Page 11331
1 Le lundi 15 février 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
5 [Le témoin vient à la barre]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
7 Veuillez, je vous prie, nous donner lecture de la déclaration solennelle
8 qui vous est montrée maintenant.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 LE TÉMOIN : MILOS DOSAN [Assermenté]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie, veuillez prendre
14 place.
15 Me Popovic a quelques questions à vous poser.
16 M. POPOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Interrogatoire principal par M. Popovic :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
19 R. Bonjour.
20 Q. Monsieur Dosan, avant que je ne vous pose des questions, j'aimerais
21 vous demander, étant donné que nous parlons la même langue, je vous
22 demanderais d'avoir l'amabilité de bien vouloir ménager des temps d'arrêt
23 entre les questions et les réponses pour que les interprètes puissent faire
24 leur travail. Je vous demanderais également de bien vouloir ne pas parler
25 trop vite, pour que les interprètes puissent faire leur métier.
26 Est-ce que vous pourriez décliner votre nom et prénom, je vous prie.
27 R. Milos Dosan.
28 Q. Quelle est votre date de naissance et votre lieu de naissance ?
Page 11332
1 R. Je suis né le 28 février 1949 à Bistrica, dans la municipalité de Zepce
2 en Bosnie-Herzégovine.
3 Q. Avez-vous jamais témoigné devant ce Tribunal le 19, 20, 25 et 26
4 octobre 2005 dans l'affaire Milosevic ?
5 R. Oui, oui, tout à fait.
6 Q. Et pendant la séance de récolement qui a précédé votre déposition
7 d'aujourd'hui, avez-vous eu la possibilité de lire tout ce que vous aviez
8 déclaré lors de cette déposition précédente ?
9 R. Oui, oui, j'ai eu cette possibilité.
10 Q. Et si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui, est-ce que
11 vous fourniriez les mêmes réponses ?
12 R. Oui, tout à fait.
13 Q. Je vous remercie, Monsieur Dosan.
14 M. POPOVIC : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
15 dossier du compte rendu d'audience de la déposition de M. Dosan, qui figure
16 sous la cote 65 ter 1662. Il y a également une version sous pli scellé,
17 D011-2350.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons d'abord
19 verser au dossier le compte rendu d'audience sous pli scellé.
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela deviendra la pièce D00683.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis la version expurgée.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ceci deviendra la pièce D00684.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
24 M. POPOVIC : [interprétation] Je vais vous donner lecture du résumé pour M.
25 Milos Dosan. Pendant la période en question, à savoir la période comprise
26 entre le 15 juillet 1998 et la fin de la guerre en 1999, le témoin a
27 commandé la 52e Brigade de roquettes d'artillerie de la défense
28 antiaérienne de l'armée de Yougoslavie, et parallèlement, il commandait la
Page 11333
1 garnison de Djakovica. Pendant cette déposition, le témoin va nous
2 expliquer quelles étaient ses responsabilités en tant que commandant de
3 brigade, et il nous expliquera quelles étaient ses responsabilités en tant
4 que commandant de garnison, et ce, en 1998 et 1999. Il nous parlera
5 également de sa participation lors de réunions qui ont été organisées pour
6 assurer la protection de la ville de Djakovica, et à ces réunions étaient
7 présents des représentants du MUP et des autorités civiles.
8 Le témoin nous expliquera les combats menés à bien par son unité, les
9 tâches de son unité, et ce, dans la zone du Kosovo-Metohija. Il nous
10 parlera de la zone de responsabilité de son unité, des armes qu'ils avaient
11 à leur disposition, et du fait que son unité était engagée, ou a combattu
12 ou a assuré la défense antiaérienne du Kosovo-Metohija. Il nous parlera de
13 ses contacts avec les vérificateurs de l'OSCE ainsi que des inspections
14 d'armes effectuées par les vérificateurs dans son unité.
15 Le témoin nous parlera également des actes de terrorisme commis par l'UCK
16 en 1998 et 1999. Il parlera des attaques quasiment quotidiennes de la part
17 de ces forces terroristes, notamment contre les villages qui se trouvaient
18 le long de la route qui reliait Djakovica à Decani, ainsi qu'à Djakovica à
19 proprement parler. Il nous fournira également une explication des missions
20 bien précises, des tâches, des objectifs et des combats de sa brigade, et
21 ce, pendant l'année 1999.
22 Le témoin confirmera que son unité ne s'est jamais vu attribuer de
23 tâches qui auraient exigé de leur part une expulsion de la population
24 civile. D'ailleurs, il n'a jamais mise en œuvre ce type de tâches. Il nous
25 parlera des activités de son unité, il nous indiquera comment ils ont
26 fourni des logements, comment ils se sont occupés de la population civile,
27 et comment ils ont apporté des soins à la population civile.
28 Le témoin fera également état des mesures qui ont été prises afin de
Page 11334
1 s'acquitter de toutes les obligations nécessaires conformément aux droits
2 de la guerre ou aux droits internationaux humanitaires ainsi que les
3 mesures qui ont été prises à l'encontre des membres de l'armée de
4 Yougoslavie qui avaient enfreint ces règles.
5 Le témoin fera également référence au 24 mars comme étant le premier
6 jour du bombardement, date qui est également citée dans l'acte
7 d'accusation. Il parlera du fait que la mosquée et la bibliothèque de
8 Djakovica ont été touchées. Il nous parlera du mois d'avril 1999 et du fait
9 qu'il n'était absolument pas au courant d'événements qui se seraient
10 déroulés dans la localité de Cerim et qu'il n'y a absolument aucun indice
11 indiquant que des membres de la VJ avaient participé à ces crimes, et qu'il
12 n'avait pas non plus d'indices indiquant que les membres du MUP avait
13 participé à ces crimes.
14 Le témoin fera également référence au 14 avril 1999, le massacre qui
15 s'est produit lorsque la colonne de réfugiés se déplaçait vers Meja et
16 qu'elle a été touchée par l'aviation le 20 avril 1999. Il fera également
17 référence au 20 avril 1999 ainsi qu'au nombre de victimes parmi les civils
18 dans le camp de réfugiés, nombre de sévices provoqués par l'agression de
19 l'OTAN.
20 Le témoin relatera les événements ou fera référence aux événements
21 des 27 et 28 avril 1999. Il s'agit de dates qui figurent à l'acte
22 d'accusation et qui correspondent aux journées des opérations menées à bien
23 à Korenica et Meja. Il indiquera comment une partie de son unité était
24 engagée précisément au niveau de la ligne du blocus afin d'empêcher les
25 terroristes de l'UCK d'approcher la ville de Djakovica, et à leur retour,
26 au retour de cette unité, il a été informé qu'il n'avait pas eu de contact
27 avec les terroristes. Il confirmera qu'il n'a pas reçu d'information ou de
28 rapport relatif à des crimes qui auraient été commis lors de cette
Page 11335
1 opération.
2 Pendant sa déposition, le témoin fera également des observations à
3 propos de la déclaration Nike Peraj, et nous précisera les décalages, les
4 inexactitudes et mensonges évidents qui figurent dans la déclaration de ce
5 témoin. Etant donné que le témoin a été déployé à Djakovica, il pourra
6 témoigner à propos des événements qui se sont déroulés pendant cette
7 période, pendant la période pertinente à l'acte d'accusation dans cette
8 ville, notamment pour ce qui est des événements qui ont un lien direct avec
9 la campagne de l'OTAN.
10 J'en ai terminé avec le résumé de la déposition de M. Dosan.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, Maître
12 Popovic, je dois vous dire qu'il y a quelque chose qui m'inquiète un tant
13 soit peu. Je crains que cela n'ait les mêmes conséquences que dans le cas
14 des témoins précédents. Vous avez versé au dossier, en demandant notre
15 aval, les éléments de preuve présentés par ce témoin, mais qui figurent
16 dans un compte rendu d'audience qui est plutôt volumineux. Ensuite, vous
17 avez présenté un résumé de ce qui avait été dit par ce témoin, et je pense
18 que vous avez l'intention en fait de poser des questions directrices au
19 témoin lors de l'interrogatoire principal, et je suppose que vous avez
20 prévu de lui poser des questions directrices et méticuleuses.
21 Mais le fait est que lorsque vous présentez un compte rendu
22 d'audience dans lequel se trouvent des moyens de preuve, vous avez non
23 besoin de procéder à un interrogatoire principal détaillé. L'interrogatoire
24 principal ne sert que pour mettre en exergue certains éléments essentiels
25 ou pour corriger certains malentendus ou certaines erreurs.
26 Cela fait maintenant quatre semaines que nous entendons la
27 présentation des moyens à décharge, et la semaine dernière, nous avions
28 attiré votre attention sur ce fait, nous réitérons cela maintenant. Car je
Page 11336
1 pense que ce n'est pas faire un usage intelligent de notre temps, car vous
2 allez avoir un témoin qui va passer des heures, puisque vous avez estimé
3 l'interrogatoire à quatre heures, qui va passer quatre heures, disais-je,
4 pour se pencher sur des éléments qui figurent déjà dans compte rendu
5 d'audience. Alors bien entendu, nous voulons donner une certain marge de
6 manœuvre à la Défense, certes, mais nous devons quand même vous demander de
7 faire preuve d'une plus grande discipline pour ce qui est de l'utilisation
8 de votre temps, de telle sorte que nous puissions nous concentrer sur les
9 éléments essentiels et les éléments qui ont une pertinence importante lors
10 de l'interrogatoire principal, notamment lorsque le principal élément de
11 preuve du témoin est reçu sous forme d'un compte rendu d'audience.
12 Donc ne l'oubliez pas, ne l'oubliez pas pour ce témoin, et ne
13 l'oubliez pas non plus pour les témoins suivants.
14 M. POPOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Quoi
15 qu'il en soit, la Défense ne va pas perdre de vue cela. Mais j'ai dit au
16 début de l'audience d'aujourd'hui que le témoin avait témoigné pendant cinq
17 jours dans l'affaire Milosevic, et nous n'allons absolument pas nous
18 rapprocher de cet horaire. Nous allons utiliser beaucoup moins de temps.
19 Nous allons poser des questions au témoin de façon tout à fait différente à
20 la façon dont les questions lui avaient été posées dans l'affaire
21 Milosevic. Il y a un certain nombre de documents également qui seront
22 présentés au témoin pendant sa déposition. Ainsi, nous allons essayer
23 d'expliquer certains faits à la Chambre, nous espérons en fait que vous le
24 comprendrez, cela. Et nous allons, bien entendu, essayer d'obtempérer à vos
25 consignes pleinement.
26 Q. Monsieur Dosan, jusqu'à quand étiez-vous membre de la VJ, si tant est
27 que vous ayez été membre de la VJ ?
28 R. Oui, oui, j'ai été membre de la VJ à partir du 12 septembre 1970
Page 11337
1 jusqu'au 31 décembre 2001.
2 Q. Je vous remercie. Le 31 décembre 2001, est-ce que c'est la date à
3 laquelle vous êtes parti à la retraite ?
4 R. Oui.
5 Q. Et quel était votre grade à ce moment-là ?
6 R. J'étais général de division.
7 Q. Brièvement, Monsieur, pourriez-vous nous expliquer quels ont été vos
8 grades au sein de la VJ et précédemment au sein de la JNA ?
9 R. Oui, tout à fait. J'ai été commandant de section, commandant de
10 batterie, commandant de bataillon d'artillerie, commandant de régiment, ou
11 plutôt commandant de bataillon de régiment de roquettes. J'ai été ensuite
12 commandant de la défense antiaérienne, ou plutôt commandant de la brigade
13 antiaérienne ou de la défense. J'ai également été commandant des unités de
14 roquettes auprès de l'état-major général de l'armée de la Yougoslavie, chef
15 de la commission pour le contrôle de la mise en œuvre du protocole relatif
16 au contrôle des armements, conformément à la Résolution numéro 1244 du
17 Conseil de sécurité.
18 Q. Pourriez-vous répétez, je vous prie, Général, la dernière partie de
19 votre réponse.
20 R. J'étais chef de la commission dont l'objectif était de contrôler la
21 mise en œuvre du contrôle des armements conformément à la Résolution 1244
22 du Conseil de sécurité. Et après cela, j'ai été chef de l'inspection du
23 service militaire, du service des appelés au sein de l'état-major général
24 de l'armée de Yougoslavie.
25 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pourriez nous dire quelles ont été
26 vos fonctions au sein de la VJ en 1998 et 1999 ?
27 R. Pendant le premier semestre de l'année 1998, j'ai été inspecteur des
28 unités de requête, et ce, auprès de l'état-major général de l'armée de
Page 11338
1 Yougoslavie. Pendant le second semestre de l'année 1998 et pendant le
2 premier semestre de l'année 1999, j'étais commandant de la brigade de
3 défense antiaérienne, il s'agissait de la 52e Brigade de défense
4 antiaérienne de roquettes d'artillerie à Djakovica, et j'étais également le
5 commandant de la garnison de Djakovica.
6 Q. Merci. En tant que commandant de la 52e Brigade de roquettes
7 d'artillerie, quelles ont été vos fonctions de base et vos compétences au
8 sein de la brigade lorsque vous êtes arrivé en 1998 ?
9 R. La tâche de la brigade antiaérienne était de combattre toutes cibles
10 ennemies qui entraient dans notre espace aérien, c'était donc ma fonction
11 de base en tant que commandant et la fonction de mon unité.
12 Q. Je vous remercie. Vous avez dit que vous commandiez à la fois la
13 brigade et la garnison. Est-ce que vous pourriez nous expliquer la
14 différence entre ces deux rôles qui ont été les vôtres ?
15 R. Oui. En fait, ma fonction de base c'était la fonction de commandant des
16 brigades. Pour ce qui était de ma fonction de commandant de garnison, il
17 s'agissait d'une tâche complémentaire ou auxiliaire, qui était une tâche
18 supplémentaire en plus de toutes mes tâches classiques au sein de la
19 brigade.
20 La fonction d'un commandant de brigade passe par l'utilisation efficace de
21 la brigade, le fait que l'on essaie de provoquer le plus de pertes
22 possibles lorsque l'ennemi pénètre dans l'espace aérien, et ce, avec un
23 nombre de victimes moins important pour notre unité, pour notre équipement,
24 matériel, et notre personnel. Le rôle du commandant de la garnison consiste
25 à fournir des ordres, faire en sorte que l'ordre et la discipline règne au
26 sein de la garnison et consiste également à faire en sorte qu'il y ait un
27 bon fonctionnement au sein de la garnison.
28 Q. Alors, très brièvement, est-ce que vous pourriez nous dire s'il y avait
Page 11339
1 une différence dans la façon dont vous avez exécuté vos fonctions en temps
2 de paix et en temps de guerre par la suite ?
3 R. Je dirais en fait que théoriquement, ces rôles et ces tâches devraient
4 être les mêmes. Toutefois, étant donné que les circonstances en temps de
5 guerre ont changées, ont été modifiées, ces rôles étaient différents par
6 rapport aux rôles que nous avions en temps de paix. Il y avait une certaine
7 différence dans la façon dont un commandant de garnison se comporte en
8 temps de paix et en temps de guerre.
9 Q. Je vous remercie, Général. Dites-nous, quelle était la situation qui
10 prévalait dans la ville de Djakovica ainsi que dans les environs de cette
11 ville en 1998, ou plus précisément en juillet 1998 lorsque vous êtes arrivé
12 à Djakovica ?
13 R. Je suis arrivé à Djakovica pendant la première quinzaine du mois de
14 juillet, et je vais vous expliquer comment se présentait la situation. Pour
15 ce qui est des quatre accès routiers qui arrivaient donc de Pristina à
16 Djakovica, ils étaient complètement bloqués, enfin trois étaient
17 entièrement bloqués, entravés. Ce qui signifie que le Metohija était
18 complètement coupé du Kosovo. Alors moi, je suis arrivé en empruntant la
19 seule voie accessible à ce moment-là, qui était la route ou l'itinéraire le
20 plus long, et il a fallu fournir également la sécurité. Ce qui signifie que
21 je suis arrivé avec un convoi militaire qui devait être gardé parce qu'il
22 essuyait des attaques constantes de la part des forces terroristes siptar.
23 Pour ce qui est de la situation dans la ville de Djakovica à
24 proprement parler, l'unité que je commandais, que je devais commander,
25 avait déjà essuyé des pertes. Il y avait un sergent du corps médical qui
26 avait été enlevé et un soldat d'ailleurs qui avait déjà été tué. La
27 situation était difficile, et cela pouvait être perçu car il y avait très
28 peu d'approvisionnement qui arrivait à la population, parce que la ville
Page 11340
1 avait été complètement coupée. Ce qui fait que tous les biens qui étaient
2 nécessaires à la vie normale n'existaient pas, ne se trouvaient plus là.
3 Pour ce qui est de la liberté de déplacement, il n'y en avait
4 quasiment pas. Je dirais que les gens, ou plutôt les femmes et les enfants,
5 faisaient la queue devant les magasins. Les hommes ne sortaient que lorsque
6 des indemnités leur étaient payées, pour ceux qui recevaient des retraites
7 ou d'autres subsides sociaux. Ils étaient en fait distribués régulièrement
8 et personne ne pouvait aller percevoir une indemnité au nom de quelqu'un
9 d'autre. Donc voilà, voilà quelle était la situation qui prévalait lorsque
10 je suis arrivé en ville.
11 Q. Mais lorsque vous parlez de liberté de mouvement ou de déplacement,
12 dites-moi je vous prie, pourquoi est-ce qu'en quelque sorte cette liberté
13 de mouvement, de déplacement, était ce que vous venez de nous décrire ?
14 R. Ecoutez, voilà ce que je peux vous fournir comme description. Les
15 femmes se déplaçaient en ville, alors qu'on ne voyait quasiment pas
16 d'hommes dans la rue. La plupart des hommes faisaient partie des unités
17 terroristes de l'UCK, et ceux qui n'en faisaient pas partie étaient, en
18 fait c'est ce que je suppose, étaient ou avaient peur en fait d'être
19 mobilisés, ils avaient peut-être peur du fait de la propagande qui était
20 colportée, donc tout simplement, on ne les voyait pas dans la rue.
21 Q. Alors juste en guise de précision, lorsque vous parlez de crainte de
22 mobilisation, qu'est-ce que vous entendez, ils avaient peur d'être mobilisé
23 par qui ?
24 R. Par les terroristes. Ils arrivaient dans les villages, ils entraient
25 chez les gens et ils mobilisaient par la force des hommes en âge de porter
26 les armes. Et d'ailleurs, ils allaient même jusqu'à leur vendre des armes.
27 Ce qui signifie que les gens achetait leur propre fusil et ensuite
28 ralliaient différentes unités.
Page 11341
1 Q. Je vous remercie, Général. Mais dites-nous si votre unité a participé à
2 des opérations sur le terrain en 1998 après votre arrivée à Djakovica ?
3 R. Oui. Toutefois, il ne s'agissait pas véritablement d'opérations. Une
4 opération, c'est un concept très, très vaste, très générique, et qui
5 signifie en fait que des unités très larges sont partie prenante. Il
6 s'agissait d'actions individuelles qui étaient une façon de prêter main-
7 forte à d'autres unités, donc il y avait toujours des unités militaires qui
8 avaient reçu des ordres du commandement Suprême.
9 Q. Donc quel était le rôle de votre unité pendant ces actions justement,
10 et quelle était votre attitude en tant que commandant de brigade vis-à-vis
11 de la partie ou des éléments de cette unité qui avaient participé à ces
12 actions ?
13 R. Ecoutez, il y a des parties de mon unité qui ont été envoyées auprès
14 d'unités qui avaient effectué des actions après avoir reçu des ordres de la
15 part du commandant du corps ou de la part du poste de commandement avancé
16 du commandement qui se trouvait à Djakovica. A partir de ce moment-là, mon
17 unité a été commandée par la personne qui dirigeait l'action. Jusqu'à ce
18 que mes soldats aient retourné à leur unité originale, ils n'étaient pas
19 placés sous mon commandement.
20 Q. Merci, Général. Au cours de l'année 1998, en exerçant vos fonctions du
21 commandant de la garnison, avez-vous assisté à des réunions organisées avec
22 les représentants des autorités civiles et du MUP à Djakovica ?
23 R. Oui. Il faut dire que les organes des autorités civiles fonctionnaient
24 de façon tout à fait normale. Il y avait le président de la municipalité,
25 le conseil exécutif municipal, et tous ces organes fonctionnaient
26 normalement. De temps en temps, pour trouver une solution à des problèmes
27 très concrets, j'organisais des réunions avec le président de la
28 municipalité, avec le maire, et avec le chef du SUP
Page 11342
1 réunions n'avaient pas un caractère régulier, et elles étaient tenues de
2 temps en temps, et pour trouver une solution à des problèmes ponctuels.
3 Q. De quoi était-il question lors de ces réunions ?
4 R. Lors de ces réunions, il était question des problèmes ponctuels qui
5 survenaient dans la ville. Je vais vous citer un exemple. J'en ai gardé un
6 souvenir très précis. Un certain nombre de problèmes ont surgi quant à
7 l'approvisionnement en eau de la ville de Djakovica, alors nous avons pris
8 les réservistes qui avaient été mobilisés par l'unité et nous les avons
9 laissés partir pour qu'ils puissent résoudre le problème avec cette
10 hydrocentrale qui ne fonctionnait plus.
11 Puis, les Siptar s'étaient retirés de tous les postes qu'ils occupaient
12 dans la ville et les boulangeries n'étaient plus ouvertes. Alors, pour
13 assurer l'approvisionnement en pain normal, nous avons sélectionné les
14 membres de nos unités qui avaient autrefois été boulangers pour qu'ils
15 puissent assurer ces services-là. Donc voilà, c'est le type de problème
16 dont il était question lors de ces réunions.
17 Q. S'agissait-il de problèmes qui touchaient toute la population de la
18 ville de Djakovica ?
19 R. Mais évidemment. Tous les problèmes que nous avions, nous les avions en
20 commun. La vie qui se menait dans la ville de Djakovica était pareille pour
21 tout le monde, qu'il s'agisse de la population civile, de militaires, de
22 policiers, nous partagions tous un même destin. Nous vivions de la même
23 façon dans la ville.
24 Q. Merci. Au cours des mois de juillet et d'août 1998, un grand nombre
25 d'individus provenant des villages environnants se sont rendus à Djakovica
26 en tant que personnes déplacées. Le savez-vous ?
27 R. Je ne le sais pas, puisque je n'étais pas là au mois de juillet. Il est
28 possible qu'il y ait eu des déplacements, mais je n'ai pas de connaissance
Page 11343
1 précise sur ce point.
2 Q. Merci. Juste aux fins du compte rendu d'audience, à quel moment êtes-
3 vous arrivé à Djakovica ?
4 R. Je suis arrivé le 9 juillet à Djakovica, et j'ai assumé mes fonctions
5 officiellement le 15 juillet 1998.
6 Q. Merci. Pour accélérer la procédure, je vais passer à la deuxième partie
7 de l'année 1998. Au mois d'octobre 1998, un accord a été conclu prévoyant
8 le retour des unités de l'armée de la VJ dans les casernes, le savez-vous,
9 et avez-vous pris des mesures conformes à cet accord ?
10 R. Oui, je suis au courant de la signature de cet accord, et nous avons
11 reçu l'ordre de prendre des mesures qui seraient conformes à l'esprit de
12 cet accord.
13 Q. Merci. Une requête : lorsque je vous pose une question, attendez un
14 moment avant de fournir votre réponse, s'il vous plaît.
15 R. Très bien.
16 Q. A partir du mois d'octobre 1998 jusqu'à la fin de l'année 1998, le
17 nombre de vos effectifs a-t-il été augmenté ?
18 R. Non, aucune augmentation n'a eu lieu.
19 Q. Merci. Général, sur le territoire du Kosovo-Metohija, vers la fin de
20 l'année 1998, une mission de vérificateurs de l'OSCE a été déployée. Le
21 saviez-vous et aviez-vous des contacts avec cette mission ?
22 R. Oui. J'ai eu des contacts avec eux. Malheureusement, le premier contact
23 a été établi à cause d'un événement malheureux, un de mes soldats a trouvé
24 la mort dans la gorge de Dulje. Il s'appelait Dejan Arizanovic. Il a trouvé
25 la mort au mois de novembre 1998. Lorsqu'il est mort, les vérificateurs
26 n'étaient éloignés que de 200 mètres. Une attaque avait été lancée contre
27 notre convoi militaire, qui était chargé de nous approvisionner, et c'est
28 alors que cinq de mes soldats ont été blessés. Mais au moment où ils
Page 11344
1 pénétraient dans cette gorge, ils avaient rencontré les vérificateurs qui
2 se tenaient à une distance de 200 ou de 300 mètres.
3 Q. Merci. De façon générale, savez-vous quelle était la tâche confiée aux
4 représentants de l'OSCE sur le territoire du Kosovo-Metohija ?
5 R. Oui, je le sais. Leur tâche consistait à surveiller la mise en œuvre
6 des dispositions prévues par l'accord susmentionné. Plus précisément, ils
7 devaient surveiller le cessez-le-feu, le repli des unités de l'armée
8 yougoslave dans les casernes, le regroupement des armes lourdes dans les
9 casernes, donc toutes les dispositions de l'accord. En même temps, ils
10 étaient responsables de la sécurité. Ils devaient surveiller le cessez-le-
11 feu et s'assurer que des attaques ne soient plus lancées à l'encontre de
12 l'armée, de la police, des civils, et cetera.
13 Q. Merci. Les vérificateurs vous rendaient-ils visite, puisque vous étiez
14 commandant de la garnison à Djakovica, pour effectuer une surveillance,
15 pour effectuer des inspections ?
16 R. Oui, les vérificateurs se sont rendus dans mon unité. Ceci s'est passé
17 le 16 novembre 1998. J'ai fait leur connaissance, et j'ai discuté avec eux.
18 Ils ont vérifié les armes que nous avions.
19 Q. Général, quel type d'armes a fait l'objet de vérification ?
20 R. C'étaient uniquement les lance-roquettes et les systèmes de roquettes
21 Strela 1 et Strela 2 qui ont fait l'objet de vérification. Strela en B/C/S
22 signifiant "Flash" [phon] en français.
23 Q. Quelle était la finalité des systèmes de roquettes qu'ils inspectaient
24 ? A quoi sert ce type d'arme ?
25 R. Il s'agit des armes destinées à la défense antiaérienne. Ces armes sont
26 utilisées pour frapper des cibles qui volent à une hauteur assez basse et
27 ne dépassant pas 3 à 400 mètres.
28 Q. Ce type d'armes pouvaient-il être utilisés contre des cibles qui se
Page 11345
1 trouvaient sur terre, des cibles terrestres ?
2 R. Non. Ce type d'arme ne peut en aucun cas être utilisé contre des cibles
3 terrestres.
4 M. POPOVIC : [interprétation] Je vois que ma question a été intégrée à
5 votre réponse dans la compte rendu d'audience -- non, non, correction,
6 l'erreur a été corrigée.
7 Q. Général, les membres de l'UCK avaient-ils à ce moment-là des aéronefs,
8 à savoir des avions ou des hélicoptères pour qu'il soit nécessaire de
9 vérifier l'utilisation des armes antiaériennes ?
10 R. Non. D'après nos connaissances, l'UCK n'avait pas à sa disposition des
11 aéronefs ou des hélicoptères.
12 Q. Alors pour quelles raisons inspectait-on ce type d'arme; le savez-vous
13 ?
14 R. Il est bien facile de déduire la réponse. A l'époque, on planifiait
15 déjà l'agression de l'OTAN et ils avaient dès ce moment l'intention de se
16 servir de leurs forces aériennes. Autrement, pourquoi auraient-ils procédé
17 à des vérifications de ce type d'armes ? Ce qui faisait l'objet de la
18 vérification, c'était uniquement les armes qui pouvaient, en cas
19 d'agression, causer des pertes auprès des forces aériennes de l'ennemi.
20 Q. Puisque nous parlons des armes, Général, aviez-vous au sein de votre
21 brigade des canons antiaériens de calibre 30 millimètres ?
22 R. Oui, au sein de chaque division il y avait une batterie de canons
23 antiaériens de 30 millimètres. On appelait ce type de canon Pragas, de
24 façon courante.
25 M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
26 avant de poursuivre l'audition du témoin, j'aimerais que l'on affiche à
27 l'écran le document D001-3170. Si toutefois l'Accusation ne soulève pas
28 d'objection, je signale que ce document ne figure pas sur la liste 65 ter
Page 11346
1 de la Défense. Toutefois, nous l'avons cité dans notre note informative.
2 Nous avons signalé que nous pourrions éventuellement nous servir de ce
3 document, et le document explique la manière dont on pouvait se servir d'un
4 canon antiaérien, calibre 30 millimètres. Donc, nous aimerions entendre
5 très brièvement les observations du général. Deux pages de ce document sont
6 pertinentes, à nos yeux uniquement, et si nos confrères de l'Accusation ne
7 soulèvent pas d'objection, nous aimerions l'étudier avec le témoin.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pas d'objection à soulever.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic, vous pouvez vous
11 pencher sur ce document.
12 M. POPOVIC : [interprétation] Très bien. Nous allons le faire très
13 brièvement. J'aimerais que l'on affiche la page 3 106 en B/C/S. Je signale
14 que cette page n'a pas été traduite vers l'anglais. Nous avons demandé la
15 traduction du document qui se trouve dans les services de traduction
16 actuellement. Une seule phrase m'intéresse dans ce document. Elle figure au
17 paragraphe 85.
18 Q. Il est indiqué :
19 "Le canon antiaérien 30/2 millimètres est placé sur un véhicule de combat
20 blindé. Son objectif c'est de frapper les cibles qui se trouvent dans
21 l'espace aérien et, si nécessaire, des cibles qui se trouvent sur la terre
22 et sur l'eau."
23 Général, est-ce bien la manière dont vous voyez la chose ?
24 R. Oui, c'est bien ce qui est indiqué dans le document.
25 Q. Merci.
26 M. POPOVIC : [interprétation] Passons maintenant brièvement à la page D001-
27 3234 en version B/C/S, ainsi que D001-3279 en version anglaise. Mais avant
28 de le faire, je me demande s'il est possible de remettre le classeur de la
Page 11347
1 Défense au témoin. Si la Chambre le permet, ceci facilitera l'étude des
2 documents au témoin.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
4 M. POPOVIC : [interprétation] Merci.
5 Q. Général, j'aimerais que vous vous penchiez sur le point 439 :
6 "Pour défendre des positions, le canon peut être utilisé pour frapper
7 des cibles mobiles ou immobiles qui se trouvent sur terre et éventuellement
8 sur l'eau."
9 J'aimerais savoir si c'est une définition précise des canons que vous
10 aviez à votre disposition ?
11 R. Oui, c'est bien la règle en vigueur, et je signale qu'elle est
12 d'ailleurs toujours en vigueur aujourd'hui.
13 Q. Merci.
14 M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant vous poser quelques
15 questions portant sur ce type d'arme, mais j'aimerais que le document soit
16 d'abord enregistré aux fins d'identification. Je ne peux pas demander son
17 versement au dossier puisque nous n'avons toujours pas reçu la traduction
18 de la page que je viens de montrer au témoin.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera enregistré aux fins
20 d'identification.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
22 D00686. Messieurs les Juges, j'aimerais corrigé les numéros qui ont été
23 cités à la page 2, lignes 20 et 23. A la place de la cote D00683, la cote
24 devait être D00684 sous pli scellé, puis à la place de D00884 [comme
25 interprété], nous devrions avoir la cote D00685. Merci, Messieurs les
26 Juges.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
28 M. POPOVIC : [interprétation] Merci.
Page 11348
1 Q. Général, les vérificateurs posaient-ils des questions concernant ce
2 type d'arme ?
3 R. Non. Ce type d'arme ne les intéressait pas du tout. Ils n'ont pas posé
4 de questions au sujet de ces armes et ils n'ont pas souhaité les voir.
5 Q. Dans le règlement qui vient de vous être montré, il est indiqué que ce
6 type d'arme peut être utilisé à la rencontre des cibles qui se trouvent sur
7 terre. Dans quelles circonstances recourt-on à l'utilisation de ce type
8 d'arme et quels sont ses avantages par rapport à d'autres qui en ont de
9 grand calibre ?
10 R. Comme il est indiqué dans le texte, ce type d'arme peut être utilisé
11 contre des cibles fortifiées qui se trouvent sur terre ou éventuellement
12 sur l'eau. Ces armes sont toujours utilisées dans de telles situations.
13 Chaque fois que mon unité se voyait confier la tâche de participer à une
14 action, elle se faisait toujours accompagner d'un canon Praga ou d'un
15 véhicule militaire blindé 20/3 millimètres pour soutenir les activités de
16 l'unité. Ces armes étaient utilisées à l'encontre des cibles fortifiées,
17 des casemates, des fortifications depuis lesquelles les terroristes
18 engageaient leurs actions.
19 Q. Merci. Si l'on compare ce type d'arme à un mortier de calibre 60
20 millimètres, 80 millimètres, si on compare à un autre type de canon, je me
21 demande si l'utilisation de ce type d'arme peut, à l'encontre des cibles
22 qui figurent sur terre, constituer un recours à la force excessive ?
23 R. Non, pas du tout. L'utilisation de ce type d'arme avait justement pour
24 objectif d'endiguer le recours excessif à la force. Parce qu'il s'agit d'un
25 mécanisme fort précis, il n'y a pas d'éclatement qui est entraîné
26 généralement par l'utilisation d'autres types d'artillerie. Et puisque son
27 calibre est plus petit, le niveau de destruction provoqué est moindre par
28 rapport aux dégâts provoqués par d'autres types d'artillerie utilisés pour
Page 11349
1 offrir un soutien aux unités pour détruire des positions fortifiées. Donc,
2 ce type d'armes était utilisé justement avec l'intention de provoquer le
3 moins de dégâts.
4 Q. Merci. Mais puisque vous dites que certains éléments de vos unités ont
5 participé à des actions - on parle toujours de l'année 1998 - de quel type
6 d'actions s'agissait-il ? S'agissait-il d'actions offensives ou défensives
7 ?
8 R. Il s'agissait d'actions engagées exclusivement avec le but de protéger
9 nos unités et de lever le blocus le long des axes routiers. Je précise, les
10 barrages élevés sur les axes routiers menaçaient nos unités, et notamment
11 nos postes frontaliers. Il nous était impossible de les approvisionner en
12 nourriture, en eau, en carburant, en munitions. Donc, leur fonctionnement
13 logistique était entièrement bloqué.
14 Et ce n'est que dans de telles situations que certains éléments de nos
15 unités participaient à ces actions. Ces actions étaient toujours courtes.
16 Elles ne prenaient jamais plus de deux ou trois jours, tout dépendait des
17 effectifs des terroristes et de la manière dont ils s'étaient fortifiés le
18 long des axes routiers. Et il faut dire que malheureusement, toute cette
19 zone était difficile d'accès, et il était fort difficile d'organiser sa
20 défense puisqu'il s'agissait d'une région montagneuse où il était difficile
21 d'accéder, et le seul moyen de fournir des approvisionnements, c'était de
22 passer par de petites routes, petits sentiers qui traversaient la montagne
23 et qui, le plus souvent, étaient bloqués par les terroristes.
24 Q. Merci. Et quel était le nombre d'actions auquel vos unités ont pris
25 part pendant cette période ?
26 R. D'après mes souvenirs, il s'agissait de deux ou trois, peut-être quatre
27 actions différentes. Je ne me souviens plus du chiffre exact.
28 Q. Merci. Général, un certain nombre d'événements se sont déroulés dans la
Page 11350
1 ville de Djakovica et dans les alentours. Selon l'acte d'accusation, ces
2 événements se seraient déroulés au cours de l'année 1999, entre le 24 mars
3 et le 20 mai, et ces événements sont reprochés à Vlastimir Djordjevic.
4 Alors, j'aimerais que nous nous concentrions à présent sur ces événements-
5 là.
6 Dites-moi d'abord, en temps de guerre, avez-vous rédigé un journal de
7 guerre, je pense à vous personnellement ou à une autre personne au sein de
8 votre unité qui s'est vue confier cette mission ?
9 R. Oui, nous avions un journal de guerre qui était tenu au sein de la
10 brigade.
11 Q. Dites-nous ce que c'est qu'un journal de guerre, quel est le type
12 d'événements qui sont consignés dans ce journal ?
13 R. Chaque unité est tenue de tenir un journal de guerre en temps de
14 guerre. Tous les événements importants sont consignés dans ce journal. Je
15 pense aux événements qui ont un impact sur l'unité et qui reflètent la
16 situation qui prévaut au sein de l'unité. Je pense avant tout aux
17 événements qui ont un certain poids, par exemple, quelles ont été les
18 pertes subies par l'unité, quels ont été les succès, les réussites de
19 l'unité, les tâches confiées, à la méthode de l'exécution de ces tâches, le
20 niveau de réussite, les missions dévolues aux officiers supérieurs, tout ce
21 qui constitue la trame des activités au sein de l'unité.
22 Q. Merci.
23 M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document P958
24 à l'écran. Le document figure à l'intercalaire 2 dans votre classeur,
25 Général.
26 Donc, ce qu'il nous faut, c'est le document P958. Oui, c'est bien le
27 document affiché à l'écran.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Donnez-moi une seconde pour que je puisse me
Page 11351
1 retrouver dans mon classeur.
2 M. POPOVIC : [interprétation]
3 Q. S'agit-il bien du journal de guerre ?
4 R. Oui, ceci est notre journal de guerre.
5 Q. Merci. Passons immédiatement à la page 4 dans les deux versions
6 linguistiques. Je pense que les pages pertinentes ont été isolées dans
7 votre classeur pour que vous puissiez vous débrouiller plus facilement. La
8 date qui nous intéresse est le 24 mars.
9 R. Oui, très bien.
10 Q. Ce qui nous intéresse, ce sont les rubriques de 9 à 16. Donc,
11 j'aimerais que vous vous penchiez sur ces rubriques-là. Pour commencer,
12 cette page du journal concernait les événements qui se sont déroulés le 24
13 mars 1999 ?
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. Merci. On voit que l'alarme a été sonnée à 18 heures ?
16 R. C'est exact.
17 Q. A 20 heures, une attaque aérienne a été lancée contre des cibles sur
18 terre ?
19 R. Exact.
20 Q. La deuxième batterie de la défense antiaérienne a ouvert le feu depuis
21 Cabrat contre deux cibles en l'air. Dites-moi où se trouve Cabrat ?
22 R. Cabrat est une commune qui surmonte le village même de Djakovica. Elle
23 s'élève derrière la vieille ville de Djakovica. Au pied de cette colline se
24 trouve la rue Katolicka de Djakovica, et c'est l'ancien centre-ville, c'est
25 la vieille ville.
26 Q. Où vous trouviez-vous au moment où l'alerte aérienne a été signalée ?
27 R. Je me trouvais sur la colline de Cabrat. C'est là que nous avons posté
28 notre unité. Nous avions nos détecteurs de cibles aériennes qui étaient
Page 11352
1 postés sur cette colline, et cette colline offrait des conditions
2 favorables à la défense aérienne et à la surveillance de l'espace aérien.
3 Et moi, je me trouvais sur cette colline dans un abri.
4 Q. Merci, Général. Juste pour établir la chronologie des événements, vous
5 dites qu'à 21 heures 45, un groupe d'avions est parti d'Italie vers la RFY,
6 et puis, à la rubrique 15, nous voyons qu'il est zéro heures 45 minutes.
7 Donc là, il s'agit déjà du 25 mars ?
8 R. Exact.
9 Q. Et puis, nous voyons une autre alerte aérienne qui est signalée. Donc,
10 ce sont les événements que vous avez consignés dans le journal de guerre
11 pour les 24 et 25 mars. Ai-je raison de l'affirmer ?
12 R. Oui.
13 M. POPOVIC : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche à l'écran la
14 pièce D006-4300.
15 Q. Dans votre classeur, ce document est identifié à l'intercalaire 3.
16 Voilà, c'est bien ce document, effectivement. Général, ici on parle d'une
17 commission pour la coopération avec une équipe d'experts. Nous voyons votre
18 nom, votre adresse et la date, qui est celle du 28 novembre 1999, et ce qui
19 s'est déroulé le 24 mars le 1999, c'est une déclaration. Pourriez-vous nous
20 dire de quoi s'agit-il, quel est ce type de déclaration et à qui l'avez-
21 vous donné ?
22 R. C'est une déclaration que j'ai donnée à la Commission chargée de la
23 coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Il
24 s'agit d'une équipe d'experts, on l'appelait ainsi donc, et ils m'ont
25 demandé, après la publication du livre qui a été publié par le Fonds du
26 droit humanitaire, le livre est intitulé, "Le Kosovo tel que vu, tel que
27 dit", dans ce livre on mentionne la ville de Djakovica, et étant donné que
28 j'étais déjà à la retraite à l'époque, on m'a demandé, on m'a plutôt
Page 11353
1 ordonné, si vous voulez, de venir et de leur donner ma version des faits
2 sur ces événements en question qui sont décrits dans le livre.
3 Q. Très bien, merci. Mon Général, vous en parlez, vous parlez de cet
4 événement ici. Donc dites-moi effectivement si le 24 mars, effectivement,
5 il y avait une attaque aérienne sur ces installations et s'il y avait une
6 attaque aérienne, s'il y avait eu des frappes aériennes sur l'ensemble de
7 la ville de Djakovica ?
8 R. Oui, il y a eu une frappe aérienne sur la ville même de Djakovica et
9 sur la caserne ou les casernes de Djakovica.
10 Q. Très bien, merci. Dans le premier paragraphe de ce document, vous dites
11 :
12 "Ces premières frappes aériennes de l'aviation de l'OTAN pendant qu'elles
13 ont eu lieu, j'étais à Cabrat avec d'autres soldats du bataillon de
14 commandement."
15 J'aimerais savoir si effectivement c'est de cela que vous avez parlé un peu
16 plus tôt ?
17 R. Oui, effectivement. Donc les premières frappes aériennes qui ont eu
18 lieu de l'OTAN, pendant ces frappes, j'étais à Cabrat. Il y avait également
19 une équipe du commandement, de la division du commandement, elle suit
20 toujours le commandement. Et depuis cette colline, j'ai pu entendre les
21 activités, mais je n'ai pas pu voir depuis mon abri où les frappes ont eu
22 lieu exactement, mais je pouvais néanmoins les entendre.
23 Q. Très bien. Au premier paragraphe, vous dites :
24 "Et lorsque je suis sorti de l'abri, j'ai vu qu'il y avait un incendie dans
25 la rue Katolicka, et j'ai entendu des sirènes de pompiers. Etant donné que
26 j'étais sur une colline et qu'il faisait nuit, je n'ai pas pu conclure
27 quelle était l'origine de l'incendie dans la rue Katolicka, de la rue
28 catholique, mais j'ai conclu qu'il s'agissait de suite d'un incendie qui
Page 11354
1 s'est avéré à la suite des frappes aériennes de l'OTAN."
2 Pouvez-vous nous expliquer un petit peu plus tout ceci ?
3 R. Oui. Après les premières explosions, détonations, je suis sorti de
4 l'abri, j'ai vu, et étant donné que ma position se trouvait au-dessus de la
5 rue Katolicka, la rue catholique, j'ai vu qu'elle était à la proie de
6 flammes. Et je peux vous dire que la construction dans cette rue, il
7 s'agissait plutôt de vieux bâtiments très jolis, faits en bois, dans un
8 style - je ne sais pas comment décrire ce style - mais ce sont de vieux
9 bâtiments, mais construits en bois, et ils étaient tous très proches les
10 uns des autres, donc il était presque impossible d'en empêcher que le feu
11 ne se propage. Mais depuis mon point de mire, depuis la colline où j'étais,
12 j'ai vu que la rue était en flammes, et j'ai entendu des sirènes de
13 pompiers, et j'ai vu que les pompiers essayaient d'éteindre le feu. Voilà,
14 c'est ce que j'ai pu voir pendant cette première nuit.
15 Quelques jours plus tard, j'ai eu l'occasion de passer par cette rue, étant
16 donné que notre caserne Devet Jugovica, notre caserne se trouvait très près
17 de la rue Katolicka, la rue catholique, en fait c'était à la fin de la rue,
18 et puis on avait aussi dirigé des frappes aériennes sur la caserne. Elle
19 était en grande partie détruite, de sorte que lorsque je suis arrivé là,
20 j'ai vu quelle était l'ampleur de la destruction de la rue Katolicka, et
21 effectivement, je dois dire qu'elle était dans un état piteux. Il était
22 presque triste de voir l'état dans lequel se trouvait cette rue.
23 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Général. Est-ce que vous avez su par la
24 suite qu'est-ce qui a provoqué cet incendie dans la rue Katolicka en date
25 du 24 mars ?
26 R. Non. Personnellement non, puisque je n'ai pas pu voir depuis l'endroit
27 où je me trouvais. Mais le commandant Zlatko, qui était mon supérieur
28 subordonné, qui était en fait déployé à cet endroit-là justement, à la
Page 11355
1 caserne Devet Jugovica, puisque les unités chargées des arrières se
2 trouvaient là, il a affirmé avoir vu qu'une roquette est tombée à cet
3 endroit-là et que c'est ceci qui a causé cet incendie.
4 Q. Très bien, merci. Pourriez-vous nous dire, vous-même, alors que vous
5 vous trouviez sur le mont Cabrat, est-ce que vous avez pu voir quelle était
6 la partie de la ville qui était ciblée par ces frappes aériennes de l'OTAN
7 ?
8 R. Je peux vous dire qu'il y avait des frappes aériennes tous les jours
9 sur Djakovica, mais si l'on parle de la première nuit, j'ai entendu trois
10 détonations. Je n'ai pas pu moi-même voir où ces roquettes sont tombées, si
11 elles sont tombées, mais effectivement j'ai vu que la rue était en flammes,
12 et par la suite, j'ai appris que la caserne Devet Jugovica avait également
13 été atteinte, à savoir l'installation ou le bâtiment de la police qui se
14 trouvait à l'intérieur de son enceinte, à l'intérieur de ce bâtiment.
15 Q. Très bien, merci. A la fin de votre déclaration, vous dites, je cite :
16 "J'affirme que mon unité et moi-même n'avons personnellement aucun lien
17 avec la destruction supposée de cette partie-là de la ville de Djakovica ni
18 de la destruction de ce bâtiment dévoué à la religion. Nous n'avons pas non
19 plus d'information que les unités ou que certaines parties de ces effectifs
20 de la RFY de la Serbie aient pris part à ces destructions."
21 Et vous concluez surtout que ce sont les frappes aériennes de l'OTAN qui
22 aient contribué à la destruction de cette partie-là de la ville de
23 Djakovica. J'aimerais savoir si effectivement c'est ce que vous avez
24 remarqué, si c'est ce que vous aviez vu ce jour-là, et si c'est de cela
25 dont vous nous parlez lorsque vous parlez de cet événement ?
26 R. Oui, effectivement, et je répète ce que j'ai dit, mon unité et moi-
27 même, ni moi personnellement, ni des membres de mon unité, ni aucune des
28 unités de la RSFY aient pris part à ce crime, car effectivement il s'agit
Page 11356
1 de crime. Je peux vous affirmer que cet incendie s'est produit à la suite
2 des frappes aériennes de l'OTAN.
3 Q. Merci bien.
4 M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que
5 cette pièce soit versée au dossier.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
8 Juges, il s'agira de la pièce P00687 [comme interprété].
9 M. POPOVIC : [interprétation] Merci bien. J'aimerais maintenant que l'on
10 affiche la pièce D006-4304.
11 Q. Mon Général, dans votre classeur, ce document se trouve à l'onglet 4.
12 Mon Général, ici nous pouvons voir qu'il s'agit d'un ordre qui est le
13 vôtre, et il est écrit : Commandement du 52e ARBR, Brigade d'artillerie
14 PVO, défense antiaérienne. J'aimerais vous demander de faire un commentaire
15 du point 4. On peut lire à la deuxième ligne : Après les premières frappes,
16 les priorités du commandement du commandant sont, au point 2, d'empêcher
17 que la panique ne s'installe, que les gens ne désertent et d'empêcher les
18 activités criminelles. Est-ce que vous pourriez nous expliquer de quoi il
19 s'agissait.
20 R. Mes soldats et moi-même avions rencontré pour la première fois les
21 frappes aériennes. On s'attendait à ce que la panique s'installe chez les
22 membres de l'unité, et que dans un tel système dans lequel il est beaucoup
23 plus difficile d'effectuer un commandement, qu'il pouvait s'avérer que
24 certaines choses se passent et qui ne sont pas très bonnes pour l'unité.
25 C'est la raison pour laquelle j'ai donné cet ordre que j'ai envoyé à tous
26 mes soldats, aux commandants des autres unités leur expliquant de quelle
27 façon ils devaient se comporter dans cette situation.
28 Etant donné que partout et tout le temps après des opérations de
Page 11357
1 combat, et les activités des frappes aériennes de l'OTAN étaient une
2 opération de combat, il arrive très souvent que des effets incontrôlés,
3 indésirés [phon] s'installent, j'avais défendu strictement que l'idée des
4 activités qui serait contraire au droit international humanitaire,
5 s'agissant des activités dans la ville, ces activités, ces frappes
6 aériennes détruisaient très souvent des vitrines de la ville, le verre
7 éclatait et ainsi de suite, donc un très grand nombre de marchandises se
8 sont retrouvées dans la rue. Donc, j'ai voulu faire attention, je voulais
9 insister pour qu'il n'y ait pas de pillage, pour qu'il n'y ait pas
10 d'activité criminelle et que les gens ne s'adonnent pas à ce type
11 d'activité.
12 Q. Est-ce que c'était votre attitude que vous aviez pendant toute la durée
13 des frappes aériennes de l'OTAN ? Est-ce que vous avez maintenu cette
14 attitude ?
15 R. Oui, c'était mon attitude à moi, c'était l'attitude également de tous
16 les autres commandants de corps d'armée ainsi que tous mes collègues. Nous
17 étions formés de cette façon-là, nous étions éduqués de cette façon-là,
18 nous avons notre honneur de soldat, notre honneur d'officier, que nous
19 devions toujours appliquer dans toutes les circonstances, partout et tout
20 le temps.
21 Q. Merci bien, Mon Général. Pourriez-vous, je vous prie, prendre
22 connaissance du point 9, pour ne pas que je donne lecture de l'ensemble du
23 paragraphe. Est-ce que votre réponse à trait à ceci, se réfère à cela ?
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Vous n'êtes pas obligé de le lire à haute voix, mais lisez-le dans
26 votre for intérieur, et par la suite vous nous ferez un commentaire, je
27 vous prie.
28 R. C'est justement ce que j'ai dit tout à l'heure. Il était nécessaire
Page 11358
1 d'abord de donner aux officiers commandant les unités et à tous leurs
2 subordonnés, il était très important que ces derniers montrent que
3 c'étaient des combattants qui démontrent leur honneur d'officier de
4 carrière. Chez nous, le soldat a toujours été synonyme d'honneur. Donc,
5 j'ai fait appel à cet honneur de soldat, cet honneur militaire, pour ne pas
6 qu'il y ait relâchement de ces qualités morales et pour que l'on maintienne
7 son honneur de soldat.
8 Q. Très bien. Merci.
9 M. POPOVIC : [interprétation] Je demanderais que ce document soit versé au
10 dossier.
11 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce sera versée au dossier. Mais
13 on m'a indiqué que la traduction en anglais porte la date du 26 mars, alors
14 que l'original semblait avoir été fait le 24. Non, c'est l'inverse.
15 M. POPOVIC : [interprétation] Oui, effectivement, c'est tout à fait
16 possible la date qui figure sur le document, dans la version serbe, est
17 celle du 26 mars. Oui, effectivement, vous avez tout à fait raison. Dans la
18 traduction, nous pouvons lire la fate du 24 mars. Mais nous allons demander
19 au témoin d'essayer d'expliquer ceci.
20 Q. Quelle est la date, Mon Général ?
21 R. La date qui figure dans ce document est la date du 26 mars 1999.
22 C'était le lendemain des frappes. C'est la date indiquant le lendemain des
23 frappes aériennes.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce
25 portera la cote D00688.
26 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. J'aimerais que l'on revienne
27 brièvement de nouveau au document P958, et j'aimerais que l'on analyse la
28 page. En B/C/S, c'est la page 8 -- ou plutôt, excusez-moi, non, il s'agira
Page 11359
1 de la page 11 du document du 31 mars.
2 Q. Mon Général, un document du 31 mars 1999. Je voudrais attirer votre
3 attention sur le point 2.3 dans votre classeur.
4 R. Oui, je l'ai trouvé.
5 Q. Voilà, justement c'est le 31 mars 1999 dans votre journal. Dans la
6 première partie, vous dites, s'agissant du radar qui était atteint et
7 détruit, les soldats suivants ont été tués, il s'agit de Ivanovic Zoran et
8 de Slavkovic [phon] Djordje. Lorsque je parle du fait que c'est vous qui
9 ayez écrit ceci, je pense plutôt à votre unité, et il s'agit de l'unité à
10 la tête de laquelle vous vous trouviez. Si nous prenons la page du 1er avril
11 1999, ici vous parlez des soldats Cimbaljevic et Ivanovic. Je vous
12 demanderais seulement de jeter un coup d'œil sur ce document. Je ne vous
13 demande pas de faire de commentaires.
14 M. POPOVIC : [interprétation] Maintenant, j'aimerais que l'on examine
15 ensemble la pièce D006-4309.
16 Q. Mon Général, dans votre journal, vous ne parlez pas d'événements
17 inhabituels qui se seraient déroulés le 31 mars et le 1er avril. Nous
18 pouvons voir de nouveau que ce document est adressé à la Commission pour la
19 coopération avec le TPIY et à son unité d'experts, et le 1er avril 1999,
20 vous avez donné une déclaration à Milos Dosan. De quoi s'agit-il ? Pouvez-
21 vous nous expliquer ce que c'est ?
22 R. J'ai expliqué tout à l'heure que tous les événements, il s'agit de la
23 même commission à qui j'ai donné ma déclaration précédente également. Tous
24 les événements qui étaient liés à Djakovica et tous les événements qui
25 étaient mentionnés dans le livre en question, j'avais pour obligation de
26 donner ma propre version des faits à cette commission. Ils m'ont demandé de
27 faire une déclaration, de décrire, d'après ma mémoire, puisque nous
28 n'avions pas de documents à notre disposition, de leur dire ce qui s'est
Page 11360
1 passé, comment les choses se sont déroulées et de donner ma version des
2 faits concernant l'événement qui est mentionné dans le livre. C'est ainsi
3 que j'ai fait ma déclaration à cette commission.
4 Q. Mon Général, on vous a posé des questions concernant le hameau de Cerim
5 - vous en avez parlé - et j'aimerais que l'on affiche la page suivante dans
6 les deux versions. Vous dites :
7 "Je suis passé par cet hameau personnellement et je n'ai remarqué
8 aucune activité dans le quartier de Cerim, qui se trouve non loin de
9 l'endroit où nos soldats ont péri. D'après la déclaration du commandant de
10 la 3e Division, le commandant Dusko Vukasinovic, dont l'une des sections se
11 trouvait à l'installation Vinarski Podrum, non loin du quartier ou du
12 hameau de Cerim, ils n'ont pas déclaré avoir vu ou entendu aucune activité
13 qui pourrait leur faire croire qu'il s'agissait d'activités menées par
14 l'armée yougoslave ou la police."
15 Pouvez-vous nous expliquer, s'il vous plaît, un peu plus en profondeur ce
16 que vous voulez dire ici ?
17 R. Oui, j'ai décrit les événements qui étaient liés à la mort de mes
18 soldats, car l'endroit où mes soldats ont été tués à côté du radar,
19 l'endroit s'appelle Lum-Bunar, et se trouve, d'une certaine façon, non loin
20 du hameau de Cerim. La nuit précédente, la nuit où nous avons essayé
21 d'extraire nos soldats, de sauver nos soldats, j'ai passé par ce hameau et
22 je n'ai rien remarqué. Mais il faut dire qu'à ce moment-là il n'y avait
23 plus d'électricité dans la ville de Djakovica. Il faisait très noir. Il
24 faisait nuit. Il n'y avait plus d'électricité. J'avais une unité qui se
25 trouvait dans une installation et qui s'appelait Vinarski Podrum, et qui, à
26 vol d'oiseau, se trouvait de Cerim à 400 ou 300 mètres, si vous voulez. Le
27 commandant de cette unité m'a informé que nos soldats ne se trouvaient, de
28 toute façon, jamais sans commandant, et que le commandant ni les soldats ne
Page 11361
1 lui ont pas parlé d'avoir remarqué des activités s'étant déroulées dans le
2 hameau de Cerim. Pour ces raisons-là, je n'ai absolument aucune
3 connaissance, et je ne sais pas pourquoi et comment les faits sont décrits
4 dans ce livre du fond en question, et c'est la raison pour laquelle je fais
5 cette affirmation et j'ai écrit ceci : que ni moi ni d'autres membres de
6 mon unité aient eu quelque connaissance que ce soit du crime commis à
7 Cerim. Nous n'avons pas non plus d'information à savoir qui aurait commis
8 ces crimes allégués.
9 Q. Mon Général, je voulais savoir si à ce moment-là et au cours de cette
10 période-là vous aviez des connaissances, quelque connaissance que ce soit,
11 que des crimes avaient été commis à cet endroit-là ?
12 R. Non.
13 Q. Merci beaucoup. Ici, je vois que vous parlez du 31 mars et du 1er avril.
14 Si l'on vous posait des questions concernant des événements qui se seraient
15 déroulés dans la nuit entre le 1er et le 2 avril, est-ce que quelque chose
16 aurait changé, est-ce que votre déclaration aurait changé ? Est-ce que vous
17 aviez quelque connaissance que ce soit des événements qui s'étaient
18 déroulés dans la nuit du 1er au 2 avril ?
19 R. Non, rien n'aurait changé, puisque les soldats en question qui se
20 trouvaient dans le Vinarski Podrum, dans cette cave, ils s'y sont trouvés
21 pendant un mois. Effectivement, j'étais passé par là la veille, mais les
22 soldats se trouvaient constamment cantonnés à cet endroit-là. Ils s'étaient
23 déplacés de leur caserne et s'étaient cantonnés à cet endroit-là. C'est la
24 raison pour laquelle je maintiens mon affirmation et ce que j'ai dit un peu
25 plus tôt, et je sais que le commandant de cette unité également affirme ne
26 pas avoir su, ne pas avoir appris ce qui s'était réellement passé.
27 Q. S'agissant des frappes aériennes de l'OTAN sur les installations
28 militaires et civiles dans la ville, à quoi ressemblait la vie à Djakovica
Page 11362
1 ?
2 R. Comme je l'ai dit, l'aviation se déroulait tous les jours dans la
3 ville. Il y avait beaucoup d'installations, beaucoup de bâtiments qui
4 avaient déjà été détruits, il y avait énormément de vitres de vitrines qui
5 avaient explosé à la suite des détonations. Il y avait également des
6 bâtiments qui étaient incendiés, il y avait des bâtiments qui avaient été
7 détruits, des installations militaires également étaient détruites, mais il
8 y avait un très grand nombre de bâtiments civils qui avaient également été
9 détruits. Il n'y avait presque plus aucune station d'essence. Elles avaient
10 été également prises pour cibles. Je dois dire que sur la ville de
11 Djakovica, il y a eu des frappes aériennes de façon constante,
12 principalement sur la ville de Djakovica.
13 Q. Merci. Vous avez parlé de la rue Katolicka, vous nous avez expliqué
14 comment les anciennes maisons étaient construites et quelles pouvaient être
15 les conséquences d'une seule roquette qui était lancée. Quelles ont été les
16 conséquences des bombardements de l'OTAN sur d'autres quartiers de la ville
17 ?
18 R. Ecoutez, je suis resté dans la ville de Djakovica pendant l'essentiel
19 de cette période, donc je peux vous dire qu'ils ont utilisé des catégories
20 bien précises d'armes pour des cibles bien précises. Par exemple, il y a
21 avait une station d'essence Stella qui a été touchée. Au moment où elle a
22 été touchée, les réservoirs qui se trouvaient sous terre ont commencé à
23 exploser dans toute la ville, comme autant des boîtes de conserve, en fait
24 ça je ne l'ai pas vus, mais je suis allé voir par la suite comment une
25 unité de production de tabac qui s'appelait Virginia, et qui avait cinq
26 étages, avait été littéralement détruite par une bombe, et ce, depuis le
27 toit jusqu'au rez-de-chaussée, même s'il y avait entre chaque étage des
28 parquets de béton qui étaient extrêmement épais, ils avaient quasiment deux
Page 11363
1 mètres d'épaisseur chacun, mais ils utilisaient donc différents types
2 d'armes, et pour ce qui était des attaques contre les unités antiaériennes,
3 ils utilisaient essentiellement des missiles téléguidés.
4 Lorsqu'ils ciblaient certains bâtiments, ils utilisaient également
5 des missiles de croisière, qui avaient une puissance destructrice
6 extrêmement importante, mais qui avait également des bombes qui étaient
7 plus ou moins grandes. Ils ont également utilisé des bombes à
8 fragmentation, notamment les bombes à fragmentation que l'on utilise et qui
9 anéantisse complètement le circuit électrique. Donc ils ont utilisé tous
10 les types d'armes qu'ils avaient à leur disposition.
11 M. POPOVIC : [interprétation] Avant la pause, je souhaiterais demander le
12 versement au dossier de ce document.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cela sera fait.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00689, Monsieur le
15 Président.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons l'audience à 16
17 heures 15.
18 [Le témoin quitte la barre]
19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.
20 --- L'audience est reprise à 16 heures 17.
21 [Le témoin vient à la barre]
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic.
23 M. POPOVIC : [interprétation] Merci.
24 Q. Pourrions-nous, je vous prie, afficher la pièce D006-4313, qui
25 correspond à l'intercalaire 6 de votre classeur, Général.
26 Donc, nous voyons qu'il s'agit d'un ordre qui porte la date du 2 avril
27 1999. C'est un de vos ordres, et alors, je ne vais pas donner lecture de
28 l'intégralité de l'ordre. Il y est question de droit international
Page 11364
1 humanitaire et du respect de ce droit international humanitaire. Est-ce que
2 vous pourriez, je vous prie, nous dire rapidement ce que vous avez à nous
3 dire à propos de tout ce document, notamment les paragraphes 2, 3 et 4, et
4 dites-nous pourquoi est-ce que vous insistiez, en fait, là-dessus ?
5 R. Oui, effectivement, il s'agit d'un de mes ordres, et par cet ordre, je
6 donnais l'ordre pour qu'à tout moment et quelles que soient les
7 circonstances, les dispositions du droit international de la guerre doivent
8 être respectées. J'indique que toutes les unités doivent respecter le droit
9 international humanitaire, et qu'il était également de leurs devoirs de
10 donner des informations s'ils se rendaient compte que quelqu'un ne
11 respectait pas les dispositions du droit international humanitaire.
12 Donc, j'indique dans ce document que tous les auteurs éventuels seront
13 punis. A savoir, si quelqu'un commet un acte qui va à l'encontre du droit
14 humanitaire international, il devait être sanctionné. J'avais également
15 donné des consignes aux organes de sécurité car, dans ce cas d'espèce, les
16 organes de sécurité devaient transférer l'auteur dudit crime devant un
17 tribunal militaire. Et je dis également que tous les membres de la brigade
18 doivent être informés de cet ordre. Et plus particulièrement, je demande
19 aux commandants des unités et aux commandants des unités subordonnées de ne
20 pas perdre cela de vue et de prendre des mesures en cas de non-respect du
21 droit international humanitaire.
22 Q. Merci, Général. Est-ce qu'il y a, par exemple, des documents dont
23 disposaient les membres de l'armée de Yougoslavie qui les exhortaient à
24 respecter le droit humanitaire international ?
25 R. Oui, bien sûr. Tous les membres de l'unité, à commencer par moi-même
26 jusqu'au tout dernier maillon de la brigade, avaient des instructions qui
27 étaient accompagnées d'extraits bien précis qui décrivaient des situations
28 dans lesquelles ils auraient pu se trouver en cas de guerre. Donc, c'était
Page 11365
1 en fait quelque chose qui avait la taille d'une poche. C'était un petit
2 livret plastifié que l'on pouvait mettre dans sa poche facilement, et comme
3 ils étaient plastifiés, ils ne craignaient pas, par exemple, la pluie, même
4 lorsque votre uniforme était mouillé. Donc en fait, fondamentalement, ils
5 ne pouvaient absolument pas être détruits.
6 Donc, par conséquent, personne n'aurait pu dire qu'ils n'étaient absolument
7 pas informés des dispositions du droit humanitaire international et du
8 respect de ce droit.
9 Q. Je vous remercie.
10 M. POPOVIC : [interprétation] Et je souhaiterais demander le versement au
11 dossier de ce document.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, ce document sera versé au
13 dossier.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00690, Monsieur le
15 Président.
16 M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir le document
17 D006-4315 à l'écran, je vous prie.
18 Q. Il s'agit du document qui se trouve à l'intercalaire 7 de votre
19 classeur, Général. Donc, nous voyons qu'il s'agit d'un document du
20 commandement de la 52e Brigade. Nous voyons que la date est la date du 6
21 avril 1999. Le premier paragraphe est comme suit :
22 "Forces placées sous le commandement de la brigade et déploiement en cas de
23 combat."
24 Et au numéro 2, vous voyez qu'il est question des "unités attachées et
25 rattachées ou rattachées et resubordonnées."
26 Est-ce que vous pourriez peut-être nous expliquer le sens de ces deux
27 paragraphes, 1 et 2 ?
28 R. Oui, tout à fait. Alors, nous voyons qu'il est question des forces qui
Page 11366
1 sont placées sous le commandement de la brigade et qui étaient déployées
2 dans la zone.
3 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande à Me Popovic d'avoir l'amabilité
4 débrancher son micro.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, il est indiqué, par exemple, que le 1er
6 Bataillon de la compagnie se trouve à Skivjane, et puis vous savez qu'il y
7 en a un autre qui se trouve au poste frontalier de Vojinovic. Alors là, il
8 s'agit en fait des éléments qui se trouvaient sous mon commandement, et
9 c'étaient les officiers de ma brigade qui commandaient ces unités. Pour ce
10 qui est du deuxième paragraphe, il s'agit d'unités qui avaient été
11 rattachées et resubordonnées à d'autres unités, et ce, pour prêter main-
12 forte dans le cadre de telles ou telles activités.
13 En fait, toutes les unités avaient pour devoir ou devaient se protéger
14 contre les attaques aériennes. Donc, ces unités qui avaient été rattachées
15 ou resubordonnées à d'autres unités avaient été déployées pour justement
16 apporter un renfort à d'autres unités et il s'agissait de défense
17 antiaérienne, parce que ces autres unités, elles n'avaient pas été formées
18 et équipées pour cibler des appareils ou des avions. Voilà ce que montre,
19 en fait, ce récapitulatif. Par exemple, il est indiqué qu'une batterie du
20 3e Bataillon d'artillerie se trouvait dans la zone de Zub, il y en a un
21 autre qui se trouvait dans la zone du commandement du Corps de Pristina,
22 puis il y avait la 549e Brigade motorisée, donc lorsque cela était
23 nécessaire, ces unités étaient ainsi utilisées.
24 Q. Merci. Dites-moi, Général, sous quel commandement étaient placées ces
25 unités rattachées et resubordonnées ?
26 R. Lorsqu'il est question de "resubordination" justement, on comprend
27 aisément qu'il s'agissait d'unités qui étaient commandées par l'officier
28 qui commandait l'unité auprès de laquelle cette partie de ma brigade avait
Page 11367
1 été rattachée et resubordonnée. En d'autres termes, cette unité était
2 utilisée sur la base d'ordres qui étaient donnés par l'officier qui
3 commandait l'unité auprès de laquelle les éléments de mon unité avaient été
4 rattachés, et il n'agissait que sur ordre de cet officier chargé du
5 commandement.
6 M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier
7 de ce document.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00691.
10 M. POPOVIC : [interprétation]
11 Q. Général, étant donné que nous parlons du 6 avril et de la période qui a
12 suivi le 6 avril, est-ce que vous pourriez me dire s'il y a eu une
13 offensive importante de la part des forces terroristes pendant cette
14 période dans la zone de Kosare, en face de l'autre côté de la frontière
15 albanaise ? Donc, c'était à Morina et Kosare.
16 R. Oui, le 7 avril, dans la zone du poste frontalier de Kosare, il y a eu
17 un grand groupe de terroristes albanais qui provenaient de la république
18 d'Albanie qui avait un appui d'artillerie de gros calibre, appui qui leur
19 était donné par l'armée de la république d'Albanie. Ils avaient également
20 un appui feu qui leur était apporté par les forces de l'OTAN. Je dirais que
21 Nikola Popovic, qui était un des soldats de mon unité, a été tué pendant
22 cette attaque. Le lieutenant Misic a également été blessé. Je vous parle de
23 mon unité, mais ce fut une attaque qui a eu lieu sur une zone assez large
24 et qui a représenté un danger grave, à savoir s'ils s'étaient emparés de
25 certains points, de certains lieux du pays, de certaines élévations, cela
26 aurait pu représenter un grave danger.
27 Puis en fait, on avait l'impression que c'était déjà quasiment la
28 deuxième phase de l'agression. Il s'agit d'une invasion terrestre.
Page 11368
1 L'agression, elle, avait commencé le 23 mars, mais c'était une agression
2 aérienne, mais là il y avait véritablement ce danger qui se profilait à
3 l'horizon, danger d'attaques terrestres, et en fait il s'agissait d'une
4 attaque terrestre. C'est exactement de cela qu'il s'agissait.
5 Q. Merci.
6 M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir le document
7 D006-4318, je vous prie.
8 Q. Cela correspond à l'intercalaire 8 de votre classeur.
9 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je n'ai pas l'impression que cela
11 existe dans le prétoire électronique.
12 M. POPOVIC : [interprétation] C'est le numéro D006-4318. C'est la cote que
13 j'ai, moi, en tout cas. Une petite seconde pour vérifier cela. Entre-temps,
14 je vais, de toute façon, passer au document suivant, puis nous reviendrons
15 sur ce document dont je devrai demander l'affichage.
16 Est-ce que nous pourrions avoir le document D006-4320.
17 Q. Il s'agit de l'intercalaire 9 de votre classeur, Général. M. POPOVIC :
18 [interprétation] Nous avons le document ? Oui, il me semble que c'est le
19 bon document.
20 Q. Il s'agit d'un de vos ordres qui porte la date du 10 avril 1999. Au
21 paragraphe premier, vous faites référence à l'utilisation de ressources de
22 combat inhumaines. Est-ce que vous pourriez lire ceci et nous dire ce que
23 vous entendiez exactement et que savez-vous de l'utilisation de ce type de
24 matériel ou d'équipement sur le territoire du Kosovo ?
25 R. Oui, oui, il s'agit d'un de mes ordres qui régule ce type de situation,
26 et voila ce que je dis au premier paragraphe :
27 "Les commandants d'unité prendront toutes les mesures nécessaires
28 afin de protéger les unités, qu'elles soient en déplacement ou relogées, ou
Page 11369
1 qu'elles soient dans des secteurs de combat pour y protéger des appareils
2 ennemis qui opèrent à partir de l'espace aérien et qui utilisent les toutes
3 dernières armes inhumaines."
4 Il faut savoir que pendant l'agression de l'OTAN, nous nous déplacions tout
5 le temps et nous étions relogés, recantonnés tout le temps. Les unités
6 devaient être déplacées tout le temps parce que le danger c'était qu'on
7 soit complètement anéantis si on passait trop de temps dans une zone bien
8 précise. C'est pour cela que j'ai donné cet ordre. Notamment parce que des
9 armes inhumaines avaient déjà été utilisées. Je fais essentiellement
10 référence aux bombes à fragmentation, mais également à des munitions qui
11 contiennent de l'uranium appauvri.
12 Vous pouvez voir qu'il s'agit d'un ordre du 10 avril, ce qui signifie
13 que juste après cette date, une tentative a été faite pour lancer une
14 attaque terrestre, les frappes aériennes de l'OTAN ont subi une
15 intensification et ils ont utilisé toutes les ressources dont ils
16 disposaient afin d'apporter leur soutien à l'arrivée des terroristes en
17 provenance d'Albanie.
18 Q. Merci, Général. Qu'en est-il du paragraphe 4 de cet ordre, est-ce que
19 vous pourriez nous l'expliquer rapidement. Il est question des personnes
20 non armées, femmes, enfants, personnes âgées et autres qui se trouvent dans
21 le secteur de déploiement du combat de l'unité doivent être traités de
22 façon humaine et conformément aux principes des dispositions du droit
23 international de la guerre ?
24 R. Bien évidemment. J'ai donné ce type d'ordres, mais également le
25 commandant de mon corps me donnait également ce type d'ordres, et il y
26 était question des principes et des dispositions du droit international de
27 la guerre qui étaient répétés, et je dirais qu'il n'y a quasiment pas un
28 seul ordre où on ne fait pas une référence à cela, où l'on ne met pas en
Page 11370
1 garde, on n'avertit pas les troupes. Parce qu'il faut savoir que les unités
2 changeaient, il y avait un roulement, il y avait des arrivées de nouveaux
3 soldats, de nouveaux officiers constamment, donc ce type d'ordres n'était
4 absolument pas superflu. Je pense que ce type d'ordres, que ce genre de
5 dispositions faisait partie intégrante de tous les ordres.
6 Q. Merci.
7 M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
8 demander le versement au dossier de ce document.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cela sera fait.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00692.
11 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. On vient de me dire que le document
12 précédent a été localisé. Il s'agit du document D006-4318, qui correspond à
13 votre intercalaire 8, Général, et le document peut maintenant être affiché
14 à l'écran. Voilà, c'est exactement ce document-ci.
15 Q. Il s'agit d'un autre ordre que vous avez donné, Général, ordre qui
16 porte la date du 10 avril 1999, et au premier paragraphe vous dites que
17 tous les auteurs d'infractions criminels seront immédiatement escortés
18 auprès d'un juge d'instruction compétent du tribunal militaire du
19 commandement du Corps de Pristina, et ce, avec un rapport d'une enquête
20 judiciaire. Vous dites au numéro 2 que les mesures précisées au paragraphe
21 premier de cet ordre seront également prises à l'encontre de conscrits et
22 de volontaires dans l'armée. Au paragraphe 3, vous indiquez que tous les
23 effectifs de l'unité doivent être informés des mesures qui seront prises
24 contre les auteurs de ce type d'infractions et délits.
25 Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet, à propos de ce document, brièvement ?
26 R. Cela reprend tout à fait la quintessence de mes autres ordres, car
27 j'indique qu'un rapport d'enquête judiciaire doit être établi et que tous
28 les auteurs d'infractions et de crimes et de délits doivent être
Page 11371
1 immédiatement présentés devant un juge d'instruction du tribunal militaire.
2 Je donne également l'ordre aux chefs de la sécurité, notamment de la police
3 militaire, qui sont habilités à appréhender les membres d'unités en cas de
4 crimes, je leur donne l'ordre de le faire sans aucune hésitation.
5 Pour ce qui est du paragraphe 2, j'indique que cet ordre est
6 également valable pour les conscrits et les volontaires. J'avais également
7 donné l'ordre que des rapports devront être présentés au commandement à
8 propos des mesures prises, mais également que toutes les autres unités
9 devront en être informées, et ce, afin d'agir de façon préventive. Disons,
10 par exemple, qu'il y avait un cas individuel d'infraction ou de violation
11 du droit humanitaire international qui concernait une unité, par le
12 truchement de cet ordre, je donne l'ordre d'informer les autres unités, et
13 ce, grâce à notre service de sécurité, pour que justement l'attention soit
14 attirée sur le fait que des cas semblables ne devront pas se produire dans
15 d'autres unités, et cela doit être fait par les commandants responsables.
16 J'indique également que les commandants des unités seront tenus
17 responsables de la mise en œuvre de cet ordre, et quant à moi-même, j'étais
18 responsable vis-à-vis du commandant du corps.
19 Q. Je vous remercie.
20 M. POPOVIC : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
21 dossier de ce document.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela deviendra la pièce D00693.
24 M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais demander l'affichage du document
25 D006-4333.
26 Q. Il s'agit du document qui se trouve à l'intercalaire 10 de votre
27 classeur. Il s'agit d'un ordre du 13 avril 1999, et cela concerne le
28 commandement du Corps de Pristina et du fait que des mesures doivent être
Page 11372
1 prises pour défendre la RFY.
2 M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce que la page 2 du document pourrait
3 être affichée dans les deux langues, je vous prie.
4 Q. Général, veuillez consulter le paragraphe 6, je vous prie.
5 R. Oui. Il s'agit d'un ordre du commandant du Corps de Pristina.
6 Q. Un petit moment, je vous prie. J'ai l'impression que ce n'est pas le
7 document dont j'avais demandé l'affichage.
8 M. POPOVIC : [interprétation] Document D006-4333. Non, je m'excuse. En
9 fait, il s'agit du document D006-4323. Le 4333 sera le document suivant
10 dont je demanderai l'affichage. C'est le bon document : Commandement du
11 Corps de Pristina. Page 2 pour les deux versions.
12 Q. Général, veuillez regarder ce paragraphe 6. J'aimerais que vous nous
13 présentiez vos observations de façon très brève. Quel ordre est donné par
14 le commandement du Corps de Pristina ?
15 R. Oui, effectivement, c'était un ordre donné par le commandant du Corps
16 de Pristina destiné à tous les commandants et à toutes les unités
17 subordonnés. Il insiste pour qu'il y ait une amélioration de la discipline,
18 pour que le comportement des soldats soit un comportement digne de soldats,
19 et ce, afin de prévenir de mauvais comportements de la part de personnes,
20 des pillages, et cetera, et cetera, tout en maintenant la réputation de
21 l'armée grâce au comportement des soldats.
22 Il faut savoir que nos commandants, et le général Lazarevic était mon
23 commandant, avaient donné cet ordre pour que je le relaye à mes
24 subordonnés. Nous insistions toujours sur l'ordre, la discipline, un
25 comportement honorable, et le fait qu'il ne fallait pas utiliser de façon
26 superflue la force. Nous insistions pour que toutes les vertus ou toutes
27 les qualités de l'armée qui va combattre soient respectées, non seulement
28 pour que cette armée puisse exister, mais pour que sa réputation puisse
Page 11373
1 également exister.
2 M. POPOVIC : [interprétation] Page suivante dans les deux langues.
3 Q. Vous voyez qu'au alinéa 2 du paragraphe 15, il est indiqué : "Procéder
4 à une analyse -- analyser la réaction des formations de réserve et proposer
5 des mesures." J'aimerais, dans un premier temps, que vous nous indiquez
6 s'il y avait des réservistes au sein de votre unité. J'aimerais savoir par
7 quel moyen ils étaient arrivés, comment, quels étaient les documents qui
8 les accompagnaient. Est-ce que vous pourriez nous parler de tous les
9 aspects utiles, à savoir à propos des réservistes et des volontaires.
10 R. Pour vous dire la vérité, j'avais des volontaires dans mon unité. Mais
11 je pense qu'il va falloir d'abord, dans un premier temps, que nous nous
12 mettions d'accord sur la définition du terme "volontaire".
13 Q. Excusez-moi. La question que je vous ai posée ne concernait pas les
14 soldats de réserve, mais uniquement les volontaires. J'aimerais que dans
15 votre réponse, vous vous concentriez exclusivement sur les volontaires.
16 R. Les volontaires sont des hommes qui n'avaient pas reçu un appel de
17 mobilisation ou qui n'ont pas été mobilisés, mais inspirés par le
18 patriotisme, ils se sont présentés auprès des unités de l'armée yougoslave.
19 Par exemple, j'avais des volontaires au sein de mon unité. Ils provenaient
20 du commandement du Corps de Pristina. Ils étaient toujours amenés sur place
21 par un officier supérieur. Donc, il ne s'agissait pas d'individus
22 éparpillés. Ils étaient amenés en groupe par un officier supérieur du Corps
23 de Pristina, et ils arrivaient accompagnés d'une documentation complète
24 avec leurs livrets militaires, où il était indiqué quelles étaient les
25 branches de l'armée au sein desquelles ils avaient servi et toutes les
26 autres données pertinentes, et c'est en fonction de ces données qu'ils
27 étaient déployés.
28 Une fois intégrés au sein de l'unité, nous leur délivrions des armes et ils
Page 11374
1 étaient déployés en fonction de la branche de l'armée au sein de laquelle
2 ils avaient servi. Si, par exemple, à l'époque où il avait fait son service
3 militaire, un soldat travaillait dans les transmissions, nous le déployions
4 à ce même poste. Si, en revanche, il travaillait dans l'artillerie, il
5 était de nouveau déployé dans une unité d'artillerie. S'il s'agissait d'un
6 infirmier, nous le déployions dans les urgences.
7 Mais toujours est-il que lors du déploiement de ces soldats, et quel
8 que soit leur nombre, ils n'étaient jamais déployés tous ensemble. En fait,
9 le nombre de volontaires ne devait pas dépasser le tiers des effectifs au
10 sein d'une unité, et ils se trouvaient toujours sous le commandement d'une
11 unité d'active.
12 Il arrivait qu'une unité intègre un certain nombre d'individus qui,
13 d'après nous, n'étaient pas de même à s'acquitter de leurs tâches, d'autant
14 plus que notre unité était celle de la défense antiaérienne, il fallait
15 avoir une très bonne vue et il fallait être en très bonne forme physique à
16 cause des délogements qui survenaient très souvent. Par conséquent, les
17 volontaires qui ne pouvaient pas être engagés au sein de notre service,
18 nous les faisions revenir auprès du commandement du Corps de Pristina pour
19 qu'ils soient déployés ailleurs.
20 Donc, j'avais des volontaires au sein de mon unité. Du moment où ils
21 avaient été intégrés à l'unité, ils ne se distinguaient plus des autres
22 soldats. Entre nous, nous nous servions du terme "volontaires" pour les
23 désigner parce qu'ils étaient venus de leur propre gré pour servir au sein
24 de l'unité, et ils l'avaient fait avec honneur, à la différence de quelques
25 autres individus qui s'étaient enfuis du pays pour éviter d'être mobilisés.
26 Q. Aviez-vous des règles en vigueur définissant le nombre de volontaires
27 qui pouvaient servir au sein d'une unité donnée ?
28 R. Je viens de l'indiquer, le nombre de volontaires ne devait pas dépasser
Page 11375
1 le tiers des effectifs au sein d'une unité. Par exemple, si nous avons 30
2 soldats au sein d'une section, le nombre de volontaires dans cette section
3 ne devait pas dépasser dix soldats. Ceci était défini avec beaucoup de
4 rigueur et de précision. Donc, ils n'étaient jamais regroupés tous
5 ensemble, et ils n'étaient jamais commandés par l'un des volontaires. Au
6 contraire, ils étaient toujours subordonnés à nos officiers supérieurs
7 réguliers d'active.
8 M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, merci, et Messieurs
9 les Juges, je souhaite demander le versement au dossier de ce document.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
12 D00694.
13 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Passons maintenant au document D006-
14 4333.
15 Q. Général, le document figure à l'intercalaire 11 dans votre classeur. Il
16 s'agit d'un ordre que vous avez émis le 13 avril 1999. J'aimerais que vous
17 vous concentriez sur le paragraphe 3, et plus particulièrement par la
18 phrase :
19 "Prendre des mesures énergiques pour prévenir la consommation
20 d'alcool, les cas de désertion, refus de se conformer aux ordres émis, et
21 puis accorder la plus grande attention à tout ce qui concerne l'apparence
22 personnelle des soldats, leur comportement et le faire en établissant des
23 contacts directs avec les soldats."
24 R. Voilà ce que je peux dire, c'est que nous avons tout fait pour
25 renforcer la discipline et maintenir l'ordre. Evidemment, il est toujours
26 interdit de consommer de l'alcool dans une armée, puisque les hommes sont
27 armés et exposés à un stress constant.
28 Et ici dans la partie du texte où il est question de leur apparence
Page 11376
1 physique, de la présentation, il arrivait dans la ville de Djakovica à
2 l'époque où la poste fonctionnait toujours, il arrivait que des hommes
3 viennent des postes frontaliers pour passer un coup de téléphone, pour
4 faire signe à leur famille, et parmi ces hommes, il y en avait quelques-uns
5 qui ne se présentaient pas comme un militaire devrait le faire. Leurs
6 uniformes étaient sales, leurs cheveux n'étaient pas coupés, ils n'étaient
7 pas rasés, et ceci était compréhensible au vu des circonstances dans
8 lesquelles ils vivaient, mais ceci ressortait et frappait l'œil, et l'image
9 projetée n'était pas très bonne. Ceci était particulièrement prononcé chez
10 les soldats de réserve. Eux aussi, évidemment, étaient des soldats, mais
11 parmi eux, il y avait des personnes âgées qui n'avaient pas vraiment une
12 bonne apparence dans leur uniforme, de toute façon, et au vu des
13 circonstances, c'est parce qu'ils avaient passé une certaine période du
14 temps dans la zone de Kosare, ils s'étaient laissés aller.
15 Pour ce qui est des enseignes qu'ils devaient arborer, seules les
16 enseignes officielles de l'armée yougoslave étaient permises.
17 Q. Merci, Général. Lorsqu'il est question des enseignes, savez-vous s'il y
18 a eu des membres d'unités paramilitaires sur le territoire du Kosovo-
19 Metohija entre 1998 et 1999 ?
20 R. La plupart de mon temps, je l'ai passé à Djakovica. Cependant, je me
21 suis souvent déplacé ailleurs pour faire le tour des unités sous mon
22 commandement, et celles-ci étaient déployées depuis Pec, puis à Kijevo,
23 Pristina, Gnijlane. Nulle part je n'ai pu relever la présence d'unités
24 paramilitaires. La seule unité paramilitaire active dans la région était
25 l'armée terroriste de l'UCK. Mais je dois avouer que je n'en ai jamais vu
26 un seul membre de mes propres yeux. Sur la base des rapports reçus des
27 officiers qui m'étaient subordonnés et à la base de ce que j'ai pu voir
28 comme témoin oculaire, je n'ai jamais relevé la présence d'une unité
Page 11377
1 paramilitaire quelconque.
2 Q. Merci.
3 M. POPOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le
4 versement au dossier de ce document.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
7 D00695.
8 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Passons maintenant au document D006-
9 2363.
10 Q. Le document correspond à l'intercalaire 12 dans votre classeur,
11 Général.
12 M. POPOVIC : [interprétation] D006-2363, s'il vous plaît.
13 Q. C'est un rapport de combat émanant de votre commandement et envoyé au
14 commandement du Corps de Pristina, la date est le 14 avril 1999. Rubrique
15 1, paragraphe 2, je lis :
16 "L'ennemi n'a pas engagé des activités visant les installations de la
17 brigade, mais à proximité du poste où étaient déployées nos unités, village
18 de Ripaj et Madanaj et le pont de Terzijski, ils ont causé un véritable
19 massacre."
20 Alors, Général, que pouvez-vous nous dire sur ce document, quelles sont les
21 connaissances immédiates dont vous disposez sur ce sujet ?
22 R. Oui, je me souviens de cet événement et on pourrait pratiquement dire
23 que j'en ai été témoin oculaire. Ceci s'est produit dans le village Meja,
24 les avions de l'OTAN ont frappé une colonne de réfugiés, de civils de
25 souche albanaise. Deux aéronefs ont frappé cette colonne de réfugiés, et en
26 suivant l'ordre du commandant du Corps de Pristina, j'ai été envoyé sur les
27 lieux pour voir ce qu'on pouvait y faire. En même temps, j'ai donné l'ordre
28 au chef de notre service médical d'envoyer une ambulance depuis la garnison
Page 11378
1 pour voir s'il était possible de fournir une assistance médicale aux
2 blessés.
3 Je suis arrivé sur les lieux une heure après la fin des frappes de
4 l'OTAN, et je dois dire que j'ai retrouvé un spectacle horrible. Les
5 cadavres fumaient encore. On voyait des parties de tracteur éparpillées
6 partout. Des hommes avaient été brûlés, leurs cadavres éparpillés. Une
7 situation extrêmement pénible. Cependant ce que j'ai immédiatement relevé,
8 c'était le point suivant, à la tête de cette colonne se trouvait un
9 monsieur, un homme âgé, il devait avoir environ 75 ans, d'une apparence
10 très comme il faut. Et au moment où je suis arrivé, je lui ai posé la
11 question, mais que s'est-il passé, il m'a expliqué qu'il avait vu deux
12 avions, qu'il avait entendu des détonations, il me l'a montré en
13 gesticulant, et il n'avait plus rien à ajouter.
14 Alors, qu'est-ce qui est intéressant dans tout ceci. Dans la ville de
15 Djakovica, nous n'avions pas de télévision, nous n'avions pas d'équipement
16 pour pouvoir enregistrer cet événement. Donc une équipe était arrivée sur
17 les lieux depuis Prizren. Et moi je me tenais toujours auprès de ce
18 vieillard, nous étions ensemble. Au moment où l'équipe de télévision est
19 arrivée, il s'est soudainement métamorphosé. J'ai été stupéfait de voir
20 comment soudainement il a courbé son dos pour donner l'impression que
21 c'était un pauvre homme affligé, il a commencé à s'exprimer en serbe d'une
22 manière erronée, et puis lorsque les journalistes lui ont posé la question
23 de savoir ce qui s'était passé, il a expliqué qu'il avait entendu une
24 détonation, mais il ne savait pas s'il s'agissait vraiment d'avion ou d'une
25 mine qui aurait explosé, et s'il s'agissait effectivement d'avion, de
26 frappes aériennes, alors il ne pouvait pas dire à qui appartenaient ces
27 avions.
28 Donc sous mes yeux, je voyais une métamorphose incroyable. Il avait
Page 11379
1 complètement modifié son comportement, comme s'il s'agissait d'un rôle
2 qu'il avait pratiqué depuis longtemps. Et j'ai décrit déjà cet événement
3 dans le livre que j'ai publié, mais je vous assure que c'est de la vérité
4 pure.
5 Nous avons envoyé une équipe à nous sur les lieux, nous n'avons pas pu
6 faire grand-chose. Par la suite, nous avons reçu un rapport émanant de
7 l'hôpital de Djakovica indiquant le nombre de personnes qui ont trouvé la
8 mort, la plupart d'entre eux étaient des femmes et des enfants, très peu
9 d'hommes figuraient sur cette liste. L'impression que j'ai eue, c'est que
10 le seul homme dans cette colonne, que c'était le vieillard, ce monsieur âgé
11 dont je vous ai parlé. Donc voilà, c'est quelque chose que j'ai vu de mes
12 propres yeux. Je ne sais pas si j'ai vraiment pu faire revivre cette scène
13 sous vos yeux, mais c'est une scène dont je ne préfère ne pas me souvenir
14 tous les jours, c'est quelque chose que je préfère oublier.
15 Q. Merci, Général.
16 M. POPOVIC : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier
17 de ce document.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
20 D00696.
21 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Je souhaite demander l'affichage du
22 document D006-4336.
23 Q. Le document figure à l'intercalaire 13 dans votre classeur, Général. Le
24 document que nous avons sous les yeux est un rapport de combat régulier du
25 commandement du Corps de Pristina, la date est le 16 avril 1999. J'aimerais
26 que vous vous concentriez sur le chapitre 1, paragraphe 3 :
27 "Entre 7 heures 50 et 8 heures 10 le 16 avril, l'ennemi a jeté des
28 pamphlets de propagande sur nos unités."
Page 11380
1 Pouvez-vous nous dire de quelles connaissances vous disposez à ce sujet,
2 s'il vous plaît ?
3 R. Oui, ces pamphlets ont fait leur apparition pour la première fois le 16
4 avril. S'ils avaient été jetés plus tôt, nous l'aurions signalisé plus tôt
5 dans le rapport. Une immense quantité de ces pamphlets avait été jetée
6 depuis les avions, on pouvait les trouver partout, partout dans la ville,
7 mais portés par le vent, ces pamphlets arrivaient un peu partout. Les
8 pamphlets étaient imprimés sur un papier de bonne qualité, donc ils
9 résistaient bien à la pluie, à la rosée, au soleil.
10 Quant à leur contenu il variait d'un pamphlet à l'autre. Ainsi, l'un des
11 pamphlets répertoriait les commandants qui, affirmait-on, suivaient
12 constamment la situation. Puis d'autres pamphlets invitaient les soldats à
13 déserter. Puis un certain nombre de pamphlets auraient pu faire peur à qui
14 que ce soit, ces pamphlets avaient fait leur apparition deux ou trois jours
15 après le début de la campagne aérienne. Des bombardiers stratégiques B-52
16 avaient été utilisés dans cette campagne, on sait qu'ils peuvent porter
17 plusieurs tonnes de bombes.
18 Et l'un de ces pamphlets montrait l'image d'un bombardier jetant toute une
19 pluie de bombes, et il est indiqué que ces bombes seront utilisées tant que
20 la police et l'armée n'auraient été chassées depuis le territoire du
21 Kosovo-Metohija. Evidemment, moi j'ai vu ces avions lorsqu'ils étaient
22 actifs, plutôt je les ai vu survoler le poste où j'ai été cantonné. Il
23 s'agit d'avion qui ressemble à des avions "jumbos", et le seul fait de les
24 regarder infligeait la peur. Il n'était même pas nécessaire qu'ils jettent
25 des bombes. D'autres avions avaient été utilisés également, mais ceux-ci
26 étaient les plus frappants.
27 Q. Merci, Général.
28 M. POPOVIC : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier
Page 11381
1 de ce document.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
4 D00697.
5 M. POPOVIC : [interprétation]
6 Q. Général, puisque nous parlons de ces pamphlets, j'aimerais que le
7 document D006-2513 soit affiché à l'écran, le document qui correspond à
8 l'intercalaire 14 dans votre classeur, Général. Alors, le document que vous
9 avez sous les yeux est un pamphlet. J'aimerais savoir si vous avez déjà
10 pris connaissance de ce pamphlet et si vous savez quelle est sa teneur ?
11 Avez-vous eu l'occasion de le voir de vos propres yeux ?
12 R. Oui, j'ai déjà pris connaissance de ce document, mais il ne faisait pas
13 partie des pamphlets qui étaient jetés depuis les avions. Ce pamphlet a été
14 imprimé sur une feuille de papier rouge, lettres noires sur fond rouge.
15 Evidemment, je ne maîtrise pas l'albanais, mais mes officiers supérieurs me
16 l'ont traduit, et la plupart de mes soldats qui provenaient du territoire
17 du Kosovo-Metohija maîtrisaient la langue siptar.
18 Ils m'ont expliqué que dans ce pamphlet on décrivait la situation
19 prévalente. Il a été destiné avant tout ou exclusivement à la population
20 albanaise. A cette population, il est expliqué ici que l'UCK ne saurait les
21 protéger. La population est invitée, encouragée à quitter provisoirement le
22 territoire du Kosovo-Metohija. Et un certain nombre d'axes routiers sont
23 recommandés, plus précisément, on insiste pour qu'ils se rendent en Albanie
24 et en Macédoine. Puis, en bas de la page, il est indiqué que cet
25 encouragement leur est adressé par le président de la république, Ibrahim
26 Rugova.
27 M. POPOVIC : [interprétation] Merci, Général. Messieurs les Juges, je
28 souhaite demander le versement au dossier de ce document.
Page 11382
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin a indiqué que ce document
2 n'était pas jeté depuis les avions, mais il n'a pas expliqué de quelle
3 manière il est tombé sur ce document.
4 M. POPOVIC : [interprétation] Nous allons nous en assurer dès maintenant.
5 Q. Général, vous avez entendu la question du Juge. Expliquez-nous, s'il
6 vous plaît, de quelle manière vous avez pris possession de ce document.
7 R. Nous avions reçu un certain nombre d'instructions et d'ordres. Tout
8 membre d'unité qui tombait sur un pamphlet était tenu de remettre celui-ci
9 à son officier supérieur. Ce pamphlet avait été trouvé, parce qu'ils
10 avaient été disséminés à travers la ville. Donc l'un de nos soldats les
11 avait trouvés dans la ville même de Djakovica et les avait rapportés au
12 commandement de la brigade. Donc le document avait été apporté par un
13 officier supérieur cantonné dans le village de Djakovica. Je crois qu'il
14 provenait de l'un de nos bataillons.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Le document est admis.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
17 D00698.
18 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Passons maintenant au document D006-
19 4371. Le document figure à l'intercalaire 15, Général, dans votre classeur.
20 Q. Général, nous voyons qu'il s'agit d'un ordre émis par vous. Mais dans
21 l'intitulé, il est indiqué "Commandement de garnison." Assurer la sécurité
22 de la population civile. Le document est du 17 avril 1999. Puis, au
23 paragraphe 1, vous indiquez :
24 "Toutes les unités dépendant de la garnison de Djakovica ou de sa zone de
25 responsabilité prendront des mesures visant à s'occuper de la population
26 civile."
27 Alors, Général, je ne vais pas donner lecture du reste de ce paragraphe.
28 J'aimerais que vous le lisiez en votre for intérieur pour nous indiquer par
Page 11383
1 la suite quelles étaient les mesures prises pour s'occuper de la population
2 civile et pour mettre en œuvre toutes les autres mesures répertoriées dans
3 ce paragraphe 1.
4 R. Oui. C'est un ordre que j'ai donné en tant que commandant de la
5 garnison. Donc un certain nombre d'ordres avaient été émis par moi, parce
6 que j'étais commandant de la brigade, puis j'en ai émis d'autres en tant
7 que commandant de la garnison. Comme je l'ai déjà expliqué, mon rôle du
8 commandant de la garnison consistait à assurer l'ordre et la paix dans la
9 ville, d'assurer le déroulement normal de la vie quotidienne pour toute la
10 population au sein de la ville, de coordonner avec les représentants des
11 autorités civiles puisque tous les organes fonctionnaient, de coordonner
12 les activités avec les organes du MUP et de s'occuper de la population
13 civile, surtout pour lui faciliter la vie, parce que la situation devenait
14 de plus en plus complexe de jour en jour.
15 La raison en était surtout les frappes aériennes quotidiennes. Un
16 grand nombre d'installations avaient été détruites. Mais la population
17 elle-même faisait l'objet de frappes aériennes. Ceci était surtout le cas
18 suite aux lignes qui avaient frappé la colonne de réfugiés albanais. Le
19 danger planait que la population fasse l'objet des activités de l'OTAN. Les
20 avions engageaient leurs activités alors qu'ils allaient à une grande
21 hauteur et ne pouvaient pas précisément distinguer leurs cibles. C'est
22 pourquoi il est important de coopérer avec les organes du MUP et les
23 autorités civiles, d'organiser les réunions avec ceux-ci pour trouver une
24 solution à des problèmes existants. Par exemple, il fallait assurer
25 l'approvisionnement en eau, l'approvisionnement en pain, en électricité. Et
26 c'était l'armée, le plus souvent, qui mettait à disposition un certain
27 nombre de ses effectifs, par exemple, des mécaniciens qui pouvaient réparer
28 un dispositif ou des boulangers qui pouvaient préparer du pain. Donc nous
Page 11384
1 libérions tous les hommes qui pouvaient résoudre des problèmes, et il
2 s'agissait pour nous d'empêcher une catastrophe totale.
3 Donc c'était là l'objectif visé par cet ordre. Par ailleurs, l'ordre
4 indique qu'il est nécessaire de tenir compte du nombre de la population
5 civile ou de la façon dont les personnes circulaient et, tout ceci, pour
6 pouvoir leur aider. En tout cas, l'objectif visé par cet ordre est d'ordre
7 humanitaire. Il s'agissait de faciliter la vie à la population civile, et
8 comme nous aussi nous habitions dans ces villes, évidemment nous agissions
9 également dans notre intérêt.
10 Q. Merci, Mon Général. Ce que j'aimerais maintenant vous demander, ce qui
11 m'intéresse particulièrement est de vous demander à combien de reprises les
12 réunions du commandement de la garnison avaient-elles lieu et si, lors de
13 ces réunions, et là je pense plutôt aux discussions avec les membres du
14 ministère de l'Intérieur, est-ce que vous avez, au cours de ces réunions,
15 discuté des activités sur le terrain ou des activités antiterroristes ?
16 R. Nous nous réunissions seulement s'il était absolument nécessaire. Donc
17 il ne s'agissait pas de réunions régulières. Nous nous réunissions dans des
18 situations extraordinaires, lorsqu'il fallait décider très rapidement de
19 choses urgentes pour ce qui est de la défense de la ville. Et nous, puisque
20 nous faisions partie de la défense antiaérienne, nous devions mener une
21 défense constante contre les frappes, et donc nous n'avions pas le temps,
22 en fait, de nous réunir et de mener de longues réunions. Nous nous
23 réunissions pour résoudre un problème concret, et par la suite nous
24 repartions vaquer à nos obligations. De toute façon, pour des raisons de
25 sécurité non plus, nous ne pouvions pas nous rencontrer. Il est certain
26 qu'on aurait certainement fait l'objet d'attaques si on savait qu'il y
27 avait une réunion avec le chef du SUP, le président de la municipalité et
28 le commandant de brigade. Il y avait des personnes dans la ville, des
Page 11385
1 Albanais, qui auraient très facilement pu dévoiler l'endroit où nous nous
2 réunions.
3 Q. Très bien. J'aimerais maintenant vous demander autre chose. Lors des
4 discussions que vous aviez avec les représentants du ministère de
5 l'Intérieur, s'agissant des réunions que vous nous avez décrites il y a
6 quelques instants, est-ce qu'il a été sujet d'actions ou de campagnes
7 terrestres, des actions terrestres en tant qu'activités antiterroristes ?
8 R. Non. Nous ne mêlions pas des activités d'autres. Comme je vous disais,
9 nos réunions étaient très courtes, et nous nous réunissions plutôt pour
10 résoudre des problèmes concrets au sein de la garnison. Je ne les informais
11 pas de nos actions, je ne leur demandais pas de me parler de leurs actions
12 non plus. J'avais également l'impression que le chef du SUP
13 de ces actions antiterroristes. Je n'avais pas le temps non plus de leur
14 poser des questions. J'avais mes propres obligations à l'intérieur de la
15 brigade. Lorsque nous nous rencontrions, c'était pour résoudre des
16 problèmes très rapide. Très souvent, nous n'avions même pas le temps de
17 nous asseoir autour d'une table. Nous discutions du problème debout.
18 Q. Si je vous ai bien compris, c'étaient des questions d'ordre logistique
19 qui étaient abordées lors de ces réunions s'agissant des habitants de la
20 ville de Djakovica, n'est-ce pas ?
21 R. Nous parlions de problèmes que la municipalité ne pouvait pas résoudre.
22 Comme je vous ai dit, les organes des autorités civiles fonctionnaient.
23 Mais pour ce qui est des problèmes qu'ils ne pouvaient pas résoudre, c'est
24 nous qui devions les résoudre, et tout ceci était lié à la réparation des
25 systèmes électriques ou autres. Ces personnes se trouvaient à l'intérieur
26 de nos unités et personne ne pouvait libérer, par exemple, un homme d'une
27 unité pour le laisser partir réparer ce problème, ce bris. Donc c'était le
28 président de la municipalité qui pouvait nous poser cette question, et nous
Page 11386
1 répondions à leur demande et nous essayions de leur venir en aide de cette
2 façon-là.
3 Q. Fort bien. Vous nous avez parlé de la façon dont vous traitiez la
4 population civile. Maintenant, j'aimerais savoir si, s'agissant du début
5 des frappes aériennes de l'OTAN le 24 mars, donc depuis le début, est-ce
6 que vous aviez remarqué que la population civile se déplaçait; et si oui,
7 de quoi s'agit-il, quel était ce déplacement, quelle était l'ampleur du
8 déplacement, quel était le nombre de personnes qui se déplaçaient et
9 quelles étaient les raisons pour ce mouvement ?
10 R. Oui, il y avait des mouvements, effectivement, et ceci correspondait
11 avec le début des frappes aériennes de l'OTAN, effectivement. Il y avait un
12 mouvement constant qui se déroulait de façon quotidienne. Il s'agissait de
13 groupes qui étaient composés de 200 à 300 personnes, des fois, il y en
14 avait moins -- mais le groupe le plus nombreux que j'ai pu voir était
15 composé d'environ 300 à 350 personnes. Je ne les ai pas réellement
16 comptées, mais ces personnes se rassemblaient à un endroit, et par la suite
17 ils poursuivaient leur chemin, ils allaient ailleurs. Mais effectivement,
18 oui, il y avait vraiment un mouvement de population.
19 Et je pourrais ajouter ceci, par ailleurs, c'est que l'intensité du
20 mouvement des civils correspondait d'une certaine façon avec
21 l'intensification des frappes aériennes de l'OTAN. Il est certain qu'au
22 début il y en avait peut-être moins, mais vers la fin -- enfin, les gens
23 n'ont pas commencé à se déplacer au début, mais peut-être vers la
24 cinquième, sixième ou dixième journée des frappes, lorsque l'aviation avait
25 déjà commencé à larguer de plus grandes bombes, plus particulièrement
26 lorsqu'on a su que les munitions en uranium appauvri étaient jetées sur la
27 ville, effectivement, les gens ont commencé à se déplacer. Donc ces
28 nouvelles nous arrivaient. Et les personnes se rassemblaient donc, et elles
Page 11387
1 quittaient la ville soit à pied, soit à l'aide de tracteurs ou de divers
2 moyens de transport, dépendamment de ce que les gens pouvaient trouver
3 comme moyens de déplacement.
4 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, je demanderais
5 que cette pièce soit versée au dossier, s'il vous plaît.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
8 pièce D00699.
9 M. POPOVIC : [interprétation] Très bien. Merci. Je demanderais que la pièce
10 D006-4340 soit affichée à l'écran.
11 Q. Et chez vous, Mon Général, il s'agit de l'intercalaire 16 dans votre
12 classeur. En date du 17 avril 1999, nous pouvons voir qu'il s'agit ici d'un
13 rapport d'un délit qui a été commis. J'aimerais savoir, Mon Général, si
14 vous pouvez nous dire de quoi il s'agit, si vous avez déjà pris
15 connaissance auparavant de ce rapport ?
16 R. Oui, oui, je sais de quoi il s'agit. C'est une plainte qui a été
17 présentée au pénal à l'encontre de trois soldats de mon unité qui avaient
18 tenté de violer deux femmes albanaises tout près du village de Crmljanje.
19 Et lorsque j'ai appris ceci, j'ai envoyé des organes de la police militaire
20 qui les ont arrêtés et qui les ont sur-le-champ remis entre les mains du
21 procureur militaire de Pristina. Donc il s'agit de cela.
22 Q. Très bien.
23 M. POPOVIC : [interprétation] Je demanderais que ce document soit versé au
24 dossier, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D00700, Monsieur
27 le Président, Messieurs les Juges.
28 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Je demanderais maintenant que l'on
Page 11388
1 affiche la pièce D006-4376.
2 Q. Et cela correspond dans votre classeur à l'intercalaire 17. Mesures
3 prises contre les auteurs d'un crime. Donc c'est ce document-là qui date du
4 18 avril 1999.
5 R. Oui. Lorsque j'ai appris que cet événement se serait déroulé, j'ai
6 informé le commandement du corps d'armée de cet événement afin que ces
7 derniers sachent de quoi il s'agit pour pouvoir disposer de ces
8 informations, et que ces derniers devaient aussi informer les autres unités
9 qui se trouvaient sur le territoire du Kosovo-Metohija pour que ce type
10 d'actes ne se reproduise au sein de leurs unités.
11 Q. Très bien. Merci.
12 M. POPOVIC : [interprétation] Je demanderais que cette pièce soit versée au
13 dossier.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
16 Juges, il s'agira de la pièce D00701.
17 M. POPOVIC : [interprétation]
18 Q. Mon Général, à partir où vous avez remis ces deux personnes entre les
19 mains des organes compétents, est-ce que vous vous êtes enquis pour savoir
20 ce qui leur est arrivé, et est-ce que vous aviez d'autres rapports ou liens
21 avec ces derniers ?
22 R. Non. A partir du moment où ces personnes avaient été remises entre les
23 mains du procureur militaire, ma compétence s'arrêtait à ce moment-là, et
24 je n'ai pas eu le temps ni l'obligation de m'enquérir de leur sort. Ces
25 personnes ont comparu devant un tribunal, donc c'est la loi qui s'est
26 occupée de les juger. Je n'ai pas eu le temps de me renseigner sur ce qui
27 leur est arrivé, mais franchement, pour vous dire la vérité, je n'ai pas
28 essayé de voir ce qui était arrivé à des personnes qui avaient tenté de
Page 11389
1 commettre un crime. J'ai toujours été d'avis que tout crime doit être puni
2 de toute façon.
3 M. POPOVIC : [interprétation] Très bien. Je demanderais maintenant que la
4 pièce D011-3280 soit affichée à l'écran. Mais avant de visionner ce
5 document, de voir ce document à l'écran, je devrais vous dire qu'il ne
6 figure pas sur la liste 65 ter de la Défense. Ce document a été communiqué
7 à nos confrères de l'Accusation, mais permettez-moi de vérifier quelque
8 chose, est-ce que nous avons demandé le versement au dossier du document
9 précédent ? Oui, voilà. Donc, nous avons communiqué ce document, il s'agit
10 d'un rapport de combat que le témoin a signé, et si nos éminents confrères
11 de l'Accusation ne lèvent pas d'objection, j'aimerais que ce document soit
12 montré au témoin.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
14 M. POPOVIC : [interprétation] Je remercie mon éminente consoeur.
15 Q. Mon Général, il s'agit d'un rapport de combat régulier datant du 21
16 avril 1999 que vous envoyez au commandement du Corps de Pristina et, au
17 point 1, à l'avant-dernière phrase, nous pouvons voir :
18 "Les criminels ont attaqué les réfugiés du centre de Maja, au village de
19 Bistrazin, dans le secteur donc du village de Bistrazin, où il n'y a pas
20 d'installations militaires ni d'unités militaires. Ils ont, en tout, tiré
21 53 projectiles (sous AB et RZ), d'une force destructrice énorme, et ils ont
22 détruit tout le quartier."
23 Avant de vous demander de me donner votre commentaire, j'aimerais que vous
24 vous penchiez sur le paragraphe 2. Le nombre total des victimes est de 6,
25 et 32 personnes étaient blessées, 18 d'entre eux étaient restés à
26 l'hôpital. Il y avait également un enfant qui avait été blessé et qui est
27 resté à l'hôpital grièvement blessé. A la suite de cette attaque sur le
28 centre des réfugiés du village de Maja, est-ce que vous pouvez nous
Page 11390
1 expliquer de quoi il s'agit ?
2 R. Oui, les réfugiés du centre de Maja, c'est un centre qui se trouve tout
3 près du village de Bistrazin, il s'agissait, en fait, d'une ferme et ces
4 personnes, c'étaient des Serbes qui provenaient de la Republika Srpska, de
5 la Krajina, et c'est sur eux que l'aviation avait tiré. Et s'agissant du
6 hameau du quartier, tout était détruit, il n'y a pas eu de survivant. Et
7 cet endroit ne se trouve pas très loin du pont de Bistrazin. Nous avions
8 une de nos unités qui gardait, qui montait la garde à côté du pont de
9 Bistrazin, faisant en sorte que ce pont ne soit détruit. Donc, il s'agit de
10 ce hameau-là, et plus tard, nous avons appris à quoi ressemblait la
11 situation et combien il y avait de blessés et de morts. Il n'est rien resté
12 du hameau qui avait été complètement détruit, il n'y a pas eu de survivant
13 non plus.
14 Q. Très bien.
15 M. POPOVIC : [interprétation] Je demanderais que ce document soit versé au
16 dossier.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce
19 portera la cote D00702.
20 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on affiche à l'écran la
21 pièce D006-4383.
22 Q. Ce qui correspond à l'intercalaire 20 de votre classeur, Mon Général.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic, n'oubliez pas qu'il
24 nous faudra prendre une pause. Alors, si vous le souhaitez, nous pouvons
25 aborder ceci après la pause.
26 M. POPOVIC : [interprétation] Je croyais qu'il me restait encore 15 minutes
27 avant la pause.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous aimeriez avoir encore 15 minutes.
Page 11391
1 Très bien. Puisque c'est vous qui me le demandez, vous l'aurez. Voilà, je
2 vous l'accorde.
3 M. POPOVIC : [interprétation] Merci.
4 Q. Voilà, il s'agit d'une pièce qui est maintenant affichée. En date du 23
5 avril 1999, Mon Général, on a procédé à un contrôle de la radioactivité
6 dans certains éléments. J'aimerais vous demander de lire rapidement ce
7 document et de nous faire quelques commentaires. Il s'agissait, donc, là
8 d'aide humanitaire contaminée, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, voici un rapport qui émane de mon unité envoyé au commandement du
10 Corps de Pristina. J'avais, au sein de mon unité, le chef chargé de la
11 protection atomique, biologique et chimique. C'était un expert chargé de
12 procéder au contrôle de la contamination radioactive. Et je dois vous dire
13 qu'après chacune des attaques de l'aviation de l'OTAN, et ce, en prenant de
14 grands risques, nous nous rendions sur le terrain pour vérifier s'il y
15 avait une radiation radioactive, une contamination radioactive. Donc, ce
16 qui est intéressant ici, c'est de voir que ce dernier informe le
17 commandement du corps d'armée qu'en date du 23 avril 1999, dans la région
18 du village d'Osek Hilja qui se trouve à 3 kilomètres au nord de Djakovica,
19 dans une cave, on a trouvé une certaine quantité de farine, environ dix
20 tonnes de farine qui avaient été acheminées en tant qu'aide humanitaire par
21 le biais d'une organisation humanitaire appelée Majka Tereza (Mère
22 Thérésa), à la population albanaise, population ethnique minoritaire
23 albanaise, et à l'aide d'un détecteur de radiation DRM 3, on a trouvé qu'il
24 y avait présence de contamination radioactive de 1 "microgrey" par heure.
25 Par la suite, on a su que trois tonnes avaient été acheminées à une
26 boulangerie et on a retiré, par la suite, cette farine; cette farine a été
27 retirée de la circulation et par la suite, on a enterré tout ceci, toute
28 cette farine, à un endroit qui était enfoui et ce terrain a été identifié
Page 11392
1 visiblement par un panneau."
2 M. POPOVIC : [interprétation] Très bien. J'aimerais que ce document soit
3 versé au dossier.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis vraiment navré, mais je ne
5 vois pas de lien avec notre affaire en l'espèce, Maître Popovic. Un
6 acheminement de farine avec une contamination par radioactivité, farine
7 radioactive qui provenait d'une organisation humanitaire, je ne vois
8 vraiment pas de lien. En quoi cela est-il pertinent avec notre affaire en
9 l'espèce ?
10 M. POPOVIC : [interprétation] Je vais essayer de préciser tout ceci avec le
11 témoin, mais il y a plusieurs aspects que je voudrais aborder.
12 Q. D'abord, Mon Général, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la
13 raison pour laquelle cette farine trouvée était, en fait, contaminée,
14 premièrement ? Deuxièmement, est-ce que vous avez entrepris toutes les
15 mesures nécessaires pour aviser la population civile qui était peut-être,
16 ou qui se serait trouvée à utiliser des produits de cette farine contaminée
17 ?
18 R. A la demande du président de la municipalité auquel certaines personnes
19 avaient formulé des plaintes, nous avions nous-même envoyé notre chef du
20 ABHO. C'était l'une des tâches qui dépendait du commandant de garnison. Le
21 président de la municipalité avait demandé que la farine soit vérifiée, car
22 certaines personnes, certains habitants de la ville s'étaient plaints du
23 fait qu'ils avaient certains problèmes qui s'étaient manifestés après avoir
24 mangé du pain.
25 Donc, nous avions informé notre chef chargé de la détection de
26 contamination et il m'a informé de cela. Je n'étais pas dans cette maison
27 en question, mais j'ai reçu le rapport de l'organe en question qui était
28 compétent et qui avait toutes les compétences nécessaires pour vérifier ce
Page 11393
1 type de contamination, y compris l'équipement nécessaire, et c'est la
2 raison pour laquelle nous avons retiré -- en fait, pas nous, mais la farine
3 a été retirée de la distribution et a été enfouie dans un trou. Et je dois
4 vous dire qu'il y avait un Albanais, un Siptar qui travaillait dans la
5 direction de la municipalité, et c'était le directeur chargé de la propreté
6 de la ville de Djakovica. Donc, il a certainement connaissance de ce qui
7 est arrivé avec cette farine. Il pourrait vous informer de cela si vous le
8 lui demandiez.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce ne sera pas versée au
10 dossier, Maître Popovic.
11 M. POPOVIC : [interprétation] Fort bien. A ce moment-là, je demanderais
12 qu'on voie à l'écran la pièce de l'Accusation D006-4292.
13 Q. Mon Général, dans votre classeur, cela correspond à l'intercalaire 21.
14 Nous voyons de nouveau que vous aviez fait "Une déclaration à la commission
15 chargée de la collaboration avec une équipe d'experts s'agissant des
16 activités de l'unité les 27 et 28 avril 1999." Vous nous avez déjà donné
17 les raisons pour lesquelles vous aviez donné des déclarations
18 préalablement. J'aimerais savoir si c'étaient les mêmes raisons qui vous
19 ont poussé à faire cette déclaration aussi ?
20 R. Oui, les raisons étaient absolument identiques, à savoir qu'il
21 s'agissait d'un événement qui est décrit dans le livre que j'ai mentionné
22 plus tôt, et ce, à la suite également d'une demande de la Commission
23 chargée de la coopération avec le Tribunal pénal international et l'équipe
24 d'experts. Donc, les raisons étaient les mêmes.
25 Q. Merci. Dans cette déclaration, vous dites -- ou plutôt, vous parlez des
26 dates, des 27 et 28 avril, et vous parlez d'une action qui a été menée dans
27 la région élargie de la ville de Djakovica. Au point 1, vous dites :
28 "En faisant ceci, les forces terroristes siptar auraient créé les
Page 11394
1 conditions nécessaires pour recevoir les forces de l'OTAN sur le terrain.
2 Et les villages ci-haut mentionnés -- les villages mentionnés, qui
3 faisaient l'objet d'attaques constantes contre le MUP et la JNA et la VJ."
4 J'aimerais savoir s'ils ont également ciblé les citoyens albanais qui
5 avaient refusé de quitter leurs hameaux. S'agit-il de cela ?
6 R. Oui, il s'agit d'une action appelée l'action Reka. C'est une action
7 antiterroriste qui s'est déroulée dans la vallée de Caragojsta, comme ils
8 l'appellent. Cet endroit se trouve tout près de Kosare. Et c'est là que se
9 trouvaient les forces terroristes siptar. Donc, si jamais ils avaient eu
10 une -- si on aurait vaincu à cet endroit-là, Kosare, il y a eu des combats
11 très intenses qui se sont menés tout près de Kosare avec l'appui de
12 l'aviation, et si jamais ils étaient couronnés de succès, les forces de
13 Kosare auraient pu trouver le chemin le plus court pour aller, donc, de
14 Kosare à la vallée de Caragojsta, et c'est de là que provenaient les
15 communications, que les communications allaient en direction de Pec,
16 Djakovica, Klina. Donc, il s'agissait d'un endroit très propice à ce type
17 d'activités, et surtout parce qu'en plus, il se trouvait derrière nos
18 unités.
19 Et grâce aux activités à ce centre, puisqu'en fait il s'agit d'une
20 zone boisée, il était très difficile de passer par là, et ces derniers
21 contrôlaient toutes les routes qui sortaient sur Karul [phon] et Kosare, de
22 sorte que nos unités se sont trouvées dans la position où elles ne
23 pouvaient plus être visionnées. D'une certaine façon, nos unités étaient
24 encerclées. C'est pour cette raison que le commandement du corps d'armée ou
25 du commandement du poste de commandement avancé a donné cette décision
26 selon laquelle il fallait procéder -- enfin, il fallait neutraliser les
27 forces siptar terroristes dans la zone en question pour protéger les
28 arrières de nos unités.
Page 11395
1 Dans le cadre de cette action-là, j'ai déployé une plus petite --
2 toute une section de mon unité, et c'est ceci que j'ai mentionné à la
3 commission d'experts.
4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas
5 interrompre mon éminent confrère, mais je regarde le compte rendu
6 d'audience, page 61, ligne 11. Je crois qu'il y a une date qui est
7 incorrecte. On voit 27 et 28 mars, alors que je crois que le document qui
8 se trouve sous nos yeux parle du mois d'avril 1999.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que le mois d'avril est la
10 bonne date ? Est-ce que c'est le bon mois ?
11 M. POPOVIC : [interprétation] Oui, absolument. Vous avez tout à fait
12 raison, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Je vais changer la date,
14 moi aussi, dans mes notes.
15 M. POPOVIC : [interprétation]
16 Q. Très rapidement, pour mettre fin à la lecture de ce document, Mon
17 Général, vous dites qu'une partie de votre unité a pris part à cette
18 activité. Et à la page 2, vous dites - je parle de la page 2 dans les deux
19 langues - vous dites :
20 "Le chef qui avait commandé l'unité m'a informé qu'il n'avait aucun contact
21 avec les terroristes et qu'il n'avait ni entendu ni vu que des activités se
22 déroulaient dans la vallée de la rivière Trava."
23 Donc, j'aimerais savoir, lorsque vous avez envoyé ceci, elle était sous
24 quel commandement, lorsque vous avez envoyé ces effectifs, ils étaient
25 placés sous quel commandement et qui vous a donné cette information ? Quel
26 était le commandant qui vous a transmis cette information, quand et où ?
27 R. A partir du moment où l'unité a été déployée à effectuer la tâche ou la
28 mission qui lui était confiée, à savoir de procéder au blocus du terrain,
Page 11396
1 cette partie de l'unité était placée sous le commandement du chef ou du
2 commandant qui commandait cette action. Maintenant, s'agissant de la
3 brigade, le chef ou le commandant qui commandait à ma partie de l'unité,
4 c'était le commandant Zlatko Odak qui m'avait informé que l'unité, au cours
5 de ces deux journées, n'a pas eu de contact avec les terroristes, qu'il n'y
6 a pas eu d'activités, que personne n'a ouvert le feu sur eux, et eux non
7 plus n'ont pas ouvert de feu sur personne.
8 Donc, il n'y a eu aucun contact avec les terroristes. Je dois vous dire que
9 moi, je suis allé inspecter cette unité le 27. J'ai vu où ils étaient
10 cantonnés. Il s'agit de l'orée d'un bois qui est assez boisée. C'est une
11 forêt, et j'accepte ce qu'il a dit, qu'il ne pouvait voir aucune activité
12 ni déceler aucune activité. Effectivement, c'était le cas.
13 Q. Très bien. Merci. Le dernier paragraphe de ce document se lit comme
14 suit :
15 "A la suite d'un entretien avec les participants de cette action, et à la
16 suite de ce que j'ai su personnellement et de ce qui a été dit auparavant,
17 j'affirme que ni moi ni les membres de mon unité n'aient pris part à aucun
18 crime allégué, et je n'ai aucune connaissance que d'autres unités aient pu
19 participer à des crimes allégués."
20 Est-ce que c'est ce que vous maintenez aujourd'hui ?
21 R. Oui, tout à fait. C'est ce que mon officier m'a indiqué, ainsi que les
22 autres participants, et je ne disposais d'aucune autre information. Cela
23 est tout à fait crédible, à mon avis.
24 Q. Merci.
25 M. POPOVIC : [interprétation] Nous reprendrons le fil de cette discussion
26 après la pause, et avant la pause, en fait, je souhaiterais demander le
27 versement au dossier de ce document.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
Page 11397
1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00703.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais mentionner le fait suivant
3 pour vous aider dans vos préparatifs. Nous allons essayer, en cas
4 d'audience l'après-midi, de faire la deuxième pause non pas à 17 heures 45
5 mais à 17 heures 30. Nous allons reprendre à 18 heures 18.
6 [Le témoin quitte la barre]
7 --- L'audience est suspendue à 17 heures 48.
8 --- L'audience est reprise à 18 heures 18.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En attendant que le témoin arrive dans
10 la salle, j'aimerais dire à propos de la pièce D609, qui correspond au
11 compte rendu d'audience, que ce document sera versé au dossier sous pli
12 scellé tel que cela avait été indiqué par le conseil à la fin de la semaine
13 dernière, et nous verserons également au dossier une copie expurgée qui
14 fera partie de la même pièce.
15 [Le témoin vient à la barre]
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ou plutôt, cette version expurgée sera
17 une pièce séparée pour quand même faciliter les choses pour le représentant
18 du Greffe.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La version expurgée se verra octroyer
20 la cote D609.1.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic, je vous en prie.
22 M. POPOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 J'aimerais que nous revenions sur la pièce P958.
24 Q. Général, vous pourrez suivre cela sur l'écran, ou si cela est trop
25 difficile, cela correspond à l'intercalaire 2.7. C'est votre journal de
26 bord. Je pense que c'est tout au début du classeur.
27 M. POPOVIC : [interprétation] Page 37 en version B/C/S, et 33 en version
28 anglaise. Je voudrais corriger ce qui me semble être des erreurs de
Page 11398
1 traduction que nous avons remarquées lorsque nous nous sommes préparés lors
2 de la séance de récolement.
3 Q. Si je ne m'abuse, la date c'est la date du 27 avril 1999. Nous voyons
4 que l'heure est 8 heures. Est-ce que vous l'avez trouvé, le document 2.7
5 dans votre classeur ? Vous l'avez trouvé ?
6 R. Oui.
7 Q. Je pense que c'est 8 heures. C'est un peu difficile à voir. Il est
8 indiqué que l'opération de nettoyage Reka a commencé avec la participation,
9 et cetera, et cetera. Vous voyez cela ? Est-ce que vous pourriez nous
10 donner lecture de la phrase suivante.
11 R. L'action se déroule comme prévue et la cadence est celle qui avait été
12 prévue au départ.
13 Q. Et la phrase suivante ?
14 R. Etant donné que le commandant est absent (au 2e et 4e SARD PVO) et le
15 chef -- donc il s'agit de l'action Reka, n'est-ce pas ?
16 Q. Oui, c'est ce qui correspond aux parenthèses.
17 R. Du fait de l'absence du commandant et du chef de l'état-major, les
18 organes de commandement ont commencé l'opération Reka comme prévue par le
19 plan.
20 Q. Vous voyez que dans la traduction anglaise, cette phrase a été traduite
21 de façon tout à fait différente. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire à
22 propos de la dernière phrase, quand il est question du "chef d'état-major
23 de l'action Reka," puis ensuite vous voyez que c'est tout à fait différent,
24 où il est dit: "Les organes de commandement ont commencé comme prévus."
25 Est-ce que cela avait quoi que ce soit à voir avec l'action Reka ?
26 R. Non, pas la dernière partie de cette phrase, car en fait ce que nous
27 disions tout simplement c'était que les organes de commandement ont
28 commencé leur travail à l'endroit où nous avions l'habitude de nous réunir
Page 11399
1 tous les matins, donc au poste de commandement. Cette réunion était
2 toujours censée être présidée par le commandant ou le chef d'état-major qui
3 faisait également office de commandant adjoint. Etant donné que nous étions
4 tous les deux absents, je me trouvais auprès du 2e et du 4e Bataillon, il y
5 avait un qui était à Pristina et l'autre qui était à Gnjilane, et le chef
6 d'état-major était absent parce qu'il participait justement à l'action
7 Reka, les membres du commandement ont continué à travailler en notre
8 absence. Ils se sont livrés à leurs activités même si nous étions absents.
9 Q. Merci.
10 M. POPOVIC : [interprétation] Je pense que cela a permis de corriger
11 l'erreur de traduction de la page 33.
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Kravetz.
14 Mme KRAVETZ : [interprétation] Peut-être qu'il serait plus utile de
15 demander au témoin de nous donner lecture de l'ensemble de ce paragraphe.
16 Je ne sais pas si tout est clair pour vous, Messieurs les Juges.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cela pourrait être fait, je
18 vous prie.
19 M. POPOVIC : [interprétation]
20 Q. Général, est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous donner lecture de
21 l'ensemble du paragraphe et n'oubliez pas de mentionner les parenthèses
22 pour que tout soit clair.
23 R. Oui, mais ce n'est pas très lisible. Voilà ce qui est dit :
24 "L'opération de nettoyage de Reka des forces terroristes siptar a commencé
25 avec la participation du premier SARD PVO MUB, 1ère Section de fusil avec la
26 compagnie de commandement," -- puis après, je ne vois plus très bien -- "et
27 avec la 2e Section de fusil du bataillon de commandement. L'action se
28 déroule comme prévue et le rythme de l'action est comme prévu. Du fait de
Page 11400
1 l'absence du commandant (au 2e et 4e SARD PVO) et du chef d'état-major
2 (action Reka), ce qui signifiait que l'état-major participait à l'action
3 Reka, les organes de commandement ont continué leur travail comme prévu, ce
4 qui signifie qu'ils ont continué leurs séances d'information ou
5 d'instruction militaire telles qu'elles avaient été planifiées et prévues."
6 Q. Je vous remercie. Je pense que cela est clair maintenant. Général, à 11
7 heures - voyez ce qui correspond à 11 heures - il est indiqué :
8 "Le commandant de la brigade a participé à une cérémonie de remise de
9 décorations de l'Ordre de la galanterie au commandement du Corps de
10 Pristina."
11 C'est exact, cela ?
12 R. Oui, oui, tout à fait. Ce jour-là, à 11 heures, je me trouvais au
13 commandement du Corps de Pristina pour participer ou assister à une
14 cérémonie de remise de décorations, et lors de cette cérémonie, des
15 décorations de l'Ordre de la galanterie ont été remises.
16 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Nous pouvons voir à l'écran la pièce
17 D006-4391. J'aimerais demander à Mme l'Huissière d'aider M. Dosan à apposer
18 des annotations sur la carte que nous allons voir.
19 Q. Cela correspond à votre intercalaire 22, Général. Et vous allez le
20 voir, vous allez voir ce document apparaître à l'écran.
21 M. POPOVIC : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse. La cote du document
22 est 4291, mais le fait est que c'est bien de cette carte-ci dont il s'agit.
23 Q. Alors, Général, peut-être qu'il vous sera plus facile de regarder
24 l'écran. La carte est plus facile à voir.
25 R. Oui. Est-ce que vous pourriez peut-être l'agrandir un peu, cette carte
26 ?
27 Q. Je vais vous demander de nous indiquer, à l'aide de votre stylet, les
28 positions qui avaient été détenues par vos unités lors de l'action Reka.
Page 11401
1 R. Ecoutez, je vais voir -- voilà. Voilà, cela correspond à la zone.
2 Q. Bien. Est-ce que vous pourriez mettre la lettre A à côté de cette
3 ligne.
4 R. [Le témoin s'exécute]
5 Q. Je vous remercie. Comment s'appelait la zone où se trouvait votre unité
6 ?
7 R. Il s'agissait de la ferme avicole, parce qu'il y avait une ferme
8 avicole à cet endroit, et c'était l'endroit sur la colline Cabrat où nous
9 étions.
10 Q. Donc, toute cette zone s'appelait Cabrat, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, oui. Cabrat, c'est une colline assez importante. Son point
12 culminant se trouve juste au-dessus de la ville de Djakovica.
13 Q. Mais est-ce que vous avez inspecté vos unités qui se trouvaient sur ces
14 positions ?
15 R. Oui. Oui, oui. Je suis allé les voir.
16 Q. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous dire à nouveau qui
17 commandait les éléments de votre brigade qui bloquaient le secteur pendant
18 l'action Reka ?
19 R. Les forces de ma brigade étaient commandées par le commandant Zlatko
20 Odak.
21 Q. Je vous remercie. Est-ce que le chef d'état-major a participé à cette
22 action, comme cela a été consigné dans le journal de guerre ?
23 R. Oui, oui, le chef d'état-major a également participé, mais il y a pris
24 part uniquement en tant qu'officier supérieur. Donc, si la personne qui
25 commandait l'action lui en donne ordre, il pouvait simplement prêter main-
26 forte au commandant Odak. Donc, ce n'est pas lui qui commandait l'action,
27 il y a simplement participé.
28 Q. Merci. Qui commandait cette action dans sa totalité ? Aviez-vous un
Page 11402
1 impact quel qu'il soit sur les actions entreprises par vos unités pendant
2 cette opération ?
3 R. Non. C'est le commandement qui se trouvait au poste de commandement
4 avancé du Corps de Pristina qui commandait cette action. Il s'agissait plus
5 précisément du colonel Milan Kotor, représentant du Corps de Pristina.
6 Q. Merci. Quel type de rapport avez-vous reçu après le retour de votre
7 unité ? Ça, c'est mon premier point. Deuxièmement, est-ce que le commandant
8 qui faisait partie de vos subordonnés et qui a pris part à cette action,
9 est-ce qu'il a été tenu de vous soumettre un rapport ?
10 R. Un subordonné est toujours tenu de soumettre un rapport à ses
11 supérieurs. Une fois accompli sa mission, qui concernait le blocus apposé,
12 il m'a soumis un rapport précisant s'ils avaient été engagés, quelles
13 pertes ils avaient subies, combien de munitions avaient été utilisées.
14 Bref, il m'a soumis un rapport qui comprenait tous les éléments habituels
15 me permettant de me faire une idée de la manière dont cette mission avait
16 été accomplie. Je précise que c'est une décision qui avait été définie par
17 mes supérieurs.
18 Q. Merci. Pouvez-vous nous fournir une réponse directe, en quoi consistait
19 ce rapport fourni par le commandant Odak après son retour de mission ?
20 R. Ce rapport concernait mon unité. Il y était précisé que la mission
21 avait été accomplie, qu'ils n'avaient pas été engagés dans des activités de
22 combat, qu'ils n'avaient pas relevé quoi que ce soit qui montrerait qu'un
23 certain type d'événements se déroulaient, que l'unité est revenue à son
24 poste et qu'il n'y avait rien de particulier à préciser. En d'autres mots,
25 l'unité est revenue à son poste telle qu'elle était partie, sans avoir dû
26 faire face à des problèmes quels qu'ils soient, sans avoir subi de pertes,
27 sans avoir de membres blessés et sans avoir établi un contact avec les
28 terroristes. Aucun contact n'a eu lieu entre l'unité et les terroristes, si
Page 11403
1 bien qu'il n'y avait rien de particulier à relever.
2 Q. Merci, Général. Je ne sais pas si la carte que nous avons est très
3 utile pour ce faire, mais pourriez-vous me préciser quels étaient les axes
4 le long desquels les terroristes étaient actifs lorsqu'ils attaquaient
5 depuis l'Albanie jusqu'à la vallée de Caragojsta ? Pouvez-vous le préciser
6 en vous servant de cette carte ou faut-il attendre d'en montrer une autre ?
7 R. Si la frontière se trouve ici, les terroristes siptar agissaient à
8 partir de cette direction-là. En cas d'action plus importante, c'est ici
9 qu'ils se réunissaient, dans cette vallée, et elle était très commode pour
10 ce faire et très importante aux yeux des terroristes parce qu'ils pouvaient
11 s'y rassembler et parce que les transmissions fonctionnaient bien à partir
12 de ce site.
13 Q. Pouvez-vous marquer les flèches en vous servant du chiffre 2 ?
14 R. Très bien.
15 Q. Et vous pouvez poursuivre.
16 R. A partir de ce point, les routes mènent à Prizren, Pec, Racak,
17 Pristina. Donc, c'était le site le plus favorable pour les terroristes dans
18 le sens où il favorisait les attaques contre nos unités. C'était, en fait,
19 une sorte de base permettant de lancer des attaques et entreprendre des
20 actions. Les routes se séparent en trois branches différentes à partir de
21 ce point et il aurait été pratiquement impossible d'arrêter les forces
22 terroristes si elles réussissaient à percer en groupes plus importants
23 depuis Kosare, et c'est la raison pour laquelle l'armée avait planifié
24 cette action. Il s'agissait d'assurer son arrière-train.
25 Par ailleurs, cette zone permettait de menacer les axes
26 d'approvisionnement en direction de Kosare, si bien que la survie même de
27 mes unités qui s'y trouvaient était menacée, et c'est pour cette raison-là
28 que cette action a été prévue.
Page 11404
1 Q. Auriez-vous la gentillesse de bien vouloir indiquer quels étaient ces
2 axes d'approvisionnement et d'apposer le chiffre 3 à côté.
3 R. Il s'agit des mêmes axes qui pouvaient servir aux terroristes pour
4 arriver sur le site.
5 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Messieurs les Juges, je demande le
6 versement au dossier de ce document.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Auriez-vous la gentillesse de m'aider.
8 Cette carte fait-elle partie du journal de guerre ou s'agit-il d'un autre
9 document, d'un document à part ?
10 M. POPOVIC : [interprétation] C'est un document à part. Mais posons la
11 question au général, lui-même.
12 Q. Général, cette carte, faisait-elle partie du journal de guerre ou
13 s'agit-il plutôt d'un document à part ? En fait, avez-vous déjà pris
14 connaissance de cette carte au préalable ?
15 R. Cette carte est une représentation graphique qui devait étayer les
16 affirmations que j'avais présentées dans ma déclaration présentée à
17 l'équipe d'experts chargée de la coopération avec le TPIY. Donc, cette
18 carte faisait partie intégrante de la déclaration préalable dont j'ai donné
19 lecture tout à l'heure.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La carte sera admise au dossier.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
22 D00704.
23 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Peut-on m'afficher à l'écran le
24 document D006-4297.
25 Q. Le document figure à l'intercalaire 23 dans votre classeur, Général.
26 Mais pendant que nous attendons l'affichage du document, dites-moi, quelle
27 était la composition ethnique de votre brigade au cours des années 1998 et
28 1999 ?
Page 11405
1 R. D'après mes souvenirs, il en était à peu près ainsi, je vais commencer
2 par le commandement de la brigade : mon assistant chargé de la logistique,
3 c'était le lieutenant Aleksandar Angelovski, il était Macédonien.
4 L'assistant chargé du renseignement et de la morale, c'était le commandant
5 Zdravko Vinter, Slovène. Le chef de l'organe de sécurité était né à
6 Djakovica, mais il était d'origine slovène. Le chef des transmissions au
7 sein du QG de la brigade, c'était le sous-lieutenant Dragan Ilic, Croate.
8 L'officier qui opérait au sein de l'état-major, c'était le capitaine de
9 première classe Nike Peraj, Albanais, Siptar. La dactylographe dans le
10 bureau chargé des affaires générales, c'était Mme Bilajuzare Berisa,
11 Albanaise. Voilà ce qu'il en est du QG de la brigade. Pour ce qui est du
12 bataillon, au sein du 1er Bataillon, le rôle du commandant était assumé par
13 le sous-lieutenant Josip Sabo, Hongrois. Son adjoint, c'était le commandant
14 Josko Ugljesevic, Croate. Le commandant du bataillon du QG était Velimir
15 Maricic, Croate. Pour ce qui est du bataillon de la logistique, il était
16 commandé par Ramiz Pejcinovic; initialement, il était l'adjoint du
17 commandant, pour être promu commandant au cours de la guerre. Donc, il
18 s'agissait de Ramiz Pejcinovic, Musulman. Voilà ce qu'il en est au niveau
19 des officiers. Et parmi des sous-officiers, il y avait également des
20 individus de souches différentes, mais pour la plupart quand même, ils
21 étaient Serbes, les soldats et les sous-officiers.
22 Q. Merci. Et le document que nous voyons à l'écran est du 6 avril 1999. Il
23 figure à l'intercalaire 23 dans votre classeur. Au paragraphe 5, il est
24 indiqué :
25 "Le contrôle de l'aptitude au combat des sentinelles devant le commandement
26 dans le QG de la brigade, entre 11 et 13 heures, sera effectué par le
27 commandant Nike Peraj, qui émettra personnellement un rapport quant au
28 niveau d'aptitude des sentinelles."
Page 11406
1 Monsieur, le commandant Peraj, fonctionnait-il au sein de votre unité et
2 quelles étaient les missions qui lui étaient dévolues ?
3 R. Le capitaine Nike Peraj était un membre de mon unité. Il opérait au
4 sein de l'état-major. C'était le numéro 3 au sein de l'état-major, ce qui
5 est correspondait au rang qu'il avait, capitaine de première classe. Sa
6 mission constituait à vérifier les sentinelles, la garde qui était montée.
7 Donc, il s'agissait de vérifier si les relèves se déroulaient bien et si la
8 garde montée avait un bon niveau d'aptitude.
9 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Messieurs les Juges, je demande le
10 versement au dossier de ce document.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
13 D00705.
14 M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche à l'écran le
15 document P313. Il figure à l'intercalaire 25 dans votre classeur.
16 Q. Général, le témoin Nike Peraj a déposé devant le Tribunal. Il a fait de
17 nombreuses déclarations, et celle que je vais vous présenter est la
18 dernière en date. Je souhaite vous la montrer parce qu'il y est question du
19 travail que vous avez effectué, et des références personnelles qui vous
20 concernent ont été faites. J'aimerais que vous limitiez vos observations
21 dans la mesure du possible parce que le texte est assez volumineux.
22 Pour commencer, passons à la page suivante de ce document et penchez-
23 vous sur le paragraphe 6. Il est indiqué :
24 "Le colonel Dosan a été commandant de la 52e Brigade d'artillerie. Le
25 colonel Milan Dosan était responsable également des réservistes du MUP," --
26 puis, il est indiqué -- "l'état-major du corps de la VJ recevait ses ordres
27 de la part du ministère de la Défense avec le siège à Belgrade."
28 Pourriez-vous commenter brièvement ce paragraphe ?
Page 11407
1 R. Dans ce paragraphe, je dirais que la seule chose qui est exacte, c'est
2 la première phrase, à savoir que c'est moi qui étais commandant de la 52e
3 Brigade d'artillerie de lance-roquettes. Tout le reste qui figure dans ce
4 paragraphe est soit partiellement erroné ou tout à fait inexact.
5 Q. Merci.
6 M. POPOVIC : [interprétation] Passons à la page suivante, paragraphe 9.
7 Q. Je lis : Sur le territoire des municipalités de Djakovica, de Prizren
8 et de Pec, entre 13 et 14 000 soldats et policiers ont été déployés. J'ai
9 entendu mes collègues dire que 150 000 soldats et policiers ont été
10 déployés sur le territoire du Kosovo. Veuillez nous livrer brièvement vos
11 observations.
12 R. Ceci n'est pas vrai. Tout simplement, le nombre d'effectifs n'était pas
13 aussi élevé. Par ailleurs, il n'aurait pas pu apprendre, lui, quel était le
14 nombre d'exact d'effectifs. Tout ce qu'il pouvait savoir avec précision,
15 c'est le nombre des effectifs au sein de notre brigade. Pour ce qui est du
16 reste, ces données ne se trouvaient pas à sa portée. Mais il est clair
17 qu'il n'y avait pas autant de soldats et de policiers déployés.
18 Q. Merci.
19 M. POPOVIC : [interprétation] Passons maintenant au paragraphe 20 qui
20 figure à la page suivante.
21 Q. Général, au paragraphe 20, il est question de nombreux volontaires
22 provenant, pour la plupart, de Russie, je lis :
23 "Nous avons pris note de leur identité et nous les avons envoyés à Kosare
24 puisque le commandant Milos Dosan a refusé leur demande de rester dans la
25 région de Djakovica. Il a dit qu'il ne leur permettrait pas de se livrer à
26 des pillages. Ils étaient payés par la Défense territoriale de la
27 municipalité, et en revanche, c'était le ministère de la Défense qui
28 finançait les unités de la Défense territoriale."
Page 11408
1 Pourriez-vous nous commenter brièvement ce paragraphe ?
2 R. Ce n'est pas du tout exact, il n'y avait pas neuf Russes et il n'est
3 pas non plus vrai que je les ai reçus ou que je les ai renvoyés sur le
4 front près de Kosare, ce n'est pas vrai du tout. Tout ce qui est vrai,
5 c'est que nous avions réellement un volontaire qui était médecin et qui
6 travaillait au dispensaire de la garnison. Il était Russe, cela est vrai.
7 Donc, lui, il faisait son travail et il était à la clinique de la garnison.
8 Mais pour le reste, ce n'est pas vrai, je ne les ai pas suivis. Je n'ai
9 jamais mentionné quoi que ce soit concernant ce pillage. De toute façon, il
10 est certain que j'interdisais toujours le pillage. Ce qu'il est dit ici
11 n'est vraiment pas du tout la vérité.
12 Q. Très bien, merci. Maintenant, j'aimerais passer au paragraphe 21 où on
13 dit :
14 "Micunovic rencontrait également Dosan sous le commandement duquel il y
15 avait également le maire Momcilo Stanojevic, et les membres du groupe de
16 Frenki étaient également placés sous le commandement de l'unité de Frenki,
17 et qu'à un moment donné, ils étaient des réservistes de la VJ placés sous
18 les ordres de Micunovic, avant de se joindre au groupe des hommes de
19 Frenki."
20 Pouvez-vous nous expliquer ceci ?
21 R. Micunovic était subordonné au commandant de la section militaire de
22 Pec. Je ne l'ai pas vu avec le maire de Djakovica, et s'agissant des hommes
23 de Frenki, du groupe de Frenki, c'est quelque chose de complètement -- dont
24 je ne connais absolument rien. Je n'ai ni vu, ni -- je ne sais pas, non
25 plus, qui sont ces hommes de Frenki. Je ne sais pas du tout ce qu'il veut
26 dire par là. Il est néanmoins tout à fait clair que ceci est une invention
27 de toutes pièces et que c'est un mensonge.
28 Q. Au paragraphe 23, on mentionne la brigade de la VRS et on dit que la
Page 11409
1 brigade de la RS provenant -- enfin, de la RS avait été déployée à Rezina.
2 Cette brigade est arrivée à Djakovica à la fin du mois de février. Ils
3 disposaient de chars T-55 et ils disposaient d'une artillerie antiaérienne.
4 Pourriez-vous nous faire un commentaire ?
5 R. Il n'y avait absolument aucune possibilité que ces derniers proviennent
6 de la Republika Srpska premièrement. Deuxièmement, l'endroit Rezina, c'est
7 une élévation au-dessus de Djakovica qui est complètement dénudée. Si on
8 avait placé un si grand nombre de chars à cet endroit-là, il n'aurait pas
9 pu être possible de se déplacer entre eux. Troisièmement, qui aurait pu
10 placer des chars à cet endroit-là ? Aucune personne sensée, munie de bon
11 sens, n'aurait placé ces chars à cet endroit-là, à savoir il faut également
12 se demander la question si la Republika Srpska disposait d'un si grand
13 nombre de chars et si elle avait également une brigade de blindés de toute
14 façon. Donc, c'est une invention de toutes pièces. Tout cela, c'est
15 illogique. C'est illogique.
16 Q. Très bien, Mon Général, je suis vraiment désolée de vous interrompre,
17 il y a un si grand nombre d'éléments que je voudrais vous montrer dans
18 cette déclaration. C'est la raison pour laquelle je vous interromps. Au
19 paragraphe 25, on dit :
20 "Les soldats de la Republika Srpska avaient les mêmes uniformes et les
21 mêmes équipements que les soldats de la VJ. Mon unité leur donnait le
22 soutien logistique, et j'ai personnellement vu que les membres de la
23 brigade de la RS se réunissaient dans le bureau de Dosan."
24 R. C'est tout à fait faux. Je n'ai rien d'autre à dire que de dire que
25 c'est complètement faux. Cette brigade ne se trouvait pas là et puisqu'il
26 n'y avait pas de brigade, il n'y avait pas de réunion, nous ne pouvions pas
27 leur assurer quoi que ce soit. S'agissant de mon bureau, je ne tenais
28 absolument aucune réunion avec personne à partir du 24 mars. Donc, c'est
Page 11410
1 complètement insensé de dire cela. Je ne sais même pas comment expliquer
2 cette affirmation, mais ce qui m'inquiète ici, c'est que cet homme
3 autrefois avait travaillé au sein de la brigade blindée où il y avait des
4 chars, il travaillait à Pristina, et je ne peux pas comprendre comment cela
5 se fait-il qu'il puisse dire des choses pareilles sans connaître sa
6 matière. Je me demande de quelle façon est-ce qu'il aurait pu devenir un
7 capitaine de première classe à 50 ans, car soit il est menteur, soit il ne
8 connaît absolument pas sa profession. C'est la raison pour laquelle j'étais
9 particulièrement déçu par cette déclaration.
10 Q. Très bien. Pouvez-vous jeter un coup d'œil au paragraphe 28. Ici, on
11 peut lire que :
12 "Pour recueillir toutes les informations et tous les rapports provenant de
13 dirigeants sur le territoire de Djakovica, Branko Kotur était responsable,
14 il provenait du corps de la VJ. Le colonel Kotur envoyait ses informations
15 au chef de l'état-major de l'armée yougoslave à Nis, au général de brigade
16 Dusan Samardzic."
17 Un commentaire, s'il vous plaît.
18 R. C'est une phrase qui est truffée de mensonges. D'abord, il n'y a pas de
19 colonel Milan Kotur, il y a un colonel qui s'appelle Milan Kotur. C'est un
20 homme qui travaillait dans l'infanterie, il ne recueillait aucune
21 information. Deuxièmement, ici, on peut dire :
22 "Le QG de l'état-major de l'armée yougoslave envoyait des informations
23 à Dusan Samardzic, qui était un colonel à Nis."
24 Dusan Samardzic n'a jamais été le commandant de l'armée, c'était le
25 général Pavkovic qui tenait se rôle. Donc, ce dernier n'avait pas pu avoir
26 -- il aurait été, de toute façon, étrange qu'un officier d'un grade
27 inférieur soumette des rapports à un commandant supérieur mis en second,
28 c'est vraiment incorrect.
Page 11411
1 Q. Est-ce que vous aviez dit, pour le compte rendu d'audience, qu'il y a
2 un très grand nombre de mensonges ? Est-ce que c'est bien ce que vous avez
3 dit ?
4 R. Il y a tellement de mensonges ici que c'est incroyable, c'est ce que
5 j'ai dit.
6 Q. Merci beaucoup. Je vous demanderais maintenant de prendre connaissance
7 du paragraphe 37. Le chef de la section militaire à Djakovica était
8 Micunovic, appelé Dragan, à l'époque, il -- à l'époque, s'agissant de la
9 Défense territoriale, il ne tenait qu'une fonction administrative. Pendant
10 la guerre, il était commandant opérationnel de la Défense territoriale pour
11 la municipalité de Djakovica. Micunovic rendait rapport à Dosan et au maire
12 Stanojevic. Un commentaire s'il vous plaît.
13 R. Encore une fois, c'est la même chose. D'abord, à Djakovica, il n'y
14 avait absolument pas de section militaire. Djakovica n'avait pas de section
15 militaire, et ce dernier n'était pas le chef d'une section militaire.
16 Pendant un certain temps, il était le commandant du détachement
17 territorial, il était subordonné au commandant de la section militaire qui
18 se trouvait à Pec. Donc, il ne m'était pas subordonné à moi, il n'était pas
19 subordonné à moi, et il n'aurait jamais pu être subordonné au président de
20 la municipalité. Les unités d'une armée ne peuvent pas être subordonnées à
21 des civils à ce niveau-là. Donc, c'est truffé de mensonges, je veux dire,
22 c'est complètement faux. Voilà, je vais le dire ouvertement, c'est un
23 mensonge.
24 Q. Merci beaucoup. Mon Général, je vous demanderais maintenant de prendre
25 connaissance du paragraphe 43 dans lequel on peut lire, dans la dernière
26 phrase :
27 "Dosan a demandé une reprise d'arrêter d'empêcher les gens de boire, mais
28 cela n'était pas possible puisque les personnes à l'hôtel étaient armées et
Page 11412
1 étaient en état d'ébriété tout le temps."
2 R. Non, les gens n'étaient pas en état d'ébriété. On ne servait pas
3 d'alcool à l'hôtel Bastrik [phon], à Djakovica. Mais même si cela avait été
4 le cas, je ne l'aurais pas envoyé, lui. Il n'aurait pas été correct
5 d'envoyer un Albanais, de l'exposer au danger. Donc, c'est complètement
6 faux. Il n'y a aucun élément de ceci qui correspondrait à la vérité.
7 J'étais contre tout ce qui avait trait à l'intoxication, j'étais contre le
8 pillage.
9 Q. Très bien. Paragraphe 45 -- 47, encore une fois, dernière phrase, vous
10 dites que les réunions ont eu lieu à des endroits différents : commandement
11 du MUP, de la VJ ou dans le bâtiment de la municipalité, toujours dans la
12 cave, pour des raisons de sécurité. Vous dites que vous aviez conduit le
13 commandant des ARBR à plusieurs reprises, que vous emmenez à plusieurs
14 reprises, vous avez conduit à plusieurs reprises aux réunions qui se sont
15 déroulées entre le MUP et la VJ.
16 R. Non, c'est tout à fait illogique. Un capitaine de première classe
17 n'aurait pas conduit un colonel. C'est absolument faux. J'ai dit que des
18 réunions avaient lieu de temps en temps, et dans cette phase-ci de la
19 guerre, beaucoup moins, de toute façon, et les réunions ne se sont pas
20 déroulées ni au commandement du MUP ni au commandement de l'armée
21 yougoslave. Donc, ceci est faux. C'est une déclaration qui est fausse. Il
22 ne m'a pas conduit, ne m'a pas emmené, n'a pas servi de chauffeur, il ne
23 m'a jamais emmené à cet endroit-là et les réunions ne se sont jamais
24 déroulées à cet endroit-là non plus.
25 Q. Merci, Mon Général. Veuillez, je vous prie, prendre connaissance du
26 paragraphe 50, où on peut lire :
27 "Dosan a appelé une fois alors que j'étais en réunion et il m'a dit que
28 s'agissant de l'unité qui se trouvait tout près de Ljug Bunar, au nord-est
Page 11413
1 de Djakovica, qu'il fallait transférer ce dernier à Djakovica, et il a
2 fallu que je transmette cette information au QG opérationnel, au ARBR, au
3 commandant Zdravko. Cette unité faisait partie du ARBR de Dosan."
4 Encore une fois, un commentaire ?
5 R. Non, ce n'est pas une façon habituelle de procéder. De toute façon,
6 pour des raisons de sécurité, il n'est jamais possible de donner d'ordres
7 par téléphone, à savoir où une unité serait déployée. Je ne lui aurais
8 jamais donné cet ordre, de toute façon, pas à lui. J'aurais donné un ordre
9 au commandant de l'unité qui était censée être déployée. Voilà la procédure
10 habituelle. Moi, je donnais des ordres aux commandants et ces derniers
11 recevaient des ordres de moi. S'agissant des ordres venant d'une troisième
12 main, d'une certaine façon indirecte, comme c'est écrit ici, vous parlez de
13 Vinter Zdravko, mais ce dernier n'était pas le commandant de l'état-major,
14 et il n'était pas non plus un commandant opérationnel. C'était un de mes
15 assistants chargés de la formation et du moral. Donc, il n'aurait jamais pu
16 donner quelque ordre que ce soit en mon nom à quelque commandant que ce
17 soit. Ceci serait une violation complète et totale de la subordination, une
18 violation de la chaîne de commandement également. Donc, ceci est un tissu
19 de mensonges.
20 Q. Paragraphe suivant. Le paragraphe 51, voilà ce qu'il y est dit :
21 "Une fois, j'ai dû séparer Dosan et Micunovic, après une réunion, parce
22 qu'ils se disputaient. Je ne sais d'ailleurs pas sur quoi portait leur
23 dispute. Lors de la même occasion, Dosan est venu dans la voiture avec moi
24 et il a dit que Kovacevic et Micunovic faisaient des choses qu'ils
25 n'avaient pas le droit de faire et il pointait un doigt accusateur vers la
26 VJ. L'unité de réserve de la VJ de Micunovic avait tué huit civils dans le
27 village de Deva à la fin du mois de mars 1999."
28 J'aimerais d'abord savoir si l'unité de Micunovic faisait partie de la
Page 11414
1 réserve de la VJ, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui est
2 écrit là ?
3 R. Il s'agissait d'une unité territoriale qui avait sa propre tâche et qui
4 avait sa propre chaîne de commandement, tout comme n'importe quelle unité,
5 d'ailleurs. Je parle de l'unité de Micunovic. Mais par ailleurs, tout cela
6 est faux. Pourquoi est-ce que j'aurais une altercation avec Micunovic ?
7 Pourquoi, en tant que commandant de garnison -- pourquoi, en tant que
8 colonel, j'aurais une altercation avec lui et pourquoi est-ce qu'il nous
9 aurait séparés ? Je ne suis absolument pas -- ce n'est absolument pas le
10 genre de choses que je fais. Et puis, de toute façon, ce n'est pas ainsi
11 que les gens se comportent au sein de l'armée. Et il ne faut pas oublier la
12 subordination. Et puis, il dit : Micunovic faisait des choses qui n'étaient
13 pas autorisées. Si j'avais su que Kovacevic et Micunovic faisaient des
14 choses qui n'étaient pas autorisées, j'en aurais immédiatement informé mon
15 commandant. Je n'en aurais pas parlé avec mes subordonnés. Ce n'est pas la
16 façon idoine de se comporter. Ce n'est pas ainsi qu'on se comporte. Ce
17 n'est absolument pas ce qu'il faut faire, du point de vue de la moralité.
18 Ce n'est pas ainsi qu'une armée fonctionne, d'ailleurs, non plus. Ce n'est
19 tout simplement pas vrai, et -- écoutez, je suis tenté de vous dire qu'il
20 ne savait tout simplement pas ce qu'il disait lorsqu'il a dit tout cela.
21 M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais présenter au témoin plusieurs
22 autres paragraphes.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, cela ne pourra pas être fait
24 ce soir.
25 M. POPOVIC : [interprétation] Oui, oui. C'est pour cela que je pense qu'il
26 faudrait peut-être laisser tout cela jusqu'à demain. Le temps imparti est
27 écoulé et demain, je vais faire un effort pour terminer l'interrogatoire
28 principal aussi rapidement que faire se peut.
Page 11415
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons maintenant lever
2 l'audience, et nous reprendrons demain, à 14 heures 15.
3 --- L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le mardi 16 février
4 2010, à 14 heures 15.
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28