Page 6545
1 Le lundi 29 juin 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]
6 Mme KRAVETZ : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez, je vous prie, lire à voix
12 haute la déclaration solennelle qui vous est donnée.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 LE TÉMOIN : MARTIN PNISHI [Assermenté]
16 [Le témoin répond par l'interprète]
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Veuillez
18 vous asseoir, je vous prie.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mme Kravetz vous posera un certain
21 nombre de questions maintenant.
22 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Interrogatoire principal par Mme Kravetz :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous, je vous prie,
25 décliner votre identité pour le compte rendu d'audience.
26 R. Bonjour. Je m'appelle Martin Pnishi.
27 Q. Quand et où êtes-vous né, Monsieur Pnishi ?
28 R. Je suis né le 9 mars 1944 à Ramoc, dans la municipalité de Gjakove.
Page 6546
1 Q. En 1999, Monsieur Pnishi, où habitiez-vous ?
2 R. De 1973 à ce jour, j'habite à Meje, dans la municipalité de Gjakove.
3 Q. Monsieur, est-ce que vous avez donné une déclaration au bureau du
4 Procureur au mois d'avril 2000 portant sur les événements dont vous avez
5 été témoin dans le village de Meja en 1999 ?
6 R. Oui.
7 Q. Avant de venir témoigner devant ce Tribunal aujourd'hui, est-ce que
8 vous avez eu l'occasion de relire cette déclaration ?
9 R. Oui.
10 Q. Si je comprends bien, Monsieur, vous vouliez apporter une correction à
11 cette déclaration. C'est ce que vous avez dit à l'un de mes collègues lors
12 de la séance de récolement. Je vais maintenant vous donner lecture du
13 passage que vous vouliez corriger et vous pouvez nous confirmer si
14 effectivement c'est le cas. Alors je vous donne lecture du deuxième
15 paragraphe de la page 3. C'est la phrase qui se lit comme suit :
16 "Deux d'entre eux se sont arrêtés dans la cour tout près de la porte
17 d'entrée. Ils portaient des masques et des uniformes de camouflage de
18 couleur verte."
19 Et si je comprends bien, vous voulez corriger ceci en disant :
20 "…Qu'ils portaient des masques et des uniformes de camouflage de couleur
21 bleue."
22 Est-ce que c'est exact ?
23 R. Les uniformes étaient des uniformes de camouflage.
24 L'INTERPRÈTE : Le témoin emploie la couleur "verdhe" en albanais et le
25 témoin a indiqué qu'il s'agissait de la couleur de l'herbe.
26 Mme KRAVETZ : [interprétation]
27 Q. Très bien. Donc il faudrait lire ceci comme suit :
28 "Les personnes portaient des uniformes de couleur de l'herbe, des uniformes
Page 6547
1 de camouflage de la couleur de l'herbe."
2 Est-ce que c'est exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Outre cette correction, est-ce que vous pouvez nous confirmer que cette
5 déclaration contient une déclaration qui est véridique et qui est précise
6 et qui correspond à vos connaissances et du meilleur de votre souvenir ?
7 R. Oui.
8 Q. Merci. Monsieur, vous avez ajouté un addendum à cette déclaration qui
9 est datée du mois de mars 2002.
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de relire cet addendum également
12 avant de venir témoigner aujourd'hui ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous êtes satisfait de l'information contenue dans ce
15 document, à savoir qu'il s'agit d'information vraie et précise, du meilleur
16 de votre connaissance ?
17 R. Oui.
18 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, les deux se trouvent
19 dans le système du prétoire électronique sous la même cote. Il s'agit du
20 document 65 ter 02236. Je demanderais que la déclaration ainsi que
21 l'addendum soient versés au dossier sous cette même cote.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document portera la cote P1033,
24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
25 Mme KRAVETZ : [interprétation]
26 Q. Monsieur Pnishi, est-ce que vous avez déjà témoigné devant ce Tribunal
27 dans l'affaire Milutinovic et consorts ?
28 R. Oui, lorsque je suis venu ici pour la deuxième fois.
Page 6548
1 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion dernièrement de relire le transcript
2 de votre témoignage dans cette affaire avec l'aide d'un assistant
3 linguistique ?
4 R. Oui.
5 Q. Si l'on vous posait les mêmes questions aujourd'hui, les questions que
6 l'on vous a posées dans le cadre de votre témoignage dans l'affaire
7 Milutinovic, est-ce que vous donneriez les mêmes réponses aujourd'hui qu'à
8 l'époque ?
9 R. Je donnerais les mêmes réponses, effectivement. J'aurais parlé des
10 choses que j'ai vues de mes propres yeux.
11 Q. Merci beaucoup.
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que ce
13 document, pièce 05064, soit versé au dossier.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce portera la cote P1034.
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vais maintenant lire le résumé.
17 Le témoin vient du village de Meja, dans la municipalité de Djakovica. Il
18 nous décrit que depuis l'automne 1998 les chars de la VJ étaient déployés
19 au-dessus de la colline qui surplombe Meja. La police était présente et les
20 forces serbes occupaient la région.
21 Le 22 avril 1999, dans le village de Meja, cinq officiers du MUP avaient
22 été tués. L'un d'eux était Milutin Prascevic. Après cet incident, plusieurs
23 témoins sont venus chercher refuge dans la maison.
24 Il y avait un certain nombre de personnes qui étaient également
25 venues à Meja et un certain nombre de ces personnes qui cherchaient refuge
26 dans la maison de M. Pnishi à Meja. Plus tard, on a lancé une attaque
27 contre le village de Meje le 22 avril.
28 Le matin du 27 avril, le témoin, sa femme et son fils, Mark, sont revenus
Page 6549
1 dans leur maison à Meja pour donner de la nourriture au bétail. Vers 7
2 heures du matin, le 27 avril, un grand nombre de policiers, de soldats et
3 d'autres effectifs se sont présentés inopinément à Meja. Le témoin est allé
4 au deuxième étage de sa maison et c'est là qu'il a vu qu'un très grand
5 nombre de soldats et de policiers avaient encerclé la région. Vers 7 heures
6 30 du main, le personnel du MUP, accompagné de personnes que le témoin
7 décrit comme étant des soldats russes sont arrivés dans la maison du témoin
8 et lui ont dit de quitter sa maison avec sa famille puisqu'ils allaient
9 l'incendier. Ils étaient accompagnés d'un homme que le témoin connaissait
10 comme Kole Duzhmani du village de Korenica. Le témoin a commencé à se
11 préparer et il a dû mettre sa femme, qui était une invalide, la placer dans
12 une brouette. Les hommes ont reçu un ordre par la radio, ensuite ont pris
13 Duzhmani dans la maison du frère du témoin. C'est là qu'il a vu le corps
14 criblé de balles de ce dernier 19 jours plus tard.
15 Le même jour, le témoin a vu des membres des effectifs serbes ériger un
16 point de contrôle tout près de sa maison. Le point de contrôle était tenu
17 par des soldats de la VJ, des officiers de la police et des paramilitaires
18 étaient également présents. Il y avait des véhicules blindés. Le témoin a
19 également vu un très grand nombre de civils se dirigeant vers Meja et des
20 villages avoisinants. En passant par des points de contrôle, des hommes
21 albanais étaient séparés des femmes, à cet endroit-là, et de leurs enfants.
22 Le témoin a également vu que les "Kosa Albanija" étaient forcés à présenter
23 leurs papiers d'identification.
24 Plus tard dans la même matinée, la police, les soldats et les
25 paramilitaires se sont retrouvés près de l'école. Le témoin a également
26 pris sa femme et l'a emmenée vers la maison du parrain. C'est de là que le
27 témoin a vu le pont de Ura e Travas à Jahoc. Il a vu sept jeunes hommes
28 près du pont et un officier les a exécutés en utilisant une mitraillette.
Page 6550
1 Peu de temps après, il a vu son fils -- L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas
2 saisi le paragraphe et l'interprétera plus tard -- M. Pnishi -- car
3 l'interprète n'avait pas le texte qu'a lu le Procureur très rapidement.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur, je vous présente le document 65
6 ter 00035 à l'écran.
7 Q. Monsieur Pnishi, je vais vous présenter une carte.
8 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vais demander à l'huissier de bien
9 vouloir aider le témoin, car je vais demander au témoin de faire quelques
10 annotations.
11 J'aimerais également que l'on fasse un agrandissement auprès de la
12 ville de Djakovica sur la carte.
13 Q. Monsieur, dans cette déclaration, vous décrivez les événements qui se
14 sont déroulés dans votre village le 27 avril. J'aimerais vous demander de
15 bien vouloir examiner cette carte et d'indiquer avec un X l'endroit
16 approximatif où vous habitiez à l'époque.
17 R. J'habitais dans le village de Meje.
18 Q. Nous voyons deux villages près de Meja, l'un qui est près Djakovica et
19 un autre que vous avez identifié qui s'appelle Meja-Orize ?
20 R. J'habite à Meje. Orize se trouve tout près de Meje; il y a une route
21 qui sépare les deux villages.
22 Q. Très bien. Dans votre déclaration, vous avez indiqué avoir vu une foule
23 arriver du village de Guska. Pourriez-vous nous indiquer à l'aide d'une
24 flèche - et c'est à la page 4, premier paragraphe en haut - pourriez-vous
25 nous indiquer la direction dans laquelle vous avez vu cette foule arriver
26 de Guska ?
27 R. Est-ce que vous aimeriez que je fasse une flèche droite ou voulez-vous
28 que je suive la route ?
Page 6551
1 Q. J'aimerais seulement vous demander de nous indiquer la provenance de
2 cette foule qui venait du village de Guska, comme vous nous l'avez dit, et
3 de Korenica ?
4 R. C'est la direction qu'ils ont empruntée de Guska jusqu'à Korenica,
5 ensuite à Meje.
6 Q. Vous dites également avoir vu des personnes venir de Junik et aller
7 vers Meja, vous dites que ces personnes marchaient le long de la route
8 principale et il y avait des personnes de 17 villages --
9 R. Junik se trouve ici, mais je ne peux pas le voir sur la carte. Junik
10 est près de la frontière albanaise, ensuite ils sont allés à Dobrosh,
11 Dallashi, Ripaj aussi, Orize et Meje. Juste ici. Donc les personnes de
12 Junik ont suivi en empruntant cette direction.
13 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le témoin
14 vient de faire une ligne en allant vers le haut de la carte jusqu'au
15 village de Meja en commençant par le village de Dobros, au-dessus du
16 village de Dobros.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est Dobrosh.
18 Mme KRAVETZ : [interprétation]
19 Q. Lorsque vous dites que ces personnes du convoi venaient de 17 villages,
20 est-ce qu'il s'agirait de villages qui se trouvaient sur la route que vous
21 venez de tracer ?
22 R. Oui, effectivement. De Meje, Jahoc, Ripaj, Madanaj, Ramoc, Dallashi,
23 Nezi i Eperme, Nezi i Ulet, Sharamet, Dobrosh et Junik là-haut. Junik et
24 Batusha se trouvent en haut sur la carte, mais je ne peux pas les voir. En
25 fait, il s'agissait de 17 villages en tout.
26 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était la taille de ce convoi que vous
27 avez vu venir de la direction de Junik. Il y avait combien de personnes
28 exactement dans le convoi ?
Page 6552
1 R. Il y avait environ 1 000 personnes. Il y avait plus de
2 1 000 personnes. Il y avait un très grand nombre de personnes. Au début les
3 personnes venaient de Korenica et de Guska, ensuite une demi-heure plus
4 tard ou une heure plus tard, des personnes de Junik et d'autres villages
5 également ont rejoint ce groupe. Il y avait des enfants, des personnes
6 âgées et des personnes de tous âges.
7 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que vous êtes allé dans la maison
8 du fils de votre parrain, dans le village de Jahoc. Pourriez-vous, s'il
9 vous plaît, nous tracer un cercle pour nous indiquer cet endroit-là.
10 R. Jahoc est ici.
11 Q. Merci. Vous nous dites avoir vu le meurtre de sept hommes sur le pont -
12 vous le décrivez dans votre déclaration, je ne vais pas en parler en détail
13 - mais j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de nous indiquer cet
14 endroit-là sur la carte. Si cela est possible, pourriez-vous nous indiquer
15 où se trouve ce pont dont vous parlez dans votre déclaration, le pont de
16 Ura e Travas ?
17 R. C'est quelque part ici.
18 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le témoin
19 vient de faire une indication près du village qu'il a encerclé comme étant
20 le village de Jahoc. Il s'agit d'une indication juste au-dessus du village
21 de Meja.
22 R. C'est entre Jahoc et Meje.
23 Q. Merci.
24 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais
25 que cette carte notée soit versée au dossier, je vous prie.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette carte portera la cote P1035.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,
Page 6553
1 Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Merci.
3 Monsieur Djurdjic.
4 M. DJURDJIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
5 Contre-interrogatoire par M. Djurdjic :
6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
7 R. Bonjour.
8 Q. Je m'appelle Veljko Djurdjic, je représente les intérêts de M.
9 Djordjevic. Je suis un des conseils de la Défense de ce dernier. Je suis
10 également assisté de Mme Marie O'Leary, qui est également membre de notre
11 équipe.
12 J'aimerais vous poser un certain nombre de questions et je vais vous
13 demander de nous apporter quelques précisions également pour ce qui est de
14 vos deux déclarations et du témoignage que vous avez apportés dans un autre
15 procès.
16 Monsieur Pnishi, j'aimerais vous demander quelque chose. Vous n'avez habité
17 qu'à Meja toute votre vie, n'est-ce pas, si je vous ai bien compris ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Merci beaucoup. Dites-nous, à quelle distance se trouve Meja de
20 l'endroit Meja-Orize ?
21 R. Il y a un pont qui sépare les deux villages et il y a également un
22 ruisseau qui ruisselle sous le pont, le Travas, et on l'appelle le ruisseau
23 de Travas.
24 Q. De votre maison à vous jusqu'au village de Meja-Orize, quelle est la
25 distance entre les deux, s'il vous plaît ?
26 R. J'habite à Meje. J'habite à l'entrée du village. Il y a une route et
27 vous pouvez aller à Jahoc. Ce n'est qu'à 100 mètres de ma maison. Le pont
28 se trouve à 100 mètres de ma maison.
Page 6554
1 Q. Excusez-moi, mais je ne vous ai pas demandé de nous parler de Jahoc.
2 J'aimerais vous demander quelle est la distance entre Meja et Jahoc ?
3 R. Le ruisseau qui sépare les deux villages, voyez-vous, il y a des
4 maisons des deux côtés du ruisseau. De l'un côté du ruisseau, il y a un
5 village, et de l'autre côté du ruisseau, il y a un autre village.
6 Q. Vous me parlez de Meja et d'Orize ?
7 R. Oui, la distance entre Meje et Meje-Orize -- non, je parle de Meje et
8 Jahoc.
9 Q. Où se trouve Meja-Orize ?
10 R. Il y a une route entre Meje et Orize, et c'est une route goudronnée qui
11 sépare les deux, c'est la route qui va à Gjakove également. Dans l'autre
12 sens, c'est la route qui va à Junik.
13 Q. Merci. Pour ce qui est de Jahoc maintenant ?
14 R. Entre Jahoc et Meje, il y a un ruisseau qui s'appelle le ruisseau de
15 Travas, donc il y a la rivière Travas qui sépare les deux.
16 Q. Donc il n'y a pas de distance, on ne peut pas vraiment dire qu'il y a
17 une distance qui sépare les deux. C'est pratiquement le même endroit, c'est
18 le même endroit. Il n'y a qu'un pont mais qui enjambe sur le ruisseau, mais
19 en réalité on ne parle que d'un seul endroit. Ce n'est pas trois endroits
20 différents, enfin, trois villages différents ?
21 R. Oui, on pourrait dire ainsi. Il s'agit de la même région, de la même
22 zone, même secteur.
23 Q. Merci.
24 M. DJURDJIC : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on affiche
25 la pièce 65 ter 00035.
26 Q. Où se trouve Meja, Témoin ? Si vous trouvez Meja, faites une ligne sous
27 Meja.
28 R. [Le témoin s'exécute]
Page 6555
1 Q. Le Témoin, excusez-moi, mais est-ce que vous voyez comme il faut ? Est-
2 ce que vous avez des problèmes de vue ? Est-ce que vous avez des lunettes
3 de lecture ?
4 R. Non, je ne vois pas bien sans mes lunettes. Ces lunettes ne sont pas
5 très bonnes non plus, mais je fais de mon mieux.
6 Q. Vous êtes myope ?
7 R. Oui, oui, j'ai un problème de vue. Je ne vois pas très bien.
8 Q. La raison pour laquelle je vous pose la question c'est que lorsque vous
9 examinez cette carte qui est censée être exacte - et nous l'avons toujours
10 présumée telle - vous n'arrêtez pas de souligner un autre village qui n'est
11 pas celui où vous vivez, en fait.
12 R. Meje, c'est ici. Enfin, j'en vois deux.
13 Q. Exactement. Et c'est bien ce que je vous demande. Vous avez souligné le
14 deuxième Meja. Donc je vous demande, entre le premier Meja et le second,
15 quelle est la distance ?
16 R. Il y a deux Meje sur cette carte, mais en fait, il n'y en a qu'un. Il y
17 a ici Meje-Orize et Jahoc. Meje, ça devrait être ici. Il n'y a pas deux
18 Meje; il n'y en a qu'un, même si j'en vois bien deux ici sur la carte.
19 Q. Bien, je vois le village d'Orize, qui est tout à fait distinct. Ce
20 village d'Orize, il existe effectivement ?
21 R. Il y a un autre Orize qui se trouve en périphérie de Gjakove, mais
22 c'est de l'autre côté, du côté de Bistrazin. C'est, pour ainsi dire, un
23 lotissement, alors que là où j'habite, dans cette région-ci, se trouvent
24 Meje, Orize et Jahoc.
25 Q. Bien. Pourriez-vous maintenant me dire si Meja se trouve sur la route
26 principale entre Djakovica et Junik ?
27 R. Oui, il se trouve sur la route principale, la route goudronnée qui
28 traverse le village même de Meje.
Page 6556
1 Q. Merci. A quelle distance votre maison se trouve-t-elle du centre-ville
2 de Djakovica ?
3 R. A deux kilomètres et demi, peut-être 3 kilomètres, environ.
4 Q. Merci. Pouvez-vous me dire à quelle distance Meja se trouve du village
5 de Guska ?
6 R. Meje est à vol d'oiseau à 3 kilomètres de Guske. Mais si vous prenez la
7 route alors vous avez à peu près 4 kilomètres de distance.
8 Q. Merci. Et de votre maison, avez-vous vue sur le village de Guska ?
9 R. Oui.
10 Q. Merci. Et avez-vous vue sur le village de Korenica ?
11 R. Si je monte au deuxième ou au troisième étage de ma maison, alors oui,
12 je vois le village de Korenice. Je vois, en tout cas, quelques maisons du
13 village.
14 Q. Merci. Pouvez-vous, s'il vous plaît, souligner le village de Korenica
15 et celui de Guska sur la carte.
16 R. Korenice apparaît deux fois sur la carte, et Guske aussi. Vous voulez
17 que je fasse un cercle autour de chacun d'entre eux ?
18 Q. Je voudrais que vous fassiez un cercle autour, et si vous n'êtes pas
19 sûr duquel est le bon, alors faites un cercle autour des deux.
20 R. [Le témoin s'exécute]
21 Q. A quelle distance votre maison se trouve-t-elle de Korenica ?
22 R. Deux kilomètres et demi.
23 Q. Merci. Dites-moi, s'il vous plaît, ces lignes noires, ce sont des
24 routes, ces lignes noires que l'on voit sur la carte ?
25 R. Ça c'est la route principale. Oui, les lignes noires sont les routes.
26 Q. Et ceci signifie-t-il que de Djakovica, si vous voulez aller à Guska,
27 vous devez passer par cette route en bas là, et à gauche à l'embranchement,
28 et un peu plus loin à droite pour aller à Orize-Jahoc, et continuer si vous
Page 6557
1 voulez aller à Korenica ?
2 R. Oui.
3 Q. Merci.
4 R. Je vous en prie.
5 M. DJURDJIC : [interprétation] Je voudrais faire verser cette carte au
6 dossier, s'il vous plaît, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame la Greffière.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce
9 D230.
10 M. DJURDJIC : [interprétation]
11 Q. Monsieur Pnishi, mon honorable confrère a commencé par présenter une
12 correction à votre déclaration alors qu'apparemment vous n'avez rien à
13 corriger dans votre déclaration. Est-ce que je me trompe ?
14 R. En effet.
15 Q. Merci. A la lecture de votre déclaration, Monsieur Pnishi, j'ai compris
16 que vous étiez né dans le village de Jahoc. Pouvez-vous nous dire avez qui
17 vous avez vécu dans le village de Jahoc après votre naissance ?
18 R. Je suis né dans le village de Ramoc, pas de Jahoc.
19 Q. Veuillez m'excuser. Dans le village de Ramoc, avec qui viviez-vous ?
20 R. Je vivais avec les villageois de Ramoc.
21 Q. Mais viviez-vous avec votre père, vos oncles ? Je m'interroge sur votre
22 famille, les membres de votre foyer.
23 R. Nous étions huit enfants dans la famille et nous vivions avec notre
24 mère. Mon père est mort en 1952, c'est donc ma mère qui nous a élevés.
25 Q. Monsieur Pnishi, Sokolj Pnishi est-il un de vos frères ?
26 R. Non. C'est un parent, un parent éloigné qui se trouve à avoir le même
27 nom de famille que moi. Mais il n'est plus des nôtres. Il est mort il y a
28 un vingtaine d'années déjà.
Page 6558
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6559
1 Q. Pourriez-vous me dire, étant donné que vous nous avez dit avoir
2 déménagé à Meja en 1973, pourriez-vous me dire où vous viviez avant ce
3 déménagement, avant 1973 ?
4 R. Avant de nous installer à Meje, nous vivions à Nec, un village. Donc de
5 Ramoc, nous sommes allés vivre à Nec. C'était en 1960, je crois. Et nous
6 sommes donc restés à Nec jusqu'à 1973. En 1973, nous avons quitté Nec pour
7 nous installer à Meje.
8 Q. Merci. Que faisait votre famille pour gagner son pain ?
9 R. A l'époque, feu mon frère, qui est mort il y a à peu près 25 ans,
10 travaillait à Gjakove. J'avais un autre frère qui était également salarié,
11 et je l'étais moi-même aussi. Donc nous vivions de nos trois salaires.
12 Q. Merci. Possédiez-vous des terres ?
13 R. Oui, à Nec. Nous avons vendu nos terres de Ramoc pour acheter un
14 terrain à Nec.
15 Q. Et avez-vous conservé ces terres de Nec après vous être installés à
16 Meja ?
17 R. Non, nous les avons vendues à un parent, un habitant de Ramoc qui a
18 acheté des terres et des maisons à Nec, au moment où nous partions pour
19 Meje.
20 Q. Merci. Vous avez donc une maison à Meja, et je vois que vous aviez un
21 frère à Meja. Ces deux maisons se trouvaient-elles l'une à côté de l'autre
22 ou vous trouviez-vous dans des parties différentes du village ?
23 R. Nos maisons se trouvaient sur un même terrain. Quand nous avons acheté
24 ce terrain, nous l'avons acheté ensemble et nous avons construit nos
25 maisons sur ce même terrain, ensemble.
26 Q. Merci. De quelle taille était-il ce terrain que vous avez acheté à Meja
27 ? Je parle de surface, d'ares et d'hectares.
28 R. Nous sommes propriétaires d'un hectare de terre chacun.
Page 6560
1 Q. Merci.
2 R. Je vous en prie.
3 Q. Votre maison se trouve à quelle distance de la route principale ?
4 R. Ma maison se trouve à environ 200 mètres de la route goudronnée.
5 Q. Merci. Entre votre maison et la route goudronnée, se trouve-t-il
6 d'autres maisons ?
7 R. Entre ma maison et la route principale goudronnée, il n'y a pas
8 d'autres maisons. Si vous venez de l'autre côté, alors oui, il y en a.
9 Q. Merci. De quel autre côté voulez-vous parler ?
10 R. Entre le pont de la Trava et ma maison, il y avait des maisons. Nous
11 avions un voisin qui habitait là, un homme du nom de Dragan. Il y a entre
12 sa maison et la mienne une route.
13 Q. Merci. Pouvez-vous me dire, s'il vous plaît, quel est votre niveau
14 d'éducation, vous êtes allé à l'école jusqu'à quel niveau ?
15 R. J'ai fini le niveau secondaire.
16 Q. Quelle était votre profession ?
17 R. J'étais policier chargé de la circulation.
18 Q. Quand avez-vous commencé à travailler en tant qu'agent de la
19 circulation ?
20 R. A partir du 1er janvier 1969 et j'ai continué jusqu'en 1983.
21 Q. Merci. Et où travailliez-vous ?
22 R. A Rahovec.
23 Q. Merci. Viviez-vous à Orahovac à l'époque où vous y travailliez en tant
24 qu'agent de la circulation ?
25 R. J'ai vécu à Rahovec aussi, mais je faisais beaucoup d'allers-retours
26 parce que ma famille ne pouvait pas y vivre avec moi. Donc en général, je
27 voyageais beaucoup pour mon travail.
28 Q. Merci. Etes-vous retraité aujourd'hui, en tant qu'agent de la
Page 6561
1 circulation ?
2 R. Oui, j'ai subi une opération et je n'étais plus apte à poursuivre dans
3 cette profession, donc j'ai pris une retraite anticipée en raison de ma
4 santé.
5 Q. Merci. Vous ne possédiez pas de maison à Orahovac ?
6 R. Il y avait une maison où je dormais quand il était trop tard pour que
7 je puisse rentrer à la maison.
8 Q. Aviez-vous des problèmes dans la circulation lorsque vous travailliez
9 pour le ministère de l'Intérieur à Orahovac ?
10 R. Non, je n'ai jamais eu de problèmes.
11 Q. Avez-vous eu un incident de la circulation en 1974 ?
12 R. Oui, un accident de train, en fait. J'ai survécu.
13 Q. Merci. Et avez-vous subi un accident de la circulation à Djakovica en
14 1980 ?
15 R. Non, pas du tout.
16 Q. En 1974, y a-t-il eu un recours en justice auprès du tribunal municipal
17 de Orahovac lié justement à cet accident de train et au fait que quelqu'un
18 a quitté les lieux ?
19 R. Ce serait très long à expliquer, mais oui. Sans doute, y en a-t-il eu
20 un, effectivement.
21 Q. Merci. Avez-vous été condamné à deux mois d'emprisonnement et une
22 sentence avec sursis d'un an ?
23 R. Franchement, je ne me rappelle pas. J'ai oublié.
24 Q. Merci. Monsieur Pnishi, pourriez-vous me dire quand Milutin Prascevic a
25 été tué ?
26 R. Milutin Prascevic a été tué le 22 à 17 heures. Je me trouvais dans la
27 cour. J'ai entendu des coups de feu à Meje, cela venait de quelque part au
28 centre du village. Peu après, j'ai vu des policiers et des militaires qui
Page 6562
1 remontaient et des gens m'ont dit que cinq policiers avaient été tués et
2 que Prascevic en faisait partie. Tout ceci s'est passé le 22 avril.
3 Q. Bien. Comment pouvez-vous être sûr que ceci s'est bien passé le 22
4 avril ? Sur quoi vous fondez-vous pour l'affirmer ?
5 R. Je m'en souviens. Je me souviens de cette journée. Je me souviens de
6 l'heure qu'il était. J'ai entendu des coups de feu. J'en suis absolument
7 certain.
8 Q. Lorsque vous avez fait votre déclaration, nous étions en avril 2000,
9 donc il s'était passé près d'un an, assez exactement un an, depuis
10 l'incident et toutes les données disponibles permettent de penser que
11 Prascevic n'a pas, en fait, été tué le 22. Donc comment pouvez-vous être si
12 sûr de la date exacte et de l'heure ? Si vous nous aviez dit au mois
13 d'avril, d'accord, mais vous nous précisez la date exacte et l'heure dans
14 votre déclaration.
15 R. Mais je ne suis pas le seul à le savoir. Il y a d'autres gens dans la
16 région qui le savent. Nous ne l'oublierons jamais, cette journée. On tirait
17 sur nos maisons. Après, il y a eu une période calme de cinq jours qui a
18 duré jusqu'au 27. C'est pourquoi je peux vous dire que je n'oublierai
19 jamais cette date-là.
20 Q. Monsieur Pnishi, ce n'est pas cinq policiers qui ont été tués ce jour-
21 là, mais seulement trois, si je peux me servir de cet adverbe de
22 "seulement."
23 R. On m'a toujours dit que ç'en était cinq. C'est ainsi que c'est resté
24 enregistré dans mon esprit et que Prascevic faisait partie de ces cinq
25 policiers.
26 Q. Merci. Sur quelle route se trouvaient ces policiers quand ils ont été
27 tués ?
28 R. Sur la route qui va à Gjakove, à Meje, à Junik. Ils ont été tués dans
Page 6563
1 le village même, en plein milieu du village.
2 Q. Pouviez-vous, depuis votre maison, voir le lieu où ils ont été tués ?
3 R. Non, on ne peut pas le voir.
4 Q. Merci. Cet endroit se trouve-t-il au-delà de l'embranchement où vous
5 tournez vers Meja, vers Orize ou vers Jahoc ?
6 R. Il faut suivre la route de Junik sur encore environ 1 kilomètre ou un
7 kilomètre et demi à partir de l'embranchement.
8 Q. Merci. Pourriez-vous me dire qui vous a parlé de l'identité de ces
9 personnes qui avaient été tuées ?
10 R. Les villageois qui habitaient dans cette partie du village. Ils avaient
11 quitté leurs maisons, ils ont fui leurs maisons pour se réfugier dans la
12 partie basse du village. Ce sont ces gens-là qui me l'ont dit.
13 Q. Quand vous l'ont-ils dit ?
14 R. Ce même jour, peut-être une demi-heure plus tard, après être arrivés là
15 où je me trouvais moi-même. Les policiers tiraient et ils avaient dû fuir
16 leurs maisons. Donc ils sont arrivés chez moi, nous nous sommes assis dans
17 la cave et c'est là qu'ils me l'ont raconté. Nous avons aussi vu la police
18 qui se rendait de Gjakove à Meje dans leurs véhicules. Il y en avait
19 beaucoup.
20 Q. Mais qui vous a dit qui étaient les gens qui avaient été tués ?
21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Il me semble, Monsieur le Président, que le
22 témoin a déjà répondu à cette question.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La question a été posée, mais il ne me
24 semble pas quelle ait eu une réponse précise. Veuillez poursuivre, Monsieur
25 Djurdjic.
26 M. DJURDJIC : [interprétation] J'ai eu une réponse incomplète. Il m'a dit
27 qu'il s'agissait de villageois qui avaient dit en arrivant que des
28 policiers avaient été tués. Mais ce que je voudrais savoir c'est ce qu'il
Page 6564
1 en était plus spécifiquement de l'identité de ces policiers. Qui vous a dit
2 exactement quels policiers avaient été
3 tués ?
4 R. Bien, je ne saurais vous donner les noms exacts, noms de familles et
5 prénoms. Ils étaient nombreux à être arrivés à peu près en même temps. Il y
6 avait des femmes, des enfants, des hommes; ce sont eux qui m'ont dit que
7 cinq policiers avaient été tués. Quels noms voulez-vous que je vous donne ?
8 Je n'ai pas noté les noms des personnes qui m'ont donné cette information.
9 Il y avait une trentaine de personnes qui sont arrivées à ce moment-là. Je
10 ne peux pas vous dire qui exactement me l'a dit.
11 Q. Je vous remercie. Comment est-ce qu'ils savaient que ces policiers
12 avaient été tués, est-ce qu'ils vous l'ont dit ?
13 R. Ils avaient vu ce qui s'était passé, puisque que pendant qu'ils
14 fuyaient ils avaient vu la scène de l'incident.
15 Q. Qu'est-ce qu'ils vous ont dit sur ce qu'ils avaient vu ?
16 R. Ils m'ont dit que cinq policiers avaient été tués à Meje. Moi-même,
17 j'avais entendu les coups de fusil. Ils m'ont dit que Milutin Prascevic
18 était parmi eux. Et toutes les personnes qui sont venues, des hommes, des
19 femmes, des enfants, ont dit la même chose.
20 Q. Donc vous ne pouvez pas nous dire qui exactement vous l'a dit. Vous
21 pouvez juste nous dire que l'incident a eu lieu, sans les détails ?
22 R. Non. Je ne peux pas vous donner les noms exacts. Je suis désolé. Il y
23 avait beaucoup de personnes.
24 Q. Vous ne savez pas où se trouvait la voiture, quelle voiture, qui se
25 trouvait dans la voiture, comment les personnes dans la voiture étaient
26 habillées, qui a attaqué la voiture, de quel
27 côté ?
28 R. Non. Ils ne m'ont rien dit d'autre. Ils m'ont tout simplement dit ce
Page 6565
1 que je viens de vous dire, ils ont fui leurs foyers immédiatement.
2 Q. Et pourquoi ont-ils fui ?
3 R. Puisque l'on tirait vers leurs maisons, de la route en goudron vers
4 leurs maisons. Ils ont cassé les vitres et ils tiraient contre toutes les
5 maisons le long de la route.
6 Q. Si c'est le cas, Monsieur Pnishi, alors comment ont-ils fait pour fuir
7 leurs maisons et arriver jusqu'à vous ?
8 R. Ils ont quitté leurs maisons, ils ont traversé le village jusqu'à ma
9 cour. Ils voulaient partir aussi rapidement que possible, car ils voulaient
10 échapper à toutes représailles. Ils voulaient être loin de la scène où
11 l'incident venait de se passer.
12 Q. Je vous remercie. Y avait-il des tirs sur les policiers de ces maisons
13 ?
14 R. Non. Aucun des villageois de Meje n'a ouvert le feu. Jamais.
15 Q. Comment le savez-vous ?
16 R. Nous n'avions jamais eu ce genre de problème à Meje. Meje a toujours
17 été encerclé de la police et de l'armée. Nous n'osions pas, nous ne
18 pouvions pas même tirer une balle. C'était impossible.
19 Q. Je vous remercie. Et qui a tué les policiers ?
20 R. Maintenant, pour ce qui est de qui a tué les policiers, qui sait.
21 Pendant huit mois, Orize et Meje avaient été encerclés, Jahoc également. Il
22 y avait la police et des soldats tout autour de nous. Et je ne sais pas qui
23 les a tués. Je ne sais pas.
24 Q. Comment savez-vous que ce n'était aucun des villageois ?
25 R. Je suis sûr à 100 % que la personne qui les a tués ne venait ni de
26 Jahoc ni de Meje puisque s'ils étaient de Meje, nous serions tous tués.
27 Personne serait resté en vie.
28 Q. Merci. Dites-nous, où vivait Pnishi Sokolj ?
Page 6566
1 R. Sokolj Pnishi de Ramoc est allé à Nec, mais il est mort il y a à peu
2 près 30 ans, si je ne me trompe.
3 Q. Oui. Et son fils s'appelle Nik Pnishi; est-ce exact ?
4 R. Oui. Nik Sokolje.
5 Q. Et Nik Sokolje était le commandant du KLA à Nec, n'est-ce pas ?
6 R. Pour être honnête, pour autant que je sache, il ne l'était pas, mais
7 peut-être qu'il l'était. Je ne suis pas sûr. Il était jeune. Nik Sokolje
8 était vraiment jeune mais peut-être qu'il l'était.
9 Q. Avez-vous entendu dire que le 14 août 1998, Milovan Vuksanovic avait
10 été attaqué et tué ?
11 R. Non, je ne suis pas au courant de cette affaire. Vous avez parlé de
12 Milovan Vuksanovic, non, je ne suis pas au courant.
13 Q. Oui, un policier. Mais si vous ne le savez pas, on va continuer. Savez-
14 vous que Nik Pnishi était en prison pendant toute la guerre en 1999, à une
15 prison à Prizren ? Il a été libéré après la guerre et il est revenu à Nec.
16 R. Vous avez dit Nik Pnishi. Oui, il était en prison pendant la guerre, et
17 après il est retourné à Nec.
18 Q. Je vous remercie. En 1998, y avait-il des combats autour de l'endroit
19 où vous habitiez ?
20 R. A Meje-Orize et Jahoc, il n'y avait pas de combats du tout. Il n'y
21 avait pas de combats à Korenica ou Nec. Seulement à Dobros, je pense qu'il
22 y avait des combats.
23 Q. Dans votre déclaration, vous parlez de Nec, Dobros et Smolice où il y a
24 eu des combats. Qui était impliqué dans les
25 combats ? Ces combats étaient entre qui ?
26 R. La police serbe et les forces du KLA.
27 Q. Et que faisait le KLA ?
28 R. Le KLA essayait de défendre leurs foyers, leurs villages, leurs
Page 6567
1 personnes, leur peuple dans la mesure du possible. Le 30 avril -- non, je
2 m'excuse. C'était le 30 juillet, les forces armées de Gjakove sont allées
3 dans cette direction. Et le 2 août, Nec, Smolice et Dobrosh sont tombés et
4 le KLA a été détruit.
5 Q. Je vous remercie. Quel était l'objectif du KLA ? Quel était leur
6 objectif ?
7 R. Leur objectif de l'UCK était de défendre leurs propres foyers, leur
8 propre peuple, leurs propres terres. Et ils ont essayé de faire de leur
9 mieux, ils ont résisté dans la mesure du possible, mais ensuite ils ont été
10 détruits et tout est tombé dans les mains de l'armée serbe et de la police
11 à partir du 2 août 1998.
12 Q. Je vous remercie. Vous souvenez-vous ce qui s'est passé à Orahovac
13 autour du 18 juillet 1998, ou Zociste ou Pagarusa ?
14 R. Je ne me souviens pas. Ce sont des lieux éloignés de là où j'habite.
15 Q. Mais vous travailliez à Orahovac. Est-ce que vous avez entendu que
16 l'UCK avait pris le contrôle d'Orahovac et Zociste et Pagarusa le 18
17 juillet ? Est-ce que c'était la défense du village ?
18 R. Non, il n'y avait pas de nouvelles sur la télévision à l'époque. La
19 télévision albanaise avait été suspendue, et donc nous n'avions pas de
20 sources où apprendre ces choses-là.
21 Q. Mais l'avez-vous appris par la suite ?
22 R. Non. Non, je n'ai pas entendu parler de ces événements. C'est très loin
23 de là où j'habite, je vous l'ai dit.
24 Q. C'est à quelle distance Orahovac de Meja ?
25 R. A peu près 30 kilomètres. Disons, 28, 30 kilomètres.
26 Q. Vous viviez à Meja et vous travailliez à Orahovac. Mais dites-moi, à
27 votre époque, est-ce que les civils avaient le droit de porter des armes
28 telles que des fusils, des mitraillettes ?
Page 6568
1 R. S'ils avaient le permis approprié venant de l'organe approprié, ils
2 pouvaient avoir des fusils à chasse, des pistolets, et ceci, avec le
3 permis. Mais s'ils n'avaient pas de permis, ils ne pouvaient pas avoir
4 d'armes chez eux.
5 Q. Ces personnes qui avaient ces armes sans permis, vous, en tant que
6 policier, avez-vous arrêté de telles personnes ? Est-ce que vous avez
7 entamé des procédures contre de telles personnes ?
8 R. Si l'on trouvait quelqu'un en possession d'une arme sans permis, il
9 était emprisonné tel que le déclare la loi.
10 Q. Je vous remercie. Serait-il juste de dire que concernant les armes
11 automatiques et semi-automatiques, les grenades et des armes lourdes, ces
12 armes ne devaient pas être en possession des simples citoyens, car des
13 permis n'étaient pas octroyés pour de telles armes ?
14 R. Bien évidemment. Ça c'est exact.
15 Q. Merci. Et des plaintes criminelles étaient entamées contre de telles
16 personnes, des procédures pénales ont été entamées contre de telles
17 personnes, et la procédure en était que la police soumettait un rapport au
18 bureau du procureur, et le bureau du procureur entamait les procédures
19 pénales, et cetera ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Je vous remercie. Est-ce exact que l'on n'avait pas droit d'emmener en
22 contrebande des armes à travers les frontières, et la traversée illégale
23 des frontières n'était pas permis non plus ?
24 R. Non, ça ne l'était pas.
25 Q. Je vous remercie. Pendant que vous étiez agent de la police, avez-vous
26 inspecté des véhicules, des voitures à passagers qui allaient entre Prizren
27 et Djakovica ou Orahovac-Xerxe ?
28 R. Oui, j'ai arrêté des milliers et des milliers de voitures, en effet.
Page 6569
1 Q. Je vous remercie. C'était votre travail routinier en tant qu'agent de
2 circulation; est-ce exact ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Je vous remercie. Est-ce que les civils avaient peur de vous lorsque
5 vous les arrêtiez et vous faisiez votre inspection ?
6 R. Oui, bien évidemment, je le pense du moins. Si quelqu'un se sent
7 coupable de quelque chose, alors oui.
8 Q. Je vous remercie. Mais est-ce que quelqu'un a tiré vers vous lorsque
9 vous entrepreniez vos inspections ?
10 R. Non, il n'y avait pas de tel cas.
11 Q. Merci. Vous dites que le 22 avril ces villageois sont venus chez vous.
12 Pendant combien de temps sont-ils restés ?
13 R. Ils sont restés toute la nuit cette nuit-là chez moi et chez mon frère.
14 Le lendemain, ils sont retournés chez eux, et pendant quatre ou cinq jours
15 il n'y avait pas de patrouilles. Nous n'avons pas vu de policiers ou de
16 soldats. Tout le monde est rentré chez eux.
17 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous, vous êtes resté chez vous à Meja
18 avec votre famille ?
19 R. Ce jour-là je suis parti et je suis allé à Jahoc. J'ai traversé le pont
20 sur le Trava, et je suis allé dans une autre maison. J'ai décidé de ne pas
21 rester car ils ont tiré sur notre maison précédemment, et c'est la raison
22 pour laquelle j'ai pris ma famille et nous sommes allés à Jahoc.
23 Q. Merci. A quel moment auparavant l'on avait tiré sur votre maison ?
24 R. Cette nuit. Cette nuit-là lorsque ces policiers ont été tués. Les
25 forces de police arrivaient, tiraient sur les maisons, sur les fenêtres.
26 Par exemple, mon frère a failli être blessé. La balle a traversé la fenêtre
27 et dans le mur tout à côté de là où se trouvait mon frère.
28 Q. Merci. Donc ces personnes se sont enfuies de là où l'on tirait et sont
Page 6570
1 venues dans un autre endroit où l'on tirait également. Et pendant toute la
2 période où ils étaient là, les tirs continuaient; est-ce exact ? Est-ce que
3 c'est ce que vous essayez de me dire ?
4 R. Vous savez, avec la nuit tombante, ils ne pouvaient plus quitter notre
5 maison. Ils ont attendu jusqu'au matin. Tout était calme le matin, et ils
6 sont retournés dans leurs maisons pendant que moi, je me suis rendu à
7 Jahoc.
8 Q. Oui, mais à quel moment la nuit est-elle tombée ?
9 R. A peu près 20 heures 30, 21 heures. Peut-être 20 heures. Je ne peux
10 plus vous dire exactement car cela fait dix ans déjà.
11 Q. 20 heures 30 ou 21 heures, est-ce que c'est ce que vous nous dites ?
12 R. Ecoutez…
13 Q. Je vous remercie. Quelle heure était-il et quel jour était-ce, le jour
14 où vous avez quitté votre maison ?
15 R. Nous sommes partis le lendemain. Tout le monde est rentré chez eux
16 alors que ma famille et moi-même, nous nous sommes rendus à Jahoc le matin.
17 Q. Dites-moi, qui étaient les personnes qui vous ont accompagnés à Jahoc ?
18 R. Moi-même, mes deux fils, ma fille, deux belles-filles, ma femme, mon
19 frère avec sa femme, son fils, mon autre frère avec sa femme et trois
20 enfants. Nous sommes tous partis.
21 Q. Qu'en est-il de votre troisième fils, où était-il ?
22 R. Mon troisième fils -- avant cette journée, il était déjà parti pour
23 Jahoc. Nous ne restions pas au même lieu pendant longtemps. Nous étions
24 séparés dans cinq maisons différentes où nous avons résidé pendant cette
25 période.
26 Q. Quel fils est parti plus tôt et quand, lorsque vous dites plus tôt ?
27 R. Genc sa femme et ses enfants.
28 Q. Je vous remercie. Qu'en est-il de votre frère Gjelosh, est-ce qu'il
Page 6571
1 est parti le même jour pour Jahoc ?
2 R. Il était également parti auparavant, mais nous revenions de temps en
3 temps pour donner à manger aux animaux, au bétail.
4 Q. Vous êtes allés à Jahoc pour donner à manger aux animaux ?
5 R. Non, nous allions de Jahoc vers notre maison pour donner à manger aux
6 animaux.
7 Q. Je vous remercie. Très bien. Quel bétail aviez-vous ?
8 R. J'avais trois ou quatre vaches, à peu près 30 porcs, à peu près 100
9 poules qui devaient tous recevoir la nourriture.
10 Q. Je vous remercie. Et est-ce que vous alliez tous les jours de Jahoc à
11 Meja ?
12 R. Non, je ne me rendais pas tous les jours, mais nous sommes allés tous
13 les deux ou trois jours pour donner à manger aux animaux.
14 Q. Est-ce que le bétail était gardé dans des enclos ?
15 R. Oui, jusqu'au 27 avril. Le 27 avril, j'ai ouvert les enclos et le
16 bétail était libre d'aller où il voulait.
17 Q. Merci.
18 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il est
19 l'heure de la pause.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons poursuivre nos
21 travaux à 11 heures.
22
23 L'INTERPRÈTE : note de l'interprète. L'interprète va maintenant reprendre
24 la partie manquante du résumé du témoin.
25 Ce même matin du 27 avril, le témoin a vu que les soldats serbes avaient
26 érigé un point de contrôle près de sa maison. Le point de contrôle était
27 tenu par les soldats de la VJ, la police et les paramilitaires avec des
28 véhicules blindés. Un grand nombre de civils se dirigeaient vers Meje
Page 6572
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6573
1 depuis les villages avoisinants et les hommes albanais du Kosovo étaient
2 séparés des femmes et des enfants qui étaient envoyés à l'école qui se
3 trouvait à l'entrée du village du côté gauche du village. Le témoin a
4 également vu les Albanais du Kosovo étant contraints de jeter leurs papiers
5 d'identité.
6 Plus tard dans la matinée, les policiers, les soldats et les paramilitaires
7 se sont regroupés près de l'école. Le témoin a emmené sa femme dans la
8 maison de son parrain à Jahoc. Depuis cet endroit, Pnishi avait une très
9 bonne vue du pont de Ura e Travas à Jahoc. Le témoin a vu des policiers
10 serbes emmenés sept hommes vers le pont. Un officier a ensuite tiré sur ces
11 personnes avec une mitrailleuse. Peu de temps après, craignant que son fils
12 ne se trouvait parmi ce groupe, il s'est rendu au point de contrôle pour
13 vérifier les corps, mais il n'a pas reconnu ces derniers.
14 Le 2 mai, le témoin a vu des corps sur le pont et ces derniers avaient été
15 ramassés par des Rom à l'aide d'un tracteur.
16 En juin 1999, après son retour au Kosovo, M. Pnishi est allé sur le
17 site de l'exécution près de Shyt Hasanaj. Il s'agissait d'un pré à Meja. Il
18 a expliqué qu'il a vu des traces de quelque 64 [comme interprété] corps qui
19 avaient été brûlés à cet endroit-là. Il a également vu des traces de
20 bulldozer dans cette région.
21 Fin de lecture. Merci.
22 [Le témoin quitte la barre]
23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
24 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
25 [Le témoin vient à la barre]
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic, c'est à vous.
27 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Q. [interprétation] Monsieur, vous nous avez dit que vous avez pris une
Page 6574
1 retraite anticipée, parce que vous deviez aller vous faire opérer. De quoi
2 s'agissait-il exactement ?
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, je ne comprends
4 vraiment pas où est la pertinence de cette question. Quel est le lien entre
5 cette question et les débats qui nous intéressent ?
6 M. DJURDJIC : [interprétation] Si je vous disais, je vous dévoilerais tout,
7 en fait. Ce qui m'intéresse, c'est cette question d'invalidité ou de
8 pension, de retraite anticipée. Mais si vous le souhaitez, je peux passer à
9 autre chose.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous vous en saurons gré.
11 M. DJURDJIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur le Témoin, quand êtes-vous parti de Ramoc, quelle heure était-
13 il lorsque vous êtes parti de Ramoc à Meja ? Je pense, bien sûr, au 23
14 avril 1999.
15 R. Ce n'est pas Ramoc mais Jahoc.
16 Q. Oui, vous avez tout à fait raison. Excusez-moi, je me suis trompé.
17 R. Vous parlez du 27 avril, n'est-ce pas ?
18 Q. Non, je parle du 23 avril. Non, non, vous avez raison, en fait c'était
19 le 27 avril.
20 R. Le 27 avril vers 6 heures du matin, j'ai quitté Jahoc avec ma femme
21 pour aller dans mon village et donner de la nourriture au bétail. Ensuite
22 j'ai nourri le bétail, et mon fils Mark m'a demandé pourquoi est-ce que
23 j'étais retourné au village. Je lui ai dit que j'étais allé aider. A partir
24 de 7 heures du matin, l'offensive a commencé.
25 Q. Quand avez-vous quitté Jahoc ? Quelle heure était-il ?
26 R. Il était 6 heures.
27 Q. Quelle heure était-il lorsque vous êtes arrivé à Meja ?
28 R. Depuis la maison où j'étais à Jahoc, ma maison se trouve à distance de
Page 6575
1 100 mètres environ. Comme je l'ai déjà dit, la rivière Trava sépare les
2 deux villages. Il y a un pont qui enjambe la rivière, et ma maison se
3 trouve à 100 mètres de là.
4 Q. Comment vous êtes-vous rendu de Jahoc à votre maison ?
5 R. A pied.
6 Q. Merci.
7 R. Il n'y a pas de quoi.
8 Q. Vous avez dit avoir vu l'armée encercler cette région.
9 M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir, Monsieur le
10 Président, la pièce 65 ter 00035 à l'écran, je vous prie.
11 Q. Pourriez-vous nous indiquer l'endroit où l'armée avait encerclé la zone
12 ?
13 R. Cette zone comprend Meje, Madanaj, Rypaj, Orize. Cette région ici. Elle
14 était encerclée par l'armée serbe et la police. Si vous le souhaitez, je
15 peux tracer un cercle autour de ces villages.
16 Q. Merci. Depuis votre maison, lorsque vous y êtes arrivé à 7 heures du
17 matin, vous dites avoir vu des soldats et des policiers, et vous les avez
18 vus dans l'ensemble de cette région, partout dans la région ?
19 R. Non, pas partout dans la région, mais j'ai vu leur présence à Meje, à
20 Orize, et à Jahoc. Cette région-ci était encerclée par l'armée et la
21 police. J'imagine qu'ils avaient pris leurs positions pendant la nuit. Dans
22 la matinée les tirs ont commencé.
23 Q. Vous avez vu des milliers de soldats et de policiers; est-ce exact ?
24 R. Lorsque je suis monté au deuxième étage, je pouvais voir jusqu'à 2
25 kilomètres au loin. Je pouvais voir la région de Meje, d'Orize, de Jahoc,
26 et il y avait plus de 1 000 soldats, différents types de véhicules
27 militaires également.
28 Q. Fort bien. Dites-moi, je vous prie, les soldats, les policiers qui
Page 6576
1 étaient près de vous, à quelle distance se trouvaient-ils, en fait ?
2 R. Ceux qui étaient les plus rapprochés étaient ceux qui étaient entrés
3 dans ma cour, et les autres se trouvaient à l'extérieur du mur. Il y avait
4 également d'autres personnes dans la rue, au carrefour. Il était absolument
5 impossible de les compter, bien sûr.
6 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous avez vu que les policiers et l'armée
7 avaient encerclé cette région, où se trouvait le policier ou le soldat le
8 plus près de vous ? A quelle distance se trouvait-il de vous ?
9 R. Ils étaient tous autour de ma maison, tout près du mur. Il y en avait
10 également dans la rue, dans le voisinage, tout près de l'endroit où
11 j'étais.
12 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que ces personnes étaient déjà là lorsque
13 vous êtes rentré dans la maison ?
14 R. Depuis la maison de mon parent où j'étais et jusqu'au pont il n'y avait
15 pas de policiers, il n'y avait pas de policiers à la porte d'entrée de
16 l'enceinte. Lorsque je suis entré à l'intérieur pour donner de la
17 nourriture aux animaux, j'ai remarqué qu'ils avaient commencé à avancer et
18 à tirer.
19 Q. Lorsque vous les avez vus pour la première fois, à quelle distance se
20 trouvaient-ils de vous ? C'est la question que je vous pose.
21 R. J'étais au deuxième étage à l'intérieur de la maison, et ils étaient à
22 l'extérieur de la cour, de l'autre côté du mur. Ensuite ils sont entrés
23 dans l'enceinte, dans la cour.
24 Q. Monsieur le Témoin, nous y arriverons. Nous allons parler sous peu de
25 ces policiers, des hommes en uniforme que vous venez de décrire il y a
26 quelques instants. Mais j'aimerais vous demander de préciser le point 5 de
27 la page 2 de votre déclaration, et en albanais, c'est la page 3, paragraphe
28 1, page 2, paragraphe 5 en anglais.
Page 6577
1 Vous n'avez pas mentionné la présence de policiers ou de soldats dans les
2 environs lorsque vous êtes retourné dans votre maison. Vous dites ici, je
3 ne sais pas d'où ils venaient. Ils ont probablement pris leurs positions
4 pendant la nuit. Je voulais simplement savoir, ceux qui avaient tiré, à
5 quelle distance se trouvaient-ils lorsque vous les avez vus ? Dites-le-
6 nous, si vous vous en souvenez.
7 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que cette
8 question a été posée à plusieurs reprises et le témoin a donné la réponse
9 qu'il était en mesure de donner concernant la question. Il a répondu du
10 meilleur de sa connaissance.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Merci. Poursuivez, je vous
12 prie, Maître Djurdjic.
13 M. DJURDJIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous, je vous prie, le décrire, sinon nous
15 allons passer à autre chose.
16 R. Comme je vous l'ai déjà dit, j'étais dans la cour, et ils étaient de
17 l'autre côté du mur de 3 à 4 mètres de là. J'étais à l'intérieur de la
18 cour, eux se trouvaient à l'extérieur de l'autre côté du mur.
19 Q. Pourriez-vous me dire, je vous prie, lorsque vous avez vu Duzhmani Kole
20 pour la première fois, où était-ce ? Pourriez-vous d'abord nous indiquer
21 l'endroit où se trouvait votre maison ?
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez que j'apporte une
23 indication sur quoi ?
24 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit du document
25 qui n'est pas encore versé au dossier puisqu'on parle d'enceinte, et le
26 témoin nous a parlé de l'encerclement par la police et l'armée.
27 Q. Monsieur le Témoin, si vous ne le voyez pas, dites-le-nous. Je ne peux
28 pas apporter d'annotation et nous pouvons passer à autre chose. Si oui, je
Page 6578
1 vous prierais de bien vouloir nous indiquer l'endroit où se trouvait votre
2 maison ?
3 M. DJURDJIC : [interprétation] Passons à autre chose. Il n'est pas
4 nécessaire de noter quoi que ce soit.
5 Je demanderais que ce document soit versé au dossier, Monsieur le
6 Président.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour que je puisse vous indiquer l'endroit où
8 se trouvait ma maison, il vous faudrait avoir une autre carte.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette carte annotée sera versée au
10 dossier.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce
12 portera la cote D231. Merci.
13 M. DJURDJIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur le Témoin, dites-moi, je vous prie, où se trouvait Kole
15 Duzhmani lorsque vous l'avez vu pour la première fois le 27 avril ?
16 R. J'étais dans ma cour, Kole Duzhmani avait passé cette nuit-là à Jahoc.
17 Lorsqu'il est revenu en bicyclette pour aller à Korenice, il lui fallait
18 passer par ma maison, par la route devant ma maison. Il a été arrêté par la
19 police devant la maison de Pashk Markaj. La police l'a emmené depuis le
20 pont, ensuite ils se sont arrêtés avec lui à la porte d'entrée de mon
21 enceinte, à la porte cochère de ma cour.
22 Q. Merci. Votre frère a-t-il également passé la nuit à
23 Racaj ?
24 R. Pas à Racaj, mais à Jahoc; c'est là qu'il avait passé la nuit.
25 Q. Que s'est-il passé ensuite avec Kole ?
26 R. Kole Markaj avait été emmené ce matin-là devant ma porte escorté avec
27 une arme. Ils lui ont demandé à qui appartenait cette maison. Il a dit que
28 c'était la maison de Martin Pnishi. Ils ont frappé à la porte. J'ai ouvert
Page 6579
1 la porte. Le policier m'a
2 demandé : Qui est à l'intérieur ? J'ai dit que ma famille était à
3 l'intérieur. Il a dit : Sortez votre famille, nous allons incendier votre
4 maison.
5 Je suis rentré immédiatement dans la maison, j'ai pris ma femme, je l'ai
6 placée dans une brouette et par la suite je leur ai demandé : Dois-je
7 rejoindre le convoi vers l'Albanie ? Ils ont dit : Non, tu dois rester ici.
8 Les policiers étaient un peu plus loin. C'étaient les soldats qui
9 parlaient. Ils ont dit : Ta place est dans le puits. Ils m'ont ordonné de
10 sauter dans le puits. J'ai dit : Je refuse. Si vous voulez me tuer, tuez-
11 moi ici et maintenant. Je ne vais pas sauter dans le puits.
12 Ils ont commencé à me frapper, à me donner des coups de pied. Je suis
13 tombé par terre et ils ont continué à me rouer de coups. J'ai entendu
14 quelqu'un parler par la radio, cette voix de l'autre côté du mur demandait
15 si Gjelosh Kola était présent. Ils ont dit : Oui, Kola est ici. Ensuite ils
16 lui ont dit : Détruisez-le. Alors que j'étais encore par terre, ils ont
17 pris Kole - ils se sont trompés de nom, s'agissant de Kole Markaj et
18 Gjelosh Kola.
19 Ils ont pris Kole et l'ont emmené vers la maison de mon frère afin de
20 l'exécuter. Entre-temps, j'étais monté au deuxième étage de ma maison et
21 j'observais le tout depuis cet endroit. Je pouvais voir que les convois
22 arrivaient depuis Korenice, de Junik également, je pouvais voir de quelle
23 façon ils exécutaient les gens, ainsi de suite.
24 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, vous dites que vous avez vu
25 un poste radio émetteur, enfin, à quoi cela
26 ressemblait ? Vous l'avez vu et entendu ?
27 R. C'était une radio transmetteur, ou un émetteur radio comme ceux que la
28 police et l'armée avaient à l'époque.
Page 6580
1 Q. Merci. Pendant que vous travailliez, vous aviez ce même type de poste
2 radio ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Les personnes à l'extérieur et à l'intérieur de votre cour et qui se
5 parlaient, dans quelle langue se parlaient-ils ?
6 R. Les personnes qui étaient de l'autre côté du mur avaient demandé si
7 Gjelosh Kole était là. Ce n'était ni en serbe ou en croate. La langue
8 qu'ils parlaient ressemblait à la langue russe. S'ils avaient parlé serbe
9 ou croate, j'aurais été en mesure de comprendre puisque je comprends cette
10 langue très bien.
11 C'était une langue mélangée. Ce n'était pas du pur serbe, je dirais.
12 C'est ainsi que je pouvais conclure qu'il ne s'agissait pas de membres de
13 l'armée serbe.
14 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais savoir, quelle était la langue parlée
15 par les personnes qui se trouvaient à l'extérieur du mur et qui parlaient
16 aux personnes qui étaient à l'intérieur de la cour ?
17 R. Les personnes qui étaient à l'extérieur de l'autre côté du mur
18 parlaient serbe. J'ai très bien compris ce qu'ils disaient. Toutefois, les
19 deux soldats qui étaient dans ma cour, eux ne parlaient pas serbe. Leur
20 réponse était donnée dans une langue qui ressemble au russe.
21 Q. Merci. Et vous, lorsque vous vous êtes entretenu avec ces soldats qui
22 se trouvaient à l'intérieur de la cour, vous leur avez parlé en quelle
23 langue ?
24 R. Je leur ai parlé en serbe.
25 Q. Merci. Et eux, ils vous ont répondu en quelle langue ?
26 R. Ils ne parlaient pas serbe très bien. C'était un mélange de serbe et de
27 russe. J'étais absolument certain qu'il ne s'agissait pas de Serbes. Ils
28 n'étaient pas Serbes.
Page 6581
1 Q. Merci. Est-ce que ces personnes vous ont dit de sortir de la maison
2 mais de ne pas aller en Albanie, et vous, vous aviez peur, et qu'est-ce que
3 vous avez fait ?
4 R. Les policiers serbes étaient les premiers à parler en serbe. Ils m'ont
5 dit de sortir ma famille de la maison. J'ai mis ma femme dans une brouette
6 et j'ai dit à mon fils de pousser cette brouette. Ensuite, j'ai demandé si
7 je devais rejoindre le convoi pour aller en Albanie. C'est ce que je
8 voulais faire initialement, mais en répondant, ils m'ont dit, Ta place est
9 ici, dans le puits. Ils ont soulevé le couvercle qui couvrait le puits, ils
10 ont montré du doigt le puits et m'ont dit que c'est là que je devais aller.
11 Je devais rester là, je devais sauter dans le puits. J'ai refusé, donc ils
12 m'ont roué de coups et je suis tombé par terre. C'est ce qui est arrivé.
13 Q. Donc votre fils et votre femme sont partis de Meja pour Jahoc; est-ce
14 que c'est exact ?
15 R. C'est arrivé vers 9 heures ou 10 heures. C'est à ce moment-là que nous
16 sommes partis vers Jahoc. L'armée et la police se sont regroupées à
17 l'école. C'est là qu'était le point de rassemblement principal. Et alors
18 qu'ils se déplaçaient vers l'école, il n'y avait pas de policiers, il n'y
19 avait plus de soldats près de ma maison. C'est à ce moment-là que nous
20 sommes partis. J'ai pris ma femme, je l'ai placée dans la brouette et nous
21 nous sommes dirigés vers le pont, vers Jahoc.
22 Q. Monsieur le Témoin, tout à l'heure, vous nous avez dit que votre fils a
23 placé votre femme dans la brouette et qu'il l'a poussée. Où était-il
24 lorsque vous êtes monté au deuxième étage ?
25 R. Ma femme et mon fils étaient devant la porte principale. Le policier a
26 exécuté Kole et a incendié la maison. Kole ne voulait pas partir, et c'est
27 ainsi que j'étais absolument sûr qu'il était tué puisque j'avais entendu
28 des coups de feu avant. Ensuite, je suis allé à l'endroit où se trouvaient
Page 6582
1 ma femme et mon fils, ensuite, après que la police et l'armée se soient
2 retirées de l'endroit où ma maison se trouvait et lorsqu'ils sont allés
3 vers la maison, nous avions décidé de partir et nous nous sommes dirigés
4 vers Jahoc.
5 Q. Monsieur le Témoin, pendant que vous étiez près du puits, où se
6 trouvaient physiquement votre fils et votre femme ?
7 R. Là. Ils étaient en train de regarder ce que l'on me faisait. Kole
8 Duzhmani était également là, 2 à 3 mètres de l'endroit où j'étais. A cette
9 distance-là.
10 Q. Est-ce que votre fils ou votre femme se sont-ils approchés de vous,
11 lorsque ces personnes sont parties de la cour ?
12 R. Je me suis levé tout seul. Quand ils ont quitté ma cour pour se rendre
13 à la maison de mon frère, je suis monté au deuxième étage pour voir ce qui
14 se passait autour de ma maison.
15 Q. Mais que faisaient à ce moment-là votre fils et votre
16 femme ?
17 R. Ils sont restés où ils étaient. De temps en temps, ils montaient là où
18 je me trouvais pour regarder autour de la maison, comme moi. Mon fils. Ma
19 femme ne pouvait pas le faire, mais mon fils montait me rejoindre de temps
20 en temps.
21 Q. Votre maison se trouve à quelle distance de celle de votre frère ?
22 R. Il n'y a qu'un mur entre les deux. Elles se trouvent voisines.
23 Q. Oui, voisines, mais à quelle distance l'une de l'autre ?
24 R. Une dizaine de mètres.
25 Q. Quand vous avez quitté la cour, quand vous êtes sorti, qui avez-vous
26 trouvé dans la rue avec votre femme et votre fils ?
27 R. Quand je suis sorti pour aller à Jahoc, il n'y avait personne dans la
28 rue. Il n'y avait ni police ni militaire. Tout le monde était parti pour se
Page 6583
1 rendre à l'école. Il n'y avait personne entre ma maison et celle de mon
2 parrain. Il n'y avait personne sur le pont non plus.
3 Q. Quand l'armée et la police sont-ils partis ?
4 R. Il devait être à peu près 9 heures quand ils ont quitté la région,
5 quand ils ont quitté les lieux pour se rendre à l'école où se trouvait le
6 principal poste de contrôle.
7 Q. Dites-moi, avez-vous vu la maison de votre frère brûler ?
8 R. Naturellement que oui. Il y avait un bruit, nous avons entendu un bruit
9 comme une espèce de grand souffle, et quelques secondes plus tard, nous
10 avons vu les flammes et la fumée. Ça se trouvait à quelques mètres de moi.
11 Comment voulez-vous que je ne l'aie pas vu ?
12 Q. D'accord. Merci. Quelle heure était-il au moment où la maison a pris
13 feu ?
14 R. Il devait être à peu près 8 heures, 9 heures. Peut-être 9 heures 30.
15 Q. Merci. Et la maison de votre frère a-t-elle brûlé entièrement ?
16 R. Il n'en est rien resté. Tout a brûlé, toutes les pièces. Je crois
17 qu'ils utilisaient des dispositifs inflammables pour faire tout brûler.
18 Q. Merci. La maison brûlait-elle toujours lorsque vous avez quitté les
19 lieux pour aller à Jahoc ?
20 R. Elle a brûlé toute la nuit et jusqu'au lendemain matin. Tout ce qui se
21 trouvait à l'intérieur a brûlé.
22 Q. Merci.
23 R. Je vous en prie.
24 Q. Mais votre maison à vous n'a pas été brûlée, n'est-ce pas ?
25 R. Ma maison, de même que celle de mon autre frère, n'ont pas été brûlées.
26 Q. Et vous êtes revenu à Meja 17 -- ou plutôt, 19 jours plus tard ?
27 R. Dix-neuf jours plus tard, parce que je n'ai pas pu revenir chez moi
28 plut tôt. Je n'ai pas osé. Il n'y a qu'une centaine de mètres entre la
Page 6584
1 maison où j'étais hébergé et ma propre maison à Meje, mais je n'ai pas osé
2 y aller.
3 Q. Pouvez-vous me donner le nom de ce frère dont la maison a brûlé ?
4 R. Gjelosh Pnishi.
5 Q. Merci. Et où se trouvait votre frère le 27 avril ?
6 R. Avant et jusqu'au 27 avril, il se trouvait à Jahoc, y compris le 27
7 avril. Il ne vivait pas dans sa propre maison à cette époque-là.
8 Q. Merci. Quand on a emmené Kole dans la maison de votre frère, cette
9 maison était vide, n'est-ce pas, il n'y avait personne ?
10 R. Il y avait là la femme de mon frère, qui était venue elle aussi pour
11 nourrir les animaux. Elle était là avec son fils qui avait à l'époque une
12 douzaine d'années.
13 Q. Quand a-t-elle quitté la maison ?
14 R. Avec nous. Le 22 avril, après cette date, nous ne sommes pas revenus à
15 nos maisons respectives. Tous les deux ou trois jours, nous revenions pour
16 nourrir les animaux.
17 Q. Mais vous nous dites qu'elle était venue nourrir les animaux. Donc
18 après l'avoir fait, quand a-t-elle physiquement quitté la maison ?
19 R. Elle a quitté la maison quand la police y est pénétrée avec Kole Markaj
20 ou Kole Duzhmani. Quand la police est arrivée à sa porte, elle a ouvert la
21 porte. La police a mis un couteau sous la gorge de son fils et ils l'ont
22 menacée, ainsi que son fils, et à ce moment-là elle s'est enfuie avec son
23 fils et a rejoint les gens qui étaient dans la rue.
24 Q. Est-elle allée à Jahoc ?
25 R. Non, elle a pris la grand-route et a rejoint le convoi de gens qui
26 fuyaient en direction d'Albanie, et elle n'est pas revenue.
27 Q. Quand l'avez-vous revue ?
28 R. Deux mois plus tard, deux mois et demi plus tard, quand ils sont
Page 6585
1 revenus d'Albanie.
2 Q. Vous-même mis à part, ainsi que votre épouse et votre fils, il y avait-
3 il quelqu'un dans votre maison ? Il n'y avait personne, n'est-ce pas ?
4 R. Ce matin-là du 27 avril, il n'y avait personne d'autre que nous, c'est-
5 à-dire moi-même, mon fils et ma femme. Comme je vous l'ai déjà dit, ma
6 famille était hébergée en cinq lieux différents. Mes frères, les enfants de
7 mes frères, étaient tous hébergés dans des endroits différents.
8 Q. Merci. Et vous-même avez quitté votre maison pour vous rendre à Jahoc à
9 un certain moment ? Je ne me souviens plus exactement quand.
10 R. Oui. Il devait être à peu près 9 heures et demie du matin, peut-être 10
11 heures, à peu près. J'ai emmené ma femme. Je la portais. Mon fils marchait
12 derrière moi et nous sommes allés jusqu'à la maison de mon parent.
13 Q. Merci. A part les gens qui se trouvaient dans votre cour, donc votre
14 fils et votre épouse, vous n'avez parlé à personne d'autre ce jour-là
15 pendant que vous étiez à Meja ?
16 R. Mais il n'y avait là personne d'autre avec qui parler. Comme je vous
17 l'ai déjà dit, ils ont pris Kole Duzhmani, après quoi ils ont quitté ma
18 maison, et il n'y avait donc plus personne de présent avec nous.
19 Q. Etes-vous allé dans la maison de votre frère, celle qui a brûlé, lorsque
20 vous êtes revenu 19 jours plus tard ?
21 R. Dix-neuf jours plus tard, la situation s'est un peu calmée. J'ai donc
22 décidé d'aller dans la maison de mon frère pour voir s'il y aurait
23 éventuellement moyen de récupérer quelque chose. J'y suis allé avec Frano,
24 et nous avons visité toutes les pièces. Mais tout avait été brûlé. Lorsque
25 nous sommes entrés dans la cuisine, nous avons trouvé Kole Duzhmani
26 toujours étendu là. Et Frano m'a dit : Regarde ce corps. Nous avons décidé
27 de l'examiner au cas où ça aurait été mon frère, parce que nous ne savions
28 pas où il se trouvait, il aurait pu aller en Albanie ou pas. Mais ça
Page 6586
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6587
1 n'était pas lui. C'était Kole Duzhmani.
2 Je suis donc retourné à ma propre maison où je séjournais. La maison avait
3 été ravagée. Pas les murs, pas l'extérieur, mais tout ce qui se trouvait à
4 l'intérieur avait été ravagé.
5 Nous avons demandé à la police l'autorisation d'enterrer Kole Duzhmani et
6 cette autorisation nous a été donnée. Il était de Korenica, mais nous
7 n'avons pas pu y aller pour l'enterrer, donc nous l'avons enterré à Jahoc.
8 Q. Tout ce qui se trouvait à l'intérieur de la maison de votre frère avait
9 été brûlé. Qu'en était-il de votre propre propriété ?
10 R. Rien dans ma maison n'avait été brûlé, mais tout avait été pillé par
11 des Rom, des Ashkali. D'ailleurs, je les avais vus piller ma maison depuis
12 celle de mon parrain. J'avais vu qu'on me volait tout ce que je possédais
13 de valeur. Je n'ai pas osé intervenir. Je n'aurais pas pu.
14 Q. Merci, Monsieur Pnishi. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
15 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'en ai
16 terminé avec mon contre-interrogatoire.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Djurdjic.
18 Madame Kravetz, avez-vous des questions supplémentaires ?
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je n'ai pas de
20 questions supplémentaires.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Pnishi, je pense que vous
22 serez satisfait de savoir que nous n'avons pas d'autres questions à vous
23 poser. La Chambre vous remercie d'avoir bien voulu venir à La Haye encore
24 une fois pour nous aider. La déclaration, la déposition et le compte rendu
25 de votre témoignage lorsque vous êtes venu ici la dernière fois, et tout ce
26 que vous nous avez dit aujourd'hui, sera dûment pris en compte.
27 Nous vous libérons maintenant. Vous pouvez retourner à vos
28 occupations et l'huissier va vous aider à sortir. Je vous remercie,
Page 6588
1 Monsieur.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous, Monsieur le Président.
3 [Le témoin se retire]
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est
6 M. Ljubinko Cvetic. Il va être interrogé par M. Stamp qui, si je ne me
7 trompe, est en route vers le Tribunal en ce moment même.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Pendant ce temps, nous
9 pourrions peut-être vous annoncer qu'il sera nécessaire de modifier les
10 heures de l'audience demain. Nous allons siéger de 9 heures à 12 heures 30
11 avec une seule pause au milieu de cette audience. Donc nous aurons une
12 audience de deux fois une heure et demie. Mais nous lèverons la séance à 12
13 heures 30 et nous ne resiégerons pas demain. Nous nous retrouverons ensuite
14 mercredi à 9 heures.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur Cvetic. Bonjour,
17 Monsieur Cvetic, est-ce que vous m'entendez maintenant ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bonjour.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, lire la
20 déclaration qui vous est montrée.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 LE TÉMOIN : LJUBINKO CVETIC [Assermenté]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez vous asseoir.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] M. Stamp a des questions à vous poser.
28 Monsieur Stamp.
Page 6589
1 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
2 Interrogatoire principal par M. Stamp :
3 Q. [interprétation] Monsieur Cvetic, veuillez, s'il vous plaît, commencer
4 par nous donner votre nom complet ainsi que votre date de naissance, s'il
5 vous plaît.
6 R. Je m'appelle Ljubinko Cvetic et je suis né le 27 septembre 1954.
7 Q. Je crois savoir, Monsieur Cvetic, que vous avez été un haut
8 fonctionnaire du ministère de l'Intérieur de Serbie. Pourriez-vous nous
9 dire rapidement ce qu'a été votre parcours professionnel. Dites-nous
10 simplement quels sont les postes dont vous avez été titulaire et à quelle
11 époque depuis le début de votre carrière au ministère de l'Intérieur de
12 Serbie.
13 R. Je suis entré au MUP, ministère de l'Intérieur, le 1er février 1989.
14 J'étais chef du secrétariat conjoint aux Affaires internes. En 1990, le 15
15 avril, je suis devenu chef du secrétariat aux affaires internes de
16 Kragujevac.
17 Le 12 août 1996, j'ai quitté ces fonctions. Et le 1er janvier 1997, j'ai été
18 nommé chef du SUP Kosovska Mitrovica.
19 Q. Kosovska Mitrovica à Kosovo-Metohija ?
20 R. Oui.
21 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous regardions le document 645
22 ter 01880, s'il vous plaît.
23 Q. Si je ne me trompe, c'est votre lettre de nomination au poste au
24 secrétariat Kosovska Mitrovica.
25 R. En effet, c'est la décision par laquelle je me trouvais nommé aux
26 fonctions de chef du SUP Kosovska Mitrovica. Ce n'est pas à proprement
27 parler une nomination, c'est une décision de me muter à ce poste.
28 Q. Qui a signé cette décision ?
Page 6590
1 R. La décision est signée par le ministre adjoint, chef du secteur,
2 lieutenant-colonel Stojkovic. Veuillez m'excuser, Stojicic, Radovan
3 Stojicic.
4 Q. Combien de temps êtes-vous resté au Kosovo en tant que chef du SUP de
5 Kosovo Mitrovica ?
6 R. Bien, vous voyez, suite à cette décision, j'ai été envoyé sur les lieux
7 à dater du 1er janvier 1997, mais je suis arrivé au Kosovo le 16 décembre
8 1996. La lettre de la décision dit qu'à la fin de mes fonctions au Kosovo,
9 c'est-à-dire le 30 avril 1999, j'étais démis de mes fonctions; mais en
10 fait, j'ai cessé de remplir ces fonctions déjà le 16 avril 1999. C'est le
11 16 avril 1999 que s'est tenue une réunion au quartier général du MUP à
12 Pristina où il a été annoncé, étant donné que j'avais terminé les tâches
13 qui m'avaient été confiées, qu'il n'était pas nécessaire de me maintenir
14 dans mes fonctions, qu'on n'avait pas besoin de moi à cet endroit-là et
15 qu'on allait nommer une nouvelle personne à ce poste.
16 Je suis resté au SUP de Kosovska Mitrovica jusqu'au 28 avril, parce que
17 entre le 16 avril et le 28 avril, je m'occupais de la transition avec mon
18 successeur.
19 Q. Merci. Puisque vous nous parlez de cette décision de vous démettre de
20 vos fonctions, j'aimerais que nous jetions un coup d'œil à la pièce 01884.
21 M. STAMP : [interprétation] Avant d'examiner cette pièce, j'aimerais que
22 nous versions au dossier la pièce 01880, si vous le voulez bien, Monsieur
23 le Président.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est versée au dossier.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous le numéro P1036. Merci, Monsieur le
27 Président.
28 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous regardions maintenant
Page 6591
1 rapidement la pièce 01884. J'aimerais que nous nous concentrions sur la fin
2 de cette lettre dans la version B/C/S comme dans la version anglaise. Il
3 s'agit de la page 2 de la version anglaise.
4 Q. Il s'agit bien de la décision de faire cesser votre mission auprès du
5 SUP de Kosovska Mitrovica ?
6 R. En effet.
7 Q. Elle est signée par ?
8 R. La décision a été signée par le ministre adjoint, chef du département,
9 appelé général Vlastimir Djordjevic.
10 Q. Et vous connaissez sa signature ?
11 R. Oui.
12 Q. On vous a dit à la réunion du 16 avril qu'on n'avait plus besoin de
13 vous. Qui vous a dit cela à la réunion ?
14 R. A cette réunion, il y avait des chefs de secrétariats, le ministre de
15 l'Intérieur, le chef du département de la sécurité publique, il y avait le
16 président du conseil intérimaire du Kosovo-Metohija et le président du
17 Parti communiste, feu M. Zivkovic. On me l'a dit -- le chef du département
18 de la sécurité publique, le général Djordjevic, qui m'a donné cette
19 information. Il m'a dit qu'il y avait certains changements dans les
20 ressources humaines dans les Secrétariats autour de Kosovo-Metohija et il
21 m'a mentionné des changements dans le SUP
22 Pristina ainsi que le SUP d'Urosevac.
23 Il nous a informés que Ljubinko Cvetic allait terminer également dans le
24 SUP de Kosovska Mitrovica, pour ce qui est de la position à laquelle il a
25 été envoyé le 1er janvier 1997 car il avait terminé ses tâches. Ainsi, il
26 n'avait pas besoin d'un engagement ultérieur. Le chef du SUP
27 Mitrovica allait être le chef précédent de Vucitrn, M. Janicijevic. Et son
28 chef précédent allait également avoir sa position arrêtée et la position de
Page 6592
1 Pristina allait être entreprise par M. Bogoljub Janicijevic qui était
2 précédemment à la tête du SUP d'Urosevac. A la même époque que l'était le
3 SUP d'Urosevac, cela allait être Bozidar Vilic. Tout ceci a été transmis
4 par le département de la sécurité publique.
5 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie.
6 Q. Est-ce que nous pouvons regarder brièvement, Monsieur Cvetic, à la
7 structure du MUP, la section de la sécurité publique du MUP. Vous nous avez
8 déjà dit que le chef de la sécurité publique du secteur de la sécurité
9 publique était le ministre adjoint M. Djordjevic. Quels organes ont été
10 sous sa responsabilité ?
11 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le document
12 P357, à savoir le règlement intérieur du MUP.
13 Q. Je vous demande, Monsieur Cvetic, quels organes étaient subordonnés à
14 M. Djordjevic en tant que chef du département de service public du MUP, ou
15 plutôt le département de la sécurité publique du MUP ?
16 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons aller à l'article 2 de
17 ce document.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Djordjevic -- en fait, le département
19 de la sécurité publique du MUP de Serbie au sein de sa composition avait
20 l'organe des unités organisationnelles suivantes :
21 au siège du ministère vous aviez l'administration de la police; ensuite
22 l'administration de la police pénale; troisièmement, l'administration de la
23 police à la circulation; quatrièmement, le centre de permanence
24 opérationnel; cinquièmement, l'administration des communications; et le
25 chiffre romain ensuite l'administration pour l'analyse et l'informatique.
26 C'est dans le siège du ministère. Tous les secrétariats de l'intérieur dans
27 le territoire de Serbie - il y avait 33 secrétariats en tout - étaient liés
28 au département de la Sécurité publique. Le chef de ce département était M.
Page 6593
1 Djordjevic.
2 Q. Très bien. Est-ce que nous pouvons regarder brièvement aux règlements
3 intérieurs.
4 M. STAMP : [interprétation] Article 13, s'il vous plaît. A la page 9 du
5 texte anglais, et la page 9 et 10 du B/C/S.
6 C'est difficile à lire à l'écran. Peut-être qu'on peut retrouver une copie
7 papier.
8 Q. Vous souvenez-vous si l'article 13 donne la liste des unités
9 organisationnelles qui étaient au siège même du ministère à Belgrade ?
10 R. Oui, d'ailleurs je vous ai listé les départements. Je ne vous ai peut-
11 être pas donné tous les départements, je vous ai donné ceux dont je me
12 souvenais. Mais dans ces règlements l'article 11 dit comme suit :
13 "Au siège du ministère, il y aura les unités organisationnelles suivantes :
14 administration de police pénale, police administration, administration de
15 la police de la circulation, centre opérationnel, administration de la
16 police des frontières, l'administration de la police, la prévention contre
17 les incendies, l'administration des analyses, administration de la
18 technologie et des informations, administration des communications,
19 administration des affaires conjointes du ministère ainsi que
20 l'administration du logement."
21 Voici les unités organisationnelles au niveau du ministère mais toutes
22 n'appartiennent pas au secteur de la sécurité publique.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.
24 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il y a
25 encore une fois un problème avec ces règles. Comme le témoin a lu la copie
26 papier, il vient de lire l'article 11.
27 Je suis désolé, Monsieur le Témoin, est-ce que c'est exact ? Est-ce que
28 vous avez lu l'article 11 ?
Page 6594
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ces règles de l'organisation intérieure
2 ne sont pas valables. M. Stamp lorsqu'il l'a lu, il parlait de l'article 13
3 et c'était en effet les règles qui étaient en vigueur à l'époque. Il parle
4 de l'article 13 mais s'il le voit comme l'article 11, alors ceci n'est pas
5 la règle exacte et la règle qui a été versée au dossier comme pièce P357.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic, le document est à
7 l'écran dans les deux langues. C'est l'article 13. Vous êtes exact. Vous
8 avez peut-être entendu une traduction et peut-être qu'on a appelé l'article
9 13 l'article 11, mais la pièce qui est affichée est en effet l'article 13.
10 Je vous remercie.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, néanmoins le
12 document papier qui a été donné au témoin n'est pas le bon document et
13 c'est la raison pour laquelle il a donné lecture du mauvais document.
14 M. STAMP : [interprétation]
15 Q. Monsieur Cvetic, l'article que vous avez lu qui liste les unités
16 organisationnelles, quel article est-ce ?
17 R. Je suis désolé, je m'excuse auprès du conseil de la Défense. Ce n'était
18 pas l'article 11 mais plutôt l'article 13. Mes excuses pour cela. Cet
19 exemplaire papier est également très difficile à lire.
20 Mais il n'y avait pas d'autres erreurs. Même sans ces règles, je vous ai
21 donné les unités qui étaient au niveau du siège du ministère qui
22 appartiennent au secteur de sécurité publique. N'ayant plus de différences,
23 les unités organisationnelles que je vous ai données que j'ai devant moi
24 font partie des unités organisationnelles qui appartiennent au centre de
25 Sécurité publique.
26 Peut-être que j'en ai omis certaines. Peut-être la prévention de la
27 police d'administration ou la police pour la prévention des incendies et
28 l'administration pour les frontières. Néanmoins, les administrations des
Page 6595
1 affaires conjointes telles que le logement faisaient partie plutôt des
2 services conjoints de tout le MUP.
3 Q. Merci. On va regarder le thème 2 de l'administration de la police. Qui
4 était à la tête de cette administration, le savez-vous ?
5 R. Le chef de l'administration de police était le général Obrad
6 Stevanovic.
7 Q. Je vous remercie.
8 R. [aucune interprétation]
9 Q. J'ai entendu le témoin dire quelque chose, mais il n'y a pas eu
10 d'interprétation.
11 R. Oui, je voulais dire que M. Obrad Stevanovic était en même temps un
12 ministre adjoint. Au poste de chef de l'administration de la police, les
13 gens étaient remplacés. Pour une certaine période, M. Stevanovic occupait
14 ce poste.
15 Q. En 1999 et 1998, est-ce qu'il occupait ce poste ?
16 R. En 1998, oui. En 1999, je pense qu'il a été remplacé. Quelqu'un d'autre
17 se trouvait à la tête de cette administration, mais je ne suis pas tout à
18 fait sûr de qui c'était. M. Obrad Stevanovic était un ministre adjoint. En
19 1998, il était en effet à la tête de l'administration de la police. En même
20 temps il était commandant de toutes les unités de police spéciale qui
21 s'appelaient les PJP.
22 Q. A part les unités organisationnelles au siège du ministre, il n'y avait
23 des unités organisationnelles à la tête desquelles vous étiez, ce
24 secrétariat de l'intérieur; est-ce exact ?
25 R. Oui.
26 M. STAMP : [interprétation] Allons vers l'article 2 de ce document. C'est
27 à la page 4 de la version anglaise, et je ne suis pas sûr de la page de la
28 version en B/C/S. Ça serait la page 3, la page précédente en anglais.
Page 6596
1 Q. L'article 2 des règles est assez clair, et déclare les fonctions
2 des secrétariats de l'intérieur. L'article 3 liste les 33 secrétariats de
3 l'intérieur qui ont établis pour des raisons administratives; est-ce exact
4 ?
5 Est-ce que l'on peut parcourir la page 4 maintenant, s'il vous plaît.
6 R. C'est exact. Mais l'article 2, lorsque cela parle des tâches qui
7 incombent au ministère de l'Intérieur, ce sont des tâches qui ont été
8 reprises du droit et des affaires intérieures, et ce sont des tâches
9 stipulées dans la Loi sur les affaires intérieures, et l'article 3
10 mentionne les unités au sein de la République de Serbie. Au sein du
11 territoire de la République de Serbie, il y avait 33 secrétariats. Chacun
12 englobe les territoires de certaines municipalités.
13 Q. Combien en Serbie -- je m'excuse, combien au Kosovo ?
14 R. Dans le territoire du Kosovo, il y avait sept secrétariats.
15 Q. Juste en tant qu'exemple, en utilisant votre secrétariat Kosovska
16 Mitrovica, est-ce qu'on peut décrire la juridiction territoriale ?
17 R. Le secrétariat à Kosovska Mitrovica a été établi pour couvrir le
18 territoire du district de Kosovska-Mitrovica et couvrir les municipalités
19 suivantes : Leposavic, Zvecan, Zubin Potok, Vucitrn, Srbica et Kosovska
20 Mitrovica où se trouvait son siège également. Néanmoins à Leposavic, Srbica
21 et Vucitrn il y avait des départements de l'intérieur. A Zvecan et Subin
22 Potok, il y avait des postes de police.
23 Q. Les départements de l'intérieur que vous avez mentionnés et les postes
24 de police qui étaient subordonnés au SUP sont, je pense, listés dans
25 l'article 4 de ces règles; vous vous rappelez de cela ?
26 R. Permettez-moi de regarder l'article 4, s'il vous plaît. Oui, c'est
27 exact.
28 Q. Nous voyons, par exemple, votre SUP Kosovo Mitrovica est dans le point
Page 6597
1 11 de l'article 4.
2 R. Oui.
3 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le document
4 02555.
5 Q. C'est un organigramme du SUP du MUP. Je suis désolé, c'est en anglais,
6 je vais peut-être vous donner quelques explications sur deux aspects, mais
7 je pense néanmoins que vous pouvez comprendre la plupart des départements
8 auxquels on fait référence grâce aux sigles qui sont utilisés. Tout en haut
9 vous avez le ministre et en dessous vous avez les départements de la
10 Sécurité d'Etat, à la tête desquels se trouve Rade Markovic le département
11 de sécurité publique, avec à sa tête Vlastimir Djordjevic.
12 Maintenant, à sa droite il y a une boîte avec l'administration de
13 police, avec à sa tête Obrad Stevanovic. Est-ce que vous pouvez nous dire
14 si c'est exact au vu de vos réponses antérieures et les règles qui
15 indiquent que l'administration de la police était une des unités
16 organisationnelles du département de la sécurité publique ? Est-ce que
17 c'est exact ou est-ce que cela devait être subordonné au département de la
18 sécurité publique ?
19 R. De cet organigramme que je peux voir à l'écran, je peux conclure comme
20 suit : le ministère de l'Intérieur de la Serbie était organisé en deux
21 branches. La première étant le département de la Sécurité d'Etat; le
22 deuxième le secteur de la sécurité publique. Au sein du secteur de la
23 Sécurité d'Etat, il y a une unité organisationnelle qui appartenait à ce
24 secteur. Au sein du secteur de la sécurité publique, nous pouvons voir des
25 unités organisationnelles. Ce sont des unités spéciales antiterroristes,
26 des groupes "sweep groups" et les unités de police spéciale et tous les
27 secrétariats, à savoir sept secrétariats dans le territoire de Kosovo-
28 Metohija.
Page 6598
1 En parallèle à cela -- ou en parallèle au secteur de la sécurité
2 publique, vous avez également l'administration de la police.
3 L'administration de la police ne peut pas être placée au même niveau comme
4 le secteur de sécurité publique, car cela rentre dans le mandat du secteur
5 de la sécurité publique et c'est un des éléments organisationnels du
6 secteur de la sécurité publique.
7 Q. Je vous remercie. Nous voyons également une ligne ici : secrétariat de
8 l'intérieur allant jusqu'au personnel du MUP. Est-ce que les secrétariats
9 de l'intérieur étaient subordonnés au personnel du MUP et est-ce que vous
10 pouvez expliquer la relation de subordination avec le département de la
11 sécurité publique, enfin, avec le siège de ce dernier à Belgrade ?
12 R. Vous voyez, les secrétariats de l'intérieur sont des unités
13 organisationnelles du ministère de l'Intérieur; et le personnel du MUP à
14 Pristina est un commandement au milieu entre le ministère de l'Intérieur et
15 les secrétariats pour l'intérieur au Kosovo-Metohija. Donc le personnel du
16 MUP a été établi tout simplement pour le territoire de Kosovo-Metohija et
17 fonctionne comme un commandement intermédiaire entre le ministère et les
18 secrétariats.
19 Les secrétariats font rapport en même temps au ministère de
20 l'Intérieur à Belgrade ainsi qu'au personnel du MUP à Pristina. Ils
21 recevaient de l'information de la même façon, c'est-à-dire la même façon
22 dont ils faisaient rapport de leurs activités.
23 Q. Je comprends, à partir de ce que vous venez de dire, que les
24 secrétariats de l'intérieur étaient subordonnés au personnel du MUP étant
25 au niveau de commandement intermédiaire, mais ils étaient également
26 subordonnés au siège qui se trouvait à Belgrade du département de la
27 sécurité publique. Est-ce que j'ai bien compris ?
28 R. Tous les secrétariats étaient subordonnés au secteur de la sécurité
Page 6599
1 publique et le personnel du MUP à Pristina était également subordonné à ce
2 secteur. Le chef du secteur de la sécurité publique a nommé le personnel du
3 MUP à Pristina par le biais d'une décision qui a été prise. Il a également
4 stipulé les responsabilités, les tâches et les obligations. Ainsi donc tous
5 les secrétariats au Kosovo ainsi que le personnel du MUP à Pristina étaient
6 subordonnés au secteur de la sécurité publique.
7 Q. Je vois dans les boîtes pour les secrétariats de l'intérieur les noms
8 de personnes. Est-ce que ce sont des personnes qui étaient à la tête de ces
9 secrétariats à l'époque où vous y étiez ou, du moins, en 1999 ?
10 R. Oui.
11 Q. Il y a certaines boîtes pour certaines unités spéciales : JSO, SAJ,
12 OPG, et le PGP. Pour ce qui est du JSO et le SAJ
13 mentionnées, à votre connaissance -- je répète :
14 Est-ce que les personnes mentionnées ci-dessus étaient les chefs de
15 ces organisations en 1999 ?
16 R. Pourriez-vous être un peu plus précis, je vous prie, dans votre
17 question. J'ai déjà dit que les personnes qui étaient les chefs du
18 secrétariat, effectivement, mais je ne vois pas d'autres personnes. Elles
19 s'y trouvent effectivement. Mais oui, non -- je m'excuse, mon erreur. Oui,
20 je vois d'autres noms. Je vois ici une unité chargée des opérations
21 spéciales. Effectivement, c'est une personne qui se trouvait à la tête ou
22 qui était le commandant de l'unité des opérations spéciales. C'est une
23 unité spéciale antiterroriste. La personne dont on fait mention ici, c'est
24 une personne qui était le chef de tout l'ensemble du secteur des unités
25 spéciales dans la direction de la police, alors que chaque unité spéciale
26 antiterroriste avait son propre chef et il y avait trois unités
27 antiterroristes.
28 Il y avait les groupes opérationnels et ces groupes ne font pas partie des
Page 6600
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6601
1 unités spéciales. On ne peut pas non plus appeler les unités spéciales de
2 la police comme étant des unités spéciales de la police, des unités
3 particulières chargées de tâches particulières.
4 Les unités spéciales antiterroristes, comme j'ai déjà dit, il y en
5 avait trois. A la tête de ces trois unités, en tant que chef du département
6 qui effectuait la planification des travaux, à la tête de ce département se
7 trouvait la personne dont le nom est mentionné sur ce tableau.
8 Q. Donc le chef était Zivko Trajkovic, il était chef de l'unité
9 spéciale antiterroriste. Il y avait également le chef des unités des
10 opérations spéciales, le JSO, et c'était Milorad Lukovic, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 M. STAMP : [interprétation] Nous allons parler de ce même sujet après la
13 pause, mais je crois qu'il est l'heure de la pause, Monsieur le Président.
14 Mais avant ceci, est-ce que l'on pourrait faire en sorte que ce document
15 soit versé au dossier.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Certainement. Monsieur le Greffier.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
18 Juges, ce document sera versé au dossier en tant que pièce P1037.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons prendre notre deuxième
20 pause matinale. Nous reprendrons nos travaux à 13 heures.
21 [Le témoin quitte la barre]
22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 33.
23 --- L'audience est reprise à 13 heures 01.
24 [Le témoin vient à la barre]
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur Stamp.
26 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Q. Monsieur Cvetic, pourriez-vous brièvement nous expliquer ce qu'étaient
28 les PJP, les Unités de police spéciale ?
Page 6602
1 M. DJURDJIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Djurdjic.
3 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le
4 moment est opportun de préciser un point concernant la traduction des
5 Unités spéciales de la police. Je vois que dans certaines affaires devant
6 ce Tribunal, on a résolu ce problème en employant l'acronyme PJP. De cette
7 façon-là, le témoin sait de quoi on parle. Dans la langue serbe, il y a
8 deux mots : Il y a le mot "spécial" ou "specijana." En anglais, on dit
9 "special." Il y a également "posibjno" en serbe ou "séparé." En anglais, le
10 mot est "separate." Alors pour ne pas qu'il y ait de confusion, plus
11 particulièrement lorsqu'on parle des unités chargées des opérations
12 spéciales, SAJ et PJP, je crois qu'il vaudrait soit mieux d'employer
13 l'acronyme PJP ou de traduire comme des unités de la police séparées, donc
14 "Separate Police Units." Merci.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Djurdjic.
16 Pour l'instant, la Chambre n'est pas en mesure de statuer sur l'une ou
17 l'autre des appellations, mais nous semblons tous nous comprendre lorsque
18 nous parlons des PJP.
19 Veuillez poursuivre, je vous prie, Maître Stamp.
20 M. STAMP : [interprétation] Merci.
21 Q. Pourriez-vous nous expliquer de quelle façon est-ce que les PJP
22 fonctionnaient et de quel type d'organisation il s'agissait ?
23 R. Dans le cadre de la police, s'agissant des secrétariats de l'Intérieur,
24 chaque secrétariat de l'Intérieur dans la République de Serbie déployait un
25 certain nombre de personnes pour effectuer des tâches spéciales pour les
26 PJP. Pour Kragujevac, les effectifs étaient déployés des secrétariats de
27 Kragujevac, de Jagodina, de Zajecar, de Bor, de Podujevac et de Smederevo.
28 Ceci vaut également pour les autres détachements qui ont été créés sur le
Page 6603
1 territoire de la République de Serbie.
2 Pour ce qui est du Kovoso --
3 Q. Maintenant le détachement qui a été créé à Pristina et qui est devenu
4 la 124e Brigade d'intervention, de quelle façon est-ce qu'elle était
5 organisée ?
6 R. Ce détachement avait été organisé selon la même méthodologie que les
7 autres détachements qui appartenaient à d'autres parties de la République
8 de Serbie, c'est-à-dire que tous les secrétariats qui se trouvaient sur le
9 territoire du Kosovo-Metohija s'est vu détacher un certain nombre
10 d'effectifs pour faire partie de ce détachement, dépendamment de la taille
11 du secrétariat.
12 Je vais être concret. Par exemple, le SUP
13 une compagnie qui faisait partie du détachement du Kosovo. Les autres
14 secrétariats faisaient la même chose, dépendamment de la taille. Certains
15 avaient des pelotons et d'autres, des compagnies. Et tous ces pelotons,
16 sous-sections et compagnies faisaient partie du détachement du Kosovo qui,
17 plus tard, en juin 1998, est devenu la 124e Brigade d'intervention, c'est-
18 à-dire que cela a été réorganisé en brigade d'intervention, 124e Brigade
19 d'intervention.
20 Donc tous les secrétariats du Kosovo-Metohija détachaient leur
21 personnel pour le détachement du Kosovo, pour les PJP, dépendamment de la
22 taille du secrétariat.
23 Q. Est-ce que les secrétariats, eux-mêmes, avaient des unités du PJP qui
24 étaient rattachées aux secrétariats mêmes ?
25 R. Oui, lorsque l'on parle de l'organisation, puisque ces hommes
26 faisaient partie du secrétariat. C'étaient des hommes qui étaient déployés
27 selon la systématisation dans ce secrétariat. Mais ces unités, dans les
28 secrétariats, ne pouvaient pas être employées dans le cadre du secrétariat
Page 6604
1 sans en avoir préalablement l'approbation du commandement du détachement.
2 Et l'aval du commandement du détachement allait selon la chaîne
3 hiérarchique, c'est-à-dire on suivait l'ordre en passant par le ministère.
4 Q. Vous avez mentionné un peu plus tôt que les PJP avaient une
5 responsabilité ou menaient des tâches particulières, des tâches plus
6 complexes. De quelles tâches s'agit-il exactement ? Quelles étaient les
7 missions qu'on leur confiait exactement ?
8 R. D'abord, ce sont des missions chargées de maintenir la paix, d'empêcher
9 que des conflits internationaux n'éclatent, pour empêcher des émeutes, pour
10 empêcher le terrorisme. Il s'agissait de missions de ce type-là pour
11 lesquelles les unités du PJP étaient déployées.
12 Q. En 1998 et 1999, est-ce que tous les effectifs des PJP au Kosovo
13 étaient rattachées au SUP du Kosovo, ou bien est-ce qu'il y avait d'autres
14 effectifs qui étaient détachés et qui venaient leur prêter main-forte ?
15 R. En 1998 et 1999, on a procédé à l'engagement des unités spéciales de la
16 police, et ce, pour l'ensemble du territoire de la Serbie et du territoire
17 du Kosovo-Metojiha. Tous les détachements qui ont été formés dans le cadre
18 de la République de Serbie, à l'intérieur du ministère de l'Intérieur,
19 avaient été engagés sur le territoire du Kosovo-Metohija en 1998 et 1999.
20 Ce sont des détachements que j'ai mentionnés, deux détachements de
21 Belgrade, un à Kragujevac, un à Novi Sad, un à Kragujevac, un à Nis et un
22 au Kosovo, qui, par la suite, est devenu la 124e Brigade d'intervention.
23 Ces sont des unités qui étaient des formations du type A.
24 Outre ces unités, au Kosovo-Metohija, dans le cadre des PJP, il y
25 avait également des unités de formation du type B, c'est-à-dire un autre
26 détachement qui venait des secrétariats déjà mentionnés. Pour être plus
27 concret, dans le SUP du Kosovska Mitrovica, il y avait deux détachements
28 des unités spéciales de la police, et ce, le 35e détachement et le 85e
Page 6605
1 détachement. C'est ainsi que les choses se passaient également dans
2 d'autres secrétariats se trouvant sur le territoire du Kosovo-Metohija.
3 Pour ce qui est des unités du PJP qui faisaient partie du secrétariat
4 de l'intérieur, pour ce qui est du Kosovo-Metohija, on les avait engagées
5 dans le cadre du Détachement du Kosovo qui, par la suite, est devenu la
6 124e Brigade d'intervention. Ses effectifs étaient engagés non pas
7 seulement sur leur propre territoire, mais ils étaient également déployés
8 sur le territoire de l'ensemble du Kosovo, tout comme les autres
9 détachements qui provenaient de la République de Serbie.
10 Q. Qui ou quel organe avait la capacité de mobiliser les forces des PJP
11 pour des activités de combat ?
12 R. La décision d'impliquer les PJP ne pouvait être prise qu'au niveau
13 ministériel. Seul le ministre de l'Intérieur lui-même pouvait prendre une
14 telle décision ou une personne autorisée par lui. Il s'agissait
15 généralement du chef du secteur de la sécurité publique qui émettait
16 l'ordre de mobiliser les PJP ou, pour m'exprimer différemment, c'était lui
17 qui ordonnait leur implication.
18 Q. Quand sur le terrain il y avait des opérations, qui en assurait le
19 commandement au Kosovo ?
20 R. Vous savez, il convient de faire la distinction entre la personne qui
21 peut prendre la décision de faire venir les PJP et la personne qui assure
22 le commandement de ces mêmes PJP. Le commandement sur le terrain des forces
23 des PJP ne pouvait être assuré que par les commandants de PJP. C'est un
24 commandant de PJP qui peut commander une unité de PJP sur le terrain. Mais
25 le commandant de cette unité n'a, en lui-même, aucune autorité lui
26 permettant d'imposer aux PJP de participer à une activité de combat. Il
27 prend le commandement, il donne des ordres seulement à partir du moment où
28 la décision a été prise par un commandement supérieur d'impliquer les
Page 6606
1 unités PJP dans des activités de combat.
2 Q. Poursuivons. Qu'est-ce que c'était qu'un OPJ ? C'est un acronyme qui,
3 apparemment, signifie Groupe d'opération de balayage -- opération de
4 poursuite.
5 R. C'est un type de groupe qui a été mis sur place au sein des
6 secrétariats dans le territoire du Kosovo-Metohija. Dans d'autres
7 secrétariats dépendant du ministère de l'Intérieur, il n'existait pas
8 d'OPJ.
9 C'est en début décembre 1998 que la décision a été prise par le
10 personnel du MUP à Pristina que tous les secrétariats sur le territoire de
11 Kosovo-Metohija devaient doter de dix à 15 hommes les mieux formés et les
12 mieux équipés des compléments réguliers des forces de police ou des PJP, et
13 ces hommes étaient formés ultérieurement pendant une quinzaine de jours
14 dans des centres de formation spéciaux à l'extérieur du Kosovo pour former
15 des groupes de balayage opérationnels qui existaient au sein de chaque
16 secrétariat. Chaque secrétariat avait un commandant de groupe opérationnel
17 de balayage ou de poursuite.
18 Tous ces groupes étaient sous l'autorité du chef adjoint du personnel
19 du ministère de l'Intérieur à Pristina chargé des opérations spéciales.
20 Donc les groupes opérationnels de poursuite étaient mieux formés et
21 mieux équipés que les PJP, mais ils n'étaient pas mieux équipés ni mieux
22 formés que les unités spéciales antiterrorisme. Elles étaient quelque part
23 entre les deux.
24 Q. Et ce chef adjoint du personnel du MUP à Pristina, qui était chargé des
25 opérations spéciales et qui était chargé de ces OPJ, il s'appelait comment
26 ?
27 R. Il s'appelait Goran Radosavljevic.
28 Q. Et vous nous avez maintenant parlé aussi d'unités spéciales
Page 6607
1 antiterrorisme. Pourriez-vous nous décrire brièvement simplement
2 l'organisation et le fonctionnement de celles-ci ?
3 R. Pour autant que je sache, les unités spéciales antiterrorisme ont été
4 créées à Belgrade par le SUP de la ville de Belgrade, par le SUP de Novi
5 Sad et par le SUP de Pristina. Donc il existait trois unités spéciales
6 antiterroristes, et leur mission au Kosovo-Metohija consistait
7 exclusivement à la lutte antiterrorisme et à la participation aux activités
8 antiterroristes.
9 Q. Maintenant, brièvement, si vous le voulez bien, le JSO : qui étaient
10 les JSO et de quel organe administratif dépendaient-ils ?
11 R. Les JSO étaient des unités spéciales d'opérations qui avaient été
12 créées au sein du secteur sécurité d'Etat, donc le secteur sécurité
13 publique n'avait aucune autorité sur ces unités. Il n'existait qu'une unité
14 d'opérations spéciales et ces unités étaient sous l'autorité d'une personne
15 dont le nom apparaît dans cet organigramme, à savoir Milorad Lukovic.
16 Q. Sur l'organigramme que vous avez sous les yeux, nous voyons une ligne
17 qui relie les unités des opérations spéciales et le personnel MUP du
18 Kosovo. Y avait-il un lien entre les deux; et si oui, lequel ? Donc entre
19 le personnel MUP du Kosovo et les unités d'opérations spéciales -- entre
20 les unités d'opérations spéciales et le personnel du ministère de
21 l'Intérieur au Kosovo, qui était placé sous l'autorité du général Lukovic,
22 lequel faisait partie du secteur de la sécurité publique ?
23 R. Excusez-moi, est-ce que vous m'interrogez maintenant sur les unités
24 antiterroristes ou sur les unités d'opérations spéciales, les JSO ?
25 Q. Les JSO, les unités d'opérations spéciales. Quel était le lien, s'il en
26 existait un, entre les JSO et le personnel MUP du Kosovo ?
27 R. Je vous ai déjà dit que le personnel du ministère de l'Intérieur au
28 Kosovo n'avait aucune autorité sur les JSO. Et coordination, réunions
Page 6608
1 conjointes, analyse de la situation en matière de sécurité, consultations
2 sur des missions spécifiques, tout cela existait, mais le personnel du
3 ministère de l'Intérieur n'avait aucune autorité sur les JSO, ne pouvait
4 pas prendre la décision de se servir des unités d'opérations spéciales pour
5 des opérations quelconques.
6 Q. Mais quel était le lien hiérarchique entre les PJP et le secteur
7 sécurité publique à Belgrade dans son quartier général. Quel était -- je me
8 reprends, le lien entre la hiérarchie de commandement entre les PJP au
9 Kosovo et le secteur sécurité publique qui se trouvait à Belgrade ?
10 R. Bien, le secteur sécurité publique du MUP en Serbie était le seul
11 organe habilité à décider de faire usage des PJP au Kosovo-Metohija, mais
12 le commandement de ces unités était exclusivement réservé aux commandants
13 des unités elles-mêmes.
14 Q. Poursuivons, si vous le voulez bien. Pouvez-vous nous parler rapidement
15 du nombre des effectifs de police qui se trouvaient au Kosovo entre 1998
16 jusqu'à l'intervention de l'OTAN en mars 1999. Dites-nous, s'il vous plaît,
17 si ces effectifs ont beaucoup changé, s'il y a eu des fluctuations; et si
18 oui, pourquoi ?
19 R. Bien, en juillet 1998, des activités antiterrorisme se sont déroulées
20 au Kosovo-Metohija. A ce moment-là, il y avait sur le territoire de Kosovo-
21 Metohija 14 570 policiers. Ces opérations antiterrorisme ont duré du 25
22 juillet jusqu'à la fin du mois de septembre 1998. Avec la signature de
23 l'accord Milosevic-Holbrooke s'est ensuivie une réduction du personnel de
24 police au Kosovo-Metohija. Les effectifs ont été réduits de 4 500
25 personnes. Pour être tout à fait précis, après l'accord Milosevic-
26 Holbrooke, il n'est plus resté que 10 021 policiers au Kosovo-Metohija.
27 Q. Quand cet accord a-t-il été signé ?
28 R. En octobre 1998 et la réduction a été effective à partir de la deuxième
Page 6609
1 moitié du mois d'octobre.
2 Q. Ce nombre, ces effectifs de 10 000 et quelques policiers, s'applique à
3 partir de la deuxième moitié du mois d'octobre. Est-il resté le même
4 jusqu'à 1999 ou y a-t-il eu d'autres changements entre-temps ?
5 R. Par la suite, c'est-à-dire au début de 1999, ou plus précisément, au
6 mois de mars 1999, il y a eu quelques changements puisque nous avions de la
7 menace immédiate de la guerre. Et une fois que l'état de guerre a été
8 officiellement déclaré, il y a eu un changement et le nombre a été
9 augmenté.
10 Q. Pouvez-vous décrire davantage, si vous vous rappelez d'une date, quand
11 a eu lieu la mobilisation pour augmenter ce nombre et quels étaient les
12 nombres après la mobilisation des policiers ?
13 R. La mobilisation, en tant qu'acte stratégique, englobe deux périodes;
14 d'abord, la préparation de la mobilisation, ensuite la mise en œuvre de la
15 mobilisation.
16 La préparation a commencé auparavant. Elle a commencé au début de
17 1999, mais pour être plus précis, au mois de février 1999. Et la mise en
18 œuvre de la mobilisation a démarré au mois de mars 1999, à savoir à une
19 réunion qui a eu lieu dans le siège du MUP à Pristina, tenue le 17 mars
20 1999. Le général Lukic a déclaré que tous les secrétariats devraient
21 préparer et entreprendre les mesures nécessaires afin d'entamer la
22 mobilisation des membres des forces de police de réserve. Ainsi le ratio
23 entre les policiers d'active et les policiers de réserve devrait être un à
24 un.
25 Plus particulièrement, pour le SUP à Kosovska Mitrovica, cela voulait
26 dire le suivant : dans le SUP de Kosovska Mitrovica, nous avions 665
27 officiers de police et nous devions mobiliser 665 polices réservistes afin
28 d'arriver à ce rapport d'un à un.
Page 6610
1 Qui plus est, il a dit qu'étant donné le fait que les négociations à
2 Rambouillet étaient très difficiles, on pouvait s'attendre de façon
3 réaliste qu'il pourrait y avoir un acte d'agression. A la première signe
4 d'une telle agression, ou plutôt, la toute première signe serait le retrait
5 de la Mission de vérification du Kosovo.
6 Q. Je vais en discuter davantage. Pour l'instant, est-ce que l'on peut
7 établir les chiffres. Quel était le nombre de policiers, approximativement,
8 au Kosovo après la mobilisation en mars 1999 ?
9 R. Le chiffre était le même qu'en 1998. Il y avait 14 571.
10 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire un plus précisément, je pense que vous
11 pouvez le faire, sur le SUP au mois de mars après la mobilisation, combien
12 de policiers y avait-il au total après la mobilisation ?
13 R. Au SUP de Kosovska Mitrovica vous aviez des forces de police régulière,
14 ensuite les PJP qui avaient été envoyées au SUP
15 détachement 55e et le 85e avaient également été des unités de police de
16 réserve qui ont été formées au mois de juin 1998 pour pouvoir défendre
17 l'habitation ainsi dans les zones de Kosova, ce qui veut également dire que
18 les zones du SUP de Kosovska Mitrovica avaient une unité de police serbe.
19 Les unités de police régulière du SUP de Kosovska Mitrovica et les membres
20 des PJP étaient au total 1 990; et les unités de police de réserve, on
21 avait un total de 6 034. Au total il y en avait 8 033.
22 C'était le nombre des officiers de police armés dans le territoire du
23 SUP de Kosovska Mitrovica.
24 M. STAMP : [interprétation] Avant que je continue, Monsieur le Président,
25 juste un point à la ligne 7 de cette page, je pense que le témoin a dit 35e
26 et 85e détachement et non pas 55e.
27 Q. Nous allons plus tard parler des unités de la police de réserve, je
28 pense qu'il y avait plus de 6 000 hommes. Mais veuillez, s'il vous plaît,
Page 6611
1 expliquer pour nous quelle était la distinction entre un policier de
2 réserve et un membre d'une unité de police de
3 réserve ?
4 R. En fait, un policier réserviste représentait une réserve pour les
5 unités de police régulière ou réserve aux unités de police de réserve.
6 L'unité de police de réserve avait un degré de formation moins élevé, était
7 moins équipée, et avait un degré d'armes moins élevé par rapport aux unités
8 de police régulière. Les unités de police régulière étaient subordonnées
9 aux secrétariats, leurs tâches n'étaient pas de défendre des régions
10 habitées contrairement aux unités de police de réserves.
11 Les unités de police de réserve n'avaient même pas tout l'uniforme,
12 ils n'avaient qu'une partie de l'uniforme telle que les couvre-chefs ou des
13 chemises ou des ceintures. Les policiers réservistes, au contraire, avaient
14 tout l'uniforme.
15 Q. Lorsque vous dites que ces unités de réserve de police étaient là pour
16 protéger les endroits habités, les "settlements" en anglais ?
17 R. Lorsque je parle de ces "settlements," je vous parle des différents
18 endroits habités au sein du territoire de la municipalité à savoir un
19 village ou une commune locale.
20 Q. Merci.
21 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons regarder le document
22 0224 rapidement, s'il vous plaît, 01224. A la page 2 du document, s'il vous
23 plaît. Nous ne sommes pas à la bonne page. Si je pouvais juste un instant
24 le trouver. Est-ce que nous pouvons aller à la page 2, page 3 en anglais.
25 Monsieur le Président, je suis désolé, j'avais le numéro dans un
26 classeur mais apparemment le document a été sorti de ce classeur. Je pense
27 que nous pouvons continuer et je vais essayer de trouver l'exemplaire de ce
28 document demain.
Page 6612
1 Q. J'aimerais que brièvement vous puissiez décrire pour nous la situation
2 de sécurité au Kosovo en 1998. Vous nous avez parlé des opérations
3 antiterroristes qui ont eu lieu de juillet à septembre ou octobre 1998. Y
4 avait-il des actions dans votre district avant cette époque ?
5 R. Lorsque j'ai parlé je vous ai dit que les opérations antiterroristes
6 ont démarré le 25 juillet 1998 et ont duré jusqu'à la fin de septembre
7 cette année. La situation de sécurité au Kosovo était très difficile et
8 très compliquée. Le terrorisme s'étendait. Nous avions beaucoup d'attaques
9 terroristes contre les membres de police, mais également contre les membres
10 de l'armée, les Serbes ou les Albanais au Kosovo. Il y avait pas mal de
11 personnes tuées ou blessées; les Albanais, les Serbes et les soldats. A
12 cause de cela nous avons décidé d'entreprendre des opérations
13 antiterroristes.
14 D'ailleurs, nombre de compagnies et même un certain nombre de
15 villages ont été pris sous le joug des terroristes et plus spécifiquement
16 dans le territoire du SUP de Kosovska Mitrovica à l'usine de pétrole et
17 d'acier qui avait une de ses usines dans le village de Bare à Bajgora, et
18 qui produisait l'équipement pour l'assainissement. Elle a été aux mains des
19 terroristes, le directeur de la compagnie n'avait plus le contrôle de cette
20 usine.
21 Dans cette usine donnée, les terroristes ont commencé à fabriquer des
22 uniformes pour leurs membres. Dans le hameau de Malisevo au Kosovo, cet
23 endroit est également tombé aux mains des terroristes, et à cause de cette
24 situation de sécurité très grave, il était très difficile de se déplacer,
25 il était impossible de se déplacer la nuit au Kosovo à l'époque et toutes
26 les communications étaient bloquées. Il a ainsi été décidé que le personnel
27 allait entreprendre des opérations antiterroristes. En fait, ce n'était pas
28 la décision du personnel d'entreprendre ces opérations. C'était plutôt la
Page 6613
1 décision du siège au niveau le plus élevé, le soi-disant siège conjoint.
2 Vous m'avez demandé s'il y avait des opérations antiterroristes avant le
3 mois de juillet 1998 dans le territoire du SUP
4 J'aimerais ici dire que nous avons entrepris une action par le biais de
5 laquelle nous voulions attraper un groupe de terroristes et détruire le
6 groupe Drenica dans le hameau de Donji Prekaz dans la municipalité de
7 Srbica. Cette action a été entreprise entre le 5 et le 7 mars dans trois de
8 ces hameaux.
9 Q. Pendant cette action, pouvez-vous nous dire où, si vous le savez, cette
10 action a été planifiée et qui l'a commandée ?
11 R. A l'époque, au niveau du ministère de l'Intérieur, on a mis en place un
12 état-major intersectoriel, et au sein de cet état-major se trouvaient des
13 membres du secteur sécurité publique, mais aussi du secteur sécurité
14 d'Etat. Le chef de cet état-major conjoint était le chef du secteur
15 Sécurité d'Etat et il avait comme adjoint le chef du secteur sécurité
16 publique.
17 La planification et l'organisation de ces actions spécifiques étaient
18 de la responsabilité de cet état-major conjoint. Quant aux unités qui se
19 trouvaient sur le terrain, elles étaient sous le commandement de leur
20 commandant respectif. Dans cette opération particulière, les unités du
21 ministère de l'Intérieur ont pris part à ces opérations au côté des unités
22 spéciales antiterroristes du secteur Sécurité de l'Etat.
23 Nous avions d'une part les unités d'opérations spéciales, qui venaient du
24 secteur sécurité publique et les forces spéciales antiterrorisme du secteur
25 Sécurité d'Etat. Les commandants de ces unités et une personne du ministère
26 de l'Intérieur qui se trouvait être responsable de toutes les unités
27 antiterroristes se trouvaient sur le terrain, de même qu'une personne
28 provenant de l'état-major du ministère de l'Intérieur de Pristina, qui se
Page 6614
1 trouvait être l'adjoint au commandant du personnel MUP de Pristina, se
2 trouvait aussi sur le terrain et avait le commandement direct sur les
3 unités qui participaient à cette opération.
4 La décision de participer pour chacune de ces unités a été prise au
5 niveau de l'état-major intersectoriel. Il est probable que l'état-major
6 intersectoriel a informé, en prenant cette décision de faire participer les
7 unités, les autorités de l'Etat au niveau le plus élevé. C'est ce que je
8 présume, parce que sinon l'organisation n'aurait pas été possible.
9 Q. Qui était chef du secteur Sécurité de l'Etat à l'époque, en mars 1998 ?
10 R. Le chef du secteur Sécurité de l'Etat à ce moment-là était M. Jovica
11 Stanisic.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp, nous avons déjà
13 dépassé l'horaire prévu. Ceci est-il un bon moment pour interrompre ?
14 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever la séance pour
16 aujourd'hui et nous reprendrons demain, à 9 heures.
17 Monsieur le Témoin, un huissier vous donnera des instructions plus
18 précises, mais nous poursuivrons votre interrogatoire demain matin, à 9
19 heures.
20 [Le témoin quitte la barre]
21 --- L'audience est levée à 13 heures 51 et reprendra le mardi 30 juin 2009,
22 à 9 heures 00.
23
24
25
26
27
28