la suite.
22 Je vais demander à présent que l'on montre la pièce 01800, s'il vous plaît.
23 Q. Monsieur, reconnaissez-vous cela ?
24 R. Oui. C'est la mosquée après sa destruction, après l'explosion et après
25 que l'explosif a été mis là-bas et après que la mosquée a été détruite. Le
26 même jour, cette photo a été prise.
27 Q. Merci.
28 M. BEHAR : [interprétation] C'étaient toutes mes questions pour ce témoin.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voulez-vous proposer ce document au
2 versement au dossier ?
3 M. BEHAR : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document a une
6 cote qui lui a été octroyée avant. C'est P00638.
7 M. BEHAR : [interprétation] Merci.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Jemini, nous devons
9 lever l'audience et nous allons continuer demain à 9 heures. Je vous
10 demande de retourner demain pour continuer votre témoignage. Mme
11 l'Huissière va vous raccompagner du prétoire, après quoi nous allons nous
12 occuper d'une question procédurale, brièvement.
13 [Le témoin quitte la barre]
14 M. STAMP : [interprétation] Je serai bref, Monsieur le Président.
15 J'aimerais vous dire que pour ce qui est des trois témoins qui sont au
16 programme pour la prochaine semaine, deux d'entre eux ont
17 dit qu'ils n'étaient pas en mesure de venir. Il y en a un qui a été
18 hospitalisé, il s'agit de K86 et K79. Pour ce qui est du troisième témoin,
19 il a dit qu'il y a des difficultés, c'est John Crosland, cela devrait être
20 confirmé. Donc je suis en train d'essayer de remplacer ces témoins,
21 d'autres témoins pour ce qui est de la semaine prochaine, lundi, mardi et
22 mercredi. Je crois qu'aujourd'hui, je serai en mesure d'informer les
23 parties dans cette affaire pour ce qui est de la situation, Mais j'ai tenu
24 à dire à la Chambre que ces témoins, soudainement, nous ont informés qu'ils
25 ne pouvaient pas venir la semaine prochaine.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour ce qui est des témoins de réserve
27 ?
28 M. STAMP : [interprétation] Pour la semaine prochaine, nous n'avions que
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1 trois jours confirmés --
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quatre jours --
3 M. STAMP : [interprétation] Trois jours --
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vendredi également.
5 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas vu que cela a été confirmé.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous vu que quelqu'un aurait dit
7 que nous n'allions pas siéger vendredi ?
8 M. STAMP : [interprétation] Non, non, je n'ai pas vu de tel avis, mais nous
9 devons planifier la comparution des témoins seulement quand c'est confirmé,
10 quand les dates sont confirmées.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais pour ce qui est de vendredi,
12 vendredi c'est un jour où on a des audiences.
13 M. STAMP : [interprétation] Mais --
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que M. Stamp, si c'est dit "à
15 confirmer," cela veut dire que nous devons siéger.
16 M. STAMP : [interprétation] En tout cas, ces trois témoins qui ont été
17 programmés pourraient témoigner --
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En tout cas, je pense qu'il y a peut-
19 être moins d'attention pour ce qui est de la responsabilité à assumer pour
20 qu'on avance dans cette affaire, parce que nous avons eu la même difficulté
21 ou la difficulté de même type avant Pâques. Nous sommes préoccupés du fait
22 que les témoins ne sont pas en mesure pour témoigner ici à la dernière
23 minute, et nous demandons si vous avez des témoins de réserve prêts à venir
24 pour témoigner, mais vous devez savoir que nous ne sommes pas contents pour
25 ce qui est de l'avancement de cette affaire. Donc vous avez un problème de
26 témoins, qui vous ont dit à la dernière minute qu'ils ne pouvaient pas
27 venir et le troisième témoin a dit qu'il avait des problèmes, des
28 difficultés --
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1 M. STAMP : [interprétation] Oui, en effet.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- cela veut dire qu'ils n'ont pas eu
3 des informations adéquates pour ce qui est de leur obligation pour venir
4 ici.
5 M. STAMP : [interprétation] Ils y en avaient qui ont reçu l'injonction à
6 comparaître il y a quelques temps. L'un d'entre eux a été hospitalisé et
7 c'est quelque chose qui n'est pas sous son contrôle; je n'expose pas des
8 détails pour ce qui est de tout cela, mais les notifications pour ce qui
9 est de leur témoignage ici leur a été communiquées en temps utile.
10 Je pense que, si on fait le calcul pour la semaine prochaine, trois
11 témoins suffiront à remplir la semaine prochaine et que probablement leurs
12 témoignages donc continueront la semaine d'après, et nous avons pensé qu'il
13 ne serait pas approprié ou utile de faire venir le quatrième témoin dans la
14 semaine où un jour férié parce que ces trois témoins sont des témoins
15 initiés et l'autre est témoin au niveau international et ces trois témoins
16 pourraient être suffisant à remplir la semaine à venir.
17 Si j'avais pu, j'aurais du -- quelque chose pour assurer leur arrivée
18 ici, mais ils ont dit qu'ils n'étaient pas en mesure de venir et, Monsieur
19 le Président, je m'en excuse auprès de la Chambre pour cela.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Demain nous allons entendre ce que
21 vous avez à dire; vous allez peut-être pouvoir trouver une solution
22 satisfaisante.
23 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais dire à la Chambre que --
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- et donc vous espérez pouvoir faire
25 venir des témoins de réserve, mais cela fait soulever la question pour la
26 Défense pour savoir s'ils auront suffisamment de temps pour se préparer
27 pour ces témoins, il faut que vous teniez ça en compte lorsque vous essayez
28 de trouver d'autres témoins, témoins de réserve. Mais encore une fois, je
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1 vous dis qu'il me semble que maintenant à présent, il n'y a pas de témoin
2 prêt à témoigner.
3 Je suppose, Monsieur Stamp, que sur la base de ce vous avez dit que
4 vous espérez, ou vous anticipez qu'on ne travaillerait pas vendredi.
5 M. STAMP : [interprétation] Nous n'avons pas prévu de travailler
6 vendredi.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour ce qui est donc de vos actions
8 dans le futur, comprenez que vous devrez être prêt.
9 M. STAMP : [interprétation] Comme j'ai déjà dit, ces trois témoins avaient
10 été prévus pour déposer pendant trois jours et nous avons pensé que cela
11 serait suffisant pour remplir la semaine.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons en parler durant la soirée
14 et nous allons vous informer du point de vue de la Chambre pour ce qui est
15 du vendredi.
16 Nous continuons demain à 9 heures. L'audience est levée.
17 --- L'audience est levée à 16 heures 56 et reprendra le mercredi 22
18 avril 2009, à 9 heures 00.
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