Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 17 juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vous rappelle

  7   donc le serment que vous avez déposé qui s'applique toujours.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, avant de reprendre,

  9   j'aimerais éclaircir une petite, enfin, apporter une précision à une

 10   réponse que j'ai faite hier.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Entendu. Allez-y.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez demandé, Maître Djordjevic, ce

 13   qu'il en était des différents projets qui font partie du projet sur le

 14   patrimoine culturel pour le Kosovo. Alors il y avait donc les projets

 15   concernant la loge de l'église orthodoxe serbe à Velika Hoca, le projet sur

 16   les kullas, nous avons travaillé avec Patrimoine culturel sans frontières

 17   pour toutes les étapes de planification, mais en fait, le financement pour

 18   la reconstruction a été apporté par l'agence suédoise pour le développement

 19   international et la Commission européenne.

 20   C'étaient des précisions que je tenais à apporter.

 21   LE TÉMOIN : ANDRAS JANOS RIEDLMAYER [Reprise]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic [suite] : 

 24   Q.  [interprétation] Merci. Hier, vous nous avez parlé de cette fondation

 25   suédoise. Vous avez dit que vous aviez reçu des fonds pour la

 26   reconstruction. Mais ce qui m'intéresse, c'est que vous nous avez dit qu'il

 27   y avait des problèmes pour la restauration de l'église, l'élise de Drsnik

 28   parce que les prêtres orthodoxes avaient demandé que ces travaux soient

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  1   réalisés en même temps que la patriarchie à Belgrade ou les autorités de

  2   Belgrade. Et vous avez dit que la mosquée était restaurée. Alors ce qui

  3   m'intéresse de savoir c'est que cette mosquée a été restaurée en accord

  4   avec la communauté islamique du Kosovo; c'est bien cela ?  

  5   R.  Tout à fait.

  6    Q.  Savez-vous, peut-être connaissez-vous les raisons pour lesquelles il

  7   n'y a pas eu de négociations avec la patriarchie de l'église serbe

  8   orthodoxe de Belgrade. Est-ce que vous le savez, cela, en ce qui concerne

  9   la restauration du monastère de Drsnik ?

 10   R.  Au départ, nos contacts étaient sur place avec le Père Savo Janjic et

 11   Petar Ulemek de l'église orthodoxe de Prizren. Et ensuite, il s'est avéré

 12   qu'au départ les choses paraissaient tout à fait positives et prometteuses;

 13   et puis, il s'est avéré que quelques problèmes soient survenus dans la

 14   collaboration avec l'institut serbe pour la protection des monuments et la

 15   MINUK, la mission des Nations Unies, a demandé que les choses se fassent

 16   par son intermédiaire. Donc à ce moment-là nous avons un petit peu battu en

 17   retraite, si je puis dire, et je ne sais pas où les négociations finalement

 18   ont abouti. A ce moment-là, je n'étais plus au Kosovo moi-même. Donc c'est

 19   M. Herscher qui menait, si vous voulez, les négociations. Mais tous les

 20   projets ont été compliqués d'un point de vue administratif, parce qu'il y

 21   avait des circonscriptions différentes qui entraient en jeu. Il y avait

 22   aussi des difficultés d'ordre bureaucratique au sujet de ce projet sur la

 23   mosquée. Donc tout a été beaucoup plus long que prévu.

 24   Q.  Merci. Maintenant, je voudrais vous parler plus précisément de votre

 25   collègue, M. Herscher. Ai-je raison d'en conclure que le travail que vous

 26   avez réalisé, à savoir tous les travaux dans la région de Kosovska

 27   Mitrovica et la bibliothèque dans la partie sud de Mitrovica, c'est quelque

 28   chose que vous avez fait pro bono, de votre propre chef, et non pas dans le

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  1   cadre d'un accord ou d'un contrat, alors que M. Herscher travaillait pour

  2   les institutions de la MINUK. Donc à ce moment-là, est-ce que vous pouvez

  3   un petit peu plus nous expliquer exactement comment tout cela s'est passé ?

  4   R.  Oui. A ce moment-là, M. Herscher ne travaillait pas encore pour la

  5   MINUK. Donc j'ai reçu un mandat spécial du département de la culture de la

  6   MINUK pour procéder à ces travaux d'inspection de la bibliothèque. Avant

  7   cela, il y avait eu une mission de la fédération internationale des

  8   associations des bibliothèques à Mitrovica qui avait réalisé une étude de

  9   cette bibliothèque. Et moi, c'était une mission de suivi, si vous voulez.

 10   Et en fait, la MINUK a accepté d'assumer les frais d'hôtel, sinon, je n'ai

 11   reçu absolument aucun défraiement, aucun honoraire. J'ai passé la journée à

 12   Mitrovica, j'ai rédigé mon rapport; et le lendemain, je suis retourné aux

 13   Etats-Unis. Voilà, ça a juste allongé mon séjour au Kosovo d'une journée.

 14   Q.  Et M. Herscher, ensuite, son poste au sein de la MINUK, quel a-t-il été

 15   ?

 16   R.  Il avait un contrat de six mois, et un petit peu plus tard dans

 17   l'année, il est devenu directeur adjoint du département de la culture de la

 18   MINUK. Et ensuite, lorsque le directeur précédent est parti temporairement,

 19   c'est lui qui assumait les fonctions de directeur. Et puis ensuite il est

 20   retourné aux Etats-Unis. Il a entamé sa carrière dans l'enseignement et

 21   ensuite il a continué à travailler pour la MINUK mais en tant que

 22   consultant extérieur.

 23   Q.  Merci. Alors avec M. Herscher, vous avez rédigé un rapport ou un

 24   ouvrage intitulé "Monuments et actes criminels"; est-ce exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire à quel moment cette étude ou cet ouvrage a été

 27   publié et quel en était le sujet principal ? De quoi traitiez-vous

 28   exactement dans cet ouvrage que vous avez corédigé avec M. Herscher ?

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  1   R.  C'est un article qui a été publié dans un journal de théorie culturelle

  2   intitulé "Grey Room." Et je crois que cet article a été publié à l'automne

  3   2001. Je n'ai pas mon CV sous les yeux pour vous donner la date exacte,

  4   mais en fait, il s'agissait d'un article de fond accompagné d'une série de

  5   photos. Cet article de fond traitait des différents aspects de

  6   l'architecture au Kosovo, la façon dont l'architecture s'était développée

  7   au Kosovo, en tenant compte d'un certain nombre d'arguments politiques

  8   concernant le statut du Kosovo. Cet article, je crois, a été mis à votre

  9   disposition. Cela fait déjà un certain nombre d'années que je ne l'ai pas

 10   relu, mais si vous avez des questions plus particulières à ce sujet, je

 11   serais tout à fait heureux d'y répondre.

 12   Q.  J'ai trouvé cet article et je l'ai lu. Et je voudrais vous poser un

 13   certain nombre de questions concernant des observations politiques que vous

 14   avez apportées dans cet article, observations liées à la destruction des

 15   monuments au Kosovo et liées au patrimoine culturel du Kosovo. Quels ont

 16   été les monuments qui ont fait l'objet de vos observations dans cet article

 17   ? S'agissait-il des monuments de toutes les cultures ? En d'autres termes,

 18   s'agissait-il d'une approche ethnique ? Ou alors s'agissait-il

 19   essentiellement des monuments de la culture musulmane qui, comme vous

 20   l'avez dit, sont l'objet de votre activité professionnelle générale ?

 21   R.  Cet article, d'après ce dont je me souviens, traitait de tous les

 22   éléments de la culture au Kosovo, mais ce n'était pas censé être une étude.

 23   Q.  Alors qu'est-ce que c'était censé être exactement ?

 24   R.  C'est un article que nous avons proposé au journal, ce journal qui

 25   traite d'une façon générale des théories de la culture, des théories de la

 26   représentation culturelle. Et ce que nous voulions montrer dans cet article

 27   c'est que le patrimoine culturel n'est pas, par essence, quelque chose qui

 28   puisse être considéré indépendamment de la vie politique ou des points de

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  1   vue politiques. Ce que nous voulions montrer c'est que ce n'est pas quelque

  2   chose qui peut être utilisé pour promouvoir des arguments politiques. Donc

  3   ce que je vous ai déjà dit, c'est qu'il y a déjà un certain temps que je

  4   l'ai écrit. Si vous voulez citer des passages de cet ouvrage je serais

  5   heureux d'y apporter des commentaires. Mais d'une façon générale, voilà

  6   quelle était l'idée de cet article.

  7   Q.  Non, je ne vais pas m'appesantir plus longtemps sur cet article. Je

  8   vous remercie de cette réponse, et il sera très intéressant de lire à

  9   nouveau cet article. Mais maintenant, ai-je raison de dire que vous avez

 10   également publié ensemble avec M. Herscher un article intitulé "Burned

 11   Books", "Livres brûlés" ? C'est bien cela ?

 12   R.  Oui. C'est un article, "Livres brûlées" et "Lieux sacrés détruits" qui

 13   avaient été rédigés à l'attention du courrier de l'UNESCO. C'était en fait

 14   un entretien. C'était un tout petit article d'une page seulement. Je pense

 15   que c'est à cela que vous faite allusion.

 16   Q.  Oui, exactement. Est-ce que vous vous souvenez du sujet principal de

 17   cet entretien ?

 18   R.  Cet entretien, si je me souviens bien, dans le cadre de cet entretien,

 19   on nous posait la question de savoir quelle était notre activité

 20   précisément dans le cadre de la MINUK au Kosovo. C'était un entretien

 21   téléphonique, et ce sont les bureaux de l'UNESCO à Paris, au siège, qui

 22   m'avaient contacté par téléphone. Mais c'était un entretien très bref.

 23   Q.  Merci. Maintenant, je voudrais vous poser une question sur l'institut

 24   Packard que vous avez mentionné hier comme étant l'un des bailleurs de

 25   fonds qui vous a aidé à financer ce projet. Vous avez dit que vous les

 26   aviez contactés, et dans le cadre de l'interrogatoire principal réalisé par

 27   mon éminent confrère, vous avez parlé de cet institut Packard. Mais lorsque

 28   j'ai fait des recherches à l'institut Packard, j'ai trouvé sur une page du

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  1   site internet de l'institut Packard quelque chose que j'aimerais que vous

  2   m'expliquiez un petit peu, parce que sur le site il est dit que l'institut

  3   Packard ne finance pas de projets réalisés par d'autres personnes. Il

  4   n'apporte pas des ressources financières à des projets qui sont réalisés

  5   par d'autres. Alors ce projet que vous avez réalisé au Kosovo, est-ce que

  6   c'était un projet Packard, et c'est pour cela que vous avez reçu leur

  7   financement, ou alors est-ce que c'était une exception ? Est-ce que vous

  8   pouvez nous expliquer ?

  9   R.  Je vais vous expliquer un petit peu de quoi il s'agit. Cet institut

 10   Packard en fait s'appelle Packard parce qu'il reprend le nom de l'un des

 11   deux fondateurs du groupe Hewlett-Packard, mais la personne maintenant qui

 12   dirige l'institut Packard est le fils du créateur de Hewlett-Packard. Il

 13   n'a rien à voir avec l'entreprise H-P. Il est professeur de Harvard à la

 14   retraite et il a enseigné les lettres classiques. Il est très intéressé par

 15   la culture. Il a apporté son soutien à des fouilles archéologiques en

 16   Albanie, en Turquie. Il a publié un certain nombre d'articles, et cetera.

 17   Je connais le site internet auquel vous faites allusion, mais la raison

 18   pour laquelle il met cela sur le site, c'est un petit peu pour dissuader

 19   les personnes de leur envoyer des propositions de projets, et cela, c'est

 20   comme beaucoup de fondations privées aux Etats-Unis. La façon dont cet

 21   institut Packard fonctionne, c'est qu'ils reçoivent des projets, mais ils

 22   reçoivent des projets des gens qu'ils connaissent, en qui ils ont

 23   confiance, par l'intermédiaire d'un conseil consultatif. Avant que le

 24   projet sur le Kosovo n'ait été mis au point, moi j'avais déjà été en

 25   contact avec cet institut Packard et on m'avait déjà parlé de la

 26   reconstruction des bibliothèques de manuscrits en Bosnie. Mais à ce moment-

 27   là, ils avaient décidé de ne pas soutenir notre initiative. C'est comme

 28   cela au départ que j'étais entré en contact avec eux.

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  1   Et puis ensuite, lorsque nous avons vraiment mis en place ce projet

  2   pour le patrimoine culturel au Kosovo, là, j'ai réutilisé ce contact que

  3   j'avais eu initialement et cela m'a permis de m'adresser de nouveau à

  4   l'institut pour leur demander s'ils seraient éventuellement intéressés par

  5   un financement. Et puis après quelque temps, ils ont accepté, mais dans le

  6   cadre de circonstances bien précises et assez limitées. Nous avons disposé

  7   de ressources financières, mais assez limitées et pendant une période assez

  8   courte qui n'était pas renouvelable. Donc disons que c'était effectivement

  9   une exception mais les projets qu'ils financent, ce sont des projets qui

 10   sont réalisés par d'autres personnes, mais qui sont financés par

 11   l'institut.

 12   Q.  Merci. Donc les fondateurs de cette fondation Packard c'est M.

 13   Packard et son épouse. Mais en ce qui concerne la direction de l'institut,

 14   je ne savais pas que c'était le fils du fondateur du groupe H-P. Mais sur

 15   le site Web, il y a un certain nombre de liens qui mènent vers des projets,

 16   des projets d'ailleurs tels que ceux dont vous avez parlés, les fouilles

 17   archéologiques, et cetera. Mais je n'ai rien trouvé dans aucun des liens

 18   concernant le projet sur le Kosovo. Maintenant, je comprends, vous nous

 19   dites que c'était effectivement une exception.

 20   Alors la question suivante que j'aimerais vous poser, vous avez passé

 21   beaucoup de temps dans l'interrogatoire principal à expliquer que vous

 22   travaillez de façon totalement indépendante, qu'en fait, vous n'étiez pas

 23   en relation avec le TPIY à l'époque. C'était vraiment un projet qui était

 24   le vôtre, que vous portiez vous-même; mais si j'ai bien compris, c'était un

 25   projet pour lequel vous étiez soutenu par l'Université de Harvard, si j'ai

 26   bien compris. Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer cela, également ?

 27   Est-ce que ce projet, c'est votre projet et celui de M. Herscher; c'est

 28   bien cela ? Est-ce que j'ai raison de dire cela ?

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  1   R.  Oui. En vertu de la législation aux Etats-Unis, une institution de

  2   bienfaisance telle que l'institut Packard ne peut pas, en théorie, apporter

  3   des ressources financières à des personnes qui travaillent

  4   individuellement. Elles doivent apporter des ressources financières par

  5   l'intermédiaire d'un circuit bien précis, en l'occurrence, une institution

  6   à but non lucratif. Donc nous avons fait en sorte qu'il y ait, au sein de

  7   l'Université de Harvard, un centre qui serve justement à canaliser ces

  8   ressources financières. Mais le projet lui-même ce n'était pas un projet de

  9   l'Université de Harvard, c'était un projet de deux chercheurs, en

 10   l'occurrence, M. Herscher et moi. Et lorsque j'ai travaillé sur le projet

 11   du Kosovo, en fait, je ne travaillais plus pour Harvard, à ce moment-là. Et

 12   l'université ne m'a absolument pas rétribué pour cela. Donc le lien avec

 13   Harvard, c'est purement minimal, si l'on peut dire. Est-ce que cela répond

 14   à votre question ?

 15   Q.  Oui. Je voudrais répéter ce que vous venez de dire. C'était un projet

 16   qui vous appartenait à vous et à votre partenaire, M. Herscher; c'est bien

 17   cela ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Maintenant, voudrais présenter mes excuses à la Chambre. Mais je vais

 20   faire de mon mieux aujourd'hui pour tenir compte, bien sûr, de ce que vous

 21   avez déjà dit dans l'affaire Milutinovic parce que tout cela est déjà

 22   inclus dans le dossier de cette affaire. Donc je ne vais pas tout

 23   reprendre, mais je vais juste vous poser quelques questions pour éclaircir

 24   certaines déclarations que vous avez faites.

 25   D'abord, l'une des choses qui, à mon avis, n'est pas clair du tout, est la

 26   façon dont vous avez rédigé ce rapport, ce rapport que nous avons tous à

 27   notre disposition. C'est un rapport qui rassemble un certain nombre

 28   d'éléments de preuve avec des photos, des fiches, des photos des bâtiments

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  1   endommagés. Il y a aussi toute une partie où vous parlez des témoins

  2   oculaires ou des personnes qui ont été pour vous des sources d'information.

  3   Mais vous nous dites que c'est votre projet, alors est-ce que c'est vous

  4   qui vous êtes vous-même assigné la tâche de noter, d'indiquer les dégâts

  5   sur le patrimoine culturel du Kosovo -- bien, c'est clair, en fait, je le

  6   comprends bien. Mais est-ce que c'est vous qui avez décidé d'indiquer les

  7   causes des dégâts et les responsables des dégâts, parce que lorsque vous

  8   avez répondu à mon éminent collègue dans l'interrogatoire principal, vous

  9   avez dit que vous aviez recueilli des témoignages de façon à aider le

 10   Tribunal.

 11   Maintenant, tout cela ne me paraît pas clair du tout parce que d'abord,

 12   vous nous dites, au départ, j'avais une certaine idée de ce que vous

 13   faisiez, ensuite, une autre. Donc est-ce que vous pouvez nous expliquer un

 14   petit peu, est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre en quoi consistait

 15   votre tâche pour aider le Tribunal lorsqu'il s'agissait d'acquérir des

 16   informations sur la façon dont les dégâts avaient été causés à ces

 17   monuments culturels ? Est-ce que vous avez fait quelque chose en

 18   particulier pour acquérir ces connaissances ? Comment organisiez-vous votre

 19   travail ?

 20   R.  Si vous regardez la toute première partie du rapport, la préface, la

 21   partie préliminaire, il est bien précisé que ce qui nous a incité à rédiger

 22   ce rapport, c'était le nombre d'accusations qui faisaient surface pendant

 23   et juste après le conflit concernant la destruction des monuments

 24   culturels. Donc nous avons décidé d'enquêter sur ces accusations qui

 25   étaient faites parce que nous voulions savoir : est-ce que vraiment ces

 26   monuments avaient été endommagés, et s'ils l'avaient été, comment, quand et

 27   quels étaient les dégâts précisément, quelles étaient les raisons de ces

 28   dégâts. Donc ce que nous recherchions c'était des informations qui

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  1   pouvaient nous aider à mieux comprendre tout cela, et pour nous, c'était

  2   important de consigner ces informations qui nous étaient données par écrit.

  3   La façon dont nous avons consigné tout cela, c'était afin d'aider

  4   tous ceux qui voulaient mener une enquête pour savoir qui était

  5   responsable, mais bien sûr, nous ne sommes pas des enquêteurs

  6   professionnels, nous ne faisons pas partie de la police. Les conclusions

  7   que nous avons pu tirer nous-mêmes sont des conclusions du type : quel est

  8   l'état du bâtiment ou du monument ? Pour quelle raison se trouve-t-il dans

  9   l'état actuel aujourd'hui ? Des questions plus générales sur la façon dont

 10   la destruction avait pu être faite.

 11   Q.  Mais ai-je raison de dire que si votre enquête se limitait

 12   uniquement à la période à laquelle vous faites allusion dans votre rapport,

 13   c'est-à-dire juste après que les forces de la KFOR soient entrées au

 14   Kosovo, donc, après juin ? La période au cours de laquelle vous vous êtes

 15   trouvé au Kosovo-Metohija, vous avez inspecté 144 monuments. C'est ce que

 16   vous nous avez dit, 144.

 17   Mais est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps vous avez

 18   passé exactement au Kosovo, sur place ? Est-ce que vous y êtes allé

 19   plusieurs fois pendant que vous écriviez ce rapport avec M. Herscher ? Est-

 20   ce que vous avez d'abord séjourné au Kosovo avant de faire votre rapport ?

 21   Combien de temps en tout avez-vous passé au Kosovo ?

 22   R.  Mais je l'ai indiqué au cours de l'interrogatoire principal, M.

 23   Herscher et moi-même, nous nous sommes rendus au Kosovo trois fois. La

 24   première fois en octobre 1999, où nous sommes restés pratiquement un mois

 25   entier, trois semaines et demie; la deuxième fois nous sommes restés trois

 26   semaines, en octobre de l'année suivante, en octobre 2000; et la dernière

 27   fois c'était en mars et avril 2001, là encore, pour trois semaines. Le

 28   temps que nous avons passé pour chacun des monuments, bien sûr, a varié

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  1   considérablement selon les monuments. Dans certains cas, lorsque le

  2   monument avait été complètement détruit, il n'y avait pas grand-chose à

  3   faire, si ce n'est prendre une photo. En revanche, lorsque la situation

  4   était un petit peu plus compliqué, nous y avons passé plus de temps. Mais

  5   ce qui nous a pris le plus de temps c'était les déplacements, parce que

  6   très souvent ces lieux étaient assez éloignés et les infrastructures

  7   n'étaient pas très, très bonnes. Donc cela nous prenait énormément de temps

  8   pour nous déplacer d'un point à un autre.

  9   Q.  Pendant vos séjours au Kosovo, dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que

 10   vous étiez toujours basé à un seul endroit ou est-ce que cela variait en

 11   fonction du site que vous alliez visiter ou inspecter ?

 12   R.  Cela variait en fonction des endroits que nous allions voir. La

 13   première fois, nous étions basés à Pristina et puis nous partions pour la

 14   journée de Pristina. Et puis la deuxième et la troisième fois, nous nous

 15   sommes installés non seulement à Pristina, mais également à Pec, c'est à

 16   l'ouest du Kosovo.

 17   Q.  Je vous remercie. Ma question suivante. Vous avez évoqué les dates

 18   butoir et les limitations imposées à la longueur de vos séjour, et vous

 19   nous avez dit qu'il ne vous a pas été possible de vous déplacer facilement

 20   au Kosovo vu le mauvais état des routes. Alors comment est-ce que vous avez

 21   pris vos dispositions pour vous déplacer, pour vous rendre au site que vous

 22   vouliez voir ? Est-ce que c'était arrangé ad hoc avec la MINUK ou est-ce

 23   que vous vous y preniez tout seul, ou comment est-ce que vous le faisiez ?

 24   R.  C'est sans avoir eu de contact préalable avec la MINUK ou avec qui que

 25   ce soit d'autre. Donc on a pris une voiture qu'on a louée et un chauffeur.

 26   Et ça m'a été recommandé par une connaissance, par un reporter qui s'était

 27   servi des services du même chauffeur avant cela. Et ce chauffeur c'est

 28   quelqu'un qui était bilingue qui pouvait parler turc ainsi qu'albanais.

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  1   Donc j'ai pu lui demander d'agir comme interprète pour moi lorsque je ne

  2   pouvais pas m'adresser directement aux gens. Et donc il travaillait pour

  3   nous en étant payé à la journée, et à la fin, je pense, de nos

  4   déplacements, sa voiture était bousillée et il n'avait pas suffisamment

  5   d'argent pour en acheter une neuve.

  6   Q.  Je vous remercie. Vous nous avez dit qu'avant chacune de vos visites,

  7   vous vous rendiez au bureau de la MINUK ou du Procureur, me semble-t-il, je

  8   ne suis pas certain de quel bureau il s'agissait, pour vous renseigner sur

  9   la situation qui prévalait là où vous alliez vous rendre, pour vérifier si

 10   la sécurité était garantie. Par exemple, pour Mitrovica, ils vous ont dit

 11   de ne pas vous y rendre parce qu'il y a eu des accrochages au pont, me

 12   semble-t-il.

 13   R.  Oui. Ça a été notre unique contact avec la MINUK, excusez-moi, avec le

 14   bureau local du TPIY à Pristina. C'est tous les jours que ce bureau

 15   recevait de la part de la KFOR un rapport sur la sécurité sur le terrain et

 16   ils nous en informaient. C'est avant chacune de nos visites qu'ils nous

 17   disaient quelles étaient les prévisions sur le plan de la sécurité, et dans

 18   la plupart des cas, ça ne posait pas problème. Et ce jour-là en

 19   particulier, ils nous ont conseillé de ne pas nous rendre à Mitrovica. Nous

 20   ne leur disions pas quelle était notre destination, mais on demandait

 21   simplement de nous fournir le rapport portant sur la sécurité pour la

 22   journée en question.

 23   Q.  Oui, justement, par votre réponse vous m'apportez les éléments sur

 24   lesquels j'allais vous interroger par la suite. Donc pour traduire depuis

 25   l'albanais vers le turc ou l'anglais, comment faisiez-vous concrètement,

 26   comment ces traductions étaient-elles faites, puisque ce chauffeur, si j'ai

 27   bien compris, vous a servi d'interprète, de traducteur ?

 28   R.  A chaque fois que nous nous déplacions, nous avions ce chauffeur. Il y

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  1   avait M. Herscher, moi-même et plusieurs fois, il nous est arrivé de

  2   prendre des guides. Par exemple, quelqu'un de l'institut pour la protection

  3   des monuments historiques.

  4   Sur le plan linguistique, comment est-ce que cela a fonctionné ? Je

  5   parle couramment plusieurs langues, y compris l'allemand et le turc. J'ai

  6   passé trois années en Turquie, j'avais la bourse Fulbright. Et vous avez au

  7   Kosovo nombre de personnes qui ont passé des années en Suisse ou en

  8   Allemagne. Ils travaillaient, donc ils parlent l'allemand. Et dans des

  9   villes telles que Prizren, et dans une certaine mesure à Vucitrn, Mitrovica

 10   et Pristina, on tombait facilement sur des gens qui parlaient turc. Et il

 11   m'est même arrivé de parler turc avec des Serbes. Dans des villes, vous

 12   avez des gens qui parlent le turc. Donc il nous est arrivé parfois de nous

 13   trouver dans une situation où on avait en face un interlocuteur qui ne

 14   parlait qu'albanais. A ce moment-là, je m'adressais en turc à notre

 15   chauffeur et lui il interprétait depuis l'albanais vers le turc et

 16   inversement. Donc vous n'aviez que l'interprétation vers une seule langue

 17   et on ne passait pas par l'anglais comme relais. Donc je m'exprimais en

 18   turc et lui il traduisait vers le turc.

 19   Q.  Je vous remercie. Donc votre chauffeur, votre interprète, c'était votre

 20   chauffeur ? Quelle était sa profession ?

 21   R.  Sa profession avant la guerre, il avait été musicien et il était

 22   musicien à la radio de Pristina et il a donné des concerts partout au

 23   Kosovo. Il connaissait bien le terrain et il avait une voiture, ce qui

 24   était important.

 25   Q.  Je vous remercie. Dans votre rapport de 2001, vous citez à un moment

 26   donné l'institut pour la protection du patrimoine culturel du Kosovo, puis

 27   l'institut pour la protection des monuments de Yougoslavie. Mais ce qui

 28   m'intéresse plus particulièrement c'est le paragraphe où vous dites que les

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  1   critères appliqués par les autorités yougoslaves où on a dressé la liste

  2   des monuments relevant de la protection de l'institut avant la guerre, que

  3   ces critères se fondaient sur des raisons idéologiques. Vous avez fait des

  4   sciences sociales, donc je n'ai pas à vous demander quelle est la

  5   signification de la notion d'idéologie, mais j'aimerais savoir ce que vous

  6   avez eu à l'esprit lorsque vous avez rédigé cela et mes questions suivantes

  7   dépendront de votre réponse. Donc j'attends tout d'abord que vous ayez

  8   apporté la réponse à cette question-ci.

  9   R.  Tout à fait, je vous en prie. La référence concerne la législation qui

 10   était en vigueur. Un certain nombre de monuments et de sites étaient placés

 11   sous la protection de la loi, et dans la plupart des pays, à différents

 12   niveaux, vous avez cela, soit localement, soit au niveau national. Et

 13   généralement, un monument se trouve placé sous tel ou tel niveau de

 14   protection, à savoir destruction ou tout dégât apporté à ce monument est

 15   prohibé et les ces monuments qui figurent sur les listes ont droit à une

 16   certaine réparation ou restauration financée par le gouvernement central.

 17   Les critères, bien sûr, dépendent, varient et certains critères, par

 18   exemple, sont universels et tout à fait compréhensibles. Il s'agit d'un

 19   monument très ancien, par exemple, quelque chose qui a une importance

 20   historique, à savoir parce que c'est lié à un événement historique. Est-ce

 21   que c'est quelque chose qui est universellement reconnu et est-ce que c'est

 22   quelque chose qui est souvent cité, de quoi on a beaucoup parlé dans les

 23   publications, et en particulier, cela a à voir avec ce que les autorités en

 24   question considèrent comme étant prioritaire.

 25   Donc dans la Yougoslavie communiste, on s'attachait surtout à tout ce

 26   qui était monument datant de la Seconde Guerre mondiale et au mouvement de

 27   la résistance, des partisans de la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, au

 28   Kosovo, dans tous les musées locaux, l'une des tâches principales était de

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  1   préserver tous les éléments qui avaient à voir avec la résistance de la

  2   Seconde Guerre.

  3   Donc d'une certaine manière, ce n'était pas un choix neutre de savoir

  4   si telle ou telle chose figurera sur la liste des monuments protégés. Donc

  5   c'est un choix politique.

  6   Et lorsque j'en parle dans mon rapport, je suppose que c'est à cela que

  7   vous vous référez, je tiens à dire que même si au Kosovo il y avait nombre

  8   de monuments très anciens, tant islamiques qu'orthodoxes, très peu de ces

  9   monuments islamiques figuraient sur la liste des monuments protégés. Vous

 10   aviez davantage de monuments orthodoxes, par exemple, qui étaient protégés.

 11   Et cela se reflète aussi au niveau des subventions et des fonds qui étaient

 12   alloués aux restaurations et entretiens de ces monuments.

 13   Q.  Je vous remercie. Ma question suivante à présent : savez-vous qu'en

 14   1977, une loi a été adoptée portant sur la protection des monuments

 15   culturels, plus particulièrement la province autonome du Kosovo, et c'était

 16   ça son appellation à l'époque, la population albanaise de souche, et je

 17   pense que nous serons d'accord sur le fait que c'était la période de leur

 18   plus grande autonomie avant qu'ils ne demandent l'indépendance d'un Etat à

 19   part. Est-ce que vous savez qu'à ce moment-là tous les employés de

 20   l'institut quasiment étaient des Albanais de souche, y compris le directeur

 21   de l'institut pour la protection des monuments ? Et savez-vous comment

 22   cette loi entend protéger le patrimoine culturel ? Est-ce que vous savez

 23   quelle est la liste, quel est le nombre de monuments serbes qui ont été

 24   placés sous la protection par cette loi par rapport au nombre de monuments

 25   islamiques ? Si vous le savez, répondez-moi, s'il vous plaît, à cette

 26   question.

 27   Q.  Ce que je sais c'est qu'effectivement une loi a été adoptée, mais je ne

 28   sais pas quelle était la pertinence des employés de l'institut dans les

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  1   années '70. Je sais quelle a été la composition de ce personnel dans les

  2   années '90, et pendant cette période-là, la majorité des employés n'étaient

  3   pas Albanais. Alors pour ce qui est du nombre de monuments qui ont été

  4   placés sous la protection, de la manière dont je comprends les choses,

  5   c'est quelque chose qui a varié d'une année sur l'autre, parce qu'à

  6   différents moments on a ajouté des monuments, et je ne peux pas vous citer

  7   de chiffre. Je ne connais pas le chiffre précis. Pour ce qui est des années

  8   '90, nous nous sommes basés sur des publications qui portaient là-dessus.

  9   Effectivement, c'est de là que nous tirions les chiffres avec lesquels nous

 10   opérions. Mais nous n'avons jamais pu savoir très précisément ce qu'il en

 11   est pour l'ensemble des monuments.

 12   Q.  Il y avait bien plus de monuments de l'église orthodoxe serbe qui se

 13   sont trouvés protégés. Mais j'aimerais savoir, en plus des raisons

 14   idéologiques, comme vous le dites, quels seront les fonds alloués à la

 15   préservation et la maintenance de ces monuments ? Est-ce que vous savez

 16   quels ont été d'autres critères sur lesquels s'est fondé le gouvernement

 17   pour allouer des fonds à la protection, par exemple, des établissements à

 18   vocation religieuse ? Donc est-ce que vous pourriez nous dire à peu près

 19   quels sont les critères sur lesquels on s'est fondé à l'époque pour

 20   déclarer un monument, monument protégé ?

 21   R.  Quant à savoir quels sont les critères qui ont présidé l'allocation des

 22   fonds, je suppose que d'une part il y avait des priorités budgétaires. Et

 23   je peux vous dire que vers la fin de l'existence de l'ex-Yougoslavie, il y

 24   avait vraiment des problèmes budgétaires. Et donc ce qui était prévu

 25   formellement n'était pas véritablement réalisé dans les faits.

 26   Et pour ce qui est des aspects spécifiques sur le plan législatif, je

 27   n'ai pas pris connaissance des textes. Je ne les connais pas.

 28   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, si aujourd'hui vous connaissez,

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  1   premièrement, les critères qui sont appliqués par l'UNESCO ? Nous savons

  2   quels sont les objectifs de cette organisation pour qu'un monument soit

  3   déclaré monument sur la liste protégée de la communauté internationale.

  4   Est-ce que vous savez quels sont ces critères appliqués par l'UNESCO pour

  5   dresser la liste des monuments protégés du patrimoine mondial ?

  6   R.  Je pense, et là vraiment on sort du domaine de mes compétences, je

  7   pense que pour qu'un document figure sur la liste du patrimoine mondial,

  8   que ce sont les comités nationaux de l'UNESCO qui présentent la candidature

  9   et la soumettent à l'UNESCO à Paris. C'est un processus long qui est entamé

 10   à ce moment-là, et il faut beaucoup de temps avant qu'un monument ne soit

 11   ajouté sur la liste du patrimoine protégé.

 12   Je sais que pour ce qui est de l'ex-Yougoslavie avant l'an 2000, il n'y

 13   avait que Dubrovnik et quelques monastères serbes dans la région de Sandzak

 14   qui figuraient sur cette liste, et je pense qu'avant 2004, il n'y avait pas

 15   de monuments situés au Kosovo ou en Bosnie qui auraient figurés sur la

 16   liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

 17   Q.  Vous seriez d'accord avec moi pour dire que vous ne connaissez pas

 18   précisément quels sont les critères appliqués par l'UNESCO pour faire

 19   figurer tel ou tel monument sur la liste du patrimoine mondial. Mais nous

 20   sommes aujourd'hui en 2009. Pouvez-vous nous dire quel est le nombre de

 21   monuments situés au Kosovo qui aujourd'hui figurent sur la liste du

 22   patrimoine mondial sous la protection de l'UNESCO, et quel est, parmi eux,

 23   le nombre de monuments de l'Eglise orthodoxe serbe ? Est-ce qu'il y a des

 24   monuments de l'Eglise romaine catholique ou autres qui figurent sur cette

 25   liste, ou bien est-ce que vous savez s'il y a un monument quel qu'il soit

 26   qui ne soit pas religieux et qui figure sur la liste du patrimoine de

 27   l'UNESCO aujourd'hui ?

 28   R.  Vous voulez dire au Kosovo ?

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  1   Q.  Oui, tout à fait.

  2   R.  Je dois dire que je n'ai pas vraiment suivi cela d'aussi près que

  3   j'aurais dû, mais je pense que le monastère de Visoki Decani a été le

  4   premier monastère qui a été catégorisé ainsi. Ensuite, Bogorodica Ljeviska,

  5   cette église de Prizren, puis le monastère de Gracanica et je pense aussi

  6   la patriarchie de Pec, donc ça en fait quatre, me semble-t-il. Je ne suis

  7   pas au courant du fait que d'autres monuments aient été catégorisés ainsi.

  8   Pour ce qui est des églises catholiques, aucune ne fait partie du

  9   patrimoine mondial. Il y a quelques-unes qui sont très anciennes au Kosovo,

 10   et il y a aussi des vestiges médiévaux, des bâtiments médiévaux, quelques

 11   sites islamiques. Donc malgré le fait qu'il y ait des monuments qui sont

 12   très anciens et très importants, je pense qu'il n'y en a aucun qui figure

 13   sur cette liste. Mais avant 2004, aucun d'aucune sorte n'en faisait partie.

 14   Q.  Très bien, Monsieur. Les experts de l'UNESCO se sont aussi basés sur

 15   des critères idéologiques, n'est-ce pas, pour répartir les bâtiments ? En

 16   fait, il s'agit de six sites et non pas de quatre, qui ont fait partie du

 17   patrimoine mondial. Etes-vous d'accord pour dire que c'était aussi des

 18   critères idéologiques ou non ?

 19   R.  Je me félicite que ces perles du patrimoine culturel mondial aient pu

 20   bénéficier de ce statut. Ils le méritent. Je pense que c'est sans conteste.

 21   On en parle dans tous les manuels d'histoire de l'art. Ils sont des

 22   représentants d'une histoire culturelle très importante, très riche, non

 23   seulement dans la culture serbe, mais aussi faisant partie de la culture

 24   mondiale. Je ne conteste pas du tout qu'ils le méritent.

 25   Q.  Vous ne pourriez pas contester cela, bien sûr. Mais concrètement,

 26   j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec moi pour dire que l'UNESCO

 27   s'est basé également sur des critères idéologiques pour insérer ces

 28   monuments sur la liste du patrimoine mondial ?

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  1   R.  Je ne pense pas que ça a été une décision politique, je ne le pense pas

  2   du tout. Comme j'ai déjà dit dans mes réponses, je pense qu'il y a un

  3   certain nombre de monuments qui, de par leur nature, devraient bénéficier

  4   de la protection, vu leur ancienneté, vu leur importance historique. Je

  5   pense que ceux dont nous avons parlé en font partie sans aucun doute.

  6   Q.  Nous en serons d'accord sans aucun problème, Monsieur Riedlmayer.

  7   Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît : au Kosovo, quelles sont les

  8   mosquées les plus anciennes, de quel siècle datent-elles, des mosquées qui

  9   pourraient revêtir une importance historique très grande par rapport à

 10   l'histoire à laquelle elles sont liées et par rapport à ce qu'on appelle

 11   généralement architecture islamique traditionnelle ? Elles sont très peu

 12   nombreuses, elles se comptent sur les doigts d'une main. Mais je vous pose

 13   ma question parce que vous êtes bien plus compétent que moi pour nous le

 14   dire.

 15   R.  Je vous remercie. Les mosquées les plus anciennes au Kosovo datent du

 16   XVe siècle, celles qui sont encore debout. Entre autres, il y a là la

 17   mosquée Bajrakli de Pec. Nous avons vu une photo de cette mosquée pendant

 18   l'interrogatoire principal. Je cite également la mosquée de l'empereur à

 19   Pristina, puis une mosquée à Mazgit, qui est en ruine, qui date de cette

 20   période-là mais qui n'est pas en bon état. A Prizren, il y a plus de 30

 21   mosquées et nombre d'elles datent du XVe ou XVIe siècle, et elles ont été

 22   déclarées par le Fonds international culturel comme bâtiments de première

 23   importance. Puis, vous avez une mosquée à Rogovo, puis la mosquée Hadum à

 24   Djakovica, qui est restaurée aujourd'hui sous l'égide de l'UNESCO. Puis, en

 25   outre, vous avez d'autres monuments islamiques, le hammam de Prizren, par

 26   exemple. Donc vous avez au Kosovo des monuments islamiques qui datent de

 27   plus de cinq siècles et certains d'entre eux revêtent une importance

 28   culturelle.

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  1   Q.  Monsieur Riedlmayer, je vous remercie de m'avoir répondu. Les monuments

  2   les plus anciens, pour autant que je le sache, datent du XVIe siècle, de

  3   1500 et quelques. Ce sont les informations que j'ai recueillies en me

  4   basant sur différentes publications. Mais je ne vais pas insister là-dessus

  5   puisque je ne tiens pas à focaliser mon contre-interrogatoire sur ce

  6   chapitre en particulier.

  7   Donc je vais maintenant aborder un autre sujet. C'est un sujet d'ordre

  8   général, toujours, et il concerne la collecte des éléments d'information.

  9   Je me permets de remarquer qu'au moment où vous avez cherché à vous

 10   renseigner sur les dégâts, sur les bâtiments ou les monuments appartenant à

 11   l'Eglise orthodoxe serbe, vous vous êtes adressé surtout aux prêtres ou aux

 12   Serbes que vous avez pu trouver sur place. Vous mentionnez le Père Savo

 13   Janjic. J'aimerais savoir, quand vous avez cherché à savoir comment ces

 14   dégâts ont été portés aux bâtiments islamiques, qu'ils soient religieux ou

 15   non, c'est pour l'essentiel que vous vous êtes entretenu avec des Albanais.

 16   Maintenant, s'agissant du monastère franciscain, donc d'un bâtiment

 17   catholique, d'un monument catholique, là, vous vous êtes entretenu avec le

 18   prêtre également.

 19   Donc vous comprendrez que ma question porte plus précisément sur votre

 20   méthode de collecte d'informations supplémentaires. C'est ainsi que je les

 21   qualifierais portant sur les modalités, comment, qui sont les auteurs,

 22   quelle est éventuellement leur identité, comment est-ce qu'ils s'y sont

 23   pris pour endommager tel ou tel monument. Alors, dites-nous, s'il vous

 24   plaît, pendant que vous avez eu des entretiens portant là-dessus, est-ce

 25   que vous vous êtes entretenu avec des représentants de la police, avec des

 26   protagonistes internationaux présents au Kosovo ? Est-ce que vous avez

 27   cherché à savoir si, par des voies officielles, on a cherché à se

 28   renseigner ? Voilà, c'est une question d'ordre général avant de voir les

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  1   choses de plus près. Merci.

  2   R.  Très bien. Permettez-moi de vous dresser une liste complète de sources

  3   utilisées. Quant à nos sources, je vais essayer de les classer en

  4   catégories différentes. Nous avons recueilli des informations de toutes les

  5   sources possibles. Vous avez mentionné, par exemple, la destruction de

  6   monastères serbes. Nous en avons discuté avec les prêtres qui se trouvaient

  7   sur place puisqu'ils avaient recueilli un grand nombre d'informations

  8   pertinentes et ils étaient également activement engagés à rendre ces

  9   informations publiques. Donc cela nous semblait être une manière tout à

 10   fait naturelle de procéder.

 11   La même chose vaut pour l'église catholique de St-Antoine à Djakovica. Je

 12   me suis rendu à cette église pour repérer le niveau de dégâts, puisque

 13   c'était une des accusations avancées dans le livre yougoslave. Quand je

 14   suis arrivé sur place, j'ai rencontré le Père Ambroz Ukaj, qui parlait

 15   couramment le turc. Nous avons eu une conversation qui a duré entre 45

 16   minutes et une heure. Il m'a fait savoir qu'il se trouvait à Djakovica

 17   pendant la guerre. Il me semblait, par conséquent, qu'il pouvait me

 18   communiquer des éléments d'information particulièrement précieux.

 19   Pour ce qui est de la police, lorsque nous étions sur place en 1999, la

 20   police de la MINUK n'avait pas encore été mise sur pied sur le territoire

 21   du Kosovo. On était en train d'établir des forces policières de la MINUK,

 22   et nous avons pu rencontrer des représentants de la communauté

 23   internationale qui venaient seulement de se rendre au Kosovo et de passer

 24   par la période d'accréditation du CICR. Mais la situation de façon générale

 25   était très chaotique au Kosovo à l'époque. Il aurait été inutile de me

 26   rendre dans des postes de police pour pouvoir recueillir des informations,

 27   d'autant plus que notre étude n'était pas focalisée sur des entretiens avec

 28   des personnes concernées. Notre objectif principal était de procéder à

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  1   l'examen des sites culturels.

  2   Toujours est-il que nous avons essayé de recueillir des informations

  3   auprès des représentants de la communauté internationale. Dans la ville de

  4   Pec, nous sommes tombés sur une jeune Française très énergique qui

  5   travaillait pour la MINUK. Son devoir consistait à organiser des projets

  6   afin de constater la dégradation de "kullas", et nous avons pu obtenir un

  7   certain nombre d'éléments d'information de sa part, de sa bouche. Ce

  8   n'était pas lors de notre premier déplacement au Kosovo, c'était pendant

  9   notre deuxième visite.

 10   A l'époque, une seule personne représentait l'UNESCO sur le terrain.

 11   Cette personne avait été engagée par les responsables de la MINUK. Il

 12   s'agissait de M. Mark Richmond, et c'était quelqu'un qui s'était spécialisé

 13   dans le domaine de l'éducation. Par conséquent, il n'avait pas de

 14   connaissances particulières dans le domaine des monuments. Il ne pouvait

 15   pas vraiment nous aider sur ce chapitre. Par ailleurs, nous avons essayé de

 16   recueillir des informations auprès des autorités locales, mais sans succès.

 17   La seule exception c'était l'institut de Djakovica qui nous a été très

 18   utile et nous a fourni un grand nombre d'informations concernant les

 19   monuments qui se trouvaient sur le territoire de cette municipalité.

 20   Q.  Je vous remercie. Vous venez de mentionner M. Mark Richmond. Cet

 21   individu, si j'ai bien compris, avait été impliqué dans des allégations

 22   concernant le niveau de dégâts infligés à un certain nombre de monuments.

 23   Toutefois, dans votre rapport vous contestez les conclusions qu'il a

 24   dégagées. Pouvons-nous préciser pourquoi cette situation est survenue avec

 25   cette personne en particulier, ce M. Richmond ?

 26   R.  Excusez-moi, je ne comprends pas à quoi vous faites allusion.

 27   Pouvez-vous me citer le passage pertinent ?

 28   Q.  Je le ferai plus tard pour ne pas perdre de temps, je reviendrai

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  1   sur ce sujet après la pause. Question suivante, vous dites que vous avez

  2   essayé de vous rendre dans l'un des monastères serbes et que les forces de

  3   la KFOR ne vous ont pas permis de pénétrer dans l'enceinte du monastère.

  4   Ai-je bien déchiffré ce passage de votre rapport ?

  5   R.  Oui, c'est un événement survenu dans la ville de Prizren, je crois. La

  6   KFOR avait encerclé la patriarchie et le monastère orthodoxe serbe qui se

  7   trouvait à Prizren, et ils ne nous ont pas permis d'entrer dans l'enceinte.

  8   Je crois que c'est l'incident auquel vous faites allusion.

  9   Lors de notre déplacement suivant, M. Herscher a réussi à entrer dans le

 10   complexe, mais en octobre 1999, ils ne nous ont pas permis d'entrer, en

 11   citant comme prétexte de raisons sécuritaires. Il faut savoir aussi que

 12   nous nous sommes rendus au Kosovo à titre individuel et que nous n'étions

 13   protégés par aucune institution.

 14   Q.  C'est justement ma question suivante. Avez-vous séjourné au Kosovo dans

 15   un cadre institutionnel ? Avez-vous fait savoir à des institutions

 16   autorisées quel sera l'objectif des travaux que vous alliez poursuivre ?

 17   Avez-vous reçu une autorisation nécessaire, ou votre déplacement au Kosovo

 18   représentait-il une surprise, était-il organisé à l'improviste ?

 19   R.  Il faut vous imaginer la situation qui régnait au Kosovo dans la

 20   période après-guerre. Lorsque nous sommes arrivés au Kosovo, nous l'avons

 21   fait après avoir traversé la frontière avec la Macédoine, puisque

 22   l'aéroport le plus proche se trouvait à Skopje, et nous avons traversé la

 23   frontière en passant pas les montagnes, près d'une localité qui s'appelle

 24   Jazince, et on nous avait expliqué qu'il était superflu de montrer quelque

 25   document que ce soit hormis nos passeports, puis ils ont comparé notre

 26   pièce d'identité avec une liste de personnes non grata, et comme nous ne

 27   figurions pas sur cette liste, on nous a laissé entrer sur le territoire du

 28   Kosovo.

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  1   Puis nous nous sommes rendus à Pristina et nous avons appris [inaudible],

  2   après nous avoir informé que le HCR organisait des conférences

  3   hebdomadaires de ONG qui s'intéressaient aux questions de construction, et

  4   nous avons assisté à ces conférences. A mon sens, le HCR a fonctionné

  5   surtout comme un lieu où on pouvait échanger des informations, mais qui

  6   n'était pas impliqué d'une manière active dans des travaux de

  7   reconstruction. Bref, n'importe qui pouvait agir à titre de ONG sur le

  8   territoire du Kosovo sans devoir passer par une procédure fort complexe.

  9   Nous avons séjourné pendant tout un mois au Kosovo sans être obligés de

 10   nous enregistrer après des autorités policières. Chaque fois que nous

 11   tombions sur un barrage routier, il suffisait de montrer nos pièces

 12   d'identité.

 13   Q.  Merci. J'apprécie énormément la réponse que vous venez de fournir. Elle

 14   explique pas mal de choses. Vous avez parlé tout à l'heure de différents

 15   monuments culturels. Vous avez parlé de mosquées, de "hammams", mais le

 16   type de site culturel qui m'intéresse tout particulièrement, vous avez

 17   mentionné des "kullas". Dans votre rapport, vous mentionnez qu'il s'agit

 18   d'un type de bâtiment traditionnel au Kosovo, et généralement dans cette

 19   partie des Balkans. Je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous dites

 20   qu'il s'agit d'une construction typique et traditionnelle au Kosovo, mais

 21   lorsque vous affirmez qu'il s'agit de bâtiment typique pour la région des

 22   Balkans, je ne le comprends pas tout à fait. J'aimerais que vous le

 23   précisiez.

 24   R.  L'expression "kulla" désigne une tour, et on peut trouver des tours

 25   différentes dans toute la région, qui va de Dalmatie jusqu'à la Turquie.

 26   Mais il existe un type de construction très particulier mentionné dans la

 27   littérature serbe, et c'est le kulla siptar, donc la tour albanaise. Et ce

 28   type de construction peut être retrouvé sur le territoire du Kosovo, de

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  1   l'Albanie et en Macédoine. Un certain nombre de trouvait également en

  2   Albanie du nord, mais la plupart ont été détruites pendant le régime

  3   d'Enver Hoxha. Donc ce type de construction est aujourd'hui particulier au

  4   Kosovo, et au Kosovo, le plus grand nombre de kullas se retrouvait dans la

  5   partie occidentale, qui est connue sous le nom de Metohija en serbe et sous

  6   l'appellation Dukagjin en albanais.

  7   Q.  A croire l'interprétation que je viens d'entendre, le Metohija et le

  8   Dukagjin, ce sont des appellations différentes pour désigner une seule et

  9   même région. Ai-je raison de l'affirmer ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Savez-vous dans quelle langue on utilise le terme "kulla" le plus

 12   couramment ? S'agit-il de japonais, d'albanais, de turc, de serbe ? Ce

 13   terme est-il utilisé le plus couramment dans une autre langue, peut-être ?

 14   R.  Ce terme est utilisé dans toutes les langues que vous venez d'énumérer,

 15   et il est utilisé aussi dans un bon nombre d'autres langues. Je pense que

 16   c'est un mot d'origine arabe. La seule différence qui existe c'est dans

 17   l'orthographe de ce mot. En serbe, on n'utilise qu'un seul "l". En

 18   albanais, il y en a deux, mais en tout cas, il s'agit d'un type de

 19   construction particulier aux Balkans qui a été en faveur particulière au

 20   cours des XVIIIe et XIXe siècles.

 21   Q.  Vous avez raison d'affirmer que le terme "kulla" est d'origine arabe,

 22   mais en serbe ce mot est considéré comme provenant de la langue turc pour

 23   être utilisé, par la suite, dans la langue serbe. Et c'est la raison pour

 24   laquelle lorsqu'on utilise le mot "kulla" en serbe, nous nous faisons tous

 25   une idée assez précise d'une tour, comme vous nous l'avez précisé. J'ai

 26   quelques photographies à ma disposition, mais je préfère vous les présenter

 27   un peu plus tard. Pouvez-vous maintenant nous décrire ce que c'est qu'une

 28   "kulla" ? A quoi cela ressemble-t-il ? Nous avons convenu qu'il s'agit

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  1   d'une tour, mais à quoi ressemble-t-elle exactement ? Quelle est sa hauteur

  2   ? Quelles sont ses caractéristiques ?

  3   R.  De façon générale, une "kulla" est construite d'une construction en

  4   pierre. C'est une construction de dimension assez importante. J'ai lu un

  5   grand nombre de descriptions portant sur les "kullas" érigées récemment.

  6   Une "kulla", par exemple, a été construite après la Deuxième Guerre

  7   mondiale et c'est un projet dans lequel toute la communauté s'est investie.

  8   Ils étaient allés jusqu'à Rijeka pour retrouver les pierres nécessaires

  9   pour la construire. Il ne s'agit pas vraiment de tour dans le sens littéral

 10   de ce mot, et la raison pour laquelle on les désigne par ce terme, c'est

 11   parce que de façon générale, dans la région, il est rare d'avoir une

 12   construction qui dépasse deux ou trois étages. Or, les "kullas" sont de

 13   grande dimension. Souvent, elles peuvent avoir deux ou trois, voire quatre

 14   étages. La partie inférieure est construite de grosses pierres non

 15   taillées. Et la seule pierre taillée se trouve à l'entrée qui est

 16   ornementale.

 17   De façon générale, ce bâtiment est entouré et à l'intérieur du bâtiment, il

 18   se trouve une pièce où les hommes se réunissent et c'est généralement la

 19   pièce la plus décorée. C'est là qu'on reçoit des invités, c'est là qu'on

 20   célèbre les fêtes.

 21   Les autres pièces sont de façon générale plus modestes. Quant à la

 22   partie inférieure, elle est utilisée pour héberger des animaux, elle sert

 23   d'entrepôt. Donc de façon générale, une "kulla" ressemble normalement à une

 24   maison médiévale qu'on retrouve ailleurs en Europe.

 25   Et ce qui est particulier pour ce type de construction, c'est qu'elle

 26   censée protéger, servir de protection et fournir un abri en même temps.

 27   Donc les "kullas" avaient été construites au cours des XVIIIe et XIXe

 28   siècles, à l'époque où toute cette région n'était pas très sûre. Il y avait

Page 7602

  1   énormément de bandits, il y avait des querelles de famille. Et dans la

  2   partie où on gardait les animaux, il n'y avait pas de fenêtres, et la

  3   partie où la famille se tenait, les fenêtres étaient très petites. Les

  4   seules fenêtres de dimensions plus importantes se trouvaient dans les

  5   pièces destinées aux invités qui se trouvent dans la partie supérieure du

  6   bâtiment. Et ceci est une "kulla" typique dans les régions rurales.

  7   Dans les villes, par exemple, dans la ville de Pec, les "kullas" ont été

  8   dessinées d'une manière plus urbaine, avec des fenêtres de plus grandes

  9   dimensions. Une "kulla" typique, c'est par exemple celle de Jashar Pasha

 10   qui se trouve dans le centre-ville de Pec et qui est décrite dans mon

 11   rapport. De façon générale, une famille albanaise va posséder une "kulla".

 12   Tous les membres de la famille ne vivaient pas forcément ensemble dans une

 13   même "kulla". Il pouvait y avoir plusieurs "kullas" qui faisaient partie

 14   d'une propriété familiale plus grande. Mais de toute manière, lors des

 15   fêtes de famille, lors des mariages ou des enterrements, c'est dans les

 16   "kullas" que tous les membres de la famille se réunissaient.

 17   Je sens que ma réponse a été exhaustive.

 18   Q.  Merci.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche à l'écran une

 20   série de documents de la Défense téléchargés dans le système du prétoire

 21   électronique, à commencer par les documents D004-2844 à D004-2848. Donc

 22   j'aimerais qu'on affiche une après l'autre toute une série de

 23   photographies. Il suffit d'afficher chacune de ces photographies pendant

 24   cinq minutes [comme interprété], au maximum.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vais faire un bref commentaire. Ce que

 27   nous voyons ici, c'est la ville de Bihac, en Bosnie. Maintenant ce qu'on

 28   peut voir c'est une tour qui se trouve à  Belgrade.

Page 7603

  1   Photo suivante, s'il vous plaît.

  2   Q.  Ceci est une tour, une "kulla" élevée à Gazimestan pour marquer la

  3   mémoire des combattants serbes qui ont perdu la vie pendant la guerre avec

  4   les Turcs.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Photo suivante, s'il vous plaît.

  6   Q.  Et cette "kulla" se trouve en Bosnie. Vous voyez qu'elle a un toit en

  7   bois et elle se trouve dans la ville de Gradac.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Photo suivante, s'il vous plaît.

  9   Q.  Ce que nous voyons ici, c'est une "kulla" qui se trouve dans la ville

 10   d'Istanbul.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Voilà. Merci.

 12   Q.  J'aimerais à présent vous poser une question qui porte sur toutes les

 13   "kullas" que nous venons de voir. Celle que nous avons vue en dernier se

 14   trouve en Turquie, toutes les autres sont disséminées dans la région des

 15   Balkans. J'aimerais vous poser la question suivante : les "kullas", les

 16   tours que nous venons de voir, sont-elles comparables aux "kullas" que vous

 17   avez pu voir au Kosovo ?

 18   R.  Ma réponse est négative; sauf d'une manière très générale. Nous avons

 19   parlé de façon générale des "kullas", de tours différentes. Et ce qui

 20   existe dans de nombreuses villes des Balkans, ce sont des "Sahat kullas",

 21   il s'agit de tours qui sont très étroites et très hautes et qui ont une

 22   horloge qui figure au sommet. Donc on peut désigner par le terme "kulla" de

 23   façon générale toutes ces bâtisses que nous venons de voir. Mais les

 24   constructions, les bâtiments que nous avons vus ne correspondent pas aux

 25   "kullas" typiques qui servaient d'habitations à la population du Kosovo.

 26   Q.  Question suivante, vous dites que ces "kullas" étaient typiquement des

 27   bâtiments albanais, mais savez-vous s'il y avait des Serbes qui les

 28   possédaient et qui y habitaient ?

Page 7604

  1   R.  Je pense que c'est quelque chose dont je fais état dans mon rapport.

  2   Des Serbes avaient été des propriétaires d'un certain nombre de "kullas".

  3   Et par ailleurs, il semblerait que ce sont les seules "kullas" qui ont

  4   échappé à la destruction. Mais comme je l'ai déjà indiqué lors de ma

  5   déposition dans l'affaire Milosevic [comme interprété], entre autres, ou

  6   même dans les ouvrages publiés par l'institut pour la protection des

  7   monuments de la République de Serbie au cours des années 1990, relèvent le

  8   fait qu'il s'agit de logements typiquement albanais. Par exemple, ceci est

  9   abordé dans l'article de Jovan Krunic, il y décrit le "kulla Siptar du

 10   Metohija", il parle de tours albanaises qui se trouvent sur le territoire

 11   de Metohija. Evidemment, aucune loi ne stipule que toutes les personnes

 12   habitant dans une "kulla" doivent nécessairement être des Albanais de

 13   souche, mais c'est un type de construction qui fait partie de la culture

 14   albanaise.

 15   Q.  Est-il possible d'établir un lien entre la domination turque qui a duré

 16   pendant cinq siècles dans la région et les "kullas" ? Vous savez à quel

 17   moment les Turcs se sont repliés, se sont retirés de cette région, c'était

 18   au début du XXe siècle.

 19   R.  Un certain lien peut être établi. En fait, on peut établir un lien de

 20   deux façons différentes. Comme vous l'avez déjà indiqué, le terme "kulla" a

 21   pénétré dans les langues parlées dans les Balkans par le biais du turc, et

 22   cela vaut également pour les trois quart de la terminologie dont vous vous

 23   serviriez dans n'importe quel restaurant des Balkans. Deuxièmement, tout ce

 24   qui s'est passé au cours des 500 ans de la domination turque a certainement

 25   un rapport avec les constructions dans la région.

 26   Mais bien que les Albanais aient tendance à affirmer que les "kullas"

 27   existent depuis la nuit des temps, à ma connaissance il n'en existait pas

 28   avant le XVIIIe et le XIXe siècle. Construire des "kullas", c'est en fait

Page 7605

  1   une mode qui s'est propagée au cours du XVIIIe siècle, et cette mode

  2   existait toujours au XIXe siècle, puis elle a disparu au cours du XXe

  3   siècle. Donc c'est un type de construction qui est vraiment typique pour

  4   cette région-là et pour cette période-là.

  5   Q.  Je suis bien d'accord avec vous pour dire que des "kullas" n'ont pas

  6   été érigées au Kosovo après le XIXe siècle, mais je conviendrais avec un

  7   certain nombre d'Albanais pour dire que des "kullas" avaient été érigées il

  8   y a quatre ou cinq siècles. La raison pour laquelle elles n'existent plus,

  9   c'est quelque chose que vous avez indiqué tout à l'heure vous-même; c'est

 10   qu'en fait les "kullas" servaient de fortification.

 11   Vous nous avez parlé des "kullas" albanaises, des "kullas" siptar.

 12   Pouvez-vous m'apporter la précision suivante : dans le cadre d'une

 13   propriété familiale albanaise, quel est l'emplacement de la "kulla" par

 14   rapport au logement de la famille ? Vous avez dit qu'on se rendait dans la

 15   "kulla" pour les grandes fêtes de famille, pour célébrer les mariages, lors

 16   des enterrements, mais où la "kulla" se trouvait-elle par rapport à la

 17   partie résidentielle de la propriété ?

 18   R.  Mais ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'ai pas affirmé que les gens

 19   n'habitaient pas dans les "kullas". Au contraire, j'ai souligné que le

 20   quartier résidentiel se trouvait au deuxième étage de la "kulla", mais j'ai

 21   ajouté par la suite que la "kulla" est un des derniers logements où on peut

 22   trouver la famille balkanique élargie typique. C'est qu'en serbe on désigne

 23   par les termes de coopération. Donc plusieurs cellules familiales

 24   habitaient ensemble, ils élevaient leurs enfants ensemble, ils partageaient

 25   leur fonds financier. Dans un tel cadre, la propriété familiale était

 26   composée d'une "kulla" qui se trouvait au milieu, qui était entourée d'une

 27   série de maisons de moindre taille.

 28   Une telle "kulla" pouvait être retrouvée dans un village, ou vous

Page 7606

  1   pouviez trouver tout un complexe de "kullas". Par exemple, il y a un

  2   village près de Junik ou 24 "kullas" sont regroupées ensemble. La même

  3   chose vaut pour la vieille ville de Decani. La vieille ville de Decani

  4   comptait un grand nombre de "kullas" qui se trouvaient à la rue. Elles

  5   étaient alignées l'une à côté de l'autre le long de la rue. Elles

  6   ressemblaient, en fait, à des maisons urbaines. Il s'agissait d'un grand

  7   village composé de "kullas". Elles ne faisaient pas partie d'une propriété

  8   familiale qui se trouverait à l'extérieur de la ville.

  9   Q.  Ma dernière question que je souhaite vous poser avant la pause, puisque

 10   le moment de faire la pause est pratiquement venu, vous avez dit que le

 11   rez-de-chaussée c'était une sorte d'étable où on gardait le bétails, puis

 12   au premier étage on retrouvait le quartier résidentiel, la pièce où la

 13   famille se tenait, puis au deuxième étage se trouvaient les pièces de

 14   cérémonies où on hébergeait les invités, ou on célébrait les fêtes. Mais

 15   vous avez dit que les "kullas" servaient de logement, mais qu'elles

 16   servaient aussi de rempart, en quelque sorte, qu'elles servaient pour

 17   garantir la sécurité de la famille. Pouvez-vous préciser ce que vous

 18   vouliez dire ?

 19   R.  Comme je l'ai déjà indiqué, à l'époque où les "kullas" sont devenues

 20   populaires, au XVIIIe et XIXe siècle, la région n'était pas très sûre. Il y

 21   avait énormément de bandits. A cause de type de construction qu'elles

 22   représentaient, les "kullas" offraient la protection contre les bandits, ou

 23   contre les familles ennemies. C'est pourquoi la partie inférieure n'avait

 24   pas de fenêtres et c'est là qu'on gardait les vivres, si bien qu'en cas de

 25   siège, on pouvait passer plusieurs jours sur place sans sortir.

 26   C'est dans ce sens-là que les "kullas" étaient dotées d'une fonction

 27   de défense. Comme les fenêtres étaient de très petite taille, les habitants

 28   n'étaient pas aussi exposés, aussi vulnérables aux attaques comme si ces

Page 7607

  1   fenêtres avaient été plus grandes. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre

  2   question ?

  3   Q.  Conviendrez-vous que les "kullas" représentaient, à l'époque, une

  4   nécessité plutôt qu'une mode, surtout à la fin du XIXe siècle lorsqu'on a

  5   construit un si grand nombre de "kullas" au Kosovo ?

  6   R.  Je pense qu'on peut dire qu'il s'agissait d'une nécessité aussi bien

  7   que d'une mode. Les conditions sociales qui prévalaient à l'époque dans la

  8   région n'étaient pas particulières au Kosovo et prévalaient dans toute la

  9   région des Balkans. Pourtant, les "kullas", on les retrouve uniquement au

 10   Kosovo. Donc oui, elles répondaient à une nécessité, mais c'était également

 11   une mode qui s'est propagée à l'époque. Il faut dire aussi, et c'est

 12   quelque chose que vous verrez à examiner les photos, seules les familles

 13   riches pouvaient se permettre de construire ces types de construction, mais

 14   évidemment elles avaient leur côté pratique également.

 15   Q.  C'est tout pour le moment. Merci, Monsieur Riedlmayer.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je pense que le moment est venu de faire

 17   la pause.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire notre première pause

 19   et nous allons poursuivre à 11 heures.

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 21   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 23   Q.  Monsieur Riedlmayer, la question que j'aimerais vous poser maintenant

 24   porte sur votre déclaration ou votre témoignage dans l'affaire Milutinovic.

 25   Lors de votre contre-interrogatoire par mon confrère Me Bakrac, il vous a

 26   parlé des "kullas" et notamment des "kullas" qui avaient été détruites par

 27   les Albanais mais qui appartenaient à des Serbes. Avez-vous des

 28   connaissances à ce sujet parce que d'après la réponse que vous avez donnée

Page 7608

  1   à mon confrère, Me Bakrac, dans l'affaire Milutinovic, d'après ce que vous

  2   avez dit, j'ai un petit peu de mal à comprendre ce que vous vouliez dire.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Là, je parle de la page 2 704, paragraphe

  4   10. 

  5   Q.  Il s'agit de la "kulla" de Kusko, de Garica, de Decani. Est-ce que vous

  6   savez que ces "kullas" avaient été démolies par les Albanais et qu'elles

  7   appartenaient à des Serbes ?

  8    R.  Non, je ne me suis pas rendu sur le site de ces "kullas", donc je n'ai

  9   pas d'informations à vous donner à ce sujet. Mais cela ne me surprend pas

 10   que de tels événements aient pu survenir.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pour notre compte rendu d'audience, ligne

 12   22, au lieu de Kula Pusko avec un P, il s'agit de Kula Kusko, avec un K. Et

 13   ensuite, il s'agit de Garica avec un G. G-a-r-i-c-a. Et Decani, D-e-c-a-n-

 14   i.

 15   Q.  Ce qui m'intéresse c'est la chose suivante : vous avez mentionné dans

 16   votre rapport que Gracanica - ça, c'est dans l'affaire Milutinovic - vous

 17   avez dit que le grand monastère serbe de Gracanica avait été transformé en

 18   une base militaire importante. Ça, c'est quelque chose que vous avez dit en

 19   page 2 743. Maintenant, est-ce que vous avez d'autres informations sur

 20   d'autres lieux saints orthodoxes qui auraient été utilisés à des fins

 21   militaires ? Je sais que vous avez mentionné les soldats qui étaient

 22   stationnés dans le monastère de St-Antoine, mais est-ce que vous avez des

 23   informations plus précises quant aux lieux saints islamiques qui auraient

 24   été utilisés comme base pour l'UCK et les terroristes albanais comme les

 25   autorités yougoslaves de l'époque les appelaient ?

 26   R.  Je n'ai pas d'informations sur des lieux religieux de la communauté

 27   islamique qui auraient été utilisés ou transformés en installations

 28   militaires. De toute évidence, je n'ai pas pu observer cela pendant la

Page 7609

  1   guerre. Ce que j'ai essayé d'observer en revanche, ce sont les dégâts

  2   subis. J'ai essayé de détecter tous les dégâts, toutes les traces

  3   d'endommagement qui pouvaient se trouver sur les différents bâtiments, s'il

  4   y avait, par exemple, en général, des incendies ou des échanges de feu.

  5   Donc lorsqu'il y a des échanges de coups de feu, bien sûr, vous pouvez vous

  6   attendre à avoir des impacts de balles sur les bâtiments et ce n'était pas

  7   courant. En général, on voyait des dommages plus importants, comme des

  8   trous très importants sur un bâtiment qui avait subi une explosion.

  9   Q.  Merci.

 10   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je voudrais appeler le document D004-2675.

 11   Nous allons prendre l'ensemble de ce document page par page, jusqu'à la

 12   dernière.

 13   Q.  Il s'agit de la couverture du livre, livre dont le titre est en

 14   anglais.

 15   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Et j'aimerais maintenant passer à la page

 16   2. Page suivante, s'il vous plaît.

 17   Q.  Ici, vous voyez qu'il s'agit d'un livre publié par les archives du

 18   Kosovo, secteur des archives de l'UCK.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Et je voudrais que nous passions à la page

 20   suivante.

 21   Q.  Ici, vous pouvez voir quels sont les auteurs qui ont participé à la

 22   rédaction de cet ouvrage.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Page suivante. Pouvons-nous zoomer sur la

 24   photo et sur la légende qui est en-dessous.

 25   Q.  Reconnaissez-vous ce bâtiment ?

 26   R.  Oui. Cela ressemble à la mosquée de Rogovo.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pouvons-nous maintenant zoomer sur la

 28   légende.

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  1   Q.  Vous voyez ici ce qui est écrit en anglais, en français, en albanais,

  2   en serbe. Il s'agit donc d'une mosquée, la mosquée de Rogovo, bâtie en

  3   1578, qui a servi comme quartier général de l'UCK en 1998 et 1999. Et ceci

  4   a été rédigé en avril 1999.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Passons à la page suivante.

  6   Q. Nous voyons ici le nom de la maison d'édition. Nous n'avons pas besoin

  7   de l'agrandir ni de zoomer.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je voudrais maintenant passer à la

  9   dernière page.

 10   Q. C'est important, c'est important parce que là nous avons le numéro ISBN

 11   de l'éditeur, qui est donc un élément de preuve. Voilà.

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Dès que nous avons cette page à l'écran,

 13   je voudrais que l'on zoome dessus, s'il vous plaît, sur le texte. Voilà,

 14   c'est tout.

 15   Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je demande le

 16   versement de ce document au dossier tout d'abord.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Et deuxièmement, au cours de

 19   l'interrogatoire du témoin, M. Popaj, pendant que mon collège faisait le

 20   contre-interrogatoire, il y a eu une photo qui a été annotée pour

 21   identification et qui a reçu la cote D315. Maintenant, je voudrais déposer

 22   ce document parce que nous avons ici une autre confirmation par ce témoin-

 23   ci qu'il s'agit de la mosquée Rogovo.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas que

 26   ce soit une base suffisante pour verser cette pièce au dossier. Je crois

 27   que c'est quelque chose qui avait déjà été annoté pour identification avec

 28   un précédent témoin. Mais là, on n'a pas posé de questions au témoin, si ce

Page 7611

  1   n'est concernant la photo et je ne crois pas que cela soit suffisant pour

  2   verser cette pièce au dossier.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ne s'agit-il pas d'une photo qui est

  4   déjà dans le dossier de ce témoin, dans les éléments de preuve ?

  5   Mme KRAVETZ : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Donc sur quelle base faites-vous

  7   cette objection ?

  8   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je ne suis pas contre la page avec la photo.

  9   Je comprends que mon éminent confrère cherche à verser tout l'ouvrage au

 10   dossier.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que c'est tout l'ouvrage ou la

 12   photo que vous voulez verser au dossier ?

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous regardez le

 14   compte rendu d'audience, j'ai été très précis. J'ai demandé le versement au

 15   dossier de toute la documentation qui a été présentée par ce témoin.

 16   Jusqu'à maintenant, nous n'avons eu qu'une photo qui avait été marquée pour

 17   identification; donc je demande qu'elle soit versée au dossier parce que je

 18   crois que cela est tout à fait possible, les conditions sont remplies.

 19   Alors je parle des éléments de preuve de Sabri Popaj. Par conséquent, seule

 20   la photo ici, mais par l'intermédiaire de ce témoin, j'aimerais que nous

 21   versions au dossier tous ces documents y compris la photo.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais ce témoin n'a rien pu dire sur le

 23   document si ce n'est qu'il a simplement reconnu la photo de la mosquée qui

 24   avait subi des dommages.

 25   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, mais c'est justement cela qui faisait

 26   l'objet d'un litige, est-ce que c'était vraiment la mosquée Rogovo ou pas.

 27   Donc je n'ai pas d'objection à ce que la Chambre prenne sa décision à cet

 28   égard plus tard. Mais en ce qui concerne ce témoignage-ci, je voudrais

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  1   verser cet ensemble de photos au dossier. C'est tout ce qui a été donné par

  2   la Défense sous le document D004-2675.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre estime, Maître Djordjevic,

  5   que la page, la photo de la mosquée peut être versée au dossier si vous

  6   pensez que cela peut servir la cause de la Défense. Bien entendu, c'est un

  7   nouvel exemplaire d'une photo qui existe déjà, qui est déjà marquée pour

  8   identification, et d'après ce dont je me souviens, c'est une photo dont il

  9   y a un autre exemplaire et qui fait partie des éléments de preuve de

 10   l'interrogatoire principal. Mais si vous pensez qu'il y a de bonnes raisons

 11   de verser cette photo que vous avez montrée au témoin au dossier, nous

 12   l'accepterons, mais pas l'ensemble de l'ouvrage.

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Il n'y a aucun intérêt de verser au

 14   dossier uniquement la photo parce que c'est la même photo que celle qui a

 15   été utilisée dans l'interrogatoire principal. Pour moi ce que je veux,

 16   c'est verser au dossier l'ensemble de l'ouvrage ou rien du tout. Pourquoi ?

 17   Parce que c'est un ouvrage qui a été publié par l'UCK qui montre que cette

 18   mosquée a été utilisée comme le siège principal de l'UCK, c'est ce que dit

 19   cette publication. Et c'est pour cette raison que je pense qu'il est

 20   important que l'ensemble soit versé au dossier pour bien montrer que

 21   c'était là le QG de l'UCK.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Notre réponse reste la même, Maître

 24   Djordjevic. Le témoin n'a pas eu la possibilité de parler de cet ouvrage ou

 25   de cette légende que vous avez indiquée. Donc peut-être à un autre moment,

 26   vous pourriez discuter avec Mme Kravetz pour voir si elle accepterait ou

 27   pour voir si vous pourriez trouver un témoin qui pourrait être en mesure

 28   d'identifier cet ouvrage et de dire quelque chose sur les auteurs et la

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  1   fiabilité de l'ouvrage en question. Mais ce témoin-ci n'a rien dit à ce

  2   sujet. Par conséquent, la seule chose que nous sommes en mesure d'accepter

  3   et de verser au dossier aujourd'hui est la photo. Et comme vous le faites

  4   remarquer, cela n'est pas vraiment intéressant puisque cette photo existe

  5   déjà dans le cadre des éléments de preuve de ce témoin-ci. Donc en fait,

  6   rien ne sera versé au dossier.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En fait, il

  8   s'agit ici de six pages de l'ouvrage et la Défense voulait fournir ces six

  9   pages en tant qu'élément de preuve pour prouver l'authenticité de ce

 10   document et cela était lié à la question que j'ai posée au témoin à savoir

 11   s'il avait connaissance d'éléments religieux de la communauté islamique et

 12   qui auraient été utilisés à des fins militaires. C'était là l'objet de ma

 13   question. Mais je suis d'accord qu'il y aura d'autres façons pour moi de

 14   faire verser ce type de document au dossier.

 15   Q.  Maintenant, Monsieur Riedlmayer, ma question suivante est la suivante.

 16   Dans votre rapport, vous avez étudié 607 mosquées au Kosovo-Metohija. Il

 17   semble que vous avez mentionné certaines informations qui remontent à 1997.

 18   Comment avez-vous obtenu ces informations ?

 19   R.  En fait, c'était un peu plus tôt que cela. Je n'ai pas mon rapport sous

 20   les yeux, mais c'est assez facile à retrouver. Le chiffre de 607 mosquées

 21   provient d'une publication de la communauté islamique du Kosovo, c'est une

 22   publication mensuelle intitulée "Dituria Islame", D-i-t-u-r-i-a I-s-l-a-m-

 23   e, et qui signifie quelque chose comme "connaissance islamique". Et c'est

 24   une revue qui traite de contenus qui ont trait à l'Islam et aussi un

 25   certain nombre d'articles sur l'histoire de la communauté islamique. Il y

 26   avait un article, je crois que c'est en 1993, il faudrait que je vérifie,

 27   qui énumérait le nombre de mosquées au Kosovo. Et je crois qu'il y en avait

 28   en tout 607, mais celles qui étaient réellement utilisées étaient au nombre

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  1   de 463, 463 ou quelque chose comme cela. Ça, c'est effectivement dans la

  2   conclusion de notre rapport et nous avons donc bien précisé qu'un peu plus

  3   d'un tiers de toutes les mosquées au Kosovo avaient subi des dommages plus

  4   ou moins importants au cours du conflit.

  5   Q.  Merci. Je ne comprends toujours pas. Ce sont des phrases dans votre

  6   rapport. Vous dites au 2.3 et je cite :

  7   "D'après les données statistiques publiées en 1993…"

  8   Alors ce que je vous demande, c'est quelles sont ces données statistiques ?

  9   Où les avez-vous trouvées ?

 10   R.  Je viens de mentionner la source. Il s'agissait de cette publication

 11   mensuelle publiée par la communauté islamique du Kosovo. Il s'agissait de

 12   l'organe de coordination centrale de la communauté islamique au Kosovo et

 13   c'est cet organe central qui, en fait, administrait, gérait les mosquées.

 14   Donc les chiffres qu'ils ont donnés dans leur publication sont les chiffres

 15   que j'ai utilisés.

 16   Q.  Oui, mais vous dites :

 17   "D'après les données statistiques publiées en 1993…"

 18   C'est en général le gouvernement qui publie des données statistiques, pas

 19   d'autres types d'institutions, c'est pour ça que je vous pose la question.

 20   Vous dites qu'en 1993, il y avait --

 21   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à l'orateur de parler plus

 22   lentement lorsqu'il lit des chiffres.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 24   Q.  Donc la question que je vous pose c'est quelles sont les données

 25   statistiques officielles que vous avez obtenues en 1993 ? Pouvez-vous me

 26   donner une réponse ?

 27   R.  Je ne crois pas que les données statistiques provenaient du

 28   gouvernement. Je pense qu'en l'occurrence, c'est cet organisme qui était

Page 7616

  1   chargé de gérer, d'administrer les mosquées de la communauté islamique du

  2   Kosovo qui était en mesure d'avoir les connaissances précises et exactes

  3   sur le nombre de mosquées. Donc je pense que ce sont des données qui

  4   peuvent être considérées comme tout à fait fiables.

  5   Q.  Vous venez de dire que vous pensez que ce sont des informations que

  6   l'on peut considérer comme fiables. Mais est-ce que ce sont des

  7   informations que vous avez vérifiées vous-même quant au nombre précis de

  8   mosquées ?

  9   R.  Mais je n'avais pas de moyen de procéder à cette vérification.

 10   Q.  Pouvez-vous nous dire si vous avez utilisé des informations concernant

 11   les lieux de culte catholiques, catholiques romains ?

 12   R.  Oui. La communauté catholique romaine a un certain nombre de

 13   publications aussi qui traitent de l'histoire de la communauté catholique

 14   romaine au Kosovo. Néanmoins, ces publications n'avaient pas ce type de

 15   statistique. Mais de toute façon, ce n'était pas des données qui nous

 16   intéressaient essentiellement puisque les dégâts infligés aux églises

 17   catholiques étaient très très limités. Il y en avait eu très peu.

 18   Q.  Apparemment, vous ne comprenez pas ma question. Je vous ai posé une

 19   question d'ordre général sur le nombre de lieux de culte catholiques au

 20   Kosovo, pas ceux qui ont été endommagés ou pas endommagés. Je vous ai posé

 21   une question sur le nombre de lieux de culte islamiques, maintenant, je

 22   vous pose la même question pour le nombre de lieux de culte catholiques.

 23   Combien y en avait-il au Kosovo ?

 24   R.  Je ne sais pas.

 25   Q.  Est-ce que vous avez cherché à connaître le nombre de lieux de culte

 26   catholiques lorsque vous vous êtes entretenu avec le révérant Pukaj que

 27   vous avez mentionné ?

 28   R.  Non. Il s'agit de Ambroz Ukaj qui était en fait le curé de la paroisse

Page 7617

  1   de Djakovica. Donc c'est à lui que j'ai demandé, j'ai posé des questions

  2   sur les églises de son diocèse de Djakovica, mais je ne lui ai pas demandé

  3   pour les autres parties du Kosovo, pour les autres diocèses du Kosovo. Nous

  4   avons indiqué le nombre des églises des villages autour de Djakovica où il

  5   y avait eu des dégâts ou des destructions pendant la guerre. Et tout cela

  6   est inclus dans ma base de données. Ensuite, je me suis arrêté à Prizren où

  7   se trouve le diocèse du Kosovo, le siège des autorités catholiques, et je

  8   leur ai demandé des informations sur les dégâts subis par les églises, mais

  9   je n'ai pas demandé le nombre total d'églises.

 10   Q.  Alors, pour revenir à l'église St-Antoine de Djakovica, vous nous avez

 11   dit que le Père Ambroz Ukaj était en permanence à Djakovica. Et vous dites

 12   dans votre rapport qu'à un certain moment, l'armée a évacué le monastère et

 13   a demandé à tous les membres du clergé de quitter ce monastère afin de

 14   pouvoir utiliser ce monastère à des fins militaires. Est-ce que vous avez

 15   évoqué les conséquences du bombardement sur la caserne avoisinante, la

 16   caserne qui était juste à côté de l'église St-Antoine, et dans quelle

 17   mesure cela a touché l'église elle-même ?

 18   R.  Oui, c'était justement l'objet de la conversation que j'ai eue avec

 19   lui, étant donné les accusations qui avaient été faites concernant les

 20   dégâts sur les églises et sur cette église. Alors je me suis rendu sur

 21   place, j'ai vu l'église où des vitraux avaient été remplacés, mais sinon,

 22   il n'y avait pas d'autres dégâts. Et je lui ai demandé s'il y avait eu

 23   d'autres problèmes, d'autres dégâts. Il m'a dit qu'en fait, les frappes de

 24   l'OTAN n'avaient pas détruit ni l'église ni le presbytère. Il y avait juste

 25   simplement des vitraux qui avaient été brisés. Et vers la fin de la guerre,

 26   il avait été en mesure de réutiliser le presbytère qui avait été utilisé

 27   pendant la guerre par l'armée yougoslave. Donc il y avait eu un certain

 28   nombre de dégâts sur ce presbytère et il a pu récupérer ce presbytère et

Page 7618

  1   s'y est réinstallé. Mais en dehors de cela, il ne m'a pas expliqué les

  2   conséquences des bombardements sur cette église.

  3   Q.  Juste une petite digression. Est-ce que vous voulez dire qu'il y a eu

  4   pillage ? Est-ce qu'on a pillé le mobilier de l'église et les ordinateurs ?

  5   R.  Ce qu'il m'a dit tout d'abord, c'est qu'il y a eu pillage,

  6   effectivement, qu'on a pillé les lieux et que quasiment tout le mobilier a

  7   disparu et qu'il y a eu également des graffitis au mur et qu'on a détruit

  8   l'intérieur. C'est ce qu'il nous a dit. On a ravagé l'intérieur.

  9   Q.  Je vous remercie. Vous avez accordé une grande place à la destruction

 10   des monuments culturels islamiques. C'est la raison pour laquelle je vais

 11   vous poser ma question au sujet du patrimoine orthodoxe. Quels sont les

 12   dégâts qui lui ont été infligés ? Ce sera ma première question d'ordre

 13   général, pour commencer ce chapitre.

 14   R.  Très bien. Pour ce qui est de l'héritage orthodoxe serbe, vous savez

 15   bien qu'un chapitre entier dans le rapport y est consacré. Ce que nous

 16   avons pu constater, c'est qu'il y a eu des dégâts qui ont été infligés à

 17   peu près à 80 églises au Kosovo. Pour certaines d'entre elles, nous nous y

 18   sommes rendus nous-mêmes; pour d'autres, les informations que nous avons

 19   obtenues proviennent des autorités de l'Eglise orthodoxe serbe. Nous avons

 20   échangé des éléments d'information et des photographies avec ces autorités

 21   en nous servant de certains documents tenus par eux, et vice versa.

 22   Nous avons pu constater également que les monuments serbes ont été

 23   endommagés également après la guerre en juin, c'est-à-dire pendant les

 24   trois mois qui ont suivi la fin des hostilités. Je parle bien de monuments

 25   orthodoxes serbes. A l'époque, nous sommes arrivés en octobre et il y a eu

 26   moins d'attaques, mais il y a eu sporadiquement encore quelques attaques.

 27   Et pour autant que nous le sachions, il y a eu 30 églises de plus qui ont

 28   été vandalisées ou détruites en 2004.

Page 7619

  1   Q.  Le 17 mars 2004, je suppose que c'est la date à laquelle vous faites

  2   référence au Kosovo ?

  3   R.  2004.

  4   Q.  Oui, 2004.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Je vous remercie.

  7   Dites-moi, s'il vous plaît, quel est le nombre de sites où vous vous

  8   êtes rendu pendant votre premier séjour au Kosovo, le nombre de sites où se

  9   situent les églises orthodoxes serbes ?

 10   R.  Sur-le-champ, je ne retrouve pas le nombre. Je pense que cela figure

 11   dans mon rapport. Je pense qu'on devrait pouvoir facilement le retrouver.

 12   Je pense que nous avons visité en tout une dizaine de lieux. Nous avons

 13   essayé de ne pas visiter trop d'endroits, parce que nous avions déjà reçu

 14   les documents portant sur les destructions, fournis par l'Eglise orthodoxe

 15   serbe et publiés par l'Eglise serbe sur sa page Web et aussi dans une

 16   publication intitulée "le Kosovo crucifié."

 17   Et par la suite, il y a eu une deuxième édition l'année d'après. Nous nous

 18   sommes également fondés sur cette publication-là, ainsi que d'autres photos

 19   que nous avons reçues dans le cadre de nos échanges avec le Père Sava

 20   Janjic. Nous nous sommes rendus à tous les endroits où il y a eu des

 21   allégations portant sur les dégâts infligés pendant la guerre. Et nous

 22   avons visité l'ensemble des sites principaux, ceux que vous avez mentionnés

 23   précédemment, à savoir pour les monuments de la liste du patrimoine

 24   mondial, parce que nous voulions apprécier et évaluer l'état dans lequel

 25   étaient ces monuments; et nous ne nous sommes pas rendus à certains

 26   endroits où il était plus difficile d'accéder, parce que nous n'avions pas

 27   un temps illimité, et puis les routes étaient si mauvaises. Par exemple,

 28   nous ne nous sommes pas rendus à Musitiste, au monastère orthodoxe qui

Page 7620

  1   n'est pas loin de Prizren, mais la route est très mauvaise et on aurait eu

  2   besoin d'une journée supplémentaire pour nous y rendre. Et puis, il y avait

  3   déjà une demi-douzaine de photographies qui avaient déjà été publiées par

  4   l'Eglise orthodoxe serbe sur leur site concernant ce monument-là.

  5   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, qu'en est-il des cimetières serbes en

  6   banlieue des grandes villes, Pristina, Pec, Djakovica, ou toute autre

  7   localité de plus grand taille au Kosovo ? Vous vous y êtes rendu ?

  8   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous aurez remarqué que

  9   dans l'introduction de mon rapport, on dit expressément qu'on ne s'est pas

 10   rendu aux cimetières, qu'on ne s'est pas rendu non plus aux sites

 11   archéologiques, tout simplement parce que : (a) ça nous aurait demandé un

 12   temps supplémentaire considérable, et (b) parce que ça aurait été quasiment

 13   impossible d'avoir des documents nous permettant de comparer l'état de ces

 14   sites avant la guerre et après. Donc c'est la raison pour laquelle nous

 15   n'avons pas étudié cela. Cela n'a pas fait partie officiellement de notre

 16   recherche. Mais si vous me posez la question, je vais vous dire oui, en

 17   effet, je me suis rendu à un certain nombre de cimetières qui ont été

 18   vandalisés, profanés.

 19   Q.  Certains ? Pouvez-vous nous préciser de quoi il s'agit ? Cimetières

 20   serbes, albanais, catholiques, catholiques romains ou autres, d'une autre

 21   confession ?

 22   R.  J'ai vu à la fois des cimetières orthodoxes serbes et musulmans qui ont

 23   été endommagés. Et puisque vous m'avez posé votre question sur des

 24   cimetières orthodoxes serbes, je peux vous dire que j'ai vu le cimetière

 25   près de Mitrovica en 2001, un cimetière serbe orthodoxe dans la banlieue

 26   sud de Mitrovica. J'ai vu des pierres tombales qui ont été renversées, et

 27   il y a eu des dégâts très considérables. Il y avait d'autres cimetières à

 28   l'ouest du Kosovo, ou des églises orthodoxes serbes à côté desquelles il y

Page 7621

  1   avait des cimetières, et avaient été profanées. Les pierres tombales ont

  2   été endommagées.

  3   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, vous avez vu 144 sites en tout. Sur ce

  4   nombre total de 144, il y en avait combien qui, en gros, ont à voir avec la

  5   tradition islamique ? Il y a eu une dizaine de sites orthodoxes. Nous ne

  6   savons pas exactement combien de monuments catholiques. Pouvez-vous nous

  7   dire combien d'entre eux concernent la tradition islamique, le patrimoine

  8   culturel islamique ?

  9   R.  Tout d'abord, je vais vous corriger. J'ai vu plus de dix monuments. Je

 10   dirais 15, 15 probablement. Donc avant j'ai dit une douzaine, mais c'est de

 11   cet ordre-là. Donc à peu près 10 % des endroits où nous nous sommes rendus.

 12   Et puis, pour ce qui est des statistiques, je ne peux pas vous donner de

 13   chiffres précis. Je pense que ça figure dans notre rapport. C'était il y a

 14   dix ans, et je ne me rappelle plus ces chiffres. Donc il n'y avait pas que

 15   des monuments islamiques, il y a aussi l'architecture des bâtiments qui

 16   concernent l'héritage culturel au sens large du terme, mais cela comprend

 17   aussi des musées, des bibliothèques, et cetera. Donc je pense qu'il n'y a

 18   pas que des monuments islamiques à 90 %. Il y a aussi des églises

 19   catholiques, peut-être une demi-douzaine.

 20   Q.  Est-ce que vous voulez dire par là que vous avez vu à peu près 120

 21   monuments qui relèvent du patrimoine architectural islamique, ou culturel

 22   islamique ?

 23   R.  Oui, je pense que c'est de cet ordre de grandeur. C'est à peu près

 24   cela, au sens très large. En gros, cela comprend non seulement les

 25   mosquées, mais il y a là des écoles, des bibliothèques, des archives

 26   islamiques.

 27   Q.  Je vous remercie. J'ai cité un nom, et vous m'avez dit qu'il ne vous

 28   était pas familier du tout. Vous m'avez dit qu'il ne figure pas dans votre

Page 7622

  1   rapport. Vous aviez raison lorsque vous avez dit cela. En fait, c'est

  2   Mitchel Mandel, c'est de lui qu'il s'agit. Dans votre rapport, en annexe 3,

  3   lorsque vous parlez des dégâts qui ont été infligés à l'héritage culturel

  4   au Kosovo de 1998 à 1999, ou plutôt des allégations qui portent là-dessus,

  5   et surtout pour ce qui est des documents qui ont été établis par les

  6   institutions culturelles yougoslaves, pourtant là-dessus, vous dites qu'il

  7   n'y a pas eu de vérification indépendante de ces mêmes allégations avancées

  8   par les autorités yougoslaves. Puis, vous parlez de Mitchel Mandel, Pr

  9   Mitchel Mandel et d'autres qui auraient évoqué des violations du droit

 10   international humanitaire dont les auteurs auraient été des gouvernements

 11   internationaux.

 12   Je vois que ça a posé un problème, ma lecture, que j'ai été trop rapide.

 13   Alors je reprends : 

 14   Il y a eu des présentations faites par le gouvernement yougoslave et nombre

 15   d'experts internationaux en la matière ont repris ces documents sans faire

 16   un effort afin de vérifier de manière indépendante les affirmations qui y

 17   figuraient. Ces mêmes affirmations, les affirmations avancées par le

 18   gouvernement yougoslave portant sur les dégâts infligés au patrimoine

 19   culturel, et on retrouve cela également dans le mémorandum, mémorandum qui

 20   a été soumis par le Pr Mitchel Mandel et autres au bureau du Procureur du

 21   TPIY au sujet des violations du droit international humanitaire qui

 22   auraient été commises par des gouvernements internationaux et les employés

 23   et représentants des pays membres de l'OTAN.

 24   Tout d'abord, savez-vous qui est le Pr Mandel Mitchel. Je sais que vous

 25   vous êtes penché sur ce qu'on a appelé des rapports erronés ou mensongers

 26   soumis par des autorités yougoslaves eu égard aux monuments culturels, mais

 27   j'aimerais bien que vous nous précisiez un petit peu ce que vous dites dans

 28   votre rapport.

Page 7623

  1   R.  S'agissant du professeur, c'est Michael Mandel qui est un professeur de

  2   droit, qui enseigne le droit au Canada, à Osgoode, O-s-g-o-o-d-e, et il a

  3   décidé d'organiser une espèce de tribunal informel à New York appelé à

  4   juger les crimes de guerre qui auraient été commis par l'OTAN pendant la

  5   guerre contre la Yougoslavie en 1999. Je me réfère ici à ce qui a fait

  6   partie de ses conclusions, en fait, des conclusions de ce tribunal ad hoc.

  7   Donc ils ont accepté dans leur totalité les allégations publiées dans le

  8   livre blanc du gouvernement yougoslave. A partir du moment où les

  9   conclusions ont été adoptées, elles ont été relayées au TPIY. Je ne sais

 10   pas ce qu'il en est advenu par la suite. Mais ce tribunal ad hoc, ce

 11   n'était pas une institution officielle. Il a été tout simplement mis sur

 12   pied pour répondre à des objectifs tout à fait précis de ses participants.

 13   Un organe officiel n'était pas à l'origine de la tenue de ce tribunal, du

 14   fonctionnement de ce tribunal ad hoc.

 15   Q.  Très bien. Dites-nous, s'il vous plaît : vous écrivez dans votre

 16   rapport qu'au Kosovo, il y a eu environ 210 églises orthodoxes serbes. Est-

 17   ce que vous acceptez ce chiffre ?

 18   R.  210, c'est le chiffre qui figure dans la publication de l'institut de

 19   la république chargé de la protection des monuments historiques. Donc ce

 20   serait le chiffre de monuments importants orthodoxes au Kosovo. Mais bien

 21   sûr, il y a là toute une série d'églises villageoises plus récentes, et

 22   bien sûr cela ne fait pas partie de cette publication, n'est pas repris

 23   dans cette publication de l'institut pour la protection des monuments de la

 24   république.

 25   Q.  Je vous remercie de m'avoir répondu. Vous venez d'éclaircir beaucoup de

 26   choses par ces dernières réponses. J'aimerais savoir si vous connaissez le

 27   chiffre exact, le chiffre véritable concernant le nombre de sites

 28   orthodoxes ou de lieux de culte orthodoxes au Kosovo ? Je ne parle pas

Page 7624

  1   seulement de monuments d'appartenance culturelle ou religieuse, mais de

  2   l'ensemble des églises orthodoxes. La patriarchie serbe, ou le Père Sava

  3   Janjic ou qui que ce soit d'autre vous aurait éventuellement communiqué le

  4   chiffre total de lieux de culte orthodoxes au Kosovo ? J'aimerais savoir,

  5   d'ailleurs, est-ce que cela vous a intéressé ? Est-ce que vous leur avez

  6   jamais posé la question ?

  7   R.  Je devrais ralentir. Excusez-moi. En effet, j'ai souhaité connaître

  8   cela, mais je n'ai pas pu obtenir l'information. En fait, le problème est

  9   que dans toutes les publications officielles de l'institut qui s'occupe du

 10   patrimoine culturel ou de l'Eglise orthodoxe serbe, aucune de ces

 11   publications ne fait la distinction entre les églises qui sont utilisées

 12   par les pratiquants et les églises qui ne sont que des fondations ou qui

 13   sont citées dans les chroniques médiévales, et cetera, et qui ne sont plus

 14   utilisées pour le service.

 15   Donc si on prend en compte toutes les églises qui ont jamais existé

 16   au Kosovo; par exemple, vous avez le livre édité par Gojko Subotic,

 17   intitulé "Le Kosovo, Terre Sainte", quelque chose de cet ordre, il parle de

 18   plus de 1 000 sites, mais nombre d'entre eux sont des sites archéologiques

 19   ou ce sont des églises qui ont existé dans le passé, mais il n'en reste

 20   plus rien. Donc il est très difficile de savoir précisément ce qu'il en est

 21   du nombre exact.

 22   Pour ce qui est de mes échanges, mes contacts avec le Père Sava

 23   Janjic, c'était le seul représentant officiel de l'Eglise orthodoxe au

 24   Kosovo. C'est quelqu'un qui aime beaucoup se servir de l'ordinateur. A

 25   l'époque, pendant cette période-là, il était très difficile d'entrer en

 26   contact avec lui. Donc tous les échanges se passaient par des échanges de

 27   photos. Ça se réduisait à ça. Plus tard, lorsqu'on a pu de nouveau se

 28   communiquer par internet, on se parlait des projets de reconstruction. Donc

Page 7625

  1   je ne me suis plus intéressé aux statistiques, aux chiffres, et si je cite

  2   les chiffres donnés par la communauté islamique, c'est parce que j'y avais

  3   accès.

  4   Q.  Je pense qu'il s'agit de l'éparchie de Raska Prizrenska. C'est d'elle

  5   que je souhaite parler à présent. Je ne sais pas si je cite mal l'intitulé,

  6   mais toujours est-il que je sais qu'il possède le chiffre exact du nombre

  7   de lieux de culte sur leur territoire. Donc je vous repose ma question :

  8   est-ce que vous vous êtes adressé à cette éparchie, si je me trouve sur

  9   l'intitulé -- veuillez m'en excusez, mais est-ce que vous l'avez jamais

 10   fait ?

 11   R.  Je dois dire que nous nous sommes focalisés non pas sur le recensement

 12   précis du nombre d'églises, mais sur les lieux qui ont été endommagés. Donc

 13   nos chiffres, je pense, correspondent tout à fait aux chiffres qui ont été

 14   obtenus par l'éparchie orthodoxe de Raska et Prizren, chiffres qu'ils ont

 15   publiés, chiffres des biens qui leur appartiennent et qui ont été

 16   endommagés.

 17   Q.  Mais je ne sais pas si vous avez été mis au courant de problèmes, à

 18   savoir l'ensemble des lieux qui sont la propriété de l'Eglise orthodoxe

 19   serbe se sont trouvés être des ghettos interdits. Même pendant la guerre ou

 20   à l'issue de la guerre, les pratiquants n'ont pas pu s'y rendre. Je ne sais

 21   pas si vous savez, les prêtres orthodoxes eux-mêmes n'ont pas pu avoir des

 22   chiffres précis sur les dégâts infligés aux biens de l'Eglise orthodoxe à

 23   cause de cela. Je ne sais pas si c'est une information que vous avez déjà

 24   entendue ou qui vous est familière ?

 25   R.  Je dois dire que nous avons eu des contacts avec l'Eglise orthodoxe et

 26   qu'au moment où nous avons présenté notre rapport à l'été 2001, il n'y a

 27   pas eu, entre-temps donc, des nouvelles informations contredisant ce que

 28   nous avions appris précédemment portant sur les dégâts infligés au site au

Page 7626

  1   Kosovo, même si, surtout pendant la première ou les deux années qui ont

  2   suivi la guerre, la sécurité n'était pas tout à fait assurée. Je sais que

  3   le Père Sava s'est déplacé au Kosovo escorté de la KFOR quasiment à chaque

  4   fois qu'il se déplaçait sur le terrain là où il y avait eu la population

  5   serbe précédemment. Donc à chaque fois qu'il y a eu de nouveaux éléments

  6   d'information, lui, il en parlait sur sa page Web, donc moi j'insérais ça

  7   dans mon rapport. Je ne pense pas qu'il y ait eu des révélations

  8   supplémentaires au sujet des dégâts de 1999 par la suite et que nous

  9   aurions ignorées.

 10   Q.  Je suis un petit peu étonné d'entendre cela, parce qu'à plusieurs

 11   reprises vous dites que les autorités yougoslaves ont fait état de dégâts

 12   qui n'étaient pas des dégâts véritables infligés à l'Eglise orthodoxe serbe

 13   au Kosovo. Donc ça m'étonne un petit peu que vous n'avez pas cherché à

 14   vérifier personnellement les informations sur les monuments orthodoxes au

 15   Kosovo, parce que les 210, c'est le chiffre global qui réunit tous les

 16   monuments ayant plus ou moins d'importance culturelle, et cetera. Donc

 17   quand vous dites que pour la communauté islamique kosovar --

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, vous lisez bien

 19   trop vite. L'interprète se trouve obligé de nous dire qu'il ne peut pas

 20   vous suivre.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je présente mes excuses encore une fois.

 22   Je ne suis pas en train de donner lecture, je suis en train de parler, mais

 23   je parle un peu vite. Donc je vais reprendre ma question et je vais essayer

 24   de la faire la plus brève possible.

 25   Q.  Le nombre d'églises --

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que parfois vous regardez le

 27   compte rendu d'audience qui reflète vos questions ? Là, c'est relativement

 28   court, mais c'est sept, huit, neuf lignes pour les questions les plus

Page 7627

  1   brèves, je dois dire. Vous prenez beaucoup de place dans vos questions.

  2   Essayez d'abréger cela, puis pour les interprètes ce sera plus facile,

  3   ainsi que pour le témoin qui pourra vous répondre de manière plus directe.

  4   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  5   Je vais m'empresser de faire mon mieux.

  6   Q.  Ma question est la suivante : quelle est la raison pour laquelle le

  7   témoin s'est penché avant tout, à raison de 80 %, sur les monuments

  8   islamiques par opposition à la place accordée aux monuments catholiques et

  9   orthodoxes; puisque la réalité de la situation sur le terrain est autre. En

 10   fait, il y a beaucoup plus de lieux de culte chrétiens au Kosovo-Metohija.

 11   Donc pourquoi est-ce qu'il s'intéresse avant tout aux monuments islamiques

 12   et uniquement à raison de 20 %, disons, aux monuments chrétiens ? D'où est-

 13   ce que cela provient ? Est-ce que cela ne reflète pas que sa démarche

 14   manque d'objectivité ?

 15   R.  Pour répondre à votre question, nous nous sommes concentrés sur ce qui

 16   avait été détruit par la guerre, et nous l'avons fait dans l'après-guerre

 17   immédiat. Nous nous sommes efforcés de fournir un rapport complet. Nous

 18   nous sommes penchés sur tous les sites, quelle que soit leur appartenance

 19   ethnique ou religieuse et sur lesquels un rapport circulait pendant la

 20   guerre qu'ils avaient été endommagés. Les éléments d'information sur

 21   lesquels nous nous sommes basés ne comprennent pas uniquement ce que nous

 22   avons pu examiner personnellement, mais aussi toute la documentation que

 23   nous avons cru fiable, que ces documentations proviennent de communautés

 24   religieuses, du rapport rédigé par l'Union Européenne et l'IMG, par les

 25   autorités chargées de la protection du patrimoine.

 26   Donc il ne me semble pas juste d'affirmer que nous avions dégagé nos

 27   conclusions au préalable. Nous n'avons pas dressé une liste d'églises d'une

 28   part, et de mosquées d'une part, puis pour vérifier par la suite ce qui a

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  1   été endommagé et ce qui ne l'a pas été. Plutôt, nous nous sommes concentrés

  2   sur les accusations qui avaient été lancées à l'époque. Et je pense

  3   qu'étant donné qu'il y avait tant de parties intéressées qui étaient en

  4   présence, je pense que nous avons pu prendre connaissance de toutes les

  5   allégations qui avaient été avancées.

  6   Nous nous sommes penchés sur les allégations avancées par les

  7   autorités yougoslaves. Nous avons étudié toute et chacune répertoriée dans

  8   le livre blanc publié par les autorités yougoslaves.

  9   Q.  Je dois avouer que je ne trouve pas votre réponse tout à fait

 10   satisfaisante. J'en tire la conclusion suivante : votre travail consistait

 11   avant tout à vérifier les allégations avancées par les parties intéressées,

 12   les allégations dans lesquelles ils affirmaient que leur propriété avait

 13   subi des dommages. Donc votre mission ne consistait pas à avoir une vue

 14   généralisée concernant les dégradations survenues au Kosovo, indépendamment

 15   des allégations avancées à ce sujet. Etes-vous d'accord avec cette

 16   affirmation ?

 17   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Nous avons vraiment fait de

 18   notre mieux pour vérifier toutes les informations dont on faisait état.

 19   Nous avons d'abord vérifié tous les pourcentages indiqués en étudiant la

 20   documentation disponible. Par ailleurs, nous avons dressé une liste de

 21   sites concernés par les allégations, puis nous avons personnellement

 22   examiné ces sites. Nous n'avons pas trouvé de sites pour lesquels les

 23   autorités ecclésiastiques auraient prétendu qu'il y a eu des dégâts. On n'a

 24   même pas pu établir que de telles allégations avaient été fausses. Chaque

 25   fois que la communauté orthodoxe ou islamique affirmait qu'un site avait

 26   été endommagé, le plus souvent, c'était effectivement le cas.

 27   Et par ailleurs, il n'y a aucune allégation dans notre rapport qui y

 28   figure qui n'a pas été étayée soit par le biais de sources indépendantes,

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  1   soit par le biais de photographies.

  2   Donc il ne s'agissait pas pour nous de tout simplement compiler les

  3   différentes accusations qui circulaient. Plutôt, nous avions de bonnes

  4   intentions, nous avons essayé de profiter au maximum de nos ressources

  5   limitées pour établir quelle était réellement la situation qui prévalait au

  6   Kosovo. Si vous avez connaissance d'un site qui a subi des dommages

  7   considérables sans que nous l'ayons appris, je vous serais très

  8   reconnaissant de me le signaler.

  9   Q.  Si j'ai bien compris, M. Herscher et vous-même avez entamé vos travaux

 10   dès que vous avez appris que le patrimoine culturel au Kosovo avait subi

 11   des dégâts importants. Vous vous êtes intéressés à cette question puisque

 12   vous étiez spécialiste en la matière. Un grand nombre d'églises et de

 13   monastères orthodoxes a été rasé complètement pendant la révolte survenue

 14   au mois de mars 2004, le 17 mars, plus précisément. Avez-vous senti que

 15   c'était votre devoir d'en informer le public général, de faire savoir à

 16   tout le monde ce qui s'est produit au Kosovo et quels dommages ont été

 17   subis par l'héritage culturel orthodoxe ?

 18   R.  Si vous examinez mon curriculum vitae mis à jour, dernière version,

 19   vous vous apercevrez que j'ai coopéré avec l'organisation Patrimoine

 20   culturel sans frontières. Cette organisation a dressé un rapport

 21   répertoriant les dégâts subis par le patrimoine culturel de l'église

 22   orthodoxe serbe en 2004. Donc c'est effectivement une question qui m'a

 23   vivement intéressé, mais je n'avais pas suffisamment de ressources

 24   financières pour me rendre sur place et me lancer dans une nouvelle étude.

 25   Par ailleurs, d'autres personnes se sont penchées sur cette question. La

 26   raison pour laquelle nous avons fait notre étude en 1999, c'est parce que

 27   nous avons eu l'impression que personne d'autre n'a essayé de le faire.

 28   Q.  Je ne suis pas d'accord avec vous, mais ce n'est pas à moi de vous le

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  1   dire, comme l'a indiqué avec justesse le Président Parker.

  2   Mais dites-moi, M. Bajgora, mufti adjoint de la communauté islamique à

  3   l'époque pertinente, a fait une déclaration concernant les actes barbares

  4   commis par les Serbes à l'encontre du patrimoine albanais au Kosovo. Et

  5   c'est quelque chose que vous citez dans votre rapport. Avez-vous pris

  6   connaissance de cette déclaration faite par le mufti adjoint ?

  7   R.  J'ai pris connaissance de cette publication, de cet ouvrage. Mais

  8   toutes les photographies publiées dans cet ouvrage, je les avais déjà à ma

  9   disposition. C'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas basés

 10   sur cette publication en rédigeant notre rapport. Pour ce qui est du texte

 11   publié dans ce livre, je ne saurais vous dire grand-chose sur ce point. Je

 12   n'ai pas étudié en profondeur sa teneur. L'impression que j'ai eue c'est

 13   que le ton général adopté dans cet ouvrage est exactement semblable à celui

 14   adopté par l'église orthodoxe serbe, chaque fois qu'elle se plaignait des

 15   dégâts qu'elle y avait infligés.

 16   Q.  Merci. M. Feiz Drancoli [phon] a exercé les fonctions du directeur de

 17   l'institut chargé de la protection du patrimoine culturel au Kosovo. Il me

 18   semble que vous avez eu des échanges avec lui. Je ne suis pas sûr comment

 19   son nom de famille se prononce. C'est Trancoli ou Drancoli, il s'appelle

 20   Feiz.

 21   R.  Drancoli, c'est son patronyme.

 22   Q.  Il vous a accompagné lors de vos déplacements à Junik et à Rogovo; ai-

 23   je raison de l'affirmer ?

 24   R.  En fait, il nous a accompagnés l'un de ces jours lorsque nous avons

 25   fait une inspection et nous avons fait le tour d'un grand nombre de sites à

 26   Pec, à Drsnik, à Gjakova, à Junik, à Rogovo et nous avons visité quelques

 27   autres sites. Je ne suis pas sûr qu'il nous ait vraiment accompagné à

 28   Rogovo, mais nous avons fait le tour du Kosovo occidental ensemble. Et il

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  1   nous a servi de guide avant tout, c'était son rôle principal. Lorsque nous

  2   avons inspecté un certain nombre de sites, celui de Nivokaz, par exemple,

  3   les sites culturels se trouvaient dans des localités enfouies dans des

  4   forêts qu'il était très difficile de repérer. Les routes étaient très

  5   mauvaises. Et c'est lui qui nous a servi de guide. Mais il n'a eu aucun

  6   impact sur l'évaluation que nous avons portée.

  7   Q.  Vous vous êtes penchés sur les conséquences aussi bien que sur les

  8   causes des dégâts au Kosovo, ainsi que sur la question de savoir qui en

  9   étaient les auteurs. Lorsque vous vous êtes rendu à Rogovo, avez-vous été

 10   mis au courant du fait que le QG de l'UCK se trouvait à cet endroit ?

 11   R.  Je n'ai jamais entendu dire une chose pareille. On savait pertinemment

 12   que c'était le cas à Junik.

 13   Q.  Ma question porte plus particulièrement sur des échanges que vous avez

 14   pu avoir avec des témoins oculaires sur place. Mais bon, j'ai entendu votre

 15   réponse. Vous avez parlé des archives perdues de l'institut chargé de la

 16   protection du patrimoine culturel au Kosovo, au moment où l'armée et la

 17   police se sont repliées du Kosovo suite à la signature de l'accord de

 18   Kumanovo, les archives complètes de cet institut ont été transférées en

 19   Serbie. Qu'en dites-vous ? Ai-je raison de l'affirmer ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et dites-moi, s'il vous plaît, au vu du type de travail que vous avez

 22   effectué au Kosovo, avez-vous jugé qu'il était utile de vous rendre au

 23   Kosovo pour étudier la documentation qui s'y trouvait et qui provenait de

 24   l'institut chargé de la protection du patrimoine culturel au Kosovo ?

 25   R.  Non, je ne l'avais pas fait.

 26   Q.  Merci. Je passerai à présent à une nouvelle série de questions. Je vais

 27   revenir aux sujets que nous avons déjà abordés hier. Et ce qui m'intéresse

 28   avant tout, ce sont les questions qui vous ont été posées par le Président

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  1   Parker. Je me réfère notamment aux photographies que vous avez remises au

  2   bureau du Procureur avant le début de ce procès au mois de juillet, après

  3   les avoir récupérées, le dites-vous, de sources fiables. Ces photographies

  4   représentent la mosquée de Cirez. Avez-vous vu cette mosquée ? Et pour être

  5   tout à fait précis dans ma question, l'avez-vous vu de vos propres yeux ?

  6   R.  Nous avons passé à côté de cette mosquée à bord d'une voiture à notre

  7   retour de Pristina après avoir passé toute la journée à faire des

  8   inspections. Il était tard, nous étions fatigués, il faisait sombre. Et par

  9   ailleurs, cette mosquée ne figure pas sur la liste des sites que j'ai pu

 10   visiter personnellement, mais je savais où elle se trouvait.

 11   Q.  Mais ma question ne portait pas sur l'endroit où se trouve cette

 12   mosquée. Vous dites qu'il faisait sombre au moment où vous avez passé à

 13   côté de cette mosquée. Avez-vous pu entrevoir la mosquée malgré l'obscurité

 14   ou pas du tout ?

 15   R.  J'ai pu la voir depuis la route. Elle est visible depuis la route, mais

 16   je ne me suis pas arrêté pour l'examiner en profondeur, d'autant plus qu'il

 17   nous a été impossible de prendre des photos. Comme vous pourrez le

 18   constater vous-même, les photographies que j'ai en ma possession ont été

 19   récupérées de plusieurs sources différentes, y compris les projets mis en

 20   œuvre par l'Union européenne et l'IMG. Ils disposent aussi de plusieurs

 21   exemplaires de ces photographies.

 22   Q.  Vous l'avez déjà précisé et il me semble superflu par ailleurs de les

 23   afficher à nouveau. Cette photographie a déjà été versée au dossier, elle

 24   porte la cote P0133. Mais pensez à ces trois coupoles, pensez à ces

 25   bâtisses en ruine. Ce qu'on peut voir sur cette photographie, il me semble

 26   qu'il est impossible d'établir un lien avec la mosquée qui se trouve à

 27   Cirez, et il m'a même été impossible de trouver des points de repère qui me

 28   permettraient d'établir que c'était bien cette mosquée-là qui était

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  1   représentée sur la photographie. Je ne sais pas si vous avez étudié cette

  2   question, si vous vous êtes penché sur ce point. Mais si cela ne vous a pas

  3   intéressé, je ne souhaite pas approfondir davantage.

  4   R.  Après la journée hier, je me suis intéressé à la question, j'ai

  5   réexaminé les photographies. Si vous voulez bien les afficher à l'écran, je

  6   peux vous montrer ce que j'ai pu remarquer après les avoir réexaminées.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, souhaitez-vous

  8   qu'on examine ces photographies maintenant, ou vous apercevez-vous quelle

  9   heure il est ?

 10   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vois quelle heure il est et il me

 11   semble préférable d'en revenir sur ce sujet après la pause. Je vous signale

 12   que c'est le dernier sujet que je souhaite aborder avec ce témoin. Mon

 13   contre-interrogatoire touchera à sa fin au cours de la journée

 14   d'aujourd'hui, et donc il serait peut-être bon de prendre la pause dès

 15   maintenant.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 17   Le moment est venu de faire la pause. Nous reprenons dans une demi-heure,

 18   et plus précisément 13 heures moins 10. Monsieur Djordjevic, pouvez-vous

 19   vous mettre d'accord avec le greffier d'audience pour vous assurer que les

 20   documents pertinents sont prêts à être affichés ?

 21   Monsieur Riedlmayer, nous allons faire une pause pour reprendre dans une

 22   demi-heure. Nous devrions pouvoir terminer votre témoignage pendant la

 23   séance suivante.

 24   --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

 25   --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Je voudrais que nous montrions à l'écran une pièce qui est déjà au dossier,

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  1   P01132 marquée pour identification. Il s'agit en fait de deux photos en

  2   page 2 et 3, et j'aimerais bien qu'elles soient présentées toutes les deux

  3   en même temps sur l'écran -- en fait, celle du haut, pas celle du bas.

  4   Q.  Donc si je comprends bien, ces photos sont présentées ici à la demande

  5   de M. Riedlmayer qui veut ajouter quelques observations.

  6   R.  C'est exact.

  7   Q.  Donc ce sont bien ces deux photos-là que vous vouliez voir, Monsieur ?

  8   R.  Oui, exactement. Je voulais voir ces deux photos parce que je n'étais

  9   pas satisfait des photos que j'avais, que nous avions déjà vues qui ne

 10   montraient pas le monument depuis un angle qui puisse être comparable à ce

 11   qu'on avait déjà. Ici en revanche, c'est tout à fait possible.

 12   Alors, Monsieur le Président, si vous me le permettez, vous vous

 13   souviendrez qu'hier, nous avions la question de savoir comment une mosquée

 14   avec un rez-de-chaussée et un premier étage, tout d'un coup se trouve

 15   réduite à n'avoir plus que la façade de devant avec les arcades, le mur

 16   arrière détruit et les trois dômes qui restent sur le dessus de ces arches.

 17   La question était donc de savoir s'il s'agissait d'une autre mosquée ou de

 18   la même. Et j'avais dit hier qu'en fait, les arches avaient dû tout

 19   simplement s'effondrer.

 20   Mais ensuite, hier soir lorsque j'ai re-regardé ces photos dans ma

 21   chambre, je me suis aperçu qu'il y avait une chose que j'avais oublié de

 22   vous montrer hier.

 23   Si vous regardez la photo de gauche sous le petit dôme de gauche,

 24   vous voyez un petit peu le ciel. Je ne sais pas si on peut zoomer dessus ou

 25   pas, mais on peut voir le contraste si on zoome, si on assombrit la photo.

 26   Vous voyez qu'on entrevoit un petit bout du ciel sous le dôme de gauche; et

 27   puis ce que l'on voit aussi, et ceci est très inhabituel, vous voyez

 28   lorsque vous regardez les trois dômes, vous avez le dôme central qui est

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  1   devant les deux dômes latéraux et il y a des restes des deux dômes. Et si

  2   vous regardez sur la photo d'avant la guerre, vous voyez que les colonnes

  3   en béton soutiennent le toit et le deuxième étage au dessus de l'arche

  4   centrale. Et moi je pense que ce sont des restes de ces colonnes.

  5   Donc mon explication de cette photo, ou plutôt des dégâts qui ont été

  6   causés à cette mosquée, c'est qu'il a dû y avoir une assez forte explosion

  7   qui a complètement soufflé la salle principale de prière de la mosquée,

  8   l'espace sous le dôme principal également et aussi, cela a soufflé toute la

  9   superstructure, à savoir tout ce qui est l'étage supérieur au dessus de

 10   l'arche. Voilà. Et les trois petits dômes se sont retrouvés à retomber sur

 11   l'espace qui était resté vide par l'explosion.

 12   Voilà, je pense que ce sont des précisions utiles pour comprendre

 13   comment est constituée la structure. En fait, c'est un squelette, si vous

 14   voulez, une sorte de squelette en béton; et tout ce que vous voyez en

 15   rouge, les matériaux rouges sont très légers, c'est de la brique creuse.

 16   Donc quand il y a explosion, évidemment très vite les dégâts sont

 17   importants.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci de ces précisions. Avez-vous

 19   d'autres choses à ajouter ?

 20   Maître Djordjevic.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Tout d'abord, nous pouvons réduire la

 22   photo de gauche à sa taille initiale. Merci.

 23   Q.  Pouvez-vous me dire, première question, cette photo a été prise avant

 24   la guerre, je voudrais savoir exactement si vous savez à quelle date elle a

 25   été prise ?

 26   R.  Oui. La photo qui est à droite a été prise pendant la journée du Bajram

 27   en 1998, ce fut en avril 1998. Et la photo qui est en dessous, vous voyez

 28   toute la congrégation devant la mosquée qui prie. La photo de gauche a été

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  1   prise en juillet de cette année par M. Hamiti lorsqu'il s'est rendu de

  2   Pristina à Cirez.

  3   Q.  Donc l'autre a été prise en 2000 combien ?

  4   R.  La première a été prise en 1998 et la deuxième a été prise en 2009.

  5   Q.  2009 donc. Merci.

  6   Tout ce que je vois sur ces photos, c'est que la ligne électrique qui est

  7   au-dessus de la mosquée semble être installée dans une direction totalement

  8   différente. Mais revenons à la première photo.

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Gardons la photo qui est à gauche et qui a

 10   été prise en 2009. Et plutôt que d'avoir celle qui est le numéro 2, est-ce

 11   qu'on peut avoir la photo numéro 1. J'aimerais, s'il vous plaît, que vous

 12   zoomiez sur la partie centrale de la photo 1 où l'on voit deux fenêtres

 13   ouvertes qui donnent sur une maison et où on aperçoit une voiture. Donc un

 14   petit peu plus sur la droite, s'il vous plaît.

 15   Sur cette photo, on voit qu'il y a un bâtiment assez proche du

 16   monument dont nous parlons. Est-ce qu'on peut dézoomer pour que la photo

 17   revienne à sa taille initiale.

 18   Et on voit également une sorte de véhicule. Alors, si on part du principe

 19   qu'il s'agit du même bâtiment qui aurait pu être photographié, si l'on

 20   regarde du côté gauche en direction du petit poteau électrique que l'on

 21   voit. Maintenant, si on s'approche on voit qu'il y a un poteau électrique

 22   qui est plus gros et là, on ne voit plus la maison que nous arrivions à

 23   voir sur l'autre photo. Il semble qu'elle n'y soit plus, bien que ce soit

 24   une maison qui soit nouvelle. Là, on voyait qu'elle avait un toit et tout.

 25   Donc c'est quelque chose qui, je dois dire, me met dans le doute quant à ce

 26   qui est vraiment arrivé. Je vois que les dômes sont absolument intacts sur

 27   la photo de gauche par rapport à la photo de droite; il y a aussi une arche

 28   ici que nous ne voyions pas sur les photos de la mosquée.

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  1   Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu tous ces

  2   différents éléments ?

  3   R.  La photo de gauche, tout d'abord, a été prise 10 ans après la photo de

  4   droite. La photo de droite a été prise au cours de l'été 1999.

  5   Deuxièmement, vous remarquerez que l'alignement des trois dômes correspond

  6   à ce que vous pensiez, à savoir que c'est une vue qui est prise de

  7   l'arrière du bâtiment parce que vous voyez que le dôme central est en avant

  8   par rapport aux deux dômes latéraux.

  9   Ce que vous remarquez également, c'est que dans la photo la plus

 10   récente, celle de 2009, les dômes en béton sont totalement nus, il n'y a

 11   plus du tout de couverture en aluminium dessus. Et ce qui a été endommagé

 12   sur la photo de droite, c'est justement cette couverture en aluminium qui a

 13   été retirée. Et lorsqu'on a zoomé, vous vous êtes aperçu qu'il y avait un

 14   grand nombre de briques creuses et sur la photo d'après-guerre, celle de

 15   2009, vous remarquez que toutes ces briques creuses ont été retirées parce

 16   que probablement elles n'étaient plus utilisables.

 17   Donc ma seule explication pour cette maison et cette voiture qui ne

 18   sont plus là, c'est qu'au cours de ces 10 dernières années, aussi bien

 19   cette maison que cette voiture ont quitté les lieux, si je puis dire. J'ai

 20   aussi d'autres photos que je n'ai pas apportées ici parce qu'elles étaient

 21   à peu près les mêmes, mais elles vous montreraient la situation à partir

 22   d'un autre angle et vous diriez qu'effectivement, il y a une nouvelle

 23   mosquée sur la gauche de celle qui est en ruine et que les ruines sont

 24   restées intactes.

 25   Donc sur une période de 10 ans, il y a eu effectivement un certain

 26   nombre de modifications dans la situation. Donc c'est tout à fait normal.

 27   La maison que vous voyez semble être une maison assez étrange et même s'il

 28   y avait un toit, il semblerait qu'elle n'ait pas de fenêtres; donc ça doit

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  1   être à peu près la même chose pour les briques creuses de la mosquée qui

  2   avaient été retirées.

  3   Bon. Maintenant, si l'on regarde la structure des arches, si vous regardez

  4   attentivement sous le dôme de gauche, vous voyez encore une trace de cette

  5   arche. En fait, ce qu'on voit, ce n'est pas une arche, c'est surtout

  6   essentiellement une structure en métal. Si vous avez encore les photos

  7   provenant de ma base de données que l'on avait montrées, vous verriez cela

  8   très clairement. C'est une des photos que nous avons vues hier qui montre

  9   ce monument, mais sur le côté. Et l'on voit les sections, les parties

 10   internes du toit qui soutenaient le grand dôme de la mosquée et qui ont été

 11   coupées en deux et qui ne soutiennent donc plus rien.

 12   Mais le fait que l'on puisse voir encore un petit bout de ciel sous

 13   le dôme de gauche en 2009 nous montre bien que ce dôme n'est pas

 14   aujourd'hui dans sa position originale. Il est très probable qu'il se soit

 15   affaissé, il se soit retrouvé à cet endroit-là.

 16   Q.  Mais là, il ne s'agit que de conjectures. Nous ne pouvons pas en être

 17   certains. Cette photo qui a été prise juste après la destruction de la

 18   mosquée, celle où l'on voit ces dômes endommagés, une grande partie des

 19   matériaux qui devraient encore être sur place et qui provenaient des

 20   parties qui ont été écroulés, ces sont des choses que nous devrions voir

 21   sur le sol, des débris. Et malgré cela, tout ce que l'on voit par terre, ce

 22   sont des débris d'armature, mais pas de briques creuses, par exemple. Donc

 23   il semblerait que cela ait disparu et pourtant, on devrait voir tout cela

 24   puisque cette photo a été prise juste après la destruction de 1999. Pouvez-

 25   vous nous donner des éclaircissements à ce sujet ?

 26   R.  Ce que nous voyons ici, c'est l'intérieur de l'entrée, la façade

 27   de l'entrée. Donc ça, ça a été relativement abrité, si vous voulez. Il y

 28   avait encore le toit du premier étage, enfin, le plafond du premier étage.

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  1   Donc si l'on pouvait revenir aux photos qui étaient dans ma base de

  2   données, ce serait une bonne chose.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous allons les montrer à l'écran

  4   tout de suite.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] La photo du haut que vous voyez là, en

  6   espérant que l'on puisse zoomer dessus, cette photo du haut, je pense

  7   qu'elle a été prise depuis le côté droit de la mosquée, c'est-à-dire que si

  8   vous regardez la mosquée devant la porte d'entrée, cette photo représente

  9   le côté droit de la mosquée. Et cette structure rouge, c'est la base du

 10   dôme qui pend et qui ressemble à une arche dans l'autre photo qui a été

 11   prise du côté droit. Et là, vous voyez tous les débris.

 12   Il y a beaucoup de débris mais les parties essentielles de la mosquée

 13   qui se sont effondrées, c'est la partie surtout à droite du petit dôme et

 14   c'est là que l'on peut voir les débris. Il y a aussi des débris devant

 15   l'entrée de la mosquée. Cela provient probablement de la destruction du

 16   deuxième étage. Sur les trois dômes, ce que l'on voit, c'est le dôme de

 17   droite de profil. Et ce que l'on peut voir sur le dessus, c'est

 18   probablement une partie de ce revêtement en aluminium qui a été un petit

 19   peu enlevé, arraché.

 20   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pourriez-vous agrandir uniquement la

 21   photographie du haut, s'il vous plaît. Je vous remercie.

 22   Q.  Nous voyons un dôme sur cette photographie et nous voyons qu'il a été

 23   endommagé et nous voyons qu'il y a un revêtement en aluminium. Mais je ne

 24   pourrais pas être d'accord avec vous pour dire que l'on voit les deux

 25   autres dômes. Par rapport à leur disposition, à leur emplacement,

 26   normalement on devrait en voir au moins un de manière asymétrique. Il y en

 27   avait un devant et deux autres placés à l'arrière. Donc cela ne fait

 28   qu'augmenter le doute dans mon esprit, cette prise de vue.

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  1   Et aussi, aucun de ces murs rouges ne peut être retrouvé sur les

  2   autres photographies, en particulier, on ne voit pas les mêmes matériaux.

  3   Or, il s'agit de photographies qui ont été prises à peu près en même temps,

  4   en 1999, peu après la destruction. Je ne vois pas les arches non plus. Je

  5   ne vois aucune partie de la structure en béton. Et puis, le reste du

  6   bâtiment est construit uniquement en béton sur les autres photographies.

  7   Nous ne voyons ici que de la brique rouge. Donc cela me pose problème.

  8   On voit également des arbres, des bois à l'arrière que nous n'avons

  9   vu nulle part. Un grand arbre placé sur la droite, la ligne électrique.

 10   Donc si vous avez des commentaires à apporter, je vous en prie. J'aimerais

 11   que vous nous le disiez parce que je ne suis pas sûr qu'il s'agisse du même

 12   bâtiment.

 13   R.  Excusez-moi. Effectivement, la photographie est un petit peu floue et

 14   c'est parce que nous ne voulions pas augmenter de manière considérable la

 15   taille de notre base de données. Alors si vous regardez sur la droite, vous

 16   verrez l'autre dôme. Vous voyez juste la partie inférieure, et si vous ne

 17   voyez pas le dôme central, c'est parce que la photographie n'est pas prise

 18   au même niveau, c'est-à-dire que vous voyez légèrement l'arrière du

 19   bâtiment. Donc vous voyez les deux dômes à l'arrière, les deux dômes

 20   latéraux, l'un très clairement avec le revêtement en métal qui a été

 21   enlevé, puis l'autre derrière lui.

 22   Et pour ce qui est du rouge, alors ça, c'est le toit, au fond. Et

 23   vous voyez que ça s'est effondré, et vous voyez le reste de ce toit par

 24   terre. Mais la partie qui est attachée, c'est la partie intacte qui elle

 25   pend. Donc c'est la raison pour laquelle cela constitue une arche sur la

 26   photographie en noir et blanc. Et je pense que vous avez plein de débris

 27   ici et les éléments de béton que vous avez mentionnés, c'est la même chose

 28   que l'on voyait sur les photographies qui datent d'avant la guerre.

Page 7642

  1   Et puis, la fenêtre sur la gauche, sur le côté de l'arcade de face,

  2   et on le voit également sur la photo de l'après-guerre. Et la raison pour

  3   laquelle vous ne pouvez pas voir les bois au fond sur les photographies

  4   antérieures, c'est parce qu'aucune photo n'a le même angle de vue. Les

  5   personnes qui prient se trouvent de l'autre côté de la mosquée et nous

  6   n'avions que des photos qui étaient prises directement depuis le devant, en

  7   se plaçant devant la mosquée et aussi depuis l'arrière vers l'entrée. Donc

  8   pas la même prise de vue.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous avons épuisé le

 10   sujet. On ne peut rien ajouter à ce sujet.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Ici, il manque cette

 12   maison. Il y a plein de choses qui posent problème. Mais je vais essayer de

 13   mener à son terme mon contre-interrogatoire à présent.

 14   Q.  Et ce qui m'intéresse, c'est la chose suivante. Pour ce qui est de ces

 15   mosquées dont vous parlez et qui vous ont été présentées par le Procureur,

 16   dont vous parlez dans votre rapport, est-ce que vous seriez capable de nous

 17   dire combien parmi elles n'ont pas été vues par vous directement ?

 18   R.  Je n'ai pas les chiffres en tête, mais il serait très facile de faire

 19   le calcul en se basant sur mon rapport et sur ma base de données. Il

 20   faudrait un petit peu de temps pour le faire, mais je ne comprends pas très

 21   bien où vous voulez en venir.

 22   Q.  Je souhaite savoir quel est le pourcentage des sites que vous avez

 23   interprétés en vous fondant uniquement sur des documents photographiques

 24   que vous avez reçus, comme c'est le cas du site de Cirez.

 25   De toute évidence, il s'agit d'un bâtiment plus récent, ce qui me

 26   permet la conclusion à laquelle j'arrive en me fondant sur la photographie

 27   numéro 2, si jamais il s'agit de la même mosquée. Mais sur base de

 28   l'ensemble de votre rapport, dites-nous, s'il vous plaît, quel est le

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  1   pourcentage des lieux que vous n'avez pas vus directement sur les 144 que

  2   vous décrivez dans votre rapport ? Il y en a combien où vous ne vous êtes

  3   pas rendu vous-même ?

  4   R.  Sur les 144 sites que vous évoquez, tous ont été visités par nous. Ce

  5   sont les sites où nous nous sommes rendus. Il y a bien d'autres endroits

  6   qui sont mentionnés dans mon rapport, mais nous nous sommes rendus sur

  7   place dans 144 cas. Je peux vous montrer ça sur une carte du Kosovo. Nous

  8   avons vu la majeure partie des endroits. C'est la plus grande partie du

  9   territoire de la province, et puis là, nous ne nous y sommes pas rendus,

 10   c'était parce que c'était trop loin des voies de communication principales

 11   où il était difficile de circuler. Nous ne nous sommes pas rendus loin à

 12   l'extrémité nord du Kosovo, Leposavic, parce qu'il n'y avait pas

 13   d'allégations faisant état de dégâts infligés aux biens culturels.

 14   Mitrovica est l'extrémité nord que nous avons atteinte, mais nous sommes

 15   allés au sud-est du Kosovo, Kosovo occidental, central, nord, Prizren. Nous

 16   avons vu pas mal d'endroits. Et là où nous ne sommes pas allés, nous nous

 17   sommes fondés sur les photographies.

 18   Q.  Je vous remercie, mais ce n'était pas ce que je vous ai demandé. Je

 19   cherchais à savoir autre chose, mais de toute évidence, je ne peux pas

 20   obtenir une réponse là-dessus.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] A présent, je demande que l'on affiche une

 22   pièce à conviction P0111.

 23   Q.  Vous verrez, c'est la mosquée blanche de Suva Reka.

 24   M. DJORDJEVIC : [interprétation] P0111, il manque encore un chiffre 1, donc

 25   quatre fois 1, s'il vous plaît.

 26   Juste la photographie du dessus, s'il vous plaît. Je pense qu'il s'agit

 27   bien de cette mosquée que je souhaite présenter.

 28   Q.  Vous en avez parlé hier, donc je ne m'attarde pas là-dessus, sur ce que

Page 7644

  1   vous avez dit hier, mais vous vous êtes fondé uniquement sur le rapport qui

  2   vous a été fourni par la communauté islamique locale ? Ou est-ce que vous

  3   avez cherché à avoir d'autres sources d'information sur cette mosquée en

  4   particulier ?

  5   R.  Les dégâts, la manière dont ils ont été infligés, c'est grâce à

  6   l'examen auquel nous avons procédé directement. Et comme je l'ai déjà

  7   expliqué hier, nous sommes rentrés à l'intérieur de la mosquée. Nous avons

  8   vu l'extérieur. Nous avons examiné les dégâts qui ont été infligés au

  9   minaret. Nous sommes arrivés aux conclusions portant là-dessus, à savoir

 10   qu'il y a eu une explosion qui a été déclenchée à l'intérieur du minaret.

 11   Et puis, le reste des dégâts s'explique par la chute du minaret.

 12   Q.  Est-ce que vous étiez au courant des allégations des autorités

 13   yougoslaves disant qu'une bombe larguée par l'OTAN est tombée près de cette

 14   mosquée, et que c'est cette bombe-là qui l'a endommagée ? Est-ce que vous

 15   êtes au courant de cela ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Mais c'est quelque chose que vous n'avez pas précisé hier.

 18   R.  Je me souviens effectivement qu'il y a cette information dans le livre

 19   blanc, parce qu'il y a tout un chapitre dans les deux livres blancs publiés

 20   par les autorités yougoslaves qui parle des biens culturels. Mais nous

 21   avons estimé que l'explication ne correspond pas à la réalité sur le

 22   terrain. Donc la mosquée n'a pas été touchée, d'après nous, par un

 23   projectile venu de l'extérieur; elle a été endommagée par l'explosion de

 24   l'intérieur.

 25   Q.  Vous nous avez dit que vous n'avez pas de compétence dans le domaine

 26   technique. Vous nous avez dit que vous n'étiez surtout pas un expert dans

 27   le domaine, que vous vous fondiez uniquement sur le bon sens pour arriver à

 28   cette conclusion. Mais j'aimerais savoir si vous aviez engagé un expert

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  1   pour pouvoir arriver aux conclusions sur l'origine des dégâts, ou vous ne

  2   l'avez pas fait du tout ?

  3   R.  Nous n'avons pas fait d'examen technique. Mais vu la manière dont la

  4   mosquée est endommagée, même sans procéder à un examen plus technique, on

  5   voit qu'il y a eu l'explosion du minaret vers l'extérieur, et qu'il y avait

  6   des choses qui ont été propulsées à 10, 20, 30 centimètres vers

  7   l'extérieur. Et si l'on procède à une comparaison avec la photographie

  8   d'avant la guerre de ce même côté du minaret, même sans être expert, on

  9   peut bien se dire que -- je ne peux pas imaginer que des munitions auraient

 10   pu traverser le minaret vers l'intérieur jusqu'aux fondations avant de

 11   souffler la construction.

 12   J'ai vu des centaines de bâtiments au Kosovo et en Bosnie qui ont été

 13   détruits par des moyens différents, et je dirais avec le recul que j'ai

 14   maintenant que ce minaret a explosé depuis l'intérieur, et que les dégâts

 15   ne sont pas dus au fait qu'il a été touché par un projectile. En plus de

 16   cela, vous avez des rapports de nos interlocuteurs dont j'ai déjà parlé, et

 17   je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit.

 18   Q.  Vous vous êtes permis de parler des choses qui ne font pas partie de

 19   votre domaine de compétence. Alors je vais bientôt terminer maintenant mon

 20   contre-interrogatoire. Je vais passer rapidement à un autre sujet.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Affichez, s'il vous plaît, une pièce,

 22   P01109 à présent. Est-ce qu'on peut agrandir un petit peu, s'il vous plaît.

 23   Est-ce que l'on peut agrandir la partie supérieure de la photographie, s'il

 24   vous plaît. Voilà.

 25   Q.  Vous serez d'accord avec moi pour dire que c'est la bibliothèque de la

 26   mosquée en question, de la mosquée Hadum ?

 27   Il a été dit à un moment donné que cette mosquée a été endommagée

 28   dans un incendie, tout comme ce qui l'entoure. Mais on voit à la base des

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  1   murs que les murs sont quasiment blancs et que le bâtiment a été

  2   pratiquement scindé en deux. Donc je ne dirais pas que la cause des dégâts

  3   est un incendie. Alors qu'avez-vous dit hier lorsque vous avez évoqué les

  4   causes des dégâts infligés à ce monument historique, cette bibliothèque ?

  5   R.  Cette bibliothèque est construite quasiment de béton. Il n'y a

  6   quasiment pas d'éléments en bois. Il y a donc cet étage qui porte l'étage

  7   supérieur et puis vous voyez l'étage supérieur avec les niches. Et en bas,

  8   vous voyez l'endroit où il y avait le plancher, mais c'était noirci et il y

  9   avait des éléments qui étaient en protubérance encore, qui avaient fait

 10   partie du mur. Et puis, pour ce qui est des niches, ce sont des niches qui

 11   portaient les étagères à livres.

 12   Et si la bibliothèque, comme différentes sources nous le disent, a

 13   été incendiée en mars, et c'est ce que nous pouvons voir dans la

 14   photographie aérienne que j'ai montrée, et la bibliothèque a été divisée en

 15   deux par ce minaret, coupée en deux par ce minaret qui est tombé et qui

 16   s'est effondré en mai, alors cet intérieur a été exposé à l'extérieur,

 17   exposé aux intempéries pendant cinq mois après la chute du minaret.

 18   Donc je sais, je suis tout à fait certain que le minaret est tombé

 19   sur elle, parce que je suis allé examiner les morceaux du minaret que j'ai

 20   pu identifier dans les débris et je l'ai vu quand j'ai examiné pour la

 21   première fois le site en octobre 1999, mais aussi, M. Herscher a fait une

 22   reconstruction après la guerre de la mosquée de Hadum. Et là nous nous

 23   sommes rendus sur place en octobre 2000, nous avons examiné et inspecté les

 24   débris et nous avons trouvé des éléments du balcon, du minaret et des

 25   boiseries et ça a été utilisé pour restaurer le minaret. Donc je ne pense

 26   pas que l'on puisse vraiment douter de ce qui a été à l'origine du fait que

 27   ce bâtiment soit coupé en deux.

 28   Q.   Merci de m'avoir fourni cette réponse, mais je ne vois toujours pas ce

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  1   que j'aurais dû voir si un incendie avait eu lieu ici. Je ne vois pas les

  2   traces de fumée sur les murs.

  3   Par ailleurs, je vois bien que le minaret s'est écroulé, mais je ne

  4   vois pas que la même chose s'est passée avec les murs de côté. Et donc je

  5   souhaite vous poser la question suivante : êtes-vous au courant des

  6   allégations faites par les autorités yougoslaves suivant lesquelles le 12

  7   et le 15 avril, les frappes aériennes ont eu pour résultat les dommages

  8   subis par la bibliothèque tant que par la mosquée Hadum elle-même ?

  9   R.  Je sais que les autorités yougoslaves ont fait de semblables

 10   allégations, qu'elles ont affirmé que la mosquée Hadum a été endommagée par

 11   suite de frappes aériennes, mais moi je ne peux dire que ce que j'ai vu

 12   moi-même et les conclusions que j'en ai dégagées. C'est tout ce que je peux

 13   vous communiquer.

 14   Q.  J'ai déjà pris connaissance des conclusions que vous avez pu tirer. Et

 15   ce qui m'intéresse particulièrement, c'est la conclusion que vous avez

 16   dégagée quant aux allégations faites par les autorités yougoslaves. Donc si

 17   j'ai bien compris, de votre point de vue, les frappes aériennes de l'OTAN

 18   ne sauraient être la cause des dégâts subis par la mosquée ?

 19   R.  Oui. Je ne crois pas que les dégâts que nous pouvons voir sur cette

 20   photographie représentent le résultat des bombardements de l'OTAN, et cette

 21   affirmation vaut pour les dégâts subis par la mosquée aussi bien que par la

 22   bibliothèque. Mais évidemment, je n'étais pas sur place au moment où ces

 23   bâtiments ont été endommagés. Donc les conclusions que je dégage, je les

 24   dégage à partir des éléments de preuve très limités qui demeurent sur

 25   place.

 26   Q.  Je vais vous reposer la même question que tout à l'heure. Avez-vous eu

 27   recours aux services d'experts militaires au moment où vous avez dégagé ces

 28   conclusions --

Page 7648

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est superflu de poser cette

  2   question, Maître Djordjevic. D'après la déposition du témoin, nous avons

  3   compris sans hésitation aucune qu'il n'a pas eu recours au service d'un

  4   expert militaire. Donc pour gagner du temps il est superflu de reposer

  5   cette question.

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Vous avez bien raison, Monsieur le

  7   Président. Mon contre-interrogatoire touche à sa fin. Merci, Messieurs les

  8   Juges.

  9   Q.  Merci, Monsieur Riedlmayer.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci à vous, Maître Djordjevic.

 11   Madame Kravetz, vous avez la parole.

 12   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je ne souhaite pas poser de questions

 13   supplémentaires, Messieurs les Juges.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   Questions de la Cour : 

 16   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Riedlmayer, je vous renvoie à

 17   la photographie qui représente une des mosquées qui font partie des

 18   constructions qui ont été le plus endommagées. Je pense que cette

 19   photographie a été prise en octobre 1999. Vous avez également tracé un

 20   cercle autour d'une construction de couleur marron et jaune, et ce

 21   bâtiment, qui se trouvait près de la mosquée, n'avait pas été touché.

 22   R.  Oui.

 23   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Pouvez-vous nous dire quelle distance

 24   séparait ce bâtiment de la mosquée ?

 25   R.  J dirais qu'il s'agissait d'une distance d'au moins 100 mètres, sinon

 26   davantage. Vous avez pu voir les débris sur cette photographie. Ces débris

 27   n'étaient pas seulement le résultat des dégâts subis par la mosquée mais

 28   aussi de toute une série de commerces qui entouraient la mosquée.

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  1   En fait, tout ce qui entourait les bâtiments modernes a été rasé et

  2   les bâtiments modernes eux-mêmes n'ont pas été touchés, alors que certains

  3   parmi eux se trouvaient près de la mosquée, beaucoup plus près que les

  4   bâtiments que nous avons pu voir à l'arrière. Je pourrais vous montrer ça à

  5   l'écran si on affiche la photographie.

  6   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Ce n'est pas la peine. Merci.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous aurez du plaisir à apprendre,

  8   Monsieur Riedlmayer, que votre témoignage touche à sa fin. Les Juges de la

  9   Chambre souhaitent vous remercier d'avoir apporté votre concours à ce

 10   procès. Nous vous remercions pour le temps que vous avez consacré à votre

 11   témoignage. Merci aussi de vous être déplacé. A présent vous pouvez

 12   reprendre vos activités habituelles. Nous vous remercions sincèrement.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 14   [Le témoin se retire]

 15   Mme KRAVETZ : [interprétation] Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.

 17   Mme KRAVETZ : [interprétation] Avant de lever la séance aujourd'hui, je

 18   souhaite soumettre une demande concernant les deux dernières pièces que

 19   j'ai montrées au témoin hier. Il s'agit de la pièce P1137, j'ai réussi à

 20   repérer une version couleur de cette photographie, celle que nous avons

 21   montrée hier était en noir et en blanc et elle est plus floue que la

 22   version plus récente que j'ai pu retrouvée. Et je vous signale que nous

 23   l'avons téléchargée dans le système du prétoire électronique.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'imagine qu'elle n'a pas encore été

 25   téléchargée ?

 26   Mme KRAVETZ : [interprétation] Mais si et elle porte la cote P1137.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est la photo en noir et en blanc.

 28   Mais la photographie en couleur a-t-elle été téléchargée ?

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  1   Mme KRAVETZ : [interprétation] Non. Nous pouvons soit la rattacher à la

  2   pièce précédente ou la télécharger dans le système du prétoire

  3   électronique, c'est comme vous le voulez.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons simplement rattacher la

  6   photographie en couleur à la pièce à conviction que nous avons à présent

  7   dans le dossier sans effacer ce qui est déjà dans le dossier.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à soulever.

  9   Mme KRAVETZ : [interprétation] Une autre question.

 10   Les photographies dont il a été question, une série de quatre

 11   photographies qui représentent la mosquée Cirez portant la cote P1132

 12   enregistrée aux fins d'identification, je souhaite demander le versement de

 13   ces photographies au dossier étant donné que nombreuses questions ont été

 14   apportées sur ces photographies pendant le contre-interrogatoire.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les Juges de la Chambre se rendent

 17   compte que le témoin a donné bon nombre de réponses concernant ces pièces à

 18   conviction, mais c'est en fonction de son témoignage que la Chambre va

 19   rendre sa décision au moment venu. Et on vous fera savoir si nous sommes

 20   prêts à accepter vos arguments ou non.

 21   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc pour le moment, les pièces

 23   enregistrées aux fins d'identification vont devenir des pièces au sens

 24   propre de ce terme.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Une autre question qui concerne le témoin

 26   prévu pour la semaine prochaine. Je souhaitais demander à la Chambre si

 27   nous allions siéger mercredi. Si j'ai bien compris, il avait d'abord été

 28   prévu que vendredi après-midi nous aurons des heures de travail plus

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  1   courtes de d'habitude, mais par la suite, sous le couvert qu'il était prévu

  2   de siéger jusqu'à sept heures du soir. Donc je souhaitais simplement

  3   vérifier si c'était vraiment le cas.

  4   Je soulève ce sujet parce que nous avons prévu deux témoins pour la

  5   semaine prochaine et ils ne seraient pas en mesure de revenir témoigner une

  6   fois écoulée cette semaine. Donc nous souhaitons terminer leurs témoignages

  7   avant la fin de la semaine suivante.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a plusieurs choses à dire à ce

  9   sujet, Madame Kravetz. D'abord, les Juges de la Chambre signalent que nous

 10   semblons faire face à un nombre grandissant de témoins qui doivent partir à

 11   un moment donné si bien qu'il est nécessaire de raccourcir leurs

 12   dépositions.

 13   Les Juges de la Chambre et les conseils de la Défense essaient fort

 14   évidemment de leur mieux pour satisfaire à la demande avancée par ces

 15   témoins. Mais s'il est impossible d'entendre la déposition des deux témoins

 16   dans les délais prévus, il va falloir qu'ils reviennent déposer plus tard.

 17   Je vous assure que nous ferons tout ce que nous pouvons pour les

 18   aider, mais il faut aussi qu'on ait suffisamment de temps pour les

 19   entendre. Et si nous n'arrivons personnes à entendre leur déposition au

 20   complet, il va falloir qu'ils reviennent.

 21   Pour ce qui est des heures de travail la semaine prochaine, je n'ai pas vu

 22   le dernier calendrier que vous venez de mentionner. Nous avons rendu

 23   l'ordonnance et nous allons commencer le travail à 13 heures 30 mercredi.

 24   Nous avions compris que la salle d'audience était nécessaire plus tard dans

 25   l'après-midi pour débattre d'un autre sujet, je ne sais pas si c'est

 26   toujours le cas, mais toujours est-il que nous commençons le travail à 13

 27   heures 30, suite à la réunion plénière des Juges qui commence à 9 heures du

 28   matin. Et j'espère que de cette façon-là, nous pourrons entendre la

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  1   déposition de deux témoins.

  2   Et nous espérons que l'Accusation aussi bien que la Défense se

  3   concentreront uniquement sur les questions les plus pertinentes de manière

  4   à ce nous puissions entendre le témoignage complet de ces deux témoins la

  5   semaine prochaine. Nous avons trois jours pour les entendre, si bien que

  6   cela devrait être faisable si nous nous concentrons tous uniquement sur les

  7   questions les plus pertinentes. S'il se trouve qu'il est possible de

  8   prolonger les heures de travail mercredi, mais c'est quelque chose que je

  9   ne sais toujours pas à présent, tout dépend s'il sera nécessaire de

 10   débattre d'un autre sujet dans l'après-midi.

 11   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, vous avez la

 13   parole.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Vous avez entendu, Monsieur le Président,

 15   tous les sujets que je souhaitais approfondir. J'espère tout simplement que

 16   vous ferez preuve de la même approche une fois que ce sera au tour de la

 17   Défense de présenter ses moyens de preuve. Nous avons déjà reporté la

 18   déposition de plusieurs témoins. Mais bon, nous reviendrons sur cela un peu

 19   plus tard.

 20   Je ne sais pas comment nous allons faire la semaine suivante, il est

 21   inimaginable qu'un témoin déclare qu'il vient déposer à un moment donné

 22   sans souhaiter revenir à un autre moment. Evidemment, le témoin doit se

 23   mettre à la disposition des Juges de la Chambre. Donc si jamais il y a des

 24   problèmes pour entendre ces témoins, je vous le signalerai le moment venu,

 25   mais en tout cas, la Défense fera de son mieux pour pouvoir honorer les

 26   obligations des témoins.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Djordjevic.

 28   Le problème, évidemment, découle un peu du fait que nous avons décidé

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  1   de ne pas siéger jeudi et vendredi de manière à ce que les avocats puissent

  2   rentrer chez eux. Donc nous ne siégeons que pendant trois jours la semaine

  3   prochaine. Nous aurons besoin de votre coopération entière pour en finir

  4   avec les témoignages des témoins prévus.

  5   Je vous souhaite de passer un très bon week-end et j'espère que vous

  6   reviendrez en bonne forme lundi pour reprendre notre travail. Je pense que

  7   lundi nous siégeons à 9 heures du matin.

  8   --- L'audience est levée à 13 heures 42 et reprendra le lundi 20 juillet

  9   2009, à 9 heures 00.

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