Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 18 mai 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Madame Gopalan, le témoin

  6   suivant va être prêt ?

  7   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le prochain

  8   témoin est M. Hazir Berisha, et sa déposition a trait au paragraphe 25 à 32

  9   de l'acte d'accusation.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 11   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Pourriez-vous, s'il vous

 13   plaît, donner lecture de la déclaration solennelle que l'on vous présente

 14   sur cette carte.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 16   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   LE TÉMOIN : HAZIR ISUF BERISHA [Assermenté]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 20   asseoir. Mme Gopalan a des questions à vous poser, Monsieur.

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Interrogatoire principal par Mme Gopalan : 

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Berisha.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, décliner votre identité.

 26   R.  Hazir Isuf Berisha.

 27   Q.  Quelle est votre date de naissance ?

 28   R.  Le 17 décembre 1960.

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  1   Q.  Où êtes-vous né, Monsieur Berisha ?

  2   R.  Je suis né dans le village de Qyshk.

  3   Q.  Et où vivez-vous maintenant ?

  4   R.  Dans le même village.

  5   Q.  Merci. Monsieur Berisha, avez-vous fait une déclaration au bureau du

  6   Procureur de ce Tribunal en mai 2008 ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Avez-vous eu récemment la possibilité de relire cette déclaration que

  9   vous avez faite ?

 10   R.  Pas avant de venir ici, non. Pas avant de venir ici.

 11   Q.  Avez-vous eu la possibilité de relire cette déclaration au moment où

 12   vous êtes venu au Tribunal, dès que vous êtes venu au Tribunal ?

 13   R.  En anglais.

 14   Q.  Et ayant relu cette déclaration, je comprends que vous aviez un certain

 15   nombre de corrections à demander, à savoir certains chiffres ou numéros.

 16   Donc, je vais passer en revue ces corrections avec vous.

 17   Mme GOPALAN : [interprétation] Je voudrais tout d'abord voir le document

 18   05123 de la liste 65 ter, et avec votre permission, Monsieur le Président,

 19   pourrais-je fournir au témoin une copie papier de sa déclaration en

 20   albanais, de façon à l'aider pour ce processus de correction.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Certainement.

 22   Mme GOPALAN : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Berisha, au paragraphe 25 de votre déclaration, à la page 4,

 24   vous dites qu'il y avait peut-être de 50 à 60 hommes et approximativement

 25   240 femmes et enfants. Y a-t-il là une correction que vous souhaiteriez

 26   apporter sur le nombre que vous avez mentionné au paragraphe 25 de votre

 27   déclaration ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Et quelle est la correction que vous souhaitez apporter ?

  2   R.  De 50 à 60, je voudrais que l'on dise de 40 à 50.

  3   Q.  Merci. Au paragraphe 30, vous souhaitez qu'on apporte une autre

  4   correction au chiffre qui est mentionné dans ce paragraphe. Pour le moment,

  5   on lit :

  6   "Un soldat a répondu en disant qu'il y en avait 60 à 65."

  7   Quelle est la correction que vous souhaitez apporter ?

  8   R.  C'est la même correction que précédemment, 40 à 50. 

  9   Q.  Merci. Et au paragraphe 57 de votre déclaration, vous décrivez les

 10   blessures que vous avez subies et on lit, pour le moment, que vous avez été

 11   blessé une première fois au genou gauche avec un orifice de sortie de la

 12   blessure, et une fois également dans le tibia droit, ce qui a fait éclater

 13   l'os.

 14   Quelle est la correction que vous souhaitez apporter à ce paragraphe ?

 15   R.  Je voudrais dire, également au genou droit.

 16   Q.  Vous dites que vous avez aussi été blessé au genou droit ? C'est bien

 17   ça que j'ai compris ?

 18   R.  Oui, oui.

 19   Q.  Merci. Et au paragraphe 67, vous dites que vous êtes resté dans le

 20   jardin de cette maison pendant environ une heure. Quelle est la correction

 21   que vous souhaitez apporter à ce paragraphe ?

 22   R.  L'heure. Il était environ 4 heures.

 23   Q.  Et pour finir, au paragraphe 63, la phrase qui dit :

 24       "De la fenêtre de cette pièce, j'étais en mesure de voir la route que

 25   j'avais suivie pour entrer dans cette maison."

 26   Quelle est la correction que vous souhaitiez apporter à ce paragraphe ?

 27   R.  Il ne s'agissait pas de la route que j'avais empruntée, mais la route

 28   que les forces avaient prise pour arriver à l'endroit où nous nous

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  1   trouvions, avant d'arriver à cet endroit-là.

  2   Q.  Juste pour être bien au clair, avec votre correction, ça devrait se

  3   lire : "De la fenêtre de cette pièce, j'étais en mesure de voir la route

  4   que les forces avaient empruntée pour arriver à cette maison -- ou à la

  5   maison."

  6   R.  La route, oui. C'est exact.

  7   Q.  Ayant apporté ces corrections à votre déclaration, Monsieur Berisha,

  8   est-ce que vous êtes maintenant certain qu'elle est véridique et précise,

  9   pour autant que vous sachiez, d'après vos souvenirs ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci.

 12   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

 13   verser au dossier cette pièce numéro 05123 de la liste 65 ter, s'il vous

 14   plaît.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est versée.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Elle reçoit maintenant la cote P00796,

 17   Monsieur le Président.

 18   Mme GOPALAN : [interprétation] Je vais maintenant donner lecture du résumé

 19   de M. Berisha.

 20   Le témoin est né et a été élevé à Qyshk au Kosovo, et a survécu au

 21   massacre du 14 mai dans le village de Qyshk.

 22   Il témoignera sur le commencement des bombardements par l'OTAN. Il a

 23   entendu que la police serbe et l'armée tuaient et passaient à tabac des

 24   Albanais du Kosovo dans les villages autour de Qyshk, ainsi qu'elles

 25   pillaient les maisons.

 26   Vers la mi-avril 1999, la police serbe et l'armée serbe sont entrées à

 27   Qyshk, dans le village et ont incendié certaines maisons. Elles sont

 28   également revenues au village quelques jours plus tard.

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  1   Le 14 mai 1999, les forces serbes et la police sont entrées dans le village

  2   de Qyshk. Là encore, le témoin a pu s'échapper, de crainte d'être identifié

  3   comme étant éventuellement un membre de l'UCK et s'est rendu au centre du

  4   village où se trouvait environ 300 personnes qui étaient rassemblées.

  5   Environ 70 policiers et soldats les ont encerclés et ont ordonné la

  6   séparation des hommes, des femmes et des enfants. Il y avait environ 50

  7   hommes et environ 240 femmes et enfants.

  8   Pendant tout ce temps-là, les forces serbes tiraient avec leurs armes.

  9   Après cela, les villageois ont eu l'ordre de vider leurs poches avec tous

 10   leurs objets de valeur. Les hommes ont reçu l'ordre de s'écarter des femmes

 11   et des enfants. Les femmes et les enfants ont reçu l'ordre de se mettre

 12   dans une cour en face de l'endroit où se trouvait le témoin près du mur.

 13   Peu de temps après cela, les femmes et les enfants sont allés dans la

 14   maison qui commençait à brûler. Les forces serbes ont quitté l'enceinte,

 15   les lieux. Le témoin a entendu des femmes qui criaient de peur, de panique.

 16   Le témoin témoignera ensuite que les hommes, certains ont été au début

 17   envoyés dans une direction, et le groupe d'hommes qui restait avait été

 18   partagé en deux groupes et envoyé pour marcher dans différentes directions.

 19   Le groupe du témoin a d'abord été envoyé dans la direction de la maison de

 20   Sahit Gashi. Dans cette maison, les forces de police ont commencé à tirer

 21   sur le témoin et le groupe d'hommes avec lequel il se trouvait. Le témoin a

 22   été blessé aux jambes.

 23   Les forces serbes ont alors mis le feu à la maison. Ils sont revenus

 24   peu de temps après cela, et le témoin a vu un petit conteneur qui était

 25   jeté dans la pièce. La pièce s'est remplie de fumée noire, ce qui faisait

 26   qu'il était difficile pour le témoin de respirer.

 27   Le témoin s'est échappé de la maison en feu en sautant par la fenêtre et

 28   s'est enfui en rampant. Le toit de la maison s'est effondré après qu'il

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  1   soit échappé. Et de là, le témoin pouvait encore voir les forces serbes qui

  2   donnaient des ordres d'incendier certaines choses.

  3   Le témoin a soigné son pied qui était blessé jusqu'au moment où il a reçu

  4   de l'aide d'une femme qui se trouvait là. Il est resté au village jusqu'à

  5   la mi-juin et ensuite, il a pu recevoir des soins médicaux dans un autre

  6   endroit.

  7   Les noms des témoins, ceux qu'il se rappelle se trouvant avec lui dans la

  8   maison le 14 mai, il en donne les noms.

  9   Le témoin a été le seul survivant parmi les hommes de ce groupe et il

 10   souffre d'une claudication permanente à la suite des blessures qu'il a

 11   subies ce jour-là.

 12   C'est la fin du résumé.

 13   Q.  Je voudrais maintenant vous poser quelques questions concernant votre

 14   déclaration, Monsieur Berisha. Si vous regardez le paragraphe 9 de votre

 15   déclaration.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] Je voudrais demander si on peut présenter

 17   cette déclaration à l'écran avec le prétoire électronique e-court, s'il

 18   vous plaît.

 19   Q.  Maintenant, au paragraphe 9, vous dites que vous avez entendu qu'il y a

 20   eu des articles dans les médias, ou qu'on avait rendu compte du fait que

 21   juste après les bombardements par l'OTAN, il y avait eu des civils albanais

 22   du Kosovo qui avaient été tués ou étaient passés à tabac, qu'il y avait eu

 23   du pillage par la police serbe et l'armée serbe.

 24   Monsieur Berisha, quelles étaient les sources de ces articles ou de ces

 25   récits dont vous avez entendu parler en ce qui concerne les médias ?

 26   R.  Après les frappes aériennes de l'OTAN, les forces serbes ont commencé à

 27   se venger contre la population civile, et j'ai entendu dire par différentes

 28   sources des médias qu'elles avaient tué, pillé et chassé la population

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  1   albanaise pour se venger de l'intervention de l'OTAN à Kosova.

  2   Q.  Je vous remercie. Vous avez également mentionné le fait que ces

  3   incidents avaient eu lieu dans les villages voisins. Si vous vous en

  4   souvenez, pourriez-vous nommer certains de ces villages, s'il vous plaît ?

  5   R.  Oui, à Fushe e Peje, à Katundi i Ri, Lebovic, et d'autres villages dont

  6   je ne me rappelle les noms pour le moment.

  7   Q.  Juste pour être bien au clair, les noms que vous avez mentionnés, c'est

  8   Fushe e Peja, Katundu i Ri, et le dernier village, s'il vous plaît, c'était

  9   ?

 10   R.  Lebovic.

 11   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que nous parlions des événements qui ont

 12   eu lieu à la mi-avril.

 13   Il en est question donc au paragraphe 10 de la déclaration du témoin.

 14   Vous dites que vers le 16 ou le 17 avril, la police serbe et l'armée

 15   serbe sont entrées dans le village de Qyshk et qu'elles sont entrées dans

 16   un certain nombre de maisons et en ont incendié certaines, y compris celle

 17   de votre voisin, Sadri Lajci. De quelle origine ethnique était votre voisin

 18   Sadri Lajci, Monsieur Berisha ?

 19   R.  Il était Albanais.

 20   Q.  Et si vous vous en souvenez, quelle était l'origine ethnique des

 21   propriétaires des autres maisons qui ont été incendiées ?

 22   R.  Ils étaient albanais.

 23   Q.  Vous rappelez-vous d'un quelconque des noms de ces propriétaires des

 24   autres maisons ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Ça va bien comme ça. Je vous remercie. Vous avez mentionné un peu plus

 27   haut dans votre déclaration, au paragraphe 5, il y avait trois familles

 28   serbes qui vivaient au village de Qyshk. Savez-vous si ce jour-là leurs

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  1   maisons ont été incendiées ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Est-ce que ça veut dire que vous ne savez pas qu'elles ont été

  4   incendiées ou est-ce que ça veut dire qu'elles n'ont pas été incendiées ?

  5   R.  Elles n'ont pas été incendiées.

  6   Q.  Merci. Vous dites ensuite que ce jour-là, environ sept hommes sont

  7   entrés dans le jardin ou la cour de votre maison, et que vous avez quitté

  8   votre domicile avec votre femme, avec enfants et le reste de votre famille.

  9   Monsieur Berisha, pourquoi avez-vous décidé de quitter votre maison alors ?

 10   R.  Si vous voulez que j'explique, je vais le faire. Ce jour donc, après

 11   que j'aie quitté ma maison avec mon tracteur, ma remorque, avec le reste de

 12   ma famille, ma famille au sens large, c'est à dire mes frères et leurs

 13   propres familles respectives, j'ai vu environ sept policiers et soldats qui

 14   entraient dans le jardin de ma maison. Et bien qu'ils n'aient rien fait de

 15   répréhensible ce jour-là, je les ai vus quand ils entraient. Nous avons

 16   poursuivi notre itinéraire en direction de la partie avale du village.

 17   Q.  Et s'ils n'ont rien fait ce jour-là, pourquoi avez-vous décidé de

 18   partir avec votre famille ?

 19    R.  Ils ont commencé à incendier les maisons et à tirer en l'air. C'est la

 20   raison pour laquelle nous avons commencé à quitter le village. Au milieu du

 21   village, au centre du village près du cimetière, un petit peu en dessous du

 22   cimetière, nous sommes arrêtés -- nous avons été arrêtés par la police et

 23   par l'armée, et ils nous ont dit de revenir sur nos pas parce que nous ne

 24   devions pas quitter le village, ont-ils dit.

 25   Si vous voulez, je peux vous donner un récit complet de ce qui s'est passé.

 26   Q.  Non, ceci suffira pour le moment, Monsieur Berisha. Merci.

 27   Je voudrais vous poser certaines questions concernant les Serbes, les

 28   hommes serbes qui ont participé à cet incident.

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  1   Mme GOPALAN : [interprétation] On trouve ça au paragraphe 13 de la

  2   déclaration du témoin.

  3   Je demande le document 5258 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  4   Q.  Monsieur Berisha, pourriez-vous nous décrire les hommes qui ont

  5   participé à l'incendie, au fait d'avoir allumé le feu dans les maisons, les

  6   16 et 17 avril ?

  7   R.  Oui. Celui-ci qui est au milieu, le deuxième à ma gauche, était là le

  8   jour, le 3. Celui qui se trouve à ma gauche était là aussi, mais pas

  9   seulement près.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Djordjevic.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense

 12   objecte à ce que ces photographies soient montrées puisque nous ne savons

 13   pas qui les a prises, et donc, nous ne connaissons pas la source de ces

 14   photographies. Par conséquent, à notre avis les photographies ne peuvent

 15   pas être utilisées comme élément de preuve dans cette affaire.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voilà une objection qui, en quelque

 17   sorte, est analogue à celle que M. Djurdjic a faite à plus d'une reprise.

 18   Ce n'est pas la pratique qui s'appliquerait toujours au Tribunal, Monsieur

 19   Djordjevic. C'est une question de savoir si les personnes ou les scènes que

 20   l'on voit sur les photographies sont suffisamment identifiées et sont

 21   suffisamment, fiablement [phon], identifiées par le témoin lorsqu'il

 22   faudrait déterminer si oui ou non, on pourra le verser au dossier. Donc,

 23   vous voyez si cette condition est satisfaite. Je vous remercie.

 24   Oui, Madame Gopalan.

 25   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Mme GOPALAN : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Berisha, juste pour faire un pas en arrière, est-ce que vous

 28   reconnaissez l'un quelconque des hommes que vous voyez sur la photographie

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  1   ci-jointe ?

  2   R.  Aujourd'hui, je reconnais ces deux-là que je vois devant moi et

  3   quelques autres. Ces deux-là qui sont au milieu.

  4   Q.  Et aviez-vous déjà vu ces deux hommes plus tôt, avant la mi-avril,

  5   lorsqu'ils sont venus à votre village ?

  6   R.  Oui -- non. Excusez-moi. Non, pas avant ce jour-là.

  7   Q.  Savez-vous qui sont ces deux hommes-là, au milieu ?

  8   R.  Plus tard, j'ai appris qu'il s'agissait de Srecko Popovic et

  9   Kastratovic, Nenad Kastratovic.

 10   Q.  Comment avez-vous appris cela, Monsieur Berisha ?

 11   R.  A partir des photos. J'ai compris que c'étaient les mêmes personnes que

 12   ceux qui étaient là cette nuit-là -- ou ce jour-là.

 13   Q.  Merci. Qu'est-ce que ces deux hommes ont fait le 16 et le 17 mai

 14   lorsqu'ils sont venus à votre village ?

 15   R.  Le 16 ou 17 mai, après que nous soyons partis avec nos tracteurs et

 16   nous sommes allés au centre du village avec les familles, ils nous ordonné

 17   de retourner sur nos pas, parce qu'ils ont dit que nous n'étions pas censés

 18   quitter le village. Ce jour-là, ils nous ont confisqué deux armes d'Ibrahim

 19   Vokshi et nous ont dit de retourner chez nous et de ne quitter la maison

 20   que lorsqu'ils nous l'auraient dit.

 21   Q.  Je vous remercie. Maintenant, lorsque vous parlez de la confiscation

 22   des armes - c'est au paragraphe 11 de votre déclaration - vous mentionnez

 23   un officier supérieur. Est-ce que l'officier supérieur que vous mentionnez

 24   figure sur cette photographie ?

 25   R.  Oui. Celui-ci au milieu. Le deuxième à ma gauche. Srecko Popovic.

 26   Q.  Merci. Et y a-t-il quelqu'un d'autre sur cette photographie qui ait

 27   participé à la confiscation des armes dont vous avez parlé ?

 28   R.  Srecko Popovic, mais je crois qu'il se trouvait un tout petit peu plus

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  1   loin par rapport au reste du groupe.

  2   Mais je ne sais pas si j'ai été bien clair.

  3   Q.  Pourriez-vous simplement nous dire clairement qui d'autre s'occupait de

  4   la confiscation des armes ? Vous avez mentionné Srecko Popovic pour

  5   commencer, puis je vous ai demandé s'il y avait quelqu'un d'autre qui s'en

  6   occupait.

  7   R.  Oui, oui, mais il n'est pas ici parmi les personnes que je vois ici sur

  8   cette image.

  9   Q.  Je vous remercie, Monsieur Berisha.

 10   Mme GOPALAN : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on affiche

 11   la page 2 de cette pièce, s'il vous plaît.

 12   Q.  Reconnaissez-vous l'homme que l'on voit sur cette photographie ?

 13   R.  Oui. C'est le même homme, celui que j'ai vu sur la photographie

 14   précédente, Srecko Popovic.

 15   Q.  Je vous remercie.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] Page 3 maintenant de ce même document sur

 17   les écrans, je vous prie. La photo peut-elle être un peu agrandie ? Merci

 18   beaucoup.

 19   Q.  Monsieur Berisha, reconnaissez-vous l'un ou l'autre des hommes que l'on

 20   voit sur cette photographie ? Commençons peut-être, si vous le voulez bien,

 21   par l'homme qui se trouve en bas à gauche, l'homme qui a un bandeau sur le

 22   front.

 23   R.  L'homme qui a un bandeau sur le front était un ancien policier dans la

 24   municipalité de Peja à l'époque. Celui qui est au milieu en haut, qui porte

 25   une casquette, s'appelait Salipur, et celui qui porte un uniforme, sur la

 26   droite en haut, avec un fusil mitrailleur, se prénommait Nevzat. J'ai déjà

 27   dit que ces deux hommes communiquaient entre eux. Ils semblaient être les

 28   officiers responsables et communiquaient avec les hommes que l'on voyait

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  1   sur la photographie précédente.

  2   L'homme assis sur la droite, juste en dessous de cet objet de couleur

  3   rouge, était également avec eux.

  4   Q.  D'accord. Nous reviendrons sur ces photographies dans un instant pour

  5   préciser un certain nombre d'éléments que vous avez évoqués au sujet de ces

  6   hommes, mais pour le moment j'aimerais vous ramener aux événements du 14

  7   mai 1999 dont vous parlez au paragraphe 19 de votre déclaration écrite, où

  8   vous dites, je cite :

  9   "Aux environs de 7 heures 15 du matin le 14 mai 1999, j'étais à mon

 10   domicile en compagnie de ma famille proche et un peu plus lointaine et un

 11   certain nombre de villageois de mon village."

 12   Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé ensuite ?

 13   R.  Oui. Ce sera un peu difficile pour moi, mais je ferai de mon mieux pour

 14   vous dire tout ce qui s'est passé.

 15   Le 14 mai, aux environs de 7 heures, 7 heures 15 du matin, nous

 16   étions en train de prendre notre café dans la cour de la maison en

 17   compagnie d'autres villageois. C'est une habitude très courante dans notre

 18   village.

 19   Nous avons entendu des coups de feu tirés dans la partie haute du

 20   village. Je suis sorti, et j'ai vu des policiers et des soldats qui se

 21   dirigeaient vers le village, vers les maisons du village.

 22   Je suis retourné dans la cour, et j'ai parlé à ma famille de ce que

 23   j'avais vu. J'en ai parlé aussi à mes voisins les plus proches. Je leur ai

 24   dit que des policiers et des soldats étaient en train d'entrer dans le

 25   village et tiraient des coups de feu. Je les avais vus en grand nombre. Je

 26   ne saurais vous dire leur nombre exact, mais en tout cas c'était un groupe

 27   nombreux qui se dirigeait vers le village.

 28   Une fois que j'en ai informé mon voisin de la maison d'à côté, je

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  1   suis rentré à mon domicile. Ma mère m'a supplié de quitter la maison, de ne

  2   pas rester avec le reste de la famille, car elle avait peur que je me fasse

  3   tuer, comme j'étais en âge de porter les armes et qu'à leurs yeux je

  4   pourrais apparaître comme un membre éventuel de l'UCK. C'est ce qui m'a

  5   poussé à prendre la décision de quitter la maison.

  6   J'ai franchi à pied 200 mètres à peu près vers la maison d'un voisin

  7   qui se trouvait au centre du village. Là, je me suis arrêté pour observer

  8   le terrain. J'ai vu que tout était en train d'être incendié. Les soldats et

  9   les policiers tiraient des coups de feu en l'air.

 10   Un peu plus tard, j'ai continué à marcher pour me rapprocher du

 11   centre du village, c'est-à-dire de l'endroit où l'incident s'était produit.

 12   Une fois arrivée là, j'ai rencontré d'autres villageois, des membres de la

 13   famille Lushi et Kelmendi.

 14   Quelques instants plus tard, sept à dix minutes plus tard, des hommes

 15   sont arrivés de tous les côtés et nous ont ordonnés de nous rendre sur la

 16   route après être passés devant le cimetière.

 17   Q.  Je vous remercie, Monsieur Berisha. Je vais maintenant vous demander

 18   quelques précisions sur un ou deux points de votre déclaration récente.

 19   Vous avez dit, je cite :

 20   "Quelques instants plus tard, sept à dix minutes plus tard, des

 21   hommes ont arrivés de tous les côtés et nous ont ordonnés de nous rendre

 22   sur la route en passant devant le cimetière."

 23   Qui sont ces hommes dont vous parlez dans cette partie de votre déposition

 24   ?

 25   R.  Les policiers et les soldats. Chaque fois que j'emploie les termes "des

 26   hommes" ou "ils," je vous prierais de comprendre que je parle des policiers

 27   et des soldats.

 28   Q.  Je vous remercie. Vous avez évoqué la famille Lushi et Kelmendi, dont

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  1   certains membres s'étaient regroupés dans le centre du village. Alors,

  2   qu'en était-il des femmes et des enfants ? Où se trouvaient-ils ?

  3   R.  Les enfants, les femmes, tout le monde s'était regroupé à cet endroit,

  4   mais ma famille n'était pas présente. Cela dit, les autres familles étaient

  5   présentes à cet endroit, en compagnie des femmes et des enfants. Si je ne

  6   me trompe, il y avait là 350 personnes. Donc, au sein de ce groupe se

  7   trouvaient des femmes, des enfants. Tout le monde était ensemble.

  8   Si vous le souhaitez, je peux poursuivre en vous disant maintenant de

  9   quelle façon s'est produit l'incident.

 10   Q.  Oui. Je vous en prie, Monsieur Berisha, veuillez continuer.

 11   R.  Oui. Lorsqu'ils sont arrivés en nous menaçant et en nous donnant

 12   l'ordre de nous diriger vers la grand-route, et en ajoutant que les femmes

 13   et les enfants devaient se placer d'un côté de la route et les hommes de

 14   l'autre côté, on nous a ordonnés de jeter au sol tout ce que nous avions

 15   dans nos poches; argent, cigarettes, tout ce qui se trouvait dans nos

 16   poches à ce moment-là. Ils ont donné le même ordre aux femmes qui se

 17   trouvaient de l'autre côté de la route.

 18   Q.  Monsieur Berisha, je me permets de vous arrêter ici. Si vous en avez le

 19   souvenir, pourriez-vous nous dire s'il y avait quelqu'un de particulier au

 20   sein de ce groupe qui vous a donné l'ordre de jeter au sol tout ce que vous

 21   aviez dans vos poches ?

 22   R.  Oui. Oui, oui. C'était précisément l'homme que l'on voit sur la

 23   photographie affichée à l'écran qui porte l'uniforme de policier et tient

 24   dans ses mains une Kalachnikov. C'était donc lui et un autre homme dont je

 25   n'ai pas vraiment gardé le souvenir.

 26   Q.  Je me permets de vous interrompre encore une fois. Parlez-vous de la

 27   photographie qui est affichée sur l'écran devant vous lorsque vous dites :

 28   "Oui, c'est précisément cet homme qui porte un uniforme de police et a

Page 4613

  1   entre les mains une Kalachnikov" ?

  2   R.  Oui. Oui, oui. Oui, oui, c'est cet homme-là.

  3   Q.  Savez-vous qui est cet homme, Monsieur Berisha ?

  4   R.  J'ai appris par la suite qu'il s'appelait Nebojsa Minic.

  5   Q.  Merci. Veuillez poursuivre, je vous prie. Vous vous êtes arrêté au

  6   moment où les femmes ont également reçu l'ordre de vider leurs poches. Que

  7   s'est-il passé ensuite ?

  8   R.  Par la suite, ils se sont emparés de deux enfants de 13 ou 14 ans, si

  9   je ne me trompe, à qui ils ont ordonné de ramasser tout ce qui avait été

 10   jeté au sol, c'est-à-dire des papiers d'identité, de l'argent, des cartes

 11   d'identité, tout ce que nous avions jeté au sol. Ils ont donc désigné un

 12   des deux enfants à qui ils ont ordonné de ramasser l'argent, et ils ont

 13   ordonné à l'autre de ramasser les papiers d'identité, cartes d'identité et

 14   autres objets.

 15   Une fois qu'ils ont terminé, que ces enfants ont terminé, l'un

 16   d'entre eux s'est dirigé vers les femmes, et je me souviens l'avoir vu

 17   saisir un enfant par les cheveux et dire aux femmes : "Si vous ne videz pas

 18   vos poches et ne jetez pas sur le sol tout ce que contiennent vos poches,

 19   je vais trancher la gorge de cet enfant."

 20   Les femmes, mues par la peur, ont jeté au sol tout ce qu'elles

 21   avaient sur elles; les bijoux, tout ce qu'elles avaient sur elles.

 22   Peu de temps après, l'homme dont j'ai déjà parlé, à plusieurs

 23   reprises a demandé à l'un de ses camarades quel était le nombre des hommes

 24   présents sur place. Je me souviens que son interlocuteur a répondu plus de

 25   40, après quoi il a rétorqué à son collègue en utilisant le mot "dobro,"

 26   qui veut dire "bien," ce qui signifiait qu'il était satisfait, et pendant

 27   tout ce temps, ces hommes n'ont cessé de tirer des coups de feu devant

 28   nous.

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  1   Q.  Je vous remercie. Une précision, je vous prie. Vous avez parlé d'un

  2   homme que vous avez déjà évoqué à plusieurs reprises. Vous rappelez-vous

  3   son nom ?

  4   R.  Srecko Popovic, dont j'ai appris le nom plus tard, comme je l'ai déjà

  5   dit, ainsi que Nebojsa Minic.

  6   Q.  Pour que tout soit clair, l'homme dont vous avez parlé comme étant

  7   celui qui a prononcé le mot "dobro" est bien l'homme le plus expérimenté

  8   dont vous parlez au paragraphe 30 de votre déclaration, n'est-ce pas ?

  9   Suis-je en droit de dire que son nom était Srecko Popovic ? C'est bien ce

 10   que vous voulez dire ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous avez également dit que des cartes d'identité ont été ramassées.

 13   Savez-vous ce qu'il est advenu de ces cartes d'identité ?

 14   R.  Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ces cartes d'identité, si elles

 15   ont été emportées ailleurs ou brûlées. Je ne sais pas. Mais ces hommes ne

 16   cessaient de tirer des coups de feu devant nous en visant la zone située

 17   près de nos pieds, ou en tirant en l'air, et ils nous ont ensuite ordonné

 18   d'emprunter un petit chemin qui était à 30 ou 40 [comme interprété] mètres

 19   de l'endroit où nous nous trouvions pour nous diriger vers la maison d'Ajet

 20   Gashi. Ces hommes ont pénétré dans la maison d'Ajet Gashi. Douze ou 13

 21   d'entre eux l'ont fait. Quant aux autres, ils ont reçu l'ordre de s'aligner

 22   dos au mur, car il n'y avait pas assez de place dans la maison.

 23   Puis-je poursuivre ?

 24   Q.  Un instant, je vous prie. Vous venez de nous dire ce qui est arrivé aux

 25   hommes. Mais qu'est-il arrivé aux femmes et aux enfants ? Où se trouvaient-

 26   ils à ce moment-là ?

 27   R.  Je vais m'efforcer de vous faire un récit chronologique de mes

 28   souvenirs. Les femmes et les enfants ont été emmenés à ce moment-là dans

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  1   une maison qui était en face de l'endroit où nous nous trouvions. Cette

  2   maison était en feu. Donc, une partie du groupe composé par les femmes et

  3   les enfants a été emmenée dans cette maison, et l'autre partie dans la cour

  4   de la maison voisine. Les femmes et les enfants qui avaient été emmenés

  5   dans la maison qui se trouvait en face de moi, cette maison était en feu,

  6   et ces femmes et ces enfants hurlaient de peur. Ça, je l'ai vu, parce que

  7   le portail ouvrant sur la cour de cette maison était ouvert.

  8   Q.  Monsieur Berisha, avez-vous vu qui avait mis le feu à cette maison ?

  9   R.  Les policiers et les soldats. Ce sont eux qui ont incendié tout ce

 10   qu'ils voyaient sur leur chemin. Ils ne faisaient pas brûler vif les gens,

 11   mais ces femmes et ces enfants ont dû pénétrer à l'intérieur de cette

 12   maison.

 13   Q.  Excusez-moi, je vous demanderais une précision au sujet de votre

 14   réponse. Je vous ai demandé si vous aviez vu qui avait mis le feu à cette

 15   maison, et vous avez dit les policiers et les soldats.

 16   R.  Ce sont eux qui mettaient le feu aux maisons. Je ne les ai pas vus

 17   faire de mes yeux, mais une fois qu'ils ont pénétré dans la cour la maison

 18   ne brûlait pas, et quand ils sont ressortis de la maison, la maison s'est

 19   mise à brûler. Je peux vous donner davantage de détails, mais je crois que

 20   j'ai été suffisamment clair.

 21   Q.  Vous avez raison en effet. Vous avez été suffisamment clair sur ce

 22   point. Je vous remercie.

 23   J'aimerais maintenant que nous parlions du paragraphe 43 de votre

 24   déclaration écrite, dans lequel vous dites :

 25   "Un soldat chevronné a dit à d'autres représentants des forces serbes

 26   d'emmener les hommes hors de la cour derrière moi, en disant, emmène-les

 27   là-bas."

 28   Et vous dites que ce soldat chevronné a fait un geste de la main. Pourriez-

Page 4616

  1   vous nous montrer ce geste qui a été fait par ce soldat chevronné ?

  2   Pourriez-vous nous le montrer ?

  3   R.  Oui. Il a croisé les bras de cette façon, et j'ai compris que cela

  4   voulait dire qu'il fallait les supprimer, les éliminer. Par la suite, j'ai

  5   appris que c'est exactement ce qui s'est passé.

  6   Q.  Je vous remercie. Je me permettrais de vous arrêter ici, Monsieur

  7   Berisha.

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Je demanderais que le compte rendu

  9   d'audience fasse apparaître que le témoin a fait un geste en croisant les

 10   mains l'une sur l'autre, avec la main droite qui se déplaçait

 11   horizontalement par rapport à la gauche, et la main gauche qui se déplace

 12   horizontalement par rapport à la main droite.

 13   Q.  Monsieur Berisha, pourriez-vous nous expliquer ce qu'était la

 14   signification de ce geste et nous dire exactement ce qui s'est passé.

 15   Pourriez-vous nous expliquer ce qui est arrivé à ces hommes, je vous prie ?

 16   R.  Les hommes qui se trouvaient dans la cour de la maison dont je viens de

 17   parler - ils étaient au nombre de 12 ou 13 - sont ressortis de la maison et

 18   ont pris le chemin du cimetière. Je pouvais encore les voir à ce moment-là.

 19   Ce que je vais dire maintenant, je l'ai appris plus tard. Ils sont ensuite

 20   allés vers la maison de Syl Gashi, et un peu plus tard, j'ai entendu des

 21   tirs d'armes automatiques, et quelques instants plus tard, j'ai vu des

 22   flammes s'échapper de la maison.

 23   Je dirais que dix minutes plus tard, dix minutes après que de la

 24   fumée et des flammes aient commencé à sortir de la maison, ces hommes qui

 25   avaient conduit le groupe de soldats et policiers vers cette maison, sont

 26   revenus, et ces hommes ont dit à Srecko Popovic et à Nebojsa Minic -- bien

 27   sûr, il y en avait bien d'autres dont je ne connaissais pas les noms -- en

 28   tout cas, ils leur ont dit qu'ils les avaient achevés et ils ont refait ce

Page 4617

  1   même geste des deux mains que je viens de vous montrer.

  2   Puis-je continuer ?

  3   Q.  Oui, je vous en prie.

  4   R.  Immédiatement après, ils ont discuté de quelque chose entre eux. Ils

  5   nous ont enlevé nos montres, dont ils se sont emparés. Les montres qui

  6   avaient une certaine valeur ont été mises d'un côté, et celles qui avaient

  7   moins de valeur de l'autre côté.

  8   Et plus tard, Srecko Popovic a divisé le groupe dont nous faisions

  9   partie en deux, et il a dirigé une partie du groupe dans une direction et

 10   l'autre partie dans une autre direction. La partie du groupe dont je

 11   faisais partie a été composée de gens qui, comme moi, avaient tous les

 12   mains liées dans le dos, et on nous a ordonnés de prendre la direction

 13   opposée au cimetière.

 14   Lorsque nous sommes arrivés non loin de la maison de Sadik Gashi escortés

 15   par cinq policiers et soldats, donc une fois que nous nous sommes trouvés

 16   tout près de cette maison, un des hommes nous a dit : "Non, pas ici, parce

 17   que ça risque de puer." Nous avons poursuivi notre chemin vers la maison de

 18   Sahit Gashi.

 19   Q.  Monsieur Berisha, je vais vous demander une précision. Lorsqu'un des

 20   soldats a dit : "Non, pas ici, parce que cela risque de puer," qu'avez-vous

 21   compris ? Quel était d'après vous, le sens à donner à cette phrase ?

 22   R.  J'ai pensé qu'ils allaient nous brûler vifs.

 23   Q.  Je vous remercie. Ont-ils dit quelque chose d'autre aux membres de

 24   votre groupe, au moment où ils vous ont dirigé vers la maison de Sadik

 25   Gashi au départ et plus tard, vers la maison de Sahit ?

 26   R.  Nous avons poursuivi notre chemin vers la maison de Sadik. Et pendant

 27   tout ce temps, ils n'ont cessé de nous insulter et de nous dire : "Où est

 28   l'OTAN maintenant ? Où est Tony Blair ?" Toutes sortes d'insultes qu'ils

Page 4618

  1   proféraient à notre encontre.

  2   Nous sommes entrés dans le couloir de la maison et l'un des cinq soldats et

  3   policiers qui nous escortaient a ouvert la porte du couloir, a pénétré dans

  4   le couloir et ensuite, nous qui composions le groupe sommes entrés

  5   également, nous avions tous encore les mains liées dans le dos. L'homme qui

  6   a ouvert la porte a ensuite ouvert la porte d'une chambre et nous a donné

  7   l'ordre de pénétrer dans la chambre et c'est dans cette chambre que plus

  8   tard, a eu lieu l'exécution. C'était une chambre qui mesurait 4 mètres sur

  9   4 et qui était meublée de deux canapés placés en L.

 10   Les hommes qui nous escortaient nous ont donné l'ordre de nous asseoir sur

 11   ces canapés. Moi, je me suis assis à une extrémité. A ma gauche, se

 12   trouvait Arian Lushi et à ma droite, Jusuf Shala, qui n'étaient pas

 13   originaires, n'étaient pas habitants de notre village, mais étaient venus

 14   dans notre village en provenance d'un autre village.

 15   Les soldats et les policiers se sont arrêtés à l'entrée de la pièce, je

 16   crois me rappeler qu'ils étaient quatre ou cinq, et je me souviens très

 17   bien avoir vu tout d'un coup les flammes qui sortaient du fusil

 18   mitrailleur. Les premières balles ont été tirées dans ma direction et

 19   ensuite, le tir ne s'est pas interrompu. Un de ces hommes tirait dans ma

 20   direction, donc, vers le côté de la pièce et du canapé où je me trouvais,

 21   alors qu'un autre de ces soldats et policiers tirait dans le sens opposé.

 22   Je n'ai pas été blessé à ce moment-là.

 23   Les tirs se sont interrompus un bref instant et ensuite, toute une série de

 24   tirs a visé la direction opposée, c'est-à-dire, est arrivée de la gauche et

 25   j'ai été touché d'abord à la jambe gauche et ensuite, une deuxième fois au

 26   genou droit.

 27   Après cette deuxième volée de tirs, il y a eu une brève interruption. On

 28   entendait les cris des hommes qui avaient été touchés. Mais dans le groupe,

Page 4619

  1   il y avait encore des hommes en vie. Et  à ce moment-là, j'ai entendu ceux

  2   qui nous escortaient tirer une balle sur chacun des hommes présents. Ils

  3   ont commencé à partir de ma gauche et ont continué à tirer sur les hommes,

  4   les uns après les autres. Mais ils se sont arrêtés à un ou deux hommes

  5   avant moi.

  6   Je ne sais pas pourquoi ils se sont arrêtés à ce moment-là. Peut-être ont-

  7   ils manqué de balles.

  8   En tout cas, j'ai survécu à l'exécution. Tout s'est arrêté. Ceux qui

  9   avaient tiré sont sortis. J'ai essayé d'entrouvrir les yeux et de jeter un

 10   coup d'œil sur la pièce dans laquelle je me trouvais et j'ai vu que sur ma

 11   gauche, il y avait des gens qui étaient empilés les uns sur les autres et

 12   tout en haut de la pièce, sur ma gauche, j'ai vu des couvertures. J'ai

 13   touché Arian Lushi qui était mort. J'ai essayé de le déplacer, il n'a pas

 14   bougé. Isuf Shala qui était assis sur ma droite était mort aussi.

 15   J'étais en train de penser à me lever au moment où j'ai vu les

 16   cadavres empilés les uns sur les autres, mais dans un éclair, je me suis

 17   dit que j'allais jeter un coup d'œil par la fenêtre. La fenêtre était

 18   derrière moi, et instinctivement, j'ai tourné la tête et j'ai vu cinq

 19   soldats et policiers en train de discuter les uns avec les autres. L'un

 20   d'entre eux s'est séparé du groupe et a pris le chemin du couloir de la

 21   maison. Il tenait à la main une bouteille ou une espèce de bidon de forme

 22   allongée qu'il a jeté à l'intérieur de la maison.

 23   J'ai pris feu très rapidement et les flammes ont atteint mon visage.

 24   A ce moment-là, je ne savais plus où je me trouvais, est-ce que j'étais les

 25   pieds au sol ou est-ce que je flottais dans l'air. Pendant un instant, je

 26   n'ai plus rien vu. J'ai eu l'impression d'être enterré très profondément

 27   dans la terre.

 28   J'étais en train d'essayer de me remettre debout. Je n'y suis pas parvenu,

Page 4620

  1   mais je suppose que Dieu m'est venu en aide parce que j'ai fini par pouvoir

  2   me rapprocher de la porte. Et pour vous dire la vérité, j'ai essayé de me

  3   remettre debout, pas pour survivre à l'exécution, mais pour être tué par

  4   une balle, plutôt que d'être brûlé vif.

  5   Donc, je suis arrivé près de la porte et là, j'ai commencé à pouvoir

  6   respirer et voir. A ce moment-là, je me suis aperçu qu'ils n'étaient plus

  7   là. Alors, j'ai décidé de passer dans la pièce à côté en marchant

  8   uniquement sur ma jambe gauche et là, je me suis aperçu que la pièce était

  9   en flammes. Même s'il y avait des pompiers qui étaient là, qui essayaient

 10   d'éteindre le feu, des personnes qui essayaient d'éteindre le feu, même

 11   s'il y avait eu des pompiers, ils n'auraient jamais réussi à éteindre cet

 12   incendie.

 13   Donc, je me suis dirigé vers la fenêtre et j'ai vu garé dehors, dans la

 14   rue, des tracteurs, des camions, des voitures. Je n'ai vu aucun policier,

 15   aucun soldat à ce moment-là. Alors, j'ai ouvert la fenêtre et en tenant ma

 16   jambe droite qui était très blessée, qui était cassée, je me suis servi de

 17   ma jambe gauche pour avancer en rampant et pour sortir par la fenêtre. La

 18   fenêtre était à peu près à 1 mètre 70 du sol, je pensais. Ensuite, j'ai

 19   rampé sur le dos jusqu'au coin de la maison, peut-être cinq, six mètres, je

 20   ne me souviens plus très bien. Et ensuite, je suis allé jusqu'au coin de la

 21   barrière qui entourait la maison, le jardin, et là, il y avait du fil de

 22   fer dans cette barrière. J'ai tout fait tout seul, il n'y avait personne

 23   pour pouvoir m'aider à ce moment-là. Pendant tout ce temps-là, je me suis

 24   débrouillé tout seul. Mais j'entendais les grognements et les cris

 25   d'angoisses, les bruits des voitures, les bruits des tracteurs. Pendant

 26   tout ce temps-là, en fait, je n'arrêtais pas d'entendre des coups de feu en

 27   permanence.

 28   Là, je suis en train de revivre tous ces moments extrêmement difficiles que

Page 4621

  1   j'ai eus ce jour-là, que j'ai dû subir ce jour-là, donc c'est un petit peu

  2   émouvant.

  3   Comme je l'ai dit, j'ai essayé un petit peu de soigner ma jambe droite.

  4   J'ai essayé d'arrêter un petit peu les saignements avec ma ceinture. J'ai

  5   regardé ma jambe gauche et j'ai aussi essayé d'arrêter l'hémorragie.

  6   Q.  Monsieur Berisha --

  7   R.  Une demi-heure plus tard --

  8   Q.  Je voudrais vous arrêter ici, Monsieur Berisha. Merci beaucoup. Si nous

  9   pouvions juste revenir à la maison dans laquelle vous vous trouviez. Vous

 10   nous avez dit que vous avez sauté par la fenêtre et que la maison était en

 11   flammes.

 12   Est-ce que vous savez quelle était la raison de ces flammes ?

 13   R.  Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait des couvertures dans la

 14   maison et ces couvertures étaient en feu. Comme je l'ai dit, ils ont jeté

 15   ce petit récipient de gaz à l'intérieur de la maison, et c'est cela qui a

 16   mis le feu. Comme je l'ai dit, à ce moment-là je n'arrivais absolument plus

 17   à respirer. J'ai perdu conscience. Après même encore plusieurs jours plus

 18   tard, je crachais encore du sang.

 19   J'espère que j'ai expliqué les choses clairement. Si vous avez d'autres

 20   questions, n'hésitez pas à me les poser.

 21   Q.  Les couvertures dont vous avez parlé qui étaient en feu, est-ce que

 22   vous savez comment ces couvertures ont pris feu ?

 23   R.  Je ne les ai vues qu'après que les soldats et les policiers soient

 24   sortis. J'ai vu les couvertures qui étaient en feu. Comment puis-je vous

 25   expliquer ? Elles ont été incendiées.

 26   Q.  Combien d'hommes faisaient partie de votre groupe ?

 27   R.  D'après mes souvenirs, 12 ou 13. Je ne me souviens pas des noms exacts.

 28   Je n'aime pas mentionner les noms exacts, mais je pense que nous étions à

Page 4622

  1   peu près 13.

  2   Q.  Sur ces 12 ou 13 hommes, combien ont survécu à cet incident ?

  3   R.  Juste moi.

  4   Q.  Dans le paragraphe 64 de votre déclaration, vous parlez du toit de la

  5   maison qui s'est effondré. Connaissez-vous la raison, savez-vous pourquoi

  6   le toit s'est effondré ?

  7   R.  A cause de l'incendie, toute la maison était incendiée, et donc le toit

  8   s'est effondré, s'est écroulé à l'intérieur des murs.

  9   Q.  Merci. Vous nous avez également dit que lorsque vous étiez dans la

 10   cour, après avoir sauté par la fenêtre, vous avez entendu des gens qui

 11   s'activaient tout autour de vous, vous avez entendu des ordres qui étaient

 12   donnés pour que tout soit incendié. Est-ce que vous vous souvenez en quelle

 13   langue ces ordres étaient donnés ?

 14   R.  En serbe. En langue serbe.

 15   Q.  Merci. A l'issue de cet incident, Monsieur Berisha, quelles sont les

 16   blessures dont vous avez souffert ?

 17   R.  J'ai été blessé à mes deux jambes; pour la jambe gauche, au genou, plus

 18   précisément; et pour la jambe droite, le genou aussi, puis au niveau de la

 19   jambe, la hanche gauche. C'étaient des blessures simultanées. Ma jambe

 20   droite était cassée. J'avais une fracture de la jambe droite à sept ou huit

 21   endroits. Il n'y avait que la peau pour tenir les différents morceaux de la

 22   jambe les uns aux autres.

 23   Est-ce que vous voulez d'autres explications de ce qui s'est passé ?

 24   R.  Non, cela suffit. Merci. Mais je voudrais vous reformuler ma question.

 25   Vous nous avez mentionné un certain nombre de blessures. Est-ce que vous

 26   avez aujourd'hui encore des blessures permanentes à la suite de cet

 27   incident ?

 28   R.  Oui. J'ai la jambe droite qui est à peu près quatre ou cinq centimètres

Page 4623

  1   plus courte que la jambe gauche. C'est à cause de cela que je boite encore

  2   aujourd'hui.

  3   Q.  Merci.

  4   R.  D'ailleurs, j'utilise des béquilles.

  5   Q.  Maintenant, vous nous avez dit au début de votre témoignage qu'il y

  6   avait d'autres groupes d'hommes qui ont été emmenés. Un groupe s'est rendu

  7   dans la maison de Syl Gashi, vous l'avez mentionné. Maintenant, pour les

  8   deux autres groupes, où ont-ils été emmenés ? Ou plutôt, le troisième

  9   groupe, où a-t-il été emmené, dans quelle maison ?

 10    R.  En fait, le groupe dans lequel j'étais a été divisé en deux. Je ne

 11   sais pas où l'autre partie a été emmenée, mais plus tard j'ai su qu'ils

 12   avaient été emmenés dans la maison de Deme Gashi.

 13   Q.  Qu'est-ce qui est arrivé à ces hommes qui avaient été emmenés dans la

 14   maison de Deme Gashi ?

 15   R.  Ils ont subi le même sort. Ils ont tous été tués. L'un d'eux seulement

 16   a réussi à survivre. Iljaz Kelmendi, dans la maison de Syl Gashi, a

 17   survécu. Grâce à Dieu, dans chacune de ces trois maisons, une personne a

 18   survécu.

 19   Q.  Merci. Si vous vous en souvenez, combien d'hommes ont été tués dans

 20   votre village ce jour-là, le 14 mai ?

 21   R.  Au total, 41 hommes de l'ensemble du village, y compris les hommes de

 22   la partie haute du village et aussi dans la partie où nous étions, nous.

 23   Donc un total de 41 hommes.

 24   Q.  Monsieur Berisha, savez-vous s'il y a eu d'autres personnes tuées dans

 25   les autres villages aux alentours de Qyshk ce jour-là ? Est-ce que vous le

 26   savez ?

 27   R.  Oui. Le même jour, après le village de Qyshk, ils sont allés au village

 28   de Pavlan, aussi au village de Zahaq. Les villages de Pavlan et Zahaq, puis

Page 4624

  1   notre village, au total sur ces trois villages de Qyshk, Pavlan et Zahaq,

  2   environ 80 personnes au total ont dû être tuées en l'espace d'une demi-

  3   journée.

  4   Q.  Dans votre propre village de Qyshk, y a-t-il eu d'autres personnes

  5   tuées avant le 14 mai, est-ce que vous le savez ?

  6   R.  Oui. Oui, il y en a eu. Je ne me rappelle pas précisément des dates,

  7   mais c'était soit le 13 ou le 14 j'ai entendu des coups de feu. Je sais

  8   qu'un homme et une femme ont été emmenés du village et ont été tués aux

  9   abords de la route, la route qui va de Peja à Prishtina, et ils ont été

 10   tués. C'étaient des personnes plus âgées qu'ils n'ont pas pu enterrer parce

 11   que, comme je vous l'ai dit, nous devions tous subir notre destin. Je crois

 12   que leurs cadavres ont été dévorés par les chiens.

 13   Q.  Savez-vous qui était à l'origine du meurtre de ces deux personnes

 14   âgées, soit le 13 soit le 14 mai ?

 15   R.  Les policiers et les soldats, c'est eux qui les ont emmenées.

 16   Q.  Comment le savez-vous, Monsieur Berisha ?

 17   R.  Parce que ce sont eux, les policiers et les soldats, qui faisaient tout

 18   cela. Tous ces actes étaient commis par les policiers et par les soldats.

 19   Vous pouviez déceler leur présence depuis une certaine distance. C'étaient

 20   les seuls qui faisaient ces choses-là.

 21   Q.  Est-ce que vous avez vu des policiers ou des soldats dans le village de

 22   Qyshk à peu près au moment où ce couple de personnes âgées a été tué ?

 23   R.  Non, pas dans le village même, à l'intérieur du village, parce que

 24   c'est un incident qui est survenu aux abords de la route.

 25   Q.  Avez-vous vu des policiers ou des soldats aux abords de la route ?

 26   R.  Oui. Oui. Lorsque ces meurtres ont été commis, j'ai entendu les coups

 27   de feu, et j'ai vu une voiture avec des policiers et des soldats qui est

 28   passée sur la route. Cette voiture est passée juste après que nous ayons

Page 4625

  1   entendu les coups de feu. Donc, nous avons vu cette voiture de policiers et

  2   de soldats passer sur la route juste après que nous ayons entendu les coups

  3   de feu, mais nous n'avons pas pu nous occuper des corps. Tout ceci est

  4   survenu à environ 19 heures, 20 heures.

  5   Le lendemain, ils sont venus dans notre village. Ce n'est que plus

  6   tard que nous avons entendu dire que leurs cadavres avaient été dévorés par

  7   les chiens.

  8   C'était juste pour vous donner une explication de ce qui s'est passé.

  9   Q.  Merci beaucoup. Vous avez également mentionné quelques meurtres dans le

 10   village de Pavlan et Zahac. Savez-vous qui était responsable de ces

 11   meurtres dans ces villages avoisinant du vôtre ?

 12   R.  Les mêmes personnes, parce que c'étaient les mêmes personnes, celles

 13   qui avaient commis ces meurtres dans notre village, qui sont allées

 14   poursuivre leur travail un petit peu plus loin dans les villages de Pavlan

 15   et de Zahaq, parce que pendant toute la journée nous avons continué à

 16   entendre des coups de feu en permanence, et nous avons vu la fumée, les

 17   flammes, qui s'élevaient dans le ciel depuis ces deux villages. Je ne vous

 18   l'ai pas dit tout à l'heure, mais en plus des coups de feu que l'on

 19   entendait, nous pouvions également voir la fumée qui s'élevait partout dans

 20   le ciel.

 21   Q.  Merci. J'aimerais maintenant un petit peu éclaircir les noms de

 22   certaines des personnes qui se trouvent sur la photo devant vous.

 23   Mme GOPALAN : [interprétation] Je crois que vous avez toujours cette photo

 24   à l'écran devant nous, n'est-ce pas ?

 25   Q.  Vous avez mentionné tout à l'heure pendant votre témoignage aujourd'hui

 26   une personne du nom de Nebojsa Minic. Est-il sur la photo qui est située

 27   devant vous ? Est-ce que vous pouvez le décrire ?

 28   R.  Oui.

Page 4626

  1   Q.  Pouvez-vous l'identifier sur la photo ?

  2   R.  C'est celui qui est en uniforme de policier, qui a une mitraillette à

  3   la main, et c'est lui, je l'ai déjà dit tout à l'heure et je me répète,

  4   c'est lui la personne-clé, la personne avec Popovic, Srecko Popovic.

  5   C'étaient les deux personnes-clés. C'était eux qui étaient responsables de

  6   tout ce qui s'est passé ce jour-là.

  7   Q.  Merci. Pour être bien clair, s'agit-il de la personne qui est debout

  8   avec une cigarette à la bouche sur la photo ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et le 14 mai, avez-vous vu une autre personne de la photo dans votre

 11   village ?

 12   R.  Oui. Oui. J'ai vu celui qui a un bandeau sur la tête, mais également

 13   celui qui est assis à ma droite, celui qui a quelque chose de rouge sur

 14   l'épaule. Maintenant, je me souviens qu'ils étaient là tous les deux.

 15   Q.  Merci. Cet homme avec le bandeau sur la tête, l'aviez-vous vu

 16   auparavant, avant les incidents dans votre village le 14 mai ?

 17   R.  Oui. Oui, il était policier déjà avant, et celui ici au milieu avec la

 18   casquette était également policier. Tous deux étaient policiers même avant

 19   ce qui s'est passé dans le village. Même avant la guerre, je dirais.

 20   Q.  Maintenant, vous --

 21   R.  Avant 1998, je dirais.

 22   Q.  Merci. Vous venez de mentionner l'homme avec la casquette qui est

 23   debout au milieu de la photo. Connaissez-vous son nom ?

 24   R.  Oui, je connais son pseudonyme qui est Salipur, mais je ne connais pas

 25   son vrai nom.

 26   Q.  Cela est suffisant. Merci. Que savez-vous d'autre sur Salipur, en

 27   dehors du fait qu'il était policier ?

 28   R.  C'est lui qui maltraitait absolument chacun des citoyens qui était

Page 4627

  1   arrêté dans les rues. Il était connu pour infliger des sévices à tous, les

  2   mauvais traitements des Albanais uniquement. Il infligeait des mauvais

  3   traitements et des sévices aux Albanais, pas aux autres groupes ethniques.

  4   Q.  Merci.

  5   Mme GOPALAN : [interprétation] Si nous pouvions maintenant passer à la page

  6   suivante de cette pièce à conviction, s'il vous plaît.

  7   Q.  Monsieur Berisha, reconnaissez-vous cette photo ?

  8   R.  Oui. Oui, c'est moi ici, dans la maison où le crime a été commis.

  9   Q.  Lorsque vous dites la maison dans laquelle le crime a été commis, de

 10   quelle maison parlez-vous ? La maison de qui, plus exactement ?

 11   R.  La maison de Sahit Gashi.

 12   Q.  Et savez-vous quand cette photo a été prise ?

 13   R.  Je ne me souviens pas.

 14   Q.  Savez-vous qui a pris cette photo ?

 15   R.  Je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas de cela.

 16   Q.  Merci. Pour passer maintenant à un autre sujet, vous dites dans votre

 17   déposition --

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan, nous avons déjà étudié

 19   ces différentes photos plus d'une fois. Est-ce que vous proposez de les

 20   verser au dossier ?

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] J'espérais les montrer encore une fois, une

 22   autre page, avant de les verser au dossier.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois.

 24   Mme GOPALAN : [interprétation] Mais je --

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, non. Vous le faites à votre

 26   façon, tant que vous n'avez pas oublié. Mais avant d'en finir avec ce

 27   témoin, vous apprendrez peut-être, si vous le pouvez, comment il a connu,

 28   il a découvert les noms des personnes qu'il cite dans sa déposition.

Page 4628

  1   Mme GOPALAN : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Berisha, pendant votre déposition aujourd'hui, vous avez

  3   mentionné un certain nombre de noms. M. Popovic, par exemple, M. Minic.

  4   Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez eu connaissance des noms

  5   de ces personnes ?

  6   R.  Je crois que -- si je ne trompe pas, je crois que je ne les connaissais

  7   pas par leurs noms à l'époque, mais à partir des photos, je les ai reconnus

  8   de vue. Ensuite, ce n'est qu'à plus tard que j'ai appris leurs noms, comme

  9   je vous ai expliqué, Salipur, par exemple, cette personne que je

 10   connaissais personnellement parce qu'il était policier, même si je n'avais

 11   jamais eu affaire à lui, mais je savais que tout le monde l'appelait

 12   Salipur, que c'était son surnom.

 13   L'autre policier que j'ai mentionné ensuite, je ne connaissais pas son nom,

 14   mais les gens l'appelaient Pucrrani, parce qu'il avait le visage couvert de

 15   boutons. Pucrrani en albanais signifie visage couvert de boutons, visage

 16   acnéique. Alors, je vous ai dit, c'est plus tard que j'ai appris leurs

 17   noms.

 18   Q.  Merci.

 19   R.  J'espère que je suis bien clair.

 20   Q.  Oui, merci. Si nous pouvons retourner à la photo --

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] De qui a-t-il appris les noms ?

 22   Mme GOPALAN : [interprétation] Je vais poser la question, Monsieur le

 23   Président.

 24   Q.  Qui, donc, vous a donné les noms de ces personnes ? Comment avez-vous

 25   pris connaissance des noms de ces personnes ?

 26   R.  Après les avoir reconnues et identifiées sur les photos, ensuite j'ai

 27   pu les identifier grâce à un livre que j'ai chez moi. Mais je ne sais pas

 28   qui est la personne qui les a identifiées avec les noms, parce qu'il y

Page 4629

  1   avait beaucoup de personnes qui les ont identifiées, ces personnes sur les

  2   photos. Donc, je ne peux pas vous donner de noms. Mais j'ai un livre, et

  3   dans ce livre, vous pouvez avoir tous les noms.

  4   Si vous voulez d'autres explications, vous pouvez me poser des

  5   questions.

  6   Q.  Alors, justement, ce livre que vous prétendez avoir, que vous dites

  7   avoir chez vous et qui contient les photos, quand avez-vous vu ce livre

  8   pour la première fois ?

  9   R.  Ce livre m'a été remis en cadeau par ceux qui ont recueilli toutes ces

 10   notes parce que j'avais participé, j'étais participant à cet événement.

 11   Donc, c'est de ce fait-là qu'ils m'ont offert ce livre.

 12   Q.  Mais qui sont ces personnes dont vous parlez qui ont recueilli toutes

 13   ces notes ?

 14   R.  Je crois qu'il s'agit de Radio Vojs [phon]. J'ai fait plusieurs

 15   déclarations, donc, il y a peut-être d'autres personnes encore qui ont

 16   recueilli toutes ces notes. Je ne sais pas exactement quel est le nom de

 17   l'organisation qui a recueilli toutes ces notes. Je ne me souviens pas.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce suffisamment

 20   clair ou souhaitez-vous que --

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout est clair, mais cela nous laisse

 22   sans aucun élément de preuve fiable quant aux noms. Le témoin, en fait, a

 23   été informé des noms des personnes ou alors, a reçu un livre dans lequel

 24   les noms sont mentionnés. Mais cela ne nous permet pas d'atteindre le point

 25   d'identification des individus en question. Cela ne nous permet pas

 26   d'identifier les individus en question.

 27   Mme GOPALAN : [interprétation]

 28   Q.  J'aimerais revenir à la page précédente de cette pièce à conviction qui

Page 4630

  1   est sous nos yeux.

  2   Vous avez mentionné aujourd'hui une personne du nom de Pucrrani. Est-ce que

  3   cette personne est présente sur la photo ?

  4   R.  Oui, il s'agit de l'homme avec le bandeau sur la tête, à gauche de la

  5   photo.

  6   Q.  Et où l'aviez-vous vu auparavant ?

  7   R.  Il était policier dans la ville de Peja.

  8   Q.  Merci. Maintenant, cette photo que vous avez sous les yeux, quand

  9   l'avez-vous vue pour la première fois ?

 10   R.  Cette photo, je l'ai vue en même temps que les autres photos. Je ne

 11   crois pas l'avoir mentionné dans ma déposition, mais après que les meurtres

 12   aient été commis, après que nos meurtres aient été commis, après que nous

 13   ayons été tués, disons, un certain nombre d'enquêteurs de différentes

 14   organisations sont venus nous poser des questions sur ces incidents et ils

 15   nous ont montré ces photos. Ils nous ont montré ces photos et nous avons

 16   identifié les personnes que nous connaissions. Cette personne que je

 17   mentionne, celle au sujet de laquelle vous me demandez des précisions, je

 18   l'ai vue à plusieurs reprises à Peja, parce qu'il était policier dans cette

 19   ville. L'autre personne qui porte une casquette était également policier

 20   dans la ville de Peja.

 21   Plus tard, sur la base des photos, je ne sais pas qui me l'a demandé parce

 22   qu'en fait j'en ai vu beaucoup, mais c'est à l'une de ces occasions que

 23   l'on m'a offert ce livre dont j'ai parlé tout à l'heure. Mais je ne me

 24   rappelle pas exactement qui a été le premier à me montrer ces photos, ni

 25   quand cela s'est passé. Très franchement, je vous le dis, j'ai déjà vu ces

 26   photos plusieurs fois, mais je ne me rappelle pas exactement quand, ni qui

 27   me les a montrées.

 28   Je suis désolé, si je ne suis pas assez clair. Vous pouvez me poser

Page 4631

  1   d'autres questions, si vous le souhaitez.

  2   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore juste un

  3   petit aspect très court à aborder avec le témoin. Mais avec votre

  4   permission, pouvons-nous avoir une petite pause ?

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous pouvons avoir notre première

  6   pause, et nous reprendrons donc à 16 heures 10.

  7   --- L'audience est suspendue à 15 heures 41.

  8   --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Gopalan.

 10   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Berisha, juste pour reprendre là où nous en étions restés tout

 12   à l'heure. Nous avons parlé de cette photographie que vous avez vue à

 13   l'écran et vous avez dit : Ils nous ont montré ces photographies, nous

 14   avons identifié les personnes que nous connaissions." Pourriez-vous nous

 15   dire, s'il vous plaît, Monsieur Berisha, lorsque vous dites : "Nous avons

 16   identifié les personnes que nous connaissions," est-ce que vous les avez

 17   identifiées par nom ou de vue seulement ?

 18   R.  J'ai dit à l'époque, en ce qui concerne celui qui a un bandeau, je sais

 19   que c'était un policier, bien que je n'aie pas mentionné son nom dans la

 20   déclaration. Je savais que c'était un policier, tout comme la personne qui

 21   portait la casquette.

 22   Q.  La personne qui portait le bandeau, comment saviez-vous que c'était un

 23   policier ?

 24   R.  Je crois l'avoir mentionné plus tôt. C'était un policier à Peja.

 25   C'était un policier de métier, d'active, comme on les appelle, bien qu'il

 26   porte un uniforme militaire ici. A l'époque, il avait un uniforme de

 27   policier. Ils avaient coutume de porter des uniformes, les uniformes qu'ils

 28   voulaient, peu importe pour eux de savoir si c'était un uniforme militaire

Page 4632

  1   ou un uniforme de police. C'est pour ça que je dis qu'il était policier,

  2   bien qu'il porte un uniforme militaire sur cette photo.

  3   Si vous voulez que je vous donne davantage de détails, je peux le faire.

  4   Q.  Je vous remercie. Et lorsque vous dites "à l'époque il avait un

  5   uniforme de policier", vous voulez parler de quelle époque, de quel moment

  6   ?

  7   R.  Je parle de l'incident du 14 et du moment où la guerre était en cours.

  8   La personne qui a un bandeau et la personne qui porte une casquette c'était

  9   des policiers même avant 1998. Je dis ça avec la plus grande certitude, le

 10   plus grand sérieux. Bien qu'ils portent des uniformes militaires sur cette

 11   photo, c'était des policiers, et ils portaient à l'époque des uniformes de

 12   la police.

 13   Q.  Les autres hommes qui ont participé à l'incident du 14 mai à Qyshk

 14   portaient également des uniformes, est-ce qu'ils avaient un uniforme ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Et pourriez-vous nous décrire quel type d'uniforme ils portaient, s'il

 17   vous plaît.

 18   R.  Le 14 mai, ainsi que le 16 et le 17, les membres de la police portaient

 19   des uniformes de police bleus; c'était en fait, un mélange de bleu et de

 20   gris comme couleurs. C'était les couleurs de camouflage, comme on les

 21   appelle, tandis que pour l'armée, il s'agissait d'uniformes de camouflage

 22   avec la couleur verte.

 23   Q.  Lorsque vous parlez des 16 et 17, pourriez-vous, s'il vous plaît,

 24   préciser de quel mois vous voulez parler ?

 25   R.  Je parle du mois d'avril, environ un mois avant le massacre dans le

 26   village, avant qu'il ne soit commis.

 27   Q.  Merci. Enfin, regardons la photo, pourriez-vous nous dire qui est venu

 28   à votre village, si tel est le cas, le 14 mai ? Est-ce qu'il y en a qui

Page 4633

  1   sont présents sur cette photographie ?

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci a été dit clairement, Madame

  3   Gopalan. Vous n'avez pas besoin de reposer cette question.

  4   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

  5   demander le versement de cette pièce comme élément de preuve au dossier,

  6   s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors, il y a eu plusieurs

  8   photographies qui ont été montrées et il faudrait savoir de quelle photo il

  9   s'agit. Il se trouve que c'est la pièce P772, si je ne me trompe.

 10   Mme GOPALAN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc il n'est pas nécessaire qu'elle

 12   soit présentée à nouveau. Elle est bien identifiée au compte rendu. Mais

 13   vous avez aussi montré une photographie au témoin.

 14   Mme GOPALAN : [interprétation] C'est exact.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans une maison. Une photographie de

 16   l'une des personnes dans ce groupe qui est photographiée là ?

 17   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, c'est cela.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans une maison. Une photographie de

 19   l'une de ces personnes ou ce groupe photographié qui se trouve toute seule.

 20   Est-ce que ces photographies, c'est ça que vous voulez verser au dossier ?

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Elles font

 22   partie du même numéro de la liste 65 ter. La raison pour laquelle j'ai

 23   inclus cette photographie à l'écran d'une façon distincte, c'est parce que

 24   je pense qu'elle est légèrement plus claire que la photographie qui est

 25   déjà déposée comme élément de preuve. Mais avec votre permission, je serais

 26   très heureuse de présenter celles qui restent et que j'ai présentées au

 27   témoin, qui, je crois, sont à la page 1 et 2 de cette pièce ainsi que la

 28   photographie sur laquelle se trouve le témoin.

Page 4634

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les pages 1 et 2 seront donc déposées

  2   au dossier, les photographies 1 et 2.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et on leur attribue la cote P00797,

  4   Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Mme GOPALAN : [interprétation] Et également la page 4 de cette pièce, s'il

  7   vous plaît, il s'agit de la photographie du témoin lui-même.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elle est versée au dossier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira donc des pages 1, 2, et 4,

 10   Monsieur le Président, et on leur attribue le même numéro, à savoir P07797

 11   [comme interprété].

 12   Mme GOPALAN : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Berisha, au paragraphe 23, vous dites que sur le groupe qui

 14   était rassemblé au centre du village et qui était encerclé par 70

 15   policiers, ce groupe ne comprenait aucun membre de votre famille. Où

 16   étaient les membres de votre famille ? Ceci donc remonte au 14 mai.

 17   R.  Ils étaient chez eux. Toute ma famille se trouvait chez moi. Mais plus

 18   tard, ma mère m'a dit que lorsque la police et l'armée sont venues sur

 19   place, mon fils qui n'avait que 11 mois à l'époque, un policier ou un

 20   soldat s'est approché de lui et a mis le canon de son automatique dans sa

 21   bouche et a exigé de l'argent de ceux qui étaient présents, sinon il

 22   menaçait de tuer l'enfant. Ma femme a eu peur, terriblement peur et ne

 23   pouvait plus le tenir dans ses bras, mon fils. Elle l'a laissé tomber. Et

 24   ma mère qui est maintenant décédée leur a donné 500 deutschemarks.

 25   Plus tard, ils ont dit à ma famille de prendre la grand-route en direction

 26   de Peja. Peut-être qu'à cause de mes émotions, j'ai été complètement

 27   troublé par les émotions, bouleversé par les émotions, et je n'ai pas

 28   mentionné tout ce qui s'est passé. Mais je saisis cette occasion pour vous

Page 4635

  1   dire maintenant qu'on leur a dit d'aller en direction de Peja, et ils ont

  2   été encore renvoyés chez eux. Donc ils ont dû retourner au village à deux

  3   reprises.

  4   Vous me posez d'autres questions si vous voulez que l'on précise quelque

  5   chose.

  6   Q.  Comment sont-ils allés à Peja ce jour-là ?

  7   R.  Ce jour-là, les femmes, les enfants et les personnes âgées qui se

  8   trouvaient chez eux ont été emmenés par tracteurs qui étaient bâchés avec

  9   des feuillets de plastique en direction de la ville. Pas seulement ma

 10   famille, mais les autres familles qui étaient restées au village à l'époque

 11   et qui ont été emmenées en direction de la ville sur des tracteurs.

 12   Q.  Pouvez-vous vous rappeler quelle était l'importance de ce groupe qui a

 13   été emmené vers la ville dans des tracteurs ?

 14   R.  Probablement entre 200 et 250 personnes, des hommes, des hommes âgés,

 15   des enfants et des femmes. Peut-être même davantage, mais je ne me rappelle

 16   vraiment pas un chiffre exact.

 17   Q.  Et comment est-ce que vous avez su de cet incident ?

 18   R.  J'ai appris que cet incident a eu lieu par ma mère qui est décédée.

 19   Q.  Et quand vous dites que votre famille a été envoyée à Peja et qu'elle

 20   est revenue, est-ce que c'était le même jour ?

 21   R.  Oui, le même jour.

 22   Q.  Merci. Monsieur Berisha, je voudrais juste préciser une question que je

 23   vous ai posée. Peut-être que l'erreur se situe au niveau de ma question. Je

 24   vous ai demandé de me parler de l'incident qui a eu lieu vers la mi-avril.

 25   Peut-être que je pourrais, pour vous, lire la question pour qu'on précise

 26   les choses. Ceci est par rapport à votre réponse sur la confiscation des

 27   armes d'Ibrahim Vokshi et le fait qu'on vous ait dit d'aller chez vous et

 28   de ne quitter votre chez-vous que lorsqu'on vous aurait dit de le faire.

Page 4636

  1   Maintenant, cet incident lorsqu'on vous a demandé de retourner chez vous et

  2   de ne revenir que lorsqu'ils vous auraient ordonné de le faire, quand est-

  3   ce que ceci a eu lieu ? Est-ce que c'était le 16 ou le 17 mai ? C'est ça

  4   qui semble apparaître au compte rendu.

  5   R.  Le 16 ou le 17 mai, on nous a renvoyés et c'est a ce moment-là que nous

  6   n'avons pas été autorisés à quitter le village. Ceci s'est passé le même

  7   jour, le 16 et le 17.

  8   Le même jour, Ibrahim Lushi, ou même Ibrahim Vokshi a remis un fusil de

  9   chasse et un pistolet, l'arme de poing.

 10   Q.  Donc, est-ce que j'ai raison de dire que ceci a eu lieu en mai et non

 11   en avril, comme vous dites dans votre déclaration ?

 12   R.  Excusez-moi. Un mois approximativement avant l'incident principal, donc

 13   le 16 ou le 17 avril. Je vous parle maintenant du mois d'avril. Excusez-moi

 14   pour cette erreur.

 15   Q.  Nous nous sommes aussi référés à trois familles serbes qui vivaient

 16   dans le village de Qyshk. Et ceci figure au paragraphe 5 de votre

 17   déclaration. Est-ce que vous pourriez préciser si c'était bien le nombre

 18   total de familles serbes qui vivaient à Qyshk ?

 19   R.  Si je ne me trompe pas, j'ai dit dans ma déclaration qu'il y avait

 20   trois maisonnées, et non pas trois familles dans le village, parce que

 21   l'une de ces maisonnées peut comprendre quatre ou cinq familles.

 22   Je n'ai pas mentionné les autres maisons, parce que je n'étais pas sûr

 23   qu'elles appartiennent au village de Qyshk ou au village voisin de Qyshk.

 24   Q.  Merci, Monsieur Berisha. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Monsieur Djordjevic, voulez-vous procéder au contre-interrogatoire ?

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Si vous pouvez

 28   simplement m'accorder un instant pour me préparer.

Page 4637

  1   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

  2   Q.  [interprétation] Bonjour. Je vais vous poser des questions qui

  3   découlent de l'interrogatoire qui vient de s'achever avec mon confrère, et

  4   je vais vous demander de bien vouloir me fournir des réponses brèves.

  5   Monsieur Berisha, pourriez-vous me dire quelle est votre profession, et ce

  6   que vous avez fait vers la fin du mois de mai 1999 ? Est-ce que vous étiez

  7   employé, engagé ? Est-ce que vous aviez une profession quelle qu'elle soit

  8   ?

  9   R.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question. Je n'ai pas

 10   compris.

 11   Q.  Quelle est votre profession ? Quel est votre curriculum ? Qu'est-ce que

 12   vous avez fait comme étude ?

 13   R.  J'ai été à l'école secondaire et j'ai terminé mon secondaire.

 14   Q.  Dans quel domaine en particulier ? Quelle profession ?

 15   R.  Cordonnier.

 16   Q.  Je n'ai pas entendu l'interprétation. Bien. Merci. Dites-moi, est-ce

 17   que vous aviez un emploi en 1999 ? Vous avez travaillé ? Vous travaillez

 18   jusqu'à quand ?

 19   R.  J'étais employé dans l'usine de chaussures, mais en 1999 je ne

 20   travaillais pas. Personne ne travaillait parmi les Albanais.

 21   Q.  Quand avez-vous arrêté de travailler, si vous pouvez vous en souvenir ?

 22   R.  Je ne suis pas absolument sûr de la date, mais je pense que c'était en

 23   1998. Je ne sais pas exactement quel mois.

 24   Q.  Merci. Dites-moi, est-ce que cette usine était située à Pec ? Je veux

 25   dire l'usine à laquelle vous travaillez.

 26   R.  Oui, à Peja.

 27   Q.  Merci. Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes employé ? Vous avez un travail ?

 28   R.  Non.

Page 4638

  1   Q.  Merci. Quand avez-vous eu les premiers contacts avec le Tribunal, avec

  2   le bureau du Procureur et avec ses enquêteurs ? En quelle année ?

  3   R.  Vous voulez parler du moment où je suis venu ici, ou d'une époque

  4   antérieure ?

  5   Q.  Non. Non. Ma question, c'était de savoir quand vous avez eu le tout

  6   premier contact avec les enquêteurs du TPIY. Vous n'avez pas besoin de me

  7   dire le mois. L'année suffirait.

  8   R.  En mai 2008, lorsque j'ai fait ma déclaration, c'est à ce moment-là que

  9   je les ai rencontrés, et je les ai rencontrés immédiatement après que

 10   l'incident ait eu lieu. Mais je ne sais pas exactement la date à laquelle

 11   cette réunion a eu lieu. Je pense que je suis clair. Je ne me rappelle pas

 12   la date exacte.

 13   Q.  Aurais-je raison de dire que votre première rencontre avec les

 14   enquêteurs du Tribunal remonte à 1999 et non pas en 2008, comme vous venez

 15   de dire ?

 16   R.  Après 1999, un grand nombre de personne sont venues me voir, mais la

 17   déclaration que j'ai faite et à cause de laquelle je suis ici aujourd'hui,

 18   cette déclaration a été recueillie en mai de l'année dernière, en 2008.

 19   Q.  Est-ce que vous avez proposé de faire une déclaration ou est-ce que ce

 20   sont eux qui se sont mis en rapport avec vous en premier ?

 21   R.  J'ai fait la déclaration tout à fait librement, de mon propre gré. Ils

 22   sont venus parce qu'ils étaient particulièrement intrigués par cette

 23   affaire et les circonstances dans lesquelles j'avais survécu.

 24   Q.  C'est précisément ce qui m'intéresse. Comment en êtes-vous venu à leur

 25   faire savoir que vous étiez le seul survivant de l'incident de Cuska ? Est-

 26   ce que c'est vous-même ou quelqu'un d'autre qui les en a informés, ou se

 27   fait-il que vous ne saviez rien de cela ?

 28   R.  Je ne sais pas comment ils l'ont appris.

Page 4639

  1   Q.  J'aimerais savoir si vous aviez rempli un questionnaire le 28 juillet

  2   1999 qui traite précisément des événements dont vous avez parlé dans votre

  3   déposition aujourd'hui. Est-ce que vous avez répondu à des questions qui

  4   vous étaient posées par une personne qui s'était présentée à vous comme

  5   représentant du comité des droits de l'homme, ou des libertés au Kosovo ?

  6   Vous rappelez-vous cela ? C'était l'union ou l'alliance pour la défense des

  7   droits de l'homme et des libertés, de droits humains et des libertés ?

  8   R.  Comme je l'ai déjà dit, j'ai donné et fait plusieurs déclarations. Je

  9   ne me rappelle pas qui est venu me voir, mais j'ai fait plusieurs

 10   déclarations, un grand nombre.

 11   Q.  Merci. Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit lorsque vous avez dit que

 12   vous aviez fait une déclaration pour le TPIY, peu de temps après les

 13   événements à Cuska qui s'étaient déroulés en 1999 ? Qui aviez-vous à

 14   l'esprit ? A qui pensiez-vous ? Est-ce que vous pourriez --

 15   R.  Vous me posez la même question pour la deuxième fois. Je ne me rappelle

 16   pas qui est venu me voir en premier ou en second. J'ai donné ou fait

 17   plusieurs déclarations, et je pense que j'ai déjà répondu à votre question

 18   dès la première fois.

 19   Q.  Je ne suis pas au clair sur cet aspect. Il est probable que personne

 20   d'autre dans la salle d'audience -- ma première question était le premier

 21   contact avec des représentants du Procureur au TPIY. Vous avez d'abord dit

 22   que c'était en 2008, et dans la déclaration que vous avez faite, ceci est

 23   absolument sans aucun doute. Toutefois, vous avez également dit que vous

 24   aviez fait une déclaration pour le Tribunal peu après qu'il ait été

 25   question des événements. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire si je

 26   comprends bien les choses ?

 27   R.  Non. Immédiatement après l'incident, je ne savais pas qui était qui

 28   quand ils sont venus me voir et quand j'ai fait les déclarations. Cette

Page 4640

  1   déclaration que nous avons aujourd'hui, ça, c'est une déclaration que j'ai

  2   faite en 2008.

  3   Q.  Merci. Dans votre déclaration, vous dites que vous avez fait votre

  4   service militaire en 1981 à Nis, apparemment. Quel était votre domaine de

  5   spécialité, la VES telle qu'on l'appelait dans l'armée ?

  6   R.  Infanterie, j'étais fantassin pendant les six premiers mois, bien que

  7   dans le livret militaire, comme profession j'avais "cordonnier" qui était

  8   inscrit.

  9   Q.  Pourriez-vous me dire la chose suivante : avez-vous accompli votre

 10   service militaire du début à la fin ?

 11   R.  J'ai fait 12 mois.

 12   Q.  Dites-moi, je vous prie, faites-vous la différence entre l'uniforme

 13   porté par les membres de l'armée yougoslave à l'époque et par les membres

 14   de la police, étant donné que vous avez fait votre service militaire ?

 15   R.  Oui. Mais ces uniformes ont changé. Ils étaient différents à l'époque

 16   de ce qu'ils sont aujourd'hui.

 17   Q.  En 1981, ils étaient différents de ce qu'ils sont quand ? Aujourd'hui

 18   ou en 1999 ? 1999, c'est il y a dix ans.

 19   R.  En 1981, ils étaient différents de ce qu'ils étaient au moment dont

 20   nous parlons ici, c'est-à-dire de ce qu'ils étaient en 1999.

 21   Q.  Bon. Dans ce cas, je vous demande si vous savez quel était l'aspect des

 22   uniformes militaires en 1998 et en 1999 ? Est-ce qu'il y avait une caserne

 23   non loin de votre village ?

 24   R.  Non, il n'y avait pas de casernes près de notre village, mais j'ai déjà

 25   décrit l'aspect de ces uniformes.

 26   Q.  Maintenant que nous parlons de 1999 et non plus de 1981, pouvez-vous le

 27   faire ici devant nous ?

 28   R.  J'ai fait partie de l'armée et c'était un uniforme de couleur unie, un

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  1   uniforme de couleur verte, unie.

  2   Q.  Connaissez-vous l'aspect des uniformes de l'armée en 1999 ?

  3   Ces uniformes étaient-ils de couleur unie ou y en avait-il d'autres

  4   différents ?

  5   R.  Si vous me parlez des uniformes de l'armée, il y avait des uniformes de

  6   camouflage. Si vous me demandez quel était leur aspect en 1999, c'étaient

  7   des uniformes de couleur bleue et il y avait aussi des uniformes de couleur

  8   bleue, mais de camouflage.

  9   Q.  Vous venez de parler d'uniformes de couleur bleue, mais quelle couleur

 10   bleue exactement ? Couleur bleue normale ou couleur bleue de camouflage ? A

 11   quoi pensiez-vous lorsque vous vous êtes exprimé ainsi à l'instant, en

 12   parlant des uniformes de l'armée, puisque c'est ce que vous avez dit ?

 13   R.  J'ai parlé de couleur bleue pour les uniformes de la police. Il ne faut

 14   pas tout confondre. J'ai dit que les uniformes de policiers étaient de

 15   couleur bleue unie et qu'ils avaient aussi des uniformes de camouflage

 16   bleu. Quant à l'armée, ces hommes portaient des uniformes de couleur verte

 17   et, parfois, des uniformes de camouflage de couleur verte. Je pense que

 18   j'ai été clair.

 19   Q.  Maintenant, vous venez d'être tout à fait clair. Je vous remercie. Vous

 20   avez, je suppose, toujours sous les yeux, votre propre déclaration

 21   préliminaire, celle que vous avez faite devant les représentants du bureau

 22   du Procureur en mai 2008. C'est un document qui a été versé au dossier de

 23   la présente affaire, et je vous prierais de vous pencher à l'instant sur le

 24   paragraphe 15 de cette déclaration, où nous lisons, je cite :

 25   "Trois ou quatre jours après cet incident, je me trouvais dans le

 26   centre du village et j'ai parlé à un groupe de huit amis hommes à moi, si

 27   je ne me trompe, au nombre desquels se trouvait Syl Gashi. Nous avons parlé

 28   pendant assez longtemps, et à un certain moment, deux véhicules, l'un de

Page 4642

  1   l'armée et l'autre de la police, ont pénétré dans le village et se sont

  2   arrêtés à une courte distance de l'endroit où nous nous trouvions. Je ne me

  3   rappelle pas grand-chose au sujet des véhicules, en dehors du fait que

  4   celui de l'armée était une Jeep non bâchée et que le véhicule de police

  5   était plus petit."

  6   Alors, pourrions-nous dater ce moment-là, je vous prie, car dans l'une de

  7   vos déclarations préliminaires vous parlez d'une période de temps déterminé

  8   et vous décrivez le même événement en le liant à cette période. Suis-je en

  9   droit de dire que cet événement concerne la date du 17 avril 1999, ou ai-je

 10   tort de dire cela ? Etait-ce plus tôt ou plus tard ?

 11   Je vous renvoie aux paragraphes 15 et 16 de votre déclaration

 12   préliminaire, si vous avez besoin d'en prendre connaissance.

 13   R.  Ceci s'est passé après le 15 ou le 16 avril. Je ne saurais vous donner

 14   une date exacte. Cela a pu se passer un jour ou peut-être deux ou trois

 15   jours après. En tout cas, c'est dans ce laps de temps à peu près, après la

 16   date du 16.

 17   Q.  Je vous remercie. Tout cela est très, très clair.

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demanderais maintenant au Greffier de

 19   bien vouloir afficher sur les écrans la pièce D003-6348. Je pense que c'est

 20   la version anglaise de ce questionnaire, qui est le document original

 21   établi par le centre de défense des droits humains et des libertés de

 22   Pristina. Est-ce que j'ai bien cité le numéro ? Je vérifie. Non, je me suis

 23   trompé. Ce n'est pas 6348 à la fin, mais 0348. Donc, D003-0348. Nous avons

 24   en ce moment la page de garde sur l'écran. Donc, je demande maintenant

 25   l'affichage de la première page du document en tant que tel, qui est en

 26   réalité la page 2 de cette pièce.

 27   Q.  Vous dites dans ce document que :

 28   "Un mois avant la commission du crime, c'est-à-dire le 3 ou le 4

Page 4643

  1   avril 1999, 12 à 13 hommes en uniforme sont arrivés à bord d'une jeep de

  2   l'armée et se sont mis à tirer en l'air. Ils nous ont dit qu'ils étaient

  3   membres de l'armée régulière et qu'ils n'allaient pas nous provoquer. Ils

  4   sont arrivés le 17 avril et ont mis le feu aux maisons, et nous sommes

  5   partis dans la maison d'un voisin qui était plus sûre que la nôtre. Ils ont

  6   exigé que nous leur remettions nos armes et ils ont donné comme date limite

  7   pour la restitution de ces armes le lendemain, le jour suivant. Ils étaient

  8   membres de l'armée régulière, mais il y avait aussi des paramilitaires

  9   parmi eux. Ils ont confisqué une jolie voiture et 10 à 15 000 marks

 10   allemands à Syl Gashi --"

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez ralentir, Maître.

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Toutes mes excuses. Vous avez raison.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

 14   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, Me Djordjevic est en

 15   train de citer un long passage d'une déclaration écrite. Donc, je me

 16   demandais s'il serait possible d'en avoir la version albanaise qui pourrait

 17   aider le témoin en ce moment. Je ne pense pas que le texte soit affiché à

 18   l'écran en albanais.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne connais pas la réponse à cela.

 20   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Peut-être pourrais-je vous apporter mon

 21   concours. Ce document en albanais n'existe pas. Je n'ai pas vu de

 22   traduction albanaise de cette déclaration écrite, et c'est la raison pour

 23   laquelle je cite moi-même ce passage, afin de gagner du temps pour

 24   l'Accusation, pour la Chambre et pour moi-même. J'ai proposé que la version

 25   anglaise soit affichée sur les écrans à l'attention de tous ceux qui

 26   pratiquent l'anglais. Je voulais demander l'affichage de la version

 27   albanaise également, mais je n'ai pas été capable de la trouver. Voilà la

 28   seule raison pour laquelle j'ai donné lecture moi-même de ce passage à

Page 4644

  1   l'attention du témoin.

  2   Avec votre autorisation, je voudrais pouvoir poser des questions à ce

  3   témoin en rapport avec cette déclaration préliminaire faite par lui en

  4   2008, ainsi qu'en rapport avec sa déclaration préliminaire de 1999.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela serait sans doute utile, que vous

  6   identifiez ce document qui est différent du précédent, et que vous

  7   demandiez au témoin d'expliquer la différence entre les deux. Vous venez de

  8   citer un passage assez long, mais je pense que vous avez nécessité de

  9   demander au témoin ce qu'il pense des différences éventuelles entre les

 10   deux.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est précisément ce que je souhaitais

 12   faire, Monsieur le Président. J'admets que la citation était assez longue,

 13   mais je voulais garantir qu'il soit impossible de me dire que je n'ai pas

 14   resitué ce passage dans le contexte de l'ensemble de la déclaration écrite

 15   de ce témoin, et que l'on ne puisse pas me dire que j'ai fait cela

 16   uniquement dans l'intérêt de la thèse de la Défense de façon inacceptable.

 17   Toutefois, ce que je m'apprêtais à demander au témoin avant que ma collègue

 18   de l'Accusation ne se lève, c'est la raison pour laquelle c'est seulement à

 19   ce moment-là en 2009, c'est-à-dire neuf ans après les faits, que le témoin

 20   -- ou plutôt, en 1999, que le témoin déclare qu'il y avait deux véhicules

 21   qui sont arrivés, un véhicule de la police et un véhicule de l'armée,

 22   puisqu'en 2008 il parle d'un véhicule de la police et d'un véhicule de

 23   l'armée, alors que dans sa déclaration préliminaire de 1999, il ne parle

 24   que de l'armée régulière, sans dire un mot de la police.

 25   Donc, le 17 avril apparemment, en dehors de cette jeep qui est arrivée, il

 26   y a aussi un véhicule de la police qui est arrivé. Alors, d'où venait ce

 27   véhicule de la police, puisque le 28 juillet 1999 le témoin a dit très

 28   clairement, je cite :

Page 4645

  1   "Ils ont exigé que nous leur restituons nos armes et ils ont fixé la date

  2   du lendemain comme délai pour cette restitution. C'étaient des membres de

  3   l'armée régulière, et il y avait aussi des paramilitaires parmi eux."

  4   Donc, apparemment le témoin sait à quoi ressemblent des policiers,

  5   puisqu'il a dit --

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Posez votre question au témoin.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] La question est la suivante : d'où vient

  8   la différence entre les deux déclarations préliminaires dont vous êtes

  9   l'auteur ? Pourquoi est-ce que vous parlez des forces de police en 2008,

 10   alors qu'en 1999, quand votre souvenir des événements était beaucoup plus

 11   frais, vous n'avez pas parlé de la police ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre ?

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez lu très fidèlement le texte d'après

 15   ce que je vois. J'ai déclaré à plusieurs reprises que l'événement survenu

 16   en avril ou à la fin du mois de mars n'était pas le même, ce qui signifie

 17   que la déclaration en question, je l'ai faite le 2 ou le 3 avril, et j'ai

 18   parlé à ce moment-là d'armée régulière qui est arrivée à bord d'une jeep de

 19   l'armée, et les hommes à bord de ce véhicule ont tiré en l'air. Je l'ai vu,

 20   cet incident, de mes propres yeux. Ils sont arrivés dans le village. Ils

 21   ont tiré en l'air et ont dit : "N'ayez pas peur de nous. Nous sommes

 22   membres de l'armée régulière. Nous n'allons rien vous faire si vous ne nous

 23   faites rien."

 24   Cela s'est passé le 3 ou le 4. Je ne connais pas la date exacte. C'était au

 25   début du mois d'avril. Alors que le 16 avril, j'ai parlé de présence de la

 26   police et de l'armée, et un ou deux jours plus tard, ils sont arrivés à

 27   bord de deux véhicules. J'ai évoqué cela dans ma déclaration écrite, parce

 28   que je l'ai vu de mes propres yeux. Je n'en ai pas simplement entendu

Page 4646

  1   parler par des tiers. Ils sont arrivés à une date qui était ultérieure à la

  2   date du 16 ou du 17 pour réclamer de l'argent, comme je l'ai déjà dit.

  3   Ils se sont adressés à Syl Gashi, décédé depuis, en disant : "Nous n'avons

  4   trouvé aucune arme." Et ils sont entrés tous ensemble dans cette maison. Je

  5   crois qu'ils lui ont confisqué une voiture de marque BMW, et ensuite ils

  6   lui ont pris une somme qui pouvait aller jusqu'à 3 000 deutschemarks. C'est

  7   ce qu'ils ont pris à Syl Gashi. Ils lui ont pris sa voiture et ils se sont

  8   dirigés dans la direction de la grand-route, la route menant à Peja.

  9   Donc, voilà ce que je peux expliquer s'agissant de ma déclaration écrite de

 10   1998 ou 1999. Je parle dans cette déclaration d'événements dont j'ai été

 11   témoin oculaire et dont je ne me suis pas contenté d'entendre parler par

 12   des tiers.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce que Me Djordjevic a souligné devant

 14   vous, Monsieur, c'est que dans votre déclaration de 1999, vous dites,

 15   semble-t-il, en rapport avec l'incident du 17 avril, je cite : "Ils étaient

 16   membres de l'armée régulière, mais il y avait aussi des paramilitaires."

 17   Vous ne dites pas un mot de la police, d'une présence de la police, donc Me

 18   Djordjevic vous demande pourquoi vous dites seulement dans votre

 19   déclaration la plus récente que la police et l'armée étaient présentes.

 20   Pouvez-vous nous aider sur ce point ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer. J'ai prononcé les mots armée

 22   et police, mais on aurait pu dire armée et paramilitaires. Je ne sais pas

 23   pourquoi cela a été écrit comme cela parce que je ne sais pas ce que les

 24   gens qui ont mis par écrit dans ma déclaration préliminaire, ont couché sur

 25   le papier. J'ai prononcé le mot "armée." Certains peuvent les décrire comme

 26   des paramilitaires, mais pour moi c'était la police et l'armée. J'espère

 27   avoir été clair maintenant.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que ceci vous

Page 4647

  1   aide, Maître Djordjevic ?

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'espère que ceci pourra nous aider tous.

  3   Quoi qu'il en soit, c'est la réponse faite par le témoin.

  4   Q.  Je me dois de revenir sur la date du 28 juillet 1999, de la déclaration

  5   que vous avez faite à ce moment-là. J'ai lu cette déclaration de bout en

  6   bout avec le plus grand soin, et je dois dire que vous n'y parlez nulle

  7   part de la police. Vous ne faites état que de la présence de l'armée et des

  8   paramilitaires. Mon moteur de recherche sur mon ordinateur me montre que

  9   dans votre déclaration préliminaire de 2008, vous évoquez la police à 29

 10   reprises, alors que vous ne le faites pas une fois dans votre déclaration

 11   de 1999. Alors, comment se fait-il que neuf ans après les faits, vous

 12   parliez de la police à 29 reprises alors qu'en 1999, une date beaucoup plus

 13   proche des événements qui font l'objet de votre déposition, vous n'en

 14   parlez pas une seule fois ? Et en 1999, vos souvenirs étaient plus frais.

 15   R.  J'ai déjà répondu à cette question, et je n'ai pas d'autre réponse à

 16   faire.

 17   Q.  Vous n'avez pas tout à fait répondu. Comment se fait-il qu'en 1999 vous

 18   n'ayez pas parlé de la police une seule fois ? A ce moment-là, vous ne

 19   parlez que de l'armée régulière et à deux reprises, vous dites "et

 20   éventuellement de paramilitaires."

 21   R.  Je ne me rappelle pas avoir parlé de paramilitaires ou de forces

 22   irrégulières. Mais puisque vous le dites, je vais répéter ce que j'ai déjà

 23   dit. Il y avait une présence de la police et de l'armée. Je ne sais pas

 24   pourquoi il y a ces différences dans les textes, mais ce que je dis

 25   aujourd'hui, c'est que la police et l'armée étaient présentes. Et je le dis

 26   en toute responsabilité, nonobstant ce que vous venez de me soumettre comme

 27   ressortant de la lecture de mes déclarations. Je dis cela, pas dans le

 28   souci d'accuser qui que ce soit, mais parce que c'est ainsi que les choses

Page 4648

  1   se sont passées.

  2   Q.  Je vais vous soumettre un autre passage de votre déclaration du 28

  3   juillet 1999, qui ne correspond pas à ce que vous avez dit dans votre

  4   déclaration de 2008.

  5   Toujours à la même page 2 de ce document, paragraphe 3, si je ne

  6   m'abuse, vous dites, je cite :

  7   "Je suis parti à une distance assez courte afin de ne pas être abattu

  8   devant ma famille. Le reste de ma famille et les 40 personnes venues de

  9   l'extérieur qui s'étaient abritées dans ma maison sont restées à

 10   l'intérieur de la maison."

 11   Donc, ça vous le dites en 1999, et neuf ans plus tard, vous dites, au

 12   paragraphe 7 de votre déclaration de 2008 qu'il y avait 17 personnes dans

 13   votre maison. Et vous ajoutez, je cite :

 14   "En mai 1999, j'étais à Qyshk en compagnie de ma famille."

 15   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Djordjevic de lire plus

 16   lentement une citation qui est sortie d'un texte qu'ils n'ont pas sous les

 17   yeux.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre ?

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] En 2008, on ne m'a interrogé qu'au sujet des

 21   membres de ma famille proche, mais pas au sujet de l'ensemble des personnes

 22   qui se trouvaient dans la maison. Donc ce que j'ai dit ne concernait que

 23   les membres proches, les plus proches de ma famille. Donc mes frères, leurs

 24   épouses, leurs fils, et cetera, cela faisait 17 personnes. Mais en vérité,

 25   il y avait dans la maison 40 personnes, y compris des femmes, des enfants,

 26   des hommes. Mais à l'époque, on ne m'a pas interrogé à leur sujet, on ne

 27   m'a pas posé les mêmes questions que celles qu'on m'a posées en 2009.

 28   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

Page 4649

  1   Q.  Je vous remercie. En 1999, la personne qui vous a interrogé a parlé de

  2   ces personnes qui se trouvaient dans votre maison comme étant des invités,

  3   bien entendu, il est clair à nos yeux à tous ici dans ce prétoire qu'on ne

  4   peut pas avoir 40 invités dans une maison. Alors, qui étaient ces personnes

  5   ? Si je vous ai bien compris, ces 40 personnes venaient s'ajouter aux 17

  6   membres de votre famille. Est-ce que je vous ai bien compris ?

  7   R.  Si vous insistez pour obtenir de moi ce que vous souhaitez entendre, je

  8   dirais qu'en effet, ces personnes étaient des gens qui habitaient à 200

  9   mètres à peu près de notre maison. Ils avaient quitté leurs domiciles et

 10   étaient venus trouver refuge dans notre maison. C'était des habitants de

 11   mon village, mais ils habitaient dans un lieu situé plus haut et leur

 12   nombre était d'environ 40. Quant aux membres de ma famille, ils étaient 17.

 13   Donc les autres étaient des gens qui habitaient le village mais qui

 14   habitaient un peu plus haut. Voilà ce que je vous répondrais.

 15   Q.  A 200 mètres de votre maison ? C'est bien ce que vous avez dit ?

 16   R.  A 200 ou 300 mètres de la ville de Peja, dans un hameau dont le nom

 17   était Fushe e Peje. Je ne sais pas comment je pourrais vous décrire cela

 18   avec plus de précision. Leur hameau s'appelait Fushe e Peje.

 19   Q.  Je vous remercie. Combien y avait-il parmi eux d'hommes âgés de 20 à 60

 20   ans en dehors de vous-même et de vos frères ? Donc tous ces habitants qui

 21   sont arrivés dans votre maison, combien y avait-il parmi eux d'hommes âgés

 22   de 20 à 60 ans ?

 23   R.  Que voulez-vous dire exactement ? A quel moment ?

 24   Q.  Au moment des faits.

 25   R.  Vous parlez des gens qui se sont regroupés dans la cour de ma maison,

 26   dans le jardin ?

 27   Q.  Bon. Je vais essayer d'être plus précis. Vous dites qu'au moment où

 28   vous êtes sorti de votre maison, après que votre mère vous ait prié de

Page 4650

  1   partir afin d'éviter que vous ne soyez tué, vous avez laissé derrière vous

  2   ces 40 à 50 personnes, membres de votre famille et invités et je ne sais

  3   plus qui d'autre, et donc, vous partez. Cela s'est passé, je suppose, le 14

  4   mai 1999.

  5   Alors maintenant, je vous demande : Qui reste dans la maison après votre

  6   départ ? Est-ce que sont restés dans la maison vos frères, vos voisins ?

  7   Donc, est-ce qu'il y avait des hommes qui sont restés dans la maison après

  8   votre départ, ou est-ce qu'il n'y avait que des femmes et des enfants ?

  9   R.  Dans ma déclaration préliminaire, j'ai parlé de femmes et d'enfants.

 10   Vous l'avez, ma déclaration, devant vous. Je vous prierais, Monsieur le

 11   Président, Messieurs les Juges, de m'interroger si vous le souhaitez, mais

 12   sinon, Maître, vous avez ma déclaration sous les yeux et tout figure dans

 13   ma déclaration.

 14   Q.  Dans votre déclaration, vous dites :

 15   "Je suis parti à courte distance de façon à ne pas être tué devant ma

 16   famille. Le reste de la famille et quelque 40 invités qui se trouvaient

 17   dans ma maison sont restés dans la maison après mon départ."

 18   Mais vous ne parlez pas de femmes et d'enfants. C'est pourquoi je vous pose

 19   la question que je viens de vous poser. Y avait-il des hommes dans votre

 20   maison après votre départ ? Vos frères étaient-ils dans votre maison, par

 21   exemple, après votre départ, puisque vous avez dit que vous aviez deux

 22   frères ?

 23   Dans votre déclaration préliminaire, au paragraphe 7, et je parle de la

 24   déclaration de 2008, ainsi qu'au paragraphe 3 de votre déclaration

 25   préliminaire de 1999, c'est ce que vous dites. J'en conclus que tous les

 26   autres, hormis vous, sont restés à l'intérieur de la maison après votre

 27   départ. C'est pourquoi je vous demande si, parmi ceux qui sont restés dans

 28   la maison, il y avait des hommes. Pourriez-vous, je vous prie, répondre à

Page 4651

  1   cette question ?

  2   R.  Je répète encore une fois qu'après avoir vu la police et l'armée en

  3   train d'arriver vers le village, je suis retourné à l'intérieur de la

  4   maison. J'ai dit à toutes les personnes présentes ce que je venais de voir.

  5   Nous étions en train de prendre un café et tout le monde est parti dans la

  6   direction du village. Moi, j'étais toujours chez moi, mais je suis allé

  7   chez le voisin le plus proche à qui j'ai dit ce que j'avais vu et j'ai dit

  8   à ce voisin et à sa famille qu'il fallait qu'ils partent de chez eux pour

  9   aller n'importe où. Je ne savais pas où. Voilà la vérité. Mais cette

 10   question, on ne me l'a pas posée au moment où j'ai fait ma première

 11   déclaration préliminaire.

 12   Q.  C'est la raison pour laquelle je vous repose ma question pour la

 13   dernière fois. Vos deux frères sont-ils restés dans la maison en compagnie

 14   des autres hommes qui s'y trouvaient à ce moment-là ?

 15   R.  Comme je l'ai dit, ils étaient déjà partis avant moi. Moi, je suis

 16   parti après. Je suis parti dès que j'ai informé mes voisins du fait que

 17   l'armée et la police étaient en train de pénétrer dans le village; parce

 18   qu'eux étaient déjà partis et moi, je suis encore resté à mon domicile et

 19   c'est seulement après que ma mère m'ait prié de partir que je suis parti

 20   aussi.

 21   Q.  Je vous remercie. Monsieur Berisha, veuillez me dire, je vous prie,

 22   puisqu'en 1999, vous avez, à plusieurs reprises, comme vous l'avez

 23   d'ailleurs fait en 2008 également, utilisé le mot "paramilitaire."

 24   Qu'entendez-vous, vous personnellement, par ce terme de "paramilitaire ?"

 25   R.  Je ne comprends pas votre question.

 26   Q.  Lorsque vous avez parlé aux enquêteurs du Tribunal, vous avez utilisé

 27   le mot "paramilitaire." Ce qui m'intéresse, par conséquent, c'est de savoir

 28   ce que vous entendez par l'emploi de ce terme "paramilitaire."  Et une fois

Page 4652

  1   que vous aurez répondu à cette question, j'en aurai une autre à vous poser.

  2   R.  Je ne sais pas. Vous pouvez me poser la question suivante et si je me

  3   souviens, alors, je reviendrai à la réponse à cette question-ci.

  4   Q.  Je peux donc en conclure que vous ne savez pas ce que veut dire le

  5   terme "paramilitaire."

  6   R.  Non, je ne sais pas. Je ne veux pas dire ici que je ne sais pas, mais

  7   je ne vais pas répondre à cette question. Je parle ici de police et

  8   d'armée. Je ne sais pas ce que vous, vous entendez par paramilitaire. Vous

  9   avez des personnes qui pourraient les appeler paramilitaires. Mais pour

 10   moi, pour une personne qui était sur place et qui a tout vu de ses propres

 11   yeux, il s'agissait de membres de la police et de l'armée. Voilà donc ma

 12   réponse à votre question.

 13   Q.  Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne 2008, mais pas en ce qui

 14   concerne 1999 parce qu'en 1999, vous avez mentionné les paramilitaires et

 15   je crois qu'en 2008, vous l'avez fait aussi. Quoi qu'il en soit, merci.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic, d'après ce que je

 17   comprends, d'après les éléments de preuve de notre témoin, il n'a pas

 18   utilisé le terme "paramilitaire." Il ne peut donc pas dire que la personne

 19   qui l'a interrogé ne l'a pas écrit ou l'a peut-être écrit, mais il dit que

 20   lui, -- ça vient peut-être donc de la personne qui a rédigé sa déposition.

 21   Mais lui n'a pas utilisé, lui-même, le terme "paramilitaire."

 22   Maintenant, cela peut donc expliquer pourquoi votre question n'est pas

 23   pertinente à ses yeux, en ce qui concerne les événements qui sont survenus

 24   en avril et en mai, puisqu'il dit : "Je n'ai parlé que de la police et de

 25   l'armée."

 26   Je vous ai bien compris, n'est-ce pas, Monsieur Berisha ?

 27   L'INTERPRÈTE : Le témoin opine de la tête.

 28   M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'aurais bien compris le témoin, s'il

Page 4653

  1   n'avait pas -- enfin, je comprends, Monsieur le Président. Je l'aurais

  2   compris, mais il a dit qu'il ne souhaitait pas répondre. Alors, s'il s'en

  3   était tenu à sa réponse "Je ne sais pas," j'aurais très bien compris. Bon,

  4   peu importe, allons de l'avant.

  5   Q.  A combien de kilomètres de Cuska se trouve le village de Pavlan ?

  6   R.  Ce sont deux villages adjacents. Donc, si j'ai bien compris votre

  7   question, il n'y a pas de kilomètre qui sépare ces deux villages. Il y a

  8   juste une séparation, une ligne de séparation qui sépare les deux villages.

  9   C'est tout, il n'y a pas de distance.

 10   Q.  Et par rapport au village de Zahac ?

 11   R.  Là, la distance par rapport à Qyshk est probablement de deux kilomètres

 12   et demi, trois kilomètres, entre les deux villages de Zahaq et Qyshk.

 13   Q.  Le village de Lodja ?

 14   R.  Par rapport à Qyshk ?

 15   Q.  Oui, Lodja.

 16   R.  Vous voulez dire entre Lodja et le village de Qyshk ?

 17   Q.  Oui.

 18   R.  Trois kilomètres minimum ou un petit peu plus. Je ne sais pas

 19   exactement. Oui, je dis donc 3 kilomètres, peut-être un peu plus, je ne

 20   sais pas exactement, c'est à vol d'oiseau.

 21   Q.  Avez-vous connaissance de personnes au sein de votre village de Cuska

 22   qui seraient membres de l'UCK ?

 23   R.  Je sais qu'Agim Ceku était commandant de l'UCK. Pour les autres, je ne

 24   sais pas.

 25   Q.  Outre Agim Ceku, avez-vous connaissance d'autres personnes du village

 26   qui auraient été membres de l'UCK ?

 27   R.  Je ne connais personne d'autre.

 28   Q.  Dans la mesure où Lodja n'est qu'à 3 kilomètres de Cuska, avez-vous été

Page 4654

  1   le témoin ou avez-vous eu connaissance des combats très importants entre

  2   les forces serbes et l'UCK, c'est-à-dire, entre l'armée serbe et l'UCK, en

  3   1998 ?

  4   R.  Je n'ai pas été témoin de ces combats moi-même, mais effectivement,

  5   j'ai entendu des coups de feu.

  6   Q.  Avez-vous entendu parler des combats qui se sont produits ?

  7   R.  Il y a eu des combats.

  8   Q.  En avez-vous entendu parler par vos voisins ?

  9   R.  [aucune interprétation]

 10   Q.  Merci. Comment s'appellent vos frères ?

 11   R.  Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît ?

 12   Q.  Comment s'appellent vos frères avec qui vous partagiez la maisonnée ?

 13   R.  Nezir Berisha et Fadil Berisha.

 14   Q.  Avez-vous été accusé par les forces de sécurité serbes que ce soit vous

 15   ou votre frère Nezir d'avoir participé au commerce illégal d'armes par les

 16   villages de Decani, Glodjani et Cuska, ainsi qu'à travers les champs ?

 17   R.  C'est la première fois que j'entends parler de cela. Je n'ai jamais été

 18   accusé de toute ma vie de tels incidents. J'aurais aimé que ce soit vrai,

 19   ce que vous venez de me dire, mais comme je l'ai dit, c'est la première

 20   fois que j'entends évoquer une telle accusation de votre part.

 21   Q.  Merci. Y avait-il d'autres personnes à Cuska qui avaient le même nom de

 22   famille et le même prénom ?

 23   R.  Il y a des personnes qui ont le même prénom que moi mais pas le même

 24   nom de famille.

 25   Q.  Le même prénom et le même nom de famille, Berisha, Hazir, Hazir Berisha

 26   ?

 27   R.  Oui, il y a d'autres personnes qui ont le même prénom que moi, Hazir.

 28   Mais le même nom de famille, Berisha, non.

Page 4655

  1   Q.  Merci. Savez-vous qui est Tahir Kelmendi ? De Cuska.

  2   R.  Il habite dans mon village, oui, c'est un de mes concitoyens dans mon

  3   village.

  4   Q.  A quelle distance sa maison se trouve-t-elle par rapport à la vôtre ?

  5   R.  Environ 300 mètres, je dirais, à vol d'oiseau. Il habite sur une autre

  6   route par rapport à la mienne, mais dans le même village.

  7   Q.  L'avez-vous vu à ce moment-là, à cette époque-là, aux alentours du 14

  8   mai ?

  9   R.  Non. Je ne me rappelle pas.

 10   Q.  Avez-vous connaissance de certains événements qui se seraient produits

 11   dans la région et plus particulièrement la municipalité de Pec concernant

 12   des civils serbes qui auraient été enlevés ? Etes-vous au courant de cela ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Etes-vous au courant du fait que -- ou plutôt, oui, du fait que de

 15   nombreux membres de la police et de l'armée ont été tués dans la région de

 16   Pec ?

 17   R.  Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette question.

 18   Q.  Je vous demande simplement si vous avez connaissance de ces faits ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Etes-vous au courant de Salipur, du fait que Salipur, un policier de

 21   Pec, a été tué par des terroristes de l'UCK ? En avez-vous entendu parler ?

 22   R.  Je dirais plutôt l'inverse de ce que vous venez de dire. Salipur a été

 23   tué. Je ne sais pas exactement quand ni par qui. Je ne sais pas à quels

 24   terroristes vous faites allusion. Je suis ici en tant que témoin, et c'est

 25   la partie adverse qui a commis des actes de terreur et de terrorisme dans

 26   cette région.

 27   Q.  Merci. Ma question était la suivante : êtes-vous au courant de membres

 28   de l'armée ou de la police qui auraient été tués ? Vous avez dit que vous

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  1   ne connaissiez aucun terroriste. Néanmoins, j'en conclus que vous saviez

  2   que Salipur avait été tué, même si vous ne savez pas qui l'a tué. Bien.

  3   Quoi qu'il en soit, nous allons aller de l'avant.

  4   Avant les événements de 1999 et jusqu'en mai de cette année-là, avez-vous

  5   vu des patrouilles de police ou de l'armée, comprenant des membres serbes

  6   provenant des villages avoisinants de Pec, Nakle, Gorazdic ? Est-ce que

  7   vous auriez vu ces personnes en uniforme, des patrouilles donc en uniforme

  8   ? Est-ce que vous avez vu ces personnes traverser votre village ou est-ce

  9   que vous avez eu l'occasion de les voir à Pec lorsque vous vous y êtes

 10   rendu ?

 11   R.  Vous parlez de membres de l'armée ou de la police qui portaient des

 12   uniformes ? Est-ce que vous pourriez me poser des questions plus courtes et

 13   plus claires, parce que vraiment j'ai du mal à comprendre vos questions.

 14   Q.  Je veux dire tous les membres, que ce soit des soldats, des membres de

 15   l'armée, des membres de la police, des personnes en uniforme de camouflage,

 16   ceux portant des bandanas, des casquettes, des chapeaux. Est-ce que vous

 17   avez vu certains de vos voisins porter des uniformes ou des tenues de ce

 18   type-là ?

 19   R.  Si vous faites allusion à des Serbes, c'est autre chose. Maintenant, si

 20   vous me parlez des voisins qui habitaient dans les maisons avoisinantes,

 21   c'est autre chose alors.

 22   Q.  Ma question était très claire. Ma question était très claire au sujet

 23   des villages de Nakle, Gorazdice, Pec. Je me suis donc limité aux villages

 24   qui étaient voisins du vôtre.

 25   R.  Nakle, Gorazdice, partout les Serbes avaient des uniformes qui leur

 26   avaient été remis par l'Etat. Ils avaient tous des uniformes chez eux. Tout

 27   le monde le savait, tout le monde en était parfaitement conscient, et je ne

 28   vois pas pourquoi vous me posez cette question. C'était du domaine public

Page 4657

  1   que tous les Serbes avaient reçu des uniformes.

  2   Q.  Est-ce que l'un d'entre eux était présent le 14 mai 1999, dans votre

  3   village lorsque le massacre a été perpétré ?

  4   R.  J'ai déjà mentionné ceux que j'avais vus. Peut-être y en avait-il

  5   d'autres du village de Gorazdice, et d'autres villages. Mais pour les

  6   autres, je ne sais pas d'où ils venaient.

  7   Q.  Les personnes dont vous avez parlé étaient bien MM. Popovic et

  8   Kastratovic. Vous dites que vous les avez reconnus, puisque vous les

  9   connaissiez de vue. Où les aviez-vous vus auparavant ? Et vous avez vu

 10   certaines des photos. Par exemple, que pouvez-vous me dire sur Kastratovic

 11   ? D'où venait-il ? Quel âge avait-il ? Est-ce que vous savez quelle était

 12   sa profession ? Où est-ce que vous l'aviez rencontré personnellement ? Où

 13   est-ce que vous l'aviez vu, puisque vous avez dit que vous ne le connaissez

 14   que de vue ?

 15   R.  Comme je vous l'ai déjà dit, je ne le connaissais que de vue. Je l'ai

 16   vu lorsqu'il est venu au village de Qyshk le 14 mai, ainsi que les 16 et 17

 17   mai. Voilà ma réponse.

 18   Q.  L'aviez-vous vu avant cette date-là ? Kastratovic, je veux dire,

 19   l'aviez-vous vu avant ?

 20   R.  Vous voulez dire avant le 14 ? Je crois que j'ai été très clair. Je

 21   l'ai vu le 14, ainsi que les 16 et 17.

 22   Q.  Mai ou avril ?

 23   R.  Vous savez que nous avons deux dates séparées. Il y a d'une part le 14

 24   mai, d'autre part les 16 et 17 avril.

 25   Q.  Est-ce que Kastratovic portait le même uniforme les deux fois où vous

 26   l'avez vu, Monsieur Berisha ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Quel type d'uniforme portait-il ? A quoi ressemblait cet uniforme ?

Page 4658

  1   R.  Je crois que je l'ai déjà dit à plusieurs reprises auparavant. Il

  2   portait un uniforme vert de camouflage.

  3   Q.  Quel type d'arme portait-il ?

  4   R.  Une mitraillette.

  5   Q.  Quand avez-vous vu sa photo pour la première fois ?

  6   R.  Après l'entrée des troupes de l'OTAN. Nous parlons bien de sa photo;

  7   c'est bien cela ? Oui, après l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosova, ils

  8   ont trouvé des photos dans les différentes maisons et à différents

  9   endroits, des photos où ils s'étaient photographiés eux-mêmes. Ces photos

 10   m'ont été apportées, et l'on m'a demandé si je connaissais ces personnes.

 11   Q.  Est-ce qu'ils vous ont apporté les photos, ou est-ce qu'ils vous ont

 12   montré la photo de Kastratovic sur l'écran d'un ordinateur portable ?

 13   R.  J'ai déjà dit la chose suivante : ils avaient laissé des photos chez

 14   eux dans leurs maisons, et ils nous ont apporté ces photos parce qu'ils

 15   n'avaient pas d'ordinateur avec eux.

 16   Q.  Mais quand vous dites "ils", qui sont "ils" ? Qui sont les personnes

 17   qui vous ont apporté les photos ?

 18   R.  Je ne me souviens pas qui ils étaient.

 19   Q.  Pouvez-vous me dire si vous reconnaissez de vue Salipur, celui qui,

 20   d'après vous, s'est comporté à l'égard des Albanais de façon

 21   particulièrement sadique, Salipur, le policier de Pec; c'est bien cela ?

 22   R.  Salipur était un homme grand, mince, auquel tout le monde s'adressait

 23   en l'appelant Salipur. Moi, je ne le connaissais pas personnellement, mais

 24   je l'avais vu plusieurs fois à Peje. Donc, je savais qu'il était policier

 25   même avant la période concernée. J'ai vu de mes propres yeux la façon dont

 26   il maltraitait les passants, les personnes qui passaient par là, qui se

 27   trouvaient sur son chemin.

 28   Q.  Quand avez-vous vu sa photo ? Est-ce que vous l'avez vu le même jour

Page 4659

  1   que la photo de Kastratovic ?

  2   R.  Je ne me souviens pas.

  3   Q.  Vous souvenez-vous de la personne ou des personnes qui vous ont montré

  4   sa photo ?

  5   R.  Je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises je ne me souviens pas.

  6   Q.  Avez-vous vu Popovic avant le 14 mai et avant le 17 avril, et si oui,

  7   si vous l'avez vu, pouvez-vous me dire où ?

  8   R.  Je ne l'ai pas vu avant ces dates-là.

  9   Q.  Avez-vous remarqué quoi que ce soit de particulier concernant Popovic,

 10   qu'il s'agisse de sa démarche, de la façon dont il marchait, ou qu'il

 11   s'agisse de son élocution, la façon dont il parlait ?

 12   R.  Je ne me souviens pas.

 13   Q.  Quand sa photo vous a-t-elle été présentée et sous quelle forme ?

 14   S'agissait-il d'une photo papier ou d'une photo sur un écran d'ordinateur

 15   portable ?

 16   R.  Je le répéterais autant de fois que vous me le demanderez. Après

 17   l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosova, ces photos ont été trouvées et

 18   ensuite m'ont été présentées, mais je ne sais plus par qui. Pour être

 19   encore plus clair, je ne me souviens plus qui m'a apporté ces photos.

 20   Q.  Pour éviter de vous reposer la même question au sujet d'autres

 21   personnes, est-ce que ce que vous venez de me dire vaut pour toutes les

 22   photos qui vous ont été montrées ?

 23   R.  Pour ces photos sur lesquelles j'ai identifié les participants à ces

 24   incidents, pour ces photos-là, toutes m'ont été présentées après l'entrée

 25   des troupes de l'OTAN au Kosova. Maintenant, qui me les a présentées, je

 26   vous l'ai déjà dit je ne me rappelle pas.

 27   Q.  Nebojsa Minic, le connaissiez-vous avant le 14 mai, avant les

 28   événements du 14 mai ?

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  1   R.  Le 14 mai. En fait, j'ai fait allusion aux incidents survenus avant le

  2   14 mai, à savoir les 16 et 17 avril, et si vous continuez à me poser

  3   toujours les mêmes questions, je vous répondrai toujours de la même façon.

  4   Q.  Ma question est la suivante : est-ce que vous connaissiez Nebojsa Minic

  5   avant les événements des 16 et 17 avril et du 14 mai ? Est-ce que vous

  6   l'aviez déjà vu avant cela ?

  7   R.  Je ne me souviens pas.

  8   Q.  Très bien. Vous nous avez dit que ces photos vous ont été présentées à

  9   l'issue de l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosovo. Qu'est-il advenu de

 10   ces photos ? Est-ce qu'elles vous ont été laissées, est-ce que vous les

 11   avez gardées, ou est-ce qu'ils les ont reprises ?

 12   R.  Non. Ils m'ont montré les photos. Mais ils ne me les ont pas laissées.

 13   Aucune photo ne m'a été laissée.

 14   Q.  Etant donné que nous sommes censés avoir eu une petite pause technique

 15   au bout d'une heure et demi de notre séance, je vais juste vous poser

 16   encore une question avant la pause.

 17   Dans votre témoignage aujourd'hui, vous n'avez parlé de personne qui vous

 18   ait apporté des photos. Vous avez, au lieu de cela, évoqué un livre qui

 19   vous avait été remis en cadeaux pour vous remercier de votre participation

 20   à l'enquête, et c'est par l'intermédiaire de ce livre que vous avez réussi

 21   à reconnaître ces individus. Alors maintenant, vous venez de nous dire

 22   quelque chose de complètement différent.

 23   Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, nous expliquer ou, en tout cas,

 24   faire en sorte que vos deux déclarations concordent un petit peu mieux,

 25   puisque vous les avez faites à une demi-heure d'écart. Donc ce serait

 26   important qu'elles concordent.

 27   R.  La vérité est que juste après la guerre, ces photos nous ont été

 28   présentées, nous ont été apportées, mais même encore plus tard, le livre

Page 4661

  1   que vous avez évoqué contenait ces photos; et donc, j'ai pu reconnaître

  2   encore une fois ces mêmes personnes. Ce sont les mêmes personnes qui ont

  3   apporté le livre.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce un bon moment pour la pause,

  5   Monsieur Djordjevic ?

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant la pause,

  7   puis-je verser le questionnaire auquel j'ai fait allusion sous la cote

  8   D003-0348, peut-il être versé au dossier pour ne pas que j'oublie après la

  9   pause ?

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cette demande est acceptée.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Donc ce document aura la cote D00117,

 13   Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Berisha, nous allons

 15   maintenant avoir une autre pause, et nous allons poursuivre ensuite jusqu'à

 16   environ 19 heures. Cela vous convient-il ? Très bien.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Nous levons la séance pour le

 19   moment jusqu'à 18 heures 10.

 20   --- L'audience est suspendue à 17 heures 43.

 21   --- L'audience est reprise à 18 heures 10.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djordjevic.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Je vais donc reprendre mon contre-interrogatoire.

 25   Q.  De façon à bien éclaircir la partie pertinente de votre déclaration, il

 26   va falloir que je continue à vous poser des questions concernant les

 27   personnes que vous auriez reconnues sur les photographies.

 28   Au paragraphe 69 de la déclaration de 2008, vous dites :

Page 4662

  1   "Je n'ai pas reconnu quelqu'un de connaissance."

  2   Aurais-je raison de dire que vous ne connaissiez aucune de ces

  3   personnes précédemment, mais que par la suite, vous les avez reconnues sur

  4   les photographies qu'on vous a montrées comme étant ceux qui avaient

  5   participé aux événements du 14 mai ou du 17 avril ? Est-ce que c'est là ce

  6   que veut dire cette phrase-ci de votre déclaration, cette phrase précise ?

  7   R.  Votre question est assez longue. Pourriez-vous la raccourcir afin

  8   que je puisse vous suivre ?

  9   Q.  Au paragraphe 69, vous dites :

 10   "…mais je n'ai pas reconnu qui que ce soit de connaissance," et vous

 11   parliez de soldats et de policiers, et vous dites que vous n'avez pas pu

 12   savoir, vous ne pouviez pas savoir : "Je ne suis pas en mesure de dire dans

 13   quelle unité ceux-ci participaient à des opérations, mais je n'ai reconnu

 14   personne que je connaissais ou personne de connaissance."

 15   Donc, ma question, c'est : est-ce que je peux conclure que vous ne

 16   connaissiez aucune de ces personnes avant les événements du 14 mai 1999; et

 17   en ce qui concerne certains d'entre eux, vous avez dit que les aviez

 18   également vus le 17 avril ? Est-ce que j'ai raison de tirer cette

 19   conclusion ou non ?

 20   R.  Si vous voulez que je vous fasse plaisir, j'ai dit qu'avant le 16

 21   ou le 17, je ne les connaissais pas, ceux que j'ai identifiés par leurs

 22   noms sur plusieurs photos, parce que je les ai vus sur plusieurs photos.

 23   Mais si vous me posez des questions à un autre sujet, à ce moment-là, je

 24   pourrais vous donner une autre explication. Voilà ma réponse.

 25   Q.  Merci. C'était précisément ma question, celle à laquelle vous avez

 26   répondu.

 27   J'aimerais savoir ceci, il s'agit d'une question qui vous avait été posée

 28   par ma consoeur et la réponse que vous lui avez faite n'était pas claire.

Page 4663

  1   Vous dites que vous croyez que ce qui s'est passé s'est passé parce que les

  2   Serbes s'étaient vengés. Vous avez dit que la vengeance était la cause de

  3   toutes ces actions de leur part. Pourriez-vous me dire exactement ce que

  4   vous vouliez dire en disant que la vengeance était à la racine de tout ce

  5   qu'ils avaient fait, de toutes leurs actions ?

  6   R.  Je crois que j'ai été suffisamment clair lorsque ce que j'ai dit,

  7   répondant à la question, que c'était une vengeance contre l'OTAN parce que

  8   c'était nous qui avions demandé à l'OTAN d'intervenir. Et cela étant le

  9   cas, ils se sont vengés contre nous en tuant des Albanais et en faisant ce

 10   que j'ai dit dans ma déposition ici, ceci pour résumer les choses.

 11   Q.  Je vous remercie. Puis-je conclure qu'avant cela, il n'y avait jamais

 12   eu d'hostilités entre les deux nations ?

 13   R.  Je ne dirais pas cela parce qu'il est de notoriété publique, tant pour

 14   les Albanais que pour les Serbes, que les hostilités ont commencé beaucoup

 15   plus tôt, remontent beaucoup plus loin. Mais je parle de vengeance, de la

 16   vengeance qu'ils ont voulu tirer après l'intervention de l'OTAN parce que

 17   dans ce cas, ils voulaient faire davantage que ce qu'ils avaient déjà fait.

 18   Et ils ont commencé et ils voulaient purger les villages en chassant les

 19   Albanais, les renvoyer en Albanie en maltraitant les gens et en faisant

 20   bien d'autres mauvaises actions, tandis que dans notre cas, nous avons eu

 21   le malheur d'être tués. Mais les hostilités proprement dites avaient

 22   commencé beaucoup plus tôt.

 23   Je pourrais ajouter quelque chose, si vous me le permettez.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas eu d'hostilités avec les

 26   familles serbes qui vivaient auprès de nous, avec nous. Mais ces hostilités

 27   mettaient en cause les autorités serbes. Je n'avais rien contre mes

 28   voisins, mes voisins serbes. Nous n'avons tué personne, nous n'avons

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  1   incendié la maison de personne. Mais ce que vous êtes en train de me dire,

  2   en fait, a trait aux autorités, aux gouvernementaux, mais pas à nous.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] 

  4   Q.  Merci de votre réponse. Vous avez dit qu'il y avait trois familles

  5   Serbes qui vivaient dans votre village, c'est-à-dire le village de Cuska.

  6   Vous avez dit qu'il n'y avait jamais eu d'hostilité à leur égard. Est-ce

  7   qu'ils ont continué de vivre dans votre village ?

  8   R.  Ils ont continué à vivre là-bas jusqu'à ce qu'ils aient eux-mêmes

  9   décidé de partir. Ils sont restés à Qyshk jusqu'à ce que la KFOR ait quitté

 10   les lieux, mais alors ils sont partis pour la Serbie. Je n'ai pas d'autre

 11   réponse à vous faire.

 12   Q.  Merci. Aux paragraphes 43 et 47, vous dites que vous avez observé que

 13   le commandant avait fait un geste dont vous croyez qu'il voulait donner

 14   l'ordre que certains Albanais de souche de Cuska soient exécutés par ceux

 15   qui se trouvaient sous ses ordres. Vous avez décrit son geste comme mettant

 16   ses mains l'une sur l'autre et les bougeant de telle sorte que vous avez

 17   cru que c'était un ordre d'exécution. Au paragraphe 47, quand vous dites

 18   que vous avez observé un soldat qui faisait le même geste à son commandant,

 19   vous avez cru que ceci voulait dire que l'ordre avait été exécuté.

 20   Pouvez-vous me dire ce qui vous a fait conclure premièrement qu'il

 21   s'agissait d'un ordre d'exécution; deuxièmement, que le deuxième geste,

 22   mais qui était le même geste, voulait dire que l'ordre avait été exécuté ?

 23   D'où tirez-vous cela ?

 24   R.  Je suis parvenu à cette conclusion après avoir entendu les coups de feu

 25   et après avoir vu la fumée qui sortait des maisons. Par ce geste, c'était

 26   ma déduction personnelle, et je comprends que tel était le cas. En fait, il

 27   s'est révélé que c'était vrai.

 28   Q.  Est-ce que par la suite vous avez reconnu le commandant qui avait fait

Page 4665

  1   ce geste ou le soldat qui est venu rendre compte en faisant le même geste

  2   que l'ordre avait été exécuté ? Est-ce que vous l'avez reconnu par la suite

  3   sur la photographie qu'on vous a montrée ?

  4   R.  De quel soldat parlez-vous ?

  5   Q.  Apparemment au paragraphe 47, vous dites que le soldat fait le même

  6   geste en regardant son commandant. Il a donc croisé les mains de la même

  7   manière, mettant l'une sur l'autre, et vous avez dit que vous avez

  8   considéré que ceci voulait dire que cet ordre avait été exécuté; tandis

  9   qu'au paragraphe 43, vous mentionnez ce geste pour la première fois, et

 10   vous dites que vous avez compris que cela voulait dire que l'homme devait

 11   être tué; tandis qu'au paragraphe 47, vous dites qu'après avoir vu encore

 12   une fois ce même geste, vous avez considéré que ceci voulait dire que les

 13   hommes avaient été tués. La deuxième fois, c'était l'un des hommes qui

 14   faisait ce geste, non pas le commandant.

 15   R.  Oui. Le soldat qui a fait ce geste avec ses mains, c'est Popovic.

 16   C'était celui que j'ai reconnu, et je crois avoir dit cela dans ma

 17   déclaration. Il y avait plus de 70 personnes qui étaient présentes là. Je

 18   ne pouvais pas les reconnaître toutes.

 19   L'INTERPRÈTE : Les intervenants se chevauchent.

 20   Q.  -- commandant ?

 21   R.  Je vous répète que puisque c'était la personne qui donnait des ordres -

 22   - il était l'un des deux à donner des ordres. J'ai pensé qu'il était leur

 23   chef et leur commandant, et je répète que telle était mon hypothèse.

 24   Q.  Le commandant, vous l'avez reconnu, celui dont vous parlez dans le

 25   paragraphe 43 de votre déclaration, celui qui donne l'ordre en faisant ce

 26   geste, enfin d'après votre interprétation de cet ordre ?

 27   R.  Moi, je pensais à Srecko Popovic. C'est l'homme que j'ai reconnu à la

 28   mi-avril. Il était présent le 14. Mais je crois que c'est la énième fois

Page 4666

  1   que je réponds à cette question.

  2   Q.  Merci. Dites-moi, votre famille, même s'il avait été annoncé qu'elle

  3   serait expulsée du Kosovo, votre famille est restée tout le temps au

  4   Kosovo, n'est-ce pas, en dépit de quelques déplacements dans la région,

  5   entre le village et Pec notamment; c'est bien ça ?

  6   R.  Pourriez-vous répéter votre question. Je n'ai pas très bien compris.

  7   Q.  Est-ce que votre famille, toute votre famille, est restée tout le temps

  8   au Kosovo ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Très précisément, est-ce qu'un seul habitant de Cuska aurait été

 11   expulsé vers l'Albanie ou vers le Monténégro, ce n'est pas cela qui compte

 12   ? En tout cas, expulsé hors des frontières du Kosovo. C'est cela que je

 13   voulais dire.

 14   R.  J'ai dit dans ma déclaration préliminaire qu'on avait emmené les

 15   habitants à deux reprises jusqu'aux limites de la ville, et qu'ensuite on

 16   les avait ramenés. Maintenant, pourquoi ils leur ont dit de retourner d'où

 17   ils venaient, pourquoi ils ne les ont pas laissés partir, je ne sais pas.

 18   Je sais seulement que la police et l'armée les ont renvoyés chez eux au

 19   moment où ils sont arrivés aux limites de la ville. L'ordre a été donné à

 20   ces habitants de retourner vers le village. Voilà la réponse que je fournis

 21   déjà et que j'ai fournie à plusieurs reprises.

 22   Q.  Par conséquent, j'ai raison de dire qu'aucun habitant du village de

 23   Cuska n'a été expulsé hors des frontières du Kosovo ?

 24   R.  Je vous parle de ce jour-là. Je ne sais pas ce qui s'est passé à

 25   d'autres moments. Mais ce jour-là, non.

 26   Q.  Auriez-vous connaissance d'événements survenus à d'autres moments de

 27   l'année 1999, concernant très précisément Cuska ?

 28   R.  Je ne me souviens pas.

Page 4667

  1   Q.  Je vous remercie. Ma question suivante est celle-ci : vous avez dit que

  2   dans la pièce dans laquelle vous étiez et à laquelle il a été mis le feu,

  3   vous étiez dans cette pièce et vous en êtes sorti par la fenêtre. Alors,

  4   dites-moi je vous prie, en dehors de votre blessure à la jambe et en dehors

  5   du fait que la fumée vous a asphyxié et que vous aviez du mal à respirer,

  6   est-ce que vous avez subi des blessures dues au feu ? Est-ce que vous aviez

  7   des brûlures sur le corps ?

  8   R.  Je répète encore une fois que tout mon visage a pris feu à cause du gaz

  9   qui a été jeté à l'intérieur de la pièce dans laquelle il y avait beaucoup

 10   de fumée. Et qu'en raison des flammes et du gaz que j'ai inhalé, je ne

 11   pouvais pas respirer et c'est dans ces conditions que j'ai quitté la pièce.

 12   Je pense que j'ai répondu clairement.

 13   Q.  Merci. Vous dites que vous avez été blessé à la jambe gauche et que

 14   cette blessure par balle était une blessure qui présentait un orifice

 15   d'entrée et un orifice de sortie. Vous avez également dit qu'une autre

 16   balle vous avait brisé le tibia de la jambe droite et blessé le genou

 17   droit. Vous avez déclaré que vous aviez été soigné pour ces blessures

 18   pendant un mois environ, et que le 15 ou le 16 juin, vous avez été

 19   hospitalisé à Pec. Donc quelque temps après. Vous nous avez dit qui était

 20   la personne qui avait soigné vos blessures. Vous avez dit pouvoir présenter

 21   toute la documentation médicale relative à vos blessures si les enquêteurs

 22   en avaient besoin. Vous avez même ajouté que vous pouviez vous-même aller

 23   chercher les documents en question à l'hôpital.

 24   Mais il y a une chose qui, pour moi, n'est pas claire. Est-ce que

 25   vous avez vraiment remis les documents médicaux de l'hôpital de Pec aux

 26   enquêteurs, ou est-ce que vous leur avez simplement dit que vous étiez prêt

 27   à le faire, que vous acceptiez d'aller à l'hôpital chercher votre dossier

 28   médical ?

Page 4668

  1   R.  Je ne comprends pas. Qu'est-ce que vous me demandez ?

  2   Q.  Je parle de ce qui figure au paragraphe 74 de votre déclaration de mai

  3   2008.

  4   R.  J'ai remis aux enquêteurs ce qu'on m'a demandé de remettre. Je ne sais

  5   rien de l'hôpital de Peje. Est-ce que vous pourriez poser votre question

  6   plus clairement ? Je ne la comprends pas. Et peut-être plus brièvement,

  7   s'il vous plaît.

  8   Q.  Au paragraphe 74 de votre déclaration écrite, nous lisons, je cite :

  9   "Suite à cet incident, j'ai des blessures aux jambes, à ma jambe droite,"

 10   et cetera, et cetera. "Je boite de façon permanente à présent, et j'accorde

 11   au TPIY l'autorisation d'examiner tout document médical relatif aux

 12   traitements que j'ai subis pour ces blessures."

 13   Alors ma question est celle-ci : quels sont les documents médicaux, les

 14   dossiers médicaux dont vous parlez et de quel hôpital viennent-ils ? De

 15   l'hôpital de Pec ?

 16   R.  J'ai montré mes blessures aux enquêteurs, je leur ai dit qu'en cas de

 17   nécessité, s'ils avaient besoin d'examiner cette question plus en détail,

 18   ils avaient toute liberté de le faire. J'ai dit la date du jour où je suis

 19   allé à l'hôpital de Peje. C'était six semaines à peu près après l'incident,

 20   si je ne me trompe.

 21   Vous avez la description de ma blessure à titre de document qui fait foi.

 22   Vous n'avez besoin de rien d'autre.

 23   Q.  Ai-je raison de dire que le 14 ou le 15 juin vous avez été hospitalisé

 24   à Pec pour la suite de votre traitement, 1999 bien sûr ?

 25   R.  Oui. Le 14 ou le 15 juin.

 26   Q.  Je vous remercie. Combien de temps êtes-vous resté à l'hôpital ?

 27   R.  Je ne me souviens pas combien de temps j'y suis resté. Je crois que

 28   c'était trois semaines, mais ma convalescence a duré beaucoup plus

Page 4669

  1   longtemps, plus d'un an, parce que j'ai dû subir une intervention

  2   chirurgicale à la jambe droite qui était fracturée, et il m'a fallu plus

  3   d'un an pour me remettre. J'ai été opéré à l'hôpital italien de la KFOR.

  4   Q.  Dites-moi, je vous prie, quand vous avez été hospitalisé à Pec, est-ce

  5   que vous avez été opéré à ce moment-là ?

  6   R.  On m'a plâtré la jambe, mais l'intervention chirurgicale je l'ai subie

  7   un an plus tard. Ceci est dû au fait qu'à Peje ils n'avaient pas les moyens

  8   et l'équipement nécessaire, et ils espéraient que ma jambe allait guérir

  9   avec un plâtre, mais après un an j'ai été obligé de me faire opérer à

 10   l'hôpital italien de la KFOR, qui m'a donc hospitalisé et opéré.

 11   Vous pouvez vous renseigner auprès de cet hôpital de la KFOR, si vous le

 12   souhaitez. Cela prouvera la véracité de mes dires.

 13   Q.  Comment s'appelait le médecin qui vous a soigné à l'hôpital de Pec ?

 14   R.  L'homme qui m'a administré les premiers soins, qui a plâtré ma jambe

 15   droite s'appelait Isak Alicani [phon]. C'était un orthoped [phon].

 16   Q.  Au sujet de ce malheur que vous avez vécu, est-ce que plus tard vous

 17   auriez reçu un dossier de l'hôpital de Pec ou de l'hôpital italien dans

 18   lequel on pourrait lire la date de votre sortie de l'hôpital, ou même

 19   l'anamnèse de votre problème médical, et est-ce que vous auriez remis ce

 20   document aux enquêteurs du Tribunal ?

 21   R.  Je n'ai rien reçu de l'hôpital de Peje, mais j'ai reçu plusieurs

 22   documents médicaux me concernant de l'hôpital italien, et je pense que ces

 23   documents sont aujourd'hui entre les mains des enquêteurs du Tribunal. L'un

 24   de ces enquêteurs s'appelle Samuel.

 25   L'INTERPRÈTE : Nom de famille non entendu, inaudible pour l'interprète.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 27   Q.  Je vous remercie. Ma dernière question portera encore sur votre

 28   situation médicale. Etes-vous sûr que vous avez remis ces documents aux

Page 4670

  1   enquêteurs, ou pensez-vous les avoir remis, ces documents ou ces dossiers ?

  2   R.  Je n'ai reçu de dossiers que du personnel de l'hôpital italien de la

  3   KFOR. Donc, les enquêteurs n'ont pu recevoir de copies de ce dossier que

  4   pour l'hôpital italien de la KFOR. J'ai subi de nombreuses visites de

  5   contrôle, d'abord tous les jours, ensuite toutes les semaines, puis tous

  6   les mois. Je pense qu'il n'était pas indispensable que je passe en revue en

  7   détail, avec les enquêteurs, le moindre détail des dossiers médicaux me

  8   concernant, car mes blessures sont la preuve éclatante de ce qui m'est

  9   arrivé.

 10   Q.  La dernière partie de mon contre-interrogatoire concernera les membres

 11   de la famille Jasovic. Vous avez, à plusieurs reprises, évoqué des membres

 12   de cette famille. Vous avez dit qu'ils arboraient le drapeau serbe.

 13   Pourriez-vous me dire, encore une fois, à l'occasion de quoi vous avez

 14   parlé de cela, car après lecture de votre déclaration préliminaire écrite,

 15   le contexte dans lequel se situe cet événement n'est pas très clair pour

 16   moi. Cette famille était la famille habitant la maison à côté de la vôtre,

 17   c'était vos voisins, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui. Je n'ai pas dit qu'ils portaient un uniforme ou qu'ils n'en

 19   portaient pas. Ce que j'ai dit, c'est qu'ils sont arrivés dans le village

 20   et ils arboraient des petits drapeaux. Ils sont arrivés exactement à

 21   l'endroit où nous nous trouvions et j'ai vu un membre de cette famille

 22   accompagné d'une femme. Je ne sais pas qui était cette femme. Plus tard,

 23   deux autres membres de la même famille sont arrivés arborant aussi des

 24   drapeaux et ils sont arrivés exactement à l'endroit où l'incident s'est

 25   produit, c'est-à-dire, non loin du cimetière. Et à partir de là, ils ont

 26   poursuivi leur chemin en prenant une autre route et j'ai donc cessé de

 27   pouvoir les distinguer. Donc, je ne sais pas où ils sont allés.

 28   Voilà ce que j'ai vu de mes propres yeux et je le dis en toute conscience

Page 4671

  1   des responsabilités qui sont les miennes.

  2   Q.  Je crois que je comprends maintenant. Mais toute cette description des

  3   petits drapeaux qui étaient arborés par ces personnes reste encore assez

  4   peu claire pour moi. Est-ce que ces personnes portaient des uniformes ? Et

  5   qu'est-ce qui se passait, d'une façon générale, au sujet des membres de la

  6   famille Jasovic auxquels vous faites allusion ?

  7   R.  De quoi voulez-vous parler exactement ? Je ne comprends pas votre

  8   question.

  9   Q.  Vous nous avez dit que vous avez vu Velibor Jasovic, je crois, ainsi

 10   que d'autres membres de la famille Jasovic, arborer un drapeau serbe. Vous

 11   connaissiez ces personnes puisque c'était vos voisins.

 12   Alors, quelle était la situation exacte au moment où vous les avez

 13   vus ? Est-ce qu'ils portaient des armes ? Est-ce qu'ils portaient des

 14   uniformes ? Voilà ce que je voudrais savoir.

 15   R.  Comme je l'ai dit, Vidoje et une autre femme et les autres arboraient

 16   tous des petits drapeaux. Je n'ai absolument pas parlé d'uniformes.

 17   Maintenant, là où je l'ai vu, il était en compagnie d'une femme que je ne

 18   connaissais pas et qui portait un drapeau.

 19   Q.  Ils ne portaient pas d'uniformes ?

 20   R.  Lorsque je les ai vus, non, ils ne portaient pas d'uniformes.

 21   Q.  Merci.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cela met un terme à

 23   mon contre-interrogatoire de ce témoin. Je vous remercie.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Djordjevic.

 25   Madame Gopalan, voulez-vous poursuivre votre interrogatoire ?

 26   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   Nouvel interrogatoire par Mme Gopalan : 

 28   Q.  [interprétation] Monsieur Berisha, j'ai quelques questions à vous poser

Page 4672

  1   à l'issue du contre-interrogatoire de M. Djordjevic.

  2   On vous a posé aujourd'hui un certain nombre de questions au sujet

  3   d'uniformes qui avaient été délivrés aux Serbes. En page 56, ligne 6, vous

  4   avez dit que : 

  5   "Les Serbes avaient des uniformes qui leur avaient été remis par

  6   l'Etat. Ils avaient tous des uniformes chez eux."

  7   Pourriez-vous nous dire, Monsieur Berisha, quand ces uniformes ont-

  8   ils été remis aux Serbes, si vous vous en souvenez précisément ?

  9   R.  Non, je ne me souviens pas précisément de la date, mais je dirais que

 10   c'était au début de l'année 1998, si mes souvenirs sont bons.

 11   Q.  Vous avez donc dit que ces uniformes leur avaient été remis par le

 12   gouvernement. Est-ce que vous pouvez préciser plus particulièrement de qui

 13   vous parlez lorsque vous dites "l'Etat" ou "le gouvernement ?"

 14   R.  Oui. Lorsque je dis l'Etat, j'entends par là, la police et l'armée. La

 15   police et l'armée font partie de l'Etat puisqu'elles sont sous les ordres

 16   de l'Etat.

 17   Et en 1998, si mes souvenirs sont bons, c'est la police qui a commencé à

 18   distribuer des uniformes dans ces villages, des villes habités par des

 19   Serbes. En revanche, les villages et les villes habités par les Albanais,

 20   n'ont pas bénéficié de cette distribution d'uniformes et le village de

 21   Qyshk en faisait partie.

 22   Q.  Donc, outre les uniformes qui étaient distribués dans ces endroits

 23   habités par des Serbes, Monsieur Berisha, savez-vous si d'autres choses ont

 24   été remises à ces habitants avec les uniformes ?

 25    R.  Avec les uniformes, des armes leur étaient remises également. Je

 26   n'étais pas là pour voir la distribution de mes yeux, mais toutes ces

 27   personnes étaient armées. Ce sont des faits qui confirment cette

 28   déclaration que j'ai faite. Donc, toutes ces personnes ont reçu à la fois

Page 4673

  1   des uniformes et des armes.

  2   Q.  Merci. Alors, en ce qui concerne ces uniformes qui ont été distribués,

  3   comment avez-vous su que ces uniformes avaient été distribués ?

  4   R.  Je l'ai su par les médias, par les citoyens eux-mêmes et aussi à divers

  5   endroits. Tout au long de la guerre, je les ai vus porter ces uniformes.

  6   Maintenant, si vous procédez à une enquête plus approfondie à ce sujet,

  7   vous en arriverez aux mêmes conclusions que celles que je suis en train de

  8   vous présenter.

  9   Q.  Merci, Monsieur Berisha. Un certain nombre de questions vous ont été

 10   posées aujourd'hui concernant un individu du nom de Salipur. En page 58,

 11   ligne 12, vous dites avoir vu Salipur infliger des mauvais traitements à

 12   des passants. Pouvez-vous nous dire quand vous avez vu Salipur maltraiter

 13   ces passants, si vous vous en souvenez ?

 14   R.  Ce sont des événements qui sont survenus avant 1998, si mes souvenirs

 15   sont bons. Avant 1998, dans la ville Peje.

 16   Q.  Merci. Lorsque vous parlez de "mauvais traitements," qu'est-ce que vous

 17   entendez par là, plus précisément ?

 18   R.  Salipur arrêtait les passants qui passaient par là, il leur demandait

 19   leurs pièces d'identité, et souvent, il les passait à tabac, en présence

 20   d'autres habitants. Et c'est arrivé une fois, sur le marché du village, sur

 21   le marché de produits d'épicerie, à Peje, j'étais là sur place et j'ai

 22   personnellement constaté cet incident.

 23   Q.  Si vous vous en souvenez, de combien d'incidents de ce type avez-vous

 24   été témoin ?

 25   R.  Je ne me souviens pas, à l'exception de celui-là que je viens de vous

 26   mentionner sur le marché. Les autres, je ne me souviens pas.

 27   Q.  Merci, Monsieur Berisha. Un certain nombre de questions vous ont été

 28   posées également aujourd'hui concernant un geste de la main fait par un

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  1   officier supérieur, geste que vous avez compris comme étant un ordre

  2   d'exécution. Ça, c'est quelque chose que l'on retrouve en page 64, ligne 4.

  3   Vous avez répondu que vous en étiez arrivé à cette conclusion après avoir

  4   entendu des tirs, après avoir vu également la fumée sortir de la maison.

  5   Est-ce que vous pouvez nous dire plus précisément de quelle maison

  6   vous parlez ? C'est donc une réponse que vous avez donnée à une question

  7   concernant le paragraphe 47 dans votre déclaration.

  8   R.  Alors là, je parle de la maison de Syl Gashi, et la maison de Syl Gashi

  9   d'où a pu survivre Isa Gashi.

 10   Q.  Combien d'hommes ont-ils été emmenés à la maison de Syl Gashi ? Est-ce

 11   que vous le savez ?

 12   R.  Environ 12 ou 13.

 13   Q.  Et à l'exception d'Isa Gashi que vous avez mentionné, qu'est-il arrivé

 14   aux autres hommes emmenés dans cette maison de Syl Gashi ?

 15   R.  Ils ont tous été exécutés et brûlés.

 16   Q.  Merci beaucoup, Monsieur Berisha. Je n'ai pas d'autres questions à vous

 17   poser aujourd'hui.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Gopalan.

 19   Monsieur Berisha, vous serez heureux de savoir que cela met un terme aux

 20   questions qui vous ont été posées, à vos interrogatoires. Donc, la Chambre

 21   souhaite tient à vous remercier d'être venu ici à La Haye pour déposer, non

 22   seulement pour déposer mais aussi pour répondre à toutes les questions qui

 23   vous ont été posées aujourd'hui qui vont beaucoup nous aider dans l'étude

 24   de cette affaire. Donc, nous vous remercions beaucoup et vous pouvez donc,

 25   comme vous le savez maintenant, retourner à votre vie habituelle.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, moi aussi je tiens à

 27   vous exprimer toute ma reconnaissance, à vous-même, à l'Accusation ainsi

 28   qu'au conseil de la Défense pour les questions qui m'ont été posées. Je

Page 4675

  1   suis ici pour dire la vérité, rien que la vérité. J'ai traversé tous ces

  2   incidents que nous avons évoqués aujourd'hui et je parle aujourd'hui en

  3   étant parfaitement conscient des responsabilités que cela implique. Ce sont

  4   des incidents que j'ai véritablement vécu moi-même, et je regrette que

  5   pendant toutes ces années il n'ait pas été possible d'entendre les regrets

  6   de ce qui s'est passé au Kosova de la part des personnes qui ont commis ces

  7   crimes.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. L'huissier de la

  9   Chambre va maintenant vous aider à sortir.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

 11   [Le témoin se retire]

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il n'est pas vraiment

 13   intéressant de débuter l'audition du témoin suivant. Donc, je pense que

 14   nous pouvons maintenant lever la séance jusqu'à demain matin.

 15   Si vous le permettrez, je voudrais dire que nous aurons un emploi du temps

 16   quelque peu inhabituel demain matin, parce que nous devrons nous arrêter à

 17   10 heures moins 10, puisque comme vous le savez, le nouveau greffier va

 18   prêter serment et les Juges doivent être présents à cette cérémonie. Donc,

 19   je ne suis pas à 100 % sûr, mais je pense que nous pourrions être de retour

 20   à 10 heures 30, ce qui veut dire que nous lèverons la séance à 10 heures

 21   moins 10 jusqu'à 10 heures 30; et là, nous pourrons reprendre notre

 22   audition pour deux séances supplémentaires. Je ne pense pas que cela nous

 23   fasse perdre trop de temps, mais juste pour vous mentionner que l'emploi du

 24   temps sera quelque peu différent de ce qu'il est habituellement.

 25   Je lève ainsi la séance et nous nous retrouverons demain matin.

 26   --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le mardi 19 mai

 27   2009, à 9 heures 00.

 28