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1 Le lundi 22 mars 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
5 [Le témoin vient à la barre]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Me Djurdjic va poursuivre son
9 interrogatoire principal.
10 LE TÉMOIN : VUKASIN JOKANOVIC [Reprise]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 Interrogatoire principal par M. Djurdjic : [Suite]
13 Q. [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
14 Bonjour, Monsieur Jokanovic.
15 R. Bonjour.
16 Q. Je souhaite que nous précisions quelques points aux fins du compte
17 rendu d'audience. Suite au scrutin qui a eu lieu concernant les amendements
18 portant sur la constitution serbe, l'assemblée du Kosovo a-t-elle poursuivi
19 ses travaux ?
20 R. Suite à une pause de 20 minutes, l'assemblée a poursuivi ses travaux
21 d'une manière tout à fait habituelle, et ce sont les chambres qui
22 siégeaient. Le premier exposé a été fait par M. Susuri, qui était le vice-
23 président du gouvernement du Kosovo. Le programme yougoslave visant à
24 endiguer la dépopulation a été examiné, puis l'assemblée s'est penchée sur
25 un certain nombre d'élections et de nominations, et elle a élu plusieurs
26 présidents de tribunaux, plusieurs juges et plusieurs procureurs publics.
27 Q. Merci. Suite à cette séance de l'assemblée qui s'est tenue le 23 mars
28 198, une délégation du Parlement européen s'est rendue sur les lieux, vous
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1 l'avez indiqué. Pouvez-vous nous dire qui composait cette délégation et
2 quels étaient les sujets débattus ?
3 R. C'est moi qui ai reçu la délégation du Parlement européen. Je ne sais
4 pas si cette délégation a rencontré également les représentants des
5 autorités d'Etat, mais je pense que leur intention était de ne visiter que
6 le président de l'assemblée du Kosovo. Donc des entretiens ont eu lieu avec
7 la délégation. Ces entretiens se sont déroulés très bien. Je leur ai
8 expliqué quelle était la situation prévalente au Kosovo et j'ai parlé de la
9 forme et de la teneur des amendements qui venaient d'être adoptés par
10 l'assemblée quelques jours auparavant.
11 Q. Merci.
12 M. DJURDJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce P286.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pendant que nous attendons l'affichage
14 de ce document, à la ligne 19, page 1, je pense que le vice-président du
15 gouvernement du Kosovo n'a pas été bien consigné au compte rendu
16 d'audience.
17 M. DJURDJIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur Jokanovic, veuillez nous décliner lentement le nom et le
19 prénom du président du Conseil exécutif du Kosovo en 1989.
20
21 R. Conformément à l'ordre du jour, le propos liminaire a été fait par le
22 vice-président du Conseil exécutif du Kosovo qui s'appelait Hazir Susuri,
23 avec deux s. Souhaitez-vous que je répète son nom ?
24 Q. Non. Cette fois-ci, le nom a été bien consigné dans le compte rendu
25 d'audience. Il s'agit de Hazir Susuri. Merci, Monsieur le Président.
26 Monsieur Jokanovic, la transcription de la déposition faite par M. Rugova
27 vient d'être affichée à l'écran. Cette déposition a été faite dans
28 l'affaire Milosevic.
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1 M. DJURDJIC : [interprétation] Et j'aimerais que l'on affiche le 3 mai
2 2002, page 4 191.
3 Q. Ce n'est pas la peine que vous essayiez de déchiffrer le texte. Je vous
4 donnerai lecture des propos proférés par M. Rugova. Lignes 4 à 12, M.
5 Rugova répond :
6 "Oui, l'assemblée du Kosovo a dû débattre de la modification du
7 statut du Kosovo à l'intérieur de la Fédération yougoslave et il était
8 question de l'autonomie de la province. Une immense pression a été exercée
9 contre les députés à l'assemblée pour voter en faveur de cette nouvelle
10 mesure. Toutefois, l'opinion publique s'y opposait. Les citoyens, le
11 peuple, tout le monde était contre. Des pressions étaient exercées, des
12 violences ont été commises, je me souviens que les locaux de l'assemblée
13 étaient entourés par des chars, et dans les locaux mêmes se trouvaient les
14 représentants de la police secrète habillés en vêtements civils. Par
15 conséquent, les députés ont été obligés de voter sous pression. Un certain
16 nombre de députés ont tout de même voté."
17 Monsieur Jokanovic, je souhaite vous poser plusieurs questions qui
18 portent sur cette réponse fournie par M. Rugova. Je souhaite procéder par
19 étapes. Pour commencer, permettez-moi de vous poser la question suivante :
20 l'assemblée du Kosovo a-t-elle débattu de la possibilité de suspendre, de
21 modifier le statut du Kosovo à l'intérieur de la Fédération yougoslave ?
22 R. Au cours des débats entamés par l'assemblée du Kosovo, il n'a pas
23 été question d'une suspension quelconque du statut accordé au Kosovo au
24 sein de la fédération. Cela aurait été impossible. Le statut du Kosovo au
25 niveau fédéral est défini par la constitution de la RSFY. Et la position du
26 Kosovo au sein de la fédération n'a pas été modifiée. Et ceci est confirmé
27 dans le texte des amendements adoptés, articles 9 à 49.
28 Q. Merci. L'assemblée de la Province autonome du Kosovo a-t-elle été
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1 entourée par des chars pendant que ces séances étaient tenues ?
2 R. Non. Les chars n'entouraient pas les locaux du Kosovo. Nous avons
3 pu entendre un témoin déclarer que c'étaient des véhicules de combat qui
4 entouraient l'Assemblée, mais ceci est tout aussi faux. La situation était
5 paisible. Cent quatre vingt journalistes invités du monde entier se
6 trouvaient dans les locaux de l'assemblée. Personne n'a relevé la présence
7 de ces véhicules de combat ou de ces chars. Ceci vaut pour les journaux
8 publiés en Yougoslavie aussi bien que pour les médias internationaux. Et
9 pour ce qui est de ces chars, de ces véhicules de combat, de ces agents de
10 police qui se seraient trouvé à l'intérieur de l'assemblée du Kosovo, j'en
11 ai entendu parler pour la première fois en 1986. Une personne qui a
12 témoigné dans cette affaire et qui s'appelle Baton -- son nom de famille
13 m'échappe, je m'en ressouviendrai un peu plus tard. En tous cas, il m'a
14 interviewé pour le quotidien "Koha", et dans ce quotidien qui, en
15 traduction vers le B/C/S veut dire le temps. Et par ailleurs, cet homme
16 s'appelait Baton Haxhiu. Donc il m'a interviewé, et dans cette interview,
17 j'ai abordé tout ce qui constituait la teneur de ma déposition devant les
18 juges de la Chambre.
19 Q. Merci. Par ailleurs, M. Rugova indique que les membres de la
20 police secrète habillés en vêtements civils se trouvaient dans les locaux
21 de l'assemblée. Par conséquent, les députés ont dû voter sous pression. Des
22 pressions quelconques ont-elles été exercées, Monsieur Jokanovic ?
23 R. L'assemblée du Kosovo, comme tout autre assemblée dans notre pays
24 et partout dans le monde, a ses agents de sécurité qui se tiennent à
25 l'entrée. Donc il est impossible à quiconque de pénétrer dans l'assemblée
26 sans avoir reçu une invitation au préalable ou sans être journaliste
27 homologué. Or, pour ce qui est de la police secrète, d'après mes
28 connaissances, il n'y en avait pas. Et si des agents de police secrète
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1 s'étaient trouvé sur les lieux, un député l'aurait certainement appris. Par
2 conséquent, j'en déduis que les agents de la police n'étaient pas présents
3 dans les locaux de l'assemblée.
4 Q. Merci. Puis à la page 4 191, lignes 14 à 16, M. Rugova indique :
5 "Je me souviens que dix députés ont voté contre et ces députés ont été
6 condamnés, et ils ont été envoyés en prison. Ils ont été démis de leurs
7 fonctions. Et c'est pourquoi le monde [inaudible]."
8 Monsieur Jokanovic, cela est-il conforme à vos souvenirs ?
9 R. Les députés de l'assemblée du Kosovo, comme tout autre député,
10 bénéficiaient d'une immunité. Il était impossible de les appréhender, à
11 moins que leur immunité ne soit levée par l'assemblée. La même chose vaut
12 pour les députés cités dans cette déposition. Il y aurait été impossible de
13 les arrêter ou de les mettre en détention provisoire de quelque autre
14 manière que ce soit.
15 Q. Merci. Vous avez indiqué un peu plus tard que des amendements portant
16 sur la constitution de la Province autonome du Kosovo ont été adoptés. A
17 quel moment cela s'est-il produit, Monsieur Jokanovic ?
18 R. Cela s'est produit à la moitié de l'année 1989, au mois de juin ou au
19 mois de juillet. Je ne m'en souviens plus avec précision. Se basant sur des
20 amendements portant sur la constitution serbe, par ailleurs, je signale que
21 d'autres amendements avaient été adoptés portant sur la constitution
22 fédérale yougoslave. Ces amendements concernaient des questions
23 économiques, un certain nombre de questions d'autogestion, ce que nous
24 appelions à l'époque les travaux conjoints. Donc il était nécessaire de
25 procéder à l'harmonisation de la constitution du Kosovo avec les
26 amendements adoptés par l'assemblée serbe et l'assemblée fédérale
27 yougoslave.
28 C'est pourquoi ces amendements portant sur la constitution du Kosovo
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1 ont été adoptés lors de la séance de l'assemblée qui s'était tenue au mois
2 de juin ou de juillet. C'est moi qui ai intervenu en premier, j'ai expliqué
3 la quintessence des amendements à adopter, puis, un vote a été organisé et
4 les amendements ont été adoptés à l'unanimité. Aucune question, aucun
5 problème n'a été soulevé au sujet de cette procédure, puisque le statut de
6 la province au sein de la fédération n'a été nullement modifié. Il est
7 demeuré une partie intégrante de la République de Serbie et de la
8 République fédérale socialiste de Yougoslavie. Ceci représente le fondement
9 de tous ces amendements adoptés en 1989.
10 Q. Monsieur Jokanovic, lors de l'assemblée qui s'est tenue au mois de juin
11 1989, les députés qui s'étaient opposé à l'adoption des amendements au mois
12 de mars 1989 ont-ils également été présents et votés ?
13 R. Eh bien, je ne saurais me souvenir de gens en particulier, mais la
14 composition de l'assemblée était la même et les députés les mêmes. Alors
15 vous dire précisément qui était parmi les personnes présentes, c'est
16 difficile de se rappeler après autant d'années. Et je ne saurais citer les
17 noms précis des personnes présentes. J'imagine que ces députés-là étaient
18 présents, quelques-uns étaient peut-être absents, mais en tous cas, les
19 deux tiers des députés étaient présents, et ceci était suffisant pour
20 adopter ces amendements à la constitution du Kosovo.
21 Q. Vous souvenez-vous jusqu'à quel moment l'assemblée du Kosovo a gardé
22 cette même composition ?
23 R. Jusqu'au mois de décembre. Au mois de décembre, des élections ont été
24 organisées tant au Kosovo qu'au niveau de la République de Serbie dans son
25 intégralité. Tous les citoyens ont pris part à ces élections. Un grand
26 nombre de citoyens se sont présentés dans les bureaux de vote. Et les
27 députés d'une nouvelle assemblée ont été élus tant au Kosovo qu'en Serbie.
28 Puis, toutes les autorités compétentes, tous les organes de l'Etat ont été
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1 mis sur pied sur le plan de la province aussi bien que sur le plan de la
2 république. Djordje Bozovic a été élu président de l'assemblée. Kamdonce
3 [phon] a été élu président de la présidence, et puis d'autres personnes ont
4 été élues pour s'acquitter d'un certain nombre de missions au sein du
5 Conseil exécutif. Tous les organes de la province ont été mis sur pied.
6 Q. Pourriez-vous préciser en quelle année ces élections ont été organisées
7 ?
8 R. C'était en 1989, au mois de décembre.
9 Q. Merci. Vous souvenez-vous quelle était la situation politique
10 prévalente au sein de la RFSY à partir du moment où ces élections générales
11 ont été organisées et au cours des années 1990 ?
12 R. En 1990, la situation politique en Yougoslavie a été très défavorable.
13 Des tensions ont surgi et la situation ne portait pas de grande promesse
14 pour ce qui est de la préservation de la Yougoslavie. Je ne me souviens
15 plus de la date exacte, mais le comité central des communistes yougoslaves
16 a été décimé. Ce sont d'abord les délégués slovènes qui l'ont abandonné,
17 puis ils ont été suivis par les délégués croates. Donc ce comité central
18 communiste a faibli, et une désintégration de la Yougoslavie s'annonçait.
19 Pendant qu'il était vivant, c'était le maréchal Tito qui avait préservé
20 l'intégrité de la Yougoslavie, puis suite à sa mort, c'était l'alliance
21 communiste yougoslave qui représentait l'élément décisif pour sauvegarder
22 la Yougoslavie. Au moment où sa désintégration a commencé, une
23 désintégration de la Yougoslavie s'annonçait du même coup, et ceci a
24 provoqué une situation très dure dans le pays dans son intégralité.
25 Q. Merci. Suite aux élections, vous avez déjà indiqué qui exerçait les
26 fonctions du président de la présidence du Kosovo, mais qui était le
27 président de l'alliance communiste au Kosovo ?
28 R. Au cours de cette année, le président de l'alliance communiste --
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1 d'abord c'était Azem Vllasi, mais à ce moment précis, c'était Rahman
2 Morina.
3 Q. Merci. Et qui exerçait les fonctions du président du Conseil exécutif ?
4 R. Le président du Conseil exécutif, cela avait été Nazim Mustafa, puis il
5 a été suivi par Jusuf Nuranja [phon].
6 Q. Merci. Les événements qui se sont produits au sein de la RFSY et que
7 vous venez de décrire, comment ont-ils influencé la situation prévalente au
8 Kosovo-Metohija ?
9 R. Les événements qui se sont produits au niveau de la Yougoslavie, je
10 pense notamment à la désintégration de l'alliance communiste qui jouait le
11 rôle d'un élément cohésif, avaient un impact direct sur la situation au
12 Kosovo. On pouvait déjà s'attendre à la désintégration de la Yougoslavie.
13 Un référendum était déjà en train d'être organisé en Slovénie, et on
14 pouvait déjà prévoir ce qui allait suivre. Au Kosovo, plusieurs partis ont
15 été mis sur pied, dont notamment l'alliance démocratique du Kosovo. Ce
16 parti-là était enregistré, mais d'autres partis ont été créés sans être
17 enregistrés. Ces partis ont commencé à devenir actifs et se sont aperçu que
18 c'est dans la désintégration de la Yougoslavie qu'ils devaient trouver leur
19 chance de réviser leur objectif séparatiste, celui de séparer le Kosovo de
20 la Serbie et de la Yougoslavie. Pour ce faire, c'étaient les modèles
21 slovènes puis croates qui ont été copiés.
22 Mais précisons les choses. A la différence de la Slovénie et de la
23 Croatie, il existait un grand problème constitutionnel qui empêchait le
24 Kosovo d'assurer son indépendance. Le Kosovo n'était pas une république, et
25 par ailleurs, les Albanais n'étaient pas définis comme un peuple, mais
26 comme une minorité, conformément à la constitution yougoslave. Or, la
27 constitution yougoslave ne garantissait le droit à l'autodétermination, à
28 la séparation qu'aux peuples qui habitaient au sein de la république.
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1 C'est pourquoi des activités séparatistes ont été engagées au Kosovo
2 qui visaient à se transformer en un mouvement national. Il s'agissait de
3 proclamer le Kosovo une république, même par une voie qui ne serait pas
4 conforme à la constitution, pour réaliser l'objectif de l'indépendance.
5 Q. Merci. Pourriez-vous me dire quelques mots sur la suite des
6 événements qui se sont déroulés au Kosovo-Metohija, d'après vos
7 connaissances ?
8 R. Vers la moitié de l'année 1990, l'assemblée nouvellement créée,
9 au vu de tous les événements qui s'étaient produits en Yougoslavie et au vu
10 du séparatisme qui a commencé à se manifester d'une manière tout à fait
11 ouverte, des problèmes au Kosovo sont devenus plus prononcés. Il existe un
12 certain nombre de problèmes que j'aimerais mettre en valeur et qui
13 concernent l'assemblée du Kosovo, puisque c'est le domaine que je connais
14 le mieux. L'assemblée du Kosovo à la tête de laquelle se trouvait une
15 personne --
16 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] -- avait toute une série de problèmes et ne
18 pouvait pas travailler d'une façon normale. Souvent, un chaos menaçait les
19 séances de l'assemblée et une possibilité existait qu'un conflit oppose les
20 députés au sein même de l'assemblée. Par ailleurs, le président de
21 l'assemblée, Bosa Djordjevic, a abordé le sujet suivant : il insistait
22 qu'un certain nombre de députés albanais souhaitaient donner lecture d'une
23 proclamation portant sur l'indépendance du Kosovo et mettre fin aux travaux
24 de l'assemblée. Djordje Bozovic, le président, et les autres députés se
25 sont opposés à cette initiative, et c'est pourquoi les travaux de
26 l'assemblée ont été suspendus. Il a été décidé que les députés
27 participeront aux débats en fonction de leurs souhaits, et non pas en
28 fonction de l'ordre du jour et de la décision du président.
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1 Q. Merci. Une fois suspendus les travaux de l'assemblée du Kosovo,
2 quelle a été la suite des événements --
3 M. STAMP : [interprétation] Je ne m'oppose pas à ce que le témoin réponde à
4 cette question. C'est simplement que dans sa déposition hier, le témoin
5 indiquait qu'il avait été élu à une position hors du Kosovo à la fin de
6 1989. Donc en 1990 et après, il a travaillé hors du Kosovo. Ça ne signifie
7 pas que son témoignage n'est pas admissible, mais la pratique habituelle
8 est que ça pourrait être sur la base de ouï-dire, et donc il faudrait au
9 moins qu'il nous donne la base des informations communiquées, la base des
10 éléments de preuve qu'il communique.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître, je pense que vous avez suivi
12 ce qui se passe.
13 M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez ? Je pense que le
14 témoin va donner des éléments de fondation pour nous indiquer d'où provient
15 la connaissance de ce qui s'est produit sur place.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous devriez vous assurer qu'il le
17 fait au préalable. Si vous pourriez vous en assurer, je vous en serais gré.
18 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je devais fournir
19 une explication, je dirais que nous avons un témoin ici, et c'est la raison
20 pour laquelle --
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vos questions doivent permettre de
22 donner des éléments fondateurs, et ensuite des éléments de preuve.
23 M. DJURDJIC : [interprétation]
24 Q. Au milieu de l'année 1990, quelle fonction exerciez-vous ?
25 R. J'étais à Belgrade, adjoint au président de l'assemblée de Serbie.
26 Q. Merci. Comme président adjoint de l'assemblée de Serbie, aviez-vous des
27 contacts avec le président de l'assemblée du Kosovo et des délégués de
28 l'assemblée du Kosovo; et le cas échéant, pourriez-vous nous décrire ces
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1 contacts ?
2 R. J'étais principalement en contact avec le président de l'assemblée du
3 Kosovo, M. Djordje Bozovic. J'avais des contacts officiels avec lui par
4 téléphone ainsi que des contacts personnels. J'avais également d'autres
5 contacts avec certains élus à différentes occasions, mais principalement
6 avec le président, Djordje Bozovic. Puisque j'étais originaire du Kosovo,
7 lorsque l'on rencontrait des problèmes importants, on m'en informait.
8 Djordje Bozovic m'informait, il informait, bien sûr, le président de
9 l'assemblée serbe. Et le président de l'assemblée serbe, compte tenu du
10 fait que j'étais originaire du Kosovo, m'informait également de ce qu'il
11 avait appris de Djordje Bozovic et de l'assemblée du Kosovo. La remarque du
12 Procureur est tout à fait pertinente. Néanmoins, la source des informations
13 que je recevais était donc le président de l'assemblée du Kosovo ainsi qu'à
14 certaines occasions le président de l'assemblée de Serbie.
15 Q. Avez-vous assisté à des réunions auxquelles le président de l'assemblée
16 du Kosovo était présent au milieu de l'année 1990; et le cas échéant, que
17 s'est-il passé à l'occasion de ces réunions ?
18 R. Oui. Djordje Bozovic, le président de l'assemblée du Kosovo, est venu à
19 Belgrade pour assister à une réunion avec un grand groupe d'élus de
20 l'assemblée du Kosovo, une réunion avec le président de l'assemblée serbe
21 et d'autres représentants politiques de la Serbie, à l'occasion de laquelle
22 des problèmes ont été exprimés. Il a été fait part des problèmes qu'ils
23 rencontraient et des propositions pour les résoudre. Une réunion s'est
24 tenue à Belgrade. On m'a demandé d'y participer lorsque le président de
25 l'assemblée serbe, Zoran Sokolovic, et moi avons assisté à cette réunion.
26 Néanmoins, ils n'ont pas pu continuer à travailler normalement, car
27 l'assemblée était dans une situation telle que le travail normal ne pouvait
28 plus être accompli. Ils ne souhaitaient pas tenir des réunions de
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1 l'assemblée à Pristina. Après de longs débats, les délégués sont rentrés à
2 Pristina et ont poursuivi les travaux de l'assemblée provinciale, mais ceci
3 n'a pas duré très longtemps. Ils ont repris leurs travaux, mais brièvement
4 seulement, parce que le Dr Stanoje Dogandzic, professeur d'université, a
5 pris la parole au nom d'un certain nombre d'élus et a dit que l'assemblée
6 n'était pas en mesure de travailler normalement. Il a donc demandé au
7 président de l'assemblée, de façon officielle, de saisir les autorités afin
8 que les travaux de l'assemblée soient suspendus. D'après ce que j'ai
9 compris, il y a eu des échanges assez vifs, certains troubles, et les
10 travaux de l'assemblée ont été suspendus. Une demande a ensuite été
11 adressée à l'assemblée serbe pour dessaisir de façon temporaire l'assemblée
12 du Kosovo.
13 Q. Comment l'assemblée serbe a-t-elle réagi à cette proposition ?
14 R. Un certain nombre de sessions étai prévu pour les trois chambres de
15 l'assemblée et on a adopté une loi destinée à dissoudre l'assemblée
16 provinciale. Cette loi a indiqué qu'une assemblée serait réinstaurée, et
17 l'assemblée de la république continuerait les travaux de l'assemblée
18 provinciale.
19 Q. Et quelle fut la réaction des élus albanais au Kosovo après la
20 dissolution de cette assemblée ?
21 R. Sur la base des informations dont disposait Djordje Bozovic et qu'il
22 m'a transmises et compte tenu de la tentative qui avait été faite de lire
23 une déclaration à l'occasion de la session de l'assemblée, lorsque
24 l'assemblée a été dissoute, un certain nombre de délégués se sont
25 rassemblés devant le bâtiment de l'assemblée. Parmi les personnes présentes
26 figurait une personne bien connue. Je crois que cette personne venait de la
27 province, et cette personne a lu une déclaration indiquant que le Kosovo
28 était indépendant et que le Kosovo était proclamé comme un Etat. Il y avait
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1 une équipe de télévision qui enregistrait cette lecture de la déclaration
2 qui s'est tenue à côté du bâtiment de l'assemblée provinciale.
3 Q. D'après vos connaissances, quand cette lecture de la déclaration s'est-
4 elle produite devant le bâtiment de l'assemblée provinciale ?
5 R. C'était en 1990 lorsque la Yougoslavie était en cours de
6 désintégration, lorsque les tensions se sont aggravées, lorsque les travaux
7 de l'assemblée de la province ont été rendus très difficiles et lorsque les
8 organes ne pouvaient plus fonctionner.
9 Q. Merci. Vous souvenez-vous du mois ?
10 R. Je m'en souviens. Il s'agissait soit du mois de juin, soit du mois de
11 juillet.
12 Q. Quelle année ?
13 R. 1990.
14 Q. Quid la session lors de laquelle les amendements à la constitution de
15 la République de Serbie ont été approuvés, quand cette session s'est-elle
16 tenue ?
17 R. Le 23 mars 1989, c'est-à-dire 18 mois avant.
18 Q. Merci. Monsieur Jokanovic, quelle était la nature de votre relation
19 avec les Albanais avec lesquels vous travailliez et viviez au Kosovo-
20 Metohija ?
21 R. Je suis né au Kosovo. Je suis allé à l'école primaire et à l'école
22 secondaire au Kosovo. Pour l'essentiel de ma carrière professionnelle, j'ai
23 travaillé au Kosovo jusqu'en 1990, donc ma relation avec les Albanais, les
24 Turcs et les membres d'autres nationalités, bien sûr, les Serbes, était
25 très bonne. Il y avait, bien sûr, des éléments liés à notre travail commun,
26 à nos activités politiques communes, mais également nous passions du temps
27 ensemble durant nos loisirs et nous nous rendions les uns chez les autres.
28 En termes généraux, j'avais de très bonnes relations avec des Albanais.
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1 J'avais des amis albanais. Nous nous réunissions pour célébrer ensemble des
2 mariages et d'autres événements. J'avais des amis albanais et turcs, et
3 j'ai encore de tels amis. Malheureusement, certains sont d'ex-amis, mais
4 j'espère qu'ils le redeviendront à l'avenir. Certains me voyaient comme
5 originaire de Belgrade. Nous nous rencontrions régulièrement et nous
6 parlions des questions qui préoccupaient le Kosovo.
7 Q. Monsieur Jokanovic, vous nous avez dit que votre village était Gornje
8 Slatina. Pourriez-vous nous dire quelle était la composition ethnique de la
9 population de votre village.
10 R. Je suis né à Gornje Slatina parce que mon père y était enseignant, il
11 travaillait dans ce village, et son village natal et mon village natal
12 était Grmovo, un village proche de Gornje Slatina. Donc, à Grmovo, j'avais
13 une maison de famille, et c'est ce village que je considérais comme mon
14 village d'origine.
15 Vous m'avez interrogé sur la composition ethnique de Grmovo, de mon
16 village. La population ethnique a changé, comme partout au Kosovo. Dans les
17 années '60, il y avait plus de 70 maisons qui appartenaient à des Serbes et
18 à des Monténégrins, et quelque 15 maisons qui appartenaient à des Albanais.
19 Ensuite, les maisons ainsi que la population ont été réduites, et avant les
20 bombardements de l'OTAN, il y avait un peu plus d'une trentaine de maisons
21 appartenant à des Monténégrins et à des Serbes, et plus de 100 maisons
22 appartenant à des Albanais. Sur la population, quelque 550 ou 600 personnes
23 étaient Serbes. Ce chiffre s'est réduit jusqu'à environ 150. Une partie de
24 la composition ethnique a donc changé. Aujourd'hui, les Albanais
25 représentent la majorité et les foyers albanais représentent également en
26 nombre la majorité.
27 Q. Merci. Avez-vous une maison de famille dans ce village, votre village
28 d'origine ?
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1 R. Au Kosovo et dans mon village d'origine, j'ai toujours des biens
2 immobiliers, mais la maison que j'utilisais à l'époque a été détruite, elle
3 a été brûlée. Donc il n'est resté aucune maison serbe ou rom. L'église a
4 également été minée, et le cimetière a été profané. Ma maison à Grmovo a
5 fait l'objet de tentatives de la part de voisins albanais qui ont tenté de
6 protéger la maison pour qu'elle ne brûle pas. Néanmoins, ils n'ont pas pu
7 la protéger, ils n'ont pas pu résister à des hommes en armes qui sont
8 venus, et donc j'ai ensuite reçu des photos qui m'ont été adressées par un
9 ami, un ami albanais, dès que la maison a été brûlée. Mais j'ai toujours
10 des biens au Kosovo. J'ai des terres dont j'ai hérité, mais je ne peux rien
11 en faire, bien que j'en sois le propriétaire aux yeux de la loi, du fait de
12 la situation au Kosovo.
13 Q. Merci.
14 M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrions-nous afficher le document D006-
15 447.
16 Q. Monsieur Jokanovic, pourriez-vous me dire ce que vous voyez sur ces
17 trois photos qui sont affichées à l'écran actuellement ?
18 R. Bien, la première photo est une petite maison dans un village
19 construite dont le type est vraiment une maison typique de ce village, la
20 maison telle qu'elle était, et ensuite, ce que vous pouvez voir, c'est la
21 maison après le passage de la KFOR au Kosovo. J'ai donc été privé de ma
22 maison, de mon lieu de naissance, ce qui a bien sûr des conséquences
23 psychologiques, comme cela en aurait pour tout un chacun.
24 Q. Quelle est la composition ethnique de votre village de Grmovo,
25 maintenant ?
26 R. Malheureusement, dans mon village de Grmovo, il n'y a plus personne,
27 plus de Serbes, de Rom ou d'autres nationalités, aujourd'hui. Les maisons
28 qui ont été détruites ont été détruites. Et comme vous le voyez sur ces
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1 photos, elles n'ont pas été réparées, pas été reconstruites, et j'aimerais
2 que ma maison le soit et j'espère que je pourrai y passer les dernières
3 années de ma vie.
4 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur Jokanovic, pour votre
5 témoignage. Monsieur le Président, j'en ai terminé avec mes questions.
6 Pourrions-nous verser ces photos au dossier.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
9 pièce D00909.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Merci, Maître Djurdjic. M.
11 Stamp se prépare.
12 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour.
13 Contre-interrogatoire par M. Stamp :
14 Q. [interprétation] Monsieur Jokanovic, bonjour.
15 R. Bonjour.
16 Q. Avez-vous le souvenir d'avoir déclaré à un moment quelconque que la
17 constitution de 1974 de la RSFY représentait une grave injustice envers le
18 peuple serbe ?
19 R. Oui, je me souviens de cette déclaration, à l'époque. Nombreux étaient
20 ceux qui, en Serbie et en Yougoslavie, le disaient. Il y avait un certain
21 nombre de documents auxquels on faisait référence. Et j'ai parlé d'un Livre
22 bleu lorsque l'on m'a interrogé sur le conseil. J'ai également fait état
23 d'autres discussions et de la conclusion des plus hautes instances de
24 l'alliance communiste. J'ai également parlé de la position inadéquate de la
25 Serbie comparée à d'autres républiques.
26 Ce que je n'ai pas dit c'est que certains professeurs d'université, des
27 intellectuels, ont été persécutés politiquement, et le Pr Djuric a été
28 emprisonné pendant un an pour s'être opposé à la constitution qui plaçait
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1 la Serbie dans une position inégale. Donc je me souviens d'avoir dit des
2 choses identiques.
3 Q. C'était votre point de vue, n'est-ce pas, que le Kosovo avait trop
4 d'autonomie et que cela ouvrait la porte à la discrimination au détriment
5 des Serbes du Kosovo par le gouvernement du Kosovo, qui était dominé par
6 les Albanais ?
7 R. En tant qu'homme politique, en tant que personnalité publique, j'ai
8 fait un certain nombre de déclarations et j'ai certainement fait des
9 déclarations en ce sens, et elles étaient justes. La position du Kosovo, au
10 terme de la constitution de 1974, plaçait quasiment le Kosovo au même
11 niveau qu'une république, et la Serbie était divisée en trois parties. Donc
12 c'était une position défavorable qui, par ailleurs, influençait la
13 situation des Serbes et des Monténégrins qui ont commencé à quitter le
14 Kosovo. Alors, je n'ai peut-être pas employé les mêmes mots, mais j'ai fait
15 des déclarations en ce sens.
16 Q. On vous a montré un document.
17 M. STAMP : [interprétation] Pourrions-nous afficher ce document à nouveau.
18 Il s'agit du D905.
19 Q. C'est une conclusion de l'assemblée de la RFY, datée du 3 mars 1989.
20 Est-ce que c'est bien ça ? Oui. Conformément à cette conclusion, les
21 autorités fédérales, c'est-à-dire la RSFY, a-t-elle pris la responsabilité
22 de la sécurité de la police au Kosovo dans le cadre des mesures spéciales à
23 mettre en œuvre au Kosovo ?
24 R. Tous les organes au sein de la fédération, au niveau de la république,
25 au niveau des provinces, conformément à ces conclusions, avaient des tâches
26 différentes. Pour les organes de la république et pour les organes des
27 provinces, tout était indiqué clairement point par point. Bien sûr, nous
28 pouvons les lire. Et certains points sont très importants au vu de la grève
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1 des mineurs qui s'était déroulée auparavant. Donc, l'assemblée fédérale a
2 déclaré qu'il était inacceptable que les fonctionnaires soient remplacés ou
3 soient renvoyés des institutions du système. On indique également que les
4 personnes responsables devraient être poursuivies pénalement, celles qui
5 ont commis ces actes, et cetera. Tout ceci est conforme à ces conclusions,
6 et le Comité exécutif fédéral a également adopté un certain nombre de
7 conclusions indiquant qu'il voulait que cette conclusion soit mise en
8 œuvre, en pratique. Et avant l'adoption de ces conclusions, une décision a
9 été prise par la présidence de la République fédérale socialiste de
10 Yougoslavie pour mettre en place ces mesures spéciales.
11 Q. Bien. Et parmi les mesures spéciales mises en œuvre, prévoyait-on que
12 les autorités de la RSFY assumeraient la responsabilité de la sécurité de
13 la police au sein du Kosovo ? En avez-vous le souvenir ?
14 R. Si possible, pourriez-vous m'aider. J'aimerais savoir à quel point
15 particulier des conclusions vous faites référence.
16 M. DJURDJIC : [interprétation] Je crois simplement pouvoir dire qu'il
17 s'agit du point 5 de votre classeur et peut-être M. Stamp pourrait-il nous
18 aider.
19 M. STAMP : [interprétation]
20 Q. Je fais référence à une disposition particulière de ces conclusions. Je
21 suggère que les conclusions, si on les prend dans leur ensemble, signifient
22 que les autorités fédérales de la RSFY ont assumé le contrôle de la
23 sécurité, de la situation de la sécurité au Kosovo. Est-ce conforme à vos
24 souvenirs ?
25 R. Non, je ne me souviens pas d'une telle chose. Ils n'ont pas assumé
26 l'intégralité de la sécurité sur le territoire du Kosovo, parce que sur le
27 territoire du Kosovo, il y avait des organes en charge. Il y avait le
28 Conseil exécutif, il y avait les unités de la police là-bas. Donc, il y
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1 avait également des organes de la sécurité qui mettaient en œuvre leurs
2 responsabilités, conformément à la constitution et la loi. Et ceci figure
3 également point par point dans ces conclusions. Et on ne pouvait agir en
4 dehors de ce cadre, de ce qui était prévu par les conclusions.
5 Q. Les circonstances spéciales et les mesures spéciales mentionnées dans
6 ces conclusions sont celles qui ont été finalement adoptées sous forme de
7 décisions des autorités serbes. Peut-être devrais-je vous montrer ces
8 décisions.
9 M. STAMP : [interprétation] Pourrions-nous voir rapidement P71. Q. C'est
10 le 26 juin 1990. Vous souvenez-vous de cette décision ?
11 R. Il s'agit d'une décision, mais j'ai du mal à la lire. Une décision sur
12 les circonstances spéciales sur le territoire de la Province autonome du
13 Kosovo. Oui, c'est probablement une décision qui a été prise conformément
14 aux conclusions précédentes, et effectivement, Zoran Sokolovic était à
15 l'époque président de l'assemblée et les présidents des chambres citées
16 étaient effectivement présidents des chambres à l'époque. Et de fait, il y
17 avait bien des circonstances spéciales à l'époque qui résultaient de la
18 décision prise par la présidence de la République fédérale socialiste de
19 Yougoslavie.
20 M. STAMP : [interprétation] Pourrions-nous afficher le document P496.
21 Pourrions-nous voir la page 2 du document, à droite.
22 Q. Pourriez-vous nous dire, à la lecture de votre copie, la date de la loi
23 à laquelle il est fait référence ?
24 R. Non, je ne peux pas lire la date. Je pense qu'il s'agissait du mois de
25 juin. Peut-être le 30 juin. Oui, je pense qu'il s'agissait du 30 juin. Non,
26 non, plutôt le 26 ou le 28 juin. Il me semble que cela soit le 26 juin. Le
27 26 juin 1990.
28 Q. Vous rappelez-vous de la décision prise antérieurement, et cette loi
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1 avait pour effet de donner pleine capacité aux autorités de la RSFY
2 d'assumer le contrôle de la sécurité au Kosovo ?
3 R. Cette loi est directement liée à la décision prise antérieurement par
4 laquelle on définissait que des circonstances dites spéciales prévalaient.
5 Et sur cette base, sur la base d'une décision de l'assemblée, cette loi a
6 été votée sur la manière dont les autorités devaient agir en de telles
7 circonstances. Cependant, il s'agit d'une loi de la république portant sur
8 des organes de la république. C'est sur la base de ces conclusions et de
9 ces circonstances particulières que les organes devaient également
10 prononcer leurs propres mesures qui dérivaient directement des conclusions
11 au cours de la période pendant laquelle elles prenaient effet. Les
12 conclusions étaient datées du 3 mars 1989.
13 Q. Alors, j'espère que vous vous souviendrez de cela, mais il m'apparaît
14 que faisait partie des mesures spéciales la prise de contrôle de l'appareil
15 de sécurité au Kosovo par les autorités de la RFSY et par les autorités
16 serbes.
17 R. Oui, il s'agit des instances de la Fédération et de Serbie qui
18 assumaient la responsabilité de la situation au Kosovo après le milieu de
19 l'année 1990 lorsque le processus de désintégration de la Yougoslavie a
20 commencé et lorsque des mouvements séparatistes au Kosovo se sont
21 transformés en un mouvement national. Et à l'époque, une tentative a été
22 faite de paralyser la totalité du système, y compris l'éducation, le
23 système de soins de santé, l'économie dans son ensemble, de nombreuses
24 personnes ont quitté leurs emplois, ont quitté leurs biens également, et
25 étant donné l'aggravation des relations interethniques, ce qui avait donné
26 lieu à l'introduction de mesures intérimaires spéciales qui ont donc été
27 introduites ultérieurement.
28 Q. Oui, et vous parlez ici des instances de la Fédération de Serbie qui
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1 ont assumé la responsabilité de la situation au Kosovo après le milieu de
2 l'année 1990, ces responsabilités incluant la sécurité et les organes
3 responsables de la sécurité au Kosovo; est-ce bien cela ?
4 R. Les organes de sécurité au Kosovo, au terme des conclusions, avaient
5 leur propre mandat, et le Conseil exécutif prononçait un certain nombre de
6 mesures qui se fondaient sur les conclusions en date du 3 mars. Ces
7 responsabilités étaient définies pour les instances provinciales jusqu'à la
8 fin de leur existence et jusqu'à dissolution de l'assemblée ainsi que
9 jusqu'à la dissolution d'un certain nombre d'autres instances.
10 Q. Très bien. J'aimerais que nous revenions à certains éléments de votre
11 déposition antérieure. Pourriez-vous nous redéfinir les circonstances dans
12 lesquelles le Parlement du Kosovo ou l'assemblée fut dissout. Vous
13 rappelez-vous aussi que le 2 juillet 1990, des membres de l'assemblée du
14 Kosovo ont été empêchés d'entrer dans le bâtiment de l'assemblée ?
15 R. L'assemblée a interrompu ses travaux avant cette date. Je pense que M.
16 Bozovic en avait décidé ainsi. Et la poursuite des travaux de l'assemblée
17 était prévue. Je suppose que pendant cette période transitoire, les
18 délégués ou les élus ne pouvaient être présents au sein de l'assemblée.
19 C'est à ce moment-là que la déclaration fut lue devant le bâtiment de
20 l'assemblée.
21 Q. Oui, cette déclaration --
22 M. STAMP : [interprétation] Très bien. Voyons le 65 ter 00904.
23 Q. Cette déclaration fut-elle lue avant, c'est-à-dire deux jours avant la
24 dissolution du Parlement ? Il s'agit de la déclaration constitutionnelle du
25 Kosovo en tant qu'unité indépendante de la Fédération de Yougoslavie en
26 date du 3 juillet 1990. Pouvez-vous lire le document sur votre écran ?
27 R. Oui, oui, je peux lire le document. Pourrions-nous zoomer sur le
28 document. Pourriez-vous, s'il vous plaît, reformuler votre question de
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1 manière plus précise. Sur quoi porte votre question s'agissant de cette
2 déclaration ?
3 Q. Si nous zoomons sur le haut du document, vous pouvez lire la date.
4 Premièrement, la lecture fut faite de la déclaration d'indépendance, était-
5 ce aux alentours du 3 juillet ou le 3 juillet 1990 ?
6 R. Oui, le temps a passé, mais il est probable que lecture fut faite à ce
7 moment-là. S'agissant de ce qu'il a été publié dans le journal officiel et
8 de qui présidait la session, il s'agissait d'un acte illégal. L'impression
9 de cette déclaration était illégale et fut faite sans que les organes
10 fédéraux fussent informés. L'assemblée était toujours dotée de son
11 président, de son vice-président, du Conseil exécutif. Cette déclaration
12 fut lue devant le bâtiment et signée par le président et signée par les
13 délégués qui étaient présents, ce qui est extrêmement rare. Ce document ne
14 présente pas les caractéristiques d'un document officiel. Il s'agissait
15 simplement d'une manifestation d'un mouvement qui souhaitait prendre une
16 ampleur nationale pour jeter les conditions préalables, et qui ensuite
17 entraînerait enfin la fin des débats.
18 Q. Oui. La déclaration fut lue sur les marches du parlement, parce que les
19 personnes n'avaient pas l'accès au parlement ?
20 R. L'assemblée est présidée par un président, président de l'assemblée.
21 S'il n'y a qu'une chambre, il n'y a qu'un seul président. Lorsque
22 l'assemblée ne siège pas, les élus ne se trouvent pas dans le bâtiment. Et
23 pour autant que je le sache, le président n'aurait pas autorisé à entrer
24 dans le bâtiment pour lire une déclaration qui, de facto, n'était pas
25 constitutionnelle, déclarant la création d'un Etat.
26 Q. Très bien. Ensuite, l'assemblée serbe a officiellement suspendu
27 l'assemblée du Kosovo ?
28 M. STAMP : [interprétation] Je vous invite à prendre lecture du document
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1 P49 [comme interprété].
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous acceptons le versement de
3 cette déclaration.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Votre Honneur, il s'agira de la pièce
5 P10583 [comme interprété].
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que le numéro de la pièce
7 serait P01583.
8 M. STAMP : [interprétation] Oui, Votre Honneur, c'est juste. Merci
9 beaucoup.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Votre Honneur, il semble que la cote de
12 cette pièce n'est pas juste. Il devrait s'agit de la pièce 1497, comme cela
13 avait déjà été annoncé par l'Accusation, alors que je lis ici 49. Je
14 voudrais demander à M. Stamp de nous dire exactement quelle est la cote
15 précise de ce document.
16 M. STAMP : [interprétation] P1497.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
18 M. STAMP : [interprétation]
19 Q. Il s'agit d'une loi dont le but est de dissoudre l'assemblée du Kosovo.
20 R. Oui, il s'agissait du 5 juillet. Oui, la loi portant sur la dissolution
21 de l'assemblée. Je pense que j'ai déjà fourni un certain nombre de réponses
22 aux questions qui m'ont déjà été posées par le conseil concernant la date.
23 Q. Oui, effectivement. Une question sur ce point, vous souvenez-vous
24 maintenant de ce que fut la séquence des événements de l'époque ? Des
25 membres de l'assemblée qui étaient des Albanais du Kosovo ou des membres de
26 l'assemblée étaient retenus à l'extérieur de l'assemblée, l'accès à
27 l'assemblée ne leur était pas donné; et ensuite, ils ont lu la déclaration
28 d'indépendance, vous dites de cette déclaration qu'elle est illégale et
Page 13199
1 nous prenons acte de votre point de vue; ensuite, l'assemblée serbe a
2 officiellement dissout l'assemblée du Kosovo ? Les choses se sont-elles
3 déroulé comme suit ?
4 R. S'agissant de la séquence et des dates dont vous faites mention, oui,
5 je crois me rappeler que vous avez raison. Premièrement, des problèmes
6 faisaient jour au sein de l'assemblée du Kosovo et l'assemblée ne pouvait
7 reprendre ses travaux, du moins dans des circonstances normales, étant
8 donné qu'on avait tenté de lire cette déclaration à l'intérieur du bâtiment
9 au cours d'une session, mais les autres élus n'étaient pas d'accord. Des
10 discussions eurent lieu, des échanges de vues entre certains délégués, et
11 le président interrompit la session. C'est la raison pour laquelle le
12 groupe d'élus qui étaient favorables à la déclaration ont décidé de lire
13 cette déclaration sur les marches du bâtiment de l'assemblée du Kosovo.
14 Ensuite, Bozovic et le groupe de délégués sont allés à Belgrade. Ensuite,
15 ils sont revenus, et il a été décidé que l'assemblée ne pouvait plus
16 siéger, et elle fut dissoute. La République de Serbie, en tant qu'Etat dont
17 faisait partie le Kosovo, a tenté de défendre son intégrité territoriale
18 et, de toute façon, était contre la scission illégale de ce territoire.
19 Q. Vous avez saisi la traduction de l'article 2 de cette loi sur la
20 suspension. Pourriez-vous lire lentement pour que nous puissions bénéficier
21 d'une traduction pour le procès-verbal.
22 R. J'espère que vous m'entendez bien. Article 2 :
23 "Les droits et devoirs de l'assemblée de la SAP Kosovo sont transférés à
24 l'assemblée de la SR Serbie et le Conseil exécutif de l'assemblée de la SR
25 Serbie. Le Conseil exécutif de l'assemblée de la SR Serbie, jusqu'à ce
26 qu'une nouvelle assemblée du Kosovo et un Conseil exécutif soient
27 constitués."
28 Il s'agit de l'article 2 adopté par l'assemblée serbe en juin. Article 3 --
Page 13200
1 Q. [aucune interprétation]
2 L'INTERPRÈTE : Correction : Il s'agissait du mois de juillet.
3 M. STAMP : [interprétation]
4 Q. Vous avez dit que cette déclaration d'indépendance avait été considérée
5 comme étant illégale.
6 M. STAMP : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, prendre
7 connaissance d'un autre document, le 01870 de la liste 65 ter. Si nous
8 pourrions prendre la page 2 de la version anglaise. Je pense, Monsieur le
9 Président, que nous pourrions retirer la page 1 du procès-verbal, qui est
10 liée à la procédure.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le demandez-vous ?
12 M. STAMP : [interprétation] Oui, Votre Honneur. Oui, ce n'est pas encore
13 versé, mais je pense qu'en temps opportun ça devrait être le cas.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, bien.
15 M. STAMP : [interprétation] Et peut-être pourrions-nous --
16 Q. Il s'agit d'une décision portant sur la déclaration constitutionnelle
17 de l'indépendance du Kosovo. Si vous lisez le point 1, vous verrez qu'il
18 est fait mention de la cour constitutionnelle de Serbie. Et puis, je vous
19 invite à passer à la décision qui apparaît à la page 4. Page 4 de la
20 version anglaise et la dernière page de la version B/C/S.
21 Il s'agissait de rendre nulle et non avenue la déclaration.
22 S'agissait-il de la décision dont vous avez parlé antérieurement ?
23 R. Oui, il s'agit de la décision prise par la cour constitutionnelle de
24 Yougoslavie, et non de la Serbie, comme vous l'avez dit.
25 Q. Excusez-moi.
26 R. Oui, parce que cette décision avait été placée à l'ordre du jour par la
27 cour constitutionnelle de Yougoslavie. Il s'agissait d'une initiative de
28 cette cour constitutionnelle et il fut déclaré que ceci n'était pas
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1 constitutionnel. Cette décision n'était pas constitutionnelle ou considérée
2 comme telle, parce que les droits en matière de détermination devaient être
3 laissés aux républiques et aux nations, donc pas aux provinces et aux
4 nationalités. Donc, et fondamentalement, la cour a confirmé ce que j'ai dit
5 ici, et il fut décidé que cette déclaration était non constitutionnelle.
6 Lorsqu'on lit cette déclaration, tant dans sa forme que dans son
7 esprit, force est de constater qu'il ne s'agit pas d'un document qui est
8 légal. Son objectif était de définir finalement certains objectifs, mais
9 nullement fondé sur la constitution.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Oui. Il n'y a aucun problème. La page de la
12 version anglaise est juste, mais ce n'est pas le cas de la page de la
13 version serbe, qui ne correspond pas à la version anglaise. Etant donné ce
14 que vient de dire le témoin, le document en tant que tel importe peu. Nous
15 devrions plutôt nous intéresser à ce qui apparaît à la gauche du document
16 et non pas à ce qui apparaît sur le côté droit du document. Oui, très bien,
17 c'est cela. Pourrions-nous dérouler le document. Il s'agit d'éléments qui
18 concernent le code pénal. Oui, c'est exactement ce qui nous intéresse.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Le président de la cour constitutionnelle,
20 Milovan Buzadzic, oui, il était effectivement le président de la cour
21 constitutionnelle de Yougoslavie.
22 M. STAMP : [interprétation] Merci, Votre Honneur. Pourrions-nous verser ce
23 document au dossier.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Sans la première page.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P01584.
26 M. STAMP : [interprétation]
27 Q. Oui, Monsieur Jokanovic, pouvons-nous revenir brièvement à ces
28 amendements en date de mars 1989. Je pense qu'il s'agissait du 20 mars
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1 1989. Avant l'adoption de ces amendements, l'assemblée du Kosovo détenait
2 le pouvoir d'user de son droit de veto s'agissant des changements
3 constitutionnels pour ce qui pouvait être proposé par l'assemblée serbe;
4 est-ce correct ou est-ce juste ?
5 R. Oui. Je comprends. A cette époque, la République serbe n'était pas
6 investie de responsabilités constitutionnelles fondamentales consistant à
7 créer ou à mettre en place des constitutions, parce que l'assemblée du
8 Kosovo aurait pu mettre son veto à tout amendement de la constitution de
9 Serbie.
10 Q. Oui, il s'agissait d'un des principaux griefs exprimés par nombre de
11 personnes par rapport à la constitution de 1974, la constitution de la RSFY
12 de 1974; est-ce cela ?
13 R. Il s'agissait d'un des griefs exprimés, mais ce n'était pas le seul,
14 certainement pas. Il y en avait bien d'autres concernant le système de
15 défense, la sécurité de l'Etat, et les fonctions classiques d'un Etat qui
16 sont celles dont doit pouvoir se prévaloir tout Etat dans le monde. La
17 République de Serbie était un Etat et ne disposait pas des mêmes fonctions
18 classiques dévolues à un Etat.
19 M. STAMP : [interprétation] Je vous invite à prendre connaissance du
20 document P6, à savoir la constitution de la République de Serbie.
21 Q. Est-ce vrai, Monsieur Jokanovic, qu'à la suite de cet amendement,
22 l'assemblée albanaise du Kosovo se voyait dénier le droit de faire usage de
23 son droit de veto s'agissant de changements constitutionnels ou de
24 changements apportés à la constitution serbe, cet amendement
25 constitutionnel ou cette constitution fut adoptée en septembre 1990 ?
26 R. Le 23 mars 1989, lorsque les amendements constitutionnels furent
27 adoptés, et s'agissant de l'amendement de la constitution, il s'agissait
28 d'une procédure extrêmement compliquée. Concernant la constitution de 1990,
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1 c'était là une toute nouvelle constitution qui fut introduite et qui
2 impliquait la mise en place d'un nouveau système démocratique qui
3 remplaçait l'ancien régime communiste. Ils ont donc introduit un système
4 multipartite, ils ont également adopté différentes mesures et solutions
5 conformément aux normes européennes et conformément à ce qui existait dans
6 le cadre d'autres constitutions européennes. Cette constitution est
7 finalement un mélange des constitutions françaises et allemandes.
8 Q. Quand cette nouvelle constitution de 1990 fut promulguée, l'assemblée
9 des Albanais du Kosovo pouvaient-ils y mettre leur veto ?
10 R. Non, ni l'assemblée du Kosovo ni l'assemblée de Vojvodine ne pouvait
11 faire usage de leur droit de veto.
12 Q. Ils avaient perdu le pouvoir à la suite des amendements de 1989; est-ce
13 cela ?
14 R. Ils avaient perdu le droit d'user de leur droit de veto. Par rapport à
15 la République de Serbie, la République de Serbie pouvait créer sa propre
16 constitution, et une procédure très complexe fut mise en place dont
17 l'objectif était d'essayer de trouver une solution harmonisée, et en cas
18 d'échec, au cours d'une période de six mois, ils pouvaient envisager et
19 prévoir un référendum. Ils ont donc choisi une solution où un référendum
20 permettrait d'éviter l'impasse.
21 Q. Ma question suivante, Monsieur Jokanovic, est la suivante. La
22 constitution de 1990 limitait-elle encore un peu plus l'autonomie limitée
23 qui était exercée par les Albanais du Kosovo ? Mais je vois que c'est
24 bientôt l'heure de la pause. Je reposerai ma question après, Votre Honneur.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous allons suspendre les travaux
26 pour la première pause. Nous reprenons à 16 heures 15. Merci.
27 [Le témoin quitte la barre]
28 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.
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1 --- L'audience est reprise à 16 heures 20.
2 [Le témoin vient à la barre]
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic, vous avez la
4 parole. [hors micro]
5 M. STAMP : [interprétation] Je me suis demandé si vous m'aviez confondu
6 avec Me Djurdjic, mais cela m'a paru impossible. En tous cas, merci,
7 Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je poursuis mon contre-
8 interrogatoire.
9 Q. Monsieur Jokanovic, le document que nous avons sous les yeux est une
10 constitution serbe du mois de septembre 1990. J'aimerais que nous nous
11 penchions sur l'article 73, s'il vous plaît. Ce sont des provisions
12 générales qui concernent les pouvoirs de l'assemblée serbe. Le document
13 sera affiché à l'écran, je ne suis pas sûr que vous l'ayez dans votre
14 classeur.
15 Monsieur Jokanovic, le document est affiché à l'écran qui se trouve devant
16 vous. Article 73.
17 R. Oui, très bien, article 73.
18 Q. Les pouvoirs généraux de l'assemblée nationale sont définis dans cet
19 article et notamment à l'alinéa 1 et 2. On voit que l'assemblée avait le
20 droit de décider des modifications apportées à la constitution et avait le
21 droit d'adopter des lois, d'autres règlements et des documents juridiques
22 de nature générale.
23 M. STAMP : [interprétation] Puis, l'article suivant qui nous intéresse
24 c'est l'article 109, il concerne les pouvoirs dévolus à la Province
25 autonome du Kosovo.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-on agrandir le texte, s'il vous plaît.
27 M. STAMP : [interprétation]
28 Q. Pouvez-vous le déchiffrer désormais ?
Page 13205
1 R. J'aimerais que l'on agrandisse un petit peu, j'ai du mal à déchiffrer
2 ce qui est écrit. Ce sont les compétences de la province autonome qui sont
3 définies ici, donc cette nouvelle constitution garde le système suivant
4 lequel la République de Serbie comprend deux provinces autonomes : le
5 Kosovo et la Vojvodine. Et l'article 109 définit les pouvoir ou les
6 compétences de ces deux provinces autonomes.
7 Q. Veuillez vous pencher sur l'alinéa 4, s'il vous plaît.
8 R. Il est question de l'application des lois, de règlements et de
9 documents juridiques de nature générale émanant de la République de Serbie
10 dont l'exécution a été confiée aux organes de la Province autonome. Des
11 règlements sont adoptés visant à mettre en œuvre et à appliquer les lois
12 chaque fois que la législation le prévoit, donc il faut voir à quel moment
13 la législation prévoit que c'est la république qui assure l'application des
14 lois sur l'intégralité de son territoire, y compris le territoire de la
15 Province autonome. Donc cet alinéa prévoit les situations où la république
16 s'assure de l'application de ces lois sur l'intégrité de son territoire, y
17 compris le territoire de la Province autonome du Kosovo.
18 Q. Passons maintenant à l'article 110. Il est visible en version anglaise.
19 R. C'est quelque chose que j'ai déjà indiqué en répondant aux questions
20 posées par la Défense. Le statut de la Province autonome a évolué au
21 courant du temps. L'acte juridique le plus important était d'abord le
22 statut, puis c'était une loi constitutionnelle, et finalement, conformément
23 à la constitution de l974, c'était la constitution.
24 Cette nouvelle constitution serbe démocratique prévoit, pour l'acte
25 juridique le plus important de la Province autonome, son statut.
26 Q. Dans toutes ces provisions, le pouvoir des Albanais du Kosovo de créer
27 leur statut dépend de l'assemblée de la République de Serbie et de ses
28 compétences, n'est-ce pas ?
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1 R. A quel article vous référez-vous exactement ?
2 Q. Vous voyez l'article 110 [comme interprété] --
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez dire le 110 ? Vous avez
4 dit 10.
5 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et vous pensez notamment au paragraphe
7 2 ?
8 M. STAMP : [interprétation] Oui.
9 Q. Le paragraphe 2, qui figure en haut de la page.
10 R. Le statut est l'acte juridique le plus important de la province. Ce
11 document est adopté par la province et son assemblée, mais l'autorisation
12 doit être donnée au préalable par l'assemblée serbe. Donc il est nécessaire
13 que l'assemblée serbe donne son aval à l'adoption du statut.
14 Q. L'impact des provisions que je viens de vous présenter consiste à
15 limiter ou à réduire le pouvoir de l'assemblée du Kosovo, ce dont cette
16 assemblée disposait avant les amendements introduits en 1989 ?
17 R. On peut dire que le système a été changé de fond en comble. Autrefois,
18 il s'agissait d'un système socialiste, un système de députés. Or, ce que
19 nous avons ici est une nouvelle constitution basée sur le modèle européen.
20 Ce sont les différentes solutions adoptées dans différents pays européens
21 qui ont été copiées dans cette constitution, et c'est pourquoi la province
22 bénéficie désormais d'une position différente. Elle bénéficie de ce qu'on
23 désigne par le terme de l'autonomie territoriale.
24 Q. Oui, tout à fait, mais la question que je vous pose est la suivante :
25 les deux provisions que je viens de présenter ne limitent-elles pas le
26 pouvoir dont l'assemblée du Kosovo avait disposé par le passé ?
27 R. Dans le cadre d'un système nouvellement créé et au vu des circonstances
28 tout à fait nouvelles, dans le cadre d'un système politique multipartite et
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1 donc nouveau, si on compare la nouvelle situation à celle qui prévalait
2 auparavant, on peut dire qu'il y a une certaine limitation du statut.
3 M. STAMP : [interprétation] Et passons maintenant à l'article 125, s'il
4 vous plaît. Ce qui m'intéresse c'est l'alinéa 1. Veuillez étudier cet
5 aliéna, s'il vous plaît.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-il possible d'agrandir le texte un petit
7 peu ?
8 M. STAMP : [interprétation]
9 Q. Cet article définit les compétences de la cour constitutionnelle serbe.
10 C'est l'article 25 [comme interprété], alinéa 1 : "La cour
11 constitutionnelle décide du degré d'harmonisation des lois, du statut des
12 provinces autonomes et d'autres règlements et actes juridiques de nature
13 générale par rapport à la constitution."
14 M. STAMP : [interprétation] Alors, j'aimerais maintenant que nous passions
15 à l'article 30, s'il vous plaît. Je vous demande pardon, il s'agit de
16 l'article 130.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous souhaitez entendre mes observations ?
18 M. STAMP : [interprétation]
19 Q. Vous avez lu le texte ?
20 R. Oui.
21 Q. Oui, veuillez nous livrer vos observations.
22 R. Donc les compétences de la cour constitutionnelle sont définies, je
23 parle de la cour constitutionnelle de Serbie. Celle-ci est compétente pour
24 décider si une loi ou le statut d'une Province autonome sont harmonisés
25 avec la constitution serbe. En d'autres mots, si le statut de la Province
26 autonome est en désaccord avec la constitution serbe au moment où sa
27 constitutionalité serait évaluée, un tel statut aurait été déclaré illégal
28 ou anticonstitutionnel.
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1 Q. Avant la promulgation de cette constitution en 1990, la cour
2 constitutionnelle de Serbie était-elle compétente pour décider si les lois
3 des provinces autonomes, et notamment du Kosovo-Metohija, étaient
4 harmonisées avec la constitution serbe ?
5 R. Je répète encore une fois. Il s'agit d'un système social et politique
6 nouvellement créé. Il est très difficile d'établir des comparaisons. Nous
7 avons ici un nouveau système, un système multipartite. Si toutefois vous
8 insistez pour qu'on fasse une comparaison, une telle chose n'aurait pas été
9 possible en vertu de la constitution de 1974, puisque à l'époque, les
10 provinces autonomes avaient leurs propres cours constitutionnelles. Elles
11 étaient dotées de pratiquement toutes les fonctions dévolues à un Etat.
12 Q. En fait, au mois de décembre 1990, l'assemblée serbe a en fait annulé
13 la constitution du Kosovo ?
14 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la pièce P20.
15 Q. Vous en souvenez-vous, Monsieur Jokanovic ? L'assemblée serbe a adopté
16 cette constitution qui lui conférait le pouvoir de décider sur le caractère
17 constitutionnel des lois adoptées au Kosovo-Metohija, et finalement
18 l'assemblée serbe a fini par abolir la cour constitutionnelle du Kosovo-
19 Metohija ?
20 R. Le nouveau système constitutionnel et politique ne permettait pas
21 l'existence d'une cour constitutionnelle au Kosovo-Metohija. Seuls les
22 Etats sont dotés d'une cour constitutionnelle. Conformément à la nouvelle
23 constitution, la Province autonome disposait d'une autonomie territoriale
24 et ne bénéficiait plus du droit d'avoir sa propre cour constitutionnelle.
25 Or, tel n'avait pas été le cas en vertu de la constitution de 1974, qui lui
26 accordait le droit de mettre sur pied sa propre cour constitutionnelle.
27 Q. Très bien. Et vous souvenez-vous du décret qui vient d'être affiché à
28 l'écran, de la décision qui porte sur la démise des juges de la cour
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1 constitutionnelle du Kosovo de leurs fonctions ? C'est une décision qui a
2 été adoptée au mois de décembre 1990.
3 R. Eh bien, au vu des provisions dont il a été question il y a quelques
4 instants, il est normal que la décision présente en découle. Donc les juges
5 de la cour constitutionnelle du Kosovo exerçaient leurs fonctions en vertu
6 de l'ancienne constitution. Celle-ci n'est plus en vigueur, la cour
7 constitutionnelle n'existe plus, et les juges de cette cour
8 constitutionnelle sont démis de leurs fonctions.
9 Q. Très bien. Monsieur Jokanovic, vous avez déposé tout à l'heure ce qui
10 suit : lorsque des débats avaient été menés sur les amendements proposés en
11 1989, un certain nombre d'Albanais s'est opposé à ce projet. Des
12 manifestations ont été organisées, des grèves ont été entamées. A l'époque,
13 en 1999 [comme interprété], ces amendements proposés n'étaient donc pas
14 très populaires auprès de la population albanaise en générale; ai-je raison
15 de l'affirmer ?
16 R. En 1989, la situation prévalente était quelque peu différente. En 1989,
17 la population était toujours très disposée à sauvegarder la Yougoslavie et
18 à maintenir la Province autonome du Kosovo-Metohija dans les frontières de
19 la RSFY. Le système en place était favorisé par une grande partie des
20 Albanais qui ont voté pour modifier la constitution. Mais une fois la
21 Yougoslavie désintégrée, le --
22 Q. Oui, oui. Mais je ne vous pose pas la question sur la position adoptée
23 par des députés albanais à l'assemblée. Je vous pose une question qui porte
24 sur la population générale. Etes-vous d'accord avec moi que les
25 manifestations et les grèves organisées montraient bien que les amendements
26 proposés n'étaient pas très populaires auprès de la population générale
27 albanaise au Kosovo ?
28 R. Eh bien, c'est très difficile de se prononcer sur ce point. Personne
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1 n'a vraiment fait de recherches pour établir quel était le pourcentage des
2 citoyens qui étaient pour et quel était le pourcentage des citoyens qui
3 étaient contre. Il y avait eu des tentatives de propagande, des efforts
4 investis pour apporter des changements. Mais je ne suis pas d'accord pour
5 dire que la plupart des Albanais étaient contre ces amendements proposés.
6 Mais il est vrai que le mouvement séparatiste était en train de s'amorcer
7 et de se développer, et par la suite il a pris de l'envergure. Mais en
8 1989, on croyait que la Yougoslavie allait continuer à exister ainsi que
9 l'alliance communiste, et à l'époque, au Kosovo, l'alliance communiste
10 comptait 100 000 membres qui étaient favorables au système en place. Parmi
11 eux, il y avait un grand nombre d'Albanais qui vivaient très bien dans le
12 cadre de ce système, aussi bien que tous les autres. Mais une fois les
13 circonstances changées, une fois la Yougoslavie désintégrée, le désir de
14 créer un Etat indépendant s'en est vu renforcé.
15 Q. Vous avez pu lire une partie de la déposition faite par M. Ibrahim
16 Rugova. Celui-ci y déclare que les députés des Albanais à l'assemblée du
17 Kosovo ont subi de grandes pressions pour que ces amendements soient
18 adoptés au mois de mars 1989. Je crois que vous serez d'accord avec moi
19 pour dire que ces amendements ont réduit les pouvoirs dévolus à cette
20 assemblée dans une grande mesure. Pourquoi les Albanais seraient-ils alors
21 favorables à la réduction des pouvoirs dont ils disposaient ?
22 R. Les amendements apportés à la constitution n'ont fait que modifier les
23 dispositions qui concernaient les fonctions d'Etat de base. Le statut de la
24 province est resté totalement identique dans le cadre de la Fédération
25 yougoslave. La province avait toujours le droit d'adopter son statut, de
26 régler toutes les questions pertinentes, d'adopter ses lois. Donc il
27 s'agissait d'un grand degré d'autonomie accordé à la province, qui en même
28 temps faisait partie intégrante de la Yougoslavie. Une telle solution a été
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1 acceptée par un grand nombre d'Albanais. Toutes les assemblées municipales,
2 22 était leur nombre, se sont prononcées en faveur de ces amendements. La
3 même chose vaut pour toutes les organisations sociales et politiques, je
4 pense à l'alliance socialiste, aux syndicats, à l'alliance des anciens
5 combattants, à l'alliance de jeunesse, et cetera. Et le système de députés
6 était conçu de sorte que les délégués transmettent les points de vue des
7 personnes qui les avaient élus et ils votaient en fonction des débats menés
8 à la base. Et personne ne les forçait à voter d'une manière ou d'une autre.
9 La même procédure était adoptée par l'alliance communiste. Elle obligeait
10 ses membres de procéder de la sorte. Or, à l'époque, l'alliance communiste
11 était toujours très stable et très puissante. Des comités municipaux
12 existaient, et je vous ai déjà expliqué que l'alliance communiste comptait
13 100 000 membres à l'époque. Le plus grand nombre des députés à l'assemblée
14 était des membres de l'alliance communiste. En vertu du principe du
15 centralisme démocratique, ils étaient tenus de respecter les décisions
16 prises par le comité central de l'alliance communiste, et par conséquent,
17 ils étaient tenus de voter en fonction des décisions prises par le comité.
18 Le terme dont nous nous servions pour désigner ce système était celui du
19 centralisme démocratique. Evidemment, aujourd'hui, nous pouvons débattre
20 comment un système peut être à la fois centraliste et démocratique.
21 Q. Etes-vous d'accord pour dire que M. Rugova a dit que les membres de
22 cette assemblée, dans le contexte dans lequel ils étaient placés, ils
23 avaient été l'objet de fortes pressions pour voter dans le sens dans lequel
24 ils ont voté ?
25 R. Je ne peux pas dire qu'ils ont fait l'objet de pressions, et bien sûr
26 je comprends les raisons pour lesquelles M. Rugova a dit ce qu'il avait
27 dit, car il pensait que le Kosovo était supposé faire sécession et devenir
28 un Etat indépendant. C'était son point de vue en tant que membre de
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1 l'alliance démocratique du Kosovo, et manifestement, son intention était de
2 faire en sorte que ce qui se produisait en Croatie et en Slovénie se
3 produirait également au Kosovo. Mais c'était impossible d'un point de vue
4 constitutionnel et c'est la raison pour laquelle il a tenté d'utiliser un
5 certain nombre d'actions illégales pour que le Kosovo accède au niveau de
6 république. Et nous avons vu des documents illégaux qui ont été signés par
7 des députés. Donc il s'agissait simplement d'une tentative de créer des
8 conditions pour ce qui devait suivre, créer des circonstances. Donc ils
9 n'ont rien fait d'autre que de copier ce qui se passait ailleurs avec des
10 référendums et tout le reste.
11 Q. Pourrions-nous passer à autre chose.
12 M. STAMP : [interprétation] Pourriez-vous afficher, s'il vous plaît, le
13 document 0696 [comme interprété] de la liste 65 ter.
14 Q. Il s'agit d'un extrait d'un communiqué de la BBC en date du 6 février
15 1991. Il est indiqué que :
16 "Vukasin Jokanovic, Slavonia Baranja et à l'ouest de Srem -- et que
17 Srem, le président de l'assemblée serbe, le 4 février, à l'occasion
18 d'échanges avec un groupe d'instituteurs de l'école primaire de Pec ont
19 insisté sur le fait que du fait de la situation et du système dans la
20 province, de nombreuses nouvelles mesures seraient introduites rapidement,
21 en plus de la réduction du nombre d'enseignants albanais. Les directeurs
22 d'école se voyaient confier des pouvoirs plus larges afin de pouvoir
23 répondre à leurs responsabilités."
24 Vous souvenez-vous d'avoir tenu ces propos ?
25 R. Malheureusement, je ne me souviens pas de cette déclaration, elle est
26 assez différente de mes convictions politiques dans leur ensemble et d'un
27 certain nombre d'autres déclarations que j'ai faites. Donc je ne suis pas
28 sûr de savoir comment cette déclaration a été transmise, et je pense que
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1 c'est un exemple de propagande, parce que mon nom avait un certain poids,
2 et à l'époque, si ces propos m'ont été attribués, cela impliquait que je
3 soutenais la tendance consistant à établir un Etat kosovar et à menacer la
4 population albanaise qui s'y trouvait. Et je n'ai jamais fait de telle
5 déclaration mettant en doute la qualité de la population albanaise. Et vous
6 pouvez trouver des milliers de déclarations que j'ai faites en ce sens. Mon
7 fils a rassemblé quelque 300 ou 400 déclarations en ce sens, donc je ne me
8 souviens pas de la déclaration à laquelle vous faite référence et je pense
9 qu'elle est fausse. Je pense que c'est un propos qui m'a été attribué,
10 apparemment à l'occasion d'un entretien.
11 Q. J'ai votre réponse, Monsieur Jokanovic, nous venons de voir que nous
12 vous avons donné l'opportunité de commenter.
13 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président, je n'ai
14 pas d'autres questions pour le témoin.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.
16 Maître Djurdjic.
17 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Nouvel interrogatoire par M. Djurdjic :
19 Q. [interprétation] Monsieur, tout d'abord, pourrions-nous afficher la
20 pièce P1469. Vous n'avez pas besoin de la chercher dans votre classeur,
21 regardez l'écran, s'il vous plaît.
22 R. Merci, Maître.
23 Q. Ce que vous allez voir apparaître à l'écran est la loi sur le travail
24 des organes républicains dans certaines circonstances, ainsi que le décret
25 proclamant ces mesures. Il s'agit de la pièce P1469, ce que nous avons ici.
26 Je reprends, il s'agit du document P1469, je pense que M. Stamp l'a
27 utilisée il y a quelques instants.
28 R. [aucune interprétation]
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1 M. DJURDJIC : [interprétation] Il ne s'agit pas de ce document. Il fallait
2 que je le vérifie moi-même. Il s'agit du document 1496. Je vous prie de
3 m'en excuser.
4 Q. Ceci a été publié dans la "Gazette officielle" le 26 juin 1990. A
5 l'article 1 avant le décret, quelle était la base de la promulgation de ces
6 dispositions ?
7 R. L'article 1 ?
8 Q. Non, non, non, il y a un décret qui précède.
9 R. Je ne le vois pas.
10 M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrions-nous voir à nouveau le début de la
11 page.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Au terme de l'amendement 49, alinéa 7.
13 M. DJURDJIC : [interprétation]
14 Q. S'agit-il vraiment du 49, ou peut-être du 39 ?
15 R. Du 39, excusez-moi.
16 Q. Qu'est-il indiqué ?
17 R. Conformément à l'amendement 39, alinéa 7 de la constitution de la
18 République socialiste de Serbie, ce décret entrera en vigueur après
19 promulgation de la loi sur le travail des organes républicains dans des
20 circonstances spéciales par les différents corps de la République de
21 Serbie.
22 Q. Où se trouve ce passage, Monsieur Jokanovic ?
23 R. [aucune interprétation]
24 Q. Nous y reviendrons. Mais, s'il vous plaît, veuillez regarder l'article
25 2 de la loi. Donc l'article 2, alinéa 1.
26 R. Article 2, alinéa 1, cet article indique quand les circonstances
27 spéciales se produisent. Et l'alinéa 1 indique qu'il s'agit d'activités
28 ayant pour but de renverser l'ordre constitutionnel et l'intégrité
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1 territoriale.
2 Q. Merci.
3 R. Alinéa 2 ?
4 Q. Oui, il y a les alinéas 2, 3 et 4, ne perdons pas de temps. Veuillez
5 regarder, s'il vous plaît, l'article 2, alinéa 2. Que dispose-t-il ?
6 R. Que la République de Serbie, sur proposition du Conseil exécutif de
7 l'assemblée de la République fédérale de Serbie, sera établie. Pourriez-
8 vous, s'il vous plaît, montrer le bas de la page en serbe.
9 Q. Bien sûr. En haut à droite, et au centre, s'il vous plaît. Merci.
10 R. Que sur proposition du Conseil exécutif de l'assemblée de la République
11 de Serbie, et dans des circonstances spéciales qui se sont produites dans
12 la république ou qui ont cessé.
13 Q. Merci.
14 M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher la pièce
15 P71.
16 Q. Monsieur Jokanovic, il s'agit d'une décision indiquant que des
17 circonstances spéciales se sont produites dans la Province autonome du
18 Kosovo, entrée en vigueur le 26 juin 1999, publiée dans la "Gazette
19 officielle" de la Serbie. Il y a un chiffre, le chiffre 519, qu'est-il
20 indiqué ? Quelle est la base de la décision qui a été prise ?
21 R. Conformément à l'article 2 de la loi sur le travail des organes de la
22 république dans des circonstances spéciales et l'article du règlement, lors
23 de la session du conseil, le 26 juin, une décision a été prise constatant
24 que des circonstances spéciales s'étaient produites sur le territoire
25 socialiste de la Province autonome du Kosovo. Cela signifie précisément que
26 les circonstances auxquelles j'ai fait référence s'étaient produites.
27 Q. Quel est le fondement de cette décision ?
28 R. L'article 2 de la loi sur le travail des organes républicains dans des
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1 circonstances spéciales, la "Gazette officielle" de la République de
2 Serbie, publié le 30.
3 Q. Est-ce la loi que nous venons de voir ?
4 R. Oui, c'est ce dont il s'agit. La décision résulte de la loi. Elle ne
5 pouvait être autonome.
6 Q. Merci. Quand la décision de la présidence de la RSFY sur la mise en
7 œuvre, l'introduction de mesures spéciales au Kosovo-Metohija a-t-elle été
8 prise ?
9 R. Au début du mois de mars 1989.
10 Q. Merci.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher la pièce
12 P1583.
13 Q. Il s'agit de ce que l'on appelle la déclaration constitutionnelle
14 publiée dans la "Gazette officielle" de la Province autonome socialiste du
15 Kosovo le 3 juillet 1990. Tout d'abord, Monsieur Jokanovic, nous voyons là
16 une liste de ceux qui ont prétendument signé la déclaration. Avez-vous déjà
17 vu la liste originale et la signature des personnes ici mentionnées ?
18 R. Non, je ne l'ai jamais vue. Il serait tout à fait inhabituel que des
19 gens signent un texte de loi. De toute ma carrière, je n'ai jamais vu la
20 publication sous cette forme des noms dans la "Gazette officielle". Quant à
21 savoir s'ils ont réellement signé, il faudrait mener une enquête ou faire
22 des recherches, si je puis dire.
23 Q. Merci. Avez-vous déjà entendu parler d'une personne qui aurait présidé
24 une session ?
25 R. Uniquement lorsqu'une nouvelle assemblée était mise en place. Dans ce
26 cas, il y a une personne qui préside à la place du président, mais qui n'a
27 pour seule autorité que de déclarer qu'il y aura un vote à l'occasion
28 duquel seront tenus les représentants officiels de l'assemblée. Un officier
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1 qui présiderait ainsi n'existe pas ni aux termes des règles ni aux termes
2 de la constitution lors du processus de mise en place de l'assemblée. C'est
3 en général le membre le plus ancien qui peut présider à l'occasion de cette
4 session, le doyen.
5 Pourrais-je ajouter quelque chose ?
6 Q. Oui.
7 R. En regardant la liste, il y a une abréviation qui suit ma propre
8 signature, et je vois qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont
9 participé à ou ont contribué à la session du 31 mars 1990. A cette
10 occasion, ils ont exprimé leur soutien aux amendements, tandis qu'ici, il
11 semble qu'ils aient signé une déclaration proclamant que le Kosovo était un
12 Etat indépendant. Et cet acte fait même référence à la constitution de la
13 RSFY, la qualifiant de confédération.
14 M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant passer à la page
15 2. Pourrions-nous agrandir le centre de la page, là où il est indiqué
16 "contenu", "content" en anglais.
17 Q. Il est indiqué, Contenu, du journal officiel. Pourriez-vous commenter ?
18 R. Ce "journal officiel" a été publié de façon illégale. Il est rare qu'un
19 "journal officiel" soit publié et ne contienne qu'un élément. Dans le
20 contenu, nous voyons qu'il est fait référence à la Yougoslavie comme une
21 confédération et une fédération. Et comme l'indique la déclaration, c'est
22 la façon dont ils faisaient référence à la Yougoslavie. Mais je ne sais pas
23 où ils invoquent ou sur quelle base ils invoquent le droit de proclamer la
24 Yougoslavie une confédération, parce qu'à l'époque, c'était toujours une
25 fédération. La RSFY était une fédération.
26 Q. Merci.
27 M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrions-nous passer à la pièce P1497.
28 Q. Il s'agit de la loi sur le travail de l'assemblée du Kosovo. Pourriez-
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1 vous commenter, s'il vous plaît, l'article 1 de la loi.
2 R. J'y ai déjà fait référence.
3 Q. Ne le lisez pas à voix haute. Commentez-le simplement.
4 R. A ce moment, l'assemblée du Kosovo n'était pas opérationnelle parce
5 qu'on tentait de mettre en mal la souveraineté et l'intégrité territoriale
6 du pays. Il est également indiqué ici que ce travail était dirigé à
7 l'encontre du système constitutionnel et la République de Serbie dans son
8 ensemble. Il est également indiqué que l'intégrité territoriale de la
9 Serbie est contestée afin d'en isoler une partie du territoire.
10 M. STAMP : [interprétation] Merci. Pourrions-nous maintenant afficher la
11 pièce P1584.
12 Q. Ce que nous voyons maintenant c'est la décision d'évaluer la
13 constitutionalité de la déclaration constitutionnelle du Kosovo au terme de
14 laquelle le Kosovo serait indépendant et égal dans le cadre de la
15 confédération de Yougoslavie dans son ensemble, donc égal aux autres unités
16 de la fédération.
17 R. C'est une décision de la cour constitutionnelle. A l'époque, son
18 président était Milovan Buzadzic.
19 Q. Merci. Conformément à l'alinéa 1, qui a pris l'initiative de cette
20 procédure pour évaluer le caractère constitutionnel de la déclaration ?
21 R. La cour constitutionnelle elle-même avait le droit de prendre cette
22 initiative ou d'intervenir sur proposition d'un certain nombre d'organes.
23 Q. Merci. Je ne vais pas examiner toute cette décision, mais je
24 souhaiterais que nous étudiions l'avant-dernier paragraphe. Pourriez-vous
25 le commenter brièvement et nous dire ce que la cour constitutionnelle a
26 considéré ?
27 R. Afin de ne pas tout lire, j'indique que la cour constitutionnelle est
28 parvenue à la conclusion que cette déclaration était contraire à la
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1 constitution de la Yougoslavie et que les provinces n'avaient pas de tels
2 droits, que seules les républiques en tant qu'Etats avaient de tels droits.
3 Ce qui s'applique également aux nations pris isolément ou plutôt aux
4 nationalités. Les nationalités ne pouvaient faire de telles déclarations et
5 proclamaient que la province d'une république pouvait exclure ou isoler son
6 territoire de la République de Serbie.
7 M. DJURDJIC : [interprétation] Pourrions-nous voir la page suivante dans
8 les deux langues.
9 Q. La motivation y est indiquée. Il est fait référence aux violations de
10 la constitution de Serbie aux termes de sa déclaration. Monsieur Jokanovic,
11 j'aimerais vous poser la question suivante : qui a pris part à l'adoption
12 de cette décision ? D'où venaient les juges qui constituaient la cour
13 constitutionnelle ?
14 R. Milovan Buzadzic, Barcic [phon], ils provenaient tous de la République
15 de Croatie, de Bosnie. Quant à Bozidar Bulatovic, vu son nom, je dirais
16 qu'il venait du Monténégro. Un autre nom me paraît être musulman,
17 originaire de Bosnie-Herzégovine. Branislav Ivanovic était probablement
18 Serbe. Pjeter Kola, du Kosovo, je le connais, il s'agit d'un grand juriste.
19 Le suivant était probablement originaire d'Albanie; et le dernier de
20 Serbie.
21 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, quelle était l'appartenance ethnique de
22 Pjeter Kola ?
23 R. Petar Kolar était albanais du Kosovo-Metohija et a exercé différentes
24 fonctions au Kosovo-Metohija, principalement au sein d'organismes
25 administratifs ainsi que des fonctions en tant que juriste.
26 Q. Merci. Tous ces juges venaient-ils de républiques ou de provinces
27 yougoslaves, les juges qui ont adopté cette décision ?
28 R. Oui. C'est la façon dont la cour constitutionnelle était organisée,
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1 telle était sa composition. Les juges provenaient des différentes
2 républiques et provinces de Yougoslavie.
3 Q. Merci. Vous avez dit que la constitution de 1990 mettait en place un
4 nouveau système de partis, et je voudrais savoir si les partis politiques
5 albanais ont participé, conformément à cette constitution, à la vie
6 politique en Serbie et également s'ils ont participé aux élections.
7 R. Le parti albanais n'a pas participé aux élections. Je sais que l'un des
8 partis était enregistré, et il y en avait d'autres, mais aucun n'a
9 participé, car la participation à ces élections aurait été contraire à leur
10 programme nationaliste séparatiste, programme qui ensuite est devenu
11 militaire. C'est la raison pour laquelle ils ont boycotté les élections.
12 Néanmoins, tous les Albanais n'ont pas participé à ce boycott, car un
13 certain nombre d'Albanais étaient sur la liste de certains partis,
14 notamment du parti socialiste, qui était favorable aux Albanais, et ils ont
15 été élus au sein de la nouvelle assemblée comme députés. Et je me souviens
16 du nom d'un certain nombre d'entre eux. Ils ont pris part aux travaux de
17 l'assemblée républicaine et ils ont participé à l'adoption de lois dont a
18 parlé ici.
19 Q. Cette constitution réglementait-elle le statut des programmes au sein
20 de la République de Serbie de façon identique ?
21 R. A l'occasion de ce procès, j'ai entendu dire que la province avait été
22 rendue nulle. Or, ce n'est pas ce que disait la constitution. Il y avait
23 une province appelée Vojvodina et une province appelée le Kosovo. Vojvodina
24 disposait de tous ses organes. Il y avait une assemblée, un conseil
25 exécutif et d'autres organes prévus par la constitution. Tandis qu'au sein
26 du Kosovo, ils n'ont pas fait usage de ce droit. Ils avaient le droit
27 d'être représentés au sein de l'assemblée de Serbie par de nombreux
28 délégués et ils ont choisi de ne pas en faire usage. Ils ne voulaient pas
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1 non plus établir d'assemblée provinciale, car ils pensaient que ce faisant
2 ils n'auraient pas contribué à leur but qui était d'établir un Etat séparé
3 et isoler le Kosovo de la Yougoslavie.
4 Q. Merci. Alors que nous parlons des amendements de la constitution de la
5 Serbie de 1989 --
6 M. DJURDJIC : [interprétation] Ligne 15, le texte devrait préciser se
7 séparer de la Serbie et de la Yougoslavie, et non pas le Kosovo de la
8 Yougoslavie.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Faites-vous référence au compte rendu ?
10 M. DJURDJIC : [interprétation]
11 Q. Lorsque l'on parle des amendements en date de 1989 apportés à la
12 constitution de la Serbie et aux droits de veto, ou plutôt, à l'incapacité
13 à modifier la constitution de la Serbie sans qu'il y ait eu consentement
14 antérieur des provinces autonomes, pouvez-vous me dire, s'il vous plaît, si
15 la République de Serbie pouvait donner son consentement aux amendements
16 apportées aux constitutions provinciales ?
17 R. La République de Serbie et l'assemblée de Serbie ne pouvaient ni l'une
18 ni l'autre donner leur consentement ou influencer de quelque manière que ce
19 soit l'adoption de la constitution du Kosovo. Au titre de sa constitution,
20 le Kosovo était pleinement indépendant et pouvait adopter sa propre
21 constitution. Et à cet égard, la Serbie n'avait aucun pouvoir.
22 Q. Merci. La cour constitutionnelle de Serbie avait-elle le pouvoir
23 d'évaluer le caractère constitutionnel des dispositions de la constitution
24 du Kosovo pour vérifier que cette dernière soit conforme à la constitution
25 fédérale ?
26 R. La cour constitutionnelle de Yougoslavie pouvait évaluer la pertinence
27 de certaines dispositions de la république ou de constitutions
28 provinciales, et en particulier de leur conformité à la constitution
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1 fédérale.
2 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, au titre de ces
3 amendements constitutionnels qui furent adoptés, ou plutôt, qui reçurent un
4 feu vert, quel mécanisme permettait-il d'amender la constitution de la
5 Serbie sans le consentement des provinces ?
6 R. Il existait un amendement spécifique qui définissait une procédure
7 complexe dont l'objectif était de remplacer le droit de veto. Une fois que
8 l'assemblée de Serbie avait défini le texte de l'amendement, elle essayait
9 d'obtenir ce consentement de la part des assemblées provinciales. En cas
10 d'échec, on tentait de parvenir à une parité avec des représentants du
11 Kosovo, notamment avec le doyen de l'assemblée, avec la Serbie, et tentait
12 de parvenir à un consensus. Et ensuite, l'adoption de ce nouvel amendement
13 ou de la nouvelle constitution était reportée de six mois. Si, au cours de
14 ces six mois, ils ne parvenaient pas à parvenir à un consensus pour un
15 amendement donné, l'assemblée de Serbie pouvait adopter cet amendement
16 après organisation d'un référendum au cours duquel tous les citoyens ayant
17 le droit de vote pouvaient, bien sûr, exprimer leur point de vue et voter.
18 Cela signifie qu'avant que cet amendement soit adopté, un référendum devait
19 être organisé. Il s'agit de cette procédure complexe qui consistait à
20 contourner le veto dont je vous ai parlé.
21 Q. Ce référendum concernait tous les citoyens de la Serbie qui avaient un
22 droit de vote ? Tous ces citoyens pouvaient y participer ?
23 R. Oui, tous les citoyens ayant le droit de vote de la République de
24 Serbie pouvaient participer, et ce y compris ceux qui vivaient dans les
25 provinces de la Vojvodine et au Kosovo, et bien sûr, ceux qui vivaient en
26 Serbie.
27 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, pouvons-nous maintenant passer à la
28 pièce 8, s'il vous plaît. Pourrions-nous maintenant consulter l'amendement
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1 39, page 25. Non, excusez-moi. Il s'agit de l'amendement 29, et non pas 39.
2 Q. Dans vos documents de séance, c'est la page 318 en bas de la page.
3 R. Page 318, amendement 29.
4 Q. Je vous prie de consulter le document.
5 Pourriez-vous, s'il vous plaît, commenter cet amendement, s'agissant de
6 l'évaluation de la conformité de la constitution provinciale avec la
7 constitution de la Serbie ?
8 R. En cas de contradiction de la constitution provinciale avec la
9 constitution de la Serbie, la cour constitutionnelle de Serbie évalue la
10 situation et fournit un avis, premièrement, à l'assemblée de Serbie, et
11 ensuite, sur la base de cet avis, l'assemblée de Serbie, s'il est prouvé
12 que ces dispositions ne sont pas conformes à la constitution de la Serbie,
13 va en informer l'assemblée provinciale en prévoyant un délai d'un an pour
14 lever cette contradiction. Si les provinces ne parviennent pas à lever la
15 contradiction, il n'y aura pas mise en œuvre des dispositions.
16 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Votre Honneur, je n'ai pas d'autres
17 questions pour le Témoin Jokanovic. J'en ai terminé de mon interrogatoire.
18 Merci.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
20 Questions de la Cour :
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais vous demander une
22 précision. Vendredi, vous avez parlé d'une visite de délégués d'une
23 institution européenne, et je pense qu'il fut acté qu'il s'agissait d'une
24 délégation parlementaire du conseil. Il y a un mot qui manque, conseil de
25 l'Europe, je pense. Aujourd'hui, vous avez parlé d'une délégation du
26 Parlement européen, et il s'agit là de deux instances différentes. S'agit-
27 il d'une délégation de l'assemblée parlementaire du conseil de l'Europe ou
28 du Parlement européen, à des fins de précision ?
Page 13225
1 R. Je pense qu'il s'agissait d'une délégation du Parlement européen, donc
2 une assemblée parlementaire du conseil de l'Europe. Voilà, il s'agissait
3 d'une assemblée parlementaire du conseil de l'Europe. Donc un Parlement
4 rendait visite à un Parlement, le Parlement du Kosovo.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, et le conseil de l'Europe est
6 une institution européenne au sein de laquelle la République fédérale
7 socialiste de Yougoslavie était membre, alors que le Parlement européen
8 compte en son sein uniquement les Etats membres de l'Union européenne, ce
9 qui signifie donc qu'il s'agissait d'une assemblée parlementaire du conseil
10 de l'Europe; est-ce correct ?
11 R. Oui. Merci. Pour autant que je m'en souvienne, et je ne suis pas expert
12 en institutions européennes, je pense qu'il s'agissait d'une délégation
13 parlementaire d'une institution européenne. Mais je pourrais peut-être me
14 repencher sur les documents pertinents afin de me rafraîchir la mémoire.
15 Vous savez, cela fait 30 ans que les faits se sont produits. En tout état
16 de cause, il s'agissait d'une institution européenne et d'une délégation
17 parlementaire.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Nous en avons terminé des
19 questions que nous souhaitions vous poser. Nous aimerions vous remercier
20 des réponses que vous avez fournies et de l'assistance que vous avez
21 apportée. Vous pouvez, bien sûr, reprendre maintenant le cours de vos
22 activités normales. Et nous allons vous reconduire à la porte du prétoire.
23 Nous vous remercions et nous reprendrons nos travaux à 18 heures pour la
24 déposition du prochain témoin.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Votre Honneur.
26 [Le témoin se retire]
27 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.
28 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.
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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez lire à haute voix la
5 déclaration solennelle qui vous sera remise.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
7 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
8 rien que la vérité.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Popovic, à vous.
12 M. POPOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 LE TÉMOIN : VUKMIR MIRCIC [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Interrogatoire principal par M. Popovic :
16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Mircic.
17 R. Bonjour.
18 Q. Monsieur Mircic, avant d'entamer mon interrogatoire principal, j'ai une
19 demande à formuler puisque nous nous exprimons tous les deux dans une même
20 langue, j'aimerais que vous ménagiez une petite pause avant de fournir vos
21 réponses à mes questions. Il s'agit de permettre aux interprètes de bien
22 s'acquitter de leur tâche.
23 Monsieur Miricic, veuillez me décliner votre identité.
24 R. Je m'appelle Vukmir Mircic.
25 Q. Merci. Où êtes-vous né et quand ?
26 R. Le 17 septembre 1958 dans le village de Kodralija, municipalité de
27 Decani, Kosovo-Metohija.
28 Q. Pouvez-vous répéter comme s'appelait le village où vous êtes né ?
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1 R. Kodralija.
2 Q. Merci, Monsieur Mircic. Dites-moi, avez-vous été membre du MUP, et si
3 oui, à partir de quel moment ?
4 R. Oui, je suis membre du MUP à partir de 1986. J'ai travaillé dans le
5 département de la Sûreté d'Etat.
6 Q. Merci. Etes-vous toujours membre du MUP ?
7 R. Je suis à la retraite.
8 Q. A quel moment avez-vous pris votre retraite ?
9 R. Au cours de l'année 2006.
10 Q. Très bien. Pouvez-vous nous dire brièvement quels sont les postes que
11 vous avez occupés au sein du ministère de l'Intérieur au cours de votre
12 carrière professionnelle ?
13 R. J'ai été nommé au poste de l'OUP de Decani, secrétariat à l'Intérieur
14 de Djakovica, le 1er janvier 1993.
15 Q. Et avant le 1er janvier 1993, quelles sont les missions qui vous avaient
16 été confiées au sein du ministère de l'Intérieur ?
17 R. J'ai été inspecteur au sein de la Sûreté d'Etat, puis chef d'un
18 détachement au sein de la Sûreté d'Etat dans la ville de Decani.
19 Q. Merci. Au cours de l'année 1998 et 1999, quelles sont les fonctions que
20 vous avez exercées exactement au sein du ministère de l'Intérieur ?
21 R. J'ai toujours exercé les fonctions du chef de l'OUP de Decani, Sûreté
22 d'Etat, et j'ai travaillé pour le SUP de Djakovica.
23 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire quel était le territoire qui relevait de
24 votre OUP ?
25 R. L'OUP de Decani comprenait les territoires suivants : en direction de
26 la République d'Albanie, il allait jusqu'à la frontière tripartite, donc il
27 s'agit de la frontière avec l'Albanie, le Monténégro, la municipalité de
28 Pec et la municipalité de Djakovica. La frontière avec Albanie avait 22
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1 kilomètres de longueur.
2 Q. Merci. Et quelles étaient vos compétences ?
3 R. En tant que chef de l'OUP, département des Affaires intérieures,
4 j'avais toutes les compétences prévues par le MUP, et plus précisément par
5 le règlement sur l'organisation interne du MUP. En tant que chef, j'avais
6 la tâche de suivre les activités de la police qui relevaient de mes
7 compétences, donc il s'agit concrètement de mon poste de police. Et dans ce
8 poste de police, j'avais des chefs et des agents de police qui exerçaient
9 les fonctions au sein du département de l'Intérieur à la tête duquel je me
10 trouvais. Par ailleurs, il existait un lien avec le département de la
11 police au secrétariat à l'intérieur de Djakovica.
12 Q. Très bien. Qui était votre officier supérieur immédiat au cours des
13 années 1998 et 1999 ?
14 R. Au cours des années 1998 et 1999, mon supérieur était le chef du SUP à
15 Djakovica.
16 Q. Merci. Au cours des années 1998 et 1999, receviez-vous tous vos ordres
17 exclusivement de la part du chef du SUP à Djakovica ?
18 R. Oui.
19 Q. Avez-vous été membre de la commission mixte chargée des frontières
20 d'Etat ?
21 R. Oui. Au cours de l'année 1996, le MUP fédéral a mis sur pied une
22 commission mixte chargée de la frontière qui se trouvait dans le secteur 4
23 et était limitrophe à la République d'Albanie. Cette commission comprenait
24 plusieurs membres, leur nombre variait de cinq à six. Les membres de la
25 commission étaient les suivants : j'exerçais la fonction du président, puis
26 il y avait les membres qui étaient pour la plupart des experts, il y avait
27 un représentant de l'armée yougoslave, et il fallait absolument qu'il y
28 soit présent puisqu'il s'agissait bien de la frontière d'Etat.
Page 13229
1 Q. Pourriez-vous nous expliquer brièvement quelles étaient les tâches
2 confiées à cette commission mixte ?
3 R. Nous avions la tâche d'étudier tous les incidents qui pouvaient
4 survenir des deux côtés de la frontière. Par exemple, si un incident
5 survenait du côté albanais de la frontière, les autorités albanaises nous
6 envoyaient une note d'information, et nous agissions de même. Donc c'était
7 une pratique qui avait été établie, tous les incidents, les incendies, les
8 cas de personnes qui traversaient la frontière illégalement, donc la
9 pratique a été établie d'étudier tous ces cas de figure, tous les incidents
10 qui survenaient sur notre territoire et sur le leur. Nous étudiions ces
11 incidents et nous attendions des décisions pertinentes, à savoir sommes-
12 nous bien d'accord qu'un incident est survenu, faut-il l'enregistrer dans
13 les archives. Et si jamais nous ne pouvions pas convenir sur un point
14 particulier, on faisait suivre le dossier à une instance plus haute qui se
15 situait au niveau du SUP fédéral.
16 Q. Pouvez-vous nous indiquer quelle était la coopération que vous aviez
17 avec la partie albanaise, à savoir leur commission mixte, et comment
18 entriez-vous en contact avec eux ?
19 R. Eh bien, nous leur donnions rendez-vous. Nous établissions le lieu et
20 le moment où nous allions nous rencontrer. Le plus souvent, moi, je me
21 rendais à un poste frontalier, le plus souvent celui de Qafa Prushit
22 [phon], et c'est là que des réunions étaient organisées. D'abord, nous
23 avions un échange de lettres, et cet échange de correspondance nous
24 permettait d'organiser des rendez-vous. Nous nous réunissions. Ils
25 venaient, par exemple, sur notre territoire avec tous les documents
26 pertinents. Nous mettions sur pied une réunion et nous étudiions chaque
27 incident en particulier.
28 Et la même chose se passait de la même façon lorsque nous nous
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1 rendions en République d'Albanie. Leur commission mixte comprenait
2 également les représentants de la police, de l'armée et des experts. Donc
3 les choses se déroulaient de la même façon que chez nous.
4 Q. Pouvez-vous nous dire si votre coopération a été bonne ?
5 R. Jusqu'à la mi-1998, je peux dire que la coopération a été bonne et que
6 nos relations étaient remplies de respect. L'impression que j'ai eue c'est
7 que la partie albanaise avait toujours des positions très précisément, très
8 durement définies lorsqu'il s'agissait d'incidents particuliers. Donc la
9 commission se conformait aux instructions qu'elle recevait de leurs
10 supérieurs et elle faisait ce qu'on lui disait de faire. Et parfois, nous
11 organisions également des enquêtes sur les lieux conjointes. Cela arrivait
12 dans la période précédente, au cours des années 1996 et 1997, voire avant.
13 Dès 1995, la frontière albanaise était poreuse, elle permettait aux
14 personnes et aux armes de la traverser facilement. Et ceci représentait une
15 conséquence de la chute du régime à la tête duquel se trouvait Salih
16 Berisha. Un chaos total s'est mis à régner suite à sa chute. Les casernes
17 ont été pillées, les armes de production chinoise ont été transférées sur
18 le territoire du Kosovo. Donc l'armée a essayé de le prévenir à plusieurs
19 reprises, et parfois elle réussissait à prévenir ce type d'actes. A
20 plusieurs reprises, nous étions censés procéder à des enquêtes sur les
21 lieux conjointes avec la partie albanaise, mais nous ne sommes jamais
22 parvenus à monter sur pied ces enquêtes, parce que très souvent on ouvrait
23 le feu en notre direction.
24 Et c'est quelque chose dont j'ai averti à plusieurs reprises le
25 président de la commission locale. Je lui ai demandé de vérifier ce qui se
26 passait, mais il m'a répondu à plusieurs reprises, Je ne sais pas qui tire.
27 Ça doit être une bande de mafieux. Mais en fait, c'était une tentative de
28 dissimuler le véritable état des choses.
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1 Q. Merci, Monsieur Mircic. Puisque nous venons d'aborder le sujet,
2 pourriez-vous nous dire quelle était la situation sécuritaire qui prévalait
3 sur le territoire couvert par votre OUP au cours de l'année 1998 et 1999 ?
4 R. La situation sécuritaire sur le territoire de la municipalité de Decani
5 était extrêmement difficile. Un grand nombre de terroristes infiltraient le
6 territoire de la municipalité de Decani. Il y avait un grand nombre de
7 groupes terroristes. Des armes étaient emportées de façon clandestine au
8 cours des années 1998 et 1999. Des villages étaient systématiquement armés.
9 Un certain nombre de personnes recevaient l'instruction de se rendre en
10 Albanie, d'acquérir des armes, de les rapporter au Kosovo et de les
11 distribuer aux villageois. Tous les villages avaient leur système codifié
12 de signaux qui leur permettait de signaler aux autres villages qu'ils
13 avaient des armes à leur disposition, et je peux vous dire que c'est un
14 phénomène qui se faisait sentir déjà au cours des années 1990, à l'époque
15 où je travaillais au centre de la Sûreté d'Etat. Sous la direction de Salih
16 Ceka, des groupes de terroristes étaient formés dans la ville de Labinot en
17 Albanie. Nous avons pu découvrir ces organisations illégales à plusieurs
18 reprises, et des procédures au pénal ont été entamées à leur encontre.
19 Et je peux même citer une attaque terroriste organisée par Salih Ceka
20 dans la ville même de Decani. Il s'est attaqué à un café, et quatre ou cinq
21 civils ont été victimes de cette attaque.
22 Q. Merci. J'aimerais que nous nous concentrions davantage sur les années
23 1998 et 1999, puisque ce sont les années qui nous intéressent le plus. Au
24 vu de la position de votre OUP, pouvez-vous nous préciser quelle était la
25 situation sécuritaire ?
26 R. La situation en matière de sécurité était vraiment difficile. Ma
27 municipalité était pratiquement ethniquement pure. Tous les villages
28 albanais n'étaient composés que d'Albanais, et ceci valait surtout pour les
Page 13233
1 villages qui se trouvaient dans la zone proche de la frontière. Dans ma
2 municipalité, il y avait environ 700 Serbes au total, et il s'agissait
3 surtout des individus des maisons qui étaient isolées et éloignées les unes
4 par rapport aux autres. Mais de façon générale, la population était
5 Albanaise dans 99,9 % des cas. Ceci vaut pour la période qui va de 1998 à
6 1999, puisque les Serbes et les Monténégrins avaient commencé à quitter le
7 territoire avant l'année 1981, voire plus tôt.
8 Q. Merci beaucoup, Monsieur Mircic. Nous allons en parler plus avant
9 lorsque nous utiliserons les documents, mais pour le moment, j'aimerais
10 tout d'abord que l'on vous remette le classeur de la Défense. Le premier
11 classeur, si, bien évidement, M. le Président nous y autorise, et
12 j'aimerais vous soumettre un certain nombre de documents. Et lorsque vous
13 verrez ces documents à l'écran, je vous indiquerai où vous pourrez les
14 trouver dans votre classeur.
15 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous afficher la pièce P357.
16 Pardon, la pièce P5357.
17 Q. Il s'agit de l'intercalaire numéro 1 dans votre classeur.
18 Monsieur Mircic, ce sont les règles relatives à l'organisation interne du
19 ministère de l'Intérieur.
20 M. POPOVIC : [interprétation] Pourriez-vous regarder la page 6 en B/C/S. Il
21 s'agit de l'article 4. Je présume que c'est la même page dans la version en
22 anglais.
23 Q. Pourriez-vous examiner l'article 4. Dans l'article 4, vous voyez qu'au
24 sein du secrétariat auquel il est fait référence à l'article 3 de ces
25 règles, les départements suivants, départements des Affaires intérieures,
26 sont créés, et nous voyons ici Decani à Djakovica. Donc cet article
27 réglemente-t-il le département à l'intérieur à Decani ?
28 R. Oui, il s'agit des règles d'organisation interne du ministère de
Page 13234
1 l'Intérieur.
2 Q. Merci.
3 M. POPOVIC : [interprétation] Pourriez-vous regarder l'article 5, qui
4 figure à la page 8 dans chacune des deux versions.
5 Q. Donc ici à l'article 8 --
6 M. POPOVIC : [interprétation] Pardon. Il s'agit de la page 7 en anglais et
7 de l'article 5. Pour le bénéfice de MM. les Juges et des autres
8 participants à ce procès, nous pouvons examiner l'article 5 en anglais
9 également.
10 Q. Donc il est indiqué que le département de l'Intérieur et des
11 commissariats de police, au terme de l'article 5, exécutera des tâches
12 d'Affaires intérieures sur le territoire de ces municipalités. Pourriez-
13 vous, s'il vous plaît, commenter cet article ?
14 R. Aux termes de cet article, différents départements reçoivent la tâche
15 de gérer les affaires de sécurité au sein de la municipalité, ce qui est
16 conforme à la Loi relative aux affaires intérieures.
17 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous examiner l'article 36, à la
18 page 34 en serbe et page 31 en anglais.
19 Q. Avez-vous trouvé l'article 36 ? Le sous-titre est "unités
20 d'organisation dans les municipalités". A l'article 36, nous voyons qu'un
21 département de l'Intérieur est responsable de, et bien sûr, je ne vais pas
22 lire l'intégralité de l'article, mais je souhaitais simplement que vous
23 commentiez en ce qui concerne les tâches et les obligations du département
24 de l'Intérieur.
25 R. Dans l'article 36, il est indiqué que le département de
26 l'Intérieur est destiné à assurer la sécurité des citoyens et des biens
27 dans le territoire de la municipalité, ainsi que de protéger l'ordre
28 public, enquêter sur les infractions et les questions frontalières sont
Page 13235
1 également mentionnées. Donc cet article réglemente l'autorité des
2 départements en ce qui concerne leurs travaux sur le terrain.
3 Q. Merci. Au paragraphe 2, il est indiqué qu'un département de
4 l'Intérieur est composé d'un commissariat de police. Au sein de l'OUP, y
5 avait-il un commissariat de police ?
6 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise demande au témoin
7 de se rapprocher du micro et précise que les interprètes ont beaucoup de
8 mal à entendre M. Mircic. Merci.
9 M. POPOVIC : [interprétation]
10 Q. Au sein de votre OUP, y avait-il des détachements de police ?
11 R. Oui, il y en avait deux. A Ursnic [phon] et à Junik.
12 Q. Merci.
13 M. POPOVIC : [interprétation] Article 48, je crois qu'il figure à la page
14 39 de la version en anglais.
15 Q. Article 48. Brièvement, s'il vous plaît. L'article 48 décrit la portée
16 des tâches au sein des postes de police. Et au dernier paragraphe, il est
17 indiqué qu'un poste de police peut comprendre des sous-stations des postes
18 de police.
19 R. Oui, il est indiqué qu'il peut y avoir de postes de police au sein de
20 l'OUP qui sont inférieurs aux commissariats de police.
21 Q. Donc ces petits postes font partie des commissariats de police ?
22 R. Oui, au sein de l'OUP, il y a des postes au sein de l'OUP de Decani.
23 Q. Merci. Quels étaient les tâches et les devoirs dans le domaine
24 intérieur que vous exécutiez au sein de l'OUP ?
25 R. Il était indiqué au sein de l'organisation interne, conformément aux
26 règles, que nous travaillions à la prévention des infractions, à la
27 préservation de la loi et le l'ordre public, à la protection des biens et
28 de la sécurité, sécurité des citoyens et de leurs biens, affaires
Page 13236
1 administratives, délivrance de documents personnels, de permis de conduire,
2 de permis de port d'armes, licences, tout ce qui est mentionné dans les
3 règles de travail des organes intérieurs.
4 Q. Merci. Avez-vous également exécuté des tâches tombant dans le domaine
5 des tâches de routine de la police ?
6 R. Oui, bien sûr.
7 Q. Merci. Je vais à nouveau devoir vous demander de respecter une pause
8 avant de répondre. En 1998 et 1999, avez-vous participé à des tâches
9 spéciales relatives à la sécurité au Kosovo-Metohija ? Et quand je dis
10 vous, je parle de vous en tant que chef de l'OUP et les tâches de votre OUP
11 en tant que tel ?
12 R. Non.
13 Q. Comment étaient organisés les travaux de votre OUP en 1998 et 1999 ?
14 R. Comme pour les autres tâches de routine l'étaient avant cette période,
15 c'est-à-dire qu'il s'agissait de protéger les biens, les citoyens, de
16 garantir la sécurité, de délivrer des pièces d'identité, des permis de
17 conduire, de gérer les affaires administratives, la circulation, et cetera.
18 Q. Vous l'avez déjà dit, mais je pensais à la façon dont l'OUP était
19 organisé.
20 R. De la même façon que les autres tâches de routine et autres situations.
21 Q. Combien de personnes composaient votre OUP ?
22 R. D'après la structure, il aurait dû y avoir 117 personnes titulaires du
23 statut P, c'est-à-dire des personnes en uniformes.
24 Q. Avez-vous dit 111 ?
25 R. Oui, 111.
26 Q. Merci, un autre chiffre avait été porté au compte rendu.
27 R. Mais nous ne sommes jamais parvenus à atteindre ce chiffre. Au plus
28 haut, nous avons pu disposer de 80 personnes en uniformes avec le statut P.
Page 13237
1 Q. Merci. Au sein de votre OUP, y avait-il des officiers de police de
2 réserve ?
3 R. Oui.
4 Q. Comment et quand étaient-ils impliqués ?
5 R. Les membres des forces de réserve intervenaient en général sur ordre du
6 ministre de l'Intérieur.
7 Q. Merci.
8 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous afficher, s'il vous plaît, la
9 pièce P66 ?
10 Q. Intercalaire numéro 2 de votre classeur, Monsieur Mircic. Il s'agit de
11 la Loi sur les affaires intérieures.
12 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous voir l'article 28, s'il vous
13 plaît. En anglais, il s'agit de la page 9.
14 Q. Article 28, premier paragraphe. Pourriez-vous le lire et nous dire s'il
15 est précisé qui et à quelle condition on peut faire appel à des membres des
16 forces de police de réserve ?
17 R. Il est indiqué que le ministre peut faire appel à des membres de forces
18 de réserve pour réaliser un certain nombre de tâches en temps de paix, en
19 particulier lorsque la sécurité de la république est menacée.
20 Q. Merci. Vous n'avez pas besoin de tout lire. Nous pouvons le faire nous-
21 mêmes. Au terme de cet article, indique-t-on la façon dont peuvent être
22 mobilisées les forces de réserve ?
23 R. Oui. Il est précisé que c'est sur décision du ministre.
24 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous voir la pièce D102, il s'agit
25 de votre intercalaire numéro 3.
26 Q. Il s'agit d'u ordre pour faire appel aux forces de réserve pour
27 entreprendre un certain nombre de tâches en temps de paix, un ordre du
28 ministre. Premièrement, reconnaissez-vous ce document ?
Page 13238
1 R. Oui. Avec une réunion collégiale du secrétariat, cet ordre nous a été
2 transmis sur la base de la Loi sur les affaires intérieures, article 28, il
3 est fait appel aux membres de forces de réserve de la police afin de
4 réaliser un certain nombre de tâches pour le compte du ministre. Et cet
5 ordre indique quel est le mode d'intervention.
6 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder le point 5 et le commenter
7 brièvement.
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise demande au témoin de se
9 rapprocher du micro et de parler plus fort.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les six mois, ce type d'ordre était
11 adopté.
12 M. POPOVIC : [interprétation] Veuillez vous rapprocher du micro, s'il vous
13 plaît, afin que les interprètes puissent vous entendre. Très bien,
14 pourrions-nous maintenant afficher D103.
15 Q. Votre intercalaire numéro 4.
16 R. Oui.
17 Q. Brièvement, reconnaissez-vous ce document ?
18 R. Oui, il s'agit d'un ordre similaire, le même que le précédent, à cette
19 différence près qu'il est daté du 1er janvier 1999, ce qui signifie que ces
20 ordres étaient émis tous les 6 mois environ, comme je l'ai déjà dit.
21 Q. Merci.
22 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le D101 ?
23 Q. Qui figure à votre intercalaire numéro 5. Il s'agit d'instruction ou de
24 directive sur la réalisation de tâches relatives aux Affaire intérieures
25 par les forces de réserve du ministère. Commentez brièvement s'il vous
26 plaît. C'est un document émis par M. Vlajko Stojiljkovic, le ministre ?
27 R. Oui, directive qui fait suite aux ordres du ministre. Elle contient les
28 dispositions de base. Premièrement, on y réglemente la réalisation des
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1 tâches et la façon de rendre compte et d'informer pour chacun des points
2 qui requiert une action.
3 Q. Merci. Nous avons vu un certain nombre de documents qui servent de base
4 pour que l'on fasse appel aux membres des forces de police de réserve. Au
5 sein de votre zone, la zone de votre OUP, quelle était la situation et que
6 fallait-il faire en ce qui concerne les forces de réserve et leur
7 participation au sein de votre OUP ?
8 R. Compte tenu de la population de la municipalité de Decani, je disposais
9 de très peu de membres des forces de réserve qui participaient aux tâches
10 de routine aux côtés des policiers en fonction, aux patrouilles sur le
11 terrain et aux points de contrôle.
12 Q. Y avait-il des circonstances précises relatives à la participation des
13 membres des forces de réserve aux côtés des membres actifs ?
14 R. Les forces de réserve ne pouvaient jamais entreprendre une tâche
15 indépendante. Il fallait toujours qu'ils soient accompagnés d'un policier
16 en fonction. En général, il s'agissait du chef du secteur ou du chef de la
17 patrouille. Les réservistes ne pouvaient jamais intervenir de façon
18 indépendante. Ils n'étaient pas formés à cette fin.
19 Q. Merci. Au sein de votre OUP, vous avez dit qu'il y avait des postes ou
20 des sous-postes. Pourriez-vous nous dire où ils se situaient ?
21 R. Dans les villages d'Ursnic et Junik.
22 Q. Qui avait mis sur pied ces sous-unités et comment étaient-elles
23 organisées ?
24 R. Comme nous l'avons déjà dit, le ministre faisait part d'une décision
25 sur l'organisation interne de ces sous-unités, et dans leurs zones
26 respectives, des secteurs leur étaient attribués, et les tâches étaient
27 définies. Et ces unités s'acquittaient d'un certain nombre de tâches sur le
28 terrain en fonction des secteurs.
Page 13240
1 Q. Merci.
2 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, voir la
3 pièce 257.
4 Q. C'est à l'intercalaire numéro 6. Mais avant de passer à cette pièce,
5 pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si alors que vous faisiez partie
6 de votre OUP, vous avez compté en votre sein des membres de la PJP ?
7 R. Oui.
8 Q. Sur combien de membres de la PJP pouviez-vous compter au sein de votre
9 OUP ?
10 R. Au sein de mon OUP, nous avions généralement un certain nombre d'hommes
11 correspondant à un peloton, à savoir entre 20 et 30, qui étaient dirigés
12 par un commandant.
13 Q. Merci. A quelle compagnie appartenaient ces membres de la PJP ?
14 R. Au SUP, à la compagnie du SUP de Djakovica.
15 Q. J'aimerais vous poser une question plus générale sur ces unités de la
16 PJP. Savez-vous quand ces unités furent mises sur pied et si elles le
17 furent pour la totalité du territoire de la République de Serbie ?
18 R. Oui, j'avais connaissance de la situation. Je fus informé par le chef
19 du secrétariat de ladite situation. Nous tenions régulièrement des réunions
20 desdits collèges, et lors d'une de ces réunions, le responsable du
21 secrétariat a informé ses subordonnés immédiats que la 124e Brigade
22 d'intervention venait d'être créée, faisant suite à une décision prise par
23 le ministre
24 Q. A des fins de précision, lorsque vous mentionnez chef ou responsable du
25 secrétariat, de qui s'agit-il ?
26 R. Le chef Kovacevic au SUP de Djakovica.
27 Q. Merci. S'agissant de la décision qui apparaît à l'écran, nous y
28 reviendrons plus tard. Je voudrais que nous nous attardions sur des
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1 questions plus générales. Savez-vous quand ces PJP furent établies et si
2 elles le furent pour le territoire de la totalité de la République de
3 Serbie ?
4 R. J'ai déjà dit quand elles avaient été mises sur pied, et oui, elles le
5 furent pour la totalité de la République de Serbie.
6 Q. Ces unités de police régulière étaient-elles effectivement régulières
7 ou étaient-elles engagées sur une base ad hoc ?
8 R. Il ne s'agissait pas d'unités de police régulière. Elles étaient
9 engagées sur une base ad hoc lorsque ça s'avérait nécessaire.
10 Q. Merci. Bien, les membres des unités de la PJP, quand ils n'étaient pas
11 engagés dans de telles unités, quels étaient leurs devoirs et tâches ?
12 R. Ils s'acquittaient de tâches de routine qui incombent à tout autre
13 membre de la police.
14 Q. Pourriez-vous me dire, je vous prie, si vous saviez que ou si les PJP,
15 dans les années 1990, mais avant 1998 et 1999, étaient utilisées sur le
16 territoire de la République de Serbie, et si vous détenez de telles
17 informations, pourriez-vous nous en dire davantage, et quand elles furent
18 utilisées ?
19 R. Elles étaient utilisées lors des manifestations de masse qui étaient
20 organisées en Serbie et principalement à Belgrade.
21 Q. Très bien. Je voudrais maintenant que nous nous intéressions aux PJP
22 qui faisaient partie de votre OUP. Comment avez-vous constitué et déployé
23 les membres des PJP, ou plus précisément, sur la base de quel ordre ou de
24 qui émanaient les ordres qui présidaient au déploiement de ces membres ?
25 R. Etant donné qu'il incombait au ministre d'adopter la décision qui
26 invitait la création des PJP, c'est sur la base d'un tel ordre que la mise
27 sur pied et le déploiement des membres des PJP furent faits. Et en outre,
28 nous nous fondions également sur le secrétariat régional qui, dans le
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1 mandat qui leur a été dévolu, envoyait les décisions aux OUP pertinentes.
2 Nous étions informés soit par voie orale, par émissaire ou par téléphone,
3 que nous devions mettre sur pied une PJP et préparer certains uniformes,
4 prévoir certaines ressources, et que nous devions les déployer où cela
5 s'avérerait nécessaire pour venir compléter la compagnie du SUP de
6 Djakovica. Le commandant de l'unité était immédiatement chargé d'un certain
7 nombre de responsabilités. Il faisait passer les ordres au commandant du
8 peloton. Le peloton appartenait à l'OUP de Decani. Et voilà comment les
9 choses étaient organisées.
10 J'étais toujours informé de la mise sur pied de ces unités et de leur
11 déploiement, déploiement des membres de l'OUP de Decani, et j'étais informé
12 de qui composait le SUP de Djakovica.
13 Q. Quelle était la relation entre les membres de la PJP qui dépendait de
14 votre organisation dès le moment où ils étaient déployés ?
15 R. Il n'y avait aucune relation de responsabilité entre ces membres et
16 moi-même, ni de nature disciplinaire ni de toute autre nature. Ils étaient
17 subordonnés à leur commandant de leur compagnie. Ils étaient sous le
18 commandement de personnes qui dirigeaient ces compagnies et ces
19 détachements.
20 Q. Merci. Avez-vous reçu des rapports de membres de PJP qui, au départ,
21 faisaient partie de votre OUP après leur déploiement ?
22 R. Nous recevions de tels rapports dans des circonstances exceptionnelles.
23 S'il y avait des cas de victimes où certains membres des PJP étaient
24 blessés ou tués sur le terrain, dans ce cas, bien sûr, nous étions informés
25 de cette situation.
26 Q. Et s'agit-il des seuls rapports que vous receviez qui étaient liés aux
27 membres de la PJP de votre OUP?
28 R. Oui, il s'agissait des seuls rapports que nous recevions. Nous ne
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1 recevions aucun autre rapport.
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise demande au témoin de
3 s'exprimer dans le micro et de parler plus fort.
4 M. POPOVIC : [interprétation]
5 Q. Je vous demanderais de vous exprimer dans le micro et d'attendre un peu
6 avant de répondre à ma question.
7 Monsieur Mircic, avez-vous reçu des informations sur des actions
8 antiterroristes ou des opérations qui étaient menées par des membres
9 d'unités PJP émanant de votre OUP ?
10 R. Non.
11 Q. Après le déploiement des membres des PJP, informiez-vous la police au
12 sein du secrétariat ?
13 R. Cela incombait généralement au commandant de la sous-station ou sous-
14 unité.
15 Q. Et quelles étaient les informations qui étaient données ?
16 R. Il donnait des informations sur la composition de l'unité, si certaines
17 personnes étaient absentes, si certaines personnes ne répondaient pas à
18 l'appel ou s'il y avait des défections dues à des maladies. Il s'agissait
19 finalement de fournir des informations sur la composition de l'unité.
20 Q. Merci. Une fois que l'unité retournait à sa base, entre guillemets,
21 lorsque la tâche était accomplie, et ces membres de l'unité PJP qui étaient
22 au départ membres de votre OUP, qui vous informait de leur retour éminent
23 et quand ils devaient faire rapport pour reprendre leurs activités
24 régulières ?
25 R. Le chef de la sous-unité de police informait ses collègues et je
26 recevais également une copie du rapport.
27 Q. Monsieur Mircic, merci. Savez-vous qui commandait les forces des unités
28 PJP au Kosovo en 1999 ?
Page 13244
1 R. Oui, c'était le chef d'état-major qui était basé à Pristina. Et ils
2 étaient responsables des unités PJP au Kosovo-Metohija.
3 Q. Savez-vous qui était responsable de l'état-major ?
4 R. Sreten Lukic était responsable de l'état-major. Le général Lukic.
5 L'état-major fut établi, c'était une émanation de deux ministères ou
6 départements, celui responsable de la sécurité de l'Etat et l'autre
7 responsable de la sécurité publique. L'adjoint du général Lukic était David
8 Gajic.
9 Q. Quel était son poste ?
10 R. Il était l'adjoint de M. Lukic.
11 Q. Et à quel ministère appartenait-il ?
12 R. Au ministère responsable de la sécurité de l'Etat.
13 Q. Monsieur Mircic, étant donné que vous avez d'abord travaillé pour le
14 ministère chargé de la sécurité de l'Etat, et ensuite pour celui
15 responsable de la sécurité publique, pourriez-vous nous dire, s'il vous
16 plaît, si le chef du ministère de la sécurité publique pouvait émettre des
17 ordres aux membres du ministère de la sécurité de l'Etat ?
18 R. Non, c'était hors de question. Il ne pouvait donner des ordres qu'au
19 sein de son ministère, qui était celui de la sécurité publique.
20 Q. Et qui donc pouvait donner des ordres à cette instance, qui rassemblait
21 des membres tant des ministères de la sécurité publique et de la sécurité
22 de l'Etat ?
23 R. Lukic, le général Lukic.
24 Q. Savez-vous qui a mis sur pied l'état-major dirigé par le général Lukic
25 ?
26 R. Oui, l'état-major fut créé sur la base d'une décision prise par le
27 ministre des Affaires intérieures, Vlajko Stojiljkovic.
28 Q. Comment savez-vous ceci ?
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1 R. Nous en fûmes informé dans l'une de nos réunions régulières avec le
2 chef du secrétariat, nos réunions collégiales. Il nous avait informé que
3 l'état-major avait été créé, que les chefs de ces secrétariats étaient des
4 membres de cette composition élargie de cet état-major.
5 Q. Merci. A cette occasion, le chef du secrétariat vous a-t-il dit devant
6 qui ou à qui devait faire rapport l'état-major dirigé par Lukic ?
7 R. Oui, il nous l'a dit. Il nous a dit que l'état-major dirigé par Lukic
8 devait rendre directement des comptes au ministre Vlajko Stojiljkovic.
9 Q. Merci. Monsieur Mircic, avez-vous rendu visite aux membres de vos
10 unités des PJP de votre OUP après leur déploiement ?
11 R. Non. Je ne leur ai jamais rendu visite.
12 Q. Merci. Etant donné que nous avons sous les yeux cette décision qui
13 apparaît à l'écran portant sur la mise sur pied de la Brigade
14 d'intervention de la PJP, de la 124e Brigade d'intervention, pourriez-vous
15 nous dire, s'il vous plaît, si vous avez eu connaissance de cette décision
16 ?
17 R. Oui. J'en avais pleinement connaissance. Lecture m'en fut faite lors
18 d'une de nos réunions avec le SUP de Djakovica. Il nous a été dit que cela
19 faisait partie des tâches habituelles. Et il s'agit d'une décision qui
20 porte sur la création de la 124e Brigade d'intervention des PJP.
21 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, ceci. Certains membres de
22 l'unité PJP dépendants de votre OUP furent-ils déployés dans le cadre de la
23 124e Brigade d'intervention ?
24 R. Oui, étant donné qu'ils faisaient partie de la compagnie du secrétariat
25 de Djakovica. Ils sont donc devenus membres de la 124e Brigade étant donné
26 que la 124e Brigade était active sur le territoire du Kosovo et de la
27 totalité de ce territoire.
28 Q. Merci, Monsieur Mircic.
Page 13246
1 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, voir la
2 pièce D008-0594, intercalaire 7.
3 Q. Monsieur Mircic, il s'agit d'un rapport en date du 13 avril 1998, qui
4 fait mention du fait que :
5 "Nous détenons des renseignements selon lesquels tous les hommes
6 aptes au service militaire du village de Crnobreg, municipalité de Decani,
7 ont été armés et dotés d'armes et de pièces d'artillerie qui avaient été
8 acheminées illégalement d'Albanie au titre des accords réalisés avec le
9 DSK."
10 Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire un commentaire. Ceci reflète-t-il la
11 situation sécuritaire dans la région de Decani ?
12 R. Oui. Il s'agit d'une information qui concernait Crnobreg. Tous les
13 villages furent dotés en armes, les Albanais et les groupes terroristes
14 furent armés et établis dans chaque village.
15 Q. Merci.
16 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous voir la page 7 de la version
17 B/C/S, qui correspond également à la page 7 de la version anglaise. Comme
18 mon collègue de l'Accusation et de la Chambre, je vous dirais que les mêmes
19 informations sont répétées sur ces pages. Je pense donc que nous ne
20 devrions pas perdre trop de temps.
21 Q. Monsieur Mircic, pourriez-vous, s'il vous plaît, consulter la page 7 et
22 le document qui s'y trouve. Il s'agit d'un rapport en date du 13 avril
23 1998. Et au milieu du document, nous pouvons lire ceci :
24 "Nous avons également reçu des informations selon lesquelles d'autres
25 groupes terroristes avaient acquis des canons d'artillerie également. Par
26 exemple, un groupe terroriste à Jablanica est en possession de quatre
27 canons, et selon nos informations, ceci avait été dérobé à l'armée de
28 Yougoslavie dans la région de Drenica."
Page 13247
1 Avez-vous reçu ces informations selon lesquelles la "KLA" était
2 entrée en possession de ces armes ?
3 R. Tous les renseignements reçus sur le terrain indiquaient
4 qu'effectivement ils disposaient d'armes de gros calibre et d'armes de
5 petit calibre. Des canons, des mortiers, de 112-millimètres et de 60-
6 millimètres, des mitrailleuses également, des lance-roquettes, des
7 explosifs, des mines. Ils disposaient de tout l'arsenal d'infanterie ainsi
8 que d'armes de petit calibre.
9 Q. Merci.
10 M. POPOVIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant passer à la page 9
11 du même document.
12 Q. Il s'agit d'un rapport portant la cote 27 en date 13 avril 1998. Au
13 premier paragraphe --
14 M. POPOVIC : [interprétation] Qui se trouve sur la page suivante de la
15 version anglaise.
16 Q. Nous pouvons lire ceci :
17 "Nous disposons de renseignements selon lesquels, en date du 12 avril 1998,
18 dans le village situé dans la municipalité de Decani, des responsables du
19 DSK ont rencontré des résidents siptar du village d'Istinic et il fut
20 demandé aux villageois de s'armer et fut également mentionné qu'un groupe
21 terroriste de Jablanica serait déployé dans le village pour le défendre de
22 l'agresseur serbe."
23 Avez-vous connaissance de ceci ?
24 R. Oui, tout comme pour les autres informations, le village d'Istinic
25 appartient au même groupe, il se trouve à proximité de Decani. L'état-major
26 dirigé par Ramush Haradinaj dans le village en question devait, dans les
27 tranchées entourant le village, garantir la protection de l'endroit grâce à
28 des armes de gros calibre. Chaque village était doté d'un commandant et
Page 13248
1 chaque village disposait de groupes terroristes.
2 Q. Merci. Pourriez-vous passer à la dernière pièce.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Popovic --
4 M. POPOVIC : [interprétation] Encore une minute.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
6 M. POPOVIC : [interprétation] Merci.
7 Q. En toute vitesse, le 12 avril, pour des raisons sécuritaires, les
8 personnes suivantes d'origine ethnique serbe et monténégrine ont quitté
9 leurs maisons. Et puis, il y a une liste répertoriant leur nom de famille
10 qui suit. Alors, aviez-vous des connaissances sur cet événement, et dites-
11 moi quelque chose si vous le savez, en vitesse ?
12 R. Oui, il s'agissait des familles qui ont quitté leurs villages et se
13 sont rendues dans la ville de Decani pour assurer leur sécurité
14 personnelle. Le long de la route qui allait vers Decani, les groupes
15 terroristes arrêtaient un certain nombre d'individus, notamment ils avaient
16 un état-major dans le village de Glodjani, village d'origine de Ramush
17 Haradinaj, où celui-ci avait son état-major. Et nous avions un témoin
18 oculaire qu'on avait laissé partir de cet état-major. Il s'agissait d'un
19 monténégrin d'origine. Donc le père d'Haradinaj avait laissé partir ce
20 Kostadin Stijovic [phon]. Il n'a pas souhaité le mettre en prison, et donc
21 celui-ci s'est rendu auprès de moi, il est venu dans le SUP et m'a tout
22 raconté sur ce qui s'était passé. Mais il avait été mis en liberté pour des
23 raisons d'amitié personnelle.
24 M. POPOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur Mircic. Nous allons
25 poursuivre notre interrogatoire demain. Monsieur le Président, Messieurs
26 les Juges, je souhaite tout simplement demander le versement au dossier de
27 ce document avant que nous ne levions la séance.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.
Page 13249
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
2 D00910.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est indispensable que nous mettions
4 un terme à nos travaux pour ce soir. Nous allons reprendre le travail
5 demain matin à 9 heures. L'huissier vous accompagnera.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
7 [Le témoin quitte la barre]
8 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le mardi 23 mars
9 2010, à 9 heures 00.
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