Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 26 avril 1996 - Affaire Djorde Djukic IT-96-20-PT.)

2 (Décisions relatives aux exceptions préjudicielles.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président: Asseyez-vous. D'abord, est-ce que tout le monde entend

5 bien? Tout le monde se comprend bien. Oui, Monsieur le Procureur vous

6 entendez? Oui. Monsieur le Procureur vous m'entendez? Oui. Non, Maître

7 Fila... Est-ce que tout le monde s'entend d'abord? Maître Fila, vous

8 m'entendez?

9 Monsieur le Procureur, vous m'entendez? Monsieur le Greffier? Mes chers

10 collègues, vous m'entendez? Donc moi je vais m'exprimer en français, donc

11 il n'y a pas de problème, il n'y a pas de débat. Bien.

12 La Chambre va donc rendre sa décision dans l'affaire Djorde Djukic mais,

13 Monsieur le Greffier, vous pourriez d'abord nous annoncer l'affaire.

14 M. Marro: Oui, Monsieur le Président, il s'agit du dossier IT-96-20-T, le

15 Procureur de ce Tribunal contre Djorde Djukic.

16 M. le Président: Merci, Monsieur le Greffier. Le Bureau du Procureur est

17 représenté par?

18 M. Ostberg (interprétation): Eric Ostberg et je suis ici avec M. Michael

19 Keegan et Blaxo(?).

20 M. le Président: Bien. Alors, la Chambre va donc rendre la décision

21 relative aux exceptions préjudicielles qui ont été soulevées par la

22 défense du général Djukic.

23 La Chambre est composée de M. le Juge Claude Jorda, qui préside, de Mme le

24 Juge Elisabeth Odio-Benito, de M. le Juge Fuad Riad. Elle est assistée de

25 M. Dominique Marro, Greffier adjoint.

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1 La Chambre de première instance, vu l'Acte d'accusation établi par le

2 Procureur à l'encontre du général Djorde Djukic, confirmé le 29 février

3 1996, vu les requêtes présentées par la défense les 4, 14, 18 mars 1996,

4 vu les mémoires en réponse de chacune de ces requêtes déposées par le

5 Procureur les 14 et 25 mars 1996, vu les Articles 72 et 73 du Règlement de

6 procédure et de preuve, le Règlement entendu les parties au cours de

7 l'audience du 25 mars 1996.

8 Attendu que la Chambre est saisie d'un Acte d'accusation à l'encontre du

9 général Djukic, confirmé le 29 février 1996 par M. le Juge Karibi-Whyte,

10 qui a émis ce même jour un ordre de détention de cet accusé.

11 Attendu que, par une décision du 24 avril 1996 la Chambre a rejeté la

12 demande du Procureur tendant au retrait de cet Acte en raison de l'état de

13 santé du général Djukic, ainsi que celle de la défense demandant le

14 retrait de l'Acte d'accusation en raison de l'insuffisance alléguée des

15 moyens de preuve produits par le Procureur à ce stade de la procédure.

16 Attendu que, par cette même décision, la Chambre a cependant accueilli la

17 demande de la défense visant à la mise en liberté provisoire de l'accusé

18 pour les seules raisons d'ordre humanitaire.

19 Attendu que la Chambre doit, dès lors, statuer sur l'ensemble des

20 exceptions préjudicielles soulevées par la défense qui invoquent l'Article

21 73A en ces i) ii) iii), dans ces requêtes des 4, 14 et 18 mars 1996 ainsi

22 que sur les réponses écrites apportées par le Procureur les 14 et 25 mars

23 1996.

24 La Chambre va d'abord traiter de l'exception d'incompétence au titre de

25 l'Article 73A i) du Règlement et de la demande subséquente de

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1 dessaisissement. La défense fait valoir que le Procureur devait, en vertu

2 de l'Article 9 iii) du Règlement, requérir devant une Chambre de première

3 instance, le dessaisissement des autorités judiciaires de la République de

4 Bosnie Herzégovine saisies d'enquête contre le général Djukic avant

5 d'établir un Acte d'accusation à l'encontre de ce dernier.

6 Selon la défense, cette absence de demande de dessaisissement entache

7 d'invalidité la décision de confirmation de l'Acte d'accusation, dès lors

8 la Chambre ne serait pas compétente pour connaître du procès contre le

9 général Djukic.

10 Le Procureur soutient en réponse que la demande de dessaisissement n'est

11 pas une condition préalable à l'établissement d'un Acte d'accusation et

12 que, dès lors, la confirmation de l'Acte d'accusation à l'encontre du

13 général Djukic serait valide. Il n'est pas contesté que les autorités

14 judiciaires de la République de Bosnie-Herzégovine sont saisies d'enquête

15 contre le général Djukic et que celui-ci se trouve toujours sous l'effet

16 d'un ordre de détention émis par la Haute Cour de Sarajevo. Ces enquêtes

17 menées par les autorités judiciaires internes ont débuté avant le

18 transfert de l'accusé au Tribunal et avant sa mise en accusation devant

19 cette même juridiction. Rien dans le Statut ni dans le Règlement du

20 Tribunal, ne permet de conclure que l'absence d'une procédure de

21 dessaisissement avant la décision de confirmation d'un Acte d'accusation,

22 invaliderait une telle décision.

23 La Chambre considère dès lors qu'elle est régulièrement saisie et par

24 conséquent compétente pour connaître du procès contre le général Djukic.

25 Il convient toutefois ici de répondre à la demande subséquente de la

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1 défense visant à ce que la Chambre requiert le dessaisissement de la

2 juridiction interne sur le fondement de l'Article 13 du Règlement. La

3 défense allègue à cet effet, je cite:" Il n'est pas possible d'accepter

4 deux procédures en cours, en même temps sur la même affaire.".

5 En revanche, selon le Procureur qui fonde son argumentation sur les termes

6 de l'Article 9.2 du Statut, la demande de dessaisissement peut être

7 présentée à ce stade de la procédure et le Tribunal pourrait dès lors,

8 simultanément et parallèlement, à une juridiction interne, mener des

9 poursuites en raison du principe de la compétence concurrente du Tribunal

10 international et des juridictions internes.

11 Le principe de compétence concurrente est reconnu par l'Article 9 du

12 Statut du Tribunal. Selon le rapport du Secrétaire général qui proposait

13 ce statut et qui fut approuvé par la Résolution 827 du Conseil de

14 sécurité, l'expression du principe de la compétence concurrente du

15 Tribunal international et des juridictions internes visaient à refléter

16 l'intention du Conseil de sécurité de ne pas exclure la compétence des

17 tribunaux internes à l'égard des crimes relevant également de la

18 compétence du Tribunal. Selon ce rapport, je cite: "Les tribunaux

19 nationaux devraient être encouragés à exercer leur compétence conformément

20 aux lois et procédures nationales pertinentes".

21 Ce principe trouve cependant une limitation dans le principe non bis in

22 idem, reconnu par les Articles 10 du Statut et 13 du Règlement. Selon ce

23 dernier Article, je cite: "Si le Président est valablement informé de

24 poursuite pénale contre une personne devant une juridiction interne pour

25 une infraction pour laquelle l'accusé a déjà été jugé par le Tribunal, une

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1 Chambre de première instance rend, conformément à la procédure visée par

2 l'Article 10 mutatis mutandis, une ordonnance motivée invitant cette

3 juridiction à mettre fin définitivement aux poursuites". (Fin de

4 citation.)

5 Il apparaît qu'avant même le prononcé du jugement, la seule conduite de

6 deux procès simultané pour les crimes, contre le même accusé est

7 susceptible de porter atteinte au droit de celui-ci tel que posé à

8 l'Article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et

9 politiques et repris par l'Article 21 du Statut de ce Tribunal et

10 notamment au paragraphe 4B de cet Article, selon lequel l'accusé a droit,

11 je cite: "à disposer du temps et des facilités nécessaires à la

12 préparation de sa défense".

13 En ce qui concerne la compétence des différents organes de ce Tribunal en

14 matière de dessaisissement, la Chambre note que l'Article 13 du Règlement

15 précité, sur lequel la défense fonde la compétence de la Chambre pour

16 requérir le dessaisissement, n'est pas applicable. Le Procureur fait,

17 quant à lui, justement valoir qu'il a en vertu de l'Article 9 du

18 Règlement, le pouvoir d'apprécier l'opportunité et le moment de la saisine

19 de la Chambre d'une demande au fin de dessaisissement.

20 La Chambre considère que le Procureur doit toutefois veiller à ne pas

21 placer la défense dans une position qui pourrait à l'avenir se révéler

22 préjudiciable au droit du général Djukic, tel que reconnu par l'Article 21

23 du Statut. Sous le bénéfice de cette observation, la Chambre rejette la

24 requête de la défense de ce chef.

25 La Chambre va traiter maintenant les vices de forme de l'Acte

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1 d'accusation, Article 73 A ii) du Règlement. Se fondant sur le paragraphe

2 A ii) de l'Article 73 du Règlement, la défense développe à cet égard deux

3 séries d'arguments portant respectivement sur le caractère incomplet et

4 sur l'imprécision de certaines allégations contenues dans l'Acte

5 d'accusation. Premièrement, la défense soutient que la nature générale de

6 l'Acte d'accusation permettrait de traduire toute personne devant le

7 Tribunal et non pas seulement celle dont la responsabilité individuelle

8 pourrait être recherchée conformément à l'Article 7 du Statut. Entre

9 autres, la défense fait valoir que les informations contenues au

10 paragraphe 7 de l'Acte d'accusation, faisant état d'une attaque

11 généralisée et systématique contre une population civile, sont aléatoires.

12 L'Acte d'accusation serait imprécis et ambigu en ce qui allègue de manière

13 générale, des opérations de bombardement de cibles civiles sur Sarajevo,

14 de mai 1992 à décembre 1995 environ, sans préciser le jour, l'heure,

15 l'identité des responsables des bombardements et les cibles considérées.

16 Les conseils de la défense concluent que l'Acte d'accusation est nul et

17 non avenu et qui ne leur permet pas dès lors de préparer adéquatement la

18 défense de leur client. Par conséquent, la défense demande que l'Acte

19 d'accusation soit rendu plus concret et plus précis, notamment quant aux

20 actes imputés au général Djukic.

21 Deuxièmement, la défense prétend que l'Acte d'accusation renferme des

22 informations inexactes, relatives, notamment en fonction et au titre

23 d'accusé. Entre autres, l'accusé ne serait pas membre de l'armée

24 yougoslave, n'aurait pas le grade de colonel général dans l'armée des

25 serbes de Bosnie et ne serait pas -je cite: "commandant adjoint chargé de

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1 la logistique de Ratko Mladic".

2 Enfin, les conseils de la défense ajoutent que la planification, la

3 préparation et l'exécution des opérations militaires des Serbes de Bosnie

4 dans la République de Bosnie-Herzégovine ne relèvent pas de la compétence

5 de l'accusé. Ils en concluent que ces activités ne sauraient être liées à

6 quelque faute que ce soit du général Djukic, et pour établir un tel lien,

7 l'Acte d'accusation aurait dû préciser la nature des décisions prises par

8 le général Djukic ou de celles auxquelles il aurait participé en relation

9 avec les actes criminels qui lui sont imputés.

10 Le Procureur soutient, pour sa part, qu'il s'est conformé aux dispositions

11 du Statut et du Règlement en ce qui concerne le contenu de l'Acte

12 d'accusation, notamment en exposant les faits de nature à identifier

13 l'accusé et suffisant pour décrire les crimes présumés comme l'exige le

14 paragraphe B de l'Article 47 du Règlement, le Procureur ajoute que les

15 points spécifiques relevés par la défense sont des points de sémantique,

16 ou des détails sans répercussion sur la validité de l'Acte d'accusation.

17 Enfin, le Procureur prétend de façon générale que les informations

18 contestées se rapportent à des questions relevant du procès au fond et que

19 c'est à ce stade seulement qu'il lui appartiendra de prouver ces

20 informations.

21 Le Procureur conclut en ajoutant que de nouveaux éléments de preuve seront

22 remis dans le cadre de la communications des pièces et documents et que

23 des amendements pourraient être apportés plus tard au dit Acte.

24 Le Statut prévoit que toute personne contre laquelle une accusation est

25 portée a droit à être informée, dans le plus court délai et de façon

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1 détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portés contre elle,

2 paragraphe 4A de l'Article 21, et fait obligation au Procureur, lorsqu'il

3 établit un Acte d'accusation d'exposé succinctement les faits et le crime

4 ou les crimes qui sont reprochés à l'accusé, paragraphe 4 de l'Article 18.

5 Enfin, le Règlement précise que l'Acte d'accusation doit indiquer le nom

6 du suspect et les renseignements personnels le concernant ainsi qu'une

7 relation concise des faits de l'affaire et la qualification qu'ils

8 revêtent, paragraphe B de l'Article 47.

9 La Chambre note tout d'abord le caractère sommaire de l'Acte d'accusation

10 en ce qu'il expose, de façon très succincte, que l'accusé aurait commis un

11 crime contre l'humanité et une violation des lois ou coutumes de la

12 guerre. S'agissant des informations prétendument inexactes contenues dans

13 l'Acte d'accusation, la Chambre est néanmoins d'avis qu'à ce stade de la

14 procédure, l'Acte reste conforme aux dispositions pertinentes du Statut du

15 Règlement sous la réserve importante qu'il appartiendra à chacune des

16 parties de faire la preuve de ses prétentions lors du procès au fond.

17 La Chambre rejette, par conséquent, l'exception préjudicielle de la

18 défense fondée sur le caractère inexact de certaines informations contenu

19 dans l'Acte d'accusation.

20 La Chambre note ensuite le caractère imprécis et ambigu de l'Acte

21 d'accusation, notamment en son paragraphe 7, dans lequel il y est allégué,

22 sans autre précision, que du mois de mai 1992 au mois de décembre 1995

23 environ -je cite: "Les forces militaires des Serbes de Bosnie, de façon

24 généralisée et systématique, ont délibérément ou au hasard tiré sur des

25 cibles civiles ne présentant aucun intérêt militaire, en vue de tuer, de

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1 blesser et de démoraliser la population civile de Sarajevo". Fin de

2 citation.

3 Pour avoir de toute manière aidé et encourager à planifier ces actes et

4 opérations, le général Djukic est accusé d'avoir commis un crime contre

5 l'humanité prévu à l'Article 5 i), autres actes inhumains du Statut, et

6 une violation des lois ou coutumes de la guerre prévue à l'Article 3 du

7 Statut. Il s'agit d'allégations graves et pour lesquelles l'accusé a droit

8 à toute l'information nécessaire en vue de la préparation de sa défense.

9 Dans l'affaire Tadic, le Tribunal justifiait sa décision autorisant le

10 Procureur à amender son Acte d'accusation en ces termes -je cite: "l'Acte

11 d'accusation ne dit rien de spécifique sur le comportement de l'accusé,

12 sur le caractère et le degré de participation dans les différents types de

13 comportements qui sont mentionnés durant les mois concernés. Il devrait

14 néanmoins y avoir une certaine forme d'identification claire des actes

15 particuliers de la participation de l'accusé à une telle attaque". Fin de

16 citation.

17 Le Procureur contre Dusko Tadic, IT-94-1-T, décision sur l'exception

18 préjudicielle de la défense relative à la forme de l'accusation, 14

19 novembre 1995. Paragraphe 12.

20 En l'espèce, la Chambre est d'avis que l'Acte d'accusation contre le

21 général Djukic ne présente pas le degré de précision tel que requis dans

22 l'affaire Tadic. Il ne contient pas en effet une identification des actes

23 ou omissions du général Djukic dans la préparation ou la planification des

24 faits reprochés et ne fournit pas d'indication quant à la nature des

25 autres actes inhumains qui auraient été commis.

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1 La Chambre invite dès lors le Procureur à apporter -conformément aux

2 dispositions du Statut et du Règlement- les modifications jugées

3 nécessaires s'il entend maintenir les accusations figurant au paragraphe 7

4 de l'Acte d'accusation.

5 La Chambre prend acte à cet égard que ce que le Procureur a indiqué lors

6 de l'audience du 25 mars 1996 que de nouveaux éléments de preuve seront

7 remis dans le cadre de la communication des pièces et documents prévus au

8 Règlement et qu'il se réservait le droit d'amender l'Acte d'accusation.

9 La Chambre va à présent traiter le problème de l'irrecevabilité des

10 éléments de preuve obtenus de l'accusé ou lui appartenant, c'est-à-dire

11 l'Article 73 A iii) du Règlement. Se fondant sur le paragraphe A iii) de

12 l'Article 73 du Règlement, la défense demande que soient déclarés

13 irrecevables certains éléments de preuve obtenus de l'accusé ou lui

14 appartenant. Notamment, elle demande que l'organigramme de la structure

15 politique, civile et militaire interne d'un parti politique comportant des

16 informations totalement erronées, soit déclaré irrecevable.

17 En outre, elle requiert que le même sort soit réservé à l'évaluation des

18 renseignements concernant le général Djukic, quant à l'exercice de ses

19 fonctions au sein de la Republika Srpska ainsi qu'aux informations

20 relatives à Radovan Karadzic et au général Mladic. La liste des cibles et

21 des populations civiles visées par les présumés bombardements devrait

22 aussi être écartée puisqu'elle est présentée sans aucune indication quant

23 à son auteur ni aux éléments de preuves sur lesquelles elles se fondent.

24 Enfin, la déclaration du général Djukic à la police de Sarajevo ne devrait

25 pas être considérée comme un élément de preuve recevable puisqu'elle

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1 aurait été recueillie en contravention avec les dispositions du droit

2 national de la République de Bosnie-Herzégovine.

3 Pour ce qui est de l'organigramme, les renseignements concernant le

4 général Djukic, le général Mladic et Radovan Karadzic, ainsi que pour ce

5 qui est de la liste des cibles civiles, le Procureur fait valoir que

6 l'exclusion de ces éléments de preuve ne relève pas du champ d'application

7 du paragraphe A iii) de l'Article 73 du Règlement, en ce qu'ils n'ont pas

8 été obtenus de l'accusé et ne lui appartiennent pas.

9 Enfin, en ce qui concerne la déclaration du général Djukic, le Procureur

10 soutient qu'il n'est pas prévu que l'on puisse exclure automatiquement des

11 éléments de preuve obtenus de l'accusé mais qu'il appartient à la défense

12 de démontrer que le caractère préjudiciable des éléments de preuve est

13 supérieure à la valeur probante ou qu'ils ont été obtenus par des moyens

14 contraires au droit de l'accusé garantie par le droit international.

15 Le Procureur considère qu'en l'espèce, la valeur probante des éléments de

16 preuve concernés est supérieure à tout préjudice causé à l'accusé et

17 qu'aucun élément de l'exception de la défense n'indique qu'il y aurait

18 lieu de conclure que les dépositions n'ont pas été prises dans les règles.

19 Le paragraphe A de l'Article 89 du Règlement dispose que la Chambre saisie

20 n'est pas liée par les règles de droit interne régissant l'administration

21 de la preuve, et le paragraphe D du même Article l'autorise à exclure tout

22 élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à

23 l'exigence d'un procès équitable.

24 De plus, l'Article 95 du Règlement précise que -je cite-: "n'est recevable

25 aucun moyen de preuve obtenu par des moyens qui entament fortement sa

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1 fiabilité ou si son admission irait à l'encontre d'une bonne

2 administration de la justice ou lui porterait gravement atteinte". Fin de

3 citation.

4 La Chambre rappelle qu'à ce stade de la procédure tous les éléments de

5 preuve dont la recevabilité est contestée ne lui ont pas encore été

6 soumis, mais ont été fournis à l'accusé.

7 Néanmoins, pour ce qui est notamment de l'organigramme d'un parti

8 politique, de l'évaluation des renseignements concernant le général

9 Djukic, des informations concernant le général Mladic et Radovan Karadzic,

10 ainsi que de la liste des cibles civiles, la Chambre est d'avis que ces

11 éléments de preuve n'ont pas été obtenus de l'accusé ou ne lui

12 appartiennent pas.

13 En ce qui concerne la déclaration du général Djukic, la Chambre, au terme

14 du paragraphe D de l'Article 89 du Règlement, estime que le Tribunal n'est

15 aucunement lié par les règles de droit interne de la République de Bosnie-

16 Herzégovine régissant l'administration de la preuve. Elle ne peut que

17 prendre note de l'affirmation du Procureur selon laquelle la valeur

18 probante de cet élément de preuve est supérieure à tout préjudice causé.

19 Toutefois, elle rappelle que la recevabilité dudit élément de preuve lors

20 de l'examen au fond sera notamment fonction de sa conformité aux exigences

21 d'une bonne administration de la justice et qu'un équilibre des intérêts,

22 intérêt général et intérêt de l'accusé devra nécessairement être recherché

23 à la lumière des dispositions permanentes du Statut, du Règlement et des

24 règles du droit international applicable.

25 En conséquence, la Chambre rejette l'exception préjudicielle fondée sur

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1 l'irrecevabilité d'éléments de preuve obtenus de l'accusé ou lui

2 appartenant.

3 Par ces motifs, la Chambre de première instance statuant à l'unanimité:

4 -Rejette la requête de la défense portant exception préjudicielle

5 d'incompétence et la demande subséquente de dessaisissement.

6 -Rejette la requête de la défense portant exception préjudicielle fondée

7 sur le caractère inexact de certaines informations contenues dans l'Acte

8 d'accusation, invite le Procureur à amender le paragraphe 7 de l'Acte

9 d'accusation conformément au Statut et au Règlement.

10 -Rejette la requête de la défense portant exception préjudicielle fondée

11 sur l'irrecevabilité d'éléments de preuve obtenus de l'accusé ou lui

12 appartenant.

13 Fait en français et en anglais. La version française faisant foi.

14 Ce jour, 26 avril 1996, au Tribunal pénal international, à La Haye.

15 L'audience est levée.

16 (L'audience est levée.)

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