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1 Le lundi 18 mai 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Madame Gopalan, le témoin
6 suivant va être prêt ?
7 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le prochain
8 témoin est M. Hazir Berisha, et sa déposition a trait au paragraphe 25 à 32
9 de l'acte d'accusation.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Pourriez-vous, s'il vous
13 plaît, donner lecture de la déclaration solennelle que l'on vous présente
14 sur cette carte.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN : HAZIR ISUF BERISHA [Assermenté]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous
20 asseoir. Mme Gopalan a des questions à vous poser, Monsieur.
21 Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Interrogatoire principal par Mme Gopalan :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Berisha.
24 R. Bonjour.
25 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décliner votre identité.
26 R. Hazir Isuf Berisha.
27 Q. Quelle est votre date de naissance ?
28 R. Le 17 décembre 1960.
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1 Q. Où êtes-vous né, Monsieur Berisha ?
2 R. Je suis né dans le village de Qyshk.
3 Q. Et où vivez-vous maintenant ?
4 R. Dans le même village.
5 Q. Merci. Monsieur Berisha, avez-vous fait une déclaration au bureau du
6 Procureur de ce Tribunal en mai 2008 ?
7 R. Oui.
8 Q. Avez-vous eu récemment la possibilité de relire cette déclaration que
9 vous avez faite ?
10 R. Pas avant de venir ici, non. Pas avant de venir ici.
11 Q. Avez-vous eu la possibilité de relire cette déclaration au moment où
12 vous êtes venu au Tribunal, dès que vous êtes venu au Tribunal ?
13 R. En anglais.
14 Q. Et ayant relu cette déclaration, je comprends que vous aviez un certain
15 nombre de corrections à demander, à savoir certains chiffres ou numéros.
16 Donc, je vais passer en revue ces corrections avec vous.
17 Mme GOPALAN : [interprétation] Je voudrais tout d'abord voir le document
18 05123 de la liste 65 ter, et avec votre permission, Monsieur le Président,
19 pourrais-je fournir au témoin une copie papier de sa déclaration en
20 albanais, de façon à l'aider pour ce processus de correction.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Certainement.
22 Mme GOPALAN : [interprétation]
23 Q. Monsieur Berisha, au paragraphe 25 de votre déclaration, à la page 4,
24 vous dites qu'il y avait peut-être de 50 à 60 hommes et approximativement
25 240 femmes et enfants. Y a-t-il là une correction que vous souhaiteriez
26 apporter sur le nombre que vous avez mentionné au paragraphe 25 de votre
27 déclaration ?
28 R. Oui.
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1 Q. Et quelle est la correction que vous souhaitez apporter ?
2 R. De 50 à 60, je voudrais que l'on dise de 40 à 50.
3 Q. Merci. Au paragraphe 30, vous souhaitez qu'on apporte une autre
4 correction au chiffre qui est mentionné dans ce paragraphe. Pour le moment,
5 on lit :
6 "Un soldat a répondu en disant qu'il y en avait 60 à 65."
7 Quelle est la correction que vous souhaitez apporter ?
8 R. C'est la même correction que précédemment, 40 à 50.
9 Q. Merci. Et au paragraphe 57 de votre déclaration, vous décrivez les
10 blessures que vous avez subies et on lit, pour le moment, que vous avez été
11 blessé une première fois au genou gauche avec un orifice de sortie de la
12 blessure, et une fois également dans le tibia droit, ce qui a fait éclater
13 l'os.
14 Quelle est la correction que vous souhaitez apporter à ce paragraphe ?
15 R. Je voudrais dire, également au genou droit.
16 Q. Vous dites que vous avez aussi été blessé au genou droit ? C'est bien
17 ça que j'ai compris ?
18 R. Oui, oui.
19 Q. Merci. Et au paragraphe 67, vous dites que vous êtes resté dans le
20 jardin de cette maison pendant environ une heure. Quelle est la correction
21 que vous souhaitez apporter à ce paragraphe ?
22 R. L'heure. Il était environ 4 heures.
23 Q. Et pour finir, au paragraphe 63, la phrase qui dit :
24 "De la fenêtre de cette pièce, j'étais en mesure de voir la route que
25 j'avais suivie pour entrer dans cette maison."
26 Quelle est la correction que vous souhaitiez apporter à ce paragraphe ?
27 R. Il ne s'agissait pas de la route que j'avais empruntée, mais la route
28 que les forces avaient prise pour arriver à l'endroit où nous nous
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1 trouvions, avant d'arriver à cet endroit-là.
2 Q. Juste pour être bien au clair, avec votre correction, ça devrait se
3 lire : "De la fenêtre de cette pièce, j'étais en mesure de voir la route
4 que les forces avaient empruntée pour arriver à cette maison -- ou à la
5 maison."
6 R. La route, oui. C'est exact.
7 Q. Ayant apporté ces corrections à votre déclaration, Monsieur Berisha,
8 est-ce que vous êtes maintenant certain qu'elle est véridique et précise,
9 pour autant que vous sachiez, d'après vos souvenirs ?
10 R. Oui.
11 Q. Merci.
12 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
13 verser au dossier cette pièce numéro 05123 de la liste 65 ter, s'il vous
14 plaît.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est versée.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Elle reçoit maintenant la cote P00796,
17 Monsieur le Président.
18 Mme GOPALAN : [interprétation] Je vais maintenant donner lecture du résumé
19 de M. Berisha.
20 Le témoin est né et a été élevé à Qyshk au Kosovo, et a survécu au
21 massacre du 14 mai dans le village de Qyshk.
22 Il témoignera sur le commencement des bombardements par l'OTAN. Il a
23 entendu que la police serbe et l'armée tuaient et passaient à tabac des
24 Albanais du Kosovo dans les villages autour de Qyshk, ainsi qu'elles
25 pillaient les maisons.
26 Vers la mi-avril 1999, la police serbe et l'armée serbe sont entrées à
27 Qyshk, dans le village et ont incendié certaines maisons. Elles sont
28 également revenues au village quelques jours plus tard.
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1 Le 14 mai 1999, les forces serbes et la police sont entrées dans le village
2 de Qyshk. Là encore, le témoin a pu s'échapper, de crainte d'être identifié
3 comme étant éventuellement un membre de l'UCK et s'est rendu au centre du
4 village où se trouvait environ 300 personnes qui étaient rassemblées.
5 Environ 70 policiers et soldats les ont encerclés et ont ordonné la
6 séparation des hommes, des femmes et des enfants. Il y avait environ 50
7 hommes et environ 240 femmes et enfants.
8 Pendant tout ce temps-là, les forces serbes tiraient avec leurs armes.
9 Après cela, les villageois ont eu l'ordre de vider leurs poches avec tous
10 leurs objets de valeur. Les hommes ont reçu l'ordre de s'écarter des femmes
11 et des enfants. Les femmes et les enfants ont reçu l'ordre de se mettre
12 dans une cour en face de l'endroit où se trouvait le témoin près du mur.
13 Peu de temps après cela, les femmes et les enfants sont allés dans la
14 maison qui commençait à brûler. Les forces serbes ont quitté l'enceinte,
15 les lieux. Le témoin a entendu des femmes qui criaient de peur, de panique.
16 Le témoin témoignera ensuite que les hommes, certains ont été au début
17 envoyés dans une direction, et le groupe d'hommes qui restait avait été
18 partagé en deux groupes et envoyé pour marcher dans différentes directions.
19 Le groupe du témoin a d'abord été envoyé dans la direction de la maison de
20 Sahit Gashi. Dans cette maison, les forces de police ont commencé à tirer
21 sur le témoin et le groupe d'hommes avec lequel il se trouvait. Le témoin a
22 été blessé aux jambes.
23 Les forces serbes ont alors mis le feu à la maison. Ils sont revenus
24 peu de temps après cela, et le témoin a vu un petit conteneur qui était
25 jeté dans la pièce. La pièce s'est remplie de fumée noire, ce qui faisait
26 qu'il était difficile pour le témoin de respirer.
27 Le témoin s'est échappé de la maison en feu en sautant par la fenêtre et
28 s'est enfui en rampant. Le toit de la maison s'est effondré après qu'il
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1 soit échappé. Et de là, le témoin pouvait encore voir les forces serbes qui
2 donnaient des ordres d'incendier certaines choses.
3 Le témoin a soigné son pied qui était blessé jusqu'au moment où il a reçu
4 de l'aide d'une femme qui se trouvait là. Il est resté au village jusqu'à
5 la mi-juin et ensuite, il a pu recevoir des soins médicaux dans un autre
6 endroit.
7 Les noms des témoins, ceux qu'il se rappelle se trouvant avec lui dans la
8 maison le 14 mai, il en donne les noms.
9 Le témoin a été le seul survivant parmi les hommes de ce groupe et il
10 souffre d'une claudication permanente à la suite des blessures qu'il a
11 subies ce jour-là.
12 C'est la fin du résumé.
13 Q. Je voudrais maintenant vous poser quelques questions concernant votre
14 déclaration, Monsieur Berisha. Si vous regardez le paragraphe 9 de votre
15 déclaration.
16 Mme GOPALAN : [interprétation] Je voudrais demander si on peut présenter
17 cette déclaration à l'écran avec le prétoire électronique e-court, s'il
18 vous plaît.
19 Q. Maintenant, au paragraphe 9, vous dites que vous avez entendu qu'il y a
20 eu des articles dans les médias, ou qu'on avait rendu compte du fait que
21 juste après les bombardements par l'OTAN, il y avait eu des civils albanais
22 du Kosovo qui avaient été tués ou étaient passés à tabac, qu'il y avait eu
23 du pillage par la police serbe et l'armée serbe.
24 Monsieur Berisha, quelles étaient les sources de ces articles ou de ces
25 récits dont vous avez entendu parler en ce qui concerne les médias ?
26 R. Après les frappes aériennes de l'OTAN, les forces serbes ont commencé à
27 se venger contre la population civile, et j'ai entendu dire par différentes
28 sources des médias qu'elles avaient tué, pillé et chassé la population
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1 albanaise pour se venger de l'intervention de l'OTAN à Kosova.
2 Q. Je vous remercie. Vous avez également mentionné le fait que ces
3 incidents avaient eu lieu dans les villages voisins. Si vous vous en
4 souvenez, pourriez-vous nommer certains de ces villages, s'il vous plaît ?
5 R. Oui, à Fushe e Peje, à Katundi i Ri, Lebovic, et d'autres villages dont
6 je ne me rappelle les noms pour le moment.
7 Q. Juste pour être bien au clair, les noms que vous avez mentionnés, c'est
8 Fushe e Peja, Katundu i Ri, et le dernier village, s'il vous plaît, c'était
9 ?
10 R. Lebovic.
11 Q. Merci. Je voudrais maintenant que nous parlions des événements qui ont
12 eu lieu à la mi-avril.
13 Il en est question donc au paragraphe 10 de la déclaration du témoin.
14 Vous dites que vers le 16 ou le 17 avril, la police serbe et l'armée
15 serbe sont entrées dans le village de Qyshk et qu'elles sont entrées dans
16 un certain nombre de maisons et en ont incendié certaines, y compris celle
17 de votre voisin, Sadri Lajci. De quelle origine ethnique était votre voisin
18 Sadri Lajci, Monsieur Berisha ?
19 R. Il était Albanais.
20 Q. Et si vous vous en souvenez, quelle était l'origine ethnique des
21 propriétaires des autres maisons qui ont été incendiées ?
22 R. Ils étaient albanais.
23 Q. Vous rappelez-vous d'un quelconque des noms de ces propriétaires des
24 autres maisons ?
25 R. Non.
26 Q. Ça va bien comme ça. Je vous remercie. Vous avez mentionné un peu plus
27 haut dans votre déclaration, au paragraphe 5, il y avait trois familles
28 serbes qui vivaient au village de Qyshk. Savez-vous si ce jour-là leurs
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1 maisons ont été incendiées ?
2 R. Non.
3 Q. Est-ce que ça veut dire que vous ne savez pas qu'elles ont été
4 incendiées ou est-ce que ça veut dire qu'elles n'ont pas été incendiées ?
5 R. Elles n'ont pas été incendiées.
6 Q. Merci. Vous dites ensuite que ce jour-là, environ sept hommes sont
7 entrés dans le jardin ou la cour de votre maison, et que vous avez quitté
8 votre domicile avec votre femme, avec enfants et le reste de votre famille.
9 Monsieur Berisha, pourquoi avez-vous décidé de quitter votre maison alors ?
10 R. Si vous voulez que j'explique, je vais le faire. Ce jour donc, après
11 que j'aie quitté ma maison avec mon tracteur, ma remorque, avec le reste de
12 ma famille, ma famille au sens large, c'est à dire mes frères et leurs
13 propres familles respectives, j'ai vu environ sept policiers et soldats qui
14 entraient dans le jardin de ma maison. Et bien qu'ils n'aient rien fait de
15 répréhensible ce jour-là, je les ai vus quand ils entraient. Nous avons
16 poursuivi notre itinéraire en direction de la partie avale du village.
17 Q. Et s'ils n'ont rien fait ce jour-là, pourquoi avez-vous décidé de
18 partir avec votre famille ?
19 R. Ils ont commencé à incendier les maisons et à tirer en l'air. C'est la
20 raison pour laquelle nous avons commencé à quitter le village. Au milieu du
21 village, au centre du village près du cimetière, un petit peu en dessous du
22 cimetière, nous sommes arrêtés -- nous avons été arrêtés par la police et
23 par l'armée, et ils nous ont dit de revenir sur nos pas parce que nous ne
24 devions pas quitter le village, ont-ils dit.
25 Si vous voulez, je peux vous donner un récit complet de ce qui s'est passé.
26 Q. Non, ceci suffira pour le moment, Monsieur Berisha. Merci.
27 Je voudrais vous poser certaines questions concernant les Serbes, les
28 hommes serbes qui ont participé à cet incident.
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1 Mme GOPALAN : [interprétation] On trouve ça au paragraphe 13 de la
2 déclaration du témoin.
3 Je demande le document 5258 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
4 Q. Monsieur Berisha, pourriez-vous nous décrire les hommes qui ont
5 participé à l'incendie, au fait d'avoir allumé le feu dans les maisons, les
6 16 et 17 avril ?
7 R. Oui. Celui-ci qui est au milieu, le deuxième à ma gauche, était là le
8 jour, le 3. Celui qui se trouve à ma gauche était là aussi, mais pas
9 seulement près.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Djordjevic.
11 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense
12 objecte à ce que ces photographies soient montrées puisque nous ne savons
13 pas qui les a prises, et donc, nous ne connaissons pas la source de ces
14 photographies. Par conséquent, à notre avis les photographies ne peuvent
15 pas être utilisées comme élément de preuve dans cette affaire.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voilà une objection qui, en quelque
17 sorte, est analogue à celle que M. Djurdjic a faite à plus d'une reprise.
18 Ce n'est pas la pratique qui s'appliquerait toujours au Tribunal, Monsieur
19 Djordjevic. C'est une question de savoir si les personnes ou les scènes que
20 l'on voit sur les photographies sont suffisamment identifiées et sont
21 suffisamment, fiablement [phon], identifiées par le témoin lorsqu'il
22 faudrait déterminer si oui ou non, on pourra le verser au dossier. Donc,
23 vous voyez si cette condition est satisfaite. Je vous remercie.
24 Oui, Madame Gopalan.
25 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie.
26 Mme GOPALAN : [interprétation]
27 Q. Monsieur Berisha, juste pour faire un pas en arrière, est-ce que vous
28 reconnaissez l'un quelconque des hommes que vous voyez sur la photographie
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1 ci-jointe ?
2 R. Aujourd'hui, je reconnais ces deux-là que je vois devant moi et
3 quelques autres. Ces deux-là qui sont au milieu.
4 Q. Et aviez-vous déjà vu ces deux hommes plus tôt, avant la mi-avril,
5 lorsqu'ils sont venus à votre village ?
6 R. Oui -- non. Excusez-moi. Non, pas avant ce jour-là.
7 Q. Savez-vous qui sont ces deux hommes-là, au milieu ?
8 R. Plus tard, j'ai appris qu'il s'agissait de Srecko Popovic et
9 Kastratovic, Nenad Kastratovic.
10 Q. Comment avez-vous appris cela, Monsieur Berisha ?
11 R. A partir des photos. J'ai compris que c'étaient les mêmes personnes que
12 ceux qui étaient là cette nuit-là -- ou ce jour-là.
13 Q. Merci. Qu'est-ce que ces deux hommes ont fait le 16 et le 17 mai
14 lorsqu'ils sont venus à votre village ?
15 R. Le 16 ou 17 mai, après que nous soyons partis avec nos tracteurs et
16 nous sommes allés au centre du village avec les familles, ils nous ordonné
17 de retourner sur nos pas, parce qu'ils ont dit que nous n'étions pas censés
18 quitter le village. Ce jour-là, ils nous ont confisqué deux armes d'Ibrahim
19 Vokshi et nous ont dit de retourner chez nous et de ne quitter la maison
20 que lorsqu'ils nous l'auraient dit.
21 Q. Je vous remercie. Maintenant, lorsque vous parlez de la confiscation
22 des armes - c'est au paragraphe 11 de votre déclaration - vous mentionnez
23 un officier supérieur. Est-ce que l'officier supérieur que vous mentionnez
24 figure sur cette photographie ?
25 R. Oui. Celui-ci au milieu. Le deuxième à ma gauche. Srecko Popovic.
26 Q. Merci. Et y a-t-il quelqu'un d'autre sur cette photographie qui ait
27 participé à la confiscation des armes dont vous avez parlé ?
28 R. Srecko Popovic, mais je crois qu'il se trouvait un tout petit peu plus
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1 loin par rapport au reste du groupe.
2 Mais je ne sais pas si j'ai été bien clair.
3 Q. Pourriez-vous simplement nous dire clairement qui d'autre s'occupait de
4 la confiscation des armes ? Vous avez mentionné Srecko Popovic pour
5 commencer, puis je vous ai demandé s'il y avait quelqu'un d'autre qui s'en
6 occupait.
7 R. Oui, oui, mais il n'est pas ici parmi les personnes que je vois ici sur
8 cette image.
9 Q. Je vous remercie, Monsieur Berisha.
10 Mme GOPALAN : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on affiche
11 la page 2 de cette pièce, s'il vous plaît.
12 Q. Reconnaissez-vous l'homme que l'on voit sur cette photographie ?
13 R. Oui. C'est le même homme, celui que j'ai vu sur la photographie
14 précédente, Srecko Popovic.
15 Q. Je vous remercie.
16 Mme GOPALAN : [interprétation] Page 3 maintenant de ce même document sur
17 les écrans, je vous prie. La photo peut-elle être un peu agrandie ? Merci
18 beaucoup.
19 Q. Monsieur Berisha, reconnaissez-vous l'un ou l'autre des hommes que l'on
20 voit sur cette photographie ? Commençons peut-être, si vous le voulez bien,
21 par l'homme qui se trouve en bas à gauche, l'homme qui a un bandeau sur le
22 front.
23 R. L'homme qui a un bandeau sur le front était un ancien policier dans la
24 municipalité de Peja à l'époque. Celui qui est au milieu en haut, qui porte
25 une casquette, s'appelait Salipur, et celui qui porte un uniforme, sur la
26 droite en haut, avec un fusil mitrailleur, se prénommait Nevzat. J'ai déjà
27 dit que ces deux hommes communiquaient entre eux. Ils semblaient être les
28 officiers responsables et communiquaient avec les hommes que l'on voyait
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1 sur la photographie précédente.
2 L'homme assis sur la droite, juste en dessous de cet objet de couleur
3 rouge, était également avec eux.
4 Q. D'accord. Nous reviendrons sur ces photographies dans un instant pour
5 préciser un certain nombre d'éléments que vous avez évoqués au sujet de ces
6 hommes, mais pour le moment j'aimerais vous ramener aux événements du 14
7 mai 1999 dont vous parlez au paragraphe 19 de votre déclaration écrite, où
8 vous dites, je cite :
9 "Aux environs de 7 heures 15 du matin le 14 mai 1999, j'étais à mon
10 domicile en compagnie de ma famille proche et un peu plus lointaine et un
11 certain nombre de villageois de mon village."
12 Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé ensuite ?
13 R. Oui. Ce sera un peu difficile pour moi, mais je ferai de mon mieux pour
14 vous dire tout ce qui s'est passé.
15 Le 14 mai, aux environs de 7 heures, 7 heures 15 du matin, nous
16 étions en train de prendre notre café dans la cour de la maison en
17 compagnie d'autres villageois. C'est une habitude très courante dans notre
18 village.
19 Nous avons entendu des coups de feu tirés dans la partie haute du
20 village. Je suis sorti, et j'ai vu des policiers et des soldats qui se
21 dirigeaient vers le village, vers les maisons du village.
22 Je suis retourné dans la cour, et j'ai parlé à ma famille de ce que
23 j'avais vu. J'en ai parlé aussi à mes voisins les plus proches. Je leur ai
24 dit que des policiers et des soldats étaient en train d'entrer dans le
25 village et tiraient des coups de feu. Je les avais vus en grand nombre. Je
26 ne saurais vous dire leur nombre exact, mais en tout cas c'était un groupe
27 nombreux qui se dirigeait vers le village.
28 Une fois que j'en ai informé mon voisin de la maison d'à côté, je
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1 suis rentré à mon domicile. Ma mère m'a supplié de quitter la maison, de ne
2 pas rester avec le reste de la famille, car elle avait peur que je me fasse
3 tuer, comme j'étais en âge de porter les armes et qu'à leurs yeux je
4 pourrais apparaître comme un membre éventuel de l'UCK. C'est ce qui m'a
5 poussé à prendre la décision de quitter la maison.
6 J'ai franchi à pied 200 mètres à peu près vers la maison d'un voisin
7 qui se trouvait au centre du village. Là, je me suis arrêté pour observer
8 le terrain. J'ai vu que tout était en train d'être incendié. Les soldats et
9 les policiers tiraient des coups de feu en l'air.
10 Un peu plus tard, j'ai continué à marcher pour me rapprocher du
11 centre du village, c'est-à-dire de l'endroit où l'incident s'était produit.
12 Une fois arrivée là, j'ai rencontré d'autres villageois, des membres de la
13 famille Lushi et Kelmendi.
14 Quelques instants plus tard, sept à dix minutes plus tard, des hommes
15 sont arrivés de tous les côtés et nous ont ordonnés de nous rendre sur la
16 route après être passés devant le cimetière.
17 Q. Je vous remercie, Monsieur Berisha. Je vais maintenant vous demander
18 quelques précisions sur un ou deux points de votre déclaration récente.
19 Vous avez dit, je cite :
20 "Quelques instants plus tard, sept à dix minutes plus tard, des
21 hommes ont arrivés de tous les côtés et nous ont ordonnés de nous rendre
22 sur la route en passant devant le cimetière."
23 Qui sont ces hommes dont vous parlez dans cette partie de votre déposition
24 ?
25 R. Les policiers et les soldats. Chaque fois que j'emploie les termes "des
26 hommes" ou "ils," je vous prierais de comprendre que je parle des policiers
27 et des soldats.
28 Q. Je vous remercie. Vous avez évoqué la famille Lushi et Kelmendi, dont
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1 certains membres s'étaient regroupés dans le centre du village. Alors,
2 qu'en était-il des femmes et des enfants ? Où se trouvaient-ils ?
3 R. Les enfants, les femmes, tout le monde s'était regroupé à cet endroit,
4 mais ma famille n'était pas présente. Cela dit, les autres familles étaient
5 présentes à cet endroit, en compagnie des femmes et des enfants. Si je ne
6 me trompe, il y avait là 350 personnes. Donc, au sein de ce groupe se
7 trouvaient des femmes, des enfants. Tout le monde était ensemble.
8 Si vous le souhaitez, je peux poursuivre en vous disant maintenant de
9 quelle façon s'est produit l'incident.
10 Q. Oui. Je vous en prie, Monsieur Berisha, veuillez continuer.
11 R. Oui. Lorsqu'ils sont arrivés en nous menaçant et en nous donnant
12 l'ordre de nous diriger vers la grand-route, et en ajoutant que les femmes
13 et les enfants devaient se placer d'un côté de la route et les hommes de
14 l'autre côté, on nous a ordonnés de jeter au sol tout ce que nous avions
15 dans nos poches; argent, cigarettes, tout ce qui se trouvait dans nos
16 poches à ce moment-là. Ils ont donné le même ordre aux femmes qui se
17 trouvaient de l'autre côté de la route.
18 Q. Monsieur Berisha, je me permets de vous arrêter ici. Si vous en avez le
19 souvenir, pourriez-vous nous dire s'il y avait quelqu'un de particulier au
20 sein de ce groupe qui vous a donné l'ordre de jeter au sol tout ce que vous
21 aviez dans vos poches ?
22 R. Oui. Oui, oui. C'était précisément l'homme que l'on voit sur la
23 photographie affichée à l'écran qui porte l'uniforme de policier et tient
24 dans ses mains une Kalachnikov. C'était donc lui et un autre homme dont je
25 n'ai pas vraiment gardé le souvenir.
26 Q. Je me permets de vous interrompre encore une fois. Parlez-vous de la
27 photographie qui est affichée sur l'écran devant vous lorsque vous dites :
28 "Oui, c'est précisément cet homme qui porte un uniforme de police et a
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1 entre les mains une Kalachnikov" ?
2 R. Oui. Oui, oui. Oui, oui, c'est cet homme-là.
3 Q. Savez-vous qui est cet homme, Monsieur Berisha ?
4 R. J'ai appris par la suite qu'il s'appelait Nebojsa Minic.
5 Q. Merci. Veuillez poursuivre, je vous prie. Vous vous êtes arrêté au
6 moment où les femmes ont également reçu l'ordre de vider leurs poches. Que
7 s'est-il passé ensuite ?
8 R. Par la suite, ils se sont emparés de deux enfants de 13 ou 14 ans, si
9 je ne me trompe, à qui ils ont ordonné de ramasser tout ce qui avait été
10 jeté au sol, c'est-à-dire des papiers d'identité, de l'argent, des cartes
11 d'identité, tout ce que nous avions jeté au sol. Ils ont donc désigné un
12 des deux enfants à qui ils ont ordonné de ramasser l'argent, et ils ont
13 ordonné à l'autre de ramasser les papiers d'identité, cartes d'identité et
14 autres objets.
15 Une fois qu'ils ont terminé, que ces enfants ont terminé, l'un
16 d'entre eux s'est dirigé vers les femmes, et je me souviens l'avoir vu
17 saisir un enfant par les cheveux et dire aux femmes : "Si vous ne videz pas
18 vos poches et ne jetez pas sur le sol tout ce que contiennent vos poches,
19 je vais trancher la gorge de cet enfant."
20 Les femmes, mues par la peur, ont jeté au sol tout ce qu'elles
21 avaient sur elles; les bijoux, tout ce qu'elles avaient sur elles.
22 Peu de temps après, l'homme dont j'ai déjà parlé, à plusieurs
23 reprises a demandé à l'un de ses camarades quel était le nombre des hommes
24 présents sur place. Je me souviens que son interlocuteur a répondu plus de
25 40, après quoi il a rétorqué à son collègue en utilisant le mot "dobro,"
26 qui veut dire "bien," ce qui signifiait qu'il était satisfait, et pendant
27 tout ce temps, ces hommes n'ont cessé de tirer des coups de feu devant
28 nous.
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1 Q. Je vous remercie. Une précision, je vous prie. Vous avez parlé d'un
2 homme que vous avez déjà évoqué à plusieurs reprises. Vous rappelez-vous
3 son nom ?
4 R. Srecko Popovic, dont j'ai appris le nom plus tard, comme je l'ai déjà
5 dit, ainsi que Nebojsa Minic.
6 Q. Pour que tout soit clair, l'homme dont vous avez parlé comme étant
7 celui qui a prononcé le mot "dobro" est bien l'homme le plus expérimenté
8 dont vous parlez au paragraphe 30 de votre déclaration, n'est-ce pas ?
9 Suis-je en droit de dire que son nom était Srecko Popovic ? C'est bien ce
10 que vous voulez dire ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez également dit que des cartes d'identité ont été ramassées.
13 Savez-vous ce qu'il est advenu de ces cartes d'identité ?
14 R. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ces cartes d'identité, si elles
15 ont été emportées ailleurs ou brûlées. Je ne sais pas. Mais ces hommes ne
16 cessaient de tirer des coups de feu devant nous en visant la zone située
17 près de nos pieds, ou en tirant en l'air, et ils nous ont ensuite ordonné
18 d'emprunter un petit chemin qui était à 30 ou 40 [comme interprété] mètres
19 de l'endroit où nous nous trouvions pour nous diriger vers la maison d'Ajet
20 Gashi. Ces hommes ont pénétré dans la maison d'Ajet Gashi. Douze ou 13
21 d'entre eux l'ont fait. Quant aux autres, ils ont reçu l'ordre de s'aligner
22 dos au mur, car il n'y avait pas assez de place dans la maison.
23 Puis-je poursuivre ?
24 Q. Un instant, je vous prie. Vous venez de nous dire ce qui est arrivé aux
25 hommes. Mais qu'est-il arrivé aux femmes et aux enfants ? Où se trouvaient-
26 ils à ce moment-là ?
27 R. Je vais m'efforcer de vous faire un récit chronologique de mes
28 souvenirs. Les femmes et les enfants ont été emmenés à ce moment-là dans
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1 une maison qui était en face de l'endroit où nous nous trouvions. Cette
2 maison était en feu. Donc, une partie du groupe composé par les femmes et
3 les enfants a été emmenée dans cette maison, et l'autre partie dans la cour
4 de la maison voisine. Les femmes et les enfants qui avaient été emmenés
5 dans la maison qui se trouvait en face de moi, cette maison était en feu,
6 et ces femmes et ces enfants hurlaient de peur. Ça, je l'ai vu, parce que
7 le portail ouvrant sur la cour de cette maison était ouvert.
8 Q. Monsieur Berisha, avez-vous vu qui avait mis le feu à cette maison ?
9 R. Les policiers et les soldats. Ce sont eux qui ont incendié tout ce
10 qu'ils voyaient sur leur chemin. Ils ne faisaient pas brûler vif les gens,
11 mais ces femmes et ces enfants ont dû pénétrer à l'intérieur de cette
12 maison.
13 Q. Excusez-moi, je vous demanderais une précision au sujet de votre
14 réponse. Je vous ai demandé si vous aviez vu qui avait mis le feu à cette
15 maison, et vous avez dit les policiers et les soldats.
16 R. Ce sont eux qui mettaient le feu aux maisons. Je ne les ai pas vus
17 faire de mes yeux, mais une fois qu'ils ont pénétré dans la cour la maison
18 ne brûlait pas, et quand ils sont ressortis de la maison, la maison s'est
19 mise à brûler. Je peux vous donner davantage de détails, mais je crois que
20 j'ai été suffisamment clair.
21 Q. Vous avez raison en effet. Vous avez été suffisamment clair sur ce
22 point. Je vous remercie.
23 J'aimerais maintenant que nous parlions du paragraphe 43 de votre
24 déclaration écrite, dans lequel vous dites :
25 "Un soldat chevronné a dit à d'autres représentants des forces serbes
26 d'emmener les hommes hors de la cour derrière moi, en disant, emmène-les
27 là-bas."
28 Et vous dites que ce soldat chevronné a fait un geste de la main. Pourriez-
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1 vous nous montrer ce geste qui a été fait par ce soldat chevronné ?
2 Pourriez-vous nous le montrer ?
3 R. Oui. Il a croisé les bras de cette façon, et j'ai compris que cela
4 voulait dire qu'il fallait les supprimer, les éliminer. Par la suite, j'ai
5 appris que c'est exactement ce qui s'est passé.
6 Q. Je vous remercie. Je me permettrais de vous arrêter ici, Monsieur
7 Berisha.
8 Mme GOPALAN : [interprétation] Je demanderais que le compte rendu
9 d'audience fasse apparaître que le témoin a fait un geste en croisant les
10 mains l'une sur l'autre, avec la main droite qui se déplaçait
11 horizontalement par rapport à la gauche, et la main gauche qui se déplace
12 horizontalement par rapport à la main droite.
13 Q. Monsieur Berisha, pourriez-vous nous expliquer ce qu'était la
14 signification de ce geste et nous dire exactement ce qui s'est passé.
15 Pourriez-vous nous expliquer ce qui est arrivé à ces hommes, je vous prie ?
16 R. Les hommes qui se trouvaient dans la cour de la maison dont je viens de
17 parler - ils étaient au nombre de 12 ou 13 - sont ressortis de la maison et
18 ont pris le chemin du cimetière. Je pouvais encore les voir à ce moment-là.
19 Ce que je vais dire maintenant, je l'ai appris plus tard. Ils sont ensuite
20 allés vers la maison de Syl Gashi, et un peu plus tard, j'ai entendu des
21 tirs d'armes automatiques, et quelques instants plus tard, j'ai vu des
22 flammes s'échapper de la maison.
23 Je dirais que dix minutes plus tard, dix minutes après que de la
24 fumée et des flammes aient commencé à sortir de la maison, ces hommes qui
25 avaient conduit le groupe de soldats et policiers vers cette maison, sont
26 revenus, et ces hommes ont dit à Srecko Popovic et à Nebojsa Minic -- bien
27 sûr, il y en avait bien d'autres dont je ne connaissais pas les noms -- en
28 tout cas, ils leur ont dit qu'ils les avaient achevés et ils ont refait ce
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1 même geste des deux mains que je viens de vous montrer.
2 Puis-je continuer ?
3 Q. Oui, je vous en prie.
4 R. Immédiatement après, ils ont discuté de quelque chose entre eux. Ils
5 nous ont enlevé nos montres, dont ils se sont emparés. Les montres qui
6 avaient une certaine valeur ont été mises d'un côté, et celles qui avaient
7 moins de valeur de l'autre côté.
8 Et plus tard, Srecko Popovic a divisé le groupe dont nous faisions
9 partie en deux, et il a dirigé une partie du groupe dans une direction et
10 l'autre partie dans une autre direction. La partie du groupe dont je
11 faisais partie a été composée de gens qui, comme moi, avaient tous les
12 mains liées dans le dos, et on nous a ordonnés de prendre la direction
13 opposée au cimetière.
14 Lorsque nous sommes arrivés non loin de la maison de Sadik Gashi escortés
15 par cinq policiers et soldats, donc une fois que nous nous sommes trouvés
16 tout près de cette maison, un des hommes nous a dit : "Non, pas ici, parce
17 que ça risque de puer." Nous avons poursuivi notre chemin vers la maison de
18 Sahit Gashi.
19 Q. Monsieur Berisha, je vais vous demander une précision. Lorsqu'un des
20 soldats a dit : "Non, pas ici, parce que cela risque de puer," qu'avez-vous
21 compris ? Quel était d'après vous, le sens à donner à cette phrase ?
22 R. J'ai pensé qu'ils allaient nous brûler vifs.
23 Q. Je vous remercie. Ont-ils dit quelque chose d'autre aux membres de
24 votre groupe, au moment où ils vous ont dirigé vers la maison de Sadik
25 Gashi au départ et plus tard, vers la maison de Sahit ?
26 R. Nous avons poursuivi notre chemin vers la maison de Sadik. Et pendant
27 tout ce temps, ils n'ont cessé de nous insulter et de nous dire : "Où est
28 l'OTAN maintenant ? Où est Tony Blair ?" Toutes sortes d'insultes qu'ils
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1 proféraient à notre encontre.
2 Nous sommes entrés dans le couloir de la maison et l'un des cinq soldats et
3 policiers qui nous escortaient a ouvert la porte du couloir, a pénétré dans
4 le couloir et ensuite, nous qui composions le groupe sommes entrés
5 également, nous avions tous encore les mains liées dans le dos. L'homme qui
6 a ouvert la porte a ensuite ouvert la porte d'une chambre et nous a donné
7 l'ordre de pénétrer dans la chambre et c'est dans cette chambre que plus
8 tard, a eu lieu l'exécution. C'était une chambre qui mesurait 4 mètres sur
9 4 et qui était meublée de deux canapés placés en L.
10 Les hommes qui nous escortaient nous ont donné l'ordre de nous asseoir sur
11 ces canapés. Moi, je me suis assis à une extrémité. A ma gauche, se
12 trouvait Arian Lushi et à ma droite, Jusuf Shala, qui n'étaient pas
13 originaires, n'étaient pas habitants de notre village, mais étaient venus
14 dans notre village en provenance d'un autre village.
15 Les soldats et les policiers se sont arrêtés à l'entrée de la pièce, je
16 crois me rappeler qu'ils étaient quatre ou cinq, et je me souviens très
17 bien avoir vu tout d'un coup les flammes qui sortaient du fusil
18 mitrailleur. Les premières balles ont été tirées dans ma direction et
19 ensuite, le tir ne s'est pas interrompu. Un de ces hommes tirait dans ma
20 direction, donc, vers le côté de la pièce et du canapé où je me trouvais,
21 alors qu'un autre de ces soldats et policiers tirait dans le sens opposé.
22 Je n'ai pas été blessé à ce moment-là.
23 Les tirs se sont interrompus un bref instant et ensuite, toute une série de
24 tirs a visé la direction opposée, c'est-à-dire, est arrivée de la gauche et
25 j'ai été touché d'abord à la jambe gauche et ensuite, une deuxième fois au
26 genou droit.
27 Après cette deuxième volée de tirs, il y a eu une brève interruption. On
28 entendait les cris des hommes qui avaient été touchés. Mais dans le groupe,
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1 il y avait encore des hommes en vie. Et à ce moment-là, j'ai entendu ceux
2 qui nous escortaient tirer une balle sur chacun des hommes présents. Ils
3 ont commencé à partir de ma gauche et ont continué à tirer sur les hommes,
4 les uns après les autres. Mais ils se sont arrêtés à un ou deux hommes
5 avant moi.
6 Je ne sais pas pourquoi ils se sont arrêtés à ce moment-là. Peut-être ont-
7 ils manqué de balles.
8 En tout cas, j'ai survécu à l'exécution. Tout s'est arrêté. Ceux qui
9 avaient tiré sont sortis. J'ai essayé d'entrouvrir les yeux et de jeter un
10 coup d'œil sur la pièce dans laquelle je me trouvais et j'ai vu que sur ma
11 gauche, il y avait des gens qui étaient empilés les uns sur les autres et
12 tout en haut de la pièce, sur ma gauche, j'ai vu des couvertures. J'ai
13 touché Arian Lushi qui était mort. J'ai essayé de le déplacer, il n'a pas
14 bougé. Isuf Shala qui était assis sur ma droite était mort aussi.
15 J'étais en train de penser à me lever au moment où j'ai vu les
16 cadavres empilés les uns sur les autres, mais dans un éclair, je me suis
17 dit que j'allais jeter un coup d'œil par la fenêtre. La fenêtre était
18 derrière moi, et instinctivement, j'ai tourné la tête et j'ai vu cinq
19 soldats et policiers en train de discuter les uns avec les autres. L'un
20 d'entre eux s'est séparé du groupe et a pris le chemin du couloir de la
21 maison. Il tenait à la main une bouteille ou une espèce de bidon de forme
22 allongée qu'il a jeté à l'intérieur de la maison.
23 J'ai pris feu très rapidement et les flammes ont atteint mon visage.
24 A ce moment-là, je ne savais plus où je me trouvais, est-ce que j'étais les
25 pieds au sol ou est-ce que je flottais dans l'air. Pendant un instant, je
26 n'ai plus rien vu. J'ai eu l'impression d'être enterré très profondément
27 dans la terre.
28 J'étais en train d'essayer de me remettre debout. Je n'y suis pas parvenu,
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1 mais je suppose que Dieu m'est venu en aide parce que j'ai fini par pouvoir
2 me rapprocher de la porte. Et pour vous dire la vérité, j'ai essayé de me
3 remettre debout, pas pour survivre à l'exécution, mais pour être tué par
4 une balle, plutôt que d'être brûlé vif.
5 Donc, je suis arrivé près de la porte et là, j'ai commencé à pouvoir
6 respirer et voir. A ce moment-là, je me suis aperçu qu'ils n'étaient plus
7 là. Alors, j'ai décidé de passer dans la pièce à côté en marchant
8 uniquement sur ma jambe gauche et là, je me suis aperçu que la pièce était
9 en flammes. Même s'il y avait des pompiers qui étaient là, qui essayaient
10 d'éteindre le feu, des personnes qui essayaient d'éteindre le feu, même
11 s'il y avait eu des pompiers, ils n'auraient jamais réussi à éteindre cet
12 incendie.
13 Donc, je me suis dirigé vers la fenêtre et j'ai vu garé dehors, dans la
14 rue, des tracteurs, des camions, des voitures. Je n'ai vu aucun policier,
15 aucun soldat à ce moment-là. Alors, j'ai ouvert la fenêtre et en tenant ma
16 jambe droite qui était très blessée, qui était cassée, je me suis servi de
17 ma jambe gauche pour avancer en rampant et pour sortir par la fenêtre. La
18 fenêtre était à peu près à 1 mètre 70 du sol, je pensais. Ensuite, j'ai
19 rampé sur le dos jusqu'au coin de la maison, peut-être cinq, six mètres, je
20 ne me souviens plus très bien. Et ensuite, je suis allé jusqu'au coin de la
21 barrière qui entourait la maison, le jardin, et là, il y avait du fil de
22 fer dans cette barrière. J'ai tout fait tout seul, il n'y avait personne
23 pour pouvoir m'aider à ce moment-là. Pendant tout ce temps-là, je me suis
24 débrouillé tout seul. Mais j'entendais les grognements et les cris
25 d'angoisses, les bruits des voitures, les bruits des tracteurs. Pendant
26 tout ce temps-là, en fait, je n'arrêtais pas d'entendre des coups de feu en
27 permanence.
28 Là, je suis en train de revivre tous ces moments extrêmement difficiles que
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1 j'ai eus ce jour-là, que j'ai dû subir ce jour-là, donc c'est un petit peu
2 émouvant.
3 Comme je l'ai dit, j'ai essayé un petit peu de soigner ma jambe droite.
4 J'ai essayé d'arrêter un petit peu les saignements avec ma ceinture. J'ai
5 regardé ma jambe gauche et j'ai aussi essayé d'arrêter l'hémorragie.
6 Q. Monsieur Berisha --
7 R. Une demi-heure plus tard --
8 Q. Je voudrais vous arrêter ici, Monsieur Berisha. Merci beaucoup. Si nous
9 pouvions juste revenir à la maison dans laquelle vous vous trouviez. Vous
10 nous avez dit que vous avez sauté par la fenêtre et que la maison était en
11 flammes.
12 Est-ce que vous savez quelle était la raison de ces flammes ?
13 R. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait des couvertures dans la
14 maison et ces couvertures étaient en feu. Comme je l'ai dit, ils ont jeté
15 ce petit récipient de gaz à l'intérieur de la maison, et c'est cela qui a
16 mis le feu. Comme je l'ai dit, à ce moment-là je n'arrivais absolument plus
17 à respirer. J'ai perdu conscience. Après même encore plusieurs jours plus
18 tard, je crachais encore du sang.
19 J'espère que j'ai expliqué les choses clairement. Si vous avez d'autres
20 questions, n'hésitez pas à me les poser.
21 Q. Les couvertures dont vous avez parlé qui étaient en feu, est-ce que
22 vous savez comment ces couvertures ont pris feu ?
23 R. Je ne les ai vues qu'après que les soldats et les policiers soient
24 sortis. J'ai vu les couvertures qui étaient en feu. Comment puis-je vous
25 expliquer ? Elles ont été incendiées.
26 Q. Combien d'hommes faisaient partie de votre groupe ?
27 R. D'après mes souvenirs, 12 ou 13. Je ne me souviens pas des noms exacts.
28 Je n'aime pas mentionner les noms exacts, mais je pense que nous étions à
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1 peu près 13.
2 Q. Sur ces 12 ou 13 hommes, combien ont survécu à cet incident ?
3 R. Juste moi.
4 Q. Dans le paragraphe 64 de votre déclaration, vous parlez du toit de la
5 maison qui s'est effondré. Connaissez-vous la raison, savez-vous pourquoi
6 le toit s'est effondré ?
7 R. A cause de l'incendie, toute la maison était incendiée, et donc le toit
8 s'est effondré, s'est écroulé à l'intérieur des murs.
9 Q. Merci. Vous nous avez également dit que lorsque vous étiez dans la
10 cour, après avoir sauté par la fenêtre, vous avez entendu des gens qui
11 s'activaient tout autour de vous, vous avez entendu des ordres qui étaient
12 donnés pour que tout soit incendié. Est-ce que vous vous souvenez en quelle
13 langue ces ordres étaient donnés ?
14 R. En serbe. En langue serbe.
15 Q. Merci. A l'issue de cet incident, Monsieur Berisha, quelles sont les
16 blessures dont vous avez souffert ?
17 R. J'ai été blessé à mes deux jambes; pour la jambe gauche, au genou, plus
18 précisément; et pour la jambe droite, le genou aussi, puis au niveau de la
19 jambe, la hanche gauche. C'étaient des blessures simultanées. Ma jambe
20 droite était cassée. J'avais une fracture de la jambe droite à sept ou huit
21 endroits. Il n'y avait que la peau pour tenir les différents morceaux de la
22 jambe les uns aux autres.
23 Est-ce que vous voulez d'autres explications de ce qui s'est passé ?
24 R. Non, cela suffit. Merci. Mais je voudrais vous reformuler ma question.
25 Vous nous avez mentionné un certain nombre de blessures. Est-ce que vous
26 avez aujourd'hui encore des blessures permanentes à la suite de cet
27 incident ?
28 R. Oui. J'ai la jambe droite qui est à peu près quatre ou cinq centimètres
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1 plus courte que la jambe gauche. C'est à cause de cela que je boite encore
2 aujourd'hui.
3 Q. Merci.
4 R. D'ailleurs, j'utilise des béquilles.
5 Q. Maintenant, vous nous avez dit au début de votre témoignage qu'il y
6 avait d'autres groupes d'hommes qui ont été emmenés. Un groupe s'est rendu
7 dans la maison de Syl Gashi, vous l'avez mentionné. Maintenant, pour les
8 deux autres groupes, où ont-ils été emmenés ? Ou plutôt, le troisième
9 groupe, où a-t-il été emmené, dans quelle maison ?
10 R. En fait, le groupe dans lequel j'étais a été divisé en deux. Je ne
11 sais pas où l'autre partie a été emmenée, mais plus tard j'ai su qu'ils
12 avaient été emmenés dans la maison de Deme Gashi.
13 Q. Qu'est-ce qui est arrivé à ces hommes qui avaient été emmenés dans la
14 maison de Deme Gashi ?
15 R. Ils ont subi le même sort. Ils ont tous été tués. L'un d'eux seulement
16 a réussi à survivre. Iljaz Kelmendi, dans la maison de Syl Gashi, a
17 survécu. Grâce à Dieu, dans chacune de ces trois maisons, une personne a
18 survécu.
19 Q. Merci. Si vous vous en souvenez, combien d'hommes ont été tués dans
20 votre village ce jour-là, le 14 mai ?
21 R. Au total, 41 hommes de l'ensemble du village, y compris les hommes de
22 la partie haute du village et aussi dans la partie où nous étions, nous.
23 Donc un total de 41 hommes.
24 Q. Monsieur Berisha, savez-vous s'il y a eu d'autres personnes tuées dans
25 les autres villages aux alentours de Qyshk ce jour-là ? Est-ce que vous le
26 savez ?
27 R. Oui. Le même jour, après le village de Qyshk, ils sont allés au village
28 de Pavlan, aussi au village de Zahaq. Les villages de Pavlan et Zahaq, puis
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1 notre village, au total sur ces trois villages de Qyshk, Pavlan et Zahaq,
2 environ 80 personnes au total ont dû être tuées en l'espace d'une demi-
3 journée.
4 Q. Dans votre propre village de Qyshk, y a-t-il eu d'autres personnes
5 tuées avant le 14 mai, est-ce que vous le savez ?
6 R. Oui. Oui, il y en a eu. Je ne me rappelle pas précisément des dates,
7 mais c'était soit le 13 ou le 14 j'ai entendu des coups de feu. Je sais
8 qu'un homme et une femme ont été emmenés du village et ont été tués aux
9 abords de la route, la route qui va de Peja à Prishtina, et ils ont été
10 tués. C'étaient des personnes plus âgées qu'ils n'ont pas pu enterrer parce
11 que, comme je vous l'ai dit, nous devions tous subir notre destin. Je crois
12 que leurs cadavres ont été dévorés par les chiens.
13 Q. Savez-vous qui était à l'origine du meurtre de ces deux personnes
14 âgées, soit le 13 soit le 14 mai ?
15 R. Les policiers et les soldats, c'est eux qui les ont emmenées.
16 Q. Comment le savez-vous, Monsieur Berisha ?
17 R. Parce que ce sont eux, les policiers et les soldats, qui faisaient tout
18 cela. Tous ces actes étaient commis par les policiers et par les soldats.
19 Vous pouviez déceler leur présence depuis une certaine distance. C'étaient
20 les seuls qui faisaient ces choses-là.
21 Q. Est-ce que vous avez vu des policiers ou des soldats dans le village de
22 Qyshk à peu près au moment où ce couple de personnes âgées a été tué ?
23 R. Non, pas dans le village même, à l'intérieur du village, parce que
24 c'est un incident qui est survenu aux abords de la route.
25 Q. Avez-vous vu des policiers ou des soldats aux abords de la route ?
26 R. Oui. Oui. Lorsque ces meurtres ont été commis, j'ai entendu les coups
27 de feu, et j'ai vu une voiture avec des policiers et des soldats qui est
28 passée sur la route. Cette voiture est passée juste après que nous ayons
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1 entendu les coups de feu. Donc, nous avons vu cette voiture de policiers et
2 de soldats passer sur la route juste après que nous ayons entendu les coups
3 de feu, mais nous n'avons pas pu nous occuper des corps. Tout ceci est
4 survenu à environ 19 heures, 20 heures.
5 Le lendemain, ils sont venus dans notre village. Ce n'est que plus
6 tard que nous avons entendu dire que leurs cadavres avaient été dévorés par
7 les chiens.
8 C'était juste pour vous donner une explication de ce qui s'est passé.
9 Q. Merci beaucoup. Vous avez également mentionné quelques meurtres dans le
10 village de Pavlan et Zahac. Savez-vous qui était responsable de ces
11 meurtres dans ces villages avoisinant du vôtre ?
12 R. Les mêmes personnes, parce que c'étaient les mêmes personnes, celles
13 qui avaient commis ces meurtres dans notre village, qui sont allées
14 poursuivre leur travail un petit peu plus loin dans les villages de Pavlan
15 et de Zahaq, parce que pendant toute la journée nous avons continué à
16 entendre des coups de feu en permanence, et nous avons vu la fumée, les
17 flammes, qui s'élevaient dans le ciel depuis ces deux villages. Je ne vous
18 l'ai pas dit tout à l'heure, mais en plus des coups de feu que l'on
19 entendait, nous pouvions également voir la fumée qui s'élevait partout dans
20 le ciel.
21 Q. Merci. J'aimerais maintenant un petit peu éclaircir les noms de
22 certaines des personnes qui se trouvent sur la photo devant vous.
23 Mme GOPALAN : [interprétation] Je crois que vous avez toujours cette photo
24 à l'écran devant nous, n'est-ce pas ?
25 Q. Vous avez mentionné tout à l'heure pendant votre témoignage aujourd'hui
26 une personne du nom de Nebojsa Minic. Est-il sur la photo qui est située
27 devant vous ? Est-ce que vous pouvez le décrire ?
28 R. Oui.
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1 Q. Pouvez-vous l'identifier sur la photo ?
2 R. C'est celui qui est en uniforme de policier, qui a une mitraillette à
3 la main, et c'est lui, je l'ai déjà dit tout à l'heure et je me répète,
4 c'est lui la personne-clé, la personne avec Popovic, Srecko Popovic.
5 C'étaient les deux personnes-clés. C'était eux qui étaient responsables de
6 tout ce qui s'est passé ce jour-là.
7 Q. Merci. Pour être bien clair, s'agit-il de la personne qui est debout
8 avec une cigarette à la bouche sur la photo ?
9 R. Oui.
10 Q. Et le 14 mai, avez-vous vu une autre personne de la photo dans votre
11 village ?
12 R. Oui. Oui. J'ai vu celui qui a un bandeau sur la tête, mais également
13 celui qui est assis à ma droite, celui qui a quelque chose de rouge sur
14 l'épaule. Maintenant, je me souviens qu'ils étaient là tous les deux.
15 Q. Merci. Cet homme avec le bandeau sur la tête, l'aviez-vous vu
16 auparavant, avant les incidents dans votre village le 14 mai ?
17 R. Oui. Oui, il était policier déjà avant, et celui ici au milieu avec la
18 casquette était également policier. Tous deux étaient policiers même avant
19 ce qui s'est passé dans le village. Même avant la guerre, je dirais.
20 Q. Maintenant, vous --
21 R. Avant 1998, je dirais.
22 Q. Merci. Vous venez de mentionner l'homme avec la casquette qui est
23 debout au milieu de la photo. Connaissez-vous son nom ?
24 R. Oui, je connais son pseudonyme qui est Salipur, mais je ne connais pas
25 son vrai nom.
26 Q. Cela est suffisant. Merci. Que savez-vous d'autre sur Salipur, en
27 dehors du fait qu'il était policier ?
28 R. C'est lui qui maltraitait absolument chacun des citoyens qui était
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1 arrêté dans les rues. Il était connu pour infliger des sévices à tous, les
2 mauvais traitements des Albanais uniquement. Il infligeait des mauvais
3 traitements et des sévices aux Albanais, pas aux autres groupes ethniques.
4 Q. Merci.
5 Mme GOPALAN : [interprétation] Si nous pouvions maintenant passer à la page
6 suivante de cette pièce à conviction, s'il vous plaît.
7 Q. Monsieur Berisha, reconnaissez-vous cette photo ?
8 R. Oui. Oui, c'est moi ici, dans la maison où le crime a été commis.
9 Q. Lorsque vous dites la maison dans laquelle le crime a été commis, de
10 quelle maison parlez-vous ? La maison de qui, plus exactement ?
11 R. La maison de Sahit Gashi.
12 Q. Et savez-vous quand cette photo a été prise ?
13 R. Je ne me souviens pas.
14 Q. Savez-vous qui a pris cette photo ?
15 R. Je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas de cela.
16 Q. Merci. Pour passer maintenant à un autre sujet, vous dites dans votre
17 déposition --
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan, nous avons déjà étudié
19 ces différentes photos plus d'une fois. Est-ce que vous proposez de les
20 verser au dossier ?
21 Mme GOPALAN : [interprétation] J'espérais les montrer encore une fois, une
22 autre page, avant de les verser au dossier.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois.
24 Mme GOPALAN : [interprétation] Mais je --
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, non. Vous le faites à votre
26 façon, tant que vous n'avez pas oublié. Mais avant d'en finir avec ce
27 témoin, vous apprendrez peut-être, si vous le pouvez, comment il a connu,
28 il a découvert les noms des personnes qu'il cite dans sa déposition.
Page 4628
1 Mme GOPALAN : [interprétation]
2 Q. Monsieur Berisha, pendant votre déposition aujourd'hui, vous avez
3 mentionné un certain nombre de noms. M. Popovic, par exemple, M. Minic.
4 Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez eu connaissance des noms
5 de ces personnes ?
6 R. Je crois que -- si je ne trompe pas, je crois que je ne les connaissais
7 pas par leurs noms à l'époque, mais à partir des photos, je les ai reconnus
8 de vue. Ensuite, ce n'est qu'à plus tard que j'ai appris leurs noms, comme
9 je vous ai expliqué, Salipur, par exemple, cette personne que je
10 connaissais personnellement parce qu'il était policier, même si je n'avais
11 jamais eu affaire à lui, mais je savais que tout le monde l'appelait
12 Salipur, que c'était son surnom.
13 L'autre policier que j'ai mentionné ensuite, je ne connaissais pas son nom,
14 mais les gens l'appelaient Pucrrani, parce qu'il avait le visage couvert de
15 boutons. Pucrrani en albanais signifie visage couvert de boutons, visage
16 acnéique. Alors, je vous ai dit, c'est plus tard que j'ai appris leurs
17 noms.
18 Q. Merci.
19 R. J'espère que je suis bien clair.
20 Q. Oui, merci. Si nous pouvons retourner à la photo --
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] De qui a-t-il appris les noms ?
22 Mme GOPALAN : [interprétation] Je vais poser la question, Monsieur le
23 Président.
24 Q. Qui, donc, vous a donné les noms de ces personnes ? Comment avez-vous
25 pris connaissance des noms de ces personnes ?
26 R. Après les avoir reconnues et identifiées sur les photos, ensuite j'ai
27 pu les identifier grâce à un livre que j'ai chez moi. Mais je ne sais pas
28 qui est la personne qui les a identifiées avec les noms, parce qu'il y
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1 avait beaucoup de personnes qui les ont identifiées, ces personnes sur les
2 photos. Donc, je ne peux pas vous donner de noms. Mais j'ai un livre, et
3 dans ce livre, vous pouvez avoir tous les noms.
4 Si vous voulez d'autres explications, vous pouvez me poser des
5 questions.
6 Q. Alors, justement, ce livre que vous prétendez avoir, que vous dites
7 avoir chez vous et qui contient les photos, quand avez-vous vu ce livre
8 pour la première fois ?
9 R. Ce livre m'a été remis en cadeau par ceux qui ont recueilli toutes ces
10 notes parce que j'avais participé, j'étais participant à cet événement.
11 Donc, c'est de ce fait-là qu'ils m'ont offert ce livre.
12 Q. Mais qui sont ces personnes dont vous parlez qui ont recueilli toutes
13 ces notes ?
14 R. Je crois qu'il s'agit de Radio Vojs [phon]. J'ai fait plusieurs
15 déclarations, donc, il y a peut-être d'autres personnes encore qui ont
16 recueilli toutes ces notes. Je ne sais pas exactement quel est le nom de
17 l'organisation qui a recueilli toutes ces notes. Je ne me souviens pas.
18 Q. Merci.
19 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce suffisamment
20 clair ou souhaitez-vous que --
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout est clair, mais cela nous laisse
22 sans aucun élément de preuve fiable quant aux noms. Le témoin, en fait, a
23 été informé des noms des personnes ou alors, a reçu un livre dans lequel
24 les noms sont mentionnés. Mais cela ne nous permet pas d'atteindre le point
25 d'identification des individus en question. Cela ne nous permet pas
26 d'identifier les individus en question.
27 Mme GOPALAN : [interprétation]
28 Q. J'aimerais revenir à la page précédente de cette pièce à conviction qui
Page 4630
1 est sous nos yeux.
2 Vous avez mentionné aujourd'hui une personne du nom de Pucrrani. Est-ce que
3 cette personne est présente sur la photo ?
4 R. Oui, il s'agit de l'homme avec le bandeau sur la tête, à gauche de la
5 photo.
6 Q. Et où l'aviez-vous vu auparavant ?
7 R. Il était policier dans la ville de Peja.
8 Q. Merci. Maintenant, cette photo que vous avez sous les yeux, quand
9 l'avez-vous vue pour la première fois ?
10 R. Cette photo, je l'ai vue en même temps que les autres photos. Je ne
11 crois pas l'avoir mentionné dans ma déposition, mais après que les meurtres
12 aient été commis, après que nos meurtres aient été commis, après que nous
13 ayons été tués, disons, un certain nombre d'enquêteurs de différentes
14 organisations sont venus nous poser des questions sur ces incidents et ils
15 nous ont montré ces photos. Ils nous ont montré ces photos et nous avons
16 identifié les personnes que nous connaissions. Cette personne que je
17 mentionne, celle au sujet de laquelle vous me demandez des précisions, je
18 l'ai vue à plusieurs reprises à Peja, parce qu'il était policier dans cette
19 ville. L'autre personne qui porte une casquette était également policier
20 dans la ville de Peja.
21 Plus tard, sur la base des photos, je ne sais pas qui me l'a demandé parce
22 qu'en fait j'en ai vu beaucoup, mais c'est à l'une de ces occasions que
23 l'on m'a offert ce livre dont j'ai parlé tout à l'heure. Mais je ne me
24 rappelle pas exactement qui a été le premier à me montrer ces photos, ni
25 quand cela s'est passé. Très franchement, je vous le dis, j'ai déjà vu ces
26 photos plusieurs fois, mais je ne me rappelle pas exactement quand, ni qui
27 me les a montrées.
28 Je suis désolé, si je ne suis pas assez clair. Vous pouvez me poser
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1 d'autres questions, si vous le souhaitez.
2 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore juste un
3 petit aspect très court à aborder avec le témoin. Mais avec votre
4 permission, pouvons-nous avoir une petite pause ?
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous pouvons avoir notre première
6 pause, et nous reprendrons donc à 16 heures 10.
7 --- L'audience est suspendue à 15 heures 41.
8 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Gopalan.
10 Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Monsieur Berisha, juste pour reprendre là où nous en étions restés tout
12 à l'heure. Nous avons parlé de cette photographie que vous avez vue à
13 l'écran et vous avez dit : Ils nous ont montré ces photographies, nous
14 avons identifié les personnes que nous connaissions." Pourriez-vous nous
15 dire, s'il vous plaît, Monsieur Berisha, lorsque vous dites : "Nous avons
16 identifié les personnes que nous connaissions," est-ce que vous les avez
17 identifiées par nom ou de vue seulement ?
18 R. J'ai dit à l'époque, en ce qui concerne celui qui a un bandeau, je sais
19 que c'était un policier, bien que je n'aie pas mentionné son nom dans la
20 déclaration. Je savais que c'était un policier, tout comme la personne qui
21 portait la casquette.
22 Q. La personne qui portait le bandeau, comment saviez-vous que c'était un
23 policier ?
24 R. Je crois l'avoir mentionné plus tôt. C'était un policier à Peja.
25 C'était un policier de métier, d'active, comme on les appelle, bien qu'il
26 porte un uniforme militaire ici. A l'époque, il avait un uniforme de
27 policier. Ils avaient coutume de porter des uniformes, les uniformes qu'ils
28 voulaient, peu importe pour eux de savoir si c'était un uniforme militaire
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1 ou un uniforme de police. C'est pour ça que je dis qu'il était policier,
2 bien qu'il porte un uniforme militaire sur cette photo.
3 Si vous voulez que je vous donne davantage de détails, je peux le faire.
4 Q. Je vous remercie. Et lorsque vous dites "à l'époque il avait un
5 uniforme de policier", vous voulez parler de quelle époque, de quel moment
6 ?
7 R. Je parle de l'incident du 14 et du moment où la guerre était en cours.
8 La personne qui a un bandeau et la personne qui porte une casquette c'était
9 des policiers même avant 1998. Je dis ça avec la plus grande certitude, le
10 plus grand sérieux. Bien qu'ils portent des uniformes militaires sur cette
11 photo, c'était des policiers, et ils portaient à l'époque des uniformes de
12 la police.
13 Q. Les autres hommes qui ont participé à l'incident du 14 mai à Qyshk
14 portaient également des uniformes, est-ce qu'ils avaient un uniforme ?
15 R. Oui.
16 Q. Et pourriez-vous nous décrire quel type d'uniforme ils portaient, s'il
17 vous plaît.
18 R. Le 14 mai, ainsi que le 16 et le 17, les membres de la police portaient
19 des uniformes de police bleus; c'était en fait, un mélange de bleu et de
20 gris comme couleurs. C'était les couleurs de camouflage, comme on les
21 appelle, tandis que pour l'armée, il s'agissait d'uniformes de camouflage
22 avec la couleur verte.
23 Q. Lorsque vous parlez des 16 et 17, pourriez-vous, s'il vous plaît,
24 préciser de quel mois vous voulez parler ?
25 R. Je parle du mois d'avril, environ un mois avant le massacre dans le
26 village, avant qu'il ne soit commis.
27 Q. Merci. Enfin, regardons la photo, pourriez-vous nous dire qui est venu
28 à votre village, si tel est le cas, le 14 mai ? Est-ce qu'il y en a qui
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1 sont présents sur cette photographie ?
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci a été dit clairement, Madame
3 Gopalan. Vous n'avez pas besoin de reposer cette question.
4 Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
5 demander le versement de cette pièce comme élément de preuve au dossier,
6 s'il vous plaît.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors, il y a eu plusieurs
8 photographies qui ont été montrées et il faudrait savoir de quelle photo il
9 s'agit. Il se trouve que c'est la pièce P772, si je ne me trompe.
10 Mme GOPALAN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc il n'est pas nécessaire qu'elle
12 soit présentée à nouveau. Elle est bien identifiée au compte rendu. Mais
13 vous avez aussi montré une photographie au témoin.
14 Mme GOPALAN : [interprétation] C'est exact.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans une maison. Une photographie de
16 l'une des personnes dans ce groupe qui est photographiée là ?
17 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, c'est cela.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans une maison. Une photographie de
19 l'une de ces personnes ou ce groupe photographié qui se trouve toute seule.
20 Est-ce que ces photographies, c'est ça que vous voulez verser au dossier ?
21 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Elles font
22 partie du même numéro de la liste 65 ter. La raison pour laquelle j'ai
23 inclus cette photographie à l'écran d'une façon distincte, c'est parce que
24 je pense qu'elle est légèrement plus claire que la photographie qui est
25 déjà déposée comme élément de preuve. Mais avec votre permission, je serais
26 très heureuse de présenter celles qui restent et que j'ai présentées au
27 témoin, qui, je crois, sont à la page 1 et 2 de cette pièce ainsi que la
28 photographie sur laquelle se trouve le témoin.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les pages 1 et 2 seront donc déposées
2 au dossier, les photographies 1 et 2.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Et on leur attribue la cote P00797,
4 Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
6 Mme GOPALAN : [interprétation] Et également la page 4 de cette pièce, s'il
7 vous plaît, il s'agit de la photographie du témoin lui-même.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elle est versée au dossier.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira donc des pages 1, 2, et 4,
10 Monsieur le Président, et on leur attribue le même numéro, à savoir P07797
11 [comme interprété].
12 Mme GOPALAN : [interprétation]
13 Q. Monsieur Berisha, au paragraphe 23, vous dites que sur le groupe qui
14 était rassemblé au centre du village et qui était encerclé par 70
15 policiers, ce groupe ne comprenait aucun membre de votre famille. Où
16 étaient les membres de votre famille ? Ceci donc remonte au 14 mai.
17 R. Ils étaient chez eux. Toute ma famille se trouvait chez moi. Mais plus
18 tard, ma mère m'a dit que lorsque la police et l'armée sont venues sur
19 place, mon fils qui n'avait que 11 mois à l'époque, un policier ou un
20 soldat s'est approché de lui et a mis le canon de son automatique dans sa
21 bouche et a exigé de l'argent de ceux qui étaient présents, sinon il
22 menaçait de tuer l'enfant. Ma femme a eu peur, terriblement peur et ne
23 pouvait plus le tenir dans ses bras, mon fils. Elle l'a laissé tomber. Et
24 ma mère qui est maintenant décédée leur a donné 500 deutschemarks.
25 Plus tard, ils ont dit à ma famille de prendre la grand-route en direction
26 de Peja. Peut-être qu'à cause de mes émotions, j'ai été complètement
27 troublé par les émotions, bouleversé par les émotions, et je n'ai pas
28 mentionné tout ce qui s'est passé. Mais je saisis cette occasion pour vous
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1 dire maintenant qu'on leur a dit d'aller en direction de Peja, et ils ont
2 été encore renvoyés chez eux. Donc ils ont dû retourner au village à deux
3 reprises.
4 Vous me posez d'autres questions si vous voulez que l'on précise quelque
5 chose.
6 Q. Comment sont-ils allés à Peja ce jour-là ?
7 R. Ce jour-là, les femmes, les enfants et les personnes âgées qui se
8 trouvaient chez eux ont été emmenés par tracteurs qui étaient bâchés avec
9 des feuillets de plastique en direction de la ville. Pas seulement ma
10 famille, mais les autres familles qui étaient restées au village à l'époque
11 et qui ont été emmenées en direction de la ville sur des tracteurs.
12 Q. Pouvez-vous vous rappeler quelle était l'importance de ce groupe qui a
13 été emmené vers la ville dans des tracteurs ?
14 R. Probablement entre 200 et 250 personnes, des hommes, des hommes âgés,
15 des enfants et des femmes. Peut-être même davantage, mais je ne me rappelle
16 vraiment pas un chiffre exact.
17 Q. Et comment est-ce que vous avez su de cet incident ?
18 R. J'ai appris que cet incident a eu lieu par ma mère qui est décédée.
19 Q. Et quand vous dites que votre famille a été envoyée à Peja et qu'elle
20 est revenue, est-ce que c'était le même jour ?
21 R. Oui, le même jour.
22 Q. Merci. Monsieur Berisha, je voudrais juste préciser une question que je
23 vous ai posée. Peut-être que l'erreur se situe au niveau de ma question. Je
24 vous ai demandé de me parler de l'incident qui a eu lieu vers la mi-avril.
25 Peut-être que je pourrais, pour vous, lire la question pour qu'on précise
26 les choses. Ceci est par rapport à votre réponse sur la confiscation des
27 armes d'Ibrahim Vokshi et le fait qu'on vous ait dit d'aller chez vous et
28 de ne quitter votre chez-vous que lorsqu'on vous aurait dit de le faire.
Page 4636
1 Maintenant, cet incident lorsqu'on vous a demandé de retourner chez vous et
2 de ne revenir que lorsqu'ils vous auraient ordonné de le faire, quand est-
3 ce que ceci a eu lieu ? Est-ce que c'était le 16 ou le 17 mai ? C'est ça
4 qui semble apparaître au compte rendu.
5 R. Le 16 ou le 17 mai, on nous a renvoyés et c'est a ce moment-là que nous
6 n'avons pas été autorisés à quitter le village. Ceci s'est passé le même
7 jour, le 16 et le 17.
8 Le même jour, Ibrahim Lushi, ou même Ibrahim Vokshi a remis un fusil de
9 chasse et un pistolet, l'arme de poing.
10 Q. Donc, est-ce que j'ai raison de dire que ceci a eu lieu en mai et non
11 en avril, comme vous dites dans votre déclaration ?
12 R. Excusez-moi. Un mois approximativement avant l'incident principal, donc
13 le 16 ou le 17 avril. Je vous parle maintenant du mois d'avril. Excusez-moi
14 pour cette erreur.
15 Q. Nous nous sommes aussi référés à trois familles serbes qui vivaient
16 dans le village de Qyshk. Et ceci figure au paragraphe 5 de votre
17 déclaration. Est-ce que vous pourriez préciser si c'était bien le nombre
18 total de familles serbes qui vivaient à Qyshk ?
19 R. Si je ne me trompe pas, j'ai dit dans ma déclaration qu'il y avait
20 trois maisonnées, et non pas trois familles dans le village, parce que
21 l'une de ces maisonnées peut comprendre quatre ou cinq familles.
22 Je n'ai pas mentionné les autres maisons, parce que je n'étais pas sûr
23 qu'elles appartiennent au village de Qyshk ou au village voisin de Qyshk.
24 Q. Merci, Monsieur Berisha. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
26 Monsieur Djordjevic, voulez-vous procéder au contre-interrogatoire ?
27 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Si vous pouvez
28 simplement m'accorder un instant pour me préparer.
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1 Contre-interrogatoire par M. Djordjevic :
2 Q. [interprétation] Bonjour. Je vais vous poser des questions qui
3 découlent de l'interrogatoire qui vient de s'achever avec mon confrère, et
4 je vais vous demander de bien vouloir me fournir des réponses brèves.
5 Monsieur Berisha, pourriez-vous me dire quelle est votre profession, et ce
6 que vous avez fait vers la fin du mois de mai 1999 ? Est-ce que vous étiez
7 employé, engagé ? Est-ce que vous aviez une profession quelle qu'elle soit
8 ?
9 R. Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question. Je n'ai pas
10 compris.
11 Q. Quelle est votre profession ? Quel est votre curriculum ? Qu'est-ce que
12 vous avez fait comme étude ?
13 R. J'ai été à l'école secondaire et j'ai terminé mon secondaire.
14 Q. Dans quel domaine en particulier ? Quelle profession ?
15 R. Cordonnier.
16 Q. Je n'ai pas entendu l'interprétation. Bien. Merci. Dites-moi, est-ce
17 que vous aviez un emploi en 1999 ? Vous avez travaillé ? Vous travaillez
18 jusqu'à quand ?
19 R. J'étais employé dans l'usine de chaussures, mais en 1999 je ne
20 travaillais pas. Personne ne travaillait parmi les Albanais.
21 Q. Quand avez-vous arrêté de travailler, si vous pouvez vous en souvenir ?
22 R. Je ne suis pas absolument sûr de la date, mais je pense que c'était en
23 1998. Je ne sais pas exactement quel mois.
24 Q. Merci. Dites-moi, est-ce que cette usine était située à Pec ? Je veux
25 dire l'usine à laquelle vous travaillez.
26 R. Oui, à Peja.
27 Q. Merci. Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes employé ? Vous avez un travail ?
28 R. Non.
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1 Q. Merci. Quand avez-vous eu les premiers contacts avec le Tribunal, avec
2 le bureau du Procureur et avec ses enquêteurs ? En quelle année ?
3 R. Vous voulez parler du moment où je suis venu ici, ou d'une époque
4 antérieure ?
5 Q. Non. Non. Ma question, c'était de savoir quand vous avez eu le tout
6 premier contact avec les enquêteurs du TPIY. Vous n'avez pas besoin de me
7 dire le mois. L'année suffirait.
8 R. En mai 2008, lorsque j'ai fait ma déclaration, c'est à ce moment-là que
9 je les ai rencontrés, et je les ai rencontrés immédiatement après que
10 l'incident ait eu lieu. Mais je ne sais pas exactement la date à laquelle
11 cette réunion a eu lieu. Je pense que je suis clair. Je ne me rappelle pas
12 la date exacte.
13 Q. Aurais-je raison de dire que votre première rencontre avec les
14 enquêteurs du Tribunal remonte à 1999 et non pas en 2008, comme vous venez
15 de dire ?
16 R. Après 1999, un grand nombre de personne sont venues me voir, mais la
17 déclaration que j'ai faite et à cause de laquelle je suis ici aujourd'hui,
18 cette déclaration a été recueillie en mai de l'année dernière, en 2008.
19 Q. Est-ce que vous avez proposé de faire une déclaration ou est-ce que ce
20 sont eux qui se sont mis en rapport avec vous en premier ?
21 R. J'ai fait la déclaration tout à fait librement, de mon propre gré. Ils
22 sont venus parce qu'ils étaient particulièrement intrigués par cette
23 affaire et les circonstances dans lesquelles j'avais survécu.
24 Q. C'est précisément ce qui m'intéresse. Comment en êtes-vous venu à leur
25 faire savoir que vous étiez le seul survivant de l'incident de Cuska ? Est-
26 ce que c'est vous-même ou quelqu'un d'autre qui les en a informés, ou se
27 fait-il que vous ne saviez rien de cela ?
28 R. Je ne sais pas comment ils l'ont appris.
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1 Q. J'aimerais savoir si vous aviez rempli un questionnaire le 28 juillet
2 1999 qui traite précisément des événements dont vous avez parlé dans votre
3 déposition aujourd'hui. Est-ce que vous avez répondu à des questions qui
4 vous étaient posées par une personne qui s'était présentée à vous comme
5 représentant du comité des droits de l'homme, ou des libertés au Kosovo ?
6 Vous rappelez-vous cela ? C'était l'union ou l'alliance pour la défense des
7 droits de l'homme et des libertés, de droits humains et des libertés ?
8 R. Comme je l'ai déjà dit, j'ai donné et fait plusieurs déclarations. Je
9 ne me rappelle pas qui est venu me voir, mais j'ai fait plusieurs
10 déclarations, un grand nombre.
11 Q. Merci. Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit lorsque vous avez dit que
12 vous aviez fait une déclaration pour le TPIY, peu de temps après les
13 événements à Cuska qui s'étaient déroulés en 1999 ? Qui aviez-vous à
14 l'esprit ? A qui pensiez-vous ? Est-ce que vous pourriez --
15 R. Vous me posez la même question pour la deuxième fois. Je ne me rappelle
16 pas qui est venu me voir en premier ou en second. J'ai donné ou fait
17 plusieurs déclarations, et je pense que j'ai déjà répondu à votre question
18 dès la première fois.
19 Q. Je ne suis pas au clair sur cet aspect. Il est probable que personne
20 d'autre dans la salle d'audience -- ma première question était le premier
21 contact avec des représentants du Procureur au TPIY. Vous avez d'abord dit
22 que c'était en 2008, et dans la déclaration que vous avez faite, ceci est
23 absolument sans aucun doute. Toutefois, vous avez également dit que vous
24 aviez fait une déclaration pour le Tribunal peu après qu'il ait été
25 question des événements. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire si je
26 comprends bien les choses ?
27 R. Non. Immédiatement après l'incident, je ne savais pas qui était qui
28 quand ils sont venus me voir et quand j'ai fait les déclarations. Cette
Page 4640
1 déclaration que nous avons aujourd'hui, ça, c'est une déclaration que j'ai
2 faite en 2008.
3 Q. Merci. Dans votre déclaration, vous dites que vous avez fait votre
4 service militaire en 1981 à Nis, apparemment. Quel était votre domaine de
5 spécialité, la VES telle qu'on l'appelait dans l'armée ?
6 R. Infanterie, j'étais fantassin pendant les six premiers mois, bien que
7 dans le livret militaire, comme profession j'avais "cordonnier" qui était
8 inscrit.
9 Q. Pourriez-vous me dire la chose suivante : avez-vous accompli votre
10 service militaire du début à la fin ?
11 R. J'ai fait 12 mois.
12 Q. Dites-moi, je vous prie, faites-vous la différence entre l'uniforme
13 porté par les membres de l'armée yougoslave à l'époque et par les membres
14 de la police, étant donné que vous avez fait votre service militaire ?
15 R. Oui. Mais ces uniformes ont changé. Ils étaient différents à l'époque
16 de ce qu'ils sont aujourd'hui.
17 Q. En 1981, ils étaient différents de ce qu'ils sont quand ? Aujourd'hui
18 ou en 1999 ? 1999, c'est il y a dix ans.
19 R. En 1981, ils étaient différents de ce qu'ils étaient au moment dont
20 nous parlons ici, c'est-à-dire de ce qu'ils étaient en 1999.
21 Q. Bon. Dans ce cas, je vous demande si vous savez quel était l'aspect des
22 uniformes militaires en 1998 et en 1999 ? Est-ce qu'il y avait une caserne
23 non loin de votre village ?
24 R. Non, il n'y avait pas de casernes près de notre village, mais j'ai déjà
25 décrit l'aspect de ces uniformes.
26 Q. Maintenant que nous parlons de 1999 et non plus de 1981, pouvez-vous le
27 faire ici devant nous ?
28 R. J'ai fait partie de l'armée et c'était un uniforme de couleur unie, un
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1 uniforme de couleur verte, unie.
2 Q. Connaissez-vous l'aspect des uniformes de l'armée en 1999 ?
3 Ces uniformes étaient-ils de couleur unie ou y en avait-il d'autres
4 différents ?
5 R. Si vous me parlez des uniformes de l'armée, il y avait des uniformes de
6 camouflage. Si vous me demandez quel était leur aspect en 1999, c'étaient
7 des uniformes de couleur bleue et il y avait aussi des uniformes de couleur
8 bleue, mais de camouflage.
9 Q. Vous venez de parler d'uniformes de couleur bleue, mais quelle couleur
10 bleue exactement ? Couleur bleue normale ou couleur bleue de camouflage ? A
11 quoi pensiez-vous lorsque vous vous êtes exprimé ainsi à l'instant, en
12 parlant des uniformes de l'armée, puisque c'est ce que vous avez dit ?
13 R. J'ai parlé de couleur bleue pour les uniformes de la police. Il ne faut
14 pas tout confondre. J'ai dit que les uniformes de policiers étaient de
15 couleur bleue unie et qu'ils avaient aussi des uniformes de camouflage
16 bleu. Quant à l'armée, ces hommes portaient des uniformes de couleur verte
17 et, parfois, des uniformes de camouflage de couleur verte. Je pense que
18 j'ai été clair.
19 Q. Maintenant, vous venez d'être tout à fait clair. Je vous remercie. Vous
20 avez, je suppose, toujours sous les yeux, votre propre déclaration
21 préliminaire, celle que vous avez faite devant les représentants du bureau
22 du Procureur en mai 2008. C'est un document qui a été versé au dossier de
23 la présente affaire, et je vous prierais de vous pencher à l'instant sur le
24 paragraphe 15 de cette déclaration, où nous lisons, je cite :
25 "Trois ou quatre jours après cet incident, je me trouvais dans le
26 centre du village et j'ai parlé à un groupe de huit amis hommes à moi, si
27 je ne me trompe, au nombre desquels se trouvait Syl Gashi. Nous avons parlé
28 pendant assez longtemps, et à un certain moment, deux véhicules, l'un de
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1 l'armée et l'autre de la police, ont pénétré dans le village et se sont
2 arrêtés à une courte distance de l'endroit où nous nous trouvions. Je ne me
3 rappelle pas grand-chose au sujet des véhicules, en dehors du fait que
4 celui de l'armée était une Jeep non bâchée et que le véhicule de police
5 était plus petit."
6 Alors, pourrions-nous dater ce moment-là, je vous prie, car dans l'une de
7 vos déclarations préliminaires vous parlez d'une période de temps déterminé
8 et vous décrivez le même événement en le liant à cette période. Suis-je en
9 droit de dire que cet événement concerne la date du 17 avril 1999, ou ai-je
10 tort de dire cela ? Etait-ce plus tôt ou plus tard ?
11 Je vous renvoie aux paragraphes 15 et 16 de votre déclaration
12 préliminaire, si vous avez besoin d'en prendre connaissance.
13 R. Ceci s'est passé après le 15 ou le 16 avril. Je ne saurais vous donner
14 une date exacte. Cela a pu se passer un jour ou peut-être deux ou trois
15 jours après. En tout cas, c'est dans ce laps de temps à peu près, après la
16 date du 16.
17 Q. Je vous remercie. Tout cela est très, très clair.
18 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demanderais maintenant au Greffier de
19 bien vouloir afficher sur les écrans la pièce D003-6348. Je pense que c'est
20 la version anglaise de ce questionnaire, qui est le document original
21 établi par le centre de défense des droits humains et des libertés de
22 Pristina. Est-ce que j'ai bien cité le numéro ? Je vérifie. Non, je me suis
23 trompé. Ce n'est pas 6348 à la fin, mais 0348. Donc, D003-0348. Nous avons
24 en ce moment la page de garde sur l'écran. Donc, je demande maintenant
25 l'affichage de la première page du document en tant que tel, qui est en
26 réalité la page 2 de cette pièce.
27 Q. Vous dites dans ce document que :
28 "Un mois avant la commission du crime, c'est-à-dire le 3 ou le 4
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1 avril 1999, 12 à 13 hommes en uniforme sont arrivés à bord d'une jeep de
2 l'armée et se sont mis à tirer en l'air. Ils nous ont dit qu'ils étaient
3 membres de l'armée régulière et qu'ils n'allaient pas nous provoquer. Ils
4 sont arrivés le 17 avril et ont mis le feu aux maisons, et nous sommes
5 partis dans la maison d'un voisin qui était plus sûre que la nôtre. Ils ont
6 exigé que nous leur remettions nos armes et ils ont donné comme date limite
7 pour la restitution de ces armes le lendemain, le jour suivant. Ils étaient
8 membres de l'armée régulière, mais il y avait aussi des paramilitaires
9 parmi eux. Ils ont confisqué une jolie voiture et 10 à 15 000 marks
10 allemands à Syl Gashi --"
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez ralentir, Maître.
12 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Toutes mes excuses. Vous avez raison.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.
14 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, Me Djordjevic est en
15 train de citer un long passage d'une déclaration écrite. Donc, je me
16 demandais s'il serait possible d'en avoir la version albanaise qui pourrait
17 aider le témoin en ce moment. Je ne pense pas que le texte soit affiché à
18 l'écran en albanais.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne connais pas la réponse à cela.
20 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Peut-être pourrais-je vous apporter mon
21 concours. Ce document en albanais n'existe pas. Je n'ai pas vu de
22 traduction albanaise de cette déclaration écrite, et c'est la raison pour
23 laquelle je cite moi-même ce passage, afin de gagner du temps pour
24 l'Accusation, pour la Chambre et pour moi-même. J'ai proposé que la version
25 anglaise soit affichée sur les écrans à l'attention de tous ceux qui
26 pratiquent l'anglais. Je voulais demander l'affichage de la version
27 albanaise également, mais je n'ai pas été capable de la trouver. Voilà la
28 seule raison pour laquelle j'ai donné lecture moi-même de ce passage à
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1 l'attention du témoin.
2 Avec votre autorisation, je voudrais pouvoir poser des questions à ce
3 témoin en rapport avec cette déclaration préliminaire faite par lui en
4 2008, ainsi qu'en rapport avec sa déclaration préliminaire de 1999.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela serait sans doute utile, que vous
6 identifiez ce document qui est différent du précédent, et que vous
7 demandiez au témoin d'expliquer la différence entre les deux. Vous venez de
8 citer un passage assez long, mais je pense que vous avez nécessité de
9 demander au témoin ce qu'il pense des différences éventuelles entre les
10 deux.
11 M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est précisément ce que je souhaitais
12 faire, Monsieur le Président. J'admets que la citation était assez longue,
13 mais je voulais garantir qu'il soit impossible de me dire que je n'ai pas
14 resitué ce passage dans le contexte de l'ensemble de la déclaration écrite
15 de ce témoin, et que l'on ne puisse pas me dire que j'ai fait cela
16 uniquement dans l'intérêt de la thèse de la Défense de façon inacceptable.
17 Toutefois, ce que je m'apprêtais à demander au témoin avant que ma collègue
18 de l'Accusation ne se lève, c'est la raison pour laquelle c'est seulement à
19 ce moment-là en 2009, c'est-à-dire neuf ans après les faits, que le témoin
20 -- ou plutôt, en 1999, que le témoin déclare qu'il y avait deux véhicules
21 qui sont arrivés, un véhicule de la police et un véhicule de l'armée,
22 puisqu'en 2008 il parle d'un véhicule de la police et d'un véhicule de
23 l'armée, alors que dans sa déclaration préliminaire de 1999, il ne parle
24 que de l'armée régulière, sans dire un mot de la police.
25 Donc, le 17 avril apparemment, en dehors de cette jeep qui est arrivée, il
26 y a aussi un véhicule de la police qui est arrivé. Alors, d'où venait ce
27 véhicule de la police, puisque le 28 juillet 1999 le témoin a dit très
28 clairement, je cite :
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1 "Ils ont exigé que nous leur restituons nos armes et ils ont fixé la date
2 du lendemain comme délai pour cette restitution. C'étaient des membres de
3 l'armée régulière, et il y avait aussi des paramilitaires parmi eux."
4 Donc, apparemment le témoin sait à quoi ressemblent des policiers,
5 puisqu'il a dit --
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Posez votre question au témoin.
7 M. DJORDJEVIC : [interprétation] La question est la suivante : d'où vient
8 la différence entre les deux déclarations préliminaires dont vous êtes
9 l'auteur ? Pourquoi est-ce que vous parlez des forces de police en 2008,
10 alors qu'en 1999, quand votre souvenir des événements était beaucoup plus
11 frais, vous n'avez pas parlé de la police ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre ?
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez lu très fidèlement le texte d'après
15 ce que je vois. J'ai déclaré à plusieurs reprises que l'événement survenu
16 en avril ou à la fin du mois de mars n'était pas le même, ce qui signifie
17 que la déclaration en question, je l'ai faite le 2 ou le 3 avril, et j'ai
18 parlé à ce moment-là d'armée régulière qui est arrivée à bord d'une jeep de
19 l'armée, et les hommes à bord de ce véhicule ont tiré en l'air. Je l'ai vu,
20 cet incident, de mes propres yeux. Ils sont arrivés dans le village. Ils
21 ont tiré en l'air et ont dit : "N'ayez pas peur de nous. Nous sommes
22 membres de l'armée régulière. Nous n'allons rien vous faire si vous ne nous
23 faites rien."
24 Cela s'est passé le 3 ou le 4. Je ne connais pas la date exacte. C'était au
25 début du mois d'avril. Alors que le 16 avril, j'ai parlé de présence de la
26 police et de l'armée, et un ou deux jours plus tard, ils sont arrivés à
27 bord de deux véhicules. J'ai évoqué cela dans ma déclaration écrite, parce
28 que je l'ai vu de mes propres yeux. Je n'en ai pas simplement entendu
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1 parler par des tiers. Ils sont arrivés à une date qui était ultérieure à la
2 date du 16 ou du 17 pour réclamer de l'argent, comme je l'ai déjà dit.
3 Ils se sont adressés à Syl Gashi, décédé depuis, en disant : "Nous n'avons
4 trouvé aucune arme." Et ils sont entrés tous ensemble dans cette maison. Je
5 crois qu'ils lui ont confisqué une voiture de marque BMW, et ensuite ils
6 lui ont pris une somme qui pouvait aller jusqu'à 3 000 deutschemarks. C'est
7 ce qu'ils ont pris à Syl Gashi. Ils lui ont pris sa voiture et ils se sont
8 dirigés dans la direction de la grand-route, la route menant à Peja.
9 Donc, voilà ce que je peux expliquer s'agissant de ma déclaration écrite de
10 1998 ou 1999. Je parle dans cette déclaration d'événements dont j'ai été
11 témoin oculaire et dont je ne me suis pas contenté d'entendre parler par
12 des tiers.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce que Me Djordjevic a souligné devant
14 vous, Monsieur, c'est que dans votre déclaration de 1999, vous dites,
15 semble-t-il, en rapport avec l'incident du 17 avril, je cite : "Ils étaient
16 membres de l'armée régulière, mais il y avait aussi des paramilitaires."
17 Vous ne dites pas un mot de la police, d'une présence de la police, donc Me
18 Djordjevic vous demande pourquoi vous dites seulement dans votre
19 déclaration la plus récente que la police et l'armée étaient présentes.
20 Pouvez-vous nous aider sur ce point ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer. J'ai prononcé les mots armée
22 et police, mais on aurait pu dire armée et paramilitaires. Je ne sais pas
23 pourquoi cela a été écrit comme cela parce que je ne sais pas ce que les
24 gens qui ont mis par écrit dans ma déclaration préliminaire, ont couché sur
25 le papier. J'ai prononcé le mot "armée." Certains peuvent les décrire comme
26 des paramilitaires, mais pour moi c'était la police et l'armée. J'espère
27 avoir été clair maintenant.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que ceci vous
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1 aide, Maître Djordjevic ?
2 M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'espère que ceci pourra nous aider tous.
3 Quoi qu'il en soit, c'est la réponse faite par le témoin.
4 Q. Je me dois de revenir sur la date du 28 juillet 1999, de la déclaration
5 que vous avez faite à ce moment-là. J'ai lu cette déclaration de bout en
6 bout avec le plus grand soin, et je dois dire que vous n'y parlez nulle
7 part de la police. Vous ne faites état que de la présence de l'armée et des
8 paramilitaires. Mon moteur de recherche sur mon ordinateur me montre que
9 dans votre déclaration préliminaire de 2008, vous évoquez la police à 29
10 reprises, alors que vous ne le faites pas une fois dans votre déclaration
11 de 1999. Alors, comment se fait-il que neuf ans après les faits, vous
12 parliez de la police à 29 reprises alors qu'en 1999, une date beaucoup plus
13 proche des événements qui font l'objet de votre déposition, vous n'en
14 parlez pas une seule fois ? Et en 1999, vos souvenirs étaient plus frais.
15 R. J'ai déjà répondu à cette question, et je n'ai pas d'autre réponse à
16 faire.
17 Q. Vous n'avez pas tout à fait répondu. Comment se fait-il qu'en 1999 vous
18 n'ayez pas parlé de la police une seule fois ? A ce moment-là, vous ne
19 parlez que de l'armée régulière et à deux reprises, vous dites "et
20 éventuellement de paramilitaires."
21 R. Je ne me rappelle pas avoir parlé de paramilitaires ou de forces
22 irrégulières. Mais puisque vous le dites, je vais répéter ce que j'ai déjà
23 dit. Il y avait une présence de la police et de l'armée. Je ne sais pas
24 pourquoi il y a ces différences dans les textes, mais ce que je dis
25 aujourd'hui, c'est que la police et l'armée étaient présentes. Et je le dis
26 en toute responsabilité, nonobstant ce que vous venez de me soumettre comme
27 ressortant de la lecture de mes déclarations. Je dis cela, pas dans le
28 souci d'accuser qui que ce soit, mais parce que c'est ainsi que les choses
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1 se sont passées.
2 Q. Je vais vous soumettre un autre passage de votre déclaration du 28
3 juillet 1999, qui ne correspond pas à ce que vous avez dit dans votre
4 déclaration de 2008.
5 Toujours à la même page 2 de ce document, paragraphe 3, si je ne
6 m'abuse, vous dites, je cite :
7 "Je suis parti à une distance assez courte afin de ne pas être abattu
8 devant ma famille. Le reste de ma famille et les 40 personnes venues de
9 l'extérieur qui s'étaient abritées dans ma maison sont restées à
10 l'intérieur de la maison."
11 Donc, ça vous le dites en 1999, et neuf ans plus tard, vous dites, au
12 paragraphe 7 de votre déclaration de 2008 qu'il y avait 17 personnes dans
13 votre maison. Et vous ajoutez, je cite :
14 "En mai 1999, j'étais à Qyshk en compagnie de ma famille."
15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Djordjevic de lire plus
16 lentement une citation qui est sortie d'un texte qu'ils n'ont pas sous les
17 yeux.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre ?
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] En 2008, on ne m'a interrogé qu'au sujet des
21 membres de ma famille proche, mais pas au sujet de l'ensemble des personnes
22 qui se trouvaient dans la maison. Donc ce que j'ai dit ne concernait que
23 les membres proches, les plus proches de ma famille. Donc mes frères, leurs
24 épouses, leurs fils, et cetera, cela faisait 17 personnes. Mais en vérité,
25 il y avait dans la maison 40 personnes, y compris des femmes, des enfants,
26 des hommes. Mais à l'époque, on ne m'a pas interrogé à leur sujet, on ne
27 m'a pas posé les mêmes questions que celles qu'on m'a posées en 2009.
28 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
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1 Q. Je vous remercie. En 1999, la personne qui vous a interrogé a parlé de
2 ces personnes qui se trouvaient dans votre maison comme étant des invités,
3 bien entendu, il est clair à nos yeux à tous ici dans ce prétoire qu'on ne
4 peut pas avoir 40 invités dans une maison. Alors, qui étaient ces personnes
5 ? Si je vous ai bien compris, ces 40 personnes venaient s'ajouter aux 17
6 membres de votre famille. Est-ce que je vous ai bien compris ?
7 R. Si vous insistez pour obtenir de moi ce que vous souhaitez entendre, je
8 dirais qu'en effet, ces personnes étaient des gens qui habitaient à 200
9 mètres à peu près de notre maison. Ils avaient quitté leurs domiciles et
10 étaient venus trouver refuge dans notre maison. C'était des habitants de
11 mon village, mais ils habitaient dans un lieu situé plus haut et leur
12 nombre était d'environ 40. Quant aux membres de ma famille, ils étaient 17.
13 Donc les autres étaient des gens qui habitaient le village mais qui
14 habitaient un peu plus haut. Voilà ce que je vous répondrais.
15 Q. A 200 mètres de votre maison ? C'est bien ce que vous avez dit ?
16 R. A 200 ou 300 mètres de la ville de Peja, dans un hameau dont le nom
17 était Fushe e Peje. Je ne sais pas comment je pourrais vous décrire cela
18 avec plus de précision. Leur hameau s'appelait Fushe e Peje.
19 Q. Je vous remercie. Combien y avait-il parmi eux d'hommes âgés de 20 à 60
20 ans en dehors de vous-même et de vos frères ? Donc tous ces habitants qui
21 sont arrivés dans votre maison, combien y avait-il parmi eux d'hommes âgés
22 de 20 à 60 ans ?
23 R. Que voulez-vous dire exactement ? A quel moment ?
24 Q. Au moment des faits.
25 R. Vous parlez des gens qui se sont regroupés dans la cour de ma maison,
26 dans le jardin ?
27 Q. Bon. Je vais essayer d'être plus précis. Vous dites qu'au moment où
28 vous êtes sorti de votre maison, après que votre mère vous ait prié de
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1 partir afin d'éviter que vous ne soyez tué, vous avez laissé derrière vous
2 ces 40 à 50 personnes, membres de votre famille et invités et je ne sais
3 plus qui d'autre, et donc, vous partez. Cela s'est passé, je suppose, le 14
4 mai 1999.
5 Alors maintenant, je vous demande : Qui reste dans la maison après votre
6 départ ? Est-ce que sont restés dans la maison vos frères, vos voisins ?
7 Donc, est-ce qu'il y avait des hommes qui sont restés dans la maison après
8 votre départ, ou est-ce qu'il n'y avait que des femmes et des enfants ?
9 R. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai parlé de femmes et d'enfants.
10 Vous l'avez, ma déclaration, devant vous. Je vous prierais, Monsieur le
11 Président, Messieurs les Juges, de m'interroger si vous le souhaitez, mais
12 sinon, Maître, vous avez ma déclaration sous les yeux et tout figure dans
13 ma déclaration.
14 Q. Dans votre déclaration, vous dites :
15 "Je suis parti à courte distance de façon à ne pas être tué devant ma
16 famille. Le reste de la famille et quelque 40 invités qui se trouvaient
17 dans ma maison sont restés dans la maison après mon départ."
18 Mais vous ne parlez pas de femmes et d'enfants. C'est pourquoi je vous pose
19 la question que je viens de vous poser. Y avait-il des hommes dans votre
20 maison après votre départ ? Vos frères étaient-ils dans votre maison, par
21 exemple, après votre départ, puisque vous avez dit que vous aviez deux
22 frères ?
23 Dans votre déclaration préliminaire, au paragraphe 7, et je parle de la
24 déclaration de 2008, ainsi qu'au paragraphe 3 de votre déclaration
25 préliminaire de 1999, c'est ce que vous dites. J'en conclus que tous les
26 autres, hormis vous, sont restés à l'intérieur de la maison après votre
27 départ. C'est pourquoi je vous demande si, parmi ceux qui sont restés dans
28 la maison, il y avait des hommes. Pourriez-vous, je vous prie, répondre à
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1 cette question ?
2 R. Je répète encore une fois qu'après avoir vu la police et l'armée en
3 train d'arriver vers le village, je suis retourné à l'intérieur de la
4 maison. J'ai dit à toutes les personnes présentes ce que je venais de voir.
5 Nous étions en train de prendre un café et tout le monde est parti dans la
6 direction du village. Moi, j'étais toujours chez moi, mais je suis allé
7 chez le voisin le plus proche à qui j'ai dit ce que j'avais vu et j'ai dit
8 à ce voisin et à sa famille qu'il fallait qu'ils partent de chez eux pour
9 aller n'importe où. Je ne savais pas où. Voilà la vérité. Mais cette
10 question, on ne me l'a pas posée au moment où j'ai fait ma première
11 déclaration préliminaire.
12 Q. C'est la raison pour laquelle je vous repose ma question pour la
13 dernière fois. Vos deux frères sont-ils restés dans la maison en compagnie
14 des autres hommes qui s'y trouvaient à ce moment-là ?
15 R. Comme je l'ai dit, ils étaient déjà partis avant moi. Moi, je suis
16 parti après. Je suis parti dès que j'ai informé mes voisins du fait que
17 l'armée et la police étaient en train de pénétrer dans le village; parce
18 qu'eux étaient déjà partis et moi, je suis encore resté à mon domicile et
19 c'est seulement après que ma mère m'ait prié de partir que je suis parti
20 aussi.
21 Q. Je vous remercie. Monsieur Berisha, veuillez me dire, je vous prie,
22 puisqu'en 1999, vous avez, à plusieurs reprises, comme vous l'avez
23 d'ailleurs fait en 2008 également, utilisé le mot "paramilitaire."
24 Qu'entendez-vous, vous personnellement, par ce terme de "paramilitaire ?"
25 R. Je ne comprends pas votre question.
26 Q. Lorsque vous avez parlé aux enquêteurs du Tribunal, vous avez utilisé
27 le mot "paramilitaire." Ce qui m'intéresse, par conséquent, c'est de savoir
28 ce que vous entendez par l'emploi de ce terme "paramilitaire." Et une fois
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1 que vous aurez répondu à cette question, j'en aurai une autre à vous poser.
2 R. Je ne sais pas. Vous pouvez me poser la question suivante et si je me
3 souviens, alors, je reviendrai à la réponse à cette question-ci.
4 Q. Je peux donc en conclure que vous ne savez pas ce que veut dire le
5 terme "paramilitaire."
6 R. Non, je ne sais pas. Je ne veux pas dire ici que je ne sais pas, mais
7 je ne vais pas répondre à cette question. Je parle ici de police et
8 d'armée. Je ne sais pas ce que vous, vous entendez par paramilitaire. Vous
9 avez des personnes qui pourraient les appeler paramilitaires. Mais pour
10 moi, pour une personne qui était sur place et qui a tout vu de ses propres
11 yeux, il s'agissait de membres de la police et de l'armée. Voilà donc ma
12 réponse à votre question.
13 Q. Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne 2008, mais pas en ce qui
14 concerne 1999 parce qu'en 1999, vous avez mentionné les paramilitaires et
15 je crois qu'en 2008, vous l'avez fait aussi. Quoi qu'il en soit, merci.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic, d'après ce que je
17 comprends, d'après les éléments de preuve de notre témoin, il n'a pas
18 utilisé le terme "paramilitaire." Il ne peut donc pas dire que la personne
19 qui l'a interrogé ne l'a pas écrit ou l'a peut-être écrit, mais il dit que
20 lui, -- ça vient peut-être donc de la personne qui a rédigé sa déposition.
21 Mais lui n'a pas utilisé, lui-même, le terme "paramilitaire."
22 Maintenant, cela peut donc expliquer pourquoi votre question n'est pas
23 pertinente à ses yeux, en ce qui concerne les événements qui sont survenus
24 en avril et en mai, puisqu'il dit : "Je n'ai parlé que de la police et de
25 l'armée."
26 Je vous ai bien compris, n'est-ce pas, Monsieur Berisha ?
27 L'INTERPRÈTE : Le témoin opine de la tête.
28 M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'aurais bien compris le témoin, s'il
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1 n'avait pas -- enfin, je comprends, Monsieur le Président. Je l'aurais
2 compris, mais il a dit qu'il ne souhaitait pas répondre. Alors, s'il s'en
3 était tenu à sa réponse "Je ne sais pas," j'aurais très bien compris. Bon,
4 peu importe, allons de l'avant.
5 Q. A combien de kilomètres de Cuska se trouve le village de Pavlan ?
6 R. Ce sont deux villages adjacents. Donc, si j'ai bien compris votre
7 question, il n'y a pas de kilomètre qui sépare ces deux villages. Il y a
8 juste une séparation, une ligne de séparation qui sépare les deux villages.
9 C'est tout, il n'y a pas de distance.
10 Q. Et par rapport au village de Zahac ?
11 R. Là, la distance par rapport à Qyshk est probablement de deux kilomètres
12 et demi, trois kilomètres, entre les deux villages de Zahaq et Qyshk.
13 Q. Le village de Lodja ?
14 R. Par rapport à Qyshk ?
15 Q. Oui, Lodja.
16 R. Vous voulez dire entre Lodja et le village de Qyshk ?
17 Q. Oui.
18 R. Trois kilomètres minimum ou un petit peu plus. Je ne sais pas
19 exactement. Oui, je dis donc 3 kilomètres, peut-être un peu plus, je ne
20 sais pas exactement, c'est à vol d'oiseau.
21 Q. Avez-vous connaissance de personnes au sein de votre village de Cuska
22 qui seraient membres de l'UCK ?
23 R. Je sais qu'Agim Ceku était commandant de l'UCK. Pour les autres, je ne
24 sais pas.
25 Q. Outre Agim Ceku, avez-vous connaissance d'autres personnes du village
26 qui auraient été membres de l'UCK ?
27 R. Je ne connais personne d'autre.
28 Q. Dans la mesure où Lodja n'est qu'à 3 kilomètres de Cuska, avez-vous été
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1 le témoin ou avez-vous eu connaissance des combats très importants entre
2 les forces serbes et l'UCK, c'est-à-dire, entre l'armée serbe et l'UCK, en
3 1998 ?
4 R. Je n'ai pas été témoin de ces combats moi-même, mais effectivement,
5 j'ai entendu des coups de feu.
6 Q. Avez-vous entendu parler des combats qui se sont produits ?
7 R. Il y a eu des combats.
8 Q. En avez-vous entendu parler par vos voisins ?
9 R. [aucune interprétation]
10 Q. Merci. Comment s'appellent vos frères ?
11 R. Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît ?
12 Q. Comment s'appellent vos frères avec qui vous partagiez la maisonnée ?
13 R. Nezir Berisha et Fadil Berisha.
14 Q. Avez-vous été accusé par les forces de sécurité serbes que ce soit vous
15 ou votre frère Nezir d'avoir participé au commerce illégal d'armes par les
16 villages de Decani, Glodjani et Cuska, ainsi qu'à travers les champs ?
17 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela. Je n'ai jamais été
18 accusé de toute ma vie de tels incidents. J'aurais aimé que ce soit vrai,
19 ce que vous venez de me dire, mais comme je l'ai dit, c'est la première
20 fois que j'entends évoquer une telle accusation de votre part.
21 Q. Merci. Y avait-il d'autres personnes à Cuska qui avaient le même nom de
22 famille et le même prénom ?
23 R. Il y a des personnes qui ont le même prénom que moi mais pas le même
24 nom de famille.
25 Q. Le même prénom et le même nom de famille, Berisha, Hazir, Hazir Berisha
26 ?
27 R. Oui, il y a d'autres personnes qui ont le même prénom que moi, Hazir.
28 Mais le même nom de famille, Berisha, non.
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1 Q. Merci. Savez-vous qui est Tahir Kelmendi ? De Cuska.
2 R. Il habite dans mon village, oui, c'est un de mes concitoyens dans mon
3 village.
4 Q. A quelle distance sa maison se trouve-t-elle par rapport à la vôtre ?
5 R. Environ 300 mètres, je dirais, à vol d'oiseau. Il habite sur une autre
6 route par rapport à la mienne, mais dans le même village.
7 Q. L'avez-vous vu à ce moment-là, à cette époque-là, aux alentours du 14
8 mai ?
9 R. Non. Je ne me rappelle pas.
10 Q. Avez-vous connaissance de certains événements qui se seraient produits
11 dans la région et plus particulièrement la municipalité de Pec concernant
12 des civils serbes qui auraient été enlevés ? Etes-vous au courant de cela ?
13 R. Non.
14 Q. Etes-vous au courant du fait que -- ou plutôt, oui, du fait que de
15 nombreux membres de la police et de l'armée ont été tués dans la région de
16 Pec ?
17 R. Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette question.
18 Q. Je vous demande simplement si vous avez connaissance de ces faits ?
19 R. Non.
20 Q. Etes-vous au courant de Salipur, du fait que Salipur, un policier de
21 Pec, a été tué par des terroristes de l'UCK ? En avez-vous entendu parler ?
22 R. Je dirais plutôt l'inverse de ce que vous venez de dire. Salipur a été
23 tué. Je ne sais pas exactement quand ni par qui. Je ne sais pas à quels
24 terroristes vous faites allusion. Je suis ici en tant que témoin, et c'est
25 la partie adverse qui a commis des actes de terreur et de terrorisme dans
26 cette région.
27 Q. Merci. Ma question était la suivante : êtes-vous au courant de membres
28 de l'armée ou de la police qui auraient été tués ? Vous avez dit que vous
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1 ne connaissiez aucun terroriste. Néanmoins, j'en conclus que vous saviez
2 que Salipur avait été tué, même si vous ne savez pas qui l'a tué. Bien.
3 Quoi qu'il en soit, nous allons aller de l'avant.
4 Avant les événements de 1999 et jusqu'en mai de cette année-là, avez-vous
5 vu des patrouilles de police ou de l'armée, comprenant des membres serbes
6 provenant des villages avoisinants de Pec, Nakle, Gorazdic ? Est-ce que
7 vous auriez vu ces personnes en uniforme, des patrouilles donc en uniforme
8 ? Est-ce que vous avez vu ces personnes traverser votre village ou est-ce
9 que vous avez eu l'occasion de les voir à Pec lorsque vous vous y êtes
10 rendu ?
11 R. Vous parlez de membres de l'armée ou de la police qui portaient des
12 uniformes ? Est-ce que vous pourriez me poser des questions plus courtes et
13 plus claires, parce que vraiment j'ai du mal à comprendre vos questions.
14 Q. Je veux dire tous les membres, que ce soit des soldats, des membres de
15 l'armée, des membres de la police, des personnes en uniforme de camouflage,
16 ceux portant des bandanas, des casquettes, des chapeaux. Est-ce que vous
17 avez vu certains de vos voisins porter des uniformes ou des tenues de ce
18 type-là ?
19 R. Si vous faites allusion à des Serbes, c'est autre chose. Maintenant, si
20 vous me parlez des voisins qui habitaient dans les maisons avoisinantes,
21 c'est autre chose alors.
22 Q. Ma question était très claire. Ma question était très claire au sujet
23 des villages de Nakle, Gorazdice, Pec. Je me suis donc limité aux villages
24 qui étaient voisins du vôtre.
25 R. Nakle, Gorazdice, partout les Serbes avaient des uniformes qui leur
26 avaient été remis par l'Etat. Ils avaient tous des uniformes chez eux. Tout
27 le monde le savait, tout le monde en était parfaitement conscient, et je ne
28 vois pas pourquoi vous me posez cette question. C'était du domaine public
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1 que tous les Serbes avaient reçu des uniformes.
2 Q. Est-ce que l'un d'entre eux était présent le 14 mai 1999, dans votre
3 village lorsque le massacre a été perpétré ?
4 R. J'ai déjà mentionné ceux que j'avais vus. Peut-être y en avait-il
5 d'autres du village de Gorazdice, et d'autres villages. Mais pour les
6 autres, je ne sais pas d'où ils venaient.
7 Q. Les personnes dont vous avez parlé étaient bien MM. Popovic et
8 Kastratovic. Vous dites que vous les avez reconnus, puisque vous les
9 connaissiez de vue. Où les aviez-vous vus auparavant ? Et vous avez vu
10 certaines des photos. Par exemple, que pouvez-vous me dire sur Kastratovic
11 ? D'où venait-il ? Quel âge avait-il ? Est-ce que vous savez quelle était
12 sa profession ? Où est-ce que vous l'aviez rencontré personnellement ? Où
13 est-ce que vous l'aviez vu, puisque vous avez dit que vous ne le connaissez
14 que de vue ?
15 R. Comme je vous l'ai déjà dit, je ne le connaissais que de vue. Je l'ai
16 vu lorsqu'il est venu au village de Qyshk le 14 mai, ainsi que les 16 et 17
17 mai. Voilà ma réponse.
18 Q. L'aviez-vous vu avant cette date-là ? Kastratovic, je veux dire,
19 l'aviez-vous vu avant ?
20 R. Vous voulez dire avant le 14 ? Je crois que j'ai été très clair. Je
21 l'ai vu le 14, ainsi que les 16 et 17.
22 Q. Mai ou avril ?
23 R. Vous savez que nous avons deux dates séparées. Il y a d'une part le 14
24 mai, d'autre part les 16 et 17 avril.
25 Q. Est-ce que Kastratovic portait le même uniforme les deux fois où vous
26 l'avez vu, Monsieur Berisha ?
27 R. Oui.
28 Q. Quel type d'uniforme portait-il ? A quoi ressemblait cet uniforme ?
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1 R. Je crois que je l'ai déjà dit à plusieurs reprises auparavant. Il
2 portait un uniforme vert de camouflage.
3 Q. Quel type d'arme portait-il ?
4 R. Une mitraillette.
5 Q. Quand avez-vous vu sa photo pour la première fois ?
6 R. Après l'entrée des troupes de l'OTAN. Nous parlons bien de sa photo;
7 c'est bien cela ? Oui, après l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosova, ils
8 ont trouvé des photos dans les différentes maisons et à différents
9 endroits, des photos où ils s'étaient photographiés eux-mêmes. Ces photos
10 m'ont été apportées, et l'on m'a demandé si je connaissais ces personnes.
11 Q. Est-ce qu'ils vous ont apporté les photos, ou est-ce qu'ils vous ont
12 montré la photo de Kastratovic sur l'écran d'un ordinateur portable ?
13 R. J'ai déjà dit la chose suivante : ils avaient laissé des photos chez
14 eux dans leurs maisons, et ils nous ont apporté ces photos parce qu'ils
15 n'avaient pas d'ordinateur avec eux.
16 Q. Mais quand vous dites "ils", qui sont "ils" ? Qui sont les personnes
17 qui vous ont apporté les photos ?
18 R. Je ne me souviens pas qui ils étaient.
19 Q. Pouvez-vous me dire si vous reconnaissez de vue Salipur, celui qui,
20 d'après vous, s'est comporté à l'égard des Albanais de façon
21 particulièrement sadique, Salipur, le policier de Pec; c'est bien cela ?
22 R. Salipur était un homme grand, mince, auquel tout le monde s'adressait
23 en l'appelant Salipur. Moi, je ne le connaissais pas personnellement, mais
24 je l'avais vu plusieurs fois à Peje. Donc, je savais qu'il était policier
25 même avant la période concernée. J'ai vu de mes propres yeux la façon dont
26 il maltraitait les passants, les personnes qui passaient par là, qui se
27 trouvaient sur son chemin.
28 Q. Quand avez-vous vu sa photo ? Est-ce que vous l'avez vu le même jour
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1 que la photo de Kastratovic ?
2 R. Je ne me souviens pas.
3 Q. Vous souvenez-vous de la personne ou des personnes qui vous ont montré
4 sa photo ?
5 R. Je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises je ne me souviens pas.
6 Q. Avez-vous vu Popovic avant le 14 mai et avant le 17 avril, et si oui,
7 si vous l'avez vu, pouvez-vous me dire où ?
8 R. Je ne l'ai pas vu avant ces dates-là.
9 Q. Avez-vous remarqué quoi que ce soit de particulier concernant Popovic,
10 qu'il s'agisse de sa démarche, de la façon dont il marchait, ou qu'il
11 s'agisse de son élocution, la façon dont il parlait ?
12 R. Je ne me souviens pas.
13 Q. Quand sa photo vous a-t-elle été présentée et sous quelle forme ?
14 S'agissait-il d'une photo papier ou d'une photo sur un écran d'ordinateur
15 portable ?
16 R. Je le répéterais autant de fois que vous me le demanderez. Après
17 l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosova, ces photos ont été trouvées et
18 ensuite m'ont été présentées, mais je ne sais plus par qui. Pour être
19 encore plus clair, je ne me souviens plus qui m'a apporté ces photos.
20 Q. Pour éviter de vous reposer la même question au sujet d'autres
21 personnes, est-ce que ce que vous venez de me dire vaut pour toutes les
22 photos qui vous ont été montrées ?
23 R. Pour ces photos sur lesquelles j'ai identifié les participants à ces
24 incidents, pour ces photos-là, toutes m'ont été présentées après l'entrée
25 des troupes de l'OTAN au Kosova. Maintenant, qui me les a présentées, je
26 vous l'ai déjà dit je ne me rappelle pas.
27 Q. Nebojsa Minic, le connaissiez-vous avant le 14 mai, avant les
28 événements du 14 mai ?
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1 R. Le 14 mai. En fait, j'ai fait allusion aux incidents survenus avant le
2 14 mai, à savoir les 16 et 17 avril, et si vous continuez à me poser
3 toujours les mêmes questions, je vous répondrai toujours de la même façon.
4 Q. Ma question est la suivante : est-ce que vous connaissiez Nebojsa Minic
5 avant les événements des 16 et 17 avril et du 14 mai ? Est-ce que vous
6 l'aviez déjà vu avant cela ?
7 R. Je ne me souviens pas.
8 Q. Très bien. Vous nous avez dit que ces photos vous ont été présentées à
9 l'issue de l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosovo. Qu'est-il advenu de
10 ces photos ? Est-ce qu'elles vous ont été laissées, est-ce que vous les
11 avez gardées, ou est-ce qu'ils les ont reprises ?
12 R. Non. Ils m'ont montré les photos. Mais ils ne me les ont pas laissées.
13 Aucune photo ne m'a été laissée.
14 Q. Etant donné que nous sommes censés avoir eu une petite pause technique
15 au bout d'une heure et demi de notre séance, je vais juste vous poser
16 encore une question avant la pause.
17 Dans votre témoignage aujourd'hui, vous n'avez parlé de personne qui vous
18 ait apporté des photos. Vous avez, au lieu de cela, évoqué un livre qui
19 vous avait été remis en cadeaux pour vous remercier de votre participation
20 à l'enquête, et c'est par l'intermédiaire de ce livre que vous avez réussi
21 à reconnaître ces individus. Alors maintenant, vous venez de nous dire
22 quelque chose de complètement différent.
23 Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, nous expliquer ou, en tout cas,
24 faire en sorte que vos deux déclarations concordent un petit peu mieux,
25 puisque vous les avez faites à une demi-heure d'écart. Donc ce serait
26 important qu'elles concordent.
27 R. La vérité est que juste après la guerre, ces photos nous ont été
28 présentées, nous ont été apportées, mais même encore plus tard, le livre
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1 que vous avez évoqué contenait ces photos; et donc, j'ai pu reconnaître
2 encore une fois ces mêmes personnes. Ce sont les mêmes personnes qui ont
3 apporté le livre.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce un bon moment pour la pause,
5 Monsieur Djordjevic ?
6 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant la pause,
7 puis-je verser le questionnaire auquel j'ai fait allusion sous la cote
8 D003-0348, peut-il être versé au dossier pour ne pas que j'oublie après la
9 pause ?
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cette demande est acceptée.
11 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Donc ce document aura la cote D00117,
13 Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Berisha, nous allons
15 maintenant avoir une autre pause, et nous allons poursuivre ensuite jusqu'à
16 environ 19 heures. Cela vous convient-il ? Très bien.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Nous levons la séance pour le
19 moment jusqu'à 18 heures 10.
20 --- L'audience est suspendue à 17 heures 43.
21 --- L'audience est reprise à 18 heures 10.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djordjevic.
23 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Je vais donc reprendre mon contre-interrogatoire.
25 Q. De façon à bien éclaircir la partie pertinente de votre déclaration, il
26 va falloir que je continue à vous poser des questions concernant les
27 personnes que vous auriez reconnues sur les photographies.
28 Au paragraphe 69 de la déclaration de 2008, vous dites :
Page 4662
1 "Je n'ai pas reconnu quelqu'un de connaissance."
2 Aurais-je raison de dire que vous ne connaissiez aucune de ces
3 personnes précédemment, mais que par la suite, vous les avez reconnues sur
4 les photographies qu'on vous a montrées comme étant ceux qui avaient
5 participé aux événements du 14 mai ou du 17 avril ? Est-ce que c'est là ce
6 que veut dire cette phrase-ci de votre déclaration, cette phrase précise ?
7 R. Votre question est assez longue. Pourriez-vous la raccourcir afin
8 que je puisse vous suivre ?
9 Q. Au paragraphe 69, vous dites :
10 "…mais je n'ai pas reconnu qui que ce soit de connaissance," et vous
11 parliez de soldats et de policiers, et vous dites que vous n'avez pas pu
12 savoir, vous ne pouviez pas savoir : "Je ne suis pas en mesure de dire dans
13 quelle unité ceux-ci participaient à des opérations, mais je n'ai reconnu
14 personne que je connaissais ou personne de connaissance."
15 Donc, ma question, c'est : est-ce que je peux conclure que vous ne
16 connaissiez aucune de ces personnes avant les événements du 14 mai 1999; et
17 en ce qui concerne certains d'entre eux, vous avez dit que les aviez
18 également vus le 17 avril ? Est-ce que j'ai raison de tirer cette
19 conclusion ou non ?
20 R. Si vous voulez que je vous fasse plaisir, j'ai dit qu'avant le 16
21 ou le 17, je ne les connaissais pas, ceux que j'ai identifiés par leurs
22 noms sur plusieurs photos, parce que je les ai vus sur plusieurs photos.
23 Mais si vous me posez des questions à un autre sujet, à ce moment-là, je
24 pourrais vous donner une autre explication. Voilà ma réponse.
25 Q. Merci. C'était précisément ma question, celle à laquelle vous avez
26 répondu.
27 J'aimerais savoir ceci, il s'agit d'une question qui vous avait été posée
28 par ma consoeur et la réponse que vous lui avez faite n'était pas claire.
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1 Vous dites que vous croyez que ce qui s'est passé s'est passé parce que les
2 Serbes s'étaient vengés. Vous avez dit que la vengeance était la cause de
3 toutes ces actions de leur part. Pourriez-vous me dire exactement ce que
4 vous vouliez dire en disant que la vengeance était à la racine de tout ce
5 qu'ils avaient fait, de toutes leurs actions ?
6 R. Je crois que j'ai été suffisamment clair lorsque ce que j'ai dit,
7 répondant à la question, que c'était une vengeance contre l'OTAN parce que
8 c'était nous qui avions demandé à l'OTAN d'intervenir. Et cela étant le
9 cas, ils se sont vengés contre nous en tuant des Albanais et en faisant ce
10 que j'ai dit dans ma déposition ici, ceci pour résumer les choses.
11 Q. Je vous remercie. Puis-je conclure qu'avant cela, il n'y avait jamais
12 eu d'hostilités entre les deux nations ?
13 R. Je ne dirais pas cela parce qu'il est de notoriété publique, tant pour
14 les Albanais que pour les Serbes, que les hostilités ont commencé beaucoup
15 plus tôt, remontent beaucoup plus loin. Mais je parle de vengeance, de la
16 vengeance qu'ils ont voulu tirer après l'intervention de l'OTAN parce que
17 dans ce cas, ils voulaient faire davantage que ce qu'ils avaient déjà fait.
18 Et ils ont commencé et ils voulaient purger les villages en chassant les
19 Albanais, les renvoyer en Albanie en maltraitant les gens et en faisant
20 bien d'autres mauvaises actions, tandis que dans notre cas, nous avons eu
21 le malheur d'être tués. Mais les hostilités proprement dites avaient
22 commencé beaucoup plus tôt.
23 Je pourrais ajouter quelque chose, si vous me le permettez.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas eu d'hostilités avec les
26 familles serbes qui vivaient auprès de nous, avec nous. Mais ces hostilités
27 mettaient en cause les autorités serbes. Je n'avais rien contre mes
28 voisins, mes voisins serbes. Nous n'avons tué personne, nous n'avons
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1 incendié la maison de personne. Mais ce que vous êtes en train de me dire,
2 en fait, a trait aux autorités, aux gouvernementaux, mais pas à nous.
3 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
4 Q. Merci de votre réponse. Vous avez dit qu'il y avait trois familles
5 Serbes qui vivaient dans votre village, c'est-à-dire le village de Cuska.
6 Vous avez dit qu'il n'y avait jamais eu d'hostilité à leur égard. Est-ce
7 qu'ils ont continué de vivre dans votre village ?
8 R. Ils ont continué à vivre là-bas jusqu'à ce qu'ils aient eux-mêmes
9 décidé de partir. Ils sont restés à Qyshk jusqu'à ce que la KFOR ait quitté
10 les lieux, mais alors ils sont partis pour la Serbie. Je n'ai pas d'autre
11 réponse à vous faire.
12 Q. Merci. Aux paragraphes 43 et 47, vous dites que vous avez observé que
13 le commandant avait fait un geste dont vous croyez qu'il voulait donner
14 l'ordre que certains Albanais de souche de Cuska soient exécutés par ceux
15 qui se trouvaient sous ses ordres. Vous avez décrit son geste comme mettant
16 ses mains l'une sur l'autre et les bougeant de telle sorte que vous avez
17 cru que c'était un ordre d'exécution. Au paragraphe 47, quand vous dites
18 que vous avez observé un soldat qui faisait le même geste à son commandant,
19 vous avez cru que ceci voulait dire que l'ordre avait été exécuté.
20 Pouvez-vous me dire ce qui vous a fait conclure premièrement qu'il
21 s'agissait d'un ordre d'exécution; deuxièmement, que le deuxième geste,
22 mais qui était le même geste, voulait dire que l'ordre avait été exécuté ?
23 D'où tirez-vous cela ?
24 R. Je suis parvenu à cette conclusion après avoir entendu les coups de feu
25 et après avoir vu la fumée qui sortait des maisons. Par ce geste, c'était
26 ma déduction personnelle, et je comprends que tel était le cas. En fait, il
27 s'est révélé que c'était vrai.
28 Q. Est-ce que par la suite vous avez reconnu le commandant qui avait fait
Page 4665
1 ce geste ou le soldat qui est venu rendre compte en faisant le même geste
2 que l'ordre avait été exécuté ? Est-ce que vous l'avez reconnu par la suite
3 sur la photographie qu'on vous a montrée ?
4 R. De quel soldat parlez-vous ?
5 Q. Apparemment au paragraphe 47, vous dites que le soldat fait le même
6 geste en regardant son commandant. Il a donc croisé les mains de la même
7 manière, mettant l'une sur l'autre, et vous avez dit que vous avez
8 considéré que ceci voulait dire que cet ordre avait été exécuté; tandis
9 qu'au paragraphe 43, vous mentionnez ce geste pour la première fois, et
10 vous dites que vous avez compris que cela voulait dire que l'homme devait
11 être tué; tandis qu'au paragraphe 47, vous dites qu'après avoir vu encore
12 une fois ce même geste, vous avez considéré que ceci voulait dire que les
13 hommes avaient été tués. La deuxième fois, c'était l'un des hommes qui
14 faisait ce geste, non pas le commandant.
15 R. Oui. Le soldat qui a fait ce geste avec ses mains, c'est Popovic.
16 C'était celui que j'ai reconnu, et je crois avoir dit cela dans ma
17 déclaration. Il y avait plus de 70 personnes qui étaient présentes là. Je
18 ne pouvais pas les reconnaître toutes.
19 L'INTERPRÈTE : Les intervenants se chevauchent.
20 Q. -- commandant ?
21 R. Je vous répète que puisque c'était la personne qui donnait des ordres -
22 - il était l'un des deux à donner des ordres. J'ai pensé qu'il était leur
23 chef et leur commandant, et je répète que telle était mon hypothèse.
24 Q. Le commandant, vous l'avez reconnu, celui dont vous parlez dans le
25 paragraphe 43 de votre déclaration, celui qui donne l'ordre en faisant ce
26 geste, enfin d'après votre interprétation de cet ordre ?
27 R. Moi, je pensais à Srecko Popovic. C'est l'homme que j'ai reconnu à la
28 mi-avril. Il était présent le 14. Mais je crois que c'est la énième fois
Page 4666
1 que je réponds à cette question.
2 Q. Merci. Dites-moi, votre famille, même s'il avait été annoncé qu'elle
3 serait expulsée du Kosovo, votre famille est restée tout le temps au
4 Kosovo, n'est-ce pas, en dépit de quelques déplacements dans la région,
5 entre le village et Pec notamment; c'est bien ça ?
6 R. Pourriez-vous répéter votre question. Je n'ai pas très bien compris.
7 Q. Est-ce que votre famille, toute votre famille, est restée tout le temps
8 au Kosovo ?
9 R. Oui.
10 Q. Très précisément, est-ce qu'un seul habitant de Cuska aurait été
11 expulsé vers l'Albanie ou vers le Monténégro, ce n'est pas cela qui compte
12 ? En tout cas, expulsé hors des frontières du Kosovo. C'est cela que je
13 voulais dire.
14 R. J'ai dit dans ma déclaration préliminaire qu'on avait emmené les
15 habitants à deux reprises jusqu'aux limites de la ville, et qu'ensuite on
16 les avait ramenés. Maintenant, pourquoi ils leur ont dit de retourner d'où
17 ils venaient, pourquoi ils ne les ont pas laissés partir, je ne sais pas.
18 Je sais seulement que la police et l'armée les ont renvoyés chez eux au
19 moment où ils sont arrivés aux limites de la ville. L'ordre a été donné à
20 ces habitants de retourner vers le village. Voilà la réponse que je fournis
21 déjà et que j'ai fournie à plusieurs reprises.
22 Q. Par conséquent, j'ai raison de dire qu'aucun habitant du village de
23 Cuska n'a été expulsé hors des frontières du Kosovo ?
24 R. Je vous parle de ce jour-là. Je ne sais pas ce qui s'est passé à
25 d'autres moments. Mais ce jour-là, non.
26 Q. Auriez-vous connaissance d'événements survenus à d'autres moments de
27 l'année 1999, concernant très précisément Cuska ?
28 R. Je ne me souviens pas.
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1 Q. Je vous remercie. Ma question suivante est celle-ci : vous avez dit que
2 dans la pièce dans laquelle vous étiez et à laquelle il a été mis le feu,
3 vous étiez dans cette pièce et vous en êtes sorti par la fenêtre. Alors,
4 dites-moi je vous prie, en dehors de votre blessure à la jambe et en dehors
5 du fait que la fumée vous a asphyxié et que vous aviez du mal à respirer,
6 est-ce que vous avez subi des blessures dues au feu ? Est-ce que vous aviez
7 des brûlures sur le corps ?
8 R. Je répète encore une fois que tout mon visage a pris feu à cause du gaz
9 qui a été jeté à l'intérieur de la pièce dans laquelle il y avait beaucoup
10 de fumée. Et qu'en raison des flammes et du gaz que j'ai inhalé, je ne
11 pouvais pas respirer et c'est dans ces conditions que j'ai quitté la pièce.
12 Je pense que j'ai répondu clairement.
13 Q. Merci. Vous dites que vous avez été blessé à la jambe gauche et que
14 cette blessure par balle était une blessure qui présentait un orifice
15 d'entrée et un orifice de sortie. Vous avez également dit qu'une autre
16 balle vous avait brisé le tibia de la jambe droite et blessé le genou
17 droit. Vous avez déclaré que vous aviez été soigné pour ces blessures
18 pendant un mois environ, et que le 15 ou le 16 juin, vous avez été
19 hospitalisé à Pec. Donc quelque temps après. Vous nous avez dit qui était
20 la personne qui avait soigné vos blessures. Vous avez dit pouvoir présenter
21 toute la documentation médicale relative à vos blessures si les enquêteurs
22 en avaient besoin. Vous avez même ajouté que vous pouviez vous-même aller
23 chercher les documents en question à l'hôpital.
24 Mais il y a une chose qui, pour moi, n'est pas claire. Est-ce que
25 vous avez vraiment remis les documents médicaux de l'hôpital de Pec aux
26 enquêteurs, ou est-ce que vous leur avez simplement dit que vous étiez prêt
27 à le faire, que vous acceptiez d'aller à l'hôpital chercher votre dossier
28 médical ?
Page 4668
1 R. Je ne comprends pas. Qu'est-ce que vous me demandez ?
2 Q. Je parle de ce qui figure au paragraphe 74 de votre déclaration de mai
3 2008.
4 R. J'ai remis aux enquêteurs ce qu'on m'a demandé de remettre. Je ne sais
5 rien de l'hôpital de Peje. Est-ce que vous pourriez poser votre question
6 plus clairement ? Je ne la comprends pas. Et peut-être plus brièvement,
7 s'il vous plaît.
8 Q. Au paragraphe 74 de votre déclaration écrite, nous lisons, je cite :
9 "Suite à cet incident, j'ai des blessures aux jambes, à ma jambe droite,"
10 et cetera, et cetera. "Je boite de façon permanente à présent, et j'accorde
11 au TPIY l'autorisation d'examiner tout document médical relatif aux
12 traitements que j'ai subis pour ces blessures."
13 Alors ma question est celle-ci : quels sont les documents médicaux, les
14 dossiers médicaux dont vous parlez et de quel hôpital viennent-ils ? De
15 l'hôpital de Pec ?
16 R. J'ai montré mes blessures aux enquêteurs, je leur ai dit qu'en cas de
17 nécessité, s'ils avaient besoin d'examiner cette question plus en détail,
18 ils avaient toute liberté de le faire. J'ai dit la date du jour où je suis
19 allé à l'hôpital de Peje. C'était six semaines à peu près après l'incident,
20 si je ne me trompe.
21 Vous avez la description de ma blessure à titre de document qui fait foi.
22 Vous n'avez besoin de rien d'autre.
23 Q. Ai-je raison de dire que le 14 ou le 15 juin vous avez été hospitalisé
24 à Pec pour la suite de votre traitement, 1999 bien sûr ?
25 R. Oui. Le 14 ou le 15 juin.
26 Q. Je vous remercie. Combien de temps êtes-vous resté à l'hôpital ?
27 R. Je ne me souviens pas combien de temps j'y suis resté. Je crois que
28 c'était trois semaines, mais ma convalescence a duré beaucoup plus
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1 longtemps, plus d'un an, parce que j'ai dû subir une intervention
2 chirurgicale à la jambe droite qui était fracturée, et il m'a fallu plus
3 d'un an pour me remettre. J'ai été opéré à l'hôpital italien de la KFOR.
4 Q. Dites-moi, je vous prie, quand vous avez été hospitalisé à Pec, est-ce
5 que vous avez été opéré à ce moment-là ?
6 R. On m'a plâtré la jambe, mais l'intervention chirurgicale je l'ai subie
7 un an plus tard. Ceci est dû au fait qu'à Peje ils n'avaient pas les moyens
8 et l'équipement nécessaire, et ils espéraient que ma jambe allait guérir
9 avec un plâtre, mais après un an j'ai été obligé de me faire opérer à
10 l'hôpital italien de la KFOR, qui m'a donc hospitalisé et opéré.
11 Vous pouvez vous renseigner auprès de cet hôpital de la KFOR, si vous le
12 souhaitez. Cela prouvera la véracité de mes dires.
13 Q. Comment s'appelait le médecin qui vous a soigné à l'hôpital de Pec ?
14 R. L'homme qui m'a administré les premiers soins, qui a plâtré ma jambe
15 droite s'appelait Isak Alicani [phon]. C'était un orthoped [phon].
16 Q. Au sujet de ce malheur que vous avez vécu, est-ce que plus tard vous
17 auriez reçu un dossier de l'hôpital de Pec ou de l'hôpital italien dans
18 lequel on pourrait lire la date de votre sortie de l'hôpital, ou même
19 l'anamnèse de votre problème médical, et est-ce que vous auriez remis ce
20 document aux enquêteurs du Tribunal ?
21 R. Je n'ai rien reçu de l'hôpital de Peje, mais j'ai reçu plusieurs
22 documents médicaux me concernant de l'hôpital italien, et je pense que ces
23 documents sont aujourd'hui entre les mains des enquêteurs du Tribunal. L'un
24 de ces enquêteurs s'appelle Samuel.
25 L'INTERPRÈTE : Nom de famille non entendu, inaudible pour l'interprète.
26 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
27 Q. Je vous remercie. Ma dernière question portera encore sur votre
28 situation médicale. Etes-vous sûr que vous avez remis ces documents aux
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1 enquêteurs, ou pensez-vous les avoir remis, ces documents ou ces dossiers ?
2 R. Je n'ai reçu de dossiers que du personnel de l'hôpital italien de la
3 KFOR. Donc, les enquêteurs n'ont pu recevoir de copies de ce dossier que
4 pour l'hôpital italien de la KFOR. J'ai subi de nombreuses visites de
5 contrôle, d'abord tous les jours, ensuite toutes les semaines, puis tous
6 les mois. Je pense qu'il n'était pas indispensable que je passe en revue en
7 détail, avec les enquêteurs, le moindre détail des dossiers médicaux me
8 concernant, car mes blessures sont la preuve éclatante de ce qui m'est
9 arrivé.
10 Q. La dernière partie de mon contre-interrogatoire concernera les membres
11 de la famille Jasovic. Vous avez, à plusieurs reprises, évoqué des membres
12 de cette famille. Vous avez dit qu'ils arboraient le drapeau serbe.
13 Pourriez-vous me dire, encore une fois, à l'occasion de quoi vous avez
14 parlé de cela, car après lecture de votre déclaration préliminaire écrite,
15 le contexte dans lequel se situe cet événement n'est pas très clair pour
16 moi. Cette famille était la famille habitant la maison à côté de la vôtre,
17 c'était vos voisins, n'est-ce pas ?
18 R. Oui. Je n'ai pas dit qu'ils portaient un uniforme ou qu'ils n'en
19 portaient pas. Ce que j'ai dit, c'est qu'ils sont arrivés dans le village
20 et ils arboraient des petits drapeaux. Ils sont arrivés exactement à
21 l'endroit où nous nous trouvions et j'ai vu un membre de cette famille
22 accompagné d'une femme. Je ne sais pas qui était cette femme. Plus tard,
23 deux autres membres de la même famille sont arrivés arborant aussi des
24 drapeaux et ils sont arrivés exactement à l'endroit où l'incident s'est
25 produit, c'est-à-dire, non loin du cimetière. Et à partir de là, ils ont
26 poursuivi leur chemin en prenant une autre route et j'ai donc cessé de
27 pouvoir les distinguer. Donc, je ne sais pas où ils sont allés.
28 Voilà ce que j'ai vu de mes propres yeux et je le dis en toute conscience
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1 des responsabilités qui sont les miennes.
2 Q. Je crois que je comprends maintenant. Mais toute cette description des
3 petits drapeaux qui étaient arborés par ces personnes reste encore assez
4 peu claire pour moi. Est-ce que ces personnes portaient des uniformes ? Et
5 qu'est-ce qui se passait, d'une façon générale, au sujet des membres de la
6 famille Jasovic auxquels vous faites allusion ?
7 R. De quoi voulez-vous parler exactement ? Je ne comprends pas votre
8 question.
9 Q. Vous nous avez dit que vous avez vu Velibor Jasovic, je crois, ainsi
10 que d'autres membres de la famille Jasovic, arborer un drapeau serbe. Vous
11 connaissiez ces personnes puisque c'était vos voisins.
12 Alors, quelle était la situation exacte au moment où vous les avez
13 vus ? Est-ce qu'ils portaient des armes ? Est-ce qu'ils portaient des
14 uniformes ? Voilà ce que je voudrais savoir.
15 R. Comme je l'ai dit, Vidoje et une autre femme et les autres arboraient
16 tous des petits drapeaux. Je n'ai absolument pas parlé d'uniformes.
17 Maintenant, là où je l'ai vu, il était en compagnie d'une femme que je ne
18 connaissais pas et qui portait un drapeau.
19 Q. Ils ne portaient pas d'uniformes ?
20 R. Lorsque je les ai vus, non, ils ne portaient pas d'uniformes.
21 Q. Merci.
22 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cela met un terme à
23 mon contre-interrogatoire de ce témoin. Je vous remercie.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Djordjevic.
25 Madame Gopalan, voulez-vous poursuivre votre interrogatoire ?
26 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 Nouvel interrogatoire par Mme Gopalan :
28 Q. [interprétation] Monsieur Berisha, j'ai quelques questions à vous poser
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1 à l'issue du contre-interrogatoire de M. Djordjevic.
2 On vous a posé aujourd'hui un certain nombre de questions au sujet
3 d'uniformes qui avaient été délivrés aux Serbes. En page 56, ligne 6, vous
4 avez dit que :
5 "Les Serbes avaient des uniformes qui leur avaient été remis par
6 l'Etat. Ils avaient tous des uniformes chez eux."
7 Pourriez-vous nous dire, Monsieur Berisha, quand ces uniformes ont-
8 ils été remis aux Serbes, si vous vous en souvenez précisément ?
9 R. Non, je ne me souviens pas précisément de la date, mais je dirais que
10 c'était au début de l'année 1998, si mes souvenirs sont bons.
11 Q. Vous avez donc dit que ces uniformes leur avaient été remis par le
12 gouvernement. Est-ce que vous pouvez préciser plus particulièrement de qui
13 vous parlez lorsque vous dites "l'Etat" ou "le gouvernement ?"
14 R. Oui. Lorsque je dis l'Etat, j'entends par là, la police et l'armée. La
15 police et l'armée font partie de l'Etat puisqu'elles sont sous les ordres
16 de l'Etat.
17 Et en 1998, si mes souvenirs sont bons, c'est la police qui a commencé à
18 distribuer des uniformes dans ces villages, des villes habités par des
19 Serbes. En revanche, les villages et les villes habités par les Albanais,
20 n'ont pas bénéficié de cette distribution d'uniformes et le village de
21 Qyshk en faisait partie.
22 Q. Donc, outre les uniformes qui étaient distribués dans ces endroits
23 habités par des Serbes, Monsieur Berisha, savez-vous si d'autres choses ont
24 été remises à ces habitants avec les uniformes ?
25 R. Avec les uniformes, des armes leur étaient remises également. Je
26 n'étais pas là pour voir la distribution de mes yeux, mais toutes ces
27 personnes étaient armées. Ce sont des faits qui confirment cette
28 déclaration que j'ai faite. Donc, toutes ces personnes ont reçu à la fois
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1 des uniformes et des armes.
2 Q. Merci. Alors, en ce qui concerne ces uniformes qui ont été distribués,
3 comment avez-vous su que ces uniformes avaient été distribués ?
4 R. Je l'ai su par les médias, par les citoyens eux-mêmes et aussi à divers
5 endroits. Tout au long de la guerre, je les ai vus porter ces uniformes.
6 Maintenant, si vous procédez à une enquête plus approfondie à ce sujet,
7 vous en arriverez aux mêmes conclusions que celles que je suis en train de
8 vous présenter.
9 Q. Merci, Monsieur Berisha. Un certain nombre de questions vous ont été
10 posées aujourd'hui concernant un individu du nom de Salipur. En page 58,
11 ligne 12, vous dites avoir vu Salipur infliger des mauvais traitements à
12 des passants. Pouvez-vous nous dire quand vous avez vu Salipur maltraiter
13 ces passants, si vous vous en souvenez ?
14 R. Ce sont des événements qui sont survenus avant 1998, si mes souvenirs
15 sont bons. Avant 1998, dans la ville Peje.
16 Q. Merci. Lorsque vous parlez de "mauvais traitements," qu'est-ce que vous
17 entendez par là, plus précisément ?
18 R. Salipur arrêtait les passants qui passaient par là, il leur demandait
19 leurs pièces d'identité, et souvent, il les passait à tabac, en présence
20 d'autres habitants. Et c'est arrivé une fois, sur le marché du village, sur
21 le marché de produits d'épicerie, à Peje, j'étais là sur place et j'ai
22 personnellement constaté cet incident.
23 Q. Si vous vous en souvenez, de combien d'incidents de ce type avez-vous
24 été témoin ?
25 R. Je ne me souviens pas, à l'exception de celui-là que je viens de vous
26 mentionner sur le marché. Les autres, je ne me souviens pas.
27 Q. Merci, Monsieur Berisha. Un certain nombre de questions vous ont été
28 posées également aujourd'hui concernant un geste de la main fait par un
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1 officier supérieur, geste que vous avez compris comme étant un ordre
2 d'exécution. Ça, c'est quelque chose que l'on retrouve en page 64, ligne 4.
3 Vous avez répondu que vous en étiez arrivé à cette conclusion après avoir
4 entendu des tirs, après avoir vu également la fumée sortir de la maison.
5 Est-ce que vous pouvez nous dire plus précisément de quelle maison
6 vous parlez ? C'est donc une réponse que vous avez donnée à une question
7 concernant le paragraphe 47 dans votre déclaration.
8 R. Alors là, je parle de la maison de Syl Gashi, et la maison de Syl Gashi
9 d'où a pu survivre Isa Gashi.
10 Q. Combien d'hommes ont-ils été emmenés à la maison de Syl Gashi ? Est-ce
11 que vous le savez ?
12 R. Environ 12 ou 13.
13 Q. Et à l'exception d'Isa Gashi que vous avez mentionné, qu'est-il arrivé
14 aux autres hommes emmenés dans cette maison de Syl Gashi ?
15 R. Ils ont tous été exécutés et brûlés.
16 Q. Merci beaucoup, Monsieur Berisha. Je n'ai pas d'autres questions à vous
17 poser aujourd'hui.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Gopalan.
19 Monsieur Berisha, vous serez heureux de savoir que cela met un terme aux
20 questions qui vous ont été posées, à vos interrogatoires. Donc, la Chambre
21 souhaite tient à vous remercier d'être venu ici à La Haye pour déposer, non
22 seulement pour déposer mais aussi pour répondre à toutes les questions qui
23 vous ont été posées aujourd'hui qui vont beaucoup nous aider dans l'étude
24 de cette affaire. Donc, nous vous remercions beaucoup et vous pouvez donc,
25 comme vous le savez maintenant, retourner à votre vie habituelle.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, moi aussi je tiens à
27 vous exprimer toute ma reconnaissance, à vous-même, à l'Accusation ainsi
28 qu'au conseil de la Défense pour les questions qui m'ont été posées. Je
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1 suis ici pour dire la vérité, rien que la vérité. J'ai traversé tous ces
2 incidents que nous avons évoqués aujourd'hui et je parle aujourd'hui en
3 étant parfaitement conscient des responsabilités que cela implique. Ce sont
4 des incidents que j'ai véritablement vécu moi-même, et je regrette que
5 pendant toutes ces années il n'ait pas été possible d'entendre les regrets
6 de ce qui s'est passé au Kosova de la part des personnes qui ont commis ces
7 crimes.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. L'huissier de la
9 Chambre va maintenant vous aider à sortir.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il n'est pas vraiment
13 intéressant de débuter l'audition du témoin suivant. Donc, je pense que
14 nous pouvons maintenant lever la séance jusqu'à demain matin.
15 Si vous le permettrez, je voudrais dire que nous aurons un emploi du temps
16 quelque peu inhabituel demain matin, parce que nous devrons nous arrêter à
17 10 heures moins 10, puisque comme vous le savez, le nouveau greffier va
18 prêter serment et les Juges doivent être présents à cette cérémonie. Donc,
19 je ne suis pas à 100 % sûr, mais je pense que nous pourrions être de retour
20 à 10 heures 30, ce qui veut dire que nous lèverons la séance à 10 heures
21 moins 10 jusqu'à 10 heures 30; et là, nous pourrons reprendre notre
22 audition pour deux séances supplémentaires. Je ne pense pas que cela nous
23 fasse perdre trop de temps, mais juste pour vous mentionner que l'emploi du
24 temps sera quelque peu différent de ce qu'il est habituellement.
25 Je lève ainsi la séance et nous nous retrouverons demain matin.
26 --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le mardi 19 mai
27 2009, à 9 heures 00.
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