Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 11578

  1    Le vendredi 19 février 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 10 heures 05.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Asseyez-vous, s'il vous plaît.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La déclaration solennelle que vous

  9   avez prononcée, celle de dire la vérité, est toujours en vigueur.

 10   Maître Behar, vous avez la parole.

 11   LE TÉMOIN : MILUTIN FILIPOVIC [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   Contre-interrogatoire par M. Behar :

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je m'appelle Eliott Behar. Je

 15   représente le bureau du Procureur et je souhaite vous poser une série de

 16   questions, ce matin.

 17   Monsieur, avant de passer aux questions plus détaillées, je veux m'assurer

 18   que j'ai bien compris la teneur de votre déposition, celle du mercredi, et

 19   aussi la déposition que vous avez faite dans l'affaire Milutinovic. Nous

 20   allons nous pencher sur un détail un peu plus tard mais, pour le moment,

 21   j'essaie tout simplement d'établir si j'ai bien compris votre point de vue.

 22   Donc, Monsieur, vous dites qu'il n'avait pas de barrage à Pristina, qu'il

 23   n'y avait pas de postes de contrôle et que certainement, il n'y avait pas

 24   de fils barbelés; ai-je raison de l'affirmer ?

 25   R.  D'après mes souvenirs, j'ai dit effectivement ce que vous venez

 26   d'indiquer. Plus précisément, j'ai déclaré qu'il n'y a pas eu de fils

 27   barbelés entourant la ville de Pristina, et il n'y a pas eu de postes de

 28   contrôle qui empêcheraient la population de circuler librement à

Page 11579

  1   l'intérieur de la ville ainsi qu'à l'extérieur de la ville.

  2   Q.  Tout à fait, Monsieur. Vous avez très clair lorsque vous avez déposé.

  3   Vous avez indiqué qu'il n'y a pas eu de postes de contrôle, pas de fils

  4   barbelés, et vous avez indiqué aussi, très clairement, que des

  5   installations religieuses albanaises n'ont pas été touchées des mosquées,

  6   notamment, n'ont pas été détruites; ai-je raison de l'affirmer ?

  7   R.  Oui. Aucune institution de culte n'a été détruite sur le territoire de

  8   Pristina jusqu'à la fin du conflit, c'est-à-dire jusqu'à la signature de

  9   l'accord de Kumanovo.

 10   Q.  Vous avez indiqué très clairement aussi que les forces serbes n'ont pas

 11   effectué des déportations; ai-je raison de l'affirmer ?

 12   R.  J'ai déclaré que je n'ai pas été témoin oculaire de ces déportations.

 13   Je n'ai jamais vu nulle part que quelqu'un se fasse déporter par force,

 14   donc c'est quelque chose que je n'ai pas vu de mes propres yeux.

 15   Q.  Vous en avez parlé en détail. Vous avez assuré que le témoin de

 16   l'Accusation, Nazalie Bala, n'aurait pas pu s'apercevoir de toutes les

 17   choses qu'elle a énumérées. Donc vous affirmez qu'elle n'aurait pas pu voir

 18   Dragodan depuis l'endroit où il se trouvait; est-ce exact ?

 19   R.  J'ai dit qu'elle ne pouvait pas voir le cimetière orthodoxe situé dans

 20   la ville de Pristina, près du village de Dragodan. Il est peut-être

 21   possible de voir une certaine partie de ce village de Dragodan, mais

 22   certainement, elle n'a pas pu voir le cimetière orthodoxe.

 23   Q.  Nous allons nous pencher sur cette question un peu plus tard. Mais vous

 24   avez également indiqué qu'elle n'aurait pas pu voir depuis Vranjevac la

 25   région de Koljovica.

 26   R.  Elle aurait pu regarder en direction du village de Kojlovica, mais elle

 27   n'aurait pas pu voir le village lui-même.

 28   Q.  Vous avez affirmé la même chose pour ce qui est de Lukare. Elle

Page 11580

  1   n'aurait pas pu voir le village et par conséquent, elle n'aurait pas pu

  2   s'assurer qu'il y a eu des chars ou des véhicules blindés dans ce village.

  3   R.  Dans le village de Lukare se trouvait un arsenal qui appartenait au

  4   Corps de Pristina. Elle n'a pas pu voir cette zone. Tout ce qu'elle a pu

  5   faire, elle a pu entendre des détonations qui provenaient de cette zone

  6   parce qu'au cours de l'agression de l'OTAN, cette partie de Lukare a fait

  7   l'objet de bombardements tous les jours.

  8   Q.  En fait, Monsieur, en dépit du fait que nous avons entendu de

  9   nombreuses dépositions dans cette affaire concernant ce qui s'est produit

 10   dans la ville de Pristina après l'éclatement de la guerre, et malgré toutes

 11   les dépositions que nous avons entendues concernant les choses que ces

 12   témoins avaient vécu entre les mains des forces serbes, vous indiquez qu'en

 13   réalité, tout s'est passé très bien à Pristina et que la vie se déroulaient

 14   normalement.

 15   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que la vie se déroulait d'une

 16   manière relativement normale, au vu des circonstances de guerre qui

 17   prévalaient. J'ai dit que l'approvisionnement était assuré.

 18   L'approvisionnement en pain, par exemple, correspondait aux quantités qui

 19   avaient été livrées sur place avant le début de la guerre.

 20   J'ai dit que la vie culturelle se déroulait plus ou moins

 21   normalement. La télévision et la radio fonctionnaient dans les langues

 22   siptar, serbe, turque et roma. Le marché vert était ouvert à Pristina. Les

 23   hôpitaux fonctionnaient. Quelle que soit leur ethnicité, les personnes qui

 24   vivaient dans cette ville accouchaient, se mariaient, mouraient. Donc, la

 25   vie n'avait pratiquement pas changé par rapport à l'époque avant le début

 26   de la guerre. Les femmes accouchaient dans des hôpitaux où des médecins de

 27   toutes souches ethniques travaillaient. Il y avait parmi eux des Albanais,

 28   des Serbes, des Turcs, et je le sais pertinemment, je connais leurs noms.

Page 11581

  1   Les services religieux étaient assurés dans pratiquement toutes les

  2   mosquées de Pristina au cours de l'agression de l'OTAN et la même chose

  3   vaut même pour les trois mosquées qui se trouvaient près de mon poste de

  4   commandement. Voilà. C'est tout ce que je peux vous dire brièvement.

  5   Q.  Merci, Monsieur. Je crois que nous avons déjà entendu votre point de

  6   vue à ce sujet. Lorsqu'on considère votre déposition dans son ensemble, il

  7   semblerait que vous réfutiez la véracité de toutes les allégations faites à

  8   l'encontre des forces serbes, qui fonctionnaient dans la ville de Pristina.

  9   Vous réfutez la commission de meurtres, l'utilisation de véhicules blindés,

 10   de chars, au fond d'après votre déposition, toutes les allégations que nous

 11   avons pu entendre dans ce procès sont fausses; ai-je raison de l'affirmer ?

 12   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec les propos que vous venez de

 13   proférer. Il est vrai que des meurtres ont eu lieu à Pristina. Il est vrai

 14   que plusieurs personnes ont trouvé la mort, qu'il s'agisse de Serbes ou de

 15   Siptar, mais ces personnes avaient trouvé la mort avant tout au cours des

 16   bombardements de l'OTAN et aussi par suite des actions entamées par des

 17   forces terroristes siptar.

 18   Q.  Mais ce n'était pas une conséquence entraînée par les actions des

 19   forces serbes, c'est la question que je vous pose.

 20   R.  Les malheurs soufferts par les civils à cause des activités des forces

 21   serbes, c'est quelque chose dont je n'ai aucune connaissance. Je n'ai

 22   certainement pas appris que quiconque ait souffert à cause des actions

 23   entreprises par le groupe de commandement ou les effectifs qui se

 24   trouvaient dans la garnison de Pristina, sous mon commandement. Je vous

 25   assure que n'avons pas tiré une seule balle sur quiconque, nous n'avons pas

 26   dirigé notre arme vers quiconque pendant toute la durée de l'agression de

 27   l'OTAN.

 28   Q.  Merci, Monsieur. Maintenant j'aimerais que nous étudiions en détail ces

Page 11582

  1   différents éléments de votre déposition.

  2   Pour commencer, vous avez témoigné dans l'affaire Milutinovic et dans

  3   l'affaire présente, pour dire que vous avez vu des colonnes d'Albanais du

  4   Kosovo qui s'enfuyaient de Pristina. Ils se déplaçaient à travers la ville,

  5   en masse et d'après votre déposition, ces personnes qui formaient ces

  6   colonnes prétendaient jouer un jeu. L'expression dont vous vous êtes servi

  7   est celle d'une "imitation de la migration;" vous en souvenez-vous ?

  8   R.  Mais je me souviens bien d'avoir dit ça, et c'est d'ailleurs ce que

  9   j'ai vu. Tout ce jeu, toute cette imitation, je l'ai vue à plusieurs

 10   reprises. Je peux vous fournir de nombreux détails, et ces personnes ont

 11   défilé à plusieurs reprises près du poste de commandement où je me

 12   trouvais, et j'ai entamé des conversations avec un certain nombre de

 13   personnes qui composaient cette colonne. Il s'agissait de mes concitoyens,

 14   j'en connaissais un grand nombre personnellement. Je les avais vus passer

 15   devant moi, puis faire un aller-retour, à plusieurs reprises.

 16   Un certain nombre parmi eux a effectivement quitté la ville alors

 17   qu'un certain nombre prétendait quitter la ville.

 18   Q.  Permettez-moi de vous interrompre. Nous allons procéder par

 19   étape. L'objectif de cette prétendue migration c'était en fait une ruse

 20   complexe qui devait permettre aux terroristes de s'enfuir du pays, et

 21   j'aimerais que nous examinions les propos exacts que vous avez proférés

 22   dans l'affaire Milutinovic à cet égard.

 23   M. BEHAR : [interprétation] Pièce D712, s'il vous plaît, page 44. Ce

 24   qui m'intéresse c'est la ligne 18.

 25   Q.  Le compte rendu d'audience est en anglais, je vais en donner

 26   lecture et vous allez recevoir l'interprétation. Je cite :

 27   "L'objectif" - l'objectif visé par ces colonnes - "donc l'objectif

 28   notamment dans la zone qui va de Ljubce à Grastica était d'intégrer les

Page 11583

  1   terroristes dans ce colonnes, il s'agissait de terroristes qui avaient jeté

  2   leurs armes, et s'étaient enfuis avant de se faire attaquer par les

  3   forces."

  4   Vous souvenez-vous d'avoir déclaré ceci, Monsieur ?

  5   R.  Oui, je m'en souviens.

  6   Q.  Monsieur, je soutiens que cette affirmation est problématique sur

  7   plusieurs plans, et j'aimerais que nous les étudiions l'un après l'autre.

  8   Au fond, vous avez dit que la raison pour laquelle ces prétendus convois se

  9   déplaçaient à travers le pays, c'était pour permettre aux terroristes de

 10   quitter le pays. Mais en même temps, vous affirmez que les actions de

 11   terroristes se poursuivaient au même moment, et que même ces actions

 12   s'étaient intensifiées; êtes-vous d'accord ?

 13   R.  Mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. La raison que vous

 14   citez, c'était une des raisons qui les motivait. Une autre raison, c'était

 15   de créer une illusion, une catastrophe humanitaire, un déplacement en

 16   masse. Ce que vous indiquez vaut surtout pour les colonnes qui venaient de

 17   Grastica et de Kacikol. Donc les terroristes jetaient leurs armes,

 18   intégraient les colonnes et c'est une raison qui avait sans doute son

 19   importance. C'est quelque chose que nous avons pu constater avant le début

 20   de l'agression et au cours de l'agression elle-même.

 21   Q.  Mais, Monsieur, lors de votre témoignage précédent, vous souvenez-vous

 22   d'avoir affirmé que les attaques de terroristes s'étaient poursuivies,

 23   voire s'étaient intensifiées pendant cette période ?

 24   R.  Oui, les attaques terroristes ont été très intenses au cours de

 25   l'agression et à la veille de l'agression aussi. Ces attaques se

 26   déroulaient sans cesse, sans interruption, dans la zone de Pristina, et de

 27   nombreuses actions terroristes avaient été commises dans la ville même de

 28   Pristina. Je parle des actions commises par les terroristes siptar.

Page 11584

  1   Q.  Donc, Monsieur, d'après votre propre déposition, les terroristes ne

  2   fuyaient pas le pays, leurs opérations étaient toujours en cours. Or, vous

  3   dites que ces colonnes avaient pour objectif de permettre aux terroristes

  4   de s'enfuir du pays. Ces deux objectifs sont mutuellement contradictoires.

  5   R.  Mais ce n'est pas ce que j'ai déclaré, c'est vous qui dites que j'ai

  6   affirmé ceci. Mais je ne l'ai pas dit. Il ne s'agissait pas de permettre

  7   aux terroristes de s'enfuir du pays, il s'agissait pour les terroristes de

  8   rejoindre une colonne, puis de la quitter une fois arrivés en ville, et

  9   c'est ainsi qu'ils pouvaient reprendre leurs activités terroristes. Donc

 10   l'objectif visé par les terroristes, ce n'était pas de s'enfuir du

 11   territoire du Kosovo-Metohija, mais de fuir la zone où ils avaient été

 12   actifs, d'entrer dans la ville en ressortir pour pouvoir entamer des

 13   actions armées au sein de la ville et à l'extérieur de son enceinte. Voilà

 14   ce que j'ai voulu dire.

 15   Q.  Très bien, Monsieur. Alors arrêtons-nous un instant sur ce point de

 16   vue, essayons de l'étudier en détail. Si vous saviez que les colonnes de

 17   réfugiés permettaient de dissimuler des terroristes, d'assurer leur

 18   déplacement d'un endroit à l'autre, j'imagine que c'est un élément

 19   d'information que vous étiez tenu de communiquer à vos supérieurs ?

 20   R.  Non seulement étais-je tenu de le faire, c'est bien quelque chose que

 21   je faisais. Même si je ne l'avais pas fait, mon commandement Supérieur le

 22   savait pertinemment puisque c'est un phénomène qui existait déjà avant le

 23   début de l'agression. C'était une des méthodes déployées par les

 24   terroristes siptar. Par ailleurs, il s'était déjà servi de ce type de

 25   méthode avant aussi qu'au cours des années '80, il -- soi-disant tomber

 26   raide mort à cause des empoisonnements qui auraient été organisés pour les

 27   forces serbes. Alors que rien n'en était. La même chose se passait dans les

 28   classes d'école. Vous aviez des classes d'école entières qui tombaient

Page 11585

  1   raides mortes parce que soi-disant elles avaient été empoisonnées par les

  2   Serbes.

  3   Q.  Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur. Vous dites que vous étiez

  4   tenu d'informer vos supérieurs sur ces activités terroristes de grande

  5   envergure. Alors ce que je vous demande c'est de me dire où se trouvent ces

  6   rapports ?

  7   R.  J'ai rédigé de nombreux rapports sur ce sujet. J'ai soumis oralement

  8   des rapports à cet effet au commandement du Corps de Pristina et le

  9   commandement du Corps de Pristina au cours de l'agression. Je me souviens

 10   d'avoir aussi rédigé plusieurs rapports par écrit à ce sujet, et justement

 11   je me pose la question de savoir où se trouvent ces rapports.

 12   Q.  Ce que je peux vous dire, Monsieur, c'est qu'ici dans cette salle

 13   d'audience, nous n'avons certainement pas vu un seul de ces rapports.

 14   R.  D'ailleurs, il m'a été impossible de les retrouver à moi aussi. J'ai

 15   essayé d'en retrouver un certain nombre mais ceci m'a été impossible. Mon

 16   accès aux archives était limité, en fait, il m'a été impossible d'accéder

 17   aux archives parce qu'à Belgrade, on ne s'en souciait guère, et l'attitude

 18   affichée par les autorités publiques vis-à-vis des archives rendaient pour

 19   moi l'accès impossible. Même aujourd'hui il m'est impossible de récupérer

 20   un seul document que j'avais signé pendant l'agression. J'avais rédigé un

 21   rapport où j'avais -- j'avais signé un document où je permettais la

 22   création des salles de bain en commun où tous les membres de l'armée

 23   pouvaient se baigner. J'ai signé un autre document concernant la manière

 24   dont il fallait recevoir le courrier à la garnison de Pristina, et ce

 25   document je n'ai pas pu le récupérer, or j'étais témoin oculaire confirmant

 26   leur existence.

 27   Q.  Monsieur, il peut exister une différence quand même importante entre un

 28   document qui permettait d'ouvrir une salle de bain et des documents qui

Page 11586

  1   concernent des opérations à grande échelle visant à assurer le déplacement

  2   des terroristes à travers la ville de Pristina, mais je vais passer à un

  3   autre sujet.

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Monsieur, vous dites d'une part qu'il s'agissait de faux convois qui

  6   faisaient un aller retour à travers la ville de Pristina, mais en même

  7   temps vous avez répété à plusieurs reprises que les Albanais du Kosovo

  8   avaient en effet quitté la ville de Pristina mais en fait leur seul

  9   objectif c'était de fuir le bombardement de l'OTAN. Alors procédons par

 10   l'étape. Vous souvenez-vous d'avoir déposer que les habitants de Pristina

 11   avaient quitté cette ville à cause des bombardements effectués par l'OTAN ?

 12   R.  Oui, il est tout à fait certain que c'est la raison pour laquelle ils

 13   quittaient la ville de Pristina la même chose valait pour les Serbes. Les

 14   Siptar partaient de la ville de Pristina et de sa zone à cause des

 15   bombardements, et les Serbes faisaient de même. Mais j'ai voulu également

 16   souligner cette autre raison tout aussi importante. Il s'agissait de créer

 17   une illusion de déplacement. Donc les deux cas de figure pouvaient être

 18   relevés. Mais il y avait aussi d'autres cas de personnes qui avaient quitté

 19   la ville et puis certaines personnes étaient venues vivre dans la ville de

 20   Pristina, et cela valait pour les Siptar aussi bien que pour les Serbes.

 21   Donc nous avons toute une série de différents exemples de personnes qui

 22   avaient quitté la ville et celles qui étaient venues y vivre. La situation

 23   était fort complexe.

 24   Mais le cas de figure le plus fréquent c'était celui des Serbes et

 25   des Siptar qui partaient de la ville à cause des bombardements de l'OTAN

 26   puisqu'un grand nombre de personnes de Siptar aussi bien des Serbes avaient

 27   trouvé la mort au cours des bombardements. Par ailleurs, c'était aussi en

 28   effet de la propagande, et avant tout, les forces de l'OTAN avaient dirigé

Page 11587

  1   leur frappe contre les infrastructures contre le système

  2   d'approvisionnement en eau, en électricité, des coupures d'électricité

  3   survenaient tous les jours, et puis évidemment, il y a eu des victimes

  4   humaines --

  5   Q.  Monsieur, je vous serais reconnaissant de bien vouloir vous concentrer

  6   à la question posée dans les réponses que vous fournissez. Brièvement,

  7   Monsieur, vous avez indiqué que ces déplacements à grande échelle avaient

  8   commencé à la veille de l'agression et que ces déplacements se sont

  9   poursuivis, se sont intensifiés au cours de l'agression; est-ce une bonne

 10   description des événements ?

 11   R.  Alors très brièvement je vous dirais qu'il y avait eu une immigration à

 12   partir de Pristina et à partir d'ailleurs de la zone générale de Pristina

 13   avant l'agression, pendant l'agression, ainsi qu'après l'agression. Il en

 14   va de même pour les personnes qui y arrivaient.

 15   Q.  Alors je pense que nous allons peut-être, enfin, nous pencher sur votre

 16   témoignage qui fut d'ailleurs assez bref dans l'affaire Milutinovic.

 17   M. BEHAR : [interprétation] Document 712, à nouveau, page 43. Alors au

 18   début de la ligne 12.

 19   Q.  Là, je dois dire que vous parlez de la population qui quittait Pristina

 20   vous reprenez l'essentiel et voilà ce que vous dites, vous dites :

 21   "Cette migration en fait a augmenté notamment après les frappes aériennes

 22   qui ont touché le centre-ville, le 7 avril. Après cela, cette migration a

 23   augmenté étant donné, surtout étant donné que certaines installations

 24   importantes telles que, par exemple, les transformeurs de Pristina ont été

 25   bombardés."

 26   Donc vous répétez en fait cela, et vous l'avez répété mercredi. Vous vous

 27   souvenez avoir dit cela lors de votre déposition ?

 28   R.  Tout ce qui a été consigné, à ce moment-là, et tout ce que j'ai dit, à

Page 11588

  1   ce moment-là, ne peuvent absolument pas faire l'objet d'un refus d'un déni

  2   de ma part, et ce n'est pas ce que je souhaite faire d'ailleurs. Voilà ce

  3   dont je me souviens. Je sais que les gens quittaient Pristina et ont quitté

  4   de plus en plus Pristina après le 7 avril et il faut savoir qu'il y a eu de

  5   nombreuses victimes. Donc il y avait des Albanais, des Serbes et d'autres

  6   qui fuyaient. Il y a de nombreux Serbes et Siptar qui ont été tués pendant

  7   le bombardement. Les lignes téléphoniques étaient détruites et les gens --

  8   la population a paniqué.

  9   Q.  Donc vous nous dites en fait que vous êtes en mesure de nous dire que

 10   certains des Albanais ont fait semblant de partir avec les convois alors

 11   que d'autres partaient véritablement avec ces convois, mais vous nous dites

 12   en fait que ces autres qui partaient véritablement ne partaient qu'à cause

 13   du bombardement de l'OTAN. Est-ce que cela vous semble logique ? Est-ce que

 14   vos propos vous semblent logique, Monsieur ?

 15   R.  Ce fut un processus synchronisé. Il y en a certains qui contournaient

 16   Pristina et qui tournaient autour de Pristina et qui ce faisant en fait

 17   imiter en quelque sorte une colonne ou un convoi, mais il y en avait

 18   d'autres qui véritablement partaient à cause du bombardement de l'OTAN et à

 19   cause des victimes qui en avaient résulté, ils essayaient de placer, de

 20   faire en sorte que leurs enfants ne courent pas de danger. Donc il y avait

 21   également des gens qui partaient de Pristina, s'ils avaient peur des

 22   activités terroristes des Siptar. Il y en avait d'autres qui partaient

 23   parce qu'ils avaient déjà essuyé certaines pertes, et je pense également à

 24   une perte d'activités pour eux.

 25   Mais il y en avait d'autres qui arrivaient dans Pristina, parce que

 26   les terroristes étaient particulièrement actifs dans la zone de Pristina,

 27   notamment dans la zone de Drenica et de Malisevo, donc ils arrivaient à

 28   Pristina pour essayer d'y trouver refuge. Certains parmi cette population

Page 11589

  1   albanaise ont été justement reçus par la Croix-Rouge à Pristina, ainsi que

  2   par d'autres organes des autorités locales qui se chargeaient de cela. Les

  3   gens ont donc été accueillis et une assistance leur a été fournie.

  4   Il y en a même qui ont été accueillis dans la zone de Kisnica, à 100 ou 200

  5   mètres à peine de l'immeuble ou du bâtiment du commandement du corps, et

  6   c'étaient des Siptar qui arrivaient de Drenica et de Malisevo. Ils ont été

  7   accueillis à cet endroit avec les Serbes, dans un centre pour réfugiés, et

  8   je dois dire qu'on leur a fourni exactement la même assistance, à savoir la

  9   même assistance qui avait été fournie aux Serbes qui étaient arrivés

 10   précédemment et qui venaient de Croatie ou d'ailleurs.

 11   Q.  Est-ce que vous pourriez peut-être vous en tenir à mes questions

 12   lorsque vous répondez ?

 13   Donc vous nous dites -- enfin, ce que vous décrivez, en fait, c'est une

 14   situation particulièrement complexe. Il semblerait que vous, vous avez été

 15   en mesure de faire la part des choses juste en observant, apparemment juste

 16   en observant de votre fenêtre. Mais voilà ce que j'aimerais vous dire. Ce

 17   que j'aimerais vous dire, c'est en fait l'explication à la situation est

 18   beaucoup plus simple. Voilà ce que je suggère. Moi, ce que je dis, c'est

 19   que vous avez tout simplement adopté le point de vue adopté par la Défense

 20   de Milutinovic, à savoir la population albanaise est partie à cause des

 21   bombardements de l'OTAN, et à cela, vous avez ajouté votre propre

 22   explication, à savoir les Albanais ne sont absolument pas partis. En fait,

 23   ils continuaient de faire les 100 pas en quelque sorte dans ces convois.

 24   Mais vous vous rendez compte, vous vous êtes rendu compte du fait que ces

 25   deux points de vue n'étaient pas véritablement, ne correspondaient pas l'un

 26   avec l'autre. Donc vous nous présentez maintenant une situation qui est

 27   très complexe et surtout, une situation qu'il est très difficile

 28   d'imaginer, de visualiser.

Page 11590

  1   R.  Alors, je dois dire que votre question est assez longue. Bon. J'essaie

  2   d'analyser parce que vous m'avez posé plusieurs questions en une seule

  3   question et vous avez avancé plusieurs observations. Alors, je vais essayer

  4   d'être concis, quant à moi.

  5   Je vous dirais que je suis d'accord avec vous pour indiquer

  6   qu'effectivement, la situation était complexe, et que les raisons qui

  7   expliquaient que les gens arrivaient dans Pristina ou en partaient était

  8   tout aussi complexe. Je pense également aux personnes qui, justement,

  9   essayaient d'imiter en fait un départ qui était un pseudo départ. Alors, à

 10   quoi est-ce que cela tenait ? Je dirais qu'une partie de la population

 11   albanaise et de la population serbe était partie avant l'agression et

 12   pendant l'agression; alors une partie de la population est partie tout

 13   simplement parce qu'elle craignait les bombardements de l'OTAN.

 14   Je vous ai déjà fourni une longue explication à ce sujet. Il y a eu de

 15   nombreuses victimes. Il y a eu des familles albanaises entières qui ont été

 16   décimées par les bombardements de l'OTAN, tout comme de nombreux Serbes

 17   d'ailleurs en ont fait les frais à Pristina. Puis ensuite il y a ceux qui

 18   partaient, qui sont partis parce qu'ils avaient peur des terroristes

 19   siptar.

 20   Puis, troisièmement, il y a eu un certain nombre de familles de terroristes

 21   siptar, ainsi que de familles qui étaient membres des familles des

 22   terroristes siptar et qui venaient de Pristina et qui sont parties parce

 23   qu'elles craignaient les représailles à l'égard des membres de leur famille

 24   puisque d'autres membres de leur famille faisaient partie des forces

 25   terroristes siptar.

 26   Puis, quatrièmement, il y en avait également qui partaient parce que la

 27   situation qui prévalait en ville était plutôt difficile. Il y avait des

 28   coupures d'électricité. Il n'y avait pas, le téléphone ne fonctionnait

Page 11591

  1   plus, donc ils ne pouvaient pas prendre contact avec leurs proches. Donc il

  2   y avait de nombreuses personnes qui avaient de bonnes raisons de partir et

  3   il y en avait qui arrivaient également, qui venaient.

  4   Parce que, lorsque nous parlons de personnes qui partaient de Pristina, il

  5   ne faut pas oublier que les Serbes, les Roms, les Albanais, les Turcs et

  6   d'autres également partaient, partaient en utilisant différents modes de

  7   transport : à pied, à bord de véhicules, dans des autobus. Je vous ai déjà

  8   expliqué mon rôle à ce sujet --

  9   Q.  Oui, effectivement, vous en avez déjà parlé.

 10   Alors, j'aimerais en fait en revenir à la quintessence de ma question, à

 11   savoir le décalage entre vos deux affirmations, ce décalage d'ailleurs, il

 12   vous a d'abord été indiqué par M. le Juge Bonomy lors de votre déposition

 13   dans l'affaire Milutinovic.

 14   M. BEHAR : [interprétation] Nous pourrions peut-être à nouveau nous pencher

 15   sur la pièce D712. Page -- alors, la page du compte rendu d'audience est la

 16   T-19 194. Donc, page 19 194.

 17   Q.  Donc, regardez la ligne 18, Monsieur. Vous voyez que vos explications

 18   sont -- bon, étaient au départ assez simples, puis elles semblent se corser

 19   et se compliquer. A la ligne 18, M. le Juge Bonomy vous pose une question :

 20   "Est-ce qu'il s'agit de colonnes différentes de celles qui partaient pour

 21   échapper aux bombardements ?"

 22   Il semble être un tant soit peu surpris par ce que vous indiquez. Voilà ce

 23   que vous répondez :

 24   "Eh bien, voilà ce que je vous dirais : Certaines de ces colonnes se

 25   comportaient comme je viens juste de le décrire. Il y a certaines personnes

 26   qui se sont véritablement enfui pour échapper aux bombardements. Ils

 27   étaient inquiets et avaient peur du bombardement. Certains avaient eu des

 28   membres de leur famille qui avaient été tués ou blessés par ces

Page 11592

  1   bombardements. Il s'agissait donc de civils qui fuyaient."

  2   Puis ensuite voilà ce que vous dites :

  3   "Toutefois, il y avait également de nombreuses personnes que je viens de

  4   décrire qui faisaient tout simplement semblant de partir, et elles étaient

  5   beaucoup plus nombreuses, ces personnes, en tout cas, pour ce qui est de la

  6   ville de Pristina."

  7   Vous vous souvenez avoir dit cela au Juge Bonomy ? Vous vous souvenez de

  8   votre réponse au Juge Bonomy ?

  9   R.  Oui, oui. Je me souviens parfaitement de cette réponse, et d'ailleurs,

 10   je ne vois vraiment pas ce qui pourrait poser problème.

 11   Q.  Donc lorsqu'on vous pose une question et qu'on attire votre attention

 12   sur ce décalage, votre réponse est très simple. Vous dites qu'il y avait

 13   différentes colonnes d'Albanais. Il y avait des colonnes d'Albanais qui se

 14   déplaçaient dans la ville, et vous, vous étiez en mesure de faire la part

 15   des choses et de dire que certaines colonnes étaient des pseudo colonnes,

 16   en quelque sorte, mais que les autres correspondaient à de véritables

 17   convois. Apparemment, vous étiez également en mesure de dire que ces

 18   personnes-ci, donc la deuxième catégorie, partait seulement à cause des

 19   bombardements de l'OTAN; c'est bien cela ?

 20   R.  Tout ce que j'ai dit est exact -- est absolument exact. Il y a aucune

 21   raison que cela ne le serait pas. Je vous ai décrit ce que j'ai vu et je

 22   peux vous le confirmer maintenant. J'ai vu des personnes qui se trouvaient

 23   dans des colonnes et qui se déplaçaient dans Pristina le matin, et puis

 24   l'après-midi, je les voyais repasser devant moi, à nouveau. Donc j'ai

 25   reconnu Adem Demaqi, par exemple. Lui, il escortait, il accompagnait une de

 26   ces colonnes et c'était un terroriste connu. Il faisait toujours partie de

 27   cette colonne et il revenait toujours. Il n'a pas -- il n'a jamais quitté

 28   Pristina, en fait. Il se déplaçait en toute sécurité. Lui, il ne s'est pas

Page 11593

  1   enfui, alors que j'ai vu d'autres personnes qui sont passées près de moi et

  2   qui ne sont jamais revenues. Donc, voilà. Voilà ce qui s'est passé et je ne

  3   vois pas où est le problème. Je ne vois pas où réside la contradiction,

  4   d'ailleurs, dans mes réponses.

  5   Q.  Je pense que nous avons compris votre point de vue. Maintenant,

  6   j'aimerais aborder quelque chose de légèrement différent.

  7   Vous êtes arrivé ici mercredi, et de votre propre initiative, vous avez

  8   donné forces détails à propos d'uranium appauvri.

  9   M. BEHAR : [interprétation] Si nous pouvons -- si cela est possible,

 10   j'aimerais donc que nous nous penchions sur un de ces passages, donc il

 11   s'agit de la déposition de mercredi, page du compte rendu d'audience T-11

 12   559.

 13   Q.  Alors regardez le début de la ligne 19, on vous pose une question, la

 14   question était fort simple d'ailleurs :

 15   "Est-ce que vous disposiez d'information à propos des substances ou à

 16   propos de ce qui faisait partie des bombes ? Quel était le type de matériel

 17   utilisé ?"

 18   Voilà ce que vous avez répondu :

 19   "J'ai obtenu de nombreux renseignements. J'avais quasiment des

 20   renseignements tous les jours."

 21   Puis ensuite voilà ce que vous dites :

 22   "Je pourrais vous fournir de nombreux renseignements à ce sujet,

 23   notamment le fait que la région de Pristina a été bombardée avec des

 24   projectiles qui contenaient de l'uranium appauvri."

 25   Vous vous souvenez avoir dit cela, Monsieur ?

 26   R.  Oui, oui.

 27   Q.  Donc, Monsieur, vous n'aviez jamais mentionné l'uranium appauvri

 28   auparavant. Ici, dans ce Tribunal, lorsque vous êtes venu témoigner dans

Page 11594

  1   l'affaire Milutinovic, vous n'avez jamais utilisé les mots "d'uranium

  2   appauvri" à ce moment-là, n'est-ce pas ?

  3   R.  Je ne me souviens pas de tout ce que j'ai dit, mais je pense que cela

  4   doit être consigné. Donc si cela était consigné, c'est que je l'ai dit.

  5   Voilà ce que j'aimerais vous dire d'ailleurs, il y a beaucoup de choses que

  6   je n'ai pas dites. Je ne le dirais pas non plus aujourd'hui, parce que nous

  7   n'avons tout simplement le temps pour ce faire. Moi, je pourrais parler

  8   longuement à propos des moyens et techniques qui ont été utilisés contre la

  9   population du Kosovo, les Serbes, les Albanais, les Turques, les Roms et

 10   les autres. C'était un tel calvaire qu'il m'est difficile en fait de vous

 11   donner toutes les raisons.

 12   Q.  Mais, moi, je peux absolument affirmer que vous n'avez jamais mentionné

 13   auparavant les mots "d'uranium appauvri," en tout cas vous n'en avez jamais

 14   parlé dans l'affaire Milutinovic. Mais ceci étant dit, vous avez parlé du

 15   bombardement de l'OTAN. Vous en avez beaucoup parlé avec force détail lors

 16   de cette déposition; est-ce que vous acceptez cela ? Vous avez fourni de

 17   nombreux détails à propos du bombardement ou des bombardements de l'OTAN;

 18   répondez-moi juste par oui ou par non.

 19   R.  Oui, j'ai beaucoup parlé des bombardements de l'OTAN, et dans l'affaire

 20   Milutinovic, je n'ai pas fait référence à des avions sur lesquels on avait

 21   tiré, bon cela a été vu par de nombreux habitants de Pristina. Donc je n'en

 22   ai pas mentionné, mais toutefois le fait est que cela s'est passé dans

 23   Pristina et dans la région de Pristina. Je n'ai pas non plus parlé des

 24   incidents que je qualifierais de chimiques, bien qu'il y ait beaucoup de

 25   choses qui se soient passées et que de nombreux habitants de Pristina ont

 26   souffert de ces attaques.

 27   Q.  Alors vous n'en avez pas parlé alors que vous avez donné de nombreux

 28   détails à propos de la façon dont la population quittait la ville.

Page 11595

  1   Maintenant vous nous dites, que vous aviez des informations directes à

  2   propos de l'utilisation d'uranium appauvri, et d'ailleurs vous, vous avez

  3   dit que vous vous êtes occupé de projectiles à teneur d'uranium appauvri

  4   sur le terrain; c'est ce que vous nous avez dit, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Mais est-ce que vous avez parlé de ce problème d'uranium appauvri avec

  7   quelqu'un avant de venir déposer cette fois-ci, Monsieur ?

  8   R.  Ecoutez, pour autant que je m'en souvienne j'ai parlé de ce sujet, j'en

  9   ai parlé, oui, il y a quelques années, et j'en ai parlé mais constamment

 10   avec des compatriotes, avec des amis qui faisaient partie de l'armée,

 11   d'autres qui n'en faisaient pas partie. J'ai parlé d'uranium appauvri. Il y

 12   avait de nombreuses entités qui ont procédé à la vérification et au

 13   contrôle de l'incidence de ces munitions. Donc je dois dire que l'on a

 14   beaucoup parlé, on n'en parle beaucoup moins d'ailleurs, parce que

 15   malheureusement cela semble être la politique retenue.

 16   Q.  Alors une question très précise, Monsieur. Avant d'être venu déposer

 17   ici, mercredi, avant d'avoir commencé votre déposition mercredi; est-ce que

 18   vous avez parlé de la question d'uranium appauvri avec quelqu'un ? Est-ce

 19   que vous en avez parlé avec des personnes qui sont intéressées par cette

 20   affaire ? Voilà, je vais être encore plus précis.

 21   R.  Non, non, non, non. Non, non, je n'en ai pas parlé de cette question,

 22   d'ailleurs ce n'était absolument pas nécessaire, en ce qui me concerne en

 23   tout cas. Je n'étais pas en train d'essayer d'obtenir de plus amples

 24   renseignements. Je vous dis tout simplement ce que j'ai pu moi-même observé

 25   et constaté. Il y a de nombreuses personnes qui ont souffert des

 26   conséquences de ces attaques. Il y a de nombreuses personnes qui sont

 27   encore en ce moment traitées et soignées pour les conséquences de

 28   l'utilisation de ce type de munitions, et ce dans des cliniques médicales

Page 11596

  1   et d'autres institutions médicales.

  2   Q.  Mais est-ce que vous savez que tout ce qui gravite autour de l'uranium

  3   appauvri est en train maintenant de devenir, d'être au cœur de cette

  4   affaire ? Est-ce que c'est quelque chose que vous saviez ou que vous

  5   saviez, par exemple, avant de commencer votre déposition, mercredi ?

  6   R.  Même avant mon arrivée ici, j'avais entendu dire qu'entre autres l'on

  7   parlait d'uranium appauvri ici. Cela a été utilisé, cette connaissance est

  8   de notoriété publique, ce n'est pas la peine de prouver cela de façon

  9   séparée et différente.

 10   Q.  Comment est-ce que vous savez que la question de l'uranium appauvri

 11   faisait l'objet de débat ici ?

 12   R.  J'ai entendu parler du fait que la question de l'uranium appauvri avait

 13   été abordée dans l'affaire Milutinovic. Pour autant que je m'en souvienne,

 14   c'était également un des sujets abordés dans cette affaire. Puis par la

 15   suite, j'ai pu lire cela dans la presse écrite.

 16   Q.  Mais nous avons déjà indiqué que le fait que vous n'avez même pas

 17   mentionné une fois, ne serait-ce qu'une fois le thème de l'uranium appauvri

 18   lors de votre déposition dans l'affaire Milutinovic. Alors ce que

 19   j'aimerais savoir, c'est parce que vous avez dit :

 20   "Avant mon arrivée ici, j'ai entendu dire que la question de

 21   l'uranium appauvri était abordée ici, entre autres choses, dans l'espèce."

 22   Donc j'aimerais savoir comment vous en avez entendu parler, à qui

 23   avez-vous parlé à ce sujet ?

 24   R.  Non, je vous l'ai déjà dit, c'est par les médias que j'en ai entendu

 25   parler. J'ai entendu parler de l'utilisation de l'uranium appauvri dans les

 26   médias, puis de toute façon j'avais également, je disposais également de

 27   cette information lors de l'agression parce que nos unités avaient dû

 28   fournir ou assurer une sécurité antinucléaire et chimique, elle avait dû

Page 11597

  1   prendre des mesures de sécurité à ce sujet, donc je le savais, je le savais

  2   à l'époque également.

  3   Q.  Je sais cela, Monsieur, mais ce que j'essaie en fait de comprendre,

  4   c'est comment est-ce que vous avez découvert que cela était un des thèmes

  5   importants pour ce procès, avant de venir témoigner. Vous nous avez dit que

  6   vous avez entendu parler dans les médias; est-ce que vous entendez que vous

  7   avez lu cela dans les médias, vous avez lu dans les médias que

  8   l'utilisation de l'uranium appauvri faisait l'objet de débat dans l'affaire

  9   Djordjevic, c'est cela ?

 10   R.  Non, écoutez, je ne me suis pas beaucoup intéressé à l'affaire

 11   Djordjevic dans les médias. De toute façon, je suis ici pour d'autres

 12   raisons. Cette affaire en tant que telle, elle m'intéressait

 13   particulièrement. Moi, je peux suivre ce qui est écrit ou ce qui est dit

 14   par les médias, comme n'importe qui d'autre. Pour ce qui est de

 15   l'utilisation d'uranium appauvri au Kosovo, c'est dans les médias que j'ai

 16   obtenu ces informations. Je pense que c'est une information qui a été

 17   relayée par la presse internationale également.

 18   Q.  Je n'ai pas l'impression que je vais obtenir une réponse de votre part,

 19   pour savoir où vous avez obtenu cette information ou pour savoir si vous

 20   avez parlé à quiconque avant de venir ici mercredi, mais voilà ce que

 21   j'aimerais quand avancé, j'aimerais vous présenter une suggestion, ce qui

 22   s'est passé c'est que vous avez reçu d'une façon ou d'une autre des

 23   informations suivant lesquelles l'utilisation de l'uranium appauvri était

 24   un thème particulièrement brûlant d'actualité dans cette affaire et que,

 25   par conséquent, vous êtes venu ici et vous avez témoigné avec force détail

 26   de votre expérience personnelle de l'utilisation d'uranium appauvri sur le

 27   terrain au Kosovo, et ce, donc a fait en quelque sorte de faire avancer

 28   davantage ou de faire progresser davantage ce moyen à décharge; vous êtes

Page 11598

  1   d'accord, Monsieur ?

  2   R.  Non, je ne suis pas d'accord. De toute façon ce n'est pas la peine

  3   d'étayer les propos de quiconque ou de faire progresser quelque cause que

  4   ce soit. Je vous ai dit en fait que je disposais des informations à propos

  5   de ces missiles moi-même. Il y a de nombreux témoins qui l'ont vu, j'ai

  6   même organisé une exposition en quelque sorte devant le bâtiment où se

  7   trouvait mon commandement au nord-ouest de la mosquée de Pristina. Tout le

  8   monde pouvait le voir, il y avait des stabilisateurs de bombes à

  9   fragmentation, il y avait des éléments de bombes à fragmentation, il y

 10   avait des stabilisateurs utilisés également. Il y avait la signature des

 11   personnes qui avaient signé sur ces éléments de munition. La télévision de

 12   Belgrade l'a filmé cela. Il y avait Magoci [phon] qui était le caméraman,

 13   et le reporteur en fait le journaliste était un autre Albanais. Le monde

 14   entier a pu voir cela.

 15   Q.  Mais puisque nous parlons d'uranium appauvri, j'aimerais que nous

 16   revenions en fait sur une partie de votre déposition.

 17   M. BEHAR : [interprétation] Il s'agit de l'affaire Djordjevic, page du

 18   compte rendu d'audience 11 560, et nous allons commencer par la ligne 17.

 19   Q.  Une question vous est posée :

 20   Je vous ai demandé où vous vous trouviez lorsque l'uranium appauvri a été

 21   utilisé. Je vous ai demandé : comment se faisait-il que vous étiez au

 22   courant ?

 23   Voilà ce que vous avez répondu :

 24   "J'ai pris ces projectiles avec mes propres mains, je les ai tenus

 25   entre les mains ces projectiles dans la zone de Donja Grmija. Voilà ce que

 26   j'ai fait et je les ai emmenés à Pristina pour que tout le monde puisque

 27   les voir, et je continue à pâtir des conséquences de ce geste

 28   jusqu'aujourd'hui."

Page 11599

  1   Alors à moins que vous ne soyez un homme absolument exceptionnel,

  2   enfin je suppose que vous n'avez quand même pas vous-même touché avec vos

  3   mains ces projectiles, peut-être qu'il s'agissait là d'une erreur

  4   d'interprétation. Mais si je comprends bien vos propos, vous nous avez dit

  5   que vous avez ramassé un projectile, vous avez tenu dans vos mains un

  6   projectile qui contenait de l'uranium appauvri; c'est cela ?

  7   R.  Non, non, ce n'est pas ça. Moi, je ne sais pas comment vous avez obtenu

  8   ce renseignement. Mais j'aimerais quand que vous compreniez ce que je dis.

  9   J'ai pris des parties de ces projectiles. Ça ce ne fait l'objet -- cela ne

 10   pose aucun problème. Il y a beaucoup de témoins qui l'ont vu. Il semblerait

 11   que ce soit une erreur toutefois. Je pense que cela s'est passé dans la

 12   zone de Grmija ou plutôt je ne pense pas que cela se soit passé dans la

 13   zone de Grmija. Je pense que c'était à Brnjica. Bon, même si bon, c'était à

 14   Grmija ce n'est pas véritablement un problème parce que c'était quand même

 15   dans la zone générale dans la région de Grmija que l'on a trouvé de

 16   nombreux éléments de ces missiles. Donc dans la zone générale de Pristina,

 17   Donja -- Gornja Brnjica, Donja Brnjica, dans cette zone générale, dans la

 18   zone également de Devet Jugovica, nous avons trouvé ces éléments de

 19   munition. Je ne voulais même en fait dresser une liste de toutes ces

 20   pièces, et nous les avons exposées devant notre commandement pour que les

 21   Siptars et les Serbes puissent les voir à ce moment-là. Cela aurait été une

 22   forme d'encouragement à l'intention de la population afin de les convaincre

 23   de ne pas partir, et nous essayons de les convaincre. Si nous, nous pouvons

 24   tenir entre nos mains ces pièces, elles ne représentent pas de danger pour

 25   vous. Mais il semblerait que nous avions fait fausse route en quelque sorte

 26   en pensant qu'ils ne partiraient pas.

 27   Q.  Donc si je vous comprends bien, Monsieur, ce que vous dites dans votre

 28   déposition c'est que vous avez ramassé un projectile ou pour le moins une

Page 11600

  1   partie d'un projectile qui était tombé d'un avion et on peut penser que ce

  2   projectile n'avait pas explosé, et vous ne vous êtes pas contenté de vous

  3   promener avec cette partie de projectile à la main mais vous l'avez montrée

  4   à des civils; c'est bien cela ?

  5   R.  Ma première idée ce n'était pas de montrer ces parties de projectile à

  6   des civils. Nous les avons mises devant le bâtiment de façon à ce que

  7   n'importe qui passe par là qu'il soit Serbe ou Albanais de souche puisse

  8   les voir, que la population donc puisse les voir. C'est la raison pour

  9   laquelle nous avons apporté ces parties de projectile à cet endroit. Vous

 10   avez dit qu'il s'agissait de projectile qui n'avait pas explosé. Je ne sais

 11   pas ce qui vous amène à dire cela parce que je n'ai jamais dit. Je suppose

 12   que je suis suffisamment entraîné sur le plan militaire pour savoir ne pas

 13   m'emparer d'un projectile qui n'a pas explosé.

 14   Q.  Peut-être est-ce une simple question, Monsieur, mais si le projectile

 15   avait explosé est-ce que vous auriez quelque chose à rapporter ?

 16   R.  Bien sûr, j'aurais quelque chose à rapporter. Est-ce que vous

 17   connaissez la théorie selon laquelle rien ne disparaît ? Il y a toujours

 18   quelque chose à trouver sur le sol lorsqu'un projectile explose. Même

 19   lorsqu'un avion explose on trouve des parties de l'avion qui sont

 20   dissimilés sur une surface très vaste. Au jour d'aujourd'hui, il y a des

 21   parties d'avion explosées dans le musée de Belgrade. Donc il reste toujours

 22   quelque chose.

 23   Q.  Monsieur, avant de passer à un autre sujet, il y a un point que j'ai

 24   quelques difficultés à comprendre. Vous venez de dire dans votre déposition

 25   que votre première intention n'était pas de montrer ces projectiles aux

 26   civils, mais si nous revenons à la page 21, ligne 15 du compte rendu

 27   d'audience d'aujourd'hui, vous y dites en fait quelque chose qui permet de

 28   penser qu'à l'époque, vous avez utilisé ces projectiles dans le but de

Page 11601

  1   donner du courage aux habitants. Je me rends compte que la référence a

  2   disparue de la page affichée à l'écran maintenant. Mais, Monsieur, vous

  3   avez dit, n'est-ce pas, dans votre déposition, que vous aviez mis ces

  4   parties de projectile devant votre bâtiment pour les montrer aux civils ?

  5   R.  C'est exactement ce qui semble ressortir de ce que j'ai dit si on le

  6   prend avec une certaine distance. Ce que nous voulions c'était de montrer

  7   aux civils qu'il n'y avait aucune raison de fuir puisque nous nous étions à

  8   côté de cette partie de projectile. Nous voulions que ces projectiles

  9   avaient été lancés sur l'ensemble de la population quelque soit son

 10   appartenance ethnique. Ce sont des sous marins de la méditerranée donc qui

 11   circulaient dans -- qui croisaient dans la mer adriatique qui ont lancé ces

 12   projectiles et ils ont également été lancés par des avions. Nous voulions

 13   que la population voie tous les projectiles qui étaient lancés sur

 14   l'ensemble de la population. Alors qu'est-ce qu'il y a à contester ici le

 15   fait que les gens ont vu ces parties de projectile ou que nous les avons

 16   tous vus ? Le fait que la télévision ait montré des images de ces parties

 17   de projectile que la télévision de Belgrade ait diffusé des images montrant

 18   ces projectiles et qu'ensuite ces émissions ont été reprises par le monde

 19   entier.

 20   Q.  Je pense que votre position est claire, Monsieur, et ce que vous avez

 21   dit c'est qu'à l'appui de votre théorie, Monsieur, vous vous rappelez avoir

 22   passé toute votre carrière dans les rangs de l'armée et que vous avez une

 23   bonne connaissance des projectiles, et que vous savez, donc, quel peut être

 24   leur danger ou leur innocuité, et que vous avez saisi ces projectiles et

 25   que vous les avez exposés, en fait, pour montrer aux civils de Pristina

 26   qu'il n'y avait rien à craindre à partir de ces projectiles. Est-ce une

 27   bonne façon de reprendre votre propos, Monsieur ? Je pense avoir essayé de

 28   reproduire cette partie de votre déposition.

Page 11602

  1   R.  Et bien, non, non, non. J'ai dit ce que j'ai dit et la façon dont vous

  2   reprenez mes propos ne correspond pas exactement à la façon dont je me suis

  3   exprimé. Mais ce qui importe, c'est que je n'étais pas le seul en cause.

  4   Mes collaborateurs ont également été en cause. Je ne suis pas allé ramasser

  5   tout cela tout seul. Je n'ai pas appris tout d'un coup qu'on avait trouvé

  6   ces projectiles quelque part. J'en ai été informé, on m'a appris qu'il y

  7   avait des parties de projectiles à différents endroits, et puis, je me suis

  8   adressé à mes officiers et sous-officiers, ainsi qu'aux membres

  9   britanniques du KFOR, qui sont allés sur place, qui se sont déployés dans

 10   le secteur entourant la mosquée, et au moment où je quittais les lieux,

 11   j'ai vu aussi les projectiles.

 12   Q.  Donc, Monsieur, ce que j'ai dit résume l'ensemble de votre propos. Vous

 13   êtes un homme qui a passé toute sa carrière au sein de l'armée, qui a pris

 14   dans ses mains et manipulé des parties de projectiles dont vous dites

 15   qu'ils contenaient de l'uranium appauvri. Ensuite, vous avez rapporté ces

 16   parties de projectiles, vous les avez exposés afin de montrer aux civils

 17   qu'il n'y avait aucun danger, rien à craindre de ces projectiles. Donc,

 18   Monsieur, il est certain, n'est-ce pas, que des civils albanais de souche

 19   n'auraient pas pris la fuite en raison des fragments d'uranium appauvri qui

 20   étaient tombés sur le Kosovo. Est-ce que vous en êtes d'accord ? Est-ce

 21   qu'il est permis de le penser ?

 22   R.  Je ne suis pas du tout d'accord avec vous quand vous dites que c'est

 23   une bonne façon pour vous de reproduire mon propos. Il y avait des secteurs

 24   concernés. Ils étaient identifiés. Nos unités avaient pour devoir de

 25   marquer, d'identifier certains secteurs, et il y avait des unités

 26   particulières qui étaient responsables de la sécurité chimique et

 27   nucléaire, notamment le 52e Bataillon, un bataillon de l'ABiH commandé, à

 28   l'époque, par le capitaine de première classe, Aleksic Andric. Donc, des

Page 11603

  1   secteurs, des quartiers étaient bien circonscrits. Les risques étaient

  2   indiqués parce qu'avant l'agression, ce risque était tout de même connu. Je

  3   ne sais pas si les médias en avaient déjà parlé, mais dans notre pays, en

  4   Serbie -- ou plutôt, en Yougoslavie comme dans le monde entier, les

  5   projectiles à l'uranium appauvri pouvaient être utilisés, et après tout,

  6   plus de 30 000 projectiles ont été utilisés au Kosovo-Metohija. Cela a été

  7   établi plus tard, s'agissant du nombre de projectiles à uranium appauvri

  8   qui ont été utilisés.

  9   Q.  Nous n'allons pas spéculer l'un avec l'autre, Monsieur. Ce que je dis,

 10   c'est que vous êtes, avant tout, un homme entraîné sur le plan militaire,

 11   quelqu'un qui connaît les unités responsables des armes chimiques, et vous

 12   dites que vous avez pris dans vos mains des fragments de projectiles

 13   contenant de l'uranium appauvri. Manifestement, vous n'aviez pas peur, et

 14   il n'y avait, donc, aucune raison d'avoir peur à l'époque, puisque vous

 15   aviez de très bonnes connaissances de la chose.

 16   R.  Je ne serais pas d'accord du tout avec ce que vous venez de dire parce

 17   que je ne suis pas particulièrement expert en la matière. Je suis expert

 18   dans de nombreuses choses sur le plan militaire, mais je sais qu'il y a

 19   également d'autres domaines dans lesquels je suis moins expert. J'ai

 20   exprimé de l'intérêt par rapport à cette question, et je suis passé dans le

 21   secteur pour prélever des échantillons. J'ai même prélevé des échantillons

 22   dans les terrains d'atterrissage de l'armée de l'air de façon générale,

 23   dans les terrains de la marine, et cetera. Donc, même si cela n'est pas le

 24   point le plus important, il ne fait aucun doute que j'ai de nombreuses

 25   connaissances dans de nombreux domaines. J'ai fait ce que j'ai fait, ce

 26   n'était pas la première fois. Je sais que les explosifs sont dangereux,

 27   mais en 1972, j'ai subi un accident avec des explosifs et finalement, pas

 28   mal de gens font des choses même s'ils n'ont pas de connaissances

Page 11604

  1   particulières et ensuite, ils en subissent les conséquences. Je ne vois pas

  2   ce qui pourrait être contestable dans tout ce que j'ai dit.

  3   Q.  Très bien, Monsieur. Passons rapidement, maintenant, si vous le voulez

  4   bien, à un sujet différent. Vous avez dit, dans votre déposition, Monsieur,

  5   que des tracts ont été trouvés à Pristina, tracts dans lesquels il était

  6   demandé aux Albanais de souche de quitter le pays. Vous rappelez-vous avoir

  7   dit cela dans votre déposition ?

  8   R.  Je m'en souviens.

  9   M. BEHAR : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P419, et

 10   notamment, de l'original en langue albanaise de ce document.

 11   Q.  Monsieur, est-ce bien le tract dont vous avez parlé dans votre

 12   déposition ? Son aspect est le même que celui que vous avez décrit dans

 13   votre témoignage dans l'affaire Milutinovic. Pouvez-vous nous le confirmer

 14   ?

 15   R.  Oui, oui, c'est bien ce tract. C'est celui-là. Vous voyez la couleur

 16   rouge, ici. Oui, oui, c'est bien ce tract.

 17   Q.  Pour que tout soit clair, Monsieur, avant de passer à un autre sujet,

 18   mercredi, vous avez dit, dans votre déposition, que l'OTAN avait lancé des

 19   tracts à partir d'un avion. Mais le tract en question n'était pas le tract

 20   de l'UCK dont vous avez parlé dans votre déposition dans le procès

 21   Milutinovic, n'est-ce pas ? Je vais reformuler ma question. Ce n'était pas

 22   le tract de l'UCK qui a été lancé à partir d'un avion de l'OTAN, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Très probablement, ce n'était pas celui-là. Je ne saurais affirmer si

 25   c'était celui-là ou pas, mais il est fort probable que ce n'était pas

 26   celui-là parce que lorsqu'on trouvait des tracts à l'époque, on les

 27   trouvait au sol, et rien n'indique, rien ne me permettait de savoir ce

 28   qu'il en était de leur aspect, alors qu'ils étaient encore en l'air. On les

Page 11605

  1   trouvait au sol, contrairement aux tracts qui étaient lancés à partir des

  2   avions, parce que les tracts de l'OTAN, on les a trouvés après le passage

  3   des avions, et en particulier, des avions B-52.

  4   Q.  D'accord.

  5   M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on affiche la page 11

  6   378 du compte rendu de l'affaire Djordjevic sur les écrans.

  7   Q.  Il s'agit de la déposition de Milos Dosan. Peut-être le connaissez-

  8   vous. Il déclare, à la ligne 22 de cette page du compte rendu, en parlant

  9   de ce même tract, je cite :

 10   "Oui, je connais ce tract, mais il n'a pas été lancé par un avion."

 11   Il le répète à plusieurs reprises. Cette déclaration correspond-elle à ce

 12   que vous pensez, vous-même, Monsieur ?

 13   R.  Je connais le général Milos Dosan. C'était un ami très proche pendant

 14   l'agression et par la suite. Quant à sa déclaration que vous venez de

 15   citer, je vous demanderais de la citer une nouvelle fois, de façon à me

 16   permettre de vous faire une réponse plus précise.

 17   Q.  Absolument, Monsieur. Je vous soumets simplement la déposition de M.

 18   Dosan. Il a indiqué, à plusieurs reprises, qu'il connaissait ce tract, mais

 19   que ce tract n'avait pas été lancé par un avion. Je demanderais d'ailleurs

 20   qu'on fasse défiler le texte à l'écran jusqu'à la page 11 379 de ce compte

 21   rendu d'audience, ligne 19. Dans cette portion du texte, il déclare, je

 22   cite :

 23   "Ces tracts ont été découverts dans différents quartiers de la ville, ils

 24   n'ont pas été lancés par un avion, et un officier les a rapportés jusqu'au

 25   commandement."

 26   Encore une fois, Monsieur, je vous demande si ceci correspond à ce que vous

 27   avez vécu, si ces tracts n'avaient pas été lancés par un avion, mais qu'en

 28   fait, ils ont été découverts au sol, un peu partout en ville ?

Page 11606

  1   R.  Ce que j'ai vécu devrait correspondre à peu près à ce que vous dites, à

  2   savoir que je suppose que ce tract n'a pas été lancé par un avion, car ceux

  3   qui m'ont apporté ce tract, et je rappelle que j'en avais trouvé, moi

  4   aussi, un peu partout dans les rues de Pristina, donc ceux qui m'ont

  5   apporté ce tract m'ont dit qu'ils l'avaient trouvé au sol. Moi, celui que

  6   j'ai ramassé par terre, je ne l'avais pas vu en train de voler dans l'air

  7   juste après avoir été jeté par un avion. Donc c'est une supposition de ma

  8   part, une supposition que je juge fondée, mais c'est une supposition de ma

  9   part quand je dis que je pense que ce tract n'a pas été lancé par un avion.

 10   Q.  Mais le MUP, n'est-ce pas, avait pour pratique assez courante, de temps

 11   en temps, de distribuer des tracts à la population, n'est-ce pas ?

 12   R.  Je ne connais pas cette habitude. En tout cas, je ne l'ai pas remarqué.

 13   Vous avez peut-être observé quelque chose à ce sujet; moi, je ne peux pas

 14   le commenter. Je ne me souviens pas de ce genre de choses. D'ailleurs, cela

 15   ne faisait pas partie de mon travail de noter par écrit ou de remarquer

 16   spécialement ce genre d'activités. Si elle a eu lieu, je ne m'en souviens

 17   pas.

 18   Q.  Par exemple, Monsieur, à la fin de 1998, le MUP a distribué des tracts

 19   pour demander à certains Albanais de souche du Kosovo de rentrer dans leur

 20   village; vous vous rappelez cela ?

 21   R.  Ça, je m'en souviens, mais d'une façon assez brumeuse, parce que je ne

 22   me concentrais pas particulièrement, je ne réfléchissais pas

 23   particulièrement à cela à l'époque. J'avais d'autres sources de

 24   préoccupations dans le cadre du travail qui était le mien, à l'époque.

 25   M. BEHAR : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P483.

 26   Q.  Peut-être connaissez-vous ce document, Monsieur ? Page 2 sur les

 27   écrans, je vous prie, bas de la page. Je vous demande, Monsieur, d'en

 28   prendre connaissance. C'est le premier tiret sous le troisième titre de

Page 11607

  1   cette page qui m'intéresse. Il s'agit d'une correspondance diplomatique

  2   émanant de l'ambassade autrichienne, qui évoque le sujet dont nous venons

  3   de parler et au sujet duquel vous avez dit que vous aviez des souvenirs un

  4   peu brumeux. Il est écrit, dans ce texte, je cite :

  5   "La teneur du tract du MUP et son mode de distribution ne sont pas un bon

  6   moyen pour encourager les personnes déplacées à l'intérieur du pays à

  7   revenir."

  8   Il est question, ici, de la façon dont le MUP se sert de tract, comme nous

  9   venons de le dire pour communiquer avec la population albanaise de souche.

 10   Peut-être ceci ne suffit-il pas à vous rafraîchir la mémoire, mais

 11   j'aimerais savoir si cela vous aide tout de même un peu à vous rappeler

 12   cette façon d'agir du MUP.

 13   R.  Je vous remercie de ce rappel. Mais vraiment, je pense que je ne vous

 14   serai guère d'utilité, s'agissant de discuter de ce document, pas parce que

 15   je ne le veux pas, mais parce que vraiment j'aurais beaucoup de mal à

 16   discuter devant vous ce document, car je n'ai pratiquement aucun

 17   renseignement. Je ne sais, en fait, rien de ce document. Comme je vous l'ai

 18   dit tout à l'heure, mon travail portait sur d'autres sujets, mais même en

 19   dehors de cela, je n'ai aucun souvenir de ce qui est écrit ici. S'agissant

 20   de ce pour quoi j'ai des souvenirs, je suis tout à fait prêt à en parler

 21   ici, devant vous, mais lorsque je n'ai pas souvenirs, je pense que je ne

 22   peux vous être que d'une utilité très limitée.

 23   Q.  Je vous remercie, Monsieur. Je pense que vous nous avez dit ce dont

 24   vous vous souveniez, et j'apprécie d'ailleurs. En votre qualité d'homme

 25   très expérimenté au sein de l'armée, conviendriez-vous avec moi, Monsieur,

 26   que la propagande est un outil souvent utilisé en cas de guerre ?

 27   R.  Oui, sur ce point, je suis totalement d'accord avec vous.

 28   Q.  En fait, Monsieur, nous avons entendu des témoins dans la présente

Page 11608

  1   affaire qui ont dit que les forces serbes distribuaient ces tracts de l'UCK

  2   dans le cadre d'une campagne de propagande visant à contraindre les

  3   Albanais de souche du Kosovo à quitter la région. Je vais d'ailleurs vous

  4   soumettre une citation particulière.

  5   M. BEHAR : [interprétation] Citation d'un témoignage dans l'affaire

  6   Djordjevic, page 2 232 du compte rendu d'audience. J'ai donné la page du

  7   compte rendu d'audience dans l'affaire Djordjevic, je le répète, page 2

  8   232, déposition d'Adnan Merovci.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il s'agit d'Adnan Merovci, c'est un

 10   terroriste bien connu qui a été condamné à de nombreuses reprises, et qui a

 11   purgé une peine de 20 ans en Yougoslavie.

 12   M. BEHAR : [interprétation] Je vous donnerai la possibilité de commenter un

 13   peu plus tard. Mais ce qui m'intéresse, Monsieur, c'est d'entendre de votre

 14   bouche un commentaire sur ce qu'il dit dans sa déposition, et pas sur sa

 15   fiabilité de façon générale.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

 17   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que

 18   l'interprète a dit -- enfin, je pense qu'il y a erreur sur l'identité de la

 19   personne qui témoigne. Nous venons d'entendre le témoin parler d'Adem

 20   Demaqi, et à notre connaissance, cet homme n'a jamais été entendu, jusqu'à

 21   présent, en qualité de témoin. Quoi qu'il en soit, il serait bon de tirer

 22   au clair l'identité de l'homme dont nous sommes en train de parler.

 23   M. BEHAR : [interprétation] Je m'en rends bien compte, Maître, je parlais

 24   d'Adnan Merovci qui a été entendu en tant que témoin.

 25   Q.  Monsieur, vous avez sous les yeux une partie de la déposition de M.

 26   Merovci que vous connaissez peut-être. Il vivait à Pristina, et il

 27   travaillait dans l'entourage de M. Rugova. J'aimerais que vous commentiez

 28   ce passage, sur le fond de ce qui est dit dans ce passage. Ligne 20, on lui

Page 11609

  1   demande, je cite :

  2   "Avez-vous eu l'occasion de voir l'un ou l'autre de ces tracts qui étaient

  3   distribués à l'époque ?"

  4   Il répond les avoir vus dans l'entrée, en tout cas, juste avant l'entrée de

  5   son appartement. Il poursuit en disant, je cite :

  6   "J'en ai ramassé un exemplaire et j'ai vu que ce n'était que de la

  7   propagande, aussi bien du point de vue de la teneur de ce tract que du

  8   libellé utilisé et de sa présentation générale. On y trouvait de nombreuses

  9   erreurs, et il y avait une contradiction entre ce qui était écrit dans le

 10   texte ainsi que l'emblème représentant le signataire et l'identité du

 11   signataire. En haut, on voyait les insignes de l'UCK alors qu'en bas le

 12   texte était signé par M. Rugova. Comme vous le savez fort bien, M. Rugova

 13   était dirigeant de la Ligue démocratique du Kosovo alors que l'armée de

 14   libération du Kosovo était dirigée par d'autres personnes. Ceci montre bien

 15   que l'objectif poursuivi était de semer la peur et la panique parmi la

 16   population, parce que ce texte fourmillait d'erreurs du point de vue de la

 17   langue albanaise ce qui montre qu'il n'a pas été rédigé par des

 18   professionnels."

 19   Il poursuit dans le même sens un peu plus loin, on lui demande, je cite :

 20   "Et à l'époque, M. Rugova avait-il des contacts avec l'UCK ?"

 21   Il répond, je cite :

 22   "Non, il n'en avait pas."

 23   Q.  Alors, Monsieur, j'aimerais vous inviter à commenter ce passage de la

 24   déposition de M. Merovci. D'abord, s'agissant du fait qu'il déclare qu'il

 25   s'agissait d'une propagande. En deuxième lieu, eu égard aux faits qu'il

 26   déclare qu'il y a contradiction entre l'en-tête de l'UCK et les emblèmes

 27   utilisées par Rugova qui n'avaient aucun contact avec l'UCK selon lui à

 28   l'époque; pouvez-vous commenter cela, Monsieur ?

Page 11610

  1   R.  Puisque vous me posez la question, je vais essayer de vous aider et de

  2   commenter quelque peu

  3   D'abord, il y a cette erreur qui s'est produite, le nom que j'ai

  4   entendu de la bouche des interprètes était Adem Demaqi [comme interprété],

  5   et plus tard ceci a été corrigé pour devenir Adnan Merovci, pas de problème

  6   à ce sujet. Quant au tract, je ne saurais vous faire une analyse détaillée

  7   de ce tract pour vous dire s'il s'agissait d'une propagande allant dans un

  8   sens ou dans un autre.

  9   Mais en tout état de cause, il s'agit de propagande. Maintenant,

 10   quelles sont les fautes évoquées dans cette déposition et est-ce qu'il y en

 11   avait, je ne peux pas vous être d'une grande utilité sur ce point non plus.

 12   Toutefois, puisqu'il est question des idées défendues par ce qu'il était

 13   convenu d'appeler l'Armée de libération du Kosovo, en fait, il s'agissait

 14   de terroristes, quelqu'un leur donnait le nom d'Armée de libération parce

 15   que les objectifs poursuivis par ce groupe lui convenaient, et M. Rugova,

 16   je ne saurais vraiment pas parler de lui. C'est un fait de notoriété

 17   publique qu'il y avait différentes lignes d'actions qui étaient

 18   poursuivies, une ligne dure, une ligne plus modérée, au sein d'un même

 19   mouvement, mais toutes ces ailes et toutes ces fractions visaient au même

 20   objectif, et cet objectif c'était l'action terroriste qui visait

 21   principalement à ce que le Kosovo-Metohija soit séparé de la Serbie en

 22   contravention au droit international et à la constitution, ainsi qu'aux

 23   lois du pays, et cetera. Donc il y avait différentes ailes de cette

 24   organisation qui défendaient des points de vue différents mais qui toutes

 25   allaient dans la même direction. Voilà ce que je pourrais vous dire à titre

 26   de commentaire.

 27   Q.  Monsieur, je sais que vous ne savez pas qui est l'auteur du tract, mais

 28   ne vous semble-t-il pas tout à fait manifeste que des documents comme

Page 11611

  1   celui-ci pouvaient être produits par les forces serbes, car c'étaient les

  2   forces serbes, et personne d'autre qui souhaitait que les Albanais de

  3   souche quittent le territoire, ce n'étaient pas les Albanais de souche;

  4   est-ce que vous en conviendrez avec moi?

  5   R.  Je n'en conviens pas vous. Je suis totalement en désaccord avec vous

  6   sur ce point parce que, tout d'abord, ce document n'a jamais été élaboré

  7   par les forces serbes, d'ailleurs les forces serbes n'auraient jamais

  8   élaboré de document de ce genre. En particulier pas dans le but de

  9   contraindre les Siptar, Albanais de souche du Kosovo-Metohija de quitter la

 10   région. Les forces serbes élaboraient un grand nombre de choses pour que la

 11   population augmente au Kosovo-Metohija, et pas pour que la population s'en

 12   aille. Les autorités de Serbie ont construit des infrastructures au Kosovo-

 13   Metohija, elles ont aidé les services de Santé, les services d'Education,

 14   la population à tous les niveaux. En fait, elles ont fait de leur mieux

 15   pour que la population serbe s'en aille et que la population albanaise de

 16   souche reste au Kosovo-Metohija. C'est une démonstration qui ressort des

 17   statistiques et de bien d'autres éléments et après tout, tous ces éléments

 18   d'information sont à votre disposition également.

 19   Q.  Monsieur, vous avez déjà été clair dans votre position qui consiste à

 20   dire que l'UCK souhaitait que le Kosovo soit un Etat indépendant dans

 21   l'intérêt des Albanais de souche du Kosovo. En fait, il a quelques minutes

 22   vous avez déclaré que le principal objectif poursuivi était la séparation

 23   du Kosovo par rapport à la Serbie. Etant donné cet état de chose, Monsieur,

 24   pour quelle raison est-ce que l'UCK ou qui que ce soit du côté albanais

 25   aurait voulu contraindre les Albanais à fuir le pays pour le laisser aux

 26   Serbes ? Est-ce qu'une telle hypothèse a le moindre sens ?

 27   R.  Elle a un sens, absolument. Il y a une minute vous m'avez posé la même

 28   question. Bien sûr, que ceci a un sens. Au moment où vous m'avez posé la

Page 11612

  1   question tout à l'heure, vous avez dit que, dans le monde entier, la

  2   propagande était utilisée en cas de guerre, et j'ai confirmé que ceci était

  3   exact; sinon, Hitler n'aurait brûlé le parlement allemand et n'aurait pas

  4   fait accuser quelqu'un d'autre. Je suppose que vous connaissez cette

  5   question. C'est tout à fait élémentaire. Donc, bien sûr, c'était de la

  6   propagande destinée à faire porter la responsabilité à quelqu'un d'autre

  7   pour en tirer profit. Et donc ainsi de déformer la réalité.

  8   Ce type de propagande a été utilisé également par l'OTAN, parce que l'OTAN

  9   a distribué des tracts à partir de ces avions B-52, où on trouvait le nom

 10   en particulier de Zeljko Pekovic, qui a été cité comme commandant à un

 11   bataillon militaire. Alors que ce tract a été rédigé par l'OTAN avant

 12   l'agression car le commandant en question dirigeait en fait un bataillon en

 13   juin 1998. C'était un nouveau commandant, alors que l'ancien commandant

 14   était allé à une école de l'état-major et pourtant on a eu ce tract dans

 15   lequel son nom figurait qui a été lancé par un avion.

 16   Q.  Je pense que vous vous écartez du sujet peut-être un peu trop. Ce que

 17   je vous demande de comprendre, Monsieur, et de dire c'est en quoi est-ce

 18   que cela aurait le moindre sens de dire que l'UCK avait l'intention de

 19   créer un Etat indépendant du Kosovo, Etat destiné principalement comme vous

 20   l'avez dit, aux Albanais de souche, comment est-ce qu'une telle

 21   présupposition peut avoir le moindre sens si on l'associe à l'idée que

 22   l'UCK aurait demandé ou exigé des Albanais de souche qu'ils quittent le

 23   Kosovo ? Les deux choses semblent antilomiques [phon] à mon avis.

 24   R.  Je ne pense pas qu'il y ait contradiction fondamentale. Il y a un

 25   rapport étroit entre les deux, c'est-à-dire donner une apparence d'action

 26   humanitaire à cette action pour que l'OTAN puisse ensuite justifier le

 27   reste de ce qu'elle ferait. Je crois que vous savez également quelle était

 28   la coopération étroite entre l'OTAN et les forces albanaises de souche

Page 11613

  1   siptar. Vous avez vu la photographie où l'on voit Clark et Jackson et Tachi

  2   avec un dirigeant albanais de souche qui se serrent la main et qui se font

  3   l'accolade. C'est une photographie de notoriété publique, elles ont fait le

  4   tour du monde ces photos.

  5   Q.  Monsieur, ces tracts qui étaient distribués l'ont été au début des

  6   bombardements, n'est-ce pas ?

  7   R.  C'est faux. Ces tracts avaient été retrouvés à travers de la ville de

  8   Pristina, dans la ville même et dans la zone plus large également. D'après

  9   mes connaissances ou tout au moins. D'après ce que j'ai entendu dire, les

 10   tracts ont été retrouvés ailleurs. Mais bon, pour ma part je ne peux parler

 11   que de la ville de Pristina et de sa région plus large, et cela vaut pour

 12   dans les zones qui ont fait l'objet de bombardements et de celles qui n'ont

 13   pas été bombardées.

 14   Q.  Mais les tracts que vous venez d'évoquer, Monsieur, les tracts que vous

 15   avez trouvés qui vous ont été remis ont été distribués une fois les frappes

 16   aériennes terminées, si j'ai bien compris ? Je ne suis pas sûr d'avoir

 17   entendu l'interprétation de votre réponse, vous avez dit oui ?

 18   R.  Non. Toute une série de tracts ont été retrouvés. Les tracts que vous

 19   venez d'afficher de couleur rouge signés par Rugova et la soi-disant Armée

 20   de libération du Kosovo, l'UCK, ont été retrouvés. Comme je vous l'ai déjà

 21   expliqué, j'en ai retrouvé un personnellement. Par ailleurs, d'autres

 22   tracts ont été retrouvés et ceux-ci avaient été lancés à partir d'un avion,

 23   on se servait d'avions, de bombardiers B-52 pour lancer ces tracts. Les

 24   tracts contenaient une invitation à rendre les armes, ils menaçaient

 25   d'écraser nos unités en jetant une pluie de bombes.

 26   Q.  Monsieur, je pense que vous êtes en train de faire une autre

 27   digression.

 28   R.  [aucune interprétation]

Page 11614

  1   M. BEHAR : [interprétation] Je dois vous interrompre. Mais par ailleurs, je

  2   vois que le moment est venu de faire la pause, Messieurs les Juges.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une première pause

  4   dès maintenant. Nous allons reprendre nos débats à midi moins 5.

  5   [Le témoin quitte la barre]

  6   --- L'audience est suspendue à 11 heures 37.

  7   --- L'audience est reprise à 12 heures 09. 

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Behar, vous avez la parole.

 10   Monsieur Behar, vous avez la parole.

 11   M. BEHAR : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Monsieur, avant de reprendre, j'aimerais vous demander de vous bien

 13   concentrer sur les questions que je vous pose et de fournir les réponses

 14   les plus brèves possibles. Je souhaite que nous étudiions un certain nombre

 15   de sujets. Le temps dont nous disposons est très limité.

 16   Donc avant la pause, vous avez déclaré que c'est peut-être l'UCK qui a

 17   distribué ces tracts, mais qu'ils avaient pu être distribués par qui que ce

 18   soit pour créer l'illusion d'une catastrophe humanitaire justifiant ainsi

 19   l'intervention de l'OTAN. Mais en fait, Monsieur, au moment où ces tracts

 20   ont été distribués, au moment où vous les avez retrouvés, les frappes

 21   aériennes de l'OTAN avaient déjà commencé; ai-je raison de l'affirmer ?

 22   R.  Je vais essayer de fournir des réponses succinctes pour que nous

 23   gagnions du temps, ensemble.

 24   J'essaie toujours d'éviter l'expression "l'UCK, Armée de libération du

 25   Kosovo." Si jamais il m'arrive de me servir de cette expression, sachez que

 26   je pense, en fait, aux terroristes siptar. Il est vrai qu'ils se sont

 27   servis de différents moyens pour essayer d'exercer une influence sur la

 28   population. Leurs méthodes dépendaient d'objectifs qu'ils visaient --

Page 11615

  1   Q.  Monsieur, permettez-moi de vous interrompre. Je ne souhaite pas nous

  2   éloigner du sujet.

  3   Ma question était très concrète : A l'époque où vous avez retrouvé ces

  4   tracts, les frappes aériennes de l'OTAN avaient-elles déjà commencé ?

  5   R.  A l'époque où j'ai retrouvé ce tract - je ne saurais vous citer la date

  6   exacte - mais je suis absolument certain que ceci s'est produit après le 24

  7   mars 1999. D'après mes souvenirs, c'est ainsi que les choses se sont

  8   passées.

  9   Q.  Merci, Monsieur. Monsieur, lorsque nous avons examiné le tract

 10   disséminé par l'UCK un peu plus tôt, vous avez vu qu'il était indiqué que

 11   l'auteur en était Ibrahim Rugova, et celui-ci était désigné dans ce tract

 12   comme étant le président du Kosovo.

 13   M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document P286,

 14   s'il vous plaît. 

 15   Q.  Monsieur, je peux vous dire que M. Rugova a déposé à ce sujet dans

 16   l'affaire Milosevic. C'est M. Milosevic personnellement qui l'interrogeait

 17   au sujet de ce tract.

 18   M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais que nous regardions la page 141,

 19   s'il vous plaît. C'est la ligne 9 qui nous intéresse.

 20   Q.  M. Milosevic pose la question suivante :

 21   "Vous avez invité la population du Kosovo de se rendre en Albanie et

 22   en Macédoine."

 23   Réponse de M. Rugova :

 24   "Ceci est faux. Le document a été produit dans les premiers jours du

 25   bombardement. Comme vous pouvez le voir en étudiant ce document, il porte

 26   un tampon de l'UCK et une signature du président du Kosovo. Mais ce n'est

 27   pas un document que j'ai rédigé ou que j'ai signé. Ce n'est pas un document

 28   émanant de l'UCK. Je ne sais pas qui l'a préparé, mais c'est un document

Page 11616

  1   qui a été distribué à Pristina. C'est un faux, et il a été fabriqué soit

  2   par la police, soit par Belgrade, soit par les unités militaires ou

  3   quelqu'un d'autre."

  4   Par conséquent, M. Rugova n'a pas participé à la rédaction de ce document

  5   qui, d'après lui, n'émanait pas de l'UCK; Le saviez-vous ?

  6   R.  Je n'étais pas au courant de ces allégations, mais d'après les propos

  7   proférés par M. Rugova, je ne vois pas ce qui peut faire objet de

  8   contestation. Peut-être M. Rugova a-t-il raison d'affirmer que ce n'est pas

  9   lui qui a rédigé ce document, mais comme vous venez de le constater, vous-

 10   même, il a déclaré que le document a pu être rédigé par quelque autre

 11   personne, par quelqu'un d'autre. Je ne sais pas qui est l'auteur de ce

 12   document, mais j'imagine qu'il a été fort probablement préparé par les

 13   forces terroristes siptar.

 14   Q.  Monsieur, nous avons déjà entendu les témoignages confirmant que ces

 15   tracts ont été disséminés à travers les différents quartiers de la ville.

 16   Des personnes, qui pouvaient circuler librement dans la ville, c'étaient

 17   les militaires, la police et éventuellement des groupes paramilitaires;

 18   êtes-vous d'accord avec cette affirmation ?

 19   R.  Absolument pas, et je vous citerais mes raisons, très succinctement. Je

 20   vous serais reconnaissant d'avoir un peu de patience. Prenez tout

 21   simplement les exemples de Mme Nazalie Bala, et de M. Miomir Irovci [phon],

 22   deux personnes qui ont déposé dans ce procès. Ces deux personnes ont

 23   circulé librement à travers la ville et la région, l'une de ces deux

 24   personnes a même quitté le territoire du Kosovo pour y revenir à plusieurs

 25   reprises, tout à fait librement. Ils ont pu, ces deux personnes ont pu

 26   présenter des observations qui concernaient l'ensemble de la ville. Mme

 27   Bala a expliqué qu'elle se rendait à son travail régulièrement, qu'elle

 28   traversait le pont de Dragodan librement, et voilà, succinctement, c'est ce

Page 11617

  1   que je peux vous dire sur la circulation dans la ville de Pristina.

  2   Q.  Ce n'était pas ça, Monsieur, la teneur de la déposition faite par Mme

  3   Bala. Les Juges de la Chambre ont entendu son témoignage, et j'en viendrai

  4   plus tard sur ce sujet.

  5   Passons maintenant à un sujet différent.

  6   Monsieur, parmi les allégations que vous avez faites, vous avez indiqué que

  7   les Albanais avaient quitté le Kosovo et notamment Pristina à cause des

  8   frappes aériennes de l'OTAN.

  9   Monsieur, vous avez déclaré que Gracanica se trouvait très près de

 10   Pristina, huit ou neuf kilomètres; ai-je raison de l'affirmer ?

 11   R.  Oui, Gracanica se trouve très près de la ville de Pristina. Enfin

 12   évidemment la question des distances est relative, mais à mon sens,

 13   Gracanica est très près de Pristina. Moi, je me rendais souvent à

 14   Gracanica, c'est là que j'ai fréquenté l'école. Donc on peut dire que c'est

 15   près de la ville de Pristina.

 16   Q.  Vous avez expliqué déjà que vous connaissiez très bien ce village, et

 17   que votre père avait ses origines dans ce village. Mais il s'agit d'un

 18   village serbe notamment, n'est-ce pas ?

 19   R.  Les Serbes représentent la population majoritaire dans ce village, même

 20   aujourd'hui, il existe un nombre important de Roms et une seule famille

 21   siptar, c'est la famille de Nikola Lekaj, qui a commencé à habiter à

 22   Gracanica avant le début de l'agression. Il était boulanger et il

 23   travaillait comme boulanger dans ce village avant l'agression et après.

 24   C'était la seule famille siptar.

 25   Q.  Excusez-moi, Monsieur. Je pense que vous vouliez dire ou laissons de

 26   côté ce sujet, mais en tout cas, c'est le village qui avait la population

 27   serbe la plus nombreuse du Kosovo, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, oui. C'est le village qui compte le plus grand nombre de

Page 11618

  1   villageois serbes sur le territoire du Kosovo.

  2   Q.  Mercredi dernier, vous avez déclaré que vous avez en fait inspecté

  3   cette ville au cours de la guerre. Vous vous y êtes rendu à plusieurs

  4   reprises.

  5   R.  Oui, je m'y suis rendu. J'ai fait le tour du village à plusieurs

  6   reprises.

  7   Q.  Vous avez indiqué avec précision lors de votre déposition mercredi

  8   dernier, que Gracanica a fait objet de frappes aériennes de l'OTAN très

  9   importantes que ce village a été bombardé pratiquement tous les jours,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Quand j'ai déclaré ceci, j'ai pensé à la région de Gracanica, la zone

 12   la plus large. Ma déclaration est exacte, et les conséquentes ont été

 13   souffertes par de nombreux habitants de Gracanica, même dans le monastère

 14   de Gracanica, les murs ont été craquelés par suite des détonations. Or, il

 15   s'agit d'un monastère d'une grande ancienneté, il date du Moyen-âge.

 16   Q.  Vous avez également déclaré que la vie se déroulait normalement dans le

 17   village de Gracanica. Je cite, à la page du compte rendu d'audience 11 538

 18   [comme interprété], ligne 18 [comme interprété], vous avez déclaré :

 19   "La vie continuait à Gracanica comme d'habitude, même si la zone qui

 20   entourait le village faisait objet de frappes aériennes de l'OTAN,

 21   pratiquement tous les jours."

 22   Puis à la ligne 20, vous avez réitéré, je cite :

 23   "Les détonations, on les entendait pratiquement tous les jours, mais la vie

 24   continuait comme d'habitude, dans la mesure du possible."

 25   Donc, Monsieur, ce village serbe a été bombardé d'une manière intense par

 26   l'OTAN tous les jours, mais la vie se déroulait normalement. Personne ne

 27   fuyait la ville ou partait vers la frontière, n'est-ce pas ?

 28   R.  Ceci est vrai en partie mais pas entièrement. De nombreux habitants de

Page 11619

  1   Gracanica ont quitté le village, une grande partie de la population est

  2   restée sur place, il est vrai. Une poste se trouvait à Gracanica qui

  3   couvrait une région plus large, et c'est pourquoi tous les citoyens se

  4   rendaient à Gracanica pour récupérer leur chèque de pension.

  5   Cela valait surtout pour les Siptars des villages Mramor, Slivovo,

  6   Ajvalija, Suskovac [phon], Dragovac, donc même les Siptars venaient en

  7   grand nombre pour récupérer leur chèque de pension au cours de l'agression

  8   dans le centre-ville de Gracanica. Le boulanger siptar Nikola Lekaj,

  9   boulanger a continué à préparer du pain tout au long de l'agression et

 10   personne n'a touché un des cheveux de sa tête.

 11   Q.  Monsieur, nous avons entendu votre déposition confirmant que la vie se

 12   déroulait comme d'habitude, et que les gens continuaient à vivre dans le

 13   village. Mais Monsieur, il me semble un peu étrange que l'OTAN qui

 14   combattait contre les forces serbes et non pas contre les Albanais, il

 15   paraît donc étrange ou il semblerait probable que ce soient les Serbes qui

 16   fuient les bombardements de l'OTAN, et qui font fuir du village serbe, qui

 17   faisait objet des frappes pratiquement tous les jours. Mais la population

 18   ne s'est pas enfuit.

 19   R.  Mais c'est faux. Une partie de la population s'est enfuie, et l'autre

 20   partie de la population est restée sur place. Enfin, je ne dis pas qu'une

 21   partie de la population s'est enfuie, tout simplement elle est partie. Elle

 22   est partie vivre ailleurs, alors que d'autres sont restés sur place.

 23   Mais il faut dire que les Siptars, aussi bien que les Serbes, ont

 24   souffert des conséquences des frappes aériennes de l'OTAN. C'est quelque

 25   chose qu'il faut garder à l'esprit. Il y a eu de personnes blessées parmi

 26   les Siptars, aussi bien que parmi les Serbes. Il y a eu des morts, alors

 27   évidemment on peut consulter des statistiques pour établir qui a souffert

 28   davantage, lors de ces bombardements.

Page 11620

  1   Q.  Merci, Monsieur. Je le sais et c'est quelque chose que je ne conteste

  2   pas. J'aimerais que nous passions à un autre sujet, Monsieur. Il me semble

  3   que dans l'affaire Milutinovic, lors de votre témoignage, vous avez fait

  4   une série de lapsus fort intéressants. Ou bien, il me semble tout au moins

  5   qu'il s'agit de lapsus. Alors j'aimerais que nous les étudions en détail.

  6   M. BEHAR : [interprétation] Veuillez afficher la pièce D712, s'il vous

  7   plaît, à l'écran. Il nous faut la page 31, s'il vous plaît, oui voilà.

  8   Q.  Monsieur, le conseil de la Défense vous a posé une question portant sur

  9   des allégations suivant lesquelles l'artillerie serbe avait ouvert le feu

 10   en direction du village de Kojlovica. Vous avez répondu que :

 11   "L'armée n'aurait pas pu ouvrir le feu depuis cet endroit," puis vous

 12   avez déclaré ce qui suit, à la ligne 24 :

 13   "Si l'armée avait ouvert le feu, si l'armée avait pu le faire, l'armée ne

 14   se serait jamais servie de l'artillerie à l'encontre de civils, surtout

 15   puisque Kojlovica est un village mixte où habitent à la fois des Serbes et

 16   des Albanais."

 17   Puis, vous avez été interrompu par le conseil de la Défense.

 18   Vous souvenez-vous d'avoir proféré ces propos, Monsieur ?

 19   R.  Oui. Je m'en souviens, et je ne vois rien de litigieux dans ma

 20   déclaration, et surtout, je ne relève aucun lapsus. Si vous le souhaitez,

 21   je peux vous fournir des explications plus amples à ce sujet. Donc, je n'ai

 22   pas fait de lapsus.

 23   Q.  Permettez-moi de vous poser une question concrète, Monsieur.

 24   Il semblerait que vous affirmez ici que les forces serbes auraient pu se

 25   servir de l'artillerie à l'encontre de civils albanais, mais que l'armée ne

 26   s'en serait jamais servie à l'encontre des civils serbes.

 27   R.  Non, non, c'est faux. J'ai dit ce que j'ai dit et c'est consigné dans

 28   le compte rendu de l'audience. Ce qui est vrai, c'est ce que je vais vous

Page 11621

  1   dire.

  2   Notre artillerie ne s'est jamais trouvée sur place. Elle n'a jamais ouvert

  3   le feu sur le village de Kojlovica. C'est pourquoi Nazalie Bala n'aurait

  4   pas pu voir ces tirs d'artillerie, d'autant plus qu'il est impossible de

  5   les voir à partir de l'endroit où elle se trouvait, la rue Lapska.

  6   Poursuivons. J'ai indiqué que, finalement, la population serbe y

  7   était présente aussi dans ce village, et c'était aussi un autre facteur

  8   dont il fallait tenir compte. Voilà. Mais, non. L'armée n'aurait jamais

  9   bombardé, n'aurait jamais ouvert un feu sur la population civile, et elle

 10   ne l'a jamais fait.

 11   Q.  Monsieur, essayons d'approfondir ce point. Lors de votre déposition,

 12   vous avez clairement indiqué que des chars et des Unités de Combat n'ont

 13   pas été utilisés à Pristina depuis le début de la guerre, n'est-ce pas ?

 14   R.  D'après mes connaissances, il n'y en avait pas. Je ne les ai jamais vus

 15   et je n'ai jamais reçu un élément d'information à cet effet. Donc, il n'y

 16   en avait pas à Pristina, et il n'y en avait surtout pas là où l'on affirme

 17   les avoir vus. J'insiste sur ce point. Je ne souhaite pas que vous

 18   désigniez les expressions dont je me sers comme un lapsus par la suite.

 19   O.K. Il n'y en avait pas et notamment pas là où on l'affirme que ces chars

 20   se trouvaient.

 21   Q.  Que vous disiez "notamment" ou que vous vous serviez d'une autre

 22   expression, vous avez indiqué d'une manière très claire dans l'affaire

 23   Milutinovic que "pas une seule unité de combat n'a été déployée, et que pas

 24   un seul char n'a été utilisé à Pristina."

 25   Examinons cette partie du compte rendu d'audience.

 26   M. BEHAR : [interprétation] C'est la pièce D712, à la page 28, s'il vous

 27   plaît.

 28   Q.  Monsieur, à la ligne 15, vous indiquez :

Page 11622

  1   "Pour ce qui est de votre deuxième question, depuis le début de l'agression

  2   jusqu'à la fin, pas une seule Unité de Combat n'a été déployée sur place,

  3   et surtout pas celles accompagnées d'un char."

  4   Puis vous dites :

  5   "…parce que" - puis vous mentionnez la 15e Brigade Blindée, et vous

  6   dites : "il n'y avait pas de char à Pristina à l'époque."

  7   Puis à la page 4 du même compte rendu d'audience, vous avez réitéré :

  8   "Pas une seule Unité de Combat ne s'y trouvait. Vous pensez à

  9   Pristina. Toutes les unités de combat au début de l'agression ont été

 10   délogées de Pristina."

 11   Vous souvenez-vous d'avoir indiqué ceci ?

 12   R.  Je m'en souviens.

 13   Q.  Vous avez mentionné précisément la 15e Brigade armée Blindée, et vous

 14   avez expliqué qu'elle avait été déplacée avant l'agression, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. Avant le début de l'agression.

 16   M. BEHAR : [interprétation] Passons à la pièce P928, s'il vous plaît.

 17   Q.  En haut de la page, vous voyez que c'est un document du commandement du

 18   Corps de Pristina.

 19   R.  Oui, d'accord.

 20   Q.  Si nous regardons le bas de la page 1, dernier paragraphe, rubrique 2 -

 21   je signale qu'il s'agit d'un document du 1er avril 1999 - il est indiqué :

 22   "La 15e Brigade armée se servira d'une partie de ses forces pour assurer la

 23   sécurité dans la région 2."

 24   Puis toute une série de villages sont énumérés.

 25   M. BEHAR : [interprétation] Passons à la page suivante en anglais, s'il

 26   vous plaît.

 27   Q.  "Et la 15e Brigade armée a déployé une partie de ses forces dans la

 28   zone générale de Pristina. Ils ont été alertés pour être prêts au combat

Page 11623

  1   sur le plateau de Kosovo."

  2   Puis, il est indiqué :

  3   "…établir un contrôle sur le territoire et rétablir l'ordre et la loi

  4   dans la zone générale de Pristina."

  5   Le voyez-vous ?

  6   R.  Oui, je le vois.

  7   Q.  Donc, il semblerait que le 1er avril 1999, la 15e Brigade a été

  8   redéployée dans la zone générale de Pristina; ai-je raison de l'affirmer ?

  9   R.  Je n'ai rien à ajouter à ce qui est indiqué dans le texte. Ce n'est pas

 10   à moi de le confirmer ou de l'infirmer. C'est le texte qui indique à quel

 11   moment ils ont été déployés ou redéployés.

 12   Q.  D'après leurs ordres, ils devaient rétablir le contrôle du territoire

 13   et la loi et l'ordre dans la zone générale de Pristina; ai-je raison de

 14   l'affirmer ?

 15   R.  J'imagine que la mission ici décrite leur a effectivement été confiée.

 16   Q.  Il s'agit d'une brigade armée, Monsieur, donc qui aurait pu se servir

 17   d'un char en cas de besoin, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non. J'ai déjà déclaré qu'il n'y avait pas de chars dans la zone de

 19   Pristina. Le commandant de la 15e Brigade armée, le colonel Mladen

 20   Cirkovic, je ne crois pas qu'il pouvait se servir des chars en dehors de la

 21   zone définie par le commandant du Corps d'armée. Or, le commandant du Corps

 22   d'armée ne lui a pas ordonné de se servir de chars dans la zone de

 23   Pristina, et c'est bien ce qui transpire quand on étudie ce document.

 24   Q.  Ce n'est pas l'impression qui se dégage à mes yeux, Monsieur.

 25   L'impression que j'ai, moi, c'est qu'ils ont reçu l'ordre explicite

 26   d'établir un contrôle sur le territoire et de rétablir l'ordre et la paix

 27   dans la zone générale de Pristina.

 28   Vous avez indiqué que vous êtes d'accord avec ceci.

Page 11624

  1   R.  Oui. Mais ce qui pose problème, c'est l'expression qu'il a utilisée

  2   ici, à savoir "dans la zone élargie de Pristina." Si on ne parlait pas de

  3   la zone plus large de Pristina, vous auriez raison. Mais, là, vous avez

  4   tort.

  5   Q.  Je ne suis pas sûr de pouvoir suivre votre propos. Est-ce que vous

  6   dites qu'il n'avait pas été ordonné de rétablir la loi et l'ordre dans la

  7   ville de Pristina de façon générale ?

  8   R.  Ce qui est indiqué ici, c'est la zone plus large, la zone élargie de

  9   Pristina, et on sait ce que cela veut dire. Elle -- interprétation a été

 10   erronée, et j'aimerais bien qu'elle soit corrigée.

 11   Q.  Monsieur, j'aimerais que vous nous définissiez cette expression.

 12   R.  Je vais vous expliquer de quelle manière j'interprète cette expression,

 13   moi : Je crois que le commandant doit déployer ses unités dans une zone

 14   plus large. Ça veut dire, non pas dans le centre-ville, cela veut dire loin

 15   du centre-ville, là où il est possible d'effectuer les missions confiées

 16   par le commandant du corps d'armée. Cela veut dire en dehors de la zone

 17   urbaine de la ville. C'est ainsi qu'on définit la zone élargie.

 18   Effectivement, les chars ne se trouvaient pas dans la zone urbaine de la

 19   ville.

 20   Quant à la question de savoir où se trouvaient les chars, c'est la question

 21   qu'il faut poser au commandant ou à un membre de l'état-major du Corps de

 22   Pristina. Mais je viens de vous présenter mon interprétation de ce texte.

 23   Q.  Très bien, Monsieur. Je ne pense pas qu'il y a un désaccord entre nous.

 24   Je ne pense pas que l'ordre consistait à utiliser les chars dans la rue

 25   principale de Pristina. Tout simplement, il s'agissait d'établir un

 26   contrôle et de s'assurer que la loi et l'ordre règnent sur le territoire de

 27   Pristina. Je ne pense pas qu'il y a un désaccord entre nous. Permettez-moi

 28   de vous montrer un autre document.

Page 11625

  1   M. BEHAR : [aucune interprétation]

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais si nous sommes en désaccord. Vous parlez

  3   encore une fois de Pristina, sans dire -- sans préciser qu'il s'agit d'une

  4   zone élargie. Or, dans ce document, nous voyons bien qu'il est question de

  5   la zone élargie de Pristina. Donc, ce qui pose problème ici, c'est ce terme

  6   d'"élargie" -- ou plutôt, le terme ne pose pas problème. Ceci, tout

  7   simplement, signifie qu'il ne s'agit pas de la ville même de Pristina.

  8   Quand on parle de la zone élargie, on parle de la zone qui se trouve en

  9   dehors de la ville même de Pristina.

 10   M. BEHAR : [interprétation]

 11   Q.  Toutefois, Monsieur, les ordres qu'ils avaient reçus portaient sur le

 12   maintien de la loi et de l'ordre. J'imagine qu'ils ne pouvaient pas

 13   rétablir la loi et l'ordre en restant assis dans une région isolée, mais je

 14   crois avoir compris votre point de vue.

 15   R.  Vous avez raison d'affirmer ceci. La loi et l'ordre sont importants

 16   pour tous les citoyens : Pour les Serbes, pour les Siptars, pour les Turcs,

 17   pour les Roms. Ceci devrait être dans l'intérêt général, et j'imagine que

 18   c'est de cette manière-là que le commandant l'avait compris, qu'il en

 19   allait de l'intérêt général.

 20   Q.  Très bien.

 21   M. BEHAR : [interprétation] Passons au document 6D4170, s'il vous plaît. Un

 22   instant, s'il vous plaît. Excusez-moi, je crois qu'il s'agit peut-être de

 23   la pièce P896.

 24   Q.  Monsieur, il s'agit d'un ordre émanant du district militaire de

 25   Pristina du 27 mars 1999. Examinons les missions qui sont énumérées au

 26   paragraphe 2, deux premiers alinéas. Le premier point indiqué : "Protéger

 27   la population serbe;" le voyez-vous ?

 28   R.  Oui, je le vois.

Page 11626

  1   Q.  Puis : "Monter la garde des routes, des installations militaires et

  2   d'autres installations;" voyez-vous cet alinéa ?

  3   R.  Oui, je le vois.

  4   Q.  Pour monter la garde le long des routes, on pourrait peut-être recourir

  5   à l'élévation des barrages; ai-je raison de l'affirmer ?

  6   R.  Est-ce la question que vous me posez ? Puis-je répondre ?

  7   Q.  Oui, je vous en prie.

  8   R.  Je vais vous donner ma réponse à cette question : Pour commencer, vous

  9   voyez bien que c'est un document que je n'ai pas rédigé personnellement. Je

 10   ne vois pas la signature. Pouvez-vous m'indiquer qui a signé ce document ?

 11   Q.  Examinons la page 2 de ce document. Nous pouvons l'examiner dans sa

 12   totalité. Passons peut-être à la dernière page pour que vous puissiez voir

 13   la signature. Il s'agit du colonel Pesic.

 14    R.  Oui, oui, je le vois. C'est le commandant du district militaire de

 15   Pristina, le colonel Zlatomir Pesic. Donc, c'est lui qui a rédigé ce

 16   document. Je ne peux avancer que mon opinion personnelle en ce qui concerne

 17   ce document, je ne saurais fournir une interprétation des intentions du

 18   commandant.

 19   Q.  Monsieur, j'aimerais que vous étudiiez en détail ce document. Cela me

 20   paraît équitable.

 21   M. BEHAR : [interprétation] Passons à la page 3, s'il vous plaît.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 23   M. BEHAR : [interprétation]

 24   Q.  Paragraphe 5.4. Vous pouvez vous lire vous-même, mais je vais en donner

 25   lecture :

 26   "Le 50e district militaire montera la garde des installations militaires à

 27   Pristina, et en coordonnant cette activité avec les forces du MUP et de la

 28   sécurité interne, protégera toutes les installations d'importance

Page 11627

  1   (hôpitaux, bureaux de poste, chaînes de télévision et de radio)."

  2   Puis il est indiqué : "Ce district protégera également la population

  3   serbe dans la partie sud de la ville de Pristina."

  4   Le voyez-vous ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Donc ce détachement militaire a reçu la tâche, non seulement de monter

  7   la garde des installations qui se trouvent à Pristina, mais aussi de

  8   protéger la population serbe dans la partie sud de la ville, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je vois bien ce qui est indiqué dans le document.

 10   Q.  Monsieur, il s'agit de quelques ordres dont nous disposons. Mais ce que

 11   j'avance, c'est qu'à partir de la fin du mois de février 1999, la VJ avait

 12   déjà commencé à déployer un grand nombre de chars, de véhicules de

 13   transport de troupes autour de Pristina, sans oublier les soldats, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec ce que vous avancez. De toute façon,

 16   ce n'est pas vrai. Peu importe si je suis d'accord ou pas d'accord, mais le

 17   fait est que cela n'est pas vrai, n'est pas exact.

 18   Q.  Vous avez dit, vous-même, qu'il y avait eu de nombreuses attaques de

 19   l'UCK après le début de la guerre, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, oui, il y a eu de nombreuses attaques.

 21   Q.  D'aucuns pourraient penser avec ces attaques de l'UCK contre Pristina,

 22   dans la zone de Pristina, en règle générale, et étant donné les deux tâches

 23   ou missions que nous avons déjà vues, la VJ devait pouvoir réagir, n'est-ce

 24   pas, elle devait être prête à réagir ?

 25   R. Oui. La VJ, elle était prête à réagir. De toute façon, elle était censée

 26   réagir. Le problème, c'est que lorsque vous avez eu ces nombreuses attaques

 27   terroristes, le problème, c'est que ni l'armée ni la police n'ont réagi.

 28   Vous vous souviendrez peut-être que je vous avais dit ce qui s'est passé

Page 11628

  1   lorsque le colonel Nikolic avait été blessé, et puis, il y avait Komazet

  2   [phon] qui avait été tué. Il y a quatre policiers qui ont été tués en une

  3   seule fois, trois policiers qui ont été blessés dans un autre quartier à

  4   Pristina, et la police, elle n'a pas tué un seul terroriste lorsque cela

  5   s'est passé.

  6   Q.  Mais le problème, Monsieur, ne vient pas seulement du fait que vous

  7   avez dit qu'ils n'avaient pas réagi, mais vous avez été catégorique, vous

  8   avez été très clair. Vous avez dit qu'il n'y avait pas une seule unité de

  9   combat qui était présente là-bas, alors que cela ne correspond pas à la

 10   réalité.

 11   R.  J'ai dit ce que j'ai dit et je me tiens à ce que j'ai dit. Tout dépend

 12   de ce qu'on entend par "Unité de Combat." Vous savez, à ce sujet, que

 13   lorsque vous avez une unité qui n'est pas une Unité de Combat, elle peut

 14   parfois devenir une Unité de Combat. Moi, je connais la doctrine militaire

 15   de notre armée, je connais la loi et les règlements, et je sais

 16   pertinemment ce qui est une Unité de Combat. Mais il y en a d'autres qui

 17   n'ont pas la même définition et qui ne comprennent pas les choses de la

 18   même façon. C'est comme l'usage excessif de la force. C'est un concept qui

 19   est perçu d'une façon par d'autres, d'une autre façon par d'autres. Il y a

 20   certaines personnes qui indiquent qu'il y a utilisation excessive de la

 21   force lorsqu'il y a une seule mitrailleuse qui est utilisée, alors que

 22   d'autres ne considèrent même pas qu'il y a utilisation excessive de la

 23   force lorsqu'on utilise des bombes atomiques. Donc, moi, ce que je vous

 24   dis, c'est qu'en ce qui concerne -- par rapport à notre doctrine et

 25   conformément à notre doctrine, à Pristina, il n'y avait pas une seule Unité

 26   de Combat. C'est ce que j'ai dit, et je m'en tiens à cela.

 27   Q.  Je pense que nous avons bien compris votre point de vue.

 28   Vous avez témoigné assez longtemps dans l'affaire Milutinovic, et vous avez

Page 11629

  1   dit qu'il n'y avait pas eu de destruction d'édifices religieux albanais,

  2   concept d'ailleurs que vous avez répété aujourd'hui. Donc, pas de

  3   destruction d'édifices religieux albanais, et certainement pas de

  4   destruction de mosquées. Vous vous souvenez de cela, Monsieur ?

  5   R.  Oui, oui je m'en souviens, et d'ailleurs, il n'y a pas eu de

  6   destruction effectivement.

  7   M. BEHAR : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

  8   afficher la pièce P01136 ? Page 9, je vous prie.

  9   Q.  Vous voyez le bâtiment en question, il s'agit de la mosquée de

 10   l'empereur; c'est cela ?

 11   R.  Oui, oui, c'est probablement la mosquée de l'empereur. En fait, on

 12   s'était demandé de quelle mosquée il s'agissait, si cela -- on se

 13   demandait, alors, s'il s'agit, en fait, d'une mosquée qui se trouve près

 14   d'une école secondaire Ivo Lola Ribar, et s'il s'agit également du beffroi

 15   de Pristina, oui, il s'agit effectivement de la mosquée de l'empereur.

 16   Q.  Vous, en fait, vous avez suivi les cours de l'école secondaire qui se

 17   trouvait à une dizaine de mètres de cette mosquée, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, oui, c'est cela. Moi, je la voyais tout le temps avant l'agression

 19   et pendant l'agression. J'ai eu la possibilité et l'occasion de la voir

 20   très souvent, et d'ailleurs, je l'ai même protégée, avec d'autres, contre

 21   les terroristes siptar.

 22   Q.  Mais cela se trouve également très près de votre poste de commandement,

 23   n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, oui.

 25   Q.  Donc, vous aviez reconnu cette mosquée dans l'affaire Milutinovic et

 26   vous l'aviez décrite, d'ailleurs.

 27   M. BEHAR : [interprétation] Regardez, nous allons, à nouveau, prendre le

 28   document D712.

Page 11630

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  2   M. BEHAR : [interprétation] Page 116, s'il vous plaît.

  3   Q.  Ligne 18, vous dites :

  4   "Pour ce qui est de la partie droite de la photo où on voit les flammes, il

  5   ne s'agit pas de la mosquée."

  6   M. le Juge Bonomy vous pose une question :

  7   "Est-ce qu'il s'agit des archives historiques de la communauté islamique ?"

  8   Ce à quoi vous répondez :

  9   "Oui, c'est possible. C'est là où se trouvait un bâtiment assez semblable,

 10   et à côté, il y avait Sahat Kula, le beffroi. Ce n'est pas la mosquée,

 11   c'est un bâtiment, mais ce n'est pas la mosquée."

 12   Le Juge Bonomy, ensuite, vous pose une autre question --

 13   M. BEHAR : [interprétation] Qui se trouve en haut de la page suivante.

 14   Q.  Il vous demande :

 15   "Mais vous n'êtes pas en mesure de de me dire s'il s'agit des archives

 16   historiques de la communauté islamique ?"

 17   Vous répondez que vous connaissiez le bâtiment très bien, mais que vous

 18   n'étiez pas sûr, que vous ne saviez pas, en fait, s'il s'agissait des

 19   archives -- de l'endroit où se trouvaient les archives de la communauté

 20   islamique. C'est cela, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous aviez quand même vu sur la photographie que le bâtiment en

 23   question était en proie aux flammes, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, sur la photo, on peut voir les flammes.

 25   Q.  Donc, il semblerait que ce que vous avez dit, lorsque vous avez dit

 26   qu'il n'y avait aucun édifice religieux qui avait été endommagé ou détruit,

 27   cette déclaration qui est la vôtre, elle n'est pas exacte, n'est-ce pas,

 28   apparemment ?

Page 11631

  1   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Je ne suis absolument pas

  2   d'accord avec vous, d'ailleurs, parce que cela n'est pas vrai. Permettez-

  3   moi de vous fournir une explication et de vous expliquer pourquoi cela

  4   n'est pas vrai. Si vous m'y autorisez, je vais vous donner mon explication.

  5   Q.  Oui, vous pouvez nous fournir votre explication, mais n'oubliez pas

  6   d'être concis dans votre réponse.

  7   R.  Je vais m'évertuer d'être très bref, et je suis sûr que de toute façon,

  8   mes réponses seront plus succinctes que vos questions.

  9   J'ai demandé à M. le Juge Bonomy : Quand est-ce que ce bâtiment avait été

 10   incendié ? Vous pouvez le lire, il a dit que cela s'était passé le 15 juin.

 11   Je lui ai dit que, moi, j'étais à Pristina également, ce jour-là, et que je

 12   ne l'avais pas remarqué, et que si cela s'était passé le 15 juin, il est

 13   absolument sûr et certain que ce n'étaient pas les membres de la police; ce

 14   sont les membres de la VJ qui avaient mis le feu à ce bâtiment. Puis, j'ai

 15   poursuivi, en disant que cette mosquée, la mosquée de l'empereur justement,

 16   tout comme la mosquée qui se trouvait près de mon poste de commandement -

 17   celle-la, elle est également près du poste de commandement - était protégée

 18   par les troupes britanniques de la KFOR qui y étaient entrées. Ils avaient

 19   mis des sacs de sable devant toutes les mosquées, et ils les gardaient, ils

 20   étaient armés pour les garder. J'ai dit qu'ils s'en étaient si bien occupés

 21   que même la voiture d'un de mes amis qui s'appelait Dragan Lazic qui était

 22   garée juste en face d'eux, alors, des terroristes siptar ont volé cette

 23   voiture. Voilà comment ils protégeaient la mosquée, des terroristes siptar.

 24   D'ailleurs, c'est possible qu'ils l'aient fait ensemble et qu'ils

 25   aient autorisé qu'on y mette le feu. L'armée et la police n'auraient jamais

 26   laissé ce genre de choses se faire. Pendant que nous, nous assurions la

 27   sécurité, il n'y a pas un seul lieu de culte religieux qui a été détruit.

 28   Je continuerai à dire que, pendant l'agression, il n'y a pas eu un seul

Page 11632

  1   lieu de culte dans la ville de Pristina qui était, soit endommagé, soit

  2   détruit.

  3   Q.  Je vois que maintenant, vous finissez par convenir que cette mosquée a

  4   été détruite ou endommagée ou, en tout cas, que le bâtiment, qui se

  5   trouvait juste à côté, a été détruit. Mais cela ne correspond pas du tout à

  6   ce que vous aviez dit auparavant d'ailleurs.

  7   R.  La mosquée, elle, n'a pas été détruite, et d'ailleurs, ce que j'ai dit

  8   ne fait l'objet d'aucun contentieux. Après l'arrivée des troupes

  9   britanniques de la KFOR, ce n'est pas à ce moment-là que la mosquée a été

 10   incendiée, si tant est qu'elle ait été incendiée d'ailleurs. Moi, j'ai dit

 11   que je ne l'avais pas vue. Si cela c'est véritablement produit, cela s'est

 12   passé lorsque les forces britanniques de la KFOR sont entrées dans la

 13   mosquée. Après l'arrivée des troupes britanniques de la KFOR, toute la

 14   bibliothèque provinciale de la zone de Pristina a été incendiée, elle a été

 15   la proie des flammes, et tous les habitants de Pristina ont pu voir que la

 16   bibliothèque a brûlé pendant des jours entiers, et tout cela pendant que

 17   les troupes britanniques étaient censées assurer la protection et la

 18   sécurité de tout cela. Voilà la vérité.

 19   Q.  Oui, oui, cela me pose quelques problèmes.

 20   M. BEHAR : [interprétation] Je vois que mon estimé confrère souhaite

 21   intervenir.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 23   M. DJURDJIC : [interprétation] J'attendais la fin de la réponse. Mais il me

 24   semble que mon estimé confrère M. Behar est en train d'avancer des

 25   affirmations qui ne découlent pas des réponses du témoin. Le témoin nous a

 26   dit qu'il n'avait jamais vu la mosquée en proie aux flammes tel que cela

 27   est indiqué sur la photographie. Je pense que cela nous le retrouverons

 28   dans le compte rendu d'audience également.

Page 11633

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.

  2   Monsieur Behar.

  3   M. BEHAR : [interprétation]

  4   Q.  Le problème ne vient pas du fait que vous avez dit que les forces

  5   serbes n'avaient pas détruit de mosquée. Vous avez dit qu'en règle générale

  6   en ce qui concernait la ville de Pristina vous pouviez affirmer qu'il n'y a

  7   eu aucun édifice religieux, aucun lieu de culte qui n'était endommagé ou

  8   détruit. Donc même si vous pensez qu'il y ait eu d'une façon ou d'une autre

  9   une coopération entre eux --

 10   L'INTERPRÈTE : L'interpréte dit inaudible.

 11   M. BEHAR : [interprétation]

 12   Q.  -- et les Albanais le fait est que vous avez dit qu'il n'y a pas eu un

 13   seul lieu de culte, un seul édifice religieux qui n'ait été endommagé ou

 14   détruit. Alors cela ne correspond pas à la réalité, n'est-ce pas ?

 15   R.  Je ne suis pas d'accord avec vous. Je vous ai dit qu'il n'y avait eu

 16   aucun lieu de culte islamique ou aucune édifice religieux qui n'a été --

 17   qui n'ont été détruits ou endommagés à Pristina pendant l'agression.

 18   J'espère quand que vous savez quelle est la fin de l'agression, car

 19   l'agression elle s'est poursuivie jusqu'à l'accord de Kojlovica. Donc pour

 20   ce qui est de bâtiments qui se trouvent à côté de la mosquée de toute façon

 21   ce n'est pas la mosquée à proprement parler déjà pour commencer. Moi, je ne

 22   vois pas quand est-ce que cela a été incendié, mais si elle a été

 23   incendiée, cela a dû passer après l'arrivée à Pristina des troupes

 24   britanniques de la KFOR. Il n'y a jamais eu d'information indiquant qu'ils

 25   avaient tué un seul terroriste alors que dans le centre de Pristina les

 26   anglais de la KFOR ont tué quelques civils serbes qui se trouvaient là, qui

 27   se promenaient là, ils ont tué des innocents, ils ont tué un innocent, un

 28   civil innocent qui se trouvait juste devant le théâtre et il y avait du

Page 11634

  1   sang répandu partout dans la rue. Ils ont même -- d'ailleurs ils n'ont

  2   jamais ni tué ni fait quoi que ce soit aux terroristes qui ont ensuite

  3   incendié cette mosquée. Voilà. Voilà la vérité. Ils n'ont rien fait.

  4   L'armée ou la police n'avait absolument pas de pouvoir là. Si nous, nous

  5   avions eu ce pouvoir à ce moment-là la mosquée elle n'aurait jamais été la

  6   proie des flammes, si tant est qu'elle a été la proie des flammes

  7   d'ailleurs. Mais ça c'est quelque chose que je ne sais pas.

  8   Q.  Je crois que nous avons bien compris votre point de vue, Monsieur. Mais

  9   lorsque vous avez témoigné dans l'affaire Milutinovic vous avez utilisé à

 10   plusieurs reprises le terme "siptar" pour faire référence aux Albanais du

 11   Kosovo, et en fait, vous l'avez fait pendant toute votre déposition. Est-ce

 12   que vous vous souvenez qu'après cela vous avez eu un dialogue qui a été

 13   assez long avec la Chambre de première instance sur la connotation

 14   péjorative ou non de ce terme ?

 15   R.  Oui, je me souviens que nous en ayons parlé, c'est évident. Et à propos

 16   justement de cette question je ne vois pas où est le problème. On utilisait

 17   ce terme pour écrire la majorité de la population à l'époque au Kosovo.

 18   Vous avez vu des centaines pour ne pas dire des milliers de documents ici à

 19   ce Tribunal où vous verrez que mon commandement ou le commandement Suprême

 20   utilisait ce terme. Je ne vois pas pourquoi je n'utiliserais pas d'ailleurs

 21   étant donné que dans -- en plus, il n'est pas péjoratif et que même la

 22   population qui réside à cet endroit s'appelle elle-même comme cela parce

 23   qu'elle parle d'elle-même. Donc j'ai toujours pris en considération toutes

 24   les personnes qui vivaient sur ce territoire. Je n'ai jamais fait de

 25   différence du fait de leur appartenance ethnique ou de leur religion, et

 26   vous avez la constitution de la RFY et les articles 43 et 45 de cette

 27   constitution.

 28   Q.  Ce n'est pas la peine de commencer à s'intéresser à la constitution.

Page 11635

  1   R.  Bien.

  2   Q.  Mais mercredi vous avez utilisé le terme "siptar," à plusieurs reprises

  3   pour faire référence justement à des Albanais civils du Kosovo, et je crois

  4   que vous êtes très clair vous nous dites qu'à l'époque ou maintenant

  5   l'utilisation de ce terme ne vous pose absolument aucun problème, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Oui, oui, c'est exact, j'utilise ce terme. Certes, j'utilise ce terme,

  8   et j'utilise ce terme parce que c'est ainsi qu'ils s'appellent eux-mêmes.

  9   Dans la salle d'attente, la petite pièce à côté juste avant que je n'entre

 10   dans le prétoire, j'ai vu qu'une partie de l'Albanie portait ce même nom

 11   donc ce terme est même utilisé ici ce terme de "siptar," donc je ne vois

 12   pas pourquoi vous me posez la question. Ce n'est pas un terme péjoratif,

 13   absolument pas. Je ne sais pas d'ailleurs où vous tirez cette idée. Moi,

 14   j'utilise ce mot avec le plus grand respect pour la population qui utilise

 15   elle-même ce mot pour se décrire.

 16   Q.  Alors procédons par étape. Donc le mot serbe pour un Albanais c'est

 17   "Albanski" ou "Albanace." Je vois que vous semblez acquiescez est-ce que

 18   vous pourriez répondre ?

 19   R.  Je ne peux pas vous dire, ce que vous, vous voulez que je vous dise. Je

 20   peux vous dire ce que d'après moi est vrai.

 21   Q.  Donc c'est oui ou c'est non ?

 22   R.  Voilà votre réponse.

 23   Q.  Bien. J'ai vu que vous acquiescez que vous semblez hocher du chef, mais

 24   étant donné qu'il y a un compte rendu d'audience ici, il faut répondre. Il

 25   faut que vous oralisiez votre réponse en fait. Mais je suppose que je

 26   connais votre réponse puisque vous acquiescez.

 27   R.  Oui, mais je n'ai pas dit oui. Je n'ai pas dit non, non plus

 28   d'ailleurs. Posez-moi votre question et écoutez ma réponse. Ma réponse qui

Page 11636

  1   sera brève, et je pense que ce n'est que justice.

  2   Q.  Alors je vais vous reposer la question. J'aimerais savoir si le mot

  3   serbe pour Albanais est "Albanace" au pluriel "Albanski;" c'est cela ?

  4   C'est bien cela "Albanace" ou "Albanski ?"

  5   R.  Le terme "Albanace" ou "Siptar" ne pose aucun problème. Les Serbes

  6   appellent les habitants de ou les résidents de l'Albanie comme ils

  7   s'appellent eux-mêmes dans la zone du Kosovo-Metohija les Serbes appellent

  8   la population siptar comme cette population s'appelle elle-même. Je vous ai

  9   déjà expliqué que je n'ai absolument rien contre l'utilisation de ce mot

 10   qui est le leur. C'est ainsi qu'eux s'appellent. Cela se trouve dans leur

 11   dictionnaire. Cela se trouve dans leurs documents. Je ne comprends vraiment

 12   pas où se situe le litige. Il n'y a absolument aucune connotation

 13   péjorative, négative. Alors s'il y a un lien avec l'agression, par exemple,

 14   ou c'est que je ne comprends pas le lien.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, je pense que vous pouvez

 16   considérer que la réponse à votre question est oui.

 17   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie. Je vais maintenant arriver à

 18   l'essentiel. Alors je vais essayer d'être aussi direct que je le puis.

 19   Q.  Mais ce que j'aimerais vous dire, c'est ce qui suit : Le terme de

 20   "siptar," lorsqu'il est utilisé en langue serbe par une personne serbe qui

 21   s'exprime en serbe a une connotation très négative. D'autant plus qu'il y a

 22   une connotation culturelle parce qu'il s'agit, en fait, d'une référence,

 23   une référence qui est faite à un citoyen de second rang.

 24   Alors, est-ce que vous le savez cela ? Parce que, bon, je pensais qu'étant

 25   donné que vous avez grandi à Pristina, vous connaîtriez quand même cette

 26   connotation.

 27   R.  Mais ce n'est pas vrai. Je dois dire que je suis absolument perplexe

 28   que vous ayez abouti à cette conclusion. Ce n'est pas vrai. Pourquoi est-ce

Page 11637

  1   que cela signifierait que c'étaient des citoyens de second rang ? Il y a

  2   des gens avec qui j'ai travaillé et les gens avec qui je travaillais ont

  3   toujours été d'avis que les Siptars et les autres étaient sur un pied

  4   d'égalité pour tous les aspects, tous les aspects, et c'est ainsi, c'est

  5   quelque chose, un principe que nous respections dans nos activités

  6   quotidiennes, dans notre travail.

  7   Moi, j'ai de nombreux amis parmi la population albanaise à Pristina, au

  8   Kosovo et ailleurs, d'ailleurs. J'ai toujours eu ces amis, et je les aime

  9   quelle que soit, d'ailleurs, la façon dont ils s'appellent. S'ils

 10   s'appellent Albanais, je les appelle Albanais. S'ils s'appellent, eux-

 11   mêmes, Siptars, je les appelle Siptars. Voilà quelle est ma réponse.

 12   Q.  Je vous remercie. Pour que tout soit très clair, je n'étais pas en

 13   train de vous demander si vous aviez des amis albanais, je vous ai posé une

 14   question à propos du terme.

 15   Est-ce que vous savez qui est Zoran Andjelkovic ? Vous savez de qui il

 16   s'agit ?

 17   R.  Oui, bien sûr, je sais qui est Zoran Andjelkovic et je sais quel fut

 18   son rôle pendant l'agression.

 19   Q.  Il était le président du comité exécutif ou du conseil exécutif

 20   provisoire pour le Kosovo-Metohija, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui. Puis il commandait également la protection civile pour le Kosovo-

 22   Metohija. Il avait son propre chef d'état-major et tout ce qui suit.

 23   M. BEHAR : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affichage de

 24   la pièce 1673 de la liste 65 ter ? Page 58 de ce document. Je pense qu'il

 25   s'agit de la pièce D010-3011. Page 58, je vous prie.

 26   Q.  Donc, il s'agit du témoignage de M. Andjelkovic dans l'affaire

 27   Milutinovic, donc la même affaire dans laquelle vous avez déposé, et il va,

 28   à nouveau, venir déposer dans cette affaire-ci. Je vais vous en donner

Page 11638

  1   lecture, mais je vais vous dire quel est le contexte, d'abord.

  2   M. Andjelkovic n'apprécie absolument pas la suggestion suivant laquelle, en

  3   tant que Serbe, il aurait pu faire référence aux Albanais comme étant des

  4   Siptars. Regardez ce qu'il dit à la ligne 4 :

  5   "Chaque fois que j'appelais des Albanais siptar, tous ceux qui me

  6   connaissaient, qu'ils soient Albanais ou Serbes, savaient que je n'aurais

  7   jamais utilisé cette expression. Moi, j'ai été membre du conseil exécutif -

  8   - ou plutôt, j'ai fait remplacer un membre du conseil exécutif provisoire

  9   parce qu'il n'était pas d'accord lorsque je disais que les Albanais, les

 10   Turcs, et cetera, et cetera, devraient être appelés membres des communautés

 11   ethniques, même pas des minorités ethniques, et il y a une insinuation qui

 12   se glisse dans ces documents indiquant que j'ai appelé les Albanais

 13   siptar."

 14   Il poursuit, et il dit : "Cela n'est pas vrai. C'est véritablement un

 15   outrage à mon égard et à l'égard de mes amis albanais, des gens que je

 16   continue à voir régulièrement."

 17   Ensuite si vous prenez la ligne 23, un peu plus bas, juste au cas où cela

 18   ne serait pas suffisamment clair, le Juge Bonomy pose une question :

 19   "Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, si vous appeliez un

 20   Albanais 'siptar,' ce serait une offense ?"

 21   Il répond : "Oui, à mon avis."

 22   Il poursuit et il explique pourquoi est-ce que ce terme est péjoratif et

 23   dérogatoire.

 24   Donc, vous avez vu cela, Monsieur. Est-ce que vous reconnaissez que

 25   l'utilisation du terme "siptar" est dérogatoire en serbe ?

 26   R.  Puis-je répondre, maintenant ?

 27   Q.  Oui, je vous en prie.

 28   R.  Il y a un petit moment, vous avez entendu ce que je vous ai dit et je

Page 11639

  1   continue à revendiquer ce que j'ai dit. Je revendique également ce que j'ai

  2   dit dans l'affaire Milutinovic.

  3   Alors, pour ce qui est des propos tenus par M. Andjelkovic, point n'est

  4   besoin que je vous fasse des observations à ce sujet. C'est son opinion et

  5   il ne m'incombe pas de faire des observations à ce sujet. Mais, moi, je

  6   m'en tiens à ce que j'ai dit. Je ne souhaite pas changer ma déposition à ce

  7   sujet parce que je suis fermement convaincu que ce que je dis est vrai.

  8   C'est ainsi, c'est ce que je pensais à l'époque, c'est ce que je continue

  9   de penser et je pense que cela est tout à fait exact.

 10   Quoi qu'il en soit, vous savez que les gens changent d'avis, de

 11   déclaration, changent leur déposition car ces mêmes Siptars, justement, ont

 12   beaucoup plus de respect pour moi que pour M. Andjelkovic. Bon. C'est une

 13   hypothèse, d'ailleurs, de ma part.

 14   Mais vous savez, il n'a pas beaucoup d'expérience. Il a beaucoup moins

 15   partagé leur bonne fortune et leur mauvaise fortune que moi, d'ailleurs.

 16   Donc, voilà, voilà, voilà ce que je pense de M. Andjelkovic et de son

 17   témoignage.

 18   Q.  Je comprends tout à fait ce que vous dites. Vous semblez réitérer le

 19   fait que vous pensez que ce terme n'est pas un terme offensif, et nous

 20   avons déjà étudié cette question.

 21   Mais si vous faites abstraction de cela, Monsieur, si les Albanais du

 22   Kosovo se trouvent insultés par l'utilisation de ce terme, s'ils

 23   considèrent ce terme comme un terme offensif, alors ce terme peut être

 24   considéré comme offensif, n'est-ce pas ?

 25   R.  Ecoutez, si on veut les insulter, mais qu'en est-il de la situation si

 26   l'on n'est pas en train de les insulter. Moi, lorsque je me trouvais là-

 27   bas, lorsque j'ai parlé avec eux et lorsqu'ils faisaient les frais des

 28   bombardements de l'OTAN, ils ne se sont jamais senti insultés par cela, par

Page 11640

  1   l'utilisation de ce terme. Moi, j'étais avec eux, je les fréquentais. J'ai

  2   partagé leurs mauvais et leurs bons jours et ils ne se sont jamais senti

  3   insultés. D'ailleurs, ils ne m'ont jamais insulté non plus. Je leur ai dit,

  4   je leur ai dit, disais-je, je leur ai demandé s'ils voulaient que je les

  5   appelle par un autre terme. Je voulais dire qu'ils le pourraient. Pourquoi

  6   pas ? Mais pourquoi est-ce que je changerais mon comportement précédent ?

  7   Je continue toujours à agir de la même façon lorsque je suis là-bas. Alors,

  8   pour ce qui est de savoir comment ils se sont sentis après l'agression et,

  9   en fait, bon, je ne sais pas comment ils se sentent maintenant, parce que

 10   maintenant, je suis absolument -- je ne suis plus dans la région.

 11   Q.  Alors je ne suis pas sûr de vous avoir bien compris, d'avoir compris ce

 12   que vous avez dit un peu plus tôt.

 13   Vous avez dit que certains Siptars avaient beaucoup plus de respect pour

 14   vous que pour M. Andjelkovic, et qu'ils n'avaient aucun respect pour M.

 15   Andjelkovic. Pourquoi est-ce que vous avez dit ça ? Pourquoi est-ce qu'ils

 16   n'ont pas de respect pour M. Andjelkovic, alors ?

 17   R.  Non, non, non. Je ne pense pas, ce n'est pas que je ne pense pas qu'ils

 18   n'aient pas de respect pour lui, mais je pense qu'ils ont un plus grand

 19   respect pour moi que pour lui pour une raison très très simple : Il a passé

 20   beaucoup moins de temps avec lui que moi, je ne l'ai fait. Il n'a pas

 21   partagé les bons jours et les mauvais jours d'ailleurs, avec eux, ce que,

 22   moi, j'ai fait. Il a vécu là-bas juste pendant un laps de temps très court,

 23   avant l'agression et pendant l'agression.

 24   Puis, deuxièmement, je fais quand même la différence entre moi-même et M.

 25   Andjelkovic, et je fais la différence à plusieurs niveaux, d'ailleurs,

 26   parce que, premièrement, je suis un soldat qui est originaire de cette

 27   zone, alors que lui c'est un homme politique. Vous savez que les hommes

 28   politiques ont un point de vue différent. Enfin, ils changent de point de

Page 11641

  1   vue par rapport au passé. Moi, c'est quelque chose que je ne peux jamais

  2   faire.

  3   Q.  Bien. Alors, nous allons faire en sorte de continuer à aller de

  4   l'avant. Vous avez fait un certain nombre d'observations et de remarques à

  5   propos des moyens de preuve présentés par Nazalie Bala. J'ai remarqué que

  6   vous avez parlé de sa déposition, alors que je ne vous avais même pas

  7   demandé de le faire un peu plus tôt. Donc, j'aimerais vous poser quelques

  8   questions à propos des observations que vous avez faites dans l'affaire

  9   Milutinovic, ainsi que mercredi et aujourd'hui, d'ailleurs.

 10   Premièrement, vous n'avez jamais été chez Nazalie Bala, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non, non, je n'y ai jamais été, bien que j'aurais aimé le faire. De

 12   toute façon, même si j'y avais été, cela n'aurait pas été un problème. Je

 13   ne vois pas franchement comment cela aurait pu porter à controverse. Bon,

 14   je sais où se trouve sa maison, parce que je connais la rue, je passe par

 15   là assez souvent -- en fait, je ne sais pas, je ne sais pas si je pourrais

 16   reconnaître sa maison ou non, en fait.

 17   Q.  Bien. Donc, vous n'aviez jamais été chez elle et, de ce fait, vous

 18   n'avez jamais été sur son toit non plus, puisqu'elle a dit qu'elle avait

 19   procédé à toutes ces observations à partir de son toit.

 20   R.  Oui, c'est tout à fait exact. Je n'ai jamais été chez elle. Je ne suis

 21   jamais entré chez elle et je ne suis jamais allé sur son toit.

 22   Q.  Vous nous avez dit, je pense, que c'est très clair, cela se trouvait

 23   dans votre déposition précédente, vous aviez dit que vous ne reconnaîtriez

 24   même pas sa maison ?

 25   R.  Non, je ne pourrais pas véritablement reconnaître sa maison puisque je

 26   ne l'ai jamais vue, d'abord, pour commencer. Mais je pourrais deviner où se

 27   trouve cette maison, sa maison, parce que je connais assez bien la rue

 28   Lapska, et ce n'est pas une rue qui est très longue.

Page 11642

  1   Q.  Je sais que vous connaissez la rue, et d'ailleurs, nous en parlerons

  2   dans un petit moment. Mais vous avez fourni un témoignage détaillé à cette

  3   Chambre en disant que Mme Bala n'aurait jamais pu voir ce qu'elle dit avoir

  4   vu à partir de son toit, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non, non, elle n'aurait pas pu le voir, elle n'aurait pas pu voir ce

  6   qu'elle dit avoir vu du toit de sa maison. Et d'ailleurs, elle n'aurait pas

  7   pu voir le village de Kojlovica, absolument pas. Comme je l'ai dit plus tôt

  8   dans l'affaire Milutinovic, elle n'aurait pas été en mesure de le voir,

  9   même avec télescope, d'ailleurs. C'est ce que j'ai dit.

 10   Q.  Mais, d'ailleurs, elle avait des jumelles. Mais bon, ne brûlons pas les

 11   étapes. Premièrement, est-ce que nous pourrions nous repencher sur votre

 12   interrogatoire principal de mercredi.

 13   M. BEHAR : [interprétation] Pièce D717.

 14   Messieurs les Juges, avant que je ne poursuive, mon confrère vient de

 15   me faire remarquer que je n'ai pas demandé le versement au dossier de la

 16   déposition de Zoran Andjelkovic; j'ai présenté cette pièce au témoin. Donc,

 17   je pense qu'il faudrait plutôt le verser au dossier mais je pense qu'il

 18   faudrait le faire maintenant.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.

 20   M. BEHAR : [interprétation] Il s'agit de la pièce D101-3011.

 21   [La Chambre de première instance se concerte] 

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce

 24   P01541.

 25   M. BEHAR : [interprétation]

 26   Q.  Voilà la carte qui vous a été montrée mercredi sur laquelle vous avez

 27   apposé des annotations, voyez le numéro 1, peut-être qu'on pourrait

 28   agrandir. En fait, vous avez identifié la rue où se trouve la maison de Mme

Page 11643

  1   Bala. Vous voyez que c'est une rue qui est assez longue, d'ailleurs, cette

  2   rue, elle n'existe pas seulement là où vous l'avez encerclée, mais elle se

  3   poursuit, elle se prolonge après le carrefour vers l'est. Vous le voyez

  4   cela ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Donc, cette rue, elle se prolonge de façon assez longue, elle coupe

  7   plusieurs perpendiculaires; c'est quand même une rue assez longue, n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  Non, non, je ne dirais pas qu'il s'agit d'une rue très, très longue.

 10   Tout est relatif. Regardez la rue Proatoska [phon], elle est beaucoup plus

 11   longue que la rue Lapska; il y en a une autre également, elle est très

 12   longue également. Alors, vous savez la différence entre long et court,

 13   c'est très relatif.

 14   Q.  Mais vous serez quand même d'accord pour dire que ce que vous avez

 15   encerclé correspond à un tronçon important, mais seulement un tronçon de

 16   cette rue, n'est-ce pas ?

 17   R.  Lorsqu'on m'a demandé de l'encercler, on ne m'a pas demandé d'encercler

 18   toute la rue, on m'a demandé de faire un cercle autour d'une partie de

 19   cette rue, ce que j'ai fait, et vous pouvez voir très clairement sur la

 20   carte jusqu'où se prolonge cette rue. La rue Lapska, c'est toute une rue,

 21   et lorsque Nazalie Bala a fait un cercle, elle non plus n'a pas encerclé

 22   toute la rue; elle n'a encerclé qu'une partie de la rue. C'est ce que j'ai

 23   pu lire sur cette partie de la carte, et cela ne fait l'objet d'aucun

 24   litige. La rue Lapska se trouve là où elle se trouve.

 25   Q.  Oui, je comprends très bien. Mais je vais peut-être essayer d'être un

 26   peu plus précis. Donc, vous avez fait une déclaration tout à fait

 27   péremptoire en disant qu'à partir de cette rue, la rue Lapska qui est une

 28   longue rue, qui parcourt la distance qu'on peut voir, vous avez dit : A

Page 11644

  1   partir de cette rue, Mme Bala n'aurait pu voir aucun endroit qu'elle

  2   décrit. Vous avez dit qu'elle n'aurait pu les voir à partir d'aucun endroit

  3   de cette rue Lapska; c'est cela ?

  4   R.  Vous m'avez déjà posé la question il y a quelques minutes, et je vous

  5   ai dit qu'à partir de la rue Lapska, à partir de sa maison et à partir du

  6   toit de sa maison, elle n'aurait pas pu voir le village de Kojlovica, elle

  7   n'aurait pas pu le voir de sa maison, même avec des jumelles, même avec des

  8   jumelles sur le toit de sa maison.

  9   Q.  C'est ce que vous nous dites maintenant, mais d'ailleurs, je pense que

 10   vous l'avez dit de façon assez claire, vous ne savez pas où se trouve sa

 11   maison, vous n'êtes jamais entré chez elle, vous n'êtes jamais allé sur le

 12   toit de sa maison, alors, que ce que vous avez dit, à plusieurs reprises,

 13   c'est qu'on n'aurait jamais pu voir cet endroit à partir de cette rue;

 14   c'est cela ?

 15   R.  J'ai dit quelque chose qui, visiblement, vous semble important. J'ai

 16   dit que c'était une zone ou un secteur plat. J'ai essayé d'expliquer cela

 17   par rapport aux rues de Vranjevac, donc c'est une zone qui est plate. Ce

 18   n'est pas un problème. Je ne sais pas. Ecoutez, est-ce que quelqu'un

 19   pourrait aller à Pristina, pourrait monter sur le toit, et puis vous verrez

 20   si la personne peut voir Kojlovica, et puis ensuite, vous reviendrez sur ma

 21   déposition. Je ne suis pas quelqu'un qui est allé là-bas. Allez voir, allez

 22   voir sur le toit, si vous voulez voir. Si vous voulez voir, faites-le. Vous

 23   savez, je suis désolé, mais Filipovic, il n'a pas dit la vérité lorsqu'il

 24   est venu déposer. Si vous pouvez le voir, si vous pouvez voir à partir de

 25   ce toit, alors là, il dit la vérité. Mais moi, je suis tout à fait disposé

 26   à coopérer. Nous allons prendre tout le temps dont vous disposez, et moi je

 27   vous donnerai également, je vous accorderai mon temps.

 28   Q.  Le problème, je ne sais pas, je n'arrive pas à obtenir une réponse de

Page 11645

  1   votre part. Le problème, voyez-vous, c'est que vous, vous ne savez pas où

  2   se trouvait cette maison, où se trouve cette maison. Mais vous affirmez, de

  3   façon absolument catégorique, vous l'avez fait dans l'affaire Milutinovic,

  4   et maintenant vous l'affirmez à nouveau dans l'affaire Djordjevic, vous

  5   nous dites qu'elle n'aurait jamais pu voir ce qu'elle dit avoir vu. Mais

  6   moi, ce que je vous dis, Monsieur, c'est que vous ne savez même pas où se

  7   trouvait, où se trouve cette maison. Vous ne le saviez pas à l'époque, vous

  8   ne le savez pas maintenant. Vous ne savez même pas où se trouve cette

  9   maison dans cette rue. C'est exact, cela ?

 10   R.  Non, ce n'est pas vrai. L'emplacement de sa maison a été très bien

 11   indiqué. Sa maison, elle ne se trouve pas n'importe où dans la rue Lapska,

 12   elle se trouve au numéro 30, donc au numéro 30 dans la rue Lapska, et pas

 13   ailleurs. A partir de cette rue, lorsque vous êtes dans cette rue, lorsque

 14   vous êtes dans cette maison, vous ne pouvez pas voir Kojlovica. Moi,

 15   j'étais à Kojlovica, il y a 40 ans, il y a 30 ans, j'y étais la veille de

 16   l'agression, je sais pertinemment où se trouve Kojlovica. Moi, à partir de

 17   Kojlovica, je ne pourrais pas voir ce quartier de Pristina. Et si je suis

 18   dans la rue Lapska, je ne peux pas, non plus, voir Kojlovica. Je n'aurais

 19   pas pu voir la maison où elle vivait. Il y a 40 ans, mon professeur qui

 20   habitait, lui, à Kojlovica, il habitait dans une rue. J'avais l'habitude

 21   d'aller la voir, je la voyais à l'école à Kojlovica, et ce que je vous dis,

 22   c'est qu'on ne peut pas voir cela de Kojlovica. Peut-être qu'il faudrait

 23   qu'on aille chez Nazalie Bala, nous allons prendre des jumelles, et nous

 24   allons voir si nous pouvons bien voir Kojlovica. Puis ainsi, on aura réglé

 25   le problème une fois pour toute. On verra si vous le voyez ou non,

 26   Kojlovica, à partir du toit. Si vous pouvez le voir --  si vous ne pouvez

 27   pas le voir, eh bien, j'ai raison.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour ma part, ma façon de comprendre

Page 11646

  1   la réponse du témoin consiste à dire que depuis aucun endroit dans la rue

  2   on ne pouvait voir le village.

  3   M. BEHAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, j'apprécie.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur, vous devenez impatient dans

  5   vos réponses. Vous ne semblez pas capable de fournir une réponse courte à

  6   une question qui vous est posée. Si vous écoutez la question avec

  7   attention, vous pourrez y répondre en quelques mots. Vous passez un temps

  8   très long à discuter de questions qui n'ont rien à voir avec la présente

  9   affaire. Ceci n'aide pas les Juges à comprendre ce que vous voulez dire.

 10   Veuillez poursuivre, Monsieur Behar.

 11   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur, je vois que vous avez, encore une fois, tenté d'affirmer, en

 13   fait, c'est plutôt la première fois, que vous avez essayé d'affirmer que

 14   vous saviez où se trouvait précisément la maison de cette femme, et je vois

 15   que vous savez qu'elle se situe au numéro 30, sans doute après avoir lu la

 16   déclaration préliminaire de cette femme. Mais en fait, Monsieur, ce n'est

 17   pas ce que vous avez dit jusqu'à présent tout au long de votre déposition,

 18   et je vous indique que depuis le début de votre déposition, vous avez

 19   indiqué clairement ne pas savoir où était située exactement, dans la rue,

 20   la maison de cette femme. J'aimerais vous soumettre un document pour vous

 21   prouver la justesse de mes dires.

 22   M. BEHAR : [interprétation] Je demande l'affiche l'affichage de la

 23   déposition du témoin, mercredi, qui correspond à la page 11 568 du compte

 24   rendu de l'espèce.

 25   Q.  Monsieur, ligne 16 de cette page, on vous pose la question suivante, je

 26   cite :

 27   "A partir de la rue Lapska, est-ce que vous pouviez voir Kojlovica ?"

 28   Vous répondez, je cite :

Page 11647

  1   "Le village de Kojlovica n'était pas visible à partir de la rue Lapska."

  2   M. BEHAR : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on affiche la page 11

  3   570 du compte rendu de l'espèce, ligne 25.

  4   Q.  Là encore, Monsieur, la question qui vous est posée est la suivante, je

  5   cite :

  6   "A partir du numéro 1 de la rue autour duquel vous avez tracé un

  7   cercle, est-ce qu'une personne pouvait voir le village de Lukare ?"

  8   Vous répondez, je cite :

  9   "Non, ce n'est pas possible."

 10   En ajoutant, je cite :

 11   "A partir de la rue Lapska, Lukare n'était pas visible."

 12   M. BEHAR : [interprétation] Je demande maintenant qu'on affiche la page 11

 13   572, ligne 20 du compte rendu de l'audience.

 14   Q.  Là encore, Monsieur, vous répondez à la même question, au même genre de

 15   questions, je cite :

 16   "C'est impossible, c'est impossible. Vous parlez de la rue Lapska; à

 17   partir de la rue Lapska, le cimetière orthodoxe n'est pas visible."

 18   Alors, Monsieur, évidemment, il y a une différence entre ces différents

 19   lieux qui font l'objet des citations que je viens de faire, et une maison

 20   dans la rue. Mais sans entrer dans tous les détails de cette affaire,

 21   j'aimerais, Monsieur, que vous nous disiez pour quelle raison précise il

 22   serait impossible de voir tous ces lieux à partir de la rue en question.

 23   M. BEHAR : [interprétation] Affichage de la page 11 568, ligne 16 du compte

 24   rendu de l'espèce.

 25   Q.  C'est un passage que j'ai commencé à citer à l'instant, mais j'aimerais

 26   attirer votre attention sur un détail. Ligne 20, en fait, excusez-moi.

 27   Voilà, très bien. Vous dites que :

 28    "La raison pour laquelle on ne voit pas tous ces lieux à partir de

Page 11648

  1   la rue Lapska réside dans le fait qu'entre la rue Lapska et Kojlovica, la

  2   vue n'est pas dégagée en raison de toute une rangée de bâtiments et de la

  3   configuration du terrain."

  4   Alors, Monsieur, vous parlez d'une vue qui n'est pas dégagée, vous parlez

  5   de la configuration du terrain et d'une barre de bâtiments. Mais il y a

  6   certainement une grande différence entre une vue dégagée ou non, la

  7   configuration du terrain et le fait qu'une rangée de bâtiments peut bloquer

  8   la vue sur une certaine distance. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas

  9   d'accord avec ça ?

 10   R.  Je serais assez d'accord avec ça. Mais nonobstant, on ne peut pas voir

 11   Kojlovica à partir de cet endroit-là. Je l'ai dit très clairement, il n'y a

 12   pas de visibilité possible sur le plan optique, et des experts, si la chose

 13   est nécessaire, peuvent se rendre sur place pour le vérifier. J'affirme que

 14   c'est impossible, et je l'affirme parce que je suis passé par cette zone.

 15   J'en suis donc profondément persuadé.

 16   Q.  Très bien, Monsieur.

 17   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai encore pour cinq

 18   à dix minutes. Mais je vois l'heure. Je pense que l'heure de la deuxième

 19   pause est arrivée.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons donc faire la deuxième

 21   pause qui sera d'une heure, et nous reprendrons nos débats à 14 heures 30.

 22   [Le témoin quitte la barre]

 23   --- L'audience est suspendue à 13 heures 34.

 24   --- L'audience est reprise à 14 heures 35.

 25   [Le témoin vient à la barre]

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar.

 27   M. BEHAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Monsieur, pour en terminer de ce sujet, j'aimerais que nous nous

Page 11649

  1   penchions sur une nouvelle carte.

  2   M. BEHAR : [interprétation] Numéro 65 ter, 62049 [comme interprété].

  3   Q.  C'est une carte très simple, Monsieur, qui a été établie sur la base

  4   des cartes Google. Elle vous montre la topographie élémentaire du terrain,

  5   elle vous montre les hauteurs dont vous avez déjà parlé en rapport avec Mme

  6   Bala, et vous voyez la lettre majuscule A sur cette carte qui nous montre à

  7   peu près l'emplacement de la maison de Mme Bala. Monsieur, est-ce que vous

  8   voyez Kojlovica sur cette carte ?

  9   M. BEHAR : [interprétation] Je vois mon collègue de la Défense qui est

 10   debout.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

 12   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous voyons la carte

 13   à l'écran mais jusqu'à présent, nous ne travaillions pas sur la base d'une

 14   carte déjà annotée par quelqu'un. Si j'ai bien entendu ce que m'ont dit les

 15   interprètes, il y a des annotations qui ont été apposées sur cette carte en

 16   rapport avec l'audition du Témoin Bala. Alors, si c'est la bonne procédure,

 17   qu'elle soit appliquée, mais il me semble tout de même que jusqu'à présent,

 18   les choses ne se sont jamais passées de cette façon.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, malheureusement, nous

 20   n'avons pas souvent besoin d'utiliser Google pour obtenir une carte. La

 21   carte que nous voyons ici à l'écran est une carte très peu différente des

 22   cartes Google et ce que je peux voir de mes yeux, c'est une vague

 23   indication des principales rues de la ville de Pristina avec cette lettre A

 24   encerclée au milieu qui indique la position approximative de la rue Lapska.

 25   Les noms de villes et de villages font partie intégrante, de façon très

 26   standard, des cartes Google. Donc je crois qu'étant donné le faible niveau

 27   de détail qui a été fourni jusqu'à présent en rapport avec cette carte,

 28   celle-ci a tout de même une apparence d'authenticité et de normalité

Page 11650

  1   suffisante pour autoriser la suite des questions.

  2   Veuillez poursuivre, Monsieur Behar.

  3   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  4   Q.  Monsieur, je peux vous indiquer que nous avons inscrit l'adresse sur

  5   cette carte. Vous la voyez en haut de l'écran, 30 rue Lapska, et puis vous

  6   avez cette lettre A majuscule, et je vous demande, Monsieur, si vous êtes

  7   d'accord que cette lettre majuscule A indique l'emplacement approximatif de

  8   la rue Lapska sur le plan de la ville. Je vois que vous hochez du chef. Je

  9   suppose que c'est une réponse affirmative.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Très bien. J'en arrive donc à ma question suivante : est-ce que vous

 12   voyez Kojlovica sur cette carte ?

 13   M. BEHAR : [interprétation] Peut-être pourrait-on remettre un stylet au

 14   témoin pour qu'il puisse annoter la carte, éventuellement.

 15   Q.  Si vous voyez Kojlovica sur la carte, je vous demanderais d'inscrire un

 16   cercle autour du nom de cette localité et d'apposer un petit 1 à côté du

 17   cercle.

 18   R.  [Le témoin s'exécute]

 19   Q.  Il semble qu'il ressort à l'évidence de l'examen de cette carte que

 20   Kojlovica se trouve en hauteur, n'est-ce pas, donc sur une espèce de

 21   colline ou, en tout cas, un vallon, n'est-ce pas ?

 22   R.  Pouvez-vous me dire exactement ce que vous me demandez ?

 23   Q.  Je vous demande simplement, Monsieur - et vous le voyez sur la carte -

 24   mais quoi qu'il en soit, je vous pose tout de même la question : Kojlovica

 25   est légèrement en altitude, n'est-ce pas ? Autrement dit, Kojlovica n'est

 26   pas au niveau de la mer mais sur une colline ou un vallon; c'est bien cela

 27   ?

 28   R.  Non, c'est inexact et ce n'est pas ce que l'on voit sur la carte.

Page 11651

  1   Kojlovica se trouve en grande partie sur un terrain plat. Quant à

  2   l'inscription -- l'inscription peut se trouver au-dessus, en dessous, à

  3   gauche ou à droite. Elle -- donc, à l'ouest, au nord, au sud ou à l'est.

  4   L'inscription du nom de la localité ne se trouve pas nécessairement

  5   exactement à l'endroit où cette localité se situe. Regardez la carte et

  6   l'endroit où on lit l'inscription "Pristina." Cette inscription se trouve

  7   au niveau d'un quartier de la ville de Pristina. Les inscriptions

  8   graphiques ne se trouvent pas exactement à l'emplacement topographique de

  9   la localité concernée. Si nous voulons que le centre d'une ville soit

 10   indiqué précisément sur une carte, il faudrait l'annoter à l'aide d'un

 11   point uniquement. Sinon; nous avons des endroits qui sont en altitude --

 12   Q.  Je pense que nous avons compris votre position, et ce qui m'intéresse

 13   au premier chef, ce n'est pas vraiment à quel endroit les différentes

 14   lettres sont apposées sur la carte, Monsieur. Mais vous voyez que,

 15   s'agissant du secteur en général dont nous sommes en train de parler, il

 16   semble tout à fait clair que le secteur en question se trouve légèrement en

 17   altitude comparé à Pristina, qui est plus bas. La question que je vous

 18   posais consistait, Monsieur, à vous demander si Kojlovica n'était pas

 19   légèrement en altitude -- la zone générale de Kojlovica.

 20   R.  Au-dessus de Kojlovica, de plusieurs côtés, il y a des collines.

 21   Kojlovica, en tant que telle, n'est pas à la même hauteur que le sommet de

 22   ces collines, et puis autre chose importante, c'est qu'on a, entre

 23   Kojlovica, Pristina et la rue Lapska, en particulier, des obstacles

 24   indiqués sur la carte qui sont plus hauts que Kojlovica et Pristina. C'est

 25   très important à remarquer.

 26   Q.  Nous avons déjà parlé de la question des obstacles, Monsieur. Nous

 27   n'avons pas besoin d'y revenir. Restez concentré sur mes questions, je vous

 28   prie. Je pense que nous avons compris votre position, Monsieur.

Page 11652

  1   Alors, voyons ce qu'il en est de Dragodan. Est-ce que vous pouvez nous dire

  2   où est situé Dragodan sur cette carte ?

  3   R.  Dragodan est situable approximativement. Voilà, Dragodan se trouve à

  4   peu près ici, mais je n'en suis pas tout à fait sûr.

  5   Q.  Admettez-vous, Monsieur, que Dragodan est légèrement en hauteur ?

  6   R.  La plus grande partie de Dragodan est en hauteur, oui, la plus grande

  7   partie ou, plus précisément, une partie de Dragodan est en altitude mais

  8   pas tout Dragodan

  9   Q.  En fait, il y a même un secteur qui porte le nom de colline de

 10   Dragodan, n'est-ce pas ?

 11   R.  C'est probable. Dragodan existe, maintenant, est-ce que la dénomination

 12   exacte de Dragodan est colline ou hauteur, je ne saurais pas vous le

 13   confirmer.

 14   Q.  En fait, Mme Bala parlait de la colline de Dragodan. Je ne vais pas

 15   vous montrer la page du compte rendu, mais c'est la page 2 289, ligne 14 du

 16   compte rendu de l'espèce.

 17   Qu'en est-il de Vranjevac, Monsieur ? Est-ce que vous pouvez nous situer

 18   Vranjevac sur la carte, ou plutôt, avant cela, vous avez déjà inscrit un

 19   cercle autour du mot "Dragodan" et je vous prierais par ailleurs d'inscrire

 20   le chiffre 2 à côté du cercle que vous avez inscrit autour du mot

 21   "Dragodan" ?

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Je vous remercie, Monsieur. A présent, je vous demande de bien vouloir

 24   trouver Vranjevac sur la carte et de tracer un cercle autour du mot

 25   "Vranjevac."

 26   R.  Vranjevac est très grand et cette carte n'est pas la plus adaptée pour

 27   que je trace un cercle autour de Vranjevac. Si vous insistez, je le ferai,

 28   mais je ne saurais admettre que l'on voit, dans le cercle que je tracerais,

Page 11653

  1   toute la superficie de Vranjevac. Vranjevac est très étendu, donc cette

  2   carte n'est pas adaptée pour ce que vous me demandez. Mais j'ai déjà annoté

  3   Vranjevac sur la carte précédente. Cela me paraît suffisant pour établir

  4   des comparaisons.

  5   Si vous insistez pour que je trace un cercle sur cette carte-ci, je le

  6   ferai, mais cela n'est pas le plus adapté, car je ne connais pas tous les

  7   détails, et cette carte ne se prête pas au mieux à de telles annotations.

  8   Q.  Pas de problème, Monsieur. Votre annotation n'a pas besoin d'être

  9   absolument précise. Je vous demande d'indiquer de façon générale

 10   l'emplacement de Vranjevac sur la carte et de tracer un cercle à côté

 11   duquel vous inscrirez le numéro 3. Mais je comprends bien que votre

 12   annotation ne sera pas précise au plus petit détail près.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Veuillez inscrire le chiffre 3.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Vranjevac se trouve aussi en hauteur, n'est-ce pas, Monsieur ?

 17   R.  Pas tout Vranjevac. Une partie de Vranjevac est en hauteur et les

 18   autres quartiers, non.

 19   Q.  Je vais dans ce cas être très précis. Vous-même et Mme Bala avez, tous

 20   les deux, parlé de la colline de Vranjevac. Pour moi, lorsqu'on dit

 21   "colline," je suppose qu'il s'agit d'une hauteur -- d'une hauteur qui

 22   surplombe les sites environnants, n'est-ce pas ?

 23   R.  De façon générale, c'est bien le cas.

 24   Q.  Monsieur, je vous prierais de situer Taslixhe sur la carte - Taslixhe -

 25   de tracer un cercle autour du mot "Taslixhe" et d'inscrire le numéro 4 à

 26   côté du cercle.

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   Q.  Il semble très clair à l'examen de cette carte que cette localité est

Page 11654

  1   également à une certaine hauteur, si l'on en juge par les lignes figurant

  2   sur la carte qui indiquent que l'on est au-dessus du niveau de la mer.

  3   R.  A en juger par ce qu'on voit ici, c'est ce qui semble être le cas, oui.

  4   Q.  Enfin, Monsieur, je vous prierais de situer Lukare sur la carte, de

  5   tracer un cercle autour du mot "Lukare" et d'apposer le numéro 5 à côté du

  6   cercle.

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   Q.  Conviendrez-vous, Monsieur, que Lukare -- ou, en tout cas, des

  9   quartiers de Lukare sont également en hauteur ?

 10   R.  Non. Lukare n'est pas en hauteur.

 11   Q.  En fait, Monsieur, Mme Bala a déclaré avoir vu un char qui tirait à

 12   partir d'une colline, à Lukare; vous vous rappelez cela ?

 13   R.  Je m'en souviens. Mais Lukare n'a pas de colline; cependant, dans les

 14   environs de Lukare, oui, il y a des petites collines. La route traverse

 15   Lukare et l'entrepôt de l'armée est juste au bord de la route.

 16   Q.  Monsieur, si quelqu'un --

 17   R.  La route qui va de Pristina à Medvedje.

 18   Q.  Monsieur, si quelque chose se trouve sur une colline, manifestement, ce

 19   quelque chose est en hauteur, n'est-ce pas ?

 20   R.  Lukare n'est pas situé en hauteur, et l'entrepôt de l'armée n'est pas

 21   non plus situé en hauteur. Il se trouve dans une zone plate, juste à côté

 22   de la route. Mais dans les environs immédiats, il y a de nombreuses

 23   collines.

 24   Q.  Examinons de plus près ce que vous avez dit.

 25   M. BEHAR : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 11 575 du

 26   compte rendu de l'espèce, témoignage du témoin mercredi de cette semaine.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez faire quelque chose de

 28   particulier avec la carte ?

Page 11655

  1   M. BEHAR : [interprétation] Ah oui, excusez-moi. Je demande le versement de

  2   la carte au dossier.

  3   Je vous remercie, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La carte est admise, mais les Juges

  5   tiendront compte de ce que Me Djurdjic a dit à titre d'objection. Donc, les

  6   réserves exprimées sont prises en compte.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

  8   pièce 01542.

  9   Q.  Monsieur, ceci est un passage de ce que vous avez dit pendant

 10   l'interrogatoire principal. On vous demande d'écrire les tirs provenant de

 11   Lukare, et voici ce qu'a dit Mme Bala à ce sujet. La question commence à la

 12   ligne 11.

 13   Mme Bala déclare en page 2 341 du compte rendu, lignes 22, 23, 24 et

 14   25, qu'elle a vu un char qui tirait sur le village de Lukare à partir d'une

 15   colline, dans la direction de la colline de Kojlovica.

 16   Donc, pour que tout soit clair sur ce point, Monsieur, la question vous a

 17   été posée mais en ce moment, vous parlez de collines dans les environs de

 18   Lukare. Est-ce que c'est ce que vous affirmez de la topographie du terrain

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  De façon générale, Monsieur, est-ce que vous conviendrez qu'il est plus

 22   facile de voir quelque chose de loin si ce quelque chose se trouve sur une

 23   colline qui vous surplombe ?

 24   R.  Oui. Pour qu'entre ce relief et l'endroit où on se trouve, il n'y ait

 25   pas d'obstacle. Or, le village de Lukare ne se trouve pas sur un relief. Ne

 26   perdez pas cela de vue, je vous prie.

 27   Q.  Vous nous avez déjà dit aujourd'hui, Monsieur, que la rue Lapska se

 28   trouvait sur un terrain plat, n'est-ce pas ?

Page 11656

  1   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit.

  2   Q.  Très bien. Monsieur, de façon plus générale, j'ai remarqué qu'à

  3   plusieurs reprises durant votre déposition, vous avez dit avoir vu quelque

  4   chose se passer mais, par ailleurs, avoir un lien très direct avec ce qui

  5   s'est passé. Donc, votre témoignage est très personnel. Vous évoquez ce que

  6   vous avez vécu, personnellement, et selon ce que vous affirmez ce sont des

  7   Albanais, qui vous ont dit qu'ils partaient en raison des bombardements de

  8   l'OTAN, n'est-ce pas, vous vous rappelez avoir dit cela ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous avez dit, dans votre déposition, que vous étiez en train de

 11   regarder par la fenêtre de chez vous, et que vous avez vu des gens qui se

 12   déplaçaient en convoi important; vous vous rappelez avoir dit cela ?

 13   R.  Je ne me rappelle avoir mentionné le fait que je regardais par la

 14   fenêtre de chez moi, si je l'ai dit, je suppose qu'il y a des

 15   enregistrements audio qui permettent de le vérifier, alors vous avez sans

 16   doute raison mais, en tout cas, je ne me rappelle pas avoir dit que je

 17   regardais par la fenêtre.

 18   Q.  Bien. On peut vérifier, Monsieur, mais, en tout cas, ce qui est certain

 19   c'est que vous avez dit, vous aviez vu de vos yeux des gens qui se

 20   déplaçaient en convoi, n'est-ce pas ?

 21   R.  J'ai dit que je l'avais vu et il est exact que je l'ai vu.

 22   Q.  Vous avez dit que vous aviez personnellement vu et manipulé de vos

 23   mains des projectiles à uranium appauvri, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui. Ça aussi, je l'ai dit.

 25   Q.  Vous avez dit que vous, personnellement, voire vous-même en compagnie

 26   du général Lazarevic avez vu cela les 27 et 28 avril, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, j'ai dit que j'étais avec lui.

 28   Q.  Selon ce dont nous venons de parler, vous avez dit que vous saviez

Page 11657

  1   personnellement que Nazalie Bala ne pouvait pas avoir vu de ses yeux tout

  2   ce qu'elle a décrit dans sa déposition, et vous avez commenté ce fait,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  J'ai dit que, depuis la rue Lapska, depuis le 30 de la rue Lapska et

  5   même depuis toute la rue Lapska, il est impossible de voir le village de

  6   Kojlovica, et ça, je l'ai déjà dit et je répété je ne sais combien de fois,

  7   et c'est exact.

  8   Q.  Très bien, Monsieur. Je soutiens devant vous, Monsieur, qu'en affirmant

  9   tout ce que vous avez affirmé, vous démontrez que vous avez construit votre

 10   déposition de toutes pièces dans le but d'apporter l'aide la plus

 11   importante possible à la Défense sur tous les points abordés dans ces

 12   diverses questions; est-ce que vous êtes d'accord ou pas ?

 13   R.  Pourquoi est-ce que j'aurais réfléchi au point d'agir de cette façon

 14   délibérée. D'une certaine façon ce que vous venez de dire est insultant

 15   pour moi. Je suis venu ici, j'ai dit que j'allais dire la vérité, et je

 16   n'ai dit que la vérité. Dans toutes mes affirmations, je n'ai rien inventé.

 17   J'ai dit ce que j'avais vu et ce que j'avais entendu à l'époque des faits,

 18   et rien de plus.

 19   Q.  Je vous remercie, Monsieur.

 20   M. BEHAR : [interprétation] J'en ai terminé de mes questions.

 21   Q.  Je sais que la Défense a peut-être encore des questions à vous poser.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 23   Maître Djurdjic, à vous.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 25   Juges.

 26   Nouvel interrogatoire par M. Djurdjic : 

 27   Q.  [interprétation] M. Filipovic, mon estimé confrère a insisté à

 28   plusieurs reprises pour affirmer que, depuis la rue Lapska, on pouvait voir

Page 11658

  1   le village de Kojlovica, et un autre village, et vous avez réfuté la

  2   véracité de ses propos. Alors expliquez aux Juges de la Chambre pourquoi il

  3   est impossible de voir les villages de Kojlovica et de Lukare depuis la rue

  4   Lapska ?

  5   R.  Je vais vous l'expliquer. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles

  6   ces deux villages ne peuvent pas être vus. La raison principale c'est qu'il

  7   existe plusieurs obstacles qui empêchent la vue. Sur le plan optique, il

  8   était impossible d'apercevoir ces villages. Par ailleurs, il est indiqué,

  9   dans le texte, que la vue s'étendait depuis une maison qui avait cinq

 10   étages, dont deux étages se trouvaient au sous-sol et deux étages se

 11   trouvaient au-dessus de la surface. Alors deux et deux font quatre, que je

 12   sache. Donc du coup, elle ne pouvait observer tout ceci qu'à partir du

 13   deuxième étage, et non pas du cinquième étage de sa maison. Mais mon point

 14   principal -- ma raison principale c'est qu'il existe plusieurs obstacles

 15   naturels et artificiels qui bloquent la vue.

 16   Q.  Merci. Si vous vous tenez dans la rue Lapska, en vol d'oiseau, quelle

 17   est la distance qui sépare cette rue du village de Kojlovica ?

 18   R.  Je l'ai déjà déclaré je pense qu'il s'agit d'une distance de cinq

 19   kilomètres. Je pense que ça doit être plus ou moins cette distance-là.

 20   Q.  Depuis la rue Lapska jusqu'au village de Lukare, quelle est la distance

 21   qui sépare ces deux endroits, à vol d'oiseau ?

 22   R.  Je ne le saurais précisément. Je me suis dirigé dans les villages de

 23   Kacikovo et de Medvedje pour inspecter l'entrepôt qui s'y trouvait. Je

 24   pense que la distance doit être supérieure à trois kilomètres.

 25   Q.  Merci. Vous êtes officier, et si on pouvait distinguer quelque chose à

 26   une telle distance; serait-il possible de distinguer un char qui se trouve

 27   à une telle distance et de l'identifier ?

 28   R.  Je pense qu'il sera impossible de le faire, même à l'aide des jumelles.

Page 11659

  1   Mais ce n'est pas ça, le point essentiel, ce qui est essentiel c'est qu'il

  2   existe plusieurs obstacles naturels et artificiels qui séparent ces deux

  3   villages et l'endroit à partir duquel cette femme aurait vu les chars.

  4   Voilà, c'est ça l'essentiel.

  5   Q.  Merci.

  6   M. DJURDJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document

  7   P1542, s'il vous plaît. C'est le document que nous venons de voir tout à

  8   l'heure. 

  9   Q.  Monsieur Filipovic, au regard du numéro 2, vous avez inscrit l'endroit

 10   où devait se trouver le village de Dragodan; pourriez-vous nous préciser où

 11   se trouve ici le cimetière ?

 12   R.  Le cimetière se trouve à une altitude plus basse que le village même de

 13   Dragodan. Par rapport au village --

 14   Q.  Excusez-moi de vous interrompre.

 15   M. DJURDJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, serait-il possible pour

 16   le témoin d'apposer des inscriptions sur cette même carte, pour qu'elle

 17   soit versée au dossier par la suite ?

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est faisable. Il faudra voir une

 19   pièce à conviction à part, et, je pense qu'il serait utile de se servir

 20   d'un autre stylo électronique. Donc le meilleur se serait de se servir de

 21   la couleur bleu.

 22   M. DJURDJIC : [interprétation]

 23   Q.  Attendez, Colonel; voyez-vous un stylo bleu ?

 24   R.  Je ne vois qu'un seul stylo. Je ne sais pas de quelle couleur il est.

 25   Q.  Merci. Puis apposez, s'il vous plaît, voilà, le numéro 6, s'il vous

 26   plaît.

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   Q.  Merci.

Page 11660

  1   Je vais à présent vous donner lecture d'une partie de la déclaration

  2   préalable de Mme Bala, cela figure à la ligne 12, page 2 341, donc lignes

  3   12 à 17 :

  4   "Lorsque je regardais de mon balcon dans la direction de Dragodan, je

  5   regardais la zone où se trouvait le cimetière et je pouvais voir les forces

  6   armées se déplacer à bord des véhicules blindés et de chars."

  7   Donc si la lettre A représente l'endroit où se trouvait cette maison

  8   dans la rue Lapska, quels sont les obstacles qui bloquent la vue vers le

  9   cimetière ?

 10   R.  Il y a plusieurs obstacles naturels et artificiels qui séparent sa

 11   maison dans la rue Lapska et l'endroit où se trouve le cimetière orthodoxe

 12   de Pristina.

 13   M. DJURDJIC : [interprétation] Peut-on afficher à présent la pièce D50,

 14   s'il vous plaît ?

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'imagine que vous souhaitez verser au

 16   dossier cette carte.

 17   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Justement c'est

 18   la raison pour laquelle nous avons apposé toutes ces inscriptions.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Juge, ce sera la pièce

 21   D00719.

 22   M. DJURDJIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Filipovic, voyez-vous l'endroit où est inscrit le chiffre 1 ?

 24   R.  Oui, je le vois.

 25   Q.  Est-ce que ce chiffre montre où se trouve la rue Lapska ?

 26   R.  Malheureusement, non, la rue Lapska ne se trouve pas à cet endroit-là.

 27   Q.  Merci. Au vu des localités qui ont été signalées sur cette carte à

 28   partir de l'endroit où se trouve inscrite la rue Lapska dans cette carte

Page 11661

  1   peut-on voir le cimetière ?

  2   R.  Cela ne change rien du tout. On ne peut pas voir le cimetière orthodoxe

  3   à partir de l'endroit qui est inscrit ici ou à partir de l'endroit où la

  4   rue Lapska se trouve réellement. Cela ne change rien du tout.

  5   Q.  Merci. Suite à une question qu'avait posé par le Président, le Juge

  6   Parker, le témoin a inscrit l'endroit où devait se trouver la gare. Donc

  7   pourriez-vous me dire où se trouve exactement la gare où elle devrait se

  8   trouver sur cette carte ?

  9   M. BEHAR : [interprétation] J'ai une objection à soulever, Monsieur le

 10   Juge.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas là que se trouvait la gare.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar.

 13   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Juge, je pense que ceci

 14   n'appartient pas -- que ces sujets ne doivent pas être soulevés lors des

 15   questions supplémentaires. Je pense qu'elles auraient dû plutôt être posées

 16   dans le cadre de l'interrogatoire principal.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Comme ceci concerne les obstacles qui

 18   bloquent la vue je vais permettre à Me Djurdjic de poursuivre avec ses

 19   questions.

 20   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire, en consultant cette carte, où devrait se

 22   trouver la gare ?

 23   R.  Là, où se trouve apposer le chiffre 4, ce n'est pas l'endroit où se

 24   trouve la gare de Pristina, plutôt, la gare se trouve ailleurs au sud-ouest

 25   de l'endroit marqué sur la carte. Avec votre permission, je veux bien vous

 26   montrer, vous indiquer sur cette carte où se trouve la gare exactement.

 27   Q.  Permettez-moi de préciser un point avant cela. Lorsqu'on se déplace

 28   vers le sud-ouest par rapport à ce cercle --

Page 11662

  1   R.  Je peux tracer un cercle autour de la gare si vous le permettez.

  2   Q.  Allez-y.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais que vous vous serviez d'un

  4   stylet bleu, s'il vous plaît.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce bien ceci ?

  6   M. DJURDJIC : [interprétation]

  7   Q.  Merci. Je pense que nous nous sommes servis du chiffre 4 déjà, donc il

  8   nous faut le chiffre 5, s'il vous plaît.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Monsieur Filipovic, vous avez marqué l'endroit où l'on voit des

 11   installations; alors depuis la rue Lapska, peut-on voir le cimetière au vu

 12   de la configuration du terrain ?

 13   R.  Il est impossible de voir le cimetière à cause des obstacles naturels

 14   et artificiels qui bloquent la vue. Cela vaut tout particulièrement pour la

 15   partie qui est annotée par le biais du chiffre 4, là où se trouvait un pont

 16   qui bloquait la vue, et c'est le pont que Bala empruntait tous les jours

 17   pour se rendre à son poste à Dragodan.

 18   Q.  Merci. Je souhaite désormais vous poser quelques questions sur le

 19   village de Vranjevac.

 20   M. DJURDJIC : [interprétation] Est-il possible d'afficher la pièce D717,

 21   plutôt de préférence c'est la cote D001-2339 ?

 22   Quant au document précédent, je souhaite demander son versement au

 23   dossier.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Juge, ce sera la

 26   pièce D00720.

 27   M. DJURDJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on agrandisse la partie qui

 28   se trouve en haut de cette carte. Voilà. Maintenant, si vous pouvez faire

Page 11663

  1   défiler la page vers le bas. Merci.

  2   Q.  Monsieur Filipovic, peut-on voir le village de Vranjevac dans sa

  3   totalité, ou faut-il faire défiler la carte vers le bas ?

  4   R.  On peut voir l'essentiel du village, mais si on faisait défiler vers le

  5   bas, le document ce serait utile.

  6   M. DJURDJIC : [interprétation] Faites descendre le document, s'il vous

  7   plaît, encore un petit peu. Voilà. Très bien.

  8   Q.  Je pense qu'à présent, nous pouvons voir l'essentiel de Vranjevac ?

  9   R.  Oui, pour la plus grande part.

 10   Q.  La première question que je souhaite vous poser est la suivante, et je

 11   vais essayer de ne pas la formuler d'une façon directrice. Nous voyons

 12   qu'un chemin de fer sépare cette carte en deux et qu'il mène du nord vers

 13   le sud. Ce chemin de fer représente-t-il la limite de la région de

 14   Vranjevac ?

 15   R.  Oui. Ce chemin de fer délimite Vranjevac, il mène de Pristina via

 16   Podujevo à Kursumlja, et puis plus loin.

 17   Q.  Merci. Maintenant, servez-vous de votre stylet et montrez-nous quelles

 18   sont les frontières de Vranjevac, s'il vous plaît. Et puis aussi, si vous

 19   pouvez nous dessiner la frontière vers le nord-ouest, s'il vous plaît.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Monsieur Filipovic, veuillez maintenant apposer le chiffre 1 à côté de

 22   cette zone. Veuillez l'inscrire juste à côté, pour qu'on sache ce que cette

 23   ligne bleue signifie.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Monsieur Filipovic, le village de Vranjevac se trouve-t-il sur une

 26   colline dans sa totalité ?

 27   R.  Oui, il se trouve sur une colline, mais aussi il s'étend dans un espace

 28   plat à côté du chemin de fer.

Page 11664

  1   Q.  Pourriez-vous nous préciser où se trouve le sommet de cette colline de

  2   Vranjevac ?

  3   R.  Un peu plus vers le nord.

  4   Q.  Plus haut que ce que l'on voit maintenant ?

  5   R.  Au bout de cette carte, vers le bout de cette carte se trouve le

  6   sommet, près de l'ancien marché du bétail.

  7   Q.  Merci, merci. Depuis la rue Lapska jusqu'au sommet de la colline,

  8   quelle est la distance ?

  9   R.  A vol d'oiseau, je pense qu'il y a plus de 2 kilomètres.

 10   Q.  Merci. Pourriez maintenant nous montrer où se trouve la rue Lapska, en

 11   gardant tout ce que l'on vient de dire à l'esprit ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et inscrivez le chiffre 2, s'il vous plaît, à côté.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  Vous avez expliqué qu'une caserne existait et qu'elle avait été

 16   déménagée avant le début de la guerre. Cette caserne se trouvait dans cette

 17   partie montagneuse ou bien ailleurs ?

 18   R.  La caserne se trouvait dans un terrain plat, sur la route qui va de

 19   Pristina vers Kosovo Polje. C'est l'ancienne rue de Lenjinova. Donc, à côté

 20   du chemin de fer Kosovo-Pristina se trouvait cette caserne, et elle s'y

 21   trouve, par ailleurs, aujourd'hui.

 22   Q.  Merci. Est-ce que cela a quelque chose à voir avec la partie de

 23   Vranjevac qui se trouve sur le versant de la colline ?

 24   R.  Non, rien à voir.

 25   Q.  Merci. Le pont ferroviaire, pourriez-vous nous marquer l'endroit où il

 26   se trouve ?

 27   R.  Oui, je le vois, et je peux l'inscrire sur cette carte. Donc, j'ai

 28   tracé un cercle autour du pont ferroviaire à Vranjevac, et j'ai apposé le

Page 11665

  1   chiffre 3 à côté.

  2   Q.  Depuis le début jusqu'à la fin de la guerre, avez-vous vu un véhicule

  3   blindé sur ce pont ferroviaire, ou un char ?

  4   R.  Aucuns chars, aucuns véhicules blindés n'ont été positionnés sur ce

  5   pont ferroviaire, et je l'ai déjà expliqué.

  6   Q.  Merci, merci. Contentez-vous de répondre aux questions que je vous

  7   pose, s'il vous plaît.

  8   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  9   je souhaite demander le versement au dossier de cette carte, s'il vous

 10   plaît.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Le document est admis.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Juge, ce sera la pièce

 13   D00721.

 14   M. DJURDJIC : [interprétation]

 15   Q.  Mon estimé confrère vous a posé une série de questions concernant le

 16   terme de "Siptar" utilisé pour désigner les Albanais. Alors, moi,

 17   personnellement, pour désigner les Albanais, je me sers du terme

 18   "Albanais", mais de quelle manière vous adressiez-vous aux Albanais, depuis

 19   toujours ?

 20   R.  Je me suis toujours adressé à eux en les appelant Siptar, c'est ce qui

 21   figurait dans mes manuels scolaires, et j'avais des professeurs siptar.

 22   Q.  Les écoles, dites-moi, étaient-elles mixtes ?

 23   R.  Oui, concrètement, mon école primaire était une école mixte. Nous

 24   avions quatre classes siptar, quatre classes en serbe et une classe turque,

 25   et ceci s'est produit en 1967.

 26   Q.  Merci, merci.

 27   M. DJURDJIC : [interprétation] Peut-on afficher à présent la pièce P896,

 28   s'il vous plaît.

Page 11666

  1   Q.  Monsieur Filipovic, le document que nous avons sous les yeux est un

  2   ordre émanant du commandement du district militaire du 27 mars 1999, le

  3   document vous a déjà été présenté lors du contre-interrogatoire. La

  4   question que je souhaite vous poser est la suivante : les unités du

  5   district militaire avaient-elles des véhicules blindés à leur disposition ?

  6   R.  La formation connue sous le nom du district militaire de Pristina

  7   n'avait pas un seul véhicule blindé à sa disposition. C'est quelque chose

  8   qu'on peut établir facilement en consultant ses registres et, par ailleurs,

  9   tout le monde le sait. Donc, cette unité n'avait pas un seul véhicule

 10   blindé.

 11   Q.  Merci. Mon estimé confrère a indiqué que cet ordre permet de constater

 12   qu'il fallait assurer la sécurité des routes. Or, pouvez-vous me dire de

 13   quelle façon ces détachements procédaient à assurer la sécurité des routes

 14   ?

 15   R.  Ces unités étaient chargées d'assurer la sécurité en profondeur des

 16   installations ou des routes. Ils le faisaient de la façon suivante : Ils

 17   étaient déployés à une certaine distance par rapport à des installations ou

 18   à des routes données, et leur présence même rendait les attaques des forces

 19   terroristes siptar impossibles. Par ailleurs, il était indispensable pour

 20   eux d'être déployés à distance à cause des frappes aériennes des avions de

 21   l'OTAN, parce que si les unités étaient déployées directement sur les

 22   routes, alors elles auraient été la cible de ces frappes.

 23   Q.  Merci. Est-ce que leurs déploiements avaient quoi que ce soit à voir

 24   avec la circulation qui se déroulait sur les routes ?

 25   R.  Non, ils n'y avaient rien à voir avec la circulation. Cela ne faisait

 26   pas partie de leurs compétences. Ce sont les unités de police qui étaient

 27   compétentes pour vérifier l'identité des personnes qui circulaient, et lors

 28   de ces procédures, un grand nombre de policiers ont trouvé la mort par

Page 11667

  1   suite des actions engagées par les terroristes.

  2   Q.  Merci.

  3   M. DJURDJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce P982,

  4   s'il vous plaît. Ou plutôt, excusez-moi, 928, s'il vous plaît.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Et puis, je me demande s'il est possible

  6   d'afficher de nouveau la carte. D001-2339. Est-il possible d'agrandir cette

  7   carte un petit peu, s'il vous plaît. Voilà.

  8   Q.  Pouvez-vous vous orienter sur cette carte ?

  9   R.  Je crois que oui.

 10   M. DJURDJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, dans ce petit carré,

 11   nous voyons la ville de Pristina et les alentours.

 12   Q.  Je vais donner lecture du paragraphe 2 dans le document dont je viens

 13   de demander l'affichage. Cela concerne la 15e Brigade armée. Dans la suite

 14   du texte, je lis : 

 15    "Une partie des forces doivent être déployées et prêtes à s'engager dans

 16   des activités d'anti-sabotage dans le plateau de Kosovo, village d'Obilic,

 17   de Goles et de Gracanica."

 18   Alors, pourriez-vous tracer un cercle autour de ces trois villages :

 19   Obilic, Gracanica et Goles ?

 20   R.  J'appose le chiffre 1 à côté du village de Gracanica; le village

 21   d'Obilic, numéro 2; et puis finalement, le village de Goles, je n'arrive

 22   pas à le retrouver sur la carte, mais il devrait se trouver à peu près ici,

 23   et j'appose le chiffre 3 à cet endroit. Donc, le chiffre 3, c'est le

 24   village de Goles. La carte n'est pas très lisible, mais Goles se trouve

 25   approximativement dans ce secteur-là. 

 26   Q.  Donc, au numéro 2, la zone qui correspond au numéro 2, il s'agit de la

 27   zone de Pristina, c'est là que les forces devaient être prêtes, sur le qui-

 28   vive pour combattre les activités anti-sabotage, à partir donc de cette

Page 11668

  1   élévation, et vous nous avez décrit ces trois points -- ou plutôt, ces

  2   trois lieux, ce sont les trois lieux qui étaient défendus.

  3   Alors, est-ce que vous pourriez dessiner une ligne pour nous indiquer ce

  4   que vous entendez par la "zone générale de Pristina ?"

  5   R.  Alors, voilà. La zone générale de Pristina, cela signifie qu'elle se

  6   trouve à l'extérieur de ceci. Je vais essayer de vous l'expliquer en

  7   mettant un cercle. Voilà, voilà. Tout ce qui se trouve à l'extérieur de

  8   cette ligne, de ce cercle, correspond au grand Pristina ou à la zone, à la

  9   région autour de Pristina.

 10   Q.  Est-ce que vous pourriez mettre le chiffre 4 ?

 11   R.  Oui. Donc, j'appose le chiffre 4 pour montrer quelle est cette zone

 12   autour de Pristina.

 13   Q.  Alors, à propos de ce cercle que vous avez dessiné, j'aimerais savoir

 14   où se trouve la zone frontalière par rapport à ce cercle. Est-ce que vous

 15   pouvez nous indiquer où se trouve la zone générale de Pristina ?

 16   R.  Par rapport au cercle, cette zone générale se trouve à l'extérieur du

 17   cercle.

 18   Q.  Je vous remercie.

 19   M. DJURDJIC : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

 20   de ce document.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera fait.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00722.

 23   M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce

 24   P928. C'est le paragraphe 4 qui m'intéresse, page 5 de la version anglaise,

 25   page 2 pour la version B/C/S. Est-ce que le bas de la page pourrait être

 26   affiché, je vous prie.

 27   Q.  Pourriez-vous lire le paragraphe 4 en votre for intérieur, Monsieur

 28   Filipovic, et j'aimerais avoir vos observations lorsque vous l'aurez lu.

Page 11669

  1   Non, non, mais vous le lisez pour vous-même, en votre for intérieur. Merci.

  2   R.  Je l'ai lu, ça y est.

  3   Q.  Alors, qu'avez-vous à nous dire à propos de ce paragraphe 4 ? Qu'est-ce

  4   qu'il signifie, ce paragraphe ?

  5   R.  A mon avis, c'est un paragraphe qui est très clair, à savoir il est

  6   indiqué que dans toutes les garnisons et dans tous les postes de garnison,

  7   ainsi que dans les zones de déploiement, essentiellement, et dans les zones

  8   de responsabilité, de façon coordonnée avec les forces du MUP, les organes

  9   judiciaires ainsi que les organes d'enquêtes militaires et les unités

 10   territoriales militaires doivent assurer le contrôle du territoire, le

 11   fonctionnement de l'autorité, doivent empêcher le pillage, les vols, et

 12   toutes autres formes de crimes, doivent protéger la population civile des

 13   vols et cambriolages, et doivent faire en sorte que l'ordre public règne.

 14   C'est une tâche qui est déterminée de façon très, très claire. La formule

 15   est peut-être un peu générale mais c'est très clair, et c'est ce qui a été

 16   fait pendant toute l'agression, sans oublier les difficultés provoquées par

 17   les activités des terroristes siptar et des forces de l'OTAN.

 18   Q.  Dites-moi s'il y a des activités de combat qui sont mentionnées dans ce

 19   paragraphe 4 ?

 20   R.  Non, non. Il s'agit des tâches génériques, dont le but est de contrôler

 21   le territoire, d'assurer le fonctionnement d'un système de gouvernement, la

 22   protection de la population civile, et c'est justement ce qu'a fait le MUP

 23   avec les unités militaires, et ce, de façon honorable et tout à fait digne

 24   pendant toute l'agression.

 25   Q.  Je vous remercie.

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Je souhaiterais demander l'affichage de la

 27   page 3 de la version serbe.

 28   Q.  Est-ce que vous pourriez lire en votre for intérieur le premier

Page 11670

  1   paragraphe de cette page.

  2   R.  Oui, tout à fait. Je l'ai lu.

  3   Q.  Merci. Alors, dans un premier temps, que sont des garnisons et des

  4   postes de garnison ?

  5   R.  Conformément à la législation en -- si vos services des forces armées

  6   en Yougoslavie, il y avait des garnisons et des postes de garnison, il y

  7   avait ce classement en fait qui était établi, et nous pouvons voir que la

  8   police militaire était censée être partie prenante également.

  9   J'ai oublié de dire il y a quelques minutes qu'il fallait également

 10   qu'ils protègent les routes, il y avait les contrôles à effecteur, et la

 11   police militaire avait également ses propres tâches. Donc ils coopéraient

 12   dans ce domaine, et faisaient en sorte que la circulation routière puisse

 13   ne pas être entravée et ils procédaient à des contrôles également.

 14   Q.  Une question de plus. Vous étiez le commandant provisoire de la

 15   garnison de Pristina pendant la guerre. Il y a une autre chose qui

 16   m'intéresse. La zone de responsabilité d'une unité, c'est une chose, et là

 17   je fais référence à la brigade, et puis il y a également le lieu où elle se

 18   trouve, et ça c'est quelque chose de différent. J'aimerais savoir s'il y

 19   avait une compagnie de la police militaire dans chaque brigade ?

 20   R.  Oui. Pour les unités qui étaient au niveau de la brigade ainsi qu'au

 21   niveau du régiment d'ailleurs, me semble-t-il, il y avait des Unités de la

 22   Police militaire, qui avaient des tâches bien précises, notamment pendant

 23   l'agression. Il fallait qu'elles fassent régner l'ordre public, qu'elles

 24   assurent la sécurité des commandants, qu'elles contrôlent la circulation

 25   routière, qu'elles assurent la sécurité du poste de commandement avancé et

 26   qu'elles exécutent les tâches conformément aux règles de service. La police

 27   militaire était également censée préserver les lieux de crime, ils étaient

 28   censés participer également à l'enquête des crimes, et cetera, et cetera.

Page 11671

  1   Q.  Merci. Pour ce qui est de ces tâches, j'aimerais savoir plutôt si les

  2   Unités de la Police militaire avaient des activités de combat ?

  3   R.  Non, je pense, non, non, elles ne participaient à des activités de

  4   combat. Elles ne faisaient que les tâches auxquelles j'ai fait référence,

  5   elles le faisaient tous les jours, et d'ailleurs, dans ce secteur il n'y a

  6   absolument eu aucun abus.

  7   Q.  Merci. Dans votre garnison pendant la guerre à Pristina, est-ce que la

  8   police militaire a effectué ces fonctions que vous avez mentionnées ?

  9   R.  Oui, tout à fait, et il faut savoir également qu'il s'agissait

 10   essentiellement du 52e Bataillon de la Police militaire qui était déployé

 11   dans la zone large autour de Pristina, à l'extérieur du centre de Pristina.

 12   Ils faisaient cela, cela était également effectué par la 15e Brigade, par

 13   la 243e Brigade, et d'autres unités qui se trouvaient également de notre

 14   côté.

 15   Q.  Je vous remercie, Monsieur Filipovic. Alors je vais vous expliquer

 16   maintenant ce que j'aimerais savoir : Pendant la guerre, outre M. Demaqi

 17   que vous avez mentionné, avez-vous vu peut-être à Pristina, par exemple,

 18   d'autres chefs du mouvement séparatiste albanais ?

 19   R.  Oui, tout à fait. Ils étaient nombreux. J'ai déjà mentionné à Adem

 20   Demaqi. Il y avait Vetun Surroi et beaucoup d'autres également qui

 21   souhaitaient que le Kosovo devienne une république. Il y avait également

 22   des personnes qui avaient été emprisonnées, incarcérées pour des actes de

 23   terrorisme et qui, à la sortie de la prison, vivaient sans aucun problème à

 24   Pristina ou ailleurs. Donc ils pouvaient tout à fait déambuler dans la

 25   ville sans aucun problème. Et je parle des membres siptar.

 26   Q.  Mon estimé confrère vous a posé une question à propos du village de

 27   Gracanica et de son fonctionnement pendant la guerre. Et qu'en est-il

 28   d'Ajvalija ?

Page 11672

  1   R.  Ajvalija se trouve sur l'axe routier entre Pristina et Gracanica. Quand

  2   on arrive vers Gracanica, il faut tourner vers l'est et quitter la route

  3   principale.

  4   Q.  Merci. Quelle était l'appartenance ethnique de ce village ?

  5   R.  Moi, j'y ai suivi des cours pendant deux ans pour des cours d'école

  6   élémentaire, et pendant l'agression à Ajvalija, il y avait 4 000 Siptar, et

  7   entre 200 et 300 Serbes.

  8   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes allé à Ajvalija pendant la guerre ?

  9   R.  Oui. Il faut savoir que là-bas la population vivait essentiellement de

 10   façon harmonieuse. Il n'y avait pas de problèmes, il n'y avait pas de

 11   litiges. Il y avait moult exemples qui pourraient être utilisés pour

 12   illustrer la cohabitation des deux groupes ethniques. Je me souviens, par

 13   exemple, des familles Mitic et Josic qui avaient aidé les Siptars, et vice

 14   versa d'ailleurs. Ils avaient l'habitude de faire leurs courses dans le

 15   magasin de la famille Vitija ainsi que dans les magasins de la famille

 16   Drela et Vitija. Voilà. Voilà comment se déroulait la vie à Ajvalija, et

 17   l'église, elle n'a jamais cessé de fonctionner.

 18   Q.  Est-ce que vous êtes allé à Maticane pendant la guerre ?

 19   R.  Oui, je suis allé dans la zone de Maticane, et à Maticani à proprement

 20   parler. C'est un quartier qui est assez imposant à la périphérie de

 21   Pristina.

 22   Q.  Quelle était l'appartenance ethnique de ce quartier, de cette localité

 23   ?

 24   R.  Il n'y avait qu'une trentaine de Serbes, des familles Vasic, Simic, et

 25   Kostic. Les autres 4 000 à 5000 habitants étaient des Siptar.

 26   Q.  Pendant la guerre, si tant est que vous le sachiez, est-ce qu'il y a

 27   des Serbes qui sont partis, ou est-ce que quelqu'un est parti du village de

 28   Maticane ?

Page 11673

  1   R.  Oui, les familles Kostic, Simic, et Vasic. Il y en a beaucoup qui se

  2   retrouvait avec la gorge tranchée. Il y avait beaucoup de gens qui ont

  3   également été enlevés à Maticane. Les Serbes sont partis alors que les

  4   terroristes notoires sont restés à Maticane. Je peux vous en donner la

  5   liste d'ailleurs.

  6   Q.  Je vous remercie. Alors j'aimerais vous poser une autre question. Est-

  7   ce que vous savez s'il y a des Albanais qui ont été déplacés de Maticane

  8   pendant la guerre ?

  9   R.  Il y a certains Albanais qui sont partis de Maticane, mais la plupart

 10   est restée. Il y a même eu deux groupes de faction terroristes qui se sont

 11   affrontés à Maticane, ce qui d'ailleurs s'est soldé par la mort de deux

 12   d'entre eux. Et aujourd'hui dans le cimetière vous trouverez leurs tombes.

 13   Q.  Est-ce que vous êtes allé à Kisnica pendant la guerre ?

 14   R.  Oui, plusieurs fois, notamment lorsque le commandement du corps a été

 15   déployé dans la zone élargie autour de Pristina. Alors je sais qu'il y

 16   avait essentiellement des Siptar là-bas ainsi que quelques familles serbes.

 17   La mine de Kisnica a fonctionné sans aucun problème et les salariés, de

 18   toute façon, devaient respecter leurs obligations en matière de travail,

 19   donc ce qui fait que les Serbes et les Siptars se rendaient au travail. Il

 20   y avait beaucoup de Siptar d'ailleurs qui se rendaient à leur travail

 21   régulièrement. Voilà ce que je peux vous dire à propos de Kisnica.

 22   Q.  Je vous remercie, Colonel Filipovic. Je n'ai plus de questions à vous

 23   poser.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges, j'en ai terminé

 25   avec mes questions supplémentaires.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Djurdjic.

 27   Questions de la Cour : 

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais vous poser une question,

Page 11674

  1   Monsieur, à propos des obstacles que vous avez mentionnés, les obstacles

  2   naturels ainsi que les obstacles érigés par l'homme entre la rue Lapska et

  3   le cimetière. Alors vous avez parlé d'obstacles, vous avez dit qu'il y en

  4   avait qui avaient construits, d'autres qui étaient naturels, est-ce que

  5   vous pourriez décrire de façon plus détaillée, je vous prie ?

  6   R.  Oui, je peux vous les décrire. Entre la rue Lapska et le cimetière

  7   orthodoxe, je peux vous décrire plusieurs obstacles même si je suis parti

  8   de la région il y a assez longtemps. Alors nous allons commencer par les

  9   immeubles qui ont été construits. Vous avez, par exemple, le bâtiment de la

 10   banque d'investissement qui se trouve près de la municipalité. Ensuite,

 11   vous avez le [imperceptible] qui se trouve à côté de l'immeuble de

 12   l'assemblée municipale, puis vous avez l'immeuble de l'assemblée

 13   municipale. Ensuite, vous avez le bâtiment qui se trouve dans l'ancienne

 14   rue de la JNA qui s'appelle maintenant la rue Kralja Milutina, et là, il y

 15   a, par exemple, l'immeuble de gestion  de la direction de la mine Kisnica,

 16   qui se trouve près du numéro 46, où j'ai suivi les cours de l'Académie

 17   militaire. Un autre bâtiment qui se trouve près de la rue Marko Isik, qui a

 18   cinq, six, voire sept étages. Il y a également un autre immeuble près du

 19   cinéma Omladina. Puis il y a des bâtiments qui se trouvent près de

 20   l'ancienne banque Ljubljanaska, et près du centre où se trouvait William

 21   Walker. Là, nous parlons d'un immeuble de quelque huit à neuf étages. Donc,

 22   il s'agit d'autant d'obstacles qui se trouvent sur le chemin allant au

 23   cimetière orthodoxe. La rue Lapska et le cimetière orthodoxe se trouvent à

 24   la même altitude. Alors, ces obstacles empêchaient toute visibilité.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Qu'en est-il des obstacles naturels

 26   dans cette direction ?

 27   R.  Pour ce qui est des obstacles naturels, il y a une partie qui est

 28   proche de la ligne ferroviaire qui est en surplomb par rapport à la sur

Page 11675

  1   Lapska et par rapport au cimetière orthodoxe. Alors, je ne sais pas quelle

  2   est l'altitude en question mais je sais que c'est plus haut. Etant donné

  3   que Pristina se trouve à une altitude de 570 mètres au-dessus du niveau de

  4   la mer, quoique cela fluctue entre 520 et 650 mètres.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais maintenant que vous

  6   m'indiquiez quels sont les obstacles qui se trouvent entre la rue Lapska et

  7   Lukare. Vous avez dit qu'il y avait à la fois des obstacles construits,

  8   donc, et des obstacles naturels.

  9   R.  Oui, il y a des obstacles naturels et des obstacles qui ont été

 10   construits, mais il y en a beaucoup plus, en fait, qui sont naturels. Il y

 11   a, par exemple, des arbres qui sont très grands, et il ne faut pas oublier

 12   la configuration du terrain. Toutefois, il y a également des obstacles

 13   construits.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Un petit moment,

 15   parce que j'aimerais vous poser une autre question. Ce matin -- j'aimerais

 16   en fait que nous nous penchions sur la ligne 12 de la page 21. Ce sont vos

 17   propos. Voilà ce que vous avez dit. Vous avez dit :

 18   "Je pense que c'était à Brnjica, bien que dans la zone Grmija, on a trouvé

 19   ce type de pièce."

 20   Donc, vous parlez de -- vous dites :

 21   "Nous avons rassemblé ces pièces" - et vous avez dit - "Je voulais

 22   même, d'ailleurs, vous présenter une liste de ces pièces."

 23   Je dois vous dire que je ne comprends pas votre dernière phrase, dans ce

 24   contexte; est-ce que vous pourriez nous fournir de plus amples détails à ce

 25   sujet ?

 26   R.  Ecoutez, je pensais essentiellement à différentes parties de missiles,

 27   différentes pièces. Il y avait donc des pièces -- des bombes à

 28   fragmentation, il y avait des pièces de projectile qui étaient -- avec de

Page 11676

  1   l'uranium appauvri, il y avait des pièces de Tomahawk --

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, vous n'avez peut-être pas

  3   compris ma question. Vous dites, et cela est consigné au compte rendu

  4   d'audience :

  5   "Je voulais même vous donner une liste de ces pièces."

  6   Qu'est-ce que cela signifie ? Que vous vouliez nous parler d'une liste de

  7   ces pièces, ou -- qu'est-ce que vous entendiez exactement ?

  8   R.  Ah, vous avez raison. Je voulais les énumérer, ces pièces, voilà ce que

  9   j'entendais lorsque je parlais de liste. D'ailleurs, je l'ai déjà fait, en

 10   partie.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il se peut que vous me soyez d'un

 13   secours utile à propos d'un élément.

 14   J'aimerais que la pièce D722 soit affichée à l'écran.

 15   Vous vous souvenez que cette carte de la zone de Pristina vous a été

 16   montrée, et vous avez indiqué trois lieux : Granicica, Golic et Obilic.

 17   Puis vous avez dessiné le chiffre -- enfin, vous avez apposé le chiffre 4

 18   et vous avez dit qu'à l'extérieur de ce cercle, se trouvait le Grand-

 19   Pristina, la zone autour de Pristina. Pourquoi est-ce que vous avez décidé

 20   -- ou comment avez-vous décidé que la zone générale de Pristina se trouvait

 21   à l'extérieur du cercle que vous avez dessiné ?

 22   R.  [hors micro]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous répéter, parce que les

 24   microphones n'étaient pas branchés ?

 25   R.  Lorsque j'ai fait ce cercle, je pensais à la partie urbaine de

 26   Pristina, la zone où se trouvent les immeubles ainsi que le territoire de

 27   la municipalité de Pristina. Le cercle ne représente pas le territoire de

 28   la municipalité, qui est beaucoup plus vaste. Cela nous donne un diamètre

Page 11677

  1   de 50 kilomètres, qui va du nord-est de Kobila et Kacikovski [phon]

  2   jusqu'au sud. Vous avez la limite municipale avec la municipalité de

  3   Lipljan et la municipalité de Kosovo Polje et d'Obilic. Donc, j'ai fait ce

  4   cercle en pensant qu'il s'agissait de la zone générale de Pristina.

  5   Toutefois, la municipalité de Pristina recouvre une surface beaucoup plus

  6   importante à l'extérieur, d'ailleurs, de ce cercle que j'ai dessiné.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc, cela correspond donc à votre

  8   description de ce qui pourrait être considéré comme la zone élargie de

  9   Pristina, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, plus ou moins. Mais de toute façon, personne n'a jamais déterminé

 11   de façon exacte les limites. En règle générale, on pense que la zone

 12   élargie est tout ce qui se trouve à l'extérieur de la zone urbaine -- la

 13   zone construite de la ville à proprement parler.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais la zone que vous avez autour de

 15   laquelle vous avez fait un cercle est beaucoup plus large que la zone

 16   urbaine, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, oui, c'est plus large.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Nous souhaiterions

 19   vous remercier d'être venu, d'être revenu en fait à La Haye. Nous vous

 20   remercions de l'aide que vous nous avez apportée, et vous pouvez, bien

 21   entendu, reprendre le cours de vos activités normales, et notre huissier va

 22   vous escorter hors du prétoire.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, merci beaucoup à tous.

 24   [Le témoin se retire]

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il est un peu tard, peut-

 26   être, Maître Djurdjic pour faire venir dans le prétoire votre témoin

 27   suivant. Nous aimerions attirer votre attention, une fois de plus, sur les

 28   progrès très lents effectués. Je pense que ce témoin était le 13e témoin à

Page 11678

  1   décharge, qui a maintenant été entendu, et cela sur une période de quatre

  2   semaines. Bien entendu, je fais abstraction des éléments de preuve apportés

  3   par l'accusé. Nous avions remarqué que lorsque vous avez présenté votre

  4   première estimation, vous aviez dit que vous auriez peut-être besoin

  5   d'avoir jusqu'à la fin du mois de mai, et il y avait un temps qui avait été

  6   imparti pour chacun des témoins. Vous avez maintenant fourni une estimation

  7   révisée qui est beaucoup plus longue, pour ne pas dire le double de ce qui

  8   avait été envisagé au début, et c'est un peu la tendance que nous avons pu

  9   constater jusqu'à présent.

 10   Alors je dois vous dire que très heureusement, en règle générale,

 11   l'Accusation procède à des contre-interrogatoires qui sont plutôt brefs,

 12   mais si l'Accusation prenait autant de temps que vous et vos confrères, et

 13   je pense à vos interrogatoires principaux et à vos questions

 14   supplémentaires, là, les progrès effectués seraient lamentablement très,

 15   très lents. Alors vous avez indiqué que cinq témoins qui figuraient sur

 16   votre liste d'origine ne vont pas être convoqués, certes. Mais même compte

 17   tenu de cet élément, nous avons pris du retard par rapport au calendrier

 18   qui avait été déterminé au départ.

 19   Alors cela ne peut pas se poursuivre ainsi, parce que si nous

 20   poursuivons de la sorte, nous devrons entendre les témoins en juin et en

 21   juillet, et cela ne va dans l'intérêt de personne. Nous avons constaté que

 22   vous semblez traiter de nombreux éléments qui ne sont pas véritablement

 23   essentiels dans cette affaire, et par conséquent les interrogatoires

 24   principaux pourraient être beaucoup moins longs si vous vous concentriez

 25   sur les allégations qui figurent dans l'acte d'accusation, et si vous

 26   focalisiez vos éléments de preuve sur ces allégations. Cela est d'autant

 27   plus vrai lorsqu'il s'agit de témoins qui sont des témoins au titre de

 28   l'article 92 ter. Là, la tendance a été très claire, les témoins ont

Page 11679

  1   présenté de nombreux moyens de preuve qui avaient déjà été versés au

  2   dossier, grâce au compte rendu d'audience ou grâce à leur déclaration. Donc

  3   c'est une façon en quelque sorte de rabâcher les moyens de preuve.

  4   Alors cela bien entendu, je l'adresse à vous-même, à Me Djordjevic, à

  5   Me Popovic, et ce n'est pas la première fois que je m'exprime de la sorte.

  6   Je l'ai déjà dit plusieurs fois, et je n'ai pas l'impression qu'il y ait de

  7   grandes modifications, et que vous alliez plus vite. Alors est-ce que vous

  8   pourriez peut-être nous donner quelques mots d'encouragement en ce moment,

  9   Maître Djurdjic, et je pense à la durée des interrogatoires principaux et

 10   des questions supplémentaires. J'aimerais vous dire que si nous ne

 11   constatons pas une modification importante, la Chambre devra alors

 12   envisager de vous imposer des limites tout à fait arbitraires et, bien

 13   entendu, c'est quelque chose que nous évitons de faire pour justement vous

 14   donner la possibilité de présenter vos moyens de preuve de la meilleure

 15   façon possible.

 16   Alors je vais m'interrompre afin de voir si vous êtes en mesure de me

 17   dire quoi que ce soit à ce sujet, Maître Djurdjic.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je dois le souligner de

 19   nouveau, la Défense est très satisfaite de la manière dont les Juges de la

 20   Chambre mènent ce procès sans appliquer des restrictions que nous avons

 21   vues s'appliquer dans d'autres procès. Au vu de notre inexpérience, il nous

 22   a été impossible d'estimer le temps nécessaire pour l'audition d'un certain

 23   nombre de témoins, comme il aurait fallu le faire. Ceci est dû a notre

 24   manque d'expérience, et aussi au fait que nous souhaitions éclaircir un

 25   certain nombre de sujets qui figurent dans l'acte d'accusation, et n'ont

 26   pas été suffisamment élucidés jusqu'à présent.

 27   Mais je vous assure que la présentation des moyens à décharge prendra

 28   beaucoup moins de temps que vous ne le croyez. Nous allons nous rattraper

Page 11680

  1   et compenser tout le temps que nous avons déjà perdu, soit en laissant

  2   tomber un certain nombre de témoins au fur et à mesure de nos retards. Par

  3   ailleurs, je ne pense pas avoir signalé la fin du mois de mai, je crois

  4   avoir indiqué que nous comptions terminer la présentation de nos moyens à

  5   la fin du mois d'avril. Mais j'espère que nous aurons terminé d'ici la

  6   moitié du mois d'avril, puisque nous avons prévu un certain nombre de

  7   témoins que nous allons probablement laisser tomber si nous arrivons à

  8   couvrir ces mêmes sujets avec d'autres témoins, avec les témoins

  9   précédents. Vous savez, nous avons divisé tous les témoins en un certain

 10   nombre de catégories, et nous finissons tout ce qui concerne le volet

 11   militaire avec la déposition du témoin suivant. Puis nous avons une série

 12   de témoins qui doivent traiter des aspects politiques, et finalement nous

 13   avons un certain nombre d'experts, et puis évidemment le volet police.

 14   Mais je vous assure que nous n'allons pas provoquer un rallongement

 15   de ce procès. Vous pouvez me faire confiance sur ce point, je pense que

 16   notre estimation est désormais tout à fait objective.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci de cette intervention,

 18   Maître Djurdjic. Il existe plusieurs observations auxquelles je souhaite me

 19   livrer maintenant. Vous et Me Djordjevic, vous avez indiqué que vous croyez

 20   ne pas convoquer un certain nombre de témoins qui figurent sur votre liste,

 21   en plus des cinq témoins que vous avez déjà laissé tomber. Toutefois, les

 22   Juges de la Chambre et le représentant de l'Accusation se verront obliger,

 23   vous seront reconnaissants si vous pouvez nous indiquer quels sont ces

 24   témoins que vous ne comptez pas auditionner.

 25   Je comprends bien qu'il vous est impossible de l'annoncer pour chaque

 26   témoin en particulier, puisque vous ne pouvez pas dès maintenant anticiper

 27   si jamais vous aurez des difficultés avec un certain témoin, et si vous

 28   serez obligé de le remplacer par un autre, et cetera, mais pour un certain

Page 11681

  1   nombre de témoins, je pense que vous pourriez les identifier dès

  2   maintenant, et cela nous permettrait de nous préparer, et la même chose

  3   vaut pour l'Accusation, et j'aimerais que vous nous indiquiez au fur et à

  4   mesure de quel témoin il s'agit. Je suggère que vous y réfléchissiez

  5   pendant le week-end pour raccourcir votre liste de témoins, et ainsi, nous

  6   pourrons pouvoir envisager avec davantage de précision ce qui nous attend.

  7   Par ailleurs, nous nous rendons compte que vous vous sentez sous

  8   pression à cause de tous les témoins que vous souhaitez entendre, et nous

  9   avons envisagé la possibilité de prendre moins de jours libres pour les

 10   fêtes de Pâques. Cela peut vouloir dire que la présentation de vos moyens

 11   peut se prolonger jusqu'à la fin du mois d'avril plutôt que d'en avoir

 12   terminé vers la moitié du mois d'avril, mais cela permettrait à Me

 13   Djordjevic et à vous-même de revoir tous les matériels et de vous assurer

 14   que (A) vous n'avez pas oublié des témoins ou des questions importantes, et

 15   que (B) vous pensez qu'il est vraiment indispensable de convoquer les

 16   témoins qui se trouvent toujours sur votre liste. Alors, j'aimerais que

 17   vous gardiez tout ceci à l'esprit. Le moment venu, nous allons fixer des

 18   dates précises où les séances n'auront pas lieu, de manière à ce que vous

 19   puissiez programmer vos voyages et les déplacements des témoins. Mais

 20   j'aimerais que la Défense et l'Accusation gardent à l'esprit le fait que

 21   nous aurons une brève pause pendant les Pâques, et j'espère qu'elle sera

 22   utile pour vous afin de donner une touche finale à la présentation des

 23   moyens à décharge.

 24   Donc, j'aimerais que pendant le week-end vous revoyiez vos listes de

 25   témoins et nous indiquer quelques précisions au début de la semaine

 26   prochaine.

 27   Nous levons la séance, et reprenons nos travaux lundi.

 28   --- L'audience est levée à 16 heures 09 et reprendra le lundi 22 février

Page 11682

  1   2010, à 9 heures 00.

  2  

  3  

  4  

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15   

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28