Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 13 mai 2013

  2   [Audience en appel] 

  3   [Audience publique]

  4   [L'appelant est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur les Juges. Il

  9   s'agit de l'affaire IT-05-87/1-A, le Procureur contre Vlastimir Djordjevic.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Monsieur Djordjevic, je souhaite m'assurer que vous êtes en mesure

 12   d'entendre et de suivre la procédure dans une langue que vous comprenez ?

 13   L'APPELANT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Tout va bien.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'ai un problème avec mon casque, je

 15   n'entends rien. Le bon canal, c'est le canal numéro 4 et j'ai augmenté le

 16   volume. Bien, merci.

 17   [La Chambre d'appel et la Greffière se concertent]

 18   M. LE JUGE KHAN : [interprétation] Je n'arrive pas à avoir LiveNotes sur

 19   mon écran.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Moi de même, mais besoin des deux cas,

 21   j'ai oublié comment faire.

 22   Alors commençons. Dans l'intervalle, quelqu'un va venir ici et procéder au

 23   réglage nécessaire.

 24   Merci, Monsieur Djordjevic.

 25   A titre préliminaire, le conseil de M. Djordjevic a récemment demandé

 26   qu'outre M. Russell Hopkins, Mme Marie O'Leary assistante juridique de

 27   l'équipe de la Défense de Djordjevic soit autorisée à présenter une partie

 28   des arguments pour le compte de M. Djordjevic, l'appelant. D'après ce que


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  1   j'ai compris, l'appelant M. Djordjevic a donné son consentement à cela, et

  2   l'Accusation a indiqué qu'elle n'avait aucune objection. Et veuillez

  3   intervenir si ce n'est pas le cas. Après avoir consulté les autres Juges de

  4   la Chambre, par la présente, je vous informe que nous avons fait droit à la

  5   requête. Merci.

  6   Alors procédons à la présentation des parties, s'il vous plaît.

  7   Commencez par l'Accusation.

  8   Mme KRAVETZ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je

  9   m'appelle Daniela Kravetz, accompagnée de mes collègues, Kyle Wood, Saeeda

 10   Verrall, et notre commis à l'affaire, Colin Nawrot. Merci.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame

 12   Kravetz.

 13   La présentation de l'appelant, Djordjevic, s'il vous plaît.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je suis le

 15   conseil principal de Dragoljub Djordjevic; les personnes qui m'accompagnent

 16   aujourd'hui c'est le co-conseil, M. Djurdjic, et les trois assistants

 17   juridiques, M. Aleksandar Popovic, M. Russell Hopkins, et Mlle Marie

 18   O'Leary.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 20   Vlastimir Djordjevic et le bureau du Procureur ont interjeté appel contre

 21   le jugement de première instance délivré en l'espèce le 23 octobre 2011,

 22   par la Chambre de première instance numéro II. Conformément à l'ordonnance

 23   portant calendrier, délivrée par moi-même, le 22 mars 2013, la Chambre

 24   d'appel va entendre les appels en l'espèce aujourd'hui. Avant de procéder à

 25   cette audience, je vais fournir un bref résumé de l'affaire comme c'est

 26   l'habitude devant ce Tribunal, ainsi que des moyens d'appel respectifs de

 27   M. Djordjevic et de l'Accusation. Ensuite je vous indiquerai comment nous

 28   allons procéder aujourd'hui.


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  1   Cette affaire porte sur la responsabilité de M. Djordjevic pour des crimes

  2   commis par les forces de la République fédérale de Yougoslavie et de Serbie

  3   au Kosovo, entre le 1er janvier au 20 juin 1999. Pendant cette période

  4   pertinente, M. Djordjevic était le ministre adjoint au ministère de

  5   l'Intérieur serbe, le ministre de l'Intérieur serbe ainsi que chef du

  6   département de la Sécurité publique.

  7   La Chambre de première instance a constaté qu'à partir au moins du mois de

  8   janvier et jusqu'au juin 1999, une entreprise criminelle commune ou comme

  9   cela est souvent appelé, et sera appelé au cours de cette audience,

 10   entreprise criminelle commune existait entre des dirigeants politiques

 11   militaires et policiers de la République fédérale de Yougoslavie et de

 12   Serbie, y compris M. Djordjevic lui-même. Cette entreprise criminelle

 13   commune avait pour objectif de modifier l'équilibre ethnique au Kosovo,

 14   afin de garder un contrôle serbe sur la province, en menant une campagne de

 15   terreur et de violence contre la population albanaise du Kosovo qui

 16   comprenait la commission d'expulsion, de transfert forcé, d'assassinat et

 17   de persécution. La Chambre de première instance a conclu que cette campagne

 18   a été menée par les forces serbes y compris de nombreuses forces du MUP,

 19   sous le commandement et le contrôle de M. Djordjevic. Elle a en outre

 20   conclu que M. Djordjevic a contribué à l'entreprise criminelle commune

 21   entre autres par son manquement à l'obligation d'enquêter et pour avoir

 22   dissimulé de façon active les crimes commis contre les Albanais kosovars.

 23   La Chambre de première instance a condamné M. Djordjevic en vertu de

 24   l'article 7(1) du Statut, sur le fondement à la fois d'une commission au

 25   moyen de sa participation à l'entreprise criminelle commune et pour avoir

 26   aidé et encouragé les crimes suivants : Expulsion, assassinat, autres actes

 27   inhumains, à savoir transfert forcé et persécution pour des raisons

 28   raciales au moyen d'expulsion, transfert forcé, assassinat ou destruction


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  1   ou endommagement de bien culturel ou religieux important, en tant que

  2   crimes contre l'humanité, en vertu de l'article 5 di Statut. En outre, il a

  3   également été condamné de meurtre en tant que violation des lois ou

  4   coutumes de la guerre en vertu de l'article 3 du Statut. La Chambre de

  5   première instance a néanmoins conclu que les accusations au moyen de

  6   sévices sexuels n'avaient pas été établies.

  7   M. Djordjevic, comme vous le savez a été condamné à une peine de 27 ans

  8   d'emprisonnement.

  9   M. Djordjevic fait valoir 19 moyens d'appel qui contestent sa condamnation

 10   et sa peine, et demande à ce que la Chambre d'appel annule sa condamnation,

 11   ses condamnations dans leur totalité ou à titre subsidiaire qu'elle diminue

 12   sa peine. Aux chefs un à huit, M. Djordjevic allègue un certain nombre

 13   d'erreurs de droit et de fait eu égard aux conclusions de la Chambre de

 14   première instance à propos de l'entreprise criminelle commune. Aux chefs

 15   neuf et dix, M. Djordjevic conteste les conclusions de la Chambre de

 16   première instance à propos de sa participation à l'entreprise criminelle

 17   commune, ainsi que l'élément moral dont il disposait au titre de sa

 18   responsabilité dans l'entreprise criminelle commune. Au moyen 11, il

 19   conteste la conclusion de la Chambre de première instance, à savoir qu'il a

 20   aidé et encouragé les crimes. Et au moyen 12, il fait valoir que la Chambre

 21   de première instance a commis une erreur lorsqu'elle a défini le statut

 22   protégé des individus.

 23   Au moyen 13, il fait valoir que la Chambre de première instance a commis

 24   une erreur lorsqu'elle a conclu qu'une frontière de facto existait entre le

 25   Kosovo et Monténégro. Aux moyens 14 à 17, il allègue que la Chambre de

 26   première instance a commis plusieurs erreurs de droit et de fait à propos

 27   de ces conclusions concernant les crimes d'expulsion, d'autres actes

 28   inhumains, transfert forcé, assassinat et persécution. Au moyen 18, M.


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  1   Djordjevic conteste sa condamnation pour des crimes commis sur le fondement

  2   à la fois de la responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune

  3   pour avoir aidé et encouragé, et ainsi que le cumul de déclarations

  4   prononcées par la Chambre de première instance en vertu de l'article 5.

  5   Pour finir, au moyen 19, M. Djordjevic conteste la peine qui lui a été

  6   imposée par la Chambre de première instance.

  7   L'Accusation répond en indiquant que tous les moyens d'appel de M.

  8   Djordjevic doivent être rejetés.

  9   Je vais maintenant aborder l'appel interjeté par l'Accusation.

 10   L'Accusation fait valoir deux moyens d'appel. Au premier moyen,

 11   l'Accusation faut valoir que la Chambre de première instance a commis une

 12   erreur de droit et de fait en concluant que les persécutions au moyen de

 13   violence sexuelle n'avaient pas été établies. Dans son deuxième moyen

 14   d'appel, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance a

 15   commis une erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire et en déterminant

 16   l'appel.

 17   M. Djordjevic répond en précisant que les moyens d'appel de l'Accusation

 18   doivent être rejetés.

 19   Au cours de cette audience, les conseils peuvent présenter leurs moyens

 20   d'appel dans l'ordre qu'ils jugent convenir pour leur présentation. Je

 21   souhaite vous rappeler que les parties doivent aborder un certain nombre de

 22   questions énoncées dans l'addendum à l'ordonnance portant calendrier et

 23   délivrée le 12 avril 2013. Pour des raisons de clarté, je demande que les

 24   parties nous indiquent quelle question elles souhaitent aborder en lisant

 25   la question pertinente au début de leurs arguments.

 26   Je demande ou je prie instamment aux conseils de ne pas répéter

 27   littéralement ou de résumer en longueur les arguments présentés dans leurs

 28   moyens, car je souhaite vous rappeler que la Chambre d'appel connaît déjà


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  1   tous ces éléments-là. J'insiste également pour dire que je demande aux

  2   parties de bien vouloir fournir des références précises au document qui

  3   étayent leurs arguments oraux.

  4   Je souhaite également vous rappeler que cet appel n'est pas un procès de

  5   novo et les parties doivent s'abstenir de répéter leurs thèses qui ont été

  6   présentées lors du procès. L'article 25 du Statut stipule que les parties

  7   doivent limiter leurs arguments à des erreurs de droit alléguées qui

  8   invalident le jugement de première instance ou d'erreurs alléguées de fait

  9   qui donnent lieu à un déni de justice.

 10   Je vais maintenant vous donner le déroulé de la journée concernant la

 11   présentation des arguments des parties aujourd'hui. Le 8 mai 2013, la

 12   Chambre d'appel a délivré un amendement à l'addendum susmentionné, qui

 13   modifie quelque peu l'horaire des arguments des parties. Je saisis cette

 14   occasion pour vous présenter mes excuses concernant la modification de

 15   notre journée d'aujourd'hui en vous informant de façon si tardive; c'était

 16   inévitable et je souhaite remercier les parties de leur coopération et de

 17   leur compréhension. C'est en raison de l'absence du Président tardivement

 18   aujourd'hui que je suis Président par intérim, et on m'a chargé d'une

 19   réunion à haut niveau en présence d'une délégation d'un pays particulier et

 20   donc un événement important qui va se dérouler au Tribunal incessamment

 21   sous peu, et donc c'était, soit, le Président, soit, moi-même qui devions

 22   présider cette réunion. J'ai donc -- prendre les dispositions nécessaires

 23   pour pouvoir m'échapper. Il se peut que la réunion dure une heure ou cette

 24   réunion prendra peut-être moins de temps. Dans lequel cas, je vais vous

 25   demander d'attendre 15 à 30 minutes avant 16 heures et donc si nous pouvons

 26   commencer plus tôt, nous commencerons plus tôt. Mais je reviendrai vers

 27   vous et vous tiendrai informés.

 28   Conformément à cette modification, nous allons poursuivre comme suit. Nous


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  1   allons tout d'abord entendre les arguments en appel de M. Djordjevic, et le

  2   conseil de M. Djordjevic, quelle que soit la personne qui présentera les

  3   arguments, aura au total deux heures pour présenter leurs arguments. Nous

  4   aurons ensuite après une heure après les arguments de M. Djordjevic pendant

  5   une heure 20, et nous reprendrons ensuite à 11 heures pour entendre le

  6   reste des arguments du conseil de M. Djordjevic, et nous entendrons

  7   immédiatement à ce moment-là la réplique de l'Accusation. L'Accusation aura

  8   également deux heures au total pour répondre. Nous aurons ensuite une pause

  9   pour le déjeuner à midi 40 et nous reprendrons à 14 heures. Et je ne vais

 10   pas parler du reste de notre ordre du jour pour aujourd'hui. Je l'aborderai

 11   plus tard.

 12   Nous allons maintenant entendre les arguments présentés par l'équipe de

 13   Défense de M. Djordjevic.

 14   Je souhaite vous remercier et rappeler aux parties que nous pouvons

 15   les interrompre à tout moment pour leur poser des questions où nous

 16   pourrons poser des questions suite à chacun de leurs arguments ou à la fin

 17   de l'audience cela dépendra de ce que nous jugeons utile à tout moment. Je

 18   vous remercie.

 19   Je sais que vous allez présenter vos arguments debout mais vous êtes

 20   assis pour l'instant. Je vous demande de bien vouloir vous déplacer d'une

 21   chaise ce sera mieux pour tout un chacun.

 22   Donc bonjour à vous et c'est vous qui tenez les rennes maintenant.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Madame, Monsieur les Juges de la

 24   Chambre d'appel. C'est un plaisir pour moi que de vous présenter les

 25   raisons supplémentaires --

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un petit moment, je vous prie.

 27   Nous allons nous fier à l'horloge de ce prétoire. Donc vous commencez

 28   maintenant et vous commencez exactement à 9 heures 18. Je vous en prie,

 


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  1   poursuivez.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci. C'est un grand plaisir pour moi que

  3   de vous présenter les arguments supplémentaires, comme vous venez de nous

  4   l'indiquer, vous avez déjà pris connaissance de notre acte d'appel et des

  5   différents moyens d'appel que nous avançons. Nous allons aujourd'hui

  6   essayer de préciser certaines questions qui méritaient d'être précisées et

  7   nous allons répondre aux questions que vous nous avez posées. Etant donné

  8   que nous n'avons pas beaucoup de temps et que nous devons nous intéresser à

  9   un grand nombre de questions, nous avons décidé de vous demander la

 10   permission pour que nos deux assistants juridiques qui sont anglophones

 11   puissent s'adresser à la Chambre d'appel pour présenter en anglais nos

 12   arguments.

 13   Dans un premier, M. Russell Hopkins sera le premier à prendre la parole

 14   pour répondre aux quatre premières questions, il sera suivi immédiatement

 15   ensuite par notre assistante juridique, Mme Marie O'Leary, qui

 16   s'intéressera à la cinquième question. Et les dernières questions seront

 17   présentées par mon co-conseil, Me Veljko Djurdjic et, si nécessaire,

 18   j'interviendrai brièvement à la fin. Je souhaiterais vous remercier d'avoir

 19   fait droit à notre demande pour que nos assistants juridiques présentent en

 20   anglais nos arguments.

 21   Donc dans un premier temps nous allons entendre M. Hopkins.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Monsieur Hopkins.

 23   M. HOPKINS : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur les Juges, et

 24   bonjour aux membres de l'équipe de l'Accusation ainsi qu'à toutes les

 25   personnes présentes dans le prétoire.

 26   M. Djordjevic a 64 ans. Comme vous le savez, il a été condamné à une peine

 27   d'emprisonnement de 27 années sur la base suivante aucun autre membre

 28   toujours en vie de l'entreprise criminelle commune n'a apporté une


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  1   contribution plus importante à l'objectif et à la réalisation de l'objectif

  2   de l'entreprise criminelle commune. Et nous avançons que cette déclaration

  3   de culpabilité dans le cadre de l'entreprise criminelle commune se fonde

  4   sur trois éléments principaux. Premièrement, sa position en tant et sa

  5   fonction en tant que chef de la Sécurité publique, et en tant que ministre

  6   adjoint de l'intérieur; deuxièmement, le rôle qu'il a joué lors du

  7   déploiement des Skorpions au Kosovo; et troisièmement, le rôle qu'il a joué

  8   pour dissimuler les corps des Albanais du Kosovo en Serbie. Vous verrez que

  9   la Chambre de première instance s'est énormément appuyée sur ces trois

 10   éléments aux paragraphes 2154 à 2156 du jugement en première instance.

 11   Ce que nous avançons c'est que la responsabilité de M. Djordjevic pour les

 12   crimes commis au Kosovo a été pas trop exagérée et que de ce fait la peine

 13   qui lui a été imposée est beaucoup trop sévère. Au cours de nos arguments,

 14   nous allons critiquer un certain nombre d'erreurs juridiques et factuelles

 15   qui ont été commises par la Chambre de première instance. Entre autres,

 16   nous critiquons notamment la métamorphose que nous pouvons tous constater,

 17   car des éléments de discussions relatifs aux éléments de preuve n'ont pas

 18   été résumés de façon exacte et ont ensuite été utilisés pour étayer des

 19   conclusions préventoires [comme interprété].

 20   Pour ce qui est des éléments de preuve retenus contre M. Djordjevic, ils

 21   étaient indirectes et la Chambre de première instance en a conclu sa mens

 22   rea et lui a attribué les crimes. Nous avançons que d'autres conclusions

 23   existaient à propos du rôle et de l'intention de M. Djordjevic. La Chambre

 24   de première instance est parvenue à ces conclusions, des conclusions de

 25   fait d'après les éléments de preuve indirects il ne s'agissait pas des

 26   seules conclusions raisonnables qui pouvaient être avancées. C'est la

 27   raison pour laquelle, nous estimons que vous êtes tout à fait en droit

 28   d'intervenir, tout comme la Chambre d'appel avait fait dans l'appel pour M.


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  1   Gotovina et dans l'appel récent Bizimungu. Nous avançons que la réponse à

  2   votre première question vous permettra de comprendre pourquoi vous devriez

  3   intervenir.

  4   Car cette première question se scindent en deux volets. Premièrement, il

  5   s'agit de montrer les responsabilités des ministres adjoints Zekovic et

  6   Stevanovic et la façon dont ils recoupaient en piète en quelque sorte

  7   l'autorité de M. Djordjevic; et la deuxième partie vise le rôle de M.

  8   Djordjevic lors du déploiement des Skorpions. Avec votre aval, nous

  9   souhaiterions nous intéresser dans un premier temps aux Skorpions avant de

 10   revenir sur les arguments relatifs à MM. Zekovic et Stevanovic.

 11   Et pour revenir aux Skorpions à l'aube du 28 mars 1999, les Skorpions ont

 12   massacré 14 femmes et enfants à Podujevo au nord du Kosovo. Certes d'autres

 13   atrocités ont été commises au Kosovo, mais la Chambre de première instance

 14   a estimé que cette atrocité était particulièrement importante, parce

 15   qu'elle a conclu, que M. Djordjevic était directement impliqué dans ce

 16   massacre. Il est intéressant de remarquer que la partie du jugement qui a

 17   trait à au rôle global de M. Djordjevic et à sa connaissance des faits

 18   tient sur 50 pages et les Skorpions représentent la moitié de ces 50 pages.

 19   Donc c'est un élément absolument fondamental de la conclusion de la Chambre

 20   de première instance, à savoir M. Djordjevic faisait partie de l'entreprise

 21   criminelle commune. Nous vous demandons d'examiner avec un œil

 22   particulièrement critique le paragraphe 2155 du jugement. Car dans cette

 23   dernière partie du jugement, vous verrez que la Chambre de première

 24   instance a conclu que M. Djordjevic avait participé à l'entreprise

 25   criminelle commune, et s'appuyait pour ce faire sur des éléments qu'elle

 26   considère comme établis lorsqu'elle analyse au début du jugement les

 27   Skorpions.

 28   Mais ce que nous avançons à nouveau, et cela revient dans le jugement,


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  1   c'est que vous -- nous insistons au paragraphe 2155 un véritable

  2   métamorphose, de conclusions qui sont résumés de façon inexacte et qui sont

  3   ensuite utilisées pour étayer des conclusions tout à fait erronées.

  4   Alors j'envisage, et c'est une question de logistique, de passer quelques

  5   20 minutes à examiner le cas des Skorpions et ensuite 20 minutes

  6   supplémentaires ou j'aborderais les ministres adjoints.

  7   Alors pour ce qui est des trois phases et des trois volets, les

  8   circonstances du déploiement initial des Skorpions, premièrement;

  9   deuxièmement, le rappel de Podujevo après les meurtres; et troisièmement,

 10   les circonstances et conditions de leur redéploiement au Kosovo à la fin du

 11   mois d'avril.

 12   Premièrement, pour ce qui est de leur déploiement initial, il faut savoir

 13   qu'il y a cinq erreurs qui ont été commises par la Chambre de première

 14   instance. Premièrement, la Chambre de première instance a conclu aux

 15   paragraphes 2155 et 2188 que les Skorpions étaient une formation

 16   paramilitaire d'une notoriété publique. C'est une conclusion qu'aucune

 17   Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu faire. Car les

 18   premières conclusions suivant lesquelles ils avaient commis des crimes font

 19   référence à la Croatie et un massacre à Trnovo, en Bosnie, en 1995. Vous

 20   avez tous entendu parler de Trnovo cela figure dans le jugement dans

 21   l'affaire Popovic, aux paragraphes 587 et 1080. Alors, je ne veux pas vous

 22   donner des éléments de preuve, mais nous avançons, en fait, et cela est

 23   d'une notoriété publique, que la première fois que ce massacre a été

 24   expliqué, la première fois que l'on a entendu parler de ce massacre ce fût

 25   lors de l'affaire Milosevic lorsque la vidéo a été présentée. Et nous ne

 26   pensons pas que l'on puisse affirmer et dire que ce genre de choses était

 27   largement connu en 1999.

 28   Au paragraphe 204, la Chambre de première instance s'est appuyée sur les


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  1   éléments de preuve de M. Vasiljevic, un général de la VJ qui par la suite a

  2   mené à bien une enquête à propos des Skorpions. Mais ce qu'il a dit à la

  3   page du compte rendu d'audience 5 667, c'est que, par la suite, il a

  4   découvert qu'il y avait des éléments criminels en leur sein des personnes

  5   qui posaient des problèmes. Il n'a pas indiqué que cela était d'une

  6   notoriété publique avant. Il n'a pas dit - et cela est primordial - que ce

  7   genre d'élément était connu ou aurait dû être connu de M. Djordjevic

  8   auparavant.

  9   Deuxièmement, une unité, cette unité des forces de réserve à laquelle il

 10   est fait référence comme les Skorpions pendant tout le jugement, à propos

 11   de cette unité, il faut savoir qu'il y en avait que 15 ou 16 sur les 128

 12   ex-membres des Skorpions, cela représente un pourcentage de 12,5 %. Et

 13   d'ailleurs, la Chambre de première instance a remarqué que seule la moitié

 14   avait une expérience de combat préalable, paragraphes 1937 et 1951. Comment

 15   donc peut-on avancer que M. Djordjevic était au courant que quelque 15 à 16

 16   ex-Skorpions avaient commis des crimes de guerre en Croatie ou en Bosnie ?

 17   Ça c'est un élément absolument fondamental qui n'a pas retenu l'attention

 18   de la Chambre de première instance.

 19   Deuxièmement, pour ce qui est des vérifications d'antécédents et de casier

 20   judiciaires. Au paragraphe 1953 le jugement a une conclusion que je

 21   considère comme une conclusion de repli, à savoir il est dit que M.

 22   Djordjevic aurait dû insister sur le fait qu'il aurait fallu contrôler

 23   leurs antécédents, il s'est avéré que deux des Skorpions avaient été

 24   condamnés précédemment en Croatie. Mais au paragraphe 1954 du jugement,

 25   nous trouvons une approche qu'aucune Chambre de première instance

 26   raisonnable n'aurait pu adopter. Car la dernière phrase que nous y trouvons

 27   fait complètement fi d'une suggestion qui est avancée par un témoin suivant

 28   laquelle les condamnations préalables en Croatie ne comptaient pas. Mais si


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  1   vous prenez en considération les éléments de preuve cités, la Chambre n'a

  2   pas bien repris les propos du témoin. Il n'a pas dit que les condamnations

  3   en Croatie ne comptaient pas; plutôt, ce qu'il a dit, sur deux pages du

  4   compte rendu d'audience qui sont citées par la Chambre de première

  5   instance, page 13 716.

  6   La question est comme suit :

  7   "Est-ce que le MUP pouvait demander des rapports relatifs à des

  8   condamnations et des dossiers de condamnation à l'extérieur de la

  9   République de Croatie ?"

 10   Réponse a été :

 11   "Seulement en passant par le truchement de tribunaux; sinon, ce n'est pas

 12   possible."

 13   Donc ce que le témoin a indiqué c'est qu'il n'était pas facile de découvrir

 14   les condamnations de Croatie. Si, par exemple, l'on fait une recherche ou

 15   si le MUP fait une recherche des dossiers criminels en Serbie il n'aurait

 16   pas pu découvrir qu'il y avait pour certaines personnes une condamnation

 17   prononcée en Croatie ou ailleurs.

 18   Et au paragraphe 228 de notre mémoire, nous citons les éléments de preuve

 19   suivant lesquels les vérifications d'antécédents et de casiers judicaires

 20   ont bel et bien été effectuées et qu'elles sont tous revenues négatives, à

 21   savoir qu'il n'y avait pas de problème. Ce qui jette une lumière différente

 22   sur le recrutement ou de déploiement des Skorpions. Car à ce sujet des

 23   vérifications d'antécédents il n'y a aucune conclusion suivant laquelle ces

 24   personnes avaient été préalable conformées en Serbie, ce qui est tout à

 25   fait conforme aux vérifications d'antécédent qui ont été faites. Aucune

 26   Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu utiliser cela contre

 27   M. Djordjevic.

 28   Quatrièmement, nous indiquons que le jugement persiste dans une sorte de


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  1   quasi mantra, à savoir, les Skorpions étaient des paramilitaires, mais ils

  2   n'oeuvraient pas le long des structures militaires et policières. Ils en

  3   faisaient parties, ils ont été intégrés aux forces de réserve des SAJ, et

  4   ils faisaient partie de leur chaîne de commandement. Paragraphes 1941,

  5   1943, entre autres, donc il ne s'agissait pas de paramilitaires. Et puis

  6   dans un monde idéal, il se peut que ce type de recrutement n'aurait pas eu

  7   lieu, mais le 24 mai 1999, lorsque ces hommes ont été intégrés au SAJ, nous

  8   n'étions pas, nous n'oeuvrions pas dans un monde idéal. La RFY était en

  9   pleine crise d'urgence nationale. Alors, certes, vous pourriez penser que

 10   cette décision fut précipitée, que le fait d'incorporer ces hommes n'a pas

 11   été une solution particulièrement élégante, mais au vu du contexte, on ne

 12   peut pas considérer que cela c'est un geste criminel.

 13   Cinquièmement, où ont-ils été envoyés et pourquoi ? Podujevo était une zone

 14   particulièrement stratégique. Les deux autres unités des SAJ, les SAJ de

 15   Pristina et de Belgrade, s'y trouvaient également. Les Skorpions n'ont pas

 16   été envoyés vers une cible très vague. Podujevo était un bastion de l'ALK,

 17   un bastion connu. Au nord du Kosovo, Podujevo se trouvait sur l'axe

 18   principal qui reliait le Kosovo au reste de la Serbie. Si M. Djordjevic

 19   avait voulu tuer ou expulser des civils, Podujevo n'était pas la cible

 20   évidente.

 21   Donc nous avons présenté nos cinq arguments à propos du déploiement initial

 22   des Skorpions. Et nous allons maintenant aborder la réponse, la réponse qui

 23   se décrit également en cinq idées.

 24   Premièrement, que s'est-il passé après l'atrocité commise. Des équipes

 25   médicales serbes sont arrivées, et ont essayé de sauver les vies et de

 26   soigner les blessés. Paragraphes 1253 et 1255. D'autres membres des SAJ ont

 27   également prêté main-forte dans cet exercice. Le commandant de la SAJ sur

 28   le terrain a informé M. Djordjevic à Belgrade. Les lignes téléphoniques


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  1   vers Belgrade fonctionnaient ce jour-là, ce que nous souhaiterions que vous

  2   n'oubliiez pas c'est que M. Djordjevic a été mis au courant immédiatement.

  3   Deuxièmement, le retrait. Cette unité était composée de 128 hommes. La

  4   Chambre n'a pas été en mesure de tirer une conclusion précise à propos du

  5   nombre de personnes qui ont participé au massacre. Mais les éléments de

  6   preuve suggèrent que peut-être 10 hommes sur ces 128 hommes ont participé

  7   directement à ce massacre. Paragraphes 1248 et 1250. Et les éléments de

  8   preuve sont cités. Alors, bien entendu, Podujevo, et cela ne fait

  9   absolument pas l'ombre d'une seule polémique, l'objet d'une seule

 10   polémique, Podujevo, le massacre de Podujevo a été commis par une petite

 11   partie de cette unité, et pourtant, toute l'unité a été retirée, les 128

 12   hommes ont dû partir immédiatement. Ils ont été rappelés à Prolom Banja, et

 13   puis ensuite M. Djordjevic a donné l'ordre à Trajkovic de se rendre là-bas

 14   pour les désarmer. Il les a renvoyés chez eux. Paragraphe 1963. Donc ce que

 15   nous avançons c'est que cela n'est pas le geste de quelqu'un pour lequel la

 16   mens rea est évidente et a été conclue par la Chambre de première instance.

 17   Troisièmement, quelles sont les autres mesures qui ont été prises. Le matin

 18   du 30 mars 1999, à savoir deux jours plus tard et non pas trois jours,

 19   comme cela est indiqué dans le jugement, un juge d'instruction s'est rendu

 20   à Podujevo. On lui a relaté le crime, et il a été dit que c'était l'OUP de

 21   Podujevo ou plutôt l'OUP de Podujevo lui a relaté la façon dont le crime

 22   s'est produit. Il se trouvait sur le site du crime avec la police. Son

 23   rapport fait l'objet de la pièce D441. Et pourtant, bon, ce qui lui a été

 24   dit c'était que M. Djordjevic avait été informé immédiatement, et que l'OUP

 25   a réagi immédiatement déjà, ont reçu des ordres, mais il n'a pas eu,

 26   personne n'a essayé de dissimuler quoi que ce soit, plutôt tous les corps

 27   ont été inhumés dans le cimetière local. Paragraphe 1454 du jugement, les

 28   corps ont tous été enterrés sur une seule et même ligne, et sur chaque


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  1   tombe, un morceau de bois et un numéro ont été apposés.

  2   Quatrièmement, d'autres mesures ont été prises. Car le 13 mai, à la

  3   suite d'une demande de M. Djordjevic, le commandant général de la SAJ a

  4   présenté un rapport à propos de cette atrocité. Pièces D442 et P86.

  5   Le 23 mai l'OUP de Podujevo a déposé un rapport d'enquête judiciaire

  6   à l'encontre des personnes identifiées comme les auteurs. Pièce P1593. Et

  7   cela a été envoyé au procureur compétent.

  8   Le jour suivant, l'accusation a déposé une demande pour que de plus

  9   amples enquêtes soient menées à bien, et le juge d'instruction a décidé

 10   d'aller de l'avant. Pièce P1592. A la suite de cela, deux suspects ont été

 11   détenus. Et l'accusation continue son travail, certes lentement mais cela

 12   finit par aboutir à un jugement, le 5 avril 2002. Pièce P40. Une personne a

 13   été condamnée à une peine d'emprisonnement de 20 ans, le maximum, la peine

 14   maximale dans ce cas. Pièce P41, et nous voyons d'ailleurs que l'appel a

 15   été rejeté.

 16   Cinquièmement, qu'en est-il de la suggestion qui figure au paragraphe

 17   1963 du jugement suivant laquelle le retrait des Skorpions a été un

 18   obstacle à l'enquête menée à bien ? Donc ils ont été rappelés à Belgrade,

 19   désarmés, renvoyés chez eux, et il semblerait que cela était un obstacle

 20   pour l'accusation. Aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait

 21   pu tirer cette conclusion qui va à l'encontre clairement de la chaîne ou la

 22   chaîne de la chronologie des événements. Et nous réfutons la suggestion

 23   apparente qui se trouve dans le jugement de première instance, suivant

 24   laquelle l'unité entière devait rester, aurait dû rester à Podujevo ou à

 25   Prolom Banja pour que la police mener à bien son enquête. Aucune suggestion

 26   n'aurait pu être faite parce que les gens ne sont pas obligés de rester

 27   dans les environs du crime pour que la police puisse avoir compétence pour

 28   faire son travail.


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  1   Et on nous dit que j'ai fait référence de façon erronée à la pièce

  2   P159, alors qu'il s'agit de la pièce P1592.

  3   Donc ce que nous avançons c'est que cette chronologie des événements

  4   contredit la conclusion de la Chambre de première instance au paragraphe

  5   1962, conclusion qui était et je cite, aucune personne n'a été poursuivie

  6   pour les crimes commis à Podujevo. Certes, personne n'a été condamné lors

  7   du mandat de M. Djordjevic, en tant que chef de la sécurité publique, mais

  8   la procédure pénale était déjà en cours, elle avait commencé le 30 mars, et

  9   manifestement M. Djordjevic ne l'a jamais, jamais arrêté.

 10   Donc nous avons parlé des circonstances du déploiement initial. Nous

 11   avons présenté notre réponse. Et nous allons maintenant aborder le

 12   troisième volet de notre réponse concernant les Skorpions, leur

 13   redéploiement. Premièrement, et là encore je déclinerais cela suivant cinq

 14   idées, sur 128 des hommes des Skorpions, 108 ont été à nouveau engagés par

 15   les SAJ. Paragraphe 1945. Donc 15 % ne sont pas revenus au Kosovo. Ceux qui

 16   avaient participé au massacre de Podujevo n'ont pas été redéployés, et ce

 17   de façon délibérée. Je vous renvois au paragraphe 1946 où cet élément est

 18   indiqué en passant. La Chambre a conclu au paragraphe 1966 que certaines

 19   des personnes qui avaient participé au massacre avaient été redéployées. Ce

 20   que nous disons c'est que cela est certes possible, mais n'a pas été

 21   délibéré, et il est absolument irréfutable que l'un des auteurs principaux,

 22   à savoir M. Sasa Cvetan n'a pas été redéployé.

 23   Deuxièmement, 85 % de cette unité a été renvoyée au Kosovo, le 26

 24   avril seulement, à savoir un mois après le massacre de Podujevo, et

 25   pourtant, la Chambre de première instance n'envisage jamais que si M.

 26   Djordjevic avait véritablement eu l'intention de tuer et d'expulser les

 27   civils, pourquoi est-ce qu'il n'aurait pas renvoyé toute l'unité avec M.

 28   Sasa Cvetan de suite ? 


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  1    Troisièmement, lorsque la Chambre mène à bien son analyse au paragraphe

  2   2155, elle conclut que M. Djordjevic savait qu'il n'y avait pas eu

  3   "d'enquête," mais cela ne correspond pas à la conclusion de la Chambre que

  4   nous pouvons trouver au paragraphe 1966 où il est avancé qu'il n'y a pas eu

  5   de véritable enquête ou d'enquête en bonne et due forme menée. Et

  6   d'ailleurs cela est tout à fait erroné. Car il y a bel et bien eu enquête,

  7   des personnes ont été poursuivies, et il faut savoir que d'aucuns ont été

  8   condamnés, une personne a été condamnée à une peine d'emprisonnement très,

  9   très longue.

 10   Quatrièmement, qu'en est-il de la conclusion qui figure au paragraphe 1948

 11   du jugement conclusion suivant laquelle les Skorpions qui avaient été

 12   redéployés ont commis d'autres crimes dans la zone de du mont Jezerce. Nous

 13   suggérons que cela est assez révélateur, révélateur du fait que la Chambre

 14   de première instance a essayé sur cette base de déterminer la

 15   responsabilité criminelle de M. Djordjevic. Aucun crime n'ait allégué dans

 16   l'acte d'accusation, ces crimes n'ont pas fait l'objet d'enquête, M.

 17   Djordjevic n'est pas condamné ou n'est pas accusé de ces crimes, n'est pas

 18   condamné, en tout cas. Les allégations font encore l'objet d'un litige.

 19   Aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu prononcer une

 20   déclaration de culpabilité sur la base d'événements faisant encore, créant

 21   encore la polémique. Paragraphe 1948 nous indique de façon très claire de

 22   toute façon que l'ALK se trouvait dans cette zone.

 23   Cinquièmement, la Chambre de première instance n'a pas su prendre en

 24   considération la réalité du redéploiement. A savoir il y avait l'attaque

 25   continue de l'OTAN, un risque d'invasion terrestre, qui rend la décision,

 26   qui fait une décision difficile, mais plus compréhensible au vu des

 27   circonstances, le fait d'envoyer une partie des forces pour essayer de

 28   défendre les montagnes.


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  1   Et nous pouvons revenir au paragraphe 2155, là, nous voyons la conclusion,

  2   il est indiqué que M. Djordjevic a été personnellement et directement

  3   impliqué dans l'incorporation d'une unité paramilitaire d'une notoriété

  4   publique. C'est ce qui est avancé. Il est indiqué qu'après les atrocités

  5   commises elles ont été retirées mais que "cela n'a pas été suivi

  6   d'enquête." Il est indiqué que M. Djordjevic était informé "du manque

  7   d'enquête," ou du fait qu'il n'y avait eu d'enquête diligentée, mais qu'il

  8   a néanmoins autorisé le redéploiement de ces personnes "quelques jours plus

  9   tard." Nous avançons que ce paragraphe est truffé de conclusion, aucune

 10   Chambre raisonnable n'aurait pu faire.

 11   Mais avant que nous n'oublions le thème de Podujevo, pourquoi est-ce que

 12   nous indiquons que c'est une question qui doit être présentée en appel ?

 13   Nous avons mis en exergue 15 erreurs qui méritent votre intervention. M.

 14   Djordjevic a vu des éléments de preuve indirects présentés contre lui et à

 15   partir de ces éléments de preuve indirects la Chambre de première instance

 16   en a conclu à sa mens rea et lui a attribué ce crime et d'autres crimes.

 17   Nous avançons que d'autres conclusions auraient pu être tirées.

 18   Contrairement à l'approche retenue par le Chambre de première instance,

 19   dans une certaine mesure, le massacre de Podujevo a tenu sa culpabilité.

 20   Est-ce que M. Djordjevic aurait pu réagir mieux ? Probablement. Mais est-ce

 21   que le comportement de M. Djordjevic au vu du contexte était si déplorable

 22   qu'il en devient criminel ? Peut-être pas comme le suggère la Chambre de

 23   première instance.

 24   Et puis il faut savoir que ce qui est véritablement au cœur de tout cela

 25   c'est est-ce qu'il s'agit du comportement du membre survivant de

 26   l'entreprise criminelle commune ? Nous ne pensons pas.

 27   Une fois de plus, nous avançons qu'aucune Chambre de première instance

 28   raisonnable aurait omis de prendre en considération les événements de


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  1   Podujevo, auraient omis de les mettre en parallèle par rapport au rôle de

  2   M. Djordjevic. Car comme vous le savez, le rôle qui a été joué par M.

  3   Djordjevic pour ce qui est de dissimuler le crime ainsi que le rôle qu'il a

  4   joué pour les Skorpions représente la majorité du jugement ou le gros du

  5   jugement à propos de son rôle et de son intention.

  6   Lors du procès, M. Djordjevic a accepté et a admis qu'il avait participé à

  7   cet effort de dissimulation des corps. En fait, il indique qu'à contre cœur

  8   de façon très tardive, dans une mesure très, très limitée, il l'a fait et

  9   seulement une fois à partir du moment où les corps littéralement ont

 10   commencé à faire surface en Serbie. En effet, il ne faisait pas partie de

 11   l'entreprise criminelle commune mais il a été pris d'un sentiment de

 12   panique lorsqu'il a entendu dire que ces corps étaient en train

 13   littéralement de réapparaître à la surface. Ce n'est pas une défense qui

 14   l'aurait fallu rejeter, car les événements de Podujevo sont conformes à sa

 15   défense. Pour ce site où le crime a été conclu, la Chambre de première

 16   instance en a conclu que M. Djordjevic était directement impliqué. Mais

 17   c'est une anomalie, car cela nous force à nous poser des questions qu'elle

 18   fût l'évaluation de la Chambre de première instance à propos de M.

 19   Djordjevic. Il y a un décalage que le jugement n'explique pas.

 20   La Chambre a commis des erreurs de façon répétée lorsqu'elle a conclu que

 21   M. Djordjevic était la cheville ouvrière de l'entreprise criminelle

 22   commune. Vous pourrez envisager d'autres formes de responsabilité, d'autres

 23   que l'entreprise criminelle commune, qui tiennent compte beaucoup mieux de

 24   sa responsabilité totale pour les événements au Kosovo et Podujevo est une

 25   excellente illustration.

 26   Maintenant nous allons passer à la première partie de votre première

 27   question, à savoir de quelle façon les zones de responsabilité de Zekovic

 28   et Stevanovic ont pu influer sur l'autorité de Djordjevic en tant que


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  1   ministre adjoint.

  2   Il se pourrait que votre question est motivée par les paragraphes 43 et 44

  3   du jugement. Nous suggérons que ces paragraphes sont énigmatiques et qu'ils

  4   contiennent des erreurs claires qui méritent votre intervention. Au niveau

  5   du paragraphe 43 la Chambre de première instance a trouvé comme suit :

  6   " … toute limitation du pouvoir de Djordjevic en raison d'avoir donnée une

  7   zone de responsabilité à un autre ministre adjoint serait produite

  8   seulement s'il y a eu chevauchement entre une responsabilité concrète d'un

  9   autre ministre adjoint et l'autorité générale de Djordjevic en tant que

 10   chef de la RJB." D'après ces conclusions, "il n'avait pas de moyen de

 11   preuve à l'appui de cette idée."

 12   Ensuite dans le paragraphe 44, la Chambre de première instance se trouve

 13   comme suit :

 14   " … les ministres adjoints avaient des postes de haut rang au niveau du MUP

 15   et étaient responsables de leurs zones de responsabilité à chacun. Ceci ne

 16   permet pas que l'allocation de responsabilité avait un effet sur la

 17   diminution de l'autorité de Djordjevic en tant que chef de la RJB."

 18   Ces conclusions ne font pas de sens. Tout d'abord, la Chambre a trouvé que

 19   le pouvoir de Djordjevic ne pouvait être réduit que s'il y ait

 20   chevauchement entre les responsabilités concrètes des ministres adjoints et

 21   son autorité en tant que chef de la RJB. Et ensuite la Chambre trouve que

 22   les ministres adjoints avaient en effet autorité pour certains domaines

 23   d'autorité mais, pour les raisons qui n'ont pas été expliquées par la

 24   Chambre, ceci d'une façon bizarre ne diminuer pas l'autorité globale de

 25   Djordjevic. Et c'est une question cruciale dans cette affaire : Le rôle de

 26   Djordjevic au sein du MUP n'est pas expliqué suffisamment.

 27   Ce que la Chambre fait ici c'est de conclure que Djordjevic était l'homme

 28   numéro 2 du MUP, que ses pouvoirs étaient presque comme ceux du ministre.


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  1   Nous disons que la Chambre était induite en erreur par les suggestions d'un

  2   certain nombre de témoins, Vasiljevic et K87, qui ont dit que Djordjevic

  3   était l'homme numéro 2. Mais ces témoins ne pouvaient tout simplement pas

  4   le savoir. Vasiljevic était dans l'armée et K87 était vraiment tout en bas

  5   de la RJB. La Chambre de première instance a été induite en erreur par la

  6   mauvaise compréhension plutôt que de comprendre que la réalité était bien

  7   moins intéressante.

  8   Au niveau du paragraphe 43, les Juges de la Chambre de première instance

  9   ont brièvement analysé le rapport qui prévalait entre le grade au niveau du

 10   MUP et son rôle en tant que ministre adjoint. Dans le cas de Djordjevic, eh

 11   bien, ces deux choses, à savoir le grade et le poste du ministre adjoint,

 12   étaient deux choses différentes. Uniquement parce qu'il avait un grade plus

 13   élevé au niveau de la police que Zekovic/Stevanovic, ou autres ministres

 14   adjoints, cela ne voulait pas dire qu'il pouvait leur dire ce qu'il devait

 15   faire.

 16   Dans ce paragraphe, le paragraphe 43, vous voyez la conclusion de la

 17   Chambre, la Chambre "n'a pas été convaincue," par ce qu'elle a appelé la

 18   déclaration de Djordjevic au sujet de la nature de grade de la police au

 19   sein du ministère de l'Intérieur. En fait, cette soi-disant déclaration de

 20   Djordjevic a été corroborée par la déposition de Misic, qui était le seul

 21   ministre adjoint qui a expliqué que son chef, son boss était le ministre,

 22   pas Djordjevic. Vous pouvez voir cela au niveau du compte rendu d'audience,

 23   pages 14 068, 14 069, et 14 073, et 14 076.

 24   Eh bien, on va montrer que le Procureur avait Stevanovic sur la liste 65

 25   ter, mais le Procureur ne l'a pas cité. De façon semblable, ils ont dit

 26   qu'ils allaient citer Markovic, un autre ministre adjoint, mais ils ne

 27   l'ont pas cité à la barre. Donc cette question cruciale, au sujet de cette

 28   question cruciale qui va au cœur du rôle de Djordjevic au sein du


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  1   ministère, la Chambre de première instance fait des conclusions

  2   contradictoires, ne tient pas compte des moyens de preuve extrêmement

  3   importants, et ensuite met la charge de la preuve à Djordjevic, alors que

  4   la charge de la preuve incombe au Procureur qui devait prouver que le

  5   ministre adjoint était subordonné à Djordjevic plutôt qu'au ministre, comme

  6   le dit le nom de la fonction. A la place de cela, nous avons ce langage

  7   énigmatique où on évoque l'effet potentiel de responsabilités qui se

  8   chevauchent.

  9   Donc quelle est la position ? Quel est ce point dont les Juges de la

 10   Chambre de première instance n'ont pas traité ? Voici de quoi il s'agit.

 11   Tout d'abord, nous allons tout d'abord vous rappeler les documents

 12   pertinents quand il s'agit des zones de responsabilité de Zekovic et

 13   Stevanovic, et aussi de ministre adjoint de façon plus générale. Ensuite

 14   nous allons résumer les conclusions pertinentes concernant Zekovic et

 15   Stevanovic, et nous allons vous dire de quelle façon leur rôle a influé le

 16   rôle de Djordjevic. De quoi il s'agit ici. L'autorité de Djordjevic a été

 17   moins importante que cela n'a trouvé la Chambre de première instance. La

 18   Chambre de première instance est arrivée à cette conclusion parce qu'elle

 19   n'a pas vraiment compris le problème, et de quoi il s'agit. La hiérarchie

 20   du MUP était en réalité un réseau de fief, de tensions, des jeux de pouvoir

 21   et de contrepouvoir qui servaient le but commun de préserver le pouvoir du

 22   ministre de l'Intérieur.

 23   Tout d'abord, on va parler de lois pertinentes, de texte. Et nous allons

 24   aussi voir comment les choses se sont présentées dans la pratique. Mais en

 25   ce qui concerne les lois, eh bien, au lieu de les lire, nous nous proposons

 26   de les identifier et ensuite on va faire quelques conclusions quant à leurs

 27   effets.

 28   Tout d'abord, il s'agit de la loi sur l'administration de l'état de Serbie.


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  1   Il s'agit de la pièce à conviction P69. Voir article 46 qui date donc

  2   d'avril 1992.

  3   Ensuite le deuxième document, c'est le décret du gouvernement serbe

  4   établissant les principes qui s'appliquent au poste au sein du ministère,

  5   publié en 1994. Il s'agit de la pièce à conviction P258, Article 18(2) dit

  6   qu'un ministre adjoint, et ça c'est vraiment important, est donc

  7   directement responsable devant le ministre.

  8   Le troisième document est une dépêche envoyée par le ministre concernant le

  9   rôle des ministres adjoints, qui date du 4 juin 1997. Il s'agissait de la

 10   pièce à conviction P263. Il s'agit d'un document qui tient en une seule

 11   page, et là, vous pouvez voir que le ministre décrit quelles sont les zones

 12   de responsabilité de Stevanovic et de Zekovic.

 13   Le quatrième document, eh bien, ce sont les règles de l'organisation

 14   interne du ministère de l'Intérieur qui date de 1997. Il s'agissait de la

 15   pièce P357. Et dans ce document, vous avez la compétence et les

 16   administrations de la RJB. Il faut voir particulièrement les Articles 1,

 17   13, 15, 17, 23 et 24.

 18   Le dernier document c'est la décision du ministre du 4 décembre 1998, sur

 19   le collège des ministres. Il s'agissait de la pièce à conviction [comme

 20   interprété], et dans ce document, vous voyez que les membres du collège

 21   rapportent directement au ministre et pas à Djordjevic.

 22   Et plutôt de traiter de ces documents, et de se pencher sur ces documents,

 23   la Chambre a basé ses conclusions sur l'hiérarchie du MUP, basé sur les

 24   dépositions de Vasiljevic et puis de quelqu'un qui se trouve vraiment tout

 25   en bas de la RJB. Et si la Chambre avait examiné les textes, elle aurait au

 26   moins trouvé deux informations intéressantes et importantes. Tout d'abord,

 27   on peut voir qu'il existe un chevauchement entre les compétences des

 28   ministres adjoints, et les administrations au sein de la RJB. Il s'agit


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  1   donc d'un chevauchement auquel fait référence la Chambre de première

  2   instance dans son paragraphe énigmatique 43 du jugement. On le voit encore

  3   plus clairement quand on  compare les pièces P357 et P263. Le rôle de

  4   Stevanovic et Zekovic en tant que ministres adjoints se recoupe avec les

  5   administrations de la RJB.

  6   Nous voyons aussi que la pièce P263 montre une réduction importante de

  7   pouvoir du chef de la RJB. Ceci montre qu'en même temps que Djordjevic est

  8   mené au poste du chef en exercice de la RJB, des fiefs sont créés pour

  9   Zekovic et Stevanovic, et pour d'autres. Et ce qui est encore plus

 10   important, vous allez voir que la pièce P263 est envoyée par le ministre à

 11   presque tout le monde dans le MUP. Donc c'est une déclaration sans

 12   équivoque sur les endroits où se trouve le pouvoir. Oui, Djordjevic en

 13   effet a été nommé au poste du chef de la RJB, mais en même temps le

 14   ministre donne le pouvoir aux autres ministres adjoints.

 15   Ensuite, on peut voir que les ministres adjoints étaient directement

 16   responsables au ministre, et pas à Djordjevic. On a vu cela dans la pièce,

 17   comme je l'ai déjà dit, P258, Article 18(2). De façon similaire dans la

 18   pièce D208, on peut voir que le ministre adjoint répond directement au

 19   ministre sans passer par Djordjevic qui de toute façon n'était, et après

 20   tout n'était rien d'autre qu'un autre ministre adjoint.

 21   Eh bien, quand on combine ces documents, ils suggèrent que dans le MUP, le

 22   MUP avait une espèce de personnalité partagée. Et une ligne de contrôle a

 23   été créée alors que le ministre par ses ministres adjoints avec leurs zones

 24   de responsabilité pouvait contrôler les administrations de la RJB. Là où il

 25   y avait le chevauchement, le rôle de Djordjevic était diminué. En même

 26   temps, les administrations de la RJB étaient subordonnées à Djordjevic.

 27   Nous ne contestons pas que les gens que les ministres adjoints contrôlaient

 28   au sein de la RJB, pouvaient toujours reconnaître Djordjevic en tant que


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  1   chef de la RJB, mais la réalité de cela, l'effet de cela, est que vous avez

  2   une tension qui enlève la responsabilité et les affaires de Djordjevic.

  3   Pourquoi ? Parce que cette même tension solidifie les reins du pouvoir

  4   entre les mains du ministre de l'Intérieur.

  5   Ce n'est pas une interprétation des lois. Ce sont les moyens, c'est les

  6   preuves des implications pratiques de cette organisation. Eh bien, nous

  7   souhaitons aussi mentionner la pièce D261. Il s'agit d'un ordre envoyé par

  8   Misic, qui était ministre adjoint qui instruit les chefs du SUP au sujet

  9   des documents d'identification. Au niveau du paragraphe 2079 du jugement,

 10   la Chambre de première instance suggère que là il s'agit d'un document

 11   omnibus, parce que dans ce document, on dit que "le SUP devait remettre à

 12   plus tard la désignation de numéro d'identification personnelle jusqu'à

 13   l'ordre contraire." Même si ceci a été envoyé à tous les SUP de la RFY, la

 14   Chambre de première instance a lié ce document aux instances où l'on a

 15   confisqué les documents d'identification aux Albanais du Kosovo, et ceci de

 16   façon illégale. Eh bien, si vous lisez ce document, vous allez voir que,

 17   dans ce document, il n'y a pas de la suspension de l'émission de nouveaux

 18   numéros d'identité à cause du problème du système d'informatique provoqués

 19   par le bombardement de l'OTAN. Donc, ceci n'aurait un effet que, sur les

 20   nouveau-nés qui devaient pour la première fois obtenir leur numéro

 21   d'identification, ceci ne veut pas dire et ceci ne peut pas dire que

 22   quelqu'un dont les pièces d'identité ont été détruites par les troupes de

 23   la police à la frontière ne pouvaient pas recevoir un numéro de

 24   remplacement parce que leur numéro d'identification aurait été le même.

 25   Mais, là, nous allons faire une digression parce que ce qui est important

 26   pour nous c'est que ce document ait été envoyé par Misic à tous les SUP. Il

 27   ne vient pas, et il n'est pas envoyé à Djordjevic, donc ici, nous avons

 28   Misic qui est ministre adjoint et qui contrôle sa zone de responsabilité


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  1   sans que Djordjevic s'en mêle.

  2   Maintenant on va parler de la réalité pratique des rôles de Stevanovic et

  3   Zekovic. Djordjevic, au cours du procès, s'est défendu en disant qu'entre

  4   autres Stevanovic est venu pour s'occuper du Kosovo pour le ministre. On

  5   voit dans la pratique les preuves claires de cela, mais les Juges de la

  6   Chambre ont rejeté cela parce qu'ils ne se sont pas occupés des questions

  7   que l'on vient de souligner.

  8   Le 21 décembre 1998, il y a eu une réunion du QG ministériel. Le ministre a

  9   assisté à cette réunion. Djordjevic n'a pas été présent. Plutôt, c'est

 10   Lukic et Stevanovic qui ont présidé la réunion et qui ont donné leurs

 11   instructions. Vous voyez cela dans le PV qui est la pièce P1043, et vous

 12   voyez que là c'est Stevanovic qui transmet les ordres du ministre, et pas

 13   de Djordjevic.

 14   Le 4 avril 1999, et là, on rentre dans la période de la guerre, nous avons

 15   la réunion du QG ministériel au Kosovo. A nouveau, Stevanovic est présent,

 16   Djordjevic n'est pas présent. Le PV se trouve dans la pièce P764. Le 7 mai

 17   1997 [comme interprété], Stevanovic assiste à la réunion du QG du ministre

 18   et donne des instructions détaillées aux personnes présentes concernant les

 19   opérations antiterroristes où il s'agit de nettoyer le terrain. Djordjevic

 20   n'est pas présent. Voyez la pièce à conviction P771, pages 10 à 11.

 21   Le 11 mai 1999, Stevanovic assiste à une autre réunion du QG ministériel et

 22   il met à jour les instructions concernant les opérations antiterroristes,

 23   entre autres. Il s'agit de la pièce P345, pages 7 à 9.

 24   La Défense de Djordjevic tient à dire que le pouvoir lui a été enlevé en

 25   direction de personnes choisies par le ministre et en faveur de personnes

 26   physiquement présentes au Kosovo, par exemple, le QG ministériel pour le

 27   Kosovo qui répondait directement au ministre plutôt qu'à Djordjevic, et

 28   nous vous rappelons la pièce P57. Le chef du QG ministériel, Sreten Lukic,


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  1   répondait -- pas rapportait mais répondait au ministre plutôt qu'à

  2   Djordjevic.

  3   Aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait rejeté la défense

  4   de Djordjevic sans comprendre la réalité du rôle de Stevanovic.

  5   Maintenant on va parler de Zekovic. A la différence de Stevanovic, la

  6   Chambre de première instance n'a pas trouvé que Zekovic faisait partie de

  7   l'entreprise criminelle commune. Voyez le paragraphe 2122. Les conclusions

  8   le concernant sont beaucoup plus limitées. Mais contrairement à la

  9   suggestion qui a été répétée plusieurs fois par les Juges de la Chambre, il

 10   est clair que ce n'est pas lui qui était le chef de l'administration au

 11   niveau de la RJB. Ce rôle était tenu par Todorovic. Voyez, par exemple, la

 12   pièce D208, page 4, point 13.

 13   Ce qui est aussi intéressant de voir, c'est la conclusion qui tient à dire

 14   que Zekovic a organisé la collection de corps du Kosovo, surtout de

 15   Pristina et Kosovska Mitrovica, et leur transport direct vers le centre de

 16   la PJP à Petrovo Selo à l'est de la Serbie. Il n'y avait pas de moyen de

 17   preuve direct impliquant Djordjevic à cette affaire. Nous considérons que

 18   ceci montre un clair contraste avec le rôle qu'a joué Djordjevic à

 19   Podujevo, que nous avons déjà évoqué.

 20   Pourquoi tout cela est pertinent en appel ? Eh bien, à la différence de ses

 21   prédécesseurs, Djordjevic, en tant que chef de la RJB, n'était pas le

 22   ministre adjoint de l'Intérieur. Il était tout simplement ministre adjoint,

 23   comme les autres ministres adjoints. Oui, il est vrai qu'il était chef de

 24   la RJB, mais ce que vous voyez clairement c'est la marginalisation de ce

 25   bureau, surtout quand il s'agit du Kosovo, pour lequel le QG ministériel a

 26   été créé sur place. Donc, vous voyez donc une concentration de pouvoir qui

 27   est concentré au niveau du QG ministériel et le commandement joint, aussi

 28   bien au Kosovo et à Pristina. Et Djordjevic reste donc comme une figure au


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  1   niveau de la RJB, mais son rôle par rapport au Kosovo est réduit de plus en

  2   plus.

  3   Et donc, une Chambre raisonnable se serait colletée avec les problèmes de

  4   la composition du ministère de l'Intérieur. Il n'aurait pas fait des

  5   conclusions énigmatiques et confuses dans les paragraphes 43 et 44. Si la

  6   Chambre s'était occupée de ce problème, eh bien elle aurait mesuré la

  7   réduction du pouvoir dans le bureau de Djordjevic. Et quand vous lisez le

  8   jugement, vous voyez très bien qu'il existe une différence claire entre la

  9   participation de Djordjevic au Kosovo en 1998 comparée à la période

 10   pertinente à l'acte d'accusation. En 1998, il était physiquement présent,

 11   il était là pour les opérations de la police en été. Il a assisté aux

 12   réunions du commandement conjoint et parfois aux réunions du QG

 13   ministériel. En 1999, son rôle a été diminué et la question se pose de

 14   savoir si Djordjevic a vraiment pu contribuer de façon significative à

 15   l'entreprise criminelle commune en 1999.

 16   De façon subsidiaire, si vous arrivez à la conclusion que Djordjevic est

 17   resté au sein de l'entreprise criminelle commune, ceci réduit son rôle de

 18   façon significative. Et en tant que rôle de ministre adjoint, c'est quelque

 19   chose qui est très important pour cet appel.

 20   On vient de me dire qu'au niveau du compte rendu 23, 4, on parle de la

 21   pièce D258 alors qu'il s'agit de la pièce 208. Et à la page 24, ligne 13,

 22   nous avons P257 alors que ceci devrait être la pièce P258.

 23   Maintenant je vais parler du onzième moyen d'appel de Djordjevic, où on dit

 24   que la Chambre a omis de faire des conclusions nécessaires quant à cette

 25   directe source visant explicitement à.

 26   Quand il s'agit de faire des conclusions quant au fait que Djordjevic a

 27   aidé et encouragé au niveau de l'entreprise criminelle commune, la Chambre

 28   ne s'est pas suffisamment penchée sur la question. Une Chambre raisonnable


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  1   n'aurait pas fait cela. Nous pensons que cette omission erronée quand il

  2   s'agit d'aider et encourager, ceci pose une question essentielle. Avant de

  3   parler, donc, de cette direction spécifique, donc visant spécifiquement à,

  4   nous allons parler de votre question, à savoir -- vous avez posé la

  5   question de savoir si la Chambre n'a pas fait des conclusions explicites

  6   quant à la contribution substantielle par rapport au transfert "forcible."

  7   La Chambre est arrivé à la conclusion que les actes de Djordjevic avait un

  8   effet substantiel sur le crime commis par les MUP quand il s'agit les

  9   crimes de meurtre, expulsion, et persécution au Kosovo. Donc ici on ne

 10   parle pas clairement du transfert "forcible," il s'agit du paragraphe 2163.

 11   Mais dans le paragraphe suivant 2164, la Chambre trouve que Djordjevic a

 12   aidé et encouragé le transfert "forcible." Ensuite dans le paragraphe 

 13   2230, la Chambre arrive à la conclusion que Djordjevic a aidé et encouragé

 14   le transfert "forcible". Donc nous avons ici une incohérence.

 15   C'est d'autant plus bizarre qu'on trouve que Djordjevic a contribué de

 16   façon substantielle aux persécutions et a été accusé et condamné pour les

 17   persécutions par le biais de transfert "forcible" sans que l'on trouve

 18   qu'il ait contribué de façon substantielle aucune sous-jacent du transfert

 19   "forcible".

 20   Nous n'arrivons pas à comprendre ce paragraphe 2163. Nous n'arrivons pas à

 21   l'expliquer peut-être qu'il manque de mots mais, en tout cas, ce n'est pas

 22   logique.

 23   Mais nous devons de toute façon traiter de la question de savoir si

 24   les conclusions sur la contribution substantielle au transfert "forcible"

 25   est implicite dans les conclusions de la Chambre. Et donc un point

 26   important découle du paragraphe 2163 : La conclusion quant à l'effet

 27   substantiel, comme il est décrit dans ce paragraphe, concerne uniquement

 28   les crimes commis par le MUP, pas par la VJ ou autres forces.


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  1   Pourquoi ceci est important ? Eh bien, là, nous avons une conclusion

  2   plus limitée que la contribution substantielle [inaudible] tous les crimes

  3   commis au Kosovo, et il semble qu'il s'agit ici d'une conclusion délibérée

  4   vu qu'elle a été répétée dans le paragraphe 2194.

  5   Donc cette approche, et il s'agit de limiter la responsabilité de

  6   Djordjevic d'avoir aidé et encouragé les crimes commis par les forces du

  7   MUP est cohérente avec l'approche dans Milutinovic où Lazarevic et Ojdanic

  8   ont été condamnés pour avoir aidé et encouragé les crimes commis par la VJ

  9   mais pas les crimes commis d'autres forces comme par le MUP. Le bureau du

 10   Procureur n'a pas fait d'appel à cette approche.

 11   Nous allons revenir sur l'affaire Djordjevic, donc en dépit des

 12   conclusions limitées, dans le dispositif et dans la sentence vous voyez que

 13   pour les raisons qui n'ont pas été suffisamment expliquées, Djordjevic est

 14   condamné pour avoir aidé et encouragé tous les crimes commis au Kosovo

 15   quels que soit les auteurs, le MUP, la VJ, ou autres forces.

 16   Donc, là, nous avons un autre exemple de métamorphose dans les conclusions

 17   des Juges de la Chambre de première instance. Ceci suggère que la décision

 18   de la Chambre qu'il consiste à condamner d'une façon additionnelle

 19   Djordjevic relève d'une pensée venue après coup. Il ne semble pas que les

 20   Juges de la Chambre de première instance ont réfléchi profondément à cela,

 21   et c'est pour cela que vous n'allez pas trouver peut-être ces conclusions

 22   explicites dans le jugement.

 23   Maintenant nous allons parler du remède quand le manque de conclusion

 24   explicite quant "specific direction," donc, disant spécifiquement à.

 25   Quand on dit que Djordjevic -- si on regarde donc cette volonté

 26   spécifique. Comme elle a été définie dans l'appel Perisic nous considérons

 27   que l'image que nous voyons là c'est que son rapport aux crimes au Kosovo

 28   était plus éloigné et plus atténué que cela ne figure dans les conclusions


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  1   de la Chambre.

  2   Les paragraphes pertinents du jugement sont les paragraphes 2163 et

  3   2194. 2163 c'est les conclusions sur actus reus de Djordjevic pour avoir

  4   aidé et encouragé. 2194 vous y trouvez justification supplémentaire, où

  5   l'on dit que la question-clé pour les conclusions de la Chambre se trouvait

  6   dans le rôle de Djordjevic quand il s'agissait de dissimuler les crimes.

  7   Pour commencer nous allons nous pencher sur d'autres aspects

  8   d'élément matériel de Djordjevic, tel que l'ensemble du rôle qu'il a joué

  9   au sein du MUP et sa participation au déploiement des Skorpions au Kosovo,

 10   nous souhaiterions avancer brièvement que compte tenu des circonstances qui

 11   prévalaient en RFY en 1999, de tels actes ne sont pas nécessairement tels

 12   qu'ils visaient spécifiquement la commission de crimes. Alors, vous

 13   pourriez considérer qu'ils étaient d'une telle nature, mais avec tout le

 14   respect nous vous devons nous suggérons qu'il était raisonnablement

 15   possible qu'ils ne le soient pas.

 16   Alors la Chambre d'appel dans Perisic a dit que dans la plupart des

 17   cas où l'accusé est éloigné du lieu de commission de crimes, la fourniture

 18   d'une assistance générale pouvant être utilisée tant pour des activités

 19   légales qu'illégales ne suffit pas en elles-mêmes à prouver que cette

 20   assistance ait visé spécifiquement la commission de crimes. Ce que nous

 21   suggérons c'est que l'essentiel de la conduite de Djordjevic dans toutes

 22   les circonstances qui prévalaient peut avoir consisté à une assistance de

 23   nature générale visant des activités légales. En effet, le retrait immédiat

 24   des Skorpions après les événements à Podujevo suggère plutôt que sa

 25   conduite ne visait pas spécifiquement la commission de tels crimes.

 26   Comme dans l'affaire Perisic, Djordjevic était basé principalement à

 27   Belgrade, alors que les crimes sont survenus à des centaines de kilomètres

 28   de distance de Belgrade. Nous affirmons que les visites intermittentes que


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  1   M. Djordjevic a faites au Kosovo en 1999 ne changent rien à cette approche.

  2   Il était physiquement éloigné des crimes.

  3   Ceci étant dit, comme je l'ai déjà indiqué, un point-clé pour la

  4   Chambre de première instance a été le rôle de Djordjevic dans la

  5   dissimulation des crimes. Sur ce point, à première vue, l'arrêt Perisic ne

  6   semble pas être pertinent pour Djordjevic pas beaucoup en tout cas. Vous

  7   seriez plutôt enclin sans doute à conclure que la dissimulation de crimes

  8   n'est pas une forme d'assistance générale ou de contribution à des

  9   activités par ailleurs légales.

 10   Nous reconnaissons également que dans l'affaire Perisic les Juges

 11   Agius et Meron ont considéré que l'élément matériel était pertinent

 12   lorsqu'on évaluait si la question de savoir si des actes visaient

 13   spécifiquement la commission de crimes. En l'espèce nous nous intéressons,

 14   pour le moment, à cette conclusion selon laquelle Djordjevic a participé à

 15   une entreprise criminelle commune. Bien que la Chambre de première instance

 16   n'a pas conclu explicitement des éléments disant spécifiquement, par

 17   ailleurs le critère de visant spécifiquement, jette une lumière différente

 18   sur certains actes de Djordjevic, cependant, à cause des opérations de

 19   dissimulation, l'affaire Perisic ne semble pas, à première vue, avoir un

 20   impact décisif en faveur de Djordjevic.

 21   La question devient alors plutôt de savoir si la participation de

 22   Djordjevic à des opérations de dissimulation constitue ou permet de

 23   parvenir à une conclusion implicite que ses actes et omissions tendait

 24   spécifiquement à la commission de tel crime. Alors de façon respective on

 25   peut répondre bien sûr que cela visait spécifiquement à la commission de

 26   tel crime, mais nous suggérons avec tout le respect que nous devons à la

 27   Chambre d'appel qu'une telle réponse ne serait pas fondée en droit. Selon

 28   nous, l'assistance apportée par Djordjevic à des ré inhumations n'implique


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  1   pas nécessairement que sa responsabilité pénale individuelle soit engagée

  2   pour les crimes survenus à l'origine. Le droit exige un accord préalable

  3   entre l'auteur et la personne qui aide et qui encourage. Et je développerai

  4   cet argument dans quelques instants, mais avant cela il nous faut surmonter

  5   la difficulté que constitue une constatation, à savoir que Djordjevic

  6   aurait été partie à un accord préalable de cette nature passé avec

  7   Milosevic et Stojiljkovic, c'est pourquoi si cette constatation demeurait

  8   en l'état, notre argument en droit se heurterait à un obstacle.

  9   La Chambre de première instance a conclu qu'il existait un plan visant à

 10   dissimuler les corps des Albanais du Kosovo tués pendant la période

 11   couverte par l'acte d'accusation. Je vous renvoie au paragraphe 1967 du

 12   jugement. Elle a conclu qu'il y avait une opération coordonnée visant à

 13   éliminer les preuves de crimes au Kosovo et que cette opération avait été

 14   menée sous la direction de M. Djordjevic après qu'un ordre avait été donné

 15   par le président Milosevic. Paragraphe 1980.

 16   Or, nous trouvons cette conclusion étonnante. Aux paragraphes 2112 et 2117

 17   du jugement où il y a une autre constatation étonnante selon laquelle M.

 18   Djordjevic aurait participé à une réunion au mois de mars 1999, dans le

 19   bureau de M. Milosevic aux côtés de Stojiljkovic et de Markovic, et que le

 20   ministre lui aurait par la suite délégué cette opération de dissimulation.

 21   Nous souhaitons inviter les Juges de la Chambre d'appel à tracer une ligne

 22   très claire entre ce qui est et qui n'est pas un raisonnement acceptable de

 23   la part d'un Juge du fait. La Chambre a concédé que les éléments de preuve

 24   relatifs à ces prétendues réunions n'étaient pas de première main. Nous

 25   reconnaissons bien entendu que la Chambre de première instance peut

 26   s'appuyer sur des éléments de preuve par ouï-dire, cependant avec tout le

 27   respect que nous devons à la Chambre de première instance, l'approche

 28   qu'elle a choisie est plutôt affaiblie de ce fait.


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  1   Les seuls éléments de preuve relatifs à ces réunions et à ces accords

  2   consistent en le premier rapport émis par le Groupe de travail, mis en

  3   place en mai 2001. Il s'agit de la pièce P387, et cela est résumé aux

  4   paragraphes 1373, et 2112 du jugement. Alors l'information selon laquelle

  5   se fonde le Groupe de travail pour suggérer que ces réunions ont eu lieu

  6   n'était autre que la déclaration supposée de l'ancien chef du RDB, Radomir

  7   Markovic, déclaration que celui-ci est censé avoir fait alors qu'il était

  8   en prison.

  9   Premièrement, même si une telle déclaration avait été faite par Markovic,

 10   une Chambre de première instance raisonnable aurait dû évaluer le poids,

 11   aurait dû évaluer la fiabilité d'une telle déclaration au vu de sa source

 12   et des circonstances dans lesquelles elle a été faite. Nous ne trouvons

 13   rien de cela dans le jugement.

 14   Deuxièmement, la déclaration de Markovic n'a pas été versée au dossier en

 15   l'espèce. En effet, le Groupe de travail n'affirmait pas l'avoir jamais vu.

 16   Au lieu de cela, il est indiqué que la déclaration aurait donné lieu à une

 17   prise de notes de la part d'un membre du Groupe de travail. Donc il

 18   s'agirait de notes au sujet de la déclaration de Markovic.

 19   Troisièmement, ces notes censément prises au sujet de la déclaration de

 20   Markovic n'ont été versées nulle part au dossier. Par conséquent, sur quoi

 21   la Chambre de première instance a-t-elle fondé ses conclusions sur des

 22   éléments indiquant que quelqu'un aurait vu une note que quelqu'un d'autre

 23   aurait rédigée au sujet d'une prétendue déclaration. Nous devrions

 24   d'ailleurs relever que Markovic faisait partie des témoins prévus par

 25   l'Accusation sur la liste 65 ter de cette dernière, et qui n'a jamais été

 26   cité à la barre.

 27   Même en laissant de côté la thèse de l'Accusation au procès, à savoir que

 28   le Groupe de travail a fait un travail de sape, visant à jeter, à rejeter


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  1   la responsabilité sur Djordjevic, il y a ici ouï-dire. Bien entendu, la

  2   Chambre de première instance dispose d'une large marge, d'un pouvoir

  3   discrétionnaire qui est assez large dans l'évaluation des éléments de

  4   preuve, mais ce pouvoir discrétionnaire n'est pas sans limite. Et selon

  5   nous, nous avons ici un exemple on ne peut plus claire de la façon dont une

  6   Chambre de première instance peut aller trop loin. L'Accusation elle même

  7   n'a pas essayé de suggérer dans son mémoire en clôture que ces réunions

  8   s'étaient réellement produites.

  9   Alors ce qui est évident, et qu'on peut nous opposer de façon immédiate,

 10   c'est qu'il y a bien eu une opération de dissimulation, donc il n'était pas

 11   déraisonnable de conclure qu'il ait eu une réunion l'ayant planifiée. Nous

 12   maintenons qu'il est impossible de déduire en quelque sorte à rebours la

 13   participation de Djordjevic à une telle réunion, pas de cette façon en tout

 14   cas. En effet, il n'y a pas eu d'opération de dissimulation à Podujevo,

 15   crime au sujet duquel la Chambre de première instance estime que Djordjevic

 16   y était le plus étroitement impliqué. Ceci suggère plutôt qu'il n'a pas été

 17   parti à un tel accord.

 18   Nous disons donc qu'il donnerait raisonnable de conclure que le rôle de

 19   Djordjevic était bien plus modeste que ce qu'a conclu la Chambre de

 20   première instance.

 21   Les corps retrouvés dans le Danube, près de Tekija en Serbie orientale, ont

 22   été transportés à bord de deux camions à partir du centre du SAJ de

 23   Batajnica et ré inhumés sur place à la date du 8 avril 1999, ou à peu près

 24   à cette date. Plusieurs d'autres chargements à bord de camions ont suivi,

 25   et Djordjevic y a été impliqué. Nous suggérons que ces éléments de preuve

 26   par leur portée indiquent plutôt que le rôle de M. Djordjevic se limitait à

 27   la Serbie, au sens strict à partir du moment où il a appris que ces corps

 28   avaient fait, refait surface.


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  1   Aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu conclure que

  2   Djordjevic savait ou avait été impliqué dans les crimes et les inhumations

  3   survenus à l'origine au Kosovo, leur exhumation subséquente et leur

  4   transport en secret vers la Serbie. En effet, en l'absence d'une telle,

  5   l'absence d'une telle opération à Podujevo est tout à fait parlante à cet

  6   égard. Les actes de Djordjevic ne visaient donc pas spécifiquement la

  7   commission de crimes à l'encontre des Albanais du Kosovo, si cela avait été

  8   le cas, il aurait certainement eu une opération de dissimulation à

  9   Podujevo.

 10   Quant à Batajnica, l'agencement temporel des informations reçues par

 11   Djordjevic et de ses actes n'est pas pertinent. Nous suggérons encore une

 12   fois que les conclusions de la Chambre de première instance ont fluctué au

 13   cours du jugement. Par exemple, au paragraphe 1347, la Chambre a conclu que

 14   M. Djordjevic était au courant du fait que des camions étaient envoyés de

 15   Tekija à Batajnica. Mais au paragraphe 1356, ceci se transforme Djordjevic

 16   a ordonné que les camions partent de Tekija vers Batajnica. Il y a là une

 17   différence tout à fait claire.

 18   De façon similaire, il y a la question de savoir si Djordjevic a participé

 19   à l'envoi de camions à Batajnica ou s'il n'a pas été plus que simplement

 20   informé de l'arrivée de camions sur place, pour ensuite prendre des

 21   dispositions de ré-inhumation. A ce sujet, paragraphe 1337 du jugement, la

 22   Chambre conclut que Djordjevic aurait dit à K87 à l'avance qu'il l'aurait

 23   informé à l'avance de chacune des arrivées. Mais il y a également la note

 24   de bas de page qui renvoie à la pièce P1715, paragraphe 21, et aux pages du

 25   compte rendu 14 174 et 175. Si vous examinez ces éléments de preuve, vous

 26   verrez que nulle part il n'est suggéré que Djordjevic ait été au courant à

 27   l'avance que des camions allaient arriver.

 28   L'importance de ceci que Djordjevic était plus éloigné de l'opération de


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  1   dissimulation que la Chambre de première instance n'y a conclu. Certes, il

  2   y a été impliqué, sa conduite est critiquable.  Mais ce que ces éléments de

  3   preuve permettent de lui imputer est au maximum de l'ordre d'une erreur de

  4   jugement fait à posteriori, et dans un état de panique relatif.

  5   Alors je souhaiterais maintenant passer brièvement passer au droit

  6   applicable en matière d'éléments visant spécifiquement dans le contexte des

  7   opérations de dissimulation et des omissions.

  8   Aux paragraphes 1032 et 1083 du jugement en première instance dans

  9   l'affaire Popovic, il est indiqué que les opérations de ré-inhumation ne

 10   sont pas des crimes en eux-mêmes visés par le Statut. Un accusé n'est pas

 11   tenu responsable de telle ré-inhumation, toute participation à des ré-

 12   inhumation est plutôt un élément dont le poids doit être évalué, le poids à

 13   charge doit être évalué au moment de la question de savoir si l'accusé doit

 14   être tenu responsable du décès antérieur des individus concernés. Nous

 15   avançons des arguments similaires aux paragraphes 239 à 243 de notre

 16   mémoire.

 17   L'approche dans l'affaire Popovic n'a rien de nouveau. Elle est

 18   cohérente avec le jugement Blagojevic, paragraphes 731 à 745. Dans

 19   l'affaire Blagojevic, en effet, la Chambre de première instance a conclu

 20   qu'une opération de ré-inhumation avait eu lieu après qu'il n'y ait pas eu

 21   -- après qu'il n'y a pas eu en réalité d'accord au sujet des événements de

 22   Srebrenica, au moment des meurtres qui étaient commis. La Chambre de

 23   première instance a donc considéré qu'un accord préalable devait exister

 24   entre la personne responsable principale -- l'auteur principal et la

 25   personne qui apporte une aide ou un encouragement ultérieur. Donc si la  --

 26   la Chambre de première instance dans l'affaire Blagojevic a exigé qu'un

 27   accord préalable soit survenu entre la personne qui a encouragé l'auteur

 28   principal pour que l'on puisse considérer que des actes commis après le


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  1   crime sous-jacent constitue une forme d'aide et d'encouragement.

  2   De façon similaire, dans l'affaire Aleksovski, la Chambre de première

  3   instance a considéré que l'aide et l'encouragement pouvaient intervenir

  4   après la commission du crime, cependant la Chambre a souligné que ceci

  5   devait avoir été  promis à l'avance, devait avoir promis de faire, de se

  6   livrer à certains actes après la commission du crime. Nous appuyons

  7   également sur le jugement qui se trouve  [inaudible] et ce qui y a été

  8   décidé moins de deux semaines après le jugement Blagojevic, dans l'affaire

  9   Strugar. L'Accusation avait avancé que l'accusé n'avait pas sanctionné ses

 10   soldats pour avoir bombardé la vieille ville de Dubrovnik, et que ceci

 11   était assimilé, pouvait être assimilé à une forme d'aide et encouragement

 12   au bombardement. La Chambre de première instance n'a pas été convaincue que

 13   ce comportement pouvait avoir un effet important sur la commission des

 14   crimes survenues antérieurement et, par conséquent, à refusé de déclarer

 15   Strugar coupable en vertu d'une forme d'aide et d'encouragement, Strugar a

 16   plutôt été condamné au titre de sa responsabilité de supérieur

 17   hiérarchique.

 18   Manifestement, cette approche, dans plusieurs autres affaires, vous n'êtes

 19   pas tenus par elle, mais nous suggérons qu'il est intéressant de voir que

 20   des jugements en première instance qui ont impliqué neuf Juges différents

 21   sont parvenus au même critère, et les mêmes critères ont été appliqués

 22   lorsqu'une aide a été fournie après la commission d'un crime. Nous

 23   affirmons qu'avec une opération de réanimation et de dissimulation, il faut

 24   apporter une démonstration explicite de la façon dont ces actes ont affecté

 25   directement le crime survenu antérieurement.

 26   Nous avançons ici que si l'on essaie d'appliquer les critères de

 27   l'arrêt Perisic aux opérations de dissimulation ou au manquement à punir,

 28   eh bien, il faut identifier de quelle façon la dissimulation a encouragé


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  1   les auteurs à commettre des crimes. Et cela va au-delà de ce qui consiste

  2   simplement à fournir une aide pour que l'auteur puisse ne pas être traduit

  3   en justice. Et vous aurez bien du mal, je pense, à trouver cet accord entre

  4   l'auteur et la personne qui aide et encourage, en tout cas, bien plus

  5   souvent que l'inverse.

  6   La Chambre de première instance aurait dû évaluer le poids à attribuer à

  7   cette suggestion suivant laquelle Djordjevic aurait été présent lors de

  8   réunions particulièrement graves, et ce, à la lumière de l'enchaînement

  9   manifestement contradictoire des événements à Podujevo. Selon nous, la

 10   déduction de tout accord ou tout plan secret n'aurait jamais dû être faite,

 11   en effet. Et au lieu de cela, la déduction raisonnable reste celle

 12   consistant à dire que la conduite de Djordjevic ne visait pas

 13   spécifiquement à la commission de crimes.

 14   Nous voyons quelle peut être la force de l'argument de la partie adverse,

 15   mais cela est assez difficile à appliquer aux faits en l'espèce.

 16   Premièrement, il n'est pas possible de condamner Djordjevic pour des

 17   crimes survenus avant le 8 avril sur ce fondement. Deuxièmement, nous

 18   suggérons qu'il est nécessaire d'identifier à quel crime exactement

 19   Djordjevic est censé avoir apporté son concours et à quel endroit. Nous

 20   affirmons dans notre mémoire en appel que cette partie du jugement a fait

 21   l'objet d'un raisonnement à ce point inadéquat qu'à tout le moins, une

 22   approche équitable ne peut consister qu'à annuler toutes les condamnations

 23   dont a fait l'objet M. Djordjevic pour aide et encouragement. Nous disons

 24   que s'il y avait eu des conclusions auxquelles on était parvenu de façon

 25   minutieuse au sujet de l'aide et l'encouragement, nous aurions été en

 26   mesure de les attaquer en appel. Nous aurions, par exemple, remis en

 27   question toute suggestion que la dissimulation des corps provenant d'un

 28   lieu signifiait qu'une personne apportait son aide et son encouragement à


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  1   la destruction arbitraire survenue à d'autres lieux, à une autre date.

  2   La question et le débat ici, selon nous, c'est celle de savoir si la

  3   conduite de Djordjevic ne serait peut-être pas envisagée de façon plus

  4   cohérente dans le contexte de l'article 7(3) plutôt que de l'article 7(1),

  5   notamment lorsqu'il devient clair que la Chambre de première instance n'a

  6   pas appliqué les critères pertinents. Notre approche est tout à fait claire

  7   à ce sujet.

  8   Alors, je ne sais pas s'il y a des questions à ce stade -- et je conclus

  9   par ces termes -- ma réponse à la seconde question de la Chambre. J'ai des

 10   arguments beaucoup plus brefs au sujet des troisième et quatrième

 11   questions, en fait.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je crois que c'est le bon moment.

 13   Nous avons rattrapé le temps perdu et nous reprendrons nos débats à 11

 14   heures et nous entendrons la suite de vos arguments à ce moment-là.

 15   --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

 16   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 18   M. HOPKINS : [interprétation] Très bien. Je passe donc à la troisième

 19   question posée par la Chambre d'appel, à savoir aborder le rapport entre le

 20   troisième [comme interprété]  moyen d'appel de Djordjevic en faisant

 21   référence au compte rendu d'audience par rapport à la question de savoir si

 22   l'établissement du crime d'expulsion en droit international peut être fondé

 23   sur l'existence d'une frontière de facto entre le Kosovo et le Monténégro.

 24   Alors, voici notre argument. Compris au sens propre, l'expulsion est

 25   le mouvement forcé d'une personne d'un territoire contrôlé par une partie

 26   vers le territoire contrôlé par une autre partie. D'habitude, ceci

 27   intervient par le franchissement d'une frontière internationale entre états

 28   -- c'est la configuration par défaut qui est sujette à des exceptions


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  1   limitées, mais aucune de ces exceptions n'est pertinente en l'espèce.

  2   Nous suggérons que cette définition est claire et facile à

  3   comprendre. Elle est cohérente avec la compréhension habituelle que l'on a

  4   de ce que cela signifie d'expulser quelqu'un, par exemple, le dictionnaire

  5   juridique Black définit l'expulsion comme, je cite :

  6   "Une situation de laquelle une personne est déplacée vers un autre

  7   Etat, notamment l'expulsion ou le transfert d'un étranger hors d'un pays."

  8   Ceci est à distinguer du crime de transfert forcé en tant qu'acte inhumain,

  9   qui est le mouvement forcé de personnes à l'intérieur d'un Etat.

 10   Vous nous avez demandé s'il y avait une frontière de facto qui existait

 11   entre le Kosovo et le Monténégro pendant la période couverte par l'acte

 12   d'accusation. Notre argument consiste à dire que la frontière séparant le

 13   Kosovo et le Monténégro était une frontière interne administrative et de

 14   jure à l'intérieur de la RFY. Cette frontière ne faisait que séparer la

 15   province du Kosovo de la République du Monténégro, qui était donc part de

 16   la RFY. Ceux qui ont quitté le Kosovo pour le Monténégro ont pu faire

 17   l'objet de transfert forcé mais ils n'ont pas été expulsés parce qu'ils

 18   restaient à tout instant à l'intérieur de la RFY.

 19   Alors je voudrais voir quelle lumière jette le droit international

 20   coutumier sur cette question. Il y a bien entendu un débat à ce sujet,

 21   entre autres dans l'arrêt Stakic, paragraphes 290 à 303, dans l'opinion

 22   dissidente du Juge Shahabuddeen dans la même affaire et dans l'opinion

 23   dissidente du Juge Schomburg dans l'affaire Naletilic. Nous n'allons pas

 24   revenir sur l'ensemble de ces éléments mais nous souhaiterions mettre en

 25   avant un ou deux points.

 26   Dans l'arrêt Stakic, il est indiqué que de nombreux instruments

 27   internationaux, tout en interdisant expressément l'expulsion, ne la

 28   définissent pas. Et de façon assez importante, l'arrêt Stakic a établi au


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  1   paragraphe 300 --

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Excusez-moi, vous parlez de l'arrêt ou

  3   du jugement Stakic ?

  4   M. HOPKINS : [interprétation] A l'arrêt, excusez-moi.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je le savais mais c'est mieux pour

  6   le compte rendu que ce soit clair.

  7   M. HOPKINS : [interprétation] Donc, l'arrêt Stakic, au paragraphe 300, a

  8   établi ce qu'il décrivait comme la configuration par défaut affirmant que

  9   cela exigeait le franchissement d'une frontière de jure, et nous disons que

 10   c'est là le point-clé, une frontière de jure vers un autre Etat. Donc, la

 11   Chambre d'appel dans l'affaire Stakic a reconnu que l'établissement du

 12   crime d'expulsion exigeait le franchissement d'une frontière avec un autre

 13   Etat.

 14   Ensuite, il est dit que la question de savoir si l'existence d'une

 15   frontière de facto est suffisante dans le cadre du crime de déportation

 16   devrait faire l'objet d'un examen au cas par cas. La Chambre d'appel a

 17   annulé une condamnation pour expulsion en deçà de lignes de front très

 18   mouvantes en affirmant que de maintenir cette condamnation aurait élargi la

 19   portée du crime d'expulsion tel qu'il existait en droit international

 20   coutumier.

 21   Alors, le Juge Shahabuddeen a exprimé une opinion dissidente par rapport au

 22   critère de la frontière, et nous souhaiterions revenir brièvement à son

 23   analyse tout à fait instructive. La question cruciale dans l'affaire Stakic

 24   était celle de savoir si un mouvement forcé en deçà d'une ligne de front

 25   mouvante pouvait ou non être considéré comme une expulsion. La Chambre

 26   d'appel a annulé la décision de la Chambre de première instance en décidant

 27   que cela n'était pas le cas. L'opinion dissidente du Juge Shahabuddeen

 28   procède de la compréhension qui était la sienne de l'essence même de


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  1   l'expulsion en tant que mouvement forcé du territoire contrôlé par une

  2   partie à celui contrôlé par une autre. Voir le paragraphe 69 de son opinion

  3   dissidente, je cite :

  4   "Lorsque l'on parle d'expulsion en deçà d'une frontière, c'est de

  5   'déplacement forcé' de civils qu'il s'agit; mais cela se produit également

  6   dans le cas où il y a déplacement forcé de civils d'un côté à l'autre d'une

  7   ligne de front séparant un secteur d'un Etat contrôlé par une partie d'un

  8   autre secteur du même Etat sous le contrôle de la partie adverse."

  9   Il distingue donc le transfert forcé, ici, parce que selon le Juge

 10   Shahabuddeen, ce que le contrevenant fait dans le cas de l'expulsion,

 11   c'est, dans les termes qu'utilise le Juge Shahabuddeen, de "se débarrasser"

 12   de personnes. C'est tout à fait significatif parce que lorsque les Albanais

 13   du Kosovo ont traversé la frontière avec le Monténégro, la RFY ne s'est pas

 14   débarrassée d'eux, si l'on s'exprime de façon peut-être un peu brutale. Ils

 15   sont restés dans ce qui était une partie de la République fédérale de

 16   Yougoslavie.

 17   Alors, le Juge Schomburg, dans l'affaire Naletilic, a pris position contre

 18   le critère du franchissement de la frontière, mais son opinion dissidente

 19   est de nature incidente. L'article 5D -- alors, nous devrions ici en fait

 20   attirer votre attention sur le fait que le Juge Schomburg relève avec

 21   justesse que le jugement de Nuremberg ne se concentre pas sur la

 22   destination du mouvement avant de condamner les dirigeants nazis

 23   d'expulsion. Nous avançons également que nombreux des procès de Nuremberg

 24   suivants ont apparemment rejeté le critère du franchissement de la

 25   frontière. Vous les trouverez résumés aux pages 218 à 220 d'un ouvrage

 26   récent écrit par Kevin Jon Heller.

 27   Mais avec tout le respect que nous vous devons, eh bien, nous avançons la

 28   chose suivante : lorsque l'on se penche sur ces différents procès, on ne


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  1   voit pas -- en fait, le terme d'expulsion n'est pas vraiment appliqué --

  2   l'accusé dans ces procès aurait très bien pu être simplement condamné pour

  3   transfert forcé et il est dangereux de trop s'appuyer sur ces jugements

  4   pour élucider le sens du terme d'"expulsion."

  5   Donc, nous affirmons que si l'on comprend correctement le terme d'expulsion

  6   en droit international coutumier, l'expulsion suppose un mouvement en deçà

  7   du territoire contrôlé par l'un des belligérants et vers le territoire

  8   contrôlé par un autre belligérant.

  9   En l'espèce, la Chambre de première instance a conclu que la frontière

 10   entre le Kosovo et le Monténégro était une frontière de facto, paragraphe

 11   1683 du jugement. La Chambre de première instance s'est appuyée sur

 12   l'autonomie précédente du Kosovo, le statut du Monténégro en tant que

 13   république, le conflit armé au Kosovo, ainsi que l'effet du déplacement sur

 14   les individus.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Une question, pourquoi doit-il s'agir

 16   d'un autre belligérant ? En d'autres termes, pourquoi limitez-vous le cas

 17   de l'expulsion au franchissement d'une frontière entre le territoire

 18   contrôlé par un belligérant vers le territoire contrôlé par un autre

 19   belligérant ? Ne trouverions-nous pas également des cas d'expulsion en

 20   passant d'un secteur ou d'un Etat vers un autre territoire en franchissant

 21   une frontière --

 22   M. HOPKINS : [interprétation] Oui, tout à fait.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] -- où il n'y a absolument pas de

 24   conflit ?

 25   M. HOPKINS : [interprétation] Oui, je le reconnais.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 27   M. HOPKINS : [interprétation] Mais tout en reconnaissant ceci, la personne

 28   est malgré tout transférée quelque part vers un territoire qui est sous le


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  1   contrôle d'une autre partie, d'un autre Etat, même s'il ne s'agit pas d'un

  2   belligérant.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

  4   M. LE JUGE KHAN : [interprétation] Excusez-moi.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le Juge Khan voudrait poser une

  6   question.

  7   M. LE JUGE KHAN : [interprétation] Lorsque vous parlez d'une "partie",

  8   qu'est-ce que vous entendez ?

  9   M. HOPKINS : [interprétation] Je parle d'un Etat en droit --

 10   internationalement reconnu.

 11   M. LE JUGE KHAN : [interprétation] Merci.

 12   M. HOPKINS : [interprétation] Je pense que ceci est cohérent avec le sens

 13   que l'on attribue communément au terme "expulsion."

 14   Et donc, je voudrais suggérer que la Chambre de première instance n'a pas

 15   correctement appliqué l'élément essentiel de l'expulsion qui, comme déjà

 16   avancé, est l'expulsion d'une personne vers le territoire contrôlé par une

 17   autre partie, un autre Etat. Le critère n'a pas été rempli lorsque des

 18   personnes ont été transférées du Kosovo au Monténégro. Nous avons bien du

 19   mal à voir de quelle façon le franchissement de cette frontière entre le

 20   Kosovo et le Monténégro se distingue de quelque façon que ce soit de la

 21   traversée des limites administratives entre municipalités au sein du

 22   Kosovo. La qualité de frontière de facto est pertinente à notre sens

 23   lorsqu'il s'agit de passer vers le territoire contrôlé par une autre

 24   partie. Et ceci ne s'est pas produit lorsque les Albanais du Kosovo sont

 25   allés au Monténégro.

 26   En fait, en 2013, de nos jours, la réponse serait assez différente, mais en

 27   1993 [comme interprété], la réponse est tout à fait claire. Pour commencer

 28   à parler de frontière de facto, il faut disposer d'éléments particuliers,


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  1   et tout ceci serait assez artificiel, à notre avis. Ce serait aller bien

  2   trop loin, à notre avis, et d'introduire une incertitude dans le droit

  3   applicable que de transformer ce qui est une frontière interne,

  4   administrative, de jure, en frontière de facto entre Etats.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites que le Kosovo et le

  6   Monténégro étaient contrôlés par la même partie ?

  7   M. HOPKINS : [interprétation] Ils étaient tous les deux sous le contrôle de

  8   la RFY.

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En 1999 ?

 10   M. HOPKINS : [interprétation] Oui, en 1999. La position, bien entendu,

 11   différente aujourd'hui.

 12   -- on nous demande aujourd'hui d'aborde le 16e moyen d'appel de Djordjevic,

 13   à savoir si l'acte d'accusation a imputé certains incidents. La réponse

 14   consiste à dire non. Si nous regardons chaque chef d'accusation relatif à

 15   ces incidents séparément.

 16   Le première est l'expulsion de Kladernica entre le 12 et le 15 avril 1999,

 17   et le paragraphe pertinent de l'Accusation est le 73(c) [comme interprété]

 18   expulsion où le village de Kladernica est évoqué car il a fait l'objet

 19   d'une attaque vers le 25 mars 1999, à savoir trois semaines avant. Vous

 20   remarquerez que Djordjevic a été condamné pour des transferts forcés dans

 21   le cadre de cette attaque - confer les paragraphes 1702, 1704, 1630, 1631 -

 22   mais l'attaque plus tardive de ce village ne figure tout simplement pas

 23   dans l'acte d'accusation.

 24   Ensuite, expulsion de Suva Reka entre le 7 et le 21 mai 1999. Le paragraphe

 25   pertinent de l'acte d'accusation est le 72(d), qui fait état d'événements

 26   qui se sont déroulés à Suva Reka le 25 et 26 mars pour lequel Djordjevic a

 27   été condamné séparément. Aucune -- ces événements ultérieurs ne sont

 28   absolument pas évoqués, événements ultérieurs qui se sont produits au mois


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  1   de mai ne sont pas évoqués dans l'acte d'accusation, et ceci restreint la

  2   période de temps à une date qui s'arrête au 1er avril, cela se trouve au

  3   paragraphe 72(d)(i).

  4   Ensuite le transfert forcé des villages de Brocna et de Tusilje entre les

  5   25 et le 26 mars et le 29 mars respectivement. Le paragraphe pertinent de

  6   l'acte d'accusation 72(c) où six villages sont évoqués. Brocna et Tusilje

  7   ne figurent pas.

  8   Ensuite, le transfert forcé du village de Cuska le 14 mai. Le paragraphe

  9   pertinent de l'acte d'accusation est le 72(e), où vous constatez que

 10   l'allégation est limitée à la ville de Pec le 27 et 28 mars.

 11   Ensuite, à Mala Krusa meurtre le 25 mars. Le paragraphe pertinent de l'acte

 12   d'accusation est le paragraphe 75(c), où il est fait référence à une maison

 13   inoccupée et 105 victimes sont identifiées à l'annexe C de l'acte

 14   d'accusation. Comme vous le savez, cet incident correspond au meurtre dans

 15   la grande de Batusa, mais Djordjevic a en outre été condamné pour le

 16   meurtre de neuf personnes qui ont été brûlées dans une autre maison un jour

 17   différent. Cet incident ne figure pas dans l'acte d'accusation.

 18   Et pour finir, le meurtre à Podujevo le 28 mars, il s'agit des Skorpions

 19   que nous avons déjà abordés aujourd'hui. Et le paragraphe pertinent est le

 20   71(l), où il est constaté qu'il y a une allégation que des femmes et des

 21   enfants ont été tués dans la cour, Djordjevic a en outre été condamné pour

 22   le meurtre de deux hommes dans un café à proximité et cet autre incident ne

 23   figure pas dans l'acte d'accusation.

 24   Les persécutions sous la forme de meurtre de plus de 100 personnes à Pusto

 25   Selo le 31 mars 1999. Et on constate que les persécutions sont identifiées

 26   au paragraphe 77(c) de l'acte d'accusation qui fait mention en arrière aux

 27   paragraphes 27 et 28 de et 75. Les meurtres d'Orahovac sont identifiés aux

 28   paragraphes 75(b) et (c) à la date du 25 mars 1999. Donc on ne mentionne


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  1   absolument pas Pusto Selo ou quelque chose qui puisse ressembler à cet

  2   événement de près ou de loin.

  3   Donc nous avons brièvement résumé la manière dont ces incidents ne figurent

  4   pas à l'acte d'accusation. Nos arguments en la matière sont extrêmement

  5   importants. Nous faisons valoir que la forme de l'acte d'accusation en

  6   l'espèce ainsi que le contexte dans lequel cet acte d'accusation a été

  7   rédigé revête une importance certaine. Tout d'abord pour ce qui est de la

  8   forme, nous faisons valoir qu'il ne s'agissait pas d'un acte d'accusation

  9   vague et qui pouvait être remédié. Il s'agissait d'un acte d'accusation

 10   extrêmement spécifique. Qui à juste titre identifier des endroits précis

 11   ainsi que des dates, et à ainsi de façon aussi explicite et claire, un

 12   accusé doit être en mesure de pouvoir se reporter ou se fonder dessus.

 13   Parlons maintenant du contexte dans lequel l'acte d'accusation en vigueur a

 14   été terminé ou conclu, il s'agissait du quatrième acte d'accusation

 15   modifié. Ceci a été confirmé en juillet 2008, et il s'agit pour l'essentiel

 16   du même acte d'accusation que celui de l'accusé Milutinovic à quelques

 17   amendements près il s'agit de la même chose, y compris l'incident de

 18   Podujevo. L'Accusation a déposé son mémoire préalable le 1er septembre

 19   2008, et le procès de Djordjevic a commencé le 27 janvier 2009.

 20   Dans le contexte pertinent qui nous intéresse nous nous reposons sur le

 21   fait que le bureau du Procureur a déposé sa mémoire en clôture dans

 22   Milutinovic le 15 juillet 2008, une semaine après qu'elle ait terminé ou

 23   présenté le quatrième acte d'accusation. Et nous disons que ceci est

 24   pertinent parce que le bureau du Procureur devait certainement savoir

 25   quelles allégations cette dernière souhaitait utiliser ou reprocher à

 26   Djordjevic, et ces allégations se retrouvent dans le quatrième acte

 27   d'accusation modifié.

 28   Nous ne comprenons pas pourquoi si l'Accusation souhaitait imputer


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  1   Djordjevic ou le déclarer coupable de crime additionnel pourquoi

  2   l'Accusation ne pouvait pas les inclure dans le quatrième acte d'accusation

  3   modifié. Et cela ne perturbe aussi car nous ne comprenons pas pourquoi en

  4   l'espèce au paragraphe 322 dans son mémoire en réplique, l'Accusation

  5   indique que les -- à notre appel, l'Accusation fait valoir de façon

  6   confidentielle, par exemple, l'expulsion de Tusilje le 29 mars 1999, était

  7   couvert par l'acte d'accusation. Et laisse entendre que la Chambre de

  8   première instance dans son jugement n'a pas procédé à des conclusions plus

  9   détaillées. Mais dans l'appel Sainovic, l'Accusation était d'accord pour

 10   dire que Tusilje aurait dû être plaidé dans l'acte d'accusation et aucune

 11   mesure corrective ne pouvait être prise dans le mémoire préalable et dans

 12   les dépositions d'écriture en vertu de l'article 65 ter. Vous pouvez

 13   constater cela à la page du compte rendu d'audience, le 11 mars 2013, page

 14   240.

 15   Donc l'Accusation n'a pas modifié le quatrième acte d'accusation contre

 16   Djordjevic pour englober ces allégations supplémentaires. Ils ont

 17   certainement fait un choix délibéré. Disposaient de toutes les déclarations

 18   de témoin, de toutes les informations nécessaires. Et le procès Milutinovic

 19   était terminé à propos des mêmes événements. Et nous demandons à la Chambre

 20   d'appel d'affirmer l'importance de l'acte d'accusation. Et ce Tribunal ne

 21   doit pas permettre à l'Accusation de déposer un acte d'accusation après

 22   avoir considéré de façon minutieuse et fait un choix délibéré et ensuite de

 23   prononcer des condamnations supplémentaires. Même si certains de ces crimes

 24   sont mentionnés quelque part dans des déclarations de témoin ou qu'il

 25   s'agisse de résumé de témoin de l'Accusation ou de la mémoire en l'espèce,

 26   nous faisons valoir que cela ne fait aucune différence en raison du

 27   contexte.

 28   Et donc j'en ai terminé avec mes arguments à propos de la quatrième


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  1   question. Et s'il n'y a pas de question des Juges de la Chambre, ma consœur

  2   va aborder la cinquième question.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il n'y a pas d'autre question, Miss

  4   O'Leary.

  5   Mme O'LEARY : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je

  6   m'appelle Marie O'Leary et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de

  7   [inaudible] les Juges de la Chambre. Je vais parler des moyens en appel 18

  8   et 19 de l'appel, et en particulier les condamnations concurrentes.

  9   Dans sa cinquième question, la Chambre d'appel a demandé aux parties

 10   d'aborder, par rapport à un moyen d'appel et référence des conclusions à la

 11   Chambre de première instance, la commission et la participation à une

 12   entreprise criminelle commune et la complicité par aide et encouragement

 13   fondée sur un même comportement doit illustrer l'ensemble du comportement

 14   de Djordjevic. En bref, la réponse est non. Personne, que ce soit la

 15   Chambre de première instance ou le jugement ou l'Accusation dans sa

 16   réplique, personne n'a encore pu indiquer quel facteur complémentaire qui a

 17   été pris en compte lors d'une condamnation n'a pas été prise en compte dans

 18   une condamnation et qui permettrait de mieux illustrer son comportement.

 19   Nous faisons valoir que c'est tout à fait l'inverse. Comme vous l'avez lu

 20   dans notre mémoire, la Défense fait valoir que ces soumissions

 21   concomitantes constituent une erreur de droit pour lequel nous sollicitons

 22   des mesures de la part de la Chambre d'appel. Et d'emblée les arguments de

 23   la Défense concernant les arguments concernant les condamnations

 24   concomitantes doivent tenir compte de deux éléments, et il est indéniable

 25   que Vlastimir Djordjevic a été condamné deux fois pour le même

 26   comportement. Outre le libellé clair utilisé dans nos dispositifs, aux 2230

 27   et 2231 qui énumèrent clairement deux modes de responsabilité pour chaque

 28   chef, il est clair que la Chambre de première instance dans sa déclaration


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  1   au paragraphe et son jugement 2214, il déclare qu'au moment de déterminer

  2   la peine en conséquence, il a tenu compte d'une responsabilité en vertu de

  3   l'entreprise criminelle commune I,  en se fondant sur des facteurs

  4   aggravants, et la responsabilité de supérieur hiérarchique. Elle a

  5   également tenu compte du fait que : "Le comportement de l'accusé était tel

  6   qu'il était tenu responsable également -- qu'il était responsable et

  7   déclaré coupable puni pour avoir aidé et encouragé les crimes établis."

  8   C'est ce libellé qui distingue cette affaire de l'affaire récente Galete,

  9   où la Chambre d'appel a déterminé qu'une simple référence à d'autres modes

 10   de responsabilité n'ont pas donné lieu à des condamnations supplémentaires.

 11   Cela ne fait pas l'ombre d'un doute que M. Djordjevic a été condamné

 12   en vertu de deux modes de responsabilité pour chacun des cinq chefs.  Et il

 13   est indéniable que la peine unique rendue par la Chambre de première

 14   instance illustre cette double condamnation.

 15   La deuxième chose dont il faut tenir compte, et qui est primordial

 16   concernant le fait de contester les condamnations concomitantes, la Défense

 17   ne conteste pas le fait qu'il puisse y avoir des condamnations multiples en

 18   vertu de l'Article 7(1) du Statut du Tribunal. Je soulève cette question

 19   car l'Accusation a laissé entendre qu'il s'agissait d'une question qui

 20   faisait l'objet de l'appel, aux paragraphes 373 et 377 de leur réplique.

 21   Ceci n'est pas le cas. Nous faisons valoir que des modes de responsabilité

 22   spécifiques relatifs à l'entreprise criminelle commune et d'aider et

 23   d'encourager ne sont pas admissibles pour ce qui est de condamnation

 24   concomitante s'agissant du même comportement.

 25   Dans nos arguments écrits, les deux parties ont indiqué que les

 26   condamnations concomitantes au titre de l'article entreprise criminelle

 27   commune 1, le fait d'aider et d'encourager n'ont pas été soumise aux Juges

 28   de la Chambre. Et pourquoi, parce que nous pouvons affirmer que Vlastimir


Page 105

  1   Djordjevic a été la première personne condamnée en vertu de ces deux modes

  2   de responsabilité spécifique pour le même comportement.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame O'Leary, je n'ai pas

  4   entendu de réclamation de la part des interprètes, mais à mon avis, vous

  5   lisez trop vite voir même trop vite pour moi.

  6   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc je faisais un signe de la tête, et

  8   je vais vous demander de bien vouloir ralentir, s'il vous plaît.

  9   Mme O'LEARY : [interprétation] Je vous remercie, pardonnez-moi.

 10   Alors comme nous en avons longuement parlé dans notre mémoire et notre

 11   réponse, le procès pour lequel se reposait la Chambre de première instance

 12   et pour mieux illustrer cette double condamnation, qui illustre au mieux

 13   son comportement, Nahimana, Ndindabahizi, et Kamuhanda ne sont pas utiles.

 14   Il ne s'agit pas d'affaires qui relèvent de l'entreprise criminelle

 15   commune. Et si nous allons plus loin, nous constatons que ces affaires sont

 16   fondées sur les condamnations concomitantes. Jugement en première instance

 17   Akayesu, au paragraphe 468, il est indiqué que des condamnations

 18   concomitantes sont autorisées lorsqu'il s'agit d'une même série de faits

 19   dans trois circonstances bien spécifiques, la troisième étant là où il est

 20   nécessaire de prononcer "une déclaration de culpabilité pour les deux

 21   crimes pour décrire complètement ce que l'accusé a fait."

 22   Et poursuit :

 23   "Cependant, la Chambre de première instance constate qu'il n'est pas

 24   justifié de condamner un accusé pour deux crimes par rapport à une même

 25   série de faits lorsqu'un crime l'accuse d'une complicité par aide et

 26   encouragement, et l'autre crime l'accuse de responsabilité en tant

 27   qu'auteur principal."

 28   Cette même Chambre a autorisé les condamnations concomitantes sur la


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  1   base des mêmes faits pour mieux illustrer la totalité du comportement de

  2   l'accusé, mais a interdit les condamnations concomitantes au titre de

  3   l'entreprise criminelle commune et la responsabilité en tant que principal

  4   ou en tant que complice.

  5   Une fois qu'ont été constatés la commission à des crimes par le biais

  6   d'une participation à l'entreprise criminelle commune, et si ceci est

  7   établi de façon correcte, ceux-ci sont compris ou englobés. Et les Chambres

  8   de première instance n'ont pas encore adopté cette pratique, à savoir de ne

  9   pas condamner sur d'autres modes de responsabilité éventuelle. Confer le

 10   jugement de première instance Stanisic Zupljanin, volume II, paragraphe 529

 11   et 780 ; dans le jugement de première instance de Gotovina aux paragraphes

 12   2375 et 2587; et dans le procès Tolimir, jugement en première instance,

 13   paragraphe 1174. En déclarant qu'elle n'allait pas condamner davantage sur

 14   le fondement de d'autres modes de responsabilité, après avoir condamné

 15   l'accusé pour une participation à l'entreprise criminelle commune, la

 16   Chambre dans Tolimir a de façon spécifique fait référence à Milutinovic et

 17   consorts, jurisprudence qui a été citée dans notre mémoire.

 18   Avec l'entreprise criminelle commune et la complicité, on en arrive

 19   aux fondamentaux de ces modes de responsabilité. Dans un cas,

 20   responsabilité en tant qu'auteur principal, et dans un autre cas, auteur ou

 21   responsable en tant qu'auteur. Et l'auteur principal ne peut pas être

 22   complice pour les mêmes crimes de même que vice-versa. Et comment se fait-

 23   il que dans cette Chambre d'appel nous avons entendu parler de cette

 24   question, à savoir de condamnation concomitante ? Parce que la Chambre de

 25   première instance pensait qu'il s'agit d'une erreur juridique que de

 26   condamner un accusé deux fois, et nous demandons à cette Chambre de

 27   remédier à cela.

 28   Alors pour en arriver en substance à la question numéro cinq, les


Page 107

  1   condamnations concomitantes ne permettent pas d'illustrer l'ensemble du

  2   comportement de Djordjevic. Et nous maintenons tous les autres moyens

  3   d'appel qui ont été présentés. La Chambre de première instance n'a pas

  4   fourni d'opinion motivée pour nous dire comment ces doubles convictions

  5   pourraient mieux refléter l'ensemble de son comportement. Ce qui est encore

  6   plus important, si nous regardons le comportement spécifique analysé par la

  7   Chambre, il n'y a pas un seul fait complémentaire qui a été avancé pour le

  8   condamner en tant que complice. Au paragraphe 2163, il est dit, et je cite

  9   :

 10   "L'accusé a agi en vue d'aider à la commission de ces crimes," mais

 11   ensuite elle poursuit en disant, "compte tenu de ces conclusions

 12   antérieures sur son comportement" il s'agissait là du fondement de sa

 13   responsabilité dans le cadre de l'entreprise criminelle commune, à savoir

 14   le fait de ne pas avoir enquêté ou d'avoir dissimulé les crimes. Le

 15   comportement cité, qui correspond à l'élément matériel pour avoir aidé et

 16   encouragé, aux paragraphes 2163 et 2194, est identique au comportement

 17   établi pour l'élément matériel d'une contribution importante à l'entreprise

 18   criminelle commune, aux paragraphes 2155 à 2157.

 19   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation] 

 20   Mme O'LEARY : [interprétation] Pardonnez-moi.

 21   Au paragraphe 149, l'arrêt Gotovina a noté qu'une conclusion de

 22   contribution importante n'équivaut pas à une contribution importante pour

 23   aider et encourager. Dans le jugement de Djordjevic, aucune explication

 24   n'est fournie sur la manière dont cette conclusion a été établie. Comment

 25   il a contribué de manière significative à l'entreprise  criminelle commune,

 26   au paragraphe 2157, et au paragraphe ou comment ceci a été transformé en

 27   effet important au paragraphe 2163, ou comment il a facilité de manière

 28   importante, ce sont les termes utilisés aux paragraphes 2194.


Page 108

  1   Alors cela dit, la question des condamnations concomitantes n'a pas

  2   permis de mieux illustrer le comportement et pour établir l'élément moral

  3   de l'accusé.

  4   Au paragraphe 2158 - et c'est très évocateur - la Chambre de première

  5   instance a conclu que -- les Chambres de première instance ont conclu à

  6   l'entreprise criminelle commune numéro I, et l'élément moral s'y rattachant

  7   en se fondant sur des conclusions tenues à propos des crimes de Djordjevic,

  8   ont constaté qu'il y avait un manquement parce qu'il n'avait pas enquêté et

  9   qu'il avait dissimulé des crimes, ont été commis en toute connaissance de

 10   cause, et je cite, "que des crimes avaient été commis par les forces serbes

 11   au Kosovo."

 12   [inaudible] le caractère d'une telle, la nature d'une telle

 13   dissimulation ou le manque d'enquête, ceci comprend forcément une

 14   connaissance des crimes, connaissance qui n'indique pas qu'il travaillait

 15   avec d'autres personnes dans le cadre d'un objectif commun, et encore moins

 16   qu'il y ait une intention persécutoire spécifique nécessaire pour le crime

 17   de persécution. Madame, Messieurs les Juges, l'intention peut découler de

 18   circonstances ou d'une connaissance ou des actes, mais cela doit être

 19   établi au-delà de tout doute raisonnable. Cela doit être la seule

 20   conclusion raisonnable.

 21   Cependant, Madame, Messieurs les Juges, il y a un doute raisonnable dans

 22   l'analyse faite par la Chambre de première instance. Paragraphe 2158, la

 23   Chambre de première instance déclare qu'elle n'est pas convaincue qu'il y a

 24   entreprise criminelle commune au titre I et aurait dû être convaincue qu'il

 25   y a avait une intention, une connaissance des crimes commis et un risque

 26   délibéré au titre de l'entreprise criminelle commune numéro III.

 27   Au paragraphe 2158, ceci est très évocateur car il y a une conclusion

 28   relative à l'élément moral qu'il y a entreprise criminelle commune II ou


Page 109

  1   III. Il savait que ses actes facilitaient la commission de crimes.

  2   Madame, Messieurs les Juges, nous faisons valoir qu'il y a trois niveaux

  3   d'élément moral ici : la première, l'intention; la seconde, l'imprudence;

  4   et troisièmement, la prise de conscience ou la connaissance. Ce, Madame,

  5   Messieurs les Juges, ne permet pas d'établir qu'au-delà de tout doute

  6   raisonnable, il existe les éléments moraux nécessaires pour déclarer

  7   coupable l'accusé. Comme cela est énoncé aux moyens 10 et 11 dans notre

  8   mémoire, la Chambre de première instance n'a pas conclu de façon suffisante

  9   pour dire qu'il y avait des éléments relatifs à l'élément moral qui

 10   pouvaient être retenus requis pour l'entreprise criminelle commune ou le

 11   fait d'aider et encourager.

 12   Et ceci ne permet pas d'illustrer l'ensemble du comportement de Djordjevic,

 13   c'est tout le contraire. Nous réfléchissons sur l'intention qui a été

 14   déclarée au-delà de tout doute raisonnable. Le problème qui se pose au

 15   niveau de ces condamnations concomitantes, Madame, Messieurs les Juges, ne

 16   porte pas sur les nuances de contribution importante par opposition à effet

 17   important, cela ne porte pas sur l'élément matériel. Mais c'est le manque

 18   de conclusions concrètes à propos de l'élément moral pour chacune de ces

 19   condamnations, et cet état d'esprit doit être défini au-delà de tout doute

 20   raisonnable pour une condamnation, et si vous ne le faites pas, vous

 21   supprimez l'élément moral du droit pénal.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous ai vu regarder votre montre. Il

 23   vous reste six minutes environ.

 24   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci.

 25   Donc, cette erreur est importante à trois titres : premièrement, le droit

 26   est incorrect de façon générale et ne doit pas perpétuer notre

 27   jurisprudence. Ce n'est pas ce qui a été envisagé, l'expression qui

 28   illustre au mieux l'ensemble du comportement de l'accusé dans la


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  1   conclusion, et ce qui est dangereux, parce que les éléments mentaux

  2   deviennent flous, ceux qui sont requis supérieur les modes de

  3   responsabilité distincts.

  4   Ceci est un droit incorrect en l'espèce et doit être remédié. Il ne s'agit

  5   pas d'une contestation de notre part purement théorique. C'est une affaire

  6   contre une personne, un procès contre quelqu'un, Vlastimir Djordjevic,

  7   d'une condamnation concomitante porte un préjudice non pertinent. Confer

  8   l'arrêt en appel Krstic, paragraphe 217, et développé dans l'arrêt Kunarac.

  9   Je viendrai à la question du prononcé de l'appel dans quelques instants.

 10   Au moyen 18(B), concernant le cumul de condamnations, que nous contestons,

 11   nous disons que les crimes reprochés sont des crimes indépendants

 12   d'assassinats, d'expulsions, de transferts forcés, outre les crimes de

 13   persécution aux chefs 1, 2, 3, et la Chambre de première instance a rendu

 14   une condamnation -- a procédé à un cumul de déclarations au chef 5. Donc,

 15   le commentaire sur les jugements récents du Tribunal dans l'affaire

 16   Stanisic et Zupljanin, la Chambre de première instance a constaté

 17   exactement ceci : expulsion, transfert forcé, assassinat, crime contre

 18   l'humanité sont inadmissibles car ils sont cumulés -- ont été constatés

 19   comme représentant les actes sous-jacents de persécution. En refusant de

 20   condamner de façon distincte pour des chefs indépendants dans Stanisic et

 21   Zupljanin, la Chambre de première instance a clairement indiqué que cela

 22   conduirait à condamner un accusé deux fois pour les mêmes crimes. Tome II,

 23   paragraphe 912.

 24   Madame, Messieurs les Juges, la Chambre d'appel a déclaré ici, et c'est

 25   inadmissible, dans Jokic, Miodrag, prononcé de l'appel en l'espèce, il a

 26   été condamné pour son comportement et sanctionné deux fois. Paragraphe 2214

 27   du jugement en première instance.

 28   Madame, Messieurs les Juges, nous vous demandons au minimum de supprimer


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  1   trois chefs d'accusation et un mode de responsabilité compte tenu des faits

  2   et des condamnations concomitantes inadmissibles ainsi qu'un cumul de

  3   déclarations de culpabilité. Il y a un facteur important qui a été pris en

  4   compte lors du prononcé d'une peine unique et ceci a donné lieu à une

  5   augmentation de sa peine.

  6   Nous avons en outre indiqué qu'il y a eu des erreurs au chef 19 dans notre

  7   mémoire et nous vous demandons de tenir compte de l'ensemble du

  8   comportement de M. Djordjevic, en particulier à la lumière des moyens

  9   d'appel que nous venons de présenter, et d'annuler les deux condamnations

 10   au titre de l'entreprise criminelle commune pour avoir aidé et encouragé,

 11   et ceci n'a pas été constaté comme il se soit. Donc, les erreurs de droit

 12   qui invalident le jugement.S'il n'y a pas d'autres questions --

 13   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 14   M. DJURDJIC : [interprétation] Bonjour à vous et amis de l'Accusation.

 15   Alors, lorsque nous vous avons d'abord présenté ce matin, nous avons dit

 16   que la responsabilité de Djordjevic était exagérée. Nous avons dit que sa

 17   peine est trop dure. Alors, si nous prenons un petit peu de recul et si

 18   nous regardons l'ensemble du puzzle sur lequel se sont fondés les Juges de

 19   la Chambre, nous voyons au mieux un homme qui n'en a pas fait assez plutôt

 20   que quelqu'un qui avait une intention ou disposait d'une intention

 21   criminelle. Un homme qui était éloigné de l'endroit où il y avait le chaos

 22   qui a été créé par d'autres personnes et qui effectivement a essayé de

 23   dissimuler certaines choses. Son rôle était un rôle qui n'était qu'un rôle

 24   mineur.

 25   Et nous faisons valoir qu'il y a des erreurs de droit et de fait, très

 26   importantes, un manque d'opinion motivée, et pour ses condamnations, rend

 27   ce jugement en première instance nul et non avenu -- invalide, et tous les

 28   chefs retenus contre M. Djordjevic dans l'acte d'accusation doivent être


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  1   annulés.

  2   Si M. Djordjevic doit néanmoins être condamné, nous faisons valoir que la

  3   façon la plus logique et cohérente de procéder consisterait à appliquer

  4   l'article 7(3) du Statut et seulement pour sa connaissance requise et

  5   aurait dû emprunter une autre voie.

  6   Nous faisons valoir, donc, qu'il s'agit de conclusions par rapport à des

  7   omissions et sa connaissance qui sont à l'origine de sa culpabilité plutôt

  8   que de retenir ses actes et son intention réelle. Si vous estimez que sa

  9   culpabilité doit être retenue, nous faisons valoir que cela doit se faire

 10   sur une base restreinte et exige une réduction de peine. En quelques mots,

 11   ce que nous proposons, c'est que la Chambre de première instance fait

 12   valoir que Djordjevic a joué un rôle plus important que Lukic, Pavkovic et

 13   Sainovic. Alors, ceci ne tient pas la route. Pour ce qui est des

 14   conclusions -- dans le cas de Djordjevic, la Chambre de première instance

 15   n'a même pas examiné minutieusement le rôle de ces personnes en détail, et

 16   a encore moins pris en compte de façon systématique son rôle dans

 17   l'entreprise criminelle commune.

 18    Même si le rôle de Djordjevic mérite certaines critiques, il était

 19   beaucoup moins impliqué au Kosovo en 1999 que le conclut la Chambre de

 20   première instance. Donc, il y a des erreurs de droit et de fait manifestes

 21   dans le jugement qui, nous faisons valoir, doivent être corrigées par la

 22   Chambre d'appel de façon à réduire de manière significative la peine qui a

 23   été prononcée.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Djurdjic.

 25   Maintenant nous allons passer à la réplique de l'Accusation -- M. le Juge

 26   Tuzmukhamedov a une question à poser.

 27   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Merci. Je vais poser la

 28   question et il appartiendra au conseil principal de décider qui parmi ses


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  1   collaborateurs fort compétents sera le plus à même de répondre à ma

  2   question. Voilà quelle est ma question : au paragraphe 2134 du jugement en

  3   première instance, la Chambre de première instance conclut que les éléments

  4   de preuve confirment que l'entreprise criminelle commune à laquelle

  5   participait votre client a été constituée au plus tard à la mi-janvier

  6   1999, et un peu plus loin dans le jugement, il est indiqué que cette

  7   entreprise criminelle commune aurait peut-être existé avant cette période -

  8   - avant cette date. Donc, j'ai une question en deux volets à poser.

  9   Premièrement, est-ce que vous pourriez indiquer aux Juges de la Chambre

 10   d'appel, où est-ce que dans le jugement en première instance il est indiqué

 11   que la Chambre de première instance a conclu au-delà de tout doute

 12   raisonnable qu'une entreprise criminelle commune à laquelle participait

 13   votre client aurait existé avant la mi-janvier 1999 ? Et si la réponse à

 14   cette première question est négative, est-ce que vous pourriez alors et -

 15   j'en viens à ma deuxième question - m'indiquer dans le jugement en première

 16   instance où nous pouvons trouver des exemples que la Chambre de première

 17   instance a imposée une responsabilité pénale à votre client pour ce qui est

 18   d'événements qui ont eu lieu avant la mi-janvier 1999 ? Merci.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Hopkins, oui, je vous prie.

 20   M. HOPKINS : [interprétation] Pour ce qui est de la première partie de

 21   votre question, la Chambre de première instance a conclu et vous avez cité

 22   le paragraphe a conclu que la seule conclusion qui pouvait être dégagée

 23   était que l'entreprise criminelle commune avait existé à partir du mois de

 24   janvier 1999. Et qu'elle n'avait pas existé avant cette date. Et je sais

 25   que des questions semblables ont été posées dans le cadre de l'appel

 26   Sainovic. Mais pour ce qui est de l'affaire Djordjevic. Et j'en viens

 27   maintenant à la deuxième partie de la question, à savoir a-t-il oui ou non

 28   été déclaré coupable sur la base de son comportement datant d'avant de


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  1   l'existence de l'entreprise criminelle commune, je répondrais de façon

  2   absolument catégorique par un oui. Parce que si vous prenez en

  3   considération les pages du jugement, qui portent sur le rôle et la

  4   connaissance de Djordjevic qui commence à la page 733 et qui se termine à

  5   la page 781 je -- ou plutôt, à la page 787. Je vous dirais que les cinq,

  6   voire six chapitres de cette partie du jugement ont toutes trait à des

  7   événements en 1998. Donc il y a une impossibilité, enfin cela a abouti à

  8   une impossibilité logique d'après nous parce que vous ne pouvez pas

  9   participer à une entreprise criminelle commune avant qu'elle n'existe.

 10   Alors, bien entendu, la connaissance datant ou remontant à l'année 1998

 11   aurait pu être utilisée, par exemple, comme un moyen pour déduire qu'il y

 12   avait connaissance semblable ou intention semblable lors d'une période

 13   ultérieure, mais vous ne pouvez pas utiliser ce qui s'est passé auparavant

 14   pour en conclure que la personne avait participé à des événements qui se

 15   sont produits après. Et je veux pour exemple, par exemple, le jugement de

 16   Nuremberg, par exemple, l'une des sources qui est l'une des sources

 17   utilisée pour déterminer l'entreprise criminelle commune et le droit

 18   coutumier international, et nous avons justement récuser cela dans notre

 19   mémoire en clôture, parce que vous ne pouvez pas utiliser des événements

 20   qui se sont produits avant la guerre et il s'agissait en fait de

 21   financements du régime nazi. Ils n'ont pas utiliser des événements qui se

 22   produits avant ou après la guerre pour en conclure à la culpabilité. Donc

 23   si vous pouvez vous appuyer sur des événements qui datent d'avant

 24   l'entreprise criminelle commune et avant sa constitution, si tel était le

 25   cas Schacht n'aurait pas été acquitté lors du procès de Nuremberg. Donc

 26   voilà ma réponse à votre question.

 27   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 


Page 115

  1   Monsieur Wood.

  2   M. WOOD : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  3   Messieurs les Juges.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

  5   M. WOOD : [interprétation] Je m'appelle Kyle Wood. Et je vais apporter la

  6   réponse générale de l'Accusation dans le cadre de l'appel de M. Djordjevic

  7   et je vais également répondre à votre première question, Monsieur le Juge,

  8   qui a trait à l'autorité et au pouvoir de M. Djordjevic en tant que

  9   ministre adjoint de l'intérieur. Et je répondrai à votre troisième

 10   question, qui porte sur l'expulsion. Ma collègue Mme Verrall répondra à

 11   votre deuxième et cinquième question qui portent sur l'aide et

 12   l'encouragement. Et je reprendrais ensuite la parole pour répondre à votre

 13   quatrième question qui porte sur l'acte d'accusation.

 14   Alors pour revenir à notre réponse. Je vous dirais qu'en dépit de tout ce

 15   que vous avez dit entendu ce matin, la Chambre a conclu de façon

 16   raisonnable que le général Vlastimir Djordjevic était bel et bien l'un des

 17   membres les plus importants d'une entreprise criminelle commune qui a

 18   déclenché une campagne de terreur et de violence extrême contre les

 19   Albanais du Kosovo, c'est une campagne qui a duré 88 jours et qui s'est

 20   soldée par au moins 724 morts, qui a déplacé des centaines de milliers de

 21   personnes, et qui a transformé de nombreux villages d'albanais du Kosovo en

 22   ruines fumantes.

 23   Et contrairement aux arguments présentés ce matin par M. Djordjevic, ainsi

 24   que contrairement aux arguments qui se trouvent dans son mémoire en appel,

 25   la Chambre a été tout à fait raisonnable de conclure qu'il avait joué un

 26   rôle fondamental lors de la coordination du travail des forces qui ont

 27   œuvré dans le cœur de cette campagne en 1998 et 1999. Comme vous le savez,

 28   il a donné des insignes à des paramilitaires criminels notoirement connus,


Page 116

  1   il les a envoyés au Kosovo, je reviendrai là-dessus dans un petit moment,

  2   et il leur a donné des armes. Il a, qui plus est, joué un rôle primordial,

  3   dans le cadre d'opérations clandestines pour dissimuler les corps de

  4   centaines de civils albanais du Kosovo assassinés, tués, et ce, dans des

  5   endroits qu'ils contrôlaient. Et il s'est assuré que personne ne serait

  6   jamais puni pour la pléthore de crimes commis par ses subordonnés au

  7   Kosovo. Voilà les facteurs essentiels qui expliquent sa déclaration de

  8   culpabilité.

  9   En récusant ces conclusions, M. Djordjevic s'est contenté de répéter ce

 10   qu'il avait déjà présenté comme argument en première instance, il avait

 11   essayé justement de pointer un doigt accusateur à la fois vers ses

 12   supérieurs et vers ses subordonnés en se présentant comme un général de

 13   corps d'armée qui n'avait aucun pouvoir et comme un commandant qui n'avait

 14   aucune autorité. La Chambre de première instance a entendu ces éléments de

 15   preuve, les a considérés, et les a rejetés et les a rejetés compte tenu de

 16   la totalité des éléments de preuve dont elle était saisie, après avoir

 17   analysé de façon minutieuse tout le dossier.

 18   Ici, ce matin, M. Djordjevic n'a pas pu démontrer comment les conclusions

 19   de la Chambre de première instance n'étaient pas raisonnables et n'auraient

 20   pas pu être celles d'un Juge raisonnable du fait. Comme vous l'avez répété

 21   maintes fois, un appel n'est pas un nouveau procès. Et M. Djordjevic n'a

 22   pas réussi à s'acquitter de la charge qui pèse sur lui en appel.

 23   Pour placer les arguments présentés par la Défense dans le contexte, je

 24   vais m'intéresser aujourd'hui à trois éléments absolument importants qui

 25   ont été utilisés pour la déclaration de condamnation du général Djordjevic

 26   - à savoir son rôle et ses contributions à l'entreprise criminelle commune,

 27   sa connaissance des crimes, et son intention et l'intention qu'il avait que

 28   ces crimes soient commis.


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  1   Alors pour vous parler dans un premier temps de son rôle et ses

  2   contributions à l'entreprise criminelle commune, contrairement à ce que

  3   vous avez entendu aujourd'hui et contrairement à ce qui est expliqué dans

  4   son mémoire de clôture, la Chambre de première instance a conclu de façon

  5   raisonnable que M. Djordjevic avait énormément d'autorité pendant la

  6   période d'acte d'accusation, qui porte sur les années 1998 et 1999. Bien

  7   entendu, l'Accusation accepte que la période couverte par l'acte

  8   d'accusation va du mois de janvier à juin 1999. Et il répète l'argument

  9   qu'il a déjà présenté en vain lors du procès en première instance, à savoir

 10   qu'en 1999 essentiellement en fait on l'avait privé de toute autorité sur

 11   les unités du RJB sur le terrain. Alors lorsque la Chambre de première

 12   instance a rejeté cet argument elle a indiqué toute une pléthore d'exemples

 13   bien précis qui porte sur la façon de M. Djordjevic a continué justement à

 14   exercer cette autorité en 1999, notamment pendant le mois critique de la

 15   période d'acte d'accusation.

 16   Et j'aimerais en fait vous indiquer que la Chambre a conclu qu'il

 17   avait joué un rôle lors de la planification et de la coordination du

 18   travail du MUP et des forces de la VJ au Kosovo, paragraphe 2154; qu'il a

 19   contribué au déploiement des unités paramilitaires au voire 1999, notamment

 20   au déploiement de cette unité, si notoirement connue qu'étaient les

 21   Skorpions en mars 1999; qu'il a joué un rôle fondamental lors des efforts

 22   qui ont été déployés pour dissimuler les meurtres et assassinats en

 23   déplaçant les corps du Kosovo et les cachant dans des fosses communes, et

 24   ce, dans des endroits en Serbie qu'il contrôlait; et qu'il n'a pas pris les

 25   mesures pour faire en sorte qu'une enquête soit diligentée à propos de ces

 26   crimes et que les personnes soient dûment punies.

 27   Pour parler maintenant de son rôle de coordination dans le cadre du travail

 28   des forces du MUP en 1999, les éléments de preuve montrent que le MUP avait


Page 118

  1   bel et bien planifié une offensive de grande échelle lors du printemps de

  2   l'année 1999 et que les contributions de M. Djordjevic étaient extrêmement

  3   importantes. Lors d'une réunion du 17 février 1999 avec l'état-major du MUP

  4   à Pristina, réunion à laquelle a participé M. Djordjevic, M. Stojiljkovic,

  5   qui était le ministre de l'Intérieur, a dit :

  6   "En deux ou trois jours de cette attaque, nous devons faire en sorte de

  7   concrétiser et de lancer nos plans, et nous devons utiliser cette période

  8   pour dégager le territoire des terroristes." Paragraphe 2020.

  9   Il faut savoir que M. Stojiljkovic a également déclaré que ses subordonné

 10   devaient "approcher et engager les volontaires de façon très circonspecte

 11   afin de faire en sorte de lier leur engagement par le biais des forces de

 12   réserve de la police et que cela sera évalué si nécessaire."

 13   Les éléments de preuve montrent et la Chambre a conclu raisonnablement que

 14   le général Djordjevic avait joué un rôle primordial lors de l'exécution de

 15   ce plan. Il est resté membre du commandement conjoint pendant toute l'année

 16   1999. Qui plus est, il faisait partie du collège du MUP. Paragraphe 2154 du

 17   jugement en première instance. Vous vous souviendrez certainement que le

 18   collège du MUP était un forum qui recevait les requêtes et les demandes

 19   d'approbation d'envoi d'unités supplémentaires, unités qui étaient envoyés

 20   au Kosovo, et c'est lors des réunions de ce collège que les opérations de

 21   contre-terrorisme étaient examinées par l'aumônier. Paragraphe 1989.

 22   Et, bien entendu, il a déployé une unité paramilitaire, les Skorpions, au

 23   Kosovo, le 28 mars 1999, unité qui a massacré 14 femmes et enfants.

 24   Il faudrait également ne pas oublier que la Chambre de première instance a

 25   conclu qu'il avait participé au déploiement d'autres unités au Kosovo lors

 26   de la même période, et cela a en fait abouti à cette campagne qui a été

 27   déclenchée le 24 mars au même moment du début de la campagne de

 28   bombardement de l'OTAN. Par exemple, la Chambre de première instance donne


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  1   au paragraphe 61 une liste des cas constatés. M. Djordjevic, par exemple, a

  2   déployé les PJP ou unités de la police spéciale au Kosovo, et ce, dans le

  3   cadre de différentes affectations qui sont généralement décrites comme, et

  4   je cite : "afin d'exécuter des tâches pour la sécurité spéciale au Kosovo".

  5   Paragraphe 61, ces ordres ont été donnés en mars et en avril et ont

  6   donné lieu à des événements qui se sont déroulés les 18, 21, 23 et 24 mars.

  7   Qui plus est, il y a d'autres éléments de preuve qui indiquent quel fut le

  8   rôle joué par M. Djordjevic lorsque le MUP planifiait, en quelque sorte,

  9   cette opération qui allait se transformer en une véritable campagne de

 10   terreur et de violence extrême qui est au cœur même des crimes qui lui sont

 11   reprochés.

 12   Et pour parler maintenant plus précisément des paramilitaires, comme je

 13   vous l'ai expliqué, lors d'une réunion du 17 février 1999, réunion de

 14   l'état-major du MUP, le général Stojiljkovic a indiqué que ses subordonnés

 15   devaient engager de façon très circonspecte les volontaires, qu'il fallait

 16   en d'autre sorte les préparer à ce qu'ils allaient faire. Le 18 février, à

 17   savoir le lendemain, le jour suivant, Djordjevic envoie une dépêche dans

 18   laquelle il indique à ses subordonnés qu'il faut qu'ils "prennent le

 19   contrôle complet des volontaires et des unités paramilitaires et de leurs

 20   membres". Et cela est extrêmement important et il faut le comprendre dans

 21   le contexte du déploiement des Skorpions, Madame, Messieurs les Juges, car

 22   il s'agit des Skorpions et du déploiement de cette unité, et c'est dans ce

 23   contexte qu'il a été véritablement personnellement partie prenante. Car la

 24   Chambre a conclu qu'il avait fondamentalement demandé que ces personnes

 25   soient utilisées. Paragraphe 1935. La Chambre a conclu qu'il s'était

 26   absolument assuré qu'ils obtiennent des insignes. Paragraphe 1942. Qu'il

 27   s'était assuré également qu'ils allaient être transportés en bus jusqu'au

 28   Kosovo où des uniformes et des fusils allaient leur être remis. Paragraphe


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  1   1937.

  2   Et vous savez que la Chambre a également conclu qu'il était informé de leur

  3   réputation de violence. Paragraphe 1953. Comment est-ce qu'il le savait ?

  4   Parce que la Chambre a conclu de façon tout à fait raisonnable à ce sujet,

  5   a conclu cela sur la base d'un certain nombre de facteurs. Premièrement, je

  6   vous renvoie au paragraphe 1935 du jugement en première instance où la

  7   Chambre a conclu qu'il avait dit au Témoin K92 de rassembler les hommes de

  8   Medic. Et d'après la déposition de M. Trajkovic, qui était le commandant de

  9   l'Unité de Police contre-terroriste, à savoir l'unité à laquelle les

 10   Skorpions allaient finir par être rattachés, il était de notoriété publique

 11   que l'on faisait toujours référence aux Skorpions comme à une unité

 12   différente, comme l'Unité des Skorpions.

 13   Il était absolument manifeste qu'il savait qu'ils étaient volontaires,

 14   qu'il s'agissait d'une unité paramilitaire, et ce sont les propres propos

 15   de M. Djordjevic que je cite, qu'il savait que très souvent les unités

 16   paramilitaires étaient en quelque sorte une façade pour dissimuler des

 17   intérêts criminels, page 945 du compte rendu d'audience.

 18   Et il était également informé de leur expérience précédente en Croatie.

 19   Pages 9 696 à 9 697 du compte rendu d'audience. Il est extrêmement

 20   important également de ne pas oublier, Madame, Messieurs les Juges, que la

 21   Chambre a conclu que les Skorpions avaient précédemment été engagés avec

 22   une unité différente du MUP, la DB, et ce, lorsqu'ils se trouvaient en

 23   Croatie.

 24   Et toutefois, comme la Chambre l'a conclu, il a omis de procéder à des

 25   vérifications d'antécédents des membres de ses unités. Et cela est

 26   absolument clair -- sûr et certain, Madame, Messieurs les Juges, j'en veux

 27   preuve les conclusions de la Chambre de première instance indépendamment du

 28   fait que les casiers judiciaires -- ou les antécédents criminels


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  1   remontaient -- ou avaient eu lieu en Croatie. Ce qui est clair, c'est qu'il

  2   n'y a absolument aucune vérification d'antécédents qui a été faite, et ce

  3   qui est clair également, c'est que la Chambre en a conclu que cela

  4   représentait une obligation pour M. Djordjevic. Car conformément à la loi,

  5   en tant qu'officier de police, s'il devait remettre à un groupe d'hommes

  6   des insignes, des écussons, des armes, et s'il devait les envoyer dans une

  7   zone d'hostilité interethnique, la loi exigeait qu'il s'assure absolument

  8   que ces hommes étaient dignes de la mission qui leur était confiée. Et cela

  9   est manifeste, il ne l'a pas fait.

 10   Comme vous le savez, les Skorpions ont été responsables du massacre de 14

 11   femmes et enfants peu de temps après leur arrivée à Podujevo le 28 mars

 12   1999. La Chambre a conclu que M. Djordjevic a été informée de ce massacre

 13   quasiment immédiatement, et ce, par un appel téléphonique provenant de son

 14   subordonné. Alors, plutôt que de mener à bien une enquête à propos de ce

 15   fait et d'en tenir les auteurs responsables, il a contrecarré de façon

 16   active toute enquête à ce sujet, comme l'a conclu la Chambre. Comme la

 17   Chambre l'a conclu au paragraphe 1957, il n'a absolument pris aucune mesure

 18   disciplinaire lorsqu'il a été informé de ce massacre. Il n'y a pas eu de

 19   mesures de suivi après le rapport du 30 mars 1999. Il n'y en a pas eu

 20   jusqu'au mois de mai 1999, et même au mois de mai 1999, il ne faut pas

 21   oublier, car cela, a son importance, que les Skorpions avaient déjà été

 22   redéployés dans ce secteur au Kosovo, et même si deux auteurs de ces crimes

 23   avaient été détenus, et ils n'ont été détenus que pour dix jours. Comme la

 24   Défense l'a avancé ce matin, personne n'a été poursuivi pour ces crimes

 25   lors du mandat de M. Djordjevic. Et même s'il est clair d'après les

 26   conclusions de la Chambre au paragraphe 196 que c'était M. Djordjevic ainsi

 27   que le MUP qui étaient responsables des paramilitaires, et que c'étaient

 28   eux qui devaient s'assurer que les auteurs de ces crimes soient punis, la


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  1   question n'a jamais fait l'objet d'enquête.

  2   Aujourd'hui, à nouveau, M. Djordjevic n'est pas parvenu à nous démontrer

  3   que ces conclusions ne sont pas les conclusions auxquelles aurait pu

  4   parvenir une Chambre de première instance raisonnable. Et comme dans

  5   d'autres, à d'autres reprises, il essaie en fait de remplacer, de présenter

  6   sa propre évaluation des éléments de preuve pour remplacer ceux de la

  7   Chambre de première instance. Il s'appuie sur les éléments de preuve

  8   présentés par deux témoins que la Chambre a bien entendu, que la Chambre a

  9   évalués, et que la Chambre a ensuite rejeté comme non crédibles. Il a

 10   essayé de s'appuyer sur les éléments de preuve présentés par ces mêmes

 11   témoins qui avaient indiqué que les auteurs de ces crimes n'avaient pas été

 12   redéployés par la suite au Kosovo. La Chambre a conclu que cela n'était pas

 13   digne de foi. Elle a conclu que tous les hommes à l'exception d'un homme

 14   ont été redéployés au Kosovo en avril 1999, paragraphes 1964 et 1965 du

 15   jugement, et il n'est pas surprenant au vu de la piètre enquête ou du

 16   manque d'enquête diligentée que l'on a -- qu'il n'ait pas pu déterminer qui

 17   pouvait être responsable de ce massacre.

 18   Et contrairement à ce que la Défense a avancé aujourd'hui, il n'a pas été

 19   condamné pour des crimes commis par la suite, mais il est quand même utile

 20   de constater qu'un membre des Skorpions a décrit comment il les avait vus

 21   en présence ou comment il les avait vus plutôt alors que des villages

 22   étaient en proie aux flammes et que des villageois s'enfuyaient de ces

 23   villages.

 24   Alors pour ce qui est maintenant de la façon dont ces corps ont été

 25   dissimulés, il est important de souligner, Madame, Messieurs les Juges, que

 26   M. Djordjevic lui-même a admis avoir participé à ce fait. Et lorsque je

 27   parle de fait, ce que j'entends c'est une opération clandestine qui a duré

 28   quasiment un mois, et qui est passé par l'inhumation des corps, des


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  1   centaines d'Albanais du Kosovo assassinés, et tués, qui passait par le fait

  2   qu'il fallait les transporter à des centaines de kilomètres en Serbie, et

  3   les enterrer dans des endroits contrôlés par le département de Sécurité

  4   publique, le RJB de M. Djordjevic. Il savait que ces victimes étaient des

  5   Albanais du Kosovo, que certaines avaient été tuées par des officiers du

  6   MUP, et il savait également que c'était une honte et un tort de les

  7   enterrer de cette façon. Je vous renvois aux paragraphes 1973, du jugement,

  8   et à d'autres paragraphes de la déposition du général Djordjevic, tels que

  9   par exemple, les pages suivantes du compte rendu d'audience 9723, 9727,

 10   9730 à 9733, 921, 1002, 1004, 10006 et 10008 e vous devriez voir maintenant

 11   sur vos écrans quelques-unes de ces -- quelques-uns de ces aveux.

 12   Le général Djordjevic a dit, et je cite :

 13   "Je savais à l'époque tout comme je le sais maintenant que cela, que

 14   c'était un tort de procéder de la sorte, et je suis tout à fait disposé à

 15   assumer la responsabilité de cette action irréfléchie." 

 16   Et, bien entendu, les éléments de preuve montrent qu'il ne s'agissait

 17   absolument pas d'une action précipitée et irréfléchie, mais qu'il

 18   s'agissait de quelque chose qui s'est déroulé pendant plusieurs semaines

 19   tout comme la campagne de terreur et de violence qui était lancée au

 20   Kosovo.

 21   J'aimerais maintenant vous présenter le cliché suivant. Si vous êtes prêt.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous en prie.

 23   M. WOOD : [interprétation] Voici la citation suivante :

 24   "Je sais que ce fut une grave erreur que j'ai commise. Mais ce qui s'est

 25   passé, ce qui s'est fait ne peut pas être défait. J'ai honte de mes actes,

 26   et je pense et crois que la décision du Tribunal sera la bonne décision, et

 27   je serai tenu responsable pour ce qui est j'ai fait."

 28   Alors la Chambre a conclu que Djordjevic avait dirigé cette campagne, qu'il


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  1   avait peut-être été l'instigateur principal ou l'auteur principal de

  2   l'inhumation de ces corps à Batajnica, et cela est tout à fait conforme aux

  3   éléments de preuve présentés. La Chambre a conclu compte tenu de ces

  4   éléments de preuve, qu'il avait dirigé cette opération au cours de laquelle

  5   des chauffeurs du MUP ont emmené les corps de plus de 800 victimes depuis

  6   le Kosovo en Serbie, dans des camions du MUP pour que ces corps soient

  7   enterrés dans des installations qui appartenaient au MUP, et qui étaient

  8   contrôlés par M. Djordjevic. Il s'agit du centre du Polygone d'entraînement

  9   de la police antiterroriste de Batajnica, et du centre de la Police

 10   spéciale de Petrovo Selo. La Chambre a conclu qu'il était la seule personne

 11   qui avait dirigé tous les membres du MUP, qui avaient participé à cela -

 12   paragraphe 2118 - et qu'il avait même lui-même choisi personnellement les

 13   sites pour les fosses communes où allaient être enterrés ces corps

 14   lorsqu'ils sont arrivés à Batajnica. Avant l'arrivée de chaque camion, il a

 15   dit à la personne qui s'occupait de cela que faire des corps, quand est-ce

 16   que le camion allait arriver et ce qu'il fallait faire exactement.

 17   Il leur a dit que les corps avaient été découverts à Tekija et dans le lac

 18   de Perucac. Il a dit à ses subordonnés de dissimuler ces crimes. Il a

 19   également dit à ses subordonnés de détruire le camion réfrigéré qui avait

 20   été retrouvé ou trouvé plutôt dans le Danube. Il a même autorisé le

 21   versement de 10 000 dinars à payer aux personnes qui avaient participé à

 22   cette opération. C'est une contribution importante à laquelle a conclu la

 23   Chambre, et contrairement à ce que vous avez entendu, il ne s'agissait pas

 24   d'un fait postérieur aux événements donc d'un ex post facto destiné à

 25   couvrir un crime. Il s'agissait plutôt d'une contribution importante parce

 26   que cela s'est passé pendant que prévalait la campagne de violence et de

 27   terreur déclenchée contre les Albanais du Kosovo. En fait, la Chambre a

 28   conclu que M. Djordjevic se trouvait au Kosovo en avril 1999, au moment de


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  1   cette campagne, alors qu'elle faisait rage, et au même moment où se

  2   produisait cette opération dont le but était de dissimuler les corps.

  3   Vous avez également entendu Madame, Messieurs les Juges, ce qu'il en était

  4   à propos de la connaissance et de l'intention dans le mémoire en clôture,

  5   M. Djordjevic essaie de se présenter comme un homme qui était complètement

  6   isolé de ce qui se passait au Kosovo, comme quelqu'un qui n'avait

  7   absolument pas la moindre idée des événements qui se déroulaient au Kosovo.

  8   Mais, bien entendu, la Chambre a dégagé une conclusion tout à fait

  9   différente au vu des éléments de preuve et au vu de ce que vous avez

 10   entendu ce matin. Car la Chambre a conclu qu'il avait été notifié par le

 11   biais de rapports oraux présentés par ses subordonnés, par les médias, de

 12   par ses observations personnelles, et la Défense l'a indiqué ce matin, il

 13   en a été informé immédiatement. Il a été informé immédiatement des

 14   massacres qui se sont produits à Podujevo, et ce, par téléphone. Et en

 15   dépit de cette connaissance des faits qui se déroulaient au Kosovo, il n'a

 16   absolument rien fait pour mener à bien des enquêtes, pour diligenter des

 17   enquêtes. Il n'a rien fait pour mettre un terme à ce qui se passait. Ce qui

 18   prouve Madame, Messieurs les Juges, qu'il avait bien, qu'il possédait bien

 19   ces intentions suivant lesquelles les crimes devaient être commis, et qu'il

 20   a participé de façon continue à l'entreprise criminelle commune.

 21   Je vais maintenant répondre à votre première question. Parce que j'ai

 22   entendu ce matin des arguments qui m'ont semblé extrêmement semblables à ce

 23   que nous avions entendu lors du procès en première instance, arguments qui

 24   avaient été catégoriquement rejetés par la Chambre de première instance,

 25   après qu'elle a évalué tous les éléments de preuve pour aboutir à une

 26   conclusion raisonnable.

 27   "Alors la question était discutée par rapport à la branche d'appel

 28   9(A) de M. Djordjevic, comment les zones de responsabilité des ministres


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  1   adjoints Petar Zekovic et Obrad Stevanovic empiètent sur l'autorité de M.

  2   Djordjevic ait eu un impact sur l'autorité de M. Djordjevic en tant que

  3   ministre adjoint de l'Intérieur, et eu égard à la branche d'appel 9(F),

  4   discuter le rôle de M. Djordjevic lors du déploiement des Skorpions."

  5   Alors, contrairement à ce que la Défense nous a dit ce matin, la Chambre a

  6   bel et bien pris en considération tout ce qui avait été dit par les

  7   témoins, et elle a conclu que les arguments présentés par M. Djordjevic

  8   n'étaient pas fiables et n'étaient pas crédibles. Pour ce qui est de la

  9   zone de responsabilité de MM. Zekovic et Stevanovic, la Chambre a conclu de

 10   façon tout à fait raisonnable que leurs zones de responsabilité

 11   n'empiétaient pas ou ne recoupaient pas -- et n'empiétaient pas sur

 12   l'autorité générale de M. Djordjevic en tant que chef de la région bien que

 13   les trois hommes aient été ministres adjoints, mais M. Djordjevic avait un

 14   grade supérieur à celui de Stevanovic et Zekovic, et la Chambre en a donc

 15   conclu de façon tout à fait raisonnable que ces deux hommes dirigeaient des

 16   départements qui appartenaient à la RJB.

 17   Pour commencer par M. Zekovic, la Chambre a conclu, à la lumière des pièces

 18   P269 [comme interprété] et P537, que M. Zekovic était le chef de

 19   l'administration pour les affaires mixtes. Cette administration pour les

 20   affaires mixtes ou conjointes était une Unité de la RJB. Paragraphe 41 et

 21   paragraphe 375 [comme interprété]. A également conclu que le département de

 22   la RJB fonctionnait sous le contrôle de M. Djordjevic. Paragraphe 40 du

 23   jugement.

 24   Il est important de constater qu'en appel, la Défense ne propose -- n'étaye

 25   absolument pas son argument suivant lequel le MUP était constitué d'une

 26   série de petits fiefs. La Chambre a conclu, au contraire, et a indiqué

 27   qu'il s'agissait d'une organisation absolument hiérarchique où l'autorité

 28   générale de M. Djordjevic signifiait qu'il avait bel et bien cette autorité


Page 127

  1   sur les départements qui appartenaient à la RJB.

  2   De même pour M. Stevanovic, la Chambre a conclu qu'il était le chef de

  3   l'administration de la police. Paragraphes 41, 60, 100, 2127 et 2175. Une

  4   fois de plus, la Chambre a conclu que l'administration de la police était

  5   un département qui faisait partie de la RJB, paragraphes 41 et 1936, et que

  6   de ce fait, cette administration de la police oeuvrait et fonctionnait sous

  7   le contrôle de M. Djordjevic. Paragraphes 40 et 1936.

  8   Par ailleurs, la Chambre a conclu qu'il n'y a aucun élément de preuve qui

  9   sous-tend ou qui étaye cette idée du recoupement et de l'empiètement sur

 10   l'autorité de M. Djordjevic, et elle a rejeté l'argument de la Défense

 11   parce que l'autorité précise d'un autre ministre adjoint -- parce qu'il n'y

 12   avait pas, en fait -- il y avait autorité générale de M. Djordjevic en tant

 13   que chef de la RJB. Paragraphe 43.

 14   Mais les autres ministres adjoints n'empiétaient pas sur son autorité, et

 15   il faut savoir que cela est tout à fait conforme au rôle joué par ces

 16   hommes dans les faits qui nous intéressent, à commencer par les inhumations

 17   des corps. Certes, M. Zekovic a joué un rôle, mais un rôle tout à fait

 18   secondaire, lors de cette opération. C'est M. Djordjevic qui a dirigé cette

 19   opération. Paragraphes 1972, 1980, 2112, 2118 et 2156. Et si on réfléchit à

 20   ce qu'a fait M. Djordjevic dans le cadre de cette opération, avant que

 21   n'arrive chaque cohorte de corps au centre [sic], c'est encore M.

 22   Djordjevic qui a dit au personnel ce qu'il fallait faire avec les camions,

 23   ce qui se trouvait dans ces camions, où les corps devaient être enterrés.

 24   C'est à nouveau M. Djordjevic qui a dit à ses subordonnés de dissimuler le

 25   fait que des cadavres avaient été découverts à Perucac ainsi que dans le

 26   camion réfrigéré à Tekija. Et lorsque par la suite M. Zekovic a affecté des

 27   conducteurs à la tâche de collecte des corps depuis Pristina, paragraphes

 28   1342 et 1535 du jugement, et depuis Kosovska Mitrovica, paragraphe 1355,


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  1   pour que ces corps soient enterrés au centre de Batajnica, il s'est

  2   contenté de jouer son rôle dans le cadre d'une opération placée sous la

  3   direction de M. Djordjevic. Et cela est tout à fait conforme à son rôle en

  4   tant que chef de l'administration pour les affaires conjointes, et cela est

  5   conforme à la conclusion dégagée par la Chambre de première instance

  6   suivant laquelle il ne s'agit pas du rôle joué par un homme dont les

  7   responsabilités seraient supplantées par celles de M. Djordjevic.

  8   Et pour aborder la branche d'appel 9(F), la Chambre a conclu de façon

  9   raisonnable que c'était M. Djordjevic qui avait recruté les Skorpions, que

 10   c'était lui qui avait fait en sorte qu'ils deviennent une force de réserve

 11   et qu'il les avait rattachés à la police antiterroriste. C'est encore M.

 12   Djordjevic qui a fait toutes ces choses pour s'assurer que les Skorpions

 13   fassent partie du MUP et soient envoyés à Podujevo. Bien que la Chambre ait

 14   constaté que l'administration de la police était bel et bien dirigée par M.

 15   Stevanovic, qui était responsable du réapprovisionnement des forces de

 16   police antiterroriste, au paragraphe 1936, il faut également constater que

 17   c'est M. Djordjevic qui a autorisé cela, paragraphe 75, paragraphes 1896 et

 18   1936. Et c'est à nouveau M. Stevanovic qui a joué son rôle dans le cadre de

 19   cette action dirigée et contrôlée par M. Djordjevic.

 20   J'en ai terminé avec ma réponse et je peux répondre à toute question que

 21   vous souhaiteriez me poser.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez.

 23   M. WOOD : [interprétation] Donc, question trois. Je vais vous lire la

 24   question.

 25   "Discuter par rapport au treizième moyen d'appel de M. Djordjevic et en

 26   faisant référence au dossier de l'affaire, si, pour pouvoir établir qu'il y

 27   ait eu crime d'expulsion et à la lumière du droit coutumier international,

 28   s'il existait une frontière de fait entre le Kosovo et le Monténégro


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  1   pendant la période pertinente à l'acte d'accusation."

  2   Eh bien, pour répondre de façon brève, je vous dirais que la Chambre est

  3   arrivée à une conclusion raisonnable sur la base des faits apparus dans

  4   cette affaire qu'il existait donc une frontière entre le Kosovo et le

  5   Monténégro, cette frontière a été établie en 1999, et c'était une frontière

  6   de fait pour établir qu'il y ait eu le crime d'expulsion. C'est quelque

  7   chose qui a été expliqué par les faits, mais c'est aussi quelque chose qui

  8   est cohérent avec l'arrêt Stakic et qui est l'affaire test sur ce point, et

  9   Djordjevic a aujourd'hui ignoré cela et à la place de cela, il a choisi de

 10   citer les opinions émanant des autres affaires.

 11   Eh bien, sur quelle base la Chambre est arrivée à la conclusion qu'il

 12   existait donc une frontière de fait ? Eh bien, tout d'abord, le Kosovo,

 13   c'était une province autonome, géographiquement indépendante, qui avait une

 14   longue tradition d'autonomie et d'autogestion au sein de la Serbie. Que

 15   cela veut-il dire ? Eh bien, ils avaient le droit de suivre leur scolarité

 16   dans leur propre langue et aussi d'utiliser cette langue en tant que langue

 17   d'administration. Ils avaient une cour suprême, ils avaient une force de la

 18   police et ils avaient une banque centrale.

 19   Ensuite, de l'autre côté de la frontière, vous aviez une république, la

 20   République du Monténégro, qui avait son propre statut de république au sein

 21   de la RSFY.

 22   Et puis, à la fin de l'année 1998, il existait bel et bien un conflit armé

 23   au Kosovo entre l'Armée de libération du Kosovo et la RFY.

 24   La Chambre a aussi remarqué que le déplacement des Albanais de souche du

 25   Kosovo vers le Monténégro aurait eu exactement le même effet qu'un

 26   déplacement de l'autre côté d'une frontière d'Etat. C'est quelque chose qui

 27   est cohérent avec la façon dont les opérations ont été menées à bien car

 28   les auteurs ont compris quelle était l'importance de la frontière du


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  1   Kosovo. Ici, nous parlons de deux cas de figure. D'un côté nous avons

  2   Kosovska Mitrovica, là les forces serbes ont forcé les Albanais du Kosovo à

  3   monter à bord de 16 ou 17 autocars pour les conduire directement sur la

  4   frontière avec le Monténégro. Il s'agissait d'un déplacement organisé qui a

  5   été semblable aux autres déplacements organisés vers d'autres frontières

  6   avec le Kosovo, et moi, je fais référence aux paragraphes 777 et 1646.

  7   A la frontière, ils ont été soumis à des mauvais traitements, interrogés,

  8   et forcés à crier : "Serbie, Serbie." C'est cohérent avec la façon dont les

  9   Albanais du Kosovo ont été traités à d'autres frontières. Les auteurs les

 10   ont poussés à traverser la frontière leur disant qu'ils n'allaient pas

 11   revenir. Ils les ont déportés.

 12   Et en ce qui concerne Pec, eh bien, je vous demande vous référer aux

 13   paragraphes 732 et 734 et 1642 du jugement de Chambre de première instance.

 14   Il était tout à fait raisonnable sur la base de ces faits d'arriver à la

 15   conclusion à laquelle est arrivé la Chambre, à savoir qu'elle existait bel

 16   et bien une frontière de fait entre le Kosovo et le Monténégro et c'était

 17   une frontière qui reflétait parfaitement une frontière de jure.

 18   Et c'est aussi cohérent avec l'approche dans l'affaire Stakic. Alors,

 19   quelles étaient les demandes dans l'affaire Stakic ? Eh bien, dans

 20   l'affaire Stakic, on a dit qu'en vertu du droit international coutumier,

 21   pour qu'il y ait déportation il faut qu'il y ait déplacement forcé de

 22   l'autre côté de la frontière. C'est quelque chose qui se trouve dans le

 23   paragraphe 300. On y dit aussi que dans certains cas de figure il peut

 24   s'agir aussi d'une frontière de fait. C'est quelque chose qui se trouve

 25   dans les paragraphes 278 et à 300 de l'arrêt Stakic. On dit que la Chambre

 26   d'appel va prendre la décision au cas par cas et ceci à la lumière de tous

 27   les éléments de d'expulsion en vertu du droit international coutumier.

 28   C'est quelque chose qui se trouve dans le paragraphe 278.


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  1   Donc dans l'arrêt Stakic, nous n'avons pas d'indice spécifique quant à une

  2   frontière de fait, mais c'est que cet arrêt fait c'est qu'il imite la

  3   définition aux zones de contrôle telle qu'indiquée par la Défense de

  4   Djordjevic aujourd'hui. Et donc si on applique ce critère au jugement de

  5   première dans l'affaire Stakic, la Chambre a trouvé qu'il n'y avait pas --

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour qu'on soit parfaitement clair, je

  7   ne pense pas que Stakic a fait référence aux zones de contrôle. Là, l'on a

  8   fait référence au Juge Shahabuddeen et son opinion dissidente.

  9   M. WOOD : [interprétation] Oui, effectivement. Je n'ai pas voulu dire que

 10   c'est quelque chose qui se trouve dans le jugement Stakic --

 11   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 12   M. WOOD : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 14   M. WOOD : [interprétation] Mais pour être clair, donc même si dans l'arrêt

 15   Stakic, on ne trouve pas d'indice quant à la définition d'une frontière de

 16   fait, dans cet arrêt on ne dit pas que ceci dépend des zones de contrôle.

 17   En tout cas, ici on ne parle pas d'une ligne de front qui change tout le

 18   temps, il s'agit d'une frontière statique géographique autour d'un

 19   territoire du Kosovo bien défini. Et la différence du cas de figure Stakic

 20   ici, la Chambre a vraiment fait une analyse au cas par cas. Et ces

 21   conclusions sont parfaitement cohérentes avec les valeurs que le droit

 22   international coutumier entend défendre quand il définit les crimes

 23   d'expulsion, il s'agit de protéger les droits des gens contre les

 24   déplacements "forcible" et aussi leur droit de vivre dans leurs

 25   communautés.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Eh bien, si l'on suppose que l'appelant

 27   nous demande d'examiner à nouveau la décision Stakic et voir s'il est

 28   nécessaire de revoir, de revenir sur cette décision, s'il existe des


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  1   raisons pour cela. Si j'ai bien compris, ce que le conseil dit c'est qu'il

  2   existe donc que le critère pertinent en vertu du droit coutumier

  3   international ne relève pas de la frontière, du fait de franchir, traverser

  4   la frontière, mais de savoir si le contrôle, le pouvoir qui a le contrôle

  5   est le même. Et je pense que ce qu'il dit c'est que le pouvoir qui a le

  6   contrôle au Kosovo est le même que celui qui a le pouvoir au Monténégro. Il

  7   n'est pas allé aussi loin que ce que j'ai dit, mais si vous avez raison

  8   quand vous dites que dans Stakic nous avons en œuvre les droits coutumier

  9   international, donc j'imagine que vous allez demander, que vous demandez à

 10   cette Chambre d'appel, de suivre le principe Aleksovski, et de voir s'il

 11   existe des raisons importantes de dévier par rapport à cela. Et où vous

 12   mettez l'accent en la matière ?

 13   M. WOOD : [interprétation] Eh bien, dans les arguments présentés

 14   aujourd'hui et dans les mémoires d'appel je n'ai pas vu des raisons

 15   claires, des raisons valables pour ne pas -- pour dévier par rapport à la

 16   décision Stakic. Après avoir analysé cette décision à la lumière du droit

 17   coutumier international, et après avoir défini une frontière de fait; on ne

 18   peut dire que cette frontière de fait peut être pertinente pour le crime

 19   d'expulsion. Si vous -- je pense que vous n'avez pas besoin d'examiner à

 20   nouveau cette décision. Vu qu'aucune partie ne l'a demandé. Stakic est là

 21   pour nous proposer de procéder à une analyse au cas par cas à la lumière du

 22   droit coutumier international. Et ici la Chambre de première instance

 23   exactement sait ce qui est demandé dans l'arrêt Stakic, à savoir elle a

 24   fait cette analyse au cas par cas. Il ne se pose pas la question de savoir

 25   s'il y a une erreur mais si l'analyse a été faite pour établir qu'il y ait

 26   eu une frontière de fait. Et nous considérons que l'appelant n'a pas

 27   démontré que cette conclusion n'était pas raisonnable.

 28   Et pour conclure, très rapidement --


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il vous reste encore dix, 11,

  2   minutes.

  3   M. WOOD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Dans cette

  4   affaire, que -- je vais me reprendre. Il existe deux points importants ici.

  5   Tout d'abord : Comment on va libeller le comportement criminel ? Et ensuite

  6   le deuxième point est de savoir : Quel va être l'effet sur le jugement ?

  7   Donc même si vous trouvez que la Chambre de première instance s'est trompée

  8   quand elle est arrivée à la conclusion que, là, il s'agissait de frontière

  9   de fait, vous devez tout de même arriver à la conclusion que ce déplacement

 10   forcé vers le Monténégro de ces deux municipalités constituaient les crimes

 11   de transfert forcé. Et c'est l'approche qui a été adoptée par la Chambre

 12   d'appel dans l'affaire Stakic dans le paragraphe 321. Même Djordjevic

 13   reconnaît au niveau du paragraphe 28 de son mémoire en appel, aujourd'hui,

 14   que ces actes étaient bel et bien des crimes du transfert forcé mais peu

 15   importe la question entre la frontière entre le Kosovo et le Monténégro. Et

 16   vous avez tout à fait le droit de le faire.

 17   Ensuite, quel que soit le libellé de ces déplacements qu'il s'agisse des

 18   expulsions ou de transfert "forcible," par la force, le Procureur dit qu'il

 19   s'agit toujours d'un acte de persécution et qui est sous-jacent à la

 20   condamnation de Djordjevic pour persécutions en tant qu'un crime contre

 21   l'humanité.

 22   Donc cet acte a été fait avec l'intention discriminatoire requise et dans

 23   les conclusions on voit bien que ceci existe. Et en ce qui concerne la

 24   jurisprudence, eh bien, je vais vous référer à l'arrêt Naletilic et

 25   Martinovic paragraphe 154.

 26   Donc pour conclure, la Chambre d'appel devrait confirmer la conclusion de

 27   la Chambre de première instance sur la base de ces faits, les Albanais du

 28   Kosovo qui ont été expulsés du Kosovska Mitrovica et de Pec ont été bel et


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  1   bien expulsés. De façon subsidiaire, les Juges de la Chambre d'appel

  2   devraient arriver à la conclusion qu'ils ont été transférés par la force et

  3   donc devraient ajuster la condamnation de Djordjevic par rapport à ce qui a

  4   été demandé dans le mémoire d'appel du Procureur.

  5   Avec ceci se termine mon exposé. Si vous avez des questions, j'y répondrai

  6   volontiers.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

  8   M. WOOD : [interprétation] Je regarde l'heure aussi, et comme j'ai déjà

  9   suggéré, je vais passer la parole à mon collègue. Mais vu que nous sommes

 10   très proches du temps de la pause, il serait peut-être opportun de prendre

 11   la pause à présent.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr, nous pourrions le faire mais

 13   je ne vais pas vous accorder de temps supplémentaire. Parce que comme vous

 14   le savez, nous avons demandé qu'il y ait une pause à un moment exact, parce

 15   que, moi, j'ai besoin d'assister à une réunion à 15 h. Donc il vous reste

 16   quelques minutes, moi, je vous propose de poursuivre, de les utiliser.

 17   Mme VERRALL : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 19   Mme VERRALL : [interprétation] Je me pencherais sur les questions

 20   numéro cinq et deux de la Chambre d'appel concernant la condamnation de M.

 21   Djordjevic au titre de l'aide et de l'encouragement comme mode de

 22   responsabilité. Je vais d'abord passer à la question numéro cinq, à savoir

 23   les raisons pour lesquelles la condamnation à la fois aux participations à

 24   l'entreprise criminelle commune, et l'aide et l'encouragement, fondée sur

 25   les mêmes contributions reflètent le mieux le comportement de M.

 26   Djordjevic.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il s'agit de la question numéro

 28   deux et non pas de la cinq, non. Oh non, vous avez raison.


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  1   Mme VERRALL : [interprétation] Madame, et Messieurs les Juges, le fait de

  2   condamner M. Djordjevic au titre de ces deux formes de responsabilité de

  3   façon concomitante a permis à la Chambre de première instance d'insister,

  4   de mettre en avance son haut degré de culpabilité en associant le critère

  5   plus strict que la participation à l'entreprise criminelle commune impose à

  6   l'élément moral avec le critère plus strict que l'aide et l'encouragement

  7   imposent à l'élément matériel. Ceci permet de mieux refléter l'intention

  8   directe de l'accusé à travers l'entreprise criminelle commune et montre que

  9   ces actes avaient un effet important sur les crimes comme cela apparaît

 10   dans l'aide et l'encouragement.

 11   Je voudrais relever à ce stade pourquoi l'Accusation est en désaccord

 12   avec l'argument de mon estimé confrère ce matin, au titre de la Défense, à

 13   savoir que la même conduite ait été prise en compte pour l'aide et

 14   encouragement à l'entreprise criminelle commune. Il y a quatre types de

 15   contribution qui ont été pris en compte pour l'entreprise criminelle

 16   commune, et très brièvement il s'agit du rôle de Djordjevic dans la

 17   planification et la coordination des opérations du MUP, son rôle dans le

 18   déploiement des Skorpions et d'autres unités de volontaires, la

 19   dissimulation des corps, et enfin, quatrièmement, son manquement à prévenir

 20   et à punir les crimes. Mais lorsque l'on se penche sur les conclusions

 21   relatives à l'aide et à l'encouragement, la Chambre s'est uniquement

 22   appuyée sur les trois derniers facteurs. Dans nos arguments, ceci est

 23   important parce que cela montre que la Chambre de première instance a

 24   adopté cette approche parce qu'elle voulait mettre l'accent sur cette

 25   partie du comportement de M. Djordjevic. Ceci est cohérent avec le point de

 26   vue de la Chambre de première instance quant au haut degré de culpabilité

 27   de Djordjevic et à son rôle actif dans la facilitation des crimes. Dans les

 28   conclusions de la Chambre de première instance, il y a également je cite,


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  1   "aucun autre membre de l'entreprise criminelle commune n'a fait de

  2   contribution plus cruciale à l'accomplissement de son objectif." Et je

  3   réfère les Juges au paragraphe 2211 du jugement.

  4   Au contraire, des arguments présentés par la Défense ce matin, au

  5   sujet de la condamnation au titre de plusieurs modes de responsabilité

  6   concomitantes, et consistantes à dire que cela violerait son droit à une

  7   énonciation claire de sa responsabilité pénale, la Chambre de première

  8   instance a en fait présenté de façon très claire et transparente la

  9   responsabilité pénale tout comme elle l'a fait de façon précise. Il n'y a

 10   rien qui soit incohérent sur le plan logique lorsqu'il s'agit de condamner

 11   au titre de deux modes de responsabilité d'une façon concomitante. Nous

 12   reconnaissons qu'il s'agit de deux modes distincts mais ils ne sont pas

 13   mutuellement, ils ne s'excluent pas, ils ne sont pas incompatibles

 14   logiquement, et le simple fait qu'ils recouvrent la même conduite sous-

 15   jacente, ils ne changent rien à la question de savoir si cela est possible.

 16   Enfin, Madame et Messieurs les Juges, il s'agissait d'une question

 17   d'appréciation pour la Chambre de première instance, nous reconnaissons

 18   qu'elle n'était pas tenue d'adopter cette approche, mais elle a décidé de

 19   condamner au titre des deux modes de responsabilité dans l'intérêt de la

 20   clarté et de l'exhaustivité. Et aucun préjudice tel que mis en avant par M.

 21   Djordjevic n'en résulte.

 22   Je voudrais maintenant me pencher très brièvement sur la

 23   jurisprudence qui permet la condamnation au titre de mode de responsabilité

 24   concomitant en vertu de l'Article 7(1) du Statut. En condamnant Djordjevic

 25   pour ses modes de responsabilité concomitants, la Chambre de première

 26   instance s'établit sur trois affaires en appel mentionnées par mon estimé

 27   confrère ce matin, Ndindabahizi, Kamuhanda, et Nahimana, et toutes ces

 28   affaires aboutissent à une reconnaissance de la possibilité de condamner


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  1   l'accusé au titre de mode de responsabilité concomitant.

  2   Madame et Messieurs les Juges, je voudrais souligner que dans l'appel

  3   Ndindabahizi, nous trouvons une confirmation de la possibilité de ce type

  4   de condamnation. Condamnation donc sur la base de plus d'un mode de

  5   responsabilité, tout comme en l'espèce, parce que la conduite sous-jacente

  6   -- les conduites sous-jacentes à ces différents modes de responsabilité se

  7   recouvrent partiellement. A travers, dans cette affaire précise, il

  8   s'agissait de condamnation au titre des modes de responsabilité

  9   concomitants de la commission, de l'aide et encouragement et de

 10   l'incitation. Et très précisément l'encouragement verbal qui faisait partie

 11   de la condamnation de l'appelant Ndindabahizi pour la commission, et qui

 12   était exactement la même conduite que celle, que la conduite sous-jacente

 13   utilisée pour étayer les modes de responsabilité de l'aide et

 14   l'encouragement et de l'incitation. La Chambre d'appel n'a pas trouvé

 15   d'erreur dans cette approche, elle a reconnu que la Chambre de première

 16   instance cherchait à qualifier autrement le comportement de l'accusé.

 17   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]    

 18   Mme VERRALL : [interprétation] Je voudrais -- je réfère les Juges aux

 19   paragraphes 122 et 123 de cet arrêt en appel.

 20   Je vais m'arrêter dans une minute mais je pourrais peut-être conclure sur

 21   l'arrêt Ndindabahizi, à notre avis ceci est important non seulement parce

 22   qu'il s'agit de conduites sous-jacente qui présente un recouvrement entre

 23   elles mais également parce qu'il s'agit d'une affaire dans laquelle il y a

 24   commission, et mon estimé confrère ce matin a souligné l'incompatibilité

 25   apparente en l'espèce entre la condamnation au titre de l'entreprise

 26   criminelle commune en tant que mode de responsabilité primaire et au titre

 27   de l'aide et l'encouragement en tant que mode secondaire. Nous relevons que

 28   dans l'arrêt Ndindabahizi ceci a été considéré comme acceptable du point de


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  1   vue de la Chambre d'appel.

  2   Peut-être que c'est le bon moment pour faire une pause, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous allons reprendre

  5   à 14 h. Merci.

  6   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 40.

  7   --- L'audience est reprise à 14 heures 00.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bienvenue à tous dans le prétoire.

  9   Madame le Procureur, nous allons poursuivre. Nous allons nous arrêter peu

 10   avant 15h en raison de la réunion à laquelle je dois être présent, puis

 11   nous poursuivrons après avoir fait une pause d'une heure.

 12   A vous.

 13   Mme VERRALL : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.

 14   Pour poursuivre avec ma réponse au sujet de la question numéro 5, les

 15   condamnations concomitantes, juste avant la pause, j'en avais terminé de

 16   mettre en avant et de faire des références aux arrêts de la Chambre d'appel

 17   pertinents, notamment l'arrêt Ndindabahizi. Je n'ai pas l'intention de

 18   revenir sur le détail des arrêts Kamuhanda et Nahimana mais ces affaires

 19   étayent également l'argument selon lequel il est possible de retenir des

 20   modes de responsabilité concomitants.

 21   Parmi ces différents arrêts, je souhaite m'adresser aux Juges de la

 22   Chambre d'appel concernant la position du Juge Schomburg dans l'affaire

 23   Kamuhanda, qui considérait que la concomitance des modes de responsabilité

 24   était impossible. Je voudrais dire qu'en fait, sa position consistait avant

 25   tout à partir du principe que l'accusé ne devait pas être puni deux fois

 26   et, de notre point de vue, ceci repose sur une prémisse qui est erronée.

 27   Voir paragraphe 389 de l'arrêt. En condamnant l'accusé au titre de plus

 28   d'un mode de responsabilité, celui-ci se trouve en fait condamné une seule


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  1   fois pour le crime en question.

  2   Et je voudrais faire une pause, Madame et Messieurs les Juges, pour

  3   mentionner le jugement Akayesu qui a été évoqué ce matin par mon estimé

  4   confrère, notamment son paragraphe 468, où les Juges ont indiqué qu'il

  5   serait inapproprié de condamner un accusé pour deux crimes dans lequel il

  6   se complice pour le premier et responsable principal pour l'autre.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant. Veuillez revenir à ce

  8   que vous étiez en train de dire au sujet du Juge Schomburg. Vous avez

  9   proposé d'apporter une correction à l'approche retenue par le Juge

 10   Schomburg en disant que retenir une condamnation pour plus d'un mode de

 11   responsabilité, revient en fait à toujours condamné l'accusé une seule fois

 12   pour un crime. Mais je crois que la question de la sanction ou de la

 13   munition est un peu différente. Comment retrouve-t-on cela dans la peine ?

 14   Mme VERRALL : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, selon

 15   nous, il n'y a pas de préjudice qui est à la suite de cette approche

 16   consistant à retenir deux modes de responsabilité concomitant, parce que le

 17   principe directeur qu'a retenu la Chambre de première instance dans son

 18   travail a été de rendre compte de la totalité du comportement de M.

 19   Djordjevic. Et nous pouvons voir dans le dispositif du jugement, qu'en

 20   fait, M. Djordjevic n'a été condamné qu'une seule fois pour chacun des

 21   crimes retenus. Et la Chambre de première instance l'expose clairement dans

 22   le paragraphe 2214 du jugement, je cite :

 23   "La Chambre de première instance considère, que dans les

 24   circonstances de l'espèce, la peine adaptée au rôle majeure est

 25   considérable joué par l'accusé dans la mise en œuvre de l'entreprise

 26   criminelle commune et dans l'aide et l'encouragement apporté aux crimes

 27   établis, doit pleinement rendre compte du comportement criminel pour lequel

 28   il est justifié de le sanctionner. Elle fixera la peine en conséquence."


Page 141

  1   Et pour résumer, Madame et Messieurs les Juges, nous considérons

  2   qu'il n'y a là aucun préjudice qui en ressort pour la Défense parce qu'en

  3   fin de compte, c'est l'ensemble de la conduite de M. Djordjevic qui a pu

  4   être pris en considération qui se reflète dans la peine telle qu'elle a été

  5   déterminée.

  6   Est-ce que cela répond à la question des Juges ?

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Eh bien, j'apprécie votre

  8   effort pour replacer ceci dans son contexte je crois que c'est plus

  9   équitable à l'égard de ce qui avait été retenu par le Juge Schomburg.

 10   Mme VERRALL : [interprétation] Merci.

 11   Pour revenir à ce que j'étais en train d'expliquer par rapport au jugement

 12   Akayesu, et aux commentaires s'y rapportant encore une fois il s'agissait

 13   des condamnations cumulatives, retenues par la Chambre de première instance

 14   et le fait qu'il aurait été inapproprié de condamner à la fois pour

 15   génocide et pour complicité dans un génocide. Nous reconnaissons, Madame et

 16   Messieurs les Juges, que la préoccupation du point de vue des condamnations

 17   cumulatives se présente de façon différente et qu'il y a peut-être un souci

 18   de double peine lorsqu'on en arrive à des condamnations cumulatives. Mais

 19   ici, il s'agit de condamner en vertu de modes de responsabilité

 20   concomitants. Ce n'est pas la même chose.

 21   Et pour conclure sur ce point, M. Djordjevic n'a été condamné qu'une seule

 22   fois en vertu de l'article 7(1) pour chacun des crimes dont il a été

 23   reconnu coupable et il a une peine appropriée été retenue en son encontre

 24   en se fondant sur l'ensemble de son comportement. Il n'y a aucun préjudice

 25   qui en résulte. Et conformément à cela, nous demandons à présent une

 26   Chambre d'appel de rejeter le 18e moyen d'appel de M. Djordjevic puisqu'il

 27   s'agit des condamnations au titre de modes de responsabilité concomitants.

 28   Madame et Messieurs les Juges, je voudrais maintenant passer à la question


Page 142

  1   numéro deux qui concerne également la responsabilité de M. Djordjevic pour

  2   avoir aider et encourager la commission de crimes. Madame et Messieurs les

  3   Juges nous ont demandé de nous pencher, premièrement, sur les conséquences

  4   de l'absence de conclusions explicites par la Chambre de première instance

  5   au sujet de la contribution importante de M. Djordjevic relativement au

  6   crime de transfert forcé. Et deuxièmement, de nous pencher sur les

  7   conséquences de l'absence de conclusions par la Chambre de première

  8   instance au sujet de l'élément visé spécifiquement pour ce qui est de la

  9   responsabilité pour aide et encouragement en général.

 10   Alors je vais me pencher tour à tour sur ces deux questions.

 11   Premièrement, concernant l'absence de conclusion au sujet de ce critère de

 12   l'effet important de l'aide et de l'encouragement concernant le crime de

 13   transfert forcé. Pour résumer notre position, certes la Chambre de première

 14   instance a omis d'enregistrer cette conclusion spécifique, mais cette

 15   omission est sans effet sur la condamnation. En se penchant sur l'aide et

 16   l'encouragement et la responsabilité correspondante, la Chambre de première

 17   instance a au préalable correctement défini les éléments concernés, y

 18   compris le critère selon lequel la conduite de l'accusé doit avoir un effet

 19   important sur les crimes, paragraphe 1874.

 20   Les deux paragraphes-clés en la matière sont les 2163 et 2164 du jugement

 21   au sujet des contributions de M. Djordjevic. Je n'ai pas l'intention d'en

 22   donner lecture, mais quand on en donne lecture de ces deux paragraphes l'un

 23   après l'autre, il apparaît que la Chambre a tout simplement omis d'inclure

 24   les mots "transfert forcé" au moment où elle énonçait ces conclusions

 25   relatives à l'effet important. Elle a pris soin de sélectionner les

 26   critères adéquats, les a appliqués concernant le reste des crimes, et elle

 27   avait l'intention de condamner M. Djordjevic également pour avoir aider et

 28   encourager aux transferts forcés.


Page 143

  1   Cette omission, dans la mesure où on peut la qualifier d'erreur, n'a pas le

  2   moindre effet sur les condamnations de M. Djordjevic pour avoir aidé et

  3   encouragé au transfert forcé. Madame et Messieurs les Juges, il a

  4   suffisamment de conclusions dans le jugement pour satisfaire au critère

  5   relatif à l'effet important. Et il est du pouvoir de la présente Chambre

  6   d'appel de maintenir cette condamnation en se fondant sur le reste des

  7   conclusions et du raisonnement de la Chambre de première instance. A cet

  8   égard je souhaite renvoyer les Juges de la Chambre d'appel au récent arrêt

  9   Lukic et Lukic, paragraphe 437, en effet, la Chambre d'appel, il maintient

 10   condamnation pour aider et encouragement alors même que la Chambre de

 11   première instance avait de façon similaire à notre espèce omis

 12   d'enregistrer une conclusion spécifique relative à l'effet important.

 13   En l'espèce, le point de départ est la conclusion d'un effet -- relative --

 14   à l'existence d'un effet important au sujet des autres crimes établis. La

 15   Chambre de première instance était convaincue que le comportement de M.

 16   Djordjevic avait un effet important sur les crimes de meurtre, de

 17   persécutions, et d'expulsions. Notamment que ce comportement comprenait son

 18   manquement à enquêter au sujet de ou à punir les crimes commis par ses

 19   subordonnés; le rôle majeur qui a été le sien dans les efforts visant à

 20   dissimuler activement les meurtres y compris le transport clandestin de

 21   corps; et le rôle personnel qu'il a joué dans le déploiement des unités de

 22   volontaires et de paramilitaire au Kosovo.

 23   Madame et Messieurs les Juges, pour bien comprendre comment ces

 24   contributions ont eu un effet important sur les crimes, nous devons

 25   également tenir compte du contexte dans lequel ces crimes sont survenus.

 26   Ils sont survenus en tant que partie d'une campagne à grande échelle,

 27   campagne de terreur et de violence extrême qui a provoqué la fuite des

 28   Albanais du Kosovo de leurs domiciles. Les actes de M. Djordjevic ont


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  1   directement facilité et perpétué cette campagne, si bien que ses actions

  2   ont eu un effet important sur les crimes commis dans ce cadre. Notamment,

  3   dans la mesure où les actions de M. Djordjevic ont eu un effet important

  4   sur le crime d'expulsion, elles ne peuvent qu'avoir eu le même effet

  5   important sur le transfert forcé, parce qu'il s'agissait de la même

  6   campagne qui avait forcé les Albanais du Kosovo à quitter leurs domiciles

  7   et leurs villages dans un cas comme dans l'autre. La seule différence

  8   concernait la question de savoir s'il y avait ou non des preuves qu'une

  9   frontière avait été traversée. Les contributions de M. Djordjevic et les

 10   effets que ces contributions ont eu sur les crimes sont les mêmes dans les

 11   deux cas.

 12   Pour conclure, la Chambre de première instance a simplement omis

 13   d'enregistrer formellement une conclusion relative à l'effet important en

 14   matière d'aider et d'encouragement pour le crime de transfert forcé, mais

 15   ceci n'a aucun effet sur la sentence. Lorsque l'on comprend les

 16   contributions de M. Djordjevic du point de vue de leurs effets sur

 17   l'ensemble de la campagne de terreur et de violence, tout juge raisonnable

 18   du fait serait fondé à conclure que ses actions ont eu un effet important

 19   sur tous les crimes qui faisaient partie intégrante de cette campagne. Les

 20   conclusions figurant dans le jugement de première instance, Madame et

 21   Messieurs les Juges, suffisent à maintenir la conclusion selon laquelle il

 22   y eu un effet important sur les transferts forcés, au même titre qu'il y a

 23   eu effet important sur les crimes d'expulsion, de meurtres, et de

 24   persécutions.

 25   Madame, Messieurs les Juges, je vais maintenant passer à la deuxième partie

 26   de la question, à savoir les conséquences de l'absence de conclusions

 27   explicites par la Chambre de première instance relativement à l'élément de

 28   visée spécifiquement à … et ceci dans le contexte de la responsabilité pour


Page 145

  1   aide et encouragement. Madame et Messieurs les Juges, avant de poursuivre,

  2   je relève que l'élément de visée est actuellement pendant devant la même

  3   Chambre d'appel dans l'affaire Sainovic au sujet de l'appelant Lazarevic.

  4   Au cours de l'audience en appel qui s'est tenue au mois de mars de cette

  5   année, l'Accusation a expliqué pour quelle raison elle considère qu'il y

  6   avait des raisons impérieuses de se départir de l'arrêt Perisic, la Chambre

  7   d'appel dans l'affaire Perisic ayant récemment conclu que l'élément de

  8   viser spécifiquement à faisait partie de l'aide et l'encouragement.

  9   Compte tenu du fait que l'aide et l'encouragement ne sont pas au cœur de

 10   l'espèce, je ne me propose pas de revenir sur l'argumentation avancée par

 11   l'Accusation au mois de mars au sujet des raisons impérieuses de s'écarter

 12   de la jurisprudence de l'arrêt Perisic; cependant, si cela agrée aux Juges

 13   de la Chambre d'appel, nous pouvons tout à fait déposer par écrit des

 14   arguments supplémentaires, ce qui donnera également à la Défense la

 15   possibilité d'exprimer sa position en répondant.

 16   Pour résumer rapidement, le point de vue de l'Accusation concernant

 17   les raisons pour lesquelles la jurisprudence de l'arrêt Perisic n'est pas

 18   une bonne jurisprudence repose sur quatre arguments. Premièrement, le

 19   critère de viser spécifiquement à tel qu'énoncé dans l'arrêt Perisic est

 20   sans fondement en droit international coutumier; deuxièmement, il n'est pas

 21   cohérent avec la jurisprudence précédente du présent Tribunal;

 22   troisièmement, il impose une norme juridique floue et inutilisable; et

 23   quatrièmement, il sape les principes mêmes du droit international

 24   humanitaire en ouvrant une brèche pour ceux qui doivent répondre de leurs

 25   responsabilités.

 26   Madame, Messieurs les Juges, sans concéder quoi que ce soit quant à notre

 27   position, considérant qu'il y a des raisons impérieuses de s'écarter de

 28   l'arrêt Perisic, si la Chambre d'appel devait considérer que l'arrêt


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  1   Perisic devait continuer à s'appliquer en matière d'aide et d'encouragement

  2   et si ce raisonnement devait être appliqué en l'espèce, l'omission par la

  3   Chambre de première instance de conclusions explicites par rapport à

  4   l'élément de viser spécifiquement à ne compromettrait pas pour autant la

  5   sentence.

  6   La Chambre de première instance n'était pas tenue d'enregistrer

  7   explicitement des conclusions au sujet de l'élément viser spécifiquement à

  8   ceci, parce que l'arrêt Perisic ne demande que l'on établisse cet élément

  9   de viser spécifiquement à sous forme de conclusion que lorsqu'il s'agit

 10   d'une personne qui aide et qui encourage à distance, ce n'est pas le cas de

 11   M. Djordjevic. C'est pourquoi il n'y a pas d'erreur dans l'approche de la

 12   Chambre de première instance.

 13   L'arrêt Perisic considère que l'élément de viser spécifiquement à doit être

 14   considéré explicitement lorsqu'on a affaire à une aide et un encouragement

 15   qui sont fournis à distance, avec un éloignement. La question de savoir si

 16   cette distance existe est une question de fait. Cependant, lorsqu'on a

 17   affaire à une personne qui est proche des crimes, l'élément de viser

 18   spécifiquement à peut être démontré de façon implicite en abordant d'autres

 19   éléments de l'aide et l'encouragement tel que la contribution importante de

 20   l'accusé au crime. Dans de tels cas, le lien coupable est évident. Et je

 21   vous réfère aux paragraphes 37 à 39 de l'arrêt Perisic.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Une question. En d'autres termes, est-

 23   ce que je dois comprendre que aussi bien dans votre opinion que dans celle

 24   qui a été exprimée par la Défense, pendant la période pertinente, M.

 25   Djordjevic se trouvait à Belgrade et non pas au Kosovo, et que ceci est

 26   sans pertinence par rapport à votre argumentation ?

 27   Mme VERRALL : [interprétation] Monsieur le Président, je me propose de

 28   parcourir un certain nombre de nos raisons pour lesquelles nous considérons


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  1   que M. Djordjevic n'était pas quelqu'un qui était éloigné des crimes au

  2   moment où il fournissait une aide et un encouragement, qu'il était proche,

  3   au contraire. Je note seulement que cette considération géographique est

  4   quelque chose que la Chambre d'appel a relevé Et dans l'affaire Perisic, la

  5   Chambre d'appel a considéré qu'il n'était pas nécessaire de considérer

  6   explicitement cela parce que M. Perisic était éloigné des crimes. En

  7   faisant cela, la Chambre d'appel s'est appuyée sur un certain nombre

  8   d'indicateurs factuels que nous trouvons au paragraphe 42 de l'arrêt. Et je

  9   les reprends, premièrement, la VRS, l'armée qui avait commis les crimes

 10   était indépendante de la VJ, armée au sein de laquelle Perisic occupait son

 11   poste. Ensuite, les deux armées étaient basées dans des régions

 12   géographiques séparées. Et enfin, la Chambre de première instance ne s'est

 13   absolument pas référée au moindre élément de preuve indiquant que Perisic

 14   ait ou non été présent au moment de la commission ou de la planification

 15   des crimes.

 16   M. Djordjevic ne tombe pas dans cette catégorie. En effet, il avait des

 17   pouvoirs de jure et exerçait un contrôle effectif sur la police au Kosovo,

 18   jugement en première instance, paragraphe 2154. La Chambre de première

 19   instance a conclu qu'il avait la plus grande responsabilité à l'égard des

 20   auteurs principaux de la campagne de crime et de terreur, paragraphes 2210

 21   et 2211 du jugement. Il avait une connaissance détaillée des événements sur

 22   le terrain et participait de près à la prise de décisions opérationnelles

 23   au Kosovo, y compris par le truchement du "collegium" du MUP et des organes

 24   du commandement conjoint, paragraphe 2154 du jugement. Comme mon confrère,

 25   M. Wood, l'a déjà indiqué, il a directement déployé des unités de

 26   volontaires et des paramilitaires au Kosovo. Il les a directement engagés

 27   et les a déployés au Kosovo. En particulier, il a personnellement facilité

 28   le déploiement du groupe paramilitaire notoire des Skorpions, paragraphes


Page 148

  1   1934 à 1966 du jugement. Il était également intimement lié à la commission

  2   des crimes sur le terrain. Et dans son effort visant à dissimuler les

  3   meurtres qui s'étaient produits dans le cadre de cette campagne massive de

  4   "terrorisation" et de violence, il a donné des ordres directs aux fins du

  5   transport clandestin et de la réinhumation de corps dans des charniers.

  6   A ce stade, je voudrais faire une pause pour souligner que la dissimulation

  7   de corps n'est pas ex post facto une contribution à l'aide et

  8   l'encouragement. Ce n'est pas la façon, en tout cas, dont l'Accusation a

  9   conçu sa thèse et ce n'est pas la façon dont la Chambre de première

 10   instance l'a envisagé. Par conséquent, de notre point de vue, les arguments

 11   avancés par la Défense ce matin soulignant la nécessité d'un accord

 12   préalable lorsqu'il s'agit d'aide et d'encouragement ex post facto ne sont

 13   pas pertinents. L'opération de dissimulation était une contribution

 14   permanente qui s'est prolongée pendant toute la durée de la campagne.

 15   C'était une contribution parce qu'elle a permis à la campagne de se

 16   poursuivre sans entrave et sans enquête à l'insu des observateurs

 17   internationaux.

 18   Je reviens aux raisons pour lesquelles M. Djordjevic était présent, était

 19   proche des crimes. Il était présent sur le terrain au Kosovo, y compris au

 20   moment de la commission des crimes. Par exemple, il était l'officier du MUP

 21   le plus haut gradé dans le cadre de l'opération de Racak à la mi-janvier

 22   1999 lors de laquelle pas moins de 45 Albanais du Kosovo ont été tués.

 23   Alors, Madame, Messieurs les Juges, ceci n'est pas un crime retenu à charge

 24   mais il a été raisonnablement pris en considération par la Chambre de

 25   première instance afin de mettre le doigt sur la date de début de

 26   l'entreprise criminelle commune, et nous avançons que ceci est tout aussi

 27   pertinent afin de démontrer le lien intime qu'entretenait M. Djordjevic

 28   avec les événements sur le terrain au Kosovo ainsi que sa connaissance des


Page 149

  1   crimes.

  2   Madame et Messieurs les Juges, les mêmes facteurs que je viens juste de

  3   mettre en avant et qui démontrent que M. Djordjevic n'était pas quelqu'un

  4   qui aidait et encourageait à distance permettent également de démontrer

  5   implicitement l'existence d'un lien coupable entre ses actions d'une part

  6   et les crimes et les crimes d'autre part, en raison du lien intime qu'il

  7   avait avec les événements sur le terrain et les crimes qui y survenaient.

  8   Madame et Messieurs les Juges, la Chambre de première instance n'était pas

  9   tenue d'enregistrer des conclusions explicites relativement à l'élément

 10   viser spécifiquement à parce que M. Djordjevic ne fournissait pas une aide

 11   et un encouragement en étant éloigné du terrain. Par conséquent, il n'y a

 12   pas d'erreur dans l'approche retenue et l'existence d'un lien coupable est

 13   implicite à partir d'autres conclusions figurant dans le jugement,

 14   notamment celle relative à l'effet substantiel de ses actions sur les

 15   crimes.

 16   Pour ces raisons, nous demandons à la Chambre d'appel de maintenir les

 17   condamnations de M. Djordjevic pour aide et encouragement.

 18   A moins que Mme et MM. les Juges aient des questions au sujet de l'aide et

 19   de l'encouragement tel que je viens d'aborder, je cèderai la parole à mon

 20   collègue M. Wood qui poursuivra avec le reste de notre réponse.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Allez-y, Monsieur Wood.

 22   M. WOOD : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Avant

 23   d'aborder la réponse à la question, il y a quelques corrections à apporter

 24   au compte rendu d'audience. Je peux le faire maintenant. La ligne 66 au

 25   compte rendu -- ligne 24, on peut lire "Kosovo" et on devrait lire

 26   "Croatie." Page 67, ligne 11, on devrait lire T 9545 au compte rendu

 27   d'audience, à la page du compte rendu d'audience 70, lignes 4 à 5, j'ai

 28   omis de consigner au compte rendu d'audience les références aux


Page 150

  1   diapositives que j'ai montrées, donc lignes 4 à 5 devraient correspondre au

  2   T 10009 et T 10010. Et les lignes 13 à 16, page du compte rendu d'audience

  3   70, on devrait lire 10006. A la page du compte rendu d'audience 74, ligne

  4   7, le terme de "Batajnica" devrait figurer avant "centre." Et à la page du

  5   compte rendu d'audience 80, la ligne 11, on devrait lire 98, du mémoire en

  6   réplique et non pas 28. Et pour finir, je viens de remarquer au compte

  7   rendu d'audience 92, ligne 16, on devrait lire "Djordjevic" et non pas

  8   "Perisic."

  9   Cela étant dit, je vais maintenant répondre à la question numéro quatre.

 10   Madame et Messieurs les Juges, la Chambre de première instance n'a pas

 11   commis d'erreur lorsqu'elle a condamné le général Djordjevic, compte tenu

 12   des incidents précisés au numéro quatre. Chacun de ces incidents correspond

 13   à la période de temps reprochée dans l'acte d'accusation dans la zone

 14   géographique qui relève de l'acte d'accusation et dans le cadre d'une

 15   attaque généralisée et systématique contre les Albanais du Kosovo décrit

 16   dans l'acte d'accusation. Toute ambiguïté à cet égard à propos des

 17   incidents précis qui ont été notés dans la question numéro quatre ont été

 18   remédiés parce que l'Accusation a fourni à Djordjevic des informations

 19   opportunes claires et cohérentes, apportant les détails ou les bases

 20   factuelles qui soulignaient les accusations contre lui. Ceci concorde avec

 21   la conclusion des Juges de la Chambre dans l'affaire Naletilic, da

 22   l'affaire Naletilic aux paragraphes 26 et 27.

 23   L'Accusation fait valoir en outre que Djordjevic a omis de montrer

 24   qu'il était capable de préparer sa défense, et que ceci a été entravé de

 25   façon matérielle par les défauts qu'il allègue au moyen numéro 16. C'est la

 26   première fois qu'il fait valoir ce motif en appel. Il n'a pas soulevé

 27   d'objection spécifique pendant le procès, lorsque les éléments pertinents

 28   ont été présentés. Ceci signifie, Madame, Messieurs les Juges, qu'il porte


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  1   la responsabilité de prouver que vice de forme de l'acte d'accusation qu'il

  2   allègue a entravé de façon matérielle la préparation, la préparation de sa

  3   Défense. Confer le jugement Simic, la conclusion des Juges de la Chambre

  4   dans l'arrêt  Simic au paragraphe 25. Ce qui signifie que Djordjevic doit

  5   fournir des informations spécifiques sur la manière dont sa Défense a été

  6   entravée de façon matérielle, par le manque de préavis tel qu'il est

  7   indiqué, par exemple, sur comment certains témoins auraient pu être engagés

  8   différemment y compris les questions précises qu'il aurait pu leur

  9   demander, et il établit exactement comment il aurait pu aborder cette

 10   question si son approche avait été différente. Confer arrêt Mrksic, au

 11   paragraphe 144.

 12   En l'espèce, Djordjevic n'a pas pu prouver qu'il y avait une charge

 13   supplémentaire à son égard. Plutôt il a simplement fourni une liste des

 14   vices de forme dans l'acte d'accusation, tel qu'il les allègue sans pour

 15   autant fournir aucun élément d'information sur ces vices de forme, et

 16   comment ceux-ci ont entravé de façon matérielle sa Défense. Paragraphes

 17   357, 360 de l'appel. Djordjevic ne s'est pas opposé lorsque les éléments de

 18   preuve à propos de cet incident ont été présentés. Il a contre-interrogé un

 19   nombre important de témoins, un nombre de témoins pertinents, et dans les

 20   affaires de meurtre à Pusto Selo, a cité à la barre un témoin, et a

 21   présenté des éléments pour réfuter l'incident.

 22   Ceci montre que Djordjevic a été averti des thèses de l'Accusation,

 23   et a pu répondre à ces allégations. Naletilic, arrêt Naletilic, paragraphe

 24   27.

 25   Alors pour aborder ceci plus avant, je vais aborder chaque incident

 26   dans cet ordre.

 27   A commencer par l'expulsion du village de Kladernica, entre les 12 et

 28   15 avril 1999, il s'agit de l'alinéa (a) de la question numéro quatre. Le


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  1   déplacement de Kladernica a été plaidé de façon spécifique au paragraphe

  2   72(C) de l'acte d'accusation. Outre précision à propos de cet incident,

  3   comprennent le fait que les expulsions ont eu lieu entre les 12 et 15 avril

  4   1999, ceci a été fourni par l'Accusation dans ses arguments préalables au

  5   procès y compris le résumé du témoin 65 ter, Sadik Januzi, déposé le 1er

  6   septembre 2008, la même date à laquelle tous les résumés 65 ter ont été

  7   déposés. Et d'autres éléments précis ont été fournis dans la requête de

  8   l'Accusation, et la présentation de la déposition de M. Januzi -- requête

  9   aux fins de verser au dossier la déposition de M. Januzi, déposée le 28

 10   octobre 2008, ainsi que la déclaration écrite de M. Januzi versée au

 11   dossier en vertu de l'article 92 quater. Pièce à conviction P281.

 12   Je vais maintenant aborder la deuxième partie de la question 4(a)

 13   l'expulsion de la ville de Suva Reka, entre le 7 et le 21 mai 1999. Cette

 14   expulsion a été plaidée au paragraphe 72(d) de l'acte d'accusation. Et

 15   l'Accusation fait valoir que contrairement aux arguments de la Défense,

 16   72(d) (i) ne limite pas la période de temps concernant Suva Reka. L'acte

 17   d'accusation doit être lu dans son ensemble de façon à ce que la période de

 18   temps au cours de laquelle les crimes ont été commis va du mois de janvier

 19   au mois de juin 1999. Un autre élément précis à propos, particulier à

 20   propos de cet incident comprend le fait que les expulsions se sont

 21   poursuivies entre le 7 et le 21 mai 1991, ceci a été fourni dans les

 22   résumés de témoins 65 ter, Halit Berisha et Hysni Berisha. Ces deux témoins

 23   ont également déposé au cours du procès en avril 2009. Ces deux témoins ont

 24   déposés à propos des expulsions de Suva Reka.

 25   Je vais maintenant aborder l'alinéa (b) de votre quatrième question,

 26   le transfert forcé des villages de Brocna et Tusilje. Brocna et Tusilje

 27   sont des villages qui font partie de la municipalité de Srbica. L'attaque

 28   contre cette municipalité qui s'est déroulée dans la période couverte par


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  1   l'acte d'accusation est décrite au paragraphe 72(C) de l'acte d'accusation.

  2   Pour ce qui est de Brocna, Djordjevic a été averti suffisamment à l'avance

  3   de cet incident dans le résumé 65 ter de Milazim Thaqi, qui a également

  4   déposé au sujet de ce déplacement et a fait l'objet d'un contre-

  5   interrogatoire sur ce sujet. Confer page du compte rendu d'audience 5005.

  6   Pour ce qui est de Tusilje, l'Accusation note que les éléments de preuve

  7   présentés au procès montre que Tusilje était un point de rassemblement pour

  8   des Albanais kosovars qui fuyaient le village de Turicevac [phon], et que

  9   Djordjevic a été condamné d'expulsion depuis Turicevac. Paragraphes 637

 10   [phon] et 1632 de l'acte d'accusation. Par conséquent la Chambre de

 11   première instance -- il n'était pas nécessaire que la Chambre de première

 12   instance prononce une déclaration de culpabilité par rapport à cet

 13   incident.

 14   Ensuite le transfert forcé de Cuska, alinéa (b) de la quatrième --

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vois qu'il y a une confusion

 16   au niveau de Tusilje. Vous faites référence au paragraphe 73 de l'acte

 17   d'accusation, quel alinéa ?

 18   M. WOOD : [interprétation] Oui, je vois qu'il y a un problème.

 19   Permettez-moi de préciser cela, Monsieur le Président. Djordjevic a été

 20   condamné d'expulsion de Turicevac. Un jugement de la Chambre de première

 21   instance, paragraphes 637 et 1632.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vois.

 23   M. WOOD : [interprétation] Et donc je faisais référence au jugement de

 24   première instance et non pas à l'acte d'accusation. Donc il n'était pas

 25   utile que la Chambre de première instance prononce une déclaration de

 26   culpabilité eu égard à cet incident. Alors je vais parler du transfert

 27   forcé de Cuska. Ceci a eu lieu dans le cadre temporel et géographique de

 28   l'acte d'accusation, ceci se situe dans la municipalité de Pec, l'attaque


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  1   contre cette municipalité décrite au paragraphe 72(e) de l'acte

  2   d'accusation. Djordjevic a été averti suffisamment à l'avance de cet

  3   incident dans les résumés 65 ter de Hazir Berisha et de Tahir Kelmendi. En

  4   outre, ces deux témoins ont également déposé au sujet de cet incident,

  5   comme l'a fait un autre témoin, Fred Abrahams. Berisha et Kelmendi ont été

  6   contre-interrogés sur ce sujet.

  7   Je vais maintenant aborder l'alinéa (c), meurtre dans le village de Mala

  8   Krusa. Ces meurtres se sont déroulés pendant l'attaque contre Mala Krusa

  9   décrite au paragraphe 75(c) de l'acte d'accusation. Comme cela a été noté

 10   par la Chambre de première instance au paragraphe 485 du jugement rendu par

 11   la Chambre de première instance. Les noms des trois hommes en question sont

 12   compris ou figurent à l'annexe C de l'acte d'accusation, Sali Shehu, Demir

 13   Rashkaj et Nexhat Shehu.

 14   En outre, le 16 février 2009, le témoin de l'Accusation, le témoin à charge

 15   Ramadani -- le Témoin Lufti Ramadani a déposé au sujet de ces meurtres et a

 16   été contre-interrogé sur le sujet.

 17   Je vais maintenant aborder les meurtres commis dans la ville de Podujevo,

 18   alinéa (c) de la quatrième question, les meurtres de Mandi Duriqi et de

 19   Selmon Gashi se sont déroulés à Podujevo le même jour où 14 autres

 20   personnes au moins ont été tuées, tel que cela est décrit au paragraphe

 21   75(L) de l'acte d'accusation. Même si l'acte d'accusation n'a pas cité

 22   Duriqi et Gashi nommément dans l'annexe, il  ne s'agissait pas d'un fait

 23   matériel qui devait être plaidé dans l'acte d'accusation. Quant à

 24   Kupreskic, l'arrêt paragraphe 89 et l'arrêt Naletilic paragraphe 24.

 25   Quoi qu'il en soit, Djordjevic a été averti de façon claire et cohérente au

 26   sujet de la commission de ces meurtres. Les résumés en vertu de l'article

 27   65 ter de Fatos Bogojevci et de Saranda Bogojevci ont indiqué que ces deux

 28   témoins ont dit dans leur déposition que deux hommes ont été emmenés dans


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  1   un magasin et qu'ils ont entendu deux coups de feu. Ces deux témoins ont

  2   déposé et ont dit que ces deux hommes étaient Hamid Duriqi et Selmon Gashi.

  3   Et pour finir, Madame, Messieurs les Juges, je vais aborder les

  4   persécutions commises par le truchement des assassinats à Pusto Selo,

  5   alinéa (d) de la question quatre. Le massacre à Pusto Selo s'est déroulé

  6   dans la municipalité Orahovac le 31 mars 1999, et donc, cela se situe dans

  7   le cadre temporel et géographique de l'acte d'accusation. Cela faisait

  8   partie également de la campagne de persécution décrite aux paragraphes 16 à

  9   33 de l'acte d'accusation. Le général Djordjevic a également été averti de

 10   cet incident, notamment son caractère discriminatoire. Dans la liste des

 11   témoins 65 ter de l'Accusation, les résumés de témoins Ali Gjogaj et Beqir

 12   Krasniqi. Pendant le procès, Gjogaj et Krasniqi ainsi que Avdyl Mazreku ont

 13   déposé et ont été contre-interrogés par la Défense au sujet des crimes

 14   commis à Pusto Selo. La Défense a également présenté des témoins et des

 15   pièces à conviction à propos de ces crimes à Pusto Selo. Confer, Madame,

 16   Messieurs les Juges, plus précisément la déposition 6D2 du 3 mars 2010 et

 17   des pièces à conviction D225, D226 et D811.

 18   En conclusion, Madame, Messieurs les Juges, Djordjevic a été suffisamment

 19   averti de chacun de ces incidents qui sont énumérés à la question numéro

 20   quatre et quant à la charge qui relève sur ses épaules, il a omis de

 21   montrer que les vices de forme allégués ont entravé de façon matérielle sa

 22   capacité à préparer ou présenter sa défense. Même si vous constatez qu'il y

 23   a eu une erreur, ceci ne doit avoir aucune incidence sur la peine prononcée

 24   à l'encontre de Djordjevic qui se fonde sur un nombre important de crimes

 25   commis pendant toute la période au Kosovo.

 26   Pardonnez-moi une correction encore à apporter au compte rendu d'audience.

 27   A la page 99, ligne 6, on devrait lire paragraphes 637, 632, et non pas 637

 28   à 632. Donc, je voulais lire ces deux paragraphes séparément. Il ne s'agit


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  1   pas de paragraphes consécutifs, ce qui constituerait un nombre de

  2   paragraphes très important.

  3   Alors, il s'agit là de questions relatives et de ma réponse à la question

  4   numéro quatre. Je souhaite répondre à la question maintenant --

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Y a-t-il un lien --

  7   Alors, j'ai une question qui est liée à ce que vous venez de dire.

  8   M. WOOD : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] L'appelant affirme dans son

 10   mémoire qu'il n'a pas été suffisamment averti pour ce qui est des

 11   événements qui se sont déroulés à Dusanovo. L'acte d'accusation accuse

 12   Djordjevic simplement d'actes d'expulsion qui ont été commis, et je cite :

 13   "Dans la ville de Prizren;" cependant, si vous regardez le paragraphe 565

 14   du jugement de la Chambre de première instance, Dusanovo est décrit comme

 15   étant une banlieue de Prizren, et au paragraphe 1626, on décrit Dusanovo

 16   comme étant un quartier de Prizren. Et en outre, la pièce à conviction de

 17   l'Accusation 876 décrit Dusanovo comme faisant partie de la commune de

 18   Prizren.

 19   Alors, comment faut-il interpréter ce lieu, Dusanovo, par rapport à Prizren

 20   ? Y a-t-il un quelconque conflit ou contradiction entre ces différentes

 21   appellations géographiques, à savoir quartier, commune, banlieue ? Et si

 22   oui, arrivez-vous à concilier cette contradiction ? Si tel n'est pas le

 23   cas, veuillez nous l'expliquer, s'il vous plaît.

 24   M. WOOD : [interprétation] Monsieur le Juge, Tusanovo fait référence à une

 25   banlieue de Prizren -- Dusanovo évoque une banlieue de Prizren. Sans avoir

 26   sous les yeux la déposition particulière ou le résumé 65 ter, et cetera, je

 27   dirais que ceci permet de démontrer que l'accusé a été averti dûment, étant

 28   donné que cela se trouve à proximité de la ville de Prizren, par


Page 157

  1   conséquent, il n'est pas nécessaire que ce fait matériel soit plaidé dans

  2   l'acte d'accusation. L'appelant savait qu'il devait répondre de cette

  3   Accusation, que cela était lié à Prizren. Que ces crimes aient pu être

  4   commis dans une ville proche de Prizren constituait un avertissement

  5   suffisant qu'il devait répondre de ces accusations.

  6   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Puis-je vous demander comment

  7   vous décrivez le terme de banlieue ?

  8   R.  Oui, à l'intérieur de Prizren, et donc, d'après l'Accusation, Dusanovo,

  9   eh bien, cela comprend la commune géographique de Dusanovo, à l'intérieur

 10   de Prizren. Donc, il aurait été averti suffisamment.

 11   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Donc, dans ce sens-là, le

 12   jugement de la Chambre de première instance ainsi que la pièce à conviction

 13   que vous avez citée où trois termes différents sont utilisés pour décrire

 14   Dusanovo, on doit estimer que ces termes sont équivalents et que "la ville

 15   de Prizren" doit les englober tous ?

 16    M. WOOD : [interprétation] Oui, tout à fait.

 17   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Merci.

 18   M. WOOD : [interprétation] Et pour finir, je souhaitais saisir cette

 19   occasion pour aborder la question que vous avez posée à la Défense

 20   concernant les événements de 1998. Alors, Monsieur le Président, vous

 21   m'avez demandé si vous pouviez m'indiquer un quelconque passage du jugement

 22   de la Chambre de première instance où la Chambre a conclu qu'on avait pu

 23   prouver au-delà de tout doute raisonnable que l'entreprise criminelle

 24   commune impliquant le général Djordjevic ait existé avant janvier 1999. Et

 25   si vous répondez à la première question par la négative, pouvez-vous

 26   m'indiquer dans quel cas, dans le jugement rendu par la Chambre de première

 27   instance, la Chambre de première instance imposé une responsabilité pénale

 28   à Djordjevic découlant des crimes commis avant mi-janvier 199 ?


Page 158

  1   La réponse à la première question est non. Tous les crimes reprochés

  2   relèvent de l'acte d'accusation. Et la Chambre de première instance a

  3   conclu de manière spécifique concernant chaque crime, qu'il faisait partie

  4   de l'entreprise criminelle commune. Il n'y a aucun crime pour lequel

  5   Djordjevic a été tenu responsable qui ne relève pas de cette période citée

  6   dans l'acte d'accusation faisant référence à l'entreprise criminelle

  7   commune.

  8   Pour répondre à la deuxième partie de votre question, contrairement à

  9   l'argument présenté par l'appelant, nulle part dans le jugement que ce soit

 10   aux pages 733 à 781 ou ailleurs, la Chambre de première instance impose-t-

 11   elle une responsabilité pénale à Djordjevic pour une quelconque

 12   contribution qui se serait produite avant la mi-janvier 1999. Plutôt, la

 13   Chambre de première instance s'est appuyée sur son comportement et

 14   connaissance avant la mi-janvier 1999. Pour déduire de façon raisonnable

 15   que le général Djordjevic partageait l'intention requise pour l'entreprise

 16   criminelle commune en 1999. Et donc dans cette veine-là, Madame, Messieurs

 17   les Juges, l'Accusation est d'accord pour dire que la déclaration du

 18   conseil, à savoir que "la connaissance de 1998 pouvait être utilisée, par

 19   exemple, pour signifier qu'on peut en déduire une connaissance analogue ou

 20   intention pour la période qui a suivi." Page du compte rendu 61 du compte

 21   rendu d'aujourd'hui.

 22   Ceci correspond également à la jurisprudence de ce Tribunal, Madame,

 23   Messieurs les Juges, dans l'arrêt Krajisnik, paragraphes 200 à 204,

 24   paragraphe 492, "l'état d'esprit et le comportement d'un accusé avant que

 25   ne soit établie l'existence d'un objectif commun peut être pris en compte

 26   comme élément de preuve contre l'accusé pour prouver l'élément moral de ce

 27   dernier dans le cas d'une entreprise criminelle commune."

 28   Et c'est exactement ce que la Chambre de première instance a fait en


Page 159

  1   l'espèce. Je vous renvoie aux paragraphes 2155 à 2158, Madame, Messieurs

  2   les Juges, qui renvoient directement à ses contributions. Et qui se sont

  3   toutes produites en 1991 [comme interprété].

  4   Alors pour conclure, Monsieur le Président, les contributions --les

  5   condamnation de Djordjevic pour persécutions, assassinat, expulsion,

  6   transfert forcé sont étayés par des fondements factuels et juridiques très

  7   solides. Ces conclusions montrent que Djordjevic était l'un des membres de

  8   l'entreprise criminelle commune les plus importants qui ont semé la

  9   pagaille au Kosovo en 1999, en infligeant des souffrances indues sur des

 10   centaines des milliers d'Albanais du Kosovo qui faisaient l'objet de ces

 11   traitements dans le cadre d'une entreprise criminelle commune d'une

 12   campagne de terreur et de violence extrême. Dans son appel, Djordjevic n'a

 13   pas prouvé que les conclusions de la Chambre de première instance sont

 14   celles qu'aucune Chambre ou aucun juge du fait raisonnable ne pourrait

 15   conclure. Son appel doit être rejetée, sa condamnation retenue, et sa peine

 16   augmentée telle que le demande l'Accusation dans son appel.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Wood, à moins que vous n'ayez

 18   d'autres choses à dire.

 19   M. WOOD : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Alors j'ai remarqué un peu plus tôt ce

 21   matin que lorsque vous parliez du 13e moyen d'appel, vous avez laissé

 22   entendre vers la fin de vos arguments que dans le cas où nous tiendrons

 23   compte du moyen d'appel présenté par Djordjevic concernant l'expulsion, et

 24   que nous considérerions ce moyen d'appel de façon favorable, dans ce cas

 25   nous prononcerions une déclaration de culpabilité pour un transfert forcé.

 26   M. WOOD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc à l'époque je pensais que vous en

 28   déduisez que cela découlait directement de l'acte d'accusation ou vous


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  1   laissiez entendre qu'il s'agissait d'un principe de droit, à savoir que le

  2   transfert forcé est peut-être une crime mineur qui englobe le concept qui

  3   est compris dans le concept d'expulsion et de mouvement au transfert forcé

  4   d'un peuple.

  5   Alors la question que je souhaite vous poser est la suivante :

  6   Comment envisagez-vous une condamnation pour transfert forcé par rapport

  7   aux mouvements et déplacements en direction du Monténégro est-ce que vous

  8   estimez que ceci est couvert par l'acte d'accusation ? Et je soulève cette

  9   question plus particulièrement parce que si vous lisez le paragraphe 73 de

 10   l'acte d'accusation, qui traite de ces Albanais du Kosovo qui ont été

 11   déplacés, à l'intérieur du pays, tel que le dit l'acte d'accusation, sur le

 12   territoire, à l'intérieur du territoire du Kosovo, le Procureur ré allègue

 13   et incorpore ces éléments aux paragraphes 16 à 33, et 16 [phon] à 34,

 14   [phon] et 71, 72 de l'acte d'accusation. Est-ce que vous estimez également

 15   que l'acte d'accusation couvre les transferts forcés à l'extérieur du

 16   territoire du Kosovo ?

 17   M. WOOD : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Tout d'abord,

 18   permettez-moi --

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ma question est très simple. Comment

 20   plaidez-vous le fait qu'à moins de conclure qu'il y a eu expulsion, que

 21   nous devrions le condamner pour transfert forcé si le 73 limite le

 22   transfert forcé au déplacement à l'intérieur du territoire du Kosovo ?

 23   M. WOOD : [interprétation] Tout d'abord, permettez-moi de vous expliquer

 24   ceci, j'espère que je n'ai pas donné une mauvaise ou une fausse impression,

 25   l'Accusation estime que le transfert forcé est un transfert forcé qui est

 26   compris dans l'expulsion. Bien sûr il s'agit d'un crime d'une gravité égale

 27   en vertu de l'article 5(i) du Statut, et si je dirais ne mauvaise

 28   impression, je souhaite corriger cela. Je souhaite également indiquer que


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  1   cet aspect-ci en particulier n'a pas été contesté par la Défense. La

  2   Défense ne conteste pas cet aspect-là de l'acte d'accusation. Mais --

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne vous ai pas compris. Vous voulez

  4   parler de quel aspect ?

  5   M. WOOD : [interprétation] Le fait d'être averti dans l'acte d'accusation.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Soit. Mais ça c'est différent. Moi, je

  7   n'ai jamais compris que la Défense ait dit qu'elle était d'accord et que

  8   s'il n'y a pas d'expulsion, il pourrait y avoir un transfert forcé. La

  9   Défense n'a jamais reconnu cela.

 10   M. WOOD : [interprétation] Alors au paragraphe 98 de leur réponse, et ils

 11   l'ont répété aujourd'hui, l'équipe de la Défense a dit et je retrouve cette

 12   page. Si quelque chose doit être retenu, ça doit être le transfert forcé,

 13   et non pas l'expulsion. Le déplacement forcé d'individus à l'intérieur d'un

 14   Etat fédéral --

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Alors qu'est-ce qui est -- mais ceci

 16   n'a pas été retenu ?

 17   M. WOOD : [interprétation] Ce n'est pas quelque chose qui a été contesté.

 18   Pour en venir au cœur du sujet, le fait est qu'il y a une différence entre

 19   expulsion et transfert forcé lorsqu'il y a passage d'une frontière.

 20   L'Accusation pense que l'acte d'accusation -- ou en tout cas dans l'acte

 21   d'accusation on indique qu'il a été suffisamment averti qu'il est

 22   responsable et doit être responsable des déplacements qui se sont produits

 23   dans ces deux municipalités et le déplacement au Monténégro est un

 24   déplacement forcé et peut être considéré comme un transfert forcé ou une

 25   expulsion. Alors la différence d'interprétation de cette question est

 26   importante car la Chambre de première instance a analysé les faits. Et

 27   comme l'a dit l'Accusation, les faits analysés ont été analysés et ont

 28   constaté qu'il y avait effectivement une frontière de facto. Encore une

 


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  1   fois, il savait qu'il devait répondre d'allégation, à savoir des

  2   déplacements de Kosovska Mitrovica à Pec, donc passage de frontière s'il y

  3   a passage de frontière il y a, soit, transfert forcé, soit, expulsion. De

  4   toute façon, il doit répondre de ces accusations.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Peut-être que vous souhaitez reprendre ces questions au moment où nous

  7   reprendrons notre audience.

  8   Nous allons avoir une pause maintenant. Et cela étant dit, la réunion que

  9   je vais avoir commence à 15 heures. Je suis informé du fait que ceci n'est

 10   pas censé prendre une heure mais pourrait prendre une heure. Nous pourrions

 11   reprendre entre 15 heures 40, vous devez tous être là à 15 heures 40. Dans

 12   le cas où ma réunion se termine plus tôt, et dans ce cas-là j'informerai

 13   tout un chacun de façon à pouvoir reprendre notre audience le plus tôt

 14   possible et dans ce cas nous pourrons terminer avant ce qui est prévu à 18

 15   heures 30. Merci beaucoup.

 16   --- L'audience est suspendue à 14 heures 52.

 17   --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame O'Leary, nous allons maintenant

 19   entendre la réplique de la Défense, et vous avez 30 minutes. Merci.

 20   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Je vais juste rapidement, enfin, pas trop rapidement, quand même,

 22   mais rapidement vous parler du cumul des déclarations de culpabilité

 23   concomitantes, et ensuite je donnerai la parole à M. Hopkins.

 24   Car aujourd'hui, la Défense [comme interprété] a déclaré de façon inexacte

 25   que Vlastimir Djordjevic n'avait été déclaré coupable qu'une fois pour

 26   chaque chef. Or, il faudrait regarder le paragraphe 2230 du dispositif, car

 27   nous avons le terme "et" qui se trouve là. Pour chaque chef d'accusation,

 28   il est déclaré coupable pour participation à une entreprise criminelle


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  1   commune et pour avoir aidé et encouragé le crime mentionné par le chef

  2   d'accusation. Une fois de plus, l'Accusation n'a pas démontré quels étaient

  3   les facteurs précis repris dans ces doubles déclarations de culpabilité.

  4   Ils se sont contentés de répéter que les deux déclarations de culpabilité

  5   étaient nécessaires pour montrer son très haut de culpabilité. Voilà ce

  6   qu'ils ont avancé. Mon estimé confrère a déclaré que le principe, qui avait

  7   orienté la Chambre de première instance, était le principe de la globalité

  8   du comportement, tel qu'ils l'ont indiqué dans leur réponse. Mais nous nous

  9   demandons pourquoi ne pas simplement prendre sa contribution à l'entreprise

 10   criminelle commune, la considérer comme une contribution importante, comme

 11   la conclusion du paragraphe 2158 ? Comme l'a indiqué le Procureur, il y a

 12   quatre catégories de contributions qui sont prises en considération pour

 13   l'entreprise criminelle commune, et trois de ces facteurs composent sa

 14   contribution pour avoir aidé et encouragé, page 82 du compte rendu

 15   d'audience d'aujourd'hui.

 16   Il y a quelque chose qui n'a pas été considéré, c'est la planification et

 17   la coordination des opérations du MUP, car à cet égard, Madame, Messieurs

 18   les Juges, nous remarquons premièrement que M. Djordjevic n'a pas été

 19   déclaré coupable d'avoir planifié -- il n'y a pas eu de conclusion

 20   indiquant qu'il avait planifié quoi que ce soit; et deuxièmement, son rôle

 21   au sein du MUP a été pris en considération lors des conclusions à propos

 22   des facteurs -- des circonstances aggravantes. Etant donné que les quatre

 23   catégories font partie de sa contribution à l'entreprise criminelle

 24   commune, la Chambre de première instance a toute latitude pour mettre en

 25   exergue sa culpabilité dans le cadre de l'entreprise criminelle commune qui

 26   est le critère déterminé par l'arrêt dans Brdjanin, paragraphe 430, où il

 27   est question de la contribution importante comme étant le seuil le moins

 28   élevé.


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  1   Or aujourd'hui, les citations qui ont été fournies par l'Accusation font

  2   référence à un fondement proprio motu, et cela, dans le cadre d'une

  3   déclaration de culpabilité pour avoir aidé et encouragé à titre

  4   subsidiaire. Vous avez l'arrêt Gatete, et là, il n'y a pas eu de

  5   déclaration de culpabilité séparée. Ce qui est remarquable dans ces

  6   paragraphes, c'est la citation de l'arrêt que nous avons et qui est comme

  7   suit :

  8   "Il appartient à la Chambre de première instance d'identifier sans

  9   équivoque les formes de responsabilité pour lesquelles l'accusé est déclaré

 10   coupable et les liens entre les formes de responsabilité," paragraphe 123

 11   dans l'arrêt Ndindabahizi. Nous avançons que cela n'a pas été fait dans le

 12   jugement Djordjevic. Qui plus est, nous avançons que dans le même arrêt, au

 13   paragraphe 122, il est indiqué de façon très, très claire, et je cite :

 14   "Les déclarations de culpabilité subsidiaire pour plusieurs formes de

 15   responsabilité sont en général incompatibles avec le principe suivant

 16   lequel un jugement doit exprimer sans aucune équivoque la portée de la

 17   responsabilité pénale de la personne déclarée coupable."

 18   Et M. le Juge Guney a reconnu cela car dans son opinion partiellement

 19   dissidente au paragraphe 2, c'est ce qu'il indique. Et cela se trouve au

 20   cœur de nos arguments, car les déclarations de culpabilité pour avoir aidé

 21   et encouragé et l'entreprise commune sont ambiguës. Car pour ce qui est de

 22   la commission et des autres formes de responsabilité, j'aimerais insister

 23   sur l'opinion dissidente de M. le Juge Guney à cet égard, pour ce qui est

 24   des prisonniers de guerre, au paragraphe 4. L'Accusation avance qu'il

 25   appartient à la Chambre de première instance d'exercer son pouvoir

 26   discrétionnaire, compte rendu d'audience page 83, mais nous avançons que

 27   cela dépasse l'exercice du pouvoir discrétionnaire lorsque il s'agit de

 28   prononcer des déclarations de culpabilité sur ces deux formes de


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  1   responsabilité. Les déclarations de culpabilité ne sont absolument pas

  2   ambiguës, la relation entre elles ne l'est pas. Elles se fondent exactement

  3   sur les mêmes conclusions et nous avançons qu'il s'agit là d'un abus du

  4   pouvoir discrétionnaire.

  5   L'Accusation a déclaré aujourd'hui que nous n'avons pas montré où il y

  6   avait préjudice, pages 83 et 86 du compte rendu d'audience. Mais en fait,

  7   nous avons indiqué qu'il y avait bel et bien préjudice dans notre mémoire,

  8   et nous l'avançons maintenant à nouveau, car nous avons fait état de trois

  9   erreurs et nous avons pas eu le temps d'énoncer pleinement la déclaration

 10   dans l'appel Kunarac à propos de ce deuxième élément de préjudice,

 11   paragraphe 169 de l'arrêt Kunarac, et ce que nous indiquons, et je cite :

 12   "Pour le moins, de telles personnes ont subi des stigmates inhérente au

 13   fait qu'elles ont été condamnées pour un crime supplémentaire, et ce, pour

 14   le même comportement. Et de façon beaucoup plus tangible, il se peut qu'il

 15   y ait des conséquences telles que par exemple les personnes ne seront pas

 16   éligibles pour une mise en liberté plus tôt conformément à la loi de l'Etat

 17   où la peine est exécutée."

 18   Il a été déclaré à maintes reprises que le cumul des déclarations de

 19   culpabilité et les déclarations de culpabilité concomitantes ne doive pas

 20   être prononcé sans faire très attention. Et plus récemment, le Président a

 21   déclaré dans son opinion dissidente dans l'arrêt Gatete qu'il était

 22   absolument fondamental de s'en rappeler, et j'indique également que cela a

 23   été fait dans l'affaire Popovic et consorts, il s'agit du principe

 24   fondamental qui anime la préoccupation relative aux déclarations de

 25   culpabilité multiples pour le même acte. Ce qui est important, c'est

 26   l'équité vis-à-vis de l'accusé. Or, il y a un véritable risque de préjudice

 27   qui se trouve au cœur même du cumul des déclarations de culpabilité."

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame O'Leary.


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  1   Oui, M. le Juge Guney souhaiterait poser une question.

  2   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] M. Djordjevic a avancé qu'en

  3   application de l'article 7(1), on ne pouvait pas avoir une double

  4   déclaration de culpabilité pour le même crime et que cela n'était pas

  5   logique, cela n'était pas compatible non plus pour le même crime, et je

  6   souhaiterais que vous étoffiez un peu ce propos. J'ai une deuxième question

  7   à vous poser, car j'aimerais savoir s'il y a un impact si l'on venait à

  8   annuler la déclaration de culpabilité pour avoir aidé et encouragé. Or, M.

  9   Djordjevic avance que sa peine a été doublée du fait de la double

 10   culpabilité. Est-ce que vous pensez que c'est un élément qu'il faut

 11   envisager maintenant ou par la suite ? Et lorsque je dis "par la suite,"

 12   j'entends par exemple au moment du prononcé de la peine, et c'est un

 13   exemple.

 14   Mme O'LEARY : [interprétation] Lorsque nous avançons qu'il y a une

 15   incompatibilité au niveau de la logique, c'est parce que cela a trait à la

 16   nature des formes de responsabilité. Il y en a une qui est principale et

 17   l'autre qui est secondaire. Et nous avons, en fait, étudié la

 18   jurisprudence, et nous avons essayé de faire la part des choses entre

 19   l'entreprise criminelle commune et le fait d'aider et encourager, et ce,

 20   pendant quasiment deux décennies, et il est indiqué de façon plus précise

 21   quels sont les actes pour lesquels il y a mens rea et les autres pour

 22   lesquels il y a actus reus, pour chaque forme de responsabilité, qu'il

 23   s'agisse d'entreprise criminelle commune de catégorie I ou de catégorie

 24   III, et pour avoir aidé et encouragé. Nous avançons que si nous avons une

 25   conclusion pour les trois, vous demandez à la même personne d'avoir eu

 26   trois mens rea séparés pour le même comportement, ce qui est logiquement

 27   incompatible. Vous ne pouvez pas aider et encourager vos propres crimes.

 28   Par ailleurs, quel est l'impact au cas où on annulerait l'élément pour


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  1   avoir aidé et encouragé ? Mais tout simplement, la peine devrait être

  2   diminuée. Car il serait fallacieux et erroné de penser qu'à la fin d'un

  3   jugement, la Chambre n'a pas pris en considération le nombre de

  4   déclarations de culpabilité, le nombre de chefs, et que cela n'a pas été

  5   pris en considération pour prononcer la durée de la peine. Et nous

  6   avançons, en fait, qu'il y a eu deux déclarations de culpabilité pour

  7   chaque chef d'accusation et que pour trois de ces chefs d'accusation, il y

  8   a eu cumul de déclarations de culpabilité pour ce qui est de persécutions

  9   au titre du chef 5.

 10   J'aimerais savoir si j'ai répondu à votre question ?

 11   Si tel est le cas, je vais maintenant donner la parole à M. Hopkins.

 12   M. HOPKINS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 13   Juges, je vais aborder maintenant la question d'un certain nombre de points

 14   que j'ai notés et dans l'ordre où l'a présenté l'Accusation plutôt la

 15   manière dont moi je les ai abordés dans cet ordre-là ce matin.

 16   Alors, le critère en appel. Le critère en appel que nous allons relever,

 17   c'est s'il y a des déductions raisonnables. Il n'y a pas comme j'ai

 18   suggéré, l'Accusation, qu'il a eu des conclusions raisonnables que

 19   Djordjevic partageait l'intention requise pour l'entreprise criminelle

 20   commune. Ceci n'est pas le critère à retenir, plutôt la manière dont nous

 21   comprenons le droit, c'est que nous devons nous re-convaincre s'il y a

 22   d'autres déductions raisonnables qui pourraient être tirées. Et si c'est le

 23   cas, vous devriez intervenir. Peut-être que le critère pertinent peut être

 24   présenté de la manière suivante : Aucune Chambre de première instance

 25   raisonnable ne pourrait condamner l'accusé lorsque d'autres déductions

 26   raisonnables correspondent à l'innocence de l'accusé. Ça a été l'attitude

 27   adoptée par la Chambre d'appel dans l'affaire Gotovina récemment, et

 28   Mugenzi. Dans l'affaire Mugenzi, y a-t-il eu d'autres déductions


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  1   raisonnables au sujet de sa participation à la décision pour retirer ou

  2   enlever le préfet Butare, et le fait qu'il ait été présent lorsqu'il y a eu

  3   la cérémonie d'investiture à Butare et lorsque le président a délivré son

  4   allocution. Oui, d'où son acquittement.

  5   Dans Gotovina, y a-t-il eu d'autres déductions à propos de l'intention

  6   derrière les attaques sur les villes comme Knin, et le caractère généralisé

  7   des crimes ? La réponse est oui. Donc le caractère général des crimes dans

  8   ce cas ne pouvait pas être lié à un quelconque dirigeant. Il y a eu un

  9   acquittement en appel.

 10   Et là, il s'agissait d'une affaire où le dirigeant en question avait

 11   dit en réalité qu'il pouvait détruire Knin, s'il le souhaitait. Confer

 12   paragraphes 93 et 94 du jugement de première instance. Djordjevic en appel

 13   demande simplement à être traité de la même façon, même si vous estimez que

 14   les déductions faites par la Chambre de première instance peuvent être

 15   retenues lors d'un examen en appel, nous faisons valoir que le niveau de

 16   responsabilité de Djordjevic pour les événements qui se sont déroulés à

 17   Kosovo sont néanmoins très exagérés et la peine est une peine très lourde.

 18   Je vais maintenant passer au point suivant le rôle de Djordjevic en

 19   1999, par opposition à son rôle en 1999. Lorsque vous examinez le jugement

 20   dans son ensemble, il y a d'après nous, il est tout à fait frappant de

 21   constater combien le rôle de Djordjevic est différent par rapport aux

 22   crimes reprochés dans l'acte d'accusation, et par opposition à son rôle

 23   initial. Si vous lisez l'acte d'accusation, le jugement dans son ensemble,

 24   il est frappant de constater que la responsabilité de Djordjevic repose sur

 25   des événements qui antidatent que l'entreprise criminelle commune. Alors

 26   c'est le rôle le plus limité de Djordjevic en 1999, qui a conduit la

 27   Chambre de première instance en l'espèce, et c'est que nous faisons valoir,

 28   de revenir sur des événements qui se sont déroulés en 1998 et les accords


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  1   d'octobre, voir même Racak, au début de l'année 1999. Et cela n'est pas

  2   clair à nos yeux si cela antidate ou porte sur des dates qui ont suivi

  3   l'entreprise criminelle commune.

  4   Donc nous disons qu'il y a une accumulation d'indicateurs, quel que

  5   ce soit le motif pour lequel le rôle de Djordjevic a été diminué en 1998,

  6   et que cela s'est poursuivi en 1999. Nous faisons valoir que cette

  7   approche, qu'aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu

  8   adopter en ignorant un changement évident particulièrement à ce moment-là,

  9   il s'agit d'un point important,  lorsque les parties ont clairement et de

 10   façon explicite dit aux Juges de la Chambre de se concentrer sur la période

 11   relative aux crimes dans l'acte d'accusation, à partir du mois de mars

 12   1999.

 13   Nous avons entendu au cours de la réponse de l'Accusation ce matin,

 14   un exposé des aspects des crimes commis en Kosovo, par exemple, des

 15   remarques racistes prononcées par des auteurs comme "Serbie, Serbie"

 16   lorsqu'ils ont passé la frontière, une frontière interne entre le Kosovo et

 17   le Monténégro. Mais s'il faut juger Djordjevic sur la base des commentaires

 18   faits par les simples soldats du MUP ou de la VJ sur le terrain au Kosovo,

 19   en 1999, nous faisons valoir sauf votre respect que de nombreux policiers

 20   militaires et soldats devraient davantage se préparer à être poursuivis par

 21   des tribunaux internationaux. Il s'agit là d'éléments qui sont relativement

 22   pertinents à l'égard de la question abordée aujourd'hui, à savoir la

 23   responsabilité de Djordjevic.

 24   La question suivante que j'ai notée, Monsieur le Président, c'est

 25   votre question portant sur l'expulsion en direction du Monténégro, et vous

 26   avez posé une question précise à propos du paragraphe 73 de l'acte

 27   d'accusation, est-ce que cela signifie qu'il y a transfert forcé, si c'est

 28   à l'extérieur du Kosovo, et que cela comprend le transfert forcé. Alors ce


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  1   qui est important dans notre appel, c'est la condamnation de Djordjevic,

  2   condamnation pour expulsion. Et nous n'avons pas présenté d'argument pour

  3   ces éléments subsidiaires, à savoir si oui ou non ils sont dans l'acte

  4   d'accusation. Ce que nous avons l'intention de le faire aujourd'hui, par

  5   nos arguments, Monsieur le Président, et ceci a été noté par vous, il

  6   s'agissait en fait d'établir une différence entre les deux crimes de

  7   transfert forcé et l'expulsion. Alors à aucun moment n'avons-nous dit que

  8   Djordjevic doit être condamné pour transfert forcé mais qu'à titre

  9   subsidiaire, les mesures sollicitées au paragraphe 328 de notre mémoire en

 10   appel, est de précisément annuler sa condamnation pour expulsion.

 11   Et si l'acte d'accusation avait abordé cette question-là, et que cela

 12   avait été plaidé, des déplacements de population entre le Kosovo et

 13   Monténégro, comme correspondant à un transfert forcé, tout ceci aurait été

 14   plaidé pendant le procès. Le caractère même de votre question à mon sens,

 15   c'est la question que nous avons abordée ce matin lorsque nous avons parlé

 16   du dossier, montre que nous n'avons absolument pas défendu notre thèse en

 17   nous fondant là-dessus. Et vous allez peut-être faire évoluer Stakic dans

 18   une autre affaire, compte tenu de la manière dont l'acte d'accusation a été

 19   présenté, et plaidé ici, je fais valoir que cela n'est pas opportun ici.

 20   Quatrièmement, la connaissance de Djordjevic ainsi que la manière

 21   dont il communiquait avec le Kosovo pendant la période couvert par l'acte

 22   d'accusation, à la fin de l'année 1999. Ce matin, l'Accusation a insisté

 23   plus particulièrement sur les conclusions rendues par la Chambre de

 24   première instance, à savoir que Djordjevic avait été averti des rapports

 25   oraux présentés pendant la période couverte par l'acte d'accusation. Cet

 26   argument fait valoir que ceci montre qu'il participait toujours, qu'il

 27   était toujours, participait aux événements au Kosovo pendant la période

 28   couverte par l'acte d'accusation. Encore une fois, nous constatons qu'il y


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  1   a eu une métamorphose, car le système de "reporting" au sein du MUP, par

  2   exemple. Au paragraphe 1986, il y a quelque chose qui ressemble à une

  3   conclusion, une conclusion sans recours que le SUP au Kosovo faisait des

  4   rapports à Belgrade par téléphone, et que ces rapports quotidiens, et

  5   cetera, étaient envoyés aussi. Donc cette conclusion évoque cette

  6   métamorphose parce que la conclusion d'origine dans le jugement au

  7   paragraphe 130 indique que le système de transmission entre le Kosovo et

  8   Belgrade avait été coupé, endommagé par les frappes aériennes de l'OTAN, au

  9   début du mois d'avril. Donc les Serbes pouvaient appeler Pristina, mais

 10   Pristina ne pouvait pas appeler Belgrade, et c'est quelque chose que l'on

 11   peut constater si on regarde les éléments de preuve cités par les Juges de

 12   la Chambre de première instance, et déposition de Cvetic, témoin à charge,

 13   paragraphe 130, page du compte rendu d'audience 6723. Donc la conclusion

 14   ultérieure, à savoir la métamorphose au paragraphe 1986 du jugement induit

 15   tout simplement en erreur.

 16   Le point suivant que j'ai noté est la décision qui consiste à

 17   incorporer ou à inclure les Skorpions, à savoir si oui ou non il y a des

 18   déductions innocentes qui n'ont pas été abordées suite à cette décision.

 19   Vers 20 h 20, dans la nuit du 24 mars 1999, les forces de l'OTAN ont

 20   attaqué de façon violente la République fédérale de Yougoslavie. Ce qui a

 21   été déclaré à l'époque, c'est que les forces yougoslaves avaient même

 22   attaqué de façon violente les civils albanais du Kosovo. Mais le jugement

 23   de première instance minimise un petit peu la manière dont l'OTAN parle de

 24   cet événement, à savoir une attaque qui a eu lieu à l'époque contre la

 25   population civile à ce moment-là. Effectivement, l'acte d'accusation ne

 26   reproche pas des crimes qui antidate l'attaque de l'OTAN, et donc le

 27   jugement en première instance ne cesse de tirer des déductions pour dire

 28   que les actions militaires de la RFY étaient disproportionnées compte tenu


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  1   de la menace qui se profilait. Nulle part, et c'est un point que nous

  2   abordons dans notre mémoire : y a-t-il une appréciation globale de cette

  3   menace contre la République de Yougoslavie ?

  4   Et la décision qui a été prise d'inclure les Skorpions dans le MUP, nous

  5   faisons valoir en appel, c'est que ceci est arrivé et vous n'allez pas

  6   penser qu'il s'agissait d'une décision attrayante. Dans les circonstances,

  7   cela n'est pas forcément criminel. Par exemple, il est préférable que les

  8   Skorpions soient incorporés dans le MUP, plutôt que de les contrôler ou de

  9   leur donner des uniformes de police comme il a été dit ce matin, ou des

 10   badges, plutôt que de les envoyer simplement au Kosovo. L'Accusation a dit

 11   à juste titre que Djordjevic n'a pas été condamné pour les crimes après --

 12   pour les crimes commis par les Skorpions après qu'ils aient été redéployés.

 13   Néanmoins, ça responsabilité étai fondée, en partie, sur ce qui s'est passé

 14   après leur redéploiement. S'il s'agissait là d'un élément constitutif du

 15   comportement de Djordjevic, sur lequel l'Accusation souhaitait s'appuyer

 16   pour le faire condamner, pourquoi ceci n'est-il pas reproché dans l'acte

 17   d'accusation ?

 18   Et dans Stevanovic et Zekovic, je n'ai encore que deux ou trois points à

 19   aborder. Il n'y a simplement pas d'élément de preuve qui précise que ces

 20   hommes étaient les chefs des administrations au sein de la RJ la sécurité

 21   publique par opposition au fait d'être de simples ministres adjoints.

 22   L'Accusation ce matin s'est reposé sur la conclusion de la Chambre de

 23   première instance -- s'est reposé là-dessus, mais nous faisons valoir que

 24   cette conclusion n'est fondée sur aucun élément de preuve. Effectivement,

 25   il est important de remarquer que l'Accusation ce matin n'a indiqué qu'il

 26   n'y avait aucun élément de preuve à cet égard, et nous faisons valoir que

 27   cette conclusion est bizarre.

 28   Et dans Stevanovic et Zekovic, nous faisons valoir que le jugement rendu


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  1   par la Chambre de première instance est entaché d'erreur fondamentale parce

  2   que cela n'a pas pris en compte l'arrêt dans Krajisnik en identifiant un

  3   rôle précis joué par les membres de l'entreprise criminelle commune ni en

  4   apportant des conclusions spécifiques pour dire comment les membres de

  5   l'entreprise criminelle commune sont devenus les auteurs principaux pour

  6   commettre ces crimes. Par opposition, l'approche dans Krajisnik est

  7   intéressante, établissait un parallèle avec ce qui s'est passé dans

  8   l'affaire Djordjevic. Il y a des membres de l'entreprise criminelle commune

  9   qui ont été identifiés dans l'affaire Djordjevic au paragraphe 2127, et

 10   nous ne savons pas néanmoins quel a été leur rôle, et si ils ont utilisé

 11   des auteurs principaux -- et c'est la raison pour laquelle nous avons des

 12   difficultés à expliquer - si nous avons des difficultés à expliquer - quel

 13   est le rôle et pourquoi il y a eu recoupement entre le rôle de Stevanovic

 14   en tant que ministre adjoint d'un côté et le fait qu'il ai été -- le rôle

 15   qu'il ait joué au sein de la sécurité publique, et de l'autre.

 16   Alors un point sur la complicité pour aider et encouragement, à savoir si,

 17   oui ou non, Djordjevic était un complice éloigné ou non, ou un complice

 18   proche. Alors dans les moments qui ont précédé le bombardement de l'OTAN,

 19   vous avez pu constater l'existence d'un certain nombre de dépêches

 20   indiquant que Djordjevic signe quelque chose ou quelque chose signe en son

 21   nom, pour envoyer des Unités au Kosovo. Compte tenu du fait que la guerre

 22   était imminente, ceci n'a rien de criminel, et ceci ne peut concorder avec

 23   le rôle de chef qu'il a joué au sein du RJB. Djordjevic fait valoir que ces

 24   éléments n'ont pas été examinés minutieusement ce type de questions elles

 25   n'ont pas été abordées et par le prisme et n'ont pas été analysés au moyen

 26   du prisme de la notion de visée précisément.

 27   La Chambre de première instance dans son jugement et le bureau du Procureur

 28   ce matin ont dit que lorsque des crimes ont été commis au Kosovo,


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  1   Djordjevic s'est rendu au Kosovo un certain nombre d'occasions, deux fois

  2   je crois. Et ils utilisent cela -- ces exemples-là pour renforcer leur

  3   argument et dire que c'était un complice qui était proche plutôt qu'un

  4   complice éloigné. Mais si vous regardez la chronologie des faits

  5   incriminés, vous constaterez que le crime le plus proche des visites de

  6   Djordjevic au Kosovo porte sur les dates 16 et 18 avril à Kladernica, qui

  7   est une question -- et nous ne savons pas si ceci est inclus dans l'acte

  8   d'accusation, la gare d'Urosevac le 15 avril. Et on laisse entendre que ces

  9   crimes ont été commis à Srbica, dans la municipalité de Prizren, entre les

 10   9 et 16 avril, peut-être. Ce que nous ne savons pas simplement si ceci

 11   recoupe le moment où Djordjevic a visité ces endroits. Cela n'est pas

 12   apparent et nous faisons valoir que Djordjevic devait certainement être au

 13   courant de cela puisqu'il s'est rendu à Pristina.

 14   Un autre point, un avant-dernier point sur la hiérarchie au sein du MUP. Le

 15   MUP ne fonctionnait pas, comme l'a indiqué le Procureur ce matin, et ce

 16   n'était pas une hiérarchie stricte. Un bon exemple ce matin consistait à

 17   dire que Branko Djuric était chef du SUP de Belgrade pendant un certain

 18   temps. Il était lieutenant-colonel. Et son assistant, son adjoint, et son

 19   subordonné, était Sreten Lukic, qui était un commandant de division. Aux

 20   pièces D400 et D423. Et donc Djuric était le chef de Lukic jusqu'à ce que

 21   ce dernier soit envoyé au Kosovo pendant l'été 1998, mais son grade était

 22   moins élevé. Et comme vous pouvez le constater un commandant de division

 23   est un grade inférieur P49.

 24   Alors, à savoir si les lieux de crime sont compris dans l'acte

 25   d'accusation, question quatre qui a été posée ce matin. Le préjudice d'un

 26   vice de forme dans l'acte d'accusation peut faire l'objet d'un remède, nous

 27   ne le contestons pas, seulement dans le cas où l'Accusation peut fournir à

 28   l'accusé des informations claires, opportunes, et cohérentes qui résout la


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  1   question de l'ambiguïté qui permet de clarifier les éléments vagues. La

  2   jurisprudence, en particulier, dans l'arrêt Simic au paragraphe 23, insiste

  3   sur le fait qu'il ne peut y avoir qu'un nombre limité de cas qui tombent

  4   dans cette catégorie.

  5   Il est vrai, comme l'a dit l'Accusation, lorsqu'un appelant fait valoir un

  6   vice de forme dans l'acte d'accusation pour la première fois pendant

  7   l'appel, il a la charge de la preuve et il doit pouvoir dire si oui ou non

  8   ceci a entravé sa capacité à préparer sa défense. Mais ceci ne s'applique

  9   pas en l'espèce. Car il ne s'agit pas d'un acte d'accusation vague qui peut

 10   faire l'objet d'un remède; au contraire, il s'agit d'un acte d'accusation

 11   extrêmement précis. Et Djordjevic ne pouvait savoir qu'il y aurait ces

 12   condamnations complémentaires qu'au moment où le jugement de première

 13   instance a été rendu, et si ça ce n'est pas un préjudice, je ne sais pas ce

 14   que c'est. Honnêtement, si l'Accusation souhaitait y consacrer son temps

 15   pendant le procès, présentait des éléments de preuve sur des événements qui

 16   ne font pas l'objet d'accusation, à ce moment-là l'Accusation aurait pu le

 17   faire.

 18   Un autre point qui découle de ça. Dans la logique des arguments de

 19   l'Accusation il semblerait que Djordjevic aurait dû être condamné pour ce

 20   qui s'est passé en 1998 également, mais cela ne figure pas dans l'acte

 21   d'accusation non plus.

 22   Donc en conclusion je dirais --

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, car votre temps est écoulé.

 24   M. HOPKINS : [interprétation] -- Djordjevic n'a pas ni planifié, inciter,

 25   ou ordonne un seule crime au Kosovo. Confer cette conclusion aux

 26   paragraphes 2161 à 2168 du jugement de première instance, Il n'a aucun

 27   lien, comme il est dit, entre ce qu'a fait Djordjevic et les crimes. Et

 28   nous faisons valoir en appel que les éléments de preuve présentés en

 


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  1   l'espèce considérés dans leur globalité montrent que le pouvoir n'était pas

  2   concentré entre les mains de Djordjevic mais au Kosovo car on y indique que

  3   c'est là que se trouvait la menace la plus importante. Il est beaucoup trop

  4   simple de dire cela de cette façon-là c'était le numéro 2 au sein du

  5   ministère et, par conséquent, il est responsable de tout ce qui est arrivé.

  6   La Chambre de première instance s'est trompée au niveau du ministère et

  7   s'est trompée au niveau de Djordjevic.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Alors nous passons maintenant à l'appel

  9   de l'Accusation. Vous avez 30 minutes.

 10   Mme KRAVETZ : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]

 12   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vais essayer de vous présenter le moyen

 13   d'appel de l'Accusation et je répondrai à la question numéro 6 que vous

 14   nous avez posée à propos du traitement par la Chambre de première instance

 15   des persécutions sous forme de violences sexuelles.

 16   Nous n'allons pas présenter d'arguments pour ce qui est de notre deuxième

 17   moyen d'appel. Ce moyen d'appel porte sur la peine, qui manifestement n'est

 18   pas assez lourde, qui a été imposée à l'accusé, et que nous avons développé

 19   dans notre mémoire en appel.

 20   Pour parler du premier moyen d'appel, je vous dirais qu'au cœur de ce

 21   premier moyen d'appel se trouve une simple proposition, à savoir que le

 22   crime d'agression sexuelle ne devrait pas être traité de façon différente

 23   des autres actes violents tout simplement du fait de sa composante

 24   sexuelle, et c'est ce que la Chambre de première instance a fait. Le

 25   résultat, c'est qu'il faut beaucoup plus d'éléments de preuve précis d'une

 26   intention discriminatoire, et cela doit être avancé pour prouver qu'il y a

 27   agression sexuelle comme acte sous-jacent de persécution beaucoup plus que

 28   dans les autres cas.


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  1   Suite à cette erreur, la Chambre a conclu que la persécution sous forme

  2   d'attaque sexuelle n'a pas été déterminée et établie en l'espèce.

  3   Et aujourd'hui, je vais répondre de deux façons à la question numéro

  4   six. Dans un premier temps, je parlerai de l'intention discriminatoire qui

  5   est sous-jacente dans les agressions sexuelles à Beleg et à Pristina. Je

  6   vous expliquerai pourquoi, au vu du contexte --

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous demande un petit moment. M. le

  8   Juge Guney a une question à vous poser.

  9   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Si nous supposons que la Chambre

 10   d'appel conclut qu'il y a persécution sous forme de violence sexuelle, est-

 11   ce que vous pouvez développer ou mettre en parallèle les agressions

 12   sexuelles au Kosovo en 1998 et 1999 afin d'aider la Chambre d'appel à

 13   déterminer si les attaques sexuelles étaient une conséquence naturelle et

 14   prévisible de l'entreprise criminelle commune. Je vous remercie.

 15   Mme KRAVETZ : [interprétation] Il y a en fait plusieurs éléments dans votre

 16   question, Monsieur le Juge, et je vais les analyser les uns après les

 17   autres, mais je vais répondre brièvement à votre question. Ce que nous

 18   avançons, c'est que point n'est besoin de déterminer que les attaques

 19   sexuelles prévalaient pendant le conflit pour pouvoir prouver qu'il y a eu

 20   persécution sous forme d'agressions sexuelles, à savoir que la condition

 21   requise pour l'intention discriminatoire est que nous n'avons pas besoin de

 22   déterminer que les agressions sexuelles prévalaient ou étaient prévalentes

 23   pour pouvoir considérer que ce crime aurait pu être prévisible pour le

 24   général Djordjevic. Et au cours de mon analyse, je vais développer --

 25   étoffer ce propos. Donc, je traiterai à la fois la question de l'intention

 26   discriminatoire et la question de la prévisibilité.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que cela vous convient,

 28   Monsieur le Juge Guney, n'est-ce pas ? Nous allons donc poursuivre.


Page 178

  1   Mme KRAVETZ : [interprétation] J'étais en train de vous expliquer la

  2   question de l'intention discriminatoire, et je vais parler des attaques

  3   sexuelles à Beleg et à Pristina. Je vais expliquer pourquoi ces attaques

  4   sexuelles n'ont pas été déterminées ou pourquoi la Chambre a conclu

  5   qu'elles n'avaient pas été déterminées, et je vais expliquer, en fait,

  6   pourquoi est-ce que cela était assimilable ou équivaut à la persécution. Et

  7   deuxièmement, j'expliquerai comment les conclusions de la Chambre de

  8   première instance prouvent au-delà de tout doute raisonnable que la

  9   persécution sous forme d'agression sexuelle était prévisible pour les

 10   membres de l'entreprise criminelle commune, y compris pour M. Djordjevic.

 11   Et nous demanderons aux Juges de rectifier les erreurs commises par la

 12   Chambre de première instance et de conclure au fait que les attaques

 13   sexuelles à Beleg et à Pristina constituent une persécution dans le cadre

 14   de l'entreprise criminelle commune numéro III pour M. Djordjevic.

 15   Pour ce qui est des cinq faits de violence sexuelle dont il est question,

 16   je dirais que la Chambre de première instance -- et cela se voit dans le

 17   premier cliché qui est maintenant affiché sur vos écrans.

 18   La Chambre de première instance, disais-je, a accepté que les viols

 19   des deux femmes -- que les viols de ces deux femmes, disais-je, le Témoin

 20   K20 dans le village de Beleg et le Témoin K14 à Pristina, ont été prouvés,

 21   mais a déclaré que l'Accusation n'avait pas apporté et présenté d'"éléments

 22   de preuve précis" dont elle aurait pu déduire que les viols avaient été

 23   commis avec intention discriminatoire, l'intention qui est requise pour la

 24   persécution, paragraphe 1796. Eu égard aux trois autres victimes qui sont

 25   maintenant énumérées sur l'écran, les deux sœurs albanaises du Kosovo du

 26   village de Beleg et la fille albanaise du Kosovo qui se trouvait dans le

 27   convoi de la municipalité de Pristina, la Chambre de première instance a

 28   conclu que les allégations d'attaque sexuelle n'avaient pas été prouvées,


Page 179

  1   paragraphes 1792 et 1794.

  2   Eu égard aux deux incidents prouvés, la Chambre de première instance

  3   n'a pas tenu compte des éléments de preuve directs montrant l'intention

  4   discriminatoire et n'a considéré aucun facteur général ou précis lié au

  5   contexte dans lequel se sont produites ces attaques sexuelles. Ces facteurs

  6   sont extrêmement pertinents pour évaluer l'intention discriminatoire et ont

  7   été confirmés par l'arrêt dans l'affaire Krnojelac, paragraphes 184 à 188.

  8   Eu égard aux trois attaques sexuelles pour lesquelles la Chambre de

  9   première instance a conclu qu'elles n'avaient pas été déterminées, la

 10   Chambre a conclu à tort que les éléments de preuve indirects ne suffisaient

 11   pas pour établir ces crimes et est parvenue à une conclusion non

 12   raisonnable du fait de ces éléments de preuve. Si la Chambre de première

 13   instance avait considéré et analysé tous les éléments de preuve pertinents,

 14   elle aurait conclu que les forces serbes ont visé et persécuté ces cinq

 15   femmes et filles de Beleg et de Pristina parce que justement elles étaient

 16   Albanaises du Kosovo. Et cela est illustré par le contexte dans lequel se

 17   situent les attaques sexuelles.

 18   Pour ce qui est des attaques sexuelles dans le village de Beleg, nous avons

 19   présenté les détails de ces attaques aux paragraphes 25 à 39 de notre acte

 20   d'appel, et je vais mettre en exergue seulement certains éléments

 21   principaux.

 22   Le Témoin K20 et deux jeunes sœurs albanaises du Kosovo ont été victimes

 23   d'attaques sexuelles et d'agressions sexuelles lors de la campagne serbe

 24   visant à chasser hors de Beleg les Albanais du Kosovo. A la fin du mois de

 25   mars 1999, des forces serbes ont attaqué le village de Beleg. Pendant cette

 26   attaque, les forces serbes ont expulsé le Témoin K20 et sa famille de leur

 27   foyer. La famille a ensuite été détenue dans un sous-sol dans le village

 28   avec des centaines d'autres villageois.


Page 180

  1   Cette même nuit, le Témoin K20 a été sortie du sous-sol avec deux autres

  2   jeunes filles albanaises du Kosovo, qui étaient des sœurs, et elles ont été

  3   conduites dans une maison incendiée. A cet endroit, les quatre soldats

  4   serbes se sont livrés à un viol collectif. Un policier serbe, qui était

  5   justement le même policier qui avait expulsé la famille du Témoin K20 de sa

  6   maison ce matin-là, a monté la garde pendant que les soldats la violaient à

  7   tour de rôle. Pendant que le Témoin K20 était violée, elle a pu entendre

  8   les deux autres sœurs qui hurlaient. Et lorsque finalement ils l'ont

  9   laissée partir, ce policier lui a dit : "l'UCK", et c'était une référence à

 10   l'Armée de libération du Kosovo, "a fait pire que ce qu'ils ont fait. Tu

 11   peux supporter ça." Cette remarque qui a été ignorée par la Chambre de

 12   première instance, prouve que le Témoin K20 avait été ciblée du fait de son

 13   appartenance ethnique.

 14   Le jour suivant, tout le village de Beleg a été expulsé et on leur a donné

 15   l'ordre de se diriger vers l'Albanie, et cela a été du fait des forces

 16   serbes.

 17   Pour ce qui est de ces trois incidents, la Chambre n'a pas pris en

 18   considération le contexte, à savoir que toutes les femmes et les jeunes

 19   filles qui se trouvaient dans ce sous-sol étaient des Albanaises du Kosovo

 20   qui avaient été expulsé de leur foyer et que les forces serbes souhaitaient

 21   chasser hors du Kosovo en ayant recours à la violence.

 22   Eu égard au Témoin K20, la Chambre n'a pas pris en considération la

 23   remarque du policier serbe, qui est un élément de preuve direct indiquant

 24   l'intention discriminatoire, tout comme elle n'a pas pris en considération

 25   des remarques ou observations assez semblables qui sous-tendent l'idée

 26   d'intention discriminatoire contre les Albanais du Kosovo lorsqu'elle a

 27   évalué d'autres formes de persécution : les meurtres et assassinats et les

 28   transferts forcés, par exemple, aux paragraphes 618, 720, 824, 1192, et de


Page 181

  1   façon plus générale aux paragraphes 1777 et 1783 à 1789. Pour ce que des

  2   deux sœurs albanaises du Kosovo, la Chambre a commis une erreur, car elle

  3   n'a pas pris en considération la totalité des éléments de preuve.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je sais que vous avez fait référence

  5   à ces paragraphes, mais est-ce que vous pourriez nous résumer ces

  6   paragraphes succinctement.

  7   Mme KRAVETZ : [interprétation] Dans ces paragraphes auxquels j'ai fait

  8   référence, vous trouverez les différentes références aux éléments de preuve

  9   retenus par la Chambre. Donc il s'agissait de déclarations faites par les

 10   auteurs lors des expulsions forcées ou lors des meurtres et ou assassinats,

 11   et il s'agit de déclarations du style : Où se trouve le KLA maintenant ?

 12   Pourquoi est-ce qu'ils ne sont pas ici pour vous sauver ? Où est l'OTAN ?

 13   Et ce genre de déclarations.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et à quoi voulez-vous en venir, vous

 15   pensez qu'il s'agit d'éléments de preuve qui indiquent l'intention

 16   discriminatoire ?

 17   Mme KRAVETZ : [interprétation] La Chambre elle-même a pris en considération

 18   cela comme élément de preuve indiquant l'intention discriminatoire. En

 19   fait, au paragraphe 1777 et aux paragraphes 1783 à 1789, il est question

 20   des expulsions forcées et des meurtres et ou assassinats. Ils font

 21   référence au fait que les auteurs, lorsqu'ils commettaient ces crimes

 22   faisaient, lançaient des remarques à l'intention des victimes qui

 23   montraient, qui prouvaient qu'elles étaient ciblées du fait de leur

 24   appartenance ethnique, qu'il s'agissait de remarques particulièrement

 25   péjoratives et insultantes, prononcées alors que ces crimes étaient commis.

 26   Donc ce que nous avançons, c'est que pour ce qui est de la déclaration

 27   faite à l'intention du témoin K20, tout comme d'autres observations, la

 28   Chambre a pris cela en considération lorsqu'elle évaluait d'autres crimes.


Page 182

  1   Je vous remercie.

  2   Eu égard aux deux sœurs albanaises du Kosovo, la Chambre a commis une

  3   erreur car elle n'a pas pris en considération la totalité des éléments de

  4   preuve lorsqu'elle a évalué si ces sœurs avaient été victimes d'agression

  5   sexuelle. Elle a fait fi des éléments de preuve présentés par le témoin

  6   K20, qui avait indiqué qu'elle avait entendu hurler les sœurs, à l'endroit

  7   même où elle était victime de viol, et elle n'a pas tiré la seule

  8   conclusion ou la seule déduction raisonnable, corroborée d'ailleurs par les

  9   éléments de preuve avancés par le témoin K58, indiquant que les jeunes

 10   filles pleuraient lorsqu'elles sont retournées dans le sous-sol. La seule

 11   déduction raisonnable relative qu'on pourrait tirer de la totalité des

 12   éléments de preuve est que ces trois victimes ont été victimes d'agression

 13   sexuelles parce qu'elles étaient Albanaises du Kosovo. Elles avaient été

 14   chassées de leur foyer, emprisonnées dans des conditions inhumaines,

 15   agressées sexuellement, et finalement expulsées du Kosovo, et ce pour

 16   réaliser des objectifs de l'entreprise criminelle commune visant à

 17   persécuter et expulser par la forces la population albanaise du Kosovo.

 18   Séparer ces actes de violence sexuelle des autres actes de persécution

 19   subis par les victimes comme l'a fait la Chambre de première instance, est

 20   tout simplement erroné. Pour en venir maintenant aux agressions sexuelles

 21   de Pristina, ces crimes et les erreurs commises par la Chambre portent les

 22   mêmes signes que ceux de Beleg. Et cela a été énoncé aux paragraphes 8 à 24

 23   de notre acte d'appel. Et je ne vais pas répéter les détails, mais sachez

 24   que les deux victimes de Pristina, le témoin K14 et la jeune fille du

 25   convoi ont été victimes d'agression sexuelle pendant la campagne

 26   d'expulsion serbe menée dans cette municipalité. Tout comme les faits

 27   relatifs au témoin K14 le prouvent, tout comme les victimes à Beleg, les

 28   forces serbes ont ciblé le témoin K14, qui a été expulsé, qui a été violé


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  1   parce que c'était une femme albanaise du Kosovo. En fait, quelques jours

  2   plus tard ou quelques jours après son viol, craignant d'autres viols, sa

  3   famille et elle-même se sont enfuies en Macédoine.

  4   Pour ce qui est de la fille qui se trouvait dans le convoi, elle a

  5   également été visée parce qu'elle était Albanaise du Kosovo. La Chambre n'a

  6   pas pris en considération l'attaque sexuelle contre cette jeune fille, dans

  7   le contexte de la campagne de persécution menée par les forces serbes qui

  8   souhaitaient expulser la population albanaise du Kosovo, du Kosovo. La

  9   jeune fille se trouvait dans un convoi qui fuyait avec d'autres réfugiés

 10   albanais du Kosovo. Et les forces serbes ont terrorisé les réfugiés qui se

 11   trouvaient en chemin.

 12   La Chambre a conclu que les attaques serbes contre Beleg et contre Pristina

 13   s'inscrivaient dans le cadre plus général de l'attaque menée contre la

 14   population albanaise du Kosovo, paragraphe 1597. Et la Chambre a également

 15   conclu que les expulsions à Pristina et Beleg étaient des actes de

 16   persécution, paragraphes 1701, 1774 et 1777. Et ce faisant, la Chambre a

 17   conclu à l'intention discriminatoire parce que la majorité écrasante des

 18   personnes qui avaient été expulsées par la force étaient des Albanais du

 19   Kosovo. Ce qui est indiqué -- ils ont indiqué qu'ils avaient été visés

 20   précisément, paragraphe 1777. Et la Chambre a adopté le même raisonnement

 21   pour les meurtres, paragraphe 1781, et pour la destruction culturelle ou

 22   des biens culturels, paragraphe 1855.

 23   Si les forces serbes qui ont attaqué et procédé à un nettoyage ethnique de

 24   Beleg et de Pristina avaient agi avec une intention discriminatoire

 25   lorsqu'elles ont emprisonné, expulsé, tué, assassiné et détruit les biens

 26   albanais du Kosovo, comment se fait-il que soudainement ils n'ont pas agi

 27   avec l'intention discriminatoire lorsqu'ils sont violés ou lorsqu'ils ont

 28   fait subir des sévices sexuels aux cinq jeunes femmes et filles albanaises,


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  1   car cela s'inscrivait dans le -- relevait du même comportement ?

  2   Pour en revenir à la question posée par M. le Juge Guney, la Chambre a

  3   adopté une approche différente lorsqu'elle évaluait les agressions

  4   sexuelles, paragraphe 1796. Ce que nous avançons comme nous l'avons indiqué

  5   un peu plus tôt, c'est que cette approche est erronée du point de vue

  6   juridique, car il n'y a pas, il n'est pas requis du point de vue juridique

  7   ou plutôt un seuil numérique n'est pas requis du point de vue juridique

  8   pour prouver en fait que des agressions sexuelles équivalent à une

  9   persécution. Et comme la Chambre l'a confirmé, la Chambre d'appel l'a

 10   confirmé, un seul acte peut être suffisant. Par exemple, dans l'arrêt

 11   Kordic, au paragraphe 102; dans l'arrêt Blaskic, au paragraphe 135. Et de

 12   façon plus générale, la Chambre d'appel a également confirmé qu'un seul

 13   acte de viol peut être qualifié de crime contre l'humanité, par exemple aux

 14   paragraphes 96 et 97 dans l'arrêt Kunarac. 

 15   Même si le mobile de l'auteur est entièrement sexuel, il ne s'ensuit pas

 16   que les auteurs n'aient pas agi avec une intention discriminatoire. Comme

 17   la Chambre d'appel l'a confirmé aux paragraphes 153 et 155 dans l'affaire

 18   Kunarac. Il s'agit donc de l'affaire Kunarac, arrêt paragraphes 96 à 97.

 19   Il n'existe donc aucun fondement raisonnable pour arriver à la

 20   conclusion que les délits qui ont été commis à Pristina n'ont pas été

 21   commis avec l'intention de discriminer, et nous vous demandons de

 22   considérer cela comme un acte de persécution.

 23   Maintenant, je vais revenir sur la deuxième partie, et ceci concerne

 24   la question posée par la Chambre, à savoir, est-ce que tous les critères

 25   ont été satisfaits en ce qui concerne l'entreprise criminelle commune, est-

 26   ce qu'il était prévisible qu'il allait y avoir des délits sexuels

 27   concernant Djordjevic.

 28   Il a déjà été trouvé que Djordjevic avait l'intention de participer


Page 185

  1   dans le plan commun pour modifier l'équilibre démographique au Kosovo par

  2   une campagne de terreur qui visait les civils albanais du Kosovo. Il a déjà

  3   été établi que les persécutions à travers les déportations, les transferts

  4   forcés, les meurtres, les destructions de bien culturel faisaient partie du

  5   plan criminel commun, paragraphes 2149, 2151.

  6   Si persécution à travers les meurtres faisait partie de l'objectif

  7   commun, alors les autres violations d'intégrité physique telles que

  8   persécution à travers les violations sexuelles, était au moins dire

  9   prévisible, surtout si on tient compte du fait qu'il fallait réviser

 10   l'objectif commun à travers la campagne de violence et de terreur. 

 11   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la prévisibilité

 12   dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de type III doit être

 13   évoluée par rapport à tous le contexte général dans lequel les crimes ont

 14   été commis, surtout si on a à l'esprit la nature de l'entreprise criminelle

 15   commune et de son objectif. Même si les preuves que les accusés étaient au

 16   courant de la commission des crimes semblables dans le passé, même si ceci

 17   peut constituer le contexte pertinent, ce b'est pas le seul facteur, et ce

 18   n'est pas l'élément clé quand il s'agit de la prévisibilité.

 19   Dans de nombreuses affaires portées devant ce Tribunal, cette

 20   approche a été approchée. Nous avons l'exemple de l'affaire Krstic, donc

 21   c'est le jugement de première instance, paragraphes 616, 617; dans le

 22   jugement -- l'arrêt 149. Ensuite l'affaire Kvocka, et c'est une affaire qui

 23   nous intéressait de plus près dans notre mémoire d'appel dans les

 24   paragraphes 16 et 17.

 25   Donc la seule conclusion à laquelle vous pourrez arriver de façon

 26   raisonnable c'est que Djordjevic était en mesure de prévoir qu'il allait y

 27   avoir des persécutions traduites à travers des délits sexuels.

 28   On va parler aussi de ce que Djordjevic savait. Les Juges ont trouvé


Page 186

  1   que Djordjevic disposait de suffisamment de connaissance par rapport aux

  2   événements qui se sont déroulés sur le terrain à Kosovo, en 1998, et en

  3   1999, paragraphes 1985 à 1998. Concrètement, Djordjevic était plus que

  4   conscient ou des facteurs contextuels, à cause desquels les persécutions

  5   sous aspect des [inaudible] sexuels, étaient plus que prévisibles en

  6   l'espèce. Tout d'abord, il savait que les forces serbes allaient procéder à

  7   la campagne d'expulsion forcée par la violence et la terreur, paragraphes

  8   2126, 2129, 2130. Il savait que les femmes albanaises du Kosovo et les

  9   jeunes femmes allaient se trouver dans les circonstances dans lesquelles

 10   elles allaient se trouver particulièrement vulnérables. Tout l'objectif du

 11   plan criminel qu'il a appuyé était de forcer la population des Albanais du

 12   Kosovo, y compris les femmes, et les enfants, eh bien, de les enlever de la

 13   sécurité de leurs foyers, paragraphes 2126 et 2129.

 14   Et encore, ce qui est encore plus important, comme l'a dit déjà M. Wood,

 15   mon collègue, eh bien, depuis le début de la campagne, Djordjevic savait

 16   que les forces placées sous son commandement placent pour cible de façon

 17   directe les femmes et les enfants vulnérables. Il savait que 14 femmes et

 18   enfants ont été massacrés à Podujevo le 28 mars 1999, un crime commis par

 19   les Skorpions, et seulement quatre jours après le début de la campagne,

 20   dont c'est un exemple concret de ce qu'il savait, et c'est quelque chose

 21   qui figure au niveau du paragraphe 1999 [comme interprété].

 22   Et puis, pour terminer, il n'a pas pris de mesures raisonnables ou de

 23   garde-fous raisonnables pour empêcher qu'un crime soit commis; au

 24   contraire, il a mis en place un climat généralisé d'impunité en omettant de

 25   punir les auteurs ou bien en participant de façon active à la dissimulation

 26   des crimes. Je vous réfère aux paragraphes 1966, 1981, 1985, 1994 et 1999.

 27   La jurisprudence devant ce Tribunal pénal international --

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai une question mais je voudrais


Page 187

  1   revenir sur la question de l'élément de preuve quant à l'intention

  2   discriminatoire. Mais si vous préférez terminer votre exposé, je peux vous

  3   poser la question à la fin.

  4   Mme KRAVETZ : [interprétation] Ecoutez, il ne me reste que quelques

  5   instants. C'est à vous de voir.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Eh bien, allez jusqu'au bout et

  7   ensuite je vous poserai la question.

  8   Mme KRAVETZ : [interprétation] Donc, je voulais parler de la jurisprudence

  9   du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie qui montre que tous

 10   ces facteurs sont importants quand il s'agit de prévoir qu'il allait y

 11   avoir des crimes violents ou bien des crimes sexuels. Par exemple, dans le

 12   jugement Krstic, paragraphe 616, arrêt 149; Kvocka, jugement, 327; Popovic,

 13   jugement en première instance, 1088; ensuite, nous avons aussi le jugement

 14   dans Stanisic et Zupljanin, deuxième partie, paragraphes 525, 526 et 776.

 15   Sur la base de tous ces facteurs, les Juges doivent tenir compte de la

 16   nature violente de cet objectif commun, et c'est un facteur extrêmement

 17   important quand il s'agit de prévoir les crimes. Dans son jugement, les

 18   Juges de la Chambre de première instance ont répété à plusieurs reprises

 19   que l'utilisation de la violence et de la terreur était une composante

 20   essentielle de l'objectif commun. Par exemple, aux paragraphes 2035, 2126,

 21   2129, 2137 et 2143.

 22   Il est clair que pour déraciner de façon permanente des centaines de

 23   milliers d'Albanais du Kosovo, les forces armées serbes devaient faire

 24   recours à la violence, y compris les expulsions porte-à-porte, pour

 25   terrifier la population qui était leur cible, et il était clair que les

 26   forces allaient se retrouver en contact face à face avec la population des

 27   Albanais du Kosovo et qu'il allait y avoir des crimes de sang contre les

 28   civils, y compris contre les femmes et les enfants.


Page 188

  1   Et c'est exactement ce que les Juges ont conclu quand ils parlaient du

  2   crime de meurtre. Les Juges de la Chambre de première instance sont arrivés

  3   à des conclusions subsidiaires disant que le meurtre faisait partie de

  4   l'entreprise criminelle commune III, paragraphe 2153. Quand ils ont trouvé

  5   que le meurtre était quelque chose qui était prévisible, eh bien, la

  6   Chambre a indiqué qu'ils devaient être conscients de la possibilité que les

  7   forces serbes allaient tuer des femmes et les civils albanais quand ils ont

  8   reçu l'ordre de nettoyer le terrain, les paragraphes 2139, 2141 et 2145.

  9   Dans cette violence qui prévalait et la terreur, tout cela a été fait pour

 10   violer l'intégrité physique à travers le meurtre mais aussi les

 11   persécutions, et tout cela est pertinent pour le meurtre, eh bien, c'est

 12   aussi pertinent pour les violences sexuelles. Non seulement pour Djordjevic

 13   ceci était prévisible, mais aussi, il a pris le risque de façon volontaire

 14   en participant à l'entreprise criminelle commune et en continuant à y

 15   participer.

 16   Puisqu'il ne me reste qu'encore quelques instants -- tout à l'heure je

 17   faisais référence au paragraphe 2158 -- je pourrai répondre à la réponse

 18   [comme interprété] posée par le Juge Robinson.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Aussi, j'ai voulu revenir sur la

 20   question de l'intention discriminatoire et les moyens de preuve s'y

 21   afférant, et donc, par là même, les persécutions. On pourrait dire, n'est-

 22   ce pas, que ceci concerne surtout la question des conclusions que l'on peut

 23   tirer ? Il existe peut-être des preuves directes, mais ce qui est important

 24   de savoir, c'est de quelle façon on va tirer les conclusions; et si c'est

 25   le principe qui nous guide, eh bien, il faut trouver la conclusion la plus

 26   raisonnable. Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'autre conclusion raisonnable

 27   que l'on peut tirer.

 28   Mais je pense que c'est ce qui est le plus difficile dans la procédure en


Page 189

  1   appel, il m'est extrêmement difficile d'arriver à la conclusion ici. J'ai

  2   besoin de l'aide des deux parties au procès. Est-ce qu'il serait

  3   raisonnable d'expliquer une violence sexuelle sur la base de la supposition

  4   que le motif était de nature exclusivement sexuel, ou bien est-ce qu'il y a

  5   d'autres conclusions raisonnables auxquelles on peut arriver ?

  6   Mme KRAVETZ : [interprétation] Eh bien, j'en ai déjà parlé brièvement mais

  7   je peux revenir là-dessus si vous le souhaitez. Les Chambres d'appel de ce

  8   Tribunal ont été très claires quand elles ont dit qu'il ne faut pas faire

  9   l'amalgame entre le motif et l'intention. Et dépendant du fait que les

 10   criminels ont commis les crimes parce qu'ils cherchaient la satisfaction

 11   sexuelle ou bien parce qu'ils ont profité de la situation -- d'une occasion

 12   n'empêche pas l'existence de l'intention discriminatoire. Maintenant, nous

 13   vous demandons d'examiner le contexte dans lequel ces crimes se sont

 14   produits pour arriver à la conclusion que ces crimes ont été commis avec

 15   l'intention discriminatoire, et c'est pour cela que j'ai tiré le parallèle

 16   avec d'autres crimes pour lesquels les Juges de la Chambre sont arrivés à

 17   la conclusion qu'il s'agissait bien de crimes à la base sous-jacents donc

 18   au crime de persécution --

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être qu'ils se sont trompés

 20   quand ils sont arrivés à cette conclusion. Vous vous basez sur la

 21   supposition que nous sommes d'accord avec les conclusions de la Chambre de

 22   première instance.

 23   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, mais il ne faut pas oublier que pendant

 24   toute cette campagne de violence et de terreur, et la Chambre de première

 25   instance a bien établi que cette campagne a existé, et que pendant tout ce

 26   temps existait le crime de persécution des Albanais du Kosovo pour lorsque

 27   les Juges ont conclu qu'il y avait toute une série d'actes sous-jacents

 28   tels que les meurtres, déportations, les transferts forcés, destruction des


Page 190

  1   biens culturels, et cetera.

  2   Ceci montre clairement que les participants à l'entreprise criminelle

  3   commune, y compris Djordjevic, avaient comme intention de procéder aux

  4   actes discriminatoires contre les Albanais du Kosovo. Donc, si leur

  5   intention était telle à travers toute la campagne et si les criminels qui

  6   ont commis ces crimes avaient l'intention criminelle, par exemple, quand

  7   ils chassent la population de Beleg, les emprisonnent et ensuite commettent

  8   des violences sexuelles à l'égard des femmes, passent à tabac les hommes,

  9   et ensuite ils les expulsent tous, eh bien, ils avaient l'intention

 10   discriminatoire. Et donc, on ne peut pas faire une distinction artificielle

 11   entre les violences sexuelles et toutes les autres victimes, tous les

 12   autres crimes sous-jacents aux persécutions. C'est une erreur sur laquelle

 13   nous souhaitions attirer votre attention. La Chambre de première instance

 14   s'est trompée clairement quand elle a séparé les violences sexuelles des

 15   autres types de violence qui, d'après la Chambre de première instance, font

 16   partie du crime de persécution --

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous citer la

 18   jurisprudence de ce Tribunal, la jurisprudence qui a permis aux Juges de

 19   Chambres d'appel de trouver de tels moyens de preuve comme des moyens de

 20   preuve qui démontrent l'intention discriminatoire ?

 21   Mme KRAVETZ : [interprétation] Eh bien, ce que j'ai mentionné, c'est par

 22   exemple l'arrêt Krnojelac, paragraphes 184 à 188, où la Chambre d'appel a

 23   confirmé que le fait que quelque chose se produit en temps qu'une attaque à

 24   caractère discriminatoire plus large se déroule. Cela ne veut pas dire

 25   qu'on peut arriver à la conclusion automatique de l'existence de

 26   l'intention discriminatoire. Mais cette même Chambre d'appel a établi que,

 27   si les circonstances de ce crime sont les mêmes que les circonstances de

 28   l'attaque au sens plus large du terme, on peut établir qu'il existe bel et

 


Page 191

  1   bien une intention discriminatoire sous la base du contexte et c'est ce

  2   qu'on vous demande ici. La  Chambre de première instance a trouvé que, pour

  3   Beleg et pour Pristina, il existait le crime de persécution et que le crime

  4   sous-jacent était le crime d'expulsion, donc c'était un crime sous-jacent

  5   aux persécutions. J'ai déjà donné les paragraphes.

  6   Donc ils en sont arrivés à la conclusion que cette attaque faisait

  7   partie d'une attaque plus large sous la population albanaise du Kosovo et

  8   qu'il existait donc bel et bien un crime de persécution dans ces localités

  9   à ce moment-là.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Ce qui est le

 11   plus important, c'est ce qu'a dit le Juge Robinson, à savoir qu'ici il

 12   faudrait quand même tirer des conclusions, et il me semble que vous dites

 13   que la seule conclusion raisonnable est celle-là. Très bien.

 14   Donc nous allons prendre une pause à présent et cette pause va durer

 15   jusqu'à 17 heures 30, donc on va prendre une pause de 25 minutes. Et

 16   ensuite on va poursuivre à 17 heures 30, avec votre duplique. Et ensuite

 17   nous allons terminer.

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète apporte une correction à la réplique de M.

 19   Hopkins vers 16 heures 20. Remplacer Sreten Lukic, commandant de division

 20   par Sreten Lukic général de division. Merci.

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 05.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 34. 

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame O'Leary, vous avez 30 minutes à

 24   vous.

 25   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Madame et Monsieur le Juge. Bonjour

 26   encore une fois et merci de nous donner la possibilité de répondre à

 27   l'Accusation. Nous estimons que c'est dans nos arguments écrits que nous

 28   avons avancé les éléments les plus marquants de notre argumentation et nous


Page 192

  1   ne reviendrons pas sur cela. L'Accusation a soulevé un certain nombre de

  2   points, mais je voudrais me concentrer sur la sixième question relative au

  3   premier moyen d'appel de l'Accusation.

  4   La question posée par la Chambre consistait à se demander : Si l'élément de

  5   l'intention discriminatoire nécessaire au crime de persécutions était

  6   présent concernant les viols des Témoins K14 et K20 ainsi que les violences

  7   sexuelles alléguées de la jeune fille du convoi et de deux jeunes femmes

  8   albanaises du Kosovo à Beleg ? Il y a une seule réponse concernant tous ces

  9   incidents, et c'est non, Madame et Messieurs les Juges. La Chambre de

 10   première instance n'a pas conclu à l'existence d'une intention

 11   discriminatoire dans la mesure où il n'y avait pas d'élément de preuve

 12   présent susceptible d'étayer l'intention spécifique requise. Ceci est

 13   important et il faut s'en souvenir, --

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Peut-être que quelqu'un pourrait venir

 15   en aide au Juge Guney qui semble avoir des difficultés avec ses écouteurs.

 16   Pouvons-nous dans l'intervalle ?

 17   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Absolument.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] A vous, Madame O'Leary.

 19   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci. Il est important de ne pas oublier

 20   que l'Accusation a retenu à charge ces violences sexuelles non pas en tant

 21   que crimes contre l'humanité mais comme actes sous-jacents d'une

 22   persécution, tout en sachant que l'élément de discrimination d'un groupe

 23   protégé devait être prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Relevant

 24   ceci, la Chambre de première instance au paragraphe 1796 du jugement a

 25   considéré que l'Accusation était de par ce fait tenue de démontrer que les

 26   auteurs avaient agi avec l'intention de procéder à une discrimination

 27   contre le groupe ethnique des Albanais du Kosovo. La Chambre de première

 28   instance a conclu deux incidents de violence sexuelle mais a conclu, et je


Page 193

  1   cite que :

  2   "Aucun élément de preuve spécifique n'a été présenté concernant l'un ou

  3   l'autre de ces incidents, indiquant que les auteurs n'aient agi avec

  4   l'intention de discriminer."

  5   Et en se référant au nombre limité d'incidents, la Chambre de première

  6   instance a conclu correctement que, je cite :

  7   "L'appartenance ethnique des deux victimes à elle seule n'est pas une base

  8   suffisante pour établir que les auteurs ont agi avec l'intention de

  9   procéder à une discrimination."

 10   Nous parlons de deux incidents ici. L'Accusation a mentionné cinq incidents

 11   parce qu'elle y joint ceux qui n'ont pas fait l'objet de conclusion. Et les

 12   éléments de preuve ne sont tout simplement pas suffisant pour conclure au-

 13   delà de tout doute raisonnable qu'il y ait eu violence sexuelle contre ces

 14   femmes inconnues, encore moins pour conclure qu'il y a eu l'intention

 15   requise de la part des auteurs. Ce n'était pas une conclusion raisonnable.

 16   Si nous nous référons au droit invoqué par la Chambre de première instance

 17   au moment de choisir, de sélectionner les normes applicables pour évaluer

 18   les éléments de preuve au regard de la discrimination dans les cas de K14

 19   et K20, il est important de relever que cela n'est pas suffisant -- il

 20   n'est pas suffisant qu'un accusé soit au courant et qu'il ou elle doit, en

 21   fait, agir avec une intention discriminatoire. Il doit avoir consciemment

 22   l'intention d'opérer une discrimination. Et ceci figure au paragraphe 1759

 23   du jugement, citant le jugement Brdjanin paragraphe 996, et le jugement

 24   Kordic et Cerkez paragraphe 217.

 25   Il est évident que la Chambre de première instance a pris l'ensemble des

 26   circonstances de ces crimes en considération, ce qui apparaît dans la façon

 27   dont la Chambre de première instance a établi d'autres actes de persécution

 28   se fondant sur le contexte dont les circonstances des crimes en question,


Page 194

  1   notamment la destruction arbitraire. Je note que l'Accusation a évoqué

  2   certains de ces incidents aujourd'hui tels qu'ils figurent au jugement,

  3   notamment les conclusions relatives à la persécution par meurtres et par

  4   destruction arbitraire, et il est important de lire les paragraphes

  5   correspondant du jugement parce que dans ces cas-là, souvent il y a une

  6   connotation religieuse spécifique qui joue un rôle important. Et c'est ce

  7   qui a permis à la Chambre de première instance de déterminer qu'il y avait

  8   une intention discriminatoire.

  9   Concernant le crime de persécution c'est l'intention subjective des

 10   auteurs qui compte. L'intention subjective n'a pas été établie e se fondant

 11   sur les éléments de preuve pour ces deux cas de violence sexuelle. Nous

 12   n'avons, en fait, aucune idée quant aux motifs et à leur éventuelle nature

 13   discriminatoire, et demander maintenant à la Chambre d'appel d'intervenir

 14   et de conclure à une intention discriminatoire au motif que ce serait la

 15   seule conclusion raisonnable annulant ainsi la conclusion -- la décision de

 16   la Chambre de première instance qui a considéré  qu'elle irait trop loin en

 17   se prononçant de cette façon, eh bien, ce serait allé trop loin. Les

 18   éléments de preuve susceptible d'indiquer une intention discriminatoire

 19   sont tout simplement non établis et n'existent pas et les auteurs directs

 20   auraient très bien pu agir en ayant tout simplement une intention

 21   criminelle, sans intention discriminatoire spécifique. Comme il est indiqué

 22   au paragraphe 473 du jugement Martic, je cite :

 23   "Tout crime de guerre n'est pas automatiquement considéré comme un acte de

 24   persécution."

 25   Cependant, la définition que l'Accusation applique à la discrimination,

 26   nous la reprenons à partir du contexte. Tout crime commis par un membre des

 27   forces serbes - et ceci inclut en fait n'importe qui portant un uniforme-

 28   au Kosovo en 1998 ou en 1999 reprocéderait d'une intention discriminatoire.


Page 195

  1   Et ceci est intenable.

  2   Une telle norme exigerait aucun élément de preuve permettant de conclure

  3   au-delà de tout doute raisonnable à des violences sexuelles. Cela

  4   demanderait même pas un moyen de défense spécial puisque, ceci

  5   s'appliquerait à tous membres des forces de police ou de des forces armées,

  6   même tout homme politique pourrait être tenu de responsable d'avoir commis

  7   un crime de persécution pour toute violence sexuelle commise au Kosovo à

  8   l'époque.

  9   Ceci concerne également l'intention discriminatoire qui ne peut être

 10   déduite directement de la nature discriminatoire générale de l'attaque

 11   lancée contre la police civile. Et la jurisprudence a été citée, on s'est

 12   appuyé sur plusieurs arrêts, notamment également sur le paragraphe 1760 du

 13   jugement en l'espèce. La Chambre de première instance s'est référée à la

 14   norme permettant de déduire l'intention discriminatoire du contexte,

 15   cependant, elle n'a pas conclu à une intention discriminatoire concernant

 16   ces actes en l'espèce. Ce n'était tout simplement pas la seule conclusion

 17   raisonnable que l'on pouvait tirer des éléments de preuve.

 18   Et pour répondre à la partie ultérieure de votre question, est-ce que

 19   tous les éléments requis pour la responsabilité au titre de la troisième

 20   catégorie d'entreprise criminelle commune étaient réunis ? Encore une fois,

 21   notre réponse est non. Même si l'on étire au maximum les éléments de preuve

 22   de leur raisonnement on atteint toujours pas le seul nécessaire pour

 23   établir la culpabilité de Vlastimir Djordjevic.

 24   Les violences sexuelles étaient telles prévisibles en situation de

 25   guerre, même en temps de paix ? Est-il prévisible que ces viols allaient se

 26   produire en situation de conflits, conflits qui se poursuivent aujourd'hui

 27   encore ? Nous voyons bien que non à la lumière de la situation actuelle.

 28   Mais de dire que cela était prévisible au vu du contexte général de la


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  1   guerre, eh bien, cela revient à criminaliser la guerre en tant que telle.

  2   Et criminaliser le recours à la police ou à l'armée dans toute situation où

  3   que ce doit dans le monde.

  4   Alors, l'Accusation aujourd'hui a cité un certain nombre d'affaires

  5   figurant dans son mémoire, notamment le procès Krstic, concernant des

  6   conclusions relatives à la prévisibilité, et notamment les paragraphes 616

  7   et 617, qui sont toutefois à distinguer clairement de l'espèce. L'affaire

  8   Krstic concerne Srebrenica, et je suis sûre que les Juges sont familiers de

  9   cette affaire, notamment les éléments spécifiques de l'affaire Krstic

 10   concernant la prévisibilité, on s'est concentré sur l'arrivée en masse de

 11   30 000 personnes, notamment des femmes, des enfants et des personnes âgées,

 12   qui ont afflué dans un secteur de petite taille en l'espace de quelques

 13   jours à peine. De plus, le rôle de Krstic était d'être sur place et de

 14   suivre ce qui se passait, ce qui a donné lieu à cette conclusion quant à la

 15   prévisibilité pour Krstic lui-même en se fondant sur sa proximité aux

 16   événements et sur les communications dont il était partie prenante. C'est

 17   très étroit comme contexte.

 18   De façon similaire, l'Accusation s'appuie sur plusieurs procès où il y

 19   avait des centres de détention qui étaient dirigés, notamment l'affaire

 20   Stakic, l'avez-vous Kvocka, l'affaire Stanisic et Zupljanin. Tout ceci se

 21   distingue également très nettement de l'espèce. Les faits dans ces

 22   différents procès, si vous les examinez dans le contexte qui a été

 23   considéré par la Chambre compétente, et notamment dans le jugement Kvocka

 24   au paragraphe 327 qui a été cité aujourd'hui, vous trouverez que le camp

 25   d'Omarska comptait environ 36 femmes qui étaient maintenues en détention

 26   sur place, et il était spécifiquement connu aux personnes concernées que

 27   ces femmes étaient sous la garde d'hommes armés, je cite, "qui étaient

 28   souvent ivres, violents, qui étaient susceptibles de les maltraiter


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  1   physiquement et psychologiquement et qui avaient la possibilité d'agir

  2   quasiment en toute impunité."

  3   D'autres procès où il est question de camps ont été cités au titre de la

  4   prévisibilité, jugement en appel Krnojelac. Toutefois, si vous examinez les

  5   circonstances spécifiques de ces procès, eh bien, il s'agit de camps où les

  6   personnes étaient maintenues en détention. Et dans l'arrêt Krnojelac, il

  7   est spécifiquement considéré qu'il y avait deux groupes distincts dans les

  8   camps en question, les Serbes et les non-Serbes, qui étaient maintenus dans

  9   des conditions de détention différentes, les Serbes étant traités bien

 10   mieux les non-Serbes. Il y avait une discrimination claire selon ce schéma.

 11   Madame et Messieurs les Juges, en l'espèce, nous ne devons pas perdre de

 12   vue le contexte et la situation. Nous parlons de la police et de l'armée

 13   dans leur ensemble qui se sont engagés dans une province tout entière

 14   pendant quelques mois, voire quelques années. Et cela n'est pas une

 15   situation restreinte comme dans les affaires des camps ou dans l'affaire

 16   Krstic.

 17   Comme nous avons affirmé dans notre réponse, il y a une série d'erreurs qui

 18   doivent être constatées en matière de responsabilité au titre de la

 19   troisième catégorie d'entreprise criminelle commune qui est imputée à

 20   Vlastimir Djordjevic. Laissons de côté les trois cas de violence sexuelle

 21   qui n'ont pas fait l'objet de conclusions pour revenir aux deux cas de

 22   violence sexuelle qui nous intéressent. Conclure que ces cas de violence

 23   sexuelle étaient une conséquence naturelle et prévisible pour Vlastimir

 24   Djordjevic de façon spécifique et qu'il aurait volontairement pris ce

 25   risque en participant à l'entreprise criminelle commune est ce qui est

 26   contestable à nos yeux, Madame et Messieurs les Juges, parce que cela doit

 27   être prévisible pour cette personne, dans ce cas-là, et il n'y a absolument

 28   aucun élément de preuve en l'espèce indiquant que Vlastimir Djordjevic ou


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  1   que l'un quelconque de ses subordonnés ait été au courant de ces crimes.

  2   Les deux victimes qui sont venues déposer ont manifestement omis de

  3   signaler les crimes en question à la police locale à quelque moment que ce

  4   soit. Et pour le Témoin K20, c'est en page 8 514 du compte rendu; pour K14,

  5   pages 9 042 à 9 043.

  6   Nous devons nous rappeler que ceci remonte à 1999, que le TPIY existe à ce

  7   moment-là, fonctionne, et que des déclarations étaient déjà recueillies par

  8   des enquêteurs. Lorsqu'on a demandé à K20 si elle considérait que de faire

  9   une déclaration au TPIY était la façon appropriée pour déclencher une

 10   enquête et un suivi du crime, elle a répondu : "Oui, bien sûr, c'est ce que

 11   je pensais."

 12   Il n'y avait tout simplement aucun moyen d'être au courant du déroulement

 13   de ces crimes.

 14   L'Accusation cite aujourd'hui concernant Podujevo la dissimulation des

 15   éléments de preuve concernant ces crimes, notamment compte tenu de la

 16   vulnérabilité des femmes et des enfants en question, l'Accusation se réfère

 17   à Podujevo. Mais, Madame et Messieurs les Juges, il n'y avait pas de

 18   violences sexuelles commises à Podujevo. C'est encore une fois tout

 19   simplement une façon de se référer au même crime de dissimulation, de

 20   manque d'enquête, et aux crimes des Skorpions afin d'en déduire la

 21   culpabilité de Vlastimir Djordjevic. Or, il n'y a tout simplement pas

 22   d'éléments de preuve indiquant que Djordjevic ait été mis au courant du

 23   fait que ce type de crime se déroulait ou pouvait avoir eu lieu. Et en

 24   fait, les deux incidents de violences sexuelles sont très éloignés de la

 25   campagne généralisée ou des expulsions -- ou encore, elles sont très loin

 26   d'être des conséquences prévisibles. L'intention de Djordjevic n'a pas été

 27   établie, on n'a pas établi non plus au-delà de tout doute raisonnable

 28   l'intention de procéder avec des persécutions, et il n'y a rien dans le

 


Page 199

  1   dossier qui démontre qu'il ait été animé par ce type d'intention ou qui

  2   permettrait de le déduire.

  3   Madame et Messieurs les Juges, juste pour finir, il doit être dit également

  4   que le doute raisonnable doit rester le critère essentiel et ce doit être

  5   considéré comme allant en faveur de Vlastimir Djordjevic. L'Accusation n'a

  6   pas prouvé sa thèse et elle n'a pas démontré que tout juge du fait

  7   raisonnable aurait dû parvenir à cette conclusion concernant les violences

  8   sexuelles.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame O'Leary.

 10   Je suppose que c'est au tour de l'Accusation.

 11   Mme KRAVETZ : [interprétation] Ma consœur, dans ses arguments, a indiqué

 12   qu'il était important pour prouver l'intention discriminatoire d'établir

 13   que l'accusé avait consciemment l'intention de discriminer. Il s'agit là

 14   d'une conclusion claire faite par la Chambre de première instance en

 15   l'espèce. La Chambre de première instance a conclu que le crime de

 16   persécution faisait partie de l'objectif commun en l'espèce, les

 17   persécutions contre la population au Kosovo albanaise. Et elle a constaté

 18   que Djordjevic était un membre de l'entreprise criminelle commune qui avait

 19   l'intention de réaliser ce plan criminel commun, au paragraphe 2158. Il est

 20   clair d'après ces conclusions qu'il partageait l'intention requise.

 21   Pour ce qui est du contexte cité par ma consœur, lorsque nous faisons état

 22   des circonstances qui entourent cet incident, nous ne parlons pas de

 23   l'ensemble du conflit. Nous faisons état des circonstances particulières

 24   qui entourent les attaques de Beleg et de Pristina, à savoir que ces

 25   victimes qui ont fait l'objet d'agression sexuelle en l'espèce ont souffert

 26   toute la chaîne de violence et d'actes de persécution que ces personnes ont

 27   subie. Et nous disposons d'éléments de preuve directs de ces actes de

 28   violence et de persécution que ces personnes ont subis, en tout cas de la


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  1   bouche de deux Témoins, en tout cas de K14 et de K20. Et si vous tenez

  2   compte des facteurs pris -- ou considérés par la Chambre de première

  3   instance à savoir que pour les autres crimes l'intention de crime

  4   discriminatoire avait été établie, et nous constatons que ces deux éléments

  5   répondent aux conditions constatées par la Chambre.

  6   Nous connaissons l'appartenance ethnique des victimes, qu'elles étaient

  7   Albanaises du Kosovo, et cela, nous le savons d'après des éléments de

  8   preuve directs, à savoir les témoins elles-mêmes. Nous savons que les

  9   auteurs étaient les forces serbes, ce qui vaut également pour les autres

 10   actes constatés par la Chambre de première instance, à savoir actes de

 11   persécution. Nous savons également, et il s'agit là d'un facteur

 12   supplémentaire, que la Chambre a pris en compte, en tout cas dans le cas de

 13   K20, à savoir que l'un des auteurs a fait une remarque directement tout de

 14   suite après qu'elle ait été violée par plusieurs soldats serbes. Et d'après

 15   nous, il s'agit là clairement d'éléments de preuve directs de son intention

 16   discriminatoire.

 17   Nous savons que ces victimes, outre le fait d'avoir subi des agressions

 18   sexuelles, sont des personnes qui ont fait l'objet d'expulsion,

 19   d'emprisonnement dans le cas de victimes de Beleg, de destruction de leurs

 20   maisons, et finalement, ces personnes ont été chassées du Kosovo, réalisant

 21   ainsi les objectifs de l'entreprise criminelle commune, à savoir de

 22   persécuter et de chasser la population albanaise du Kosovo. Leurs

 23   agressions sexuelles ne peuvent pas être dissociées ou séparées ou

 24   analysées isolément par rapport aux autres actes de persécution que ces

 25   personnes ont subis. Donc, nous vous demandons, Madame, Messieurs les

 26   Juges, d'aborder le contexte dans ce sens-là, autrement dit, les autres

 27   actes violents qu'ont subi ces victimes lors de la mise en œuvre de la

 28   campagne par les forces serbes.


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  1   Alors, je vais maintenant aborder la question de la prévisibilité de ces

  2   actes. Madame, Messieurs les Juges, la position que nous faisons valoir

  3   dans notre appel ne doit être comprise comme une interprétation au sens

  4   large de la responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune III.

  5   Dans l'espèce, nous ne parlons pas, comme le laisse entendre la Défense, du

  6   risque généralisé de violence sexuelle au cours d'un conflit. Nous ne

  7   parlons même pas du risque de violence sexuelle dans n'importe quelle

  8   campagne d'expulsion.

  9   Nous parlons d'une situation où il y avait un plan commun criminel

 10   particulier qui incluait le recours à la violence et à la terreur contre

 11   une population prise pour cible et qui était prévisible dans ce cas-là pour

 12   Djordjevic. Nous parlons du risque accru de violence sexuelle lors d'une

 13   campagne d'expulsion où des dizaines de milliers de troupes armées sont

 14   envoyées dans les villes et les villages et lorsqu'ils sont à ce moment-là

 15   en contact personnellement avec les victimes prises pour cible, et ils

 16   avaient reçu pour instruction de les obliger à partir. Il s'agit là du plan

 17   criminel commun constaté par la Chambre de première instance qu'avait

 18   signé, ou en tout cas avalisé, Djordjevic. Et dans ces circonstances-là,

 19   des crimes violents contre les Albanais du Kosovo, que ce soient des hommes

 20   ou des femmes, étaient des conséquences prévisibles de la campagne de

 21   déplacement massif mis en œuvre par lui et d'autres membres de l'entreprise

 22   criminelle commune.

 23   Alors, pour ce qui est des autres questions, à savoir la connaissance de

 24   crimes antérieurs ou si oui ou non ces incidents avaient fait l'objet de

 25   rapport ou pas et si Djordjevic avait pu disposer de ces informations-là,

 26   comme je l'ai dit lors de mes arguments, il ne s'agit pas d'une condition

 27   pour qu'un crime soit prévisible que l'accusé ait une connaissance

 28   antérieure d'actes semblables ou qu'ils aient été commis auparavant. En


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  1   réalité, dans les affaires que j'ai citées, et je ne vais pas les

  2   reprendre, la jurisprudence a confirmé de façon répétée que la connaissance

  3   d'éléments de contexte prévalant suffisent pour rendre prévisibles les

  4   persécutions sous la forme d'agression sexuelle. Et j'ai abordé les

  5   différents facteurs relatifs au contexte pour ce qui est de la persécution

  6   prévisible au moyen ou sous la forme d'agression sexuelle. Et donc, ma

  7   consœur, en fait, ne cite pas correctement la jurisprudence pertinente

  8   lorsqu'elle laisse entendre qu'il y a la condition d'une connaissance

  9   antérieure ou qu'il y ait avertissement de ces crimes.

 10   Et pour finir, revenir à la question de M. le Juge Robinson et M. le Juge

 11   Agius -- alors, je reviens à la question de l'intention discriminatoire.

 12   Dans ce cas, nous ne parlons pas d'une affaire qui se fonde uniquement sur

 13   des circonstances indirectes. Et comme je l'ai dit, en tout cas dans le cas

 14   de deux témoins, K14 et K20, nous disposons d'éléments de preuve directs

 15   sur ce qui leur est arrivé et des preuves directes entourant leur viol et

 16   le fait que ces personnes ont été prises pour cible parce qu'elles étaient

 17   Albanaises du Kosovo --

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne sais pas si vous disposez

 19   d'éléments de preuve directs de l'intention discriminatoire. Il s'agit

 20   simplement d'éléments de preuve directs de l'événement en question, de

 21   l'acte en question.

 22   Mme KRAVETZ : [interprétation] Mais il s'agit de facteurs qui ont été pris

 23   en compte par la Chambre de première instance lorsqu'elle a établi ou

 24   apprécié le --

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, je comprends bien le premier

 26   point que vous abordez puisqu'il s'agit d'éléments de preuve directs de

 27   l'intention discriminatoire, je crois que le soldat, dans ce cas, l'a

 28   appelée et -- en parlant de son appartenance ethnique. Avez-vous autre


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  1   chose que cela ?

  2   Mme KRAVETZ : [interprétation] Nous savons, compte tenu de la déposition

  3   des victimes, quelle était leur appartenance ethnique, quelle était

  4   l'appartenance ethnique des auteurs, et nous connaissons exactement le

  5   contexte dans lequel ces crimes ont été commis ainsi que toute la série

  6   d'actes de violence que ces personnes ont subie, dont les agressions

  7   sexuelles, pendant cette campagne qui avait pour but de chasser la

  8   population de Beleg et de Pristina. Et donc, ces éléments de preuve-là ne

  9   sont pas des preuves indirectes et se fondent sur la déposition directe de

 10   la victime. C'est là où je veux en venir.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Alors, cela, accessoirement, ce qui

 12   découle de ce que mon collègue, M. le Juge Robinson, vient de dire, j'ai

 13   remarqué que lorsque vous faites état de l'événement qui précise que le

 14   même soldat qui gardait une des jeunes filles pendant que tout ceci se

 15   déroulait était le même soldat que celui qui les avait emprisonnés, vous

 16   n'avez pas donné la référence exacte à ce moment-là. Peut-être que vous

 17   pourriez nous donner la référence exacte.

 18   Mme KRAVETZ : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Président. La

 19   référence se trouve dans la Défense de K20, et cela correspond à la pièce

 20   P1279, pages 2 et 4, lorsque le témoin dit elle-même : lorsque ce policier

 21   est venu dans ma maison et a chassé ma famille, et à ce moment-là, j'ai

 22   revu le même homme qui montait la garde devant la pièce où j'ai été violée

 23   et qui a permis aux soldats d'entrer. Il s'agit là d'éléments de preuve

 24   directs, et c'est l'erreur que nous avançons qui a été faite par la Chambre

 25   de première instance en l'espèce, car il y a eu une séparation entre

 26   l'agression sexuelle, K20, et les autres actes de persécution que cette

 27   victime a subis. Et pendant la même journée, cette personne a été chassée

 28   de sa maison, jetée en prison, s'est séparée -- elle -- des hommes -- et


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  1   les autres femmes séparées des hommes. Et un groupe de jeunes filles a dû

  2   sortir cette nuit-là, a fait l'objet d'agression sexuelle, et le lendemain,

  3   toute la population du village a été chassée. Et ce sont les éléments qui

  4   proviennent directement de la victime, et elle a identifié certains des

  5   auteurs qu'elle a vus sur les lieux.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Alors, ceci semble indiquer, comme l'a

  7   dit à juste titre M. le Juge Robinson, semble indiquer que la Chambre de

  8   première instance est dans un état d'esprit particulier. Dans la mesure où

  9   il y a des incidents qui sont arrivés, eh bien, ces incidents -- on peut en

 10   déduire qu'ils découlent d'une intention de persécuter alors que dans le

 11   cas d'agression sexuelle, la Chambre de première instance a évidemment

 12   pensé que l'on pouvait raisonnablement déduire que ce qui s'est passé s'est

 13   passé indépendamment de tout acte de persécution ou intention de persécuter

 14   qu'il y avait à l'époque. Donc, il s'agit là peut-être d'un domaine qui n'a

 15   pas été suffisamment abordé.

 16   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, la seule raison pour

 17   laquelle la Chambre de première instance, au paragraphe 1796, je vous

 18   demande d'aborder ce paragraphe avec beaucoup d'attention, pourquoi les

 19   Juges ont constaté qu'il y avait eu deux viols qui ont été prouvés et que

 20   ceux-ci ne pouvaient pas être assimilables à des persécutions, cela se

 21   fonde simplement sur les chiffres. Compte tenu du chiffre limité, nous ne

 22   pouvons pas déduire cela. Et comme je l'ai déjà dit au moment de mon

 23   argument principal, ce n'est pas quelque chose qui aurait dû être pris en

 24   compte. C'est contraire à la jurisprudence établie de ce Tribunal. Il n'y a

 25   pas de condition à cet égard, qu'il y ait un certain nombre de viols pour

 26   que ceci soit assimilable à des agressions sexuelles. Et c'est la seule

 27   raison que la Chambre a avancée pour traiter ces crimes différemment des

 28   autres crimes. Et nous faisons valoir que ceci est erroné en matière de


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  1   droit.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je suis d'accord. Mais à supposer

  3   simplement, pour que vous puissiez présenter vos arguments, que cet

  4   argument n'aurait pas dû être fait par la Chambre de première instance,

  5   néanmoins, cela ne répond pas à la question qui a été posée de savoir si

  6   oui ou non, à titre subsidiaire, la seule déduction possible consiste à

  7   dire qu'il y a eu une intention de persécuter. C'est ce que j'essaie de

  8   vous faire comprendre. Quand bien même vous avez raison, cela ne signifie

  9   pas pour autant que la conséquence logique de cela voudrait qu'il y ait

 10   forcément -- qu'il y ait une intention de persécuter.

 11   L'INTERPRÈTE : Veuillez remplacer "intention persécutoire" par "intention

 12   de persécuter.

 13   Mme KRAVETZ : [interprétation] Alors, nous faisons valoir que cela a été

 14   prouvé, cela a été établi - et encore une fois, je reviens à mon point où

 15   je veux en venir - il a été établi quand ces actes ont été commis ainsi que

 16   les autres actes violents que ces victimes ont subis, et on a estimé qu'il

 17   s'agissait d'actes de persécution. Et j'ai déjà signalé cela en indiquant

 18   que même s'il y a eu un mobile différent derrière ces agressions sexuelles,

 19   on ne peut pas néanmoins exclure une conclusion sur l'intention

 20   discriminatoire.

 21   [La Chambre d'appel se concerte]

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

 23   Mme KRAVETZ : [interprétation] En conclusion, Monsieur le Président, pour

 24   ce qui est de ces arguments, à savoir qu'aucune Chambre raisonnable

 25   n'aurait pu constater que ces agressions sexuelles ne pouvaient pas être

 26   assimilables à des persécutions, nous demandons aux Juges de la Chambre de

 27   bien vouloir corriger cette erreur et de confirmer cela est de dire que

 28   cela équivalait à des persécutions et tenir général Djordjevic responsable

 


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  1   de ces crimes au titre de l'entreprise criminelle commune III.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.

  3   Monsieur Djordjevic, vous êtes conseil principal, mais de façon plus

  4   importante l'appelant, Monsieur Djordjevic. Nous avons pour habitude au

  5   sein de la Chambre d'appel de fournir à l'appelant la possibilité de

  6   s'adresser personnellement à la Chambre d'appel si vous le souhaitez. Si

  7   vous souhaitez faire une allocution, faites-le et vous avez dix minutes

  8   pour ce faire. Merci.

  9   L'APPELANT : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, merci de me

 10   donner l'occasion de m'adresser à vous. En 1999 des crimes se sont produits

 11   au Kosovo. Je n'ai pas souhaité ces crimes, et si je pouvais revenir en

 12   arrière dans le temps, je procéderais de façon entièrement différente. Je

 13   regrette profondément qu'il y a eu toutes ces victimes au Kosovo et je

 14   regrette profondément toutes les souffrances qu'ont subies leurs familles.

 15   J'adresse toutes mes excuses aux familles de tous les civils albanais du

 16   Kosovo qui ont perdu la vie, je m'excuse également auprès des personnes

 17   déplacées. Je compatie sincèrement avec leur souffrance. J'espère que

 18   l'avenir de cette région sera tourné vers la paix.

 19   Aujourd'hui je voudrais présenter à nouveau mes excuses pour ce que j'ai

 20   fait également pendant le procès. Dans l'espoir de contribuer à la

 21   détermination de la vérité et à la réconciliation j'ai déposé pendant dix

 22   jours à mon propre procès. J'ai essayé de faire état -- de donner une

 23   description franche et véridique du rôle qui a été le mien et des

 24   connaissances que j'avais. Il est vrai, que j'ai appris que les crimes

 25   avaient été commis, uniquement à partir du moment où on m'a appris

 26   l'existence de corps dans le Danube, près de Tekija et dans le lac Perucac.

 27   Oui, j'ai participé au moment où des camions chargés de corps sont arrivés

 28   à Batajnica, mais je ne savais pas quand, où, et de quelle façon des crimes


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  1   avaient été commis. Je ne me suis pas opposé à la dissimulation des crimes.

  2   Je n'ai pas pris les mesures nécessaires à la découverte et à la poursuite

  3   des auteurs ce que j'aurais dû faire. Je m'en repens sincèrement ainsi que

  4   de ne pas avoir immédiatement donné ma démission. Je n'ai pas eu la force

  5   ni le pouvoir de m'opposer à mon ministre. Je m'en estime responsable.

  6   Comme je l'ai déjà dit lors du procès, je suis conscient de devoir en payer

  7   le prix.

  8   La raison pour laquelle je ne me suis pas déclaré coupable et la raison

  9   pour laquelle j'ai fait appel du jugement est que, tout d'abord,

 10   l'Accusation et ensuite le présent jugement m'impute la responsabilité

 11   d'absolument tout ce qui s'est passé au Kosovo. Mars et Messieurs les

 12   Juges, j'ai eu un certain rôle dans tout cela et je suis conscient que je

 13   dois en payer le prix. Cependant, le jugement de première instance donne

 14   une image déformée du rôle qui a été le mien. C'est pourquoi je vous

 15   demande de bien vouloir réexaminer objectivement le rôle qui a été le mien

 16   et mon comportement afin que vous puissiez réaliser à quel point ce

 17   jugement en première instance en impute trop à ma charge.

 18    Pendant la guerre, j'ai séjourné à Belgrade et je ne suis allé au Kosovo

 19   que quelques fois. Je n'ai pas eu la possibilité de donner des ordres au

 20   chef de l'état-major du MUP ni aux membres de cet état-major. Il s'agissait

 21   de l'état-major du ministre. Cet état-major était au centre de la lutte

 22   contre l'ALK. Je n'étais pas membre de l'état-major conjoint en 1999 qui

 23   opérait également à Pristina. Je n'ai pas participé à l'élaboration des

 24   plans de lutte antiterroriste ni à leur mise en œuvre, pas plus que je n'ai

 25   été informé par qui que ce soit de ces activités.

 26   Madame et Messieurs les Juges, en tant qu'assistant du ministre et chef du

 27   SJB, je n'avais pas la possibilité d'attribuer la moindre tâche à aucun

 28   autre assistant du ministre qui avait été chargé sur une décision


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  1   ministérielle d'un domaine de compétence particulier du RJB, je n'avais pas

  2   la possibilité de demander le moindre rapport de la part des autres

  3   assistants du ministre. Lorsque ces hommes ont été nommés en tant

  4   qu'assistants du ministre, indépendamment de leur grade, ils répondaient

  5   directement au ministre et uniquement au ministre et c'est de lui qu'ils

  6   recevaient leurs missions. Nous -- en qualité d'assistants ministre avions

  7   comme seul supérieur hiérarchique le ministre en personne.

  8   Il est vrai que j'ai participé au déploiement de cet effectif de la réserve

  9   à Podujevo et à l'engagement renouvelé de certains de ces membres. Mais mon

 10   rôle au RJB n'était pas lié aux événements quotidiens et aux activités

 11   quotidiennes au Kosovo. A l'époque, j'estimais que ces décisions étaient

 12   justes compte tenu des menaces auxquelles nous faisions face, à savoir la

 13   menace que représentait l'ALK et le risque d'une attaque terrestre de

 14   l'OTAN. Madame et Messieurs les Juges, je vous dis en toute sincérité, j'ai

 15   été marginalisé par rapport à ce qui se passait au Kosovo.

 16   Je suppose que c'est en raison même de cette marginalisation que j'ai

 17   considéré que je pouvais porter mon regard ailleurs. Lorsque j'ai appris

 18   que des corps ont fait leur apparition en Serbie, je n'ai pas pris des

 19   mesures afin de déterminer qui avait commis cela. Je n'aurais pas dû agir

 20   ainsi. Je comprends que j'ai [inaudible] que cela a infligé en fait encore

 21   plus de souffrance à ceux qui avaient déjà perdu leurs proches. Et cela, je

 22   le regrette profondément. Merci.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Djordjevic.

 24   Ceci met un terme à l'audience où les deux appels en l'espèce. Et en mon

 25   nom et ainsi qu'au nom de mes autres collègues, je souhaite remercier les

 26   parties pour leur coopération entière et totale ainsi que vos arguments. Je

 27   souhaite également remercier les interprètes qui ont eu une tâche fort

 28   difficile et une longue journée; les sténotypistes, les juristes, nos

 


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  1   juristes de Chambre, les services informatiques, et si j'ai oublié

  2   quelqu'un, toute autre personne qui a participé à la préparation et la

  3   tenue de l'audience d'aujourd'hui. Je vous remercie pour votre travail et

  4   votre concours.

  5   La Chambre d'appel rendra son jugement en temps utile. L'audience est

  6   levée. Merci.

  7    --- L'audience est levée à 18 heures 11.

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