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1 Le lundi 20 juillet 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
6 Le témoin suivant, s'il vous plaît.
7 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président. Le Dr
8 Eric Baccard est le témoin suivant.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.
10 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je voudrais juste vous présenter notre
11 nouvelle collaboratrice, Mme Paige Petersen, qui est assise derrière moi,
12 en diagonale.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
14 Alors, en attendant, je voudrais juste signaler qu'au moins de juin, le
15 conseil de la Défense a demandé le versement d'un document par
16 l'intermédiaire du Témoin Richard Ciaglinski. L'Accusation a accepté cela
17 dans sa réponse mais a formulé une objection ultérieurement, alléguant que
18 cela ne devait pas être versé sous la cote D165. La Chambre a alors reporté
19 sa décision à une phase ultérieure. Nous avons examiné le document et
20 l'avons considéré suffisamment pertinent pour être admis. Il est vrai que
21 le témoin ne s'est pas avéré capable de parler de ce document de façon
22 directe et c'est un point que la Chambre a prise en considération, mais le
23 document en tout état de cause, a été versé sans qu'une objection soit
24 formulée, son statut ne changera donc pas.
25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
27 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous lire à haut et
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1 intelligible voix le serment qui vous est présenté.
2 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la
3 vérité et rien que la vérité.
4 LE TÉMOIN : ERIC BACCARD [Assermenté]
5 [Le témoin répond par l'interprète]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Asseyez-vous.
7 Alors, il me semble que Mme Kravetz a des questions à vous poser.
8 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 Interrogatoire principal par Mme Kravetz :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous commencer par nous
11 dire vos nom et prénom pour le compte rendu d'audience ?
12 R. Je me nomme Eric Baccard.
13 Q. Quelle est votre profession, Monsieur Baccard ?
14 R. Je suis de formation médecin légiste, mais j'exerce actuellement
15 l'activité de responsable de l'unité scientifique au bureau du Procureur de
16 la Cour pénale internationale.
17 Q. En tant que spécialiste en médecine légale, quel est votre domaine,
18 justement, de spécialisation ?
19 R. En matière de sciences médico-légales, je suis spécialisé en médecine
20 légale du vivant et du cadavre, ainsi que cela est stipulé sur mon
21 inscription en tant qu'expert nationale auprès de la Cour de cassation en
22 France, c'est-à-dire que je suis spécialisé en matière de dommages
23 corporels pour le vivant et également en matière d'autopsies pour le
24 cadavre. J'ai également une spécialité qui est la balistique lésionnelle.
25 Q. Avant d'intervenir pour la CPI, avez-vous déjà eu l'occasion d'être
26 engagé par le présent Tribunal, par le bureau du Procureur notamment ?
27 R. Oui, c'est exact, Madame le Procureur. J'ai travaillé sous la forme de
28 contrats à durée déterminée en tant que médecin légiste d'abord, en 1999,
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1 en Bosnie puis en Croatie. Puis, en tant que médecin légiste chef pour le
2 Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie au Kosovo durant l'année
3 2000 et de 2001 à 2003 en tant que consultant médico-légal, toujours pour
4 le même bureau du Procureur du TPIY.
5 Q. Vous avez dit avoir travaillé en tant que médecin légiste chef au TPIY
6 au Kosovo. Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur la nature de
7 vos travaux sur place ?
8 R. Oui, tout à fait. Mon activité a consisté au début de l'année 2000 à
9 mettre en place l'infrastructure, les procédures et participer au choix de
10 l'équipement d'une morgue qui a été installé à Orahovac, situé à quelques
11 kilomètres de Prizren; puis à coordonner l'activité d'expert de nombreux
12 spécialistes venant de divers pays et de diverses disciplines, qui
13 travaillaient au sein de la morgue. Pour vous donner un exemple, le maximum
14 de l'activité de cette morgue, j'ai eu sous ma responsabilité jusqu'à dix
15 médecins légistes, mais il y avait également des anthropologues, des
16 odontologues médico-légaux, des manipulateurs radio, des photographes, des
17 officiers de scènes de crimes.
18 Q. Au titre de vos fonctions de superviseur de ces activités, est-ce que
19 vous avez eu aussi l'occasion de passer en revue des rapports élaborés par
20 différentes équipes internationales de spécialistes en médecine légale,
21 pendant votre séjour au Kosovo ?
22 R. Non durant mon séjour au Kosovo mais postérieurement à ce séjour,
23 c'est-à-dire à partir de la fin de l'année 2000, puis en 2001 jusqu'en
24 2002, à l'ouverture du procès contre Slobodan Milosevic. C'est exact que le
25 bureau du Procureur m'a demandé de revoir sur le plan de méthodologie, du
26 matériel, des méthodes et des résultats, les expertises qui avaient été
27 faites par plusieurs équipes internationales qui étaient intervenues au
28 cours de l'année 1999 au Kosovo.
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1 Q. Suite à cette enquête à laquelle vous avez procédé concernant les
2 travaux des équipes de médecine légale internationale au Kosovo en 1999,
3 avez-vous élaboré un rapport à l'attention du bureau du Procureur du
4 présent Tribunal ?
5 R. Oui, c'est exact, Madame le Procureur.
6 Q. Alors nous allons en venir à votre rapport dans quelques instants. Mais
7 je voulais vous demander simplement si vous avez déjà eu l'occasion de
8 déposer devant ce Tribunal en tant que témoin expert dans d'autres
9 affaires.
10 R. Oui, tout à fait. J'ai déposé -- je ne me souviens plus de l'année,
11 mais j'ai déposé dans le procès contre Slobodan Milosevic durant deux
12 jours, puis trois jours, je crois que c'était en 2002. J'ai déposé ensuite
13 dans le procès contre Milan Milutinovic, et j'ai déposé récemment en début
14 d'année dans le procès contre Ante Gotovina et d'autres co-inculpés.
15 Q. Est-ce que vous vous êtes vu reconnu le statut de témoin expert devant
16 des tribunaux de votre pays et avez exprimé des points de vue précédemment
17 à votre venue aujourd'hui ?
18 R. Oui, tout à fait, Madame le Procureur. Dans ma spécialité, la médecine
19 légale, j'ai 28 ans d'expérience et je suis inscrit -- je suis d'ailleurs
20 toujours inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Grenoble mais également
21 sur la liste de la Cour de cassation, je crois, depuis la fin de l'année
22 1999.
23 Q. A combien de reprises avez-vous déposé devant ces différents tribunaux
24 que vous venez d'évoquer en tant que témoin expert ?
25 R. C'est très difficile de le dire pour moi parce que je ne tiens pas un
26 compte précis de ces dépositions, plusieurs centaines de fois. Je devais
27 faire par an entre 200 et 300 expertises. Toutes ne donnaient pas lieu à
28 des témoignages devant une juridiction, mais je déposais très souvent.
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1 Q. Merci, Monsieur Baccard. Alors votre curriculum vitae mis a ajour est
2 le numéro 65 ter 02784.
3 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je ne vais pas entrer plus en détail dans ce
4 curriculum vitae, Messieurs les Juges, Monsieur le Président, je voudrais
5 juste demander son versement.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, vous demandez le versement du CV
7 ?
8 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document reçoit la cote P01138.
11 Mme KRAVETZ : [interprétation]
12 Q. Vous avez évoqué précédemment le rapport que vous avez élaboré à
13 l'attention du bureau du Procureur de ce Tribunal en rapport avec les
14 exhumations auxquelles il a été procédé au Kosovo en 1999 --
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] C'est la pièce 65 ter numéro 01809.
16 Q. Alors je voudrais juste que vous expliquiez brièvement à l'attention de
17 la Chambre la méthodologie que vous avez utilisée dans la préparation de ce
18 rapport.
19 R. Oui, je n'ai pas le rapport ici à ma disposition pour m'y référer. Il
20 est resté dans la salle d'attente des témoins, mais je peux vous en parler
21 brièvement. Le bureau du Procureur m'a fourni différents documents,
22 différentes pièces qui consistaient aussi bien en des rapports d'autopsie
23 faits par différentes équipes de nationalités différentes que des albums
24 photographiques, parfois accompagnés de rapports de police. Ces différentes
25 pièces, j'en ai pris connaissance. J'ai tout d'abord regardé quelle était
26 la qualification des experts qui avaient procédé aux différentes
27 expertises, qu'il s'agisse d'autopsies ou d'examens anthropologiques,
28 parfois d'examens dentaires, cela dépendait des équipes.
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1 J'ai regardé si ces méthodologies étaient conformes aux standards
2 internationaux habituellement admis. Lorsque l'urgence ou les conditions
3 matérielles ne permettaient pas la réalisation complète de ces standards
4 internationaux, j'ai regardé si au moins l'essentiel des conclusions était
5 scientifiquement valide, si l'improvisation ne sacrifiait pas les éléments
6 essentiels de l'expertise.
7 J'ai confronté les constatations faites par les médecins ou anthropologues
8 experts avec les photographies, de façon à voir s'il y avait ou non des
9 discordances, et lorsque ces discordances m'apparaissaient, je les ai
10 notées. Dans mon rapport en annexe figure toute une liste d'éléments où
11 j'ai manifesté mon opinion qui était différente parfois de celle de mes
12 confrères experts, tout en sachant qu'encore une fois, eux avaient eu
13 l'avantage de se baser sur des cas réels, concrets, à savoir l'examen de
14 corps, alors que moi je ne travaillais qu'au travers de documents qui ne
15 donnaient qu'une représentation indirecte de la réalité par des
16 photographies et parfois par des examens -- par des bandes vidéo.
17 Q. Donc si je vous comprends bien, les conclusions dont vous faites état
18 dans votre rapport se fondent sur l'examen que vous avez fait des rapports
19 médico-légaux qui vous ont été fournis et l'analyse qui en a découlé,
20 n'est-ce pas ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Juste pour éclaircir un point, avez-vous participé à quelque exhumation
23 que ce soit pour ce qui est de celles qui sont évoquées dans votre rapport
24 et qui font donc l'objet des analyses sur lesquelles se concentrent les
25 rapports qui vous ont été fournis ?
26 R. Non, Madame le Procureur.
27 Q. Combien de temps vous a-t-il fallut pour rédiger ce rapport ?
28 R. Plusieurs mois. Je n'ai plus le chiffre exact de cette durée, elle
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1 figure dans mon rapport, mais encore une fois je n'ai pas le rapport sous
2 les yeux mais cette précision figure dans mon rapport.
3 Q. D'après votre rapport je comprends que vous vous êtes référé à 11 sites
4 d'exhumation et qu'il y a un site qui était composé de quatre sites plus
5 petits, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Je voudrais passer en revue très rapidement vos conclusions concernant
8 certains des sites. Nous n'allons pas regarder l'ensemble des sites, je
9 voudrais juste que vous en profitiez pour nous expliquer la méthodologie
10 que vous avez employée dans vos travaux et les matériaux auxquels vous avez
11 eu recours sur les différents sites.
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pouvons-nous avoir la pièce 65 ter 01809
13 dans le prétoire électronique, je voudrais que nous affichions la page 37
14 en version anglaise, s'il vous plaît. Merci.
15 Q. Alors nous avons donc ici un extrait de votre rapport. L'avez-vous qui
16 s'affiche devant vous, Monsieur ?
17 R. Oui, tout à fait.
18 Q. Alors ce qui m'intéresse c'est la section 2.5 qui a trait à la rue
19 Milosh Giliq à Djakovica. Au point 2.5.1 nous trouvons une liste de
20 documents. Si je vous comprends bien, il s'agit des matériaux que vous avez
21 pu examiner et sur lesquels vous avez fondé vos conclusions en matière; ce
22 sont donc vos sources en matière d'analyse médico-légale, n'est-ce pas ?
23 R. [aucune interprétation]
24 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pouvons-nous passer maintenant à la page 39,
25 s'il vous plaît, au sous titre : "Conclusion;" c'est la page 42 en version
26 B/C/S.
27 Q. Dans ce sous titre, j'examine en particulier le second paragraphe, je
28 cite :
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1 "Pour la même raison, il a été impossible de déterminer la cause du décès
2 ou d'aucune des blessures."
3 Je voudrais juste que vous commentiez cette conclusion par rapport à ce
4 site, et que vous nous expliquiez pourquoi vous avez estimé impossible de
5 parvenir à quelque conclusion que ce soit en la matière.
6 R. Oui. C'est facile. Ceci était directement lié à l'état de conservation
7 des restes humains, qui non seulement se présentaient non pas sous la forme
8 de cadavres complets mais sous la forme de fragments, mais également lié au
9 fait que ces fragments étaient sévèrement brûlés et que les constatations
10 médico-légales étaient rendues extrêmement difficiles de ce fait.
11 Q. Alors nous avons vu dans le premier paragraphe qu'il lui est fait
12 référence à un nombre minimum de 20 individus retrouvés sur ce site.
13 "Il y a une personne de sexe masculin, et les autres de sexe indéterminé ou
14 féminin."
15 Alors par rapport à ce que vous venez de nous dire, concernant les
16 fragments des restes humains qui avaient subi des brûlures sévères,
17 pourriez-vous nous expliquer comment il a été seulement possible de
18 déterminer le nombre d'individus qui s'étaient trouvés sur ce site, qui
19 avaient été retrouvés ?
20 R. Au cours de l'examen anthropologique médico-légal, il est procédé à ce
21 que l'on appelle un inventaire des différents ossements, et en fonction de
22 cet inventaire on peut en conclure le nombre minimum d'individus. En effet,
23 certains ossements dans le corps humain sont doubles, je pense aux
24 ossements des membres, des bras, ou des jambes, ou multiples, je pense aux
25 côtes, par exemple, ou aux vertèbres. Il est parfois très difficile
26 d'arriver à caractériser exactement si l'on a un fragment de radius soit un
27 fragment de cubitus, qui sont des ossements de l'avant-bras qui
28 appartiennent au côté droit ou au côté gauche, donc en général il est --
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1 les anthropologues se basent sur des ossements qui sont plutôt uniques et
2 il n'est pas sûr que dans ce cas dans cet échantillon de restes humains
3 tous les ossements aient correspondu à ces critères.
4 Deuxièmement, certains ossements portent en eux-mêmes des indices qui sont
5 très significatifs, en ce qui concerne soit le sexe soit l'âge. Si ces
6 ossements sont présents dans l'inventaire, il sera possible d'affecter un
7 sexe ou un âge à certains de ces os ou de ces fragments d'os; pour d'autres
8 cas, ces os auront à appartenir aussi bien à l'un ou l'autre sexe puisqu'il
9 n'y aura pas suffisamment de critère.
10 Par exemple, à l'attention de la Cour, des ossements, qui sont très
11 significatifs sur le plan du sexe, sont la base du crâne ou la synfisce
12 [phon] pubienne; des ossements, qui sont très significatifs et riches
13 d'indices pour déterminer l'âge, seront également la [imperceptible]
14 pubienne, c'est-à-dire l'articulation au niveau du pubis, ou l'extrémité
15 antérieur de certaines côtes, notamment la quatrième côte, ou les sutures
16 crâniennes. Si, dans ces "body parts," dans ces fragments humains, on a la
17 chance de tomber sur de tels ossements, des conclusions pourront en être
18 tirées quant à l'appartenance à tel ou tel sexe. Si par contre ces
19 ossements ne figurent pas, c'est beaucoup plus aléatoire et ceci explique
20 le pourcentage qui est faible de critères qui étaient discriminants dans
21 cet échantillon.
22 Q. Merci, Docteur Baccard. Alors dans la conclusion, nous voyons :
23 "Egalement qu'il n'a pas été retrouvé ni lien ni bandeau."
24 Pourquoi a-t-il été important de signaler cela en l'espèce, je relève que
25 vous avez formulé le même type d'indication pour d'autres sites. Alors
26 pourquoi cela est-il important pour vous ?
27 R. Parce qu'à la lumière des expertises faites auparavant en 1999, lorsque
28 j'étais en Bosnie ou en Croatie ou au Kosovo durant l'année 2000, dans
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1 certains sites, et pour certaines victimes, nous avons retrouvé ce type
2 d'accessoires, ces liens, qui mobilisaient les poignets et les chevilles de
3 victimes ou des bandeaux mis sur les yeux. Donc cela fait partie de
4 l'inventaire du "screening" habituel sur le plan médico-légal dans ce type
5 de circonstances.
6 Q. Je voudrais maintenant que nous passions à un autre site, c'est celui
7 d'Izbica.
8 Mme KRAVETZ : [interprétation] En page 44 de la version anglaise, et en
9 page 48, de la version en B/C/S.
10 Q. Alors si je comprends bien, Monsieur Baccard, vous y êtes référé déjà
11 précédemment dans une de vos réponses il s'agissait d'un cas peut-être un
12 peu moins typique car vous ne disposiez pas, si j'ai bien compris, de
13 rapport médico-légal concernant les corps des victimes qui avaient été
14 retrouvés sur ce site. Pourriez-vous nous expliquer donc plus précisément à
15 partir de quel type de documents vous avez travaillé pour élaborer vos
16 conclusions concernant ce site, s'il vous plaît ?
17 R. Alors je disposais quand même de rapports médico-légaux, mais ces
18 rapports médico-légaux avaient été conduits sur un nombre extrêmement
19 restreint de fragments, de restes humains, il s'agissait donc de rapports
20 écrits par le Pr Dominique Lecomte et le Dr Walter Vorhauer. Le deuxième
21 document dont je disposais c'était le rapport d'examen de scène de crime
22 qui avait été dressé par l'officier "commissaire divisionnaire" Guaillardon
23 et ses collègues. La dernière source d'information était une bande vidéo et
24 des photographies qui ont ensuite été extraites de cette bande vidéo
25 tournée par un témoin peu de temps après les faits. J'ai donc utilisé ces
26 trois sources d'information afin de moi-même procéder à cette revue de ces
27 documents.
28 Q. Vous faites également état donc d'un enregistrement vidéo et d'un
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1 ensemble de photographies qui ont été extraites de cet enregistrement
2 vidéo. Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez utilisé ces sources
3 pour tirer les conclusions qui ont été les vôtres pour ce site ?
4 R. Bien évidemment, il faut rappeler en introduction, que cette bande
5 vidéo, ce film vidéo n'a pas été tourné par un spécialiste de médecine
6 légale. Il s'agissait de l'obstacle principal. En effet une seule face des
7 victimes a été filmée. D'autre part, les vêtements n'ont pas été enlevés et
8 donc ces victimes étaient vêtus, avec parfois des couvertures au-dessus, et
9 donc très souvent il n'y avait que le visage ou les mains ou des fragments
10 de corps qui étaient visibles. La qualité elle-même de la bande vidéo était
11 insuffisante et ne permettait pas un grossissement exploitable au-delà de
12 deux ou trois fois. Donc, tout ceci constituait des limites que j'ai
13 clairement indiqué dans mon rapport et donc, seules certaines images ont
14 été réellement utilisées, des images où en général, des blessures étaient
15 clairement visibles.
16 La première tâche a été de voir si, éventuellement, il pouvait s'agir de
17 montages ou de maquillage, s'il s'agissait ou non d'une mise en scène.
18 Cette hypothèse apparaissait très très peu probable, compte tenu du fait
19 qu'il y avait un niveau de détail médico-légal qu'on n'aurait jamais
20 rencontré s'il y avait eu des maquillages, s'il s'agissait de fausses
21 victimes. Une fois, donc, cet examen réalisé, les victimes ont été
22 examinées une par une. Sur certaines photographies, elles apparaissaient
23 plusieurs fois et donc, il a fallu les individualiser de façon à ne pas
24 compter deux fois la même victime qui apparaissait sur des photographies
25 différentes.
26 Q. Alors, juste pour apporter une précision à votre réponse, lorsque vous
27 disiez que vous avez essayé de vérifier si la vidéo avait été truquée,
28 maquillée ou non, vous avez dit qu'il y avait là des détails qui n'ont
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1 jamais été présents s'il y avait eu des tentatives de falsification.
2 Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail de quel type de détail
3 il peut s'agir là, en matière de médecine légale toujours ?
4 R. Essentiellement des phénomènes cadavériques, post-mortem qui
5 apparaissent, notamment en ce qui concerne les lividités cadavériques qui
6 sont en rapport avec une coloration de la peau liée à l'accumulation de
7 sang, sous l'effet de la pesanteur, dans les parties déclives et donc,
8 cette accumulation de sang dans les parties déclives a donné à la peau une
9 coloration rouge sang ou violette qui dépend essentiellement de la
10 pesanteur. Egalement, la direction d'écoulement, d'écoulement sanguin ou
11 d'écoulement au niveau des narines. C'est quelque chose qui doit être
12 rapporté à la position du corps, et des zones de pression liées à la
13 position du cadavre, tout ceci fait partie d'éléments qui sont
14 systématiquement inventoriés dans ce type d'expertise.
15 Q. Savez-vous pourquoi les équipes médico-légales qui se sont rendues sur
16 le site n'ont pas été en mesure d'examiner les corps des victimes ?
17 R. Parce que, d'après les constatations et les renseignements qui avaient
18 été obtenus, ces corps avaient été précédemment exhumés avant leur
19 intervention.
20 Q. Cette méthode que vous avez utilisée en vous fondant sur un
21 enregistrement vidéo et des photographies, donc est-ce que cette méthode
22 représentait une méthode reconnue dans votre domaine de spécialité ?
23 R. Il est fréquent que ce type de document photographique soit soumis à
24 des experts médecins légistes pour l'appréciation, lorsque le cadavre n'est
25 pas disponible ou lorsque le cadavre est disponible avec un retard par
26 rapport aux faits. Le magistrat peut demander, effectivement, à l'expert de
27 se prononcer sur son interprétation de telle ou telle photographie ou de
28 tel ou tel film vidéo. Cela m'est arrivé à plusieurs reprises en pratique
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1 médico-légale nationale. Cela m'a également été demandé lorsque j'ai
2 travaillé comme expert pour la première commission d'enquête des Nations
3 Unies en Côte d'Ivoire. C'est quelque chose, effectivement, qui est
4 utilisé.
5 On est conscients, pour les raisons que j'ai énoncées auparavant, on est
6 tout à fait conscients des limites de ce type d'examen qui, jamais, ne
7 remplacera l'examen du cadavre. Ce n'est pas une expertise en soi, comme je
8 l'avais expliqué dans mon précédent rapport et dans mon précédent
9 témoignage. C'est une opinion d'expert sur un document. Ce n'est pas une
10 expertise.
11 Q. Dans l'annexe numéro 5 de votre rapport, il y a justement des remarques
12 relatives à ceci en particulier.
13 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pouvons-nous avoir justement la page 106 à
14 l'écran, s'il vous plaît ? C'est la page 117 de la version B/C/S.
15 Q. Si vous pouviez juste expliquer aux Juges de la Chambre la façon dont
16 vous avez examiné ces photographies.
17 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je voudrais juste que l'on puisse afficher
18 uniquement la version en anglais pour le témoin, s'il vous plaît. Merci.
19 Q. Je voulais vous interroger concernant la formulation que vous avez
20 utilisée ici. Donc, vous avez dit :
21 "…à l'avant, au-dessus du sourcil gauche, se trouve une blessure compatible
22 avec l'hypothèse d'une blessure par balle, très probablement un point
23 d'entrée…"
24 Alors, je voudrais que vous nous disiez comment vous avez procédé pour
25 tirer cette évaluation en conclusion quant à la cause du décès.
26 R. Tout d'abord, il convient de préciser que les photographies qui sont
27 affichées actuellement ne correspondent pas aux photographies que j'ai eues
28 à ma disposition. Leur qualité, ici, est beaucoup plus mauvaise, beaucoup
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1 plus médiocre et celles que j'avais à ma disposition étaient, avec tous
2 leurs défauts, étaient quand même bien meilleures. Il y avait la
3 possibilité de les agrandir et de voir de façon plus rapprochée tel ou tel
4 détail.
5 Systématiquement, sur ces photographies, j'ai procédé à une inspection des
6 parties découvertes, de façon à noter les traces de sang, de façon à noter
7 les blessures, qu'il s'agisse de plaies, qu'il s'agisse de d'excoriations,
8 qu'il s'agisse d'hématomes. J'ai également noté les différents écoulements
9 de quelque origine qu'il soit. J'ai noté la situation des lividités
10 cadavériques dont j'ai parlé tout à l'heure, des zones de pression, des
11 éventuelles débris végétaux qui se -- qui pouvaient se trouver, par
12 exemple, au niveau du visage ou au niveau des bras, et puis, j'ai regardé
13 également tout ce qui était partie couverte, notamment les vêtements. Sur
14 les vêtements, il y avait principalement deux indices qui étaient
15 intéressants à examiner, c'est-à-dire, les "defects," les déchirures.
16 Certaines étaient évocatrices de déchirures provoquées par des projectiles
17 et également, les traces de sang au niveau des vêtements.
18 Tout ceci, bien sûr, ne permet pas de tirer de conclusions, de certitudes,
19 je l'ai uniquement noté dans mon rapport comme les éléments positifs que je
20 pouvais fournir au bureau du Procureur.
21 La dernière chose sur ces photographies que j'ai examinées, c'était
22 l'environnement de ces cadavres, et notamment ce qu'il y avait autour de la
23 tête ou d'autres parties du corps, des traces de sang, des aspects
24 compatibles avec des caillots sanguins sur certaines photos, c'était tout à
25 fait visible.
26 Q. Vous avez dit qu'en vous fondant sur votre analyse, vous ne pouviez pas
27 tirer de conclusions avec une certitude absolue et cela explique peut-être
28 pourquoi vous avez recouru à ce type de formulation, en disant que ce vous
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1 avez observé était compatible ou cohérent avec une blessure par balle,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Vous savez, Madame le Procureur, il faut bien comprendre qu'une
4 expertise médico-légale, une autopsie médico-légale comprend plusieurs
5 temps et l'un de ces temps, après l'examen radiographique, c'est
6 l'inspection, l'examen externe du cadavre avant que le médecin légiste
7 s'approche du cadavre pour un examen plus précis. Cette inspection, je ne
8 pouvais la faire qu'au travers d'une photographie, c'est-à-dire avec un
9 seul angle de vue, et je n'avais pas la possibilité d'accéder à une finesse
10 de détails qu'un confrère médecin légiste dans une salle d'autopsie aurait
11 eu. J'étais limité à examiner ce corps au travers de la photographie donc
12 avec une certaine distance, et sans pouvoir bouger, sans pouvoir
13 m'approcher, sans pouvoir palper ses blessures, sans pouvoir, bien entendu,
14 procéder à une dissection. Donc tout ceci souligne les limites de cette
15 méthode.
16 Q. Merci. Alors, je voudrais que nous passions maintenant à un autre site,
17 c'est cela de Suva Reka.
18 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pouvons-nous donc passer à la page 78 en
19 anglais; c'est la page 91 de la version en B/C/S.
20 Q. Alors, je vais de nouveau vous prier de bien vouloir commenter la
21 conclusion qui a été la vôtre concernant ceci, s'il vous plaît.
22 Alors, nous voyons que vous vous référez à deux personnes, deux corps qui
23 ont été identifiés. Le dernier point concerne la cause du décès et vous
24 dites donc que la "cause du décès de ces quatre individus" - auquel il est
25 fait référence dans le document en question - "ne peut pas être
26 déterminée."
27 Alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi on n'a pas pu établir la cause
28 du décès de ces quatre personnes ?
Page 7669
1 R. Il faut que je me réfère à mon rapport et je n'ai qu'une page. Donc, il
2 faudrait qu'on puisse afficher le début du rapport.
3 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pouvons-nous passer peut-être à la page 75,
4 dans ce cas-là ? 76, plutôt, c'est la bonne page, me semble-t-il.
5 Q. Alors, si vous pouvez vous reporter à la question d'identification de
6 ces trois corps, c'est pour ces personnes-là que vous avez ensuite conclu
7 qu'on ne pouvait pas déterminer la cause du décès. C'est donc d'abord pour
8 ces trois et ensuite, pour les quatre personnes que nous avons vues
9 précédemment, que vous avez affirmé ne pas pouvoir déterminer la cause du
10 décès.
11 R. Oui, il existait entre les deux rapports d'anthropologues, Dr Black et
12 Mlle Roberts, des contradictions au niveau des numérotations, notamment du
13 cas SCG/33/C/SR, et qui figurait dans le rapport du Dr Black, et le cas
14 SCG/33/SR (corps numéro 4 du rapport de Mlle Roberts.) La composition était
15 différente, composition des différents ossements qu'on retrouvait dans
16 chacun de ces groupes de restes humains était différente et en outre, il y
17 avait deux conclusions différentes en ce qui concernait la détermination du
18 sexe.
19 Deuxièmement, il y avait aussi une discordance en ce qui concernait la
20 présence d'un pied gauche et la stature et je n'avais pas tenu compte de ce
21 cas-là, compte tenu du manque de certitude, je n'avais pas retenu.
22 Q. Merci. Alors, voulez-vous juste vous reporter au dernier site, qui est
23 Krusha e Vogel.
24 Mme KRAVETZ : [interprétation] Page 38 en version anglaise et page 36 en
25 version B/C/S, s'il vous plaît. Excusez-moi. C'est la page d'après, la page
26 suivante, page 33. Je ne crois pas que nous ayons en anglais la bonne page
27 qui s'affiche, c'est la page 33, et je crois que c'est la 39 qui s'affiche
28 en ce moment.
Page 7670
1 Q. Alors, encore une fois, Monsieur Baccard, pourriez-vous commenter vos
2 conclusions concernant Mala Krusa et Krusha e Vogel ? Vous y faites état de
3 quatre victimes. Je suis notamment intéressé par la dernière phrase, où
4 vous dites que :
5 "L'état des restes en question n'ont pas permis de déterminer la cause du
6 décès."
7 Pourriez-vous commenter cela, s'il vous plaît ?
8 R. Oui, Madame le Procureur, est-ce qu'il serait possible d'afficher la
9 page d'avant ?
10 Q. Oui.
11 Mme KRAVETZ : [interprétation] Alors, pourrions-nous passer à la page
12 précédente, qui est la page 32 en anglais, s'il vous plaît ?
13 LE TÉMOIN : D'accord. Donc, l'état de conservation, ici également, a été
14 responsable de l'absence de diagnostic quant aux causes de la mort, puisque
15 les corps étaient réduits à l'état de squelette, mais surtout étaient
16 sévèrement endommagés par des brûlures. Ils étaient partiellement brûlés et
17 donc, ceci ne permettait pas de déterminer les blessures ayant entraîné le
18 décès.
19 Q. Merci.
20 Mme KRAVETZ : [interprétation] Alors, Messieurs les Juges, je voudrais
21 demander dès maintenant le versement du rapport qui porte le numéro 65 ter
22 01809.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Le document est
24 admis.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce est versée et reçoit la cote
26 P01139.
27 Mme KRAVETZ : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur le Président,
28 je n'ai pas l'intention de passer plus de temps à examiner les documents
Page 7671
1 sur lesquels se base l'analyse de chacun des sites correspondants. J'ai
2 fourni au greffe ainsi qu'à la Défense des listes de documents ce matin, et
3 je voudrais simplement demander que des numéros, des cotes puissent être
4 attribués aux différents documents que l'expert a examiné lorsqu'il a
5 rédigé son propre rapport.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous donc préparé une liste de
7 ces différents documents à l'intention du greffe ?
8 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, j'ai déjà préparé une copie pour le
9 greffe et pour le conseil de la Défense également.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djordjevic.
11 M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'ai étudié la liste des documents dans
12 les affaires Milutinovic et Milosevic, qui sont des affaires qui nous
13 concernent également, et j'ai vu que certains des documents qui ont été
14 fournis l'ont été de façon erronée. Par exemple, dans l'affaire
15 Milutinovic, la situation était tout à fait claire, et si l'on se réfère au
16 jugement, on voit que l'Accusation a fourni des documents qui avaient trait
17 à Velika Krusa, alors que l'on a demandé au Dr Baccard en lui posant des
18 questions de se prononcer sur le site de Mala Krusa. On a constaté
19 ultérieurement qu'il y avait eu cette confusion. Alors compte tenu du fait
20 que ce genre d'erreur est possible avec d'autres documents aussi, je
21 voudrais que l'on procède étape par étape. Ce qui n'est pas controversé, de
22 toute manière on n'y passera pas beaucoup de temps. Je vous remercie.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre ne va pas se prononcer sur
24 cette question tout de suite. Je voudrais simplement proposer que nous
25 mettions à profit la pause pour que l'Accusation et le conseil de la
26 Défense examinent les documents qui sont avancés par l'Accusation et dont
27 le versement est demandé, Me Djordjevic pourrait alors indiquer lesquels
28 d'entre eux il a peut-être un doute particulier quant à leur pertinence en
Page 7672
1 se fondant sur l'examen auquel il a pu procéder dans les autres affaires.
2 Faute de demande particulière exprimée par Me Djordjevic, nous ferons droit
3 à la demande de versement. Mais je voudrais que les parties se mettent
4 d'accord à ce sujet.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Nous le
6 ferons pendant la pause.
7 Q. Monsieur Baccard, vous avez dit avoir déposé précédemment dans d'autres
8 affaires. Avez-vous déposé en relation avec les rapports que nous venons
9 d'évoquer dans l'affaire Milutinovic et consorts ?
10 R. Je suis désolé, Madame le Procureur, je ne me souviens absolument pas
11 des sites qui ont été abordés au cours de l'affaire Milutinovic. Je me
12 souviens de mon rapport --
13 Q. Je voudrais juste vous arrêter brièvement. Excusez-moi, mais ma
14 question est très simple à vrai dire. Je voulais juste vous demander si
15 vous avez déjà déposé précédemment en relation avec ce rapport qui est le
16 vôtre et que nous examinons aujourd'hui dans l'affaire Milutinovic. Je ne
17 vous interroge pas concernant des sites particuliers.
18 R. Oui, très certainement. La réponse, oui, est affirmative. Je pensais
19 que vous m'interrogiez sur le fait de savoir si certains sites avaient été
20 abordés par rapport à d'autres au cours de l'affaire Milutinovic. Dans ce
21 rapport, effectivement, j'ai été interrogé aussi bien dans l'affaire
22 Milosevic que dans l'affaire Milutinovic.
23 Q. Avant de vous rendre dans ce prétoire aujourd'hui, avez-vous eu
24 l'occasion de passer en revue le compte rendu d'audience de votre
25 déposition dans l'affaire Milutinovic et consorts ?
26 R. Oui, tout à fait -- en partie du moins. Il me semble que le document
27 que j'avais à ma disposition ne couvrait qu'une partie de ma déposition en
28 tant qu'expert.
Page 7673
1 Mme KRAVETZ : [interprétation]
2 Q. Après avoir passé en revue ce compte rendu d'audience, est-ce que vous
3 fourniriez les mêmes réponses si l'on vous posait les mêmes questions qui
4 vous ont été posées alors, donneriez-vous donc aujourd'hui les mêmes
5 réponses ?
6 R. Très certainement en ce qui concerne les faits médico-légaux. Ces faits
7 ne peuvent avoir qu'une seule réponse qui sera systématiquement la même de
8 ma part.
9 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
10 Mme KRAVETZ : [interprétation] Alors je voudrais demander, Monsieur le
11 Président, le versement du compte rendu d'audience qui porte le numéro 65
12 ter 05340 dans l'affaire Milutinovic.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce compte rendu est versé.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document reçoit la cote P01140.
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] Alors la pièce 65 ter 05009 va nous
16 permettre de faire référence plus facilement au document dont nous avons
17 besoin, je voudrais qu'il soit fourni au témoin un exemplaire papier du
18 document en question, s'il vous plaît.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
20 Mme KRAVETZ : [interprétation] Passons à la page suivante de ce document
21 dans le prétoire électronique, si vous le voulez bien.
22 Q. Monsieur, avez-vous connaissance de ce document et avez-vous eu
23 l'occasion de le revoir avant d'arriver ici aujourd'hui ?
24 R. Oui, Madame le Procureur. C'est un document que vous m'avez remis ainsi
25 que M. Sultan lorsque nous nous sommes rencontrés.
26 Q. Très rapidement pourriez-vous nous dire ce qu'est ce document ?
27 Mme KRAVETZ : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait passer à la page 4
28 de ce document en anglais.
Page 7674
1 LE TÉMOIN : Ce document n'est qu'une partie d'un classeur -- qu'une partie
2 de plusieurs documents que vous m'avez remis afin que j'en prenne
3 connaissance et qui concernent donc des autopsies qui ont été pratiquées
4 par mon confrère et collègue, le Pr Peter Vanezis concernant, je crois, 19
5 victimes, 19 autopsies qui ont donc été pratiquées à la morgue de Pristina.
6 Donc je dirais que ces pièces sont des pièces introductives aux rapports
7 d'autopsie qui d'après mes souvenirs doivent suivre. Vous m'aviez également
8 remis un classeur de photographies correspondant à l'exhumation de ces
9 victimes. Des photographies de mauvaise qualité. Egalement un autre
10 classeur qui était un classeur de photographies de bien meilleure qualité
11 prises au moment de l'autopsie d'une partie de ces victimes. Je ne sais
12 plus s'il y en avait huit ou neuf parmi celles que vous m'avez remises.
13 Q. Monsieur, et sur la base de ce document et lorsque vous l'avez relu,
14 sur la base des exhumations et des analyses des 19 corps et des documents
15 et des photographies qui s'y rattachaient, pourriez-vous nous dire si les
16 normes et les pratiques qui ont été utilisées pendant cet exercice étaient
17 acceptables d'un point de vue international.
18 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je crois devoir m'excuser parce que je crois
19 que nous sommes à la mauvaise page du document en anglais. Il faudrait
20 passer à la page 5, en fait.
21 LE TÉMOIN : Oui, tout à fait. En ce qui concerne les autopsies des
22 victimes, absolument. Le contraire serait étonnant lorsqu'on connaît les
23 qualifications académiques et professionnelles du Pr Peter Vanezis. Donc je
24 n'ai aucun doute là-dessus, des standards internationaux en la matière ont
25 été parfaitement respectés.
26 Mme KRAVETZ : [interprétation]
27 Q. Ça fait deux fois donc que vous faites référence au professeur Vanezis.
28 Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur qui il est ?
Page 7675
1 R. Le Pr Vanezis est un professeur de médecine légale, plus exactement de
2 "forensic science and medicine," que j'ai eu le plaisir et l'honneur de
3 rencontrer au Kosovo, notamment pendant l'année 2000, qui est très renommé
4 sur le plan universitaire, et qui - si mes souvenirs sont exacts, mais je
5 n'en suis plus très sûr - doit exercer peut-être en Glasgow, mais je ne
6 certifierais pas -- en tout cas, il est en Angleterre, il a peut-être pris
7 sa retraite actuellement.
8 Q. Sur la base des documents que vous avez eus, avez-vous l'impression que
9 c'était le Pr Vanezis qui était la en charge de cette opération justement
10 de cette étude ?
11 R. En ce qui concerne les autopsies, c'est sa signature qui apparaît au
12 bas de tous -- plus exactement la première page de tous les rapports, oui.
13 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je crois qu'il est temps de vous présenter
14 un de ces rapports. C'est le 65 ter 05005, j'espère que ça peut apparaître
15 dans le prétoire électronique.
16 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire ce qu'est ce document que l'on voit à
17 l'écran ?
18 R. Ce document est la première page du rapport d'autopsie, qui comprend
19 donc le résumé des constatations, et la cause de la mort, et qui est signé
20 par l'expert ayant procédé à l'autopsie, et en l'occurrence Pr Peter
21 Vanezis. C'est donc la première page d'un rapport qui comprend plusieurs
22 parties. Il s'agit du rapport qui est dactylographié, enfin imprimé, qui
23 est le rapport qui est établi après. Un premier rapport manuscrit est
24 établi au moment de l'autopsie par l'expert médecin légiste ayant procédé à
25 l'autopsie, et ce rapport va servir de base à l'établissement de ce rapport
26 du deuxième rapport qui est imprimé qui est le rapport définitif.
27 A ce rapport sont adjoints des annexes qui sont des annexes correspondant
28 au rapport d'anthropologie, et au rapport odontalgique principalement, mais
Page 7676
1 également des annexes correspondant à l'examen radioscopique ou
2 radiographique. On retrouve également des annexes correspondant à l'examen,
3 à l'inventaire des vêtements, et l'inventaire des éléments de preuve, les
4 pièces à conviction qui sont saisies au moment de l'autopsie. Je pense
5 qu'il doit y avoir également le rapport d'exhumation enfin le formulaire
6 d'exhumation qui doit être en dernière page.
7 Q. Avant d'examiner ce rapport d'autopsie, aviez-vous déjà eu l'occasion
8 de croiser des rapports d'autopsie construits de la même façon et sur le
9 même modèle ?
10 R. Absolument. Il s'agit d'une présentation qui a été mise au point au fur
11 et à mesure que des campagnes d'exhumation et d'autopsie ont été
12 entreprises par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, à la
13 lumière donc des séries d'autopsies pratiquées notamment en Bosnie et en
14 Croatie. Ce formulaire a été amélioré chaque année par les différents
15 médecins légistes qui participaient à ces campagnes d'exhumation et
16 d'autopsie.
17 C'est un rapport qui est une présentation de rapport qui a le mérite d'être
18 extrêmement claire, reproductible, qui est standardisée, et qui a été
19 établi sous cette forme parce qu'elle rencontrait de la part de ces
20 médecins qui venaient de différents pays, de différentes éducations
21 universitaires, elles rencontraient le même consensus et la même
22 acceptation. Ils ont tous accepté de travailler en fonction de ces
23 standards.
24 Q. Vous nous avez dit plus tôt que vous avez été au Kosovo en l'an 2000,
25 est-ce que c'était le modèle de rapport que vous utilisiez lorsque vous
26 étiez au Kosovo vous-même donc ?
27 R. Oui, tout à fait.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Passons à la page suivante de ce document.
Page 7677
1 Q. Vous verrez, Monsieur, qu'au point A, il est indiqué : "Description des
2 fragments" on voit qu'il y avait une feuille de papier avec le nom de la
3 personne, Shehide Bogujevci, femme, 66 ans. Savez-vous comment cette
4 personne est les autres personnes trouvées sur le même site ont pu être
5 identifiées ?
6 R. A la lecture des éléments que j'ai pu lire parmi les documents que vous
7 m'avez communiqués, ces personnes avaient été inhumées par des proches, les
8 sépultures étaient marquées, et l'identification était déjà faite. Donc ces
9 feuilles de papier portant l'identité se voient sur les photographies
10 générales d'un sac plastique. Il y a d'ailleurs pour deux cas que vous
11 aborderez peut-être plus tard une confusion de papiers qui ont été
12 intervertis concernant deux victimes.
13 Q. Bien, on y viendra tout à l'heure. Je crois que je souhaite vous
14 montrer un peu plus bas sur cette même page la section, le "E," "le
15 chapitre E, blessures." On y voit qu'il y a tout d'abord : "Des conclusions
16 de fluoroscopie" et qu'il y a des fragments métalliques. Pourriez-vous
17 essayer de commenter ces conclusions ?
18 R. Oui. L'examen radiocospique [phon] -- fluoroscopique ou radiographique
19 parce que, dans certains cas, on prend des clichés radiographiques et on ne
20 fait pas un examen radiocospique qui consiste à voir sur un écran l'image
21 qui est donnée par une ampoule à rayon-X qui se promène au-dessus du
22 cadavre. Cet examen qui fait partie des standards internationaux a
23 plusieurs objectifs. Le première objectif, c'est bien évidemment comme cela
24 est marqué ici d'identifier, de localiser dans quelle région anatomique on
25 va retrouver tel ou tel élément qui va permettre d'expliquer la cause du
26 décès. Je m'explique, une balle, un fragment de projectile, un shrapnel. On
27 va pouvoir d'ores et déjà avant même que le linceul ait été ouvert, on va
28 pouvoir savoir qu'au niveau de l'épaule droite il y a un projectile. Donc
Page 7678
1 le médecin légiste peut se préparer et focaliser ultérieurement son
2 attention sur la recherche au niveau de cette région anatomique. Donc c'est
3 le premier objectif. Le deuxième objectif c'est également de mettre en
4 évidence des éléments qui peuvent servir à identification du corps. Si l'on
5 a, par exemple, dans les données ante mortem la notion que la victime a été
6 l'objet d'une fracture du tibia, par exemple, que cette fracture du tibia a
7 été traitée par une plaque d'ostéosynthèse et qu'elle a toujours cette
8 plaque d'ostéosynthèse de fait de retrouver une plaque d'ostéosynthèse sur
9 la radiographie ce sera un élément très fort pour confirmer le diagnostic
10 ou alors une malformation ou alors une prothèse, une prothèse de hanche,
11 par exemple. Tout ceci sont des éléments qui servent à l'identification.
12 Enfin, le dernier objectif, c'est un objectif qui tient à la sécurité
13 des gens qui vont intervenir au niveau de la table d'autopsie. Il peut y
14 avoir, cela s'est vu, des engins explosifs, des grenades qui sont -- qui
15 ont été enterrés en même temps que le cadavre ou des objets pointus ou qui
16 peuvent présenter un danger pour l'opérateur. Donc, ce sont ces trois
17 objectifs qui font réaliser, avant toute autopsie, cet examen
18 fluoroscopique ou radioscopique.
19 Ensuite, vous avez, donc, la description des blessures qui ont été notées
20 au moment de l'examen externe et au moment de l'autopsie elle-même, c'est-
21 à-dire de la dissection. A chaque fois, de façon à rendre les choses plus
22 claires, le corps humain est subdivisé en tête et cou, le tronc, les
23 membres -- les deux membres supérieurs et les deux membres inférieurs.
24 Le dernier est l'examen des tissus internes, mais bien souvent, dans ce
25 type d'autopsie, compte tenu des dégradations liées à la putréfaction,
26 c'est beaucoup moins informatif, les tissus étant décomposés, putréfiés.
27 Q. Vous avez évoqué, ici, les blessures. Vous voyez, en bas, à droite,
28 qu'il y a trois cases que l'on peut cocher : l'une qui indique, sans doute,
Page 7679
1 ante mortem; sans doute, post mortem; troisièmement indéterminé. Est-ce que
2 vous pouvez nous en dire sur ce à quoi correspondent ces trois cases ?
3 R. Absolument. Il y a des blessures qui peuvent être des blessures
4 survenues après -- après la mort, soit que ces blessures ont été produites
5 sur un cadavre -- sur une victime déjà -- déjà morte, une explosion à
6 proximité ou des blessures liées à l'action d'animaux ou toute autre
7 origine ou alors, des blessures qui surviennent au moment de l'exhumation.
8 Ces blessures présentent des caractéristiques et donc, il faut les
9 différencier des autres blessures qui peuvent être rencontrées au moment ou
10 avant le décès. Je dois dire que personnellement, plutôt que le terme
11 "probably ante mortem," je préfère le terme "peri mortem" puisque "ante
12 mortem" regroupe également tout ce qui est blessure rencontrée dans les
13 antécédents médicaux. Une vieille fracture, une fracture ancienne fera
14 partie d'anomalies qu'on rencontre en "ante mortem." Il est préférable de
15 garder le terme de "peri mortem" pour parler de blessures qui sont
16 survenues au moment de la mort ou immédiatement avant.
17 Q. A la page 3 de ce document, on voit qu'il y a un certain nombre de
18 blessures qui sont indiquées et encore une fois, on voit qu'il y a ces
19 fameuses cases "ante mortem," post mortem, mais qu'aucune mention n'y a été
20 portée. Est-il normal qu'aucune de ces cases n'ait été cochée ? Est-ce
21 qu'il est normal qu'on ne se prononce pas ou est-ce que c'est normal d'une
22 certaine façon ?
23 R. Effectivement -- enfin, je ne sais pas pour quelle raison le Pr Vanezis
24 n'a pas rempli ces cases. J'insistais, en ce qui me concerne, pour que ces
25 cases soient documentées lorsque les -- en 2000, lorsque mes confrères
26 procédaient aux autopsies. Je connais la difficulté de diagnostic entre des
27 blessures ante mortem et post mortem dans certains cas, mais je crois que
28 le médecin légiste, dans ce cas, s'il a des difficultés, doit cocher la
Page 7680
1 case -- la dernière case.
2 Q. Alors, lorsque nous avons regardé la première page de ce document, nous
3 avons vu que d'après le Pr Vanezis, le corps -- enfin, la personne a été
4 tuée par blessures de balles -- par balles multiples. Qu'est-ce que cela
5 vous dit exactement ? Je vous pose cette question parce que tout
6 simplement, les cases n'ont pas été cochées. C'est bien pour ça que je vous
7 pose la question.
8 R. Pour ça, je pense qu'il s'agit d'un oubli de sa part puisque le simple
9 fait de déclarer comme cause de la mort des blessures par projectiles
10 multiples sous-entend, de façon évidente, que ces blessures étaient, pour
11 lui, ante mortem ou peri mortem.
12 Q. Bien. Encore une page, si vous me le permettez, la page 8 de ce
13 rapport, c'est -- vous nous l'avez dit tout à l'heure, un des éléments du
14 rapport rédigé à la main qui a été rédigé pendant l'examen et qui a
15 débouché sur le rapport écrit. Je voudrais que vous nous en disiez plus sur
16 la phrase qui est indiqué ici :
17 "Sang modifié présent dans la cavité thoracique droite."
18 Qu'est-ce que cela veut dire ?
19 R. J'ai également noté cette phrase qui signe, donc, le caractère vital,
20 caractère ante mortem ou peri mortem de ces fractures. Il peut être
21 difficile, sur un squelette, de rentrer dans des finesses sémiologiques
22 pour savoir si telle ou telle fracture est ante ou post mortem. Mais
23 lorsqu'on a la chance d'avoir encore des tissus mous, des organes, des
24 viscères à notre disposition et dans ce cas-là, par exemple, il y avait une
25 dilacération [phon] du poumon droit, non seulement il y avait des fractures
26 de côtes, mais il y avait également une atteinte de ce que ces côtes
27 recouvrent, c'est-à-dire des poumons, et qu'en plus, on a une collection
28 sanguine à l'intérieur du thorax, ça -- cela - pardon - signifie que
Page 7681
1 l'organe qui a été blessé a saigné, qu'il y a eu une collection de sang qui
2 s'est constitué dans le thorax et on a la preuve que ces blessures sont
3 tout à fait des blessures ante ou peri mortem. Ceci, d'ailleurs, à l'examen
4 des photographies d'autopsie que vous m'avez confié, apparaît sur de
5 nombreuses photographies où l'on voit la présence de sang modifié.
6 Q. Nous avons évoqué rapidement les causes du décès. Pourriez-vous nous
7 dire, en termes génériques, les critères qui sont utilisés pour établir les
8 causes du décès dans des autopsies de ce type ?
9 R. Ces critères sont multiples. On procède à un inventaire des blessures,
10 mais certaines blessures, manifestement et de façon évidente, ne sont pas
11 de nature à entraîner le décès; une fracture d'un doigt ne va pas conduire
12 à une issue fatale. Ce que l'on regarde, c'est les conséquences pour
13 l'organisme de certaines blessures. Une fracture multi fragmentée, une
14 fracture comminutive du crâne s'accompagne, bien évidemment, de lésions
15 cérébrales qui sont au-dessus de toute ressource thérapeutique et donc, la
16 cause du décès, dans ce cas-là, est évidente.
17 Lorsqu'on parle également de blessures thoraciques avec des fractures de
18 côtes, si on a une fracture de côte ici et une fracture de côte là, liées à
19 un projectile, on sait qu'anatomiquement, ces fractures recouvrent les
20 organes nobles dont toute lésion peut entraîner le décès, lorsqu'on a le
21 cœur avec les gros vaisseaux du [imperceptible] l'aorte et les veines caves
22 qui sont là. Ceci entraîne des blessures qui sont gravissimes et qui, donc,
23 expliquent le décès.
24 Lorsqu'on a, par exemple, le troisième exemple et dernier exemple,
25 une vertèbre cervicale ou une vertèbre -- [imperceptible] leur salle où
26 situer, qui a son corps vertébral, et l'arc postérieur éclaté par la
27 traversée d'un projectile. On sait qu'au milieu, on a la moelle épinière,
28 cette moelle épinière sert à de grandes fonctions et que la privation,
Page 7682
1 l'atteinte de ces grandes fonctions se traduit par le décès.
2 On peut avoir également des cas où ça demande une analyse un peu plus fine.
3 Je pense, par exemple, à une fracture, un projectile qui intéresse le
4 fémur. Avec un trajet qui va se prolonger en dedans et en avant, et on sait
5 qu'on a l'artère fémorale qui passe. La mort n'est pas immédiate mais en
6 l'absence de soins, la mort peut survenir par hémorragie, choc
7 hypovolémique [phon] à la suite de la lésion de cette artère qui est
8 située, une artère de gros calibre qui est située à proximité immédiate du
9 fémur.
10 Donc, ce sont tous ces éléments qui sont pris en compte lorsque l'analyse
11 de la cause du décès est faite. C'est une revue de toutes les blessures que
12 l'autopsie a mises en évidence et ceci est mis en rapport et mis en
13 parallèle avec les grandes fonctions de l'organisme, et l'on voit quelle
14 est la cause qui est la plus évidente. Parfois, surtout dans le cas de
15 projectiles multiples, on a plusieurs causes de décès, plusieurs causes
16 possibles. Je pense, par exemple, à une blessure thoracique au niveau du
17 corps et une blessure crânienne.
18 Sachant, d'autre part, que la mort est un processus qui s'étale dans
19 le temps, qui n'est pas immédiat, qui va prendre quelques minutes, on est
20 amené souvent à faire une priorisation [phon], une hiérarchie des causes de
21 décès. C'est donc une analyse qui intègre toutes ces données qui aboutit à
22 la détermination de la cause du décès.
23 Q. Pendant cette autopsie, qui décide d'affirmer qu'il y a telle ou
24 telle cause de décès ?
25 R. Le médecin légiste, qui est le responsable de l'autopsie.
26 Q. Et --
27 R. Qui et l'expert qui coordonne l'activité des autres experts.
28 Q. Quel rôle joue un anthropologue médico-légal, s'il y en a un, dans la
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1 détermination de la cause du décès ?
2 R. L'anthropologue médico-légal, je mets à part son activité au moment de
3 l'exhumation, encore que c'est également une activité qu'il partage avec
4 l'archéologue médico-légal pour l'exhumation du corps. Au niveau de la
5 morgue, l'activité de l'anthropologue se fait sous la responsabilité et en
6 collaboration avec l'expert médecin légiste. Son activité est
7 principalement focalisée sur l'inventaire du squelette. L'anthropologue va
8 se plus spécialement s'attacher aux cadavres qui se présentent sous la
9 forme de restes squelettiques, les parties molles ont disparu. Donc, il va
10 procéder à l'inventaire des ossements. Dans le cas d'ossements mélangés,
11 nous avons parlé tout à l'heure du nombre minimal d'individus, c'est lui
12 qui va avoir la responsabilité de déterminer combien d'individus se
13 trouvaient par exemple dans cette sépulture.
14 Deuxièmement, son rôle c'est un rôle également très important pour la
15 détermination du sexe lorsque les parties molles, à savoir les organes
16 génitaux externes ont disparu, ne sont plus reconnaissables, on se base sur
17 des critères qui sont des critères anthropologiques. J'ai fait allusion
18 tout à l'heure à la valeur discriminante de certains ossements comme la
19 [imperceptible] pubienne ou le crâne. IL y a d'autres ossements sur lequel
20 l'anthropologue va se baser pour déterminer le sexe.
21 Le rôle de l'anthropologue, c'est également la détermination de l'âge de la
22 victime. Il va avoir cette activité également partagée avec celle de
23 l'anthropologue, puisque la détermination de l'âge se fait également au
24 travers de l'analyse des dents. Enfin, l'anthropologue collabore avec le
25 médecin légiste pour donner son avis sur les causes de la mort. Mais le
26 responsable, expert principal reste le médecin légiste. C'est lui qui prend
27 les avis des spécialistes qui ont travaillé avec lui. Je l'ai énuméré tout
28 à l'heure, et qui lui, va prendre la responsabilité du rapport. C'est lui
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1 qui va signer le rapport, c'est lui qui signera le certificat de décès.
2 C'est donc lui qui, aux yeux de la loi, comme cela se fait en pratique
3 nationale, prend la responsabilité de la détermination de la cause de la
4 mort.
5 Q. Merci.
6 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite verser au
7 dossier la pièce 05005. Je vois qu'il est bientôt l'heure de faire la
8 pause. Peut-être que je peux faire une petite correction au compte rendu
9 d'audience. Je vois à la page 30, ligne 1, j'ai posé la question de savoir
10 quel rôle un anthropologue médico-légal a, et en anglais, on lit non pas
11 "anthropologue" mais "médecin, expert en médecine médico-légale."
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est acceptée.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P01141.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois qu'il est peut-être de faire
15 la pause. Est-ce que cela vous convient, Madame ?
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, il nous restera quelques questions
17 ultérieurement.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Docteur Baccard, nous devons faire une
19 petite pause technique d'une demi-heure. L'agent du Tribunal vous aidera à
20 sortir et nous reprendrons à 11 heures précises.
21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
22 [Le témoin quitte la barre]
23 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
24 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, alors j'ai présenté
25 au témoin la pièce 05009 et on m'a juste rappelé -- Mme Petersen m'a
26 rappelé que j'ai oublié de demander le versement de cette pièce. Donc je
27 voudrais que cette pièce puisse être admise, c'est le document que le
28 document a commenté juste avant.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, la pièce reçoit la
3 cote P01142.
4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Bien, nous attendons encore. Est-ce que
5 quelqu'un pourrait avoir la bonté de nous afficher à l'écran la pièce 05006
6 ?
7 [Le témoin vient à la barre]
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y, je vous en prie.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation]
10 Q. Docteur, nous avons à l'écran ici un document, cote JS001/007B où il
11 est indiqué qu'effectivement, la cause du décès est une blessure par balle
12 à la tête.
13 Mme KRAVETZ : [interprétation] Passons à la deuxième page.
14 Q. Au chapitre A, description des fragments, on voit ici que :
15 "Cette information fait, sans doute, référence au corps JS001/008."
16 Est-ce que c'est ce que vous nous disiez tout à l'heure, Monsieur, lorsque
17 vous nous disiez qu'il y avait un corps où la cote d'identification
18 semblait avoir été échangée avec les fragments d'un autre corps ?
19 R. Oui, c'est exact.
20 Q. On voit ici également que la victime a été identifiée comme étant
21 Shefkate Bugujevci, âgé de 56 ans. Au chapitre C dans la case "âge," on
22 voit qu'il y a :
23 "Age compris entre 17 et 19 ans."
24 Est-ce que vous avez l'impression que cette incohérence entre 56 ans et 17,
25 19 ans correspond justement ou s'explique justement par le fait que ce
26 rapport couvre en fait un autre corps ?
27 R. Exact.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite verser au
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1 dossier ce rapport, 05006.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elle est acceptée.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P01143.
4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Passez maintenant à la pièce 05007.
5 Q. On voit ici que cette affaire fait référence à l'affaire JS001/008B, et
6 sous cause du décès, on voit : "Blessure par balle à la tête."
7 A la page 2, on voit les éléments suivants : peut-être pourriez-vous
8 avoir la gentillesse de commenter ce qui est porté au chapitre A,
9 "Description des fragments" ?
10 R. Description des restes, il est mentionné qu'outre les renseignements
11 concernant la position du corps, une feuille de papier porte le nom de
12 "Nora (Selatin) Bugujevci, né en 1984." Pardon. Ceci est en contradiction
13 donc avec l'âge déterminé par l'examen anthropologique, qui fixe un
14 intervalle de 45 à 55 ans, et comme le dit l'expert médecin légiste, le Pr
15 Vanezis, l'information figurant sur ce papier se réfère probablement au
16 corps numéroté JS001/007, dont l'âge correspond, outre la présence d'une
17 boucle d'oreille.
18 Q. C'est justement le corps JS001/007, c'est le rapport que nous venons
19 d'examiner auparavant, n'est-ce pas; c'est bien cela ?
20 R. [aucune interprétation]
21 Q. Merci.
22 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite présenter
23 cette pièce 05007 et la verser au dossier.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Acceptée.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P01144.
26 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
27 il y a d'autres rapports qui font référence à ce site. Pour gagner un peu
28 de temps, je ne vais pas vous les présenter individuellement. Ils sont tous
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1 construits de la même façon. J'ai donné ce matin au greffe une liste des
2 documents auxquels il était fait référence. La Défense en a également reçu
3 une liste et j'espère que l'on pourra effectivement attribuer des cotes à
4 ces différentes pièces ultérieurement, sans nécessairement avoir à les
5 attribuer dans le prétoire.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est accepté. Le greffe informera
7 ultérieurement les parties des cotes qui auront été attribuées à ces
8 documents.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus
10 de questions à poser à ce témoin.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame.
12 Maître Djordjevic, vous avez la parole.
13 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs
14 les Juges.
15 Contre-interrogatoire par M. Djordjevic :
16 Q. [interprétation] Monsieur Baccard, bonjour. Je suis Dragoljub
17 Djordjevic, le conseil de la Défense de l'accusé. Je vais vous poser un
18 certain nombre de questions et je vais m'efforcer de ne pas me répéter par
19 rapport à ce qui a déjà été versé au compte rendu d'audience, y compris en
20 tenant compte des comptes rendus d'audiences qui ont eux-mêmes été versés
21 dans cette affaire, les comptes rendus d'audiences précédents.
22 Première question que j'ai pour vous : lorsque vous avez été engagé, quand
23 avez-vous été engagé par le bureau du Procureur du TPIY, s'il vous plaît ?
24 R. Est-ce que vous pouvez préciser votre question, à savoir est-ce que
25 lorsque j'ai été engagé pour la première fois par le bureau du Procureur ou
26 pour rédiger ce rapport spécifiquement ?
27 Q. Oui, ce qui m'intéresse, c'est de savoir quand vous avez été engagé
28 pour la première fois par le bureau du Procureur du présent Tribunal ?
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1 R. J'ai effectué un premier contrat pour le bureau du Procureur en 1999,
2 et je suis resté quelques semaines en Bosnie à Visoko. Je ne me souviens
3 pas du mois exact, ceci figure sur mon CV.
4 Q. Ce rapport que vous avez rédigé est le résultat du contrat que vous
5 avez signé avec le bureau du Procureur. Est-ce que cela remonte également
6 en 1999 ou à une période ultérieure, étant donné que ce rapport,
7 apparemment, correspond à l'année 2002 ?
8 R. Non. J'ai travaillé pour le bureau du Procureur sous forme de contrats
9 à durée déterminée, et en ce qui concernait la revue de ces documents et
10 l'écriture du rapport, cela se situait postérieurement. Je pense que ça
11 doit être en 2001, mais je ne me souviens pas du mois exact.
12 Q. Merci, Docteur Baccard. Alors, ma question suivante aura trait aux
13 travaux de votre équipe et de vos collègues et des anthropologues médico-
14 légaux la composant, et ce, jusqu'à la fin 1999, si je ne me trompe pas, de
15 juin 1999 jusqu'à la fin de cette année pendant que ces travaux ont été
16 réalisés. Alors, si je ne me trompe pas, vous n'aviez eu aucun lien avec
17 eux à cette période précise, n'est-ce pas ?
18 R. Vous faites allusion aux équipes dont les travaux font l'objet de mon
19 rapport ?
20 Q. En effet, Docteur Baccard.
21 R. Non, je n'ai pas eu de contact particulier à l'exception de contact avec
22 le commissaire divisionnaire Gaillardon, qui était à ce moment-là adjoint
23 ou sous directeur de la police technique et scientifique au ministère de
24 l'Intérieur français et avec lequel j'ai travaillé lors de la catastrophe
25 du tunnel du mont Blanc. Puisque nous faisions partie de l'équipe
26 d'identification de victimes de catastrophe qui identifiait les corps se
27 trouvant dans ce tunnel, mais ça n'avait aucun rapport avec ce qui a été
28 fait en 1999.
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1 Q. Alors pour ce qui est de votre intervention en 1999 les travaux qui ont
2 été ceux de vos collègues britanniques français, Suisse, je vois qu'il y a
3 également eu des équipes de Biélorussie, de Finlande, et de la République
4 fédérale yougoslave. Est-ce qu'il s'agissait d'équipes qui ont travaillé
5 pour ainsi dire ad hoc à partir de juin 1999 et au-delà, et de façon
6 indépendante, les unes des autres, ou bien existait-il une forme de
7 coordination entre ces différentes équipes ?
8 R. Je l'ignore. Je pense que ces équipes ont dû être réunies, mais je
9 parle sous -- sans aucune certitude, ont dû être réunies préalablement à la
10 mission, par le bureau du Procureur du TPIY pour leur donner quelques
11 instructions mais au travers des rapports dont j'ai pris connaissance ceci
12 n'apparaît pas.
13 Q. Très franchement, j'ai reçu une interprétation qui n'était pas très
14 claire et je n'ai pas compris ce que vous avez dit. Alors ma question
15 consistait à vous demander si vous aviez connaissance que les travaux de
16 ces équipes aient fait l'objet de quelque coordination que ce soit à
17 l'époque ou non.
18 R. A vrai dire, je l'ignore. Je pense qu'il y ait dû avoir une
19 coordination, mais je ne peux pas répondre à cette question.
20 Q. Alors vous conviendrez avec moi si j'ai dit qu'à vrai dire vous ne
21 savez pas du tout s'il y a eu ou non coordination ?
22 R. D'après ce que m'avait dit le commissaire divisionnaire Gaillardon, il
23 y a eu une réunion en ce qui les concerne à La Haye avant d'aller sur le
24 terrain au Kosovo, mais je n'ai pas d'autre élément de réponse.
25 Q. Alors si telle est votre réponse, je suppose et je me permettrais de
26 conclure que vous ignorez s'il a existé en 1999 quelque organe officiel que
27 ce soit qui aurait été en charge de coordonner les travaux de ces
28 différentes équipes, notamment pour ce qui est de la conduite des
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1 expertises médico-légales sur les différents sites que vous évoquez dans
2 votre rapport, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, je l'ignore.
4 Q. Alors autre question : vous avez énuméré environ une vingtaine de
5 spécialistes en médecine légale, certains sont des anthropologues médico-
6 légaux qui ont donc participé à ces expertises et analyses médico-légales.
7 Je voudrais savoir si vous avez établi quelque contact que ce soit avec ces
8 différents spécialistes et ces collègues à l'occasion de la rédaction de
9 votre rapport ?
10 R. Oui, afin de demander des éclaircissements, cela a été fait pour une
11 équipe, l'équipe française, celle du Pr Lecomte et du Dr Vorhauer.
12 Q. Alors puisque vous êtes originaire du même pays, le Pr Lecomte et vous-
13 même, je suppose que vous le connaissiez avant, n'est-ce pas ?
14 R. Je ne la connaissais pas particulièrement. Je l'avais rencontré au
15 cours de congrès.
16 Q. Je ne voudrais pas spéculer mais je crois qu'il y a eu au moins sept ou
17 huit équipes qui sont intervenues qui ont procédé à des autopsies ou qui
18 ont filmé les sites concernés. Je voudrais savoir si vous avez eu la
19 possibilité de discuter avec les chefs de chacune des différentes équipes
20 qui sont intervenues sur le terrain et qui ont fourni donc les rapports sur
21 lequel vous vous êtes fondé ?
22 R. Non. Soit ce n'était pas nécessaire soit le temps était compté.
23 Q. Alors nous reviendrons plus tard sur la question de savoir si cela
24 était nécessaire ou non, je [imperceptible] en question à ce sujet par
25 rapport au rapport que vous avez rédigé.
26 Ce qui m'intéresse maintenant c'est un autre aspect : pour ce qui est de la
27 science médico-légale, qui est votre spécialité, et cela du point de vue le
28 plus général possible, est-ce qu'elle se réfère à une méthodologie bien
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1 précise qu'il serait absolument indispensable d'appliquer systématiquement
2 lorsque l'on procède à l'autopsie de victimes et lorsqu'on analyse des
3 restes humains ?
4 R. Oui, il y a des gros principes méthodologiques qui sont universellement
5 admis sur le plan scientifique.
6 Q. Vos collègues, spécialistes en médecine légale, qui ont déjà déposé
7 devant ce Tribunal, ont déclaré qu'il existait plusieurs approches
8 méthodologiques et qu'il y avait même différentes écoles qui se
9 distinguaient les unes des autres. Est-ce que vous pourriez tout d'abord me
10 dire si cela est exact ?
11 R. Il y a, oui et non. Il y a des conférences de consensus qui ont été
12 réunies sur la façon dont ils -- la façon qu'il fallait observer afin de
13 mener à bien une autopsie, il y a eu des recommandations faites notamment
14 au niveau de l'Union européenne, il y a eu aussi protocole par l'Académie
15 internationale de médecine légale. Les écoles -- ces écoles actuellement ce
16 sont des différences en général mineures. Où on peut avoir des approches
17 qui sont différentes en fonction de l'origine de l'expert, je mentionnerais
18 très rapidement les incisions. Nous avons plusieurs sortes d'incisions pour
19 disséquer le tronc et le cou avec des variations en fonction de l'Europe ou
20 des variations concernant l'Angleterre ou les Etats-Unis, mais ce sont des
21 différences qui ne remettent pas en cause l'essentiel. Ce sont des
22 différences d'habitude.
23 Q. Alors ce qui me semble particulièrement important c'est ce que vous
24 venez de dire à la fin, à savoir que cela ne remet pas en question
25 l'essentiel; cependant, nous avons ici une équipe suisse - vous y avez
26 consacré une attention particulière - nous avons une équipe américaine, une
27 équipe britannique, à la fin également pour finir nous avons des équipes
28 originaires de la Finlande, type européenne de façon générale, une équipe
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1 française et ainsi de suite. Alors vous avez formulé plusieurs
2 observations, plusieurs remarques évoquant précisément des différences
3 d'approche, vous avez évoqué cela dans votre rapport. Est-ce que les
4 observations, qui ont été faites par vous, sont de nature à influencer la
5 qualité même des rapports qui ont été établis en se fondant sur l'examen
6 des corps par les experts médico-légaux qui sont intervenus sur tous ces
7 différents sites ?
8 R. Ainsi que je l'ai mentionné, en général, à la fin des annexes que
9 constituent chacune des remarques et commentaires pour tous les rapports,
10 ceci ne mettait pas en cause les conclusions générales de chacun de ces
11 rapports. Les approches étaient différentes, les conclusions n'en
12 demeuraient pas moins valides sur le plan scientifique à mon sens.
13 Q. En lisant votre rapport pour ce qui concerne, par exemple, Racak ou
14 Vata, j'ai remarqué la chose suivante, vous dites qu'on n'a pas continué à
15 procéder à l'identification des corps à Racak et à Vata. Mais de quoi
16 s'agissait-il là ? Je n'ai pas réussi à comprendre de quoi il s'agissait en
17 lisant votre rapport.
18 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pour ce qui concerne la version en B/C/S,
19 c'est la page 12.
20 Q. L'essentiel de ma question c'est cet aspect, donc vous dites qu'on n'a
21 pas continué à essayer d'identifier les corps. Je voudrais savoir quelle en
22 était la raison ?
23 R. Votre Honneur, je voudrais demander l'autorisation de me référer à mon
24 rapport que j'ai dans mon attaché caisse parce qu'il m'est difficile de
25 répondre sans me référer exactement au document auquel il est fait
26 allusion.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cela vous semble
28 souhaitable, Maître Djordjevic ?
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1 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y, Monsieur le Témoin.
3 LE TÉMOIN : Maître, est-ce que vous pourriez me répéter quel est le
4 paragraphe auquel vous faites référence.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation]
6 Q. Oui, je vais vous le dire tout de suite, Docteur. Il s'agit d'une
7 partie de votre rapport, celle qui concerne Vata, c'est le point 1.3.4.2,
8 et la page suivante également, alors pour ce qui concerne Racak également
9 j'ai remarqué qu'on a fait le même constat, à savoir que :
10 "Les travaux d'identification ont été arrêtés."
11 Ma question était la suivante, je voulais vous demander ce que cela
12 signifiait à vrai dire que d'affirmer que les travaux d'identification
13 n'ont pas été poursuivis pour ce qui concerne Racak et Vata, comment faut-
14 il comprendre cela ?
15 R. Ceci ne veut pas dire que des travaux d'identification n'ont pas été
16 poursuivis. Ceci veut dire seulement que je n'avais pas dans les documents
17 qui m'ont été remis les résultats des examens, les processus
18 d'identification qui ont été faits. Notamment tout ce qui a pu être fait au
19 niveau de l'ADN, ceci ne figurait pas. Ceci ne veut pas dire que cela n'a
20 pas été fait.
21 Q. C'est tout à fait clair, car il est écrit explicitement la chose
22 suivante dans votre rapport, c'est la dernière phrase avant le sous-titre :
23 "Structure de répartition par sexe," qui porte le numéro 1.3.4.3, il est
24 dit :
25 "De plus, le processus d'identification n'a pas été conduit au moment où on
26 a procédé aux autopsies."
27 Alors est-ce que vous avez -- est-ce que vous disposez d'éléments quant à
28 l'achèvement éventuel des travaux d'identification pour ces deux sites de
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1 Racak et Vata ?
2 R. Il y a une note de bas de page qui précise qu'au moment de l'écriture
3 de mon rapport, d'après ce qui m'avait été confirmé, le pourcentage
4 d'identification des victimes de Racak était de 100 %. Mais dans les
5 documents qui m'avaient été donnés et qui sont des documents qui font état
6 des rapports d'autopsie, notamment de l'équipe finlandaise, au stade où eux
7 ont écrit le rapport d'autopsie, cette précision n'était pas encore
8 disposition. Mais au moment où, moi, j'écrivais mon rapport, cette
9 précision était disposition. Par contre, je n'avais pas -- je n'ai pas eu
10 accès à ces documents prouvant l'identification.
11 Q. Vous venez précisément de répondre en partie à ma question suivante, ce
12 que vous venez de dire en ce qui concerne Racak, il est écrit qu'on a
13 terminé l'identification à 100 %, et cela devient maintenant un petit peu
14 plus clair pour moi.
15 Mais je voudrais que vous puissiez malgré tout me répondre pour finir à la
16 question suivante : est-ce que vous savez qui a procédé à l'achèvement de
17 ces travaux d'identification et a permis que l'on obtienne un taux
18 d'identification de 100 %, puisque par ailleurs vous savez, à ce moment-là,
19 que l'équipe finnoise n'a pas remis les résultats en question, ou du moins
20 à la date de la rédaction de votre rapport ?
21 R. Non, je l'ignore.
22 Q. Alors ma question suivante et qui sera la dernière pour ce qui concerne
23 le contexte de votre travail : pourquoi avez-vous introduit cette mention
24 d'un taux d'identification de 100 % à cet endroit de votre rapport ? Ça
25 n'est pas clair pour moi.
26 R. Parce que cette information m'a été communiquée par le bureau du
27 Procureur.
28 Q. Avez-vous reçu un document qui vous confirmait cela et qui vous aurait
Page 7696
1 permis d'introduire cette donnée ?
2 R. Je ne m'en souviens pas.
3 Q. Etes-vous tout à fait sûr d'avoir obtenu cette information de la part
4 du bureau du Procureur, ou bien avez-vous peut-être un doute à ce sujet ?
5 Parce que c'est quelque chose de plutôt illogique, c'est très important.
6 R. Non, très certainement j'ai reçu cette information, et elle était
7 suffisamment valide pour que j'en fasse état dans mon rap. Sinon, s'il y
8 avait eu un doute, j'aurais mentionné ce doute.
9 Q. Vous conviendrez cependant avec moi qu'il existe une différence entre
10 votre affirmation selon laquelle on n'a pas poursuivi les travaux
11 d'identification d'une part et d'autre part qu'il y ait eu un taux
12 d'identification de 100 %. Pour autant que je sache, on peut faire état de
13 données de cette nature avec une telle certitude que sur la base de travaux
14 très solides en matière de médecine légale. Par conséquent, je peux en
15 conclure et vous conviendrez avec moi qu'à vrai dire, vous ne disposiez pas
16 des rapports rédigés par les spécialistes en médecine légale qui s'étaient
17 penchés sur l'identification de ces victimes, au moment où vous avez écrit,
18 vous avez fait mention de ce taux d'identification de 100%, n'est-ce pas ?
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, deux choses. Tout
20 d'abord, je ne me souviens pas que le témoin ait fait mention que les
21 travaux d'identification n'aient pas été poursuivis. Je pense que c'est
22 plutôt l'inverse qui figure au compte rendu d'audience, et deuxièmement, je
23 pense que le témoin a déjà répondu à la question du mieux qu'il pouvait.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En effet. Alors, Madame Kravetz, je
25 prends acte. Maître Djordjevic, dans ma compréhension de la chose, le
26 témoin nous a effectivement déjà indiqué que certes, il n'avait pas reçu
27 lui-même ses résultats, mais qu'il avait connaissance du taux
28 d'identification auquel on était parvenus, par exemple 100% des victimes
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1 identifiées sur le site de Racak par l'équipe concernée, à la date de la
2 rédaction de son rapport. Donc, je -- il me semble que votre question n'est
3 pas complètement pertinente et je suis plutôt d'accord avec Mme Kravetz
4 pour dire que le témoin a déjà répondu à ce que vous demandez.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis d'accord
6 pour dire que le témoin a déjà répondu. Cependant, je me suis efforcé de
7 lui rafraîchir la mémoire concernant les documents concernés et plus
8 précisément la phrase particulière que j'ai pu lire dans son rapport. Mais
9 je n'insisterai pas. Je prends acte de votre remarque.
10 Q. Alors, Monsieur Baccard, vous parlez, dans votre rapport, des vêtements
11 qui ont été retrouvés, que portaient les victimes. Dans certains rapports,
12 on fait état que certaines des victimes portaient des uniformes, certaines
13 étaient en civil et dans d'autres rapports, on n'en parle pas du tout. Nous
14 avons, donc, une différence d'approche entre les différentes équipes. Mais
15 est-ce que cela signifie qu'à l'époque, il n'y avait pas un formulaire
16 unique ou une procédure unique quant à la façon de procéder pour rédiger
17 les rapports nécessaires suite aux autopsies, les rapports, donc, qui ont
18 été rédigés par vos collègues, ou bien y a-t-il une autre explication à
19 cela que vous pourriez nous proposer ?
20 R. J'ai répondu à cette question en disant que je m'étais basé sur les
21 documents qui m'avaient été communiqués. Je me suis limité à faire
22 l'inventaire de ce qui figurait dans ces rapports et ce qui figure dans ces
23 rapports, c'est que cette précision est mentionnée parfois et d'autres
24 fois, n'est pas mentionnée. Lorsqu'elle n'est pas mentionnée, il y a
25 l'album photographique qui permet de voir comment la victime était vêtue au
26 moment où elle a été exhumée, et à ce moment-là, j'ai donc décrit ce que je
27 voyais sur les photographies.
28 Q. Alors, vous avez déjà dit cela précédemment, ce que vous venez de dire.
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1 Mais ce que je vous demandais, c'était si vous conviendriez avec moi pour
2 dire que la méthodologie appliquée sur le terrain, à l'époque, n'avait pas
3 vraiment été adoptée de façon unifiée par -- de façon unique par les
4 différentes équipes qui effectuaient les analyses sur le terrain ?
5 R. Sur ce point particulier, ce que je me borne à dire, c'est que cette
6 précision figurait dans certains rapports et ne figurait pas dans d'autres
7 rapports.
8 Q. Je n'ai pas réussi à suivre l'interprétation. Mais manifestement, les -
9 - la substance de ma question ne vous est pas parvenue. Est-ce que vous
10 conviendrez avec moi pour dire qu'à cette époque-là, donc en 1999, il n'y
11 avait pas une méthodologie et une approche uniques pour ce qui était de la
12 façon de conduire les analyses médico-légales et les analyses
13 d'anthropologie médico-légale, mais bien plutôt que chaque équipe avait sa
14 propre approche selon ses propres convictions ?
15 R. Il est exact que ces rapports diffèrent dans leur approche, ainsi que
16 je l'ai mentionné dans mon rapport.
17 Q. Merci, Docteur. Je vais, à présent, vous poser une question qui a trait
18 à la page 17 du document qui vous a déjà été présenté, c'est le point 1.4 -
19 - ce sont les points 1.4 et 1.5, paragraphe 2, ça concerne Izbica. Vous
20 parlez d'un enregistrement vidéo et vous dites que les corps semblent avoir
21 été exhumés relativement récemment et être dans un état de putréfaction peu
22 avancée, vous dites qu'ils semblent avoir été exhumés à peu près deux mois
23 après la mort des victimes. Alors, il s'agit de cet enregistrement vidéo
24 qui a été réalisé par le Dr. Liri Loshi. Moi, ce qui m'intéresse, c'est
25 l'enregistrement vidéo qui a été fait, les images qui ont été tournées de
26 ces corps qui reposaient sur le sol. Vous avez utilisé l'expression de
27 corps "frais," pour ainsi dire, du moins c'est ce que l'interprète a
28 utilisé. S'agit-il de cela, ou bien s'agit-il de corps qui ont été
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1 fraîchement exhumés ? Car s'il s'agit de corps -- de personnes qui viennent
2 de décéder, il ne peut pas juste avoir -- il ne devaient pas être -- avoir
3 été exhumés juste avant. Enfin, c'est ce qui me -- c'est ce qui m'a semblé
4 être un peu illogique.
5 R. Quelle est la question ?
6 Q. Ma question concerne la description que vous donnez par rapport à
7 l'enregistrement vidéo. Vous dites que ces corps semblent être frais,
8 littéralement. Donc, est-il possible que ces corps viennent d'être exhumés
9 ?
10 R. Je pense qu'il y a deux parties dans la vidéo. Je n'ai plus -- je ne me
11 souviens plus exactement, je crois que je fais référence, là-dedans, à deux
12 parties de la vidéo. Il y a une partie où les corps sont frais avec -- ou
13 avec quelques signes de putréfaction débutante et ensuite, ces victimes
14 apparaissent avoir été exhumées environ deux mois après l'inhumation dans
15 un stade avancé de putréfaction. Je ne me souviens plus de cette vidéo. Il
16 faudrait s'y référer.
17 Q. Alors, ce que nous avons établi jusqu'à présent, c'est que le Dr. Liri
18 Loshi a réalisé un enregistrement vidéo quelques jours à peine après ces
19 personnes ne soient décédées. C'est pourquoi je vous ai posé la question.
20 Moi, je n'ai pu voir que l'enregistrement vidéo et je n'ai pas vu des corps
21 qui venaient d'être exhumés et qui étaient dans un état de putréfaction
22 avancée. Je n'ai pas vu cela dans l'enregistrement vidéo. C'est pour cela
23 que je vous demande d'où cette affirmation qui figure dans votre rapport
24 peut bien venir, sur quoi est-elle fondée. Pouvez-vous vous référer à votre
25 document et me dire ce qu'il en est car c'est très important, de mon point
26 de vue. Je pense que cette partie de phrase, s'il s'agit du deuxième
27 paragraphe de 1.4.5, cette partie de phrase :
28 "Then these victims appear to be exhumed approximately two months after the
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1 burial in an advanced state of putrefaction."
2 Je pense que ça doit faire allusion au moment où ces corps ont été exhumés
3 et ce qui restait à disposition de l'équipe française. Je dois dire que ça
4 date de plusieurs années pour moi. J'ai vu je ne sais pas combien d'autres
5 affaires depuis, et je ne me souviens pas exactement de cette bande vidéo.
6 Q. Docteur Baccard, oui, manifestement vous ne vous en souvenez pas, et
7 dans le même paragraphe nous avons une phrase qui entraîne une confusion
8 plus grande encore, elle commence comme suit, elle se trouve au milieu, je
9 cite :
10 "Il semble qu'il ait été difficile de déterminer la cause du décès à en
11 juger d'après la façon dont on a en fait pas procédé aux autopsies, ces
12 dernières sont -- il y a eu une absence d'examens externes et d'autopsies
13 en raison de la disparition des corps."
14 R. Il n'y a pas de contradiction là-dedans.
15 Q. Est-ce que vous avez pu examiner de visu les rapports de vos collèges
16 français faisant état des autopsies qui ont été conduites ? Est-ce qu'ils
17 ont procédé à une autopsie complète et un examen externe complet des corps
18 en question ? Car plus loin il est fait mention du fait qu'il s'agit
19 d'enregistrements vidéo qui ne correspondent pas aux critères scientifiques
20 en la matière. Je voudrais donc savoir sur quelle base ils ont travaillé ?
21 Est-ce qu'ils avaient un contact direct avec les corps dont il est question
22 ? Est-ce que c'est quelque chose que nous pouvons conclure de votre rapport
23 ?
24 R. Alors j'ai examiné effectivement des rapports rédigés par l'équipe
25 française qui consistait en un rapport d'examen de scènes de crimes et un
26 album photographique qui était intitulé : "Etat des lieux," qui avait été
27 rédigé par le commissaire divisionnaire Gaillardon et ses collègues. J'ai
28 examiné également ce qui était appelé un "Rapport d'autopsie" du Pr
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1 Dominique Lecomte et du Dr Vorhauer, ainsi que le film vidéo qui m'avait
2 été communiqué.
3 En ce qui concernait les restes humains sur lesquels l'équipe française
4 s'est basée, il s'agissait en fait de fragments extrêmement minimes de
5 restes humains puisqu'il s'agissait de cinq fragments d'os, essentiellement
6 du crânes, de dents ainsi que de l'avant-bras, deux des fragments de peau
7 qui se trouvaient à l'intérieur de chaussettes et 21 qui étaient des
8 touffes de cheveux.
9 Q. Dans ce cas-là, nous pouvons conclure que vos collègues, en réalité,
10 n'ont pas eu la possibilité de mener une autopsie complète, et ce, pour au
11 moins 127 corps; est-ce que vous conviendrez de cela ?
12 R. Bien entendu, et c'est mentionné à plusieurs reprises dans mon rapport.
13 Q. Alors en ce qui concerne maintenant l'enregistrement vidéo, vous avez
14 écrit dans votre rapport qu'il s'agissait d'un enregistrement qui n'a pas
15 été fait par un professionnel. Or, c'est un de vos collègues, un médecin,
16 qui a enregistré ces images. Mais à quoi pensez-vous exactement lorsque
17 vous avez qualifié ces images d'images d'amateur qui n'ont pas été faites
18 par un professionnel ? Compte tenu du fait que c'est un médecin qui filme,
19 tout de même.
20 R. Parce que ces images ne sont pas réalisées dans un but apparemment
21 médico-légal. Comme je l'ai expliqué plus tôt dans la matinée, les corps
22 sont tous alignés les uns à côté des autres. Ils ne sont pas mobilisés pour
23 voir -- pour mettre en évidence la face qui était exposée, mais également
24 la face sur laquelle ils sont couchés. Ces corps ne sont pas déshabillés,
25 ces corps sont recouverts de vêtements ou de couvertures, donc une seule ou
26 quelques régions anatomiques sont visibles sur la bande vidéo.
27 D'autre part, c'est pris d'une certaine distance, donc on n'a pas la
28 définition que l'on pourrait avoir avec un enregistrement professionnel.
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1 C'est dans ce sens que je disais que cet enregistrement ne correspondait
2 pas à des critères professionnels. J'entendais médico-légal.
3 Q. Merci, Docteur. Alors maintenant je vais vous demander d'essayer
4 d'écarter ce qui à mes yeux semble être une contradiction dans votre
5 rapport, cela concerne à nouveau certains des corps dont on dit qu'on a pu
6 les voir dans ce même enregistrement vidéo qui sont dans un état de
7 putréfaction avancé étant donné qu'on a supposé que ces corps ont été
8 exhumés et qui ont passé deux mois enterrés. Cela est absolument
9 irréconciliable avec votre affirmation selon laquelle vos collègues
10 n'auraient pas eu à leur disposition des restes humains originaires du
11 charnier d'Izbica. Mais qu'ils auraient eu à leur disposition uniquement
12 des fragments, des restes humains.
13 R. Je crois qu'il y a un malentendu. Je me souviens maintenant de la façon
14 dont cette phrase est mentionnée dans mon rapport. On m'a expliqué
15 qu'effectivement ces corps avaient été exhumés au bout de deux mois. Mais
16 la vidéo comprend uniquement les images qui sont mentionnées dans mon
17 rapport, donc des corps qui ne présentent pas ou très peu de signes de
18 putréfaction.
19 Q. Nous en sommes donc venus à une explication tout à fait concrète et je
20 vous remercie, Docteur. Ma question suivante a trait aux annexes que vous
21 avez adjointes à votre rapport. A commencer par l'annexe consacrée à Racak.
22 Ce qui m'intéresse c'est de savoir si vous avez connaissance des
23 affirmations de votre consoeur, Helena Ranta, qui est originaire de Suède
24 et qui ont été formulées plusieurs années après les expertises médico-
25 légales d'assez grande ampleur conduites par l'équipe finlandaise, et ce
26 qui m'intéresserait c'est de savoir ce que vous pouvez nous en dire.
27 R. Oui, le Dr Helena Ranta est Finlandaise, et non pas Suédoise. Elle a
28 écrit beaucoup de publications, et je ne sais pas quelles sont ses
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1 déclarations. Je n'en ai pas connaissance concernant ce cas particulier.
2 Q. Merci. Lorsque vous abordez les différences et les discordances entre
3 les rapports des experts médico-légaux finlandais d'un côté et les experts
4 yougoslaves et biélorusses d'autre part, est-ce que vous pourriez me
5 répondre de façon générale pour dire en quoi consiste ces différences ? Ce
6 qui m'intéresse avant tout c'est si, de votre point de vue d'expert, vous
7 pouvez commenter ces différences par rapport aux points de vue qui sont
8 ceux des experts yougoslaves, biélorusses et finlandais d'un point de vue
9 général et d'un point de vue de principe évidemment ?
10 R. En ce qui concerne ces différences, certaines sont mineures et tiennent
11 essentiellement les problèmes de terminologie; d'autres peuvent être plus
12 importantes, concernant parfois le nombre de tirs ou de projectiles, voire
13 de distance de tir. Donc il est possible de les voir une par une, mais de
14 façon générale, j'ai listé toutes les différences que je voyais entre les
15 deux rapports. Les deux équipes avaient eu accès aux mêmes corps à des
16 moments différents ou au même moment et il était intéressant de voir la
17 façon dont cela a été retranscrit dans chacune des versions.
18 Q. Alors concernant la seconde annexe, c'est l'annexe 3, qui concerne Bela
19 Crkva. Il a également de nombreuses remarques. L'annexe 4 concernant
20 Padaliste comprend également un grand nombre de remarque. C'est la même
21 chose dans le cas d'Izbica. C'est pourquoi je voudrais vous poser la
22 question suivante : Compte tenu de l'importance des différences et des
23 discordances que vous avez pu constater entre les travaux de ces différents
24 experts, est-ce que vous avez contacté certains des membres de ces équipes
25 qui s'étaient trouvées sur place afin d'essayer de résoudre ces
26 incohérences dont vous faites état dans votre rapport ?
27 R. Ces discordances ne sont pas toutes importantes. Comme je l'ai dit,
28 certaines sont des différences mineures; d'autres sont plus sensibles. Pour
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1 répondre à votre question, j'ai été soumis à des impératifs de temps qui ne
2 me permettaient pas de venir à bout de cette volumineuse documentation et
3 de prendre contact avec des équipes qui avaient regagné leur pays. Donc
4 ceci, comme je l'ai expliqué, a été fait uniquement dans un cas, celui de
5 l'équipe française.
6 Q. Alors aujourd'hui vous avez dit à plusieurs reprises ne pas avoir
7 disposé de suffisamment de temps. Mais très concrètement, Docteur, de
8 combien de temps avez-vous disposé pour ce qui est de la rédaction de votre
9 rapport ?
10 R. Jusqu'à l'ouverture du procès Milosevic. Je ne me souviens plus de la
11 date.
12 Q. Alors votre réponse est manifestement imprécise, mais il est certain
13 que vous n'avez pas disposé de suffisamment de temps. Mais si vous aviez
14 disposé de suffisamment de temps, qu'aurait-il, selon vous, fallu faire
15 encore pour que votre rapport soit plus précis et pour que soient résolues
16 les différentes questions qui sont soulevées ?
17 R. Il est certain que pour des différences plus importantes, j'aurais
18 souhaité prendre contact avec les auteurs du rapport. C'est un sujet qui
19 avait été discuté à ce moment-là avec le chef des enquêtes et ceci n'a pas
20 été poursuivi.
21 Q. Alors je me penche maintenant sur la partie de votre rapport qui
22 concerne Padaliste. Vous y affirmez au point 2 :
23 "Il semble que dans tous les cas la date du décès ait fait l'objet
24 d'erreur, à la mi-mai 1999, alors que cela semble s'être passé au mois de
25 mars 1999."
26 Alors d'où savez-vous qu'il ne s'agit pas du mois de mai, mais du
27 mois de mars ?
28 R. Pouvez-vous me donner les références de la page que vous citez ?
Page 7705
1 Q. Je vais vous le dire tout de suite, c'est l'annexe, en fait. C'est
2 l'annexe numéro 4 concernant Padaliste. C'est déjà au-delà de la page
3 numéro 100, même en version anglaise ou française de votre rapport, du
4 moins c'est le cas dans la version B/C/S que j'ai sous les yeux. Donc
5 annexe 4, Padaliste, point numéro 2.
6 R. Si je l'ai mentionné, c'est que cette précision apparaissait ailleurs
7 de manière plus fiable dans une autre partie des documents qui m'avaient
8 été donnés.
9 Q. Merci, Docteur. Puisque nous sommes déjà à cet endroit, voyez le point
10 3. Vous dites :
11 "On a fait état de la méthodologie utilisée."
12 Ensuite vous dites :
13 "Il semble que l'on n'ait pas procédé à un examen radiographique ni
14 fluoroscopique et qu'il n'ait pas été procédé à la prise d'échantillons."
15 Alors je voudrais vous demander de nous dire s'il s'agit ici d'hypothèses
16 que vous formulez ou si c'est quelque chose que vous êtes en position
17 d'affirmer ? Pouvez-vous préciser cela ?
18 R. Je n'ai pas trouvé mention de la réalisation de radiocospie ou de
19 prélèvement d'échantillons dans ces rapports.
20 Q. Alors concernant ce site, on affirme qu'il y a eu au moins 54 victimes.
21 Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit là d'un nombre particulièrement
22 important. C'est l'équipe britannique qui s'est chargée de cette analyse.
23 Est-ce qu'à ce moment-là on a remis en cause les compétences de cette
24 équipe compte tenu des affirmations que vous faites là ? Donc on n'a pas
25 réalisé d'examen radioscopique ni fluoroscopique, on n'a pas pris
26 d'échantillon, on ne dispose pas d'information fiable concernant le calibre
27 des armes et ainsi de suite, pour ne pas entrer dans les détails de votre
28 rapport.
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1 R. Quelle est la question ?
2 Q. Ma question porte sur les compétences de cette équipe britannique.
3 R. Il n'y a pas lieu de remettre en question la compétence de l'équipe
4 britannique au motif qu'il n'y a pas de renseignement sur un éventuel
5 examen radioscopique. L'examen radioscopique ne peut remplacer à lui seul
6 l'examen humain que l'on a au travers d'une dissection. Lorsqu'un
7 projectile est retrouvé à l'intérieur d'un corps humain, que la
8 radiographie ait été faite auparavant ne va rien changer. La seule chose,
9 c'est qu'on peut éventuellement penser que, s'il n'y a pas eu de radio,
10 peut-être d'autres projectiles ont été oubliés. Mais il n'en demeure pas
11 moins que les constatations faites sur les signes positifs de présence de
12 projectile sont toujours valides scientifiquement et qu'il n'y a pas lieu
13 de remettre en cause la compétence de cet expert.
14 Il faut comprendre aussi que ces expertises ont été faites dans des
15 conditions qui n'étaient pas celles que l'on rencontre habituellement dans
16 les morgues de pays développés avec des équipements, un agenda, un
17 approvisionnement en eau et en électricité, mais qu'on se situait dans une
18 période post-conflit avec, au même titre qu'on a de la médecine de guerre,
19 avec un triage sur le terrain, des gestes d'urgence à faire.
20 Les médecins légistes qui sont appelés tout de suite après les faits, à
21 partir du moment où la sécurité est assurée, interviennent dans des
22 conditions où tout l'équipement et l'infrastructure ne sont pas réunis.
23 Donc je ne trouve rien de choquant qu'il n'en ait pas eu. Je n'ai pas dit
24 qu'il n'en a pas eu, je dis que cette précision ne figurait pas, d'examen
25 radioscopique. Pour avoir un examen radioscopique, il faut avoir
26 l'appareil, il faut le transporter, il faut avoir une source avec un groupe
27 électrogène qui délivre un flux constant, il faut avoir une protection des
28 personnels contre les radiations ionisantes, avec des sacs de sable ou des
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1 plaques de plomb, des tabliers de plomb, des colliers pour protéger la
2 thyroïde, des gants.
3 C'est quelque chose qu'on est souvent en difficulté pour réaliser.
4 Donc je ne vois pas l'argument à remettre en cause la compétence d'experts
5 qui sont, par ailleurs, tout à fait renommés dans leur spécialité.
6 Q. Merci, Docteur. Alors pour quelle raison procède-t-on à la prise
7 d'échantillons ? Vous avez dit que cela n'était pas "choquant," mais je
8 n'ai pas dit que c'était particulièrement choquant. Mais je voudrais savoir
9 pour quelle raison on est censé prendre des échantillons et pourquoi vous
10 avez indiqué qu'on n'a pas pris d'échantillons ? Qu'est-ce que cela
11 signifie ?
12 R. Encore une fois, je n'ai pas vu mention dans les rapports du fait que
13 des échantillons aient été prélevés. La collecte d'échantillons
14 biologiques, on s'entend, peut avoir plusieurs objectifs. Le premier
15 objectif est un objectif anthropologique où l'on prélève des os qui sont
16 parlants sur le plan anthropologique pour déterminer le sexe et déterminer
17 l'âge. Ces ossements, l'extrémité antérieure de la quatrième côte ou la
18 symphyse pubienne demandent pour être interprétées par référence à des
19 tables ou des kits de référence. Cela demande une préparation. Il faut
20 préparer, enlever le cartilage, enlever les parties molles. Donc c'est
21 quelque chose qui ne peut pas se faire au moment de l'autopsie et qui doit
22 être fait de manière retardée.
23 Le deuxième type d'échantillons sont des échantillons biologiques
24 toujours, notamment d'os ou de dents, qui sont pris à des fins génétiques
25 pour extraire l'ADN et le comparer à un ADN de référence provenant, soit de
26 la victime antérieurement, soit des parents de cette victime. Donc en règle
27 générale, en matière de médecine légale, disons de guerre ou de crimes de
28 guerre, c'est surtout ce type d'échantillons qui est prélevé. Je mets de
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1 côté tous les autres échantillons biologiques prélevés en activité
2 médicolégale de routine, comme la toxicologie ou d'autres spécialités comme
3 l'anatomopathologie.
4 Q. Merci, Docteur. C'est bien plus clair maintenant.
5 Vous avez parlé de la fin du conflit au Kosovo, de l'arrivée de vos
6 collègues sur le terrain et du moment où cela s'est produit, des conditions
7 également dans lesquelles ça s'est produit. Est-ce que vous avez
8 personnellement des informations quant aux conditions qui prévalaient au
9 moment où les enquêtes ont été conduites au Kosovo à l'époque ?
10 R. J'ai des informations sur le lieu où les autopsies ont été conduites -
11 c'est précisé dans mon rapport - sur les dates, la période pendant laquelle
12 ces autopsies ont pris place. Quand je parle du lieu, je parle également de
13 est-ce qu'il s'agissait d'une morgue ou est-ce qu'il s'agissait d'un local
14 de fortune où l'équipement a été improvisé, je l'ai cité, notamment avec
15 une porte et des tréteaux. Ceci apparaît parfois au travers des photos qui
16 ont été prises. On voit qu'il s'agit effectivement de conditions qui ne
17 sont pas des conditions standard que l'on peut voir normalement en pratique
18 courante.
19 Q. Merci, Docteur. Est-ce que de telles conditions ont pu avoir une
20 influence sur la substance des résultats obtenus dans le cadre des
21 expertises médicolégales qui ont été ainsi conduites ?
22 R. Je pense que ça a joué, je pense que ça a joué. Dans quelle mesure, il
23 est difficile de le dire. Je prends l'exemple de la situation où l'on se
24 retrouve face à un corps exhumé, enterré en pleine terre, donc putréfié,
25 avec transformation de tissus où on a une sorte de graisse, l'adipocire, de
26 la terre également, des débris, des cailloux, des végétaux et qu'on n'a pas
27 d'eau à sa disposition, on va avoir des difficultés pour nettoyer
28 complètement l'ensemble de revêtement cutané. Donc sur des corps qui sont
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1 déjà abîmés, qui ont des lésions produites par l'action d'asticots, de
2 larves d'insectes, il sera beaucoup plus difficile de voir de petites
3 lésions, des lésions que l'on aurait vu si le corps avait été complètement
4 nettoyé. Par contre, les lésions majeures, les lésions importantes, celles
5 qui sont à l'origine du décès, de par leur importance et leurs conséquences
6 sur les fonctions vitales, elles seront toujours présentes.
7 Donc, je dirais que oui, mais ça ne se fait pas au détriment des blessures
8 principales et l'essentiel reste préservé.
9 Q. En rapport avec ce que nous venons d'entendre, les experts se
10 prononcent quant à la façon dont les blessures sont intervenues. Ils
11 procèdent à une analyse dans le temps et dans l'espace de la façon dont la
12 blessure est apparue, procèdent également à une analyse de la distance à
13 partir de laquelle les projectiles qui ont touché la personne ont été
14 tirés. Donc ils analysent les conditions dans lesquelles tout cela se
15 produit. Je vous prie de bien vouloir nous répondre brièvement pour ce qui
16 concerne les différents degrés de putréfaction des corps, dans quelle
17 mesure est-il possible de déterminer tous ces facteurs dans les conditions
18 qui prévalaient à l'époque où vos collègues ont conduit ces analyses et ces
19 expertises sur le terrain, dans les conditions qui prévalaient ?
20 R. Vous faites ici très probablement allusion à la distance de tir. C'est
21 vrai que cette détermination de distance de tir est beaucoup plus difficile
22 sur un cadavre qui est putréfié. La distance de tir, comme vous le savez,
23 s'apprécie en fonction de différents critères. En ce qui concerne les
24 projectiles multiples, c'est l'écartement de la gerbe pour les chevrotines
25 ou les plombs, entre autres; mais pour les projectiles uniques, on se base
26 essentiellement sur les dépôts de résidus de poudre ou de fumée au niveau
27 de la peau ou des vêtements.
28 A partir du moment où l'on a des téguments, de la peau qui est
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1 putréfiée, il va être beaucoup plus difficile de mettre en évidence ce que
2 l'on appelle des zones de tatouage, c'est-à-dire d'incrustation de petits
3 débris, de particules de poudre incomplètement brûlées ou de fumée, parce
4 qu'il y a une macération, parce que la personne est enterrée, et cetera.
5 Donc c'est plus difficile, certes.
6 Au niveau des vêtements, les signes restent plus volontiers. On a
7 également le cas où on a des distances de tir qui sont très très courtes, à
8 bout portant, à bout touchant, qui vont entraîner également au niveau des
9 ossements qui sont situés immédiatement sous la peau des dépôts, un
10 tatouage de poudre qu'on ne va pas retrouver lorsqu'on a le canon de l'arme
11 appliqué fermement contre la peau de la victime, on ne va pas retrouver ces
12 tatouages sur la peau, mais en profondeur, on les retrouve sur l'os du
13 crâne, par exemple. Donc ça, ça reste préservé.
14 On a également des phénomènes de cavitation, de chambres de mines qui, eux,
15 vont également subsister. Donc, oui, c'est beaucoup plus difficile de le
16 déterminer mais il n'en demeure pas moins que dans plusieurs cas, dans
17 d'autres cas, l'expert a encore à sa disposition des indicateurs qui lui
18 permettent de se prononcer sur ce point.
19 Q. Merci pour cette réponse exhaustive qui nous sera plus qu'utile,
20 Docteur.
21 Alors, puisque nous en sommes à la balistique médico-légale, qui est une
22 spécialité plus rare, peut-être, vous avez parlé de tirs à bout portant et
23 de tirs auxquels ils seraient procédé à partir d'une distance relativement
24 proche. Ça a été clair pour moi, mais ce qui n'est peut-être pas encore
25 tout à fait clair à partir de ce que vous avez déclaré jusqu'à présent,
26 c'est la nuance entre un tir qui serait un tir à bout portant, donc à
27 proximité directe et puis, un tir qui se ferait à une distance, à une
28 proximité relative. Quelle est cette nuance, s'il vous plaît ?
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1 R. Un tir à bout portant, nous distinguons en balistique lésionnelle, des
2 tirs à très très très courte distance, que je regrouperais sous le terme
3 "bout touchant," où le canon est fortement appuyé contre la peau ou "bout
4 portant," où le canon est contre la peau à quelques millimètres de la peau.
5 Puis il y a les autres tirs, qui se font à une distance qui est plus grande
6 et les critères qui sont utilisés, à ce moment-là, sont ces critères que
7 j'ai mentionnés, à savoir le tatouage de grains de poudre et l'estompage,
8 et de nombreux facteurs vont faire varier ces dépôts au niveau de la peau,
9 c'est-à-dire la longueur du canon; les distances de dispositifs situés au
10 bout du canon qui visent soit à atténuer le son, soit à atténuer la
11 lumière, "les silencieux," par exemple; le type de projectiles; la charge
12 de poudre; les munitions magnum avec une charge de poudre plus importante
13 vont entraîner des dépôts plus importants à une distance plus importante.
14 Donc c'est quelque chose qui dépend de nombreux facteurs qui tiennent à la
15 fois à l'arme et à la fois à la munition elle-même.
16 Je citerai également la possibilité d'écran intermédiaire entre la victime
17 et l'arme, qui va également entraîner des modifications.
18 Q. Juste brièvement, d'un point de vue purement matériel, concret, que
19 signifie la proximité absolue, vous touchant à bout portant, si on peut
20 préciser concrètement et une proximité qui serait plus relative, si c'est
21 toutefois possible de préciser cela ?
22 R. En termes de distance, de centimètres ?
23 Q. Oui. Qu'entend-t-on par proximité de tir "relative ?" Si on parle de
24 proximité absolue, j'imagine qu'on parle d'armes qui sont au contact
25 directement du corps de la victime. Mais si on parle d'une distance
26 relativement proche, si toutefois la traduction en a été correcte, quelle
27 serait la différence entre tirer à bout portant, donc directement, à une
28 proximité directe et à une proximité relative de la victime ?
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1 R. Le terme "proximité relative" n'existe pas en balistique lésionnelle,
2 ça n'existe pas. On peut parler de tirs à courte distance mais le terme
3 "relatif," je ne le connais pas, enfin, je ne le retiens pas. Je ne sais
4 pas si j'ai répondu à votre question ou si vous avez besoin que j'élabore
5 là-dessus.
6 Q. Je vous remercie. Vous avez répondu complètement car j'ai ici quelque
7 chose qui a été introduit peut-être par les traducteurs ou par les
8 interprètes avec cette notion de "tirs à une proximité relative," mais
9 maintenant, tout est clair. Je vous remercie pour votre réponse.
10 Ma question suivante concernera, me semble-t-il, l'annexe numéro 8 à votre
11 rapport qui concerne Dubrava. C'est exact ? C'est bien cela ?
12 Il s'agit des travaux de vos collègues espagnols, et au tout début, lors
13 des remarques générales que vous faites, vous dites :
14 "…qu'il faut entendre avec certaines réserves la distinction…" Avez-vous
15 trouvé de quoi il s'agit, Docteur ?
16 Vous dites :
17 "…qu'il faut envisager, avec une certaine réserve, la nuance faite entre
18 des petits, des éclats de petite taille et de taille plus importante."
19 Alors, compte tenu de votre spécialité qui est rare, de la balistique
20 lésionnelle, vous nous parlez de la différence entre les éclats provenant
21 de bombes qui ont été larguées, la différence entre ce premier type d'éclat
22 et les éclats de grenades à main; pouvez-vous donc nous en dire plus
23 concernant cette distinction ?
24 R. Malheureusement, non, pas vraiment, parce que la balistique lésionnelle
25 concerne la balistique des projectiles. La balistique, c'est la science de
26 mouvement d'un projectile dans l'air ou dans un milieu mais elle ne
27 s'intéresse pas au domaine des explosifs. La seule chose que je voulais
28 noter dans ce rapport, c'est que je ne retenais pas moi-même cette
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1 distinction qui avait été faite par mes confrères espagnols, entre petits
2 fragments, petits "shrapnel [phon] ", et grands fragments, "grands
3 shrapnel", pour la raison suivante : c'est que la taille en elle-même n'est
4 qu'un des facteurs parmi d'autres qui ne permet absolument pas d'orienter
5 sur l'origine de l'engin explosif.
6 Il y a au moment d'une explosion la génération de plusieurs fragments de
7 tailles différentes et c'est l'analyse du fragment en ce qui concerne sa
8 forme, en ce qui concerne son épaisseur, en ce qui concerne sa nature qui
9 va permettre d'orienter sur une grenade à main, une mine, une roquette, et
10 cetera. Ce n'est pas la taille en elle-même. C'est la taille plus d'autres
11 facteurs.
12 Q. Je vous remercie. En d'autres termes, cette affirmation qui est la
13 vôtre selon laquelle il faut envisager avec une certaine réserve cette
14 distinction avait quelque chose qui devrait vous permettre de convenir avec
15 moi pour dire qu'il n'y a pas de méthode absolument sûre permettant de
16 déterminer la façon dont une personne a été blessée et par quel type de
17 munition ou de fragment de munition ?
18 R. Non, je suis désolé, je ne peux pas reprendre à mon compte cette
19 affirmation. Ce que je veux dire, l'analyse, c'est que chaque expert doit
20 se limiter à ce qui le certifie dans sa spécialité, c'est-à-dire qu'un
21 médecin légiste va faire de la médecine légale et un expert en armes et
22 munitions doit s'occuper d'armes et minutions et un expert en explosif,
23 c'est son travail d'analyser des éclats. C'est uniquement ce qui sortira de
24 son laboratoire qui permettra de répondre avec certitude sur la provenance
25 de tel ou tel éclat.
26 Q. Certes. Mais la seule chose que je souhaiterais dire, c'est la chose
27 suivante. Quand vous dites qu'il faut envisager cela avec réserve, en fait,
28 ce que vous voulez dire, c'est précisément ce que vous venez de me
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1 répondre, à savoir que chacun doit faire sa partie du travail et que nous
2 avons là à faire à une tâche qui incombait à un spécialiste en projectiles
3 ou un spécialiste de nature plus militaire. Est-ce que c'est cela que vous
4 entendiez en écrivant cela dans ce paragraphe précis ?
5 R. Absolument. Je crois qu'on est -- le médecin légiste, il a une
6 connaissance dans un domaine autre que celui de sa spécialité doit être
7 très prudent et se limiter à parler d'hypothèses ou d'aspects qui évoquent
8 et se garder d'affirmations qui sortent du champ de ses compétences.
9 Q. Cette même annexe, numéro 8, nous mentionne un certain nombre
10 d'éléments au point numéro 2, et je ne vais m'attarder que sur le cas
11 numéro 9. Vous dites, on fait état du suicide en tant que cause de la mort,
12 mais il semble que cela soit le résultat d'une erreur car les victimes se
13 sont vues porter deux blessures latérales au tronc par des armes à feu.
14 Alors pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet.
15 R. J'ai noté dans le rapport qu'il était effectivement mentionné suicide.
16 Ce qui est très inhabituel dans la série de rapports que j'avais vue, et
17 donc j'ai pensé qu'il s'agissait d'une erreur compte tenu du fait que la
18 victime présentait deux blessures par arme à feu dans une zone qui est une
19 zone qui n'est pas habituelle pour le suicide. J'ai pensé qu'il s'agissait
20 d'une erreur d'interprétation ou d'une erreur d'écriture du rapport.
21 Q. Existe-t-il quelque description que ce soit de ce dont nous venons de
22 parler - je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre connaissance ni de le lire
23 - mais pourquoi parle-t-on seulement de "suicide" et d'où cela vient-il ?
24 S'agit-il d'informations complémentaires ? S'agit-il de quelque chose qui
25 n'a rien à voir avec l'expertise médico-légale à laquelle il a été procédé
26 ? Ou est-ce quelque chose de complètement différent ? Avez-vous souvenir de
27 quoi que ce soit qui pourrait nous expliquer cette mention ici ?
28 R. Non, je regrette, je n'ai pas gardé de souvenir précis particulier de
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1 ce rapport. Je ne sais pas s'il est accessible aisément. S'il est
2 disponible je pourrais peut-être vous répondre, mais avec les éléments dont
3 je dispose, non.
4 Q. Je vous remercie.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Alors, Monsieur le Président, je voudrais
6 maintenant passer à un sujet qui selon moi nécessitera toute notre
7 attention. C'est pourquoi je voudrais que nous puissions faire la pause
8 maintenant afin de pouvoir aborder ce sujet d'un seul tenant après, si cela
9 vous semble raisonnable toutefois.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant
11 prendre la pause avec quelques minutes d'avance et reprendre nos débats à
12 12 heures 55.
13 --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.
14 [Le témoin quitte la barre]
15 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, en attendant que le
17 témoin nous rejoigne, Monsieur le Président, si vous me le permettez, je
18 voulais juste redire que j'ai eu un entretien avec mon éminent confrère à
19 propos de la liste de pièces que je proposais de verser au dossier en tant
20 que pièces sous-jacentes. Je crois que Me Djordjevic n'a plus d'objection.
21 Je demande donc que toutes ces pièces soient versées au dossier.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Merci. Vous recevrez une
23 notification en temps et en heure.
24 [Le témoin vient à la barre]
25 Maître Djordjevic, vous avez la parole.
26 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Q. Monsieur Baccard, nous allons poursuivre avec les questions relatives à
28 ce qui est véritablement essentiel. Concernant tous ces rapports, est-ce
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1 que, dans le cadre de quelque rapport que ce soit émanant de l'une de ces
2 équipes, vous avez pu remarquer qu'il ait été fait usage de sources ou de
3 documents relatifs à des enquêtes criminelles ou médico-légales opérées par
4 des autorités ou des organes de la Yougoslavie concernant donc les
5 différentes scènes de crimes ?
6 R. Je ne pense pas, Maître. La seule mention de documentation ayant une
7 relation avec la Yougoslavie provenait des rapports de Racak, une partie
8 des rapports de Racak avait été faite par - si mes souvenirs sont exacts -
9 par des médecins légistes yougoslaves assistés de médecins légistes
10 biélorusses.
11 Q. Je vous remercie, Docteur Baccard. Alors pour ce qui est de l'équipe
12 suisse, cette dernière est intervenue pour autant que je sache au cimetière
13 musulman de Kacanik à Kotlina, et il me semble qu'ils ont aussi travaillé à
14 Stagovo. Une question générale à cet égard, est-ce que ces experts suisses
15 pour ce qui était de l'identification des victimes procédaient à un examen
16 externe, ou bien procédaient-ils uniquement à une tentative
17 d'identification compte tenu de la diversité des blessures, des lieux
18 concernés dont on a fait le constat, et compte tenu de la difficulté de
19 déterminer le moment où les blessures ont été portées, dont ante ou poste
20 mortem, ainsi que la nature des armes qui ont servi à porter ces blessures.
21 R. Donc si j'ai bien compris, la question se réfère à la façon dont
22 l'équipe suisse a travaillé dans les deux sites dans lesquels ils ont été
23 impliqués, c'est-à-dire Kotlina et Dubrava ?
24 Q. En effet.
25 R. Donc il faut que je me réfère à mes notes.
26 Q. Je voudrais juste corriger, ce n'est pas Dubrava mais Kacanik, Kotlina
27 et Stagovo. Ce sont les localités où est intervenue l'équipe suisse.
28 R. Oui, alors en ce qui concerne Kotlina, donc c'était une équipe qui
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1 était mixte qui comprenait donc le Dr Markwalder et le Dr Wyler de l'Equipe
2 d'identification de victimes de catastrophes suisses. Donc ce sont des
3 autopsies qui ont été réalisées au cimetière de Kacanik.
4 Q. En effet.
5 R. Je suis obligé de me référer à mes notes compte tenu de l'ancienneté
6 des faits et du rapport.
7 Q. Allez-y. Il y a aussi le cas de Kotlina. Alors Kacanik, vous l'avez
8 mentionné. Il y a Kotlina et il me semble qu'à Stagovo aussi nous avons eu
9 cette même équipe suisse qui intervenue. Donc Kacanik, Kotlina et Stagovo.
10 R. Oui, pour moi, c'est un cas qui apparaît sous le nom de Dubrava, entre
11 parenthèses, "Kacanik case."
12 Q. Dubrava, pour autant que je sache, ce sont des experts espagnols qui
13 sont intervenus, la prison de Dubrava et le cimetière également ?
14 R. "Kacanik case," il s'agit d'un rapport du Dr Markwalder et du Dr Wyler,
15 tous les deux membres de l'équipe suisse d'identification des victimes de
16 catastrophe. Et à Stagovo également, Markwalder et Daniel Wyler.
17 Alors --
18 Q. C'est bien de cela que nous parlons.
19 R. Donc il s'agissait d'autopsies. Quelle était la question ?
20 Q. Ma question était la suivante : Est-ce que j'ai raison de dire qu'il
21 n'a été procédé qu'à un examen externe des corps et que le rapport
22 d'autopsie est particulièrement peu fourni, qu'il ne comporte pas de
23 détermination des blessures d'entrée et de sortie, ni de détermination de
24 la nature post-mortelle des blessures, sans même mentionner non plus la
25 localisation précise des blessures; est-ce exact ?
26 R. J'ai noté des rapports d'autopsie et non pas de rapports d'examens
27 externes. Je dois me référer aux annexes si vous avez le numéro des
28 annexes.
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1 Q. Très franchement, non, je ne les ai pas. Je pensais que vous vous en
2 souviendriez. Je vois que la documentation est assez peu volumineuse pour
3 ce qui concerne l'équipe suisse. Les rapports sont très courts. C'est
4 précisément ce que je disais. Donc je pense qu'on n'a procédé qu'à un
5 examen externe des corps et que les rapports d'autopsie sont
6 particulièrement peu fournis, notamment ce qu'a fait cette personne qui n'a
7 pas localisé les blessures ni les points d'entrée et de sortie et n'a pas
8 non plus, le Dr Markwalder, déterminer la nature des armes à feu qui
9 avaient été utilisés. C'était la conclusion que je me proposais de faire, à
10 moins que vous ne puissiez nous en dire quelque chose de plus précis.
11 R. Ce que j'aimerais, c'est pouvoir me référer à une page particulière de
12 ce rapport où vous faites allusion à l'absence de détermination d'orifice
13 d'entrée et d'orifice de sortie. Ça concerne lequel de ces cas ?
14 Q. Un instant, s'il vous plaît. S'il s'agit de remarques générales liées
15 aux travaux de l'équipe suisse, je m'attendais à ce que vous puissiez me
16 répondre à ce sujet sans que nous ayons, pour autant, à nous référer à des
17 pages ou à des documents précis. Ce n'est pas dans les annexes.
18 R. Si, en plus, ça ne figure pas dans les annexes et que je n'ai pas eu de
19 remarque particulière à faire sur la méthodologie de cette équipe.
20 Q. C'est précisément ce que j'avançais, à savoir que le rapport d'autopsie
21 était particulièrement peu fourni, ne mentionnait pas la localisation des
22 blessures ni la détermination des points d'entrée et de sortie. Je pensais
23 obtenir quelques éléments à ce sujet, mais nous allons y revenir à la
24 question suivante.
25 Alors nous parlons maintenant de Kotlina et des puits. Est-ce que les corps
26 qui ont été retrouvés dans ces puits ont fait l'objet d'une détermination
27 plus précise de leur âge, qui se situait entre 17 et 47 ans, il me semble,
28 tel que c'est indiqué; est-ce que j'ai raison de dire cela ?
Page 7719
1 R. Nous faisons bien référence au cas 2.8 de mon rapport ?
2 Q. Oui, c'est bien cela.
3 R. Alors j'ai noté qu'il s'agissait essentiellement de la tranche d'âge de
4 21 à 30 ans, qui était la plus représentée dans ce groupe de victimes.
5 Q. Est-ce que les rapports médicolégaux que vous avez utilisés faisaient
6 mention des vêtements que portaient ces corps, car je ne vois pas qu'il
7 soit fait mention de cela dans votre rapport ?
8 R. Je ne m'en souviens pas. Je regrette.
9 Q. Entendu. Il y a ici un certain nombre de détails que j'ai également
10 retrouvés dans d'autres rapports concernant ces puits. Cependant, pour ce
11 qui est des parties des corps des victimes qui ont été conservées, je parle
12 des corps qu'on a extraits de ces puits, on a décrit, si je ne me trompe
13 pas, 26 blessures. Ceux qui ont opéré l'autopsie ont décrit la présence de
14 26 blessures par balle. Mais peut-on expliquer comment il est possible
15 qu'on ait retrouvé une douzaine de douilles près de ces puits et qu'il y
16 ait une telle différence entre le nombre de blessures constatées, d'une
17 part; et d'autre part, le nombre de douilles qui ont été retrouvées à
18 proximité ? Peut-on apporter une explication à cela ?
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne souhaite pas
20 interrompre mon éminent confrère, mais peut-être qu'il pourrait faire
21 référence exactement au passage qu'il cite. J'ai moi-même un peu de mal à
22 le suivre.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous avoir la bonté de nous
24 aider, Maître ?
25 M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'essaie justement de donner la
26 bonne référence. J'ai retrouvé cela dans les rapports qui ont trait à
27 Kotlina, rapports que M. le Témoin a certainement eu la possibilité de
28 consulter. Ces rapports concernent précisément les travaux de l'équipe
Page 7720
1 suisse.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Où exactement ?
3 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Cela n'est pas précisé dans le rapport du
4 Dr Baccard, mais c'est justement la raison pour laquelle je demande
5 pourquoi cela n'est pas précisé, puisque nous avons affaire à un certain
6 nombre d'incohérences. Ces documents qui ont été fournis par l'équipe
7 suisse, documents dont le témoin a eu connaissance, ne sont même pas cités
8 dans son rapport. Or, il s'agit d'un certain nombre d'incohérences sur
9 lesquelles je voulais attirer l'attention à partir de l'intégralité du
10 rapport de l'équipe suisse.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous nous dire ce à quoi vous
12 faites précisément référence, hormis le rapport rédigé par notre témoin, et
13 nous dire où cela se trouve pour que nous puissions vous suivre. Est-ce que
14 vous avez examiné les rapports initialement préparés par l'équipe suisse ?
15 Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de nous dire, Maître ?
16 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je faire précisément référence à ce
17 rapport-là, Monsieur le Président. Les questions que j'ai commencé à poser,
18 justement, concernent le fait que j'ai eu l'occasion d'examiner ces
19 rapports conjointement avec un expert que j'ai engagé afin qu'il me vienne
20 en aide et qui est également un spécialiste en médecine légale. J'ai donc
21 examiné ce rapport signé par le Dr Christoph Markwalder, le chef de
22 l'équipe suisse. Ce que nous avons constaté justement, c'est ce au sujet de
23 quoi j'ai interrogé notre témoin. Je ne peux malheureusement pas vous
24 fournir maintenant la référence exacte, car je ne l'ai pas sur moi. Je
25 pensais que le Dr Baccard connaissait cela très bien, car cela avait été
26 une partie de son travail. Mais je vais passer à d'autres questions, car en
27 ce moment précis, malheureusement, Monsieur le Président, je ne peux vous
28 fournir la référence précise à l'instant.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'imagine que le Dr Baccard peut avoir
2 du mal à se souvenir du contenu des rapports qui lui avaient été
3 initialement présentés, tout simplement parce qu'il ne les a pas devant les
4 yeux. Il ne peut que commenter ses commentaires rédigés dans son rapport et
5 on ne fait pas référence, dans son rapport, aux éléments que vous évoquez.
6 Maître, auriez-vous les cotes dans le prétoire électronique qui
7 reprennent les rapports initiaux de l'équipe suisse auxquels vous faites
8 référence ?
9 M. DJORDJEVIC : [interprétation] A ce sujet, il me semble que c'est le
10 numéro 65 ter 371. La pièce qui porte la cote 371 pour ce qui est du numéro
11 65 ter, sauf erreur de ma part.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
13 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Cela ne concerne que Dubrava. Quant aux
14 autres sites, je n'ai pas les numéros 65 ter. Je parle ici de Kotlina et de
15 Stagovo, puisqu'il s'agit de sites --
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, Maître, il vous faudra être
17 beaucoup plus précis pour rafraîchir la mémoire du Dr Baccard et il faudra
18 provoquer ses souvenirs pour l'aider à commenter ce à quoi vous faites
19 référence. Sinon, j'ai bien peur que le Dr ne puisse pas vous aider.
20 M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'en conviens, Monsieur le Président. Je
21 vais donc demander au Dr Baccard s'il peut se souvenir de certains passages
22 particuliers de ces rapports. Dans la négative, je n'insisterai pas.
23 Q. Docteur Baccard, est-ce que vous avez souvenir qu'il y ait eu là deux
24 puits, si vous vous rappelez, pour commencer, de ce rapport de vos
25 collègues suisses et des corps qu'ils ont examinés ?
26 R. Je n'en avais pas gardé précisément le souvenir, mais dans mon rapport
27 en page 48, paragraphe 2.8.2, je vois que j'ai mis entre parenthèses, après
28 la "scène de crime numéro 21-1," en chiffres romains, j'ai mis entre
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1 parenthèses : "Upper and Lower Wells."
2 Donc ce qui sous-entend qu'il y avait deux puits, un situé plus en
3 haut et l'autre plus en bas.
4 Q. C'est exact. Dans ces rapports, on fait référence à la différence de
5 cote entre ces deux puits, qui était d'environ 9 mètres. Vous rappelez-
6 vous, sur la foi de ce rapport, que les corps aient été recouverts par de
7 la terre ? Par exemple, dans le puits qui était le plus haut à une
8 profondeur minimale de 7,2 mètres et à une profondeur maximum de quelque
9 9,3 mètres. Vous souvenez-vous de cela ?
10 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, si l'on veut
11 commencer à faire des commentaires aussi détaillés sur ce rapport, il
12 serait normal que le témoin et nous-même ayons ceci à l'écran. Je crois
13 comprendre que mon éminent collègue a dit que la cote 65 ter du rapport
14 Kotlina était 00361, si c'est bien le rapport que cite mon collègue.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
16 Vous posez bien des questions à propos de Kotlina en ce moment même ?
17 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, c'est bien ça.
18 Pouvons-nous afficher la pièce 65 ter numéro 00361. Non, ce n'est pas ça.
19 C'est le rapport de l'équipe autrichienne. Peut-être peut-on voir la page
20 2. C'est Kotlina, très bien. Peut-on voir la page 9, s'il vous plaît. A-t-
21 on également la version anglaise ? Oui, très bien.
22 Q. Docteur Baccard, avez-vous connaissance de ce rapport ? Vous avez vu la
23 première page. Je vous pose cette question, parce qu'il me semble que vous
24 n'avez pas mentionné le fait que ce soit des collègues autrichiens qui
25 aient été en charge de cette partie-là, d'où peut-être la confusion.
26 R. En fait, si vous lisez mon rapport au paragraphe 2.8.1, je mentionne
27 que le rapport est basé sur le rapport qui a été établi par le groupe de
28 scène de crime autrichien, groupe numéro 2. J'avoue que je suis incapable
Page 7723
1 de me souvenir si ce rapport correspond à celui qui est affiché à l'écran.
2 Effectivement, j'avais noté qu'il y avait ce rapport, alors ce rapport doit
3 inclure, je pense, le rapport fait par les médecins légistes suisses, mais
4 je n'en conserve pas de souvenir.
5 Q. Je voudrais maintenant vous poser une question liée à ce rapport de
6 l'équipe autrichienne concernant ce site et ce puits, notamment. On parle
7 ici de deux puits. On parle des victimes qui ont été jetées dans ces puits.
8 On parle du puits supérieur. Alors j'ai dit que la profondeur minimale où
9 ont été retrouvés les corps était de 7 -- régule de mètres profondeur
10 maximale de 9,3 mètres, et pour ce qui est du puits inférieurs, la
11 profondeur minimale était de 5,8 et la maximale de 9,7 mètres. Alors compte
12 tenu de tout cela et de ce dont on a fait état les spécialistes
13 autrichiens, à savoir qu'on a retrouvé très peu de fragments métalliques
14 dans le puits, si l'on tient compte également de l'épaisseur de la couche
15 de terre qu'on a retrouvée dans son puits, pouvons-nous convenir du fait
16 que les blessures dues à des armes à feu sont survenues en dehors de la
17 zone se situant dans les puits et à la proximité immédiate des puits, et
18 que ces éléments ont ensuite été jetés dans les puits ? Ou bien pensez-vous
19 peut-être qu'il s'agirait là de personnes qui ont été tuées alors qu'elle
20 se trouvait dans ces puits, en vous fondant encore une fois sur le rapport
21 de l'équipe autrichienne que vous avez eu l'occasion de consulter ?
22 R. Je ne me hasarderais pas à faire quelque conclusion que ce soit. Je
23 rappelle que mon rapport était basé essentiellement sur le rapport
24 d'autopsie de mes confrères et je ne garde pas un souvenir suffisamment
25 précis pour improviser maintenant au vu des rapports qui sont affichés à
26 l'écran.
27 Q. Dans ce cas-là, je vais vous poser une question générale : est-ce que
28 vous avez seulement eu l'occasion d'étudier en détail le rapport de
Page 7724
1 l'équipe autrichienne, en l'espèce ?
2 R. Le rapport auquel je fais référence c'est le rapport que j'ai appelé :
3 "Report of the Austrian Crime Scene Group 2." J'ignore, maintenant je ne me
4 souviens pas quelle était exactement sa composition, ce que j'ai étudié, ce
5 qu'on m'a demandé d'étudier, ce sont des éléments médico-légaux et non pas
6 des éléments de scènes de crimes.
7 Q. Ma seconde question à ce sujet est la suivante : s'il en ait ainsi,
8 avez-vous connaissance que l'équipe suisse ait pu prendre en considération
9 certains éléments allégués par l'équipe autrichienne dont les spécialistes
10 suisses auraient estimé qu'il était nécessaire de les reprendre dans leurs
11 propres rapports ? Est-ce que ces deux équipes suisse et autrichienne ont
12 eu quelque forme de coopération que ce soit ?
13 R. Je l'ignore, je n'étais pas présent au moment des opérations.
14 Q. Très bien. Alors, Docteur, la localité de Cirez, c'est la mission
15 française, la mission médico-légale française, en 1999, pendant l'été, est-
16 ce que vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec votre collègue, le
17 professeur, qui se trouvait à la tête de cette mission ? Est-ce que vous
18 avez parlé de ce site de Cirez ?
19 R. Je pense que, oui. Je vérifie. Cirez, est-ce que je peux vous demander
20 la référence ?
21 Q. Oui, je vais vous le rappeler, Docteur. Il s'agit également de puits,
22 puits dans lesquels on a retrouvé des corps de personnes de sexe féminin et
23 on a estimé que deux de ces femmes avaient fait l'objet de sévisses
24 sexuels.
25 R. Tout à fait. Alors je corrige ma réponse précédente. Ma réponse est,
26 non, je n'ai pas pu m'entretenir avec mes collègues, Pr Lecomte, et le Dr
27 Vorhauer pour la raison simple c'est que ce site ne faisat pas partie des
28 sites de la liste de sites qui m'avaient été initialement confiés par le
Page 7725
1 bureau du Procureur. C'est uniquement a posteriori au moment de mon premier
2 témoignage dans l'affaire Milosevic que l'on m'a demandé d'étudier les
3 rapports établis par l'équipe française et de faire un addendum à mon
4 rapport. Donc nous nous situions à ce moment-là après le début du procès et
5 je n'avais absolument pas eu l'occasion de parler avec mes confrères
6 médecins légistes, Lecomte et Vorhauer.
7 Q. Si je ne me trompe pas, vous conviendrez peut-être avec moi pour dire
8 que cet addendum vous l'avez rédigé comme un rapport synthétique à partir
9 du 31 janvier 2002; c'est la date qu'il porte en tout cas, n'est-ce pas ?
10 R. Alors la date que j'ai est celle du 23 mai 2002. Ce qui doit
11 correspondre effectivement à une des journées de mon témoignage lors de
12 l'affaire Slobodan Milosevic.
13 Q. Cela pour autant que je m'en souvienne, vous l'avez fait sur demande de
14 mon estimé confrère, Dirk Ryneveld, en rapport avec l'exhumation de corps
15 qui avaient été retrouvés dans trois puits, sur demande de mon confrère,
16 Dirk Ryneveld, n'est-ce pas ?
17 R. Dirk Ryneveld. Je vois dans cet addendum que j'ai procédé à l'examen de
18 ces documents, les 22 et 23 mai 2002, et que ça concernait effectivement
19 trois puits qui portaient les références SIP 1, 2 et 3.
20 Q. Très bien. Alors essayons de combler une lacune logique, s'il vous
21 plaît. Il figure dans votre rapport la mention suivante :
22 "Les rapports médico-légaux faisait état d'un âge s'étendant entre 18
23 et 60 ans."
24 Alors je vois que ça ne figure pas au début mais au milieu de cette
25 section.
26 Alors ma question suivante : concernant le séjour des corps pendant
27 deux mois et demi, je voudrais savoir sur quelle méthodologie il est
28 possible de s'appuyer pour déterminer la durée du séjour d'un corps dans
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1 l'eau. Y a-t-il des méthodes fiables permettant de déterminer cela dans un
2 cas comme celui dont nous parlons ?
3 R. Il n'existe pas de critère scientifique permettant d'avoir une
4 estimation précise. On peut retenir des conclusions faisant état d'une
5 compatibilité de l'aspect d'un corps compte tenu de son état de
6 préservation avec une date de séjour. Il convient de rester effectivement
7 prudent, on a de différents stades qui permettent de donner de grandes
8 indications on n'a pas la possibilité d'aboutir à une estimation avec une
9 rigueur mathématique dans ce cas de figure de séjour dans l'eau.
10 Q. Nous avons pourtant ici une estimation de deux mois et demi pour la
11 durée du séjour de corps dans l'eau. C'est ce que nous voyons dans votre
12 addendum. Nous voyons que c'est là le résultat de l'expertise médico-légale
13 opérée par vos collègues Dominique Lecomte et Walter Volhauer. Alors dites-
14 nous, s'il vous plaît, si cela signifie que nous devons prendre cette
15 estimation avec une certaine réserve, et si cela signifie que ces corps ont
16 à vrai dire pu passer soit moins de temps soit plus de temps dans l'eau que
17 ce qui est indiqué ici au moment où ils ont été extraits du puits ?
18 R. Non, la formulation de mon rapport est très clair et répond que la date
19 et les signes de macération et de pétrification étaient compatibles avec un
20 séjour de deux mois et pieds dans l'eau compatibles.
21 Q. Je vous demande cela parce que si j'ai bien compris, il n'y a pas de
22 méthode absolument fiable pour déterminer la durée du séjour d'un corps
23 dans l'eau. Alors, êtes-vous en mesure peut-être de me dire que, sur la
24 base de l'expérience, peut-être qui est celle de la personne pratiquant
25 l'autopsie, cela pourrait être possible ? Parce que vous m'avez dit à
26 l'instant que ça ne l'était pas, qu'il n'y avait pas de méthode fiable pour
27 cela. Peut-être que je n'ai pas bien compris.
28 R. Non. Je crois que vous avez tout à fait compris. Ce que j'ai dit, c'est
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1 qu'il n'existait pas de méthode scientifique permettant de déterminer à
2 l'aide de critères fiables et une rigueur mathématique une durée de séjour
3 dans l'eau, parce que contre le médecin légiste, aux vues des signes de
4 putréfaction et de macération est tout à fait en droit de dire que les
5 signes sont compatibles avec telle ou telle durée. Il y a une différence
6 entre déterminer de façon certaine une date précise et de dire que les
7 signes sont compatibles avec une durée estimée de séjour.
8 Q. Je vous remercie. Mais si un corps a passé deux mois et demie dans
9 l'eau, par quelle méthode détermine-t-on la cause du décès dans un cas
10 comme celui-là ? En d'autres termes, vous voyez bien que ma question a
11 rapport à cela. Comment peut-on, dans ce cas-là, déterminer que la personne
12 s'est noyée, par exemple, et qu'elle n'est pas décédée avant d'avoir, par
13 exemple, été jetée à l'eau ? Comment fait-on cela après deux mois et demie
14 de séjour dans l'eau ? Par quelle méthode ?
15 R. La méthode est l'examen externe du cadavre et son autopsie. Les lésions
16 traumatiques vont être remaniées, modifiées par le séjour dans l'eau mais
17 subsistent à des degrés divers.
18 Q. En d'autres termes, ma question serait encore plus précise si je vous
19 demandais à présent s'il est possible, en se fondant sur le rapport
20 d'autopsie, de déterminer que la noyade a été la cause du décès de
21 personnes dont les corps ont séjourné deux mois et demie dans l'eau, et
22 qu'est-ce qui en fournit, dans ce cas-là, l'indication, s'il vous plaît ?
23 R. Comme je l'ai dit dans le rapport, je ne sais pas sur quels critères
24 les médecins légistes français ont retenu le diagnostic de cause de la
25 mort, et notamment j'ignore s'il y a eu des examens complémentaires de type
26 anatomique ou pathologique ou de type toxicologique, comme le dosage du
27 strontium ou la présence de diatomée, qui sont des micro-organismes
28 cellulaires dans les tissus. Cette précision ne figure pas dans le rapport
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1 de mes confrères. Je me suis limité à indiquer que d'après la mention
2 qu'ils avaient portée dans leur rapport, leurs constatations, au moins
3 macroscopiques, pardon, étaient compatibles avec cette hypothèse
4 diagnostique de noyade.
5 Q. Donc, dans ce cas-là, vous conviendrez avec moi que vous ne disposez
6 pas de données quant à la façon dont vos collègues ont procédé pour
7 déterminer que la cause du décès était la noyade ?
8 R. Ces données ne me permettent pas de faire une revue de ces rapports en
9 vérifiant si les critères qu'ils ont utilisés sont valides ou non. Cette
10 précision ne figurait pas dans leur rapport.
11 Q. Je vous remercie pour votre explication, Docteur. Alors, je vais passer
12 à ma question suivante, qui concerne ce que nous avons abordé juste avant
13 la pause, et vous nous avez déjà répondu.
14 Alors, savez-vous dans quelles conditions l'équipe française, plus
15 précisément vos collègues, le Dr Dominique Lecomte et le Dr Walter
16 Vorhauer, dans quelles conditions donc ils ont travaillé ? Savez-vous où
17 ces autopsies ont été menées ? Alors, vous nous avez dit que vous le saviez
18 mais je ne suis pas sûr pour ce qui est Cirez, en particulier, et puisque
19 Cirez fait l'objet de cet addendum, est-ce qu'il s'agit d'une exception,
20 peut-être, pour ce qui est de ces conditions ?
21 R. Je n'ai pas noté dans cet addendum des conditions matérielles dans
22 lesquelles cette équipe française avait travaillé. J'ai noté uniquement que
23 l'équipe a effectué des exhumations et la récupération des restes humains
24 et autopsies sur le site de Cirez, les 2 et 3 juillet 1999, mais je ne vois
25 pas de mentions supplémentaires me permettant de répondre à la question
26 portant sur les conditions matérielles.
27 Q. Je vous remercie. Alors, pouvez-vous nous dire, Docteur, si après plus
28 de deux mois de séjour dans l'eau, il est possible de distinguer sur un
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1 corps le liquide de putréfaction du sang, et si c'est possible, en se
2 basant sur quels facteurs ou quelles indications ?
3 R. Alors, il existe effectivement des liquides qui sont, qu'on appelle des
4 transsudats de putréfaction. Ces transsudats de putréfaction vont se
5 retrouver dans des cavités anatomiques. On peut avoir également du sang
6 situé à d'autres endroits piégés dans des tissus et il convient
7 effectivement de faire le diagnostic différentiel entre des lésions
8 traumatiques, qui sont responsables de ce passage de sang dans les tissus
9 comme les hématomes et des aspects qui peuvent prêter à confusion et qui
10 sont liés à ce qu'on appelle des fausses ecchymoses de putréfaction. Ça
11 fait partie des diagnostics différentiels que l'expert doit faire.
12 Q. Pour ce qui est de déterminer la différence, de faire la distinction
13 entre le liquide de putréfaction et le sang, j'ai cru comprendre qu'il
14 était nécessaire pour cela d'utiliser un certain nombre de réactifs, du
15 réactif liquide. Est-ce que cela était techniquement possible dans les
16 conditions qui prévalaient en l'espèce ? Est-ce que cela aurait été facile
17 par ailleurs lorsqu'on est en présence de corps ayant séjourné deux mois et
18 demie dans l'eau ? Est-ce que cela a été difficile ? Est-ce que c'était
19 peut-être même impossible à pratiquer ?
20 R. Comme je l'ai précisé, je ne dispose pas à ce stade d'informations sur
21 les conditions matérielles de réalisation des autopsies. Pour ce dossier
22 particulier, je ferais uniquement observer que Professeur Dominique Lecomte
23 est la responsable, la directrice de l'Institut médico-légal de Paris,
24 qu'elle est expert agréé par la Cour de cassation française, qu'il en va de
25 même pour le Dr Vorhauer. Ils ont une expérience extensive des autopsies, y
26 compris des autopsies de personnes décédées de noyade et que j'ai tendance
27 à leur faire confiance pour des examens médico-légaux de personnes avec, à
28 l'issue de cet examen, le diagnostic qui a été retenu.
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1 Q. Dans ce cas-là, je vais formuler ma question comme suit, ce sera ma
2 dernière question pour aujourd'hui, je n'en aurai plus beaucoup demain.
3 Nous allons essayer de parvenir à une réponse qui nous donnera peut-être
4 une solution.
5 Est-ce qu'à l'occasion d'un long séjour dans l'eau, si nous avons affaire à
6 un séjour de deux mois et demi, par exemple, il est possible de faire la
7 distinction entre le sang et entre les taches de sang, compte tenu de la
8 tendance à une hémolyse et à une décomposition très rapide au contact de
9 l'eau pour ce qui est des restes de sang ? Ce serait la question que je
10 souhaiterais vous poser afin d'essayer d'obtenir, malgré tout, peut-être
11 cette réponse, indépendamment de la question de savoir quelles étaient les
12 conditions dans lesquelles travaillaient les confrères pour lesquels vous
13 avez, comme vous l'avez dit, tant d'estime.
14 R. Je suis désolé, encore une fois, de ne pas pouvoir fournir une réponse
15 générale. Tout est cas d'espèce. C'est un examen au cas par cas qu'il
16 convient de répondre. Je note qu'il y a, en dehors de ces ecchymoses, de
17 ces hématomes, il y a aussi des lésions qui apparaissent au niveau de la
18 peau et qui, elles, ne sont pas dues à des lésions de putréfaction et avec
19 lesquelles il est impossible de faire quelque confusion que ce soit.
20 C'est pour cette raison que j'ai toujours tendance à considérer que
21 quelqu'un qui a une expérience professionnelle et des références
22 universitaires, telles que celles que mes deux confrères peuvent exposer,
23 sont quand même dans une position privilégiée pour formuler un jugement sur
24 ce type de lésions, malgré les pièges que j'ai soulignés et que vos
25 expertes ont, sans doute, rappelés qui concernent les interférences liées,
26 à la fois, au séjour dans l'eau et à la macération qu'elle entraîne et à la
27 putréfaction et la dégradation des tissus qu'elle entraîne également.
28 Q. Dans la mesure où nous arrivons au terme de notre audience
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1 d'aujourd'hui, nous sommes d'ailleurs déjà arrivés au terme et nous l'avons
2 dépassé, je vais devoir arrêter maintenant de vous poser des questions et
3 nous poursuivrons demain.
4 Je vous remercie.
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé
6 pour cette partie de mon contre-interrogatoire.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Djordjevic.
8 Docteur, vous l'avez compris, nous devons suspendre maintenant l'audience.
9 Nous allons reprendre demain matin. Mme la Greffière va vous donner un
10 certain nombre d'indications qui s'appliquent pendant la suspension. Nous
11 espérons terminer relativement tôt demain, mais l'audience commence à 14
12 heures 15. Merci.
13 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mardi 21 juillet
14 2009, à 14 heures 15.
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