Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 16 juin 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je m'adresser

  6   à vous pour nous éviter de perdre du temps avant de commencer avec le

  7   témoin suivant.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Avant de commencer les dépositions

 10   aujourd'hui en ce qui concerne le versement au dossier de la déclaration

 11   faite par M. Krasniqi le 21 mai 2008, ou plutôt la déclaration qu'il a

 12   faite en août 1999, je souhaitais proposer le versement au dossier de cette

 13   déclaration compte tenu du fait que le 21 mai 2008, au paragraphe 8, il

 14   avait dit :

 15   "Le premier août 1999, un enquêteur du tribunal pour l'Ex-Yougoslavie qui

 16   parlait allemand a parlé avec moi. Cette déclaration a été traduite en

 17   albanais, mais ça a été écrit en allemand. Et je n'ai pas signé car

 18   l'enquêteur ne m'a pas demandé."

 19   Il est dit ensuite au paragraphe 6 :

 20   "Je confirme que le document K013-6454 et K013-6459"

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous allez beaucoup trop vite pour les

 22   interprètes. Les interprètes l'ont indiqué.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci. Je vais répéter. Il dit au

 24   paragraphe 6 :

 25   "Je confirme que le document dont le numéro ERN est K013-6454 et K013-6459

 26   est la déclaration que j'ai fournie en 1999 à l'enquêteur qui parlait

 27   allemand."

 28   Au paragraphe 7 de cette déclaration, il dit :

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  1   " Je donne mon accord pour que les deux déclarations soient utilisées dans

  2   la procédure contre Vlastimir Djordjevic devant le Tribunal pour l'Ex-

  3   Yougoslavie."

  4   Lorsque l'on compare les numéros ERN indiqués dans les déclarations signées

  5   par le témoin et les numéros ERN de la déclaration du 1er août 1999 montrée

  6   au témoin concernant les questions qui lui ont été posées, il est clair

  7   qu'il s'agit de la même déclaration. Par conséquent, je demande son

  8   versement au dossier.

  9   Et les numéros MFI sont D225 et D226.

 10   Merci.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 12   Est-ce qu'il vous conviendrait, Madame Kravetz, d'en parler en ce

 13   moment ou pas ?

 14   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, Mme D'Ascoli traitait

 15   de ce témoin donc je ne peux pas vous aider.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous lui passiez des notes.

 17   Mme KRAVETZ : [interprétation] C'est exact, mais il faudrait que je la

 18   consulte en ce qui concerne cela. Je peux traiter de cela après la pause

 19   suivante.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous allons traiter de cela un

 21   peu plus tard alors. Peut-être le témoin est en train d'attendre.

 22   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire à

 26   haute voix la déclaration qui vous est remise.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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  1   LE TÉMOIN : HELGE BRUNBORG [Assermenté]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.

  4   Je crois que Mme Kravetz a des questions à vous poser.

  5   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Interrogatoire principal par Mme Kravetz : 

  7   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez dire

  8   quels sont votre nom et prénom pour le compte rendu d'audience.

  9   R.  Je m'appelle Helge Brunborg, ce qui est épelé, le nom de famille, B-r-

 10   u-n-b-o-r-g.

 11   Q.  Et quel est votre métier ?

 12   R.  Je suis économiste et démographe de métier, et je travaille en tant que

 13   démographe dans l'institut de la statistique en Norvège.

 14   Q.  Merci. Votre CV est la pièce dont le numéro 65 ter 02503 en date du

 15   mois de novembre 2003. Et ce document parle de lui-même, donc nous n'allons

 16   pas en traiter en détail. Mais je souhaite vous demander s'il y a des mises

 17   à jour par rapport à votre biographie que vous souhaitez nous relater.

 18   R.  Je ne sais pas ce qui a été dit dans le CV de 2003, mais depuis j'ai

 19   beaucoup écrit y compris s'agissant des sujets liés au conflit et la

 20   démographie du conflit armé; ça faisait l'objet de mon travail.

 21   Q.  Et vous avez dit qu'en ce moment vous travaillez dans le cadre des

 22   statistiques en Norvège. Quelle est votre position là-bas ?

 23   R.  Oui, c'est exact. Je suis en charge des projections de la population et

 24   une grande enquête sur les générations et les sexes. Et mis à part cela,

 25   j'effectue des analyses des questions de la population nationale en

 26   Norvège.

 27   Q.  Merci beaucoup.

 28   Mme KRAVETZ : [interprétation] Et le numéro 65 ter de son CV est 02503; je

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  1   demande son versement au dossier.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P982.

  4   Mme KRAVETZ : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Brunborg, je comprends qu'en 2002 le bureau du Procureur vous

  6   a demandé de préparer un rapport d'expert portant sur la taille et la

  7   composition ethnique de la population au Kosovo; est-ce exact ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Si j'ai bien compris, vous avez passé en revue récemment votre rapport

 10   en détail et vous avez identifié quelques fautes de frappes que vous

 11   souhaitez corriger aujourd'hui ?

 12   R.  C'est exact. Je m'en excuse, il y en a beaucoup dans le rapport. Pour

 13   la plupart, il s'agit des erreurs très évidentes, mais toutefois il

 14   convient de les corriger.

 15   Q.  Monsieur, pour poursuivre notre travail de manière efficace, je vais

 16   simplement lire les corrections que vous souhaitez apporter et vous

 17   demander de confirmer si ceci est exact. D'accord ?

 18   A la page 1, paragraphe 5, lignes 2 et 3 de votre rapport, en ce moment il

 19   est écrit :

 20   "…et la population de fait de 2,166 millions pendant la période

 21   pertinente."

 22   Si j'ai bien compris, il faut corriger ce chiffre en 2,116 millions, si

 23   j'ai bien compris.

 24   R.  C'est exact.

 25   Q.  Paragraphe 2, de la deuxième page, ligne 1, il est écrit :

 26   "Des estimations de fait pour l'année 1997 et 1998 sont de…" Donc nous

 27   avons deux chiffres. Et si j'ai bien compris, vous corrigez vos estimations

 28   pour 1997 en 2,188 millions; et à présent (FSO) est 2,044 à 2,131 millions

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  1   pour 1998 ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Au paragraphe 4, ligne 1, en ce moment il est écrit que :

  4   "En 1997, la population du Kosovo était de 2,2 millions."

  5   Alors que je comprends que l'année en question devrait être 1995 ?

  6   R.  C'est exact.

  7   Q.  A la page 2, paragraphe 5, lignes 2 et 3, il est écrit :

  8   "…ces chiffres sont tout proches des chiffres FSO de jure pour le milieu de

  9   l'année en ce moment probablement pour le 31 mars et c'est une

 10   extrapolation du recensement de la population de 1991[comme interprété]…"

 11   et là, si j'ai bien compris le chiffre devrait être de "2 220 000" ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Maintenant, page 8, note en bas de page 13, la dernière ligne fait

 14   référence au "tableau 1", et ça devait être le "tableau 2" ?

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Page 13 au fond de la page, vous avez indiqué que s'agissant de 1998,

 17   il faudrait écrire 1 378 980 ?

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  La dernière correction, si j'ai compris, se trouve à la page 14,

 20   paragraphes 3 et 4, en ce moment il est écrit :

 21   "La différence est très grande, 758 000." Et si j'ai bien compris ce

 22   chiffre devrait être de "750 000".

 23   R.  C'est exact.

 24   Q.  Merci. Ce sont toutes les corrections que vous souhaitez apporter ?

 25   R.  C'est exact.

 26   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je m'excuse.

 27   Q.  Puisque nous parlons la même langue aujourd'hui, je vais simplement

 28   vous demander de suivre le curseur à l'écran et ensuite commencer vos

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  1   réponses.

  2   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander le

  3   versement au dossier de ce rapport après l'interrogatoire de ce témoin,

  4   mais en ce moment je demande le versement au dossier de la pièce 01960,

  5   c'est le numéro 65 ter.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P983.

  8   Mme KRAVETZ : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous avez également déposé devant ce Tribunal dans l'affaire

 10   Milutinovic et consorts en novembre 2006 ?

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  Et avant d'être venu déposé ici, est-ce que vous avez eu l'occasion de

 13   passer en revue le compte rendu d'audience de votre déposition de cette

 14   affaire ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Puisque vous avez passé en revue votre déposition, si aujourd'hui on

 17   vous posait les mêmes questions qu'on vous a posées lors de l'affaire

 18   Milutinovic, est-ce que vos réponses auraient été les mêmes ?

 19   R.  Oui, certainement. Je ne suis pas au courant de nouvelles informations

 20   s'agissant de la période couverte par ce rapport.

 21   Q.  Merci.

 22   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, le numéro 65 ter du

 23   compte rendu Milutinovic est 05334, et je demande son versement.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P984.

 26   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, nous allons revenir au rapport principal maintenant de 2002.

 28   Est-ce que vous pouvez brièvement expliquer à la Chambre quel était le but

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  1   de ce rapport et le mandat que vous aviez reçu de la part du bureau du

  2   Procureur qui vous a demandé de l'élaborer ?

  3   R.  Le bureau du Procureur m'a demandé d'élaborer un rapport portant sur la

  4   taille de la population au Kosovo et la composition ethnique de cette

  5   population avant le conflit en 1998-1999. Par conséquent, j'ai fait des

  6   recherches pour trouver toutes les informations pertinentes afin de se

  7   faire; et j'ai rassemblé ces informations et rédigé ce rapport. J'ai

  8   rassemblé les chiffres portant sur la population et je les ai présentés

  9   sous forme graphique et par le biais des tableaux qui se trouvent à travers

 10   ce rapport, et j'ai écrit une conclusion.

 11   Q.  Et pour le résumé, quelles étaient vos conclusions s'agissant de la

 12   composition ethnique et la taille de la population au Kosovo pendant cette

 13   période ?

 14   R.  Pendant cette période, la population s'est accrue à 2,1 millions

 15   environ avant le début du conflit en 1998. Et au total, s'agissant du total

 16   de la population, les Albanais constituaient environ 83 %, les Serbes

 17   environ 10 %, et les autres environ 7 %. C'était la conclusion principale.

 18   Q.  Dans votre rapport, vous avez indiqué les sources du matériel que vous

 19   avez utilisé pour rédiger votre rapport et vous en avez également parlé au

 20   cours de votre déposition préalable dans l'affaire Milutinovic. Dans la

 21   section 3, il est question des problèmes liés à la possibilité de faire une

 22   estimation de la population.

 23   Est-ce que vous pouvez vous étendre un peu plus là-dessus et

 24   expliquer aux Juges quels étaient les problèmes principaux pour estimer la

 25   population lors de la préparation de votre rapport ?

 26   R.  Le problème principal était lié au manque de bonnes données de

 27   migration, je dirais. Des certificats de décès et de naissance sont

 28   enregistrés de manière régulière, et les recensements se font tous les dix

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  1   ans. Mais le problème, c'est le manque de bonnes données de migration. Un

  2   autre problème réside dans la différence entre la population de fait et de

  3   jure. De fait, la population réelle est les résidents d'un pays, alors que

  4   de jure inclut aussi ceux qui vivent normalement ailleurs. Il n'est pas

  5   toujours clair si les statistiques portent sur les données de fait ou de

  6   jure. Le recensement peut parfois demander des données de jure ou de fait

  7   sur la population, mais il faut faire attention lorsqu'on se penche sur ces

  8   résultats.

  9   Q.  Est-ce que vous avez pu obtenir un exemplaire du recensement qui a été

 10   mis à jour afin de rédiger votre rapport et estimer la taille de la

 11   population au Kosovo au cours de cette période ?

 12   R.  Oui. J'ai examiné les informations émanant de l'institut de la

 13   statistique de Belgrade qui explique et définit les termes du recensement

 14   et le concept du recensement. J'ai examiné les recensements différents, y

 15   compris celui de 1991 qui posait un grand problème, que je n'ai pas encore

 16   mentionné, qui réside dans le fait que la population albanaise au Kosovo a

 17   boycotté le recensement en 1991.

 18   Donc le bureau de la statistique à Belgrade a procédé à une estimation de

 19   la population albanaise dans chaque village et municipalité en 1991 en

 20   faisant une projection de la population sur la base du recensement de 1981

 21   dix ans plus tard sur la base des taux de naissance supposés de même que de

 22   migration et de décès.

 23   Q.  Et sur la base de votre expérience dans ce domaine, à quel point est-ce

 24   que ces chiffres contenus dans le recensement de 1991 sont fiables ?

 25   R.  J'ai l'impression que c'était tout à fait fiable, car c'était conforme

 26   aux autres estimations, mais bien sûr si on avait pu compter les têtes, ça

 27   aurait été plus fiable. Mais je pense qu'ils ont effectué le meilleur

 28   travail possible vu les circonstances.

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  1   Q.  Et lorsque vous avez parlé des problèmes liés aux estimations de la

  2   population, vous avez dit que le problème principal résidait dans le manque

  3   de bonnes données de migration. Pourquoi est-ce que vous devez vous pencher

  4   là-dessus ?

  5   R.  L'une des raisons est que le recensement de 1991 se fondait sur les

  6   estimations et nous n'avons pas de chiffres réels s'agissant de la

  7   migration entre les deux. Le bureau de Belgrade en a fait quelques-unes.

  8   Après 1991, c'était une période difficile au Kosovo et il y avait des flux

  9   de la population dans le Kosovo et à l'extérieur. Et nous n'avons pas de

 10   chiffres exacts portant sur les migrations s'agissant de cette période, de

 11   1991 à 1998.

 12   Q.  Et quelle était la méthode que vous avez appliquée pour obtenir les

 13   données concernant les migrations du Kosovo afin de rédiger votre rapport ?

 14   R.  Tout d'abord, il faudrait peut-être que je fasse une pause. Excusez-

 15   moi. Tout d'abord, je me suis penché sur les estimations du bureau de

 16   statistiques de Belgrade. Dans le cadre de mes propres estimations, ils

 17   présentaient des estimations s'agissant de chaque période de 10 ans

 18   jusqu'en 1991. Et il y a eu des projections pour la période qui s'en est

 19   suivie.

 20   Puis je me suis penché sur une enquête menée par plusieurs organisations en

 21   1999 et en 2000 où ils avaient demandé, s'agissant de chaque foyer

 22   sélectionné, si les membres du foyer avaient été absents, s'ils étaient

 23   partis et si oui, s'ils sont retournés et ils ont demandé quand ils sont

 24   partis et quand ils sont revenus. Si tel était le cas et sur la base de

 25   cela, il était possible d'estimer les migrations et l'immigration du Kosovo

 26   et vers le Kosovo s'agissant des 12, ou plutôt des 13 mois qui précédaient.

 27   Q.  Et vous avez dit que vous faites référence à une enquête menée par

 28   plusieurs organisations; est-ce que vous pouvez nous donner plus de détails

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  1   concernant ceux qui ont mené cette enquête et où ceci a été fait ?

  2   R.  C'était les démographes français de l'Université de Bordeaux qui

  3   étaient en charge de l'enquête. Ceci était financé par le FPA de l'ONU, le

  4   fonds pour la population des Nations Unies, et IUM, c'est l'organisation

  5   internationale pour la migration. Ils ont mené plusieurs entretiens,

  6   c'était fait par des gens des instituts statistiques du Kosovo sous la

  7   surveillance des démographes français de l'IUM.

  8   Q.  Est-ce que vous avez des informations concernant la manière dont cette

  9   enquête a été menée sur le terrain ?

 10   R.  Oui. Ils ont pris d'abord des échantillons dans la zone, échantillons

 11   de la municipalité, et ensuite des zones plus petites; et ensuite ils ont

 12   interviewé tous les membres des foyers dans des zones très limitées. Donc

 13   c'est une procédure à trois phases, comme vous le savez. Ensuite, ceux qui

 14   interviewaient se sont déplacés dans tous ces foyers. Ils ont interrogé sur

 15   la base d'un questionnaire qu'ils avaient développé.

 16   Q.  Comment est-ce que ces démographes français pouvaient obtenir un

 17   échantillon représentatif au moment de cette enquête afin d'avoir des

 18   données fiables ?

 19   R.  Ils l'ont fait de manière arbitraire s'agissant des échantillons. Je ne

 20   me souviens pas exactement du nombre de zones, je pense qu'il y en avait 30

 21   ou 40 à travers le Kosovo. Ils ont fait les échantillons s'agissant des

 22   zones urbaines et rurales séparément. Il s'agissait d'un échantillon de

 23   probabilité portant sur environ de 2,5 % de la population couverte par ces

 24   foyers. Donc c'est comparable aux normes normales s'agissant de

 25   l'échantillonnage.

 26   Q.  Bien. Je souhaite qu'on se penche maintenant sur la page 10 de votre

 27   rapport, en anglais et en B/C/S. Nous avons le chiffre 1.

 28   Mme KRAVETZ : [interprétation] Si l'on peut présenter cela à l'écran.

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  1   Q.  Ici, référence est faite à la population du Kosovo selon l'appartenance

  2   ethnique. Ça couvre la période de 1948 à 1991; est-ce que vous le voyez ?

  3   R.  Pas encore. Si, maintenant je vois la première page. Mais vous avez dit

  4   page 10, donc peut-on avancer un peu. Oui, maintenant je vois.

  5   Q.  Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, nous faire votre commentaire

  6   sur ce chiffre, le chiffre qui figure à l'écran pour la Chambre ?

  7   R.  On voit deux choses, la population totale qui croissait de manière

  8   rapide après 1948, qui atteint plus que son double. Et puis ça montre aussi

  9   les proportions s'agissant de trois groupes majeurs, Albanais, Serbes et

 10   autres. Les Albanais croissaient très vite, les autres aussi, alors que la

 11   proportion et le nombre de Serbes fluctuait plus. Apparemment le nombre le

 12   plus élevé était en 1961, ou plutôt en 1971, et ensuite il y a eu un

 13   déclin.

 14   Q.  S'agissant de quelle période est-ce que vous constatez une grande

 15   croissance s'agissant de la population albanaise ?

 16   R.  Pour la plupart, c'était après 1971, ou plutôt après 1961. Tout au long

 17   de cette période, le taux de croissance était de presque 3 % par an, ce qui

 18   est un taux très élevé s'agissant de la population albanaise.

 19   Q.  Merci.

 20   Mme KRAVETZ : [interprétation] Peut-on passer maintenant à la présentation

 21   graphique numéro 2, qui figure à la page 14 en anglais et 15 en B/C/S.

 22   Q.  Il s'agit des chiffres portant sur l'ensemble de la population au

 23   Kosovo d'après les sources différentes. Encore une fois, est-ce que vous

 24   pouvez expliquer aux Juges de quoi il s'agit ici ?

 25   R.  Ici, j'ai rassemblé toutes les informations que j'ai pu recueillir, des

 26   sources officielles et officieuses. Pour la plupart, il s'agit des chiffres

 27   de jure portant sur l'ensemble de la situation émanant de l'institut de la

 28   statistique fédérale de Belgrade. Puis il y a aussi des estimations de

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  1   fait, qui sont les chiffres de fait, qui sont moins élevés.

  2   Et il y a trois estimations qui diffèrent des autres. L'une c'est le

  3   secrétariat fédéral de l'information qui a présenté des chiffres, des

  4   estimations pour 1998.

  5   En fait non, il faudrait que ce soit pour l'année 1995. Permettez-moi

  6   d'examiner la page précédente. Excusez-moi. Non, c'est pour 1998.

  7   En fait, ce chiffre est inférieur par rapport aux autres. Cela n'est

  8   pas consistant par rapport à d'autres périodes. J'ai bien mené cette

  9   publication, mais je n'ai pas trouvé de sources pour ce chiffre avancé, ni

 10   quelle était la méthode utilisée. Donc on ne peut pas se fier à cette

 11   information.

 12   Puis nous avons une autre estimation pour 1995, donc c'est ça qui a

 13   semé la confusion. C'est Islami qui est à l'origine de cette information.

 14   Le chiffre est bien supérieur aux autres même s'il n'est pas très supérieur

 15   par rapport à la tendance compte tenu des chiffres précédents. Donc il

 16   s'agit de 2, 2 millions pour 1995.

 17   Et nous avons ensuite une autre estimation pour 1998 entre

 18   parenthèses, et cela est basé sur l'enquête dont je viens de parler.

 19   Donc ce chiffre est avancé par Blayo et il existe, comme nous le savons,

 20   une certaine incertitude s'agissant de ces échantillons d'enquête.

 21   Q.  Vous nous avez mentionné les estimations présentées par le Haut-

 22   commissariat pour les réfugiés des Nations Unies pour l'année 1998.

 23   Pourriez-vous fournir certaines informations au sujet de cette estimation ?

 24   R.  Ils avaient besoin d'une estimation de la population, et en fait, ils

 25   avaient besoin de faire une projection de la population telle qu'elle était

 26   en 1991 pour voir quelle était la situation en 1998. En tenant compte des

 27   tendances de croissance des dix années écoulées, et ils l'ont fait sur la

 28   base de chaque village.

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  1   Q.  Compte tenu de votre expérience, dans quelle mesure ces chiffres sont

  2   fiables avancés par le Haut-commissariat des réfugiés ?

  3   R.  Je pense que nous ne saurons jamais dans quelle mesure c'est fiable,

  4   mais je pense que c'est consistant avec d'autres estimations avancées par

  5   le bureau des statistiques de Belgrade et d'autres organisations.

  6   Q.  J'aimerais que l'on passe maintenant à la page 16, image 4, et en B/C/S

  7   c'est à la page 17. Il s'agit d'une image qui se réfère à la proportion des

  8   Albanais et des Serbes au Kosovo. Pourriez-vous apporter quelques

  9   commentaires ?

 10   R.  Nous pouvons voir que la proportion des Albanais augmente si on examine

 11   la période allant de 1951 jusqu'à 1991. Le Haut-commissariat des Nations

 12   Unies a présenté une estimation pour l'année 1998 qui correspond à cette

 13   tendance. Et puis d'autre part, nous pouvons constater qu'il y a un déclin

 14   constant s'agissant de la part des Serbes, surtout après 1961. Il y a eu

 15   également d'autres estimations qui correspondent à cette tendance plus ou

 16   moins.

 17   Q.  Tout à l'heure, vous avez parlé des estimations présentées par le

 18   secrétariat fédéral de l'information pour l'année 1998. Que pourriez-vous

 19   dire au sujet des estimations s'agissant de la proportion des différents

 20   groupes ethniques au Kosovo ?

 21   R.  Cette estimation est bien supérieure par rapport à la tendance de

 22   presque 20 %, et je pense que cette information n'est pas fiable, ce n'est

 23   pas réaliste. Et il est difficile de dire dans quelle mesure ce n'est pas

 24   réaliste étant donné que je ne connais pas du tout les sources utilisées

 25   ainsi que la méthode employée, cela n'a pas été expliqué dans les

 26   informations dont je disposais.

 27   Q.  J'allais justement vous demander de faire une pause avant de répondre.

 28   Vous avez dit qu'il s'agit d'un chiffre supérieur de presque 20 %, vous

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  1   l'avez dit par rapport à quel groupe ethnique ?

  2   R.  Non, j'ai dit que la proportion des Serbes est presque de 20 % d'après

  3   le secrétariat fédéral de l'information, d'après ses estimations, alors que

  4   d'après d'autres estimations, la part de Serbes ne s'élevait qu'à 10 %. Je

  5   pense que ce chiffre avancé n'était pas très probable compte tenu du fait

  6   qu'il n'y a pas d'explication pour ce chiffre avancé.

  7   Q.  Passons maintenant à l'annexe que vous avez préparée en septembre 2003.

  8   Je vous prie de nous expliquer quel était l'objectif de cette annexe. Et la

  9   référence 65 ter est 01961.

 10   R.  Le bureau du Procureur a demandé que la République fédérale de

 11   Yougoslavie présente d'autres informations portant sur la population du

 12   Kosovo, et le bureau a reçu ces informations après que j'aie terminé mon

 13   rapport. Donc le bureau m'a demandé d'examiner ces nouvelles informations

 14   et d'apporter mes commentaires pour voir si j'allais avoir quelques

 15   modifications de mes conclusions.

 16   J'ai bien examiné ces documents. Il n'y avait pas grand-chose que je ne

 17   savais pas déjà. Par conséquent, je n'ai pas changé mes conclusions

 18   principales s'agissant de la taille et de la composition de la population

 19   au Kosovo avant le début du conflit.

 20   Q.  Merci.

 21   Mme KRAVETZ : [interprétation] Il s'agit de la référence 65 ter 01961, je

 22   demande le versement au dossier de ce document.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P985.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant le

 26   document 00906 de la liste 65 terre à l'écran.

 27   Q.  Monsieur Brunborg, vous allez voir maintenant un document affiché à

 28   l'écran.

Page 6120

  1   Mme KRAVETZ : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la page 2 de ce

  2   document. Page 2, s'il vous plaît. J'aimerais que l'on fasse un

  3   agrandissement pour le témoin. Merci.

  4   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document qui est affiché ?

  5   R.  J'ai vu ce document pour la première fois hier, il s'agit de résultats

  6   préliminaires d'après le recensement de 1991; mais les résultats finaux de

  7   ce recensement ont été publiés un peu plus tard. Je pense que c'est en

  8   1992. Donc je peux dire que je connais ces chiffres même si je n'avais

  9   jamais vu ce document auparavant.

 10   Q.  Et est-ce que ce bulletin statistique couvre toute la Serbie pour la

 11   période concernée en 1991 ?

 12   R.  Oui. Et il y a des sections qui se réfèrent aux provinces de Vojvodine

 13   et Kosovo-Metohija.

 14   Q.  Et est-ce que vous avez pu examiner les estimations fournies pour le

 15   Kosovo ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que ces chiffres correspondent aux numéros que vous avez eu

 18   l'occasion de voir en préparant votre rapport s'agissant du recensement de

 19   1991 ?

 20   R.  Oui. Il s'agit des mêmes chiffres que j'ai utilisés pour mon rapport.

 21   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

 22   00906.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera admis.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P986.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin à

 26   ce stade. Merci.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.

 28   Maître Djordjevic, le contre-interrogatoire ?

Page 6121

  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

  3   Q.  [interprétation] Bonjour.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Je m'appelle Dragoljub Djordjevic, je défends les intérêts de l'accusé

  6   en l'espèce. Mes collègues qui vous ont interrogé dans l'affaire

  7   Milutinovic vous ont déjà posé un grand nombre de questions, et par

  8   conséquent aujourd'hui, moi je vais tout simplement essayer de tirer au

  9   clair certaines choses en vous posant des questions supplémentaires, étant

 10   donné que nous sommes tous des laïcs, s'agissant du mandat qui vous a été

 11   confié par mes confrères du bureau du Procureur.

 12   Monsieur Brunborg, vous avez un doctorat en économie, Me Visnjic vous a

 13   posé une question là-dessus, et vous vous considérez en tant que

 14   démographe.

 15   Est-ce que votre doctorat est lié à la démographie même s'il est du domaine

 16   de l'économie ?

 17   R.  Oui, tout d'abord, un grand nombre d'examens que j'ai passés dans le

 18   cadre du doctorat étaient liés à la démographie ainsi qu'à l'économie et à

 19   la sociologie. Et deuxièmement, la thèse que j'ai écrite portait sur des

 20   questions démographiques. Donc c'est très lié à la démographie.

 21   Et à l'époque, vous ne pouviez pas présenter un doctorat en démographie à

 22   l'Université de Michigan, c'est pour cela que je l'ai fait dans le domaine

 23   de l'économie.

 24   Q.  Merci. Aujourd'hui, votre travail porte sur la démographie, pourriez-

 25   vous nous expliquer ce que vous faites aujourd'hui ?

 26   R.  Je travaille en Norvège au bureau des statistiques portant sur la

 27   démographie internationale dans le domaine de la recherche. Je suis chargé

 28   de projections de la population en Norvège, un document a été publié la

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  1   semaine dernière, donc j'ai fait une analyse portant surtout sur la

  2   mortalité en Norvège et les tendances du développement de la population.

  3   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez fait ce même travail à l'époque où vous

  4   avez rédigé votre rapport d'expert ?

  5   R.  Oui, mais depuis j'ai également été chargé d'une très grande enquête

  6   portant sur les échantillons, donc ce type de travail me devient beaucoup

  7   plus familier qu'il ne l'était à l'époque.

  8   Q.  S'agissant des questions générales que je suis en train de vous poser,

  9   je veux attirer votre attention sur la chose suivante. D'après ce que j'ai

 10   entendu dans l'interprétation, vous avez parlé de la démographie des

 11   conflits; pourriez-vous nous expliquer dans quelle mesure cela est lié au

 12   rapport que vous avez présenté ?

 13   R.  La démographie des conflits armés concerne les conséquences des

 14   conflits armés surtout s'agissant de la mortalité, mais également

 15   s'agissant de l'immigration des personnes déplacées, et également en tenant

 16   compte des mariages et des naissances.

 17   Puis il y a un autre volet de la démographie des conflits armés. Ça,

 18   ce sont des hypothèses, c'est-à-dire que certains facteurs démographiques

 19   peuvent être la cause d'un conflit. C'est, par exemple, si une population

 20   est plus concentrée dans une région, cela peut provoquer un conflit avec

 21   d'autres groupes.

 22   Et puis, si par exemple il y a trop de jeunes hommes, par exemple,

 23   qui ont entre 18 et 25 ans, cela peut avoir une incidence, surtout si ces

 24   hommes sont au chômage, et cela également peut représenter la cause d'un

 25   conflit. Donc vous avez des conséquences d'un conflit, mais nous examinons

 26   également les causes qui peuvent avoir une incidence sur un conflit.

 27   Vous m'avez demandé si cela était lié au rapport présenté. Il n'y a

 28   pas de relation directe, mais j'ai organisé un colloque international et

Page 6123

  1   avec mes confrères nous avions publié un livre portant sur ce sujet.

  2   Q.  Autrement dit, vous conviendrez que cette partie de votre travail,

  3   votre recherche démographique n'avait aucune incidence sur votre rapport

  4   d'expert, à savoir, lorsque vous avez rédigé votre premier rapport ainsi

  5   que l'annexe ?

  6   R.  C'est exact. Mais plus vous apprenez, plus vous êtes qualifié pour

  7   écrire là-dessus. Donc indirectement, il est utile de le savoir. Même si je

  8   dirais que dans mon rapport le conflit au Kosovo ne me préoccupait pas.

  9   Tout ce qui m'intéressait c'était ce qui s'était passé avant le conflit et

 10   quelles étaient les tendances au sein de la population, parce que c'était

 11   le mandat qui m'avait été confié.

 12   Q.  Mais vous conviendrez que vous n'en parliez pas du tout dans votre

 13   rapport d'expert ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  De toute façon, je conviens que ces informations seraient utiles en

 16   l'espèce, ainsi que dans une autre affaire qui vient d'être terminée, à

 17   savoir l'affaire Milutinovic. Dans votre rapport d'expert, vous avez

 18   mentionné que vous n'aviez pas beaucoup de temps pour rédiger ce rapport.

 19   Autrement dit, je peux en conclure que si vous aviez eu plus de

 20   temps, vous auriez pu rédiger un rapport plus complet et vous auriez peut-

 21   être pu présenter d'autres informations qui auraient été plus pertinentes

 22   que celles présentées dans votre rapport à l'heure actuelle.

 23   Donc pourriez-vous me dire que vouliez-vous dire lorsque vous avez dit que

 24   vous n'aviez pas beaucoup de temps ? Que vouliez-vous dire lorsque vous

 25   avez écrit cette phrase dans votre rapport ?

 26   R.  Je voulais dire que cela a été fait en plus de mon travail que

 27   j'effectue régulièrement en Norvège, et je n'avais pas beaucoup de temps

 28   pour m'attarder là-dessus. Je n'avais que du temps libre pour le faire.

Page 6124

  1   Mais je pense que mon rapport n'aurait pas été considérablement différent

  2   si j'avais eu plus de temps parce que depuis je n'ai pas rencontré des

  3   informations qui auraient eu une incidence sur les conclusions présentées

  4   dans mon rapport. Le rapport aurait pu être plus long, mais il aurait pu

  5   être aussi plus court. 

  6   Au fond, je pense que plus ou moins le rapport aurait été identique. J'ai

  7   obtenu également de bons commentaires émanant de différents collègues de

  8   plusieurs pays qui ne font que renforcer les conclusions que j'ai

  9   présentées dans mon rapport.

 10   Q.  Vous êtes très respecté dans les cercles scientifiques et votre nom est

 11   très connu dans notre pays également. Vous êtes très apprécié en tant

 12   qu'expert, en tant que scientifique. Mais dites-moi, est-ce que ce rapport

 13   est une conséquence directe de la demande présentée par le bureau du

 14   Procureur ici à La Haye, et est-ce que le rapport montre le mandat qui vous

 15   a été confié par le Tribunal ?

 16   R.  Oui, le bureau du Procureur m'a demandé de rédiger un rapport portant

 17   sur la population au Kosovo et c'est ce que j'ai fait. Je dois admettre que

 18   je n'ai pas compris pourquoi il fallait rédiger un rapport spécial portant

 19   là-dessus, étant donné qu'il y avait certains chiffres déjà publiés. Mais

 20   par la suite, j'ai appris que ces chiffres faisaient l'objet d'un débat et

 21   c'est pourquoi on m'a demandé d'examiner tous les documents qui étaient mis

 22   à ma disposition et de tirer certaines conclusions sur la base de ces

 23   documents, et c'est ce que j'ai fait.

 24   Q.  Vous avez parlé, dans votre premier rapport, mais de manière brève,

 25   vous avez parlé d'immigration; et vous avez parlé d'immigration à cause de

 26   la situation économique, puis à cause des violences, à cause des pressions

 27   politiques, et puis à cause d'autres facteurs. Et vous avez parlé également

 28   de situations survenues à cause d'un conflit armé et ainsi de suite. Vous

Page 6125

  1   avez également parlé de la densité de la population.

  2   Donc ma question est la suivante : peut-il y avoir eu une autre interaction

  3   entre vous et le bureau du Procureur ? Est-ce que vous avez proposé

  4   d'inclure de telles informations également dans votre rapport ?

  5   R.  Dans le cadre du mandat confié, j'avais la carte blanche d'écrire ce

  6   que je voulais. Mais mon rapport n'est qu'une présentation descriptive des

  7   faits qui avaient été produits, non pas par moi, mais par d'autres

  8   institutions. Donc je n'ai pas essayé d'expliquer pourquoi il y avait

  9   émigration et immigration. La seule fois où j'ai essayé d'apporter

 10   certaines explications, c'était s'agissant des cas de naissances ou de

 11   décès. Je crois que c'était à un moment donné où il y avait un déclin de

 12   fertilité. Mais c'était juste un commentaire que j'ai fait en passant. Donc

 13   je n'ai pas essayé d'examiner la cause de ce phénomène.

 14   Q.  Ma question suivante porte sur le terme de "transition démographique."

 15   Son début, sa durée et sa fin. Vous en parlez. Expliquez à nous, laïques,

 16   qu'est-ce que cela veut dire dans le cas du Kosovo.

 17   R.  La transition démographique est un terme très utilisé en démographie.

 18   Ce terme porte sur la transition d'une société préindustrielle où il y a un

 19   grand taux de naissances et de décès, une société moderne où le taux de

 20   naissances et de décès n'est pas très élevé. Et ce qui se trouve entre les

 21   deux est la transition. Tous les pays du monde ont connu cette transition.

 22   Cela veut dire que  la mortalité est en déclin.

 23   Ce qui est intéressant c'est que s'agissant du Kosovo, le taux de

 24   naissance est resté élevé pendant une longue période bien que le Kosovo ait

 25   connu de grands développements économique et social après la Deuxième

 26   Guerre mondiale.

 27   Je pense que nous avons un graphique qui nous montre le taux de

 28   naissance et de décès. Je pense que cela figure à la page 15 en anglais,

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  1   image 3, qui montre le taux de fertilité total ou le nombre d'enfants par

  2   femme en Serbie, le Kosovo exclu, puis uniquement au Kosovo.

  3   S'agissant de la Serbie hormis le Kosovo, cela représentait deux

  4   enfants par femme depuis la moitié des années 60, ce qui correspond au

  5   niveau de l'Europe occidental, tandis qu'au Kosovo, c'était très élevé dans

  6   les années 50, il s'agissait de sept à huit enfants. Puis nous avons

  7   constaté un déclin, il ne s'agissait que de quatre à cinq enfants dans les

  8   années 80, puis dans les années 90, cela ne représentait que trois à quatre

  9   enfants. Je n'ai pas regardé quelle était la situation après 1990.

 10   Puis 3,5 enfants est un chiffre très élevé par rapport au reste de la

 11   Serbie et par rapport à d'autres pays européens. Donc il est évident que le

 12   Kosovo a connu une transition démographique.

 13   Q.  Dans votre rapport, vous avez dit que cette transition touche à sa fin

 14   au Kosovo et cela veut dire que la fertilité n'est plus au niveau qu'on a

 15   connu au cours des décennies précédentes, mais qu'on arrive à un niveau

 16   plus habituel, pour ainsi dire, plutôt européen.

 17   Donc en rédigeant ce rapport, s'agissant des sources utilisées, vous avez

 18   mentionné entre autres en tant que source le bureau fédéral des

 19   statistiques, puis vous mentionnez vos confrères français, une équipe

 20   d'anthropologues de Bordeaux; puis vous mentionnez également le secrétariat

 21   fédéral de l'information, puis les chiffres avancés par le Haut-

 22   commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; puis également, vous

 23   mentionnez Islami. Même après avoir examiné les notes de bas de page, je

 24   n'ai pas pu comprendre qui est cette personne.

 25   R.  Est-ce que vous me posez une question au sujet de M. Islami ?

 26   Q.  Oui.

 27   R.  Je ne sais pas qui est cette personne. Il s'appelle Huizi, il a publié

 28   un ouvrage --

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  1   L'INTERPRÈTE : La référence est faite en albanais, l'interprète n'a pas pu

  2   la saisir.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] -- à Pristina en 1997. C'est tout ce que je

  4   sais.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

  6   Q.  Mais est-ce que vous savez quelque chose d'autre à propos de cet homme,

  7   autre ce rapport ? Est-ce que vous savez s'il a travaillé pour une

  8   organisation au Kosovo, qu'il s'agisse du Haut-commissariat des réfugiés au

  9   Kosovo ou quelqu'un d'autre ?

 10   R.  Non, je l'ignore. Je ne savais rien à son sujet. Cela n'a pas été

 11   publié dans une revue scientifique. Vous savez, nous, les scientifiques,

 12   nous préférons les publications faites dans les revues scientifiques. Mais

 13   s'agissant d'autres publications, il n'y a rien qui nous garantit la

 14   qualité du travail fourni. Cela vaut pour l'étude présentée par Islami et

 15   également pour l'étude présentée par le secrétariat fédéral de

 16   l'information. Il se peut qu'il y ait une autre raison, une autre

 17   motivation cachée derrière ces rapports présentés.

 18   Q.  Vous conviendrez que la science est souvent utilisée à des fins

 19   politiques; mais étant donné que nous sommes au Tribunal, ce qui nous

 20   intéresse avant tout, ce sont vos connaissances scientifiques. Ma question

 21   suivante, compte tenu de votre réponse que vous venez d'apporter, est la

 22   suivante : dans le cadre de votre travail, après avoir examiné ces

 23   informations, est-ce que vous avez contacté les experts émanant de ces

 24   instituts, par exemple s'il s'agit de l'institut fédéral des statistiques,

 25   est-ce que vous avez contacté vos collègues à Belgrade, ou bien s'agissant

 26   du secrétariat fédéral de l'information, est-ce que vous avez contacté

 27   quiconque émanant de ce secrétariat, ou bien est-ce que vous avez contacté

 28   quelqu'un travaillant au Haut-commissariat des réfugiés de l'ONU ou vos

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  1   collègues de Bordeaux pour tirer au clair certaines choses ou jeter la

  2   lumière sur certaines ambiguïtés que vous avez rencontrées dans le cadre de

  3   votre travail ?

  4   R.  J'ai pu avoir des contacts avec des démographes français une fois que

  5   j'ai rédigé mon rapport, et avant d'ailleurs de présenter une forme

  6   définitive de mon rapport; encore que je n'ai pas eu le temps de contacter

  7   des confrères d'autres institutions, malheureusement. Vous-même vous avez

  8   accusé le fait que la période de temps qui m'a été confiée ne m'a pas

  9   permis de pouvoir avoir des contacts avec des confrères d'autres

 10   institutions.

 11   Q.  Merci. Travaillant en qualité de scientifique que vous êtes, vous avez

 12   dû tout de même adopter la méthodologie qui est la vôtre, laquelle nous

 13   pouvons lire dans votre rapport d'expert, lorsque vous dites que dans le

 14   domaine de l'ex-Yougoslavie la méthode adoptée en matière de démographie

 15   est celle se basant sur la méthode de jure. Est-ce que vous pouvez dire

 16   qu'en Europe à cette époque-là, c'était une méthode généralement adoptée ?

 17   Vous parlez d'une recommandation de l'ONU, on traite de l'année 1958 pour

 18   traiter de la méthode dite de fait. La méthode qui était adoptée dans le

 19   domaine de l'ex-Yougoslavie, avez-vous dit, il s'agissait évidemment de

 20   parler de la méthode de jure. Est-ce que c'était la méthode, d'après vous,

 21   qui a été réellement importante et d'ailleurs qui faisait foi à cette

 22   époque-là ?

 23   R.  Non, la méthode habituellement adoptée, utilisée, exploitée était la

 24   méthode dite de fait, car excusez-moi, lorsque vous procédez à un

 25   recensement, vous voulez savoir comment se présente la taille

 26   démographique, le nombre de populace des nationaux à une période donnée. Le

 27   jour du recensement, il s'agit de savoir qui sont les personnes qui ne sont

 28   pas dans le pays, les gens qui sont partis du pays ne peuvent pas y être

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  1   inclus. Les touristes, par exemple, sont inclus; si par exemple quelqu'un a

  2   pu faire un déplacement. Mais il y a des pays où on ne traite que des gens

  3   qui sont présents physiquement le jour du recensement. Quelquefois,

  4   évidemment, on peut toujours proclamer un couvre-feu pour savoir où les

  5   gens se trouvent, pour ne pas qu'il y ait de sortie du pays.

  6   Le problème de la méthode adoptée et utilisée dans l'ex-Yougoslavie fait

  7   que d'ordinaire cela faisait entrer également des gens qui ont quitté

  8   temporairement la Yougoslavie pour travailler, trouver un emploi à

  9   l'étranger et cela pour une période prolongée. Ces gens-là donc figurent

 10   dans le recensement, ce qui évidemment manque de cohérence parce qu'il

 11   s'agit de parler de gens qui résident dans deux Etats différents.

 12   Q.  Pour parler de cette période-là, par exemple pour parler de votre pays,

 13   quelle serait la méthode adoptée et appliquée chez vous, en Norvège ?

 14   R.  Il s'agissait, pour parler d'un type, d'une forme de méthode de fait.

 15   Il ne s'agit pas de parler de méthodes évidemment tout à fait fiables et

 16   justes. Il y a des gens qui se font hospitaliser, par exemple, mais ces

 17   gens-là sont tout de même couverts par le recensement. Depuis les années

 18   '70, nous avons un registre central démographique qui sert de base pour

 19   tout recensement.

 20   Le tout dernier recensement mené chez nous a eu lieu en 2001. Ceci ne sera

 21   pas le cas très prochainement, il y aura évidemment lieu de repérer toutes

 22   les informations nécessaires dans les différents registres de

 23   l'administration de l'Etat.

 24   Q.  Merci. Pour ce qui est des expériences que sont les vôtres pour suivre

 25   les migrations, je parle évidemment de données auxquelles vous faites

 26   référence et lesquelles données manquent dans le cas du Kosovo et vous

 27   réfléchissez à cela, vous vous posez la question là-dessus ?

 28   R.  Une des façons dont il faut procéder consiste à recueillir des

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  1   informations, c'est-à-dire dans le cas de recensement on peut poser la

  2   question à des gens s'ils se sont rendus à l'étranger pendant telle ou

  3   telle période ou on peut peut-être poser la même question à des membres de

  4   famille respective. Et vous posez d'autres questions concernant lesquelles

  5   années il y avait lieu de parler de migration, et c'est ainsi qu'on pouvait

  6   faire des conclusions pour ce qui est des migrations.

  7   Ensuite on peut procéder comme l'ont fait d'ailleurs les Français lors des

  8   recensements. Les questions sont plutôt les mêmes je dirais pour parler de

  9   recherches dites de rétrospective.

 10   Le mieux serait de savoir la date exacte où telle ou telle personne a

 11   quitté le pays ou est rentrée dans le pays. De même en est-il pour parler

 12   de méthode adoptée dans mon pays, encore que là on peut déceler pas mal de

 13   lacunes.

 14   Q.  Vous avez parlé de méthode dans une situation valable pour la Serbie et

 15   les deux provinces, vous avez dit que ceci ne servait pas de base de

 16   données efficace non plus qu'utile, mais ce n'est pas la raison pour

 17   laquelle on ne devrait pas peut-être procéder à une élaboration de la

 18   situation. Parce que pour parler du Kosovo, il y a eu pas mal de gens, des

 19   Albanais surtout qui ne se présentaient pas aux urnes, et s'agissait-il de

 20   dire que c'était une mauvaise démarche pour pouvoir suivre en statistiques

 21   l'évolution de la démographie, l'évolution de nationaux ? Est-ce que vous

 22   pouvez peut-être ajouter quelque chose, un commentaire, pour expliquer

 23   cela.

 24   R.  Je n'ai pas très bien saisi votre question, mais permettez-moi

 25   d'essayer tout de même d'y répondre. Comme je viens de le dire, la

 26   population albanaise a boycotté le recensement de la population en 1991,

 27   mais cette population s'est déclarée lors des recensements préalables,

 28   encore qu'il y ait eu des critiques au sujet du recensement de 1981, c'est-

Page 6132

  1   à-dire que ces gens-là n'ont pas été suffisamment représentés. Mais je ne

  2   vois pas de preuve solide en faveur de telles assertions.

  3   D'une manière générale, il est difficile de prendre la mesure de la

  4   migration, qu'il s'agisse d'Albanais, de Serbes et d'autres nationaux. Si,

  5   par exemple, vous ne disposez pas d'un système solide en matière de

  6   recensement pour savoir à quelle date, à quel moment les gens s'en vont ou

  7   rentrent dans le pays, évidemment ceci ne se passe pas sans difficultés. On

  8   peut procéder à des interviews, par des méthodes directes on peut obtenir

  9   des données concernant évidemment le vrai et le bon recensement de la

 10   population.

 11   Q.  Ma question était la suivante, comment ce système fonctionnait-il

 12   lorsqu'il s'agit de parler de migration dans l'Ex-Yougoslavie, notamment

 13   dans Kosovo-Metohija lorsque vous deviez par exemple vous baser sur tels ou

 14   tels textes légaux qui auraient pu être à votre disposition ? Est-ce que

 15   vous avez d'ailleurs consulté de tels textes ?

 16   R.  Malheureusement, je ne connais pas les lois régissant ce domaine dans

 17   l'Ex-Yougoslavie. Pour autant que je sache, il n'y a pas eu vraiment lieu

 18   de parler d'un juste et bon enregistrement de la migration. Pourtant la

 19   police, quant à elle, disposait de données concernant la population dans ce

 20   domaine-là. Mais évidemment ces relevés n'ont pas été très concrets. Je

 21   crois que le MUP, le ministère des Affaires intérieurs, disposait de

 22   données de ce genre, de cette nature concernant les gens; mais je me

 23   demande si ceci a été mis à jour et tenu à jour pour traiter évidemment des

 24   naissances, des décès et de la migration. Je crois qu'on ne disposait pas

 25   d'un bon système en matière de mise à jour de données relatives.

 26   Q.  Maintenant que nous sommes en train de parler de différentes analyses,

 27   permettez-moi de revenir à un fragment où on parle d'estimation concernant

 28   le taux d'accroissement. A la page 3 de l'addendum de votre rapport, je

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  1   crois qu'il s'agit du dernier fragment, le dernier alinéa. Vous dites que

  2   pour la période de 1981 à 1990, l'accroissement démographique du Kosovo

  3   était de l'ordre de 433 000 personnes; alors que l'accroissement total

  4   présentait 372 000. Je me suis occupé du chiffre, je fais un exercice

  5   mathématique, ce qui ne me paraît pas tout à fait clair.

  6   La différence qui présente 65 000 personnes, vous dites que cette

  7   différence est due à des emménagements. C'est-à-dire, vous dites qu'il

  8   s'agit de solde positif en matière de migration. Il y a plus d'emménagés

  9   que de partis. Or, ce qui négativement se solde par la différence est dû au

 10   fait que les gens sont partis. Il s'agit tout de même à mon sens d'une

 11   erreur. Je me suis penché sur l'original en anglais, migration net pour le

 12   Kosovo en cette période, et cetera. Je n'ai pas pu comprendre

 13   mathématiquement parlant en quoi cela consiste.

 14    R.  Dans mon rapport, il est dit que pour la période de 1981 à 1990,

 15   encore que moi je dis que ceci devait englober l'année 1991, d'après cette

 16   même source, l'accroissement consistait en un chiffre de 433 000 personnes;

 17   ce qui est la différence entre les personnes nées et les personnes

 18   décédées. Mais dans d'autres sources, peut-on dire, la différence

 19   consistait en un chiffre de 372 000. Je comprends ce que vous avez voulu

 20   dire tout à l'heure. Il s'agit évidemment d'un chiffre inférieur.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   R.  Merci de l'avoir corrigé et comblé cette lacune. On devrait tout de

 23   même y lire migration net ou chiffre net. C'est-à-dire l'accroissement

 24   était supérieur que ce qui était présenté comme un accroissement réel,

 25   parce qu'il y a une différence, un décalage dû à des départs de personnes.

 26   Q.  Cela me paraît un peu plus clair maintenant.

 27   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais tout de même

 28   que cela soit pris en considération pour ce qui est des erreurs qui se sont

Page 6134

  1   glissées dans mon rapport, ce dont nous nous occupions au début de mon

  2   témoignage. Page 3 de l'addendum, quatrième alinéa, l'avant-dernière ligne

  3   : 

  4   "Pour parler de la croissance, du total là où on suppose qu'il y a eu

  5   un accroissement total."

  6   On devrait dire : 

  7   "D'une migration, c'est-à-dire pour traiter des personnes parties,

  8   qui ont quitté le Kosovo."

  9   Q.  Je crois qu'il s'agit de la page 4 de votre rapport, problèmes en

 10   matière d'estimation démographique. Le premier paragraphe permet de dire

 11   que la méthode la plus usuelle consiste à procéder à un recensement des

 12   foyers.

 13   S'il vous plaît, vous avez parlé de données, lorsqu'il s'agit d'estimation

 14   à faire et de projection, ce qui semble être très ingrat notamment

 15   lorsqu'il s'agit de recherches dont vous vous occupez. Permettez-moi de

 16   vous demander quels sont les paramètres de base que vous mettez en

 17   pratique, que vous adoptez en tant que scientifique pour atteindre le

 18   niveau de probabilité auquel vous faites référence dans votre rapport

 19   d'expert; c'est-à-dire ces conclusions coïncident à peu près à des données

 20   qui auraient été affichées si jamais un recensement aurait eu lieu. Quels

 21   sont ces facteurs qui entrent en jeu ? Ensuite, je veux vous poser cette

 22   question évidemment sur les faits tels que vous les avez obtenus lorsque

 23   vous traitez des données qui sont les vôtres.

 24   R.  Excusez-moi, pouvez-vous peut-être reformuler votre question. Soyez un

 25   peu plus concret, si possible.

 26   Q.  Vous ne disposez pas de données exactes concernant un recensement

 27   effectué. Vous ne faites que des estimations, par exemple, pour dire

 28   combien il devait y avoir lieu de voir de nationaux de tel ou tel groupe

Page 6135

  1   ethnique, par sexe, femmes, hommes, et cetera. Quels sont donc les éléments

  2   de base que vous prenez en considération pour que votre estimation soit

  3   aussi juste et exacte que possible ? Quelles sont les méthodes adoptées par

  4   vous pour procéder à de telles projections ? Voyons ce dont se sont occupés

  5   les experts français, qu'a fait le bureau fédéral des statistiques ? Qu'ont

  6   fait les gens du secrétariat à l'information ? Comment a procédé l'autre

  7   monsieur dont vous avez mentionné le nom, M. Islami ? Quels sont les

  8   paramètres retenus pour que vous puissiez aboutir à telle ou telle

  9   conclusion ? Voilà ma question en matière de méthodologie des estimations.

 10   R.  Je présume que vous êtes en train de parler du recensement de 1991 au

 11   Kosovo, lequel recensement a été boycotté par les Albanais. Comme je vous

 12   l'ai déjà dit, les paramètres retenus et utilisés par l'institut de la

 13   statistique de Belgrade se basaient sur une estimation de la population

 14   albanaise. On ne pouvait faire que des projections sur la base de

 15   recensement de 1981 et sur la base des données concernant les naissances et

 16   les décès valables pour la période de 1981 et 1991.

 17   Si nous voulions par exemple établir le total des nationaux en 1988, avant

 18   évidement l'éclatement des conflits, nous voyons que les démographes

 19   français, quant à eux, disposaient d'une estimation démographique de la

 20   population pour cette période-là. Mais eux ils se devaient également de

 21   faire une estimation des migrations qui ont été effectuées jusqu'à ce

 22   moment-là où on a dû procéder à une estimation.

 23   En d'autres termes, vous devez pouvoir dire que les chiffres concernent la

 24   démographie et la population à un moment donné, ensuite estimation

 25   démographique lorsque par exemple il y a eu tel ou tel changement et

 26   jusqu'au moment où des changements et des évolutions ont été effectuées. Si

 27   vous n'avez pas compris cela, je vous en prie de procéder en posant des

 28   questions.

Page 6136

  1   Q.  J'ai admirablement bien compris ce que vous venez de dire. Je voulais

  2   tout simplement me référer à ce qui a été dit en réponse à un de mes

  3   collègues, Tomislav Visnjic, dans le cadre de l'affaire Milutinovic. La

  4   question posée par ce confrère lorsqu'on traitait des estimations, on

  5   devait par exemple prendre comme élément de base l'année où des estimations

  6   ont été faites. La seconde base de données concernait les naissances et les

  7   décès. Et le troisième élément serait l'élément des migrations, des

  8   émigrations et immigrations. Vous avez répondu de façon positive que les

  9   migrations peuvent être positives ou négatives. Il peut y avoir des entrées

 10   et des sorties, des immigrations et des émigrations, et vous avez parlé de

 11   certains éléments de base qu'il faut prendre en considération pour aboutir

 12   à une bonne estimation.

 13   Une fois que de telles réponses ont été recueillies, il y a eu

 14   d'autres questions qui vous avaient été posées dans d'autres sens. Moi, je

 15   ne me propose pas de poser de telles questions dans d'autres sens, mais ma

 16   question est la suivante : vous vous êtes basé sur telle ou telle donnée,

 17   et vous dites le bureau fédéral de la statistique vous avait dit que ces

 18   résultats frôlent le réel. Pour le secrétariat à l'information, vous dites

 19   que ceci n'est pas tout à fait réel. Pour Islami, vous dites que c'est un

 20   petit peu différent. De même dites-le pour ce qui est des estimations

 21   faites par les démographes français.

 22   Par exemple, pour l'UNHCR, vous avez dit que leurs estimations sont

 23   très près du réel. Encore que la méthode utilisée par les gens de l'UNHCR

 24   consistait en listes électorales qui n'ont pas été vraiment fiables, parce

 25   qu'on ne pouvait pas savoir qui sont les personnes qui n'avaient pas l'âge

 26   de 18 ans, donc n'avaient pas le droit de voter.

 27   Ma question est la suivante : est-ce que vous avez procédé à un

 28   examen des méthodes exploitées concrètement par chacune des institutions

Page 6137

  1   que j'ai énumérées tout à l'heure, ou avez-vous pu dire que par exemple

  2   leurs conclusions devaient se baser sur d'autres éléments ou facteurs, par

  3   exemple quelque peu forfaitaires ou gratuits ?

  4   R.  Merci de cette question. Bien sûr que je me suis occupé de la

  5   méthodologie retenue par chacun de ces organismes. Je ne pense pas pour

  6   autant que l'UNHCR, lorsqu'il traite de 2,2 millions d'habitants en 1998,

  7   devait se baser sur les listes électorales. Je suis d'accord avec vous pour

  8   dire que pour traiter des listes électorales, ceci ne pouvait pas être une

  9   source fiable de données lorsqu'il s'agit de taille de la population. Parce

 10   que tous ceux dont l'âge est inférieur de 18 ans n'y sont pas, ou peut-être

 11   que les gens qui ne se sont pas présentés aux urnes. Donc ce n'est que

 12   d'une façon indirecte que l'on peut utiliser évidemment ces listes

 13   électorales.

 14   Q.  Lorsqu'il s'agit de ces évolutions qui présentent des changements en

 15   matière démographique, nous avons pu voir comment depuis les années 1960 la

 16   population albanaise a connu des accroissements, pendant que d'autres

 17   populations présentaient des stagnations, les Serbes étaient en

 18   décroissance.

 19   Vous dites que plus importante est la fertilité parmi les femmes

 20   albanaises que ailleurs, étant donné les totaux, nous comprenons fort bien,

 21   ça nous semble logique. Mais lorsque vous parlez d'un total négatif pour

 22   parler des Serbes, je n'entre pas dans les détails pour dire quelle en est

 23   la cause.

 24   Je voulais dire tout simplement et je vous pose la question, est-ce

 25   que vous n'avez peut-être pas disposé de données fiables pour traiter de

 26   sources, de documents, de littérature différente ou peut-être vous êtes-

 27   vous servi d'autres données ? Il n'y a pas une seule ligne pour traiter des

 28   évolutions négatives en matière de la population serbe au Kosovo-Metohija.

Page 6138

  1   R.  Il y a deux raisons pour lesquelles je n'ai pas fait référence à

  2   ces différentes causes. D'abord, on ne me l'avait pas demandé; seconda,

  3   ceci aurait nécessité une ample et plus importante connaissance de

  4   l'histoire, de la situation économique, de la situation sociale qui

  5   prévalait dans le Kosovo. De même, fallait-il prendre en considération

  6   divers problèmes politiques que j'ignorais.

  7   On m'avait demandé tout simplement de faire une étude des données

  8   démographiques et non pas d'offrir des explications.

  9   Q.  Je vais vous poser une autre question : pour parler évidemment des gens

 10   qui sont venus de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, également de la Serbie et

 11   du sud, chose qui ne s'était pas produite pour ainsi dire, vous dites qu'il

 12   s'agissait des gens qui étaient de nationalité serbe. Pour parler de gens

 13   qui sont venus d'Albanie, vous ne parlez pas de leur appartenance ethnique.

 14   Est-ce que cela serait considéré comme une lacune de votre part ? Peut-être

 15   que vous ne disposiez pas de suffisamment de documents pour traiter des

 16   gens qui étaient venus dans le Kosovo ? Peut-être vous ne connaissiez pas

 17   de quoi il s'agissait à cette époque-là, lorsque nous parlons, par exemple,

 18   de migration, cette fois-ci, des migrations. C'est mon confrère Lukic qui

 19   vous avait posé une question de ce genre-là dans le cadre de l'affaire

 20   Milutinovic et consorts.

 21   R.  Je vous prie de me dire à quoi vous faites référence très exactement où

 22   j'en ai traité, moi, dans mon rapport d'expert lorsque j'ai traité de ces

 23   différents flux migratoires ?

 24   Q.  Une seconde. Je sais qu'en ce moment-là vous avez été utile à mon

 25   confrère. Vous avez dit où cela figurait dans votre rapport. Voilà. Par

 26   exemple, immigration des Serbes de Bosnie-Herzégovine pendant la guerre,

 27   les Croates et les Bosniens, quant à eux, étaient des personnes déplacées.

 28   Je vois très exactement que vous faites référence à une immigration. Page

Page 6139

  1   7, premier alinéa.

  2   R.  Dans ce paragraphe, je fais référence à différents flux migratoires

  3   connus en littérature, mais je ne disposais pas de chiffres, de données

  4   exactes ou concrètes pour la majeure partie de ces flux migratoires. On

  5   parle, par exemple, de l'immigration des Serbes et des Albanais -- de

  6   l'émigration de ces gens-là, pour des raisons économiques. Ensuite, on

  7   parle d'immigration des gens qui sont venus de Bosnie-Herzégovine et de

  8   Croatie, immigration de Serbes; ensuite, on parle d'immigration d'Albanais

  9   depuis l'Albanie, et cetera.

 10   Mais en quoi consistait votre question ? Pourquoi je n'ai pas fait

 11   référence à la nature ethnique, au groupe ethnique pour parler des Albanais

 12   d'Albanie ?

 13   Q.  Non, non, non, vous avez fait mention d'Albanais d'Albanie, mais vous

 14   n'avez pas dit d'où ils étaient venus. Vous avez dit plus tard que vous ne

 15   disposiez pas de données exactes pour savoir le total de ces personnes-là.

 16   Vous avez dit qu'il s'agissait de parler de la guerre de 1992 à 1995,

 17   pendant laquelle période des Serbes ont immigré au Kosovo. Dans l'affaire

 18   Milutinovic, vous avez répondu comme cela. Pour répondre à la question de

 19   mon confrère Lukic, vous avez dit l'immigration des Serbes de Bosnie-

 20   Herzégovine au Kosovo, il s'agissait de parler de Serbes de Bosnie et de

 21   Croates. Il s'agit d'ailleurs de personnes déplacées. Et je vois que vous

 22   faites référence très exactement à cela.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic, vous y allez

 24   beaucoup trop vite pour donner lecture de ce texte.

 25   M. DJORDJEVIC : [aucune interprétation]

 26   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas

 27   interrompre, mais puis-je dire à l'adresse de mon confrère, toutes les fois

 28   où il fera référence à d'autres témoignages de nous donner des références

Page 6140

  1   exactes, et je le remercie. Merci, Monsieur le Président.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

  3    Q.  Pour abréger les choses, voici ma question : est-ce que vous vous

  4   souvenez avoir parlé de cela ? C'est vers la fin de votre déposition dans

  5   l'affaire Milutinovic.

  6   R.  Vaguement. Je suis au courant de certains des conflits en Bosnie-

  7   Herzégovine, et en Croatie et dans la Krajina, de même que le flux de

  8   réfugiés, et j'ai lu que certains d'entre eux sont allés au Kosovo. C'était

  9   juste un exemple des flux de migration vers le Kosovo et à l'extérieur du

 10   Kosovo. Il n'y a pas eu d'analyses du nombre ou de l'appartenance ethnique

 11   de ces personnes.

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le moment est quand

 13   même opportun pour faire la pause pour que je puisse trouver la référence,

 14   et ensuite je vais continuer le contre-interrogatoire, compte tenu du fait

 15   que nous travaillons depuis une heure et demie déjà.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une

 17   pause maintenant, et nous allons reprendre notre travail à 11 heures.

 18    --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

 19   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djordjevic.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Au paragraphe 28 de votre rapport d'expert, il est question des

 23   estimations des Albanais du Kosovo à l'étranger, et c'est là que vous

 24   faites référence aux estimations de M. Malcolm, et aussi celles de M.

 25   Islami, qui sont dans une gamme entre 300 et 500 000. Que pouvez-vous nous

 26   dire au sujet de la fiabilité de ces données ?

 27   R.  Excusez-moi, quelle page ?

 28   Q.  Page 5 en B/C/S. En anglais, je suppose que c'est la même page. Dernier

Page 6141

  1   paragraphe. Il s'agit du chapitre intitulé "Problèmes liés à l'estimation

  2   de la population," donc c'est la page suivante. Ça commence avec la phrase

  3   suivante :

  4   "Les estimations du FSO selon lesquelles il existe 28 000 à 91 000

  5   personnes qui sont temporairement absentes puisqu'ils travaillent à

  6   l'étranger." Ensuite Malcolm 368 et Islami, 500 000.

  7   R.  Et quelle est votre question ?

  8   Q.  La fiabilité de ces estimations comme nous pouvons voir qu'il y a une

  9   gamme entre 28 000 et un demi million d'Albanais qui travaillent à

 10   l'étranger temporairement. Grecic est mentionné ici aussi.

 11   R.  J'ai mentionné déjà, j'ai dit que les estimés cités par M. Grecic et

 12   Malcolm incluent de nombreux Albanais qui sont partis. Donc ça veut dire

 13   qu'ils ne doivent pas faire partie des estimations du FSO portant sur les

 14   travailleurs temporairement absents puisqu'ils travaillent à l'étranger,

 15   s'ils avaient quitté le Kosovo et la Serbie et s'ils vivent à l'étranger.

 16   C'est la raison pour laquelle les chiffres diffèrent à ce point-là. Je n'ai

 17   pas inclus certaines de ces données. Puis s'agissant d'un certain nombre de

 18   personnes, nous ne connaissons pas leurs intentions, mais peut-être ils

 19   vivent à l'étranger depuis longtemps.

 20   Q.  Vous avez mentionné Malcolm. Je souhaite que vous nous disiez si vous

 21   savez quelles étaient les sources qu'il avait utilisées lorsqu'il a dit

 22   qu'en 1993, par exemple, 368 000 Albanais du Kosovo vivaient dans les pays

 23   de l'Europe occidentale ?

 24   R.  Afin de pouvoir répondre à cette question, je dois consulter le livre

 25   de M. Malcolm, que je n'ai pas ici.

 26   Q.  En ce qui concerne ces données, est-ce que vous avez une estimation de

 27   votre part concernant les données qui risquent d'être les plus proches de

 28   la situation réelle ou pas ?

Page 6142

  1   R.  Non, ceci ne faisait pas partie de mon mandat. Bien sûr, si on me

  2   l'avait demandé, j'aurais pu me pencher sur les recensements des pays

  3   différents et voir s'ils avaient une répartition suivant l'appartenance

  4   ethnique, la citoyenneté, le pays de naissance ou d'origine pour voir la

  5   population, par exemple, albanaise dans les pays tels que le mien, la

  6   Norvège.

  7   Mais même s'agissant de mon pays, ce serait difficile car le pays d'origine

  8   aurait été soit la RSFY et par la suite la Yougoslavie et par la suite la

  9   Serbie; car comme vous le savez, le Kosovo a déclaré son indépendance

 10   seulement récemment, bien après les événements et bien après la période

 11   concernée.

 12   Q.  Peut-on dire que ces estimations sont tout à fait arbitraires, les

 13   estimations que vous avez mentionnées lorsque vous avez mentionné tous ces

 14   auteurs.

 15   R.  Est-ce que vous parlez du nombre d'Albanais à l'étranger ?

 16   Q.  Exactement.

 17   R.  Dans ce cas-là, il faudrait encore une fois que je vérifie les sources

 18   de M. Malcolm et M. Grecic qui cite un chiffre encore plus élevé, 500 000

 19   Albanais à travers l'ex-Yougoslavie qui vivent à l'étranger. Quant à la

 20   question de savoir si ceci n'est pas incohérent ou irréaliste, je ne

 21   saurais vous le dire.

 22   Mais au moins M. Malcolm est un auteur de renommée. Je ne sais pas pour ce

 23   qui est de M. Grecic. Je pense qu'il y avait aussi des débats autours du

 24   chiffre avancé par M. Malcolm. J'ai vu des références à cela, mais je ne

 25   suis pas entré dans les détails.

 26   Q.  Compte tenu du fait que M. Grecic faisait une estimation du nombre

 27   total des Albanais vivant à travers le monde, alors que M. Malcolm s'était

 28   limité aux Albanais vivant en Europe occidentale si j'ai bien compris.

Page 6143

  1   R.  Vous avez raison. Si je relis ce paragraphe, il y est écrit que M.

  2   Grecic parle des Albanais qui viennent de toutes les parties de la

  3   Yougoslavie et qui vivaient à l'étranger, alors que M. Malcolm parle

  4   seulement de ceux qui vivaient en Europe occidentale. Donc ça veut dire que

  5   les chiffres sont cohérents. Et bien sûr, de nombreux Albanais qui vivent

  6   dans des pays à l'extérieur de l'Europe occidentale, par exemple, les

  7   Etats-Unis ou le Canada.

  8   Q.  Merci. Le paragraphe suivant est à la page suivante et commence avec

  9   l'"estimation de la population," c'est le premier paragraphe, et vous dites

 10   il est possible d'utiliser plusieurs méthodes et le plus simple, c'est de

 11   se fonder sur le taux de croissance de la population. Vous nous avez déjà

 12   parlé de cela. Ici vous dites qu'avec cette méthode on ne tient pas compte

 13   de la dynamique de la structure d'âge. Tout d'abord, expliquez-nous ce que

 14   ça veut dire la dynamique de la structure d'âge ?

 15   R.  La dynamique de la structure d'âge fait référence au changement de la

 16   population s'agissant de chaque groupe d'âge. Comme vous le savez

 17   s'agissant des naissances, les naissances sont données seulement par des

 18   femmes de 15 à 50 ans. La plupart des gens plus âgés ne procèdent pas

 19   beaucoup à une migration, donc ça dépend. Le nombre de naissances et le

 20   taux de croissance dépendent de la composition de la population, la

 21   structure de l'âge d'une population.

 22   Si dans vos calculs vous extrapolez le taux de croissance, vous ne prenez

 23   pas cela en considération. Donc peut-être c'est parce qu'il y aura une

 24   diminution de la population prochainement, car maintenant elle est en train

 25   de croître, ou parce que le taux de fertilité est bas ou parce qu'il y a de

 26   nombreuses personnes âgées. Donc c'est la raison. C'est une méthode

 27   meilleure que celles qui se fondent seulement sur le fait d'extrapoler les

 28   taux de croissance.

Page 6144

  1   Q.  Mais de toute façon, la structure de l'âge, ou plutôt sa dynamique,

  2   tout comme le taux de croissance, sont les éléments de cette méthode. Puis

  3   vous avez parlé du taux de la naissance ou de décès. Donc tout ça, c'est

  4   tout à fait clair. Mais après, vous avez parlé des méthodes visant à

  5   déterminer le taux de croissance naturel. Est-ce que c'est la même chose

  6   que le taux de croissance de la population ?

  7   R.  Non. Car le taux de croissance naturel est la proportion entre le taux

  8   de naissance et de décès, alors que la croissance de la population tient

  9   compte aussi des flux migratoires.

 10   Q.  Dites-moi, la méthode de la croissance naturelle, est-ce qu'elle est en

 11   contradiction avec cette méthode du taux de croissance de la population ?

 12   Quelle est la situation en matière de cela ? Car moi je ne suis pas un

 13   spécialiste, donc permettez-moi et tous les autres qui ne sont pas

 14   spécialistes en matière de la démographie de mieux comprendre.

 15   R.  Si vous prenez le nombre de naissances par an et si vous divisez cela

 16   par la population moyenne, vous allez obtenir le taux de naissance. Vous

 17   faites la même chose s'agissant du taux de décès : vous divisez le nombre

 18   de décès par la population moyenne; vous allez soustraire ces deux chiffres

 19   et ainsi, vous allez obtenir le taux de croissance naturelle. Vous pouvez

 20   multiplier cela par 100 pour obtenir le pourcentage du taux de croissance

 21   naturelle. Encore une fois, les flux migratoires ne sont pas pris en

 22   considération.

 23   Q.  Merci de cette explication détaillée. La dynamique de la structure de

 24   l'âge et la méthode de composante de la cohorte, est-ce que vous pouvez

 25   nous expliquer les corrélations ?

 26   R.  C'est la méthode de composante de la cohorte qui est utilisée

 27   aujourd'hui en projetant chaque groupe d'âge de la population. Donc vous

 28   pouvez commencer une année et puis vous multipliez le taux de survie de ce

Page 6145

  1   groupe. Ensuite, vous allez obtenir la population portant sur une période

  2   d'un an ou de cinq ans plus tard et la proportion de la population qui a

  3   survécue.

  4   Ensuite vous multipliez le nombre de femmes dans chaque groupe d'âge, 15 à

  5   19, par exemple, avec le taux de naissance pour le groupe d'âge

  6   correspondant, et ça vous donne la population à un moment donné à l'avenir.

  7   Mais encore une fois, les flux migratoires ne sont pas pris en

  8   considération. S'il n'y a pas de migration, le chiffre est correct, mais

  9   s'il y a des flux migratoires, il faut faire une estimation.

 10   Nous avons déjà parlé du fait que les données portant sur la migration sont

 11   bien plus défaillantes que les données portant sur la naissance et les

 12   décès.

 13   Q.  Dites-moi, lorsque vous avez travaillé dans le cadre de ce rapport,

 14   est-ce que vous avez utilisé les données émanant des bureaux de statistique

 15   de la province de Pristina au sujet des données démographiques ou pas ?

 16   R.  Je pense que je n'ai pas utilisé beaucoup de données émanant de

 17   Pristina ou au moins, ceci n'a pas été utilisé s'agissant du nouveau

 18   bureau, car à cette époque avant 1999, il n'avait pas encore été établi.

 19   Mais il y avait un bureau de la province qui était en recueil des données

 20   s'agissant du recensement, et je suppose qu'ils étaient aussi en charge

 21   d'enregistrement des naissances et des morts, ce qui appelé le système

 22   statistique vital.

 23   Mais toutes les sources sont indiquées comme venant de Belgrade. Donc ils

 24   donnaient toutes les sources à Belgrade, ils transféraient les données à

 25   Belgrade, au bureau statistique fédéral, qui vérifiait les données, je

 26   suppose, et créait les tableaux, les statistiques et les livres.

 27   Q.  Docteur, est-ce que vous savez qu'à la fin des années 1950 et début

 28   1960, les rapports détaillés du bureau de la province ne finissaient pas à

Page 6146

  1   Belgrade, mais restaient à Pristina en réalité ? Est-ce que vous êtes au

  2   courant de cette donnée ? Donc, Belgrade n'avait pas de rapports détaillés,

  3   il n'y avait pas de rapports centralisés s'agissant des détails du

  4   recensement dans la municipalité, mais le tout se terminait au niveau du

  5   bureau de la statistique de la province.

  6   R.  D'après les données que j'ai reçues de Belgrade, ils avaient les

  7   données pour le Kosovo-Metohija, donc ils ont certainement reçu les données

  8   d'une certaine manière de Pristina.

  9   Q.  Ils ont les données les plus importantes statistiques, cependant les

 10   statistiques détaillées sont dans le bureau provincial. Donc ces documents

 11   n'ont pas été utilisés dans le cadre de votre travail, c'est ce que je

 12   souhaitais vous demander.

 13   Voici ma question suivante.

 14   R.  Puis-je faire un commentaire ?

 15   Q.  Oui.

 16   R.  Ceci était le cas dans toutes les républiques. Je suis au courant des

 17   résultats du recensement en Bosnie-Herzégovine, et ils ont recueilli les

 18   données et traité les données à Sarajevo; ensuite ceci a été transféré, je

 19   crois, les tableaux ont été transférés à Belgrade, non pas les micros

 20   données, les données de base contenues dans les formulaires du recensement.

 21   Et apparemment, le même procédé a été appliqué s'agissant du Kosovo, à

 22   Pristina.

 23   Q.  Je suppose que vous serez d'accord avec moi pour dire que le

 24   recensement avait été fait par les autorités de la province et non pas par

 25   les autorités fédérales compte tenu du fait que chaque république de l'Ex-

 26   Yougoslavie et chaque province en Serbie avaient ses propres organes qui

 27   mettaient en œuvre le recensement. Peut-on être d'accord là-dessus pour

 28   dire que le gouvernement fédéral ne faisait que développer les formulaires

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  1   qui devaient être utilisés dans le cadre du recensement ?

  2   R.  J'ai l'impression que le gouvernement fédéral a fait plus que cela. Ils

  3   avaient conçu le formulaire et ils ont donné les lignes directrices à

  4   chaque république. Ils ont introduit également une loi et donc, il y avait

  5   une certaine surveillance du recensement dans chaque république. Quant à la

  6   question de savoir à quel point la coopération était étroite, je ne sais

  7   pas, mais je sais qu'il y avait une espèce de comité central et un

  8   questionnaire qui était pratiquement identique dans chaque république.

  9   Q.  Merci. Le paragraphe ou plutôt d'autres estimations de la population au

 10   cours des années 1990, paragraphe 2, en B/C/S c'est la page 11; en anglais,

 11   je ne suis pas tout à fait sûr, mais il s'agit du point 7, donc d'autres

 12   estimations de la population au cours des années 1990. Et là, il est écrit

 13   que la population albanaise s'est élevée en 1995 à 1,96 millions.

 14   L'avez-vous trouvé ? C'est le point 7; je pense que c'est la page 11 ou

 15   peut-être 12; deuxième paragraphe.

 16   R.  Oui, il s'agit du tableau 4.

 17   Q.  C'est exact. Et d'après le chiffre contenu dans la première colonne,

 18   chiffre d'Islami et repris par Grecic portant sur 1995, la population

 19   albanaise en 1995 s'élevait à 1,96 millions, ce qui est 89,1 % de la

 20   population totale. Il paraît que ce chiffre n'est pas réel. On ne peut pas

 21   comprendre comment il se fait qu'entre 1991 et 1995, la population

 22   albanaise a pu croître à un taux aussi élevé. Autrement dit, de 5,1 % par

 23   an. Il s'agit d'un taux de croissance bien plus élevé que s'agissant de

 24   n'importe quelle autre période. Et ensuite, vous faites référence au

 25   tableau 3. Est-ce que vous pouvez nous dire sur quoi vous fondez vos

 26   conclusions lorsque vous dites que la population albanaise ne pouvait pas

 27   avoir ce taux de croissance au cours de cette période ?

 28   Et lorsque vous dites qu'ils n'auraient pas pu croître aussi rapidement

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  1   avec un taux de 5,1 % par an, est-ce que vous faites référence à la

  2   croissance naturelle, au taux de mortalité, aux flux migratoire, à tout, à

  3   quelque chose de spécifique ? Est-ce que vous pouvez nous le dire, vous

  4   vous fondez sur quoi ?

  5   R.  Ceci fait référence à la croissance de la population totale. Et j'ai

  6   simplement comparé les chiffres utilisés par M. Islami et les autres

  7   chiffres. Et le taux de croissance de 5,1 % de la population par an, il

  8   n'est pas possible sans migration. Vous pouvez à peine aboutir à 3,3 ou 3

  9   et demi dans des circonstances spéciales. Donc ces chiffres, s'ils sont

 10   exacts, la raison en est certainement une forte immigration.

 11   Q.  Merci. C'est beaucoup plus clair maintenant. Page 12. Encore une fois,

 12   il s'agit de la version en B/C/S. Paragraphe 4. Vous mentionnez le fait que

 13   d'après Mme Blayo, si j'ai bien compris, elle était à la tête des

 14   démographes de Bordeaux, d'après celle au Kosovo en 1998 il y avait

 15   2 290 000 personnes -- enfin, il y aurait eu un tel nombre s'il n'y avait

 16   pas eu de migration, et d'après ses estimations, alors que vous considérez

 17   ces estimations-là comme les plus sérieuses et fiables par rapport à toutes

 18   les autres. C'est ce que vous dites dans le dernier paragraphe, estimations

 19   fondées sur les résultats de l'enquête menée après l'intervention de l'OTAN

 20   au Kosovo. Entre 2 044 000 et 2 131 000 d'habitants y vivaient, vous dites

 21   que Mme Blayo et ses collaborateurs estiment qu'au cours de la période

 22   entre 1991 et 1998 entre 180 000 et 267 000 personnes ont quitté le Kosovo.

 23   Mais vous ne comprenez pas comment le taux d'émigration estimé pouvait être

 24   plus élevé de 21 000 par rapport au chiffre total de la population avec ou

 25   sans migration. La différence entre 159 000 et 246 000 personnes.

 26   Veuillez m'expliquer cela. Je ne comprends pas tout à fait ce que vous ne

 27   comprenez pas. Expliquez-nous ce que vous ne comprenez pas pour que nous

 28   puissions vous suivre.

Page 6150

  1   R.  Oui, il y a une incohérence dans les données, et je n'ai pas très bien

  2   compris moi-même. Je me souviens avoir écrit à Mme Blayo et je me souviens

  3   que je lui ai posé la question; je ne me souviens pas de la réponse; je

  4   l'ai dans mon sac, je peux la consulter. Les dates sont très importantes

  5   ici. Le 1er octobre 1998, l'enquête a été menée en septembre 1998, et peut-

  6   être au préalable ceci faisait référence au 31 octobre, ils parlent d'une

  7   période de 12 mois, et ensuite de 13 mois, tout ceci prête à la confusion.

  8   Mais de toute façon, je ne pense pas que le chiffre de 21 000 est tellement

  9   important compte tenu de toute l'incertitude qui existe autour de cela.

 10   Q.  Je continue à ne pas bien comprendre tout ceci, malgré votre réponse,

 11   mais je vous remercie. Je ne vais plus insister, puisque vous nous dites

 12   que ce n'est pas si important que cela.

 13   Ce qui m'intéresse maintenant, dans le cadre de la littérature que vous

 14   avez utilisée, avez-vous utilisé la source du Bureau fédéral de la

 15   statistique du centre de recherche démographique et de l'Institut des

 16   sciences sociales intitulé la population et les foyers de la République

 17   fédérale de Yougoslavie d'après le recensement de 1991 qui a été publié à

 18   Belgrade en 1995 ? Est-ce que vous avez utilisé cela comme source ?

 19   R.  Ça fait partie de mes références ?

 20   Q.  A vrai dire, je n'ai pas remarqué cela dans la liste de vos références,

 21   mais il s'agit là d'une publication que j'ai examiné moi-même puisque ceci

 22   porte sur une partie de la période critique qui faisait l'objet de votre

 23   recherche; la population et les foyers de la République fédérale de la

 24   Yougoslavie d'après le recensement de 1991 et ceci a été publié à Belgrade

 25   en 1995.

 26   R.  Apparemment, je n'étais pas au courant de cette publication, mais

 27   d'autres publications émanant de la même période ont peut-être intégré

 28   cette information, émanant de ce même institut des publications de ce même

Page 6151

  1   institut, de 1997, 1998 -- pardon, 1997, le registre de la statistique

  2   annuelle. Je suppose que les informations auxquelles vous faites référence

  3   ont été intégrées dans les publications statistiques de ces instituts.

  4   Q.  Merci. Je vais poser maintenant la dernière question dans le cadre du

  5   contre-interrogatoire. Votre conclusion est que s'agissant des estimations

  6   relatives à la population albanaise au Kosovo en 1998, l'ordre est

  7   probablement de 83,6 %, ce qui a été fourni par le haut-commissariat pour

  8   les réfugiés de l'ONU, à savoir presque 84 %. Vous dites que c'est

  9   certainement inférieur au chiffre 89,1 % fourni par Islami pour 1995, et

 10   supérieur par rapport aux estimations du secrétariat fédéral de

 11   l'information, qui l'estimait à 66,5 %. Vous dites que s'agissant des

 12   Serbes, il y avait à l'époque jusqu'à 10 % maximum, ou plutôt 7 %. Même si

 13   l'on dit qu'il y en avait 13 %, ce qui n'est pas vrai, et si l'on utilise

 14   l'information probablement la moins probable que d'après le secrétariat

 15   fédéral de l'information, il y avait 66 % d'Albanais, qu'est-ce qui devait

 16   se passer en terme de chiffres pour qu'on dise qu'il y ait eu un changement

 17   de la structure ethnique au Kosovo ?

 18   Si l'on dit qu'il y avait 66,5 % d'Albanais, que devait-il se passer

 19   et comment cela devait se refléter en chiffres pour qu'on puisse parler

 20   d'un changement de la structure ethnique ? Pourriez-vous nous le dire ?

 21   R.  Monsieur, j'ai déjà dit que cette estimation n'était pas très fiable.

 22   Tout d'abord parce qu'elle était bien différente par rapport à d'autres

 23   résultats, et compte tenu des sources de ces informations et les méthodes

 24   utilisées, elles n'étaient pas du tout énumérées. Je considère que cette

 25   estimation n'est pas du tout réaliste.

 26   Mais si j'essaie de répondre à votre question, tout ce que je peux dire

 27   c'est que la seule cause aurait pu être les flux migratoires très

 28   importants. C'est la seule chose qui aurait pu être la cause d'un tel

Page 6152

  1   changement et présenter une telle différence entre le nombre d'Albanais et

  2   de Serbes. Nous savons que les Albanais avaient un taux de naissances

  3   supérieur, mais cela ne pouvait pas avoir une incidence importante en ces

  4   quelques années. Ce ne sont que les flux migratoires qui auraient pu être à

  5   l'origine. Comme je vous l'ai déjà dit, je ne me fie pas beaucoup à ce

  6   chiffre.

  7   Q.  Moi non plus. Merci.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Ainsi se termine mon contre-interrogatoire

  9   de ce témoin. Merci, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djordjevic.

 11   Madame Kravetz, est-ce que vous avez des questions supplémentaires ?

 12    Mme KRAVETZ : [interprétation] Brièvement, Monsieur le Président.

 13   Nouvel interrogatoire par Mme Kravetz :

 14   Q.  [interprétation] Pour revenir à votre dernière réponse, je souhaiterais

 15   vérifier quelque chose. Mon confrère vous a demandé au sujet de vos

 16   conclusions basées sur ces estimations, et vous dites que cette estimation

 17   n'était pas très fiable, d'abord parce qu'elle différait par rapport à

 18   d'autres estimations, et parce que les sources de ces informations

 19   n'étaient pas précisées. Pourriez-vous préciser quelles sont ces

 20   estimations pour lesquelles vous dites qu'elles n'étaient pas très fiables

 21   ?

 22   R.  Excusez-moi si je n'étais pas suffisamment clair. Je parlais des

 23   estimations émanant du secrétariat de l'information. Je pensais qu'on

 24   parlait de ces estimations-là. Pour être absolument clair --

 25   Le secrétariat fédéral de l'information, 1 378 et quelques pour la

 26   population en 1998. La composition ethnique d'après ce chiffre était -- je

 27   n'arrive pas à retrouver la référence. Excusez-moi, peut-être que vous

 28   pourriez m'aider. Quelle est la page en question ?

Page 6153

  1   Q.  Je pense que vous parlez du résumé de vos conclusions présentées dans

  2   votre rapport, ou bien vous êtes en train de chercher quelque chose d'autre

  3   ?

  4   R.  Je cherchais le tableau, mais de toute façon, c'était le chiffre auquel

  5   je me suis référé. J'ai dit que les informations indiquent que les Albanais

  6   en 1998 représentaient 83 %, alors qu'ici on présente un chiffre de 66 %

  7   pour les Albanais, ce qui n'est pas réaliste, et je considère que ce

  8   chiffre-là n'est pas fiable.

  9   Q.  Est-ce que vous parlez de la figure 4 de votre rapport, ou bien d'un

 10   autre tableau ?

 11   R.  Oui, c'est exact. Il y a encore un tableau où vous pouvez trouver tous

 12   ces chiffres.

 13   Q.  J'aimerais revenir maintenant à une autre réponse que vous avez

 14   apportée à la question posée par mon confrère - cela figure à la page 30 du

 15   compte rendu d'audience d'aujourd'hui. Vous parlez à ce moment-là du

 16   recensement de 1991, et vous vous référez également à l'enquête menée par

 17   les démographes français.

 18   J'aimerais préciser votre réponse s'agissant de l'enquête menée par les

 19   démographes français. Vous avez dit :

 20   "…s'agissant d'autres sources, nous souhaitions savoir quelle était la

 21   situation s'agissant de la population en 1998 avant le début du conflit,

 22   les démographes français ont présenté une estimation de la population, et

 23   ils souhaitent également établir quel était le flux de migration s'agissant

 24   de la période précédente."

 25   Cela figure aux lignes 9 à 14 de la page 31 du compte rendu d'audience.

 26   Pourriez-vous nous expliquer quelles sont les estimations que les

 27   démographes français avaient à leur disposition et auxquelles vous vous

 28   référez dans votre réponse ?

Page 6154

  1   R.  Il s'agit des estimations présentées par le Haut-commissariat pour les

  2   réfugiés des Nations Unies en date du 31 mars 1998, si je ne m'abuse.

  3   Q.  Est-ce que ce sont les mêmes estimations du Haut-commissariat pour les

  4   réfugiés auxquelles vous vous êtes référé tout à l'heure lors de votre

  5   déposition ?

  6   R.  Oui. Ce sont les mêmes.

  7   Q.  Si je vous ai bien compris, les démographes français se sont fiés aux

  8   chiffres présentés par le haut-commissariat pour les réfugiés et ils ont

  9   mené une enquête pour estimer quel était le flux d'émigration et

 10   d'immigration pour la période --

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  Corrigez-moi si je ne vous ai pas bien compris ?

 13   R.  Ils ont également tenu compte des estimations pour le mois d'août 1999,

 14   ils ont compté quel était le nombre d'habitants dans chaque village, et ça

 15   c'est une deuxième estimation. Ils ont évalué quelle était la situation

 16   après le conflit après le flux migratoire. C'était la situation telle

 17   qu'elle a été immédiatement avant qu'ils commencent à interviewer les gens

 18   en novembre 1999; je pense que ceci ferait plus précis, on parle de 1.56

 19   millions.

 20   Q.  Ce sont les deux estimations présentées par le haut-commissariat et les

 21   démographes français sur lesquels on se réfère s'agissant de la période à

 22   partir de 1999 ?

 23   R.  Oui, c'est exact. Excusez-moi si j'ai semé la confusion.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, je n'ai plus de question.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.

 27   Merci beaucoup, Monsieur, d'être venu, ainsi se termine votre

 28   interrogatoire. D'abord, merci beaucoup d'avoir apporté votre aide et de

Page 6155

  1   vous être déplacé à La Haye. Vous pouvez maintenant disposer. Merci.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   [Le témoin se retire]

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.

  5   Mme KRAVETZ : [interprétation] Avant de faire entrer le témoin suivant, je

  6   souhaiterais répondre à la question posée par mon confrère au début de

  7   l'audience d'aujourd'hui.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

  9   Mme KRAVETZ : [interprétation] J'ai examiné la déclaration de 2008 faite

 10   par M. Krasniqi, en particulier le paragraphe 6 et le paragraphe 7, nous

 11   n'avons plus d'objection au sujet du versement au dossier de cette

 12   déclaration qui avait été enregistrée aux fins d'identification en tant que

 13   D226, c'est la déclaration du 1er août qui porte la référence ERN K013-6454

 14   et K013-6459.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous avez le numéro de la

 16   deuxième de ces déclarations, elle est enregistrée en tant que D --

 17   Mme KRAVETZ : [interprétation] 225.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- 225 et 26.

 19   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je pense que 226 est celle à laquelle se

 20   réfère le témoin dans sa déclaration; 225 n'est pas celle à laquelle se

 21   réfère le témoin dans sa déclaration.

 22   Nous retirons notre objection s'agissant de celle qui n'est pas mentionnée

 23   dans la déclaration et nous maintenons notre objection s'agissant de D225.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous maintenez votre objection

 25   s'agissant de D225 ?

 26   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui. C'est celle qui a été fournie à la

 27   police néerlandaise, et si je me m'abuse, le témoin n'a pu vous fournir

 28   d'informations supplémentaires hier lorsqu'il a déposé.

Page 6156

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, souhaitez-vous

  2   ajouter quelque chose au sujet de celle qui a été fournie aux enquêteurs

  3   néerlandais ?

  4   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour l'instant non,

  5   mais j'adresserai cette question en temps utile lorsque je trouverai cela

  6   nécessaire.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour l'instant, la déclaration

  8   enregistrée aux fins d'identification D226 sera versée au dossier en tant

  9   que pièce à conviction portant la même référence, la même cote. Merci.

 10   Le témoin suivant.

 11   Mme KRAVETZ : [interprétation] Le témoin suivant est Avdyl Mazreku, et

 12   c'est ma consoeur qui va l'interroger.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 14   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous prie de lire la déclaration

 18   solennelle qui figure sur un document qui vient de vous être remis.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 20   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   LE TÉMOIN : AVDYL MAZREKU [Assermenté]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir. Mme

 24   Gopalan a un certain nombre de questions pour vous.

 25   Vous avez la parole, Madame Gopalan.

 26   Mme GOPALAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 27   Interrogatoire principal par Mme Gopalan : 

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

Page 6157

  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Est-ce que vous m'entendez, Monsieur ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Merci.

  5   R.  Je vous en prie.

  6   R.  Je vous prie de nous dire votre nom et prénom pour le besoin du compte

  7   rendu d'audience.

  8   R.  Oui. Je m'appelle Avdyl Mazreku.

  9   Q.  Où est-ce que vous habitez à l'heure actuelle ?

 10   R.  J'habite dans le village Pastasel.

 11   Q.  Où est-ce que vous êtes né ?

 12   R.  A Pastasel.

 13   Q.  Quel âge avez-vous ?

 14   R.  J'ai 70 ans.

 15   Q.  Est-ce que vous vous rappelez avoir fait une déclaration au sujet des

 16   événements survenus dans votre village en 1998 et 1999 ? Vous avez fait

 17   cette déclaration auprès d'un enquêteur de ce Tribunal en janvier 2000.

 18   Est-ce que vous vous souvenez de cette déclaration ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Avez-vous récemment eu l'occasion de relire cette déclaration à l'aide

 21   d'un interprète ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Après avoir examiné cette déclaration, si j'ai bien compris, vous

 24   souhaiteriez apporter une modification. Je vais donner lecture de cette

 25   modification et vous pourrez nous dire si vous êtes d'accord ou pas. La

 26   correction figure à la page 4, paragraphe 6 en anglais; et en B/C/S, c'est

 27   la page 5, paragraphe 4.

 28   Monsieur, dans ce paragraphe de votre déclaration, vous dites :

Page 6158

  1   "Je ne pouvais pas discerner si c'étaient des Noirs ou bien s'ils avaient

  2   le visage maquillé."

  3   Monsieur, lorsque vous parlez des Noirs, vous vouliez dire des gens qui ont

  4   la peau plus sombre qui ressemblent aux tziganes ou Roms. Donc il faudrait

  5   dire dans cette phrase :

  6   "Je ne pouvais pas dire si c'étaient des gens qui avaient la peau mâte, qui

  7   ressemblaient aux tziganes ou Roms, ou bien s'ils avaient tout simplement

  8   le visage maquillé."

  9   Est-ce que vous êtes d'accord avec cette correction ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci. Après avoir apporté cette modification à votre déclaration, est-

 12   ce qu'à votre avis cette déclaration correspond au mieux de vos

 13   connaissances à ce que vous connaissez ?

 14   R.  Oui, c'est exact et précis.

 15   Q.  Merci.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] Je demande le versement au dossier du

 17   document 05102 de la liste 65 ter.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera admis.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P987.

 20   Mme GOPALAN : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur, est-ce que vous vous souvenez d'avoir fait une deuxième

 22   déclaration aux enquêteurs de ce Tribunal au mois de mai 2008 ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Avez-vous récemment eu l'occasion de relire cette déclaration à l'aide

 25   d'un interprète ?

 26   R.  Oui, j'ai eu l'occasion de le faire.

 27   Q.  Après avoir examiné cette déclaration, si je ne m'abuse, vous souhaitez

 28   apporter une seule modification à cette déclaration. Je vais en donner

Page 6159

  1   lecture et, je vous prie, de confirmer si c'est exact.

  2   R.  Allez-y.

  3   Q.  Page 2, paragraphe 8 de votre déclaration du mois de mai 2008, deuxième

  4   phrase se lit comme suit :

  5   "Parmi ces civils ne se trouvaient pas les hommes qui avaient moins de 40

  6   ans qui avaient fui le village en 1998."

  7   Et votre correction est comme suit : vous avez dit que tous les hommes qui

  8   avaient moins de 40 ans n'avaient pas quitté le village, étant donné que

  9   certains étaient restés avec leurs familles. Est-ce exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci. Monsieur, après avoir apporté cette modification, est-ce qu'à

 12   votre avis cette déclaration correspond mieux à vos connaissances ?

 13   R.  Ce que vous venez de lire est exact et vrai.

 14   Q.  Merci.

 15   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 16   versement au dossier du document 05103 de la liste 65 ter, à savoir la

 17   deuxième déclaration du témoin.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P988.

 20   Mme GOPALAN : [interprétation] Maintenant je vais donner lecture du résumé

 21   de ces déclarations.

 22   Le témoin est un homme adulte albanais du Kosovo originaire de Pusto Selo

 23   de la municipalité d'Orahovac. Le témoin a dit qu'au cours de l'automne de

 24   1998, les forces serbes ont commencé à pilonner son village. Suite à quoi,

 25   les villageois de Pusto Selo et de villages avoisinants ont fui dans les

 26   collines. Deux jours plus tard, les forces serbes ont encerclé les collines

 27   et ont ramené le groupe à Pusto Selo. Là, ils ont pu constater qu'une

 28   grande partie du village avait été brûlé.

Page 6160

  1   Le témoin va également dire que le 31 mars 1999, lorsque les forces serbes

  2   sont rentrées dans son village, des milliers de villageois venant de son

  3   propre village et de villages avoisinants ont essayé de fuir. Le témoin a

  4   vu des chars. Les forces qui ont encerclé les villageois ont ordonné aux

  5   hommes, y compris au témoin, de se séparer des femmes et enfants.

  6   Ensuite, on a ordonné aux hommes de vider leurs poches. Les femmes et les

  7   enfants ont été fouillés et envoyés ailleurs. Ensuite, on a emmené les

  8   hommes vers un ruisseau où ils ont été partagés en quatre différents

  9   groupes. Les forces serbes ont tiré sur eux ensuite. Le témoin était dans

 10   la quatrième et le dernier groupe. Il a été blessé, mais il a survécu à

 11   cette exécution avec d'autres membres de son groupe.

 12   Il va dire que le 31 mars 1999, 13 hommes ont survécu à l'exécution, tandis

 13   que 106 hommes ont été tués dans le village de Pusto Selo ce jour-là.

 14   Ainsi se termine le résumé de sa déclaration, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur, j'ai un certain nombre de questions pour vous portant sur

 18   votre déclaration. Comme vous le savez, les Juges disposent de vos

 19   déclarations, et j'aimerais vous poser plusieurs questions pour tirer

 20   certaines choses au clair.

 21   Tout d'abord, parlons de l'incident survenu en septembre 1998 qui a eu lieu

 22   dans votre village. Cela figure à la page 2 en anglais, paragraphes 3 et 4,

 23   et la même référence vaut pour la déclaration en B/C/S.

 24   Monsieur, vous dites que les chars serbes ont tiré sur vous, que vous avez

 25   trouvé refuge dans les collines de Kosnik avec vos villageois et que là-bas

 26   vous avez rencontré des milliers de villageois venus d'autres villages

 27   avoisinants.Et :

 28   "Deux jours plus tard, les Serbes vous ont encerclé dans ces

Page 6161

  1   collines."

  2   J'ai plusieurs questions pour vous s'agissant de ces Serbes, vous dites

  3   qu'ils étaient membres de la police. Que portaient-ils ces gens qui vous

  4   ont encerclé lorsque vous étiez dans les collines ?

  5   R.  Ils portaient des vêtements de la police. Les policiers nous ont

  6   encerclés, mais il y avait également des soldats ailleurs.

  7   Q.  Merci. Lorsque vous dites vêtements de la police, pourriez-vous nous

  8   dire de quelle couleur étaient ces vêtements ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  C'était la couleur du ciel.

 12   Q.  Merci.

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant la

 14   pièce P831, s'il vous plaît.

 15   Q.  Bientôt vous allez voir à l'écran les couleurs de différents uniformes.

 16   Compte tenu de ce que vous pouvez voir, est-ce que les hommes portaient un

 17   tel type d'uniforme ?

 18   R.  Oui, voilà.

 19   Q.  J'aimerais que Mme l'Huissière vous aide pour que vous puissiez

 20   apporter une annotation à l'écran.

 21   R.  [Le témoin s'exécute]

 22   Mme GOPALAN : [interprétation] Le témoin a apposé une croix sur la case qui

 23   figure en haut à gauche de la pièce P831.

 24   Q.  Merci, Monsieur.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Souhaitez-vous demander le versement

 26   au dossier ?

 27   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé.

Page 6162

  1   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P989.

  3   Mme GOPALAN : [interprétation]

  4   Q.  Vous avez également dit que ces hommes que vous avez vus en 1998

  5   avaient différents insignes sur leurs couvre-chefs et différents emblèmes.

  6   C'est la dernière phrase du paragraphe 4 de la page 2 en anglais et en

  7   B/C/S.

  8   Mme GOPALAN : [aucune interprétation]

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce que j'ai dit. J'ai dit qu'ils

 10   avaient des insignes rouges sur leurs manches et ils portaient des couvre-

 11   chefs français. Nous parlons de l'année 1998, n'est-ce pas ?

 12   Mme GOPALAN : [interprétation]

 13   Q.  C'est exact. Nous allons parler de couvre-chefs dans un instant. Mais

 14   pour l'instant, je vous prie d'examiner plusieurs insignes dont vous

 15   parlez. Bientôt vous allez voir plusieurs échantillons à l'écran.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] C'est la pièce P327.

 17   Q.  Monsieur, est-ce que vous êtes en mesure d'observer les insignes à

 18   l'écran que vous avez devant vous ?

 19   R.  Oui.

 20   Mme GOPALAN : [interprétation] C'est seulement la première page qui nous

 21   intéresse, s'il vous plaît.

 22   Q.  Monsieur, pouvez-vous reconnaître un quelconque de ces insignes ayant

 23   pu voir ce jour-là en 1998 ?

 24   Peut-être si vous ne voyez pas très bien, vous pouvez chausser vos

 25   lunettes. Oui, rapprochez-vous plus près de l'écran. Allez-y, Monsieur. 

 26   R.  Il s'agit d'autres échantillons.

 27   Mme GOPALAN : [interprétation] Pouvons-nous peut-être passer à la page

 28   suivante de cet élément de preuve. Il y a lieu de signaler d'autres

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  1   échantillons, c'est-à-dire d'autres insignes.

  2   Q.  Monsieur, maintenant vous pouvez voir d'autres échantillons d'insignes.

  3   Est-ce que vous en reconnaissez quelques-uns de ces insignes, les avoir vus

  4   en 1998 ? Si vous les reconnaissez, dites-nous de quel insigne il s'agira,

  5   s'il vous plaît. 

  6   R.  C'est ce que nous avons au numéro 9.

  7   Q.  Merci.

  8   R.  Au numéro 12 également.

  9   Q.  Est-ce tout ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci, Monsieur. Monsieur, vous avez mentionné également qu'il

 12   s'agissait de couvre-chefs. Dans votre déclaration, vous en parlez. Je vous

 13   prie d'identifier, s'il vous plaît, les couvre-chefs que vous avez pu voir

 14   portés par ces forces-là en 1998.

 15   Mme GOPALAN : [interprétation] Il s'agit donc de l'élément de preuve au

 16   titre de l'article 65 ter, 2254, à la page 13, s'il vous plaît. Passez à

 17   tous ces différents échantillons lorsqu'il s'agit de couvre-chefs.

 18   Q.  Monsieur, comme vous pouvez voir, vous avez sur ces photos différents

 19   couvre-chefs. Il s'agit de képis, il s'agit de casques, peut-on dire que

 20   les couvre-chefs que vous pouvez voir étaient portés par des policiers en

 21   1998 ?

 22   R.  Oui. Il s'agissait de ces couvre-chefs-là, puis les couvre-chefs

 23   français, les bérets.

 24   Q.  Avec l'aide de Mme l'Huissière, voulez-vous, s'il vous plaît, marquer

 25   moyennant un cercle le couvre-chef que vous avez pu identifier tout à

 26   l'heure.

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   Je ne vois pas le couvre-chef français.

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  1   Q.  Merci.

  2   Mme GOPALAN : [interprétation] J'opte pour admission et versement au

  3   dossier, cet élément de preuve avant de passer à la page suivante.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela est admis.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] A cet élément de preuve, Monsieur le

  6   Président, on octroie la cote P990.

  7   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci. Pouvons-nous, s'il vous plaît, passer

  8   à la page suivante, s'il vous plaît.

  9   Q.  Ça ne tardera pas. Vous verrez à l'écran maintenant d'autres exemples

 10   de ces couvre-chefs. Une seconde. Patientez, s'il vous plaît, Monsieur le

 11   Témoin. Monsieur, à l'écran devant vous, vous avez d'autres exemples de

 12   couvre-chefs. Pouvez-vous nous dire si quelques-uns de ces couvre-chefs,

 13   vous avez pu l'observer en 1999; si oui, marquez le couvre-chef que vous

 14   avez pu observer, moyennant un cercle.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Merci, Monsieur.

 17   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'offre pour

 18   admission et versement au dossier cette partie également de cet élément de

 19   preuve.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cela est admis pour être versé au

 21   dossier.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

 23   P991, Monsieur le Président.

 24   Mme GOPALAN : [interprétation] Excusez-moi, correction à apporter au compte

 25   rendu d'audience. Je me suis trompée tout à l'heure en formulant ma

 26   question. J'ai dit tout à l'heure au témoin s'il a pu observer un tel

 27   couvre-chef en 1998, et je pensais notamment à "1999".

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il une différence à observer au

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  1   niveau de la réponse du témoin et par rapport à ce que vous venez de dire ?

  2   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, justement, je vais poser la question.

  3   Q.  Monsieur le Témoin, vous venez de marquer, moyennant un cercle, le

  4   couvre-chef que vous avez pu voir.

  5   Mme GOPALAN : [interprétation] Revoyons une fois de plus cette pièce à

  6   conviction, P991. Non, nous ne l'avons toujours pas affichée.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le premier couvre-chef était la pièce

  8   à conviction P990.

  9   Mme GOPALAN : [interprétation] L'erreur que j'ai commise tout à l'heure

 10   concerne plutôt l'autre couvre-chef que nous avons maintenant en ce moment-

 11   là-ci affiché à l'écran.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est la pièce à conviction P991, la

 13   photographie au numéro 25.

 14   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, excepté de dire qu'étant donné que nous

 15   ne l'avons toujours pas à l'écran, la même photo de tout à l'heure, je

 16   voudrais que le témoin marque notamment ce couvre-chef par un cercle.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais je crois que ceci était déjà

 18   fait, annoté, et est devenu une pièce à conviction.

 19   Mme GOPALAN : [interprétation] Je crois --

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 991.

 21   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Gopalan, il nous faudra

 23   cinq minutes pour reproduire sur ce système, évidemment, dans le prétoire.

 24   Pouvez-vous demander au témoin quel était le couvre-chef identifié par lui,

 25   en tout cas.

 26   Mme GOPALAN : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez en face de vous à l'écran plusieurs

 28   couvre-chefs. Pouvez-vous nous dire si en 1998 vous avez vu des hommes

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  1   porter un quelconque de ces couvre-chefs ?

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous vous référez à l'année

  3   1998 ?

  4   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce qui a été affiché tout à

  6   l'heure. C'est ce qu'il a été montré.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Pouvez-vous, s'il vous plaît, reprendre votre

  8   question. Ceci ne paraît pas tout à fait clair à mes yeux.

  9   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolée.

 10   Toutes mes questions posées jusqu'à maintenant concernaient l'année 1998.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais d'après le compte rendu

 12   d'audience, il s'agit bien de l'année 1998. Il s'agit de la page 58, ligne

 13   17 du compte rendu d'audience. Page 58 [comme interprété], ligne 9, nous

 14   pouvons lire 1999.

 15   Mme GOPALAN : [interprétation] C'était une erreur, Monsieur le Président, à

 16   laquelle j'attire votre attention.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, bien sûr, c'était une erreur.

 18   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Au sujet de quelle année vous me posez la

 21   question ?

 22   Mme GOPALAN : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur, il s'agit de l'année 1998.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Voyez-vous à l'écran qu'il y a un insigne sur un couvre-chef --

 26   R.  Je me suis déjà occupé de cela, et j'ai fait une annotation moyennant

 27   un cercle.

 28   Q.  Merci. En quelle année avez-vous vu ce couvre-chef ?

Page 6167

  1   R.  En 1998.

  2   Q.  Merci.

  3   Mme GOPALAN : [interprétation] Je crois que nous avons, cette fois-ci,

  4   enlevé tout problème, et nous avons tiré au clair et porté une

  5   clarification à cela, Monsieur le Président. Je m'excuse de cette

  6   confusion. Nous pouvons aller de l'avant.

  7   Q.  Monsieur, nous pouvons peut-être aller de l'avant. Vous dites dans

  8   votre déclaration que ces forces-là "…ont amené l'ensemble du groupe, nous

  9   étions des milliers, vers l'école de Pastasel." Dans le paragraphe 5, page

 10   2, version anglaise, la même référence concernant la version en B/C/S.

 11   Monsieur, est-ce que vous vous rappelez les propos, ce qui a été dit par

 12   ces forces-là ?

 13   R.  Ils ont dit que le village avait été incendié, qu'il y avait des

 14   terroristes, et la partie du village qui n'a pas été incendiée, témoin du

 15   fait qu'il n'y a pas eu de terroristes dans cette partie du village, et

 16   voilà pourquoi cette partie n'a pas été incendiée.

 17   Q.  Savez-vous par qui, Monsieur, ce village a été incendié ?

 18   R.  Par qui ? Par la police serbe.

 19   Q.  L'avez-vous vu vous-même, Monsieur ?

 20   R.  Non, lorsqu'on avait mis le feu au village, nous avions déjà fui le

 21   village pour nous cacher.

 22   Q.  Comment savez-vous que c'était la police serbe qui a mis le feu au

 23   village ?

 24   R.  Mais je le sais parce que nous avons pu trouver ces maisons incendiées

 25   lorsque nous étions de retour. On avait déjà mis le feu à ces maisons.

 26   Q.  Merci, Monsieur.

 27   R.  Il n'y a pas de quoi.

 28   Q.  Maintenant, je veux que l'on traite de l'incident en 1999, et qui

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  1   s'était produit trois ou quatre jours après la fête de Bajram.

  2   R.  Oui.

  3   Mme GOPALAN : [interprétation] Dans la version anglaise de votre

  4   déclaration, il s'agit de la page 3, paragraphe 2; en B/C/S, page 2 et

  5   ainsi que suit le texte dans la déclaration.

  6   Q.  Vous avez dit, Monsieur, avoir entendu plusieurs chars à cette époque-

  7   là. Combien de chars avez-vous vus ?

  8   R.  Je dirais qu'ils étaient sept ou huit chars.

  9   Q.  Que faisaient-ils, ces chars-là ?

 10   R.  Ils avaient braqué leurs canons face à la population. Les chars se sont

 11   arrêtés à 200 ou 300 mètres devant nous. Je ne pouvais pas actuellement

 12   mesurer la distance qui nous séparait, mais je crois que grosso modo,

 13   c'était comme cela.

 14   Mme GOPALAN : [interprétation] Je vous remercie. Je voudrais maintenant que

 15   l'on affiche la pièce à conviction P318.

 16   Q.  Monsieur, vous avez mentionné plusieurs chars --

 17   L'INTERPRÈTE : Une correction de l'interprète de la cabine albanaise : Le

 18   témoin a dit de 1 000 à 1 300 mètres en face de nous.

 19   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Monsieur, vous avez à l'écran plusieurs véhicules. Pouvez-vous nous

 21   dire si vous reconnaissez un quelconque de ces véhicules comme ayant été

 22   justement les véhicules tels que vous les avez vus en 1999 ?

 23   R.  Oui, oui, nous avons vu des chars.

 24   Q.  Un quelconque de ces véhicules ressemble-t-il à ces chars que vous avez

 25   vus ce jour-là ?

 26   R.  Je n'en vois pas sur cette photo.

 27   Q.  Merci, Monsieur.

 28   Mme GOPALAN : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante, s'il

Page 6170

  1   vous plaît.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Les chars appartenaient à l'armée. Ils étaient

  3   de couleur militaire.

  4   Mme GOPALAN : [interprétation]

  5   Q.  Au sujet de cette page de cette pièce à conviction, Monsieur, pouvez-

  6   vous nous dire quelque chose, pouvez-vous peut-être lire le numéro tel que

  7   nous le voyons affiché.

  8   R.  Oui, il s'agit de ce que nous avons au numéro 6.

  9   Q.  Je vous remercie, Monsieur. Lorsque vous parlez de couleur militaire,

 10   de quelle couleur il s'agit ? A quoi vous référez-vous ?

 11   R.  Couleur verte. C'est vert, je pense.

 12   Q.  Merci. Allons de l'avant, vous dites :

 13   "Lorsque les chars se sont rapprochés de nous, des hommes ont sauté du haut

 14   de ces chars pour nous encercler."

 15   Est-ce que vous vous rappelez comment tout cela s'était rendu ?

 16   R.  Oui, je m'en souviens. Ils nous ont encerclés, ils nous ont entourés

 17   une fois qu'ils sont sortis des chars et ils ont séparé les hommes des

 18   femmes et des enfants.

 19   Q.  Ces hommes-là, que portaient-ils comme vêtements ?

 20   R.  Ceux-là portaient des vêtements de couleur verte, et on pouvait lire

 21   l'inscription "police" sur leurs dos.

 22   Q.  Merci, Monsieur. Ils étaient combien là-bas ?

 23   R.  Je ne les ai pas dénombrés, bien sûr, mais je dirais de 30 à 40. Ils

 24   n'étaient pas plus nombreux que ça lorsqu'ils étaient venus pour nous

 25   encercler.

 26   Q.  Une fois qu'ils ont séparé les hommes des femmes et des enfants,

 27   qu'est-ce qu'ils ont fait ?

 28   R.  Lorsqu'ils nous ont séparés des femmes et des enfants, ils se sont mis

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  1   à fouiller les femmes pour leur confisquer tout ce qu'elles avaient comme

  2   objets de valeur en or. Ils ont rempli deux sacs assez grands qu'ils ont

  3   placés ensuite dans les chars.

  4   Q.  Qu'est-il advenu de ces femmes et des enfants après cela ?

  5   R.  Une fois qu'ils les ont fouillés, les femmes et les enfants, ils leur

  6   ont donné ordre de s'éloigner des lieux en direction de Ratkovc. Les femmes

  7   et les enfants sont partis.

  8   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé avec les hommes à ce moment-là ?

  9   R.  Quant à nous autres, ils nous ont tenus encerclé. Une fois que les

 10   femmes et les enfants s'en sont allés, ils nous ont maltraités, ils nous

 11   ont demandé de l'argent. Tout ce que nous avions comme objets sur nous,

 12   choses faites par nous, nous leur avons donné tout ce que nous avions sur

 13   nous. Ils ont tout pris de nos poches, jetés à terre, après quoi ils nous

 14   ont maltraités encore.

 15   Q.  Monsieur, lorsque vous dites "maltraités," qu'est-ce qu'ils ont fait ?

 16   Pouvez-vous nous l'expliquer cela ?

 17   R.  Ils nous ont frappés, certains d'entre nous ont été frappés à coups de

 18   crosse, après quoi ils nous ont donné des coups de pied.

 19   Q.  Monsieur, combien d'hommes vous étiez dans ce groupe-là ?

 20   R.  Dans notre groupe, nous étions environ 130 hommes. Je pense qu'il

 21   s'agit de ce chiffre déjà constaté.

 22   Q.  Monsieur, je vais revenir à votre déclaration. Vous dites une fois que

 23   les femmes et les enfants s'en sont allés, ces lieux ont été quittés

 24   également par de nombreux membres de police. Dans la version anglaise, il

 25   s'agit de la page 4, paragraphe 3. Il s'agit de la page 2, paragraphe 4

 26   également, en version B/C/S.

 27   Vous dites que de ceux, de membres de police --

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  -- qui sont restés, ils ont séparé de notre groupe des hommes les moins

  2   âgés ou les plus jeunes. Pouvez-vous nous dire combien il y avait dans ce

  3   groupe d'hommes de personnes jeunes et qui ils étaient ?

  4   R.  Je crois qu'il y avait peut-être des gens dont l'âge variait de 14 à 60

  5   ans. Peut-être 40 ans aussi, il y en avait qui en avaient 30. Ou peut-être

  6   moins âgés.

  7   Q.  Monsieur, vous dites également dans votre déclaration que certains

  8   parmi les jeunes gens étaient restés avec les leurs au village, alors que

  9   beaucoup d'autres jeunes gens ont fui le village. Pourriez-vous nous dire

 10   pour quelle raison ces jeunes ou ces adolescents ont quitté le village, ont

 11   fui le village ?

 12   R.  Ils ont fui parce qu'ils se sont sentis dans l'insécurité. Ils avaient

 13   peur d'être tués, parce que nous autres, beaucoup plus âgés, nous

 14   finissions par être tués, évidemment, sans parler des jeunes.

 15   Q.  Maintenant, ce groupe de jeunes gens que vous avez décrits comme étant

 16   les plus jeunes, qu'est-il advenu d'eux, pouvez-vous nous le dire ?

 17   R.  Ils ont été exécutés avant qu'on s'occupe de nous.

 18   Q.  Où avaient-ils été exécutés ? Pouvez-vous nous dire dans quelles

 19   circonstances cette exécution s'était produite ?

 20   R.  On a tiré dessus moyennant les fusils automatiques.

 21   Q.  Quand vous dites "on a," à qui vous référez-vous ?

 22   R.  Je pense à la police serbe.

 23   Q.  Pouvez-vous nous décrire un peu la façon dont ils ont été habillés,

 24   s'il vous plaît ?

 25   R.  Ils avaient des vêtements de couleur militaire, et sur leurs dos on

 26   pouvait lire l'inscription "policija."

 27   Q.  Merci. Une fois qu'ils ont tiré dessus, pour parler de ce groupe de

 28   jeunes-là moyennant les armes automatiques, la police, qu'est-ce qu'elle a

Page 6173

  1   fait ensuite ?

  2   R.  Ils sont revenus vers nous, nous disant que si on ne leur donnait pas

  3   de l'argent, que nous aussi nous allons être tués. Nous, on répondait comme

  4   quoi nous n'avions plus d'argent, puis après on a pris un second groupe

  5   pour l'exécuter là où le premier groupe a été exécuté.

  6   Q.  Combien nombreux était le second groupe ?

  7   R.  Je crois qu'ils étaient environ une trentaine.

  8   Q.  A quelle distance par rapport à ce second groupe vous trouviez-vous

  9   vous-même, second groupe qui était exécuté à son tour ?

 10   R.  Je me trouvais à environ 30 à 40 mètres par rapport à ce second groupe.

 11   C'est à cette distance que se trouvait ce lieu où ils ont été exécutés.

 12   Q.  Et que s'est-il passé avec le troisième groupe d'hommes ?

 13   R.  Une fois de plus, on s'est occupé d'eux. On leur a demandé de l'argent

 14   pour leur faire subir des sévices. Et puis après, ils sont revenus pour

 15   emmener ce groupe-là pour les exécuter également.

 16   Q.  Lorsque vous dites "ils étaient revenus pour s'occuper d'eux et pour

 17   demander de l'argent," vous vous référez toujours au même groupe

 18   d'individus mentionné par vous tout à l'heure et appartenant à la police

 19   serbe ?

 20   R.  Oui. Oui, je me référais toujours au même groupe de gens, et c'étaient

 21   les mêmes hommes. Et puis après, ils sont venus vers nous, notre groupe, et

 22   lequel groupe sera exécuté plus tard.

 23   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui s'était passé avec votre groupe ? Dans

 24   quelles circonstances cette exécution s'était produite ?

 25   R.  Lorsqu'à la fin ils sont venus vers nous, notre groupe, mon oncle âgée

 26   de 84 ans, qui se tenait tout près de moi, m'a dit: "Je ne peux plus me

 27   tenir debout ici. Tu n'as qu'à me tuer ici sur place." Alors on s'est

 28   tourné vers mois pour me dire: "Allez, retourne-toi et apporte de

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  1   l'argent." Et c'est comme ça que nous l'avons soutenu, en le prenant sous

  2   le bras pour l'emmener vers le lieu d'exécution. Lorsque nous arrivâmes

  3   jusqu'à ces ravins, je ne sais plus combien d'entre nous y restaient

  4   encore.

  5   Q.  Lorsque vous étiez dans ce groupe-là qui était le vôtre, vous étiez

  6   combien ?

  7   R.  Environ une quarantaine d'hommes.

  8   Q.  Et combien de ces gens-là ont pu survivre ?

  9   R.  Seuls 13 d'entre nous avons survécu à ce massacre.

 10   Q.  Dans votre groupe, combien d'hommes il y avait qui ont survécu à ce

 11   massacre ?

 12   R.  Quatre seulement.

 13   Q.  Merci. Monsieur, dans votre déclaration, vous dites que :

 14   "Après ces massacres, j'ai pu entendre une voix de quelqu'un qui parlait

 15   serbe me dire: "Regarde-les encore de plus près, il y en a qui bougent."

 16   Et une autre voix a pu être entendue :

 17   "Laisse-les, ils sont tous morts."

 18   Ceci nous pouvons le lire en page 5 version anglaise; page 4 version B/C/S.

 19   Et vous dites ensuite dans la déclaration :

 20   "Nous avons eu de la chance parce qu'on était déjà à la tombée de la nuit."

 21   Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ? Il faisait noir ou quoi ?

 22   R.  Oui. Oui, il faisait déjà noir et j'ai pu entendre cette voix de

 23   quelqu'un qui a dit: "Il y en a qui bougent encore." Et cette autre voix,

 24   laquelle voix a été entendue comme quoi: "Laisse-les, ils sont tous morts."

 25   Et nous avons eu beaucoup de chance parce qu'ils n'étaient pas de retour

 26   pour voir de plus près si, par exemple, quelqu'un d'entre nous a pu

 27   survivre.  

 28   Q.  Merci. Monsieur, vous nous avez dit tout à l'heure pour expliquer que

Page 6175

  1   ce jour-là le feu a été ouvert à l'encontre de plusieurs groupes d'hommes.

  2   En totalité, pouvez-vous nous dire combien d'hommes ont pu être tués ce

  3   jour-là et qui étaient de votre village ?

  4   R.  Au total, le nombre d'hommes est de 106. 13 hommes ont survécu. 40

  5   hommes étaient de mon village à moi.

  6   Q.  Merci.

  7   R.  Certains des survivants étaient blessés. D'autres ne l'ont pas été.

  8   Q.  Et quant à vous, quelles étaient vos blessures, si vous en aviez ?

  9   R.  J'ai été touché dans le dos, blessé au dos.

 10   Q.  Combien il vous a fallu du temps pour vous rétablir de cette blessure ?

 11   R.  J'ai subi une opération à cette fin-là, et encore aujourd'hui je

 12   souffre. J'ai des problèmes de poumons et je suis devenu asthmatique.

 13   Q.  Merci, Monsieur.

 14   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est le

 15   moment opportun de marquer une pause et finalement, je n'ai plus de

 16   questions à poser à ce témoin.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 18   Maintenant, nous allons marquer une pause avant de poursuivre, et nous

 19   allons poursuivre les travaux en audience à 1 heure.

 20   Monsieur Mazreku, Mme l'Huissière s'occupera de vous pendant la pause.

 21   L'audience est suspendue.

 22    --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

 23   --- L'audience est reprise à 13 heures 04.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que maintenant Me Djordjevic

 25   a des questions à vous poser.

 26   Oui, Maître Djordjevic.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

Page 6176

  1   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Mazreku. Je suis Dragoljub

  2   Djordjevic et je représente l'accusé dans cette affaire. J'ai quelques

  3   questions de clarification au sujet de certains faits pertinents dans cette

  4   affaire.

  5   Monsieur Mazreku, ma première question portera sur l'interrogatoire

  6   principal mené par mon éminente collègue et les corrections que vous aviez

  7   apportées au sujet des textes et des déclarations au sujet desquelles vous

  8   avez dit qu'elles étaient bien les vôtres, que vous avez eu l'occasion de

  9   voir et étudier. Vous avez dit que vous auriez répété la même chose que ce

 10   que vous aviez dit à l'époque dans cette déclaration.

 11   Cependant, aujourd'hui au début de votre déposition, ma collègue, avant de

 12   vous avoir montré les uniformes, il y a eu quatre carrés avec des couleurs

 13   différentes, elle vous a posé une question au sujet de l'année 1998 et vous

 14   a demandé à quoi ressemblaient les uniformes portés par les membres des

 15   forces serbes. Vous avez dit que ces uniformes-là étaient de couleur bleu

 16   ciel, et ensuite vous avez montré l'uniforme qui était en haut à gauche,

 17   c'est en réalité un uniforme bleu de camouflage.

 18   D'après les déclarations que j'ai pu lire aussi et d'après votre

 19   déposition, j'ai pu constater qu'en réalité vous pouvez faire une

 20   distinction entre les couleurs. Voici ma question, tout d'abord, dans votre

 21   déclaration du 15 janvier 2000, au paragraphe 4 --

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande que l'on présente la

 23   déclaration du 15 janvier 2000 qui a été versée au dossier en tant que P987

 24   dans cette affaire. Veuillez montrer la page 2 en anglais et en albanais,

 25   s'il vous plaît. Avons-nous la version en albanais, page 2 aussi. C'est

 26   cela.

 27   Q.  Monsieur Mazreku, examinez le paragraphe 4 de cette page, vous dite :

 28   "Au bout de deux jours, les Serbes nous ont encerclés dans les collines.

Page 6177

  1   Lorsque je dis les Serbes, je parle de la police qui portait des uniformes

  2   bleus. Nous nous sommes rendus à ces personnes. Certains d'entre eux

  3   avaient des visages coloriés, d'autres pas. Certains n'avaient pas

  4   d'insignes sur les uniformes, et pour la plupart il était écrit en

  5   cyrillique "policija" ou "milicija" sur leurs manches. Parfois ils

  6   portaient des rubans rouges quelque part sur leurs uniformes. Ils avaient

  7   des badges différents sur leurs couvre-chefs, il y avait beaucoup de badges

  8   différents, parfois avec des aigles et parfois avec le drapeau serbe, mais

  9   pour la plupart avec les quatre "C" serbes.

 10   Monsieur Mazreku, vous faites référence visiblement à 1998 lorsque vous

 11   dites que l'uniforme était noir. Nous connaissons la couleur noire. Ici

 12   vous avez dit que les uniformes étaient de couleur bleu ciel. Est-ce que

 13   vous pouvez nous dire pourquoi vous mentionnez pour la première fois les

 14   uniformes bleu ciel aujourd'hui alors que vous n'avez jamais parlé de cette

 15   couleur depuis ?

 16   R.  Nous ne voulons pas dire noir lorsque nous disons noir, mais bleu

 17   foncé, bleu marine. C'est ça que je veux dire lorsque je dis noir, car

 18   c'est cela la couleur de l'uniforme de la police, bleu foncé.

 19   Q.  Dans ce sens, vous allez être d'accord avec moi que lorsque vous avez

 20   dit couleur bleu ciel, vous ne vouliez pas dire que c'était vraiment la

 21   couleur du ciel, mais vous pensiez aux uniformes foncés de couleur bleu,

 22   uniformes de la police, est-ce exact ?

 23   R.  Oui, c'est ce que j'avais dit. C'est le mot auquel j'ai pensé lorsque

 24   j'ai voulu décrire la couleur. J'ai indiqué avec ma main. Je vous ai déjà

 25   montré ce à quoi je pensais.

 26   Q.  Merci, Monsieur Mazreku, vous êtes beaucoup plus clair maintenant. Dans

 27   ce même paragraphe, Monsieur Mazreku, vous dites quelque part au milieu :

 28   "Certains n'avaient pas d'insigne sur les uniformes et pour la plupart sur

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  1   les manches il était écrit en cyrillique "policija" ou "milicija."

  2   Ensuite --

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Bien. Ensuite, ma collègue vous a montré les insignes d'abord d'un côté

  5   et puis de l'autre côté et elle vous a demandé à quoi ressemblaient les

  6   insignes sur les uniformes. Or, vous avez montré deux insignes, cependant,

  7   s'agissant de ces deux insignes, il n'est écrit police nulle part.

  8   Nous pouvons voir sur l'une des insignes qu'il est écrit la garde des

  9   volontaires serbes, ensuite autre chose, il y a une combinaison de lettres,

 10   mais il n'est écrit nulle part police ou policija. Comment est-ce que vous

 11   expliquez cela ?

 12   R.  C'est ce que j'ai dit et je le répète maintenant, il était écrit

 13   "milicija", et c'était écrit sur le dos des policiers divisés en groupe que

 14   j'ai mentionnés. Il y avait plusieurs groupes différents de policiers, ils

 15   avaient des signes ou insignes différents.

 16   Q.  Attendez. Monsieur Mazreku, nous ne parlons pas de l'année 1999; nous

 17   en parlerons plus tard. Nous parlons de 1998 maintenant.

 18   R.  Oui, je parle de 1998 aussi. En 1999, ils portaient des vêtements de

 19   couleur militaire et sur le dos il était écrit "milicija".

 20   Q.  En 1999, "milicija" était écrit sur leur dos ou bien est-ce que c'était

 21   en 1998 ? Est-ce que vous pouvez être précis, car d'après votre

 22   déclaration, on dirait que c'était en 1999 et maintenant apparemment vous

 23   dites que c'était en 1998.

 24   R.  En 1999, j'ai vu des inscriptions "milicija" sur leur dos. C'est exact.

 25   Q.  Je suis d'accord.

 26   R.  C'était en 1999.

 27   Q.  Or ma question porte sur 1998. Les insignes que vous avez montrés --

 28   R.  J'ai fait ma déclaration concernant 1998. J'ai dit qu'il y avait des

Page 6179

  1   groupes différents de la police, milicija, pendant la première offensive.

  2   Il y avait des volontaires, il y avait des militaires, il y avait des

  3   groupes différents.

  4   Q.  Merci. Je sais que vous avez faite cette déclaration et c'est justement

  5   la raison pour laquelle je vous pose la question. Parmi les insignes qu'on

  6   vous a montrés, il y avait aussi des insignes sur lesquelles il y avait une

  7   inscription en cyrillique "policija", et vous n'avez pas fait référence à

  8   ces insignes-là; vous avez montré les insignes de la garde des volontaires

  9   serbes avec la couleur jaune qui est prédominante, et puis une autre

 10   couleur bleu foncé avec une abréviation de trois lettres. Et sur les deux

 11   insignes on peut voir les quatre S ou C.

 12   Je vous demande pour quelle raison vous n'avez pas montré ces insignes sur

 13   lesquels il était écrit en caractères cyrilliques "policija" ?

 14   R.  J'ai indiqué qu'il y avait tout type d'insignes ou de badges. Il y

 15   avait quatre ou cinq groupes différents. Milos, Arkan, Seselj, ils avaient

 16   tous leur propre insigne.

 17   Q.  Est-ce qu'ils portaient des insignes de la police où il était écrit

 18   "policija" en 1998, je ne parle pas de 1999 mais 1998 ?

 19   R.  J'ai vu des insignes sur les manches, parce que la milicija régulière

 20   avait cette inscription sur les manches.

 21   Q.  En 1998, il y avait des membres de la police régulière --

 22   R.  -- en 1998. C'est ce que je suis en train de vous dire, qu'ils avaient

 23   ces insignes sur leurs manches.

 24   Q.  Ils portaient également des uniformes de la police régulière, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Oui, et l'insigne était sur leur manche.

 27   Q.  Maintenant tout est beaucoup plus clair. Merci, Monsieur Mazreku.

 28   Ma question suivante porte sur le fait que vous avez dit qu'en 1998,

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  1   les forces serbes ont lancé une "offensive" contre quelqu'un. Contre qui ?

  2   Est-ce qu'il y avait des conflits à l'époque entre l'UCK et la police ?

  3   R.  Non, il n'y avait pas d'affrontements, du moins pas là où nous

  4   habitions. Là-bas, il y avait l'offensive, mais pas de conflits. Mais nous

  5   avons entendu qu'ils disaient qu'ils cherchaient les membres de l'UCK, et

  6   ils s'étaient battus contre des personnes innocentes qui n'étaient pas

  7   armées.

  8   Q.  En 1998, sur le territoire de votre municipalité, est-ce que l'UCK

  9   avait une présence déjà ? Je ne parle pas de votre village à proprement

 10   parler, mais je parle de votre région.

 11   R.  Personnellement, je n'ai jamais vu de membre de l'UCK. Nous

 12   souhaitions, pour ainsi dire, être membres de l'UCK, mais nous n'étions pas

 13   armés. Nous n'avons pas fourni une résistance. Toute la population

 14   albanaise était en quelque sorte membre de l'UCK.

 15   Q.  Je comprends, mais compte tenu de votre réponse, je ne peux que

 16   conclure que l'UCK existait. Je ne dis pas que vous étiez membre de l'UCK,

 17   mais étant donné que vous étiez tous sympathisants favorables à l'UCK, je

 18   conclus que l'UCK existait et que vous saviez que l'UCK existait.

 19   R.  Non, il n'y avait pas de membres de l'UCK là-bas. Je ne parle que des

 20   habitants innocents, pas de la présence de l'UCK.

 21   Q.  Je ne vous demande pas au sujet de la population civile. Je vous

 22   demande au sujet de l'UCK. Vous dites que vous étiez tous favorables à la

 23   cause de l'UCK. Où se trouvait l'UCK ?

 24   R.  Il n'y avait pas de présence de l'UCK dans notre village. Je ne sais

 25   pas si l'UCK était présente dans d'autres régions du Kosovo. Je n'ai pas

 26   vérifié, mais dans notre village il n'y en avait pas.

 27   Q.  S'agissant des montagnes dans les alentours des villages, est-ce qu'il

 28   y avait des membres de l'UCK là-bas ? Est-ce qu'il y a eu des opérations

Page 6181

  1   menées par l'UCK à Podujevo ?

  2   R.  Non, il n'y avait pas de résistance du tout dans notre village. Nous

  3   avons tous été chassés de chez nous.

  4   Q.  Nous parlons toujours de l'année 1998. Est-ce qu'on vous a forcés à

  5   partir de chez vous, ou bien vous êtes partis de votre propre gré parce que

  6   vous aviez peur et vous avez cherché refuge dans les montagnes ?

  7   R.  Non, ils nous ont dit que la police serbe allait venir et nous sommes

  8   partis parce que nous avions peur de rester à la maison. C'est pourquoi

  9   nous avons trouvé refuge dans les montagnes. C'est la raison pour laquelle

 10   nous sommes partis, parce qu'ils ont brûlé nos maisons.

 11   Q.  C'est exact, c'est ce que vous avez dit dans votre déclaration. Vous

 12   avez dit que vous êtes partis de votre gré parce que vous aviez peur de la

 13   police serbe.

 14   Qui est-ce qui vous a dit que les membres de la police serbe allaient

 15   venir, suite à quoi vous aviez eu peur et que vous êtes parti ?

 16   R.  Ceux qui les avaient vus. Ils nous ont signalé qu'ils arrivaient et

 17   nous sommes partis. Je ne connais pas le nom de la personne qui l'avait

 18   dit.

 19   Q.  Monsieur Mazreku, combien y avait-t-il d'habitants dans votre village à

 20   l'époque ?

 21   R.  Environ 1 000 habitants -- 2 000.

 22   Q.  Monsieur Mazreku, est-ce qu'il y avait dans votre village une personne

 23   qui était à la tête du village, en quelque sorte un

 24   chef ?

 25   R.  Oui, il y en avait, mais même lui ne pensait pas aux intérêts de sa

 26   propre famille, sans parler d'autres.

 27   Q.  Pourriez-vous citer le nom et le prénom de cette personne qui était à

 28   la tête de votre village en 1998 ?

Page 6182

  1   R.  Je ne m'en souviens plus. Dix ans se sont écoulés depuis. J'ai oublié

  2   qui c'était.

  3   Q.  Répondez à la question suivante : la personne qui était à la tête du

  4   village, est-ce que c'était quelqu'un élu à cette fonction pour toute la

  5   vie ou non ?

  6   R.  Non, il était élu pour une durée de trois ou quatre ans. S'il faisait

  7   bien son travail, il pouvait rester pendant une période plus longue; sinon,

  8   il était remplacé.

  9   Q.  Lorsque vous parlez de l'année 1998 et de la police, vous dites que les

 10   membres de la police sont arrivés, et ensuite vous dites qu'il y avait des

 11   soldats ailleurs. C'est ce que vous avez dit au début de votre déposition

 12   lors de l'interrogatoire mené par ma consoeur.

 13   R.  Puis-je répondre ?

 14   Q.  Oui, allez-y.

 15   R.  Nous sommes partis en direction de la montagne Kosnik, et nous avons

 16   été encerclés et arrêtés par la police serbe là-bas. Au pied de la

 17   montagne, autour des villages, il y avait des membres de l'armée.

 18   Personnellement, je n'avais pas vus ces soldats, mais ceux qui étaient

 19   partis de ces régions-là nous avaient dit que les soldats étaient présents

 20   là-bas.

 21   Q.  Merci. Vous l'avez tiré au clair maintenant.

 22   Monsieur Mazreku, vous étiez au pied de la montagne Kosnik, il y avait

 23   plusieurs milliers de personnes qui étaient avec vous, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, pendant la première offensive, il y avait beaucoup, beaucoup de

 25   gens là-bas.

 26   Q.  J'attirerai votre attention sur le fait quand on passera à l'année

 27   1999, mais pour l'instant nous parlons de la première offensive et de

 28   l'année 1998. A votre avis, combien de personnes étaient là-bas avec vous ?

Page 6183

  1   C'est ma première question.

  2   R.  Vous parlez de l'année 1998 ?

  3   Q.  Oui, et de la montagne Kosnik. Donc là-bas, combien y en avait-il ?

  4   R.  Nous étions au moins 2 000 personnes, voire 3 000, si ce n'est plus

  5   même.

  6   Q.  D'après vos souvenirs, d'où étaient ces gens, de quels villages

  7   étaient-ils originaires, ces gens qui s'étaient retrouvés à la montagne de

  8   Kosnik ? Etaient-ils originaires uniquement de votre municipalité ou

  9   d'ailleurs ?

 10   R.  C'était les gens de notre municipalité qui ont trouvé refuge là-bas

 11   pendant la première offensive. C'était donc les gens originaires dans la

 12   municipalité d'Orahovac. Il y avait des gens de Ratkovc, Radovc, Medja,

 13   Doblibar, Pastasel, et d'autres villages. Il y avait des gens qui avaient

 14   fui vers d'autres directions. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y avait

 15   beaucoup, beaucoup de gens là-bas, trop.

 16   Q.  D'accord. Et vous dites que les forces policières vous ont encerclés et

 17   ensuite ils vous ont attrapés, n'est-ce pas ? Est-ce qu'à ce moment-là les

 18   commandants des forces policières ont parlé aux chefs des villages pour

 19   leur dire de rentrer chez eux ?

 20   R.  On nous a dit de rentrer, d'aller dans un champ qui se trouve en face

 21   de l'école. Nous nous sommes tous rassemblés là-bas. On nous a filmés et on

 22   nous a dit: "Vous voyez le village ici, les terroristes étaient ici." Et ma

 23   maison n'était pas brûlée. On m'a dit qu'il n'y avait pas de terroristes

 24   là-bas et que c'est pour cela que les maisons n'étaient pas brûlées. Ils

 25   ont dit que c'était les membres de l'UCK qui brûlaient les maisons.

 26   Q.  Merci, Monsieur Mazreku. C'est ce que vous avez déjà précisé tout à

 27   l'heure par vos propos. Ma question est la suivante : sur ce champ-là

 28   devant l'école, est-ce qu'on doit parler uniquement des villageois de Pusto

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  1   Selo peut-être de l'ensemble des réfugiés qui étaient au nombre de 3 000 à

  2   4 000 ?

  3   R.  Oui, l'ensemble de ce groupe de réfugiés qui ont été capturés en pleine

  4   montagne ont été regroupés au niveau de ce champ-là en face de l'école; et

  5   le soir venu, chacun a quitté ce lieu dans différentes directions.

  6   Q.  Monsieur Mazreku, est-ce qu'il y a eu de la part de la police des gens

  7   qui ont pu être tués parmi des civils, par exemple, et qui s'étaient

  8   trouvés dans les montagnes de Kosnik et qui après s'étaient rassemblés sur

  9   ce champ devant l'école ? Y a-t-il eu quelqu'un qui aurait été tué parmi

 10   les civils ?

 11   R.  Non, non, on n'a tué aucun des civils, à l'exception et hormis les

 12   civils qui ont été emmenés à l'école où ils ont été battus et arrêtés. Mais

 13   il ne s'agissait que de jeunes parmi ce groupe-là emmenés par la police.

 14   Q.  Je vous remercie. Monsieur Mazreku, ma question suivante : lorsque les

 15   réfugiés s'étaient rassemblés sur ce champ devant l'école, peut-on dire

 16   qu'il y avait des ambulances avec à leur bord des médecins qui devaient

 17   prendre soin de gens qui avaient besoin d'aide, et puis après quand vous

 18   avez dit vous avez été enregistré, il y avait des caméras de télévision, ou

 19   est-ce que quelques autres caméras, quel type de caméras ?

 20   R.  Il y avait des caméras de la chaîne de télévision de Pristina ou peut-

 21   être d'une autre agence. On nous a également apporté des vivres, de l'huile

 22   comestible et de la farine. Cela étant, après avoir été distribué aux gens,

 23   les gens ont quitté les lieux, ils se sont dispersés.

 24   Q.  Donc on a apporté de la farine, de l'huile comestible, est-ce que peut-

 25   être ils ont apporté du pain également ? A-t-on apporté du pain pour

 26   distribuer ?

 27   R.  Non, tout le monde n'a pas pu recevoir ces vivres.

 28   Q.  Je dois reprendre la même question. Je me suis peut-être trompé mais

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  1   j'ai posé deux questions, c'est-à-dire tout à l'heure.

  2   Y a-t-il lieu de parler d'ambulance ou peut-être une équipe de

  3   médecins qui devait prendre en charge les gens qui avaient besoin d'une

  4   aide sanitaire ?

  5   R.  Non, il n'y avait pas d'ambulance là-bas. Moi, je n'en ai pas vu sur

  6   les lieux.

  7   Q.  Monsieur Mazreku, dites-moi, avez-vous pu voir, vous, de vos propres

  8   yeux, un commandant qui serait à la charge de cette action de la police,

  9   comme vous le dites ?

 10   R.  Non, personnellement, je n'en ai pas vu. Je n'aurais pas été capable de

 11   les reconnaître. Je n'ai jamais eu de contact avec des gens de ce genre-là.

 12   Q.  Est-ce que vous vous rappelez que peut-être le chef de votre village a

 13   pu avoir un contact quelconque avec un commandant de police ? Peut-être que

 14   tout cela, vous avez pu entendre parler de cela, si vous n'avez pas de

 15   connaissance personnelle vous-même là-dessus.

 16   R.  Personnellement, je n'en sais rien. Cela est possible mais en tout cas,

 17   ceci a été inconnu de moi.

 18   Q.  Merci pour cette réponse. A la fin, Monsieur Mazreku, dites-moi, s'il

 19   vous plaît, à cette époque-là vous étiez citoyen de la République fédérale

 20   de la Yougoslavie, de la République de Serbie et de la province autonome du

 21   Kosovo où vous résidiez. Savez-vous qui est Vlastimir Djordjevic ?

 22   R.  Non, je ne l'ai jamais vu. Je le vois aujourd'hui pour la première

 23   fois.

 24   Q.  Ma question n'était pas placée dans ce contexte-là. Ma question était

 25   comme suit: si en 1998 vous avez su qui était Vlastimir Djordjevic dans le

 26   sens où vous saviez quelles étaient ses fonctions remplies par lui ou

 27   quelles étaient ses occupations, sa profession, et cetera.

 28   R.  Non. Personnellement, je ne le savais pas. J'étais citoyen de la

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  1   République yougoslave à cette époque. Mais je ne savais pas à cette époque

  2   qui étaient les ministres, qui était le premier ministre. Je ne me suis

  3   jamais intéressé à la politique. Je ne suis qu'un simple citoyen résidant

  4   dans un village.

  5   Q.  Merci. Monsieur Mazreku, je voudrais que vous nous disiez quelles

  6   écoles vous avez faites et ce dont vous vous occupiez, parce que vous avez

  7   travaillé avant de prendre votre retraite. Vous avez de toute évidence pu

  8   mériter une pension de retraite. Quelles étaient les écoles que vous avez

  9   faites ?

 10   R.  J'ai fait mes études élémentaires de huit ans. J'ai travaillé, j'ai été

 11   maçon et j'ai pris ma retraite.

 12   Q.  Vous étiez maçon dans une firme d'état ou vous avez travaillé pour un

 13   privé ?

 14   R.  Pendant 15 ans, j'ai travaillé en Allemagne.

 15   Q.  Et puis après ?

 16   R.  A mon compte, à la maison; j'ai eu un incident avant de prendre ma

 17   retraite. J'ai été atteint d'invalidité.

 18   Q.  Merci, Monsieur Mazreku. La question suivante : à cette époque-là,

 19   lorsque nous parlons de 1998 et 1999, est-ce que vous parliez le serbe,

 20   est-ce que vous aurez pu lire l'alphabet cyrillique sans problème ?

 21   R.  Oui. J'étais capable de lire en serbe et j'ai accompli mon service

 22   militaire au temps de l'ex-Yougoslavie. Je ne parle pas le serbe dit

 23   standard, mais je le comprends fort bien.

 24   Q.  Merci. Dites-nous, en cette année 1998, vous-même avez-vous pu parler à

 25   un quelconque membre des forces serbes, que ce soit quelqu'un de la police

 26   ou un militaire en cette année 1998 ?

 27   R.  Si on m'avait posé la question, j'aurais certainement engagé une

 28   conversation avec de tels gens. Mais comme il n'y avait aucun besoin, je

Page 6187

  1   n'ai jamais eu langue avec eux.

  2   Q.  Vous avez dit, et ceci a été noté dans le compte rendu d'audience, vous

  3   avez dit qu'il y avait des caméras d'une agence de Pristina. Est-ce qu'il y

  4   avait une seule caméra ou plusieurs caméras en ce moment-là ? C'était ma

  5   première question.

  6   R.  Non, non, non il y avait une seule caméra. Je pense bien que c'était

  7   une caméra qui appartenait à la police. Il ne s'agissait pas d'une chaîne

  8   de télévision pour parler de cette caméra. Après, à la télévision de

  9   Prizren, on a pu faire voir cette scène-là, pour dire que supposément tout

 10   cela était l'œuvre de l'UCK.

 11   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, lorsqu'on pouvait également faire voir

 12   cette scène à ce moment où on distribuait des vivres, de  l'huile

 13   comestible et de la farine aux gens, est-ce que ceci a été filmé également

 14   et on a pu le voir à la télé ?

 15   R.  Oui. Cette scène également a été enregistrée parce qu'on voulait faire

 16   voir à tout le monde qu'ils étaient venus à notre rescousse.

 17   Q.  Dites-nous, hormis la personne qui était l'opérateur caméraman, est-ce

 18   que vous avez pu vous rendre compte de la présence d'un reporter ou de

 19   quelqu'un qui aurait un micro à la main et qui se serait entretenu avec des

 20   réfugiés, avec des gens de groupes de réfugiés ?

 21   R.  Non, je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas de cela. Il se peut

 22   qu'il y ait eu des gens de ce genre-là qui se seraient entretenus avec

 23   quelqu'un, mais chose que je n'ai pas pu voir personnellement.

 24   Q.  Merci. En posant de telles questions, je viens de conclure l'époque qui

 25   concerne l'année 1998.

 26   Maintenant, je vais passer à l'année 1999. Je vous comprends fort bien que

 27   cela était fort désagréable lorsqu'il y a lieu de parler de ce massacre

 28   terrible qui s'était produit. Personne ne va contester ce fait-là.

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  1   Pourtant, puis-je vous demander de nous dire si un jour ou deux jours avant

  2   le massacre -- c'est en date du 31, vers les heures du soir que le massacre

  3   a eu lieu, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Un ou deux jours avant, la police était-elle présente dans votre

  6   village ou pas ? Ou, s'il ne s'agit pas de police, de militaires ou que ce

  7   soit, enfin de quelque côté que ce soit pour parler des forces serbes ?

  8   R.  Non, non. Non, un jour avant ce massacre, il nous a été dit que la

  9   police devait arriver. Nous étions tous réunis. Comme eux ils n'étaient pas

 10   venus, nous avons regagné nos maisons. Et eux, ils devaient venir le

 11   lendemain.

 12   Q.  Le lendemain, c'est-à-dire c'est le jour où le massacre a eu lieu.

 13   R.  Oui, oui, oui. Cela est juste et exact, c'était le 31 mars. A 3 heures

 14   de l'après-midi, ils nous ont encerclés.

 15   Q.  Revenons à la période où ce massacre a été perpétré. Dites-nous, et

 16   vous avez dit qu'il n'y a pas eu d'ailleurs des gens qui seraient de la

 17   police ou de militaires qui seraient venus dans votre village ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Dites-nous est-ce que dans votre village il y a eu des gens qui

 20   résidaient dans d'autres villages et qui se seraient trouvés là ?

 21   R.  Oui. Ça a été plein dans notre village au cours de cette nuit-là.

 22   Q.  Quelle en fut la raison pour laquelle ces réfugiés seraient venus

 23   d'autres villages justement pour demeurer dans votre village; est-ce qu'ils

 24   ont considéré que votre village était plus en sécurité ou peut-être il y

 25   avait une autre raison à cela. Pouvez-vous nous le dire ?

 26   R.  Peut-être pensaient-ils être plus en sécurité chez nous, mais à cette

 27   époque-là, personne ne se trouvait en sécurité. Nous ne pouvions pas nous

 28   considérer comme en sécurité. Vous ne pouvez pas trouver un lieu sûr.

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  1   Personne ne savait où aller pour être en sécurité. Les gens allaient d'un

  2   lieu à l'autre.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Mon assistant vient de me rappeler de

  4   justesse que le temps prévu pour ce contre-interrogatoire pour aujourd'hui

  5   passe. Je pourrais reprendre le contre-interrogatoire demain, avec ce même

  6   témoin.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

  8   Nous allons nous arrêter. Une autre affaire doit avoir lieu dans ce

  9   prétoire. Demain matin, nous reprendrons les travaux en audience à 9

 10   heures. Vous allez, Monsieur le Témoin, reprendre votre témoignage ici, et

 11   Mme l'Huissière s'occupera de vous une fois que l'audience sera suspendue.

 12   Nous reprendrons les travaux en audience demain à 9 heures.

 13   L'audience est suspendue.

 14   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 17 juin

 15   2009, à 9 heures 00.

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