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2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je m'adresser
6 à vous pour nous éviter de perdre du temps avant de commencer avec le
7 témoin suivant.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
9 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Avant de commencer les dépositions
10 aujourd'hui en ce qui concerne le versement au dossier de la déclaration
11 faite par M. Krasniqi le 21 mai 2008, ou plutôt la déclaration qu'il a
12 faite en août 1999, je souhaitais proposer le versement au dossier de cette
13 déclaration compte tenu du fait que le 21 mai 2008, au paragraphe 8, il
14 avait dit :
15 "Le premier août 1999, un enquêteur du tribunal pour l'Ex-Yougoslavie qui
16 parlait allemand a parlé avec moi. Cette déclaration a été traduite en
17 albanais, mais ça a été écrit en allemand. Et je n'ai pas signé car
18 l'enquêteur ne m'a pas demandé."
19 Il est dit ensuite au paragraphe 6 :
20 "Je confirme que le document K013-6454 et K013-6459"
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous allez beaucoup trop vite pour les
22 interprètes. Les interprètes l'ont indiqué.
23 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci. Je vais répéter. Il dit au
24 paragraphe 6 :
25 "Je confirme que le document dont le numéro ERN est K013-6454 et K013-6459
26 est la déclaration que j'ai fournie en 1999 à l'enquêteur qui parlait
27 allemand."
28 Au paragraphe 7 de cette déclaration, il dit :
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1 " Je donne mon accord pour que les deux déclarations soient utilisées dans
2 la procédure contre Vlastimir Djordjevic devant le Tribunal pour l'Ex-
3 Yougoslavie."
4 Lorsque l'on compare les numéros ERN indiqués dans les déclarations signées
5 par le témoin et les numéros ERN de la déclaration du 1er août 1999 montrée
6 au témoin concernant les questions qui lui ont été posées, il est clair
7 qu'il s'agit de la même déclaration. Par conséquent, je demande son
8 versement au dossier.
9 Et les numéros MFI sont D225 et D226.
10 Merci.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
12 Est-ce qu'il vous conviendrait, Madame Kravetz, d'en parler en ce
13 moment ou pas ?
14 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, Mme D'Ascoli traitait
15 de ce témoin donc je ne peux pas vous aider.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous lui passiez des notes.
17 Mme KRAVETZ : [interprétation] C'est exact, mais il faudrait que je la
18 consulte en ce qui concerne cela. Je peux traiter de cela après la pause
19 suivante.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous allons traiter de cela un
21 peu plus tard alors. Peut-être le témoin est en train d'attendre.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire à
26 haute voix la déclaration qui vous est remise.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la
28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
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1 LE TÉMOIN : HELGE BRUNBORG [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.
4 Je crois que Mme Kravetz a des questions à vous poser.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Interrogatoire principal par Mme Kravetz :
7 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez dire
8 quels sont votre nom et prénom pour le compte rendu d'audience.
9 R. Je m'appelle Helge Brunborg, ce qui est épelé, le nom de famille, B-r-
10 u-n-b-o-r-g.
11 Q. Et quel est votre métier ?
12 R. Je suis économiste et démographe de métier, et je travaille en tant que
13 démographe dans l'institut de la statistique en Norvège.
14 Q. Merci. Votre CV est la pièce dont le numéro 65 ter 02503 en date du
15 mois de novembre 2003. Et ce document parle de lui-même, donc nous n'allons
16 pas en traiter en détail. Mais je souhaite vous demander s'il y a des mises
17 à jour par rapport à votre biographie que vous souhaitez nous relater.
18 R. Je ne sais pas ce qui a été dit dans le CV de 2003, mais depuis j'ai
19 beaucoup écrit y compris s'agissant des sujets liés au conflit et la
20 démographie du conflit armé; ça faisait l'objet de mon travail.
21 Q. Et vous avez dit qu'en ce moment vous travaillez dans le cadre des
22 statistiques en Norvège. Quelle est votre position là-bas ?
23 R. Oui, c'est exact. Je suis en charge des projections de la population et
24 une grande enquête sur les générations et les sexes. Et mis à part cela,
25 j'effectue des analyses des questions de la population nationale en
26 Norvège.
27 Q. Merci beaucoup.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Et le numéro 65 ter de son CV est 02503; je
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1 demande son versement au dossier.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P982.
4 Mme KRAVETZ : [interprétation]
5 Q. Monsieur Brunborg, je comprends qu'en 2002 le bureau du Procureur vous
6 a demandé de préparer un rapport d'expert portant sur la taille et la
7 composition ethnique de la population au Kosovo; est-ce exact ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Si j'ai bien compris, vous avez passé en revue récemment votre rapport
10 en détail et vous avez identifié quelques fautes de frappes que vous
11 souhaitez corriger aujourd'hui ?
12 R. C'est exact. Je m'en excuse, il y en a beaucoup dans le rapport. Pour
13 la plupart, il s'agit des erreurs très évidentes, mais toutefois il
14 convient de les corriger.
15 Q. Monsieur, pour poursuivre notre travail de manière efficace, je vais
16 simplement lire les corrections que vous souhaitez apporter et vous
17 demander de confirmer si ceci est exact. D'accord ?
18 A la page 1, paragraphe 5, lignes 2 et 3 de votre rapport, en ce moment il
19 est écrit :
20 "…et la population de fait de 2,166 millions pendant la période
21 pertinente."
22 Si j'ai bien compris, il faut corriger ce chiffre en 2,116 millions, si
23 j'ai bien compris.
24 R. C'est exact.
25 Q. Paragraphe 2, de la deuxième page, ligne 1, il est écrit :
26 "Des estimations de fait pour l'année 1997 et 1998 sont de…" Donc nous
27 avons deux chiffres. Et si j'ai bien compris, vous corrigez vos estimations
28 pour 1997 en 2,188 millions; et à présent (FSO) est 2,044 à 2,131 millions
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1 pour 1998 ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Au paragraphe 4, ligne 1, en ce moment il est écrit que :
4 "En 1997, la population du Kosovo était de 2,2 millions."
5 Alors que je comprends que l'année en question devrait être 1995 ?
6 R. C'est exact.
7 Q. A la page 2, paragraphe 5, lignes 2 et 3, il est écrit :
8 "…ces chiffres sont tout proches des chiffres FSO de jure pour le milieu de
9 l'année en ce moment probablement pour le 31 mars et c'est une
10 extrapolation du recensement de la population de 1991[comme interprété]…"
11 et là, si j'ai bien compris le chiffre devrait être de "2 220 000" ?
12 R. Oui.
13 Q. Maintenant, page 8, note en bas de page 13, la dernière ligne fait
14 référence au "tableau 1", et ça devait être le "tableau 2" ?
15 R. C'est exact.
16 Q. Page 13 au fond de la page, vous avez indiqué que s'agissant de 1998,
17 il faudrait écrire 1 378 980 ?
18 R. C'est exact.
19 Q. La dernière correction, si j'ai compris, se trouve à la page 14,
20 paragraphes 3 et 4, en ce moment il est écrit :
21 "La différence est très grande, 758 000." Et si j'ai bien compris ce
22 chiffre devrait être de "750 000".
23 R. C'est exact.
24 Q. Merci. Ce sont toutes les corrections que vous souhaitez apporter ?
25 R. C'est exact.
26 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je m'excuse.
27 Q. Puisque nous parlons la même langue aujourd'hui, je vais simplement
28 vous demander de suivre le curseur à l'écran et ensuite commencer vos
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1 réponses.
2 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander le
3 versement au dossier de ce rapport après l'interrogatoire de ce témoin,
4 mais en ce moment je demande le versement au dossier de la pièce 01960,
5 c'est le numéro 65 ter.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P983.
8 Mme KRAVETZ : [interprétation]
9 Q. Est-ce que vous avez également déposé devant ce Tribunal dans l'affaire
10 Milutinovic et consorts en novembre 2006 ?
11 R. C'est exact.
12 Q. Et avant d'être venu déposé ici, est-ce que vous avez eu l'occasion de
13 passer en revue le compte rendu d'audience de votre déposition de cette
14 affaire ?
15 R. Oui.
16 Q. Puisque vous avez passé en revue votre déposition, si aujourd'hui on
17 vous posait les mêmes questions qu'on vous a posées lors de l'affaire
18 Milutinovic, est-ce que vos réponses auraient été les mêmes ?
19 R. Oui, certainement. Je ne suis pas au courant de nouvelles informations
20 s'agissant de la période couverte par ce rapport.
21 Q. Merci.
22 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, le numéro 65 ter du
23 compte rendu Milutinovic est 05334, et je demande son versement.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P984.
26 Mme KRAVETZ : [interprétation]
27 Q. Monsieur, nous allons revenir au rapport principal maintenant de 2002.
28 Est-ce que vous pouvez brièvement expliquer à la Chambre quel était le but
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1 de ce rapport et le mandat que vous aviez reçu de la part du bureau du
2 Procureur qui vous a demandé de l'élaborer ?
3 R. Le bureau du Procureur m'a demandé d'élaborer un rapport portant sur la
4 taille de la population au Kosovo et la composition ethnique de cette
5 population avant le conflit en 1998-1999. Par conséquent, j'ai fait des
6 recherches pour trouver toutes les informations pertinentes afin de se
7 faire; et j'ai rassemblé ces informations et rédigé ce rapport. J'ai
8 rassemblé les chiffres portant sur la population et je les ai présentés
9 sous forme graphique et par le biais des tableaux qui se trouvent à travers
10 ce rapport, et j'ai écrit une conclusion.
11 Q. Et pour le résumé, quelles étaient vos conclusions s'agissant de la
12 composition ethnique et la taille de la population au Kosovo pendant cette
13 période ?
14 R. Pendant cette période, la population s'est accrue à 2,1 millions
15 environ avant le début du conflit en 1998. Et au total, s'agissant du total
16 de la population, les Albanais constituaient environ 83 %, les Serbes
17 environ 10 %, et les autres environ 7 %. C'était la conclusion principale.
18 Q. Dans votre rapport, vous avez indiqué les sources du matériel que vous
19 avez utilisé pour rédiger votre rapport et vous en avez également parlé au
20 cours de votre déposition préalable dans l'affaire Milutinovic. Dans la
21 section 3, il est question des problèmes liés à la possibilité de faire une
22 estimation de la population.
23 Est-ce que vous pouvez vous étendre un peu plus là-dessus et
24 expliquer aux Juges quels étaient les problèmes principaux pour estimer la
25 population lors de la préparation de votre rapport ?
26 R. Le problème principal était lié au manque de bonnes données de
27 migration, je dirais. Des certificats de décès et de naissance sont
28 enregistrés de manière régulière, et les recensements se font tous les dix
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1 ans. Mais le problème, c'est le manque de bonnes données de migration. Un
2 autre problème réside dans la différence entre la population de fait et de
3 jure. De fait, la population réelle est les résidents d'un pays, alors que
4 de jure inclut aussi ceux qui vivent normalement ailleurs. Il n'est pas
5 toujours clair si les statistiques portent sur les données de fait ou de
6 jure. Le recensement peut parfois demander des données de jure ou de fait
7 sur la population, mais il faut faire attention lorsqu'on se penche sur ces
8 résultats.
9 Q. Est-ce que vous avez pu obtenir un exemplaire du recensement qui a été
10 mis à jour afin de rédiger votre rapport et estimer la taille de la
11 population au Kosovo au cours de cette période ?
12 R. Oui. J'ai examiné les informations émanant de l'institut de la
13 statistique de Belgrade qui explique et définit les termes du recensement
14 et le concept du recensement. J'ai examiné les recensements différents, y
15 compris celui de 1991 qui posait un grand problème, que je n'ai pas encore
16 mentionné, qui réside dans le fait que la population albanaise au Kosovo a
17 boycotté le recensement en 1991.
18 Donc le bureau de la statistique à Belgrade a procédé à une estimation de
19 la population albanaise dans chaque village et municipalité en 1991 en
20 faisant une projection de la population sur la base du recensement de 1981
21 dix ans plus tard sur la base des taux de naissance supposés de même que de
22 migration et de décès.
23 Q. Et sur la base de votre expérience dans ce domaine, à quel point est-ce
24 que ces chiffres contenus dans le recensement de 1991 sont fiables ?
25 R. J'ai l'impression que c'était tout à fait fiable, car c'était conforme
26 aux autres estimations, mais bien sûr si on avait pu compter les têtes, ça
27 aurait été plus fiable. Mais je pense qu'ils ont effectué le meilleur
28 travail possible vu les circonstances.
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1 Q. Et lorsque vous avez parlé des problèmes liés aux estimations de la
2 population, vous avez dit que le problème principal résidait dans le manque
3 de bonnes données de migration. Pourquoi est-ce que vous devez vous pencher
4 là-dessus ?
5 R. L'une des raisons est que le recensement de 1991 se fondait sur les
6 estimations et nous n'avons pas de chiffres réels s'agissant de la
7 migration entre les deux. Le bureau de Belgrade en a fait quelques-unes.
8 Après 1991, c'était une période difficile au Kosovo et il y avait des flux
9 de la population dans le Kosovo et à l'extérieur. Et nous n'avons pas de
10 chiffres exacts portant sur les migrations s'agissant de cette période, de
11 1991 à 1998.
12 Q. Et quelle était la méthode que vous avez appliquée pour obtenir les
13 données concernant les migrations du Kosovo afin de rédiger votre rapport ?
14 R. Tout d'abord, il faudrait peut-être que je fasse une pause. Excusez-
15 moi. Tout d'abord, je me suis penché sur les estimations du bureau de
16 statistiques de Belgrade. Dans le cadre de mes propres estimations, ils
17 présentaient des estimations s'agissant de chaque période de 10 ans
18 jusqu'en 1991. Et il y a eu des projections pour la période qui s'en est
19 suivie.
20 Puis je me suis penché sur une enquête menée par plusieurs organisations en
21 1999 et en 2000 où ils avaient demandé, s'agissant de chaque foyer
22 sélectionné, si les membres du foyer avaient été absents, s'ils étaient
23 partis et si oui, s'ils sont retournés et ils ont demandé quand ils sont
24 partis et quand ils sont revenus. Si tel était le cas et sur la base de
25 cela, il était possible d'estimer les migrations et l'immigration du Kosovo
26 et vers le Kosovo s'agissant des 12, ou plutôt des 13 mois qui précédaient.
27 Q. Et vous avez dit que vous faites référence à une enquête menée par
28 plusieurs organisations; est-ce que vous pouvez nous donner plus de détails
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1 concernant ceux qui ont mené cette enquête et où ceci a été fait ?
2 R. C'était les démographes français de l'Université de Bordeaux qui
3 étaient en charge de l'enquête. Ceci était financé par le FPA de l'ONU, le
4 fonds pour la population des Nations Unies, et IUM, c'est l'organisation
5 internationale pour la migration. Ils ont mené plusieurs entretiens,
6 c'était fait par des gens des instituts statistiques du Kosovo sous la
7 surveillance des démographes français de l'IUM.
8 Q. Est-ce que vous avez des informations concernant la manière dont cette
9 enquête a été menée sur le terrain ?
10 R. Oui. Ils ont pris d'abord des échantillons dans la zone, échantillons
11 de la municipalité, et ensuite des zones plus petites; et ensuite ils ont
12 interviewé tous les membres des foyers dans des zones très limitées. Donc
13 c'est une procédure à trois phases, comme vous le savez. Ensuite, ceux qui
14 interviewaient se sont déplacés dans tous ces foyers. Ils ont interrogé sur
15 la base d'un questionnaire qu'ils avaient développé.
16 Q. Comment est-ce que ces démographes français pouvaient obtenir un
17 échantillon représentatif au moment de cette enquête afin d'avoir des
18 données fiables ?
19 R. Ils l'ont fait de manière arbitraire s'agissant des échantillons. Je ne
20 me souviens pas exactement du nombre de zones, je pense qu'il y en avait 30
21 ou 40 à travers le Kosovo. Ils ont fait les échantillons s'agissant des
22 zones urbaines et rurales séparément. Il s'agissait d'un échantillon de
23 probabilité portant sur environ de 2,5 % de la population couverte par ces
24 foyers. Donc c'est comparable aux normes normales s'agissant de
25 l'échantillonnage.
26 Q. Bien. Je souhaite qu'on se penche maintenant sur la page 10 de votre
27 rapport, en anglais et en B/C/S. Nous avons le chiffre 1.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Si l'on peut présenter cela à l'écran.
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1 Q. Ici, référence est faite à la population du Kosovo selon l'appartenance
2 ethnique. Ça couvre la période de 1948 à 1991; est-ce que vous le voyez ?
3 R. Pas encore. Si, maintenant je vois la première page. Mais vous avez dit
4 page 10, donc peut-on avancer un peu. Oui, maintenant je vois.
5 Q. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, nous faire votre commentaire
6 sur ce chiffre, le chiffre qui figure à l'écran pour la Chambre ?
7 R. On voit deux choses, la population totale qui croissait de manière
8 rapide après 1948, qui atteint plus que son double. Et puis ça montre aussi
9 les proportions s'agissant de trois groupes majeurs, Albanais, Serbes et
10 autres. Les Albanais croissaient très vite, les autres aussi, alors que la
11 proportion et le nombre de Serbes fluctuait plus. Apparemment le nombre le
12 plus élevé était en 1961, ou plutôt en 1971, et ensuite il y a eu un
13 déclin.
14 Q. S'agissant de quelle période est-ce que vous constatez une grande
15 croissance s'agissant de la population albanaise ?
16 R. Pour la plupart, c'était après 1971, ou plutôt après 1961. Tout au long
17 de cette période, le taux de croissance était de presque 3 % par an, ce qui
18 est un taux très élevé s'agissant de la population albanaise.
19 Q. Merci.
20 Mme KRAVETZ : [interprétation] Peut-on passer maintenant à la présentation
21 graphique numéro 2, qui figure à la page 14 en anglais et 15 en B/C/S.
22 Q. Il s'agit des chiffres portant sur l'ensemble de la population au
23 Kosovo d'après les sources différentes. Encore une fois, est-ce que vous
24 pouvez expliquer aux Juges de quoi il s'agit ici ?
25 R. Ici, j'ai rassemblé toutes les informations que j'ai pu recueillir, des
26 sources officielles et officieuses. Pour la plupart, il s'agit des chiffres
27 de jure portant sur l'ensemble de la situation émanant de l'institut de la
28 statistique fédérale de Belgrade. Puis il y a aussi des estimations de
Page 6117
1 fait, qui sont les chiffres de fait, qui sont moins élevés.
2 Et il y a trois estimations qui diffèrent des autres. L'une c'est le
3 secrétariat fédéral de l'information qui a présenté des chiffres, des
4 estimations pour 1998.
5 En fait non, il faudrait que ce soit pour l'année 1995. Permettez-moi
6 d'examiner la page précédente. Excusez-moi. Non, c'est pour 1998.
7 En fait, ce chiffre est inférieur par rapport aux autres. Cela n'est
8 pas consistant par rapport à d'autres périodes. J'ai bien mené cette
9 publication, mais je n'ai pas trouvé de sources pour ce chiffre avancé, ni
10 quelle était la méthode utilisée. Donc on ne peut pas se fier à cette
11 information.
12 Puis nous avons une autre estimation pour 1995, donc c'est ça qui a
13 semé la confusion. C'est Islami qui est à l'origine de cette information.
14 Le chiffre est bien supérieur aux autres même s'il n'est pas très supérieur
15 par rapport à la tendance compte tenu des chiffres précédents. Donc il
16 s'agit de 2, 2 millions pour 1995.
17 Et nous avons ensuite une autre estimation pour 1998 entre
18 parenthèses, et cela est basé sur l'enquête dont je viens de parler.
19 Donc ce chiffre est avancé par Blayo et il existe, comme nous le savons,
20 une certaine incertitude s'agissant de ces échantillons d'enquête.
21 Q. Vous nous avez mentionné les estimations présentées par le Haut-
22 commissariat pour les réfugiés des Nations Unies pour l'année 1998.
23 Pourriez-vous fournir certaines informations au sujet de cette estimation ?
24 R. Ils avaient besoin d'une estimation de la population, et en fait, ils
25 avaient besoin de faire une projection de la population telle qu'elle était
26 en 1991 pour voir quelle était la situation en 1998. En tenant compte des
27 tendances de croissance des dix années écoulées, et ils l'ont fait sur la
28 base de chaque village.
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1 Q. Compte tenu de votre expérience, dans quelle mesure ces chiffres sont
2 fiables avancés par le Haut-commissariat des réfugiés ?
3 R. Je pense que nous ne saurons jamais dans quelle mesure c'est fiable,
4 mais je pense que c'est consistant avec d'autres estimations avancées par
5 le bureau des statistiques de Belgrade et d'autres organisations.
6 Q. J'aimerais que l'on passe maintenant à la page 16, image 4, et en B/C/S
7 c'est à la page 17. Il s'agit d'une image qui se réfère à la proportion des
8 Albanais et des Serbes au Kosovo. Pourriez-vous apporter quelques
9 commentaires ?
10 R. Nous pouvons voir que la proportion des Albanais augmente si on examine
11 la période allant de 1951 jusqu'à 1991. Le Haut-commissariat des Nations
12 Unies a présenté une estimation pour l'année 1998 qui correspond à cette
13 tendance. Et puis d'autre part, nous pouvons constater qu'il y a un déclin
14 constant s'agissant de la part des Serbes, surtout après 1961. Il y a eu
15 également d'autres estimations qui correspondent à cette tendance plus ou
16 moins.
17 Q. Tout à l'heure, vous avez parlé des estimations présentées par le
18 secrétariat fédéral de l'information pour l'année 1998. Que pourriez-vous
19 dire au sujet des estimations s'agissant de la proportion des différents
20 groupes ethniques au Kosovo ?
21 R. Cette estimation est bien supérieure par rapport à la tendance de
22 presque 20 %, et je pense que cette information n'est pas fiable, ce n'est
23 pas réaliste. Et il est difficile de dire dans quelle mesure ce n'est pas
24 réaliste étant donné que je ne connais pas du tout les sources utilisées
25 ainsi que la méthode employée, cela n'a pas été expliqué dans les
26 informations dont je disposais.
27 Q. J'allais justement vous demander de faire une pause avant de répondre.
28 Vous avez dit qu'il s'agit d'un chiffre supérieur de presque 20 %, vous
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1 l'avez dit par rapport à quel groupe ethnique ?
2 R. Non, j'ai dit que la proportion des Serbes est presque de 20 % d'après
3 le secrétariat fédéral de l'information, d'après ses estimations, alors que
4 d'après d'autres estimations, la part de Serbes ne s'élevait qu'à 10 %. Je
5 pense que ce chiffre avancé n'était pas très probable compte tenu du fait
6 qu'il n'y a pas d'explication pour ce chiffre avancé.
7 Q. Passons maintenant à l'annexe que vous avez préparée en septembre 2003.
8 Je vous prie de nous expliquer quel était l'objectif de cette annexe. Et la
9 référence 65 ter est 01961.
10 R. Le bureau du Procureur a demandé que la République fédérale de
11 Yougoslavie présente d'autres informations portant sur la population du
12 Kosovo, et le bureau a reçu ces informations après que j'aie terminé mon
13 rapport. Donc le bureau m'a demandé d'examiner ces nouvelles informations
14 et d'apporter mes commentaires pour voir si j'allais avoir quelques
15 modifications de mes conclusions.
16 J'ai bien examiné ces documents. Il n'y avait pas grand-chose que je ne
17 savais pas déjà. Par conséquent, je n'ai pas changé mes conclusions
18 principales s'agissant de la taille et de la composition de la population
19 au Kosovo avant le début du conflit.
20 Q. Merci.
21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Il s'agit de la référence 65 ter 01961, je
22 demande le versement au dossier de ce document.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé au dossier.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P985.
25 Mme KRAVETZ : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant le
26 document 00906 de la liste 65 terre à l'écran.
27 Q. Monsieur Brunborg, vous allez voir maintenant un document affiché à
28 l'écran.
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1 Mme KRAVETZ : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la page 2 de ce
2 document. Page 2, s'il vous plaît. J'aimerais que l'on fasse un
3 agrandissement pour le témoin. Merci.
4 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document qui est affiché ?
5 R. J'ai vu ce document pour la première fois hier, il s'agit de résultats
6 préliminaires d'après le recensement de 1991; mais les résultats finaux de
7 ce recensement ont été publiés un peu plus tard. Je pense que c'est en
8 1992. Donc je peux dire que je connais ces chiffres même si je n'avais
9 jamais vu ce document auparavant.
10 Q. Et est-ce que ce bulletin statistique couvre toute la Serbie pour la
11 période concernée en 1991 ?
12 R. Oui. Et il y a des sections qui se réfèrent aux provinces de Vojvodine
13 et Kosovo-Metohija.
14 Q. Et est-ce que vous avez pu examiner les estimations fournies pour le
15 Kosovo ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-ce que ces chiffres correspondent aux numéros que vous avez eu
18 l'occasion de voir en préparant votre rapport s'agissant du recensement de
19 1991 ?
20 R. Oui. Il s'agit des mêmes chiffres que j'ai utilisés pour mon rapport.
21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je demande le versement de ce document,
22 00906.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera admis.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P986.
25 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin à
26 ce stade. Merci.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.
28 Maître Djordjevic, le contre-interrogatoire ?
Page 6121
1 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Contre-interrogatoire par M. Djordjevic :
3 Q. [interprétation] Bonjour.
4 R. Bonjour.
5 Q. Je m'appelle Dragoljub Djordjevic, je défends les intérêts de l'accusé
6 en l'espèce. Mes collègues qui vous ont interrogé dans l'affaire
7 Milutinovic vous ont déjà posé un grand nombre de questions, et par
8 conséquent aujourd'hui, moi je vais tout simplement essayer de tirer au
9 clair certaines choses en vous posant des questions supplémentaires, étant
10 donné que nous sommes tous des laïcs, s'agissant du mandat qui vous a été
11 confié par mes confrères du bureau du Procureur.
12 Monsieur Brunborg, vous avez un doctorat en économie, Me Visnjic vous a
13 posé une question là-dessus, et vous vous considérez en tant que
14 démographe.
15 Est-ce que votre doctorat est lié à la démographie même s'il est du domaine
16 de l'économie ?
17 R. Oui, tout d'abord, un grand nombre d'examens que j'ai passés dans le
18 cadre du doctorat étaient liés à la démographie ainsi qu'à l'économie et à
19 la sociologie. Et deuxièmement, la thèse que j'ai écrite portait sur des
20 questions démographiques. Donc c'est très lié à la démographie.
21 Et à l'époque, vous ne pouviez pas présenter un doctorat en démographie à
22 l'Université de Michigan, c'est pour cela que je l'ai fait dans le domaine
23 de l'économie.
24 Q. Merci. Aujourd'hui, votre travail porte sur la démographie, pourriez-
25 vous nous expliquer ce que vous faites aujourd'hui ?
26 R. Je travaille en Norvège au bureau des statistiques portant sur la
27 démographie internationale dans le domaine de la recherche. Je suis chargé
28 de projections de la population en Norvège, un document a été publié la
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1 semaine dernière, donc j'ai fait une analyse portant surtout sur la
2 mortalité en Norvège et les tendances du développement de la population.
3 Q. Monsieur, est-ce que vous avez fait ce même travail à l'époque où vous
4 avez rédigé votre rapport d'expert ?
5 R. Oui, mais depuis j'ai également été chargé d'une très grande enquête
6 portant sur les échantillons, donc ce type de travail me devient beaucoup
7 plus familier qu'il ne l'était à l'époque.
8 Q. S'agissant des questions générales que je suis en train de vous poser,
9 je veux attirer votre attention sur la chose suivante. D'après ce que j'ai
10 entendu dans l'interprétation, vous avez parlé de la démographie des
11 conflits; pourriez-vous nous expliquer dans quelle mesure cela est lié au
12 rapport que vous avez présenté ?
13 R. La démographie des conflits armés concerne les conséquences des
14 conflits armés surtout s'agissant de la mortalité, mais également
15 s'agissant de l'immigration des personnes déplacées, et également en tenant
16 compte des mariages et des naissances.
17 Puis il y a un autre volet de la démographie des conflits armés. Ça,
18 ce sont des hypothèses, c'est-à-dire que certains facteurs démographiques
19 peuvent être la cause d'un conflit. C'est, par exemple, si une population
20 est plus concentrée dans une région, cela peut provoquer un conflit avec
21 d'autres groupes.
22 Et puis, si par exemple il y a trop de jeunes hommes, par exemple,
23 qui ont entre 18 et 25 ans, cela peut avoir une incidence, surtout si ces
24 hommes sont au chômage, et cela également peut représenter la cause d'un
25 conflit. Donc vous avez des conséquences d'un conflit, mais nous examinons
26 également les causes qui peuvent avoir une incidence sur un conflit.
27 Vous m'avez demandé si cela était lié au rapport présenté. Il n'y a
28 pas de relation directe, mais j'ai organisé un colloque international et
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1 avec mes confrères nous avions publié un livre portant sur ce sujet.
2 Q. Autrement dit, vous conviendrez que cette partie de votre travail,
3 votre recherche démographique n'avait aucune incidence sur votre rapport
4 d'expert, à savoir, lorsque vous avez rédigé votre premier rapport ainsi
5 que l'annexe ?
6 R. C'est exact. Mais plus vous apprenez, plus vous êtes qualifié pour
7 écrire là-dessus. Donc indirectement, il est utile de le savoir. Même si je
8 dirais que dans mon rapport le conflit au Kosovo ne me préoccupait pas.
9 Tout ce qui m'intéressait c'était ce qui s'était passé avant le conflit et
10 quelles étaient les tendances au sein de la population, parce que c'était
11 le mandat qui m'avait été confié.
12 Q. Mais vous conviendrez que vous n'en parliez pas du tout dans votre
13 rapport d'expert ?
14 R. C'est exact.
15 Q. De toute façon, je conviens que ces informations seraient utiles en
16 l'espèce, ainsi que dans une autre affaire qui vient d'être terminée, à
17 savoir l'affaire Milutinovic. Dans votre rapport d'expert, vous avez
18 mentionné que vous n'aviez pas beaucoup de temps pour rédiger ce rapport.
19 Autrement dit, je peux en conclure que si vous aviez eu plus de
20 temps, vous auriez pu rédiger un rapport plus complet et vous auriez peut-
21 être pu présenter d'autres informations qui auraient été plus pertinentes
22 que celles présentées dans votre rapport à l'heure actuelle.
23 Donc pourriez-vous me dire que vouliez-vous dire lorsque vous avez dit que
24 vous n'aviez pas beaucoup de temps ? Que vouliez-vous dire lorsque vous
25 avez écrit cette phrase dans votre rapport ?
26 R. Je voulais dire que cela a été fait en plus de mon travail que
27 j'effectue régulièrement en Norvège, et je n'avais pas beaucoup de temps
28 pour m'attarder là-dessus. Je n'avais que du temps libre pour le faire.
Page 6124
1 Mais je pense que mon rapport n'aurait pas été considérablement différent
2 si j'avais eu plus de temps parce que depuis je n'ai pas rencontré des
3 informations qui auraient eu une incidence sur les conclusions présentées
4 dans mon rapport. Le rapport aurait pu être plus long, mais il aurait pu
5 être aussi plus court.
6 Au fond, je pense que plus ou moins le rapport aurait été identique. J'ai
7 obtenu également de bons commentaires émanant de différents collègues de
8 plusieurs pays qui ne font que renforcer les conclusions que j'ai
9 présentées dans mon rapport.
10 Q. Vous êtes très respecté dans les cercles scientifiques et votre nom est
11 très connu dans notre pays également. Vous êtes très apprécié en tant
12 qu'expert, en tant que scientifique. Mais dites-moi, est-ce que ce rapport
13 est une conséquence directe de la demande présentée par le bureau du
14 Procureur ici à La Haye, et est-ce que le rapport montre le mandat qui vous
15 a été confié par le Tribunal ?
16 R. Oui, le bureau du Procureur m'a demandé de rédiger un rapport portant
17 sur la population au Kosovo et c'est ce que j'ai fait. Je dois admettre que
18 je n'ai pas compris pourquoi il fallait rédiger un rapport spécial portant
19 là-dessus, étant donné qu'il y avait certains chiffres déjà publiés. Mais
20 par la suite, j'ai appris que ces chiffres faisaient l'objet d'un débat et
21 c'est pourquoi on m'a demandé d'examiner tous les documents qui étaient mis
22 à ma disposition et de tirer certaines conclusions sur la base de ces
23 documents, et c'est ce que j'ai fait.
24 Q. Vous avez parlé, dans votre premier rapport, mais de manière brève,
25 vous avez parlé d'immigration; et vous avez parlé d'immigration à cause de
26 la situation économique, puis à cause des violences, à cause des pressions
27 politiques, et puis à cause d'autres facteurs. Et vous avez parlé également
28 de situations survenues à cause d'un conflit armé et ainsi de suite. Vous
Page 6125
1 avez également parlé de la densité de la population.
2 Donc ma question est la suivante : peut-il y avoir eu une autre interaction
3 entre vous et le bureau du Procureur ? Est-ce que vous avez proposé
4 d'inclure de telles informations également dans votre rapport ?
5 R. Dans le cadre du mandat confié, j'avais la carte blanche d'écrire ce
6 que je voulais. Mais mon rapport n'est qu'une présentation descriptive des
7 faits qui avaient été produits, non pas par moi, mais par d'autres
8 institutions. Donc je n'ai pas essayé d'expliquer pourquoi il y avait
9 émigration et immigration. La seule fois où j'ai essayé d'apporter
10 certaines explications, c'était s'agissant des cas de naissances ou de
11 décès. Je crois que c'était à un moment donné où il y avait un déclin de
12 fertilité. Mais c'était juste un commentaire que j'ai fait en passant. Donc
13 je n'ai pas essayé d'examiner la cause de ce phénomène.
14 Q. Ma question suivante porte sur le terme de "transition démographique."
15 Son début, sa durée et sa fin. Vous en parlez. Expliquez à nous, laïques,
16 qu'est-ce que cela veut dire dans le cas du Kosovo.
17 R. La transition démographique est un terme très utilisé en démographie.
18 Ce terme porte sur la transition d'une société préindustrielle où il y a un
19 grand taux de naissances et de décès, une société moderne où le taux de
20 naissances et de décès n'est pas très élevé. Et ce qui se trouve entre les
21 deux est la transition. Tous les pays du monde ont connu cette transition.
22 Cela veut dire que la mortalité est en déclin.
23 Ce qui est intéressant c'est que s'agissant du Kosovo, le taux de
24 naissance est resté élevé pendant une longue période bien que le Kosovo ait
25 connu de grands développements économique et social après la Deuxième
26 Guerre mondiale.
27 Je pense que nous avons un graphique qui nous montre le taux de
28 naissance et de décès. Je pense que cela figure à la page 15 en anglais,
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15 versions anglaise et française
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1 image 3, qui montre le taux de fertilité total ou le nombre d'enfants par
2 femme en Serbie, le Kosovo exclu, puis uniquement au Kosovo.
3 S'agissant de la Serbie hormis le Kosovo, cela représentait deux
4 enfants par femme depuis la moitié des années 60, ce qui correspond au
5 niveau de l'Europe occidental, tandis qu'au Kosovo, c'était très élevé dans
6 les années 50, il s'agissait de sept à huit enfants. Puis nous avons
7 constaté un déclin, il ne s'agissait que de quatre à cinq enfants dans les
8 années 80, puis dans les années 90, cela ne représentait que trois à quatre
9 enfants. Je n'ai pas regardé quelle était la situation après 1990.
10 Puis 3,5 enfants est un chiffre très élevé par rapport au reste de la
11 Serbie et par rapport à d'autres pays européens. Donc il est évident que le
12 Kosovo a connu une transition démographique.
13 Q. Dans votre rapport, vous avez dit que cette transition touche à sa fin
14 au Kosovo et cela veut dire que la fertilité n'est plus au niveau qu'on a
15 connu au cours des décennies précédentes, mais qu'on arrive à un niveau
16 plus habituel, pour ainsi dire, plutôt européen.
17 Donc en rédigeant ce rapport, s'agissant des sources utilisées, vous avez
18 mentionné entre autres en tant que source le bureau fédéral des
19 statistiques, puis vous mentionnez vos confrères français, une équipe
20 d'anthropologues de Bordeaux; puis vous mentionnez également le secrétariat
21 fédéral de l'information, puis les chiffres avancés par le Haut-
22 commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; puis également, vous
23 mentionnez Islami. Même après avoir examiné les notes de bas de page, je
24 n'ai pas pu comprendre qui est cette personne.
25 R. Est-ce que vous me posez une question au sujet de M. Islami ?
26 Q. Oui.
27 R. Je ne sais pas qui est cette personne. Il s'appelle Huizi, il a publié
28 un ouvrage --
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1 L'INTERPRÈTE : La référence est faite en albanais, l'interprète n'a pas pu
2 la saisir.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] -- à Pristina en 1997. C'est tout ce que je
4 sais.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
6 Q. Mais est-ce que vous savez quelque chose d'autre à propos de cet homme,
7 autre ce rapport ? Est-ce que vous savez s'il a travaillé pour une
8 organisation au Kosovo, qu'il s'agisse du Haut-commissariat des réfugiés au
9 Kosovo ou quelqu'un d'autre ?
10 R. Non, je l'ignore. Je ne savais rien à son sujet. Cela n'a pas été
11 publié dans une revue scientifique. Vous savez, nous, les scientifiques,
12 nous préférons les publications faites dans les revues scientifiques. Mais
13 s'agissant d'autres publications, il n'y a rien qui nous garantit la
14 qualité du travail fourni. Cela vaut pour l'étude présentée par Islami et
15 également pour l'étude présentée par le secrétariat fédéral de
16 l'information. Il se peut qu'il y ait une autre raison, une autre
17 motivation cachée derrière ces rapports présentés.
18 Q. Vous conviendrez que la science est souvent utilisée à des fins
19 politiques; mais étant donné que nous sommes au Tribunal, ce qui nous
20 intéresse avant tout, ce sont vos connaissances scientifiques. Ma question
21 suivante, compte tenu de votre réponse que vous venez d'apporter, est la
22 suivante : dans le cadre de votre travail, après avoir examiné ces
23 informations, est-ce que vous avez contacté les experts émanant de ces
24 instituts, par exemple s'il s'agit de l'institut fédéral des statistiques,
25 est-ce que vous avez contacté vos collègues à Belgrade, ou bien s'agissant
26 du secrétariat fédéral de l'information, est-ce que vous avez contacté
27 quiconque émanant de ce secrétariat, ou bien est-ce que vous avez contacté
28 quelqu'un travaillant au Haut-commissariat des réfugiés de l'ONU ou vos
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1 collègues de Bordeaux pour tirer au clair certaines choses ou jeter la
2 lumière sur certaines ambiguïtés que vous avez rencontrées dans le cadre de
3 votre travail ?
4 R. J'ai pu avoir des contacts avec des démographes français une fois que
5 j'ai rédigé mon rapport, et avant d'ailleurs de présenter une forme
6 définitive de mon rapport; encore que je n'ai pas eu le temps de contacter
7 des confrères d'autres institutions, malheureusement. Vous-même vous avez
8 accusé le fait que la période de temps qui m'a été confiée ne m'a pas
9 permis de pouvoir avoir des contacts avec des confrères d'autres
10 institutions.
11 Q. Merci. Travaillant en qualité de scientifique que vous êtes, vous avez
12 dû tout de même adopter la méthodologie qui est la vôtre, laquelle nous
13 pouvons lire dans votre rapport d'expert, lorsque vous dites que dans le
14 domaine de l'ex-Yougoslavie la méthode adoptée en matière de démographie
15 est celle se basant sur la méthode de jure. Est-ce que vous pouvez dire
16 qu'en Europe à cette époque-là, c'était une méthode généralement adoptée ?
17 Vous parlez d'une recommandation de l'ONU, on traite de l'année 1958 pour
18 traiter de la méthode dite de fait. La méthode qui était adoptée dans le
19 domaine de l'ex-Yougoslavie, avez-vous dit, il s'agissait évidemment de
20 parler de la méthode de jure. Est-ce que c'était la méthode, d'après vous,
21 qui a été réellement importante et d'ailleurs qui faisait foi à cette
22 époque-là ?
23 R. Non, la méthode habituellement adoptée, utilisée, exploitée était la
24 méthode dite de fait, car excusez-moi, lorsque vous procédez à un
25 recensement, vous voulez savoir comment se présente la taille
26 démographique, le nombre de populace des nationaux à une période donnée. Le
27 jour du recensement, il s'agit de savoir qui sont les personnes qui ne sont
28 pas dans le pays, les gens qui sont partis du pays ne peuvent pas y être
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1 inclus. Les touristes, par exemple, sont inclus; si par exemple quelqu'un a
2 pu faire un déplacement. Mais il y a des pays où on ne traite que des gens
3 qui sont présents physiquement le jour du recensement. Quelquefois,
4 évidemment, on peut toujours proclamer un couvre-feu pour savoir où les
5 gens se trouvent, pour ne pas qu'il y ait de sortie du pays.
6 Le problème de la méthode adoptée et utilisée dans l'ex-Yougoslavie fait
7 que d'ordinaire cela faisait entrer également des gens qui ont quitté
8 temporairement la Yougoslavie pour travailler, trouver un emploi à
9 l'étranger et cela pour une période prolongée. Ces gens-là donc figurent
10 dans le recensement, ce qui évidemment manque de cohérence parce qu'il
11 s'agit de parler de gens qui résident dans deux Etats différents.
12 Q. Pour parler de cette période-là, par exemple pour parler de votre pays,
13 quelle serait la méthode adoptée et appliquée chez vous, en Norvège ?
14 R. Il s'agissait, pour parler d'un type, d'une forme de méthode de fait.
15 Il ne s'agit pas de parler de méthodes évidemment tout à fait fiables et
16 justes. Il y a des gens qui se font hospitaliser, par exemple, mais ces
17 gens-là sont tout de même couverts par le recensement. Depuis les années
18 '70, nous avons un registre central démographique qui sert de base pour
19 tout recensement.
20 Le tout dernier recensement mené chez nous a eu lieu en 2001. Ceci ne sera
21 pas le cas très prochainement, il y aura évidemment lieu de repérer toutes
22 les informations nécessaires dans les différents registres de
23 l'administration de l'Etat.
24 Q. Merci. Pour ce qui est des expériences que sont les vôtres pour suivre
25 les migrations, je parle évidemment de données auxquelles vous faites
26 référence et lesquelles données manquent dans le cas du Kosovo et vous
27 réfléchissez à cela, vous vous posez la question là-dessus ?
28 R. Une des façons dont il faut procéder consiste à recueillir des
Page 6131
1 informations, c'est-à-dire dans le cas de recensement on peut poser la
2 question à des gens s'ils se sont rendus à l'étranger pendant telle ou
3 telle période ou on peut peut-être poser la même question à des membres de
4 famille respective. Et vous posez d'autres questions concernant lesquelles
5 années il y avait lieu de parler de migration, et c'est ainsi qu'on pouvait
6 faire des conclusions pour ce qui est des migrations.
7 Ensuite on peut procéder comme l'ont fait d'ailleurs les Français lors des
8 recensements. Les questions sont plutôt les mêmes je dirais pour parler de
9 recherches dites de rétrospective.
10 Le mieux serait de savoir la date exacte où telle ou telle personne a
11 quitté le pays ou est rentrée dans le pays. De même en est-il pour parler
12 de méthode adoptée dans mon pays, encore que là on peut déceler pas mal de
13 lacunes.
14 Q. Vous avez parlé de méthode dans une situation valable pour la Serbie et
15 les deux provinces, vous avez dit que ceci ne servait pas de base de
16 données efficace non plus qu'utile, mais ce n'est pas la raison pour
17 laquelle on ne devrait pas peut-être procéder à une élaboration de la
18 situation. Parce que pour parler du Kosovo, il y a eu pas mal de gens, des
19 Albanais surtout qui ne se présentaient pas aux urnes, et s'agissait-il de
20 dire que c'était une mauvaise démarche pour pouvoir suivre en statistiques
21 l'évolution de la démographie, l'évolution de nationaux ? Est-ce que vous
22 pouvez peut-être ajouter quelque chose, un commentaire, pour expliquer
23 cela.
24 R. Je n'ai pas très bien saisi votre question, mais permettez-moi
25 d'essayer tout de même d'y répondre. Comme je viens de le dire, la
26 population albanaise a boycotté le recensement de la population en 1991,
27 mais cette population s'est déclarée lors des recensements préalables,
28 encore qu'il y ait eu des critiques au sujet du recensement de 1981, c'est-
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1 à-dire que ces gens-là n'ont pas été suffisamment représentés. Mais je ne
2 vois pas de preuve solide en faveur de telles assertions.
3 D'une manière générale, il est difficile de prendre la mesure de la
4 migration, qu'il s'agisse d'Albanais, de Serbes et d'autres nationaux. Si,
5 par exemple, vous ne disposez pas d'un système solide en matière de
6 recensement pour savoir à quelle date, à quel moment les gens s'en vont ou
7 rentrent dans le pays, évidemment ceci ne se passe pas sans difficultés. On
8 peut procéder à des interviews, par des méthodes directes on peut obtenir
9 des données concernant évidemment le vrai et le bon recensement de la
10 population.
11 Q. Ma question était la suivante, comment ce système fonctionnait-il
12 lorsqu'il s'agit de parler de migration dans l'Ex-Yougoslavie, notamment
13 dans Kosovo-Metohija lorsque vous deviez par exemple vous baser sur tels ou
14 tels textes légaux qui auraient pu être à votre disposition ? Est-ce que
15 vous avez d'ailleurs consulté de tels textes ?
16 R. Malheureusement, je ne connais pas les lois régissant ce domaine dans
17 l'Ex-Yougoslavie. Pour autant que je sache, il n'y a pas eu vraiment lieu
18 de parler d'un juste et bon enregistrement de la migration. Pourtant la
19 police, quant à elle, disposait de données concernant la population dans ce
20 domaine-là. Mais évidemment ces relevés n'ont pas été très concrets. Je
21 crois que le MUP, le ministère des Affaires intérieurs, disposait de
22 données de ce genre, de cette nature concernant les gens; mais je me
23 demande si ceci a été mis à jour et tenu à jour pour traiter évidemment des
24 naissances, des décès et de la migration. Je crois qu'on ne disposait pas
25 d'un bon système en matière de mise à jour de données relatives.
26 Q. Maintenant que nous sommes en train de parler de différentes analyses,
27 permettez-moi de revenir à un fragment où on parle d'estimation concernant
28 le taux d'accroissement. A la page 3 de l'addendum de votre rapport, je
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1 crois qu'il s'agit du dernier fragment, le dernier alinéa. Vous dites que
2 pour la période de 1981 à 1990, l'accroissement démographique du Kosovo
3 était de l'ordre de 433 000 personnes; alors que l'accroissement total
4 présentait 372 000. Je me suis occupé du chiffre, je fais un exercice
5 mathématique, ce qui ne me paraît pas tout à fait clair.
6 La différence qui présente 65 000 personnes, vous dites que cette
7 différence est due à des emménagements. C'est-à-dire, vous dites qu'il
8 s'agit de solde positif en matière de migration. Il y a plus d'emménagés
9 que de partis. Or, ce qui négativement se solde par la différence est dû au
10 fait que les gens sont partis. Il s'agit tout de même à mon sens d'une
11 erreur. Je me suis penché sur l'original en anglais, migration net pour le
12 Kosovo en cette période, et cetera. Je n'ai pas pu comprendre
13 mathématiquement parlant en quoi cela consiste.
14 R. Dans mon rapport, il est dit que pour la période de 1981 à 1990,
15 encore que moi je dis que ceci devait englober l'année 1991, d'après cette
16 même source, l'accroissement consistait en un chiffre de 433 000 personnes;
17 ce qui est la différence entre les personnes nées et les personnes
18 décédées. Mais dans d'autres sources, peut-on dire, la différence
19 consistait en un chiffre de 372 000. Je comprends ce que vous avez voulu
20 dire tout à l'heure. Il s'agit évidemment d'un chiffre inférieur.
21 Q. [aucune interprétation]
22 R. Merci de l'avoir corrigé et comblé cette lacune. On devrait tout de
23 même y lire migration net ou chiffre net. C'est-à-dire l'accroissement
24 était supérieur que ce qui était présenté comme un accroissement réel,
25 parce qu'il y a une différence, un décalage dû à des départs de personnes.
26 Q. Cela me paraît un peu plus clair maintenant.
27 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais tout de même
28 que cela soit pris en considération pour ce qui est des erreurs qui se sont
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1 glissées dans mon rapport, ce dont nous nous occupions au début de mon
2 témoignage. Page 3 de l'addendum, quatrième alinéa, l'avant-dernière ligne
3 :
4 "Pour parler de la croissance, du total là où on suppose qu'il y a eu
5 un accroissement total."
6 On devrait dire :
7 "D'une migration, c'est-à-dire pour traiter des personnes parties,
8 qui ont quitté le Kosovo."
9 Q. Je crois qu'il s'agit de la page 4 de votre rapport, problèmes en
10 matière d'estimation démographique. Le premier paragraphe permet de dire
11 que la méthode la plus usuelle consiste à procéder à un recensement des
12 foyers.
13 S'il vous plaît, vous avez parlé de données, lorsqu'il s'agit d'estimation
14 à faire et de projection, ce qui semble être très ingrat notamment
15 lorsqu'il s'agit de recherches dont vous vous occupez. Permettez-moi de
16 vous demander quels sont les paramètres de base que vous mettez en
17 pratique, que vous adoptez en tant que scientifique pour atteindre le
18 niveau de probabilité auquel vous faites référence dans votre rapport
19 d'expert; c'est-à-dire ces conclusions coïncident à peu près à des données
20 qui auraient été affichées si jamais un recensement aurait eu lieu. Quels
21 sont ces facteurs qui entrent en jeu ? Ensuite, je veux vous poser cette
22 question évidemment sur les faits tels que vous les avez obtenus lorsque
23 vous traitez des données qui sont les vôtres.
24 R. Excusez-moi, pouvez-vous peut-être reformuler votre question. Soyez un
25 peu plus concret, si possible.
26 Q. Vous ne disposez pas de données exactes concernant un recensement
27 effectué. Vous ne faites que des estimations, par exemple, pour dire
28 combien il devait y avoir lieu de voir de nationaux de tel ou tel groupe
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1 ethnique, par sexe, femmes, hommes, et cetera. Quels sont donc les éléments
2 de base que vous prenez en considération pour que votre estimation soit
3 aussi juste et exacte que possible ? Quelles sont les méthodes adoptées par
4 vous pour procéder à de telles projections ? Voyons ce dont se sont occupés
5 les experts français, qu'a fait le bureau fédéral des statistiques ? Qu'ont
6 fait les gens du secrétariat à l'information ? Comment a procédé l'autre
7 monsieur dont vous avez mentionné le nom, M. Islami ? Quels sont les
8 paramètres retenus pour que vous puissiez aboutir à telle ou telle
9 conclusion ? Voilà ma question en matière de méthodologie des estimations.
10 R. Je présume que vous êtes en train de parler du recensement de 1991 au
11 Kosovo, lequel recensement a été boycotté par les Albanais. Comme je vous
12 l'ai déjà dit, les paramètres retenus et utilisés par l'institut de la
13 statistique de Belgrade se basaient sur une estimation de la population
14 albanaise. On ne pouvait faire que des projections sur la base de
15 recensement de 1981 et sur la base des données concernant les naissances et
16 les décès valables pour la période de 1981 et 1991.
17 Si nous voulions par exemple établir le total des nationaux en 1988, avant
18 évidement l'éclatement des conflits, nous voyons que les démographes
19 français, quant à eux, disposaient d'une estimation démographique de la
20 population pour cette période-là. Mais eux ils se devaient également de
21 faire une estimation des migrations qui ont été effectuées jusqu'à ce
22 moment-là où on a dû procéder à une estimation.
23 En d'autres termes, vous devez pouvoir dire que les chiffres concernent la
24 démographie et la population à un moment donné, ensuite estimation
25 démographique lorsque par exemple il y a eu tel ou tel changement et
26 jusqu'au moment où des changements et des évolutions ont été effectuées. Si
27 vous n'avez pas compris cela, je vous en prie de procéder en posant des
28 questions.
Page 6136
1 Q. J'ai admirablement bien compris ce que vous venez de dire. Je voulais
2 tout simplement me référer à ce qui a été dit en réponse à un de mes
3 collègues, Tomislav Visnjic, dans le cadre de l'affaire Milutinovic. La
4 question posée par ce confrère lorsqu'on traitait des estimations, on
5 devait par exemple prendre comme élément de base l'année où des estimations
6 ont été faites. La seconde base de données concernait les naissances et les
7 décès. Et le troisième élément serait l'élément des migrations, des
8 émigrations et immigrations. Vous avez répondu de façon positive que les
9 migrations peuvent être positives ou négatives. Il peut y avoir des entrées
10 et des sorties, des immigrations et des émigrations, et vous avez parlé de
11 certains éléments de base qu'il faut prendre en considération pour aboutir
12 à une bonne estimation.
13 Une fois que de telles réponses ont été recueillies, il y a eu
14 d'autres questions qui vous avaient été posées dans d'autres sens. Moi, je
15 ne me propose pas de poser de telles questions dans d'autres sens, mais ma
16 question est la suivante : vous vous êtes basé sur telle ou telle donnée,
17 et vous dites le bureau fédéral de la statistique vous avait dit que ces
18 résultats frôlent le réel. Pour le secrétariat à l'information, vous dites
19 que ceci n'est pas tout à fait réel. Pour Islami, vous dites que c'est un
20 petit peu différent. De même dites-le pour ce qui est des estimations
21 faites par les démographes français.
22 Par exemple, pour l'UNHCR, vous avez dit que leurs estimations sont
23 très près du réel. Encore que la méthode utilisée par les gens de l'UNHCR
24 consistait en listes électorales qui n'ont pas été vraiment fiables, parce
25 qu'on ne pouvait pas savoir qui sont les personnes qui n'avaient pas l'âge
26 de 18 ans, donc n'avaient pas le droit de voter.
27 Ma question est la suivante : est-ce que vous avez procédé à un
28 examen des méthodes exploitées concrètement par chacune des institutions
Page 6137
1 que j'ai énumérées tout à l'heure, ou avez-vous pu dire que par exemple
2 leurs conclusions devaient se baser sur d'autres éléments ou facteurs, par
3 exemple quelque peu forfaitaires ou gratuits ?
4 R. Merci de cette question. Bien sûr que je me suis occupé de la
5 méthodologie retenue par chacun de ces organismes. Je ne pense pas pour
6 autant que l'UNHCR, lorsqu'il traite de 2,2 millions d'habitants en 1998,
7 devait se baser sur les listes électorales. Je suis d'accord avec vous pour
8 dire que pour traiter des listes électorales, ceci ne pouvait pas être une
9 source fiable de données lorsqu'il s'agit de taille de la population. Parce
10 que tous ceux dont l'âge est inférieur de 18 ans n'y sont pas, ou peut-être
11 que les gens qui ne se sont pas présentés aux urnes. Donc ce n'est que
12 d'une façon indirecte que l'on peut utiliser évidemment ces listes
13 électorales.
14 Q. Lorsqu'il s'agit de ces évolutions qui présentent des changements en
15 matière démographique, nous avons pu voir comment depuis les années 1960 la
16 population albanaise a connu des accroissements, pendant que d'autres
17 populations présentaient des stagnations, les Serbes étaient en
18 décroissance.
19 Vous dites que plus importante est la fertilité parmi les femmes
20 albanaises que ailleurs, étant donné les totaux, nous comprenons fort bien,
21 ça nous semble logique. Mais lorsque vous parlez d'un total négatif pour
22 parler des Serbes, je n'entre pas dans les détails pour dire quelle en est
23 la cause.
24 Je voulais dire tout simplement et je vous pose la question, est-ce
25 que vous n'avez peut-être pas disposé de données fiables pour traiter de
26 sources, de documents, de littérature différente ou peut-être vous êtes-
27 vous servi d'autres données ? Il n'y a pas une seule ligne pour traiter des
28 évolutions négatives en matière de la population serbe au Kosovo-Metohija.
Page 6138
1 R. Il y a deux raisons pour lesquelles je n'ai pas fait référence à
2 ces différentes causes. D'abord, on ne me l'avait pas demandé; seconda,
3 ceci aurait nécessité une ample et plus importante connaissance de
4 l'histoire, de la situation économique, de la situation sociale qui
5 prévalait dans le Kosovo. De même, fallait-il prendre en considération
6 divers problèmes politiques que j'ignorais.
7 On m'avait demandé tout simplement de faire une étude des données
8 démographiques et non pas d'offrir des explications.
9 Q. Je vais vous poser une autre question : pour parler évidemment des gens
10 qui sont venus de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, également de la Serbie et
11 du sud, chose qui ne s'était pas produite pour ainsi dire, vous dites qu'il
12 s'agissait des gens qui étaient de nationalité serbe. Pour parler de gens
13 qui sont venus d'Albanie, vous ne parlez pas de leur appartenance ethnique.
14 Est-ce que cela serait considéré comme une lacune de votre part ? Peut-être
15 que vous ne disposiez pas de suffisamment de documents pour traiter des
16 gens qui étaient venus dans le Kosovo ? Peut-être vous ne connaissiez pas
17 de quoi il s'agissait à cette époque-là, lorsque nous parlons, par exemple,
18 de migration, cette fois-ci, des migrations. C'est mon confrère Lukic qui
19 vous avait posé une question de ce genre-là dans le cadre de l'affaire
20 Milutinovic et consorts.
21 R. Je vous prie de me dire à quoi vous faites référence très exactement où
22 j'en ai traité, moi, dans mon rapport d'expert lorsque j'ai traité de ces
23 différents flux migratoires ?
24 Q. Une seconde. Je sais qu'en ce moment-là vous avez été utile à mon
25 confrère. Vous avez dit où cela figurait dans votre rapport. Voilà. Par
26 exemple, immigration des Serbes de Bosnie-Herzégovine pendant la guerre,
27 les Croates et les Bosniens, quant à eux, étaient des personnes déplacées.
28 Je vois très exactement que vous faites référence à une immigration. Page
Page 6139
1 7, premier alinéa.
2 R. Dans ce paragraphe, je fais référence à différents flux migratoires
3 connus en littérature, mais je ne disposais pas de chiffres, de données
4 exactes ou concrètes pour la majeure partie de ces flux migratoires. On
5 parle, par exemple, de l'immigration des Serbes et des Albanais -- de
6 l'émigration de ces gens-là, pour des raisons économiques. Ensuite, on
7 parle d'immigration des gens qui sont venus de Bosnie-Herzégovine et de
8 Croatie, immigration de Serbes; ensuite, on parle d'immigration d'Albanais
9 depuis l'Albanie, et cetera.
10 Mais en quoi consistait votre question ? Pourquoi je n'ai pas fait
11 référence à la nature ethnique, au groupe ethnique pour parler des Albanais
12 d'Albanie ?
13 Q. Non, non, non, vous avez fait mention d'Albanais d'Albanie, mais vous
14 n'avez pas dit d'où ils étaient venus. Vous avez dit plus tard que vous ne
15 disposiez pas de données exactes pour savoir le total de ces personnes-là.
16 Vous avez dit qu'il s'agissait de parler de la guerre de 1992 à 1995,
17 pendant laquelle période des Serbes ont immigré au Kosovo. Dans l'affaire
18 Milutinovic, vous avez répondu comme cela. Pour répondre à la question de
19 mon confrère Lukic, vous avez dit l'immigration des Serbes de Bosnie-
20 Herzégovine au Kosovo, il s'agissait de parler de Serbes de Bosnie et de
21 Croates. Il s'agit d'ailleurs de personnes déplacées. Et je vois que vous
22 faites référence très exactement à cela.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic, vous y allez
24 beaucoup trop vite pour donner lecture de ce texte.
25 M. DJORDJEVIC : [aucune interprétation]
26 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas
27 interrompre, mais puis-je dire à l'adresse de mon confrère, toutes les fois
28 où il fera référence à d'autres témoignages de nous donner des références
Page 6140
1 exactes, et je le remercie. Merci, Monsieur le Président.
2 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
3 Q. Pour abréger les choses, voici ma question : est-ce que vous vous
4 souvenez avoir parlé de cela ? C'est vers la fin de votre déposition dans
5 l'affaire Milutinovic.
6 R. Vaguement. Je suis au courant de certains des conflits en Bosnie-
7 Herzégovine, et en Croatie et dans la Krajina, de même que le flux de
8 réfugiés, et j'ai lu que certains d'entre eux sont allés au Kosovo. C'était
9 juste un exemple des flux de migration vers le Kosovo et à l'extérieur du
10 Kosovo. Il n'y a pas eu d'analyses du nombre ou de l'appartenance ethnique
11 de ces personnes.
12 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le moment est quand
13 même opportun pour faire la pause pour que je puisse trouver la référence,
14 et ensuite je vais continuer le contre-interrogatoire, compte tenu du fait
15 que nous travaillons depuis une heure et demie déjà.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une
17 pause maintenant, et nous allons reprendre notre travail à 11 heures.
18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
19 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djordjevic.
21 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Au paragraphe 28 de votre rapport d'expert, il est question des
23 estimations des Albanais du Kosovo à l'étranger, et c'est là que vous
24 faites référence aux estimations de M. Malcolm, et aussi celles de M.
25 Islami, qui sont dans une gamme entre 300 et 500 000. Que pouvez-vous nous
26 dire au sujet de la fiabilité de ces données ?
27 R. Excusez-moi, quelle page ?
28 Q. Page 5 en B/C/S. En anglais, je suppose que c'est la même page. Dernier
Page 6141
1 paragraphe. Il s'agit du chapitre intitulé "Problèmes liés à l'estimation
2 de la population," donc c'est la page suivante. Ça commence avec la phrase
3 suivante :
4 "Les estimations du FSO selon lesquelles il existe 28 000 à 91 000
5 personnes qui sont temporairement absentes puisqu'ils travaillent à
6 l'étranger." Ensuite Malcolm 368 et Islami, 500 000.
7 R. Et quelle est votre question ?
8 Q. La fiabilité de ces estimations comme nous pouvons voir qu'il y a une
9 gamme entre 28 000 et un demi million d'Albanais qui travaillent à
10 l'étranger temporairement. Grecic est mentionné ici aussi.
11 R. J'ai mentionné déjà, j'ai dit que les estimés cités par M. Grecic et
12 Malcolm incluent de nombreux Albanais qui sont partis. Donc ça veut dire
13 qu'ils ne doivent pas faire partie des estimations du FSO portant sur les
14 travailleurs temporairement absents puisqu'ils travaillent à l'étranger,
15 s'ils avaient quitté le Kosovo et la Serbie et s'ils vivent à l'étranger.
16 C'est la raison pour laquelle les chiffres diffèrent à ce point-là. Je n'ai
17 pas inclus certaines de ces données. Puis s'agissant d'un certain nombre de
18 personnes, nous ne connaissons pas leurs intentions, mais peut-être ils
19 vivent à l'étranger depuis longtemps.
20 Q. Vous avez mentionné Malcolm. Je souhaite que vous nous disiez si vous
21 savez quelles étaient les sources qu'il avait utilisées lorsqu'il a dit
22 qu'en 1993, par exemple, 368 000 Albanais du Kosovo vivaient dans les pays
23 de l'Europe occidentale ?
24 R. Afin de pouvoir répondre à cette question, je dois consulter le livre
25 de M. Malcolm, que je n'ai pas ici.
26 Q. En ce qui concerne ces données, est-ce que vous avez une estimation de
27 votre part concernant les données qui risquent d'être les plus proches de
28 la situation réelle ou pas ?
Page 6142
1 R. Non, ceci ne faisait pas partie de mon mandat. Bien sûr, si on me
2 l'avait demandé, j'aurais pu me pencher sur les recensements des pays
3 différents et voir s'ils avaient une répartition suivant l'appartenance
4 ethnique, la citoyenneté, le pays de naissance ou d'origine pour voir la
5 population, par exemple, albanaise dans les pays tels que le mien, la
6 Norvège.
7 Mais même s'agissant de mon pays, ce serait difficile car le pays d'origine
8 aurait été soit la RSFY et par la suite la Yougoslavie et par la suite la
9 Serbie; car comme vous le savez, le Kosovo a déclaré son indépendance
10 seulement récemment, bien après les événements et bien après la période
11 concernée.
12 Q. Peut-on dire que ces estimations sont tout à fait arbitraires, les
13 estimations que vous avez mentionnées lorsque vous avez mentionné tous ces
14 auteurs.
15 R. Est-ce que vous parlez du nombre d'Albanais à l'étranger ?
16 Q. Exactement.
17 R. Dans ce cas-là, il faudrait encore une fois que je vérifie les sources
18 de M. Malcolm et M. Grecic qui cite un chiffre encore plus élevé, 500 000
19 Albanais à travers l'ex-Yougoslavie qui vivent à l'étranger. Quant à la
20 question de savoir si ceci n'est pas incohérent ou irréaliste, je ne
21 saurais vous le dire.
22 Mais au moins M. Malcolm est un auteur de renommée. Je ne sais pas pour ce
23 qui est de M. Grecic. Je pense qu'il y avait aussi des débats autours du
24 chiffre avancé par M. Malcolm. J'ai vu des références à cela, mais je ne
25 suis pas entré dans les détails.
26 Q. Compte tenu du fait que M. Grecic faisait une estimation du nombre
27 total des Albanais vivant à travers le monde, alors que M. Malcolm s'était
28 limité aux Albanais vivant en Europe occidentale si j'ai bien compris.
Page 6143
1 R. Vous avez raison. Si je relis ce paragraphe, il y est écrit que M.
2 Grecic parle des Albanais qui viennent de toutes les parties de la
3 Yougoslavie et qui vivaient à l'étranger, alors que M. Malcolm parle
4 seulement de ceux qui vivaient en Europe occidentale. Donc ça veut dire que
5 les chiffres sont cohérents. Et bien sûr, de nombreux Albanais qui vivent
6 dans des pays à l'extérieur de l'Europe occidentale, par exemple, les
7 Etats-Unis ou le Canada.
8 Q. Merci. Le paragraphe suivant est à la page suivante et commence avec
9 l'"estimation de la population," c'est le premier paragraphe, et vous dites
10 il est possible d'utiliser plusieurs méthodes et le plus simple, c'est de
11 se fonder sur le taux de croissance de la population. Vous nous avez déjà
12 parlé de cela. Ici vous dites qu'avec cette méthode on ne tient pas compte
13 de la dynamique de la structure d'âge. Tout d'abord, expliquez-nous ce que
14 ça veut dire la dynamique de la structure d'âge ?
15 R. La dynamique de la structure d'âge fait référence au changement de la
16 population s'agissant de chaque groupe d'âge. Comme vous le savez
17 s'agissant des naissances, les naissances sont données seulement par des
18 femmes de 15 à 50 ans. La plupart des gens plus âgés ne procèdent pas
19 beaucoup à une migration, donc ça dépend. Le nombre de naissances et le
20 taux de croissance dépendent de la composition de la population, la
21 structure de l'âge d'une population.
22 Si dans vos calculs vous extrapolez le taux de croissance, vous ne prenez
23 pas cela en considération. Donc peut-être c'est parce qu'il y aura une
24 diminution de la population prochainement, car maintenant elle est en train
25 de croître, ou parce que le taux de fertilité est bas ou parce qu'il y a de
26 nombreuses personnes âgées. Donc c'est la raison. C'est une méthode
27 meilleure que celles qui se fondent seulement sur le fait d'extrapoler les
28 taux de croissance.
Page 6144
1 Q. Mais de toute façon, la structure de l'âge, ou plutôt sa dynamique,
2 tout comme le taux de croissance, sont les éléments de cette méthode. Puis
3 vous avez parlé du taux de la naissance ou de décès. Donc tout ça, c'est
4 tout à fait clair. Mais après, vous avez parlé des méthodes visant à
5 déterminer le taux de croissance naturel. Est-ce que c'est la même chose
6 que le taux de croissance de la population ?
7 R. Non. Car le taux de croissance naturel est la proportion entre le taux
8 de naissance et de décès, alors que la croissance de la population tient
9 compte aussi des flux migratoires.
10 Q. Dites-moi, la méthode de la croissance naturelle, est-ce qu'elle est en
11 contradiction avec cette méthode du taux de croissance de la population ?
12 Quelle est la situation en matière de cela ? Car moi je ne suis pas un
13 spécialiste, donc permettez-moi et tous les autres qui ne sont pas
14 spécialistes en matière de la démographie de mieux comprendre.
15 R. Si vous prenez le nombre de naissances par an et si vous divisez cela
16 par la population moyenne, vous allez obtenir le taux de naissance. Vous
17 faites la même chose s'agissant du taux de décès : vous divisez le nombre
18 de décès par la population moyenne; vous allez soustraire ces deux chiffres
19 et ainsi, vous allez obtenir le taux de croissance naturelle. Vous pouvez
20 multiplier cela par 100 pour obtenir le pourcentage du taux de croissance
21 naturelle. Encore une fois, les flux migratoires ne sont pas pris en
22 considération.
23 Q. Merci de cette explication détaillée. La dynamique de la structure de
24 l'âge et la méthode de composante de la cohorte, est-ce que vous pouvez
25 nous expliquer les corrélations ?
26 R. C'est la méthode de composante de la cohorte qui est utilisée
27 aujourd'hui en projetant chaque groupe d'âge de la population. Donc vous
28 pouvez commencer une année et puis vous multipliez le taux de survie de ce
Page 6145
1 groupe. Ensuite, vous allez obtenir la population portant sur une période
2 d'un an ou de cinq ans plus tard et la proportion de la population qui a
3 survécue.
4 Ensuite vous multipliez le nombre de femmes dans chaque groupe d'âge, 15 à
5 19, par exemple, avec le taux de naissance pour le groupe d'âge
6 correspondant, et ça vous donne la population à un moment donné à l'avenir.
7 Mais encore une fois, les flux migratoires ne sont pas pris en
8 considération. S'il n'y a pas de migration, le chiffre est correct, mais
9 s'il y a des flux migratoires, il faut faire une estimation.
10 Nous avons déjà parlé du fait que les données portant sur la migration sont
11 bien plus défaillantes que les données portant sur la naissance et les
12 décès.
13 Q. Dites-moi, lorsque vous avez travaillé dans le cadre de ce rapport,
14 est-ce que vous avez utilisé les données émanant des bureaux de statistique
15 de la province de Pristina au sujet des données démographiques ou pas ?
16 R. Je pense que je n'ai pas utilisé beaucoup de données émanant de
17 Pristina ou au moins, ceci n'a pas été utilisé s'agissant du nouveau
18 bureau, car à cette époque avant 1999, il n'avait pas encore été établi.
19 Mais il y avait un bureau de la province qui était en recueil des données
20 s'agissant du recensement, et je suppose qu'ils étaient aussi en charge
21 d'enregistrement des naissances et des morts, ce qui appelé le système
22 statistique vital.
23 Mais toutes les sources sont indiquées comme venant de Belgrade. Donc ils
24 donnaient toutes les sources à Belgrade, ils transféraient les données à
25 Belgrade, au bureau statistique fédéral, qui vérifiait les données, je
26 suppose, et créait les tableaux, les statistiques et les livres.
27 Q. Docteur, est-ce que vous savez qu'à la fin des années 1950 et début
28 1960, les rapports détaillés du bureau de la province ne finissaient pas à
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1 Belgrade, mais restaient à Pristina en réalité ? Est-ce que vous êtes au
2 courant de cette donnée ? Donc, Belgrade n'avait pas de rapports détaillés,
3 il n'y avait pas de rapports centralisés s'agissant des détails du
4 recensement dans la municipalité, mais le tout se terminait au niveau du
5 bureau de la statistique de la province.
6 R. D'après les données que j'ai reçues de Belgrade, ils avaient les
7 données pour le Kosovo-Metohija, donc ils ont certainement reçu les données
8 d'une certaine manière de Pristina.
9 Q. Ils ont les données les plus importantes statistiques, cependant les
10 statistiques détaillées sont dans le bureau provincial. Donc ces documents
11 n'ont pas été utilisés dans le cadre de votre travail, c'est ce que je
12 souhaitais vous demander.
13 Voici ma question suivante.
14 R. Puis-je faire un commentaire ?
15 Q. Oui.
16 R. Ceci était le cas dans toutes les républiques. Je suis au courant des
17 résultats du recensement en Bosnie-Herzégovine, et ils ont recueilli les
18 données et traité les données à Sarajevo; ensuite ceci a été transféré, je
19 crois, les tableaux ont été transférés à Belgrade, non pas les micros
20 données, les données de base contenues dans les formulaires du recensement.
21 Et apparemment, le même procédé a été appliqué s'agissant du Kosovo, à
22 Pristina.
23 Q. Je suppose que vous serez d'accord avec moi pour dire que le
24 recensement avait été fait par les autorités de la province et non pas par
25 les autorités fédérales compte tenu du fait que chaque république de l'Ex-
26 Yougoslavie et chaque province en Serbie avaient ses propres organes qui
27 mettaient en œuvre le recensement. Peut-on être d'accord là-dessus pour
28 dire que le gouvernement fédéral ne faisait que développer les formulaires
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1 qui devaient être utilisés dans le cadre du recensement ?
2 R. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral a fait plus que cela. Ils
3 avaient conçu le formulaire et ils ont donné les lignes directrices à
4 chaque république. Ils ont introduit également une loi et donc, il y avait
5 une certaine surveillance du recensement dans chaque république. Quant à la
6 question de savoir à quel point la coopération était étroite, je ne sais
7 pas, mais je sais qu'il y avait une espèce de comité central et un
8 questionnaire qui était pratiquement identique dans chaque république.
9 Q. Merci. Le paragraphe ou plutôt d'autres estimations de la population au
10 cours des années 1990, paragraphe 2, en B/C/S c'est la page 11; en anglais,
11 je ne suis pas tout à fait sûr, mais il s'agit du point 7, donc d'autres
12 estimations de la population au cours des années 1990. Et là, il est écrit
13 que la population albanaise s'est élevée en 1995 à 1,96 millions.
14 L'avez-vous trouvé ? C'est le point 7; je pense que c'est la page 11 ou
15 peut-être 12; deuxième paragraphe.
16 R. Oui, il s'agit du tableau 4.
17 Q. C'est exact. Et d'après le chiffre contenu dans la première colonne,
18 chiffre d'Islami et repris par Grecic portant sur 1995, la population
19 albanaise en 1995 s'élevait à 1,96 millions, ce qui est 89,1 % de la
20 population totale. Il paraît que ce chiffre n'est pas réel. On ne peut pas
21 comprendre comment il se fait qu'entre 1991 et 1995, la population
22 albanaise a pu croître à un taux aussi élevé. Autrement dit, de 5,1 % par
23 an. Il s'agit d'un taux de croissance bien plus élevé que s'agissant de
24 n'importe quelle autre période. Et ensuite, vous faites référence au
25 tableau 3. Est-ce que vous pouvez nous dire sur quoi vous fondez vos
26 conclusions lorsque vous dites que la population albanaise ne pouvait pas
27 avoir ce taux de croissance au cours de cette période ?
28 Et lorsque vous dites qu'ils n'auraient pas pu croître aussi rapidement
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1 avec un taux de 5,1 % par an, est-ce que vous faites référence à la
2 croissance naturelle, au taux de mortalité, aux flux migratoire, à tout, à
3 quelque chose de spécifique ? Est-ce que vous pouvez nous le dire, vous
4 vous fondez sur quoi ?
5 R. Ceci fait référence à la croissance de la population totale. Et j'ai
6 simplement comparé les chiffres utilisés par M. Islami et les autres
7 chiffres. Et le taux de croissance de 5,1 % de la population par an, il
8 n'est pas possible sans migration. Vous pouvez à peine aboutir à 3,3 ou 3
9 et demi dans des circonstances spéciales. Donc ces chiffres, s'ils sont
10 exacts, la raison en est certainement une forte immigration.
11 Q. Merci. C'est beaucoup plus clair maintenant. Page 12. Encore une fois,
12 il s'agit de la version en B/C/S. Paragraphe 4. Vous mentionnez le fait que
13 d'après Mme Blayo, si j'ai bien compris, elle était à la tête des
14 démographes de Bordeaux, d'après celle au Kosovo en 1998 il y avait
15 2 290 000 personnes -- enfin, il y aurait eu un tel nombre s'il n'y avait
16 pas eu de migration, et d'après ses estimations, alors que vous considérez
17 ces estimations-là comme les plus sérieuses et fiables par rapport à toutes
18 les autres. C'est ce que vous dites dans le dernier paragraphe, estimations
19 fondées sur les résultats de l'enquête menée après l'intervention de l'OTAN
20 au Kosovo. Entre 2 044 000 et 2 131 000 d'habitants y vivaient, vous dites
21 que Mme Blayo et ses collaborateurs estiment qu'au cours de la période
22 entre 1991 et 1998 entre 180 000 et 267 000 personnes ont quitté le Kosovo.
23 Mais vous ne comprenez pas comment le taux d'émigration estimé pouvait être
24 plus élevé de 21 000 par rapport au chiffre total de la population avec ou
25 sans migration. La différence entre 159 000 et 246 000 personnes.
26 Veuillez m'expliquer cela. Je ne comprends pas tout à fait ce que vous ne
27 comprenez pas. Expliquez-nous ce que vous ne comprenez pas pour que nous
28 puissions vous suivre.
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1 R. Oui, il y a une incohérence dans les données, et je n'ai pas très bien
2 compris moi-même. Je me souviens avoir écrit à Mme Blayo et je me souviens
3 que je lui ai posé la question; je ne me souviens pas de la réponse; je
4 l'ai dans mon sac, je peux la consulter. Les dates sont très importantes
5 ici. Le 1er octobre 1998, l'enquête a été menée en septembre 1998, et peut-
6 être au préalable ceci faisait référence au 31 octobre, ils parlent d'une
7 période de 12 mois, et ensuite de 13 mois, tout ceci prête à la confusion.
8 Mais de toute façon, je ne pense pas que le chiffre de 21 000 est tellement
9 important compte tenu de toute l'incertitude qui existe autour de cela.
10 Q. Je continue à ne pas bien comprendre tout ceci, malgré votre réponse,
11 mais je vous remercie. Je ne vais plus insister, puisque vous nous dites
12 que ce n'est pas si important que cela.
13 Ce qui m'intéresse maintenant, dans le cadre de la littérature que vous
14 avez utilisée, avez-vous utilisé la source du Bureau fédéral de la
15 statistique du centre de recherche démographique et de l'Institut des
16 sciences sociales intitulé la population et les foyers de la République
17 fédérale de Yougoslavie d'après le recensement de 1991 qui a été publié à
18 Belgrade en 1995 ? Est-ce que vous avez utilisé cela comme source ?
19 R. Ça fait partie de mes références ?
20 Q. A vrai dire, je n'ai pas remarqué cela dans la liste de vos références,
21 mais il s'agit là d'une publication que j'ai examiné moi-même puisque ceci
22 porte sur une partie de la période critique qui faisait l'objet de votre
23 recherche; la population et les foyers de la République fédérale de la
24 Yougoslavie d'après le recensement de 1991 et ceci a été publié à Belgrade
25 en 1995.
26 R. Apparemment, je n'étais pas au courant de cette publication, mais
27 d'autres publications émanant de la même période ont peut-être intégré
28 cette information, émanant de ce même institut des publications de ce même
Page 6151
1 institut, de 1997, 1998 -- pardon, 1997, le registre de la statistique
2 annuelle. Je suppose que les informations auxquelles vous faites référence
3 ont été intégrées dans les publications statistiques de ces instituts.
4 Q. Merci. Je vais poser maintenant la dernière question dans le cadre du
5 contre-interrogatoire. Votre conclusion est que s'agissant des estimations
6 relatives à la population albanaise au Kosovo en 1998, l'ordre est
7 probablement de 83,6 %, ce qui a été fourni par le haut-commissariat pour
8 les réfugiés de l'ONU, à savoir presque 84 %. Vous dites que c'est
9 certainement inférieur au chiffre 89,1 % fourni par Islami pour 1995, et
10 supérieur par rapport aux estimations du secrétariat fédéral de
11 l'information, qui l'estimait à 66,5 %. Vous dites que s'agissant des
12 Serbes, il y avait à l'époque jusqu'à 10 % maximum, ou plutôt 7 %. Même si
13 l'on dit qu'il y en avait 13 %, ce qui n'est pas vrai, et si l'on utilise
14 l'information probablement la moins probable que d'après le secrétariat
15 fédéral de l'information, il y avait 66 % d'Albanais, qu'est-ce qui devait
16 se passer en terme de chiffres pour qu'on dise qu'il y ait eu un changement
17 de la structure ethnique au Kosovo ?
18 Si l'on dit qu'il y avait 66,5 % d'Albanais, que devait-il se passer
19 et comment cela devait se refléter en chiffres pour qu'on puisse parler
20 d'un changement de la structure ethnique ? Pourriez-vous nous le dire ?
21 R. Monsieur, j'ai déjà dit que cette estimation n'était pas très fiable.
22 Tout d'abord parce qu'elle était bien différente par rapport à d'autres
23 résultats, et compte tenu des sources de ces informations et les méthodes
24 utilisées, elles n'étaient pas du tout énumérées. Je considère que cette
25 estimation n'est pas du tout réaliste.
26 Mais si j'essaie de répondre à votre question, tout ce que je peux dire
27 c'est que la seule cause aurait pu être les flux migratoires très
28 importants. C'est la seule chose qui aurait pu être la cause d'un tel
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1 changement et présenter une telle différence entre le nombre d'Albanais et
2 de Serbes. Nous savons que les Albanais avaient un taux de naissances
3 supérieur, mais cela ne pouvait pas avoir une incidence importante en ces
4 quelques années. Ce ne sont que les flux migratoires qui auraient pu être à
5 l'origine. Comme je vous l'ai déjà dit, je ne me fie pas beaucoup à ce
6 chiffre.
7 Q. Moi non plus. Merci.
8 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Ainsi se termine mon contre-interrogatoire
9 de ce témoin. Merci, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djordjevic.
11 Madame Kravetz, est-ce que vous avez des questions supplémentaires ?
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Brièvement, Monsieur le Président.
13 Nouvel interrogatoire par Mme Kravetz :
14 Q. [interprétation] Pour revenir à votre dernière réponse, je souhaiterais
15 vérifier quelque chose. Mon confrère vous a demandé au sujet de vos
16 conclusions basées sur ces estimations, et vous dites que cette estimation
17 n'était pas très fiable, d'abord parce qu'elle différait par rapport à
18 d'autres estimations, et parce que les sources de ces informations
19 n'étaient pas précisées. Pourriez-vous préciser quelles sont ces
20 estimations pour lesquelles vous dites qu'elles n'étaient pas très fiables
21 ?
22 R. Excusez-moi si je n'étais pas suffisamment clair. Je parlais des
23 estimations émanant du secrétariat de l'information. Je pensais qu'on
24 parlait de ces estimations-là. Pour être absolument clair --
25 Le secrétariat fédéral de l'information, 1 378 et quelques pour la
26 population en 1998. La composition ethnique d'après ce chiffre était -- je
27 n'arrive pas à retrouver la référence. Excusez-moi, peut-être que vous
28 pourriez m'aider. Quelle est la page en question ?
Page 6153
1 Q. Je pense que vous parlez du résumé de vos conclusions présentées dans
2 votre rapport, ou bien vous êtes en train de chercher quelque chose d'autre
3 ?
4 R. Je cherchais le tableau, mais de toute façon, c'était le chiffre auquel
5 je me suis référé. J'ai dit que les informations indiquent que les Albanais
6 en 1998 représentaient 83 %, alors qu'ici on présente un chiffre de 66 %
7 pour les Albanais, ce qui n'est pas réaliste, et je considère que ce
8 chiffre-là n'est pas fiable.
9 Q. Est-ce que vous parlez de la figure 4 de votre rapport, ou bien d'un
10 autre tableau ?
11 R. Oui, c'est exact. Il y a encore un tableau où vous pouvez trouver tous
12 ces chiffres.
13 Q. J'aimerais revenir maintenant à une autre réponse que vous avez
14 apportée à la question posée par mon confrère - cela figure à la page 30 du
15 compte rendu d'audience d'aujourd'hui. Vous parlez à ce moment-là du
16 recensement de 1991, et vous vous référez également à l'enquête menée par
17 les démographes français.
18 J'aimerais préciser votre réponse s'agissant de l'enquête menée par les
19 démographes français. Vous avez dit :
20 "…s'agissant d'autres sources, nous souhaitions savoir quelle était la
21 situation s'agissant de la population en 1998 avant le début du conflit,
22 les démographes français ont présenté une estimation de la population, et
23 ils souhaitent également établir quel était le flux de migration s'agissant
24 de la période précédente."
25 Cela figure aux lignes 9 à 14 de la page 31 du compte rendu d'audience.
26 Pourriez-vous nous expliquer quelles sont les estimations que les
27 démographes français avaient à leur disposition et auxquelles vous vous
28 référez dans votre réponse ?
Page 6154
1 R. Il s'agit des estimations présentées par le Haut-commissariat pour les
2 réfugiés des Nations Unies en date du 31 mars 1998, si je ne m'abuse.
3 Q. Est-ce que ce sont les mêmes estimations du Haut-commissariat pour les
4 réfugiés auxquelles vous vous êtes référé tout à l'heure lors de votre
5 déposition ?
6 R. Oui. Ce sont les mêmes.
7 Q. Si je vous ai bien compris, les démographes français se sont fiés aux
8 chiffres présentés par le haut-commissariat pour les réfugiés et ils ont
9 mené une enquête pour estimer quel était le flux d'émigration et
10 d'immigration pour la période --
11 R. C'est exact.
12 Q. Corrigez-moi si je ne vous ai pas bien compris ?
13 R. Ils ont également tenu compte des estimations pour le mois d'août 1999,
14 ils ont compté quel était le nombre d'habitants dans chaque village, et ça
15 c'est une deuxième estimation. Ils ont évalué quelle était la situation
16 après le conflit après le flux migratoire. C'était la situation telle
17 qu'elle a été immédiatement avant qu'ils commencent à interviewer les gens
18 en novembre 1999; je pense que ceci ferait plus précis, on parle de 1.56
19 millions.
20 Q. Ce sont les deux estimations présentées par le haut-commissariat et les
21 démographes français sur lesquels on se réfère s'agissant de la période à
22 partir de 1999 ?
23 R. Oui, c'est exact. Excusez-moi si j'ai semé la confusion.
24 Q. [aucune interprétation]
25 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, je n'ai plus de question.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.
27 Merci beaucoup, Monsieur, d'être venu, ainsi se termine votre
28 interrogatoire. D'abord, merci beaucoup d'avoir apporté votre aide et de
Page 6155
1 vous être déplacé à La Haye. Vous pouvez maintenant disposer. Merci.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
3 [Le témoin se retire]
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Avant de faire entrer le témoin suivant, je
6 souhaiterais répondre à la question posée par mon confrère au début de
7 l'audience d'aujourd'hui.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation] J'ai examiné la déclaration de 2008 faite
10 par M. Krasniqi, en particulier le paragraphe 6 et le paragraphe 7, nous
11 n'avons plus d'objection au sujet du versement au dossier de cette
12 déclaration qui avait été enregistrée aux fins d'identification en tant que
13 D226, c'est la déclaration du 1er août qui porte la référence ERN K013-6454
14 et K013-6459.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous avez le numéro de la
16 deuxième de ces déclarations, elle est enregistrée en tant que D --
17 Mme KRAVETZ : [interprétation] 225.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- 225 et 26.
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je pense que 226 est celle à laquelle se
20 réfère le témoin dans sa déclaration; 225 n'est pas celle à laquelle se
21 réfère le témoin dans sa déclaration.
22 Nous retirons notre objection s'agissant de celle qui n'est pas mentionnée
23 dans la déclaration et nous maintenons notre objection s'agissant de D225.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous maintenez votre objection
25 s'agissant de D225 ?
26 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui. C'est celle qui a été fournie à la
27 police néerlandaise, et si je me m'abuse, le témoin n'a pu vous fournir
28 d'informations supplémentaires hier lorsqu'il a déposé.
Page 6156
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, souhaitez-vous
2 ajouter quelque chose au sujet de celle qui a été fournie aux enquêteurs
3 néerlandais ?
4 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour l'instant non,
5 mais j'adresserai cette question en temps utile lorsque je trouverai cela
6 nécessaire.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour l'instant, la déclaration
8 enregistrée aux fins d'identification D226 sera versée au dossier en tant
9 que pièce à conviction portant la même référence, la même cote. Merci.
10 Le témoin suivant.
11 Mme KRAVETZ : [interprétation] Le témoin suivant est Avdyl Mazreku, et
12 c'est ma consoeur qui va l'interroger.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous prie de lire la déclaration
18 solennelle qui figure sur un document qui vient de vous être remis.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
21 LE TÉMOIN : AVDYL MAZREKU [Assermenté]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir. Mme
24 Gopalan a un certain nombre de questions pour vous.
25 Vous avez la parole, Madame Gopalan.
26 Mme GOPALAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
27 Interrogatoire principal par Mme Gopalan :
28 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
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1 R. Bonjour.
2 Q. Est-ce que vous m'entendez, Monsieur ?
3 R. Oui.
4 Q. Merci.
5 R. Je vous en prie.
6 R. Je vous prie de nous dire votre nom et prénom pour le besoin du compte
7 rendu d'audience.
8 R. Oui. Je m'appelle Avdyl Mazreku.
9 Q. Où est-ce que vous habitez à l'heure actuelle ?
10 R. J'habite dans le village Pastasel.
11 Q. Où est-ce que vous êtes né ?
12 R. A Pastasel.
13 Q. Quel âge avez-vous ?
14 R. J'ai 70 ans.
15 Q. Est-ce que vous vous rappelez avoir fait une déclaration au sujet des
16 événements survenus dans votre village en 1998 et 1999 ? Vous avez fait
17 cette déclaration auprès d'un enquêteur de ce Tribunal en janvier 2000.
18 Est-ce que vous vous souvenez de cette déclaration ?
19 R. Oui.
20 Q. Avez-vous récemment eu l'occasion de relire cette déclaration à l'aide
21 d'un interprète ?
22 R. Oui.
23 Q. Après avoir examiné cette déclaration, si j'ai bien compris, vous
24 souhaiteriez apporter une modification. Je vais donner lecture de cette
25 modification et vous pourrez nous dire si vous êtes d'accord ou pas. La
26 correction figure à la page 4, paragraphe 6 en anglais; et en B/C/S, c'est
27 la page 5, paragraphe 4.
28 Monsieur, dans ce paragraphe de votre déclaration, vous dites :
Page 6158
1 "Je ne pouvais pas discerner si c'étaient des Noirs ou bien s'ils avaient
2 le visage maquillé."
3 Monsieur, lorsque vous parlez des Noirs, vous vouliez dire des gens qui ont
4 la peau plus sombre qui ressemblent aux tziganes ou Roms. Donc il faudrait
5 dire dans cette phrase :
6 "Je ne pouvais pas dire si c'étaient des gens qui avaient la peau mâte, qui
7 ressemblaient aux tziganes ou Roms, ou bien s'ils avaient tout simplement
8 le visage maquillé."
9 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette correction ?
10 R. Oui.
11 Q. Merci. Après avoir apporté cette modification à votre déclaration, est-
12 ce qu'à votre avis cette déclaration correspond au mieux de vos
13 connaissances à ce que vous connaissez ?
14 R. Oui, c'est exact et précis.
15 Q. Merci.
16 Mme GOPALAN : [interprétation] Je demande le versement au dossier du
17 document 05102 de la liste 65 ter.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P987.
20 Mme GOPALAN : [interprétation]
21 Q. Monsieur, est-ce que vous vous souvenez d'avoir fait une deuxième
22 déclaration aux enquêteurs de ce Tribunal au mois de mai 2008 ?
23 R. Oui.
24 Q. Avez-vous récemment eu l'occasion de relire cette déclaration à l'aide
25 d'un interprète ?
26 R. Oui, j'ai eu l'occasion de le faire.
27 Q. Après avoir examiné cette déclaration, si je ne m'abuse, vous souhaitez
28 apporter une seule modification à cette déclaration. Je vais en donner
Page 6159
1 lecture et, je vous prie, de confirmer si c'est exact.
2 R. Allez-y.
3 Q. Page 2, paragraphe 8 de votre déclaration du mois de mai 2008, deuxième
4 phrase se lit comme suit :
5 "Parmi ces civils ne se trouvaient pas les hommes qui avaient moins de 40
6 ans qui avaient fui le village en 1998."
7 Et votre correction est comme suit : vous avez dit que tous les hommes qui
8 avaient moins de 40 ans n'avaient pas quitté le village, étant donné que
9 certains étaient restés avec leurs familles. Est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Merci. Monsieur, après avoir apporté cette modification, est-ce qu'à
12 votre avis cette déclaration correspond mieux à vos connaissances ?
13 R. Ce que vous venez de lire est exact et vrai.
14 Q. Merci.
15 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
16 versement au dossier du document 05103 de la liste 65 ter, à savoir la
17 deuxième déclaration du témoin.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P988.
20 Mme GOPALAN : [interprétation] Maintenant je vais donner lecture du résumé
21 de ces déclarations.
22 Le témoin est un homme adulte albanais du Kosovo originaire de Pusto Selo
23 de la municipalité d'Orahovac. Le témoin a dit qu'au cours de l'automne de
24 1998, les forces serbes ont commencé à pilonner son village. Suite à quoi,
25 les villageois de Pusto Selo et de villages avoisinants ont fui dans les
26 collines. Deux jours plus tard, les forces serbes ont encerclé les collines
27 et ont ramené le groupe à Pusto Selo. Là, ils ont pu constater qu'une
28 grande partie du village avait été brûlé.
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1 Le témoin va également dire que le 31 mars 1999, lorsque les forces serbes
2 sont rentrées dans son village, des milliers de villageois venant de son
3 propre village et de villages avoisinants ont essayé de fuir. Le témoin a
4 vu des chars. Les forces qui ont encerclé les villageois ont ordonné aux
5 hommes, y compris au témoin, de se séparer des femmes et enfants.
6 Ensuite, on a ordonné aux hommes de vider leurs poches. Les femmes et les
7 enfants ont été fouillés et envoyés ailleurs. Ensuite, on a emmené les
8 hommes vers un ruisseau où ils ont été partagés en quatre différents
9 groupes. Les forces serbes ont tiré sur eux ensuite. Le témoin était dans
10 la quatrième et le dernier groupe. Il a été blessé, mais il a survécu à
11 cette exécution avec d'autres membres de son groupe.
12 Il va dire que le 31 mars 1999, 13 hommes ont survécu à l'exécution, tandis
13 que 106 hommes ont été tués dans le village de Pusto Selo ce jour-là.
14 Ainsi se termine le résumé de sa déclaration, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
16 Mme GOPALAN : [interprétation]
17 Q. Monsieur, j'ai un certain nombre de questions pour vous portant sur
18 votre déclaration. Comme vous le savez, les Juges disposent de vos
19 déclarations, et j'aimerais vous poser plusieurs questions pour tirer
20 certaines choses au clair.
21 Tout d'abord, parlons de l'incident survenu en septembre 1998 qui a eu lieu
22 dans votre village. Cela figure à la page 2 en anglais, paragraphes 3 et 4,
23 et la même référence vaut pour la déclaration en B/C/S.
24 Monsieur, vous dites que les chars serbes ont tiré sur vous, que vous avez
25 trouvé refuge dans les collines de Kosnik avec vos villageois et que là-bas
26 vous avez rencontré des milliers de villageois venus d'autres villages
27 avoisinants.Et :
28 "Deux jours plus tard, les Serbes vous ont encerclé dans ces
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1 collines."
2 J'ai plusieurs questions pour vous s'agissant de ces Serbes, vous dites
3 qu'ils étaient membres de la police. Que portaient-ils ces gens qui vous
4 ont encerclé lorsque vous étiez dans les collines ?
5 R. Ils portaient des vêtements de la police. Les policiers nous ont
6 encerclés, mais il y avait également des soldats ailleurs.
7 Q. Merci. Lorsque vous dites vêtements de la police, pourriez-vous nous
8 dire de quelle couleur étaient ces vêtements ?
9 R. Oui.
10 Q. [aucune interprétation]
11 R. C'était la couleur du ciel.
12 Q. Merci.
13 Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant la
14 pièce P831, s'il vous plaît.
15 Q. Bientôt vous allez voir à l'écran les couleurs de différents uniformes.
16 Compte tenu de ce que vous pouvez voir, est-ce que les hommes portaient un
17 tel type d'uniforme ?
18 R. Oui, voilà.
19 Q. J'aimerais que Mme l'Huissière vous aide pour que vous puissiez
20 apporter une annotation à l'écran.
21 R. [Le témoin s'exécute]
22 Mme GOPALAN : [interprétation] Le témoin a apposé une croix sur la case qui
23 figure en haut à gauche de la pièce P831.
24 Q. Merci, Monsieur.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Souhaitez-vous demander le versement
26 au dossier ?
27 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé.
Page 6162
1 Mme GOPALAN : [interprétation] Merci.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P989.
3 Mme GOPALAN : [interprétation]
4 Q. Vous avez également dit que ces hommes que vous avez vus en 1998
5 avaient différents insignes sur leurs couvre-chefs et différents emblèmes.
6 C'est la dernière phrase du paragraphe 4 de la page 2 en anglais et en
7 B/C/S.
8 Mme GOPALAN : [aucune interprétation]
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce que j'ai dit. J'ai dit qu'ils
10 avaient des insignes rouges sur leurs manches et ils portaient des couvre-
11 chefs français. Nous parlons de l'année 1998, n'est-ce pas ?
12 Mme GOPALAN : [interprétation]
13 Q. C'est exact. Nous allons parler de couvre-chefs dans un instant. Mais
14 pour l'instant, je vous prie d'examiner plusieurs insignes dont vous
15 parlez. Bientôt vous allez voir plusieurs échantillons à l'écran.
16 Mme GOPALAN : [interprétation] C'est la pièce P327.
17 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes en mesure d'observer les insignes à
18 l'écran que vous avez devant vous ?
19 R. Oui.
20 Mme GOPALAN : [interprétation] C'est seulement la première page qui nous
21 intéresse, s'il vous plaît.
22 Q. Monsieur, pouvez-vous reconnaître un quelconque de ces insignes ayant
23 pu voir ce jour-là en 1998 ?
24 Peut-être si vous ne voyez pas très bien, vous pouvez chausser vos
25 lunettes. Oui, rapprochez-vous plus près de l'écran. Allez-y, Monsieur.
26 R. Il s'agit d'autres échantillons.
27 Mme GOPALAN : [interprétation] Pouvons-nous peut-être passer à la page
28 suivante de cet élément de preuve. Il y a lieu de signaler d'autres
Page 6163
1 échantillons, c'est-à-dire d'autres insignes.
2 Q. Monsieur, maintenant vous pouvez voir d'autres échantillons d'insignes.
3 Est-ce que vous en reconnaissez quelques-uns de ces insignes, les avoir vus
4 en 1998 ? Si vous les reconnaissez, dites-nous de quel insigne il s'agira,
5 s'il vous plaît.
6 R. C'est ce que nous avons au numéro 9.
7 Q. Merci.
8 R. Au numéro 12 également.
9 Q. Est-ce tout ?
10 R. Oui.
11 Q. Merci, Monsieur. Monsieur, vous avez mentionné également qu'il
12 s'agissait de couvre-chefs. Dans votre déclaration, vous en parlez. Je vous
13 prie d'identifier, s'il vous plaît, les couvre-chefs que vous avez pu voir
14 portés par ces forces-là en 1998.
15 Mme GOPALAN : [interprétation] Il s'agit donc de l'élément de preuve au
16 titre de l'article 65 ter, 2254, à la page 13, s'il vous plaît. Passez à
17 tous ces différents échantillons lorsqu'il s'agit de couvre-chefs.
18 Q. Monsieur, comme vous pouvez voir, vous avez sur ces photos différents
19 couvre-chefs. Il s'agit de képis, il s'agit de casques, peut-on dire que
20 les couvre-chefs que vous pouvez voir étaient portés par des policiers en
21 1998 ?
22 R. Oui. Il s'agissait de ces couvre-chefs-là, puis les couvre-chefs
23 français, les bérets.
24 Q. Avec l'aide de Mme l'Huissière, voulez-vous, s'il vous plaît, marquer
25 moyennant un cercle le couvre-chef que vous avez pu identifier tout à
26 l'heure.
27 R. [Le témoin s'exécute]
28 Je ne vois pas le couvre-chef français.
Page 6164
1 Q. Merci.
2 Mme GOPALAN : [interprétation] J'opte pour admission et versement au
3 dossier, cet élément de preuve avant de passer à la page suivante.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela est admis.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] A cet élément de preuve, Monsieur le
6 Président, on octroie la cote P990.
7 Mme GOPALAN : [interprétation] Merci. Pouvons-nous, s'il vous plaît, passer
8 à la page suivante, s'il vous plaît.
9 Q. Ça ne tardera pas. Vous verrez à l'écran maintenant d'autres exemples
10 de ces couvre-chefs. Une seconde. Patientez, s'il vous plaît, Monsieur le
11 Témoin. Monsieur, à l'écran devant vous, vous avez d'autres exemples de
12 couvre-chefs. Pouvez-vous nous dire si quelques-uns de ces couvre-chefs,
13 vous avez pu l'observer en 1999; si oui, marquez le couvre-chef que vous
14 avez pu observer, moyennant un cercle.
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Merci, Monsieur.
17 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'offre pour
18 admission et versement au dossier cette partie également de cet élément de
19 preuve.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cela est admis pour être versé au
21 dossier.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction
23 P991, Monsieur le Président.
24 Mme GOPALAN : [interprétation] Excusez-moi, correction à apporter au compte
25 rendu d'audience. Je me suis trompée tout à l'heure en formulant ma
26 question. J'ai dit tout à l'heure au témoin s'il a pu observer un tel
27 couvre-chef en 1998, et je pensais notamment à "1999".
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il une différence à observer au
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1 niveau de la réponse du témoin et par rapport à ce que vous venez de dire ?
2 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, justement, je vais poser la question.
3 Q. Monsieur le Témoin, vous venez de marquer, moyennant un cercle, le
4 couvre-chef que vous avez pu voir.
5 Mme GOPALAN : [interprétation] Revoyons une fois de plus cette pièce à
6 conviction, P991. Non, nous ne l'avons toujours pas affichée.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le premier couvre-chef était la pièce
8 à conviction P990.
9 Mme GOPALAN : [interprétation] L'erreur que j'ai commise tout à l'heure
10 concerne plutôt l'autre couvre-chef que nous avons maintenant en ce moment-
11 là-ci affiché à l'écran.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est la pièce à conviction P991, la
13 photographie au numéro 25.
14 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, excepté de dire qu'étant donné que nous
15 ne l'avons toujours pas à l'écran, la même photo de tout à l'heure, je
16 voudrais que le témoin marque notamment ce couvre-chef par un cercle.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais je crois que ceci était déjà
18 fait, annoté, et est devenu une pièce à conviction.
19 Mme GOPALAN : [interprétation] Je crois --
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 991.
21 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Gopalan, il nous faudra
23 cinq minutes pour reproduire sur ce système, évidemment, dans le prétoire.
24 Pouvez-vous demander au témoin quel était le couvre-chef identifié par lui,
25 en tout cas.
26 Mme GOPALAN : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Témoin, vous avez en face de vous à l'écran plusieurs
28 couvre-chefs. Pouvez-vous nous dire si en 1998 vous avez vu des hommes
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1 porter un quelconque de ces couvre-chefs ?
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous vous référez à l'année
3 1998 ?
4 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce qui a été affiché tout à
6 l'heure. C'est ce qu'il a été montré.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Pouvez-vous, s'il vous plaît, reprendre votre
8 question. Ceci ne paraît pas tout à fait clair à mes yeux.
9 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolée.
10 Toutes mes questions posées jusqu'à maintenant concernaient l'année 1998.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais d'après le compte rendu
12 d'audience, il s'agit bien de l'année 1998. Il s'agit de la page 58, ligne
13 17 du compte rendu d'audience. Page 58 [comme interprété], ligne 9, nous
14 pouvons lire 1999.
15 Mme GOPALAN : [interprétation] C'était une erreur, Monsieur le Président, à
16 laquelle j'attire votre attention.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, bien sûr, c'était une erreur.
18 Mme GOPALAN : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Au sujet de quelle année vous me posez la
21 question ?
22 Mme GOPALAN : [interprétation]
23 Q. Monsieur, il s'agit de l'année 1998.
24 R. Oui.
25 Q. Voyez-vous à l'écran qu'il y a un insigne sur un couvre-chef --
26 R. Je me suis déjà occupé de cela, et j'ai fait une annotation moyennant
27 un cercle.
28 Q. Merci. En quelle année avez-vous vu ce couvre-chef ?
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1 R. En 1998.
2 Q. Merci.
3 Mme GOPALAN : [interprétation] Je crois que nous avons, cette fois-ci,
4 enlevé tout problème, et nous avons tiré au clair et porté une
5 clarification à cela, Monsieur le Président. Je m'excuse de cette
6 confusion. Nous pouvons aller de l'avant.
7 Q. Monsieur, nous pouvons peut-être aller de l'avant. Vous dites dans
8 votre déclaration que ces forces-là "…ont amené l'ensemble du groupe, nous
9 étions des milliers, vers l'école de Pastasel." Dans le paragraphe 5, page
10 2, version anglaise, la même référence concernant la version en B/C/S.
11 Monsieur, est-ce que vous vous rappelez les propos, ce qui a été dit par
12 ces forces-là ?
13 R. Ils ont dit que le village avait été incendié, qu'il y avait des
14 terroristes, et la partie du village qui n'a pas été incendiée, témoin du
15 fait qu'il n'y a pas eu de terroristes dans cette partie du village, et
16 voilà pourquoi cette partie n'a pas été incendiée.
17 Q. Savez-vous par qui, Monsieur, ce village a été incendié ?
18 R. Par qui ? Par la police serbe.
19 Q. L'avez-vous vu vous-même, Monsieur ?
20 R. Non, lorsqu'on avait mis le feu au village, nous avions déjà fui le
21 village pour nous cacher.
22 Q. Comment savez-vous que c'était la police serbe qui a mis le feu au
23 village ?
24 R. Mais je le sais parce que nous avons pu trouver ces maisons incendiées
25 lorsque nous étions de retour. On avait déjà mis le feu à ces maisons.
26 Q. Merci, Monsieur.
27 R. Il n'y a pas de quoi.
28 Q. Maintenant, je veux que l'on traite de l'incident en 1999, et qui
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1 s'était produit trois ou quatre jours après la fête de Bajram.
2 R. Oui.
3 Mme GOPALAN : [interprétation] Dans la version anglaise de votre
4 déclaration, il s'agit de la page 3, paragraphe 2; en B/C/S, page 2 et
5 ainsi que suit le texte dans la déclaration.
6 Q. Vous avez dit, Monsieur, avoir entendu plusieurs chars à cette époque-
7 là. Combien de chars avez-vous vus ?
8 R. Je dirais qu'ils étaient sept ou huit chars.
9 Q. Que faisaient-ils, ces chars-là ?
10 R. Ils avaient braqué leurs canons face à la population. Les chars se sont
11 arrêtés à 200 ou 300 mètres devant nous. Je ne pouvais pas actuellement
12 mesurer la distance qui nous séparait, mais je crois que grosso modo,
13 c'était comme cela.
14 Mme GOPALAN : [interprétation] Je vous remercie. Je voudrais maintenant que
15 l'on affiche la pièce à conviction P318.
16 Q. Monsieur, vous avez mentionné plusieurs chars --
17 L'INTERPRÈTE : Une correction de l'interprète de la cabine albanaise : Le
18 témoin a dit de 1 000 à 1 300 mètres en face de nous.
19 Mme GOPALAN : [interprétation] Merci.
20 Q. Monsieur, vous avez à l'écran plusieurs véhicules. Pouvez-vous nous
21 dire si vous reconnaissez un quelconque de ces véhicules comme ayant été
22 justement les véhicules tels que vous les avez vus en 1999 ?
23 R. Oui, oui, nous avons vu des chars.
24 Q. Un quelconque de ces véhicules ressemble-t-il à ces chars que vous avez
25 vus ce jour-là ?
26 R. Je n'en vois pas sur cette photo.
27 Q. Merci, Monsieur.
28 Mme GOPALAN : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante, s'il
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1 vous plaît.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Les chars appartenaient à l'armée. Ils étaient
3 de couleur militaire.
4 Mme GOPALAN : [interprétation]
5 Q. Au sujet de cette page de cette pièce à conviction, Monsieur, pouvez-
6 vous nous dire quelque chose, pouvez-vous peut-être lire le numéro tel que
7 nous le voyons affiché.
8 R. Oui, il s'agit de ce que nous avons au numéro 6.
9 Q. Je vous remercie, Monsieur. Lorsque vous parlez de couleur militaire,
10 de quelle couleur il s'agit ? A quoi vous référez-vous ?
11 R. Couleur verte. C'est vert, je pense.
12 Q. Merci. Allons de l'avant, vous dites :
13 "Lorsque les chars se sont rapprochés de nous, des hommes ont sauté du haut
14 de ces chars pour nous encercler."
15 Est-ce que vous vous rappelez comment tout cela s'était rendu ?
16 R. Oui, je m'en souviens. Ils nous ont encerclés, ils nous ont entourés
17 une fois qu'ils sont sortis des chars et ils ont séparé les hommes des
18 femmes et des enfants.
19 Q. Ces hommes-là, que portaient-ils comme vêtements ?
20 R. Ceux-là portaient des vêtements de couleur verte, et on pouvait lire
21 l'inscription "police" sur leurs dos.
22 Q. Merci, Monsieur. Ils étaient combien là-bas ?
23 R. Je ne les ai pas dénombrés, bien sûr, mais je dirais de 30 à 40. Ils
24 n'étaient pas plus nombreux que ça lorsqu'ils étaient venus pour nous
25 encercler.
26 Q. Une fois qu'ils ont séparé les hommes des femmes et des enfants,
27 qu'est-ce qu'ils ont fait ?
28 R. Lorsqu'ils nous ont séparés des femmes et des enfants, ils se sont mis
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1 à fouiller les femmes pour leur confisquer tout ce qu'elles avaient comme
2 objets de valeur en or. Ils ont rempli deux sacs assez grands qu'ils ont
3 placés ensuite dans les chars.
4 Q. Qu'est-il advenu de ces femmes et des enfants après cela ?
5 R. Une fois qu'ils les ont fouillés, les femmes et les enfants, ils leur
6 ont donné ordre de s'éloigner des lieux en direction de Ratkovc. Les femmes
7 et les enfants sont partis.
8 Q. Qu'est-ce qui s'est passé avec les hommes à ce moment-là ?
9 R. Quant à nous autres, ils nous ont tenus encerclé. Une fois que les
10 femmes et les enfants s'en sont allés, ils nous ont maltraités, ils nous
11 ont demandé de l'argent. Tout ce que nous avions comme objets sur nous,
12 choses faites par nous, nous leur avons donné tout ce que nous avions sur
13 nous. Ils ont tout pris de nos poches, jetés à terre, après quoi ils nous
14 ont maltraités encore.
15 Q. Monsieur, lorsque vous dites "maltraités," qu'est-ce qu'ils ont fait ?
16 Pouvez-vous nous l'expliquer cela ?
17 R. Ils nous ont frappés, certains d'entre nous ont été frappés à coups de
18 crosse, après quoi ils nous ont donné des coups de pied.
19 Q. Monsieur, combien d'hommes vous étiez dans ce groupe-là ?
20 R. Dans notre groupe, nous étions environ 130 hommes. Je pense qu'il
21 s'agit de ce chiffre déjà constaté.
22 Q. Monsieur, je vais revenir à votre déclaration. Vous dites une fois que
23 les femmes et les enfants s'en sont allés, ces lieux ont été quittés
24 également par de nombreux membres de police. Dans la version anglaise, il
25 s'agit de la page 4, paragraphe 3. Il s'agit de la page 2, paragraphe 4
26 également, en version B/C/S.
27 Vous dites que de ceux, de membres de police --
28 R. Oui.
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1 Q. -- qui sont restés, ils ont séparé de notre groupe des hommes les moins
2 âgés ou les plus jeunes. Pouvez-vous nous dire combien il y avait dans ce
3 groupe d'hommes de personnes jeunes et qui ils étaient ?
4 R. Je crois qu'il y avait peut-être des gens dont l'âge variait de 14 à 60
5 ans. Peut-être 40 ans aussi, il y en avait qui en avaient 30. Ou peut-être
6 moins âgés.
7 Q. Monsieur, vous dites également dans votre déclaration que certains
8 parmi les jeunes gens étaient restés avec les leurs au village, alors que
9 beaucoup d'autres jeunes gens ont fui le village. Pourriez-vous nous dire
10 pour quelle raison ces jeunes ou ces adolescents ont quitté le village, ont
11 fui le village ?
12 R. Ils ont fui parce qu'ils se sont sentis dans l'insécurité. Ils avaient
13 peur d'être tués, parce que nous autres, beaucoup plus âgés, nous
14 finissions par être tués, évidemment, sans parler des jeunes.
15 Q. Maintenant, ce groupe de jeunes gens que vous avez décrits comme étant
16 les plus jeunes, qu'est-il advenu d'eux, pouvez-vous nous le dire ?
17 R. Ils ont été exécutés avant qu'on s'occupe de nous.
18 Q. Où avaient-ils été exécutés ? Pouvez-vous nous dire dans quelles
19 circonstances cette exécution s'était produite ?
20 R. On a tiré dessus moyennant les fusils automatiques.
21 Q. Quand vous dites "on a," à qui vous référez-vous ?
22 R. Je pense à la police serbe.
23 Q. Pouvez-vous nous décrire un peu la façon dont ils ont été habillés,
24 s'il vous plaît ?
25 R. Ils avaient des vêtements de couleur militaire, et sur leurs dos on
26 pouvait lire l'inscription "policija."
27 Q. Merci. Une fois qu'ils ont tiré dessus, pour parler de ce groupe de
28 jeunes-là moyennant les armes automatiques, la police, qu'est-ce qu'elle a
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1 fait ensuite ?
2 R. Ils sont revenus vers nous, nous disant que si on ne leur donnait pas
3 de l'argent, que nous aussi nous allons être tués. Nous, on répondait comme
4 quoi nous n'avions plus d'argent, puis après on a pris un second groupe
5 pour l'exécuter là où le premier groupe a été exécuté.
6 Q. Combien nombreux était le second groupe ?
7 R. Je crois qu'ils étaient environ une trentaine.
8 Q. A quelle distance par rapport à ce second groupe vous trouviez-vous
9 vous-même, second groupe qui était exécuté à son tour ?
10 R. Je me trouvais à environ 30 à 40 mètres par rapport à ce second groupe.
11 C'est à cette distance que se trouvait ce lieu où ils ont été exécutés.
12 Q. Et que s'est-il passé avec le troisième groupe d'hommes ?
13 R. Une fois de plus, on s'est occupé d'eux. On leur a demandé de l'argent
14 pour leur faire subir des sévices. Et puis après, ils sont revenus pour
15 emmener ce groupe-là pour les exécuter également.
16 Q. Lorsque vous dites "ils étaient revenus pour s'occuper d'eux et pour
17 demander de l'argent," vous vous référez toujours au même groupe
18 d'individus mentionné par vous tout à l'heure et appartenant à la police
19 serbe ?
20 R. Oui. Oui, je me référais toujours au même groupe de gens, et c'étaient
21 les mêmes hommes. Et puis après, ils sont venus vers nous, notre groupe, et
22 lequel groupe sera exécuté plus tard.
23 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'était passé avec votre groupe ? Dans
24 quelles circonstances cette exécution s'était produite ?
25 R. Lorsqu'à la fin ils sont venus vers nous, notre groupe, mon oncle âgée
26 de 84 ans, qui se tenait tout près de moi, m'a dit: "Je ne peux plus me
27 tenir debout ici. Tu n'as qu'à me tuer ici sur place." Alors on s'est
28 tourné vers mois pour me dire: "Allez, retourne-toi et apporte de
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1 l'argent." Et c'est comme ça que nous l'avons soutenu, en le prenant sous
2 le bras pour l'emmener vers le lieu d'exécution. Lorsque nous arrivâmes
3 jusqu'à ces ravins, je ne sais plus combien d'entre nous y restaient
4 encore.
5 Q. Lorsque vous étiez dans ce groupe-là qui était le vôtre, vous étiez
6 combien ?
7 R. Environ une quarantaine d'hommes.
8 Q. Et combien de ces gens-là ont pu survivre ?
9 R. Seuls 13 d'entre nous avons survécu à ce massacre.
10 Q. Dans votre groupe, combien d'hommes il y avait qui ont survécu à ce
11 massacre ?
12 R. Quatre seulement.
13 Q. Merci. Monsieur, dans votre déclaration, vous dites que :
14 "Après ces massacres, j'ai pu entendre une voix de quelqu'un qui parlait
15 serbe me dire: "Regarde-les encore de plus près, il y en a qui bougent."
16 Et une autre voix a pu être entendue :
17 "Laisse-les, ils sont tous morts."
18 Ceci nous pouvons le lire en page 5 version anglaise; page 4 version B/C/S.
19 Et vous dites ensuite dans la déclaration :
20 "Nous avons eu de la chance parce qu'on était déjà à la tombée de la nuit."
21 Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ? Il faisait noir ou quoi ?
22 R. Oui. Oui, il faisait déjà noir et j'ai pu entendre cette voix de
23 quelqu'un qui a dit: "Il y en a qui bougent encore." Et cette autre voix,
24 laquelle voix a été entendue comme quoi: "Laisse-les, ils sont tous morts."
25 Et nous avons eu beaucoup de chance parce qu'ils n'étaient pas de retour
26 pour voir de plus près si, par exemple, quelqu'un d'entre nous a pu
27 survivre.
28 Q. Merci. Monsieur, vous nous avez dit tout à l'heure pour expliquer que
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1 ce jour-là le feu a été ouvert à l'encontre de plusieurs groupes d'hommes.
2 En totalité, pouvez-vous nous dire combien d'hommes ont pu être tués ce
3 jour-là et qui étaient de votre village ?
4 R. Au total, le nombre d'hommes est de 106. 13 hommes ont survécu. 40
5 hommes étaient de mon village à moi.
6 Q. Merci.
7 R. Certains des survivants étaient blessés. D'autres ne l'ont pas été.
8 Q. Et quant à vous, quelles étaient vos blessures, si vous en aviez ?
9 R. J'ai été touché dans le dos, blessé au dos.
10 Q. Combien il vous a fallu du temps pour vous rétablir de cette blessure ?
11 R. J'ai subi une opération à cette fin-là, et encore aujourd'hui je
12 souffre. J'ai des problèmes de poumons et je suis devenu asthmatique.
13 Q. Merci, Monsieur.
14 Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est le
15 moment opportun de marquer une pause et finalement, je n'ai plus de
16 questions à poser à ce témoin.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
18 Maintenant, nous allons marquer une pause avant de poursuivre, et nous
19 allons poursuivre les travaux en audience à 1 heure.
20 Monsieur Mazreku, Mme l'Huissière s'occupera de vous pendant la pause.
21 L'audience est suspendue.
22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
23 --- L'audience est reprise à 13 heures 04.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que maintenant Me Djordjevic
25 a des questions à vous poser.
26 Oui, Maître Djordjevic.
27 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Contre-interrogatoire par M. Djordjevic :
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Mazreku. Je suis Dragoljub
2 Djordjevic et je représente l'accusé dans cette affaire. J'ai quelques
3 questions de clarification au sujet de certains faits pertinents dans cette
4 affaire.
5 Monsieur Mazreku, ma première question portera sur l'interrogatoire
6 principal mené par mon éminente collègue et les corrections que vous aviez
7 apportées au sujet des textes et des déclarations au sujet desquelles vous
8 avez dit qu'elles étaient bien les vôtres, que vous avez eu l'occasion de
9 voir et étudier. Vous avez dit que vous auriez répété la même chose que ce
10 que vous aviez dit à l'époque dans cette déclaration.
11 Cependant, aujourd'hui au début de votre déposition, ma collègue, avant de
12 vous avoir montré les uniformes, il y a eu quatre carrés avec des couleurs
13 différentes, elle vous a posé une question au sujet de l'année 1998 et vous
14 a demandé à quoi ressemblaient les uniformes portés par les membres des
15 forces serbes. Vous avez dit que ces uniformes-là étaient de couleur bleu
16 ciel, et ensuite vous avez montré l'uniforme qui était en haut à gauche,
17 c'est en réalité un uniforme bleu de camouflage.
18 D'après les déclarations que j'ai pu lire aussi et d'après votre
19 déposition, j'ai pu constater qu'en réalité vous pouvez faire une
20 distinction entre les couleurs. Voici ma question, tout d'abord, dans votre
21 déclaration du 15 janvier 2000, au paragraphe 4 --
22 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande que l'on présente la
23 déclaration du 15 janvier 2000 qui a été versée au dossier en tant que P987
24 dans cette affaire. Veuillez montrer la page 2 en anglais et en albanais,
25 s'il vous plaît. Avons-nous la version en albanais, page 2 aussi. C'est
26 cela.
27 Q. Monsieur Mazreku, examinez le paragraphe 4 de cette page, vous dite :
28 "Au bout de deux jours, les Serbes nous ont encerclés dans les collines.
Page 6177
1 Lorsque je dis les Serbes, je parle de la police qui portait des uniformes
2 bleus. Nous nous sommes rendus à ces personnes. Certains d'entre eux
3 avaient des visages coloriés, d'autres pas. Certains n'avaient pas
4 d'insignes sur les uniformes, et pour la plupart il était écrit en
5 cyrillique "policija" ou "milicija" sur leurs manches. Parfois ils
6 portaient des rubans rouges quelque part sur leurs uniformes. Ils avaient
7 des badges différents sur leurs couvre-chefs, il y avait beaucoup de badges
8 différents, parfois avec des aigles et parfois avec le drapeau serbe, mais
9 pour la plupart avec les quatre "C" serbes.
10 Monsieur Mazreku, vous faites référence visiblement à 1998 lorsque vous
11 dites que l'uniforme était noir. Nous connaissons la couleur noire. Ici
12 vous avez dit que les uniformes étaient de couleur bleu ciel. Est-ce que
13 vous pouvez nous dire pourquoi vous mentionnez pour la première fois les
14 uniformes bleu ciel aujourd'hui alors que vous n'avez jamais parlé de cette
15 couleur depuis ?
16 R. Nous ne voulons pas dire noir lorsque nous disons noir, mais bleu
17 foncé, bleu marine. C'est ça que je veux dire lorsque je dis noir, car
18 c'est cela la couleur de l'uniforme de la police, bleu foncé.
19 Q. Dans ce sens, vous allez être d'accord avec moi que lorsque vous avez
20 dit couleur bleu ciel, vous ne vouliez pas dire que c'était vraiment la
21 couleur du ciel, mais vous pensiez aux uniformes foncés de couleur bleu,
22 uniformes de la police, est-ce exact ?
23 R. Oui, c'est ce que j'avais dit. C'est le mot auquel j'ai pensé lorsque
24 j'ai voulu décrire la couleur. J'ai indiqué avec ma main. Je vous ai déjà
25 montré ce à quoi je pensais.
26 Q. Merci, Monsieur Mazreku, vous êtes beaucoup plus clair maintenant. Dans
27 ce même paragraphe, Monsieur Mazreku, vous dites quelque part au milieu :
28 "Certains n'avaient pas d'insigne sur les uniformes et pour la plupart sur
Page 6178
1 les manches il était écrit en cyrillique "policija" ou "milicija."
2 Ensuite --
3 R. Oui.
4 Q. Bien. Ensuite, ma collègue vous a montré les insignes d'abord d'un côté
5 et puis de l'autre côté et elle vous a demandé à quoi ressemblaient les
6 insignes sur les uniformes. Or, vous avez montré deux insignes, cependant,
7 s'agissant de ces deux insignes, il n'est écrit police nulle part.
8 Nous pouvons voir sur l'une des insignes qu'il est écrit la garde des
9 volontaires serbes, ensuite autre chose, il y a une combinaison de lettres,
10 mais il n'est écrit nulle part police ou policija. Comment est-ce que vous
11 expliquez cela ?
12 R. C'est ce que j'ai dit et je le répète maintenant, il était écrit
13 "milicija", et c'était écrit sur le dos des policiers divisés en groupe que
14 j'ai mentionnés. Il y avait plusieurs groupes différents de policiers, ils
15 avaient des signes ou insignes différents.
16 Q. Attendez. Monsieur Mazreku, nous ne parlons pas de l'année 1999; nous
17 en parlerons plus tard. Nous parlons de 1998 maintenant.
18 R. Oui, je parle de 1998 aussi. En 1999, ils portaient des vêtements de
19 couleur militaire et sur le dos il était écrit "milicija".
20 Q. En 1999, "milicija" était écrit sur leur dos ou bien est-ce que c'était
21 en 1998 ? Est-ce que vous pouvez être précis, car d'après votre
22 déclaration, on dirait que c'était en 1999 et maintenant apparemment vous
23 dites que c'était en 1998.
24 R. En 1999, j'ai vu des inscriptions "milicija" sur leur dos. C'est exact.
25 Q. Je suis d'accord.
26 R. C'était en 1999.
27 Q. Or ma question porte sur 1998. Les insignes que vous avez montrés --
28 R. J'ai fait ma déclaration concernant 1998. J'ai dit qu'il y avait des
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1 groupes différents de la police, milicija, pendant la première offensive.
2 Il y avait des volontaires, il y avait des militaires, il y avait des
3 groupes différents.
4 Q. Merci. Je sais que vous avez faite cette déclaration et c'est justement
5 la raison pour laquelle je vous pose la question. Parmi les insignes qu'on
6 vous a montrés, il y avait aussi des insignes sur lesquelles il y avait une
7 inscription en cyrillique "policija", et vous n'avez pas fait référence à
8 ces insignes-là; vous avez montré les insignes de la garde des volontaires
9 serbes avec la couleur jaune qui est prédominante, et puis une autre
10 couleur bleu foncé avec une abréviation de trois lettres. Et sur les deux
11 insignes on peut voir les quatre S ou C.
12 Je vous demande pour quelle raison vous n'avez pas montré ces insignes sur
13 lesquels il était écrit en caractères cyrilliques "policija" ?
14 R. J'ai indiqué qu'il y avait tout type d'insignes ou de badges. Il y
15 avait quatre ou cinq groupes différents. Milos, Arkan, Seselj, ils avaient
16 tous leur propre insigne.
17 Q. Est-ce qu'ils portaient des insignes de la police où il était écrit
18 "policija" en 1998, je ne parle pas de 1999 mais 1998 ?
19 R. J'ai vu des insignes sur les manches, parce que la milicija régulière
20 avait cette inscription sur les manches.
21 Q. En 1998, il y avait des membres de la police régulière --
22 R. -- en 1998. C'est ce que je suis en train de vous dire, qu'ils avaient
23 ces insignes sur leurs manches.
24 Q. Ils portaient également des uniformes de la police régulière, n'est-ce
25 pas ?
26 R. Oui, et l'insigne était sur leur manche.
27 Q. Maintenant tout est beaucoup plus clair. Merci, Monsieur Mazreku.
28 Ma question suivante porte sur le fait que vous avez dit qu'en 1998,
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1 les forces serbes ont lancé une "offensive" contre quelqu'un. Contre qui ?
2 Est-ce qu'il y avait des conflits à l'époque entre l'UCK et la police ?
3 R. Non, il n'y avait pas d'affrontements, du moins pas là où nous
4 habitions. Là-bas, il y avait l'offensive, mais pas de conflits. Mais nous
5 avons entendu qu'ils disaient qu'ils cherchaient les membres de l'UCK, et
6 ils s'étaient battus contre des personnes innocentes qui n'étaient pas
7 armées.
8 Q. En 1998, sur le territoire de votre municipalité, est-ce que l'UCK
9 avait une présence déjà ? Je ne parle pas de votre village à proprement
10 parler, mais je parle de votre région.
11 R. Personnellement, je n'ai jamais vu de membre de l'UCK. Nous
12 souhaitions, pour ainsi dire, être membres de l'UCK, mais nous n'étions pas
13 armés. Nous n'avons pas fourni une résistance. Toute la population
14 albanaise était en quelque sorte membre de l'UCK.
15 Q. Je comprends, mais compte tenu de votre réponse, je ne peux que
16 conclure que l'UCK existait. Je ne dis pas que vous étiez membre de l'UCK,
17 mais étant donné que vous étiez tous sympathisants favorables à l'UCK, je
18 conclus que l'UCK existait et que vous saviez que l'UCK existait.
19 R. Non, il n'y avait pas de membres de l'UCK là-bas. Je ne parle que des
20 habitants innocents, pas de la présence de l'UCK.
21 Q. Je ne vous demande pas au sujet de la population civile. Je vous
22 demande au sujet de l'UCK. Vous dites que vous étiez tous favorables à la
23 cause de l'UCK. Où se trouvait l'UCK ?
24 R. Il n'y avait pas de présence de l'UCK dans notre village. Je ne sais
25 pas si l'UCK était présente dans d'autres régions du Kosovo. Je n'ai pas
26 vérifié, mais dans notre village il n'y en avait pas.
27 Q. S'agissant des montagnes dans les alentours des villages, est-ce qu'il
28 y avait des membres de l'UCK là-bas ? Est-ce qu'il y a eu des opérations
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1 menées par l'UCK à Podujevo ?
2 R. Non, il n'y avait pas de résistance du tout dans notre village. Nous
3 avons tous été chassés de chez nous.
4 Q. Nous parlons toujours de l'année 1998. Est-ce qu'on vous a forcés à
5 partir de chez vous, ou bien vous êtes partis de votre propre gré parce que
6 vous aviez peur et vous avez cherché refuge dans les montagnes ?
7 R. Non, ils nous ont dit que la police serbe allait venir et nous sommes
8 partis parce que nous avions peur de rester à la maison. C'est pourquoi
9 nous avons trouvé refuge dans les montagnes. C'est la raison pour laquelle
10 nous sommes partis, parce qu'ils ont brûlé nos maisons.
11 Q. C'est exact, c'est ce que vous avez dit dans votre déclaration. Vous
12 avez dit que vous êtes partis de votre gré parce que vous aviez peur de la
13 police serbe.
14 Qui est-ce qui vous a dit que les membres de la police serbe allaient
15 venir, suite à quoi vous aviez eu peur et que vous êtes parti ?
16 R. Ceux qui les avaient vus. Ils nous ont signalé qu'ils arrivaient et
17 nous sommes partis. Je ne connais pas le nom de la personne qui l'avait
18 dit.
19 Q. Monsieur Mazreku, combien y avait-t-il d'habitants dans votre village à
20 l'époque ?
21 R. Environ 1 000 habitants -- 2 000.
22 Q. Monsieur Mazreku, est-ce qu'il y avait dans votre village une personne
23 qui était à la tête du village, en quelque sorte un
24 chef ?
25 R. Oui, il y en avait, mais même lui ne pensait pas aux intérêts de sa
26 propre famille, sans parler d'autres.
27 Q. Pourriez-vous citer le nom et le prénom de cette personne qui était à
28 la tête de votre village en 1998 ?
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1 R. Je ne m'en souviens plus. Dix ans se sont écoulés depuis. J'ai oublié
2 qui c'était.
3 Q. Répondez à la question suivante : la personne qui était à la tête du
4 village, est-ce que c'était quelqu'un élu à cette fonction pour toute la
5 vie ou non ?
6 R. Non, il était élu pour une durée de trois ou quatre ans. S'il faisait
7 bien son travail, il pouvait rester pendant une période plus longue; sinon,
8 il était remplacé.
9 Q. Lorsque vous parlez de l'année 1998 et de la police, vous dites que les
10 membres de la police sont arrivés, et ensuite vous dites qu'il y avait des
11 soldats ailleurs. C'est ce que vous avez dit au début de votre déposition
12 lors de l'interrogatoire mené par ma consoeur.
13 R. Puis-je répondre ?
14 Q. Oui, allez-y.
15 R. Nous sommes partis en direction de la montagne Kosnik, et nous avons
16 été encerclés et arrêtés par la police serbe là-bas. Au pied de la
17 montagne, autour des villages, il y avait des membres de l'armée.
18 Personnellement, je n'avais pas vus ces soldats, mais ceux qui étaient
19 partis de ces régions-là nous avaient dit que les soldats étaient présents
20 là-bas.
21 Q. Merci. Vous l'avez tiré au clair maintenant.
22 Monsieur Mazreku, vous étiez au pied de la montagne Kosnik, il y avait
23 plusieurs milliers de personnes qui étaient avec vous, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, pendant la première offensive, il y avait beaucoup, beaucoup de
25 gens là-bas.
26 Q. J'attirerai votre attention sur le fait quand on passera à l'année
27 1999, mais pour l'instant nous parlons de la première offensive et de
28 l'année 1998. A votre avis, combien de personnes étaient là-bas avec vous ?
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1 C'est ma première question.
2 R. Vous parlez de l'année 1998 ?
3 Q. Oui, et de la montagne Kosnik. Donc là-bas, combien y en avait-il ?
4 R. Nous étions au moins 2 000 personnes, voire 3 000, si ce n'est plus
5 même.
6 Q. D'après vos souvenirs, d'où étaient ces gens, de quels villages
7 étaient-ils originaires, ces gens qui s'étaient retrouvés à la montagne de
8 Kosnik ? Etaient-ils originaires uniquement de votre municipalité ou
9 d'ailleurs ?
10 R. C'était les gens de notre municipalité qui ont trouvé refuge là-bas
11 pendant la première offensive. C'était donc les gens originaires dans la
12 municipalité d'Orahovac. Il y avait des gens de Ratkovc, Radovc, Medja,
13 Doblibar, Pastasel, et d'autres villages. Il y avait des gens qui avaient
14 fui vers d'autres directions. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y avait
15 beaucoup, beaucoup de gens là-bas, trop.
16 Q. D'accord. Et vous dites que les forces policières vous ont encerclés et
17 ensuite ils vous ont attrapés, n'est-ce pas ? Est-ce qu'à ce moment-là les
18 commandants des forces policières ont parlé aux chefs des villages pour
19 leur dire de rentrer chez eux ?
20 R. On nous a dit de rentrer, d'aller dans un champ qui se trouve en face
21 de l'école. Nous nous sommes tous rassemblés là-bas. On nous a filmés et on
22 nous a dit: "Vous voyez le village ici, les terroristes étaient ici." Et ma
23 maison n'était pas brûlée. On m'a dit qu'il n'y avait pas de terroristes
24 là-bas et que c'est pour cela que les maisons n'étaient pas brûlées. Ils
25 ont dit que c'était les membres de l'UCK qui brûlaient les maisons.
26 Q. Merci, Monsieur Mazreku. C'est ce que vous avez déjà précisé tout à
27 l'heure par vos propos. Ma question est la suivante : sur ce champ-là
28 devant l'école, est-ce qu'on doit parler uniquement des villageois de Pusto
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1 Selo peut-être de l'ensemble des réfugiés qui étaient au nombre de 3 000 à
2 4 000 ?
3 R. Oui, l'ensemble de ce groupe de réfugiés qui ont été capturés en pleine
4 montagne ont été regroupés au niveau de ce champ-là en face de l'école; et
5 le soir venu, chacun a quitté ce lieu dans différentes directions.
6 Q. Monsieur Mazreku, est-ce qu'il y a eu de la part de la police des gens
7 qui ont pu être tués parmi des civils, par exemple, et qui s'étaient
8 trouvés dans les montagnes de Kosnik et qui après s'étaient rassemblés sur
9 ce champ devant l'école ? Y a-t-il eu quelqu'un qui aurait été tué parmi
10 les civils ?
11 R. Non, non, on n'a tué aucun des civils, à l'exception et hormis les
12 civils qui ont été emmenés à l'école où ils ont été battus et arrêtés. Mais
13 il ne s'agissait que de jeunes parmi ce groupe-là emmenés par la police.
14 Q. Je vous remercie. Monsieur Mazreku, ma question suivante : lorsque les
15 réfugiés s'étaient rassemblés sur ce champ devant l'école, peut-on dire
16 qu'il y avait des ambulances avec à leur bord des médecins qui devaient
17 prendre soin de gens qui avaient besoin d'aide, et puis après quand vous
18 avez dit vous avez été enregistré, il y avait des caméras de télévision, ou
19 est-ce que quelques autres caméras, quel type de caméras ?
20 R. Il y avait des caméras de la chaîne de télévision de Pristina ou peut-
21 être d'une autre agence. On nous a également apporté des vivres, de l'huile
22 comestible et de la farine. Cela étant, après avoir été distribué aux gens,
23 les gens ont quitté les lieux, ils se sont dispersés.
24 Q. Donc on a apporté de la farine, de l'huile comestible, est-ce que peut-
25 être ils ont apporté du pain également ? A-t-on apporté du pain pour
26 distribuer ?
27 R. Non, tout le monde n'a pas pu recevoir ces vivres.
28 Q. Je dois reprendre la même question. Je me suis peut-être trompé mais
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1 j'ai posé deux questions, c'est-à-dire tout à l'heure.
2 Y a-t-il lieu de parler d'ambulance ou peut-être une équipe de
3 médecins qui devait prendre en charge les gens qui avaient besoin d'une
4 aide sanitaire ?
5 R. Non, il n'y avait pas d'ambulance là-bas. Moi, je n'en ai pas vu sur
6 les lieux.
7 Q. Monsieur Mazreku, dites-moi, avez-vous pu voir, vous, de vos propres
8 yeux, un commandant qui serait à la charge de cette action de la police,
9 comme vous le dites ?
10 R. Non, personnellement, je n'en ai pas vu. Je n'aurais pas été capable de
11 les reconnaître. Je n'ai jamais eu de contact avec des gens de ce genre-là.
12 Q. Est-ce que vous vous rappelez que peut-être le chef de votre village a
13 pu avoir un contact quelconque avec un commandant de police ? Peut-être que
14 tout cela, vous avez pu entendre parler de cela, si vous n'avez pas de
15 connaissance personnelle vous-même là-dessus.
16 R. Personnellement, je n'en sais rien. Cela est possible mais en tout cas,
17 ceci a été inconnu de moi.
18 Q. Merci pour cette réponse. A la fin, Monsieur Mazreku, dites-moi, s'il
19 vous plaît, à cette époque-là vous étiez citoyen de la République fédérale
20 de la Yougoslavie, de la République de Serbie et de la province autonome du
21 Kosovo où vous résidiez. Savez-vous qui est Vlastimir Djordjevic ?
22 R. Non, je ne l'ai jamais vu. Je le vois aujourd'hui pour la première
23 fois.
24 Q. Ma question n'était pas placée dans ce contexte-là. Ma question était
25 comme suit: si en 1998 vous avez su qui était Vlastimir Djordjevic dans le
26 sens où vous saviez quelles étaient ses fonctions remplies par lui ou
27 quelles étaient ses occupations, sa profession, et cetera.
28 R. Non. Personnellement, je ne le savais pas. J'étais citoyen de la
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1 République yougoslave à cette époque. Mais je ne savais pas à cette époque
2 qui étaient les ministres, qui était le premier ministre. Je ne me suis
3 jamais intéressé à la politique. Je ne suis qu'un simple citoyen résidant
4 dans un village.
5 Q. Merci. Monsieur Mazreku, je voudrais que vous nous disiez quelles
6 écoles vous avez faites et ce dont vous vous occupiez, parce que vous avez
7 travaillé avant de prendre votre retraite. Vous avez de toute évidence pu
8 mériter une pension de retraite. Quelles étaient les écoles que vous avez
9 faites ?
10 R. J'ai fait mes études élémentaires de huit ans. J'ai travaillé, j'ai été
11 maçon et j'ai pris ma retraite.
12 Q. Vous étiez maçon dans une firme d'état ou vous avez travaillé pour un
13 privé ?
14 R. Pendant 15 ans, j'ai travaillé en Allemagne.
15 Q. Et puis après ?
16 R. A mon compte, à la maison; j'ai eu un incident avant de prendre ma
17 retraite. J'ai été atteint d'invalidité.
18 Q. Merci, Monsieur Mazreku. La question suivante : à cette époque-là,
19 lorsque nous parlons de 1998 et 1999, est-ce que vous parliez le serbe,
20 est-ce que vous aurez pu lire l'alphabet cyrillique sans problème ?
21 R. Oui. J'étais capable de lire en serbe et j'ai accompli mon service
22 militaire au temps de l'ex-Yougoslavie. Je ne parle pas le serbe dit
23 standard, mais je le comprends fort bien.
24 Q. Merci. Dites-nous, en cette année 1998, vous-même avez-vous pu parler à
25 un quelconque membre des forces serbes, que ce soit quelqu'un de la police
26 ou un militaire en cette année 1998 ?
27 R. Si on m'avait posé la question, j'aurais certainement engagé une
28 conversation avec de tels gens. Mais comme il n'y avait aucun besoin, je
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1 n'ai jamais eu langue avec eux.
2 Q. Vous avez dit, et ceci a été noté dans le compte rendu d'audience, vous
3 avez dit qu'il y avait des caméras d'une agence de Pristina. Est-ce qu'il y
4 avait une seule caméra ou plusieurs caméras en ce moment-là ? C'était ma
5 première question.
6 R. Non, non, non il y avait une seule caméra. Je pense bien que c'était
7 une caméra qui appartenait à la police. Il ne s'agissait pas d'une chaîne
8 de télévision pour parler de cette caméra. Après, à la télévision de
9 Prizren, on a pu faire voir cette scène-là, pour dire que supposément tout
10 cela était l'œuvre de l'UCK.
11 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, lorsqu'on pouvait également faire voir
12 cette scène à ce moment où on distribuait des vivres, de l'huile
13 comestible et de la farine aux gens, est-ce que ceci a été filmé également
14 et on a pu le voir à la télé ?
15 R. Oui. Cette scène également a été enregistrée parce qu'on voulait faire
16 voir à tout le monde qu'ils étaient venus à notre rescousse.
17 Q. Dites-nous, hormis la personne qui était l'opérateur caméraman, est-ce
18 que vous avez pu vous rendre compte de la présence d'un reporter ou de
19 quelqu'un qui aurait un micro à la main et qui se serait entretenu avec des
20 réfugiés, avec des gens de groupes de réfugiés ?
21 R. Non, je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas de cela. Il se peut
22 qu'il y ait eu des gens de ce genre-là qui se seraient entretenus avec
23 quelqu'un, mais chose que je n'ai pas pu voir personnellement.
24 Q. Merci. En posant de telles questions, je viens de conclure l'époque qui
25 concerne l'année 1998.
26 Maintenant, je vais passer à l'année 1999. Je vous comprends fort bien que
27 cela était fort désagréable lorsqu'il y a lieu de parler de ce massacre
28 terrible qui s'était produit. Personne ne va contester ce fait-là.
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1 Pourtant, puis-je vous demander de nous dire si un jour ou deux jours avant
2 le massacre -- c'est en date du 31, vers les heures du soir que le massacre
3 a eu lieu, n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Un ou deux jours avant, la police était-elle présente dans votre
6 village ou pas ? Ou, s'il ne s'agit pas de police, de militaires ou que ce
7 soit, enfin de quelque côté que ce soit pour parler des forces serbes ?
8 R. Non, non. Non, un jour avant ce massacre, il nous a été dit que la
9 police devait arriver. Nous étions tous réunis. Comme eux ils n'étaient pas
10 venus, nous avons regagné nos maisons. Et eux, ils devaient venir le
11 lendemain.
12 Q. Le lendemain, c'est-à-dire c'est le jour où le massacre a eu lieu.
13 R. Oui, oui, oui. Cela est juste et exact, c'était le 31 mars. A 3 heures
14 de l'après-midi, ils nous ont encerclés.
15 Q. Revenons à la période où ce massacre a été perpétré. Dites-nous, et
16 vous avez dit qu'il n'y a pas eu d'ailleurs des gens qui seraient de la
17 police ou de militaires qui seraient venus dans votre village ?
18 R. Non.
19 Q. Dites-nous est-ce que dans votre village il y a eu des gens qui
20 résidaient dans d'autres villages et qui se seraient trouvés là ?
21 R. Oui. Ça a été plein dans notre village au cours de cette nuit-là.
22 Q. Quelle en fut la raison pour laquelle ces réfugiés seraient venus
23 d'autres villages justement pour demeurer dans votre village; est-ce qu'ils
24 ont considéré que votre village était plus en sécurité ou peut-être il y
25 avait une autre raison à cela. Pouvez-vous nous le dire ?
26 R. Peut-être pensaient-ils être plus en sécurité chez nous, mais à cette
27 époque-là, personne ne se trouvait en sécurité. Nous ne pouvions pas nous
28 considérer comme en sécurité. Vous ne pouvez pas trouver un lieu sûr.
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1 Personne ne savait où aller pour être en sécurité. Les gens allaient d'un
2 lieu à l'autre.
3 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Mon assistant vient de me rappeler de
4 justesse que le temps prévu pour ce contre-interrogatoire pour aujourd'hui
5 passe. Je pourrais reprendre le contre-interrogatoire demain, avec ce même
6 témoin.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
8 Nous allons nous arrêter. Une autre affaire doit avoir lieu dans ce
9 prétoire. Demain matin, nous reprendrons les travaux en audience à 9
10 heures. Vous allez, Monsieur le Témoin, reprendre votre témoignage ici, et
11 Mme l'Huissière s'occupera de vous une fois que l'audience sera suspendue.
12 Nous reprendrons les travaux en audience demain à 9 heures.
13 L'audience est suspendue.
14 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 17 juin
15 2009, à 9 heures 00.
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