Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 8 juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir

  9   faire lecture de la déclaration sous serment qui vous est remise par

 10   l'huissier.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Entendu. Je déclare solennellement que je

 12   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13    LE TÉMOIN : VELIBOR VELJKOVIC [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Je vous demanderais de bien

 16   vouloir prendre place.

 17   Monsieur Stamp.

 18   M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,

 19   Messieurs les Juges.

 20   Interrogatoire principal par M. Stamp : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Veljkovic. J'espère ne pas avoir

 22   écorché votre nom.

 23   R.  Je m'appelle Veljkovic. Je m'appelle Velibor c'est mon prénom, et mon

 24   patronyme est Veljkovic, V-e-l-j-k-o-v-i-c.

 25   Q.  Votre date de naissance, s'il vous plaît.

 26   R.  19 novembre 1971.

 27   Q.  Vous êtes agent de police me dit-on. Pourriez-vous nous dire quelques

 28   mots de votre parcours professionnel au sein des forces de police, à quel

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  1   moment avez-vous commencé votre carrière, qui était votre supérieur

  2   hiérarchique, quels sont les grades que vous avez eus et quels sont les

  3   postes que vous avez occupés, l'endroit où vous étiez stationné.

  4   R.  J'ai commencé à travailler pour la police le 25 avril 1994; et au

  5   secrétariat de l'Intérieur de Prizren au poste de police de Suva Reka, j'ai

  6   commencé à travailler à partir du mois d'août 1994, le 20 pour être précis.

  7   Et j'y suis resté jusqu'au retrait de toutes les unités militaires et

  8   policières du Kosovo-Metohija.

  9   Q.  Je vous invite à poursuivre.

 10   R.  Après être arrivé au poste de police de Suva Reka, au cours des deux

 11   premières années j'étais membre de la police de quartier, je faisais deux

 12   ou trois tours de service dans le secteur de la circulation, mais

 13   essentiellement j'étais un îlotier de patrouille. Et suite à cela, suite à

 14   une décision du commandant de la section, j'ai été associé aux petits

 15   délits. En d'autres termes, je saisissais les informations ayant trait aux

 16   délits mineurs liés à la circulation routière et ultérieurement, une fois

 17   que la décision du tribunal était rendue, je saisissais cela dans la base

 18   de données de l'ordinateur et grosso modo c'était le travail que

 19   j'effectuais.

 20   En 1997, suite à une décision rendue par le même commandant conjointement

 21   avec un autre collègue, j'étais responsable des registres du poste de

 22   police. J'ai participé à un cours de formation afin de me permettre de

 23   m'acquitter de ces tâches et j'ai occupé ces fonctions jusqu'à mon retrait

 24   du Kosovo. Alors que le collègue qui travaillait à mes côtés, suite à une

 25   décision prise par le commandant, a quant à lui, travaillé dans le cadre de

 26   missions spéciales sur le terrain et il ne travaillait sur les registres

 27   que lorsque j'étais parti pour le week-end ou lorsque j'étais parti. Et

 28   c'est à ce moment-là que les attaques contre la police ont commencé en

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  1   1998. Et je suis resté à cette fonction jusqu'en juin 1999, le 11 pour être

  2   précis, jusqu'au retrait.

  3   Q.  Merci. Puisque nous parlons de retrait, pourriez-vous nous dire se qui

  4   s'est passé au poste de police de Suva Reka au moment du retrait et qu'est-

  5   il arrivé à ces registres tenus au poste de police de Suva Reka au moment

  6   du retrait en juin 1999 ?

  7   R.  Quelques jours avant le retrait et à un moment donné où les frappes

  8   aériennes avaient cessé pendant un moment, le commandant du poste de police

  9   m'a indiqué que tous les documents papier et autres des années précédentes,

 10   je veux dire les années qui précédaient 1998, devaient être détruits. Il

 11   m'a intimé l'ordre de détruire tous ces registres. Par conséquent, je me

 12   suis rendu au poste de police et tous les registres que j'ai sélectionnés,

 13   parce que c'est moi qui les ai sélectionnés, lui n'était plus là, donc je

 14   sélectionnais les documents papier dont j'estimais qu'il y avait lieu de

 15   les détruire et je les ai pris avec moi, je les ai brûlés. Pour ce qui est

 16   des documents de 1998 et 1999, je les ai emballés et les ai chargés à bord

 17   d'un camion qui est arrivé un peu plus tard et qui les a emportés au moment

 18   où nous nous sommes retirés vers Krusevac.

 19   Maintenant, qu'est-il arrivé aux dossiers et aux archives à Krusevac,

 20   là je n'en sais strictement rien. Je ne sais pas si ça a été inclus dans un

 21   porte-archive ou si ça a été détruit, je n'en sais rien.

 22   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire qui était chargé du commandement

 23   du poste de police en 1999 ? L'homme dont vous nous avez dit que vous aviez

 24   reçu vos ordres.

 25   R.  Le commandant du poste de police de Suva Reka à partir du mois de juin

 26   1996 et jusqu'à la date du retrait était Radojko Repanovic.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire, à supposer que vous vous en souveniez, quels

 28   étaient les noms et grades des autres personnes de hauts rangs au poste de

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  1   police à l'époque et quelles étaient leurs attributions ?

  2   R.  Il me semble que la seule position de haut rang c'était le chef du

  3   poste de police. Il n'y avait pas d'autre gradé de haut rang à Suva Reka à

  4   proprement parler.

  5   Q.  Qui était le chef du poste de police ?

  6   R.  Le chef du poste de police était Dobrivoje Vitosevic.

  7   Q.  Quelle est la différence entre le chef du poste de police et le

  8   commandant du poste de police ?

  9   R.  Le chef du poste de police était chargé des questions civiles, travail

 10   administratif en d'autres termes, et prévention de la criminalité. Tandis

 11   que le commandant du poste de police, conjointement avec son adjoint et son

 12   assistant, était quant à lui responsable de missions confiées à la police

 13   portant un uniforme.

 14   Q.  Vous, vous faisiez partie de quelle section, la partie administrative

 15   ou la police en uniforme ?

 16   R.  Personnellement, j'étais un administratif, et certes je faisais un

 17   travail administratif, mais je portais un uniforme et j'étais chargé des

 18   tours de garde des agents de police qui étaient en patrouille, et j'étais

 19   chargé de la supervision également.

 20   Q.  Vous souvenez-vous des noms de l'assistant et de l'adjoint au

 21   commandant du poste de police M. Radojko Repanovic ?

 22   R.  Nous n'avions qu'un assistant et un adjoint. L'assistant était Nenad

 23   Jovanovic et Dragan Borisavljevic était le nom de l'adjoint.

 24   Q.  Est-ce qu'il y avait des unités spéciales PJP qui étaient attachées au

 25   poste de police de Suva Reka ?

 26   R.  Non, il n'y en avait pas. Au poste de police de Suva Reka il n'y avait

 27   que des employés qui occupaient des postes au poste de police de Suva Reka,

 28   des postes classiques, et qui étaient membres de la PJP en vertu d'une

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  1   décision du commandant, mais par la suite il y avait également des hommes

  2   qui étaient attachés à d'autres unités.

  3   Q.  Savez-vous si Nenad Jovanovic était associé de quelque manière que ce

  4   soit ou est-ce qu'il occupait un poste au sein de la PJP ?

  5   R.  Ça je ne pourrais pas vous le dire. Il était davantage impliqué dans le

  6   travail des membres des forces de police, il préparait des rapports

  7   mensuels qui contenaient les heures de travail ainsi que l'issu des

  8   différentes tâches qui leur étaient confiées. Quant aux unités spéciales,

  9   donc les PJP, là je ne peux pas vous en dire grand-chose.

 10   Q.  Est-ce qu'il y avait des membres de la DB, de la Sûreté d'Etat, au

 11   poste de police de Suva Reka ?

 12   R.  Oui, il y en avait, mais nous étions dans le même bâtiment, ceci étant

 13   dit, ils avaient leur propre entrée et leur propre sortie, par conséquent

 14   les membres de la Sûreté d'Etat avaient leur propre bureau. Maintenant,

 15   quant à savoir comment était organisé leur travail et quelles étaient les

 16   différentes attributions des uns et des autres, police d'un côté et agents

 17   de la DB de l'autre, là franchement je ne peux pas vous en dire grand-

 18   chose.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire si effectivement il y avait ou il n'y avait pas

 20   coopération et collaboration entre les agents de la DB et les agents du

 21   poste de police ?

 22   R.  Je ne peux pas vous le dire.

 23   Q.  Est-ce que le commandant des personnels de la Sûreté d'Etat était

 24   présent au poste de police en 1999 ?

 25   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas qui était l'officier

 26   responsable, mais leur chef était présent.

 27   Q.  Merci. Vous souvenez-vous d'une journée - je ne sais pas si c'est une

 28   question directrice sur les dates - peut-être vous souvenez-vous des dates

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  1   auxquelles à Suva Reka un nombre important d'individus albanais ont été

  2   tués ?

  3   R.  C'était le 26 mars 1999. Lorsqu'on m'a interrogé pour la première fois,

  4   ce sont nos responsables au ministère de Belgrade qui m'ont interrogé, et

  5   lorsqu'ils m'ont posé la question de la date à laquelle un grand nombre

  6   d'individus ont été tués, je ne m'en souvenais pas. Ensuite ils m'ont dit -

  7   - ils m'ont demandé si je me souvenais plus ou moins des conditions

  8   météorologiques, ils m'ont demandé quel temps faisait-il. Moi je me

  9   souvenais de l'heure, et ils m'ont dit à l'époque on était encore au poste

 10   de police, on n'était pas encore partis, nous ne nous étions pas encore

 11   retirés. Je pense que c'était -- puis alors je leur ai dit que je pensais

 12   que c'était au cours de la première semaine des frappes aériennes, et ils

 13   l'ont confirmé en disant, oui, effectivement, c'était le 26 mars 1999. Donc

 14   si l'on sait que les frappes aériennes ont commencé le 24 mars 1999, ceci

 15   signifie que j'avais plus ou moins raison.

 16   Q.  Vous souvenez-vous ou avez-vous découvert par la suite les noms de

 17   famille de personnes membres d'un grand groupe d'Albanais du Kosovo tués ?

 18   R.  Pour ce qui est des familles à propos desquelles vous me posez une

 19   question, je sais où était leur maison. La maison était à Suva Reka à

 20   Restanksi Put, c'est le nom de la rue, je crois qu'il n'y avait pas de

 21   numéro sur la rue. C'était du côté droit de la rue, en allant de Suva Reka

 22   vers Pecane.

 23   Q.  Oui, mais ce que je souhaite savoir, c'est si vous vous souvenez du nom

 24   de famille de certains de ces individus qui ont été tués en date du 26

 25   mars.

 26   R.  On m'a simplement dit. Moi, je ne savais pas quelle était la famille,

 27   je ne savais pas qui ils étaient, mais au cours du premier entretien, on

 28   m'a dit que c'était la famille Berisha, que c'était la famille Berisha qui

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  1   avait été tuée.

  2   Q.  Ce matin-là, 26 mars 1999 donc, aux environs de quelle heure êtes-vous

  3   arrivé ? A quel moment vous êtes-vous rendu à votre travail, au poste de

  4   police, ce jour-là, à peu près vers quelle heure êtes-vous arrivé ?

  5   R.  A l'époque, je dormais dans les locaux qui se situaient dans le même

  6   complexe que le poste de police de Suva Reka. Les dortoirs se situaient

  7   dans les mêmes locaux, dans ce même complexe, l'endroit où je travaillais,

  8   c'est-à-dire à 5 ou 6 mètres de mon bureau. Je travaillais de 7 heures à 15

  9   heures. Mais en raison des frappes aériennes, j'étais resté dans les locaux

 10   du poste de police et par conséquent, ce jour-là, le 26 mars 1999, je suis

 11   arrivé vers 7 heures au bureau et je l'ai ouvert.

 12   Q.  Le matin de ce jour-là, ce matin-là donc, un incident s'est-il produit

 13   dans la cour intérieure, à l'extérieur du poste de police ?

 14   R.  Pas ce matin-là, non.

 15   Q.  Plus tard ce jour-là ou à quelque moment que ce soit ce jour-là, y a-t-

 16   il eu un incident qui s'est produit dans la cour intérieure du poste de

 17   police ?

 18   R.  Dans le courant de la journée, je crois que c'était vers midi, oui,

 19   effectivement, il y a eu un incident. C'était peut-être un peu plus tôt ou

 20   un peu plus tard, mais c'était dans ces heures-là.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que vous avez vu et entendu au moment où a

 22   eu lieu cet incident ?

 23   R.  Le 26 mars, aux environs de 12 heures, midi donc, j'ai quitté les

 24   locaux dans lesquels je travaillais parce que je n'avais que 10 à 15

 25   minutes de travail à faire parce que finalement, les horaires étaient

 26   rédigés de façon formelle. Donc j'ai fermé le bureau à clé puis j'ai décidé

 27   de partir et d'aller au bureau de garde à Suva Reka et de prendre place aux

 28   côtés de l'officier de garde.

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  1   Moi, je ne savais pas exactement ce qui allait se passer et par conséquent,

  2   je suis tombé sur un incident parce que quand je suis arrivé au poste de

  3   police à proprement parler, j'ai trouvé Radovan Tanovic, Miroslav Petkovic

  4   qui étaient là et ils étaient là, à l'entrée des locaux de l'OUP; et là, il

  5   y avait aussi le commandant Repanovic. Et puis, il y avait mon collègue,

  6   Sladjan Cukaric également et Radovan Tanovic --

  7   Q.  Excusez-moi de vous interrompre. Je vous demanderais de bien vouloir

  8   répéter les noms que vous avez signalés, mais un peu plus lentement, de

  9   manière à ce que nous puissions les entendre.

 10   R.  Il s'agissait de Sladjan Cukaric, de Radovan Tanovic, ils étaient

 11   agents d'active. Et puis, il y avait également Miroslav Petkovic, membre de

 12   la police de réserve. Et tous trois étaient à l'entrée précise du poste de

 13   police de Suva Reka. Ils avaient des fusils automatiques et des gilets

 14   pare-balles. Le commandant Radojko Repanovic était là aussi.

 15   Juste au moment où je m'apprêtais à entrer dans les locaux de l'OUP de Suva

 16   Reka, le commandant Repanovic m'a dit, et là, je dois dire que je ne me

 17   souviens pas exactement des propos qu'il a tenus, mais j'ai fini par

 18   comprendre que ce qu'il m'avait dit finalement c'était un délit pénal. Il

 19   m'a dit d'aller avec les collègues dont je viens d'évoquer les noms,

 20   d'aller quelque part. Je ne sais pas ce que j'ai répondu, mais j'ai refusé

 21   tout simplement d'aller avec lui et je suis entré dans le bureau du service

 22   de garde. Et lui, en sa qualité de supérieur hiérarchique ne m'a rien dit

 23   d'autre.

 24   Q.  Avant de poursuivre, désolé de vous interrompre, mais je souhaite

 25   apporter quelques précisions, à présent. Pourriez-vous nous dire, du mieux

 26   que vous le pouvez, en vous fondant sur votre mémoire, est-ce qu'il vous a

 27   dit d'aller faire quelque chose et comment est-ce que vous avez fini par

 28   comprendre qu'il s'agissait d'un délit pénal ? Que vous disait-il de faire

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  1   ? Essayez de nous le dire, à supposer que vous vous en souveniez.

  2   R.  Je voudrais d'abord vous dire quelque chose. Je ne me souviens pas

  3   exactement de ce qu'il a dit. Dans les quatre déclarations que j'ai faites,

  4   j'ai dit à toutes les personnes qui m'ont interrogé que je ne m'en

  5   souvenais pas. De toute façon, je me suis rendu compte que d'exécuter cette

  6   instruction aurait constitué un délit, une infraction de mon devoir.

  7   Q.  Quel type de délit ou infraction ?

  8   R.  Ce serait le crime de meurtre, à savoir l'infraction la plus grave qui

  9   soit lorsqu'on a mes fonctions. Lorsqu'on tire avec une arme, il est très

 10   facile de tuer quelqu'un ou de le rendre invalide.

 11   Q.  Très bien, on y reviendra tout à l'heure. Mais continuons. Il vous a

 12   dit d'y aller, vous avez refusé de les accompagner; vous êtes rentré dans

 13   le poste de police -- je m'excuse, plutôt dans le bâtiment du OUP. Qu'est-

 14   ce qui s'est passé par la suite ?

 15   R.  Ensuite, je crois que je me suis assis sur une chaise qui était à côté

 16   de la personne chargée de la permanence, à savoir l'officier de permanence

 17   à l'époque. Mais je ne me souviens pas de qui il s'agissait parce qu'il y a

 18   beaucoup de temps qui s'est écoulé depuis. Je ne peux pas vous dire qui

 19   était là, dans la salle de permanence. Je me suis simplement assis dans

 20   cette salle où nous retenions les détenus.

 21   Il y avait quelqu'un qui avait été arrêté deux ou trois jours avant dont on

 22   soupçonnait qu'il avait effectué une attaque armée contre une patrouille.

 23   J'ai vu cette personne et à mon avis, il devait avoir entre 50 et 60 ans.

 24   Il faisait environ 1 K 80 [phon]. Il devait peser 90 kilos. Il commençait à

 25   perdre ses cheveux, et ce qu'il en restait était gris. Il portait un pull

 26   blanc avec un dessin noir. Il avait un pantalon noir. Il avait été arrêté

 27   en tant que suspect. Je ne sais pas quelle est la partie de Suva Reka, à

 28   quel endroit ils l'ont trouvé.

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  1   Mais selon la loi, l'une des raisons de pouvoir arrêter quelqu'un

  2   sans en avoir eu l'ordre, c'est de trouver cette personne en train de

  3   commettre un crime, à savoir ici une attaque contre la police. Et il y a

  4   quelques jours qu'il avait été arrêté, et on ne savait pas ce qu'il allait

  5   en advenir. Moi, je n'avais pas la clé de la cellule à l'époque.

  6   De toute façon, à un certain moment, on l'a fait sortir du bâtiment,

  7   et je ne me souviens pas qui l'a fait sortir. En tout cas, il a été sorti.

  8   Il a été emmené dans la cour intérieure, et moins d'une demi-minute après,

  9   j'ai entendu des tirs au moyen d'une arme à feu. Je ne sais pas laquelle.

 10   Peut-être un fusil automatique, ou un CZ-99, une arme à poing. Il me semble

 11   que j'ai entendu plusieurs coups de feu.

 12   Quand je suis sorti du bâtiment, je l'ai vu là par terre mort dans la cour;

 13   et à côté de lui, j'ai vu Sladjan Cukaric, Radovan Tanovic et Miroslav

 14   Petkovic. Lequel d'entre eux l'a tué, je ne sais.

 15   Q.  Donc je peux tirer de ce que vous venez de dire qu'ils avaient tous des

 16   armes sur eux.

 17   R.  Je ne comprends pas très bien votre question.

 18   Q.  Ils étaient tous armés ?

 19   R.  Vous parlez de mes collègues ?

 20   Q.  Les personnes que vous avez vues à côté de cet homme-là qui venait

 21   d'être abattu.

 22   R.  Oui, ils étaient armés. Comme je vous l'ai dit, ils avaient un fusil

 23   automatique et une arme à poing CZ-99.

 24   Q.  Et à quelle heure à peu près cet incident s'est-il produit ?

 25   R.  Entre midi et 12 heures 10. C'est à ce moment-là qu'il a été tué.

 26   Q.  C'était avant ou après le fait que le commandant Repanovic vous ait

 27   demandé d'accompagner les hommes ?

 28   R.  Tout de suite, immédiatement après. Tout ceci s'est produit dans

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  1   l'espace de cinq minutes, sans doute.

  2   Q.  Quelle était l'appartenance ethnique de l'homme qui a été abattu dans

  3   la cour intérieure du poste de police ?

  4   R.  Il était albanais. Je ne connaissais pas son nom à l'époque. Mais

  5   lorsqu'on m'a interrogé, lorsque le juge d'instruction m'a interrogé, il

  6   m'a dit qu'il s'appelait Petrit Elshani. Mais jusqu'à ce moment-là, je ne

  7   connaissais ni son nom de famille ni son prénom.

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé par la suite ? Est-ce que vous

  9   êtes resté sur place ? Est-ce que vos collègues sont restés sur place ?

 10   R.  A qui pensez-vous ? Vous voulez me demander si oui ou non mes collègues

 11   ont été envoyés ailleurs, ou s'ils sont restés dans la cour intérieure, ou

 12   quoi ?

 13   Q.  Bien. Quand vous êtes sorti dans la cour et que vous avez vu cet homme

 14   qui avait été abattu, dites-nous ce qui s'est passé à partir du moment où

 15   vous êtes arrivé et que vous avez vu ce que vous avez vu.

 16   R.  A peu près dix minutes plus tard, Radovan Tanovic et Sladjan Cukaric et

 17   Miroslav Petkovic, qui étaient réservistes, sont simplement partis. Ils ont

 18   quitté les lieux et se sont rendus en direction de la rue Cara Dushana. Je

 19   ne me souviens pas exactement dans quelle direction ils se sont rendus, que

 20   ce soit Recani, Pecane ou Prizren éventuellement. Je ne me souviens pas.

 21   Q.  Et après qu'ils soient partis, est-ce que vous avez entendu des bruits

 22   qui vous donnaient l'impression que quelque chose se passait à Suva Reka,

 23   dans la ville de Suva Reka ?

 24   R.  Après l'assassinat de Petrit Elshani, je me trouvais donc dans la cour

 25   du poste de police. Ensuite, je suis rentré. Je me suis assis dans la salle

 26   de permanence, après avoir vu mes trois collègues quitter les lieux. Au

 27   bout d'une dizaine de minutes, tout près, j'ai pu entendre des tirs

 28   provenant d'un fusil automatique. Cela semblait provenir de la direction de

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  1   Pecane. J'ai voulu sortir pour voir depuis quelle maison ces tirs avaient

  2   été effectués. Il m'a semblé que peut-être on était en train de tuer une

  3   famille.

  4   J'étais dehors sur le trottoir dans la rue Cara Dushana, c'est-à-dire

  5   la rue qui est immédiatement à l'extérieur de la cour du poste de police de

  6   Suva Reka, là où il y avait toujours garé le véhicule d'intervention et de

  7   patrouille. J'ai donc vu une maison qui se trouvait à environ 100 mètres du

  8   poste de police de Suva Reva, qui était en feu. Je voyais des gens qui

  9   s'échappaient en courant de cette maison. Certaines de ces personnes

 10   tombaient mortes et en même temps, j'entendais ces tirs de fusil

 11   automatique.

 12   Ceux qui n'ont pas été touchés ont traversé la Restanski Put et sont

 13   rentrés dans la cour de la gare routière qui fonctionnait toujours. Dans

 14   cette cour, il y a également un centre commercial, et je pensais que

 15   certains d'entre eux essayaient de se mettre à l'abri dans les boutiques.

 16   Devant le poste de police il y avait un véhicule, mais je ne me souviens

 17   pas le type de plaque d'immatriculation qu'elle portait, qui était arrivé

 18   depuis la direction de Prizren. J'ai vu certaines personnes dans la cour de

 19   cette maison, peut-être cinq ou six personnes en tout. Elles étaient toutes

 20   mortes. Bien que j'observais ceci depuis une distance d'à peu près 100

 21   mètres, je le voyais quand même clairement.

 22   Je ne me souviens pas qui me l'a dit, mais on m'a dit de commencer à

 23   charger les cadavres. Cela semblait logique, il fallait que ces personnes

 24   soient enterrées, autrement il pourrait y avoir des contaminations, risque

 25   sanitaire. On m'a dit de toute façon d'aller charger ces cadavres. J'ai

 26   pris mon fusil automatique qui était dans le bureau administratif, j'ai

 27   pris mon arme blanche, mon arme à poing. Je ne me souviens pas si je

 28   l'avais déjà ou si je l'ai pris en même temps que le fusil, mais en tout

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  1   cas je suis sorti avec les deux réservistes (expurgé)

  2   (expurgé) Nous avons pris en charge

  3   les cadavres. Nous avons commencé par l'homme qui était dans la cour.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait passer à huis clos

  6   partiel, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  9   [Audience à huis clos partiel]

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  1  (expurgé)

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  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp.

  5   M. STAMP : [interprétation] Merci.

  6   Q.  Puisque nous avons fait une petite pause ici, Monsieur Veljkovic, je

  7   vais vous demander un certain nombre de détails concernant le récit que

  8   vous venez de nous donner. Vous étiez au point où vous étiez avec les

  9   réservistes pour commencer à ramasser les cadavres. Vous avez dit que les

 10   tirs que vous avez entendus alors que vous étiez dans le poste de police

 11   provenaient d'armes automatiques qui provenaient de la direction de Pecane.

 12   Où se trouve Pecane ?

 13   R.  Pecane se trouve à environ 3 ou 4 kilomètres du territoire de Suva

 14   Reka. Lorsque je donnais les explications quant à ce qui est arrivé, je

 15   voulais indiquer la direction des deux des villages les plus proches, c'est

 16   pour cela que j'ai parlé de Pecane même si ce n'est pas très proche de Suva

 17   Reka, mais pas non plus très loin. Cela faisait partie du territoire de

 18   compétence du poste de police.

 19   Q.  Lorsque vous dites venant de la direction de Pecane, quelle distance

 20   peut-on estimer que ces tirs se sont produits ?

 21   R.  Comme je vous l'ai dit, tout d'abord je me trouvais dans le bâtiment

 22   quand j'ai entendu ces tirs. Quand je suis sorti, on continuait de pouvoir

 23   entendre ces tirs, même davantage, et quand j'ai vu ces personnes

 24   s'écrouler, se faire assassiner et la maison qui était en feu, bien, à ce

 25   moment-là, je me suis dit qu'une famille albanaise se faisait trucider.

 26   Q.  Pouviez-vous voir qui était à l'origine de ces tirs, qui tirait quand

 27   vous êtes sorti du poste ?

 28   R.  Non, je ne pouvais pas le voir. Je ne pouvais qu'entendre ces tirs mais

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  1   pas les personnes qui en étaient à l'origine.

  2   Q.  Quand vous avez dit que vous voyiez des gens s'échapper de la maison.

  3   Est-ce que vous pouvez nous décrire ces personnes ? Leur genre, leur âge,

  4   s'agissait-il de civils, de militaires, et cetera ? Qu'est-ce qu'ils

  5   portaient comme habit ?

  6   R.  Quand je suis arrivé, j'ai vu qu'il s'agissait exclusivement de civils,

  7   pas de militaires, et ils ne portaient pas d'armes.

  8   Q.  Et leur âge à peu près et leur sexe ?

  9   R.  Je vais vous dire la chose suivante : de là où je me trouvais, c'était

 10   difficile de déterminer leur âge ni leur sexe, mais quand je me suis rendu

 11   à la pizzeria, là où ils ont été tués, j'ai vu qu'il y avait également des

 12   enfants de 5 ou 6 ans, même certains de 12 ou 15 ans. Il y avait aussi bien

 13   des hommes et des femmes. En tout cas, il s'agissait surtout de femmes et

 14   d'enfants.

 15   Q.  Quel était l'appartenance ethnique de ces personnes ?

 16   R.  Il s'agissait d'Albanais. J'ai appris plus tard que c'était la famille

 17   albanaise portant le nom de Berisha.

 18   Q.  Vous nous avez dit que vous ne vous souvenez pas de qui vous a donné

 19   l'ordre de ramasser les cadavres. Où vous trouviez-vous au moment où vous

 20   avez reçu cette instruction selon laquelle il fallait ramasser les cadavres

 21   ?

 22   R.  Je ne me souviens pas exactement, mais il me semble que je me trouvais

 23   juste à l'extérieur du poste de police de Suva Reka.

 24   Q.  Vous avez dit qu'il y avait un camion qui est arrivé de la direction de

 25   Prizren, il me semble que vous avez dit cela. Est-ce que vous avez utilisé

 26   ce camion pour ramasser les cadavres ?

 27   R.  Oui. Tout d'abord, Petrit Elshani a été chargé, ensuite avec mes deux

 28   collègues je me suis rendu dans la direction de la maison de la famille

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  1   Berisha pour charger les cadavres. Je ne me souviens pas qui était le

  2   chauffeur. Il ne me semble pas qu'il était originaire de Suva Reka. Tous

  3   les trois on a suivi le camion à pied qui se déplaçait lentement, puis

  4   quand on s'est trouvés à côté des cadavres, bien, tout simplement, nous les

  5   avons chargés dans la remorque de ce camion.

  6   Q.  Combien de cadavres vous avez trouvés devant la maison ?

  7   R.  Je ne me souviens pas précisément, bien que j'en aie parlé à l'époque

  8   où mes collègues ont témoigné dans cette affaire également. J'utilise

  9   également des informations que j'ai entendues à la télévision serbe. Il me

 10   semble qu'il y en avait cinq ou six, et il me semble que mes collègues

 11   l'ont bien confirmé.

 12   Q.  Très bien. Maintenant, je voudrais que tout soit parfaitement clair.

 13   Est-ce que vous pouvez faire une distinction tout à fait nette entre

 14   quelque chose que vous avez découvert qu'on vous a dit et quelque chose que

 15   vous avez vu vous-même avec vos propres yeux.

 16   Après avoir chargé ces cadavres qui se trouvaient devant la maison

 17   des Berisha, où est-ce que vous vous êtes rendus immédiatement après et

 18   qu'est-ce que vous avez fait ?

 19   R.  Nous nous sommes rendus en direction -- on passe deux villages quand on

 20   emprunte cette route : à droite on va vers Pecane, mais si on continue tout

 21   droit on arrive à Studencani. Nous, nous avons emprunté la route qui va

 22   vers Studencani. A ce moment-là, il était inconcevable d'atteindre

 23   Studencani et encore moins rentrer dedans. Mais en tout cas, à un moment

 24   donné sur cette route, le chauffeur a fait demi-tour avec le camion et nous

 25   sommes revenus au poste de police de Suva Reka.

 26   Alors que nous étions encore en train d'aller vers Studencani, j'ai entendu

 27   une grenade exploser. Je ne sais pas de quel type de grenade il s'agissait,

 28   je ne suis pas expert en la matière. Ce bruit provenait de la direction de

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  1   Restanksi Put, dans la zone de la cave coopérative vinicole de Metohija et

  2   là où se trouve la municipalité de même que le secrétariat de la Défense.

  3   Après la détonation --

  4   Q.  Alors que vous étiez en train de vous rendre en direction de l'endroit

  5   où le camion a fait demi-tour, est-ce que vous-même et vos deux collègues

  6   vous avez fait quelque chose ? Qu'est-ce que vous faisiez alors que vous

  7   vous déplaciez dans ce camion ?

  8   R.  Nous avons ramassé ces cinq ou six cadavres, ensuite nous sommes partis

  9   en direction de Studencani. Savoir si oui ou non il y avait d'autres

 10   cadavres plus loin dans la rue et plus éloignés de la maison, ça je ne peux

 11   pas m'en souvenir. Peut-être qu'il y avait effectivement des cadavres qui

 12   avaient déjà été tués auparavant, mais je ne peux rien dire de précis à ce

 13   propos. Donc nous avons emprunté cette route jusqu'à un certain point, mais

 14   ensuite nous avons fait demi-tour. Je vous dis qu'il y avait cinq ou six

 15   cadavres dans le camion que nous avions nous-mêmes chargés dans ce camion.

 16   Q.  Est-ce que vous savez qui était à l'origine de l'organisation de la

 17   mise à disposition de ce camion ?

 18   R.  Je ne m'en souviens pas. En fait, je ne sais pas. La réalité c'est que

 19   je ne le sais pas.

 20   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé quand vous êtes revenu au poste de police ?

 21   R.  Je suis simplement revenu en direction du poste de police au moment où

 22   j'ai entendu cette explosion qui s'est produite aux environs de la cave

 23   vinicole de Metohija. J'ai également entendu des tirs de fusils

 24   automatiques. Ensuite, je me suis rendu dans la direction d'où provenaient

 25   ces tirs, car j'ai pensé que les personnes qui s'étaient échappées de la

 26   maison voulaient sans doute se cacher dans une boutique. Ils l'ont fait,

 27   mais cela ne les a pas mis en sécurité. Je suis allé voir où ils se sont

 28   fait tuer en espérant toutefois de trouver des survivants.

Page 7052

  1   J'ai emprunté la rue Cara Dushana avec mes deux collègues - et je suis

  2   désolé d'avoir donné le nom d'un d'entre eux, personne ne m'a dit qu'il

  3   s'agissait de témoin protégé - donc je me rendais dans cette direction pour

  4   voir si les gens avaient été tués et s'il fallait charger d'autres cadavres

  5   dans le camion. Quand j'étais à 30 ou 40 mètres de là, à côté du poste

  6   d'essence, j'ai vu un certain nombre de personnes. Je ne me souviens pas de

  7   qui il s'agissait, mais je me suis rendu compte que les membres de la

  8   famille avaient été également tués dans l'une des boutiques.

  9   Quand je me suis approché du restaurant de pizza, je crois que ce

 10   restaurant avait été ouvert deux ou trois années avant, c'était à peu près

 11   à 10 mètres de l'artère principale, la rue Cara Dushana. Je me suis

 12   approché, j'ai vu des personnes, et je ne vais vous parler que de ceux dont

 13   je suis certain. Tanovic, Cukaric et Petkovic qui étaient debout à côté de

 14   la porte de la pizza. Quand je les ai vus, je me suis rendu compte que ces

 15   personnes avaient été tuées.

 16   Je me suis rapproché de la porte et j'ai vu des cadavres. A partir de

 17   l'endroit où j'étais, je voyais qu'il s'agissait surtout de femmes,

 18   d'enfants et quelques hommes. C'est tout. Ensuite, bien entendu, on a

 19   simplement commencé à les charger dans le camion.

 20   Q.  [aucune interprétation]

 21   R.  Oui, ils étaient morts. Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous

 22   plaît ?

 23   Q.  Lorsque vous avez vu ces personnes dans la pizzeria, vous avez dit :

 24   "Lorsque je me suis rendu compte qu'ils étaient morts, j'ai vu donc des

 25   morts."

 26   Je voulais savoir si tous les corps que vous avez vus dans la pizzeria, si

 27   toutes ces personnes étaient mortes lorsque vous êtes rentré dans la

 28   pizzeria ?

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  1   R.  Ma première impression c'est qu'il s'agissait de corps, qu'ils étaient

  2   morts. A mon avis, ils étaient morts. Maintenant, dans la réalité, s'ils

  3   étaient tous vraiment morts, je ne me souviens pas. A mon avis, ils étaient

  4   morts.

  5   Q.  Donc vous avez chargé les corps. Au moment où vous les avez chargés,

  6   est-ce qu'il y a quelqu'un qui a dit quelque chose, est-ce qu'un de ces

  7   corps vous a paru encore en vie ?

  8   R.  Personne n'a rien dit, il n'y a pas eu de mots prononcés.

  9   Q.  Est-ce que vous vous souvenez s'il y avait des Albanais dans cette

 10   pizzeria dont vous pensiez qu'ils étaient morts et qui auraient dit quelque

 11   chose ou qui auraient bougé ?

 12   R.  Lorsque j'ai commencé à charger les corps dans le camion, je ne me

 13   souviens pas précisément de combien de temps est passé, mais il y avait une

 14   femme qui gisait près de la porte. Au cours de ma première interview à

 15   Belgrade fin 2003, on m'a dit qu'elle était blessée.

 16   Q.  Dites-nous pour l'instant exactement ce que vous avez vu ce jour-là, ou

 17   entendu ce jour-là alors que vous étiez dans la pizzeria ?

 18   R.  J'avais chargé quelques corps. Il y avait une femme près de la porte.

 19   Je croyais qu'elle était morte. Elle avait peut-être 65, 70 ans. Elle

 20   portait le pantalon de style albanais. Elle a dit quelque chose en

 21   albanais. Je ne parle pas albanais. Elle a allongé le bras, et j'ai vu que

 22   l'un de ses deux bras, je ne me souviens pas duquel -- donc, elle était

 23   blessée au niveau du bras. Elle m'a dit quelque chose, ce qui m'a pris de

 24   court, ça m'a surpris. J'avais un fusil ainsi qu'une arme de poing, un

 25   pistolet. J'avais laissé le fusil près de la porte. Comme je vous l'ai dit,

 26   j'étais surpris lorsqu'elle s'est adressée à moi. J'ai pris mon fusil et

 27   j'ai dit : elle est vivante. A ce moment, un de mes collègues est rentré

 28   dans la pizzeria, a tiré et a tué cette femme.

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  1   Cette femme était légèrement blessée à ce moment-là. Elle aurait survécu,

  2   mais elle a donc été tuée. On lui a tiré dessus. Je ne peux pas dire qui

  3   lui a tiré dessus, qui l'a, pour ainsi dire exécutée à l'intérieur de la

  4   pizzeria. J'ai continué à charger les corps.

  5   Q.  Qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous ne pouvez pas dire qui a tiré ?

  6   Vous ne vous souvenez pas, ou vous n'avez pas pu voir qui avait tiré ? Est-

  7   ce que vous voulez que nous passions à huis clos pour voir si à ce moment-

  8   là vous pouvez dire qui a tiré ?

  9   R.  Je ne peux pas vraiment dire. Je ne peux pas dire qui a tiré. Je ne me

 10   souviens pas.

 11   Q.  Avez-vous reconnu certaines des personnes qui gisaient sur le sol de la

 12   pizzeria ?

 13   R.  Lorsque cette femme a été tuée par balle, j'ai continué à charger les

 14   corps. Après un certain temps, je ne peux pas dire précisément après

 15   combien de temps, j'ai aperçu un homme que je connaissais. Il avait 35 à 40

 16   ans. Il était vêtu de noir. Il était foncé de peau. Il avait la peau matte.

 17   Il avait les cheveux noirs. Il faisait à peu près 6 pieds de haut, 1 mètre

 18   45, 80 kilos à peu près. Je sais qu'il était chauffeur de bus, et il a dit

 19   tout simplement -- enfin, je l'ai vu se lever, et il a dit, Vous avez tué

 20   toute ma famille. Epargnez-moi au moins.

 21   J'ai encore une fois quitté la salle. Quelqu'un d'autre est rentré, a tiré

 22   une balle, a tué cet homme. Je ne me souviens pas qui a tiré.

 23   Q.  Avez-vous chargé les corps de la pizzeria sur le même camion que vous

 24   avez emprunté pour emprunter la Restanski Put, cette rue, ou est-ce qu'il y

 25   avait un autre camion ?

 26   R.  Je pense que nous avons chargé tous les corps sur le même camion que

 27   celui sur lequel nous avions chargé les corps de la rue Restanski Put. Je

 28   ne crois pas qu'un autre camion soit arrivé.

Page 7056

  1   Q.  Ce chargement des corps, les corps de la pizzeria, ce chargement était-

  2   il surveillé, supervisé par quelqu'un ?

  3   R.  Laissez-moi vous dire quelque chose. Il y avait des gens de la

  4   compagnie d'électricité ou de l'eau de Suva Reka. Ensuite, je pense que le

  5   Dr Boban Vuksanovic est arrivé, directeur du centre médical. Il n'était pas

  6   encore là au moment où je suis arrivé, mais il est arrivé après et ils ont

  7   aidé à charger les corps.

  8   C'est là que je me suis rendu compte que c'était un incident vraiment

  9   horrible. Je ne sais pas combien de corps il y avait. Je me suis simplement

 10   rendu dans la cour du poste de police. Je ne voulais plus charger de corps.

 11   Je crois que des gens de la compagnie d'eau ou d'électricité, "public

 12   utilities company", sont arrivés pour charger les corps. Il était difficile

 13   d'arriver jusqu'à Pristina, parce qu'il y avait des attaques terroristes de

 14   tous les côtés.

 15   Q.  Je ne vous demande pas le nombre précis de corps dans la pizzeria, mais

 16   est-ce que vous pouvez nous donner un chiffre approximatif du nombre de

 17   corps que vous avez vus à la pizzeria ?

 18   R.  Laissez-moi vous dire, lors des interviews, et j'en ai eu plusieurs, et

 19   lorsque j'ai fait ma déclaration devant le procureur général adjoint --

 20   Q.  Non, dites-moi simplement ce dont vous vous souvenez. Nous verrons si

 21   nous avons besoin que vous vous rafraîchissez la mémoire. Pour l'instant,

 22   approximativement, combien de corps avez-vous vus gisant par terre à la

 23   pizzeria ?

 24   R.  Je me trompe peut-être, mais il y avait peut-être une centaine de

 25   personnes.

 26   Q.  Mais dans la pizzeria précisément. Un peu plus précisément.

 27   R.  Oui, à peu près ce nombre-là, entre 90 et 100. C'est mon estimation

 28   personnelle.

Page 7057

  1   Q.  Pouvons-nous voir une photo aérienne de la zone. Nous n'allons pas

  2   reprendre tous les détails que vous avez cités, Monsieur. Mais si nous

  3   pouvons voir cette photo pour voir deux ou trois endroits plus précis.

  4   M. STAMP : [interprétation] C'est l'élément 50 -- 05337.07 [comme

  5   interprété]. C'est un 65 ter.

  6   Q.  C'est une carte, une carte --

  7   M. STAMP : [interprétation] C'est une carte annotée par le témoin. Je ne

  8   sais pas, peut-être faudrait-il commencer avec une carte sans annotation.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, ce serait mieux de commencer à

 10   partir d'une carte sans annotation.

 11   M. STAMP : [interprétation] Bien. Alors remplacez cela avec la pièce D13.

 12   Merci.

 13   Q.  Alors, pouvez-vous, si on vous apporte un crayon ou un feutre, entourer

 14   les bâtiments du SUP et de l'OUP -- le SUP et l'OUP, si vous pouvez les

 15   entourer, s'il vous plaît. Pouvez-vous le faire ? Est-ce que vous les

 16   voyez, ces bâtiments ?

 17   R.  Le SUP et l'OUP, c'est la même chose. Donc j'identifie ce bâtiment. Et

 18   le poste de police principal ainsi que les autres bâtiments de ce complexe.

 19   Vous souhaitez que j'indique le bâtiment principal ou aussi les dépendances

 20   ?

 21   Q.  Bâtiment principal.

 22   R.  [Le témoin s'exécute] 

 23   Q.  Merci. Pouvez-vous mettre un chiffre 1 à l'endroit où vous vous situiez

 24   au moment où vous avez pour la première fois vu les corps s'enfuyant de la

 25   maison pour trouver refuge ailleurs ? Donc où vous trouviez-vous lorsque

 26   vous avez pour la première fois vu ces civils s'enfuir ?

 27   R.  Vous voulez que j'y indique un numéro 1 ?

 28   Q.  Affirmatif.

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  1   R.  [Le témoin s'exécute] 

  2   Q.  Pouvez-vous indiquer un numéro 2, un chiffre 2 juste devant la maison

  3   d'où s'enfuyaient ces personnes ?

  4   R.  C'était à peu près ici, je l'ai marqué; donc c'est un chiffre 2.

  5   Q.  Où se trouve la maison ? C'est laquelle la maison ? Si vous pouvez

  6   mettre un X sur la maison elle-même.

  7   R.  [Le témoin s'exécute] 

  8   Q.  Pouvez-vous simplement mettre les initiales RS pour identifier la rue

  9   Restanksi Put. RS, les initiales ou sigle RS sur cette rue. Ou alors, je me

 10   corrige : où se trouve cette rue par rapport au numéro 2 que vous avez

 11   indiqué sur cette photo ?

 12   R.  Elle se trouve dans cette zone entre toutes ces maisons et l'arrêt de

 13   bus. Les véhicules que vous voyez là, ceux qui sont garés, c'est Restanksi

 14   Put, ils sont sur Restanksi Put. Et là, vous avez le panneau, c'est le

 15   carrefour qui marque le départ de Restanksi Put.

 16   Q.  Là où vous avez inscrit le 2 d'où les personnes s'enfuyaient, ça, c'est

 17   sur la Restanksi Put ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pouvez-vous indiquer une flèche sur cette rue qui indiquera la

 20   direction que vous avez prise sur cette rue après avoir chargé les cinq

 21   corps ? Une flèche le long de la Restanksi Put qui indiquera la direction

 22   que vous avez prise avec le camion.

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Et où, si vous pouvez nous le dire, avez-vous recueilli, collecté ces

 25   cinq corps ?

 26   R.  A l'endroit où j'ai indiqué le chiffre 2, à peu près. Mais les corps

 27   n'étaient pas sur la route elle-même, dans la rue, mais peut-être à 5 ou 6

 28   mètres du bord. Je ne sais pas si c'était sur le terrain de la famille

Page 7059

  1   Berisha ou un lotissement public, je ne le sais pas, je ne me souviens

  2   plus.

  3   Q.  Quelle distance avez-vous parcouru sur la Restanksi Put avant de

  4   revenir en arrière, de faire demi-tour ?

  5   R.  Je crois que nous nous sommes restés dans le véhicule pendant, à peu

  6   près, 15 minutes. Nous avons fait 15 minutes de route.

  7   Q.  Quelle est la distance à peu près, de façon approximative ? Je

  8   comprends qu'on ne peut pas estimer une distance exacte. A peu près combien

  9   de mètres ou de kilomètres avez-vous roulé, pensez-vous, jusqu'au moment où

 10   vous avez fait demi-tour ?

 11   R.  A peu près 1 kilomètre, 1,5 kilomètres.

 12   Q.  Pendant que vous rouliez jusqu'au carrefour, là où vous avez fait demi-

 13   tour, pendant ce temps-là, est-ce que vous avez vu quelque chose ou des

 14   gens sur la route ?

 15   R.  Non. Vous me demandez si j'ai vu des gens vivants ou, Dieu m'en

 16   préserve, des corps ?

 17   Q.  Des personnes vivantes ou mortes, un peu plus loin sur la Restanksi Put

 18   ?

 19   R.  Je ne crois pas. Je ne crois pas avoir vu, mais je ne peux pas le dire

 20   avec précision. Je ne crois pas.

 21   Q.  Vous rouliez donc sur la Restanksi Put, vous aviez chargé les cinq

 22   corps dans le camion. Etiez-vous dans le camion ou est-ce que vous marchiez

 23   derrière le camion, comme vous l'avez indiqué précédemment ?

 24   R.  En quittant le village et en revenant, dans les deux sens, j'ai marché.

 25   Q.  Sur le chemin du retour, est-ce que vous avez chargé autre chose dans

 26   le camion, vous ou vos collègues ?

 27   R.  Au retour, non. Je peux dire avec certitude que je n'ai rien chargé au

 28   retour.

Page 7060

  1   Q.  Lorsque vous êtes retourné au poste de police avec le camion, combien

  2   de corps se trouvaient dans le camion ?

  3   R.  J'étais certain que ces corps n'étaient que ceux des personnes

  4   provenant de l'endroit que j'ai identifié par le numéro 2. Lorsque nous

  5   avons fait demi-tour et que nous sommes revenus, j'ai continué dans cette

  6   direction, je me suis rendu dans cette direction. Je ne suis pas entré dans

  7   le bâtiment de l'OUP, je suis allé à la pizzeria derrière, je l'ai déjà

  8   expliqué.

  9   Après cela, alors qu'il restait quelques corps, je me suis rendu au

 10   poste de police moi-même et d'autres hommes sont restés en arrière pour

 11   charger les corps restant. Ils se sont rendus à Prizren et ainsi de suite.

 12   Q.  Vous disiez que sur le chemin du retour avec le camion sur la Restanksi

 13   Put, vous aviez entendu une explosion d'une grenade, vous aviez

 14   l'impression qu'elle venait de la cave vinicole, la Metohija Vino. Est-ce

 15   qu'on voit l'entrepôt de la Metohija Vino sur cette photo aérienne, si on

 16   peut les voir, est-ce que vous pouvez l'indiquer par un numéro 3 ?

 17   R.  Oui, on peut la voir sur cette photo aérienne, on peut les voir, et

 18   j'indique ces entrepôts par un numéro 3.

 19   Q.  Et pouvez-vous indiquer le lieu où se trouve la pizzeria avec un petit

 20   numéro 4. D'abord, rappelez-vous où elle se trouve et ensuite indiquez-la à

 21   l'aide du chiffre 4.

 22   R.  Ici.

 23   Q.  Quel est ce bâtiment, vous l'avez marqué, on dirait un M en fait que

 24   vous avez indiqué ?

 25   R.  C'est ce bâtiment vert, ici je vois aussi la pompe à essence, la

 26   station à essence, ici on a le bâtiment près de la station à essence où

 27   travaillait un employé, donc vous voyez qu'il y a une distance de 15 mètres

 28   à peu près entre les deux. Le premier café sur la droit sur la rue Cara

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  1   Dushana, voilà donc la pizzeria, il y a aussi l'arrêt de car ou de bus et

  2   un certain nombre de petites entreprises dont je ne connais pas le nom des

  3   propriétaires. Donc c'est cela que j'ai indiqué, je me rends compte que ça

  4   ressemble à un M oui, mais c'est un 4.

  5   Q.  Le bâtiment vert, c'est lequel ?

  6   R.  Je crois que la pizzeria, la pizzeria où les gens ont été tués, je

  7   crois que c'est ce bâtiment-là. Si les Berisha en étaient propriétaires ou

  8   non, je ne le sais pas.

  9   Q.  Vous avez parlé du premier café sur la droite d'une rue, quelle est

 10   cette rue ?

 11   R.  Le café se trouvait sur la rue Cara Dushana sur la droite en provenant

 12   de Suva Reka en allant vers Prizren. En venant de Prizren vers Suva Reka,

 13   c'est sur la gauche.

 14   Q.  C'était dans ce café ?

 15   R.  Cet endroit, ce local, c'était un café, il y avait des chaises, un bar.

 16   Ce n'était pas grand, ce n'était pas un grand café. 20 à 30 mètres carrés,

 17   pas plus.

 18   Q.  Ce café c'est la même chose que la pizzeria ou bien où se trouve-t-il

 19   par rapport à la pizzeria ?

 20   R.  C'est la même chose. C'est un seul et même local. Je l'appelle tour à

 21   tour la pizzeria ou le café et en tout cas c'est un local de restauration.

 22   C'est ce local de restauration dont je parle.

 23   Q.  Pouvez-vous indiquer un numéro 5, car je ne suis pas sûr si je

 24   comprends bien, un numéro 5 sur le bâtiment où se trouve ce café sur la rue

 25   Cara Dushana sur la droite ?

 26   R.  [Le témoin s'exécute] 

 27   Q.  Donc je note que vous avez inscrit le numéro 5 par-dessus le numéro 4.

 28   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

Page 7062

  1   me demandais si le moment était peut-être bien choisi pour faire la pause.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc nous allons faire la première

  3   pause dès maintenant.

  4   Cette pièce à conviction doit être versée au dossier.

  5   M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Messieurs les

  6   Juges.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons procéder au versement au

  8   dossier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

 10   portant la cote P01070, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Comme je vous le disais, nous allons

 12   faire notre première pause et nous reprendrons l'audience à 11 heures.

 13   L'huissier va vous accompagner au cours de la pause.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 16   --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

 17   [Le témoin vient à la barre]

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp.

 19   M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 20   Juges.

 21   Q.  Exception faite des personnes qui ont été tuées ce jour-là, pourriez-

 22   vous nous dire ce qui est arrivé aux autres Albanais qui vivaient à Suva

 23   Reka ce jour-là ?

 24   R.  Lorsque je suis revenu de la pizzeria, quelqu'un m'a dit qu'on avait

 25   donné l'ordre - c'était des personnes compétentes au ministère à Belgrade

 26   qui avaient donné cet ordre - on avait donné l'ordre de mettre fin aux

 27   tueries, et les Albanais devaient être informés du fait qu'il fallait

 28   qu'ils quittent le territoire de Suva Reka dans la demi-heure, et que dans

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  1   le cas contraire, ils connaîtraient le même sort que la famille Berisha.

  2   Lorsque j'ai entendu cela, j'étais dans les locaux du poste de police

  3   de Suva Reka, au moment où le téléphone a sonné, le téléphone fixe du

  4   service de garde, et une femme albanaise était à l'autre bout du fil. Je ne

  5   peux pas répéter textuellement ce qu'elle m'a dit, mais elle m'a posé la

  6   question. Elle m'a dit, Qu'est-ce que c'est que toute cette histoire ? On

  7   nous dit qu'il faut que nous partions. Je lui ai dit qu'effectivement, il

  8   fallait qu'ils partent. Et elle m'a dit, Mais où devons-nous aller ? Je lui

  9   ai dit, En Albanie. Elle m'a demandé ce qu'ils allaient faire en Albanie,

 10   et moi, je n'avais pas envie de poursuivre cette conversation. J'ai

 11   simplement dit, Allez en Albanie. Il faut que vous partiez, parce que sinon

 12   vous connaîtrez le même sort que les autres.

 13   Les gens qui étaient à proximité avaient entendu des coups de feu

 14   dans le complexe de la famille Berisha, et tout le monde savait ce qui

 15   s'était passé. Et ensuite j'ai raccroché, et au bout d'une demi-heure, on a

 16   vu une masse de personnes de la communauté albanaise partir à bord de

 17   véhicules et ils se sont tous rendus vers Prizren, puis vers l'Albanie.

 18   Et à ce moment-là, il n'y avait plus eu de tueries. Les gens sont

 19   simplement partis. Nous avons repris notre travail. Deux ou trois jours

 20   plus tard, nous avons abandonné le poste de police de Suva Reka et nous

 21   nous sommes rendus dans d'autres emplacements. Les bombardements ont cessé,

 22   et nous sommes partis du Kosovo où nous ne sommes jamais retournés. Nous ne

 23   sommes jamais retournés au poste de police.

 24   Q.  Merci. Vous avez dit qu'on avait donné l'ordre aux Albanais du Kosovo

 25   de partir. L'ordre a-t-il été donné par un policier ou par un civil ?

 26   R.  Il m'est impossible de vous le dire. Il me semble que c'est un de mes

 27   collègues de travail qui me l'a dit, mais je n'en suis pas sûr.

 28   Q.  Où étiez-vous au moment où vous l'avez entendu dire ?

Page 7064

  1   R.  Bien, comme je vous l'ai dit, j'étais dans les locaux du poste de

  2   police.

  3   Q.  Les maisons des Albanais du Kosovo dans la zone de Suva Reka, comment

  4   étaient-elles -- ou plutôt, qu'en a-t-on fait ? Est-ce qu'on a fait quelque

  5   chose à ces maisons ou à certaines d'entre elles ?

  6    R.  Le long de la route Restanksi Put, je sais que certaines des maisons

  7   albanaises avaient été incendiées. Celles qui étaient derrière le poste de

  8   police, en revanche, n'ont pas été incendiées. Les gens embarquaient leurs

  9   effets personnels et partaient. Maintenant, je ne sais pas si par la suite

 10   leurs maisons ont été pillées ou pas.

 11   Q.  Pour ce qui est des tueries de ce jour-là, savez-vous si une enquête a

 12   été menée à propos de ces faits à ce moment-là ?

 13   R.  Je ne peux pas vous le dire, je n'ai pas entendu parler d'une enquête.

 14   Mes collègues ne m'en ont pas parlé. Pour ce qui est du reste, je n'en sais

 15   rien.

 16   Q.  Monsieur Veljkovic, vous ne vous souvenez pas précisément de ce que

 17   vous avait dit de faire le commandant du poste M. Repanovic. Et je me

 18   demandais si les Juges de la Chambre pouvaient m'autoriser à vous rappeler

 19   les propos que vous avez tenus précédemment, et je souhaiterais savoir si

 20   cela rafraîchira votre mémoire quant aux propos tenus par M. Repanovic. 

 21   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je effectivement

 22   citer un élément de sa déclaration et lui demander s'il s'en souvient ?

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il serait opportun de montrer au

 24   témoin la déclaration écrite et de lui donner l'occasion d'en faire

 25   lecture.

 26   M. STAMP : [interprétation] Très bien.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais avant d'en arriver là, je donne

 28   la parole à M. Djurdjic.

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  1   M. DJURDJIC : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président. Tout

  2   d'abord, je crois qu'il faudrait dire au témoin ce qu'entend faire M. Stamp

  3   et ne lui montrer les documents que par la suite. M. Stamp fait référence

  4   au fait qu'on ne sait pas quel est l'ordre qui avait été intimé par le

  5   commandant Repanovic. Il faudrait tout d'abord dire quelle est la position

  6   de M. Stamp au témoin, ensuite lui montrer sa déclaration le cas échéant.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les Juges de la Chambre estiment que

  9   l'on doit donner au témoin la possibilité de lire le passage pertinent de

 10   sa déclaration afin de voir si cela rafraîchit sa mémoire ou pas.

 11   M. STAMP : [interprétation] Je demanderais à l'huissier de bien vouloir

 12   m'apporter son aide. Peut-on remettre au témoin un exemplaire de sa

 13   déclaration préalable signée avec traduction en serbe.

 14   Q.  Monsieur Veljkovic, toutes mes excuses. Je vais essayer de ne pas

 15   feuilleter le document devant le micro. Pourriez-vous examiner la

 16   déclaration écrite signée, vous en avez un exemplaire signé sous les yeux,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  C'est bien là votre signature, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui. Le document est signé sur chaque page de ma main. Ça je ne peux

 21   pas le nier.

 22   Q.  Pourriez-vous examiner la traduction B/C/S -- pardon, en serbe.

 23   Pourriez-vous me regarder. J'examine le paragraphe 16. Paragraphe 15. Et je

 24   vais faire lecture du premier paragraphe.

 25   R.  La partie qui est surlignée ?

 26   Q.  Pourriez-vous lire l'ensemble du paragraphe 15, s'il vous plaît.

 27   Veuillez le lire.

 28   R.  "Quelque temps après, j'étais à l'intérieur du poste de police lorsque

Page 7066

  1   j'ai entendu dire que le commandant Repanovic s'adressait à un groupe

  2   d'agents de police dans une petite pièce. J'ai vu que les personnes

  3   suivantes étaient présentes : le chef d'équipe Milan Gogic; Sladjan

  4   Cukaric; Radovan Tanovic; le réserviste Ivica Novakovic; Ramiz Papic; et

  5   d'autres réservistes dont les noms m'échappent. L'adjoint au commandant

  6   n'était pas présent, il était sur le terrain. L'assistant Jovanovic n'était

  7   pas présent, et Vitosevic était dans le bâtiment, mais dans son propre

  8   bureau. Repanovic a dit aux hommes qui étaient présents dans cette pièce

  9   qu'il fallait qu'ils se rendent de maison en maison pour tuer les civils

 10   albanais. Il n'a pas dit pourquoi il fallait faire cela et il n'a pas

 11   précisé quels étaient les individus qu'il fallait tuer. Il a simplement dit

 12   qu'il fallait tous les tuer. Repanovic m'a intimé l'ordre de les

 13   accompagner et de participer à la tuerie mais j'ai refusé. Repanovic n'a

 14   rien dit lorsque j'ai refusé de suivre l'ordre."

 15   Est-ce que c'est bien là le paragraphe que vous souhaitiez que je lise ?

 16   Q.  Oui.

 17   R.  C'était le quinzième paragraphe. Permettez-moi de vous dire ceci.

 18   Q.  Mais avant que vous ne le fassiez, permettez-moi de vous poser la

 19   question suivante : vous vous souvenez, oui ou non, que c'est ce qui s'est

 20   passé au poste de police ce matin-là ?

 21   R.  Je vais vous expliquer une ou deux choses, après c'est à vous qu'il

 22   appartiendra de décider si vous l'acceptez ou pas, compte tenu du fait que

 23   j'ai signé chacune des pages de cette déclaration écrite que j'ai faite le

 24   18 janvier 2006 à Belgrade. C'était la première déclaration sous la

 25   contrainte. Dans les quatre déclarations, j'ai parlé en me fondant sur les

 26   souvenirs que j'avais gardés des événements et sur les interventions des

 27   personnes qui me posaient des questions. C'était la même chose pour

 28   l'entretien que j'ai eu à Belgrade. J'ai fait référence à trois personnes,

Page 7067

  1   et dans la déclaration il ne s'agit plus de trois personnes mais de dix

  2   personnes. Lorsque le Juge m'a demandé ce qu'il en était des sept autres,

  3   les personnes qui menaient l'entretien connaissaient très bien cette

  4   affaire.

  5   Dans ce paragraphe-ci, par exemple, je dis que j'étais devant le

  6   poste de police de Suva Reka et j'ai rencontré les personnes dont j'ai

  7   donné les noms, je ne vais pas les rappeler, ces noms. Ceci étant dit, la

  8   personne qui menait l'entretien et qui posait des questions me disait,

  9   outre ces personnes-là, qu'il y avait telle ou telle autre personne. Il y

 10   avait Cukaric, Tanovic, Petkovic et le commandant Repanovic. Ensuite, ce

 11   sont eux qui m'ont dit, donc ceux qui menaient l'entretien, qu'outre ces

 12   personnes-là il y en avait d'autres. D'autres témoins nous ont signalé que

 13   c'était effectivement le cas et que Gogic était également présent ainsi que

 14   d'autres.

 15   Ensuite j'ai dit : Il faut que je fasse confiance à celui qui mène

 16   l'entretien. Je ne peux pas dire vous êtes en train de mentir parce qu'il

 17   n'était pas là, je ne peux pas dire ça. Ensuite j'ai

 18   dit : S'il y a d'autres témoins qui disent qu'effectivement ces personnes

 19   étaient présentes, alors vous pouvez les inclure dans ma déclaration.

 20   Ensuite, ce qui a été mélangé un petit peu comme élément d'information, ce

 21   sont les éléments de ma déclaration et ceux de la déclaration d'autres

 22   témoins. Mais sans entrer dans le détail, j'ai été dans une situation assez

 23   désagréable parce que des proches me disaient : A part ça, vous dites telle

 24   ou telle personne, ensuite au moment de l'audience principale, j'ai décidé

 25   de dire exclusivement ce dont j'estimais que cela correspond à la réalité

 26   et j'ai essayé d'expliquer pourquoi certaines des déclarations n'étaient

 27   pas en conformité. Lorsque j'ai expliqué cela au président de la chambre de

 28   première instance à Belgrade qui m'a dit : Il faut que vous disiez ce que

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  1   vous avez vu et non pas ce que d'autres vous ont dit qu'ils ont vu.

  2   Ensuite, je leur ai dit ce que moi, comment moi, je voyais les événements.

  3   Je fais référence aussi à ce que d'autres disaient.

  4   Mais il faut être réaliste, les autres témoins n'avaient aucune

  5   raison d'accuser qui que ce soit sans qu'ils aient un fondement solide.

  6   Voilà pour ce qui est de ce quinzième paragraphe. Et je persiste et je

  7   n'affirme pas les propos suite auxquels j'ai apposé ma signature.

  8   Q.  Vous nous avez dit précédemment que vous aviez déposé indiquant que M.

  9   Repanovic vous avait dit de partir. Il faut que je vous demande si vous

 10   vous souvenez de l'avoir lu, est-ce que vous vous souvenez qu'il vous a

 11   dit, ainsi qu'à d'autres policiers, d'aller le faire ?

 12   R.  Non. Il n'y avait pas d'ordre écrit.

 13   Q.  Non, non, je ne vous parle pas d'un ordre écrit. Je vous demande de

 14   nous parler des événements tels qu'ils ont apparu ce matin-là. Je vous pose

 15   des questions à propos de ce qu'a dit M. Repanovic aux agents de police qui

 16   étaient réunis ce matin-là, et je vous demande si vous vous souvenez, oui

 17   ou non, -- à vrai dire je vais reformuler.

 18   Vous souvenez-vous de ce que M. Repanovic vous a dit à vous, ainsi

 19   qu'aux autres hommes, de faire ?

 20   R.  Pour ce qui est du matin, je ne me souviens pas si j'ai pénétré dans

 21   l'annexe du poste de police de Suva Reka. Je ne me souviens pas si c'est

 22   lui qui me l'a dit ou ce sont d'autres collègues de travail qui m'ont parlé

 23   de l'ordre ce matin-là. Mais lorsque je suis parti à midi, je vous l'ai

 24   déjà expliqué, je vous ai déjà dit qui j'ai rencontré à l'entrée du poste

 25   de police.

 26   Je ne me souviens pas de l'ordre à proprement parler précisément. Ça

 27   peut vous paraître un petit peu manquer de logique, mais il faut que vous

 28   compreniez que c'était un ordre qui était illégal et, par conséquent, j'ai

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  1   refusé de suivre l'ordre qui m'était intimé. En vertu du droit, en tant

  2   qu'employé, j'étais tenu de refuser d'exécuter des ordres à partir du

  3   moment où ils sont illégaux. Cependant, si un ordre est légal et que je

  4   refuse de l'exécuter, alors là, effectivement, il y a des conséquences à

  5   supporter. Je peux même être licencié.

  6   Quoi qu'il en soit, le supérieur est tenu dans un tel cas de

  7   sanctionner un tel comportement. Quelqu'un peut me dire d'arrêter une

  8   personne et ceci relèverait de --

  9   Q.  Merci. Je vais peut-être préciser. Je n'ai pas été suffisamment précis.

 10   Cette déclaration que vous avez faite, on vous l'a relue ? Vous vous en

 11   souvenez ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et ce que vous venez de lire c'est que M. Repanovic a dit aux hommes

 14   qui étaient présents dans la pièce qu'il fallait qu'ils se rendent de

 15   maison en maison pour tuer des civils albanais. Vous souvenez-vous qu'il

 16   ait dit cela ?

 17   R.  Non. Certains m'ont posé la question au cours d'entretien, ils m'ont

 18   dit que d'autres témoins avaient dit cela, et que je répondais : Bien, si

 19   d'autres témoins ont dit cela, il se peut que ce soit exact.

 20   Q.  Concernant encore une fois cette même question, est-ce que vous vous

 21   souvenez que vous avez été interrogé par le juge des crimes de guerre et

 22   qu'un transcript a été fait de cet entretien; il s'agit de la date du 5

 23   mars 2004. Est-ce que vous vous en souvenez ?

 24   R.  Oui, il me semble qu'il s'agissait bien du 5 mars 2004 et l'entretien,

 25   effectivement, était enregistré. J'ai répondu aux questions qui m'étaient

 26   posées bien que j'avais un petit peu peur. On peut le voir d'après les

 27   réponses que j'ai données, car je répétais la même réponse jusqu'à dix fois

 28   de suite, c'est ainsi que cela s'est fait.

Page 7070

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

  2   M. DJURDJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, la déclaration dont il

  3   est question ici, bien, c'est une déclaration qui a été faite auprès des

  4   enquêteurs du TPIY et je n'ai pas constaté l'existence d'autres

  5   déclarations figurant sur la liste 65 ter. Donc je me demande si on peut

  6   utiliser ces autres déclarations.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est une déclaration faite en 2006.

  8   Si j'ai bien compris ce qu'à dit le témoin, les raisons pour lesquelles

  9   certaines choses figurent dans cette déclaration, c'est qu'il avait déjà

 10   été interrogé avant 2006 à Belgrade et qu'il avait témoigné devant un juge

 11   à Belgrade avant 2006. Les choses qui paraissent dans cette déclaration ne

 12   relèvent pas de ses propres souvenirs mais plutôt d'éléments qui lui ont

 13   été présentés par les personnes qui l'ont interrogé à Belgrade. C'est ainsi

 14   que nous en arrivons à d'autres déclarations. C'est l'explication que donne

 15   le témoin quant au contenu de cette déclaration.

 16   Continuez, Monsieur Stamp.

 17   M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai devant mes

 18   yeux la transcription, et il s'agit notamment -- en fait c'est difficile à

 19   utiliser, est-ce que je peux me permettre de lire les portions de la

 20   transcription dont il s'agit ?

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quelle transcription ?

 22   M. STAMP : [interprétation] Il s'agit de la transcription de la déclaration

 23   qui a été faite devant le juge des crimes de guerre Dilparic.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Comment on en arrive là, Monsieur

 25   Stamp ?

 26   M. STAMP : [interprétation] Le témoin --

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est votre interrogatoire principal

 28   du témoin. C'est une chose de lui montrer quelque chose pour lui demander

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  1   si cela lui rafraîchit la mémoire et si c'est seulement de cela qu'il

  2   s'agit…

  3   M. STAMP : [interprétation] En effet, c'est effectivement cela dont il

  4   s'agit. Je voulais lui rappeler quelque chose éventuellement. Je n'avais

  5   aucune intention de le contre-interroger.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. STAMP : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur le Témoin --

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être il faut commencer par faire

 10   confirmer au témoin que c'était dans le cadre d'une déposition que cet

 11   entretien a eu lieu. Je ne suis pas très clair quant à ce dont il s'agit.

 12   La date, la situation.

 13   M. STAMP : [interprétation]

 14   Q.  Il me semble que vous m'avez dit que vous vous souvenez d'avoir été

 15   interrogé en 2004, le 5 mars 2004, par le juge de crimes de guerre, Milan

 16   Dilparic ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et qu'une retranscription de l'entretien a été rédigée. Est-ce que vous

 19   vous en souvenez ?

 20   R.  Oui, je m'en souviens.

 21   Q.  En fait, il s'agissait d'un enregistrement audio ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Je vais vous donner lecture de certains éléments de la transcription de

 24   l'enregistrement pour voir si cela vous aide à vous souvenir de certaines

 25   choses.

 26   M. STAMP : [interprétation] Il n'y a pas de page dans la retranscription en

 27   B/C/S, mais en tout cas, on peut se référer au numéro d'enregistrement

 28   K0408554, afin que les conseils de la Défense puissent s'y référer.

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  1   Q.  "Question du juge d'instruction : Dites-moi, vous m'avez dit que dans

  2   ce rapport, qu'il y avait un ordre d'aller de maison en maison pour abattre

  3   les Albanais à Suva Reka. Qui vous a donné cet ordre ?"

  4   "Réponse : Cela a été donné, en premier lieu, par les officiers

  5   supérieurs."

  6   "Question : Et de qui avez-vous entendu directement cet ordre ?"

  7   "Réponse : Je l'ai entendu du commandant du poste de police, Radojko

  8   Repanovic et ce n'est sans doute pas lui qui prenait les décisions, plutôt

  9   le commandant."

 10   Et on vous a demandé :

 11   "Comment s'est-il exprimé ?"

 12   Vous avez dit :

 13   "Vous voyez, ce jour-là, quand il y a eu ces meurtres, il a dit : Vas-y et

 14   tue. Et plusieurs jours avant, il y a eu des meurtres. Il a sans doute dû

 15   dire qu'il fallait aller de maison en maison, et cetera."

 16   Et puis, on vous a demandé :

 17   "Est-ce qu'il l'a dit devant vous ? Est-ce que vous l'avez entendu le dire

 18   ?"

 19   Et vous avez dit :

 20   "Je ne l'ai pas entendu directement quand il l'a dit, mais j'ai vu les gens

 21   aller tuer et je le voyais là, en tant qu'observateur qui ne disait rien.

 22   Il y avait énormément de cadavres qui étaient chargés dans le camion. Il y

 23   avait d'autres qui tuaient d'autres. Bon, j'ai entendu que cet ordre venait

 24   de Belgrade."

 25   Est-ce que vous vous souvenez d'avoir dit cela ?

 26   R.  S'il y a eu un enregistrement audio, cela veut dire qu'il n'y a pas eu

 27   de retranscription. Et si c'était un enregistrement audio, cela veut dire

 28   que c'est ce que j'ai dit. Bien que, comme je vous l'ai déjà dit, j'avais

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  1   un petit peu peur pendant cet enregistrement. J'ai un petit peu mélangé les

  2   choses et avec le temps, maintenant, je commence à oublier. Peut-être

  3   certaines de mes hypothèses pourraient donner lieu à accuser certaines

  4   personnes, mais ce que j'ai dit là-dessus est vrai. J'ai signé la

  5   transcription, l'enregistrement audio existe. S'il n'est pas ici, il se

  6   trouve à Belgrade. Donc je maintiens ce que j'ai dit.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

  8   M. DJURDJIC : [interprétation] Je n'ai pas d'objection, mais est-ce que je

  9   pourrais avoir la référence exacte de la page parce que celle qui a été

 10   donnée, K0-8554 n'existe pas. Le document commence avec K040-8556.

 11   M. STAMP : [interprétation] Je pourrais donner une meilleure copie au

 12   conseil de la Défense qui commence à la page K040-8551. C'est la copie qui

 13   a été communiquée.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il y a un numéro 65 ter ?

 15   M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président. C'était une

 16   communication vis-à-vis de la Défense. Nous n'avions pas pensé, à l'époque.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc on ne le voit pas dans le

 18   prétoire électronique ?

 19   M. STAMP : [interprétation] En effet, non.

 20   Q.  Donc, Monsieur le Témoin, je comprends ce que vous êtes en train de

 21   dire. Il y avait une certaine confusion. Et plus tard, le juge

 22   d'instruction, à la page 29 de la version anglaise - il s'agit de la

 23   référence K040860 [comme interprété] dans la version B/C/S - vous a dit :

 24   "Je vous demande une dernière fois, est-ce que vous êtes sûr que c'est

 25   Radojko Repanovic qui vous a dit d'aller tuer tout le monde qui était

 26   encore vivant et vérifier les cadavres ?"

 27   Vous avez répondu :

 28   "J'en suis sûr. J'étais devant lui quand il l'a dit, quand il a dit: Vas-y

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  1   toi aussi et charge les cadavres."

  2   Maintenant que vous avez écouté ce que j'ai lu de la transcription de cet

  3   enregistrement, est-ce que vous pouvez nous dire si vous vous souvenez de

  4   ce qu'a dit Radojko Repanovic ce matin-là ?

  5   R.  Je ne peux que maintenir ce que j'ai déjà dit, ce que j'ai entendu de

  6   lui, mais je ne peux pas dire quel était l'ordre émanant de lui. Je peux

  7   simplement vous dire ce que j'ai entendu dire cet après-midi là, après

  8   midi. Mais je ne peux rien dire quant à ce qui s'est passé le matin. A

  9   partir de midi, ça, c'est une chose; mais pour ce qui était du matin, de 7

 10   heures du matin jusqu'à midi, je ne peux rien dire quant à ce qu'il aurait

 11   dit.

 12   Q.  Qu'est-ce que vous l'avez entendu dire après-midi quant aux événements

 13   que nous venons d'examiner ? Qu'est-ce que vous l'avez entendu dire ?

 14   R.  Quand je suis arrivé, Radovan Tanovic, un de mes collègues qui a été

 15   tué sept jours avant le retrait, et Sladjan [inaudible] s'apprêtaient à

 16   partir et le commandant Repanovic était avec eux. Et je crois qu'il m'a dit

 17   de me joindre à eux. Et comme je l'ai déjà dit, j'ai dit ouvertement, Non,

 18   je n'irai pas ou quelque chose de ce genre. Je ne me souviens pas

 19   exactement des mots précis que j'ai utilisés, pas plus que je ne puis vous

 20   dire quels sont les mots que lui, il a utilisés. Je peux simplement en

 21   donner la teneur.

 22   Q.  Donnez-nous la teneur de ce qu'il a dit, à ce moment-là.

 23   R.  L'essence, la signification de ce qu'il a dit, je vous l'ai déjà

 24   précisé, je ne peux pas rajouter quelque chose à cela. Je n'ai pas plus à

 25   vous dire à ce propos.

 26   Q.  Afin d'éclaircir la question, vous avez dit que parmi ces personnes, il

 27   y avait Radovan Tanovic et Sladjan Cukaric, il me semble; c'est bien cela ?

 28   M. STAMP : [interprétation] C'est pour corriger le compte rendu d'audience

Page 7076

  1   où il manque un mot à la ligne 6, page 39.

  2   Q.  C'était bien de Sladjan Cukaric dont il s'agissait ?

  3   R.  Oui, c'était Sladjan Cukaric, et l'autre c'était Radovan Tanovic. Je

  4   les connaissais. Ils faisaient partie l'active de la police. Et il y avait

  5   également un réserviste, Miroslav Petkovic. Je vous ai déjà dit cela, et on

  6   peut le répéter autant de fois qu'il le faudra.

  7   Q.  Est-ce que Cukaric était connu sous un pseudonyme, ou sous un surnom ?

  8   R.  Oui, il avait un surnom, "Jajce". Mais la première fois que j'ai été

  9   interrogé, les personnes qui m'ont interrogé - je crois que c'était la

 10   première fois le 27 février 2003 - déjà à l'époque, ils m'ont dit que son

 11   surnom était Jajce. C'est ainsi que je l'ai connu. Je crois qu'il est

 12   arrivé à Suva Reka en janvier 1999, jusqu'au moment où la police s'est

 13   retirée du Kosovo.

 14   Q.  Je viens de vous donner lecture d'une portion de la retranscription de

 15   l'enregistrement audio qui avait été fait lors de votre entretien avec le

 16   juge des crimes de guerre. Et dans cet enregistrement, vous avez dit que

 17   Radojko Repanovic vous avait dit d'aller charger les cadavres. Je vais

 18   bientôt vous donner la question, mais avant cela je voudrais que vous

 19   regardiez le paragraphe 16 de votre déclaration faite auprès du bureau du

 20   Procureur en 2006.

 21   Est-ce que vous pourriez nous lire les deux premières phrases de ce

 22   paragraphe 16 ?

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] Pas d'objection, mais la copie a également

 25   été surlignée. Il y avait des annotations, et c'est sans doute quelque

 26   chose dont a besoin M. Stamp. Mais en fait, je ne vois pas d'inconvénient à

 27   ce que le témoin lise cette version.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais le faire, je vais lire les deux

Page 7077

  1   premières phrases.

  2   "Je ne suis pas sorti immédiatement avec le groupe de police, mais je

  3   les ai suivis au bout d'environ 15 minutes. Repanovic m'a ordonné de les

  4   suivre et charger les cadavres parce que j'ai refusé de les tuer."

  5   Il m'a probablement ordonné de procéder de la sorte. Quelqu'un m'a

  6   donné l'ordre, mais il faut comprendre, et c'était il y a trois ans en

  7   2006, et trois années se sont écoulées depuis. C'est une période assez

  8   longue, et il est bien possible que ce soit lui qui effectivement m'ait dit

  9   d'aller charger les cadavres, mais peut-être que non.

 10   Admettons que c'est effectivement lui qui l'ait dit.

 11   Q.  Moi, je vous demandais si vous vous souvenez qui vous a dit l'avoir vu.

 12   Et il me semble, d'après votre réponse, que vous ne vous en souvenez pas.

 13   Mais où se trouvait-il quand on vous a dit d'aller charger les cadavres des

 14   personnes qui avaient été tuées ? Est-ce que vous vous en souvenez ? La

 15   question c'est où se trouvait-il ?

 16   R.  Je peux vous faire deux propositions et d'ailleurs, je ne peux pas dire

 17   avec certitude où il était. Soit il était dans son propre bureau ou bien il

 18   était dans la cour intérieure du poste de police. Il ne pouvait pas être

 19   ailleurs.

 20   Q.  Vous nous avez dit tout à l'heure - et maintenant je passe à quelque

 21   chose de différent, Monsieur Veljkovic - que vous n'aviez pas vu qui était

 22   à l'origine des tirs, qui tirait sur les personnes qui essayaient de

 23   s'échapper de la maison familiale des Berisha et des environs. J'essayais

 24   de vous rafraîchir la mémoire; et pour ce faire, je vais vous demander de

 25   lire votre déclaration au paragraphe 16. A peu près au milieu de ce

 26   paragraphe :

 27   "…j'ai vu bon nombre de personnes sortir de la maison…"

 28   Est-ce que vous pouvez nous lire cette phrase de même que la

Page 7078

  1   suivante.

  2   R.  Je vais essayer de retrouver le passage en question. C'est à peu près

  3   au milieu du paragraphe au milieu de la déclaration. Je n'arrive pas à

  4   mettre le doigt dessus. Vous parlez bien du paragraphe 16 ?

  5   Q.  Oui, à peu près au milieu du paragraphe 16, qui est assez long. Environ

  6   au milieu, il y a une phrase qui commence :

  7   "Et là, j'ai vu un grand nombre de personnes qui sortaient de la

  8   maison et qui s'enfuyaient," et cetera.

  9   R.  Oui, je vois maintenant.

 10   "Et là, j'ai vu un grand nombre de personnes qui s'échappaient de la

 11   maison et qui se dirigeaient dans toutes les directions. Il y avait un

 12   groupe d'officiers de police qui étaient devant la maison et qui tiraient

 13   sur les gens alors qu'ils s'enfuyaient. Au bout d'un court laps de temps,

 14   j'ai entendu une explosion."

 15   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que vous lisiez toujours à partir de la

 16   retranscription de l'enregistrement audio de votre déposition à Belgrade.

 17   Il s'agit de la page 16. Le juge d'instruction vous demande : 

 18   "Avez-vous vu des gens s'enfuir en direction du centre commercial ?"

 19   Vous avez répondu :

 20   "Vers le centre commercial. Oui, je l'ai vu."

 21   Le juge : "Qu'est-ce que vous avez vu ?"

 22   Réponse de votre part : "Ils s'enfuyaient et ils sont entrés dans une

 23   grande maison et ils se sont enfermés dedans. Il y en avait beaucoup de ces

 24   gens-là. Il y avait des hommes, des femmes, des enfants. Et puis quand ils

 25   ont pu rentrer, ils les ont trouvés. Ils les ont tués. Certains d'entre eux

 26   se sont enfuis."

 27   Et le juge vous demande :

 28   "Vous l'avez vu vous-même ou pas ?"

Page 7079

  1   Et vous répondez :

  2   "Moi, je les ai vus tirer alors qu'ils s'enfuyaient."

  3   Le juge : "Est-ce que vous savez qui leur tirait dessus ?"

  4   Et vous dites :

  5   "Je sais que Tanovic tirait beaucoup."

  6   Le juge disait : "Et qu'est-ce qu'il en est de Jajce ?"

  7   Je crois que j'ai bien prononcé.

  8   Vous répondez :

  9   "Il était un peu mieux."

 10   Le juge : "Dans quel sens mieux ?"

 11   Réponse : "Il tirait un petit peu moins, lui."

 12   Le juge d'instruction :

 13   "Mais il tirait aussi. Est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre qui

 14   tirait aussi ?"

 15   Et vous dites :

 16   "Je pense que Miroslav Petkovic ou Petrovic tirait également."

 17   Le juge : "Cela veut dire qu'ils tiraient dans le dos de ces gens-là ?"

 18   Réponse : "Oui. Ils s'enfuyaient et ils tiraient sur eux alors qu'ils

 19   s'enfuyaient."

 20   D'après ce que je viens de vous lire, ces passages que vous avez dit à

 21   Belgrade, de même que d'après ce que vous avez dit à l'enquêteur de

 22   l'Accusation en 2006, est-ce que vous vous souvenez maintenant qui a tiré

 23   sur ces personnes qui s'enfuyaient de la maison familiale des Berisha et

 24   dans les environs ?

 25   R.  Comme je l'ai dit, c'était un enregistrement audio, j'étais un peu

 26   effrayé et maintenant que vous le relisez, cela me semble étrange cette

 27   façon que j'avais de parler de certaines choses. Tout d'abord, on ne voit

 28   pas les gens tirer, on les entend, on ne voit pas. On peut voir un meurtre

Page 7080

  1   et moi j'ai dit j'ai vu un coup de feu. Je me suis mal exprimé. J'ai

  2   entendu les tirs.

  3   Les personnes dont j'ai parlé, maintenant il me vient un doute. Peut-

  4   être ce n'était pas une bonne chose, peut-être que je me suis mal conduit

  5   quand j'ai dit que c'était eux qui tiraient sur les gens, parce qu'ils

  6   étaient partis dans cette direction.

  7   Maintenant, à savoir si toutes ces personnes dont j'ai mentionné le

  8   nom ont véritablement tiré ou seulement un, celui qui aurait fait tomber la

  9   porte, je ne suis pas sûr si tous les trois étaient responsables des tirs.

 10   Il se peut que je puisse me tromper, c'était une hypothèse, mais

 11   j'étais obligé de croire que c'était eux parce qu'ils se sont rendus dans

 12   cette direction, alors je peux éventuellement m'être trompé.

 13   Q.  Mais quand vous avez vu ces personnes s'échapper de la maison, est-ce

 14   que vous saviez exactement où se trouvaient ces policiers, est-ce que vous

 15   les voyiez ?

 16   R.  Je n'ai pas vu ces personnes-là, parce que c'était une maison de grande

 17   taille, sans doute ils étaient tout près, probablement derrière le mur, le

 18   mur d'enceinte de la maison. Je ne les voyais pas vraiment de là où

 19   j'étais.

 20   Q.  Bien. Nous allons passer à quelque chose de différent.

 21   Vous avez dit tout à l'heure que vous ne vous souveniez pas qu'une

 22   personne a chargé les camions alors que celui-ci se dirigeait en direction

 23   ou se déplaçait sur la route Restanksi Put. Que personne n'avait chargé de

 24   cadavres pendant ce trajet-là.

 25   J'attire votre attention sur la déclaration : la question

 26   fondamentalement est de vous rafraîchir la mémoire pour savoir ce qui s'est

 27   passé sur ce trajet de 1 kilomètre emprunté avec le camion sur la route de

 28   Restanksi Put ?

Page 7081

  1   Votre déclaration paragraphe 16, les trois dernières phrases de cette

  2   déclaration. Pouvez-vous nous en donner lecture lentement, s'il vous plaît.

  3   R.  Ça commence sans doute là où il est dit, "Nous avons continué sur la

  4   route de Restanksi Put…"

  5   C'est à partir de là que vous souhaitez que je lise ?

  6   Q.  Oui.

  7   R.  "Nous avons continué sur la route de Restanksi Put en passant devant

  8   d'autres cadavres. Nous sommes arrivés à l'embranchement avec la route vers

  9   Studencane-Pecane et c'est à ce moment-là que le camion a fait demi-tour,

 10   et en revenant nous avons rassemblé des cadavres sur la route. Quand nous

 11   sommes parvenus au bout, Ivica, l'autre officier et moi-même sommes revenus

 12   au poste de police alors que le camion a tourné à droite et est parti en

 13   direction de Prizren."

 14   Q.  Après le morceau où vous dites "en revenant nous avons rassemblé les

 15   cadavres sur la route," il y a une autre phrase ? Pouvez-vous regarder

 16   cette phrase, car il semblerait que vous avez omis, d'après

 17   l'interprétation, vous avez omis une des phrases qui y figure.

 18   R.  Vous voulez dire :

 19   "Nous sommes arrivés à l'embranchement avec la route de Studencane-

 20   Pecane là où le camion a fait demi-tour et puis en revenant nous avons

 21   rassemblé les cadavres le long de la route. Lorsque nous sommes arrivés au

 22   bout, Ivica, l'autre officier de police et moi-même sommes revenus au poste

 23   de police alors que le camion a tourné à droite et s'est dirigé vers

 24   Prizren."

 25   J'aimerais apporter un éclaircissement là-dessus, s'il vous plaît, je suis

 26   conscient --

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur, cela fait deux fois que vous

 28   laissez de côté une phrase qui apparaît dans la traduction en anglais.

Page 7082

  1   Pourriez-vous, si vous le voulez bien, relire votre déclaration avec soin.

  2   Vous verrez qu'il y figure une phrase qui finit ainsi :

  3   "Sur le chemin du retour, nous avons ramassé les corps sur la route."

  4   Et la phrase suivante, quelle est-elle dans votre version

  5   linguistique ? Pouvez-vous lire ce qui suit immédiatement le point final de

  6   la phrase que je viens de vous lire.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la dernière phrase :

  8   "Lorsque nous sommes arrivés au bout, Ivica" --

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez dire qu'il n'y a pas de

 10   phrase entre celle que vous venez d'entamer et le point final de la phrase

 11   que j'ai cité. Il n'y a pas de phrase qui fait référence au nombre de corps

 12   ramassés sur la route ? 20 corps ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cette phrase ne figure pas ici. Vous

 14   pouvez peut-être me la lire. On me l'interprètera et je peux peut-être

 15   répondre sur cette phrase.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La phrase à laquelle je fais référence

 17   est celle-ci :

 18   "Au total, il y avait environ 20 corps sur la route."

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne figure pas ici. J'ai peut-être dit

 20   cela, c'est possible. Il est possible qu'au cours des jours précédents, il

 21   y a eu des gens tués dans cette zone, mais je ne peux pas en dire plus.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc vous dites que cette phrase ne

 23   figure pas dans la version serbe de votre déclaration ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne la vois pas d'ici.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 26   Je donne la parole à M. Stamp.

 27   M. STAMP : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Il y a peut-être une erreur de traduction en serbe dans la copie que

Page 7083

  1   vous avez signée qui vous a été lue. Il y a aussi cette phrase :

  2   "Au total il y avait environ 20 corps sur la route."

  3    Vous dites que vous avez peut-être déclaré cela, que c'est possible,

  4   ayant entendu cela - c'est ce que vous avez dit, la version que je vous ai

  5   lue - pouvez-vous vous rappeler ce que vous faisiez lorsque vous avez

  6   parcouru la route, je parle de la Restanski Put, lorsque vous reveniez vers

  7   le poste de police ? Est-ce que vous en avez souvenir ?

  8   R.  J'ai suivi le véhicule, j'étais à pied; j'ai suivi le véhicule où se

  9   trouvaient les corps des Albanais tués. Y avait-il d'autres corps que

 10   j'avais moi-même chargés ou pas, je ne peux pas le dire.

 11   Lorsque j'ai été interrogé par vos collègues à Belgrade, il

 12   semblerait qu'il y ait eu incompréhension. On m'a mal compris quant à cela,

 13   cette déclaration que j'ai faite, on lui a attribué un autre sens. Selon

 14   cette traduction, il apparaît que j'étais à deux endroits en même temps.

 15   Votre collègue m'a demandé, Lorsque vous êtes revenu de la Restanski Put,

 16   que s'est-il passé ? J'ai répondu que je me suis rendu au poste de police

 17   de Suva Reka. Toutefois, j'ai omis de parler de la pizzeria, je vous ai

 18   expliqué cela.

 19   Je me souviens très bien que votre collègue féminine m'avait

 20   interprété la question qui m'était posée par votre collègue en anglais, me

 21   disant que je ne donnais pas de réponses complètes. Il m'a demandé qu'est-

 22   ce qu'il y avait dans le bâtiment. Il m'a montré un plan de Suva Reka, y

 23   compris le bâtiment où les personnes avaient été tuées, me disant que je

 24   m'efforçais de ne pas répondre à la question essentielle. Je lui ai dit, Je

 25   ne pense pas que vous ayez posé cette question. Il a dit, je l'ai posée,

 26   mais vous évitez d'y répondre. Je lui ai expliqué ce que je vous ai

 27   expliqué à vous-même, c'est-à-dire ce qui s'est passé au poste d'essence et

 28   dans la pizzeria où ces gens avaient été tués.

Page 7084

  1   J'ai expliqué la situation dans le détail en cinq ou six phrases, je

  2   crois. En fin de compte, j'ai bénéficié de l'interprétation, il m'a dit

  3   qu'il m'avait posé la question et qu'encore une fois j'avais tenté de ne

  4   pas y répondre. A ce moment-là j'ai abandonné, j'ai pensé que si

  5   j'insistais ce serait interprété de manière négative.

  6   Lorsque j'ai été à Belgrade et que j'ai été interrogé la dernière

  7   fois, le 4 novembre de l'année dernière, la collègue qui présidait le

  8   tribunal m'a demandé, Comment pouviez-vous être à deux endroits le même

  9   jour et au même moment ? Je lui ai expliqué, c'est impossible. Elle a

 10   accepté cette réponse.

 11   Voilà, je vous ai simplement rappelé comment ça s'était passé.

 12   Q.  Les corps que vous avez chargés devant la maison des Berisha, vous avez

 13   peut-être déjà répondu à cela, mais je repose la question au cas où vous

 14   n'y auriez pas répondu : les corps que vous avez chargés étaient des

 15   civils, des hommes, des femmes, des enfants; est-ce que vous pouvez décrire

 16   ces personnes ?

 17   R.  Il s'agissait surtout de femmes et d'enfants devant la maison. Je l'ai

 18   déjà dit et je le réitère.

 19   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons

 20   passer en huis clos partiel pour deux questions.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 22   M. STAMP : [interprétation]

 23   Q.  Vous rappelez-vous --

 24   M. STAMP : [interprétation] Je vous demande pardon.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en huis clos partiel.

 26   [Audience à huis clos partiel]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

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 13  Pages 7085-7087 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Cela conclut vos questions,

  4   Monsieur Stamp ?

  5   M. STAMP : [interprétation] Oui, je vous remercie.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Monsieur Djurdjic.

  8   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Avant de démarrer, M. Stamp pourrait-

  9   il nous donner la référence de la dernière question, c'est-à-dire quelles

 10   sont les pages dont il citait des phrases ?

 11   M. STAMP : [interprétation] Page 23 de la version anglaise. Cela va me

 12   prendre du temps de trouver la référence dans la version B/C/S, mais je

 13   peux vous la donner plus tard.

 14   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp. Je vous remercie,

 15   Monsieur le Président, de votre indulgence.

 16   Contre-interrogatoire par M. Djurdjic : 

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Veljkovic.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Je suis membre de la Défense et je suis là au nom de l'accusé. Je

 20   m'appelle Me Djurdjic. Je suis avec Marie O'Leary, qui fait partie de

 21   l'équipe de la Défense. J'ai quelques questions pour lesquelles je vous

 22   demande d'apporter quelques éclaircissements.

 23   Nous parlons la même langue, et pour permettre à ceux qui

 24   interprètent nos propos de travailler dans de bonnes conditions, je vous

 25   demande de bien vouloir attendre la fin de mes questions, de laisser passer

 26   un petit moment avant de répondre. J'en ferai de même.

 27   R.  Pourrions-nous prendre une courte pause ? J'ai besoin de quelques

 28   minutes.

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  1   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous approchons la

  2   pause. Peut-être pourrions-nous faire cette pause maintenant avant de

  3   terminer jusqu'à la fin de l'audience ?

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons faire la

  5   deuxième pause et nous nous retrouvons à 12 heures 50.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7    --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 52.

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur Veljkovic, vous avez expliqué votre déroulement de carrière.

 13   En 1999, en mars, vous aviez quel grade ?

 14   R.  J'étais caporal.

 15   Q.  Merci. En mars 1999, travailliez-vous pour la police de Suva Reka ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous faisiez partie du département de l'Intérieur à Suva Reka, connu

 18   sous le nom d'OUP; est-ce que le poste de police de Suva Reka en faisait

 19   partie ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  L'OUP était à un degré hiérarchique supérieur par rapport au poste de

 22   police. Qui était à la tête de l'OUP ?

 23   R.  Dobrivoje Vitosevic. Je crois qu'il avait le grade de lieutenant.

 24   Q.  Le commandant du poste, c'était M. Repanovic; n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  L'OUP de Suva Reka, si je ne m'abuse, se trouvait englobé dans le SUP

 28   de Prizren ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Merci. Outre l'OUP de Suva Reka qui comprenait aussi l'OUP à Orahovac,

  3   revenons au poste de police de Suva Reka au sein de votre OUP, vous nous

  4   avez dit que le commandant adjoint était M. Borisavljevic et que son

  5   assistant était M. Jovanovic ?

  6   R.  C'est correct.

  7   Q.  Pouvons-nous dire que M. Borisavljevic pendant la période en question,

  8   c'est-à-dire le 26 mars, ne travaillait pas au poste de police de Suva Reka

  9   ?

 10   R.  Vous avez raison.

 11   Q.  Merci. Revenons à vos fonctions, dans votre mandat, en tant

 12   qu'administrateur du poste de police, quelles étaient vos tâches

 13   administratives ?

 14   R.  S'agissant de mes tâches administratives, avant les frappes

 15   terroristes, j'étais responsable de la rédaction du programme de travail

 16   quotidien.

 17   Lorsque le commandant était présent, je le faisais avec lui.

 18   Lorsqu'il était absent, je le faisais avec son adjoint ou son assistant.

 19   Nous nous concertions sur des changements éventuels et sur les tâches

 20   affectées aux îlotiers, aux patrouilleurs, aux responsables de la

 21   circulation.

 22   M. Repanovic prenait des décisions et en son absence c'était son

 23   adjoint ou son assistant. Tout était préparé pour la journée suivante.

 24   J'allais chercher l'ordre d'exécution d'une tâche qui avait été révisé par

 25   le commandant, son adjoint ou son assistant.

 26   L'un d'eux devait le signer. Je prenais ce document, tout était

 27   enregistré. S'il y avait des rapports, ils étaient versés au journal. Je

 28   les classais, je leur donnais une cote, je les transmettais ensuite au

Page 7091

  1   clerc de l'administration si nécessaire.

  2   La personne responsable incluait tous les destinataires. Concernant

  3   des ordres, je devais suivre les résultats ou la suite à donner. S'il n'y

  4   avait pas de résultats, c'était encore mieux parce que ça signifiait pas de

  5   travail pour la police. S'il y avait des résultats, ils étaient enregistrés

  6   dans l'ordinateur. Les ordres se voyaient ensuite assigner une cote en

  7   fonction de la tâche à accomplir. Chaque mois, je classais cela dans les

  8   dossiers respectifs.

  9   Q.  Lorsque le commandant était présent, c'est lui qui attribuait les

 10   tâches aux membres du poste de police; s'il n'était pas là, c'était son

 11   adjoint ou sinon son assistant, c'est ce que vous avez expliqué ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Outre ce programme de travail, est-ce que vous rédigiez d'autres listes

 14   ?

 15   R.  Je consignais également toutes les réunions ainsi que tous les ordres

 16   concernant la distribution d'armes ou de matériels. Ces instructions

 17   étaient ensuite classées par secteur. Si les ordres avaient été suivis,

 18   alors les actions suivies étaient également consignées.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous teniez un rôle ou une liste de présence et est-

 20   ce que vous aidiez le commandant à rédiger ces registres de présence ?

 21   R.  Est-ce que vous pouvez répéter la première partie de votre question. Il

 22   y a quelque chose qui n'est pas clair.

 23   Q.  Teniez-vous des registres de présence ? Les présents, les absents au

 24   poste de police.

 25   R.  Oui, cette information était entrée dans l'ordinateur. On faisait cela

 26   mensuellement. Concernant les réservistes, ces registres étaient manuels,

 27   l'ordinateur ne permettait pas de faire cela. C'est-à-dire qu'il y avait

 28   les noms dans l'ordinateur, mais pas le registre des présences.

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  1   Q.  Et concernant ces rôles aux listes de présence ?

  2   R.  Pour le poste de police, le roulement était conservé par le commandant,

  3   c'était un registre mensuel. Les informations, prénoms et noms, étaient

  4   entrés au stylo et les heures de travail au crayon. En cas de changement

  5   ultérieur, on pouvait apporter des corrections plus facilement.

  6   Ces feuilles de roulement ont été conservées jusqu'en juin 1998 par

  7   le commandant du poste. Quand les attaques ont commencé, il m'a confié la

  8   charge de maintenir ces listes. Je ne pouvais pas bien sûr attribuer les

  9   heures de travail comme bon me semblait, il fallait que je le consulte.

 10   Q.  Merci. Etiez-vous impliqué dans la tenue du registre des événements

 11   quotidiens ?

 12   R.  Non, seulement l'officier de service.

 13   Q.  Merci. Est-ce que vous savez ce que l'on entrait dans cette main

 14   courante ?

 15   R.  Toute infraction, tout acte criminel, acte d'incendie volontaire,

 16   violation de la réglementation de la circulation, tout ce qui rentrait dans

 17   le secteur de la sûreté publique. En ce qui concerne la main courante

 18   journalière, quotidienne, il y avait parfois des problèmes avec ceux qui

 19   étaient de garde parce qu'ils ne connaissaient pas bien les types

 20   d'événements. Parfois, ils ajoutaient, ils annotaient des remarques qui

 21   n'étaient pas nécessaires. Parfois ils omettaient des éléments,

 22   généralement ils faisaient des entrées sur une feuille de papier séparée et

 23   consultaient leur supérieur sur la manière d'entrer cela dans le registre.

 24   Q.  Merci. Pourriez-vous maintenant me dire quelles étaient les tâches

 25   quotidiennes des policiers au poste de police de Suva Reka ?

 26   R.  Les attributions au poste de police et les tâches n'étaient pas les

 27   mêmes à tous les postes de police, mais elles étaient assez semblables. En

 28   d'autres termes, il y avait le service d'astreinte, la police de proximité,

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  1   il y avait toujours une zone de responsabilité en fait pour la police de

  2   proximité, et puis il y avait également la surveillance de la circulation,

  3   il y avait là encore une seule zone de responsabilité qui avait trait à la

  4   circulation, donc elle s'occupait de tout ce qui avait trait à la

  5   circulation. Et puis ensuite il y avait les services de patrouille, eux

  6   aussi devaient consigner par écrit leurs activités au quotidien. Et puis il

  7   y avait les activités opérationnelles.

  8   Maintenant en ce qui concerne mon travail, il consistait à suivre des

  9   ordres verbaux. Moi je n'avais pas à émettre ou préparer des ordres.

 10   Q.  Merci. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos des activités

 11   régulières. Enfin, vous nous avez parlé des activités régulières jusqu'à ce

 12   qu'éclate la guerre, mais est-ce que vous pourriez nous dire si des

 13   changements sont intervenus au niveau des tâches à accomplir après le début

 14   de la guerre, disons après le 24 ?

 15   R.  A partir du mois de juin 1998, pour être précis en fait, nous n'avions

 16   plus que les services de patrouille. Les équipes travaillaient en travail

 17   posté de 8 heures pour les patrouilles, et pour ce qui est de la police de

 18   proximité et de la police responsable de la circulation n'existaient plus.

 19   Surtout pas le contrôle de la circulation, en fait il était impossible à ce

 20   moment-là de procéder à ce contrôle de la circulation puisqu'il y avait des

 21   touristes un peu partout. Par conséquent, c'était tout simplement hors de

 22   question.

 23   Q.  Très bien, nous y reviendrons. Nous avons déjà dit que l'adjoint

 24   n'était pas présent. A présent, je souhaiterais préciser un peu les choses.

 25   Ai-je raison d'affirmer que le poste de police ou plus précisément le

 26   département de l'Intérieur à Suva Reka avait un secteur PJP qui faisait

 27   partie de la 5e Compagnie PJP de Prizren ?

 28   R.  La plupart des unités de la PJP se rendaient à Prizren lorsqu'il y

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  1   avait une mission et c'était là qu'on leur confiait leurs tâches

  2   verbalement. Donc quant aux autres, ils restaient à Suva Reka.

  3   Q.  Merci. Donc lorsqu'ils se rendaient à Prizren, ils accomplissaient

  4   d'autres tâches, ils avaient d'autres attributions et on ne consignait pas

  5   leurs activités comme étant des activités menées à Suva Reka ?

  6   R.  Permettez-moi de vous expliquer tout cela, parce qu'en fait dans le

  7   planning, ils étaient présents, certes, mais pas dans les missions à

  8   proprement parler, donc dans le travail à proprement parler. C'est-à-dire

  9   que le commandant ou son adjoint me disait à moi quelles étaient les

 10   personnes qu'il fallait inscrire comme étant absentes ou en congé et une

 11   fois que cela était fini, lorsqu'ils revenaient de leur congé, alors je

 12   l'inscrivais également dans les registres.

 13   Q.  Merci. Est-il correct d'affirmer qu'à partir du 26 mars 1999, des

 14   membres de la section PJP de Suva Reka conjointement avec leur commandant

 15   étaient impliqués dans une mission qui avait lieu en dehors du territoire

 16   de Suva Reka ? Est-il exact d'affirmer qu'en fait ils étaient avec la

 17   compagnie PJP de Prizren ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Merci. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous que le 25 mars 1999, une

 20   section d'agent de police, comptant une trentaine d'hommes à peu près, a

 21   quitté le poste de police pour assurer la sécurité de la route et de la

 22   ligne de transmission de Djinovci ?

 23   R.  Non, je ne m'en souviens pas.

 24   Q.  Merci. Vous souvenez-vous quand Zoran Arizanovic, Krunoslav Jankovic,

 25   Slavoljub Jovanovic et bien d'autres, vous souvenez-vous où étaient ces

 26   personnes qui étaient des membres du poste de police de Suva Reka ? Vous

 27   souvenez-vous où ils étaient le 24 ?

 28   R.  S'agissant de Zoran Arizanovic, je sais qu'il était d'astreinte.

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  1   Maintenant est-ce que cela a changé, est-ce qu'on lui a confié d'autres

  2   tâches, si on lui a confié d'autres tâches, ça je n'en sais rien très

  3   franchement, je ne sais pas s'il a occupé un autre poste ou pas, je ne m'en

  4   souviens pas. Pour Krunoslav Jankovic, que vous avez mentionné, il était

  5   membre des forces de réserve, il était réserviste. Et pour les autres que

  6   vous avez mentionnés également, là je dois dire que je ne peux pas vous

  7   répondre, je ne sais pas très bien dans quelle mesure ils assuraient des

  8   activités de protection ou de sécurité pour le poste de police de Suva Reka

  9   ou s'ils se trouvaient à un autre emplacement, là je ne peux pas vous le

 10   dire vraiment.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire où vous étiez ou où ils étaient le 25 mars 1999

 12   entre 5 et 8 heures du matin ?

 13   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens pas. Est-ce que vous me

 14   parlez du matin ou de l'après-midi, parce que je ne m'en souviens pas très

 15   bien, peut-être que je dormais, je pense que je dormais.

 16   Q.  Merci. Essayons de contourner la difficulté. Vous souvenez-vous que des

 17   tickets de rationnement pour les denrées alimentaires et l'eau étaient

 18   remis aux membres du poste de police par les policiers patrouilleurs, vous

 19   en souvenez-vous ?

 20   R.  Oui, je m'en souviens. On les prenait au restaurant où les rations

 21   alimentaires étaient emballées et où elles étaient amenées.

 22   Q.  Vous vous souvenez de l'endroit où on emmenait la nourriture ?

 23   R.  Je ne m'en souviens pas très bien, je ne peux pas vous le dire. Je

 24   crois que c'était amené vers de poste d'observation, l'endroit où ils se

 25   trouvaient.

 26   Q.  Très bien, merci. Maintenant que vous avez parlé des postes

 27   d'observation, pourriez-vous nous dire si ce que les policiers du poste de

 28   police de Suva Reka faisaient dans ces postes d'observation ?

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  1   R.  Je peux vous dire, et là j'en suis certain, qu'il y avait un poste

  2   d'observation à proximité de l'église. Je ne me souviens pas exactement à

  3   ce poste d'observation, mais il y en avait en d'autres endroits également.

  4   Q.  Merci. Quant est-il -- [Inaudible]

  5   R.  Je ne m'en souviens pas, c'est possible. Je ne m'en souviens pas.

  6   Q.  Combien de personnes s'étaient vues confier cette tâche ?

  7   R.  Je ne m'en souviens pas, je ne peux pas vous le dire, pas loin de trois

  8   hommes, peut-être plus.

  9   Q.  Merci. Monsieur Veljkovic, une dernière chose, pourriez-vous nous

 10   apporter quelques précisions sur ce point. Le clocher de l'église, est-ce

 11   que ça ne faisait pas partie de la zone dont la poste de police assurait la

 12   sécurité ?

 13   R.  Non, non. En fait, les gens faisaient des tours de garde, des tours de

 14   deux heures. La plupart des hommes avaient des positions sûres, et c'était

 15   la police de réserve qui s'occupait de cela. Mais je peux difficilement

 16   vous en dire davantage.

 17   Q.  Merci. Maintenant, vous nous avez parlé de l'administration des forces

 18   de police de réserve, et vous nous avez dit que les fichiers ou les

 19   registres étaient rédigés par Nenad Jovanovic. Est-il correct d'affirmer

 20   que les tableaux de service, les plans de travail, contenaient également le

 21   travail des forces de réserve ainsi que des forces de la police régulière;

 22   est-ce exact ?

 23   R.  Oui, c'est exact.

 24   Q.  Est-il correct d'affirmer qu'une fois qu'on activait les réservistes,

 25   ils devenaient automatiquement personnel agréé de la même façon que les

 26   agents de police réguliers l'étaient ?

 27   R.  Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.

 28   Q.  Lorsque je vous dis que lorsque les agents de réserve étaient activités

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  1   pour un travail à accomplir au poste de police, automatiquement ils se

  2   voyaient conférer les mêmes pouvoirs que les agents de police réguliers ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Est-ce qu'il était courant que des membres des forces de réserve soient

  5   accompagnés systématiquement par des officiers de la police régulière pour

  6   ces différentes missions que nous avons évoquées précédemment; police de

  7   proximité, de la circulation, patrouille, et cetera ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci. Vous nous avez dit que des membres réservistes, membres des

 10   forces de réserve, assuraient la sécurité de l'OUP de Suva Reka, que ça

 11   faisait partie de leurs attributions ?

 12   R.  Oui, mais je ne peux pas être absolument certain à 100 % que ça faisait

 13   partie des attributions de la police régulière également.

 14   Q.  Merci. Alors, vous nous avez dit il a de cela quelques instants que la

 15   sécurité du poste de police -- enfin, vous avez parlé de la sécurité du

 16   poste de police. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en était de l'OUP ? Vous

 17   nous avez parlé de sacs qui ont été utilisés.

 18   R.  Oui, tout cela a commencé en avril 1998. On construisait des bunkers,

 19   et donc il y avait un garde qui était chargé de monter la garde à cet

 20   endroit-là. Il était armé, il avait un fusil automatique. Je crois qu'il y

 21   avait également une mitrailleuse qui était en place à cet endroit-là, et --

 22   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu la dernière partie des

 23   propos tenus par le témoin. Peut-on inviter à répéter ?

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je dois vous interrompre. Les

 25   interprètes n'ont pas entendu clairement ce que vous nous disiez. Donc, la

 26   dernière question qui vous a été posée avait trait au poste OUP et à la

 27   façon dont on assurait sa sécurité. Vous avez répondu qu'il y avait un

 28   garde équipé d'un fusil automatique. Vous nous avez dit qu'il y avait

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  1   également une mitrailleuse sur place. En revanche, les interprètes n'ont

  2   pas pu interpréter ce que vous avez dit suite à cela.

  3   Pourriez-vous nous répéter ce que vous nous disiez ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Je vais répéter ma réponse. Au

  5   poste de garde, il y avait des sacs de sable qui étaient placés tout

  6   autour, enfin en arc de cercle, la raison étant qu'il fallait assurer la

  7   sécurité pour les gardes au cas où il y aurait une attaque menée par les

  8   terroristes albanais. Si l'on devait ouvrir le feu sur eux, que ce soit de

  9   près ou de loin, ces sacs de sable devaient assurer une certaine protection

 10   aux gardes, et ces sacs devaient les protéger de tirs par des armes de

 11   petit calibre. Dans le cas contraire, bien entendu, les conséquences

 12   seraient graves pour les gardes. Mais ça évidemment, c'est autre chose.

 13   Maintenant, pour ce qui est de la mitrailleuse, elle était simplement là

 14   parce qu'une mitrailleuse est plus efficace que les fusils automatiques du

 15   point de vue des effets, si les bonnes conditions sont réunies. Maintenant,

 16   si l'on n'est pas dans les bonnes conditions, évidemment on n'utilise pas

 17   la mitrailleuse, mais voilà, c'était simplement là pour assurer la

 18   prévention.

 19   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 20   Juges.

 21   Q.  Je crois qu'il reste encore un élément qui ne figure pas au compte

 22   rendu. Combien de postes de garde y avait-il ?

 23   R.  Je crois qu'il y en avait quatre. Je crois qu'il y avait quatre postes

 24   de garde. Il est possible qu'il y en ait eu moins, peut-être y en avait-il

 25   plus également.

 26   Q.  Merci. Les incidents se sont-ils produits au cours desquels ces postes

 27   de garde ont été la cible d'attaques; et si oui, combien de ces attaques

 28   ont eu lieu, et combien de temps ont-elles duré ?

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  1   R.  Alors, s'agissant des attaques il faut savoir qu'en 1998 et 1999 il n'y

  2   a eu aucune attaque contre le poste de police de Suva Reka. Cependant, en

  3   1997 il y en a eu, et 1997, c'est l'époque où nous connaissons la dernière

  4   période de paix. Moi, j'étais en congé. Je sais qu'à un moment donné en

  5   octobre 1999, me semble-t-il, mes collègues m'ont dit qu'il y avait eu une

  6   attaque par des terroristes, et les attaquants ont attaqué le poste de

  7   police à partir de l'artère principale, la rue Cara Dushana, et d'après ce

  8   qu'on m'a dit - donc ça, ce sont mes collègues qui me l'ont dit quand je

  9   suis revenu de permission - ils occupaient des véhicules et se dirigeaient

 10   dans la direction Prizren-Pristina. Il y a eu plusieurs salves de tirs de

 11   leur part, et heureusement aucun de mes collègues n'a été blessé ou tué,

 12   mais ils ont essuyé des tirs.

 13   Alors, je ne sais pas si mes collègues à ce moment-là ont utilisé leurs

 14   propres armes pour éviter que ces attaquants prennent la fuite. Ça, j'en

 15   sais rien, mais je sais qu'une enquête a eu lieu à l'époque, et je sais que

 16   la façade du bâtiment a subi quelques dommages mineurs.

 17   Q.  Merci. Y a-t-il eu des incidents au cours desquels les gardes ont

 18   essuyé des tirs, les gardes qui assuraient la garde de ce que vous avez

 19   décrit comme étant des bunkers ?

 20   R.  Non. Les hommes qui étaient au poste de police n'ont pas essuyé de

 21   tirs, ces hommes qui travaillaient pour le poste de police. Maintenant,

 22   pour ce qui est des unités spéciales, donc les unités PJP, l'a j'en sais

 23   rien franchement. Je n'en sais strictement rien, et je pourrais

 24   difficilement vous en parler. En revanche, pour ce qui est des hommes qui

 25   étaient membres du poste de police, là il n'y a eu aucun incident les

 26   concernant.

 27   Q.  Désolé, mais j'ai le sentiment que vous n'avez pas tout à fait bien

 28   compris ma question. Je n'étais pas en train de vous demander s'il y avait

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  1   eu des attaques à l'encontre du poste de police. Je vous demandais si ce

  2   sont les gardes qui ont été la cible de telles attaques.

  3   R.  Non, il n'y a pas eu de telles attaques. Lorsque vous avez parlé

  4   d'attaques, moi j'avais compris que vous vouliez dire automatiquement aussi

  5   le poste de police.

  6   Q.  Alors dites-moi maintenant, combien de ces hommes qui effectuaient les

  7   patrouilles, combien étaient-ils, et quel type d'équipement avaient-ils, et

  8   puis quel type d'uniforme portaient-ils ?

  9   R.  Ils portaient des uniformes de camouflage de couleur bleu, et ils

 10   étaient armés jusqu'aux dents. Ils avaient des fusils automatiques avec

 11   quatre magasins de munitions. Ils effectuaient des patrouilles. Maintenant,

 12   je ne sais pas s'ils les choisissaient, ces zones, ou si on leur intimait

 13   l'ordre d'aller dans telle ou telle zone, mais c'est ainsi que ça

 14   fonctionne.

 15   Q.  Merci. Alors ça, c'est la situation telle que vous la décrivez pour

 16   1997 et 1998. C'est là la procédure standard, classique, c'est ainsi qu'ils

 17   partaient en patrouille, ils étaient équipés de cette façon-là ?

 18   R.  Oui, effectivement, c'était l'équipement standard à partir du moment où

 19   les attaques terroristes ont commencé.

 20   Q.  Merci. Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de ces

 21   attaques terroristes. En quoi consistaient-elles, pour autant que vous le

 22   sachiez ?

 23   R.  Permettez-moi de vous dire les choses de la manière suivante. En

 24   fait, il faut savoir qu'il y avait toujours eu des incidents et des tirs

 25   dont ont été cibles les forces de police au Kosovo. Cependant, à partir du

 26   mois de mars, le 1er mars 1998, date à laquelle il y a eu rébellion de la

 27   part des terroristes, alors c'est devenu pratique courante, ça se

 28   produisait tous les jours, et il fallait faire des patrouilles. Il faut

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  1   dire que les hommes qui faisaient patrouille n'aimaient pas beaucoup ça,

  2   mais enfin, ils n'avaient pas le choix, ils étaient bien obligés de le

  3   faire. Personne ne voulait savoir s'ils allaient être tués ou pas. Enfin,

  4   quoi qu'il en soit, ils n'avaient pas le choix, il fallait qu'ils y

  5   aillent. Et tout cela a commencé en 1998, en mars 1998, et ça a continué

  6   jusqu'à notre retrait en 1999, et nous n'avons pas eu le moindre répit

  7   jusque-là.

  8   Q.  Vous souvenez-vous de quelque attaque que ce soit dont aurait été

  9   la cible des populations civiles qui n'étaient pas d'origine ethnique

 10   albanaise, ainsi que les Albanais qui étaient loyaux à la République de

 11   Serbie ? Est-ce qu'il y a eu des enlèvements, par exemple ?

 12   R.  Je pense qu'au mois d'avril 1998, il me semble que c'est à ce moment-là

 13   que les terroristes albanais ont commencé à tuer les personnes qui

 14   refusaient de rejoindre l'UCK. Ils n'ont pas tué les Serbes au début. Je me

 15   souviens d'une personne qui s'est rendue au poste de police qui nous a

 16   donné des informations concernant des gens qui détenaient illégalement des

 17   armes.

 18   Aux mois d'avril et de mai 1999, on m'a dit qu'il avait été retrouvé

 19   mort dans les environs du village de Restane. Il a été tué à côté de la

 20   route. Il avait été égorgé.

 21   Pour ce qui est des enlèvements, au mois de juin 1999, au milieu du

 22   mois de juin, dans l'espace de deux ou trois jours, un certain nombre de

 23   civils serbes ont été enlevés par les terroristes albanais, et le destin de

 24   ces personnes-là est toujours inconnu. Parmi ces gens-là, il y avait un

 25   collègue à moi, Miodrag Krstic, qui s'est démis de ses fonctions trois

 26   semaines avant d'avoir été enlevé. Il a simplement demandé à être révoqué.

 27   Après, il a été malade. Il s'est rendu à Belgrade avec son frère, et quand

 28   il est revenu, il a été enlevé. A ce jour, on ne connaît pas quel a été son

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  1   destin, de même que son frère et d'autres personnes qui ont été enlevées.

  2   L'INTERPRÈTE : Est-ce qu'on peut demander au témoin de se rapprocher de son

  3   micro ?

  4   M. DJURDJIC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Veljkovic, je manque de discipline, mais en réalité, je suis

  6   obligé de vous demander de parler plus lentement pour que les interprètes

  7   soient en mesure de faire convenablement leur travail et que cela paraisse

  8   au compte rendu d'audience. Merci de parler plus lentement.

  9   R.  Dois-je répéter ma dernière réponse ?

 10   Q.  Je ne sais pas. Non, je pense que tout figure au compte rendu

 11   d'audience pour ce qui est de votre dernière réponse. Simplement,

 12   ralentissez quelque peu.

 13   Dans le territoire de Suva Reka, il y a un certain nombre de villages. Vous

 14   en avez parlé; Restane, par exemple; Djinovci -- désolé, pas Djinovci,

 15   Budakovo, Belance, et cetera.

 16   R.  Blace, pas Belance. Belanica ou Blace.

 17   Q.  En effet. Est-ce que la police pouvait s'y rendre pendant les

 18   patrouilles à partir de l'été 1998 ?

 19   R.  Non. A partir de ce moment-là, ils ne s'y sont plus rendus.

 20   Q.  Pourquoi ?

 21   R.  Pour leur sécurité personnelle.

 22   Q.  Est-ce qu'il y a eu des attaques commises contre les patrouilles de

 23   police qui se déplaçaient dans la zone ?

 24   R.  Il y avait un élément de danger, on n'envoyait plus les gars là-bas. Il

 25   ne pouvait pas y avoir d'attaque contre la police s'il n'y avait pas de

 26   police. Il y avait énormément de danger là-bas parce qu'il s'agissait de

 27   villages qui étaient intégralement habités par des Albanais. Personne ne

 28   voulait les envoyer.

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  1   Q.  A Suva Reka, à proprement parler, est-ce qu'il y a eu des attaques

  2   telle que l'attaque de Milorad Nisavic en été 1998 ?

  3   R.  Oui, je connais très bien cet incident qui a eu lieu au mois de juin

  4   1998. Le matin, entre 8 heures et demie et 9 heures, mes collègues et moi-

  5   même revenions d'avoir pris notre petit-déjeuner. Quand je suis rentré dans

  6   l'annexe, là où je devais commencer à travailler, on entendait énormément

  7   de tirs à Suva Reka venant de la direction de Prizren. Il y avait un groupe

  8   de personnes qui tiraient. Il semblait qu'il y avait une personne qui

  9   faisait des tirs en réponse. Et je me suis dit à moi-même : La guerre

 10   arrive.

 11   Cependant, cela n'a duré que très peu de temps, cinq ou six secondes

 12   peut-être. Deux minutes plus tard, les gens sont arrivés en trombe et un de

 13   mes collègues a dit : Regarde Milorad, ou Debeljko [phon] comme on

 14   l'appelait, a été blessé. Quand je l'ai vu, on voyait tout son côté gauche

 15   recouvert de sang, et j'ai dit : Il a dû être touché à l'estomac. Mais

 16   ensuite, je me suis dit, s'il avait été touché à l'estomac, il n'aurait pas

 17   pu marcher. Mais en fait il s'est avéré qu'il avait été touché au bras

 18   gauche quand il sortait du véhicule au pont, là où il y avait un kiosque

 19   qui vendait des quotidiens. Puisqu'il voulait en acheter un, il était

 20   sorti. C'est à ce moment-là qu'il a reçu une salve de balle provenant de

 21   l'autre côté de la route. C'est au moment où il s'est approché pour acheter

 22   son quotidien que les attaquants ont ouvert le feu. Je ne sais pas combien

 23   il n'y en avait. Mais grâce à son sang-froid et sa compétence, il a été en

 24   mesure de riposter et il a été grièvement blessé au cours de l'attaque.

 25   Cependant, la personne qui travaillait au kiosque, un Albanais, a été tuée,

 26   par contre.

 27   Milorad Nisavic a été emmené à la clinique et ensuite transféré à

 28   Prizren, et il a passé plus de six mois là-bas. Tout d'abord, un mois et

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  1   demi à l'hôpital, et ensuite il a reçu des soins. Il est revenu au travail

  2   juste avant le bombardement, et il a pu nous dire qu'il aurait pu

  3   reconnaître les personnes qui ont ouvert le feu sur lui à une distance de 7

  4   ou 8 mètres. Ils ne portaient pas de masques. Bien sûr, on ne pouvait pas

  5   lui dire : Non, c'est impossible. Tu n'as pas pu le voir.

  6   Q.  Merci. A l'intérieur du complexe du poste de police, il y avait un

  7   bâtiment qui servait de dortoir. A partir de l'été 1998, pouviez-vous vous

  8   déplacer dans Suva Reka, surtout les environs de Suva Reka ?

  9   R.  Non, non. Ça serait vraiment mettre sa vie en danger.

 10   Q.  Pourquoi ?

 11   R.  Se déplacer dans la rue la nuit alors qu'il y a des attaques

 12   terroristes, c'est évident.

 13   Q.  Monsieur Veljkovic, saviez-vous qu'il y avait des postes de contrôle,

 14   des barrages sur les artères principales ?

 15   R.  Il me semble qu'il s'agissait simplement de patrouilles et de

 16   vérifications de type préventif. Je ne pense pas qu'il ait existé

 17   véritablement des postes de contrôle officiels.

 18   Q.  Je ne vous parle pas du poste de police de Suva Reka à proprement

 19   parler. Est-ce que vous vous êtes déplacé sur différentes routes au Kosovo-

 20   Metohija ? Est-ce que vous avez jamais vu des postes de contrôle ?

 21   R.  Oui, il y en avait quelques-uns à Stimlje, par exemple et dans le

 22   territoire de Suva Reka également.

 23   Q.  Est-il exact de dire que tous les véhicules qui arrivaient à un tel

 24   poste de contrôle faisaient l'objet de vérification, peu importe le

 25   conducteur ou le type de véhicule, tous les véhicules faisaient l'objet de

 26   vérification ?

 27   R.  Non, simplement les véhicules individuels, il s'agissait d'une artère

 28   importante avec beaucoup de circulation; on ne pouvait pas arrêter tous les

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  1   véhicules, cela pourrait créer des goulots d'étranglement avec des colonnes

  2   de véhicules. Seuls les véhicules de particuliers faisaient l'objet de

  3   vérification.

  4   Q.  Est-ce que cela avait pour but de voir s'il y avait des armes ou

  5   d'autres objets illégaux dans ces voitures ?

  6   R.  A partir du début des attaques, cela était fait de manière préventive,

  7   surtout pour voir si la personne était un terroriste; il y avait de la

  8   contrebande en armes, et cetera. C'était la principale raison.

  9   Q.  Si on voit une plaque d'immatriculation, peut-on savoir à qui

 10   appartient le véhicule en question ?

 11   R.  A quelle personne vous voulez dire ? Qu'est-ce que vous voulez dire ?

 12   Q.  Quand vous voyez un véhicule qui porte des plaques d'immatriculation ?

 13   R.  Non, on peut reconnaître un véhicule officiel, par exemple, une voiture

 14   de police, mais s'il y a des plaques civiles, on ne peut pas faire la

 15   distinction.

 16   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qu'il y ait eu -- je vais me reprendre.

 17   En été 1998, est-ce que vous vous souvenez s'il y a eu des barrages sur les

 18   routes, par exemple entre Pristina, Suva Reka et Duljenje [phon] ?

 19   R.  Je pense que oui. A partir du mois de juin 1998.

 20   Q.  Combien de temps cela a duré ?

 21   R.  Jusqu'au mois de décembre.

 22   M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrait-on afficher le document D002-4026.

 23   Pourrait-on agrandir la partie centrale de cette carte, s'il vous plaît.

 24   Merci de faire un zoom sur la partie basse de cette carte de sorte que

 25   Pristina se trouve en haut de l'écran. Je ne vois pas Prizren. Voilà.

 26   Encore un peu plus haut. Voilà, pour qu'on voie les environs au sud de

 27   Prizren.

 28   Q.  Monsieur Veljkovic, si on parle de Suva Reka et qu'on se rend à

Page 7107

  1   Pristina via Dulje et Stimlje, combien de kilomètres y a-t-il ?

  2   R.  Je n'ai jamais mesuré, mais mes collègues m'ont dit qu'il s'agit

  3   d'environ 70 kilomètres.

  4   Q.  Et une fois qu'il y a eu un barrage sur la route où il a fallu que vous

  5   empruntiez la route qui traverse Prizren via deux autres villages

  6   [inaudible] pour vous rendre en direction de Skopje et Pristina.

  7   R.  Oui, en effet.

  8   Q.  Combien de temps fallait-il pour vous rendre par cette voie-là à cette

  9   destination ?

 10    R.  Une heure, une heure et demie.

 11   Q.  Cela a duré environ trois mois ?

 12   R.  Jusqu'au mois de septembre 1998, lorsque le barrage entre Pristina et

 13   Prizren a été levé, et pendant quelque temps, les véhicules ont pu se

 14   déplacer. Mais à partir des mois de décembre et janvier, quand les attaques

 15   terroristes encore plus terribles ont commencé, cela s'est arrêté et on

 16   devait à nouveau emprunter la voie qui passe par Brezovica et la route que

 17   vous avez décrite.

 18   Q.  Monsieur Veljkovic, au mois de juillet 1998, pour ce qui est d'Orahovac

 19   et d'autres villages concernés, est-ce que vous vous souvenez que ceux-ci

 20   ont été occupées par l'UCK ?

 21   R.  oui, je suis au courant. Je n'ai pas participé à ces opérations, je ne

 22   connais pas les détails, mais je suis au courant puisque certains de mes

 23   collègues s'y sont rendus, Orahovac avait été attaqué, le centre de la

 24   ville, les personnes ont été enlevées depuis leurs maisons et exécutées.

 25   Certains de mes collègues ont été grièvement blessés, d'autres tués. Cela a

 26   duré environ deux ou trois jours, je crois. C'est ma connaissance de ces

 27   événements-là puisque je n'ai pas participé directement à cela.

 28   Q.  Je sais cela, mais est-ce que vous pouvez dire quelque chose qui

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  1   pourrait être intéressant pour les Juges de la Chambre que vous avez

  2   entendu de vos collègues qui étaient sur place ? Y a-t-il d'autres détails

  3   que vous pouvez nous communiquer ?

  4   R.  Non, rien de plus. C'était des événements atroces qui ne méritaient pas

  5   qu'on pose d'autres questions. Je n'ai pas posé de questions, tout le monde

  6   disait à peu près la même chose, que toute patrouille consisterait à jouer

  7   avec la mort.

  8   Q.  Jusqu'au moment où la guerre a commencé, combien d'agents du poste de

  9   police de Suva Reka ont été blessés ou bien tués ?

 10   R.  Jusqu'au moment où la guerre a éclaté, à ma connaissance, il y a eu

 11   trois de mes collègues qui ont été tués et je sais également que certains

 12   d'entre eux ont été blessés, soit grièvement, soit légèrement. Je sais avec

 13   certitude que trois d'entre eux ont été tués.

 14   M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrait-on afficher la pièce de la Défense

 15   D0024-2254.

 16   M. STAMP : [interprétation] Je vois que mon éminent collègue va passer à un

 17   autre sujet. Etant donné l'heure, j'aimerais pouvoir avoir deux minutes

 18   pour poser des questions à propos du planning et demander l'assistance des

 19   Juges.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que ça serait un moment

 21   opportun pour vous arrêter ?

 22   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, j'appuie entièrement ce que dit M.

 23   Stamp.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 25   Je voudrais vous faire remarquer avant que nous n'arrêtions la

 26   déposition, Maître Djurdjic, que nous avons entendu énormément de choses à

 27   propos des événements qui ont eu lieu en 1998 aujourd'hui pendant votre

 28   contre-interrogatoire. Les événements qui nous concernent sont ceux qui ont

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  1   eu lieu essentiellement au mois de mars 1999 pour ce qui est de ce témoin.

  2   Nous espérons que demain vous allez vous concentrer plutôt là-dessus car il

  3   y a d'autres témoins que nous devons entendre cette semaine.

  4   Nous devons bientôt lever la séance, Monsieur le Témoin, nous allons

  5   continuer demain matin 9 heures. L'huissier va maintenant vous escorter,

  6   car nous allons aborder des questions de procédure.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp.

 10   M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me suis mis

 11   debout simplement pour dire que vendredi nous avons prévu d'entendre

 12   l'ambassadeur Knut Vollebaek qui a un emploi du temps extrêmement chargé,

 13   il a demandé qu'il puisse en terminer ce jour-là. Autrement, ça serait très

 14   difficile de le faire revenir dans un laps de temps relativement court.

 15   Après ce témoin, nous avons prévu M. Philip Coo. Si le Président le permet,

 16   je me demandais si on ne pourrait pas disons partager en deux la déposition

 17   de M. Coo et interposer de cette manière l'ambassadeur Vollebaek vendredi,

 18   ou peut-être après le témoin que nous entendons actuellement, on pourrait

 19   faire en sorte que M. Coo prenne la place après celle de l'ambassadeur.

 20   Je sais que nous avons une question de vidéoconférence pour la

 21   semaine prochaine, mais je pense que pour ce qui est de M. Coo, il peut

 22   s'adapter.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a une vidéoconférence la semaine

 24   prochaine ?

 25   M. STAMP : [interprétation] C'est prévu pour lundi, mardi, mercredi et si

 26   ce n'est pas encore terminé encore jeudi.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] De combien de témoin s'agit-il ?

 28   M. STAMP : [interprétation] Jusqu'ici trois. Nous pensons pouvoir en

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  1   terminer dans l'espace de deux jours et nous espérons que les Juges de la

  2   Chambre vont accepter notre requête visant à en rajouter un quatrième. Mais

  3   on pense que dans l'espace de trois jours on pourrait traiter les quatre

  4   témoins. Il s'agit dans tous les cas de témoins factuels en application de

  5   l'article 92 ter et de l'article 92 bis.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a une grande tendance à augmenter

  7   les temps et c'est quelque chose qui nous préoccupe. Il me semble que comme

  8   on a prévu d'avoir des vidéoconférences la semaine prochaine, si les

  9   conseils se comportent convenablement, il sera possible d'entendre les

 10   trois témoins qui sont actuellement sur la liste dans l'espace de deux

 11   jours, lundi et mardi. Je ne peux pas vous dire pour l'instant si nous

 12   pourrons accepter un autre témoin.

 13   Concernant cette semaine, Monsieur Stamp, ce témoin, il faudrait en finir

 14   largement dans la journée de demain. Si vous n'avez pas un autre témoin à

 15   votre disposition, on pourrait commencer avec la déposition de M. Coo.

 16   L'ambassadeur pourrait peut-être être introduit au cours de la déposition

 17   de M. Coo, et de toute façon, le témoignage de l'ambassadeur ne prendra pas

 18   toute une journée, on pourrait peut-être revenir à M. Coo vendredi.

 19   Alors savoir si on pourrait en terminer avec M. Coo avant le début

 20   des vidéoconférences est un peu ambitieux, il faudrait sans doute que vous

 21   vous arrangiez avec M. Coo pour qu'il soit également disponible la semaine

 22   prochaine à la fin des vidéoconférences. A ce stade-ci, nous ne pouvons pas

 23   estimer précisément à quel moment ça se produira, mais vous pourrez avoir

 24   des contacts avec lui concernant le calendrier.

 25   M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, je suivrai vos instructions.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   Dans la semaine qui suit, je voudrais dire, je l'ai déjà dit au

 28   conseil, nous n'aurons pas d'audience ni le jeudi, ni le vendredi afin de

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  1   permettre aux différentes personnes de revenir pour les vacances

  2   judiciaires. Le mercredi qui sera la dernière journée d'audience, il y aura

  3   une séance plénière pendant la matinée. Nous ne pourrons pas commencer

  4   notre audience avant quelques temps. Pour l'instant, il est prévu que nous

  5   aurons une audience entre 13 heures 30 et 16 heures 30, le prétoire est

  6   réquisitionné à 16 heures 30 pour une autre question, il faudra en terminer

  7   avec notre audience à 16 heures 30. Pour pouvoir se faire, nous allons

  8   commencer à 13 heures 30 plutôt qu'à l'heure normale, à savoir 14 heures

  9   15.

 10   Y a-t-il autre chose que vous voudriez rajouter, Maître Djurdjic ?

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vais être très bref, Messieurs les

 12   Juges. Si j'ai bien compris ce qu'a dit mon collègue M. Stamp, il nous a

 13   informé, nous avons accepté que M. Vollabaek doive venir témoigner vendredi

 14   et que sa déposition sera terminée le vendredi même, nous sommes au courant

 15   de cela.

 16   Pour ce qui est de M. Coo, je ne sais si nous aurons suffisamment de temps

 17   pour l'entendre, mais il semblerait que l'Accusation pourrait le faire

 18   revenir à n'importe quel moment, il est très souple. Mais je ne comprends

 19   pas l'aspect vidéoconférence. Sur la liste d'origine, il y avait deux

 20   témoins proposés, maintenant il y en a un autre qui semble être proposé et

 21   nous nous élevons contre le fait que le témoin témoigne par le truchement

 22   d'une vidéo liaison. Evidemment, sous réserve de la décision de la Chambre,

 23   il pourrait éventuellement y en avoir trois. Mais pour ce qui est du

 24   quatrième témoin par contre, celui-ci n'a jamais témoigné auparavant devant

 25   le TPIY.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp, pouvez-vous avoir des

 27   contacts avec M. Djurdjic à propos des témoins qui font l'objet

 28   d'ordonnances en ce qui concerne des vidéoconférences et pour ce qui est du

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  1   témoin supplémentaire que vous proposez, de façon à ce que Me Djurdjic soit

  2   parfaitement au courant des témoins déjà autorisés et la possibilité d'un

  3   quatrième.

  4   M. STAMP : [interprétation] Nous allons procéder de la sorte.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever la séance, nous

  6   reprendrons demain à 9 heures.

  7   --- L'audience est levée à 13 heures 53 et reprendra le jeudi 9 juillet

  8   2009, à 9 heures 00.

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