Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 17 mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  6   Maître Djordjevic.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Avant de continuer d'entendre notre

  8   témoin, Monsieur le Président, la Défense souhaiterait revenir sur la pièce

  9   D65 ter 280. Ça fait partie du dossier KiM, comme on l'appelle. Nous

 10   disposons maintenant d'une cote, alors nous souhaitons demander le

 11   versement de ces pièces au dossier. La cote est D011-4582.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pas d'objection, Madame Gopalan ?

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] Non, pas d'objection.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera donc versée au

 15   dossier.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D888.

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La déclaration solennelle que vous

 22   avez prononcée tout à l'heure s'applique toujours. Me Djordjevic va

 23   continuer à vous poser ses questions.

 24   LE TÉMOIN : DANICA MARINKOVIC [Reprise]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   Interrogatoire principal par M. Djordjevic : [Suite]

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

 28   R.  Bonjour.

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  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Peut-on porter à l'écran la pièce D007-

  2   0440.

  3   Q.  On va d'abord attendre quelques instants, mais je pense qu'il s'agit de

  4   l'intercalaire 34 dans votre classeur. Une fois le document à l'écran,

  5   j'aimerais que vous reveniez sur les points les plus importants, Madame,

  6   s'il vous plaît.

  7   Nous avons donc la première page du document. Il s'agit d'un acte

  8   d'accusation très long, et inutile de le passer au crible. Je voudrais

  9   simplement vous demander si vous connaissez cet acte d'accusation; et si

 10   tel est le cas, est-ce que vous êtes en mesure de faire quelques

 11   commentaires.

 12   R.  L'acte d'accusation que nous voyons à l'écran, KT numéro 191/94, en

 13   date du 7 avril 1995, c'est un document que je connais. Cet acte

 14   d'accusation a été déposé par le procureur public du district de Pristina

 15   auprès du tribunal du district. Je connais cet acte d'accusation, parce

 16   qu'en la matière il s'agit de poursuites contre des personnes qui sont

 17   mentionnées dans cet acte d'accusation, et en la matière j'étais juge

 18   d'instruction. C'est à la lumière de mon enquête que le procureur public a

 19   entamé des procédures pénales contre ces personnes et a déposé cet acte

 20   d'accusation. Les personnes incriminées sont accusées de complot

 21   d'activités hostiles, notamment en vertu de l'article 136, paragraphe 2 du

 22   code pénal, leur objectif étant de violer l'intégrité territoriale selon

 23   l'article 116, paragraphe 1, et selon l'article 125. J'ai mené l'enquête

 24   contre 88 personnes, et une fois cette enquête terminée, l'acte

 25   d'accusation a été dressé contre 72 personnes. Le procureur a décidé de ne

 26   pas mettre en accusation 12 personnes à cause du manque d'éléments de

 27   preuve, donc toute enquête ou toute procédure pénale contre ces personnes a

 28   été arrêtée.

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  1   A la lumière de cet acte d'accusation, on se rend compte que  ces personnes

  2   incriminées sont d'origine ethnique albanaise, et si vous regardez les

  3   chefs d'accusation, on voit que ces personnes sont accusées pour la période

  4   qui va de 1992 à 1994, en novembre, lorsqu'ils ont été arrêtés. Ces

  5   personnes sont donc accusées d'avoir mis en place des associations de

  6   malfaiteurs, un MUP clandestin, illégal. Ils étaient membres de cette

  7   association ennemie et leur objectif était de mener des activités

  8   anticonstitutionnelles et de mettre en péril l'ordre constitutionnel de la

  9   Yougoslavie et du territoire de la Serbie en visant à séparer une partie du

 10   territoire de la Serbie, à savoir la Province autonome du Kosovo, et pour

 11   accéder à l'Albanie avec ce territoire.

 12   Q.  Très bien. Je pense que cela est largement suffisant.

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

 14   dossier, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D889.

 17   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pourrait-on maintenant porter à l'écran le

 18   document de la Défense D011-4579.

 19   Q.  Je pense que c'est l'intercalaire 37 dans votre classeur, Madame. Ce

 20   n'est pas le document qui suit directement, mais vous allez trouver, j'en

 21   suis convaincu.

 22   Merci de bien vouloir me dire de quoi il s'agit, Madame.

 23   R.  Effectivement, je connais ce document. Il s'agit là d'une copie du

 24   verdict rendu par le tribunal de district de Pristina. La chambre de

 25   première instance était composée de cinq juges, dont deux étaient des juges

 26   professionnels, alors que les trois autres étaient des juges jurés. La

 27   chambre de première instance a rendu son verdict conformément à l'acte

 28   d'accusation que nous avons vu tout à l'heure contre Avdija Mehmedovic et

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  1   autres, tous ceux qui apparaissent en haut de ce jugement. Ce jugement

  2   porte la cote K 29/95 et 38/95.

  3   Dans ce jugement, il y avait 72 personnes mises en accusation, et 69

  4   ont été déclarées coupables des crimes pour lesquels ils avaient été mis en

  5   accusation. Inutile de répéter les articles du droit qui sont à l'origine

  6   de cela. Ils ont été condamnés à purger différentes peines. Tout cela est

  7   décrit dans ce jugement, qui mentionne également les éléments de preuve

  8   dont la chambre de première instance a tenu compte pour rendre son jugement

  9   et la défense présentée par les accusés, et la chambre de première instance

 10   a établi qu'il y avait des éléments selon lesquels ces personnes

 11   s'apprêtaient à créer un MUP clandestin qui aurait compris des centres de

 12   sécurité public, qu'ils avaient mis en place des systèmes opérationnels de

 13   médecine légale, qu'ils avaient participé à des enquêtes illégales sur le

 14   terrain parallèlement à ce que faisaient les autres institutions, qu'ils

 15   avaient arrêté des personnes albanaises et d'autres origines ethniques,

 16   qu'ils avaient envoyé des rapports à leurs autorités illégales ou

 17   clandestines qui agissaient depuis l'étranger.

 18   Etant donné que j'étais juge d'instruction dans cette affaire, j'ai pu

 19   trouver un certain nombre d'éléments ou de pièces, et les cotes sont

 20   mentionnées ici, les codes utilisés, les livres utilisés; leur objectif

 21   étant de garantir une sécession d'une partie du territoire de la RFY de la

 22   Yougoslavie.

 23   Q.  Vous avez mentionné la chambre de première instance qui avait cinq

 24   juges, dont deux étaient professionnels et trois étaient des juges jurés.

 25   Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quoi il s'agit.

 26   R.  Etant donné le crime dont ils étaient accusés, étant donné la peine

 27   demandée pour ce crime et d'après le droit existant, il fallait

 28   qu'effectivement la formation des juges soit composée de cinq juges, dont

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  1   deux devaient être des juges professionnels, et les autres étaient des

  2   citoyens qui faisaient d'autres métiers et qui étaient élus comme juges

  3   jurés au tribunal.

  4   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

  5   dossier.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D890.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous n'avons pas vu la date du

  9   document qui était porté à l'écran tout à l'heure. Quelle est la date de ce

 10   verdict ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous le dire dans un instant.

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Nous allons trouver la date quelque part

 13   probablement.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le 17 juillet 1995.

 15   M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est page 5 de la version B/C/S. Peut-

 16   être peut-on le montrer à l'écran.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous n'avons pas besoin de

 18   le voir. Il nous suffit de l'entendre.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Document suivant, D007-0541.

 21   Q.  Dans votre classeur, c'est l'intercalaire 35, Madame Marinkovic.

 22   Quelques commentaires brièvement, peut-être. La Défense voulait montrer

 23   comment les procédures étaient menées du moment où l'acte d'accusation

 24   était dressé jusqu'au procès, jusqu'au dernier appel. Donc ici, nous avons

 25   un jugement en appel de la Cour suprême de Belgrade K I726/96 en date du 14

 26   mars 1997. Dans ce jugement, la Cour suprême de Serbie décide de faire

 27   appel du jugement que nous venons de voir. Certaines parties de l'appel ont

 28   été maintenues et certaines parties du verdict ont été allégées par la Cour

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  1   suprême.

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez revenir sur la composition de la chambre ?

  3   R.  La chambre était composée de trois juges professionnels. Le premier

  4   était le juge président et les deux autres étaient simplement membres du

  5   tribunal de première instance.

  6   Q.  Très bien. Merci.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

  8   dossier.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'accord.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D891.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Le document suivant D007-0562.

 12   Q.  Dans votre classeur, Madame, c'est l'intercalaire 36. Allez-y, je vous

 13   en prie.

 14   R.  Ce que l'on voit ici c'est une copie du jugement rendu par le tribunal

 15   de district de Pristina au nom du peuple. La cote est

 16   K 37/97, jugement rendu le 11 juillet 1997, et la Chambre de première

 17   instance était composée de cinq membres dont deux étaient des juges

 18   professionnels et trois étaient des juges jurés. Je connais ce jugement,

 19   parce qu'en la matière j'étais la juge d'instruction chargée de cette

 20   affaire contre les personnes citées dans l'acte d'accusation. Ces personnes

 21   étaient accusées de terrorisme au titre de l'article 125 du code pénal de

 22   Yougoslavie condamnable en vertu de l'article 138 de ce même droit. Dans

 23   cette affaire, j'ai mené l'enquête pour la première fois pour la cour de

 24   district de Pristina - je dois dire d'ailleurs que c'est la première fois

 25   que ce crime de terrorisme -- ou qu'il y avait une enquête pour crime de

 26   terrorisme dans cette cour de district - d'enquête d'ailleurs qui a été

 27   menée contre 15 individus, mais trois seulement ont été arrêtés et les

 28   autres ne l'ont pas été. Donc l'enquête a été menée en leur absence. Un

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  1   mandat d'arrêt a été délivré et une fois l'acte d'Accusation dressé, ils

  2   ont été jugés par contumace.

  3   Dans ce jugement la culpabilité des accusés est démontrée, pour les

  4   15 accusés, tous étaient Albanais d'origine. Et il a été démontré dans le

  5   cadre de la procédure qu'ils avaient créé une organisation terrorisme

  6   ennemie, qu'ils en étaient membres et que les membres de cette organisation

  7   avaient suivi une formation au maniement des armes en Albanie. D'Albanie,

  8   ils faisaient venir des armes au

  9   Kosovo-Metohija, ensuite ils menaient des attaques, des attentats

 10   terroristes, ils l'ont fait de 1993 à 1998. Ils ont coordonné des attentats

 11   dans différentes villes, dans différents villages au Kosovo-Metohija. Ces

 12   attentats ciblaient des civils albanais ou non, des membres des forces de

 13   police, des bâtiments, des postes de police. Ils s'en prenaient à des

 14   bâtiments où étaient hébergés les réfugiés. Ils ont organisé des

 15   embuscades, ils ont ouvert le feu sur des véhicules, véhicules dans

 16   lesquels il y avait des officiers de police. Ils ont été jugés coupables,

 17   et un certain nombre de personnes avaient été blessées, d'autres avaient

 18   été tuées. Certains ont survécu, mais sont restés invalides. Un certain

 19   nombre d'armes ont été trouvées. Ils ont attaqué des bâtiments en jetant

 20   des engins explosifs, des grenades à main, en tirant à l'aide d'armes

 21   automatiques, et tout cela était fait pour des raisons politiques. Leur

 22   objectif était de distiller la peur et de faire paniquer les citoyens pour

 23   forcer les Albanais qui ne souhaitaient pas devenir membres de l'UCK à le

 24   faire. Ainsi, un exode massif de Serbes et de d'autres non-Albanais a

 25   commencé, leur objectif étant de mettre en danger l'intégrité territoriale

 26   de la RFY, de séparer une partie du territoire, de créer un Etat distinct,

 27   et plus tard de rejoindre l'Albanie.

 28   Je veux simplement ajouter une chose. L'un des accusés de ce groupe

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  1   dont la culpabilité a été démontrée, c'est Hashim Thaqi, qui a été jugé par

  2   contumace, il a été jugé coupable de terrorisme et condamné à dix ans de

  3   prison et il est maintenant premier ministre du Kosovo, soi-disant

  4   indépendant.

  5   Q.  Merci.

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

  7   dossier.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous éclairer ma lanterne.

  9   Qu'en est-il de la date ? Parce que pour l'acte d'accusation, apparemment

 10   c'est juillet 1997. Donc l'enquête a dû être menée avant cela, n'est-ce pas

 11   ? Alors, vous nous dites que l'UCK existait et opérait au Kosovo avant 1997

 12   ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Excusez-moi. Peut-être est-ce que je peux

 14   vous donner un exemple pour vous éclairer. Si vous regardez les motifs qui

 15   sont donnés, vous verrez qu'il y a eu un attentat terroriste en 1983 à un

 16   passage à niveau sur la route entre Glogovac et Pristina. Un véhicule de

 17   police se déplaçait sur cette route, le policier allait au travail à

 18   Pristina.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, mais ma question n'est pas de

 20   savoir s'il s'agissait bien d'une activité terroriste, mais de savoir si

 21   c'était imputable à l'organisation connue sous la dénomination de l'Armée

 22   de libération du Kosovo.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle existait en 1993, le groupe terroriste

 24   qui s'appelait Armée de libération du Kosovo existait. Ceci dit, ils

 25   étaient beaucoup moins nombreux au début, puis leurs rangs se sont gonflés

 26   au fur et à mesure où des unités ont été créées, et cetera, et où leur

 27   personnel a été étouffé.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Beaucoup ont pensé que l'Armée de

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  1   libération du Kosovo avait véritablement été constituée en qualité d'entité

  2   en mars 1998. Donc il est étrange que pour vous sa création remonte à bien

  3   plus longtemps puisque vous remontez aussi loin que 1993.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En fait, je dis qu'ils existaient en

  5   1993, car j'ai mené des enquêtes dans le cadre de certaines affaires et ce

  6   sont les accusés qui parlaient de cela. Lorsque j'ai dit qu'ils existaient

  7   en 1993, ce que j'ai en tête c'est la période au cours de laquelle il y

  8   avait des groupes de criminels qui faisaient fi du droit. Ils étaient peu

  9   nombreux, ils ne se prononçaient pas officiellement et n'affirmaient pas

 10   leur existence en tant que telle, mais ces groupes de criminels sont

 11   ensuite devenus UCK et ont commencé à être actifs dans la zone de Drenica

 12   et Srebrenica. Après cela, ils ont réussi à étoffer leurs rangs et ont

 13   poursuivi les entraînements et leurs activités sur le terrain. Si vous

 14   regardez les choses dans leur ensemble que je montre ici, je montre toutes

 15   les activités terroristes qui commencent en 1993 et je donne toutes les

 16   dates.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Bien, la Défense n'a plus de questions sur

 19   ce thème, bien que notre intention initialement était de poser une question

 20   très proche de la vôtre. Je tiens d'ailleurs à vous remercier de l'avoir

 21   posée, elle était très utile. Avant que de passer au document suivant, je

 22   souhaiterais verser cette pièce au dossier.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est versée au dossier.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce D892, Monsieur le

 26   Président.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie. Le document suivant est

 28   le D007-0356.

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  1   Q.  Dans votre classeur, Madame Marinkovic, ce document est à

  2   l'intercalaire 38. Il s'agit d'un autre acte d'accusation. Est-ce que vous

  3   voulez bien, s'il vous plaît, nous en donner le contexte.

  4   R.  Le document que nous avons à l'écran est un acte d'accusation émanant

  5   du procureur de district à l'encontre des personnes qui y sont mentionnées.

  6   Il y avait au total 21 personnes qui étaient toutes Albanaises. Cet acte

  7   d'accusation découle suite à une enquête qui a été menée [inaudible], et

  8   les accusés étaient accusés de terrorisme. Vous voyez ici que les motifs

  9   qui sont invoqués. Ce groupe également a créé une association terroriste et

 10   ces personnes étaient membres de ce groupe. Dans le territoire de Kosovo-

 11   Metohija, ils se livraient à des actes terroristes à l'encontre des

 12   bâtiments du SUP ainsi qu'à l'encontre de bâtiments où se trouvaient des

 13   réfugiés ou des bâtiments en construction. Ils ont aussi attaqué des

 14   bâtiments et d'autres installations qui étaient la propriété d'Albanais.

 15   Lors de ces attaques, comme cela figure dans l'acte d'accusation, on les a

 16   accusés de tentatives d'assassinats et avec préméditation à l'encontre de

 17   plusieurs personnes. Ils ont causé des dégâts matériels très importants et

 18   aussi nui à bon nombre de personnes. Et après toutes les attaques

 19   terroristes qui figurent à l'acte d'accusation, l'organisation terroriste

 20   qui s'appelait l'UCK a émis 29 communiqués en revendiquant ces attentats.

 21   Q.  Je vous remercie.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

 23   dossier.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est versée au dossier.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce portant la cote

 26   D893, Monsieur le Président.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Nous avons maintenant un autre acte

 28   d'accusation. Il s'agit du document D007-0406.

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  1   Q.  Dans votre classeur, il figure à l'intercalaire 39.

  2   R.  Ce que nous voyons à l'écran est un acte d'accusation émanant du

  3   procureur de district de Pristina suite à une enquête qui a été réalisée

  4   sous mon égide, à la demande du procureur public de district. Les accusés

  5   ont été accusés de faits criminels, associations de malfaiteurs dans le

  6   cadre d'activités ennemies, en particulier, actes de terrorisme et menaces

  7   à l'intégrité territoriale de l'Etat. Je n'entrerai pas dans les détails,

  8   on le voit et on en a déjà parlé.

  9   Comme vous le voyez en haut à gauche, l'acte d'accusation porte la cote KT

 10   201/93. C'est un acte qui concerne un groupe qui a poursuivi ses activités

 11   après qu'une partie des membres du groupe a été arrêtée dans le cadre du

 12   ministère illégal de Défense nationale. Ce groupe avait été jugé en 1993 et

 13   avait été jugé coupable, et des sanctions avaient été portées à leur

 14   encontre. Ce groupe a ensuite été placé en détention plus tard à Pristina.

 15   Ils ont publié et distribué un journal qui était illégal. Ils mettaient en

 16   avant la création de l'Etat du Kosovo. Leur plan était de mettre en place

 17   des unités de guérilla au sein des zones urbaines. Ils étaient entraînés au

 18   maniement des armes de manière à être prêts une fois que l'UCK aurait lancé

 19   l'attaque. Ils auraient donc pu utiliser ces membres de la guérilla urbaine

 20   pour lancer des attaques à l'encontre de citoyens.

 21   Q.  Je vous remercie.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

 23   dossier.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Elle portera la cote D894, Monsieur le

 26   Président.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Nous allons maintenant passer au sujet

 28   suivant, que j'appellerais volontiers Racak et qui nous rapprochera du

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  1   terme de cet interrogatoire.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir à l'écran,

  3   s'il vous plaît, la pièce D149.

  4   Q.  Dans votre classeur c'est à l'intercalaire 40 que se trouve cette

  5   pièce. Il s'agit d'une note officielle. Lisons-la rapidement pour voir de

  6   quoi il s'agit, qui l'a rédigée, pourquoi, comment. Est-ce que, brièvement,

  7   vous pouvez nous donner le contexte de cette note.

  8   R.  La note officielle, c'est moi qui l'ai rédigée en ma qualité de juge

  9   d'instruction. Elle porte la cote 14/99. Il est dit que le 15 janvier 1999,

 10   j'ai essayé de pénétrer dans le village de Racak de manière à réaliser une

 11   enquête sur site faisant suite à un attentat terroriste qui s'y était

 12   déroulé. L'on m'en a empêchée, et je n'ai pas pu mener à bien mon

 13   investigation, car une fois que nous étions entrés dans le village de

 14   Racak, on nous a tiré dessus avec plusieurs types d'armes, nous obligeant à

 15   nous replier. Dans cette note, il est dit que ce jour-là j'avais été

 16   informée par le service du MUP d'Urosevac qu'il y avait eu une attaque

 17   terroriste à Racak et que j'étais censée décider si une investigation sur

 18   site devait avoir lieu ou non. Avant que de partir de Pristina pour aller à

 19   Stimlje, au poste de police d'où nous étions censés partir pour atteindre

 20   Racak, j'ai eu la visite du vice-procureur de district, M. Ismet Sufta,

 21   dans mon bureau. Il était d'astreinte ce jour-là, tout comme moi. Il était

 22   d'accord avec moi pour dire que nous devions nous rendre sur place de

 23   manière à mener cette enquête.

 24   Une fois que nous sommes arrivés au poste de police de Stimlje, M.

 25   Janicijevic nous y attendait, c'était le chef du secrétariat. Il nous a

 26   fait part de ce qui s'était produit le matin même. Il nous a dit que très

 27   tôt le 15 janvier 1999, il y avait eu des heurts entre la police et des

 28   membres d'un gang terroriste au village de Racak, qui était dans un bastion

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  1   tenu dans Racak et des villages alentour par ce groupe. Etant donné que la

  2   police avait déjà sécurisé la scène de manière à pouvoir permettre une

  3   enquête sur site, le chef a utilisé une communication radio de manière à

  4   pouvoir entrer en contact avec les policiers. A un moment donné, il a été

  5   informé qu'il y avait une période de calme, qu'il n'y avait plus de tirs

  6   sporadiques venant du haut de la colline et que le moment était venu pour

  7   l'enquête de commencer, que l'équipe pouvait se rendre sur place.

  8   Avec l'escorte de la police et avec les autres membres de l'équipe, je me

  9   suis rendue au village de Racak. Comme je le dis ici, nous sommes arrivés

 10   aux alentours de 14 heures sur place. Le policier sur le terrain qui était

 11   présent à ce moment-là m'a informée qu'ils avaient recueilli toutes les

 12   armes qu'ils avaient pu trouver dans les collines et que toutes les armes

 13   avaient été rassemblées dans un seul et même endroit. Avec le procureur

 14   ainsi qu'avec les autres membres de l'équipe, par exemple, les officiers

 15   spécialistes des scènes de crime et les inspecteurs qui m'accompagnaient,

 16   nous avons pu voir toutes les armes qui avaient été regroupées. Je donne la

 17   liste des objets qui avaient été rassemblés, les différents types d'armes,

 18   les uniformes militaires, les boîtes de munitions avec des munitions de

 19   différents calibres. Nous avons aussi trouver une mitraillette Browning de

 20   calibre 12,7-millimètres; une autre mitraillette de calibre 7,9; 36 armes

 21   automatiques; deux fusils de sniper; cinq lance-roquettes manuelles; et 12

 22   grenades --

 23   L'INTERPRÈTE : 12 obus de mortier.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] -- 24 grenades à main; des petites radios

 25   portatives; du matériel médical; et des uniformes militaires aux insignes

 26   de l'UCK. Tout ce matériel avait été trouvé sur place et avait été

 27   photographié. J'ai donné l'ordre à la police de placer les armes dans le

 28   véhicule.

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  1   Une fois que ce travail a été terminé, nous avons inspecté la zone et

  2   nous recherchions éventuellement des victimes. Mais juste à ce moment-là,

  3   on a commencé à tirer sur nous. La police m'a conseillée de ne pas

  4   poursuivre en me disant que pour des raisons évidentes de sécurité c'était

  5   dangereux de continuer, et il m'a demandé d'opérer un repli. C'est ce que

  6   nous avons fait. Donc en revenant de Racak, nous continuions à entendre des

  7   tirs sporadiques des villages alentour. Néanmoins, nous avons pu retourner

  8   au poste de police de Stimlje sans être blessés et nous avions décidé de

  9   poursuivre notre investigation sur place le lendemain.

 10   M. DJORDJEVIC : [interprétation] 

 11   Q.  Je vous remercie. Ça c'était le 15. J'ai d'autres questions, dont

 12   l'une est un petit peu de nature différente, mais je pense qu'elle est

 13   importante. Vous avez évoqué le vice-procureur qui était avec vous lors de

 14   cette visite sur place, qui portait le nom, je crois, d'Ismet Sufta. Qui

 15   étaient les procureurs lors de la campagne aérienne de l'OTAN travaillant

 16   au bureau du procureur de district de Pristina, et est-ce qu'ils

 17   travaillaient au sein des tribunaux de district et municipaux ou est-ce

 18   qu'ils étaient organisés de manière différente ?

 19   R.  Au bureau du procureur de district, il y avait un seul procureur

 20   de district qui était responsable du bureau. Il avait ses adjoints, il y en

 21   avait environ cinq ou six qui suivaient les instructions qu'il leur

 22   donnait.

 23   Q.  Qui était le procureur de district ?

 24   R.  Il s'agissait de Slavko Stefanovic qui était procureur de district à

 25   l'époque.

 26   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du nom de ces adjoints, en tout cas

 27   certains des noms des personnes avec lesquelles vous avez travaillé ?

 28   R.  Jovica Jovanovic, ensuite Miodrag Surla, Dragomir Zivic, Ismet Sufta,

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  1   Ljiljana Delic et Radojka Vlahovic.

  2   Q.  Je vous remercie. Est-ce qu'ils ont tous continué à travailler pendant

  3   la durée de la guerre, ces six personnes avec le responsable du bureau ?

  4   R.  Le procureur de district est resté en poste ainsi qu'Ismet Sufta.

  5   Pendant un certain temps, Dragan Zivic a aussi continué à travailler. Avant

  6   cela, Jovica Jovanovic et Miodrag Surla sont passés au bureau du procureur

  7   militaire. Et Dragan Zivic est venu les rejoindre. Ljiljana et une autre,

  8   qui étaient des femmes, puisqu'elles avaient des enfants jeunes, n'avaient

  9   pas l'obligation de travailler et sont parties de Pristina pour des raisons

 10   de sécurité.

 11   Q.  Je vous remercie. Revenons à votre note officielle. Lorsque vous êtes

 12   entrée dans le village de Racak, en observant les maisons, est-ce que vous

 13   avez pu constater des dégâts infligés par des armes lourdes sur les

 14   bâtiments lorsque vous êtes entrée le 15 janvier ?

 15   R.  Ce premier jour, je n'ai remarqué aucun type de dégâts infligés aux

 16   bâtiments qui aurait pu montrer qu'il y avait eu des bombardements ou des

 17   pièces d'artillerie lourde.

 18   Q.  Je vous remercie. Ma question suivante est comme suit : lorsque vous

 19   êtes allée réaliser cette enquête sur place, est-ce que vous avez noté des

 20   éléments de fortification, des tranchées ? Est-ce que vous avez pris le

 21   temps d'observer les choses de cette nature ce jour-là ?

 22   R.  Ce jour-là, nous n'avons pas réussi à faire une inspection du terrain.

 23   Donc en dehors des armes qui ont été saisies sur place, nous n'avons pas

 24   été en mesure d'observer quoi que ce soit d'autre.

 25   Q.  Dans le cadre de l'enquête, est-ce qu'il y avait des personnes locales

 26   qui étaient présentes dans le village ?

 27   R.  Nous avons pu constaté que le village a été déserté, qu'il n'y avait

 28   personne alentour. Nous n'avons pas vu aucune personne ni aucun animal

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  1   d'ailleurs. J'ai eu le sentiment que la population avait été déplacée.

  2   Q.  Puisqu'il s'agit du 15 janvier 1999, juste avant le début des frappes

  3   aériennes de l'OTAN contre la République fédérale de la Yougoslavie, vous

  4   avez dit que la police devait informer les observateurs militaires

  5   conformément à l'accord qui avait été prescrit. Vous savez s'ils ont

  6   obtempéré ?

  7   R.  Oui. A Pristina, lorsque j'ai été informée par la personne de

  8   permanence au SUP qu'il y avait eu un incident dans le village de Racak et

  9   que nous devions réaliser une enquête. J'ai rappelé à cette personne de

 10   permanence qu'elle se devait immédiatement d'informer le QG de l'OSCE et

 11   qu'elle devait aller à Stimlje, où nous nous retrouverions de manière à

 12   pouvoir aller à Racak ensemble.

 13   Q.  Mais y avait-il des membres de l'OSCE qui vous attendaient à Stimlje ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Vous avez décidé que vous retourneriez sur place le lendemain, c'est-à-

 16   dire le 16 janvier. Qu'avez-vous fait ce jour-là ? Est-ce que le même

 17   procureur vous a accompagnés ? Est-ce que les mêmes policiers ont sécurisé

 18   la zone ? Que s'est-il passé le 16 janvier, si vous vous en souvenez, et

 19   sur la base aussi de cette   note ?

 20   R.  Le 16 janvier, comme cela avait été convenu avec les membres de mon

 21   équipe, nous sommes partis de Pristina pour aller à Stimlje. Il devait être

 22   environ 10 heures ou 10 heures 30 du matin, et nous sommes arrivés à

 23   Stimlje et nous nous sommes tout d'abord rendus au poste de police pour

 24   savoir si nous pourrions aller à Racak, si c'était sûr et si la police

 25   pouvait assurer notre sécurité pour faire notre enquête. Lorsque nous

 26   sommes arrivés à Racak -- non, plutôt, lorsque nous sommes arrivés au poste

 27   de police de Stimlje, tout était calme. Puisque Racak est tout près et que

 28   nous n'entendions aucun tir dans la distance, je suis partie avec mon

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  1   équipe et j'ai été escortée par la police pour aller vers Racak. Mais en

  2   route, dès que nous avons quitté la route principale pour aller de Stimlje

  3   sur la route qui passe partout de Prizren et Urosevac, à peine avions-nous

  4   fait la moitié du chemin, on a commencé à nous tirer dessus de toutes

  5   parts, et donc nous sommes retournés de là où nous venions. Et ce jour-là,

  6   nous n'avons pas pu faire notre enquête ou retourner au village.

  7   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de quelque chose de particulier

  8   concernant cette date du 16 janvier à Racak ?

  9   R.  Ce jour-là, puisque nous n'avions pas pu faire notre investigation sur

 10   site, nous sommes revenus au poste de police de Stimlje, et là encore, en

 11   accord avec le Procureur et en accord avec les autres membres de l'équipe,

 12   nous avons décidé que le lendemain, c'est-à-dire le 17 janvier, nous

 13   essayerions à nouveau de nous rendre sur place. Ensuite, nous sommes

 14   repartis vers Pristina et nous sommes retournés chez nous de Stimlje. Le

 15   soir, lorsque j'ai allumé mon poste de télévision, la première chose que

 16   j'ai entendue aux informations, on montrait une photo de M. Walker, une

 17   photo de lui alors qu'il pénétrait dans le village de Racak avec des

 18   membres de l'OSCE --

 19   Q.  Je vous interromps. Vous avez vu ça le 16 ?

 20   R.  Oui, c'était le 16 dans la soirée.

 21   Q.  Bon. Poursuivez. Excusez-moi de vous avoir interrompue.

 22   R.  J'ai entendu Walker qui disait qu'il y avait eu un massacre à Racak.

 23   Alors là, j'étais vraiment prise par surprise et totalement stupéfaite.

 24   Walker était entré à Racak avant que l'équipe autorisée officielle ait pu

 25   faire son enquête sur site. Donc Walker avait pénétré dans le village sans

 26   aucune consultation avec nous, sans aucun accord, et il avait fait une

 27   déclaration selon laquelle un massacre avait été perpétré.

 28   Q.  Je vous remercie. Que s'est-il passé le 17 janvier ?

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  1   R.  Le 17 janvier, avec les membres de l'équipe d'investigation - et

  2   d'ailleurs, j'avais aussi invité un expert en médicine légale, le Dr

  3   Slavisa Dobricanin, qui était directeur de l'institut médicolégale de

  4   Pristina, il est venu avec nous, parce que je me suis dis que j'aurais

  5   peut-être besoin de son concours dans la mesure où j'arriverais à faire mon

  6   enquête sur place et dans la mesure où nous aurions trouvé des corps. Au

  7   poste de police de Stimlje, où nous sommes arrivés dans l'après-midi - et

  8   d'ailleurs aussi bien le 16 et le 17, le service de permanence avait

  9   informé les représentants de l'OSCE du fait qu'ils devaient venir au poste

 10   de police de Stimlje au même moment s'ils souhaitaient venir avec moi et

 11   avec les autres membres de l'équipe d'enquête pour que nous nous rendions

 12   ensemble au village de Racak de manière à faire l'enquête. Or, le 16,

 13   personne de l'OSCE n'était présent. Mais le 17, lorsque nous sommes arrivés

 14   au poste de police de Stimlje, à l'étage, dans le bureau du chef de la

 15   police, il y avait des membres de l'OSCE, avec comme responsable un général

 16   britannique, John Drewienkiewicz, qui était le bras droit de Walker, qui

 17   était arrivé. Une fois les présentations faites, je leur ai dit que si les

 18   conditions de sécurité étaient garanties, nous nous rendrions à Racak de

 19   manière à réaliser une enquête sur place. Lorsque le général britannique a

 20   entendu ça, John, il a élevé la voix et a commencé à donner des ordres.

 21   Alors, j'étais surprise. Je n'arrivais pas à y croire. Je peux vous dire au

 22   jour d'aujourd'hui que le seul qui a jamais essayé d'influencer mon travail

 23   et m'empêcher de faire quelque chose, c'était justement le général

 24   Drewienkiewicz, et il n'avait absolument pas le droit de le faire. Et il

 25   m'a dit, très en colère, que je ne pouvais pas me rendre à Racak, que je ne

 26   pouvais y aller qu'en sa compagnie, sans escorte de la police, qu'il y

 27   avait des villageois dans Racak et que les villageois, si jamais ils

 28   voyaient la police, qu'ils allaient avoir peur et qu'ils allaient tirer sur

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  1   les policiers. Et je lui ai dit : Si vous dites que ce sont des villageois,

  2   pourquoi alors voulez-vous qu'ils tirent sur les policiers. Ce sont des

  3   villageois, est-ce qu'ils sont armés ou non ? S'ils sont armés, est-ce que

  4   ce sont des villageois ou des soldats ? Et là, il était encore plus en

  5   colère et il m'a dit : Vous ne devez pas aller à Racak, parce qu'il va y

  6   avoir encore davantage des victimes. Les "villageois" vont vous tirer

  7   dessus. Et moi, je vais demander à mon chef, à mon supérieur hiérarchique

  8   de vous empêcher d'y aller.

  9   J'ai essayé de lui expliquer que personne ne pouvait m'empêcher de le

 10   faire, parce que j'étais obligée de le faire parce que j'ai été juge

 11   d'instruction. Et je savais qu'un incident a eu lieu à Racak, et je savais

 12   qu'il était de mon devoir de me rendre sur place pour faire une enquête sur

 13   place, pour faire un constat et recueillir des preuves, et s'il y avait des

 14   tués, il fallait que je les voie, que je constate le nombre de tués, que je

 15   constate la cause de leurs décès. Là, il était encore plus en colère, parce

 16   qu'il a vu que j'étais persévérante et que j'allais me rendre à Racak. Et

 17   il m'a dit, il m'a menacée même, en me disant que si jamais j'entrais dans

 18   le village et si les villageois innocents se faisaient tuer, qu'il allait

 19   porter une plainte auprès du Tribunal de La Haye, et que si jamais il y

 20   avait d'autres accidents, que j'allais en être responsable.

 21   Donc on est partis chacun de notre côté. Lui, il est parti avec son

 22   équipe, et moi, avec les policiers, je me suis rendue dans le village de

 23   Racak. Quand on est partis dans le village de Racak, c'est vrai qu'à

 24   l'entrée du village, on a commencé à nous tirer dessus de tous les côtés.

 25   Les tirs ont commencé, de sorte qu'on n'a pas pu rebrousser chemin. Et on

 26   est quand même partis. On a été accompagnés des tirs tout le long du

 27   voyage, de sorte que ce jour-là, il y a eu des dégâts qui ont été infligés

 28   dans l'institut pour les enfants en difficulté, au niveau du poste de

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  1   police, au niveau du bâtiment de l'hôpital, et aussi au niveau d'un

  2   véhicule officiel qui était garé dans la cour du poste de police, et nous

  3   n'avons pas pu mener à bien notre enquête.

  4   Q.  Nous allons prendre une pause, à présent. Je vous remercie. Et je vais

  5   demander que ce document soit versé au dossier.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Excusez-moi, j'ai fait une erreur. Je vois

  8   que là, c'est déjà une pièce de la Défense.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et quel est ce numéro, s'il vous plaît

 10   ? La cote, donc, de cette pièce ? D149 ?

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D149.

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Exactement, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous présente mes excuses, encore une

 15   fois. Je voudrais présenter la pièce suivante, à savoir D48.

 16   Q.  C'est le document qui se trouve à l'intercalaire 41 dans votre dossier.

 17   R.  Ici, on voit un exemplaire du procès-verbal qu'on faisait à partir du

 18   moment où on faisait une enquête sur les lieux, et ceci concerne l'enquête

 19   que j'ai effectuée le 18 janvier 1999 à Racak, dans le village de Racak,

 20   puisque le quatrième jour, nous avons tout de même réussi enfin à entrer

 21   dans le village. Ici, dans ce procès-verbal, on peut lire quels ont été les

 22   membres de l'équipe qui a fait l'enquête, et on peut lire aussi que cette

 23   enquête sur les lieux, ce constat, a débuté à 14 heures. Comme les jours

 24   précédents, je me suis dirigée en direction de Stimlje, de Pristina, dans

 25   un véhicule de fonction. Donc nous avons fait cela pendant plusieurs jours.

 26   Là, c'était la quatrième tentative. En arrivant, nous nous sommes d'abord

 27   rendus dans le poste de police de Stimlje. On y est arrivés dans l'après-

 28   midi. Nous avons été accueillis par le chef du SUP, et nous nous sommes

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  1   entretenus pour connaître la situation sur le terrain, pour voir si les

  2   conditions étaient réunies pour se rendre sur place et pour faire le

  3   constat. Dans le bureau, il y avait aussi le chef du département de la

  4   police, Mitic. Il était présent, et il a suivi la situation sur le terrain,

  5   parce qu'il avait un contact par la radio avec les policiers sur le

  6   terrain, dans le village de Racak, et il nous informait en temps réel de la

  7   situation sur le terrain.

  8   Pendant cet entretien qui a duré une demi-heure ou une vingtaine de

  9   minutes, je ne suis pas sûre à présent, le général Djordjevic est entré

 10   dans le bureau. On a fait sa connaissance. C'était la première fois que je

 11   le voyais. Il a parlé avec le chef du secrétariat pour savoir si les

 12   conditions étaient réunies pour que les juges et notre équipe se rendent

 13   sur le terrain pour faire le constat. Le chef du secrétariat, Janicijevic,

 14   lui a décrit la situation. Je ne me souviens pas de tout ce qu'il lui a

 15   dit. Après un laps de temps assez bref, le chef du SUP nous a dit qu'il a

 16   été informé de son équipe sur le terrain que la situation était calme dans

 17   le village en ce moment-là, qu'on pouvait y aller pour essayer de faire

 18   cette enquête ce jour-là. Donc moi, accompagnée du procureur et de l'expert

 19   judiciaire, Sasa Dobricanin, nous sommes sortis de son bureau, on est

 20   descendus devant l'immeuble. Les membres de l'OSCE sont venus me voir pour

 21   me dire qu'ils étaient venus et qu'ils voulaient nous accompagner, si les

 22   conditions étaient réunies pour faire le constat. C'étaient deux Américains

 23   et un Italien, puis ils étaient accompagnés d'un interprète. J'ai dit quels

 24   étaient leurs noms; ceci figure au compte rendu de cette réunion.

 25   Donc on est partis, on est entrés dans le véhicule. Mais à ce moment-

 26   là, le chef du poste de police, Mitic, est entré et est venu pour nous dire

 27   qu'il voulait y aller avec nous, qu'il avait reçu cet ordre de Janicevic,

 28   son chef, et qu'il allait assurer notre sécurité, vu que la situation était

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  1   peu stable et difficile ces derniers jours, et qu'il était chargé de notre

  2   propre sécurité.

  3   Donc nous nous sommes dirigés en colonne, une colonne de véhicules. En

  4   arrivant dans le village de Racak, il n'y avait pas de tirs. Quand on est

  5   sortis des véhicules, en nous dirigeant vers le village, un des policiers

  6   qui se trouvait sur place est venu me voir pour me dire que les corps des

  7   tués étaient dans la mosquée, de sorte que moi, avec mon équipe, avec les

  8   membres de l'OSCE, on est tous entrés dans la mosquée et nous avons tous

  9   examiné ensemble les corps dans la mosquée.

 10   Ce qu'on a trouvé dans la mosquée, ce sont 40 corps, comme je l'ai

 11   écrit dans le compte rendu, 39 hommes et une femme. Ces cadavres étaient

 12   alignés. Ils étaient tous habillés. Ils portaient des chaussures qui

 13   faisaient penser aux chaussures militaires. Il y en avait qui étaient

 14   habillés dans des vêtements militaires, les pantalons militaires et des

 15   ceintures militaires de couleur gris foncé. Le technicien de la police

 16   judiciaire a immédiatement enregistré tous les corps. Il les a

 17   photographiés. Le Dr Dobricanin a examiné chaque corps, en les examinant et

 18   en les regardant, en disant clairement, immédiatement, qu'il ne constatait

 19   pas de traces de violence ou de massacre au niveau des corps. Un ou deux

 20   corps avaient quelques blessures au niveau de leurs têtes. L'expert a

 21   constaté que ces blessures avaient été infligées par des animaux ou des

 22   oiseaux, vu le temps que les cadavres ont passé à l'air libre.

 23   Après cela, chaque cadavre a été mis dans un sac séparé conformément à la

 24   procédure, ensuite les a-t-on placés dans un camion frigorifique qui a été

 25   immédiatement scellé en présence des membres de l'OSCE. Ensuite, ce camion

 26   frigorifique, où se trouvaient les 40 cadavres, a été immédiatement envoyé

 27   vers l'institut de la médecine légiste à Pristina, et je leur ai demandé

 28   qu'ils m'attendent, qu'ils attendent mon arrivée, moi, en ma qualité de

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  1   juge d'instruction.

  2   Après cela, puisque la situation était assez calme et puisqu'il n'y

  3   avait pas de tirs et puisqu'on n'était gênés par rien du tout, on a

  4   poursuivi notre enquête sur le terrain pour voir si nous pouvions

  5   recueillir d'autres éléments de preuve matériels, et éventuellement, si

  6   nous allons peut-être retrouver un corps, un autre corps, ou bien cette

  7   mare que j'avais vue à la télé où Walker a montré qu'il se trouvait les

  8   corps, où il a dit que prétendument, il s'agissait des corps massacrés.

  9   Donc on a marché en direction de la colline, et la première chose qu'on a

 10   vue, c'était des tranchées; en suivant les tranchées, on est arrivés

 11   jusqu'à une maison abandonnée. En arrivant dans la maison, nous avons

 12   trouvé des objets, et nous avons très bien compris que c'était la maison

 13   qui abritait le QG de l'UCK. Nous avons trouvé donc des armes, des

 14   uniformes, mais aussi des listes, des listes des tours de garde des membres

 15   de l'UCK. Dans cette même cour, à côté de la maison, la maison où se

 16   trouvait le QG, nous avons trouvé un dépôt de nourriture, avec une grande

 17   quantité de farine, de cigarettes et des œufs. Nous avons trouvé aussi une

 18   cuisine où on préparait la nourriture, avec des chaises et des tables. On

 19   avait vraiment l'impression que c'était une cantine destinée à un grand

 20   nombre de personnes.

 21   En ce qui concerne la maison proprement dite, nous y avons trouvé des

 22   mines, des lance-roquettes portables, sept chargeurs de munitions, une

 23   grosse quantité de balles, trois grenades à main, des pantalons, un gilet

 24   vert, et dans les poches il y avait des grenades et des balles, puis du

 25   matériel de propagande. Nous avons pris des photos de tout ce que nous

 26   avons trouvé là-bas, dans la maison, nous avons dressé un procès-verbal qui

 27   énumérait tous les objets trouvés, un inventaire donc, et nous avons

 28   ensuite confisqué ces objets pour la suite de l'enquête.

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  1   Ensuite, nous avons continué à suivre les tranchées qui se trouvaient des

  2   deux côtés de la colline, jusqu'en haut de la colline. Dans ces tranchées,

  3   nous avons trouvé beaucoup de balles utilisées. Nous avons trouvé aussi des

  4   outils qui ont servi à creuser ces tranchées; parfois, des parties

  5   d'uniformes dépareillées. Quand on est arrivés en haut de la colline, qui

  6   était connue comme la colline Vis, en haut de la colline, nous avons trouvé

  7   un nid de mitrailleuses. A l'intérieur de la colline, il y avait une grande

  8   chambre, pour ainsi dire, et là se trouvait une poêle à bois. A

  9   l'intérieur, il y avait aussi des lits, des casques de militaires, des

 10   vêtements, uniformes, et aussi des couvertures militaires, et aussi un

 11   grand nombre de balles usées de fabrication chinoise.

 12   Nous avons trouvé aussi une toile d'une tente de camping, et les trépieds

 13   servant à porter ou fixer une mitrailleuse. Nous avons noté tout cela, nous

 14   avons pris tous les objets trouvés. Pendant toute cette enquête, les

 15   observateurs de l'OSCE étaient là. Ils posaient des questions de temps en

 16   temps, mais sans se mêler à notre travail, et moi, par l'interposition de

 17   l'interprète, j'ai répondu aux questions qu'ils ont posées. Pendant toute

 18   l'enquête, un des techniciens était chargé d'enregistrer tout ce que nous

 19   avons trouvé avec une caméra vidéo. Nous avons fait le tour de tout le

 20   village. Nous n'avons pas trouvé cette mare que Walker a montrée à la télé.

 21   Nous sommes revenus en prenant une autre route pour voir si nous allions

 22   trouver cette mare; cependant, nous sommes arrivés jusqu'au pied de la

 23   colline, mais nous ne l'avons pas trouvée. Nous n'avons trouvé aucune trace

 24   de massacre. Nous n'avons pas trouvé des traces de vêtements, de sang, quoi

 25   que ce soit. Quand nous sommes descendus dans le village, dans le centre

 26   même du village, en descendant la colline, nous étions encore entre des

 27   maisons, dans la zone agglomérée, quand on a commencé à nous tirer dessus.

 28   Je n'étais pas un soldat, mais j'ai pu constater qu'il s'agissait là de

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  1   tirs provenant de différents types d'armes. Les balles nous passaient au-

  2   dessus de la tête. On a essayé de se cacher. La situation était vraiment

  3   risquée, vraiment dangereuse, de sorte qu'on pensait vraiment que c'était

  4   notre fin, qu'on n'allait pas sortir vivants de cette aventure.

  5   On a fui tant bien que mal, les membres de l'OSCE ont essayé de

  6   m'abriter dans une maison. Mais à peine étant arrivés jusqu'à la maison, il

  7   a fallu qu'on se jette par terre à cause des tirs. On a réussi tout de même

  8   à arriver jusqu'aux véhicules. Tout le monde a regagné son véhicule, et on

  9   a vraiment commencé à fuir à toute allure. Et pendant tout le voyage, on

 10   nous a tiré dessus. A un moment donné, on a ressenti que notre véhicule a

 11   été touché, c'était un choc violent. Moi, j'étais dans la voiture, il y

 12   avait l'expert de la police judiciaire qui y était aussi. Notre voiture a

 13   pratiquement explosé, elle a été projetée dans l'air, ensuite la voiture a,

 14   à nouveau, repris la route, et personne n'a été blessé. On a réussi à

 15   regagner le poste de police et nous avons réussi à nous calmer.

 16   Q.  Est-ce que vous avez rencontré des villageois dans Racak ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Merci.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je

 20   voudrais attirer l'attention sur le fait qu'à la page 21, ligne 25, il a

 21   été dit que Mitic était le chef du poste avancé de la police, mais ce n'est

 22   pas cela. Il a été tout simplement le commandant du poste de police.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Mitic était le chef du département de la

 24   police d'Urosevac.

 25   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 26   Q.  Très bien. Je vous remercie.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Maintenant, nous allons proposer la pièce

 28   D002-0952.

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  1   Q.  Dans votre classeur, Madame, c'est un document qui se trouve à

  2   l'intercalaire 42.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vais demander que ceci soit placé sur

  4   l'écran. Ma collègue me dit que le numéro de la pièce n'est pas bien

  5   enregistré au compte rendu d'audience. Il s'agit de la pièce D003-0952.

  6   Voilà. Nous allons attendre un peu pour voir le document.

  7   Q.  Voilà. Les voilà sur l'écran. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit

  8   là ?

  9   R.  Ici, c'est la liste des personnes tuées dans le village de Racak.

 10   Q.  Est-ce que vous pouvez ajouter quoi que ce soit par rapport à cela,

 11   quelque chose que vous auriez remarqué éventuellement ? Qui a identifié les

 12   corps, est-ce qu'il y a eu des examens supplémentaires qui ont été faits ?

 13   R.  Par rapport à ces corps, 40 corps, vu qu'à l'époque, on ne connaissait

 14   pas les noms et les prénoms de ces gens, j'ai ordonné au technicien de la

 15   police légale d'identifier ces corps en utilisant les empreintes digitales,

 16   de les comparer aux cartes d'identité pour les identifier. Mais avant cela,

 17   j'ai demandé que l'on fasse quelque chose, qu'on a fait d'ailleurs le

 18   lendemain, immédiatement. A partir du moment où nous avons ouvert le camion

 19   frigorifique en présence des membres de l'OSCE et quand on a placé les

 20   corps dans l'institut de la médecine légale, bien, on a pris des

 21   échantillons avec les gants en paraffine de tous les corps, on a fait cela

 22   pour vérifier s'il y avait des traces de poudre dans leurs mains. Ensuite,

 23   il a fallu procéder à une autopsie des corps. Ensuite, on a identifié les

 24   corps sur la base de leurs empreintes digitales. Dans ces documents, vous

 25   trouvez les noms de ces gens avec leurs dates de naissance des gens, des

 26   corps trouvés dans la mosquée de Racak.

 27   Concernant la liste, ce que je peux vous dire c'est que quand j'ai déposé

 28   dans l'affaire Milosevic en tant que témoin de la Défense, on a montré une

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  1   liste qui se trouvait dans l'acte d'accusation, et j'ai vu qu'il y avait 45

  2   corps sur la liste, alors que j'étais sûre avoir trouvé 40 corps dans la

  3   mosquée. Ensuite, au cours de la procédure et avec l'aide des juges et du

  4   procureur, nous avons pu établir des différences qui existaient entre

  5   différentes personnes, de sorte que nous avons pu identifier quelles

  6   étaient les cinq personnes qui n'ont pas été trouvées dans la mosquée, et

  7   nous avons pu constater quelles étaient les différences entre cette liste

  8   et la liste que j'avais, moi.

  9   Q.  Est-ce que vous avez pris connaissance des résultats du rapport

 10   concernant des restes de la poudre sur les mains des personnes tuées, des

 11   corps ?

 12   R.  Oui, j'ai reçu cela par écrit. Il a été établi que 37 personnes tuées

 13   présentaient des traces de la poudre. Il n'y avait que trois cadavres qui

 14   n'en avaient pas.

 15   Q.  Vous m'avez dit que vous avez demandé qu'une autopsie soit faite.

 16   Pourriez-vous nous dire qui a donné l'ordre de faire cela ?

 17   R.  L'autopsie des restes et des corps trouvés à Racak a été faite par une

 18   équipe yougoslave, des experts éminents en pathologie et médecine légale.

 19   Deux médecins pathologistes de la Belarus étaient présents aussi. Ils

 20   étaient à Pristina à l'époque. Mais après, une autre équipe de médecins

 21   pathologistes s'est jointe à l'équipe, cette fois-ci, originaire de la

 22   Finlande. Ils n'étaient pas présents dès le début, donc ils n'ont pas pu

 23   assister depuis le tout début. Mais dès qu'ils sont arrivés, ils ont pris

 24   part à ce travail. J'étais tout à fait d'accord avec cela. Donc ils ont

 25   travaillé ensemble; c'était un travail d'équipe.

 26   Q.  Qui menait l'équipe finlandaise ?

 27   R.  Helena Ranta.

 28   Q.  Une dernière question avant la pause. Avez-vous établi l'identité de la

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  1   femme trouvée dans la mosquée de Racak, et pourriez-vous dire, le cas

  2   échéant, de qui il s'agissait ?

  3   R.  L'identité du cadavre de cette femme a été établie, son nom était

  4   Hanusha Mehmeti [phon]. D'après les informations opérationnelles que j'ai

  5   reçues du bureau du procureur, elle était la sœur de deux membres de l'UCK.

  6   Son père était également membre de l'UCK à Racak.

  7   Q.  Merci de ces réponses.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

  9   dossier. Après la pause, il ne nous restera que peu de temps, mais

 10   j'essayerai de conclure mon interrogatoire principal.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document que vous souhaitez verser,

 12   est-il dans la liste ? Très bien. Il sera versé.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D895.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons maintenant faire une pause

 15   et nous reprendrons à 11 heures.

 16   --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

 17   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 20   Q.  Avant de passer au document suivant, je voulais revenir à un sujet

 21   qu'on a brièvement abordé tout à l'heure. Madame Marinkovic, lorsque vous

 22   êtes allée à Racak pour la première fois le 15 janvier et lorsque vous y

 23   êtes revenue le 18 -- je vous ai d'abord posé des questions sur le 15 pour

 24   savoir si vous aviez observé des dommages qu'auraient subis les maisons.

 25   Maintenant, revenons-en au 18. Avez-vous remarqué qu'il y avait des

 26   dommages qui auraient été causés par des armes lourdes aux maisons de

 27   Racak, aux bâtiments de Racak, et avez-vous remarqué d'autres types de

 28   destruction, comme des maisons qui auraient été incendiées ou autre ?

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  1   R.  Je n'ai pas vu de traces de bombardements ou de maisons qui aient été

  2   incendiées, ni le 15 ni le 16 ni le 17 ni le 18.

  3   Q.  Merci.

  4   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Peut-on maintenant porter à l'écran le

  5   document D003-0959.

  6   Q.  Dans votre classeur, Madame, c'est l'intercalaire 43. Je pense que vous

  7   avez déjà pu faire des commentaires sur quelque chose de semblable dans le

  8   cadre de votre témoignage. Je vais vous demander de faire la même chose,

  9   s'il vous plaît.

 10   R.  Il s'agit d'un document qui correspond à l'examen médicolégal qui a été

 11   pratiqué sur les lieux de l'incident, et cela fait partie du compte rendu

 12   d'enquête sur le terrain. Cela a été effectué suite aux instructions du

 13   juge compétent et mené par le technicien médicolégal du SUP d'Urosevac qui

 14   était présent sur place. Il était membre de l'équipe qui a enquêté sur

 15   place. Dans ce rapport, on précise quelles sont les mesures qui ont été

 16   prises par l'expert, les instructions qu'ils ont reçues du juge. Il y a

 17   également des photos qui présentent des armes, même si les photos sont de

 18   piètre qualité. Cela contient les armes qui ont été trouvées le 15 janvier

 19   1999, à savoir le premier jour où nous sommes arrivés dans le village de

 20   Racak.

 21   Q.  Merci. Je pense que ça suffit. Merci.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce au

 23   dossier.

 24    M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

 25   Mme GOPALAN : [interprétation] Je n'ai pas réussi à suivre ce document,

 26   parce que nous n'avions que la page de couverture à l'écran. Alors je n'ai

 27   pas bien compris les commentaires du témoin. Y a-t-il d'autres pages qui

 28   suivent ?

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suppose. Mais peut-être Me

  2   Djordjevic peut-il nous expliquer combien de pages il y a dans ce document

  3   ?

  4   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Absolument. Dans la version B/C/S, ce

  5   document contient neuf pages, et en anglais il y en a que six. Probablement

  6   parce que la police est plus petite.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il d'autres photos ou d'autres

  8   pièces jointes ?

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, des photos ainsi que des éléments

 10   provenant des lieux du crime. Et si Mme Gopalan souhaite davantage

 11   d'information, nous pouvons passer au crible ce document.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est faisable.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il serait intéressant de

 16   brièvement regarder chacune des pages de ce document.

 17   M. DJORDJEVIC : [interprétation] La greffière confirme que c'est possible.

 18   La première page c'est la même chose dans les deux langues visiblement.

 19   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

 20   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le versement de cette pièce est

 22   accepté.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce dont la cote sera D796 [comme

 24   interprété].

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 27    Q.  Le document suivant dans votre classeur, intercalaire 44, document de

 28   la Défense D003-0989.

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  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pourrait-on le porter à l'écran.

  2   Q.  Il s'agit d'un enregistrement des dommages causés à un véhicule du

  3   tribunal, dommages subis au retour.

  4   R.  Il s'agit de la page de couverture du dossier de l'affaire du SUP. Dans

  5   le dossier, il y a des photos du véhicule qui a été endommagé le 18 janvier

  6   1999. Lorsque l'équipe d'enquête revenait des lieux, le véhicule a essuyé

  7   des tirs. On voit une description détaillée des dommages subis. Il y a

  8   également un compte rendu d'un examen du véhicule qui fait partie de ce

  9   dossier. Il y a également un compte rendu de la scène ainsi que de toutes

 10   autres mesures que nous avons prises à Racak entre le 15 et le 18 janvier

 11   1999. Là sur cette page, il s'agit du 18 janvier plus précisément.

 12   Q.  J'imagine qu'il y a également des photos dans ce dossier ?

 13   R.  Absolument.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pourrait-on maintenant présenter à la

 15   Chambre et à l'Accusation chacune des pages en version B/C/S et en version

 16   anglaise, document et photos. En d'autres termes, nous allons regarder

 17   ensemble ce document.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, oui.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous souhaitons le

 20   versement de cette pièce au dossier.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'accord.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D897.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Document suivant, D003-0951. Q.  C'est

 24   l'intercalaire 45, dans votre classeur, Madame. Quelques commentaires sur

 25   ce document peut-être, Madame ? Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit, à

 26   quelle occasion est-ce qu'il a été rédigé, qui l'a rédigé et tous les

 27   autres détails pertinents concernant ce document ?

 28   R.  Ce document est un ordre envoyé par le juge d'instruction, envoyé aux

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  1   techniciens médicolégaux du tribunal de Pristina, où il demande à ces

  2   techniciens de faire la chose suivante : en coopération avec le groupe

  3   d'experts médicolégaux qui mènent des autopsies sur les corps à l'institut

  4   de médecine médicolégale de Pristina, il s'agit de faire une test du gant à

  5   la paraffine sur chacun des corps individuellement, de faire des recherches

  6   de traces d'explosifs ou de poudre sur les corps et sur leurs vêtements,

  7   une dactyloscopie pour identifier les corps, de prendre une photo de chacun

  8   des corps séparément et de faire un examen médicolégal des projectiles

  9   trouvés dans les corps pour établir le type de projectile incriminé et

 10   d'arme incriminée. Et au point 2, on dit que cette enquête sera menée par

 11   des techniciens médicolégaux homologués du SUP de Pristina.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, vous demandez le

 13   versement de cette pièce ?

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Absolument, mais au prétoire électronique,

 15   il y a d'autres documents qui portent la même cote. Alors, peut-être peut-

 16   on regarder chacune des pages de ce document ?

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Le reste n'est pas dans le prétoire

 19   électronique, donc je demande le versement de cette pièce effectivement,

 20   Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Juge va peut-être pouvoir nous

 22   aider.

 23    Il n'y a rien dans cet ordre concernant les autopsies. Est-ce qu'il y a un

 24   autre ordre en dehors de celui-ci ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est l'ordre qui a été  donné le 19

 27   janvier 1999, n'est-ce pas ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ça apparaît en version B/C/S mais pas

  2   en anglais.

  3   Il y a uniquement cette page, Maître Djordjevic. Le versement est

  4   donc accepté.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D898.

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Si c'est la seule page au prétoire

  7   électronique, j'aimerais vous poser la question suivante.

  8   Q.  Y a-t-il eu des ordres spécifiques qui ont été donnés pour mener des

  9   autopsies sur les corps trouvés dans le village de Racak ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  A qui cet ordre de mener des autopsies a-t-il été intimé ?

 12   R.  A la commission d'experts médicolégaux et aux pathologistes de la

 13   Yougoslavie. Slavisa Dobricanin était le responsable de ce groupe, et les

 14   membres comptaient le Dr Otasevic, M. Nis, M. Dunjic de Belgrade, M. Tasic

 15   de Novi Sad, et Dobricanin de Pristina. C'étaient des experts médicolégaux,

 16   des médecins légistes, des pathologistes, deux membres de l'équipe du

 17   Belarus dont j'ai oublié les noms mais qui apparaissent dans cet ordre. Cet

 18   ordre précise également ce qu'il convient d'établir dans les autopsies des

 19   40 corps. En bas de cet ordre, on peut lire qu'une équipe finlandaise de

 20   médecins légistes participera à cette autopsie, une fois arrivés de

 21   Finlande.

 22   Q.  Merci. Pendant l'enquête, avez-vous reçu des conclusions de l'équipe

 23   médicolégale ?

 24   R.  Une fois l'autopsie effectuée sur les 40 corps, j'ai reçu une

 25   conclusion conjointe des experts médicolégaux, et ces conclusions étaient

 26   les mêmes pour les trois équipes, l'équipe yougoslave, l'équipe du Belarus,

 27   et l'équipe de Finlande. La conclusion, c'était que la cause de la mort de

 28   tous ces corps était les blessures subies par armes à feu, par armes à

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  1   poing, et le fait qu'ils avaient été abattus à distance.

  2   Q.  Merci. Alors, une petite pause.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Dans l'intervalle, peut-être pourrait-on

  4   faire apparaître à l'écran le document D003-0955. Oui, il s'agit du

  5   document.

  6   Q.  Je dois dire que c'est un peu compliqué. Dans votre classeur, ce

  7   document se trouve à l'intercalaire que vous venez d'ouvrir à l'instant,

  8   40. Ce sont les conclusions que vous venez de mentionner. Est-ce que ces

  9   conclusions générales ont été tirées après l'ordre que vous avez délivré ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Poursuivez.

 12   R.  Dans ces conclusions, il a été établi que la cause du décès de ces 40

 13   personnes était des projectiles, et que toutes ces blessures avaient été

 14   mortelles, sauf pour six cas où il y avait également des blessures causées

 15   par des animaux après la mort. Plusieurs blessures ont été trouvées sur

 16   différentes parties du corps, et qu'il y avait des déchirures dans les

 17   vêtements de chacun des corps. Il y a ensuite une description de la manière

 18   dont l'équipe a travaillé, le fait que tout cela avait été enregistré par

 19   caméra vidéo en présence de l'équipe de l'Union européenne et de l'équipe

 20   finlandaise qui avaient pris des photos, que des croquis avaient été

 21   établis, croquis des corps décrits pendant l'autopsie.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Peut-on maintenant voir la page 2 de ce

 23   document. Merci.

 24   Q.  Poursuivons.

 25   R.  Dans cette conclusion, le point 12, on dit que l'équipe finlandaise

 26   d'experts qui a participé plus tard, a examiné les 16 corps sur lesquels

 27   une autopsie avait été effectuée, et qu'ensuite ils ont continué à

 28   travailler avec l'autre équipe pour les autopsies qui ont été effectuées

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  1   après. La date c'est le 30 janvier 1999, et les conclusions ont été signées

  2   par l'équipe yougoslave d'experts ainsi que par les experts venus du

  3   Belarus. On voit leurs noms et leurs signatures ici.

  4   Q.  Je vous remercie.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] La Défense souhaite que cette pièce soit

  6   versée au dossier, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est accordé.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D899, Monsieur

  9   le Président.

 10   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir à l'écran la

 11   pièce D003-0949, s'il vous plaît. Bien. Je pense que nous avons l'ensemble

 12   de la documentation sur ce sujet.

 13   Q.  De quoi s'agit-il, s'il vous plaît ?

 14   R.  Ce que nous voyons à l'écran est l'ordre que j'ai rédigé afin de faire

 15   produire une autopsie des corps avec une liste de ce qui doit être établi

 16   et qui est censé participer à l'autopsie. Il est dit ici qu'il faut établir

 17   la cause du décès, le type et la nature des blessures et le moment auquel

 18   ces blessures ont été infligées pour chacun des corps, quels sont les

 19   dégâts sur les vêtements, et s'ils correspondent bien aux blessures des

 20   corps pour chacun des corps, et sur la base d'une analyse des poudres, si

 21   les dégâts sur les vêtements contiennent des traces de particules de

 22   poudre, ou si les dégâts qu'on a retrouvés sur les vêtements ont été causés

 23   plus tard. Tous les projectiles et autres organes étrangers doivent être

 24   photographiés et envoyés aux organes compétents pour analyse pour définir

 25   le type de projectile utilisée. Après l'autopsie, il convient d'établir

 26   s'il y a des vêtements identiques ou des chaussures identiques et

 27   déterminer le fabricant de ces vêtements et de ces chaussures.

 28   Cet ordre contient également une instruction visant le fait que le

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  1   technicien du SUP de Pristina doit avoir l'autorisation d'effectuer un test

  2   du gant de paraffine, un test de l'analyse de la poudre utilisée sur le

  3   corps et le vêtement et d'effectuer une dactylographie.

  4   Q.  Je pense que cela suffira.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je souhaite que cette pièce soit versée au

  6   dossier, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est d'accord.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D900, Monsieur

  9   le Président.

 10   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 11   Q.  Madame Marinkovic, à la réception de ce rapport médicolégal, a-t-il été

 12   nécessaire de réaliser des investigations complémentaires ? Est-ce que vous

 13   pouvez nous dire quelle a été la suite à donner ?

 14   R.  Une fois que j'ai reçu ce rapport écrit, avec les résultats de

 15   l'enquête médicolégale que j'avais commandée, j'ai envoyé le dossier

 16   complet au procureur du tribunal de district à Pristina pour suite à

 17   donner. Voilà quel était mon devoir dans le cadre de la procédure pénale.

 18   L'ensemble du dossier a été transféré au procureur du tribunal de district

 19   de Pristina.

 20   Q.  Donc voilà qui était la fin de votre rôle d'investigation dans cette

 21   affaire ?

 22   R.  Je réalisais toutes les activités d'investigation que j'étais en mesure

 23   de mener en qualité de juge d'instruction sur les événements liés à Racak.

 24   Avant cela, il n'y avait pas eu d'autre investigation.

 25   Q.  Je vous remercie.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant voir la

 27   pièce D61 à l'écran, s'il vous plaît.

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quoi il en retourne sur ce

Page 12992

  1   document, s'il vous plaît.

  2   R.  D'après ce que je vois, c'est un document qui a été envoyé au ministère

  3   de l'Intérieur de Serbie par le secrétariat de Pristina le 10 décembre

  4   1998. Quant à la teneur de ce document, je vois que cela a trait à une

  5   enquête réalisée par moi en qualité de juge d'instruction ainsi que

  6   d'autres personnes faisant partie de l'enquête sur site. J'étais censée

  7   réaliser cette investigation le

  8   10 décembre 1998 dans le village d'Obrinje. Au sujet de cet événement, je

  9   puis vous dire que le tribunal de district de Pristina avait reçu une

 10   requête émanant d'un certain nombre de familles vivant à Gornje Obrinje.

 11   Ces personnes avaient déclaré qu'à Gornje Obrinje, certains des membres de

 12   leurs familles qui avaient été tués avaient été enterrés. Donc suite à

 13   cette requête, j'ai défini une date en vue de l'investigation à mener.

 14   Concernant l'exhumation des corps, nous avons également demandé

 15   l'assistance des experts légistes en vue des exhumations, et Mme Helena

 16   Ranta a aussi dirigé une équipe finnoise pour nous accompagner. Donc nous

 17   nous sommes mis d'accord avec l'équipe de Finlande pour nous rendre sur

 18   place le 10 décembre, tôt le matin, escortés par la police, la police étant

 19   chargée de sécuriser le périmètre. Nous sommes partis de Pristina en

 20   direction d'Obrinje.

 21   Au moment où nous approchions le village d'Obrinje, le véhicule où se

 22   trouvait le pathologiste finlandais s'est arrêté, tout le monde est sorti

 23   du véhicule, y compris Mme Helena Ranta. Ne sachant pas de quoi il

 24   s'agissait, je suis sortie moi-même de mon propre véhicule, et avec

 25   l'assistance d'un interprète, j'ai demandé pourquoi ils s'étaient arrêtés à

 26   cet endroit-là. Helena Ranta nous a dit que nous ne pouvions pas aller plus

 27   loin vers Gornje Obrinje, dans cette composition-là. Elle a déclaré qu'il y

 28   avait une barricade à Gornje Obrinje qui était sous la responsabilité de

Page 12993

  1   membres armés de l'UCK, et que s'ils voyaient la police ils ouvriraient le

  2   feu sur nous et que cela serait dangereux. Donc elle a proposé que je sois

  3   la seule à les accompagner dans leur véhicule. Lorsque j'ai demandé qui

  4   était là pour assurer ma sécurité, elle m'a répondu qu'elle ne pouvait pas

  5   le faire, car s'ils ouvraient le feu elle pourrait elle aussi être touchée.

  6   J'ai posé à ce moment-là une seconde question en disant que je ne pouvais

  7   pas réaliser une investigation sur site sans l'aide de mon équipe et que

  8   les autorités compétentes de Serbie devaient réaliser cette enquête, et

  9   qu'il fallait aussi qu'il y ait un expert médico-légal et que la police

 10   était censée aussi aller sur place pour sécuriser le périmètre. Elle n'a

 11   pas souhaité poursuivre en présence de la police et nous n'avons pas été en

 12   mesure de trouver un accord quant à la marche à suivre en vue de cette

 13   exhumation. Mais bon, il se faisait déjà tard. Il était déjà très tard, et

 14   nous avons remarqué dans les collines avoisinantes - nous étions sur la

 15   route - nous avons remarqué qu'il y avait des terroristes qui commençaient

 16   à apparaître et qui nous entouraient, nous encerclaient. Ils avaient des

 17   uniformes noirs et ils étaient armés. Ils étaient sans doute sur le point

 18   d'ouvrir le feu.

 19   Puisque nous n'avons pas pu nous mettre d'accord et que je n'étais

 20   pas d'accord pour me rendre seule avec eux pour faire l'enquête sur site,

 21   sans l'aide des autres autorités, nous nous sommes mis d'accord pour

 22   retourner à Pristina à ce moment-là. Et nous nous sommes aussi mis d'accord

 23   pour dire qu'il fallait retourner à Gornje Obrinje et qu'il fallait trouver

 24   une date. Ceci dit, après cela, Helena Ranta n'est pas revenue. Elle n'a

 25   jamais redemandé que nous prenions date, et les familles qui l'avaient

 26   demandé initialement n'ont plus demandé une autre investigation. Donc j'ai

 27   rédigé une note officielle sur tout cela, mais tout est resté au tribunal

 28   de district de Pristina. Je n'ai pas de copie à vous montrer.

Page 12994

  1   Q.  Je vous remercie.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je voudrais que cela soit versé au

  3   dossier.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.

  5   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit de la pièce

  7   D61 ?

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, absolument. Je vous prie de

  9   m'excuser.

 10   Donc le document suivant c'est le document D011-4530.

 11   Q.  Et qui, dans votre classeur, est dans l'intercalaire 47, Madame

 12   Marinkovic.

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Puisque nous n'avons pas eu beaucoup de

 14   temps, nous n'avons pas réussi à faire traduire ce document. Néanmoins,

 15   nous aurons la traduction de ce document. Il s'agit de la première page du

 16   document que nous voyons à l'écran. Est-ce que nous pouvons aller à la page

 17   3. Il me semble qu'il s'agit d'un rapport d'investigation criminelle.

 18   Voilà, c'est bien le document que nous voyons.

 19   Q.  Est-ce que vous voulez bien, s'il vous plaît, nous l'exposer

 20   brièvement, car ce document porte sur quelque chose de particulier, et est-

 21   ce que vous pouvez aussi faire référence à la période de temps dans

 22   laquelle il s'inscrit.

 23   R.  Ce que nous voyons à l'écran est une copie du rapport d'investigation

 24   criminelle envoyé par le SUP de Pristina au procureur public de district et

 25   qui a été émis à l'encontre d'un auteur non identifié accusé de meurtre

 26   dans le cadre de l'article 47 du code pénal de Serbie. La victime était

 27   Bajram Kelmendi et ses deux fils Kastriot et Kustrima de Pristina. Ces

 28   crimes ont été perpétrés le 26 mars 1999 à Pristina, au moment où se

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  1   déroulaient les frappes aériennes de l'OTAN.

  2   Q.  Quoi d'autre vous pouvez nous dire au sujet des victimes ?

  3   R.  Je connaissais personnellement Bajram Kelmendi, qui était un bon avocat

  4   à Pristina et qui travaillait uniquement sur des affaires criminelles. Je

  5   coopérais très bien avec lui. Malheureusement, voilà ce qui lui est arrivé.

  6   Au sujet de cet événement du 26 mars 1999, en qualité du juge

  7   d'instruction, suite à des informations que j'ai reçues du service de

  8   l'Intérieur concernant la localisation des corps, je me suis rendue sur le

  9   lieu du crime. J'ai rédigé un rapport qui porte la cote 84/99. Dans ce

 10   rapport, je précise l'endroit où les corps ont été trouvés, à proximité de

 11   l'entreprise Energoinvest. Je décris la position dans laquelle on a trouvé

 12   ces corps, les vêtements et les 35 douilles retrouvées sur la scène

 13   provenant d'une arme de calibre 7,62. Tous ces éléments ont été pris comme

 14   pièces à conviction. A l'investigation sur place, Ejup Golica était

 15   également présent. Il était le beau-frère de la victime. Il a lui-même

 16   reconnu Bajram et ses deux fils. Il a pu identifié leurs corps, suite à

 17   quoi j'ai ordonné à l'institut médicolégal de procéder aux autopsies de ces

 18   trois corps. Ensuite, ils ont été transmis à l'institut médicolégal. Des

 19   photographies ont été prises de la scène du crime et les croquis ont été

 20   réalisés, car il y avait aussi un officier spécialiste de scène de crime.

 21   J'ai envoyé une copie du rapport de l'enquête sur site au procureur de

 22   district pour suite à donner. Dans ce cas, en tant que juge d'instruction,

 23   j'étais chargée de l'investigation sur site.

 24   Q.  Est-ce que vous savez si l'on a retrouvé les auteurs de ces

 25   crimes ?

 26   R.  D'après ce que je sais, malheureusement, ce n'est pas le cas.

 27   Q.  Je vous remercie. La dernière question que la Défense souhaite poser

 28   aujourd'hui a trait à la manière dont les crimes sont traités, ceux qui ont

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  1   été commis spécifiquement par des membres du MUP. Je ne vous parlerai pas

  2   des crimes perpétrés par les membres de l'armée, parce que vous nous avez

  3   dit que c'était déjà des tribunaux militaires qui étaient chargés de cela,

  4   et c'était de leur ressort. Mais au moment où vous avez été nommée en tant

  5   que juge d'instruction en 1994, est-ce que vous savez s'il y avait des

  6   membres du MUP qui faisaient l'objet d'enquête au sein du tribunal de

  7   Pristina ? Vous avez dit vous étiez juge d'instruction depuis 1994.

  8   R.  Oui. Je sais que pendant cette période il y a eu des procédures mises

  9   en place à l'encontre de membres du MUP, avec des enquêtes qui ont été

 10   diligentées par moi-même ou par mes collègues, bien que je ne puisse pas

 11   vous dire exactement combien de personnes ont fait l'objet de ces enquêtes

 12   et quelles étaient les personnes parce que cela fait longtemps. Tout ce que

 13   je sais c'est qu'après la fin des investigations, des actes d'accusation

 14   ont été émis à l'encontre des personnes qui sont les auteurs de ces crimes

 15   et que des jugements ont été rendus aussi suite à cela.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] La Défense demande le versement de ce

 17   dernier document au dossier. Nous souhaitons aussi remercier le témoin

 18   d'avoir fait le déplacement pour nous aider à éclaircir certaines questions

 19   importantes pour la Défense.

 20   Et voici qui conclut mes questions dans le cadre de l'interrogatoire

 21   principal, Monsieur le Président. Bien sûr, il faut que le document porte

 22   une cote MFI, étant donné que la traduction est encore en cours, comme je

 23   l'ai indiqué précédemment.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le rapport criminel va obtenir une

 25   cote marquée pour identification.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D901, document

 27   portant une cote MFI.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Djordjevic.

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  1   Madame Gopalan, allez-y.

  2   Contre-interrogatoire par Mme Gopalan : 

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Il y a un petit moment nous avons entendu ce que vous disiez dans le

  6   cadre d'un incident à Gornje Obrinje. Est-ce que vous vous souvenez de cela

  7   ?

  8   R.  Oui, j'ai déjà fait état des choses dont je me souvenais, que je

  9   pouvais partager avec vous.

 10   Q.  C'est exact. Ai-je raison de dire que dans le cadre de cet incident à

 11   Gornje Obrinje, une investigation sur site n'avait jamais pu être menée à

 12   bien; est-ce exact ?

 13   R.  Elle n'a pas pu être menée à bien, car on nous a empêchés d'aller

 14   jusqu'à la scène.

 15   Q.  Vous avez dit aussi que les familles ne demandaient plus que l'enquête

 16   soit poursuivie; est-ce exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  En tant que juge d'instruction, aviez-vous l'obligation de terminer une

 19   investigation même si les membres des familles ne souhaitaient plus la

 20   poursuite de cette enquête ?

 21   R.  Le mode opératoire avec cette enquête sur site à Gornje Obrinje est

 22   quelque chose que j'ai essayé de faire, mais on m'a empêchée de le faire.

 23   Puisque Helena Ranta m'a dit qu'il s'agissait de membres de l'UCK qui

 24   étaient présents pour des raisons objectives, cela n'a pas pu être réalisé.

 25   Q.  Encore quelques questions concernant votre rôle et vos obligations en

 26   qualité de juge d'instruction. Vous avez dit dans votre témoignage quelles

 27   étaient vos obligations lors du procès Milosevic. Vous avez dit dans cette

 28   affaire -- que vous aviez témoigné lors de l'affaire Milosevic. Si j'ai

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  1   bien compris, un juge d'instruction ne procède pas à des conclusions, et en

  2   qualité de juge d'instruction, vous recueillez des éléments de preuve; est-

  3   ce exact ? Nous pouvons d'ailleurs essayer d'obtenir le témoignage que vous

  4   avez donné lors du procès Milosevic si cela vous aide à vous rafraîchir la

  5   mémoire.

  6   R.  Non, ce n'est pas nécessaire. Ce que j'ai dit est exact. En tant que

  7   juge d'instruction, je ne suis pas là pour faire des conclusions. Je suis

  8   là pour recueillir des éléments de preuve suite à une demande du procureur

  9   qui est compétent en la matière ou si j'estime moi-même que cela est

 10   nécessaire.

 11   Q.  Donc votre obligation est d'observer, de compiler et de recueillir des

 12   éléments de preuve sur une scène de crime, et c'est le procureur qui prend

 13   la décision de la suite à donner. Et je lis cela de votre témoignage donné

 14   dans l'affaire Milosevic. Est-ce bien  exact ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Passons, si vous le voulez bien, à certains cas de figure dont nous

 17   avons déjà parlé un petit peu plus tôt dans la matinée, par exemple, D892.

 18   Il s'agit du jugement qui a été rendu le 11 juillet 1997.

 19   Mme GOPALAN : [interprétation] Est-ce que l'on peut avoir cette pièce à

 20   l'écran, s'il vous plaît.

 21   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de cette affaire, Madame ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Concernant cette affaire dont vous avez parlé aujourd'hui, alors on a

 24   parlé à la ligne 8, 7 que :

 25   "L'objectif de ces personnes était de susciter la peur et la panique

 26   chez la population pour forcer les Albanais qui ne voulaient pas participer

 27   à l'UCK de travailler pour l'UCK." Et vous poursuivez en disant que :

 28   "L'objectif était de mettre en danger l'intégrité territoriale de la

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  1   République fédérale yougoslave et de couper une partie du territoire pour

  2   créer un Etat séparatiste, ensuite de se rallier à l'Albanie."

  3   Comment est-ce que vous pouvez dire que cela était l'objectif des

  4   défendeurs ?

  5   R.  C'est parce que les défendeurs eux-mêmes ont été interviewés dans le

  6   cadre de cette enquête et ont ouvertement parlé de la chose. Ils étaient

  7   fiers de parler de leur idée de créer un Etat indépendant.

  8   Q.  Alors, un objectif comparable est cité par les défendeurs dans le cadre

  9   de l'affaire du MUP illégal. Est-ce que vous vous souvenez de cette

 10   affaire, le D890 ? Cette affaire du MUP illégale ? Sinon, je vais demander

 11   que l'on affiche ce document à l'écran.

 12   R.  Oui, je m'en souviens bien. Est-ce que vous pouvez me poser la question

 13   que vous souhaitez me poser ?

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  Je n'ai pas besoin de voir ce document à l'écran.

 16   Q.  -- ces défendeurs aussi, d'après vous, avaient l'objectif de créer un

 17   Etat séparatiste. Dans ce cas aussi, il s'agit d'informations qui vous ont

 18   été données lors d'entretiens ou d'interviews ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Alors, reprenons d'autres affaires dont vous avez parlé hier. Vous vous

 21   souvenez peut-être que vous avez pris connaissance d'un grand nombre

 22   d'enquêtes sur site afférentes à un certain nombre de crimes. Il y a un

 23   exemple qui m'intéresse particulièrement, c'est l'affaire de Dalip Dugoli.

 24   Je n'ai pas l'intention de montrer cette pièce sur l'écran, mais vous avez

 25   déposé au sujet de cette affaire en disant que là il s'agissait d'un

 26   exemple classique d'une attaque terroriste contre la population civile

 27   albanaise. Il a été attaqué parce qu'il a travaillé pour cette coopérative

 28   agricole. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Un certain nombre de documents que nous avons vus hier portaient sur

  3   les attaques où les victimes faisaient partie de la nomenclature serbe;

  4   est-ce exact ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  On va regarder un autre exemple. Là, il s'agit de la pièce D860.

  7   En attendant que la pièce s'affiche, je vais vous rappeler que là il s'agit

  8   de l'affaire concernant Sejdi Muja, c'est un villageois de -- enfin, il

  9   travaille à Gradica et il a été tué le

 10   12 janvier 1998 parce qu'il travaillait pour l'exploitation forestière de

 11   Glogovac. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Vous avez dit qu'il a refusé de boycotter les institutions du

 14   gouvernement contrairement aux instructions de l'UCK. Comment avez-vous

 15   appris cela, Madame ?

 16   R.  La, vous avez un cas où la victime est un civil albanais qui

 17   travaillait dans une institution d'Etat. Et c'est quelque chose qui est

 18   arrivé souvent. Nous avons appris l'existence de tels cas, de tels

 19   incidents en faisant notre travail, en faisant des enquêtes concernant

 20   parfois d'autres personnes qui racontaient qu'elles avaient été menacées,

 21   qu'on leur a fait des pressions pour qu'elles rejoignent par la force la

 22   bande terroriste de l'UCK. Et là, c'est un cas vraiment typique, parce que

 23   cette personne a, à plusieurs reprises, porté plainte dans le poste de

 24   police de Glogovac, en demandant à être protégée, en disant qu'il a été

 25   suivi, qu'on l'a menacé, et cetera.

 26   Q.  Mais ce que vous me dites là, Madame, ce n'est pas ce qui écrit dans le

 27   rapport.

 28   R.  Oui, c'est vrai que ce n'est pas écrit dans le rapport parce que ce

Page 13002

  1   n'est pas important pour le constat. Dans le constat, il faut inscrire les

  2   informations, ce que l'on a aperçu sur les lieux, et on n'a pas besoin d'y

  3   ajouter les informations préalables dont on dispose, le contexte, et

  4   cetera.

  5   Q.  D'après ce document, on peut voir que la victime n'était pas seule. Il

  6   était avec son voisin, Selim Dibrani. C'est quelque chose qui se trouve

  7   dans le deuxième paragraphe :

  8   "Le matin de ce jour, à 8 heures 50, la personne décédée et son

  9   voisin, Selim Dibrani, se sont dirigés en direction du village de Glogovac

 10   …"

 11   Alors, Selim Dibrani travaillait aussi dans cette exploitation forestière,

 12   tout comme le témoin, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je ne vois pas où vous avez trouvé cette information.

 14   Q.  C'est au deuxième paragraphe, première ligne.

 15   R.  Mais ce n'est pas écrit là, je ne le vois pas. Tout ce qu'on voit ici,

 16   c'est que c'était son voisin et qu'ils sont partis ensemble.

 17   Q.  Vous n'avez pas l'impression qu'on peut lire, "ils sont partis

 18   travailler" ?

 19   R.  Oui, mais ce n'est pas écrit où est-ce qu'ils travaillent. Ce n'est que

 20   la victime qui travaillait pour cette exploitation forestière, pas l'autre.

 21   Nous n'avons pas ces informations-là.

 22   Q.  Donc vous ne savez pas où travaillait M. Selim Dibrani ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Je vais passer à un autre sujet. Madame, nous allons à présent examiner

 25   des documents que vous avez déjà examinés aujourd'hui au cours de

 26   l'interrogatoire principal. Il s'agit de cette affaire illégale du MUP.

 27   Nous n'avons pas besoin d'examiner l'acte d'accusation et le jugement. Mais

 28   j'ai tout de même quelques questions à ce sujet. D'après ce que j'ai

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  1   compris, on a fait un jugement en première instance, ensuite ce jugement a

  2   été confirmé en appel; est-ce exact ?

  3   R.  Non. Je ne l'ai pas dit comme cela, parce que le jugement a été

  4   modifié. Et ce n'est pas la même chose que de confirmer un jugement ou bien

  5   de le modifier, car en deuxième instance la Cour suprême de Serbie, qui

  6   devait décider dans le cas des appels, a trouvé que les motifs d'appel

  7   portant sur la durée de la peine étaient fondés. C'est pour cela que pour

  8   certains accusés, on a changé le jugement de première instance et on a

  9   modifié la durée de la peine en appel.

 10   Q.  Madame, quand on vous a posé cette question dans l'affaire Milutinovic,

 11   vous avez dit :

 12   "Après mon enquête et après qu'on a dressé un acte d'accusation, il y

 13   a eu le jugement en première instance et la cour d'appel de la Serbie a

 14   confirmé ce jugement."

 15   Maintenant, vous dites que ce n'est pas exact, et vous nous avez expliqué

 16   ce qui s'est passé.

 17   R.  Oui. Qu'est-ce que vous voulez savoir à ce sujet ?

 18   Q.  Je vous demandais de répondre à la question. Je vous ai demandé si ce

 19   que vous venez de dire est plus exact que ce que vous avez dit dans

 20   l'affaire Milosevic.

 21   R.  Ce que je viens de vous dire là, c'est exact --

 22   Q.  Merci, Madame.

 23   R.  En ce qui concerne l'affaire Milosevic, je ne sais pas comment ceci a

 24   été inscrit au compte rendu d'audience, parce que je ne pouvais absolument

 25   pas dire que c'était un jugement qui a été confirmé en appel, alors que

 26   parmi les pièces jointes, vous aviez le jugement de première instance. Donc

 27   je ne pouvais pas dire que c'était un jugement qui a été confirmé en appel.

 28   Q.  Dans l'affaire Milosevic, vous avez dit :

Page 13004

  1   "Je maintiens toutes les affaires que j'ai faites et tout mon

  2   travail." Est-ce toujours exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois qu'à la page 49, ligne 5, nous

  6   parlons de l'affaire Milutinovic, et à la ligne 16, vous parlez de

  7   l'affaire Milosevic. Est-ce la même chose ?

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aurais dû dire "Milosevic" à la place de

  9   Milutinovic.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 11   Mme GOPALAN : [interprétation] Mes excuses.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic.

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Tout d'abord, je voulais dire la même

 14   chose que vous. Ensuite, je demande de connaître exactement la page du

 15   compte rendu d'audience par rapport à ce que le Procureur dit. Donc je veux

 16   savoir ce que le témoin a exactement dit. Est-ce qu'il s'agit d'une erreur

 17   d'interprétation ? Parce que nous avons parmi les pièces à conviction le

 18   jugement en appel, l'arrêt, et on peut lire exactement ce qui est dit là-

 19   dedans.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Madame le Procureur.

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] Il s'agit de la page 223 dans le document 65

 22   ter 3115.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.

 24   Mme GOPALAN : [interprétation]

 25   Q.  Je vais revenir sur cette affaire du MUP illégal. Avez-vous entendu

 26   parler d'une organisation qui s'appelle "Human Rights

 27   Watch" ?

 28   R.  Pas à l'époque.

Page 13005

  1   Q.  Mais maintenant, vous savez que cette organisation existe ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Nous allons examiner un rapport qu'ils ont préparé. C'est le document

  4   65 ter 6089. Puis en attendant qu'on voie le document sur l'écran, est-ce

  5   que vous diriez que cette affaire qui comprenait des policiers albanais,

  6   dans le cadre du MUP, -- de l'affaire du MUP illégal a été -- que cette

  7   affaire a été menée à bien, de façon tout à fait professionnelle, de tous

  8   les côtés ?

  9   R.  "De tous les côtés," mais à qui fait-on référence là ?

 10   Q.  Je vais être plus précise. Par le procureur, les juges; voilà, c'est à

 11   cela que j'ai pensé.

 12   R.  Oui, aussi bien les juges que le bureau du procureur.

 13   Q.  On va examiner le rapport qui se trouve sur votre écran. Nous

 14   avons traduit les parties pertinentes vers le B/C/S, alors que la version

 15   en langue anglaise est complète. Je pense qu'en page de garde, nous pouvons

 16   voir que là, il s'agit d'un rapport de "Human Rights Watch," le titre en

 17   est, on peut lire : "Les persécutions se poursuivent en Serbie-et-

 18   Monténégro, les violations des droits de l'homme au Kosovo," en date de

 19   décembre 1996.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Maintenant, je vais vous demander d'examiner la page 21 en anglais et

 22   la page suivante en B/C/S. Et je vais vous donner lecture d'une partie de

 23   ce texte. Donc c'est là où on parle : "Le cas de l'ex-policier albanais."

 24   Je vais vous donner lecture de cela.

 25   "Au mois de novembre, au mois de décembre 1994, 136 Albanais de

 26   souche ont été arrêtés pour avoir créé une force parallèle albanaise. Ils

 27   étaient tous avant des policiers yougoslaves et étaient actifs dans le

 28   syndicat de la police."

Page 13006

  1   Donc là, il s'agit, n'est-ce pas, de l'affaire du MUP illégal; est-ce

  2   bien cela ?

  3   R.  Je ne sais pas, puisqu'ici on parle de 136 Albanais. Mon enquête n'a

  4   pas porté sur 136 personnes. Peut-être que là il s'agit d'autre chose,

  5   puisque moi, dans mon affaire, il y avait 88 Albanais accusés d'avoir tenté

  6   de créer un MUP illégal.

  7   Q.  Mis à part les chiffres, le nombre pour lequel vous dites qu'il n'est

  8   pas exact, est-ce que le reste de l'affaire est

  9   inchangé ?

 10   R.  Je vois ici juste un rapport, une constatation faite par cette

 11   organisation --

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  -- je ne vois pas où est l'objet.

 14   Q.  Cette organisation fait un rapport portant sur l'acte d'accusation et

 15   le jugement par rapport à l'affaire du MUP illégal, nous avons vu ces

 16   documents. Donc je vais entrer plus en détail dans ce qu'ils ont dit. Mais

 17   pour l'instant, vu les informations qui figurent ici, vous êtes d'accord,

 18   n'est-ce pas, pour dire que ce rapport concerne la même affaire, n'est-ce

 19   pas ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Pourquoi ?

 22   R.  Parce que les chiffres ne concordent pas, on ne mentionne pas les noms.

 23   Je ne saurais émettre de commentaires au sujet de choses que je ne connais

 24   pas. Je ne sais pas qui est la source de cette information. Donc moi, en

 25   tant que juge, je ne peux pas faire des commentaires à ce sujet.

 26   Q.  Très bien, Madame. Mais je vais vous poser la question autrement. Est-

 27   ce que vous êtes au courant des cas où des Albanais ont été arrêtés, car

 28   ils ont créé une force parallèle albanaise, au mois de décembre 1994 alors

Page 13007

  1   que le jugement a été prononcé en 1995 ?

  2   R.  Peut-être que c'est une affaire qui a été portée devant d'autres

  3   tribunaux au Kosovo. Je ne suis pas au courant de cela. Je ne connais pas

  4   le numéro de cette affaire.

  5   Q.  Donc vous n'êtes pas au courant de cela. Mais nous allons peut-être

  6   pouvoir traiter de quelques questions qui ont été posées. On va examiner la

  7   page suivante en anglais, et moi, ce qui m'intéresse, c'est le paragraphe

  8   qui commence avec "Fazli Balaj."

  9   Je vais vous lire cela :

 10   "Fazli Balaj a défendu 12 de ces policiers. Ils ont tous été arrêtés entre

 11   le 24 novembre et le 7 décembre 1994. Il a eu la possibilité de contacter

 12   certains de ses clients au bout de six jours. Il a raconté au "Human Rights

 13   Watch" de Helsinki un cas de torture, et voici la réponse du juge…"

 14   Voilà. Madame, est-ce que vous savez qui est Fazli Balaj ?

 15   R.  Je ne le connais pas. Mais vous avez Fazli Baljaj.

 16   Q.  Est-ce que vous connaissez un certain Fazli Baljaj ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  C'était un avocat et il a défendu 12 de ces ex-policiers qui ont pris

 19   part à cette affaire du MUP illégal; est-ce exact ?

 20   R.  Fazli Baljaj était un juge du tribunal du district de Pristina et il a

 21   quitté ce tribunal en 1992 pour devenir avocat. C'est vrai qu'il a défendu

 22   ces policiers. Cela étant dit, je ne sais pas s'il en a défendu un ou 12.

 23   Q.  Donc c'était bien un avocat de la Défense, et on peut voir ici qu'il a

 24   parlé d'un cas de torture, et voici la réponse du juge :

 25   "'Je suis entré dans la prison pour visiter mon client, Isak Aliu. Il

 26   est venu dans le couloir pour me voir. Quand il est venu, j'ai vu qu'il

 27   était noir et bleu. Je lui ai demandé d'enlever ses vêtements et j'ai pu

 28   voir qu'il a été battu sur tout son corps.

Page 13008

  1   'A ce moment-là, la porte de la cellule s'est ouverte et le juge

  2   d'instruction, Danica Marinkovic, est entrée. Je lui ai dit : 'Regarde ce

  3   qu'ils ont fait à mon client.' Elle a dit : Bien, collègue, je ne suis pas

  4   un médecin. Faites-moi une requête par écrit.'"

  5   Est-ce que vous vous souvenez de cette rencontre avec M. Balaj dans la

  6   prison ?

  7   R.  Madame le Procureur, je dois vous décevoir, car ce n'est pas exact, car

  8   je ne suis jamais allée dans la prison de district. Je n'étais pas obligée

  9   de le faire, et ce qui figure dans ce rapport ne correspond pas à la

 10   vérité.

 11   Q.  Est-ce que vous l'avez rencontré où que ce soit d'autre, si vous ne

 12   l'avez pas rencontré dans la prison du district ?

 13   R.  Si Fazli Balaj était l'avocat d'un des accusés, il devait être présent

 14   à chaque fois que je l'ai interrogé. Et c'est à ces occasions-là,

 15   uniquement, qu'on a pu éventuellement se rencontrer, pendant les

 16   interrogatoires de l'accusé, quand le procureur général, le traducteur et

 17   l'avocat étaient présents. Toutes les remarques éventuelles, il pouvait les

 18   présenter, auraient été consignées au compte rendu d'audience. Il avait ce

 19   droit en tant que conseil de la défense.

 20   Q.  Donc vous dites, autrement dit, que vous ne vous souvenez pas avoir

 21   jamais dit à M. Balaj de vous faire une requête par écrit par rapport à

 22   Isak Aliu et ses plaintes par rapport à cela ?

 23   R.  Là, vous tournez votre question. Tout à l'heure, vous m'avez posé une

 24   question; maintenant, vous me posez une autre question. Essayez d'être

 25   précise pour que je puisse vous répondre de façon précise.

 26   Q.  Veuillez répondre à la question, Madame le Témoin.

 27   R.  Veuillez répéter la question, s'il vous plaît.

 28   Q.  Est-ce que vous dites donc que vous ne vous souvenez pas que vous avez

Page 13009

  1   dit à M. Balaj de faire une réclamation par écrit, de vous la présenter par

  2   écrit ?

  3   R.  Je vous ai dit que ce n'est pas correct. C'est tout simplement que je

  4   ne l'ai jamais rencontré là où il est écrit que je l'ai rencontré. Je ne

  5   l'ai jamais rencontré. Je n'ai jamais pu lui dire quoi que ce soit.

  6   Q.  Bien. Avez-vous reçu des réclamations concernant le traitement réservé

  7   aux prisonniers détenus suite aux enquêtes que vous avez menées ?

  8   R.  De quoi parlez-vous quand vous parlez de "réclamations" ?

  9   Q.  Des réclamations portant sur des mauvais traitements, les passages à

 10   tabac, par exemple.

 11   R.  Vous savez, il ne pouvait pas y avoir de réclamations par rapport à

 12   cela, parce qu'il n'y a jamais eu de passage à tabac et il n'y a jamais eu

 13   de mauvais traitements. Puis quand vous dites, de toute façon, des mauvais

 14   traitements ou des passages à tabac, je ne vois même pas qui, pensez-vous,

 15   aurait pu être l'auteur de tels traitements.

 16   Q.  Très bien.

 17   Mme GOPALAN : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit

 18   marquée aux fins d'identification, puisque je vais revenir là-dessus dans

 19   peu de temps.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Si j'ai bien compris, le témoin, jusqu'à

 22   présent, n'a jamais parlé du contenu de ce document, donc cela me paraît

 23   difficile de verser ce document par le biais de ce document [comme

 24   interprété], même s'il s'agit d'un document qui va être marqué aux fins

 25   d'identification.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pendant que c'est un document qui est

 27   marqué uniquement aux fins d'identification, je peux vous assurer que nous

 28   n'allons pas nous appuyer sur ce document, nous n'allons pas l'utiliser.

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  1   Nous pouvons le marquer aux fins d'identification uniquement parce que Mme

  2   Gopalan a l'intention de revenir sur ce document pour une autre raison, et

  3   donc là nous le marquons uniquement pour être sûrs qu'il s'agit du même

  4   document.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ceci va être la pièce P1558, marquée

  6   aux fins d'identification.

  7   Mme GOPALAN : [interprétation] Maintenant, je vais demander la pièce 65 ter

  8   3096.

  9   Q.  Je vais vous laisser le temps de regarder le document, Madame le

 10   Témoin. Vous le voyez, il s'agit d'un document qui porte le sceau de

 11   l'institut de science médicolégale à Pristina, n'est-ce   pas ?

 12   R.  Oui, effectivement, je vois qu'il s'agit d'un document de l'institut de

 13   science médicolégale à Pristina.

 14   Q.  Il est daté du 22 décembre et il vous est adressé à vous en tant que

 15   juge d'instruction, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. Je vois que c'est un document qui m'est adressé, et je vois qu'à

 17   la demande de ce tribunal, cote 161/94 du 26 décembre 1994, un examen

 18   médical a été mené à la date d'envoi de ma lettre. Il s'agit d'Isak Aliu.

 19   Q.  Est-ce que cela vous rappelle quelque chose, Isak Aliu ?

 20   R.  Non, cela ne me rappelle rien.

 21   Q.  C'est le nom de la personne que nous avons vu dans le "Human Rights

 22   Watch Report," dans le rapport de "Human Rights Watch" que nous venons de

 23   voir à l'instant.

 24   Mme GOPALAN : [interprétation] Passons maintenant à la page 2 de l'anglais

 25   et la première page du B/C/S.

 26   Q.  Avant de rentrer dans le détail, Madame, vous souvenez-vous avoir reçu

 27   ce rapport ?

 28   R.  Je ne m'en souviens pas, mais s'il m'était destiné, j'ai dû le

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  1   recevoir. Donc ça doit être dans le dossier de l'affaire parce que c'est un

  2   document officiel.

  3   Q.  Regardons maintenant la partie opinion du rapport. Je crois que c'est

  4   en bas de la page en B/C/S, si je ne m'abuse, et on y voit que : 

  5   "Les blessures décrites aux points 2, 3 et 4 du rapport sont des

  6   hématomes, et au point 5, on voit qu'il y a une excoriation, que des coups

  7   importants ont été infligés de manière mécanique et individuelle et qu'il y

  8   a aussi des blessures moins importantes."

  9   Madame, vous dites ne pas vous rappeler avoir reçu ce rapport directement,

 10   mais est-ce que vous souvenez avoir reçu ce type de rapports, à savoir des

 11   rapports d'examens médicaux qui présentaient des conclusions semblables,

 12   des conclusions présentant des blessures qui ont été infligées en détention

 13   ?

 14   R.  Ecoutez, il est dit ici que c'est une blessure mineure, mais on ne dit

 15   pas par qui ces blessures ont été infligées et où, donc votre conclusion

 16   selon laquelle ces blessures ont été infligées en détention est prématurée.

 17   Je recevais ces rapports, parce que dans le cadre des enquêtes quiconque

 18   était détenu et quiconque demandait un examen médical, quelle qu'en soit la

 19   raison, allait à cet examen médical, parce que c'était leur droit et

 20   régulièrement je recevais donc des rapports des médecins qui avaient

 21   pratiqué ces examens. Et en fonction de la grièveté des blessures, de

 22   différentes mesures étaient prises pour les détenus. Donc je faisais mon

 23   travail en la matière. Alors, il se peut qu'il y ait eu des rapports comme

 24   celui que nous avons maintenant sous les yeux. Mais en tant que juge

 25   d'instruction, lorsque je reçois un rapport de ce type, il m'incombe

 26   d'informer le procureur et la défense s'ils considèrent qu'il y a des

 27   éléments relevant d'un crime. S'ils en connaissent les auteurs, ils ont le

 28   droit de remettre un rapport criminel contre l'auteur. Ainsi, la défense et

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  1   l'accusation pourront travailler sur la base de ce document.

  2   Q.  Votre témoignage est donc de dire que votre compétence ne consistait

  3   pas à enquêter plus avant et que c'était une question qui relevait du

  4   procureur et de la défense, n'est-ce pas ?

  5   R.  Le procureur et la défense peuvent agir s'ils pensent que cela

  6   est nécessaire dans le cadre de la procédure pénale. Et mon travail à moi

  7   était simplement de les en informer.

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Je pense que, Monsieur le Président,

  9   le moment est venu de faire une pause.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Absolument. Nous allons donc observer

 11   une seconde pause et nous reprendrons à 13 heures.

 12   --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.

 13   --- L'audience est reprise à 13 heures 03.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

 15   Mme GOPALAN : [interprétation]

 16   Q.  Témoin, nous regardions le rapport médical concernant Isak Aliu --

 17   Mme GOPALAN : [interprétation] Je voudrais verser au dossier cette pièce.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 19   Mme GOPALAN : [aucune interprétation] 

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1559.

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] Je vais demander la pièce D889, s'il vous

 22   plaît. Je ne suis pas sûre qu'il s'agisse du bon document. J'ai demandé la

 23   pièce D889, l'acte d'accusation du 7 avril 1995. Et je vais demander qu'on

 24   examine le paragraphe 27, s'il vous plaît.

 25   Q.  Madame, ici, vous avez l'affaire du MUP illégal. On en a parlé ce matin

 26   au cours de votre déposition. Vous vous en souvenez ? Nous avons examiné

 27   ces documents. Vous vous en souvenez ? Je vais vous demander d'examiner

 28   l'article 27 en anglais. Là, il s'agit d'Isak Aliu, son rapport médical,

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  1   c'est ce que nous avons vu avant la pause, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Puisque le document est sur l'écran, je voudrais attirer votre

  4   attention sur d'autres personnes qui faisaient l'objet de l'acte

  5   d'accusation.

  6   Mme GOPALAN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez revenir sur la

  7   première page du document, s'il vous plaît. La première page, le premier

  8   paragraphe.

  9   Q.  Je voudrais tout simplement passer en revue un certain nombre de noms

 10   que l'on voit dans cet acte d'accusation. Donc le premier, Avdija

 11   Mehmedovic; numéro 7, Bljerim Oloni; ensuite le numéro 10, Murata Sahiti;

 12   numéro 13, Ramadan Ferizi.

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] Maintenant, je vais demander que l'on passe

 14   à l'article 21.

 15   Q.  Alidem Bejtulah. La page suivante, 38, Tahir Caka.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] Puis le numéro 32, Bruti Sali [phon].

 17   Q.  Est-ce que ceci --

 18   Mme GOPALAN : [interprétation] Je dois vérifier si c'est Bruti Sali.

 19   Attendez un instant, s'il vous plaît. Pour l'instant, je ne retrouve pas ce

 20   dernier numéro, mais je pourrais par la suite vous montrer cela.

 21   Q.  Madame, nous avons vu un certain nombre d'individus qui ont fait

 22   l'objet de cet acte d'accusation, et j'ai avec moi des rapports médicaux de

 23   ces personnes qui sont similaires au rapport que nous avons vu concernant

 24   Isak Aliu. Les conclusions de ces rapports disent des choses semblables,

 25   sinon identiques, aux conclusions du rapport concernant Isak Aliu. On va en

 26   montrer un, par exemple, 03105, en guise d'exemple. Et Bruti Sali se trouve

 27   au paragraphe 49 [comme interprété] de l'acte d'accusation.

 28   Madame, je ne veux pas passer tous ces rapports en revue, un par un, mais

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  1   j'en ai huit autres rapports qui, comme je vous l'ai dit, comportent la

  2   même conclusion concernant les blessures. Sur la base des informations

  3   contenues dans ces documents et d'autres rapports médicaux, il apparaît que

  4   les personnes qui ont fait l'objet de l'acte d'accusation ont reçu certains

  5   types de blessures pendant leur détention; est-ce exact ?

  6   R.  Non. C'est vrai qu'ils ont blessés, mais on ne voit pas quand, on ne

  7   voit pas qui est l'auteur de ces blessures. Et pour ne pas passer trop de

  8   temps en examinant ces autres dossiers médicaux, je vous dis que ma réponse

  9   sera la même. Elle est la même que celle que je vous ai donnée concernant

 10   le premier rapport médical que vous m'avez présenté.

 11   Puis j'ajouterais, pour les bénéfices des Juges, que moi, après avoir

 12   entendu les accusés et après avoir décidé qu'il y a lieu d'entamer une

 13   enquête, à partir du moment ils sont placés en détention, ils purgent leur

 14   détention dans la prison de district de Pristina, et personne ne peut les

 15   blesser, avoir des contacts avec eux, parler avec eux. Et en ce qui

 16   concerne les visites dans cette même prison, il n'y a que leurs familles et

 17   leurs avocats qui peuvent leur rendre visite à des dates prévues pour cela

 18   et aux horaires prévus pour cela, définis donc par le règlement de

 19   l'institution. En ce qui concerne leur état physique et les réclamations

 20   par rapport au comportement qui leur a été infligé dans la prison, vous

 21   avez un juge qui est obligé de visiter les prisons une fois par semaine, de

 22   parler avec les prisonniers, avec les détenus et de prendre note de toute

 23   remarque éventuelle concernant qui que ce soit. Ensuite, tout ceci est

 24   vérifié.

 25   Q.  Avant de passer au document suivant, j'aimerais verser au dossier les

 26   autres rapports médicaux concernant les personnes accusées auxquelles j'ai

 27   fait allusion dans l'acte d'accusation. Est-ce qu'il suffit que je lise les

 28   cotes de la liste 65 ter de ces documents ?

Page 13016

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Ni la Défense ni la Chambre n'ont vu ces

  3   documents auparavant, donc je pense qu'il faudrait nous montrer ces

  4   documents si on veut les verser pour savoir s'ils font vraiment référence

  5   aux personnes qui ont été mentionnées auparavant. Je ne saurais accepter en

  6   bloc qu'ils ont tous été blessés alors qu'ils étaient en détention. Il nous

  7   faut des preuves, il nous faut éclaircir cela, poser des jalons concernant

  8   cela.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Visiblement, je pense qu'il faudrait

 10   que vous lisiez au moins les noms pour qu'on puisse les identifier. Est-ce

 11   que vous préférez faire cela un peu plus tard, Madame Gopalan ?

 12   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, je souhaite faire cela un petit peu

 13   plus tard.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 15   Mme GOPALAN : [interprétation] Parce que tous ces noms sont des noms qui

 16   ont également été cités dans l'affaire Milutinovic. Donc je demanderai le

 17   versement de cette pièce à la fin.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous vouliez dire Milutinovic ou

 19   Milosevic ?

 20   Mme GOPALAN : [interprétation] Milutinovic.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 22   Mme GOPALAN : [interprétation]

 23   Q.  Concernant Isak Aliu et les blessures qu'il a subies, pourrait-on

 24   passer à une déclaration, la déclaration de Fazli Balaj, dont nous venons

 25   de parler, et la cote c'est 06083. Madame, il s'agit d'une déclaration

 26   prononcée par M. Balaj dans le cadre de l'enquête menée par ce Tribunal. Ça

 27   lui a été relu, il a confirmé l'exactitude des propos qui y sont portés et

 28   il a signé ou apposé ses initiales sur chacune des pages. Je pense qu'il

Page 13017

  1   est juste que vous puissiez faire quelque commentaire sur ce qu'il dit.

  2   Mme GOPALAN : [interprétation] Pourrait-on passer au paragraphe 7 de cette

  3   déclaration, s'il vous plaît. On va peut-être faire remonter la page et

  4   commencer par le premier paragraphe.

  5   Q.  C'est donc la déclaration de M. Balaj concernant la détention de Isak

  6   Aliu. Et il dit :

  7   "Pendant les trois premiers jours de leur détention, mes clients n'ont" --

  8   R.  Pardonnez-moi. Je ne vois pas la version serbe.

  9   Q.  Cette déclaration n'est pas disponible en serbe. Là encore, je ne vous

 10   demande pas de regarder la déclaration dans son ensemble, mais simplement

 11   je vais vous lire une partie de cette déclaration et je vous demanderais de

 12   bien formuler des commentaires. Et je recommence :

 13   "Pendant les trois premiers jours de leur détention, mes clients n'ont pas

 14   eu le droit d'entrer en contact avec un avocat. Ni la police ni le juge

 15   Danica Marinkovic ne m'ont donné la moindre information sur le lieu où ils

 16   se trouvaient."

 17   Ce que M. Balaj nous dit ici, c'est que ces informations n'ont pas

 18   été -- à savoir qu'il n'y a reçu aucune information sur là où se trouvaient

 19   ses clients; est-ce que c'est exact ?

 20   R.  Avant de répondre, j'aimerais préciser que je ne peux pas faire de

 21   déclaration comme ça sur une petite partie de cette déclaration. Je n'en

 22   connais pas toute la teneur. Pour ce qui est de ce passage que vous venez

 23   de lire, tout ce que je puis vous dire c'est qu'il n'est pas exact, pas

 24   vrai.

 25   Q.  Je vais vous en lire un autre passage, alors c'est en bas -- voilà. Au

 26   paragraphe 7, on peut lire :

 27   "A ma demande, le juge Danica Marinkovic a envoyé une requête du

 28   département de médecine légale pour un examen sur Isak Aliu. Toutefois, le

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  1   juge Marinkovic a attendu le 22 décembre 1994, quasiment un mois après

  2   l'arrestation d'Isak Aliu, pour faire cette requête. A ce moment-là,

  3   certaines des blessures d'Isak Aliu avaient commencé à être soignées. Et je

  4   viens de passer au crible le certificat médical qui décrit les résultats de

  5   l'examen d'Isak Aliu daté du 22 décembre 1994. On y parle des blessures aux

  6   mains, dans le dos, à la hanche et au genou droit d'Isak Aliu. Ce

  7   certificat devait être envoyé au juge Danica Marinkovic pour être repris

  8   dans son dossier. Ensuite, Isak Aliu a reçu cet examen, et ce certificat a

  9   été produit. Le juge Danica Marinkovic n'a pris aucune mesure pour éviter

 10   tout autre mauvais traitement infligé à Isak Aliu ou pour poursuivre ceux

 11   qui étaient responsables de sa torture."

 12   Ma question est donc la suivante, Madame : avez-vous retardé la demande

 13   d'examen médical de quasiment un mois après l'arrestation de M. Isak Aliu,

 14   moment auquel ses blessures avaient commencé à être pansées ?

 15   R.  Non, c'est faux. Tout cela est faux, notamment parce qu'il n'y a aucun

 16   élément de preuve supplémentaire, il n'y a aucune note qui accompagne cette

 17   déclaration. Outre cette déclaration, il aurait dû envoyer les bons

 18   documents pertinents.

 19   Q.  Nous en parlerons dans un instant. La dernière phrase : "Une fois cet

 20   examen subi et ce certificat produit, la juge Danica Marinkovic n'a pris

 21   aucune mesure pour éviter tout mauvais traitement à l'avenir d'Isak Aliu ou

 22   pour poursuivre ceux qui étaient responsables de sa torture."

 23   Alors, sur cette dernière phrase vous nous dites que tout est faux

 24   donc dans ce paragraphe. Mais cette dernière phrase, quand même, le fait

 25   que vous n'avez pris aucune mesures supplémentaire pour éviter toute

 26   maltraitance infligée à Isak Aliu ou pour poursuivre les gens qui étaient

 27   responsables de sa torture, est-ce que ça aussi, c'est faux ? Vous avez

 28   pris des mesures ?

Page 13019

  1   R.  Tout d'abord, il n'est pas vrai qu'il y a eu maltraitance ou torture en

  2   prison. Ça c'est faux. Ensuite concernant les résultats médicaux d'Isak

  3   Aliu, comme ce que vous m'avez présenté au début, je vous ai déjà fourni

  4   une réponse et je m'en tiens à cette réponse.

  5   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais que cette déclaration soit

  6   marquée aux fins d'identification car j'y reviendrai un peu plus tard.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote sera P1560.

  9   Mme GOPALAN : [interprétation] Pourrait-on maintenant porter à l'écran s'il

 10   vous plaît le document 6076.

 11   Q.  Madame Marinkovic, nous en venons maintenant à 1995, aux rapports

 12   médicaux que nous avons vus pour la fin de l'année 1994. Dans l'une de vos

 13   réponses précédentes, vous avez parlé de plusieurs documents importants ou

 14   pertinents que M. Aliu aurait dû envoyer. Visiblement, le document que je

 15   vais vous présenter devrait être un document pertinent. Voyons ensemble. La

 16   date est le 27 février 1995. C'est un document qui s'adresse à vous, Majnka

 17   [comme interprété] Marinkovic, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui. La réclamation que nous avons ici sous les yeux m'était destinée,

 19   en effet.

 20   Q.  Et dans la traduction anglaise, au premier paragraphe, on parle de

 21   certains accusés et on voit que le nom d'Isak Aliu apparaît, n'est-ce pas ?

 22   Vous le voyez ici ? Il s'agit d'un individu dont nous parlions à l'instant,

 23   n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, absolument. Je le vois. C'est le premier sur la liste.

 25   Q.  Donc cette lettre, d'après la date, aurait été envoyée après que vous

 26   avez reçu le rapport sur l'examen médical, n'est-ce pas ?

 27   R.  Je ne comprends pas votre question.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

Page 13020

  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je ne suis pas convaincu que le document

  2   anglais soit le bon document à la lumière de l'organisation générale du

  3   document et de sa teneur. On devrait avoir un "versement de l'avocat de la

  4   défense," alors que l'on voit "réclamation de l'avocat de la Défense" en

  5   anglais. Donc il faudrait vérifier que la traduction anglaise correspond

  6   bel et bien à l'original. Le numéro d'affaire est le même "Cno, mais en

  7   serbe on nous dit "Kio." Donc je ne suis vraiment pas convaincu qu'il

  8   s'agisse d'un seul et même document. Et c'est vrai qu'a priori, il ne

  9   semble pas que tel soit le cas. Merci.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'agit-il d'une traduction effectuée

 11   par le Tribunal, Madame Gopalan ?

 12   Mme GOPALAN : [interprétation] Attendez, je vérifie.

 13   Quant à savoir si c'est une traduction du Tribunal, nous sommes en train de

 14   vérifier. Mais ce que l'on voit dans ce document, c'est que c'est une

 15   traduction partielle du B/C/S, et d'après ce que j'ai compris ce sont les

 16   parties soulignées du B/C/S qui ont été traduites en anglais.

 17   Donc les parties que je mentionnerai en anglais seront évidemment toujours

 18   disponibles en B/C/S. Elles seront soulignées.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, si vous trouvez

 20   qu'il y a une erreur flagrante de traduction dans cette partie du document

 21   qui vient d'être présentée au témoin, dites-le. Sinon, veuillez poursuivre,

 22   Madame Gopalan.

 23   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Madame Marinkovic, vous nous dites --

 25   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Si vous le permettez, Monsieur le

 26   Président, quand même, je dois dire qu'il y a effectivement des différences

 27   de taille entre les versions anglaises et B/C/S. On dit ici, "à partir du

 28   troisième paragraphe." Le B/C/S semble être traduit correctement.

Page 13021

  1   Toutefois, le haut ne semble avoir aucun lien avec l'original. En effet, il

  2   ne s'agit pas d'une plainte ou d'une réclamation, mais il s'agit simplement

  3   d'une demande de l'avocat de la défense. Ensuite, ce que je vois me semble

  4   pertinent, mais ce qui suit est peu clair. La seule chose que j'arrive à

  5   identifier, c'est le début de troisième paragraphe qui, ma foi, peut être

  6   considéré comme une traduction valable. Mais sinon, le reste est

  7   insuffisant pour que la Chambre puisse l'utiliser. Bon. Là encore, demande

  8   ou plainte ou réclamation, ce n'est pas la même chose. Alors, je veux bien

  9   que ce document soit marqué aux fins d'identification, mais j'aimerais que

 10   le document soit traduit dans son intégralité quand même.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Poursuivez, Madame Gopalan.

 12   Mme GOPALAN : [interprétation]

 13   Q.  Madame, vous nous dites que c'est un document que vous avez reçu --

 14   enfin, "une plainte qui m'a été envoyée." Donc vous dites que vous êtes

 15   envoyée. Le titre précise, "plainte de l'avocat de la défense," et la ligne

 16   suivante nous dit : "C'est la cinquième plainte que je formule dans ce cas

 17   d'espèce." Je vais vous lire les détails.

 18   "Le 24 février 1995, j'ai visité les défendeurs à la prison. Je les

 19   ai informés de la conversation que j'avais eue avec vous dans votre bureau,

 20   et du refus d'examiner à nouveau l'accusé comme vous l'avez déjà examiné.

 21   Néanmoins, l'accusé Isak Aliu m'a dit que le 17, le 21 et le

 22   22 février il avait été sorti des bureaux de la prison -- des bâtiments de

 23   la prison, pardon, et qu'il avait été envoyé pour être interrogé au

 24   bâtiment de la sécurité d'Etat à Pristina, et que le 22 février 1995 il

 25   avait été soumis à une torture physique."

 26   Avant que de continuer à lire, est-ce que vous vous souvenez de cette

 27   visite de M. Balaj ? Je crois que c'est un document qu'il avait préparé,

 28   que nous voyons dans la dernière page et concernant un examen médical

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  1   ultérieur de son client.

  2   R.  Oui. Ce que je vois ici, la version serbe nous dit : "Présentation du

  3   défense." Donc ce n'est pas une plainte. C'est une présentation. Et je

  4   voudrais lire -- en fait, j'ai lu, pardon, la teneur de ce document. Je ne

  5   me souviens pas de cette personne, Balaj --

  6   Q.  Oui, excusez-moi. Poursuivez.

  7   R.  Donc le fait qu'il ait discuté de cela dans mon bureau. Tout ce que je

  8   puis dire c'est qu'au troisième paragraphe, ce qui est dit ici n'est pas du

  9   tout exact, car Isak Aliu, une fois que la décision a été prise concernant

 10   le fait d'une enquête à son encontre, n'a pas pu avoir une conversation

 11   avec qui que ce soit, et ce n'est pas non plus possible de l'avoir sorti du

 12   bâtiment de l'unité de détention de Pristina. Donc rien de tout cela ne

 13   peut être vrai. Il n'y a pas eu de torture de l'accusé au moment où

 14   l'enquête était en cours. Cela n'était pas permis, et personne n'avait

 15   l'autorisation de faire cela. Donc c'est totalement impossible.

 16   Q.  Madame, vous ne vous souvenez pas du fait que M. Balaj ait formulé une

 17   telle requête auprès de vous pour empêcher la torture, parce que ce que

 18   vous nous dites c'est qu'il n'y avait pas de torture au moment où l'enquête

 19   était en cours. Est-ce que c'est bien cela que vous nous dites ?

 20   R.  Ce que je dis c'est qu'il n'y avait pas de mauvais traitements ou de

 21   torture. Cette requête a peut-être été déposée s'il y a le sceau du

 22   tribunal qui atteste que cela a été reçu. Mais je puis vous dire qu'il n'y

 23   avait pas de mauvais traitements ou de tortures, que cela n'aurait pas pu

 24   se produire. Cette requête, je l'aurais mise dans le dossier, mais je ne

 25   pouvais rien faire. Je ne pouvais prendre aucune mesure parce qu'il ne

 26   disait pas la vérité. Donc c'est un avocat de la défense; il doit écrire un

 27   certain nombre de choses, il doit prendre un certain nombre de mesures.

 28   Bon, il a le droit de dire un certain nombre de choses. Je ne peux pas

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  1   l'empêcher d'écrire ce qu'il souhaite.

  2   Q.  Donc vous nous dites que M. Balaj a inventé tout cela, que ce sont des

  3   allégations ?

  4   R.  Je n'ai pas dit qu'il avait inventé, mais ce n'est pas vrai.

  5   Q.  Merci.

  6   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais verser

  7   cette pièce au dossier et demander que l'on montre un autre document.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin ne se souvient pas de ce

  9   document, si j'ai bien compris ce qu'elle vient de nous dire.

 10   Mme GOPALAN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président, mais

 11   c'est quelque chose qui porte sur un autre témoignage qui a été fait. Et

 12   elle nous a dit que la plainte déposée m'a été envoyée. Donc c'est un

 13   document qui lui a été adressé.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et il semble que ce document porte

 15   aussi le sceau du tribunal.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne crois pas

 17   qu'elle mette en doute l'authenticité du document.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je propose que ce document soit marqué aux

 20   fins d'identification pour l'instant et que l'ensemble du document fasse

 21   l'objet d'une traduction. Il est vrai que le témoin n'a pas pu témoigner

 22   concernant la teneur du document.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il autre chose, Madame Gopalan ?

 24   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit,

 25   "cette requête, je l'aurais placée dans le dossier," donc non seulement

 26   elle dit que c'est une plainte qui lui a été envoyée, elle accepte le fait

 27   que c'est le type de document qu'elle aurait placé dans le dossier.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas dit ça. Ce n'est pas

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  1   exact. Je tiens à présenter mes excuses à la Chambre de première instance.

  2   J'ai dit que c'est le type de document et que ce type de requête peut être

  3   porté au dossier, mais je n'ai pas dit que ce document-là était un document

  4   que j'avais, en effet, reçu et que j'ai placé dans le dossier. Je ne me

  5   souviens pas de cela, mais ce qui figure ici au sujet de la torture et de

  6   mauvais traitement n'est pas exact.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Etant donné le fait qu'il y ait le

  8   sceau du tribunal, la Chambre va accepter le versement de cette pièce. S'il

  9   s'avère que c'est un document probant, la Chambre pourra ordonner que

 10   l'ensemble du document soit traduit. Pour l'instant, cela n'est pas

 11   justifié sur la base de ce que nous avons entendu. Mais nous versons le

 12   document au dossier.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document portera la cote P1561.

 14   Mme GOPALAN : [interprétation]

 15   Q.  Je voudrais maintenant que l'on voie le document dans la liste 65 ter

 16   06078. Il s'agit d'un autre document qui provient aussi de M. Balaj. On

 17   voit au numéro 2 :

 18   "Magistrat examinateur du tribunal de district de Pristina."

 19   C'est-à-dire vous-même, Madame; est-ce exact ?

 20   R.  Je ne vois pas si ce document effectivement a été reçu au tribunal. Le

 21   contenu est similaire au contenu du précédent document.

 22   Mme GOPALAN : [interprétation] Est-ce que l'on peut passer à la deuxième

 23   page en B/C/S.

 24   Q.  On voit en anglais une mention qui dit, "empreinte du sceau officiel".

 25   On voit cette mention.

 26   Mme GOPALAN : [interprétation] Est-ce que l'on a une autre page en B/C/S ?

 27   Oui, c'est bien ça.

 28   Q.  Voyez tout en bas, s'agit-il là du tampon officiel du tribunal de

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  1   district et de la date à laquelle ce document a été   reçu ?

  2   R.  Oui, je vois le tampon officiel du tribunal tout en bas du document,

  3   mais je ne me souviens pas si ce document m'a été transmis. Et le contenu

  4   ne me dit rien maintenant que je vois la première page.

  5   Q.  Bien, le contenu est semblable à celui de l'autre document que nous

  6   venons de voir. Il s'agit de la poursuite d'une plainte concernant des

  7   traitements d'Isak Aliu. Et un certain nombre de destinataires figurent

  8   dans la liste, en plus de vous-même. Donc vous dites que même si vous

  9   faites partie des destinataires, ce n'est pas un document dont vous avez

 10   connaissance ?

 11   R.  Non, je ne le connais pas. Je ne vois pas non plus que ce document

 12   m'ait été transmis en personne ou que je l'ai reçu.

 13   Q.  Dans ce document, nous voyons des détails supplémentaires donnés

 14   concernant la plainte d'Isak Aliu, et est-ce que l'on peut revenir à la

 15   page 1 en anglais et en B/C/S, s'il vous plaît. Ce document cite deux

 16   personnes, des officiers de la sécurité d'Etat, Rajko Dodera, vous voyez

 17   son nom en bas de la page en B/C/S, et on voit aussi son nom en bas de la

 18   page en anglais, l'officier de sécurité d'Etat, Rajko Dodera. On cite aussi

 19   un autre officier de la sécurité d'Etat, qui figure à la page suivante, un

 20   officier de Ferizaj, on voit - au deuxième paragraphe en anglais - que

 21   l'officier de sécurité d'Etat, Zelenovic, l'avait battu.

 22   Alors, si vous recevez des informations identifiant des membres de la

 23   sécurité d'Etat qui auraient participé à des passages à tabac d'un individu

 24   placé en détention, qu'auriez-vous fait ?

 25   R.  Je n'ai pas reçu ceci, cette requête concernant ces personnes en

 26   particulier. Cette information aurait dû être envoyée au procureur de

 27   district, qui lui, était habilité à examiner la chose et à établir si les

 28   informations figurant dans cette requête sont exactes. Je ne connais ni

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  1   l'une ni l'autre des personnes mentionnées ici, mais Rajko Dodera est

  2   mentionné car une attaque terroriste avait eu lieu contre lui, une grenade

  3   avait été lancée dans sa maison, la maison où il vivait à Urosevac, et nous

  4   avons mentionné cette affaire hier. C'est l'une des pièces qui figurent

  5   dans cette affaire. Donc tout ce qui figure ici est quelque chose dont le

  6   procureur de district aurait dû être saisi, et non pas moi en tant que juge

  7   d'instruction.

  8   Q.  Madame, quand nous avons vu ce document au début, vous m'avez dit : Je

  9   vois le sceau officiel du tribunal en bas, mais je ne sais pas si ce

 10   document m'a été transmis. Et maintenant que vous avez regardé ce document

 11   plus avant, vous dites : "Je ne l'ai pas reçu." C'est à la ligne 17, page

 12   72.

 13   R.  Cette requête ne m'a pas été transmise en tant que juge d'instruction.

 14   Elle a dû être transmise au président du tribunal qui l'a transmise au

 15   procureur de district. Ce n'est pas arrivé dans mon bureau, et je vois que

 16   le contenu est similaire à ce qui figurait dans le document précédent. Donc

 17   le conseil de la défense a peut-être pensé qu'il devait aussi me l'envoyer.

 18   Il porte bien le tampon du tribunal, mais il a été reçu dans le bureau du

 19   secrétariat, et il a dû être retransmis à la bonne personne.

 20   Q.  Nous avons vu depuis un petit moment un certain nombre de documents

 21   afférents au traitement d'Isak Aliu en détention qui vous ont été adressés,

 22   et concernant ces documents, vous nous dites que vous ne vous souvenez pas

 23   d'avoir reçu ces documents. Est-ce que vous dites que cela est exact ? Est-

 24   ce bien là votre position ?

 25   R.  Si vous me demandez si ce qui est mentionné ici s'est véritablement

 26   produit pour Isak, ce n'est pas exact, car ni lui ni aucun autre accusé en

 27   prison n'a fait l'expérience de quoi que ce soit de la sorte. Concernant la

 28   requête, je n'ai pas reçu cette dernière requête, je ne me souviens pas de

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  1   la teneur, et donc rien de tout cela ne m'est familier.

  2   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

  4   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je me dois de souligner quelque chose dans

  5   la traduction en anglais. Cela n'a rien à voir avec l'original en B/C/S. Au

  6   deuxième paragraphe de la version en anglais, il est dit le 22 février, il

  7   a été à tabac avec une matraque sur le dos et les bras, alors que là il est

  8   dit le 22 février, il a été envoyé au poste de la sécurité d'Etat. Et là

  9   encore, je vois Pristina avec une date, et en règle générale, le CLSS a dit

 10   qu'il y a un tampon, et là je ne vois pas sur la traduction. Et dans la

 11   traduction, il est question de "plainte," alors que dans l'original on

 12   parle d'une "requête." Donc vraiment, je crois qu'il y a des problèmes

 13   concernant la traduction de ces documents.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le temps qui nous était imparti est

 16   arrivé à son terme. Nous ne pourrons donc reprendre nos travaux que demain.

 17   Alors demain, lorsque nous reprendrons, pour ce qui est de répondre aux

 18   inquiétudes de M. Djordjevic, j'aimerais que le témoin lise le document,

 19   puis nous entendrons la traduction pendant l'audience. Il aura une

 20   interprétation simultanée qui sera assurée, qui ne sera pas aussi précise

 21   qu'une traduction écrite, mais qui, quand même, présentera l'avantage de

 22   nous permettre de déterminer s'il y a vraiment des différences flagrantes

 23   entre ce que nous dit ce document en B/C/S et ce qu'il nous dit en anglais.

 24   Voilà. Nous allons donc lever la séance et nous reviendrons demain et

 25   retravaillerons sur ce document.

 26   Je suis désolé de devoir lever la séance maintenant, parce qu'il me

 27   semble que ce prétoire est utilisé pour une autre affaire cet après-midi.

 28   Nous reprendrons donc demain à 14 heures 15.

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  1   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le jeudi 18 mars 2010,

  2   à 14 heures 15.

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