Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 1er février 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Vous allez auditionner le

  6   témoin suivant, Maître Popovic ?

  7   M. POPOVIC : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Faites entrer le témoin dans la

  9   salle d'audience, s'il vous plaît.

 10   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Veuillez donner lecture de la

 12   déclaration solennelle qui vient de vous être remise.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   LE TÉMOIN : BRANKO KRGA [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic, vous avez la parole.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Interrogatoire principal par M. Popovic : 

 22   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Krga.

 23   R.  Bonjour.

 24   Q.  Monsieur, avant d'entamer mon interrogatoire, je souhaite vous signaler

 25   quelque chose. Nous nous exprimons dans une même langue et c'est la raison

 26   pour laquelle j'aimerais que vous ménagiez un temps de pause avant de

 27   fournir votre réponse à la question que je vous pose. Il s'agit de

 28   permettre aux interprètes de faire leur travail comme il le faut. Pourriez-

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  1   vous nous décliner votre nom et prénom.

  2   R.  Je m'appelle Branko Krga.

  3   Q.  Où êtes-vous né et quand ?

  4   R.  Je suis né le 18 février 1945, à Daruvar.

  5   Q.  Monsieur, le 13 août 2007, avez-vous fait une déclaration pour la

  6   Défense du général Djordjevic, et cette déclaration, l'avez-vous signée de

  7   votre main ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci. Avez-vous déjà déposé devant ce Tribunal dans l'affaire

 10   Milutinovic et consorts les 3 et 4 octobre 2007 ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Au cours du récolement, avez-vous eu l'occasion de relire le compte

 13   rendu d'audience de la déposition que vous avez faite dans l'affaire

 14   Milutinovic et consorts ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Si les mêmes questions vous étaient posées aujourd'hui, fourniriez-vous

 17   les mêmes réponses que vous avez fournies à l'époque où vous avez déposé

 18   dans l'affaire Milutinovic ?

 19   R.  Oui.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, Messieurs les

 21   Juges, je souhaite le versement au dossier de la déclaration de M. Krga,

 22   c'est le document 006-0037.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous souhaitez verser au dossier la

 24   déclaration du 13 août 2007 ?

 25   M. POPOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y a eu une

 26   erreur d'interprétation. La déclaration porte bien la date du 13 août 2007.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

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  1   D001519 [comme interprété].

  2   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

  3   M. POPOVIC : [interprétation] Je demande aux Juges de la Chambre de verser

  4   au dossier la déposition de M. Krga dans l'affaire Milutinovic et consorts

  5   les 3 et 4 octobre 2007. Il existe deux versions de sa déposition, une

  6   version publique qui porte la cote D001-078 -- 61 [comme interprété]. Et

  7   l'autre document, la version confidentielle, elle porte la cote D008-1970.

  8   Je répète la cote de la version publique expurgée, D001-1871.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons d'abord admettre la

 10   version publique expurgée.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 12   D00520.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis, admettons au dossier la version

 14   non expurgée.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 16   D00521.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La version non expurgée est admise

 18   sous pli scellé.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite apporter

 20   une correction à ce que je viens de dire. La pièce D00521 est sous pli

 21   scellé. Merci.

 22   M. POPOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais donner lecture

 23   d'un résumé de la déposition de M. Krga. Au cours de son service militaire,

 24   le témoin a effectué de nombreuses missions au sein du commandement et de

 25   l'état-major de la JNA et de la VJ. De 2002 jusqu'à 2005, il a été chef de

 26   l'état-major général de la VJ.

 27   Au cours de l'année 1998, le témoin a exercé les fonctions du conseiller

 28   dans le ministère de la Défense chargé de la politique de la défense et de

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  1   la coopération militaire internationale. Vers la moitié du mois de janvier

  2   1999, il a été nommé chef du département du Renseignement au sein de

  3   l'état-major général de la VJ.

  4   En assumant les responsabilités pleines et entières, le témoin a déclaré

  5   qu'il n'était pas au courant de l'existence d'un plan ou d'un document

  6   concret ou d'une directive où il serait question, de quelque façon que ce

  7   soit, de l'expulsion ou du déplacement des Albanais du Kosovo du territoire

  8   de la République de Serbie ou du territoire du Kosovo-Metohija. En exerçant

  9   ses fonctions dans l'état-major général, il n'a jamais assisté à une

 10   réunion où il serait question d'un sujet pareil. Par ailleurs, le témoin

 11   explique qu'au cours de la guerre en 1999, au moment où le problème

 12   concernant les réfugiés est devenu évident, l'état-major général a décidé

 13   de publier un communiqué dans lequel il demandait aux Albanais du Kosovo de

 14   ne pas quitter leurs maisons. Le témoin va énumérer tous les éléments

 15   d'information opératifs qui se trouvaient à la disposition de son

 16   département au cours de l'année 1999. Ces éléments d'information montrent

 17   que la question des réfugiés avait fait l'objet de manipulations et que

 18   l'UCK s'en est servi pour provoquer une réaction de la part de la

 19   communauté internationale et pour provoquer une agression à l'encontre de

 20   la République fédérale de Yougoslavie.

 21   Dans ses déclarations, le témoin indique que les activités de combat

 22   étaient dirigées exclusivement contre les terroristes, les membres de

 23   l'UCK. Une fois commencée l'agression contre la République fédérale de

 24   Yougoslavie, l'objectif des opérations de combat était également de

 25   défendre le pays des attaques lancées par les avions de l'OTAN et d'entamer

 26   les préparatifs pour la défense d'une éventuelle invasion de terre.

 27   Par ailleurs, le témoin expliquera que le collège de l'état-major du

 28   commandement Suprême se réunissait régulièrement une fois par semaine.

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  1   Parfois, des réunions extraordinaires avaient lieu. Le témoin soumettait

  2   des rapports régulièrement lors de ces réunions, et la teneur de ces

  3   rapports comprenait des éléments d'information dans le domaine du

  4   renseignement. Il s'agissait notamment des activités des représentants

  5   étrangers diplomatiques et militaires, des textes publiés dans les médias

  6   étrangers et du reflet que ces activités pouvaient avoir sur la sécurité et

  7   la défense de la RFY. Le témoin va montrer quels étaient les éléments

  8   d'information qui se trouvaient à la base des plans de guerre élaborés par

  9   l'état-major de la VJ au cours de l'agression de l'OTAN. Le témoin

 10   indiquera également quels étaient les faits connus à l'armée yougoslave

 11   quant à la manière que l'OTAN préparait une attaque sur terre à la

 12   frontière de la RFY, de la Macédoine et de l'Albanie. Il va expliquer quel

 13   a été le rôle assumé par l'Albanie dans l'équipement, l'information et

 14   l'approvisionnement des terroristes de l'UCK.

 15   Il va expliquer quels renseignements il avait à sa disposition

 16   concernant la coopération et le soutien fournis par l'OTAN, par les membres

 17   du l'OTAN, et notamment par les USA à l'UCK. Il va également parler des

 18   contacts qu'il a eus avec les pays membres de l'OTAN. Il va parler des

 19   efforts investis par l'armée yougoslave pour assurer une solution pacifique

 20   à la crise, à partir du 1e février 1999.

 21   Il va parler des efforts constamment déployés par l'état-major

 22   général de la VJ pour trouver des solutions politiques et mettre fin à

 23   l'agression de l'OTAN. Le témoin expliquera qu'il a fait partie d'une

 24   équipe chargée des négociations de la VJ à Kumanovo.

 25   Les Juges, c'était le résumé de la déposition faite par le témoin.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 27   M. POPOVIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Krga, avez-vous été membre de l'armée yougoslave; et si oui,

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  1   jusqu'à quel moment ?

  2   R.  Oui, j'ai été membre de l'armée yougoslave et de l'armée serbo-

  3   monténégrine jusqu'au 18 février 2005.

  4   Q.  Etes-vous parti à la retraite à cette date ?

  5   R.  Oui. Conformément à la loi, toutes les conditions étaient réunies pour

  6   que je prenne ma retraite, et c'est bien ce que j'ai fait.

  7   Q.  Quel grade aviez-vous au moment où vous avez pris votre retraite ?

  8   R.  Au moment où j'ai pris ma retraite, j'avais le grade de général de

  9   division. Si on se réfère aux normes occidentales, cela correspond à un

 10   général quatre étoiles.

 11   Q.  Merci, Général. Dites-moi, que faites-vous aujourd'hui ?

 12   R.  Aujourd'hui, j'enseigne à l'université. Le sujet que j'enseigne

 13   concerne la diplomatie et la sécurité.

 14   Q.  Merci. Pouvez-vous nous expliquer brièvement quelles sont les fonctions

 15   que vous avez exercées dans le cadre de la JNA et de la VJ pendant votre

 16   carrière militaire ?

 17   R.  Pendant ma carrière militaire, j'ai effectué différentes fonctions au

 18   sein du commandement et de l'état-major, et j'ai été également diplomate à

 19   deux reprises, j'ai été posté à Prague et à Moscou. Au courant des

 20   dernières années de mon service d'active, j'ai exercé de hautes fonctions

 21   au sein de l'état-major général et du ministère de la Défense. J'ai été le

 22   chef du service du renseignement, j'ai été le conseiller du ministre chargé

 23   de la politique de la défense et de la coopération militaire

 24   internationale. Et j'ai été l'adjoint du chef de l'état-major général et le

 25   chef de l'état-major général.

 26   Q.  Merci. Aux fins du compte rendu d'audience, je vais reprendre ma

 27   question. Votre question a été bien consignée en revanche. Donc, la

 28   question que j'ai posée est la suivante : Pouvez-vous nous expliquer

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  1   brièvement quelles sont les fonctions que vous avez exercées au sein de la

  2   JNA et de la VJ au cours de votre carrière militaire ? Alors, merci de la

  3   réponse que vous avez fournie.

  4   J'aimerais me concentrer maintenant sur les années 1998 et 1999.

  5   Quelles sont très précisément les fonctions que vous avez exercées au sein

  6   du ministère de la Défense en 1998 ?

  7   R.  Eh bien, j'ai exercé les fonctions du conseiller du ministre chargé de

  8   la politique de la défense et de la coopération militaire internationale.

  9   Ma tâche consistait à étudier en profondeur toutes les questions qui

 10   touchaient à la politique de la défense et à la coopération avec les pays

 11   étrangers sur le plan militaire. Par ailleurs, j'avais des contacts directs

 12   avec le ministre, au cours desquels j'avançais des propositions pour

 13   trouver une solution et modifier le schéma organisationnel de l'état-major

 14   général et de l'armée yougoslave. J'ai avancé des suggestions quant à la

 15   manière de changer nos relations avec de nombreux pays étrangers, y compris

 16   les pays de l'OTAN. C'est Pavle Bulatovic qui a exercé les fonctions du

 17   ministère à l'époque, et il avait tendance à accepter la plupart des

 18   suggestions que j'avançais.

 19   Q.  Au cours de l'année 1998, avez-vous assisté aux réunions de l'état-

 20   major général de l'armée yougoslave ?

 21   R.  Non. Pendant cette période, et plus précisément à partir de l'année

 22   1993 jusqu'à l'année 2003, l'état-major général ne faisait pas partie

 23   intégrante du ministère de la Défense. En d'autres mots, le ministre de la

 24   Défense n'était pas le supérieur de l'état-major général. L'état-major

 25   général était rattaché directement au président de la République. C'est la

 26   raison pour laquelle je n'ai pas assisté aux réunions du collège de l'état-

 27   major général pendant cette période.

 28   Q.  Merci. Je souhaite vous poser quelques questions sur les processus qui

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  1   se déroulaient au sein du ministère de la Défense et de l'armée. A-t-on

  2   entamé une procédure visant à rassembler dans un seul ensemble le ministère

  3   de la Défense et l'état-major général ?

  4   R.  Oui. Une fois conclus l'accord entre Milosevic et Holbrooke, nous avons

  5   compris que la paix était rétablie et que le moment était venu de procéder

  6   à des modifications de type organisationnel. Et c'est dans ce sens-là que

  7   j'ai avancé un projet, un projet visant à unifier le ministère de la

  8   Défense et l'état-major général. C'est un processus qui devait se dérouler

  9   sur plusieurs mois.

 10   Toutefois, pour des raisons bien connues, la situation s'est dégradée

 11   et le processus n'a été entamé que plusieurs années plus tard.

 12   Q.  Ce processus qui visait à englober le ministère de la Défense et

 13   l'état-major général au sein d'une même institution, était-ce quelque chose

 14   d'habituel et de prévisible ? Etait-ce une façon habituelle de préparer

 15   l'armée pour une offensive, pour les difficultés qui devaient survenir au

 16   cours d'une guerre éventuelle ?

 17   R.  Eh bien, non. Il est impossible pour une armée de s'engager pleinement

 18   dans des opérations si des modifications de son schéma organisationnel sont

 19   en cours. C'est le type de modifications qu'on effectue en temps de paix,

 20   lorsqu'il n'est pas nécessaire pour les forces armées d'être engagées

 21   directement sur le terrain.

 22   Q.  Merci. Au cours de l'année 1998, que pouvez-vous nous dire sur les

 23   processus qui se déroulaient dans le cadre des forces spéciales ? Avez-vous

 24   des connaissances sur le sujet ?

 25   R.  Oui. Le corps d'unités spéciales représentait l'un des corps d'armée le

 26   plus puissant au sein de l'armée. Il comprenait la Brigade de Garde, la

 27   Brigade blindée et plusieurs autres unités fort puissantes. Toutefois, vers

 28   la fin de l'année 1998, la décision a été prise de couper court à

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  1   l'existence de ce corps d'armée, et c'est effectivement ce qui s'est

  2   produit en 1999.

  3   Q.  Je vais reprendre la question que je viens de vous poser. Est-il

  4   habituel de mettre fin à l'existence d'un corps d'armée puissant au moment

  5   où une armée se prépare à entamer des activités ?

  6   R.  Non, pas du tout. C'est une mesure qui ne peut être entamée qu'en temps

  7   de paix, au moment où elle ne risque pas d'entraver des activités de

  8   l'armée. Il faut qu'il y ait un environnement propice au déroulement facile

  9   du processus.

 10   Q.  Merci. Examinons à présent le ministère de la Défense. Comment l'accord

 11   Holbrooke-Milosevic a-t-il été reçu au sein du ministère en 1998 ?

 12   R.  Au sein du ministère de la Défense, au sein de l'état-major général, au

 13   sein de toute l'armée, dans tout le pays en fait, tout le monde s'est senti

 14   soulagé une fois que cet accord a été conclu. Tout le monde a été très

 15   contents, notamment les soldats professionnels. Nous étions contents qu'un

 16   conflit armé ait été évité et qu'une solution pacifique soit trouvée aux

 17   problèmes existants.

 18   Q.  Vous vous trouviez au sein du ministère de la Défense à l'époque.

 19   Aviez-vous des éléments d'information à votre disposition concernant la

 20   situation qui prévalait au Kosovo en 1998 ? Si vous aviez des éléments

 21   d'information à votre disposition, de quelles informations s'agissait-il ?

 22   R.  J'ai déjà expliqué que l'état-major général n'était pas subordonné au

 23   ministère de la Défense. Toutefois, le ministre était informé par l'état-

 24   major général, par les services du Renseignement, et par les missions

 25   diplomatiques. Une partie de ces renseignements, je les ai lus, et je peux

 26   affirmer que je connaissais assez bien la situation qui prévalait au

 27   Kosovo-Metohija à l'époque et de façon générale dans la région.

 28   Q.  Très bien. En tant que conseiller du ministre de la Défense, avez-vous

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  1   assisté aux réunions que le ministre organisait avec les diplomates et les

  2   représentants diplomatiques étrangers ? Si vous avez assisté à de telles

  3   réunions, le sujet du Kosovo a-t-il été abordé ?

  4   R.  Ces réunions étaient organisées assez souvent. Si un ambassadeur venait

  5   assister à une réunion, il venait le plus souvent accompagné de son attaché

  6   militaire, et de mon côté j'assistais à la réunion de concert avec le

  7   ministre. Il était question de la situation prévalant lors de ces réunions,

  8   mais il était également question de différentes formes de coopération.

  9   Je me souviens des entretiens que nous avons eus concernant

 10   l'incident qui s'est produit concernant la famille Jashari. L'ambassadeur

 11   et l'attaché militaire britanniques se sont rendus chez le ministre et nous

 12   en avons discuté longuement. Tout le monde se sentait très embarrassés à

 13   cause de cet incident, mais nous avons expliqué qu'il s'agissait d'une

 14   action terroriste, et les représentants britanniques avaient partagé avec

 15   nous leurs expériences semblables d'Irlande.

 16   M. STAMP : [interprétation] Excusez-moi. Je suis désolé d'interrompre,

 17   Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez la parole, Maître Stamp.

 19   M. STAMP : [interprétation] La Défense pose des questions qui concernent la

 20   période de 1998 lorsque le témoin se trouvait au ministère de la Défense,

 21   mais je ne me souviens pas que cette partie de sa déposition a été

 22   mentionnée dans le résumé qui a été fourni. C'est la raison pour laquelle

 23   je n'ai pas apporté mes notes qui concernent cette période donnée. Je

 24   n'avais pas compris que la Défense devait s'occuper de ce sujet.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic.

 26   M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, dans la synthèse que j'ai

 27   lue au début, la déposition du témoin a mentionné clairement que durant

 28   l'année 1998, il travaillait au sein du ministère de la Défense, et par

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  1   conséquent il allait parler de ses connaissances et de son expérience au

  2   sein du ministère. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait

  3   pas traiter rapidement de cette période donnée, étant donné que le témoin a

  4   expliqué quel était le rôle du ministère de la Défense par rapport à

  5   l'état-major général et l'armée dans son ensemble.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez attirer notre

  7   attention sur un passage précis dans le résumé que vous avez lu ?

  8   M. POPOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Il s'agit du paragraphe 2.

  9   "Durant 1998, le témoin était conseiller au ministère de la Défense pour

 10   les politiques en matière de défense et pour la coopération militaire

 11   internationale."

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci nous donne son poste, mais rien

 13   ne nous laisse penser que vous aviez l'intention d'aborder ses activités

 14   durant cette période, n'est-ce pas ?

 15   M. POPOVIC : [interprétation] Nous avons simplement mentionné les fonctions

 16   qu'il occupait, le poste qu'il occupait. Et maintenant je lui demande s'il

 17   a participé à certaines réunions, et s'il a eu connaissance de certains des

 18   éléments que j'ai mentionnés, et le témoin avait parlé de ces réunions,

 19   mais je ne vais pas m'attarder là-dessus, et je passerai à l'année 1999

 20   très rapidement. Je voulais simplement savoir s'il avait eu vent de la

 21   situation au Kosovo à cette période.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 23   M. POPOVIC : [interprétation]

 24   Q.  Général --

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une minute, s'il vous plaît.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Apparemment, vous allez passer à

 28   l'année 1999, Maître Popovic ?

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  1   M. POPOVIC : [interprétation] Tout à fait.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela évitera toute difficulté.

  3   Veuillez poursuivre.

  4   M. POPOVIC : [interprétation] Tout à fait. Nous passons à 1999.

  5   Q.  Général, pouvez-vous nous expliquer plus en détail la situation au sein

  6   de l'armée de Yougoslavie, ainsi que celle au Kosovo-Metohija au moment où

  7   vous avez été nommé responsable de l'administration du renseignement à

  8   l'état-major général, c'est-à-dire en janvier 1999 ?

  9   R.  Comme je l'ai déjà dit, à la fin 1998 et au début 1999, au ministère, à

 10   l'état-major général et à l'armée, il y avait un certain optimisme en ce

 11   qui concerne la crise au Kosovo-Metohija. On pensait que la situation

 12   serait résolue, et ceci, par des voies pacifiques. Cependant, à la mi-

 13   janvier de cette année, en 1999, et un peu plus tard, divers incidents se

 14   sont produits et ceci a commencé à nous préoccuper.

 15   Nous savions, bien sûr, qu'en octobre 1998, un conflit armé avait été

 16   évité de justesse, et nous avions peur que la situation nous amène à un

 17   résultat similaire.

 18   Q.  Merci. J'aimerais maintenant que vous nous expliquiez le rôle du

 19   service des Renseignements au sein de l'état-major général de l'armée de

 20   Yougoslavie ?

 21   R.  Le service du Renseignement au sein de l'état-major général, comme dans

 22   d'autres pays, a comme rôle principal de suivre de près la situation en

 23   matière de sécurité dans une zone donnée. Et son rôle est également

 24   d'évaluer la menace que cela pourrait avoir sur la sécurité du pays. C'est

 25   le type d'activités que nous réalisions.

 26   De plus, en tant que responsable des services de Renseignements, j'étais

 27   personnellement, comment dire, responsable des contacts journaliers avec

 28   les attachés militaires étrangers. Ils venaient me voir, nous abordions la

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  1   situation ensemble, nous parlions des problèmes, et je dois dire que la

  2   plupart d'entre eux partageaient notre évaluation de la situation, à savoir

  3   que la situation devenait plus compliquée. Nous essayions de trouver une

  4   manière d'éviter des conflits éventuels.

  5   D'après les informations que j'obtenais, j'informais le collège des

  6   responsables au sein de l'état-major général, et s'il y avait des questions

  7   plus importantes, j'informais les membres du conseil de Défense suprême, le

  8   ministre de la Défense, bien sûr, ainsi que d'autres hauts responsables de

  9   l'Etat.

 10   Q.  Merci. Maintenant, j'aimerais passer à la manière dont le service de

 11   Renseignement fonctionnait, mais j'en parlerai un peu plus tard quand nous

 12   analyserons les documents. J'aimerais rapidement vous demander comment vous

 13   conciliez les informations que vous répercutiez ensuite à l'état-major

 14   général de l'armée de Yougoslavie ?

 15   R.  Les informations provenaient de plusieurs sources. Il y avait des

 16   déclarations publiques de différentes instances internationales, de

 17   gouvernements étrangers, de hauts responsables, des médias également; mais

 18   nous nous basions principalement sur nos propres sources de renseignements,

 19   nous avions des agents de renseignement qui étaient basés à l'étranger,

 20   mais également dans notre pays, nous utilisions également des systèmes de

 21   reconnaissance électronique pour glaner ces éléments de renseignement et

 22   nous avions également la possibilité de procéder à des reconnaissances par

 23   le biais des troupes qui étaient sur le terrain. Nous avions également des

 24   contacts et des coopérations avec les services de Renseignements étrangers.

 25   Nous avions des visites d'échange, et c'était également une autre manière

 26   d'obtenir des éléments de renseignement et des informations.

 27   Ces éléments de renseignement étaient analysés par des technologies tout à

 28   fait classiques, nous les évaluions pour savoir si ces informations étaient

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  1   fiables et réalistes, et si tel était le cas, nous compilions ces

  2   informations sous forme de rapports et de synthèses à l'attention des

  3   personnes que j'ai déjà mentionnées.

  4   Q.  Ces éléments de renseignement que vous compiliez, est-ce qu'ils étaient

  5   utiles au sein de l'état-major général pour déterminer des plans, des

  6   stratégies, et si tel est le cas, est-ce que vous pourriez nous expliquer

  7   comment ?

  8   R.  Oui, tout à fait. Tout plan important portant sur la sécurité et qui

  9   émanait de l'état-major général commençait par faire une analyse de la

 10   menace et de la situation. Ensuite, vous aviez une présentation de

 11   l'engagement éventuel de l'armée pour neutraliser ces menaces.

 12   Mon rôle était de présenter à l'état-major général la situation sur le

 13   territoire concerné, de proposer des mesures qui pourraient être prises

 14   pour éviter des attaques par surprise et pour garantir notre sécurité.

 15   Q.  Merci. Pensez-vous à des plans précis lorsque vous parlez de cela ou

 16   est-ce que vous décrivez, en fait, la manière dont vous évaluiez de manière

 17   générale ces éléments de renseignement et dont vous les utilisiez pour

 18   établir ces plans ?

 19   R.  Notre état-major général, à l'instar de structures similaires,

 20   établissait un certain nombre de plans. Dans ces plans concernant la

 21   sécurité de notre pays, il y avait, pour commencer, une analyse ainsi que

 22   des suggestions. Bien sûr, il y avait des plans en matière de dotation en

 23   personnel qui ne nécessitaient pas l'inclusion d'éléments de renseignement

 24   dans les premiers paragraphes. Mais lorsque l'engagement d'une unité était

 25   envisagé, il était nécessaire d'inclure des éléments de renseignement.

 26   Q.  Lorsque vous dites "à l'instar de nombreux autres états-majors

 27   généraux, notre état-major général avait un nombre important de plans,"

 28   est-ce que vous pourriez peut-être développer ? Et également nous dire si,

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  1   au cas où il y aurait eu énormément de plans de ce type, quelles seraient

  2   les conditions pour utiliser ce type de plan ?

  3   R.  Tout dépend, en fait, des différentes menaces contre le pays. Il y

  4   avait des plans pour se défendre contre une attaque aérienne, des plans

  5   pour se défendre en cas d'attaque terrestre, des plans pour se défendre

  6   contre des attaques venant de plusieurs directions ou de plusieurs sources.

  7   La plupart de ces plans, étant donné que je travaillais au sein de l'état-

  8   major général depuis assez longtemps, n'ont jamais été mis en œuvre parce

  9   qu'en fait, les menaces envisagées ne se sont jamais matérialisées. Mais si

 10   vous voulez, c'est une règle ou c'est habituel pour une armée de prévoir ce

 11   type de situations.

 12   Q.  Merci. Nous allons maintenant passer à une série de documents.

 13   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais demander à l'huissier -- en fait,

 14   la Défense a préparé un classeur que nous allons utiliser. Et avec votre

 15   permission, nous aimerions remettre une copie de ce classeur au témoin.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

 17   M. POPOVIC : [interprétation]

 18   Q.  Général, à chaque fois que j'utiliserai un document, je vous donnerai

 19   le numéro de l'intercalaire dans votre classeur de façon à ce que vous

 20   puissiez le trouver facilement.

 21   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais que nous affichions sur le

 22   prétoire électronique la pièce P1337.

 23   Q.  Pour vous, Général, c'est à l'intercalaire numéro 2. Comme vous le

 24   voyez à l'écran, il s'agit d'une séance du collège des chefs d'état-major

 25   de l'armée yougoslave, réunion qui s'est tenue le 14 janvier 1999. Est-ce

 26   que vous pourriez rapidement nous expliquer ce qu'on entend par collège des

 27   chefs d'état-major ? Pourriez-vous nous dire la fréquence des réunions de

 28   ce collège, notamment en janvier 1999 ?

Page 10547

  1   R.  Le collège des chefs d'état-major représente une des méthodes de

  2   travail; les réunions se tiennent, en général, une fois par semaine. Tous

  3   les chefs de services et de secteurs se réunissent pour analyser la

  4   situation, la situation dans le pays, mais également au sein des forces

  5   armées. Ils arrivent à des conclusions, et le chef de l'état-major donne

  6   des instructions pour atteindre ces objectifs.

  7   Et comme je l'ai dit, ce collège se réunit, en général, une fois par

  8   semaine, quelquefois plus souvent.

  9   Q.  Merci.

 10   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 6 en

 11   B/C/S, et également à la page 6 en version anglaise. Là, il s'agit de la

 12   page 5 en B/C/S, il nous faut la page 6. Voilà, nous avons la bonne page,

 13   tant en version anglaise qu'en version B/C/S.

 14   Q.  Ici, c'est vous qui parlez, Général, et vous dites :

 15   "Au vu de la réaction des pays occidentaux, au vu des activités des

 16   extrémistes siptar et de l'enlèvement des soldats de l'armée yougoslave,

 17   les pays occidentaux ont exigé la cessation de toute activité militaire et

 18   ont demandé qu'un dialogue soit lancé, mais ils n'ont pas condamné de

 19   manière explicite ce qu'on appelle l'UCK, ce qui est particulièrement

 20   évident lorsque les Etats-Unis ont bloqué la déclaration du président du

 21   Conseil de sécurité des Nations Unies concernant les activités de cette

 22   organisation."

 23   Est-ce que vous pourriez nous dire rapidement quelles sont les informations

 24   que vous avez utilisées ?

 25   R.  Comme je l'ai dit, nous avons suivi fidèlement les déclarations venant

 26   de diverses instances de l'OSCE, de l'Union européenne, des Nations Unies,

 27   de l'OTAN, et nous avons fait part de ces positions à nos autorités. En

 28   fait, j'informais l'état-major général. Bien sûr, différents membres de

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  1   l'état-major général pouvaient également entendre ces déclarations dans les

  2   médias. Mais mon rôle était de les informer au cas où ils n'auraient pas

  3   entendu ces déclarations. Je devais faire rapport aux membres du collège,

  4   et je devais leur faire part de la position des différentes instances

  5   étrangères.

  6   Dans ce cas, il s'agissait de la réaction face à l'enlèvement de nos

  7   soldats. Le 8 janvier, des terroristes albanais avaient kidnappé un certain

  8   nombre de nos soldats, et nous avons considéré qu'il s'agissait d'une

  9   violation de notre accord; et nous pensions que la situation ne pourrait

 10   qu'empirer, plutôt que de s'améliorer.

 11   M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait aller au dernier

 12   paragraphe de la page 6 en version B/C/S ? Et c'est le paragraphe 4 de la

 13   page 7 en version anglaise.

 14   Q.  Général, ici, vous dites :

 15   "L'engagement de l'Albanie pour la résolution des questions liées au

 16   Kosovo-Metohija, c'est-à-dire médiation entre les représentants des partis

 17   politiques du Kosovo-Metohija pour arriver à une plateforme politique

 18   unifiée, confirme une instrumentalisation continue de ce pays par les

 19   Etats-Unis qui, de cette manière, essaient de renforcer la position de

 20   négociations siptar. De plus, ceci a fourni un soutien supplémentaire aux

 21   sécessionnistes, et les hauts dirigeants albanais essaient d'utiliser ces

 22   activités pour stabiliser la situation politique dans le pays…"

 23   Est-ce que vous pourriez expliquer ceci, étant donné que vous nous avez dit

 24   que vous commenciez toujours vos synthèses par une analyse ? Est-ce qu'on

 25   peut attendre une ou deux secondes ?

 26   R.  Comme je le disais, nous suivions de très près les réactions albanaises

 27   aux évolutions au Kosovo-Metohija, et je pense que c'était évident compte

 28   tenu des liens entre l'Albanie et les albanophones de cette région ou de

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  1   cette province. Toute action revêtait une dimension particulière puisque

  2   ceci pourrait contribuer à une amélioration de la situation, ou au

  3   contraire, à une situation qui se détériorerait. Nous suivions les

  4   réactions en Albanie parce que beaucoup des réactions étaient conditionnées

  5   par les affaires internes de ce pays, et la situation était très complexe,

  6   avec de nombreux problèmes.

  7   Nous mettions l'accent sur les problèmes au Kosovo et dans la région

  8   de Metohija, et divers facteurs en Albanie, par le biais de l'expression du

  9   patriotisme et par le biais également d'autres manifestations au Kosovo et

 10   dans la région de Metohija, signifiaient qu'ils essayaient de se faire les

 11   représentants légitimes du peuple albanais au sein de leur propre pays.

 12   Q.  Merci.

 13   M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait passer à la page

 14   7, paragraphe 2 ? En anglais, il s'agit du dernier paragraphe.

 15   Q.  "L'incorporation et le déploiement du contingent annoncé des

 16   forces d'extraction qui faisaient partie de l'opération de garantie

 17   conjointe a été finalisé. D'après nos informations, 1 850 personnes, plus

 18   de 40 blindés et 23 hélicoptères sont arrivés en Macédoine jusqu'à

 19   présent."

 20   De quoi s'agit-il ici ?

 21   R.  Nous savons que l'accord Holbrooke-Milosevic a envisagé d'établir une

 22   Mission de vérification pour envoyer plus de 2 000 personnes dans la région

 23   du Kosovo-Metohija. Le rôle de cette mission était de lancer cette

 24   opération de garantie conjointe, c'est-à-dire d'avoir des forces qui

 25   auraient un rôle de protection et qui pourraient fournir une aide en cas

 26   d'évacuation. Nous avons, bien sûr, suivi de près ces activités pour nous

 27   assurer qu'elles se déroulaient conformément à nos accords, mais peut-être

 28   qu'il y avait également d'autres forces qui étaient incorporées en

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  1   Macédoine et qui n'avaient rien à voir avec cette opération.

  2   Q.  Merci.

  3   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant passer à la page 8 en

  4   B/C/S. Il s'agit également de la page 8 en version anglaise.

  5   Q.  Ici, nous voyons la conclusion, les points 1, 2 et 3. Le point 1 dit

  6   que la solution politique à la crise est encore compliquée, parce que les

  7   grandes puissances ne semblent pas être disposées à faire pression sur les

  8   Siptar, et notamment sur l'UCK, pour qu'ils mettent fin aux actions

  9   terroristes. Avant que je ne vous demande de faire un commentaire à ce

 10   sujet, j'aimerais que vous lisiez également le point 3, qui mentionne que

 11   le soutien politique proposé sous l'influence des Etats-Unis par les

 12   responsables albanais à ceux qu'on appelle l'UCK semble augmenter. La

 13   formation et la dotation matérielle des extrémistes siptar dans le nord du

 14   pays semblent continuer; l'objectif est de les transférer vers le Kosovo.

 15   R.  Tout d'abord, je dois dire que nos conclusions étaient uniformes et que

 16   la solution politique semblait être la solution appropriée. Et c'était dans

 17   cette mesure que nous envisagions les activités à venir. Nous avions peur

 18   d'une escalade de ce conflit, et malheureusement, c'est ce qui s'est passé

 19   avec toutes les conséquences que nous connaissons. Nous étions certains à

 20   ce moment-là - et je pense que j'arriverais maintenant aux mêmes

 21   conclusions qu'à l'époque - à savoir que la communauté internationale

 22   aurait pu faire beaucoup plus pression sur les extrémistes albanais, et si

 23   cela avait été le cas, la situation se serait améliorée. Nous étions, bien

 24   sûr, sensibles à tout soutien qui aurait pu être témoigné, notamment le

 25   soutien à ces groupes pour une insertion dans la région du Kosovo-Metohija,

 26   parce que nous savions que ceci aurait pu amener à certains incidents et

 27   nous espérions que ceci ne se produirait pas, parce que nous savions que

 28   ceci ne ferait qu'empirer la situation.

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  1   M. POPOVIC : [interprétation] Pièce P902, s'il vous plaît.

  2   Q.  Je pense que c'est l'onglet numéro 3 dans le classeur que vous avez.

  3   Mon Général, je pense que nous avons ici la 9e Séance de travail du collège

  4   du chef de l'état-major de l'armée yougoslave, séance qui s'est tenue le 21

  5   janvier 1999.

  6   M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer la deuxième page en

  7   B/C/S -- non, page 6, pardon. Et ce sera la page 7, l'avant-dernier

  8   paragraphe en anglais.

  9   Q.  Le général Aleksandar Dimitrijevic intervient ici. Qui était-il, ce

 10   général ?

 11   R.  A l'époque, il était chef du service de la Sécurité.

 12   Q.  Merci. Au point 2, il dit, les actions menées dans le village de Racak

 13   le 15 janvier et l'annonce faite par le président du Conseil de sécurité

 14   dit que ce fut une action menée par les forces de la sécurité de la RFY, en

 15   d'autres termes, l'armée yougoslave et le ministère de l'Intérieur.

 16   Paragraphe -- excusez-moi, oui, Milorad Obradovic intervient au paragraphe

 17   suivant et dit, Général, officiellement, à la commission fédérale, il y a

 18   eu des discussions sur ce point, et à ma connaissance, personne n'a

 19   mentionné l'armée, et l'armée n'a d'ailleurs aucunement participé, du moins

 20   pas à ma connaissance.

 21   Est-ce qu'ici la discussion portait sur les événements survenus le 15

 22   janvier à Racak, comme le dit Dimitrijevic ?

 23   R.  En substance, ici, deux points sont abordés. Premier point abordé dans

 24   cette discussion, ce qui s'était passé effectivement à Racak. En effet,

 25   nous le savons tous, ceci a suscité beaucoup d'émoi de par le monde.

 26   Deuxième point abordé dans des discussions, une analyse était faite pour

 27   voir si l'armée avait eu un rôle quelconque. L'idée c'était bien sûr

 28   d'établir les faits tels qu'ils s'étaient produits pour pouvoir prendre des

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  1   mesures si c'était nécessaire.

  2   Q.  Merci.

  3   M. POPOVIC : [interprétation] Prenons la page 18 en version serbe, et ce

  4   sera la page 10 en anglais.

  5   Q.  Nous allons voir ce qu'Ojdanic a dit, le colonel Ojdanic. Quel était le

  6   poste occupé à l'époque par le général Ojdanic ?

  7   R.  A l'époque, il était chef de l'état-major principal de l'armée

  8   yougoslave.

  9   Q.  Merci. Voici ce qu'il dit :

 10   "Suite à cette action ou opération, quelle que soit la façon dont on

 11   qualifie les événements survenus à Racak, j'étais curieux et interpellé par

 12   cette action et j'ai demandé personnellement un rapport au chef du corps

 13   pour savoir où se trouvait l'armée au moment des faits et ce qu'elle

 14   faisait. Il fallait faire un examen détaillé auquel j'ai procédé, examen de

 15   ce rapport, après quoi je me suis penché sur le rapport spécial reçu sur

 16   les informations des 15 et 16 janvier, et les trois points les plus

 17   importants disent que l'armée n'a pas participé à ces événements."

 18   Ici, nous avons le chef de l'état-major principal. Est-ce qu'il parle des

 19   informations et des renseignements qu'il a reçus en ce qui concerne les

 20   événements de Racak ?

 21   R.  Oui. C'est bien connu dans l'armée, il y a un système de transmission

 22   des informations et d'envoi de rapports en suivant la voie hiérarchique du

 23   bas vers le haut. Donc s'il y a un engagement de l'armée quel qu'il soit,

 24   le subordonné doit faire rapport à son supérieur, et ainsi de suite. Et le

 25   chef de l'état-major principal, Ojdanic, nous le voyons, a reçu ces

 26   rapports venant de la base de ces commandements subordonnés. Et ceci semble

 27   indiquer que l'armée n'a pas participé à cette action intervenue autour de

 28   Racak.

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  1   Il est certain que le général Ojdanic a insisté -- il était tout à fait

  2   conscient des répercussions négatives qui auraient pu s'ensuivre, il a donc

  3   insisté pour que ce point soit examiné.

  4   Q.  Faisons une petite digression, mais nous allons revenir aux événements

  5   de Racak.

  6   Paragraphe suivant, voici ce que dit le général Ojdanic :

  7   "Au fond, il n'y a aucune raison à ce que le commandant de l'armée ou le

  8   chef de l'état-major principal dissimule quoi que ce soit. Si des choses

  9   ont été faites, il faut le savoir. Si nous avons participé, nous le dirons,

 10   et s'il nous faut en subir les conséquences, qu'il en soit ainsi, mais nous

 11   devons savoir pourquoi ceci a été fait…"

 12   Est-ce que ce fut là la position adoptée par l'état-major principal de

 13   l'armée yougoslave en rapport avec tout ce qui se fait dans l'armée ou ce

 14   qui concerne les responsabilités de l'état-major principal ?

 15   R.  Bien sûr, celui-ci savait parfaitement qu'on ne peut rien dissimuler.

 16   S'il s'est passé quelque chose, il faudra que ça se dise ou que ça se

 17   manifeste tôt ou tard. Nous voyons ainsi que le chef de l'état-major

 18   principal trouve ici nécessaire de le dire expressis verbis, il parle des

 19   rapports juridiques, professionnels et moraux qu'il y a dans les liens de

 20   subordination entre les différents échelons de la voie hiérarchique.

 21   Q.  Merci.

 22   M. POPOVIC : [interprétation] Passons à la page 9 en B/C/S, page 11 en

 23   anglais.

 24   Q.  C'est ici que vous êtes intervenu, Général. Premier paragraphe, vous

 25   dites ceci :

 26   "Un envoyé militaire affirme avoir vu de ses propres yeux les tirs

 27   d'artillerie dans le secteur entourant le village de Racak."

 28   Ça, c'est un premier point. Paragraphe 3 :

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  1   "Je suis d'accord aussi pour dire qu'il nous faut savoir exactement ce qui

  2   s'est passé, car ce sont ici des questions graves. Il faut absolument

  3   savoir jusque dans le moindre détail ce qui s'est passé."

  4   R.  Oui, aussitôt après les événements de Racak, il y a eu diverses

  5   interprétations de ce qui s'était passé, du nombre de victimes aussi, et

  6   des personnes ou des éléments qui avaient participé à cette action. Pour

  7   avoir eu des contacts avec des envoyés étrangers, c'était un d'entre eux

  8   ici qui parlait, je me suis dit qu'effectivement la situation était grave

  9   et qu'il fallait faire toute la lumière sur les événements de façon à dire

 10   aux envoyés militaires, mais aussi l'opinion publique et à toutes les

 11   institutions de l'Etat et au monde entier ce qu'il en était effectivement

 12   de ces événements.

 13   Q.  Merci.

 14   M. POPOVIC : [interprétation] Prenons la page 11 en B/C/S, page 13 en

 15   anglais.

 16   Q.  Ici, vous intervenez une fois de plus à cette réunion et vous dites

 17   ceci :

 18   "Général, la caractéristique principale de la façon dont les éléments

 19   internationaux ont réagi à l'escalade plus récente au Kosovo-Metohija,

 20   notamment à propos du village de Racak, c'est que toutes les enceintes qui

 21   comptent, dont le Conseil de sécurité, ont fait une déclaration assez

 22   inusitée quand on voit surtout au niveau d'un conflit tel que celui-ci."

 23   Paragraphe suivant, vous dites ceci :

 24   "C'est le résultat de l'influence de la diplomatie et des médias

 25   américains."

 26   Paragraphe 3 :

 27   "La rapidité et la modalité de la réaction aux événements de Racak vont

 28   révéler un grand degré de coordination en la matière, il faut en tenir

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  1   compte au vu de l'évolution de la situation et la possibilité que des cas

  2   similaires se reproduisent."

  3   Quel serait votre commentaire à ces propos que vous teniez alors ?

  4   R.  Nous étions vivement préoccupés vu d'abord les événements qui s'étaient

  5   passés et la façon dont le monde y avait réagi. Il nous a fallu faire une

  6   analyse de ces réactions, de la vitesse avec laquelle les gens réagissent,

  7   de la teneur du message qui constituait cette réaction; et nous avons

  8   déduit de tout cela qu'il y avait des éléments de coordination qui nous ont

  9   beaucoup préoccupés. En effet, il y avait eu des incidents auparavant et

 10   des déclarations faites avant par des extrémistes albanais qui nous

 11   montraient qu'ils recherchaient la multiplication des conflits, des

 12   affrontements, ce qui justifierait une intervention de l'OTAN, qui était de

 13   leur côté, contre la RFY.

 14   Q.  Merci. Paragraphe 4 de cette même page, vous dites ceci à la dernière

 15   phrase : 

 16   "Les USA s'efforcent de confirmer la crédibilité de l'OTAN alors que l'OTAN

 17   fête son 50e anniversaire en avril de cette année. Si nous traduisons ceci

 18   en termes pratiques, ça veut dire que l'OTAN va s'efforcer de parvenir à

 19   quelque chose au Kosovo-Metohija qui permettra à l'OTAN de justifier et de

 20   mieux asseoir son existence."

 21   Pourriez-vous nous expliciter ceci ?

 22   R.  Quand on voit comment réagissent les représentants américains et les

 23   médias et quand on voit les contacts que nous avons avec beaucoup de

 24   représentants diplomatiques, on a souvent fait mention dans ces contacts de

 25   la crédibilité de l'OTAN, c'était là, disaient-ils, quelque chose

 26   d'important, cette crédibilité devait être sauvegardée. C'est comme ça que

 27   j'ai compris les efforts déployés par les membres de l'OTAN. Cependant,

 28   j'avais coutume de dire en réponse que la meilleure façon de sauvegarder la

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  1   crédibilité de l'OTAN, c'était de veiller à une solution pacifique par des

  2   moyens politiques aux problèmes du Kosovo même s'il y avait pression de

  3   l'OTAN. C'était ce qu'il y avait de mieux pour l'OTAN, la Yougoslavie et

  4   pour les Albanais qui vivaient au Kosovo-Metohija.

  5   Q.  Dernier paragraphe du texte, vous y dites que :

  6   "Au cinquième commandement de l'ATAF à Vicenza et au commandement du front

  7   de l'Europe méridionale à Naples," vous dites que, "le degré d'alerte a été

  8   relevé ainsi que des activités de reconnaissance des forces aériennes de

  9   l'OTAN dans le cadre de l'opération Œil d'aigle."

 10   Qu'est-ce que c'est cette opération ?

 11   R.  En raison des accords intervenus en octobre 1998 dont j'ai déjà parlé,

 12   ceci envisageait la possibilité d'un survol de l'espace aérien du

 13   territoire yougoslave par les forces aériennes de l'OTAN, c'était

 14   l'opération Œil d'aigle. En vertu de cet accord, il était prévu une

 15   présence des représentants de l'OTAN au commandement des forces aériennes

 16   et de la Défense antiaérienne de la RFY qui, en fait, avaient le

 17   commandement et suivaient l'évolution des événements au fur et à mesure

 18   qu'ils intervenaient.

 19   Nous avons vu la réaction de l'OTAN, nous avons suivi ses réactions de très

 20   près. Nous avons ainsi essayé de voir quelle serait l'étape suivante que

 21   l'OTAN allait prendre, et ceci aurait, bien sûr, une incidence certaine sur

 22   ce que nous ferions pour assurer la sécurité de notre pays.

 23   Q.  On parle ici de mouvements de forces de l'OTAN. Il est question bien

 24   sûr de ce qui se passait en 1999, le 29 janvier 1999. Est-ce que ceci était

 25   une source d'inquiétude, est-ce que ceci vous a donné un avant-goût, une

 26   prémonition de ce qui allait venir ?

 27   R.  Je vous ai dit que nous avons suivi de très près tous les mouvements

 28   des forces de l'OTAN, et c'est ainsi que nous avons suivi les forces

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  1   aériennes, navales, terrestres de l'OTAN, pour voir, pour anticiper le

  2   genre d'actions que ces forces pouvaient mener. Nous savions que l'OTAN

  3   c'était une organisation des plus puissante, même en temps de paix, parce

  4   qu'il y a des déploiements de l'OTAN, elle pouvait passer à l'action. Elle

  5   avait ce pouvoir d'action. Dès qu'il y avait mouvement, c'était une source

  6   supplémentaire d'inquiétude. Nous avons analysé chacun de ses mouvements

  7   pour voir ce qui allait se passer.

  8   M. POPOVIC : [interprétation] Page suivante en B/C/S, comme en anglais,

  9   s'il vous plaît.

 10   Q.  Mon Général, vous poursuivez votre intervention :

 11   "Sur le territoire de l'Albanie, on passe à un degré supérieur

 12   d'alerte, nous l'avons observé, on a mobilisé des forces de réserve

 13   derrière les lignes, une mobilisation supplémentaire se poursuit et il y a

 14   formation rapide de forces de réserve sur le territoire du nord-est en

 15   Albanie".

 16   Votre commentaire ?

 17   R.  Je vous l'ai déjà dit, nous avons suivi et surveillé ce qui se passait

 18   notamment et surtout en Albanie, parce que les forces armées albanaises

 19   étaient assez faibles. Néanmoins, elles se livraient à certaines activités.

 20   Et souvent, notre conclusion était qu'elles le faisaient exprès, pour faire

 21   davantage pression sur notre pays. Vous le savez, s'il y avait des

 22   activités, si on rehaussait le degré d'aptitude au combat, s'il y avait

 23   formation et mobilisation en cours, on parle ici de formation rapide à

 24   destination des forces de réserve, quiconque suivant ces activités

 25   s'inquièterait, se demanderait pourquoi toutes ces mesures sont prises,

 26   quel est le but recherché par toutes ces mesures.

 27   Quand on parle de formation accélérée dans le nord-est de l'Albanie,

 28   du côté de Peshkopia, on parle de ces localités, nous avons suivi la

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  1   situation et nous avons tiré certaines conclusions. Nous nous sommes

  2   demandé quel pourrait en être l'impact au Kosovo, car le Kosovo est tout

  3   près de l'endroit où se faisait cette formation accélérée.

  4   Q.  Merci. Paragraphe suivant :

  5   "L'élément nouveau en Albanie c'est l'engagement de forces armées

  6   italiennes dans la formation de centres de réfugiés et de camps". Nous

  7   parlons ici du 21 janvier 1999. "C'est donc un engagement de forces armées

  8   italiennes dans la formation de centres et de camps de réfugiés".

  9   Qu'est-ce que ce comportement des forces armées italiennes vous indiquait ?

 10   R.  J'ai eu une très bonne coopération assez intensive avec les Italiens. A

 11   cette époque, je me suis rendu en visite en Italie. J'ai eu des entretiens

 12   avec mes homologues dans le renseignement militaire, et je me suis dit que

 13   leur inquiétude était grande à propos de l'évolution de la situation au

 14   Kosovo-Metohija. Les Italiens s'étaient déjà rendu compte que s'il y avait

 15   élargissement du conflit, ceci pourrait entraîner un afflux de réfugiés

 16   dans leur pays.

 17   A l'époque, il n'y avait pas beaucoup de réfugiés en Italie. Les

 18   Italiens se disaient que s'il y avait escalade de conflits, il pourrait y

 19   avoir accroissement du nombre de réfugiés. Autre raison importante pourquoi

 20   l'Italie, en particulier, était particulièrement sensible à ce problème,

 21   c'est qu'un grand nombre de réfugiés Albanais, même de par le passé,

 22   étaient passés par l'Italie. Ils arrivaient en bateau en Italie, ils

 23   débarquaient en Italie. Ils ont posé beaucoup de problèmes aux autorités

 24   italiennes, et s'il y avait escalade du conflit au Kosovo-Metohija, le

 25   risque était grand de voir ce problème s'accroître, ce que voulaient éviter

 26   les Italiens.

 27   Q.  Merci. Paragraphe suivant au titre des conclusions. Deuxième

 28   conclusion, voici ce que nous lisons :

Page 10559

  1   "Il se peut que certaines affaires soient montées de toutes pièces,

  2   par exemple, un désastre humanitaire ou autre qui pourrait lui aussi

  3   entraîner une escalade de la situation".

  4   Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ?

  5   R.  L'évolution de la situation en ex-Yougoslavie, ou ce qui s'est passé

  6   pendant la guerre en ex-Yougoslavie est truffé d'incidents montés de toutes

  7   pièces, fabriqués, d'incidents concernant ou ayant provoqué un grand nombre

  8   de morts. Ce que nous craignions, c'est qu'outre ce qui s'était passé à

  9   Racak, il se passe quelque chose d'autre qui allait susciter un tollé

 10   général, un émoi général dans la communauté internationale, et allait

 11   provoquer une réaction de l'OTAN. Et nous n'avons eu de cesse d'avertir nos

 12   unités sur le terrain en leur disant de rester sur le qui-vive et d'éviter

 13   d'être entraînées dans un conflit qui pourrait échapper à tout contrôle.

 14   M. POPOVIC : [interprétation] Pouvons-nous maintenant voir la pièce D006-

 15   0051.

 16   Q.  Vous l'avez à l'intercalaire 4 de votre classeur.

 17   Nous avons ici une réunion du collège du chef de l'état-major principal de

 18   l'armée yougoslave. La date est celle du 28 janvier 1999. Prenons la page

 19   4, Mon Général.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] C'est la page 5, Messieurs les Juges, dans

 21   votre version. Paragraphe 5 en B/C/S, et ce sera l'avant-dernier paragraphe

 22   en anglais à cette page.

 23   Q.  Voici ce que vous dites :

 24   "Cependant, ces deux derniers jours, on a noté que certains éléments

 25   internationaux commencent à accuser aussi l'UCK d'avoir mis en scène ce

 26   massacre à Racak."

 27   Quelles sont les informations que vous avez obtenues ensuite en ce qui

 28   concerne Racak ? D'où est-ce que ces informations venaient ?

Page 10560

  1   R.  Beaucoup d'acteurs de la communauté internationale essayaient de se

  2   faire une idée objective de la situation, il faut le dire, et c'est la

  3   réaction ici que vous voyez de certains d'entre eux. Certaines

  4   personnalités, certains dirigeants, personnalités politiques à l'étranger,

  5   avaient beaucoup de doute ou s'inquiétaient beaucoup de voir le conflit

  6   s'envenimer, et ces personnalités se sont exprimées. Elles ont dit qu'il

  7   était possible que ce soit l'UCK qui le faisait exprès, qui essayait

  8   d'accroître ses activités, d'augmenter le nombre d'incidents pour provoquer

  9   l'armée yougoslave.

 10   J'ai une source de renseignement pour chacune de ces informations

 11   ici. Je ne peux pas vous dire ici même maintenant qui a dit exactement quoi

 12   parmi les représentants de la communauté internationale, mais ils étaient

 13   assez nombreux qui s'exprimaient ainsi. Beaucoup nous ont accusés nous,

 14   mais nous, nous avons aussi essayé de tenir compte de ceux qui avaient une

 15   vision plus objective des choses et avaient formulé certaines accusations à

 16   l'encontre de l'UCK également.

 17   Q.  A la même page, paragraphe 6 en B/C/S, vous dites qu'en tout, on est

 18   passé de 264 avions à 392, augmentation de 128 aéronefs. Est-ce que ceci

 19   vous inquiétait ? Qu'est-ce que ceci vous indiquait ?

 20   R.  Je vous l'ai dit, nous avons suivi de très près les activités des

 21   forces de l'OTAN tout autour de notre pays, et il faut le dire, ces forces

 22   étaient tout à fait considérables, même sans être renforcées, sur tous les

 23   aérodromes autour de la Yougoslavie. Chaque fois que nous avons constaté

 24   une escalade, c'était une nouvelle source d'inquiétude parce qu'on se

 25   disait que ceci allait être une pression supplémentaire sur nous. Par

 26   ailleurs aussi, ça pouvait signifier de nouveaux préparatifs en vue d'une

 27   opération armée, d'où notre inquiétude.

 28   Q.  Merci.

Page 10561

  1   M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  2   je n'aurai pas terminé l'examen de ce document avant la pause, alors autant

  3   faire la pause maintenant.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien. Oui, puisque c'est l'heure

  5   habituelle de la pause. Nous reprendrons nos débats à 11 heures.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez la parole, Maître Popovic.

  9   M. POPOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Général, poursuivons. Nous nous intéressons toujours au collège du mois

 11   de janvier 1999, du 28 janvier plus précisément. J'aimerais que l'on

 12   affiche la page 5 en version B/C/S, qui correspond à la page 6 en version

 13   anglaise. J'aimerais que nous nous penchions sur le paragraphe 2 en version

 14   B/C/S, et c'est le paragraphe 3 en anglais. Vous fournissez les éléments

 15   d'information suivants :

 16   "Au cours de la période à venir, on peut s'attendre à des pressions

 17   exercées et des menaces de recours aux forces armées. C'est ainsi que les

 18   menaces militaires deviennent opérationnelles. Par ailleurs, on insiste de

 19   façon continue sur des sanctions politiques et économiques plus sévères."

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Je signale que ce paragraphe se trouve à la

 21   page 5, paragraphe 2 de la version B/C/S; page 6, paragraphe 3 en anglais.

 22   Q.  Donc je vais relire ce paragraphe pour qu'il soit consigné dans

 23   le compte rendu d'audience :

 24   "Au cours de la période suivante, nous pouvons nous attendre à des

 25   pressions exercées pour adopter une solution imposée, nous pouvons nous

 26   attendre à des menaces de recourir à la force militaire et à ce qu'on

 27   insiste de façon continue sur des sanctions politiques et économiques plus

 28   sévères. De cette façon, on poursuit la stratégie des menaces militaires

Page 10562

  1   opérationnelles."

  2   Pouvez-vous fournir vos observations à cet égard ?

  3   R.  C'était bien l'évolution de la situation à laquelle nous nous

  4   attendions. Nous nous attendions à ce qu'on continue à exercer des

  5   pressions, et ce qu'on entend par une stratégie de menaces militaires

  6   opérationnelles. C'est le recours aux mesures qui permettent de rendre les

  7   menaces proférées crédibles. Donc il s'agissait de renforcer les effectifs

  8   présents dans la région, d'intensifier leurs activités, de susciter un

  9   tollé dans les médias. Tout ceci devait montrer que la menace militaire

 10   devenait opérationnelle plutôt, et qu'il ne s'agissait pas tout simplement

 11   de vains propos proférés sans suite.

 12   Q.  Merci. Passons maintenant au paragraphe 4 qui figure à la même page.

 13   C'est le paragraphe 4 en version B/C/S aussi bien qu'en version anglaise.

 14   Dans la dernière phrase, vous constatez :

 15   "Toutefois, si des massacres étaient mis en scène ou si quelque autre

 16   incident indésirable se produisait, une telle possibilité deviendrait plus

 17   probable."

 18   Vous parlez d'une éventuelle attaque contre la RFY.

 19   Pourriez-vous nous livrer vos observations concernant ce passage ?

 20   R.  Oui. Nous étions conscients que tout incident semblable à celui qui

 21   s'était produit à Racak ou toute situation semblable à celle qui avait

 22   existé dans les théâtres de guerre dans l'ex-Yougoslavie servirait de

 23   prétexte pour lancer une action militaire contre la Yougoslavie et pour

 24   prendre des mesures dirigées contre notre pays.

 25   La RFY aurait été déclarée coupable d'avoir provoqué un incident quel

 26   qu'il soit. C'est la raison pour laquelle nous avons averti nos unités de

 27   se garder de répondre à toute provocation possible, parce que toute

 28   réaction pouvait avoir des conséquences néfastes pour notre pays.

Page 10563

  1   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Passons maintenant à la page 11 en

  2   B/C/S, page 13 en anglais.

  3   Q.  Vous intervenez à nouveau dans cette partie du texte, Général. Dans le

  4   premier paragraphe, vous indiquez :

  5   "D'abord, au vu de l'évolution des mesures prises pour trouver une solution

  6   à la crise, on discute de maintes possibilités, de différents scénarios. Il

  7   y a un point qui est très réaliste dans tout ceci, c'est que des

  8   fabrications circulent également, c'est la raison pour laquelle il est très

  9   important de ne pas se fier à tout ce qu'on dit dans les médias."

 10   Pouvez-vous nous livrer des observations sur ce paragraphe, Général ?

 11   R.  Cela montre encore une fois à quel point nous avions adopté une

 12   attitude responsable par rapport à la situation prévalente. Ici, nous nous

 13   penchons plus précisément sur les informations qui circulaient dans les

 14   médias. Nous avons souligné que la situation pouvait se développer suivant

 15   des dizaines de scénarios possibles. Chaque partie prenante évaluait la

 16   situation en fonction de ses propres critères. Je souhaitais attirer

 17   l'attention de l'état-major général qu'il ne fallait pas se fier à toutes

 18   les histoires qui circulaient dans les médias. Plutôt, il fallait essayer

 19   de se faire une idée objective de la situation réelle. En effet, les médias

 20   présentaient des récits différents, et c'est la raison pour laquelle il

 21   n'était pas souhaitable de s'y fier entièrement, notamment pour ce qui est

 22   des membres de l'état-major général.

 23   Q.  Merci.

 24   M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 25   je souhaite demander le versement au dossier de ce document.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 28   D00522.

Page 10564

  1   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Peut-on afficher le document P1333,

  2   s'il vous plaît.

  3   Q.  Général, le document figure à l'intercalaire 5 dans votre classeur. Le

  4   document porte sur une séance extraordinaire du collège du chef de l'état-

  5   major de l'armée yougoslave du 2 février 1999.

  6   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la page 4 en

  7   B/C/S, qui correspond à la page 6 en anglais.

  8   Q.  Le paragraphe qui nous intéresse, c'est le paragraphe 5, avant-dernier

  9   paragraphe dans la version anglaise. Vous indiquez ce qui suit :

 10   "C'est l'une des raisons pour laquelle, du point de vue de la défense

 11   du pays, nous croyons que la troisième variante est la plus réaliste. Il

 12   faut suggérer aux responsables d'Etat d'entamer des négociations tout en

 13   définissant précisément nos conditions, avant tout quand il s'agit de la

 14   préservation de notre souveraineté, et par ailleurs, il faut mettre fin aux

 15   menaces de l'OTAN et éviter que ces forces soient présentes sur le

 16   territoire du Kosovo…"

 17   Général, pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit précisément

 18   dans ce paragraphe ? Est-ce que la position de l'armée dans son ensemble

 19   est exprimée ici ?

 20   R.  Cette séance a eu lieu avant les négociations à Rambouillet. Nous avons

 21   envisagé les différents scénarios possibles. Cette question relevait

 22   surtout de la compétence des responsables de l'Etat, mais il nous semblait

 23   utile d'étudier, pour notre part, aussi quelle pouvait être l'évolution de

 24   la situation. Nous avons étudié les différents scénarios possibles pour

 25   arriver à la conclusion suivante. Pour nous, le meilleur serait de miser

 26   sur des pourparlers afin de trouver une solution au problème.

 27   Pour ce qui est de l'arrivée des forces de l'OTAN sur le territoire du

 28   Kosovo, à cette époque, nous craignions que l'arrivée des forces de l'OTAN

Page 10565

  1   permettrait aux Albanais de réaliser leur ambition, celle qu'ils ont

  2   toujours en ce moment, à savoir l'ambition de se séparer de la République

  3   fédérale de Yougoslavie.

  4   A l'époque où les pourparlers ont été engagés, le président Milosevic

  5   a expliqué que l'arrivée des forces de l'OTAN sur le territoire yougoslave

  6   était possible une fois la Yougoslavie devenue membre de l'OTAN ou une fois

  7   un accord conclu, mais comme nous le savons, un tel accord n'a jamais été

  8   conclu. Donc ce qui représentait pour nous la source de préoccupation

  9   principale, c'était justement ce point-là. Par ailleurs, nous nous basions

 10   sur des propos proférés par la secrétaire d'Etat américaine, Madeleine

 11   Albright. Elle a indiqué que les Albanais s'étaient vantés que leur

 12   objectif principal était d'emmener les forces de l'OTAN sur le territoire

 13   serbe. Dès que ces forces se trouveraient sur place, toutes les demandes

 14   qu'ils avaient avancées lors des négociations à Rambouillet seraient,

 15   disaient-ils, réalisées.

 16   Q.  Vous avez indiqué que les Albanais se sont vantés d'un certain nombre

 17   de choses. A partir des éléments de renseignement dont vous disposiez,

 18   avez-vous pu conclure que les Albanais se vantaient effectivement de ces

 19   choses-là lors des discussions qu'ils menaient avec les représentants

 20   étrangers ?

 21   R.  Oui, c'est précisément grâce aux éléments de renseignement dont nous

 22   disposions que j'ai indiqué ce qui figure dans le texte.

 23   Q.  Merci.

 24   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais que nous passions au document

 25   suivant, D006-0118, c'est un document de la Défense.

 26   Q.  Général, le document que nous avons sous les yeux porte le titre

 27   suivant : "Evaluation de la situation en matière du renseignement et de la

 28   sécurité et l'évaluation des dangers qui menacent la sécurité de la

Page 10566

  1   République fédérale de Yougoslavie." Que pouvez-vous nous dire sur ce

  2   document ? Qui l'a rédigé ?

  3   R.  Ce type de documents était rédigé habituellement chaque fois que l'on

  4   estimait que la situation était complexe et qu'elle ne pouvait pas être

  5   étudiée à fond lors d'un collège de l'état-major général. Suivant un ordre

  6   du chef de l'état-major, chaque département devait rédiger un rapport qui

  7   ferait partie d'un rapport d'ensemble harmonisé. Il était généralement

  8   harmonisé par l'acteur chargé des opérations aux fins de l'état-major,

  9   première administration. Ce document fait partie des évaluations qui ont

 10   été rédigées à l'époque.

 11   Q.  Merci.

 12   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais que nous regardions la page D006-

 13   0121 en version B/C/S, qui correspond à la page D006-0161 en version

 14   anglaise.

 15   Q.  Général, il s'agit de l'évaluation de la situation en matière du

 16   renseignement et de la sécurité, point 1, influence exercée par les acteurs

 17   étrangers, puis nous voyons le sous-chapitre intitulé : "Influence de la

 18   communauté internationale en général et de ses organisations." Alors, votre

 19   administration chargée du Renseignement s'était-elle concentrée justement

 20   sur l'influence exercée par les acteurs internationaux dans la partie du

 21   rapport que vous avez rédigé ?

 22   R.  Oui, cette question relevait effectivement des compétences de

 23   l'administration chargée du renseignement.

 24   Q.  Merci.

 25   M. POPOVIC : [interprétation] Passons maintenant à la page D006-0440 en

 26   version B/C/S, et la page D006-0181 en version anglaise.

 27   Q.  Général, c'est la partie du texte qui porte l'intitulé conclusions.

 28   Oui. Voilà, c'est bien la page qu'il nous faut. Veuillez vous pencher sur

Page 10567

  1   les paragraphes 3, 4 et 5, s'il vous plaît. Nous y lisons le texte suivant

  2   :

  3   "Les forces armées étrangères dans la région, notamment celles qui sont

  4   emmenées sur place, peuvent exercer de fortes pressions et influencer d'une

  5   façon significative le processus politique. Par ailleurs, dans des

  6   circonstances données, ces forces pourraient être engagées de façon

  7   différente pour intervenir de façon militaire contre notre pays."

  8   Puis, paragraphe 4 :

  9   "Le déploiement et les activités des forces armées étrangères dans la

 10   région montrent que c'est la partie sud du territoire qui est la plus

 11   menacée."

 12   Et finalement, au point 5 :

 13   "Du point de vue de la défense du pays, notre objectif principal doit

 14   consister à éviter l'arrivée de forces armées étrangères sur notre

 15   territoire et la préservation de nos intérêts nationaux et étatiques

 16   principaux."

 17   Pourriez-vous nous livrer vos observations sur ces points ?

 18   R.  Les conclusions présentées ici sont la déduction logique de ce que

 19   j'indiquais un peu plus tôt. La situation était déjà complexe à l'époque et

 20   nous avons estimé que la présence des forces armées étrangères dans la

 21   région pouvait exercer ce type d'influence sur notre pays. Nous, les

 22   soldats, souhaitions trouver une solution pacifique au problème et éviter

 23   un conflit armé avec les forces de l'OTAN. Nous savions pertinemment

 24   quelles étaient les forces de l'OTAN. Et après les avoir comparées avec nos

 25   capacités, nous avons évidemment conclu qu'un conflit aurait été néfaste

 26   pour notre pays. Par ailleurs, nous savions, de par notre expérience,

 27   comment les choses étaient évaluées dans les théâtres de guerre à travers

 28   l'ex-Yougoslavie, et c'est la raison pour laquelle que nous souhaitions

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  1   qu'une solution pacifique soit trouvée à ce problème.

  2   Q.  Merci.

  3   M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite demander

  4   le versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document n'a-t-il pas déjà été

  6   admis au dossier ?

  7   M. POPOVIC : [interprétation] A ma connaissance, non.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Le document est admis.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 10   D00523.

 11   M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on afficher le document, ou plutôt, la

 12   pièce à conviction P1341, s'il vous plaît.

 13   Q.  Général, le document se trouve à l'intercalaire 7 dans votre classeur.

 14   Ce que nous avons ici, c'est le procès-verbal du collège du chef de l'état-

 15   major général de l'armée yougoslave qui s'est tenue le 25 février 1999.

 16   M. POPOVIC : [interprétation] Je souhaite demander l'affichage de la page

 17   3, version B/C/S, qui correspond à la page 4 en version anglaise.

 18   Q.  Mon Général, je souhaite que vous vous penchiez sur le paragraphe 4,

 19   page 3; c'est l'avant-dernier paragraphe en anglais. Nous pouvons y lire le

 20   texte suivant :

 21   "Plusieurs sources d'information indiquent que les forces étrangères

 22   n'auraient pas procédé au désarmement de l'UCK, comme elles l'affirment en

 23   ce moment. Les Albanais se vantent que Mme Albright leur a promis de faire

 24   organiser un référendum par l'OTAN, que ce soit prévu par l'accord conclu

 25   ou non".

 26   Général, pouvez-vous nous dire si ce texte reflète fidèlement les éléments

 27   de renseignement que vous aviez à votre disposition et la situation telle

 28   qu'elle était à l'époque ?

Page 10569

  1   R.  Oui, ce paragraphe reprend les conclusions exprimées dans le texte que

  2   nous avons vu tout à l'heure.

  3   Q.  Merci.

  4   M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait passer à la page 4 en

  5   B/C/S, et c'est la page 5 en anglais. J'aimerais que nous passions au

  6   paragraphe 3.

  7   Q.  Dans le dernier paragraphe, vous dites :

  8   "Alors, pour conclure, Général, je suggère que le collège envisage la

  9   possibilité de proposer à nos dirigeants de l'Etat que les représentants de

 10   l'état-major général soient inclus dans les préparations de notre

 11   délégation pour les étapes suivantes des négociations durant lesquelles les

 12   questions militaires très importantes seront probablement traitées,

 13   notamment le statut de la VJ ainsi que le rôle des instances militaires, de

 14   manière générale, la mise en œuvre d'un accord à venir. A cet égard,

 15   personne n'est mieux à même ou aussi responsable que nous-mêmes pour cela."

 16   Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous pensez de cela ?

 17   R.  Suite aux contacts avec les délégations américaines et autres, nous

 18   nous sommes rendu compte que les diplomates étaient accompagnés par des

 19   experts militaires. Donc, j'ai organisé une série de réunions avec le

 20   général Clark, avec le général Anderson, qui se rendaient dans notre pays

 21   avec M. Holbrooke, par exemple. Et nous en avons conclu que ce serait une

 22   bonne idée que nos délégations incluent des militaires pour les raisons

 23   susmentionnées. Cependant, ça n'a pas été le cas, et je crois que c'était

 24   une erreur. Je ne pense pas que c'était une bonne chose de ne pas avoir une

 25   représentation militaire, parce qu'ils auraient pu faire part de leurs

 26   compétences militaires et de leurs points de vue réalistes, et de cette

 27   manière, la situation aurait peut-être été gérée de meilleure manière.

 28   Q.  Merci.

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  1   M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir la pièce de la

  2   Défense portant la cote 008-3977.

  3   Q.  Il s'agit du document numéro 8 dans votre classeur, Général.

  4   Vous voyez qu'il s'agit ici d'un rapport concernant les intentions de

  5   l'UCK, envoyé à l'état-major général le 9 mars 1999. Avant de rentrer plus

  6   dans les détails, pourriez-vous, tout d'abord, nous expliquer ce qu'on

  7   entendait par un rapport et quel était le contenu de celui-ci ?

  8   R.  Le rapport ou cette note d'information était un des documents émanant

  9   des services de Renseignements. Vous aviez des bulletins d'information,

 10   vous aviez des règles, des ordonnances de service. Mais lorsque nous avions

 11   un rapport d'information ou "informatia", il y en avait de deux types. Vous

 12   aviez un rapport quotidien et vous aviez un autre type de rapport

 13   d'informations qui portait sur un thème précis. Et il s'agit de ce type de

 14   rapport qu'on a ici, c'est-à-dire un rapport sur les intentions de l'UCK.

 15   Vous voyez les destinataires; il s'agit des personnes qui, nous pensions,

 16   seraient intéressées par ces informations. Le rapport de ce type n'était

 17   pas envoyé à tous les destinataires des rapports quotidiens.

 18   Il s'agissait d'informations issues d'éléments de renseignement; il

 19   s'agit donc d'informations sur l'UCK --

 20   Q.  Oui, nous y reviendrons plus en détail un peu plus tard.

 21   Dans le paragraphe 1, il est mentionné que :

 22   "Les incidents le long de la frontière et les embuscades réalisées

 23   par l'UCK afin de recruter de nouveaux membres, obtenir le soutien des

 24   médias et afin d'intensifier la collecte d'aide financière au sein de la

 25   diaspora des Siptar."

 26   Est-ce que vous pourriez nous parler, de manière générale, de la situation

 27   en matière de sécurité ?

 28   R.  Malheureusement, tout ce qui est mentionné dans ce rapport s'est

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  1   vraiment produit, c'est-à-dire des enlèvements, de la propagande vis-à-vis

  2   des médias, le prosélytisme. Il est clair que les Albanais avaient beaucoup

  3   d'espoir vis-à-vis des interventions de l'OTAN, parce qu'ils pensaient que

  4   ceci pourrait leur permettre d'atteindre leurs objectifs, c'est-à-dire la

  5   création d'un territoire séparé, et la sécession par rapport à la

  6   Yougoslavie ainsi que leur indépendance.

  7   Ils ont dû se rendre compte que si un accord de paix était négocié,

  8   et s'ils retournaient à la table de négociation, ces objectifs ne seraient

  9   peut-être pas aussi faciles à atteindre. Et nous voyons ici des

 10   déclarations qui ont été faites par les représentants des Albanais qui

 11   confirment cela.

 12   Il y a donc une -- leur réflexion se tient, si vous voulez, à savoir que

 13   les objectifs pouvaient être atteints simplement ou uniquement avec une

 14   aide étrangère et avec l'intervention de l'OTAN.

 15   Q.  Merci. Dans le paragraphe 2 de ce rapport, on lit :

 16   "Avec l'aide étrangère, l'UCK a réalisé des plans pour organiser un

 17   massacre d'Albanais innocents et des membres de l'OSCE, ce qui, selon eux,

 18   permettraient d'avoir une base légitime permettant d'activer des forces

 19   afin d'extraire les agents de vérification, et par conséquent, l'entrée des

 20   forces terrestres de l'OTAN au Kosovo-Metohija. De plus, les dirigeants de

 21   l'UCK, conformément à ce qui était préconisé par l'OTAN, étaient disposés à

 22   prendre des mesures pour dresser une image synonyme d'une catastrophe

 23   humanitaire. A cet égard, de nombreux villages ont été abandonnés, tels que

 24   les villages de Gorance, Rezance, Pustenik, Krivenik, Ivaja, Ljac, Kotlina

 25   et Straza. Le plan prévoyait également que les habitants quitteraient les

 26   villages de la vallée de la rivière Lepenac, c'est-à-dire Kovacevac,

 27   Dicevac, Dubrava, Vata et Slatina." Avez-vous des commentaires ?

 28   R.  Nous avons obtenu ces informations de sources sur le terrain, et ceci

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  1   montre bien qu'en organisant cette catastrophe humanitaire, ils pensaient

  2   que ceci pourrait être un prétexte à une intervention de l'OTAN, mais en

  3   même temps, ceci permettait de faire pression sur leurs propres citoyens en

  4   les obligeant à quitter de nombreux villages.

  5   Q.  Merci. J'aimerais qu'on passe au dernier paragraphe de ce rapport, s'il

  6   vous plaît. Dans ce paragraphe, on lit :

  7   "Il semble que l'UCK pense que ces villages sont déjà vidés de leurs

  8   habitants et qu'on planifie des attaques contre ces centres de population,

  9   et ceci créant une réaction de la VJ et du MUP, ce qui donnerait à l'OTAN

 10   une raison d'intervenir. La préparation de camps de réfugiés dans le nord

 11   de l'Albanie et en Macédoine laisse penser que ces informations sur la

 12   préparation d'une nouvelle catastrophe humanitaire semblent être exactes."

 13   R.  Oui, c'est le scénario que nous avions déjà abordé depuis un certain

 14   temps. Ils cherchaient à avoir un prétexte pour que l'OTAN puisse

 15   intervenir, et un de ces prétextes pourrait être cette catastrophe

 16   humanitaire. Le mort ou l'évacuation d'un nombre important d'Albanais de

 17   souche pouvait être une de ces raisons, et c'est exactement ce qu'ils

 18   cherchaient à faire.

 19   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais verser ce document au dossier.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera fait.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D00524. Merci.

 22   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on pourrait passer à la

 23   pièce D157 ?

 24   Q.  C'est à l'intercalaire numéro 9. Il s'agit d'un document de la Mission

 25   de vérification au Kosovo, un document du 26 février -- couvrant la période

 26   du 26 février au 4 mars 1999. A la page 1, vous avez la rubrique intitulée

 27   "UCK". Et on peut lire :

 28   "Il semble que plus de 100 membres de l'UCK aient traversé la frontière, et

Page 10573

  1   avec ce qu'on appelle la milice, ils ont encouragé les habitants à quitter

  2   cette région. On ne sait pas vraiment pourquoi on encourage les habitants à

  3   quitter cette région, même s'il y a de nombreuses possibilités qui peuvent

  4   être envisagées. En encourageant le mouvement de personnes déplacées à

  5   l'intérieur du pays, les médias à l'échelle internationale ont pu prétendre

  6   qu'une offensive serbe avait lieu."

  7   A la page suivante, dans la version B/C/S, il est mentionné :

  8   "Euro News a fait état qu'une offensive serbe avait été lancée, assortie

  9   d'images de véhicules serbes en mouvement, ainsi que des habitants qui

 10   étaient sur les routes avec des visages décomposées. C'était, en fait, une

 11   très bonne tactique de la part des Albanais de souche. Et le village de

 12   Kacanik était décrit comme un village fantôme, et les agents de

 13   vérification ont fait [inaudible] l'inexactitude de ces rapports. Et

 14   d'ailleurs, les rapports initiaux avaient laissé suggérer qu'il y avait eu

 15   un massacre."

 16   Général, pourriez-vous nous parler de la manipulation des médias à cet

 17   égard ?

 18   R.  Il est clair que la Mission de vérification au Kosovo était tout à fait

 19   consciente des tentatives de manipulation des Albanais, et je voudrais

 20   d'ailleurs mettre l'accent sur la dernière phrase. Il était mentionné :

 21   "Les premiers rapports avaient laissé penser qu'un massacre avait eu lieu."

 22   Cela semble indiquer qu'ils essayaient de manipuler les médias, et qu'au

 23   départ, ils avaient réussi. Nous avons également obtenu des informations

 24   sur le terrain, et nous avons pu, en fait, réfuter les propos relatés par

 25   les médias. Une chaîne en vue telle qu'Euro News semblait avoir accepté la

 26   version albanaise. Malheureusement, ils n'étaient pas les seuls. Nous avons

 27   eu de nombreux exemples de médias qui, sans vérifier la source

 28   d'information, faisaient immédiatement état de certaines versions des faits

Page 10574

  1   et semaient la confusion au sein de l'opinion publique quant à ce qui se

  2   passait au Kosovo.

  3   Q.  D'après vous, est-ce que ces informations avaient des conséquences sur

  4   l'image qui était donnée par la presse étrangère au sein de vos services de

  5   Renseignements ?

  6   R.  Je vous ai déjà dit que nous suivions de près les déclarations

  7   officielles, mais nous suivions également ce qui se passait dans les

  8   médias, notamment les médias étrangers. Mais lorsque ce qui était relaté

  9   était inexact, nous nous sommes rendu compte que nous ne devrions pas

 10   utiliser les médias comme notre principale source d'information. Nous

 11   devions nous assurer que ces rapports ne reflétaient que leurs opinions

 12   propres. C'était le cas pour Racak, mais également pour d'autres

 13   situations. En fait, les médias ne faisaient que compromettre leur

 14   crédibilité en faisant état d'informations inexactes. Et ceci a eu des

 15   conséquences sur l'opinion que nous nous faisions des médias. Nous sommes

 16   devenus tellement méfiants que même lorsque les médias faisaient état

 17   d'information exacte, nous ne les prenions pas nécessairement au sérieux,

 18   parce que nous avions vu tellement d'exemples de manipulation au préalable.

 19   Q.  Merci.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Pouvons-nous passer à la pièce P965, s'il

 21   vous plaît.

 22   Q.  Général, c'est à l'intercalaire numéro 10 dans votre classeur. Il

 23   s'agit d'une séance du collège du chef d'état-major général de l'armée

 24   yougoslave qui s'est tenue le 11 mars 1999.

 25   M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 5 en B/C/S et

 26   à la page 7 en version anglaise, s'il vous plaît. Pour la version anglaise,

 27   c'est le paragraphe 2; pour la version B/C/S, il s'agit du paragraphe

 28   numéro 4.

Page 10575

  1   Q.  Ici, on peut voir :

  2   "De nouvelles évolutions ont eu lieu. Un commandement conjoint a été

  3   constitué à Skopje le 4 mars, sous le commandement du général Jackson.

  4   D'après les plans, il devrait être également le commandant de nouvelles

  5   forces pour le Kosovo si celles-ci étaient constituées. De nouvelles unités

  6   sont incorporées dans cette force de réaction rapide et il y a déjà 9 500

  7   troupes en Macédoine."

  8   R.  Oui, en plus des forces que nous avions identifiées comme les forces de

  9   soutien à la Mission de vérification, d'autres troupes sont arrivées en

 10   Macédoine, comme par exemple, le commandement dirigé par le général

 11   Jackson. Le nombre de soldats basés en Macédoine nous a préoccupé, parce

 12   que ceci pouvait amener à des tensions. On se demandait pourquoi ils se

 13   trouvaient dans cette zone, pourquoi nous n'avions pas d'information à ce

 14   sujet. Nous avons continué à les observer, et malheureusement, tout ce que

 15   nous avons pu voir, c'est que les forces ne faisaient que grossir.

 16   M. POPOVIC : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page 6 en B/C/S et

 17   rester sur la page 7 en version anglaise. Nous allons passer à l'avant-

 18   dernier paragraphe pour la version anglaise.

 19   Q.  On lit :

 20   "Général, je suggère la possibilité d'une réunion d'information avec les

 21   envoyés militaires étrangers en ce qui concerne la situation sur les points

 22   principaux, c'est-à-dire l'envoi de forces au Kosovo-Metohija. Et envisager

 23   la possibilité d'avoir un représentant de la VJ qui serait inclus dans

 24   notre délégation pour le prochain cycle de négociations, car nous pensons

 25   que les aspects militaires sont maintenant abordés, et par conséquent, il

 26   serait bon d'être représentés."

 27   Général, de quel type de réunions d'information parlez-vous ici; et si ces

 28   réunions ont eu lieu, quelles ont été les conséquences ?

Page 10576

  1   R.  Dans le monde diplomatique, il est habituel que le pays hôte organise

  2   des réunions d'information pour les ambassadeurs, pour les attachés

  3   militaires et pour d'autres dignitaires diplomatiques. Ces réunions

  4   d'information sont organisées afin que les missions étrangères puissent se

  5   familiariser avec de nouvelles lois, par exemple, qui auraient pu être

  6   votées dans les pays, et cetera. Nous organisions également ces réunions

  7   d'information, le cas échéant, lorsque ce sont ces missions diplomatiques

  8   qui les demandent.

  9   En général, j'étais responsable de ces réunions. Nous invitions tous les

 10   attachés militaires. Je les informais sur la situation et je leur donnais

 11   la possibilité de poser des questions, questions auxquelles je répondais,

 12   auxquelles mes collègues répondaient, et je dois dire que nous avions une

 13   bonne coopération avec les attachés militaires.

 14   Ils pouvaient répercuter ces informations au ministère de la Défense, à

 15   leurs ministères de tutelle, à leurs états-majors. Et ce qu'ils apprenaient

 16   lors de ces réunions d'information leur permettait également de se forger

 17   leurs propres opinions concernant la situation ou la crise. Il y a

 18   d'ailleurs eu un exemple intéressant; après une de ces réunions

 19   d'information, les attachés militaires britanniques et américains sont

 20   venus me voir quelques jours plus tard et m'ont confirmé que tout ce que

 21   j'avais présenté était exact, car entre-temps ils s'étaient rendus au

 22   Kosovo-Metohija et ils avaient corroboré mes dires. Bien sûr, nous avons

 23   toujours fait tout ce qui était en notre pouvoir pour fournir des

 24   informations exactes, c'était une question de principe, mais nous savions

 25   également que ces informations pouvaient être facilement vérifiées, et par

 26   conséquent, c'était inutile de fournir des informations inexactes.

 27   Q.  Merci.

 28   M. POPOVIC : [interprétation] Passons au document suivant, le document

Page 10577

  1   P1339.

  2   Q.  Général, c'est l'intercalaire numéro 11 dans votre classeur. Il s'agit

  3   d'une séance du collège du chef d'état-major de l'armée yougoslave, réunion

  4   qui s'est tenue le 18 mars 1999.

  5   M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 3 en B/C/S,

  6   qui correspond à la page 4, paragraphe 6, en version anglaise.

  7   Q.  Général, c'est vous qui parlez, et vous dites :

  8   "La plupart des représentants et des analystes diplomatiques

  9   occidentaux pensent que la situation initiale concernant la continuation

 10   des négociations sur le Kosmet implique un résultat plus qu'incertain. Il

 11   faudrait, par conséquent, essayer d'éviter une impasse grave dans ce

 12   processus.

 13   "Parce que ceci pourrait être une justification de la menace de

 14   l'usage de la force contre notre pays."

 15   Je vais vous lire un autre paragraphe qui, je pense, est très proche de ce

 16   que vous avez dit :

 17   "En ce qui concerne les forces dans la zone donnée, une introduction

 18   d'unités de réaction rapide issues du Corps de l'OTAN en Macédoine a

 19   continué, et jusqu'à présent, 12 000 soldats sont déjà arrivés."

 20   Il est mentionné les objectifs qu'ils souhaitent atteindre. Donc j'aimerais

 21   savoir quels sont les objectifs ?

 22   R.  On était le 18 mars, et comme nous pouvons le voir, il s'agit en fait

 23   d'une semaine avant les attaques des forces de l'OTAN contre la RFY. Les

 24   forces de l'OTAN ont été envoyées en Macédoine, et il s'est avéré qu'il

 25   s'agissait des forces de la KFOR qui étaient entrées au Kosovo après

 26   l'accord. Le général Jackson nous avait dit à Kumanovo qu'ils étaient

 27   présents en Macédoine depuis déjà trois mois et qu'ils attendaient d'entrer

 28   sur notre territoire. Bien sûr, à l'époque, nous n'étions pas en mesure de

Page 10578

  1   confirmer à 100 % que ces forces étaient les mêmes que celles en question,

  2   c'est-à-dire celles qui avaient été constituées sur la base de cet accord

  3   pour qu'elles entrent sur le territoire du Kosovo-Metohija. L'idée avait

  4   été mentionnée de temps en temps par le biais de filières de renseignement

  5   de la possibilité qu'une opération terrestre serait menée contre notre

  6   pays. Nous étions donc très préoccupés et nous avons suivi de près le

  7   déploiement de ces 12 000 soldats en Macédoine.

  8   Q.  Merci.

  9   M. POPOVIC : [interprétation] Passons maintenant à la page 4, deuxième

 10   paragraphe, en B/C/S; à la page 5, paragraphe 4, en anglais.

 11   Q.  Mon Général, ici il est dit que s'agissant des pressions militaires

 12   exercées, elles vont continuer à s'exercer, et qu'à un moment donné des

 13   négociations, on avait dit que ça pouvait aller plus loin qu'à Rambouillet,

 14   et ici tous les facteurs de l'agression contre la RFY pouvaient être mis en

 15   route. Ce qui veut dire retrait des vérificateurs en Macédoine, autorité

 16   donnée pour lancer les attaques aériennes et l'aptitude au combat devait

 17   être réalisée sous 48 heures, et ceci se poursuit.

 18   Alors, est-ce que vous avez un commentaire à faire ? Est-ce que tout ceci

 19   s'est avéré ?

 20   R.  Malheureusement, tout ce que j'ai dit ce jour-là, le 18 mars, ou à

 21   partir du 24 mars, s'est confirmé. J'avais malheureusement raison.

 22   Q.  Un dernier paragraphe que nous allons examiner à cette page. Page 5 en

 23   anglais. Je lis :

 24   "Ceci pourrait se produire si la délégation de Serbie était accusée

 25   d'être la seule responsable de l'échec des négociations, et si de nouveaux

 26   affrontements devaient se prêter au Kosovo, entraînant de nombreuses

 27   victimes, et s'il y avait des nouvelles escarmouches, notamment à la

 28   frontière".

Page 10579

  1   Est-ce que ceci s'est produit en fin de compte ?

  2   R.  Oui, malheureusement, tout ceci s'est confirmé comme étant la vérité.

  3   C'est bien ce qui s'est produit par la suite.

  4   Q.  Merci.

  5   M. POPOVIC : [interprétation] Page 6 en B/C/S, s'il vous plaît, page 8 en

  6   anglais, premier paragraphe.

  7   Q.  Général, nous voyons ici, c'est le général Dragoljub Ojdanic qui

  8   intervient pour parler de certains événements. Il dit ceci notamment :

  9   "Après cela, Clark a déclaré qu'il voulait me faire part d'un

 10   problème très grave, à savoir qu'il y aura destruction de l'armée

 11   yougoslave si elle devait entrer en conflit avec l'OTAN. Si on devait

 12   demander cela à l'OTAN, tous les dépôts, casernes, forces de l'armée

 13   yougoslave allaient être détruits."

 14   Alors, je vous demande ceci : est-ce que vous saviez que le général Ojdanic

 15   était en contact avec le général Clark, et dans l'affirmative, quelle fut

 16   l'incidence de ceci sur ses contacts ?

 17   R.  Oui, à deux titres. Il y avait des échanges épistolaires, des échanges

 18   de correspondance entre les deux hommes. Ils ont eu aussi des conversations

 19   téléphoniques. Moi, j'ai assisté à deux de ces conversations téléphoniques

 20   entre Ojdanic et Clark.

 21   Q.  Merci. Dans le profil de tout ceci, je vais vous demander de commenter

 22   quelques documents qui sont vraiment tout à fait en rapport avec le sujet

 23   évoqué par Ojdanic.

 24   M. POPOVIC : [interprétation] Voyons d'abord la pièce de la Defense D006-

 25   0215.

 26   Q.  Dans votre jeu de documents, ce sera le document se trouvant à

 27   l'intercalaire 12.

 28   Nous voyons la date, 22 mars 1999. Il y est dit :

Page 10580

  1   "Ci-joint vous trouverez une note officielle concernant la

  2   conversation téléphonique du général de l'état-major de l'armée yougoslave,

  3   Ojdanic, avec le général Clark."

  4   M. POPOVIC : [interprétation] Maintenant, nous allons voir la pièce D006-

  5   0233 en B/C/S, et c'est D006-0238 en anglais.

  6   Q.  Général, il est dit que le chef d'état-major, le général Ojdanic, dans

  7   la conversation qu'il a eue avec M. Clark dit ceci :

  8   "Cependant, étant donné qu'il avait accumulation des forces de l'OTAN

  9   dans notre zone et qu'il y avait des menaces non dissimulées de recours à

 10   la force, nous avons le devoir de faire l'impossible pour nous défendre."

 11   Ici, il est question du 22 mars, deux jours avant le début de la campagne

 12   menée par l'OTAN. Avez-vous un commentaire sur la position adoptée par le

 13   général Ojdanic ici ?

 14   R.  Oui, l'heure était des plus difficile. Mais je dois vous dire

 15   aujourd'hui qu'à cette époque, à Belgrade, nous avions M. Holbrooke qui

 16   était en visite avec le général Anderson notamment, et il y avait à

 17   Belgrade des négociations en cours avec les dirigeants politiques de la

 18   Yougoslavie avec à leur tête le président Milosevic. Mais il y avait une

 19   lueur d'espoir en dépit de tout ce qui se passait dans la zone, notamment

 20   au niveau des forces armées, et on se disait qu'à la vingt-cinquième heure

 21   on trouverait une situation politique. Hélas, ce ne fut pas le cas. Le

 22   général Clark, au cours de ces négociations, a ouvertement menacé le

 23   général Ojdanic, comme c'est dit ici dans ce texte, il a dit que dans

 24   quelques jours il allait tout à fait décimer l'armée yougoslave s'il y

 25   avait intervention des forces de l'OTAN.

 26   Q.  Nous n'avons pas la page à l'écran, Général --

 27   M. POPOVIC : [interprétation] Je précise que c'est la page 3 ou D006-0217

 28   en B/C/S, et il s'agit en anglais de la page D006-0220.

Page 10581

  1   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aux intervenants de ralentir

  2   lorsqu'ils lisent et lorsqu'ils donnent des chiffres.

  3   M. POPOVIC : [interprétation]

  4   Q.  Veuillez poursuivre.

  5   R.  Oui. La tension était grande. Je me souviens que le général Ojdanic a

  6   demandé au général Clark de venir à Belgrade, il l'avait appelé pour ce

  7   faire, et c'était pour discuter des accusations portées par le général

  8   Clark contre l'armée. Il n'a pas du tout parlé de catastrophe humanitaire à

  9   l'époque. Il a surtout fait référence à un soi-disant manque de respect

 10   vis-à-vis de l'accord obtenu en octobre 1998, parce qu'apparemment des

 11   unités auraient quitté les casernes ou il y aurait eu un grand nombre

 12   d'unités déployées sur le terrain, a-t-il dit notamment.

 13   Sur proposition du général Ojdanic, nous avons pensé que cette raison

 14   invoquée ne justifiait pas le début de la guerre, c'est pour ça que nous

 15   avions invité le général Clark à venir à Belgrade pour qu'il voit de ses

 16   propres yeux ce qu'il en était de la situation pour parler de tout ceci,

 17   mais Clark a dit qu'il lui était impossible de se rendre à Belgrade, que

 18   s'il le faisait, ce serait perçu comme étant une pression exercée sur

 19   Belgrade. Je pense que ce n'était pas une réponse logique, ça ne faisait

 20   aucun sens à l'époque, parce qu'à Belgrade, à l'époque, Holbrooke était

 21   venu en visite accompagné de bon nombre de personnes. Or, si Clark était

 22   allé à Belgrade, ce n'aurait pas été considéré comme une pression

 23   supplémentaire, mais plutôt comme une tentative de trouver une solution à

 24   un problème grave qui planait à ce moment-là.

 25   J'ajouterais qu'au cours d'une conversation précédente, le général Clark

 26   avait invité le général Ojdanic à se rendre à Bruxelles afin d'examiner

 27   toutes ces questions. Nous avons dit à Ojdanic qu'il devrait accepter cette

 28   invitation du général Clark, et ça je le crois encore aujourd'hui. Mais ça

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  1   ne s'est pas fait. Pourquoi, je ne sais pas précisément, parce que je ne

  2   suis pas au courant de la situation, je ne connais pas tous les tenants et

  3   aboutissants.

  4   Q.  Merci.

  5   M. POPOVIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document au

  6   dossier.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera fait.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera maintenant la pièce D00525.

  9   Merci.

 10   M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on afficher la pièce D006-0239.

 11   Q.  Général, vous trouverez ce document à l'intercalaire 13.

 12   M. POPOVIC : [interprétation] Je n'ai peut-être pas donné le bon numéro, ce

 13   qui veut dire qu'on n'a pas le bon numéro à l'écran. Je voudrais avoir le

 14   document D006-0221. C'est peut-être moi qui me suis trompé, je vous ai

 15   peut-être donné la mauvaise cote, toutes mes excuses. Oui, nous avons le

 16   bon document à l'écran.

 17   Q.  Nous avons sous les yeux un document qui porte lui aussi la date du 22

 18   mars 1999, je le lis :

 19   "Transmettez selon les modalités habituelles la lettre ci-jointe du chef de

 20   l'état-major général de la VJ, le général Ojdanic, au général Wesley Clark,

 21   commandant des forces alliées de l'OTAN."

 22   Prenons la dernière page du document --

 23   M. POPOVIC : [interprétation] D006-0223 en B/C/S; en anglais, D006-0238.

 24   Oui. Merci.

 25   Q.  Avant de vous lire un passage, je vous demande ceci : saviez-vous que

 26   le général Ojdanic avait envoyé une lettre au général Wesley Clark ?

 27   R.  Oui, cette lettre fut envoyée après les négociations de la veille dont

 28   nous venons de parler. Nous avons suggéré au général Ojdanic de faire une

Page 10583

  1   dernière tentative, tentative de dernière minute, pour essayer de venir à

  2   bout de la situation en envoyant une lettre à Wesley Clark. Et c'est bien

  3   cette lettre que vous avez ici.

  4   Q.  Merci. Voici ce que dit dans un des paragraphes de la lettre le général

  5   Ojdanic : 

  6   "Les terroristes siptar considéreraient les bombardements éventuels comme

  7   étant un signal d'attaque de la population serbe qui reste au Kosovo-

  8   Metohija contre l'armée yougoslave et le MUP qui répondraient avec

  9   violence, ce qui entraînerait de nouvelles pertes inutiles et accroîtrait

 10   le conflit et les problèmes avec toutes les conséquences qu'on peut

 11   imaginer."

 12   Ici, quelle est la position adoptée par l'état-major principal, que dit

 13   Ojdanic s'agissant des conséquences que pourrait avoir un bombardement de

 14   l'OTAN ?

 15   R.  Quiconque réfléchit à la question, et les soldats notamment le

 16   savaient, savait que s'il y avait une attaque de l'OTAN, allait être

 17   engendré un climat des plus difficile et que ceux qui pouvaient étendre le

 18   conflit en trouveraient ainsi l'occasion, il y aurait de nouvelles

 19   provocations et l'armée et la police seraient ainsi forcées de réagir, ce

 20   qui allait entraîner des conséquences particulièrement graves. Ce qui s'est

 21   bien passé pendant cette malheureuse guerre.

 22   Ça ne fait pas l'ombre d'un doute ici, le général Ojdanic voulait demander

 23   au général Clark de faire valoir son influence une dernière fois et voulait

 24   le convaincre de la nécessité de trouver une solution politique plutôt que

 25   d'aller en guerre, parce qu'une guerre, c'est toujours la pire des

 26   solutions. Un conflit armé, c'est toujours la pire des solutions,

 27   Clausewitz a donné une définition que vous connaissez bien : la guerre,

 28   c'est la poursuite de la politique sans les moyens de celle-ci. On peut

Page 10584

  1   dire qu'ici la guerre avait vraiment compris les chances de la politique.

  2   Nous savons sur quoi tout ceci a débouché en fin de compte.

  3   Q.  Mais si nous gardons ce que vous venez de dire à l'esprit, nous pouvons

  4   lire le paragraphe suivant :

  5   "C'est un problème très compliqué, mais une solution ne pourra se

  6   trouver que par des moyens politiques."

  7   Est-ce que ceci souligne une fois de plus la voie qu'il faut prendre

  8   pour arriver à une solution ?

  9   R.  Mais tout à fait. Ça a toujours été l'avis de l'état-major principal,

 10   on a toujours pensé qu'il fallait trouver une solution politique, car

 11   c'était la seule véritable solution au problème. Tout autre scénario serait

 12   forcément extrêmement problématique. La guerre et ce qui a suivi cette

 13   guerre l'ont bien confirmé.

 14   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, Messieurs

 15   les Juges, je demande le versement de ce document au dossier.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est versé.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00526. Merci.

 18   M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on afficher la page D006-0239.

 19   Q.  Vous allez trouver ce document à l'intercalaire 14 dans votre classeur.

 20   Nous le voyons, c'est un document intitulé "Briefing numéro 2/99." Nous

 21   allons bientôt examiner ce document de plus près, mais auparavant,

 22   pourriez-vous nous expliquer de quel genre de documents il s'agit ? Qu'est-

 23   ce que c'était ce document qu'on appelait briefing numéro untel, ici 2/99 ?

 24   R.  Ce n'est pas, bien entendu, ici un document. C'est une mouture, c'est

 25   un projet de texte, un aide-mémoire dont je me suis servi en vue de la

 26   réunion d'information que j'ai tenue en ma qualité de chef du commandement

 27   Suprême, et c'est le titre que cette entité a porté lorsque la guerre a

 28   commencé. Et ceci a été établi à partir des renseignements reçus ce jour-

Page 10585

  1   là. Le service du Renseignement dont j'étais à la tête n'a cessé de fournir

  2   des faits en les complétant. C'est ainsi que j'ai toujours eu les

  3   informations les plus récentes.

  4   Ce n'est pas un document qui a été transmis à quelqu'un d'autre, qui

  5   aurait été enregistré ou inscrit nulle part. On ne peut même pas parler

  6   d'un document, en fait. Je reconnais que je suis quelque peu surpris de

  7   voir que ce document se retrouve ici en ce prétoire, car ce n'en est pas

  8   un, en vérité. Il y a des choses que j'ai biffées, d'autres que j'ai

  9   ajoutées. La situation était à un tel point tendue qu'il me fallait un

 10   aide-mémoire au moment de faire ma présentation au collège.

 11   En temps de paix, j'avais coutume de prendre quelques notes dans mon propre

 12   carnet de notes, mais pendant la guerre, ce sont des collègues qui ont

 13   préparé ce projet de texte à mon attention.

 14   M. STAMP : [interprétation] Précision. Je ne sais pas si j'ai bien entendu

 15   ce qui est dit à la page 57, ligne 3 du compte rendu d'audience. Ou plutôt

 16   à la ligne 2. "J'ai utilisé ceci pour mon briefing comme j'étais chef du

 17   commandement Suprême," il se décrit comme étant le chef du commandement

 18   Suprême. C'est peut-être important d'apporter cette précision, car je ne

 19   suis pas sûr que ce soit le témoin qui ait tenu ces propos-là exactement.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous allons tirer ceci au

 21   clair.

 22   Q.  Vous parliez de la finalité de ce briefing. A quoi vous servait-il, ce

 23   briefing, et quel poste occupiez-vous à l'époque ?

 24   R.  Au moment où la guerre a commencé, je l'ai dit auparavant, j'ai dit

 25   qu'en temps de paix, nous avions des réunions hebdomadaires du collège, et

 26   elles étaient quotidiennes, ces réunions, pendant la guerre, et elles

 27   avaient toujours lieu le soir. Ce n'était pas là des réunions ordinaires du

 28   genre de celles que le collège avait auparavant, même si c'était en général

Page 10586

  1   les mêmes personnes de l'état-major principal qui les composaient, ces

  2   personnes étant chargées d'analyser la situation. D'habitude, lors des

  3   réunions du collège, ces témoins qui intervenaient en premier lieu pour

  4   procéder à une transmission de l'information, j'informais les membres du

  5   collège de l'état des lieux dans la région, de l'évolution des forces, des

  6   plans de l'OTAN, et cetera, et après cela, nous analysions la situation

  7   dans l'armée et des mesures à prendre exactement.

  8   Q.  Merci. Mais est-ce que vous pourriez répondre de façon précise à la

  9   question de savoir quel était précisément le poste que vous occupiez à

 10   l'époque ?

 11   R.  En temps de paix, j'étais chef du service du Renseignement et je

 12   dépendais directement du chef de l'état-major principal. En temps de

 13   guerre, j'étais chef du service du Renseignement de l'état-major de guerre,

 14   et à ce moment-là, je me trouvais sous les ordres du chef du secteur chargé

 15   des opérations et de l'état-major. Donc je n'avais pas un lien direct avec

 16   le chef de l'état-major général qu'il y avait en temps de paix. C'est une

 17   particularité, mais ça a changé, parce qu'à ce moment-là la dotation

 18   organique du temps de guerre a changé. Mais c'était comme ça au début de la

 19   guerre.

 20   Q.  Je vous remercie. Je pense qu'ainsi les choses sont plus claires. Le

 21   compte rendu est plus clair.

 22   Le paragraphe 6 dit ceci :

 23   "Si ceci ne se produit pas, d'après ce que disent certains, il y aura des

 24   sanctions très rigoureuses contre la RFY, alors que d'autres disent qu'à ce

 25   moment-là on mettra en branle la troisième phase de l'opération, c'est-à-

 26   dire que les forces terrestres de l'OTAN vont pénétrer de force sur le

 27   territoire du Kosovo-Metohija."

 28   Nous avons ici comme date le mois de mars 1999. Vous verrez la date sur une

Page 10587

  1   des pages suivantes. Mais est-ce que là il y avait des indices suggérant

  2   qu'il y aurait peut-être une attaque terrestre de l'OTAN ?

  3   R.  Oui. Nous avions nos propres filières de renseignement, mais les médias

  4   en parlaient aussi. Ils parlaient de la possibilité qu'il y ait une attaque

  5   terrestre. Je vous ai dit que nous suivions de très près la venue des

  6   forces de l'OTAN en Macédoine. Nous avons procédé à une comparaison de tous

  7   les renseignements qui semblaient indiquer qu'il était possible d'avoir une

  8   intervention terrestre.

  9   Puis, au fur et à mesure que la guerre a progressé, l'OTAN a

 10   abandonné cette idée d'une attaque terrestre, cependant, il y avait des

 11   poussées au niveau de l'attente générale, ce qui nous a préoccupés et nous

 12   a poussés à prendre des mesures supplémentaires, mobilisation accrue et

 13   renforcement des effectifs, non seulement au Kosovo-Metohija, mais dans

 14   toute la République de la RFY.

 15   Q.  Merci.

 16   M. POPOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement

 17   du document.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est versé au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00527. Merci.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Est-il possible de voir le document D006-

 21   0272.

 22   Q.  C'est l'intercalaire 15 dans votre classeur, Général.

 23   M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à quelques

 24   minutes de l'heure habituelle de la deuxième pause. Il est peut-être

 25   préférable de ne pas se pencher sur ce document avant la pause, car j'ai

 26   pas mal de questions à poser.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Parfait. Nous allons faire la pause

 28   maintenant, mais, Maître Popovic, est-ce que vous respectez le délai prévu

Page 10588

  1   ?

  2   M. POPOVIC : [interprétation] Super. Monsieur le Président. Tout va très

  3   bien. Je ferai de mon mieux pour accélérer la cadence.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est très bien, parce que vous aviez

  5   dit que vous auriez besoin de deux heures pour procéder à l'interrogatoire

  6   du témoin.

  7   M. POPOVIC : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Je

  8   suppose que vous aurez reçu notre courrier électronique. Nous avons

  9   abandonné l'idée de citer d'autres témoins pour parler des mêmes sujets que

 10   celui dont parle le présent témoin. Nous allons essayer d'élaguer le nombre

 11   de témoins au maximum pour avoir le plus d'information possible avec le

 12   moins de témoins possible, ce qui veut dire que nous allons peut-être

 13   devoir prolonger l'interrogatoire principal de certains témoins. Or, ce

 14   témoin-ci relève de cette catégorie. Je m'en excuse par avance, mais je

 15   peux vous garantir que nous n'allons pas dépasser le temps général que vous

 16   avez octroyé à la Défense pour la présentation de ses moyens. Je peux vous

 17   assurer, au contraire, que nous aurons besoin de moins de temps que prévu.

 18   C'est pour ça que nous essayons de tirer le meilleur parti du nombre réduit

 19   de témoins que nous allons citer pour obtenir le plus d'information

 20   possible. De cette façon, il ne sera pas nécessaire d'appeler tous les

 21   témoins prévus au départ, et ceci devrait, en fin de compte, accélérer la

 22   procédure.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Mais la Chambre vous serait gré

 24   si au cours des jours à venir vous pouviez nous donner une estimation plus

 25   précise, nous dire quels seront les témoins que vous n'allez pas citer et

 26   nous donner une nouvelle estimation. C'est important car nous devons

 27   agencer le reste de la procédure, et si vous faites des modifications

 28   importantes, il faudra en tenir compte.

Page 10589

  1   Nous allons maintenant faire la pause, et nous reprendrons à 13 heures.

  2   [Le témoin quitte la barre]

  3   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

  4   --- L'audience est reprise à 13 heures 03.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic, vous avez la parole.

  7   M. POPOVIC : [interprétation] Merci.

  8   Q.  Général, revenons sur le document intitulé "Briefing numéro 6/99" du 28

  9   mars 1999. Au paragraphe 1, à la fin de ce paragraphe, on peut lire :

 10   "Tous les types d'aéronefs ont été utilisés dans les attaques, y compris

 11   sept avions B-52, 12 F-117, et pour la première fois, quatre aéronefs EC-

 12   130, ainsi qu'un nombre de A-10 Thunderbolts, qui n'a pas été déterminé."

 13   Que pouvez-vous nous dire au sujet de ces avions ?

 14   R.  Ils sont utilisés surtout pour émettre des messages de propagande.

 15   Q.  Qu'en est-il des aéronefs A-10 Thunderbolts, étaient-ils utilisés à des

 16   fins précises ?

 17   R.  Ces aéronefs servaient à fournir un soutien aux unités qui se

 18   trouvaient sur le terrain, plus précisément, ils sont utilisés pour

 19   combattre les véhicules blindés et des transporteurs blindés. Ces avions

 20   étaient équipés de munitions à uranium appauvri.

 21   Q.  Savez-vous si ce type de munitions a été utilisé sur le territoire du

 22   Kosovo, et si oui, que pouvez-vous nous dire sur le sujet ?

 23   R.  Ce type de munitions a effectivement été utilisé sur le territoire du

 24   Kosovo-Metohija ainsi qu'à travers le territoire de la République de

 25   Serbie. Sur le territoire du Kosovo, ce type de munitions a été utilisé à

 26   de nombreux endroits, surtout dans la région de Metohija entre les villes

 27   de Pec, Djakovica et Prizren. En dehors du territoire du Kosovo, les

 28   munitions ont été utilisées à cinq endroits différents dans la région de

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  1   Vranje. Ces régions ont été décontaminées et j'ai pris une part active à ce

  2   processus de concert avec le chef de l'état-major général. Il s'agissait

  3   donc de décontaminer le sol dans cinq zones.

  4   Q.  Vous dites que vous avez exercé les fonctions du chef de l'état-major

  5   général. A quel moment avez-vous occupé ce poste ?

  6   R.  J'ai occupé ce poste à partir de la moitié de 2002 jusqu'à la moitié de

  7   2005.

  8   Q.  Merci. Concentrons-nous maintenant sur le paragraphe 5 de ce document.

  9   Il est indiqué ce qui suit :

 10   "C'est la raison pour laquelle Clinton a organisé une réunion avec les

 11   membres du Conseil chargé de la sécurité nationale aujourd'hui et une

 12   réunion des experts de l'OTAN a été annoncée pour demain. Cette réunion

 13   doit se tenir demain à Londres, et souligne-t-on, des recommandations

 14   doivent être adoptées pour donner l'aval à une pénétration des forces sur

 15   le territoire du Kosovo-Metohija, si, selon leur évaluation, nos forces sur

 16   le territoire du Kosovo dépassent le chiffre de 50 et le nombre de réfugiés

 17   dépasse le chiffre de 500 000."

 18   Que pouvez-vous nous dire sur cette partie du texte ?

 19   R.  Il y a quelque chose qui s'est produit au début de la guerre. Il

 20   s'agissait de démontrer qu'une catastrophe humanitaire s'était produite

 21   dans la région et que c'est aux forces armées de la RFY, à l'armée et au

 22   MUP que la responsabilité en incombait. Il s'agissait de présenter la

 23   situation comme si le nombre de réfugiés dépassait 500 000. Et ceci

 24   représenterait une justification suffisante pour que les forces terrestres

 25   de l'OTAN pénètrent sur le territoire yougoslave. Ce n'est pas ainsi que

 26   les choses se sont déroulées. Mais au début de la guerre, de telles

 27   conjectures circulaient dans l'opinion publique.

 28   Q.  Merci. Et puisque vous avez parlé de différentes conjectures auxquelles

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  1   on se livrait à l'époque, étiez-vous au courant de l'existence d'une

  2   opération Fer à cheval, et si vous en savez quelque chose, qu'en savez-vous

  3   ?

  4   R.  Oui. Cela faisait partie des conjectures auxquelles on se livrait. Il

  5   s'agissait de faire croire au public que les forces yougoslaves agissaient

  6   en conformité avec une opération planifiée au préalable, et qui aurait été

  7   intitulée Fer à cheval, "potkova" en croate, "potkovica" en serbe. Donc il

  8   s'agissait d'affirmer que cette opération visait à accomplir un nettoyage

  9   ethnique de la population albanaise. Evidemment, une telle opération n'a

 10   jamais été envisagée ou n'a jamais été exécutée. Puis, au bout d'un certain

 11   moment, les médias ont abandonné leur récit sur cette opération alléguée.

 12   Nous avons entendu le général Clark déclarer qu'il allait disperser

 13   les rangs de l'armée yougoslave sous deux ou trois jours. Ceci ne s'est pas

 14   produit, et c'est alors qu'on a commencé à insister sur cette notion de

 15   catastrophe humanitaire. On a commencé à insister sur le nombre très

 16   important de réfugiés et sur l'existence d'une catastrophe humanitaire.

 17   Ceci devait justifier l'intervention de l'OTAN aux yeux de l'opinion

 18   publique mondiale. Cette catastrophe humanitaire devait servir de prétexte

 19   pour continuer les opérations de l'OTAN.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, je souhaite

 21   demander le versement au dossier de ce document.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00528, Messieurs les

 24   Juges.

 25   M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on afficher le document D006-0383, s'il

 26   vous plaît, c'est un document de la Défense. Je pense qu'il s'agit d'une

 27   erreur dans le compte rendu d'audience. La cote du document, c'est D006-

 28   0383. Voilà, c'est le document qu'il nous faut.

Page 10592

  1   Q.  Général, très brièvement, que pouvez-vous nous dire sur ce document ?

  2   Il s'agit d'un document du 30 mars 1999, un avertissement quant aux mesures

  3   à prendre. Au paragraphe 2, il est indiqué :

  4   "Les personnes chargées de la planification au sein de l'OTAN espèrent

  5   obtenir de bons résultats, puisque les Siptar disposent de 200 marqueurs de

  6   cibles laser. Ils vont assurer les transmissions avec les officiers de

  7   l'OTAN grâce aux téléphones portables laissés derrière par les

  8   vérificateurs lors de leur repli du territoire du Kosovo-Metohija."

  9   Que pouvez-vous nous dire sur ces liens qui existaient entre les

 10   officiers de l'OTAN, les vérificateurs, et j'aimerais entendre vos

 11   commentaires sur le reste de ce texte ?

 12   R.  Il s'agit d'un élément d'information issu du commandant du Corps de

 13   Pristina, et par ailleurs, nous disposions des éléments de renseignement

 14   qui le confirmaient, à savoir que de tels liens existaient pendant toute la

 15   durée de la guerre.

 16   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, je souhaite

 17   demander le versement de ce document au dossier.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 20   D00529.

 21   M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut avoir la pièce D006-

 22   0267, s'il vous plaît.

 23   Q.  C'est à l'intercalaire numéro 17 dans votre classeur, Général. Il

 24   s'agit d'une note d'information d'un briefing 10/99, et ce qui m'intéresse,

 25   c'est le paragraphe qui stipule que l'OTAN, le 29 mars, a changé ses

 26   intentions vis-à-vis des forces de Macédoine, avec 15 000 soldats qui ne

 27   sont plus en place à des fins de maintien de la paix, mais à des fins de

 28   combat.

Page 10593

  1   Est-ce que l'on pourrait avoir vos commentaires.

  2   R.  Eh bien, c'est ce que je disais précédemment, à savoir que le général

  3   Clark avait pour intention de résoudre la situation en l'espace de deux ou

  4   trois jours pour que les forces entrent au Kosovo en tant que forces de

  5   maintien de la paix, dans le cadre d'un accord de paix. Etant donné que ça

  6   n'a pas fonctionné, ces forces se sont transformées en forces de combat,

  7   avec du matériel, de l'armement et une composition qui signifiait qu'il

  8   s'agissait vraiment de forces de combat, d'après les renseignements dont

  9   nous disposions.

 10   Q.  Merci.

 11   M. POPOVIC : [interprétation] Pourrait-on regarder au dernier paragraphe de

 12   la version B/C/S et à la page suivante pour la version en anglais.

 13   Q.  Il est mentionné :

 14   "En parallèle avec la poursuite de l'opération aérienne et les

 15   préparations pour organiser une opération terrestre. Il y a un état de

 16   préparation visible en augmentation au sein des pays occidentaux pour

 17   mettre fin à l'agression. Il s'agit de la possibilité la plus envisageable,

 18   la plus favorable. De plus, un nombre important de pays, un nombre

 19   grandissant de pays se sont proposés pour assurer une médiation afin de

 20   trouver une solution pour relancer les négociations."

 21   Maintenant, par rapport à ce paragraphe et celui que je viens de vous

 22   lire, et en gardant à l'esprit le fait que vous avez déjà dit ceci dans

 23   votre déposition, est-ce que ces initiatives en matière de médiation

 24   pourraient être comprises dans ce contexte au vue du paragraphe que je

 25   viens de vous lire ?

 26   R.  Oui, tout à fait. Juste avant le début de la guerre, j'avais des

 27   contacts avec des représentants italiens, américains et allemands, des

 28   représentants diplomatiques, il s'entend, et l'objectif était d'exercer

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  1   autant d'influence que possible pour éviter que la guerre ne se déclare.

  2   Ils étaient tout à fait compréhensifs, mais les réactions en fait sont

  3   arrivées un peu trop tard, et la situation n'était plus contrôlable. Par

  4   conséquent, une solution pacifique n'était plus viable à ce stade, et c'est

  5   ce jour-là que l'attaché militaire italien est venu me voir et a transmis

  6   un message de la part du gouvernement italien, mais probablement également

  7   de l'OTAN en tant qu'organisation, et l'opinion générale était qu'une

  8   solution pacifique devait quand même essayer d'être atteinte.

  9   Bien sûr, j'ai transmis ce message aux autorités idoines. Malheureusement,

 10   la situation a empiré et une solution de ce type n'a pas été trouvée. Nous

 11   avons eu des contacts avec d'autres médiateurs, notamment britanniques, ces

 12   médiateurs souhaitaient également trouver une solution pacifique. Les

 13   Etats-Unis ont envoyé également plusieurs personnes afin de trouver une

 14   solution. Il y a eu des envoyés italiens et allemands également, mais

 15   malheureusement, aucune de ces initiatives n'ont vraiment porté leur fruit.

 16   M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais verser cette pièce au dossier,

 17   Messieurs les Juges.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00530, Messieurs les

 20   Juges.

 21   M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait avoir la pièce de la

 22   Défense portant la cote 007-0143, s'il vous plaît. 007-4143. Oui, je l'ai

 23   trouvé.

 24   Q.  Oui, il s'agit du bon document, Général, qui est à l'intercalaire

 25   numéro 18 dans votre classeur. Information numéro 22 du 31 mars 1999.

 26   Rapidement, ma question porte sur le paragraphe 3. "Les bombardiers B-1B

 27   dont l'arrivée dans la région a été annoncée, ils utiliseront des bombes à

 28   fragmentation contre les unités mécanisées armées ainsi que des fusées

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  1   infrarouges." Est-ce que ceci s'est avéré exact ?

  2   R.  Oui, ils n'ont pas uniquement attaqué les unités mécanisées, mais

  3   également d'autres cibles. Ce type de bombe a été utilisé, et d'ailleurs,

  4   il y a des bombes à fragmentation dont les restes n'ont pas encore été

  5   éliminés à ce jour.

  6   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Messieurs les Juges, j'aimerais verser

  7   également cette pièce au dossier.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D00531, Messieurs

 10   les Juges.

 11   M. POPOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, à ce stade, j'aurais

 12   utilisé dans le cadre de l'interrogatoire principal un document qui n'est

 13   pas sur la liste 65 ter fournie par la Défense. Nous avons fourni au

 14   Procureur ce document hier, et ce document figure sur le prétoire

 15   électronique, mais nous avons fait une recherche et c'est ainsi que nous

 16   avons obtenu ce document et nous pensons que ce serait utile, ce document.

 17   Il s'agit du document de la liste 65 ter 1974. C'est un rapport de BBC news

 18   du 1er avril 1999. Si vous pensez que nous pouvons utiliser ce document de

 19   cette manière, et s'il n'y a pas d'objection de la part de l'Accusation,

 20   j'aimerais poursuivre mon interrogatoire principal et poser des questions

 21   au témoin concernant ce document.

 22   M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez, Maître Popovic.

 24   M. POPOVIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Général, il s'agit du document numéro 21 dans votre classeur. C'est un

 26   article de presse qui a été diffusé sur le site internet de BBC news à

 27   l'issue d'une conférence de presse organisée par le ministère de la Défense

 28   britannique ainsi que le ministre des Affaires étrangères, M. Robin Cook,

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  1   et le général John Drewienkiewicz, qui est l'ancien chef de la Mission de

  2   vérification du Kosovo de l'OSCE. Etant donné que ce document est en

  3   anglais et que nous n'avons pas de traduction en serbe, le général

  4   Drewienkiewicz parle de l'expulsion et des pillages au Kosovo. Il s'agit de

  5   la fin mars. Avant de poser ma question, Messieurs les Juges, il s'agit de

  6   la pièce D011-2268. Oui, c'est bien ça. Donc, D011-2268 [comme interprété].

  7   Il s'agit d'articles qui ont été publiés sur Internet. Quelle valeur

  8   attachez-vous à ces documents ?

  9   R.  Il serait normal que des conférences de presse du ministre de la

 10   Défense ou du ministre des Affaires étrangères, ou d'un haut responsable

 11   militaire d'un pays étranger soient considérées comme étant importantes.

 12   Cependant, il y a eu des occasions, il y avait des rumeurs sur 100 000

 13   personnes qui seraient décédées et des milliers et des milliers de

 14   réfugiés, de personnes qui auraient été violées, et ce n'était pas du tout

 15   la réalité. Cela signifie que ces conférences de presse, au lieu d'avoir

 16   été prises au sérieux, étaient en général considérées comme des

 17   informations que nous devions également vérifier. Très souvent, nous nous

 18   sommes rendu compte que des données erronées et de fausses vérités étaient

 19   diffusées par le biais de ces conférences de presse. Malheureusement,

 20   c'était une situation telle que celle-ci, et nous ne pensions pas que

 21   quelqu'un à un si haut niveau fournisse des données erronées et inexactes

 22   et non des informations qui semblaient présenter des informations de

 23   manière exagérée parce que des intentions cachées existaient.

 24   Q.  Dans votre déposition et dans les documents que nous avons versés

 25   jusqu'à présent au dossier, on voit que les médias pouvaient être

 26   manipulés. Est-ce que vous pourriez rapidement nous dire pourquoi vous

 27   aviez considéré ces informations avec beaucoup de bémol et vous pensiez

 28   qu'elles n'étaient pas fiables, et que vous deviez donc vérifier ou

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  1   corroborer ces informations ?

  2   R.  Eh bien, j'ai mentionné déjà dans ma déposition le problème de Racak et

  3   le fait qu'il s'agissait soi-disant d'une catastrophe humanitaire, alors

  4   qu'en fait, ce n'était pas le cas. Il n'y avait pas énormément de réfugiés

  5   durant cette période. C'était donc évident que l'objectif de ces

  6   déclarations était de justifier ce qui se faisait sur le terrain, et ceci,

  7   à l'attention de l'opinion publique internationale. Je ne peux pas, bien

  8   sûr, prétendre que ceci était réalisé sciemment, avec comme intention

  9   d'induire l'opinion publique, le grand public, de manière générale, en

 10   erreur. Mais il est évident que l'opinion publique se fourvoyait en

 11   entendant ces faits relatés ainsi sur ce qui se passait sur le terrain. Et

 12   ceci allait à l'encontre d'une résolution de la crise puisqu'en fait, le

 13   conflit ne faisait que s'envenimer. Et s'il y avait des éléments de vérité

 14   dans certaines déclarations, nous ne les prenions pas vraiment au sérieux.

 15   Et je pense que les représentants des pays étrangers auraient pu résoudre

 16   la situation d'une autre manière dans ce contexte, et auraient pu en fait

 17   transmettre des informations par le biais des voies officielles. Ces

 18   informations auraient pu nous permettre de modifier notre manière de nous

 19   comporter. Ceci a été admis. Et en fait, il s'agissait purement et

 20   simplement d'informations issues des médias qui ont déclenché certaines

 21   mesures de notre part.

 22   M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander le

 23   versement de ce document.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé au dossier.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00532.

 26   M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on afficher le document D006-0279.

 27   Q.  Ça se trouve chez vous dans votre classeur à l'intercalaire 22.

 28   Briefing 14/99, date 1e avril 1999. Au paragraphe premier, voici ce qui est

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  1   dit :

  2   "L'attaque du pont de Novi Sad a allongé la liste des cibles qui

  3   maintenant prennent des commerces, des installations industrielles,

  4   notamment maintenant on est passé à des infrastructures civiles. C'est

  5   ainsi que l'agresseur a commencé sa campagne de rétribution et de

  6   représailles, et il lui sera de plus en plus difficile de justifier aux

  7   yeux de l'opinion publique internationale cette campagne ultérieure."

  8   Un commentaire ?

  9   R.  Ceci cadre bien avec ce que j'ai dit auparavant. En l'espace de deux ou

 10   trois jours, l'OTAN n'a pas réussi à écraser tout à fait nos forces, ce

 11   qu'elle avait pourtant prévu. C'est ainsi qu'elle a allongé la liste des

 12   cibles qu'elle avait prises et elle a commencé des frappes sur des

 13   installations civiles loin du Kosovo-Metohija, à Belgrade, à Novi Sad et

 14   dans d'autres villes. Et étant donné qu'il n'y avait aucune logique

 15   militaire à ces actions, ça a été compris comme étant des actions de

 16   représailles.

 17   M. POPOVIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

 18   Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé au dossier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00533.

 21   M. POPOVIC : [interprétation] Merci. D006-0270.

 22   Q.  Chez vous, ça se trouve à l'intercalaire 23. Nous avons ici le rapport

 23   numéro 37 en date du 3 avril 1999. Il dit ceci :

 24   "Selon des indices, l'OTAN planifie une terrorisation de la

 25   population civile au travers de frappes aériennes, pour provoquer ainsi un

 26   exode massif au cours des sept à dix jours qui viennent, vers le centre de

 27   la Serbie. Et puis, il est ajouté qu'après cela, l'armée ou des unités de

 28   la VJ et une petite partie de la population, ce sera tout ce qui va rester

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  1   au Kosovo-Metohija, ce qui leur permettra d'avoir des forces aériennes

  2   décisives à l'aide d'agents chimiques pour totalement détruire les unités

  3   qui se trouvent pour le moment dans la région."

  4   Un commentaire ?

  5   R.  Nous avons reçu ce rapport du terrain, entre autres des informations et

  6   des renseignements avaient été recueillis qui semblaient conforter l'idée

  7   de ce scénario. Mais nous savons que ça ne s'est pas passé en réalité. Nous

  8   le savons aujourd'hui. Cependant, c'était sans aucun doute l'une des

  9   options qu'il était possible d'envisager. Elle consistait à séparer les

 10   civils de nos unités, faisant de nos unités une cible plus facile. A ce

 11   moment-là, il serait plus facile d'être attaqués avec toutes sortes

 12   d'armements.

 13   Q.  Dernier paragraphe :

 14   "A l'aide de sources confidentielles, des services du Renseignement

 15   occidentaux répandent des informations parmi la diaspora des Siptars pour

 16   dire que l'OTAN, sous 24 ou 48 heures, va lancer une campagne de

 17   bombardement aveugle au Kosovo-Metohija pour rayer le Kosovo de la carte."

 18   R.  Sans doute que ceci avait pour objectif d'intimider nos unités ou de

 19   provoquer le genre de réactions souhaitées.

 20   M. POPOVIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

 21   Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00534.

 24   M. POPOVIC : [interprétation] D006-0281, ce sera le prochain document que

 25   je vais demander d'afficher.

 26   Q.  Intercalaire 24 dans votre classeur, Général. Il s'agit du briefing

 27   numéro 19/99. Nous sommes là au mois d'avril 1999, plus exactement le 3

 28   avril. Prenons sans plus tarder la page 2, c'est la même dans les deux

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  1   versions, conclusions et propositions. Je lis :

  2   "Etant donné les dégâts que l'agresseur risque d'infliger et étant

  3   donné que l'agresseur se livre à toutes sortes d'expérimentations et essaie

  4   de laisser libre cours à ses frustrations, j'estime qu'il est dans notre

  5   intérêt de lancer aussi vite que possible une initiative diplomatique.

  6   "1. Pour éviter d'être diabolisés dans les médias, je propose que nos

  7   organes chargés de la surveillance des frontières organisent des lieux de

  8   réception pour les réfugiés Siptar."

  9   Un commentaire ?

 10   R.  Je vous ai toujours dit que nous avions privilégié l'initiative

 11   diplomatique. Mais pour ce qui est de cette initiative qui consiste à

 12   prévoir des lieux d'accueil sur la frontière pour les réfugiés, nous avions

 13   constaté et inscrit le nom des personnes partant de la République fédérale

 14   et qui revenaient, qui tournaient en rond finalement. Et nous nous sommes

 15   dit qu'il serait utile et préférable que l'armée, nos autorités en général,

 16   organisent des lieux d'accueil, de réception, et permettent aux gens qui

 17   voulaient rentrer de se rendre là où ces personnes voulaient aller et pour

 18   veiller à ce qu'il y ait une couverture médiatique pour que le monde entier

 19   puisse voir que non seulement nous ne chassions pas ces personnes, mais

 20   qu'en plus, nous leur permettions un retour chez eux.

 21   Ce n'était pas quelque chose qui était mis en scène, ce n'était pas

 22   de façon à piéger ou à leurrer les médias. C'était une tentative sincère

 23   d'essayer de venir à bout d'un problème qui était devenu manifeste à cette

 24   date-là. Nous voulions essayer de permettre à ces personnes de rentrer et

 25   de les accueillir.

 26   Q.  Merci.

 27   M. POPOVIC : [interprétation] Je vais demander le versement de ce document.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé au dossier.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00535.

  2   M. POPOVIC : [interprétation] D008-3650.

  3   Q.  Il s'agit ici du briefing numéro 21/99. Au paragraphe numéro 2 :

  4   "Manipulations en ce qui concerne le déplacement des effectifs de

  5   l'OTAN de l'Albanie, à hauteur de 6 000 hommes qui pourraient participer à

  6   une mission de maintien de la paix permettant de créer les conditions

  7   nécessaires au retour des réfugiés siptar dans le cadre de ce qui est

  8   appelé une opération humanitaire. Il faut voir ceci en rapport avec

  9   l'existence de plans destinés à la conduite d'une opération graduelle. Des

 10   extrémistes siptar venant de l'Albanie, selon certaines sources, devraient

 11   entrer au Kosovo-Metohija et créer des conditions permettant l'introduction

 12   de forces terrestres. Apparemment, ceci est fait dans le cadre d'un plan

 13   visant à séparer la population des unités de la VJ qui deviennent ainsi des

 14   cibles très dégagées permettant l'attaque de l'agresseur."

 15   Nous sommes ici le 4 avril. Quels étaient les renseignements dont

 16   vous disposiez à cette date, le 4 avril, permettant de confirmer ces

 17   renseignements ?

 18   R.  Nous avons déjà dit plusieurs fois qu'il n'y a pas eu, à cette

 19   époque, d'offensive terrestre, mais il y a eu, à certains égards, ce qu'on

 20   pourrait qualifier d'opération terrestre. Elle a été menée par des

 21   extrémistes albanais, ils venaient d'Albanie. C'est sur l'axe de Kosara

 22   qu'elle s'est déroulée et elle a duré plus d'un mois. Mais comme elle n'a

 23   pas abouti, une autre tentative a été déployée qui, elle, a pris l'axe de

 24   Morina. C'était une opération d'envergure avec la participation

 25   d'extrémistes venus d'Albanie.

 26   Nous avons compris que l'objectif de cette opération, c'était de

 27   lancer une attaque terrestre pour repousser nos forces et les faire quitter

 28   la région. A ce moment-là, on inviterait les forces de l'OTAN à occuper les

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  1   lieux dans le cadre d'une mission de maintien de la paix.

  2   M. POPOVIC : [interprétation] Page suivante en B/C/S, en anglais aussi.

  3   C'est le paragraphe 5 qui nous intéresse en anglais, propositions, premier

  4   point.

  5   Q.  "Réfuter l'allégation utilisée en Occident selon laquelle il y a un

  6   désastre humanitaire qui devrait justifier l'agression et l'opération

  7   terrestre."

  8   Est-ce que vous aviez des renseignements permettant de confirmer ces

  9   allégations, et pourquoi disait-on qu'il y avait une catastrophe

 10   humanitaire ?

 11   R.  Nombreux ont été les rapports qui alléguaient qu'il y avait une

 12   catastrophe humanitaire qui demandait qu'il y ait dès lors des frappes

 13   aériennes. Mais on n'excluait toujours pas l'idée d'une opération terrestre

 14   à l'époque. Nous avons estimé que si l'on insistait sur l'idée d'une

 15   catastrophe humanitaire, c'était bien pour cette raison-là. Nous proposons

 16   donc ici l'idée qu'il faut faire comprendre la vérité, à l'intérieur du

 17   pays comme à l'étranger, que s'il y a eu une catastrophe humanitaire, ce

 18   n'est pas du tout à cause de nous, mais c'est à cause de la guerre qui a

 19   frappé tout le pays, dont la capitale, Belgrade. Et il fallait dire que nos

 20   familles, parfois, devenaient des réfugiés aussi, parce qu'il leur fallait

 21   quelquefois quitter leurs domiciles, leurs foyers, comme ont dû le faire

 22   bon nombre de citoyens. Chacun d'entre nous, nous sommes tous devenus des

 23   cibles et on pourrait dire que chacun d'entre nous a été victime d'une

 24   tragédie, d'un problème humanitaire.

 25   M. POPOVIC : [interprétation] Page suivante en B/C/S et en anglais. C'est

 26   un projet de communiqué de presse.

 27   Q.  Nous allons nous intéresser au premier paragraphe, qui dit ceci :

 28   "L'armée de Yougoslavie ne se livre aucunement à du nettoyage ethnique,

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  1   elle ne fait que répondre à des provocations terroristes. Comme maintenant

  2   les terroristes ont dû mettre genoux à terre, l'armée yougoslave a arrêté

  3   ces activités et maintenant se concentre sur la préparation à sa défense

  4   contre l'agression et le déploiement des forces terrestres, ce qui est une

  5   menace quotidienne. Lorsque ces menaces disparaîtront, à ce moment-là, les

  6   unités rentreront dans leurs garnisons qu'elles ont en temps de paix et

  7   seront réduites quant au niveau des effectifs."

  8   Est-ce que c'était bien la position de l'armée et est-ce que ceci

  9   explique la situation actuelle ?

 10   R.  Oui, effectivement, on se disait qu'il fallait cesser ces activités le

 11   plus vite possible, que nos effectifs rentrent dans leurs garnisons et

 12   qu'il y ait des effectifs semblables à ceux qu'on avait en temps de paix.

 13   La mobilisation supplémentaire n'avait fait plaisir à personne. Il a fallu

 14   faire des choses aussi qui étaient à cause de la menace accrue.

 15   Nous voulions faire passer ce message si nous voulions dire comment

 16   nous voulions voir la situation évoluer.

 17   Q.  Il y a une autre phrase importante, c'est la dernière du paragraphe 2.

 18   Dans ce paragraphe, il est indiqué :

 19   "Nous avions une position claire vis-à-vis des réfugiés, rentrez

 20   chez-vous."

 21   Etait-ce bien la position adoptée par l'état-major général de l'armée

 22   yougoslave ?

 23   R.  Oui, absolument. Nous souhaitions le retour des réfugiés chez eux. Nous

 24   savions pertinemment que s'ils restaient dans les prés ou sur les routes,

 25   ce serait nous qui serions tenus responsables de leur destin. Donc, pour

 26   nous, la meilleure solution c'était qu'ils reviennent chez eux, ôtant ainsi

 27   tout prétexte à l'OTAN de poursuivre sa campagne de bombardement.

 28   M. POPOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le

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  1   versement au dossier de ce document.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00536.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic, nous avons déjà

  5   dépassé de cinq minutes nos heures de travail. Il est donc indispensable de

  6   lever la séance. Nous reprenons nos débats demain à 9 heures.

  7   --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mardi 2

  8   février 2010, à 9 heures 00.

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