Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-13a-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 21 avril 1998

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 ZALTKO DOKMANOVIC

7 L’audience est ouverte à 8 heures 30.

8 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Quel est le numéro

9 de l'affaire ?

10 Mme le Greffier (interprétation). - IT-95-13a-T, le Procureur

11 contre Slavko Dokmanovic.

12 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann. Je

13 comparais avec Me Williamson et Me Waspi, ainsi que M. Bos, au nom de

14 l'accusation.

15 M. le Président (interprétation). - Merci.

16 M. Fila (interprétation). - Je m'appelle Tomas Fila. Je défends

17 Slavko Dokmanovic avec Me Petrovic.

18 M. le Président (interprétation). - Monsieur Dokmanovic,

19 m'entendez-vous ?

20 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

21 M. le Président (interprétation). - Je commencerai par des

22 remerciements à l'égard de Maître Fila qui a eu l'obligeance de fournir à

23 l'accusation et au Tribunal le texte écrit de ses déclarations liminaires.

24 Ceci vous permettra bien sûr de vous attacher aux points principaux, si

25 vous voyez ce que je veux dire.

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1 M. Williamson (interprétation) . - Monsieur le Président,

2 excusez-moi, il y a quelques autres questions qu'il faudrait régler avant

3 d'arriver aux déclarations liminaires de Me Fila.

4 Je parlais hier d'un document que nous nous attendions à

5 recevoir de New York. Nous avons reçu une partie de ce document, nous

6 n'avons toujours pas reçu l'ultimatum du Général Kadijevic au gouvernement

7 croate. Ce que nous avons reçu de la part du Bureau du secrétaire général,

8 c'est la liste et la notification de la succession par le gouvernement de

9 la Croatie avec l'entrée en vigueur de l’Indépendance le 8 octobre 1991 ;

10 et en sus le rapport final de la commission Badinter sur la question de la

11 date effective de l'indépendance, il s'agit de l'avis 11 en date de

12 juillet 1993. La date effective de l'indépendance de la Croatie est le

13 8 octobre 1991, en vertu de ce document. Je pense que ceci deviendra la

14 pièce d'accusation 192.

15 Mme le Greffier (interprétation). - C'est exact.

16 M. Williamson (interprétation) . - Et la copie a déjà été

17 fournie à la défense.

18 De surcroît, en réponse à la demande formulée par Me Fila hier

19 s'agissant de la cassette vidéo, nous l'avons visionnée dans son

20 intégralité et le seul segment qui éventuellement est celui dont parle

21 Me Fila ne vient pas de la télévision française mais de la télévision

22 serbe en 1994 et non pas en 1990 ; et il porte sur M. Dokmanovic non pas

23 en tant qu'ancien maire de Vukovar mais comme nouveau maire de Vukovar. Si

24 c'est le segment qu'il demande, nous pouvons lui montrer, mais c'est tout

25 ce que nous avons rencontré pour répondre à sa recherche.

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1 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

2 Messieurs les Juges, mon associé va venir aujourd'hui, il amènera des

3 experts de Belgrade mais aussi cette cassette, je pourrai vous la montrer

4 dès demain.

5 M. le Président (interprétation). - Merci. Fort bien,

6 Maître Fila, vous pouvez désormais commencer votre déclaration liminaire.

7 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

8 Messieurs les Juges, je

9 serai plus concis dans ma présentation orale que dans ma présentation

10 écrite parce que je répondais aussi au mémoire et aux déclarations de

11 l'accusation.

12 Nous nous occuperons donc de trois choses : La création et le

13 démantèlement de l'Etat yougoslave, la création de la première

14 Yougoslavie. L'Etat yougoslave a été créé après la Première Guerre

15 mondiale, en 1918, par l'unification de deux Etats indépendants, le

16 Royaume de Serbie et le Royaume du Monténégro, ainsi que des territoires

17 de l'ancienne monarchie austro-hongroise habitée par les Slaves du sud,

18 les Serbes, les Croates et les Slovènes.

19 En vertu de la décision prise par le conseil national de l'Etat

20 des Slovènes, des Croates et des Serbes, ces territoires furent annexés au

21 nouvel Etat yougoslave qui au départ était appelé le Royaume des Serbes,

22 Croates et Slovènes et est devenu plus tard le Royaume de Yougoslavie.

23 C'était un Etat unitaire fondé sur la thèse étatique selon

24 laquelle il y avait un peuple avec trois entités (serbe, croate et

25 slovène) divisées en Banovina. Il s'agissait de divisions territoriales se

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1 basant sur des lignes de divisions administratives plutôt qu'ethniques.

2 La définition de Nietzsche, en 1914, au cours de laquelle le

3 gouvernement et l'assemblée nationale du Royaume de Serbie ont opté en

4 faveur d’un Etat conjoint des peuples yougoslaves. Ceci montre que les

5 Serbes avaient déjà pris une décision dans ce sens au cours de la Première

6 Guerre mondiale.

7 Il faut insister pour rappeler qu'ils ont sacrifié délibérément

8 leur identité d’Etat et de Nation créée au cours du XIXème siècle et ont

9 accepté l'idée d'une entité trinomique appelée les peuples de Slavie du

10 sud. Les Serbes s’estimaient une unité au niveau de la Nation vivant tous

11 dans un même Etat.

12 La thèse avancée par l’accusation et ses experts selon laquelle

13 l'Etat yougoslave, la réalisation de l'idée d'une grande Serbie, est

14 dénuée de fondement parce que ce premier Etat yougoslave a donné

15 l'émancipation nationale et d'Etat aux Croates et aux Slovènes pour la

16 première fois dans leur histoire.

17 Les puissances alliées, en 1915, se retrouvaient à Londres et,

18 par le Traité de Londres, ont suggéré la création d’une grande Serbie. Le

19 gouvernement serbe a rejeté cette idée et a préféré l'unification avec

20 d'autres peuples slaves. C'est à ce moment que le terme "grande Serbie"

21 est apparu pour la première et la dernière fois en droit international.

22 Dès le début de l'existence du Royaume des Serbes, des Croates

23 et des Slovènes, il y avait beaucoup d’antagonisme à la suite des

24 programmes d'Etat et de Nation qui s’excluaient mutuellement au sein des

25 peuples yougoslaves. Cette intolérance, ce séparatisme latent se sont

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1 manifestés plus tard par un boycotte parlementaire des Croates et par une

2 propagande musclée contre la création d'un Etat conjoint fondé sur des

3 principes démocratiques.

4 A mon avis, les Croates ont abusé de l'idée yougoslave. Après la

5 Première Guerre mondiale, les Slovènes ont quitté le camp des vaincus pour

6 entrer dans le camp des vainqueurs. Les Croates ont fait pareil après la

7 Deuxième Guerre mondiale. En rejoignant le camp des vainqueurs, des

8 puissances victorieuses, alors qu'ils avaient quitté le camp des vaincus,

9 ils ont évité leurs responsabilités et également de payer les

10 compensations et les dommages de guerre.

11 Par conséquent, le représentant de l’Italie à la Conférence de

12 Versailles de 1919 a refusé pendant près d'un an de laisser commencer le

13 travail de la commission de la délimitation. Il refusait de se trouver à

14 la même table que des représentants des puissances vaincues parce qu'un

15 représentant de la Croatie, le Dr Trumbic faisait partie de la délégation

16 du nouvel Etat de Yougoslavie.

17 Les élites croates et slovènes politiques ont vu l'Etat

18 yougoslave comme étant une période transitoire dans le processus de

19 l'acquisition de l’indépendance de l'Etat et de la Nation. Par exemple,

20 Anton Korocek, un Slovène qui était ministre de tous les gouvernements du

21 Royaume de Yougoslavie de 1918 à 1941, a expliqué pourquoi les Slovènes

22 ont rejoint la Yougoslavie. Il a dit : "Nous montons un bon cheval et nous

23 allons rendre une haridelle

24 épuisée."

25 Cependant, pour les Serbes, la création de ce Royaume des

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1 Serbes, Croates et Slovènes envisagée par le roi Alexandre I pour la

2 création de la Nation yougoslave, consistait à développer ce pays à partir

3 des casernes et des écoles pour en faire un seul Etat Yougoslave.

4 Effectivement, l'invasion allemande en 1941 annonçait la fin de

5 la première Yougoslavie et le début de la Nation Serbe dans l'Etat

6 indépendant de Croatie formé dans l'intervalle par les Oustachis sous la

7 houlette des allemands. Dans les années 30, une organisation terroriste

8 Oustachi a été établie qui avait pour objectif ultime la création d’un

9 Etat de Croatie indépendant et l'extermination de la population serbe.

10 L’installation du pouvoir oustachi a vu une persécution sans

11 égale de la population serbe qui est devenue un génocide à échelle

12 massive. Les Serbes ont été forcés de se défendre, ils se sont rebellés et

13 ils ont organisé leur résistance contre le terrorisme fasciste des

14 Allemands et des Oustachis.

15 A la création d'une deuxième Yougoslavie, avec la victoire des

16 alliés au cours de la Deuxième Guerre mondiale, l'Etat yougoslave a été

17 reconstitué sur une base fédérale avec six républiques : la Serbie, la

18 Croatie, la Slovénie, la Macédoine, la Bosnie Herzegovine et le

19 Monténégro.

20 Se différenciant des quatre autres républiques, la République de

21 la Croatie, la République de Bosnie-Herzegovine étaient des républiques

22 proclamées avec plusieurs peuples constitutifs, la République de Croatie

23 en tant qu'Etat des Serbes et des Croates, et la République de Bosnie-

24 Herzegovine en tant qu'Etat des Serbes, des Musulmans et des Croates.

25 Le régime communiste établi en 1945 a fortemement réprimé les

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1 haines nationalistes et les stéréotypes nationaux. Les crimes oustachis

2 sont restés impunis, les victimes et les exécutants ont été réconciliés

3 lorsqu'on a appelé la fraternité et l'unité, la formule universelle de

4 résolution de la question nationale de la Yougoslavie socialiste. Il n'y a

5 pas eu de catharsis des

6 Croates, il n'y a pas eu de vilipende Croate qui soit levé pour s'excuser

7 devant les Serbes et les autres victimes de la folie oustachie à

8 Jasenovac, entre autres camps. Non ! Le mal a été refermé dans la boîte de

9 Pandore.

10 Ignorant les réalités politiques et ethniques, la direction du

11 Parti communiste de Yougoslavie a établi des frontières administratives

12 arbitraires entre les républiques et, plusieurs décennies plus tard, elles

13 allaient devenir des frontières étatiques.

14 Cette question nationale est restée sans solution et cela a été

15 là deuxième grande cause principale de la guerre civile. Josef Tito,

16 Croate d'origine, a été le dirigeant indéboulonnable de la Yougoslavie

17 pendant des décennies mais, à l'époque de son régime, le séparatisme

18 croate est revenu sous la forme du Maspok pour développer une nouvelle

19 délimitation de Yougoslavie. Pendant cette période, les Serbes ont été

20 persécutés : licenciements collectifs notamment et en plusieurs vagues.

21 Tito a réglé ...

22 M. le Président (interprétation). - Pourriez-vous penser aux

23 interprètes et ralentir quelque peu le débit. Les interprètes de la cabine

24 française ne disposent pas du texte, je pensais qu'ils avaient une

25 traduction du texte. Pourriez vous ralentir quelque peu ?-

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1 M. Fila (interprétation). - Tito a réglé ses comptes avec les

2 avocats du Maspok en les arrêtant, notamment Tudjman et Mesic. La

3 Yougoslavie est restée intacte pendant un moment et l'unité s'est

4 poursuivie. En 1910, le cléricalisme et le mouvement oustachi est retourné

5 sur la scène politique de la Croatie. En 1990, voyant chez les Serbes, en

6 Croatie, un phénomène perturbateur, la fin de ce processus a été la prise

7 de pouvoir par l'Union démocratique croate, avec les amendements de 1990 à

8 la Constitution de la République de Croatie, ce qui a été présenté comme

9 un élément de preuve à charge.

10 A partir d'une nation constitutive, c'est-à-dire d’un des deux

11 composants constitutifs de même importance, les Serbes sont devenus une

12 minorité nationale. De nouveau ils ont été licenciés des instances d'Etat

13 et des instances locales au niveau des autorités judiciaires, des

14 établissements d'enseignement, des hôpitaux et des usines. Le séparatisme

15 croate a trouvé son apogée dans la sécession qui était contraire aux

16 dispositions de la Constitution de la RSFY qui exigeait la consentement de

17 toutes les unités féderales à toute modification des frontières de l'état.

18 C'était donc une violation de la Constitution de la RSFY mais aussi de la

19 République de croatie, parcequ'une décision en matière de sécession

20 juridique était impossible sans le consentement de l'un des deux peuples

21 constitutifs dans cette république, à savoir les Serbes.

22 En plus de ce référendum croate sur l'indépendance et la

23 souveraineté, les Serbes en Croatie ont organisé un référendum propre au

24 cours duquel ils ont décidé de rester au sein de la Yougoslavie,.

25 La sécession illégitime, illégale, agravée par les intimidations

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1 les licenciements abusifs, les évictions, les voies de fait physiques, les

2 menaces et les insultes, ont instillé un sentiment chez les Serbes selon

3 lequel ils ne sont plus qu'à un pas du deuxième pogrom qui les attend.

4 Dans une telle situation les Serbes en Croatie n'avaient pas le

5 choix et devaient s'organiser et ils estimaient qu'ils devaient rechercher

6 la protection de leur Etat fédéral ; Etat fédéral où le président de la

7 présidence était Stipe Mesic, un Croate, le Premier ministre

8 Ante Markovic, un Croate, le ministre de la Défense qui était

9 Veljko Kadijevic, un Croate, et le ministère des Affaires étrangères

10 croate également. L'Etat fédéral n'a pas accepté la sécesssion et un tel

11 comportement de la part de la Croatie, ni d'ailleurs de la part de la

12 Slovénie. La JNA, armée populaire yougoslave, en tant que force armée de

13 la RSFY est intervenue. Son objectif était la préservation de la RSFY et

14 la séparation des rebelles croates et des Serbes qui se défendaient contre

15 les Croates rebelles. L'affirmation selon laquelle la JNA est intervenue à

16 l'appui des insurgés serbes est inexacte.

17 Il est tout aussi arbitraire de dire au chef 11 de l'acte

18 d'accusation que les autorités serbes ont identifié des informations à

19 propos des personnes emprisonnées à Ovcara car il n'y

20 avait pas d'autorités serbes à cet endroit, c'était la JNA des troupes

21 paramilitaires à Ovcara.

22 Il faut rappeler ici qu'à part la sécession illégale, aux termes

23 de la Constitution de la RSFY, la République de Croatie ne s'est conformée

24 à aucune des trois conditions constitutives qu'exigent les principes

25 normatifs droit international et la pratique des états. Pour qu'une entité

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1 qui veut devenir un Etat puisse être considérée comme telle, il faut un

2 territoire donné, une population donnée et aussi disposer de l'autorité

3 souveraine sur ce territoire.

4 Aucune de ces trois conditions n'étaient réunies en République

5 de Croatie ; la déclaration des ministres des Affaires étrangères de la

6 Communauté européenne du 17 décembre 1991, c'est-à-dire le communiqué du

7 ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, dit ceci le 24 décembre :

8 « La présidence de la Communauté européenne invite les six républiques de

9 Yougoslavie à déclarer si elles veulent être reconnues comme étant

10 indépendantes et à accepter les engagements repris dans la lettre du

11 17 décembre 1991 ».

12 Des réponses positives ont été reçues de la part de la Bosnie-

13 Herzégovine, de la Croatie, de la Macédoine et de la Slovénie. La

14 présidence a informé le président de la conférence sur la Yougoslavie dans

15 ce sens, demandant que ses demandes soient relayées à la commission

16 d'arbitrage pour avis.

17 Je veux faire remarquer ici une fois de plus que tout ceci se

18 passe après la période couverte par l'acte d'accusation puisqu'on parle du

19 17 décembre 1991. C'était la fin de la deuxième Yougoslavie et la fin de

20 la deuxième tentative de mettre en pratique l'idée d'un Etat conjoint des

21 Slaves du Sud.

22 J'espère que c'est une dernière tentative parce que mon espoir

23 vient d'une expérience tragique. Toutes les tentatives afin de créer la

24 Yougoslavie du XXème siècle ont coûté cher : des millions de victimes et

25 aussi des millions d'expulsés.

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1 Concernant les Serbes en Croatie, et c’est un fait historique,

2 l'histoire nous montre que les Serbes étaient présents dans le territoire

3 de ce qui est aujourd'hui la République de

4 Croatie depuis le XIVème siècle.

5 L'espace ethnique des Serbes va de la Dalmatie du Nord par Lika,

6 Kordun, Gorski Kotar jusqu’à la frontière avec les pays slovènes, Banija,

7 la région de Pakrac, Daruvar jusqu’en Slavonie orientale, les villes

8 d’Osijek et de Vukovar.

9 La plupart des Serbes qui habitaient la Dalmatie, la Slavonie et

10 la Croatie avaient le statut de garde-frontières impériaux alors que les

11 autres étaient des paysans dépendants, des serfs. Il y avait des

12 commerçants, beaucoup de commerçants serbes dans les villes.

13 L'accord croato-hongrois a donné naissance à l’idéologie de la

14 grande Croatie. Les Croates ont nié aux Serbes leur caractéristique

15 nationale et l'égalité en matière de possession de terres croates. Le

16 Parti croate des droits, dirigé par Ante Starcevic, a défini les Serbes

17 comment étant des Croates de foi orientale, les appelant : « ces Serbes »,

18 « des non-frères », « des Byzantins » et « des fauteurs de troubles ».

19 Le chauvinisme croate a abouti à l'apparition du mouvement

20 oustachi au cours des années 30. Les Oustachis voyaient une solution à la

21 question nationale et étatique croate par l'élimination physique des

22 Serbes qui vivaient dans le territoire à l'ouest de la rivière Drina.

23 En 1941, avec l'occupation du Royaume de Yougoslavie, le mouvement

24 oustachi, dirigé par Ante Pavelic, est arrivé au pouvoir en Croatie.

25 Hitler a permis que l'Etat indépendant de Croatie reprenne toute la

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1 Bosnie-Herzégovine et toute la Srème.

2 Le dirigeant oustachi et son gouvernement ont lancé une

3 persécution sans pareil des Serbes. Le programme politique et étatique de

4 l'Etat indépendant de Croatie était défini par une devise : "Un tiers des

5 Serbes à convertir, un tiers à déplacer et le reste à tuer."

6 Des dizaines de milliers de Serbes, sans doute des centaines de

7 milliers, ont péri dans les camps de la mort oustachis de Jasenovac,

8 Jadovno, Stara Gradica. Près de deux cents mille Serbes ont été déportés

9 en Serbie.

10 Des lois racistes furent mises en vigueur contre les Serbes, les

11 Juifs et les Roms. Les

12 Serbes orthodoxes se sont convertis en masse au catholicisme

13 avec l'appui de l'Eglise catholique.

14 J'aimerais vous montrer un extrait de cassette vidéo qui vous

15 montrera les tueries au moment de la conversion en masse au Catholicisme.

16 Diffusion d’un extrait de la cassette vidéo :

17 C'est le camp de concentration de Jasenovac.

18 "Les services publics, camp de concentration de Jasenovac, 1941-

19 1945."

20 Voici les Juifs, voici les enfants serbes qui ont été tués à

21 Jasenovac. Vous avez vu Pavelic et Hitler, il y a un instant. Vous avez

22 ici les environs du camp de Jasenovac.

23 Vous avez, là, une carte du camp de concentration.

24 Ici, c'était un appareil conçu spécialement pour tuer les

25 Serbes. Voici, ici, un autre dispositif conçu pour tuer ces Serbes.

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1 Vous voyez un Oustachi au travail. Vous avez ici les calots

2 oustachis qu'on posait de force sur la tête des enfants serbes.

3 Et ici, c'est la conversion en masse forcée des Serbes au

4 Catholicisme, ceci se produisait à l'intérieur même du camp.

5 La souffrance des Serbes de 1941 à 1945 dans la région de

6 Vukovar était le sujet de nos débats. La politique génocidaire du régime

7 oustachi, de sa façon la plus horrible, a été exécutée dans la région de

8 Velika Zupa qui comprenait dix districts, sept villes et cent cinquante-

9 six municipalités. En vertu du recensement de 1931, 439 900 habitants

10 vivaient dans la région, 211 000 Serbes, soit 48 %, et 118 000 Croates,

11 soit27 %.

12 La chasse aux sorcières menée contre les Serbes de la région de

13 Vukovar a commencé mi-avril 1941. D'abord, les autorités oustachis ont

14 interdit l'utilisation du cyrillique et des inscriptions en cyrillique.

15 Cela a été suivi d'arrestations menées par les autorités municipales,

16 l'institution politique oustachi.

17 Des Serbes de premier plan, des engagés de la Première Guerre

18 mondiale, des

19 membres de l'association des sports Soko, association yougoslave, d'autres

20 associations culturelles et éducatives ont été emprisonnés, certains

21 furent exécutés sommairement, beaucoup disparurent sans laisser de traces

22 et d'autres furent déportés dans des camps.

23 Pareil pour les Juifs et les Roms : 1620 Roms, dont 500 enfants

24 et 500 Juifs furent déportés au camp de Jasenovac entre 1941 et 1942. La

25 Cour martiale oustachie siégeait sans relâche. Des documents donnent

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1 témoignage de leurs arrêts : 15 personnes tuées le 31 juillet 1941,

2 20 habitants de Negoslavci, Brsadin et Borovo furent tués par balle le

3 17 janvier 1942, 57 habitants de Stara Pazova, Stari Banovci et d'autres

4 endroits furent tués par balle le 27 septembre 1941 et en janvier 1942. En

5 vertu du rapport de la commission chargée d'établir les crimes commis par

6 les occupants et leurs complices de Vukovar, les hommes emprisonnés furent

7 envoyés aux camps de la mort oustachis, le premier train comprenant cinq

8 wagons remplis de femmes et d'enfants, et un comprenant cinquante hommes,

9 sont arrivés à Jasenovac en août 1942. Le lendemain, le 27 août 1942, un

10 autre train se composant de vingt wagons pleins de Serbes a été constitué.

11 Le voyage à Jasenovac a duré deux jours et deux nuits. Les femmes et les

12 enfants furent séparés des hommes et ils traversèrent la rivière Sava à

13 Gradina où ils furent immédiatement liquidés.

14 Huit mille Serbes se sont convertis au Catholicisme,

15 quatre mille Serbes furent tués pendant la période du génocide oustachi

16 de 1941 à 1945 ; et beaucoup sont devenus des personnes déplacées. L'idée

17 du génocide contre les Serbes dans la région de Vukovar au cours de la

18 Deuxième Guerre mondiale a porté ses fruits. La composition ethnique dans

19 cette région a connu des modifications radicales en vertu du recensement

20 de 1991. Cette région était occupée surtout par des Croates (43,7 %),

21 suivis des Serbes (37,4 %) et du reste (19 %). La position des Serbes en

22 Croatie de 1945 à 1995 surtout, s’est modifiée en se concentrant sur

23 Vukovar.

24 Avec la création d'une deuxième Yougoslavie, les Serbes

25 pensaient qu'une fin était venue à leurs souffrances. Ils croyaient en la

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1 force du Parti communiste de Yougoslavie, en

2 cette idéologie de la fraternité et de l'unité qui rejetait

3 l'identification et la punition des coupables. Cette idée réconciliait et

4 égalisait les gens presque par force au niveau de la souffrance et de la

5 culpabilité.

6 Le camp de concentration de Jasenovac a été rayé de la carte par

7 les communistes. Toutes traces de ces crimes furent effacés de la planète,

8 mais pas de la mémoire collective des Serbes. Les Serbes ont été priés

9 d'oublier, de pardonner. On n'a rien demandé aux Croates, on n'a pas

10 demandé de désigner les coupables ni de les punir.

11 Les Serbes ont fait preuve de bonne volonté. En masse, ils se

12 sont mariés avec d'autres nationalités dans l'intérêt de la Yougoslavie,

13 de la fraternité avec d'autres nations et nationalités. Délibérément, ils

14 ont renoncé à leur propre histoire, à leur identité et surtout à leur foi

15 orthodoxe. La majorité des Serbes se sont déclarés yougoslaves, venant de

16 milieux serbes et surtout des grandes villes de Serbie. Par conséquent,

17 leur surprise fut d'autant plus grande quand le mouvement oustachi a

18 repris de la vigueur.

19 Bien plus tard, en 1968, le Maspok, mouvement de masses réunies

20 autour de la Société Croate Matica, a donné lieu à une nouvelle euphorie

21 en Croatie. Et c'est avec le Mospak qu'a recommencé la persécution des

22 Serbes. Tito a enrayé cette vague, mais pour un temps seulement. De

23 nouveau, les coupables ne furent pas désignés et beaucoup restèrent

24 impunis.

25 L’année 1990 vit une nouvelle tragédie pour les Serbes de

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1 Vukovar. L'Union démocratique croate remportait une victoire confortable

2 aux élections de l'assemblée croate. Cependant, ce parti n'a pas obtenu la

3 majorité pour le territoire de la municipalité de Vukovar. C'est le Parti

4 du changement démocratique qui obtint la majorité des sièges à l'assemblée

5 municipale et c'est dans ce parti que Slavko Dokmanovic était candidat et

6 fut élu.

7 Mais on sentait déjà une modification du climat politique à

8 cette époque dans la ville, les activités visaient à intimider les

9 habitants de nationalité serbe à Vukovar. De ce fait, il y a eu un exode

10 des Serbes de leur terre natale. Les Serbes furent arrêtés illégalement,

11 fouillés de

12 façon systématique. Ils étaient évincés des postes de direction, menacés

13 de mort certaine, de liquidation physique. Parallèlement les Croates se

14 procuraient des armes, formaient des groupes armés et plastiquaient des

15 bâtiments appartenant aux Serbes (commerces, magasins, etc). Les services

16 publics, les tribunaux, les écoles, les hôpitaux furent purgés de tout

17 personnel serbe. Le Dr Popovic, directeur de l'hôpital de Vukovar, a été

18 remplacé par le Dr Bosanac. Des membres du HDZ ont pris de force

19 Radio Vukovar. Ils ont démis tous les rédacteurs d’origine serbe et ont

20 désigné Sermet, membre du conseil du HDZ municipal qui devenait le nouveau

21 directeur. La composition des forces de police fut également modifiée. Des

22 personnes loyales au HDZ ont occupé des postes de responsabilité qui

23 permettaient de protéger les routes d’approvisionnement, des Croates, en

24 équipements militaires vers Vukovar.

25 Une des premières victimes a été Zeljko Ostojic. En 1990, il a

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1 témoigné devant les autorités de la JNA de l’existence de ces groupes, des

2 intentions et des plans de Glavas, Mercep et Zadro de procéder au

3 nettoyage ethnique de la Slovénie orientale. Dans la nuit du 25 au

4 26 janvier 1991, Ostojic a été tué dans son appartement de Borovo Nacelje.

5 Sa mort a coïncidé avec la diffusion d'un film relatif au général Martin

6 Spegelj, qui était général de la JNA et qui avait été un négociateur

7 important dans l’importation illicite et la distribution d’armes illicites

8 en Croatie. Ce programme avait été diffusé ce soir-là à la télévision.

9 Nous demandons maintenant qu'un extrait de ce film soit diffusé.

10 Diffusion d’un extrait du film :

11 « Bien sûr, si vous en avez besoin au moment décisif, vous avez

12 le ministre de la Défense et puis le ministre de la Police, la liquidation

13 physique... la police n'ose pas. Si elle ose, on va d'une personne à

14 l'autre, on fait tout en même temps. Ceux qui sont les plus dangereux

15 peuvent être tués sur le seuil de la porte. Ne posez pas de questions, pas

16 de questions pour savoir si ce sont des femmes ou des enfants.

17 Pour ce qui est des tours de garde lorsqu’il y aura le

18 désarmement de ces tours de

19 garde, tout le monde sera désarmé, tous ceux qui sont là, mais il faut

20 garder pour les Albanais cinq balles dans les fusils automatiques. Pour

21 les autres gardés dans les caves, donnez-leur à manger et à boire pour

22 plusieurs jours. Et s'il se passe quelque chose, il suffira de donner des

23 instructions à tous ceux que vous connaissez pour dire : tuez les

24 extrémistes sur place, dans la rue, n'importe où, à la caserne. Tirez-leur

25 dans le ventre et ils seront morts. Ce sera une guerre civile et il n'y

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1 aura de pitié pour personne, pas de pitié pour les femmes ni les enfants.

2 Tuez-les chez eux, dans leur appartement. C’est simple, une bombe lancée

3 dans l’appartement familial et le tour sera joué.

4 Au moment décisif, effectivement, organisez deux ou trois hommes

5 pour la liquidation des hommes les plus dangereux ou la liquidation des

6 principaux... Fort bien... Et ce sera tout.

7 La police n'ose pas, il faut qu'elle ose, il faut aller d'une

8 personne à l'autre et voir tout le monde en même temps. Ceux qui sont les

9 plus dangereux peuvent être tués sur le seuil de leur porte. Il ne faut

10 pas poser de questions, peu importe que ce soit des femmes ou des

11 enfants ».

12 Dès le 24 mars 1990, dans la région de Vukovar, des formations

13 paramilitaires ont commencé à être organisées par Tomislav Mercep et

14 Branimir Glavas, qui devaient devenir plus tard la 204ème Brigade du Corps

15 de Garde National (ZNG).

16 Le 10 mars 1991, il organisèrent à Bogdanovci une parade des

17 détachements d’engagés des formations militaires de Croatie. Il y avait

18 environ deux mille groupes. Des groupes chargés de liquidations

19 silencieuses furent établis pour la région de Vukovar et ses environs.

20 Diffusion de la cassette vidéo :

21 Voici le maire d’Osijek. Vous voyez ici une parade de

22 détachements paramilitaires à Bogdanovci.

23 « Les dirigeants, le commandant, alignez-vous, ne vous occupez

24 pas des papiers, mettez-vous tous en rang. Pero Maric, où est-il ? Oui, le

25 voici, Maric, au bout de la file. Maric a donné ses papiers déjà ? Maric a

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1 dit : "Oui, je vous les ai remis".

2 Je demande un peu de silence. Sur ordre du Président de la

3 République de Croatie, un peu de silence s'il vous plaît, il nous faut

4 constituer des détachements non armés, il faut que vous sachiez de quoi

5 nous parlons. Nous avons reçu des ordres nous obligeant de sélectionner

6 les meilleurs hommes, ceux qui vont servir au ministère des Affaires

7 intérieures, (MUP).

8 Si vous faites partie de cette liste, vous allez être intégrés

9 dans ces formations. A la prochaine occasion, nous allons constituer le

10 corps médical en plus des détachements. 30 % des personnes dont nous avons

11 besoin sont déjà recrutées, il faudra que vous appreniez à connaître les

12 commandants qui seront à Grazje et à Bogdanovci, et je vous expliquerai à

13 tous qui sont les commandants. Voyez aussi quelles sont les personnes

14 d'origine plus douteuse, il suffit que vous preniez note. Toute personne

15 qui vous semble un peu suspecte, il n'y a plus de secret. Nous allons

16 constituer des détachements non armés, nous allons les organiser, il n'est

17 plus nécessaire de garder le secret, mais si quelqu'un vous paraît

18 suspect, prenez leur nom parce qu'on nous a dit qu'il y avait des gens

19 suspects à l'intérieur de nos rangs. Je veux vous dire une chose pour ce

20 qui est des armes. Nous avons les armes qu'il nous faut, nous les avons

21 déjà maintenant, pas de problème, il faudra commencer à se former, je ne

22 veux pas que les gens arrivent dans ces détachements sans formation. Vous

23 allez apprendre tout ce que nous allons faire. Nous allons constituer des

24 détachements petits et grands, un corps médical. Il y aura des séances de

25 formation, ceci en accord avec le ministère des Affaires intérieures.

Page 1667

1 Vous allez vous rendre dans vos propres services, voici des

2 listes de noms. Ceux qui ne font pas parmi des listes et vous savez de qui

3 je parle, il faudra les supprimer de la liste et je vais vous dire ce que

4 le président nous a dit. Je ne veux pas parler des armes, parce que j'ai

5 déjà parlé de la situation en matière d'armement. Nous allons constituer

6 des détachements

7 non armés, pour les raisons suivantes. Nous allons nous mettre en rang,

8 aller examiner le quartier général de Bogdanovci et vers Luca et Banka.

9 C'est la partie serbe qui va jusqu'à Osijek. Nous allons régler

10 la situation là, quant aux autres régions, elles seront réglées par les

11 autres. Tout ce territoire est donc couvert.

12 Il faut établir un lien routier entre Bogdanovic et Nuktah.

13 Question (interprétation). - Est-ce que tout le monde y va ou

14 seulement les commandants ?

15 Réponse (interprétation). - Non, tout le monde. Retournez-vous,

16 mettez-vous en rang comme il se doit, pour que vous voyez qui est présent

17 et qui ne l'est pas. Nous avons suffisamment de place pour avoir une idée

18 claire au quartier général pour Vukovar, Osijek et Vinkovci. Les

19 commandants s'il vous plaît, assurez un peu d'ordre dans les rangs.

20 Veselko, où es-tu ? Le président de la République de Croatie, le

21 Dr Franjo Tudjman nous a donné le feu vert pour constituer des

22 détachements civils non armés pour l'Union démocratique croate, pour la

23 première fois librement.

24 A cette réunion, nous allons dresser une liste des personnes les

25 plus compétentes et les plus importantes et nous allons recommander au

Page 1668

1 ministère de l'Intérieur de renforcer nos rangs en tant que formation de

2 l'armée.

3 Nous vous avons invités ici pour créer les détachement non

4 armés, pour pouvoir s'organiser à l'avenir et pour vous faire connaître le

5 point de commandement pour la municipalité de Vukovar. Un point de

6 commandement sera dans le village de Babska et le commandement suprême à

7 Bogdanovci.

8 On a choisi ce lieu étant donné que cela se trouve dans la

9 partie peuplée par une partie de la population serbe, entre Bozadine et

10 Osijek mais, de l'autre côté, c'est clair, et donc nous pourrons tenir nos

11 lignes de front dont vous connaissez notre stratégie, à Bogdanovci, le

12 terrain a été couvert par des blockhaus entre Luzac et Nustar. Et

13 maintenant vous allez voir

14 notre commandement.

15 Si un commandant est tué tout le monde doit connaître tous les

16 détails. Ceux qui sont ici pourront transmettre aux autres les ordres et

17 les instructions. Nous avons les radios, mais elles ne sont pas tout à

18 fait fiables. Etant donné que nous connaissons le terrain, je pense qu'il

19 est plus simple de communiquer par le biais de coursiers.

20 Chacun doit remarquer un homme qui agit contre la République

21 croate, le marquer, qu’il soit Croate ou autre, il faut faire attention au

22 service de contre-espionnage, il ne faut pas avoir trop confiance envers

23 qui que ce soit, il faut suivre les ordres. Le président la République de

24 Croatie vous a demandé d'être patients et prudents, le temps travaille

25 pour nous.

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1 Pour être mieux organisés, nous avons dû faire une telle

2 réunion. Il faut que vous sachiez ce que nous avons à notre disposition

3 pour pouvoir réagir vite le moment venu et je pense que vous savez qu'un

4 tiers des effectifs est venu de chaque communauté locale. Pour le moment

5 nous n'avons pas invité de femmes, mais nous le ferons par la suite et

6 nous pensons que nous aurons pour la première fois des pièces d'équipement

7 que vous allez apprendre ici à manier et à connaître. Si c’est nécessaire,

8 vous saurez les utiliser.

9 Nous nous sommes donc retrouvés ici et maintenant nous

10 allons voir le poste de commandement. Les citoyens de

11 Bogdanovci le feront, étant donné qu'ils connaissent mieux

12 le terrain. Vinko, je suis là. Voilà, nous allons tous y

13 aller, nous allons créer une colonne, il faut que la colonne

14 soit longue, quatre personnes par rang. Nous allons vers

15 Gradze, nous allons nous promener et voir ce à quoi ça

16 ressemble. Après, je vous demande de rentrer chez vous de

17 manière tout à fait paisible et si quelqu'un vous demande ce

18 qu’on faisait là, répondez que nous nous préparions pour la

19 manifestation de la célébration de la journée de l'Etat du

20 30 mai." (Fin de la diffusion)

21 Au début du mois de mai 1991, les intimidations arrivent

22 à leur comble. La nuit du 1er mai 1991, deux policiers ont fait leur

23 apparition à Borovo Selo, un village serbe près de Vukovar. Un tir d’arme

24 automatique déchire le drapeau yougoslave. Les provocations continuent, le

25 chef de police, Josip Daja, envoie vingt personnes à Borovo Selo. Les

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1 habitants du village les attendent et tirent avec des armes automatiques.

2 Dans cet incident, douze policiers croates et trois civils serbes ont été

3 tués. La fusée du conflit inter-ethnique a été allumée. Il était facile de

4 prévoir la suite.

5 Les Croates Miladin Miljkovic et Iviza Zrnic ont égorgé deux

6 soldats le 15 août, et avant cela, ils les ont torturés de manière atroce.

7 Peu après, ils ont également violé, torturé et tué Sladana Petrovic qui

8 était Serbe.

9 Fin août 1991, les mêmes personnes participent au crime de

10 quinze hommes et cinq femmes dans l'abri atomique à Olajnica. Dans une

11 autre salle où il y avait une vingtaine de personnes, dont des enfants,

12 Miladin Miljkovic, suite aux ordres donnés par Ivica Zrnic, a égorgé deux

13 enfants et environ quinze personnes. Ils ont également liquidé un groupe

14 de dix personnes et jeté leurs corps aux alentours de Borovo.

15 Par la suite, les crimes se multiplient, Ivan Kapular a jeté ces

16 victimes dans le Danube. Il était membre du ZNG. Dans la cave de son état-

17 major, il torturait, interrogeait et tuait les gens. Sur ses ordres, on a

18 tué Tikomir Kovacevic, Pedrag Ciric, Svetozar Vladisavljevic, Simo Sirota,

19 Milorad Tesic, Dara Grujic, Milana Siladi et Nikola Cancarevic. Ils ont

20 fait sortir un couple Dragoljub et Milica Vracaric, ils les ont pillé de

21 42.000 dinars et les ont fusillés.

22 Concernant un groupe de Serbes qui a trouvé refuge dans le

23 Dom Tehnika, le 28 octobre 1991, c'est-à-dire Zoran Petrovic,

24 Mladen Jovic, Radovan Lukicevic, Jovica Leskovac, Vojo Dekic,

25 Ranko Perkovic, Mileta Stankovic, on ne sait rien. Zoran Sipos et ses

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1 compagnons ont effacé toute trace de leur existence.

2 Par la suite, on a identifié une quarantaine de groupes pour le

3 nettoyage de terrain,

4 des centaines de criminels et des milliers de victimes dans la région de

5 Vukovar. La cour militaire de Belgrade a établi l'identité de plus de cent

6 membres du ZNG et du MUP.

7 Je souhaiterais maintenant montrer la bande vidéo concernant les

8 événements dans la caserne de la JNA.

9 M. le Président (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer

10 l'origine de ces bandes vidéo ? Qui les a filmées, celles-là et celles

11 d'avant ?

12 M. Fila (interprétation). - Ce sont les Croates qui les ont

13 filmées. Mais ils ont oublié que la télévision yougoslave les a reprises.

14 J'ai donc pris cela de la télévision yougoslave. Mais ces bandes vidéo

15 sont authentiques, sans aucun doute. Vous pourrez voir l'inscription,

16 d'ailleurs.

17 Diffusion de la cassette vidéo.

18 Ce soldat est Macédonien, par ailleurs.

19 Fin de la diffusion de la cassette vidéo.

20 Les enquêtes entreprises par la suite ont permis d'identifier

21 une quarantaine de groupes pour le nettoyage de terrain, des centaines de

22 criminels et des milliers de victimes dans la région de Vukovar.

23 La cour militaire de Belgrade a établi l'identité d’environ cent

24 membres du ZGN et du MUP de Croatie. Peu d'entre eux ont été poursuivis

25 pour cela.

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1 La JNA, dont tous les groupes ethniques faisaient partie, était

2 sous toutes sortes de pressions, à partir de 1991. En été, les forces

3 paramilitaires croates ont commencé à attaquer les unités de la JNA, en

4 cercle. Les casernes ont fait toutes sortes de diversions et, par la

5 suite, ont tué les soldats. Ainsi, elles ont encerclé les casernes de la

6 JNA à Delnice, à Koprivnica, Virovitica, Osijek et Bjelovar. Ce sont

7 toutes des villes où il n'y a eu de conflit armé. La caserne de Vukovar a

8 été bloquée pendant plusieurs semaines. Toutes les communications ont été

9 coupées, les soldats n'avaient pas de nourriture, ni d'eau, ni de

10 conditions de base pour une vie

11 normale. Tous les efforts de la JNA et des organes politiques de la RSFY

12 pour trouver une solution pacifique n'ont pas abouti. La situation se

13 dégradait et beaucoup de soldats ont perdu leur vie dans la caserne.

14 Je souhaite maintenant vous montrer deux extraits, d'abord de

15 Split et de la caserne de Bjelovar dans laquelle les membres de la Garde

16 Nationale Croate ont fait irruption et tué plusieurs soldats.

17 Je demande que l'on assure une interprétation de cela, s'il vous

18 plaît.

19 Projection de la cassette vidéo :

20 "C'est la caserne où il n'y a pas de Serbes, sur le territoire

21 de Croatie. Ces personnes tuées n'étaient pas des Serbes. Ceci est l'Etat

22 croate et sera libre de l'occupant tchétchénique. Nous allons le libérer

23 jusqu'au dernier homme, il ne tombera jamais. Pour la Patrie et la

24 liberté, mais seulement pour le peuple croate. Cela, c'est un jeune homme,

25 il est actif... il n'est pas vraiment actif... si... ce peut être un

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1 soldat de réserve. Il y avait très peu de soldats actifs." (Fin de la

2 cassette)

3 Le conflit à Vukovar a commencé et les combats ont duré

4 plusieurs mois. La ville a été fortement détruite. L'hôpital de Vukovar,

5 structure protégée selon les conventions internationales passées, était

6 utilisé à des buts contraires. Les forces paramilitaires croates

7 utilisaient cette structure pour mener les opérations de combat. Le

8 Dr Scow et le Dr Ivankovic ont témoigné devant ce Tribunal. J'annexe cela

9 à ma déclaration liminaire comme pièce jointe.

10 Pourquoi y a-t-il eu la défense du peuple serbe dans la région

11 de Vukovar ? Déjà, il y avait la mémoire collective des souffrances

12 de 1941. Ils craignaient que la même chose se reproduise, surtout après

13 être devenus minorité nationale au lieu de peuple constitutif, ce qui a

14 été fait par le biais des amendements de la Constitution croate.

15 Tout ce qui s'est passé par la suite a justifié les craintes des

16 Serbes. Bien sûr, le peuple serbe s'est organisé pour se défendre là où il

17 a vécu, il a essayé encore une fois d'éviter le

18 crime dont il a été la plus grande victime durant la Deuxième Guerre

19 mondiale.

20 Je demande maintenant que l'on montre la bande vidéo numéro 6 où

21 l'on voit les souffrances des Serbes de Vukovar.

22 Diffusion de la bande vidéo :

23 "Ici, c'est l'entrée de la JNA à Vukovar. La personne qui est

24 allongée sur son ventre est Ilija Vukovic. Cela, c'est sa maison, cette

25 maison qui a été détruite. Et celui qui est allongé sur son dos - cela,

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1 c'est sa maison - lui aussi est Serbe. Cette femme qui est ici par terre,

2 au-dessus de cette vieille femme, est la femme d'Ilija Vukovic. Ces deux

3 femmes..., je ne sais pas..., je ne vois pas leur visage. Ces trois-là, je

4 les connais." (Fin de la cassette.)

5 Aujourd'hui, le résultat de la tentative des Serbes de lutter

6 pour leur propre Etat est clair pour tout le monde.

7 En 1995, l'armée Croate effectue les opérations Eclair et

8 Tempête et, en peu de temps, la population serbe a été chassée de la

9 région de la Dalmatie du Nord, Lika, Banija, Kordun et Slavonie

10 occidentale, c'est-à-dire ceux qui ont survécu. Les Serbes ont été chassés

11 de leur foyer séculaire, et la Croatie a réussi à avoir la population

12 croate ethniquement pure dans son Etat actuel.

13 Les Serbes, dans la région de la Slavonie orientale, ont vécu

14 une destinée semblable cette fois, pas par le biais d'une opération

15 militaire mais par le biais des négociations avec l'Accord d'Erdut, qui a

16 attribué cette région à la République de Croatie. Quant aux chiffres, la

17 réponse peut se trouver dans la publication : "Recensement de la

18 population de 1991". L'introduction a été écrite par le Dr Jakov Gelo, je

19 cite : "La Croatie est l'Etat des Croates."

20 Les Serbes sont la minorité nationale la plus nombreuse en

21 Croatie. Lors du recensement de 1991, ils étaient au nombre de 581.663,

22 ils avaient une majorité relative ou absolue dans 1.105 agglomérations

23 croates. Selon le livre, en 1991 le nombre total de la Croatie était

24 d'environ 5 millions de personnes, ce qui veut dire que les Serbes

25 représentaient 12 %. On

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1 dit également que les Serbes représentaient la majorité absolue ou

2 relative dans plus de 17 % d'agglomérations au total. Après les opérations

3 militaires Eclair et Tempête et après l'Accord d'Erdut, seulement un peu

4 plus de 100.000 Serbes sont restés en Croatie. Aujourd’hui il n'y en a que

5 67.000. Donc, entre 1991 et 1987, la République de Croatie a réussi à

6 baisser le nombre de Serbes en Croatie d'environ un demi-million de

7 personnes.

8 Cette fois-ci, les idées de Ante Starcevic qui ont été réalisées

9 par le biais des crimes génocidaires d'Ante Pavelic ont été réalisées

10 finalement par le biais de la réalisation de l'Etat ethniquement pur de

11 Franjo Tudjman. 90 % de Serbes ont été chassés ou détruits, des Serbes qui

12 ont vécu en Croatie. Aujourd'hui, les Serbes vivent en Croatie en nombre

13 symbolique et bientôt, le Dr Galo pourra dire que la Croatie est l'Etat

14 des Croates et il aura 100 % raison. Aujourd'hui, l'Europe peut envier la

15 Croatie étant donné que c'est l'Etat le plus homogène du point de vue

16 ethnique du vieux Continent.

17 Je vais parler maintenant (un peu plus vite si possible) de

18 l'impossibilité de la communauté internationale de protéger les Serbes

19 entre 1995 et 1998.

20 M. le Président (interprétation). - Monsieur Fila, pourrais-je

21 vous demander de résumer ce point qui est l'impuissance de la communauté

22 internationale à protéger les Serbes.

23 M. Fila (interprétation). - Oui, c'est exactement ce que je vais

24 faire.

25 M. le Président (interprétation). - Ne parlez pas trop

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1 rapidement, s'il vous plaît.

2 M. Fila (interprétation). - Pour ce qui est du point B, quinze

3 résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ont été soumises, ces

4 quinze résolutions traitent d'une idée commune : le Conseil de sécurité

5 des Nations Unies lance un appel au gouvernement de la République de

6 Croatie afin qu'il respecte ses engagements.

7 La dernière résolution date du 16 mai de cette année, mais à

8 l'époque déjà, la ville de Vukovar avait été détruite. Deux mille Serbes

9 étaient allés en Norvège et un grand nombre de Serbes avaient disparus.

10 Mais ce que l'on ne sait pas encore, c'est combien de résolutions il nous

11 faudra attendre. Je ne crois pas que le nombre sera très important car

12 quand il n'y aura plus de Serbes en Croatie, il ne servira à plus rien de

13 publier des résolutions de la part du Conseil de sécurité et des Nations

14 Unies.

15 Dans les pièces jointes, vous trouverez les différentes

16 résolutions pertinentes.

17 J'aimerais passer maintenant au point C, le curriculum vitae de

18 M. Dokmanovic afin que nous sachions de qui nous parlons.

19 La famille de Slavko Dokmanovic vivait dans la région de Trpinja

20 depuis 250 ans. Il est né en 1949. Il vivait dans la région jusqu'à ce

21 qu'il ait été forcé de la quitter pour Sombor. Il a obtenu un diplôme de

22 la faculté d'Agriculture à Osijek en 1974 et il a travaillé au sein de la

23 société Vupik.

24 A partir de 1990, lors des premières élections multipartites en

25 Croatie, il était membre du SDP (Parti du changement démocratique). Il a

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1 gagné les élections, il a été désigné au poste de Président de l'Assemblée

2 municipale de Vukovar où il a pris ses fonctions au début de juin 1991. Il

3 habitait à dix kilomètres de Vukovar avant qu'il n'ait été éjecté de sa

4 maison et obligé de faire la navette tous les jours. Les forces

5 paramilitaires croates l'arrêtaient régulièrement, le fouillaient, lui

6 demandaient ses papiers. Après le 23 juillet 1991, il a été officiellement

7 évincé de sa position. Le même jour, l'Assemblée municipale de Vukovar a

8 été dissoute après décision du gouvernement de la République de Croatie.

9 Dokmanovic a continué à vivre dans son village et le poste de Président de

10 l'Assemblée municipale a été détenu par le vice-président, M. Bilic. A

11 partir du 23 juillet 1991, il a été officiellement nommé représentant du

12 gouvernement de la République de Croatie dans la ville de Vukovar.

13 L'engagement politique de Dokmanovic a commencé en 1991. Il a

14 été nommé ministre de l'Agriculture et il avait bien entendu obtenu un

15 diplôme de l'université d'Agriculture. Il a essayé d'améliorer la

16 situation agricole, la protection, l'utilisation, l'amélioration des

17 terres agricoles, sylvicoles, les ressources hydriques, la flore et la

18 faune, le développement des régions

19 rurales, l'industrie alimentaire, l'industrie hydrographique. Vous voyez

20 une description de ces activités.

21 A la fin de 1991, quand la Krajina serbe a été établie,

22 Dokmanovic n'avait aucun poste au sein du gouvernement de la République de

23 la Krajina serbe. Il avait un poste à la Vinarija. En 1994, Dokmanovic a

24 été élu Président de l'Assemblée municipale de Vukovar jusqu'au 5 avril

25 1996 lorsqu'il a été démis de ses fonctions. Il a continué à vivre en

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1 Croatie. Après, il s'est rendu en Serbie en tant que réfugié. Il s'est

2 rendu à Sombor où il vivait avec sa famille, jusqu'à ce qu'il ait été

3 arrêté et emmené devant le Tribunal Pénal de La Haye.

4 Il a été également arrêté sur le territoire croate et inculpé

5 d'autres chefs d'inculpation que ceux dont il est inculpé devant ce

6 Tribunal. J'aimerais souligner ce fait, il aurait dû être jugé pour des

7 accusations similaires, devant cette Cour, en Croatie mais cela n'a pas

8 été le cas. Pourquoi ? A partir de juin 1991, il n'a pas pu remplir les

9 fonctions de Président. L'Assemblée avait été dissoute à partir du

10 23 juillet 1991 et ceci avant la fin du mandat de Dokmanovic. Entre-temps,

11 Bilic a repris les fonctions de représentant du gouvernement de Croatie.

12 Ce n'est qu'en 1994 que Dokmanovic a été élu encore une fois Président de

13 la nouvelle Assemblée de la municipalité de Vukovar.

14 La défense utilisera les documents pour prouver les opinions de

15 Dokmanovic et qu'il n'a jamais été, ni formellement ni dans la réalité,

16 Président de la municipalité de Vukovar au cours du second semestre 1991

17 et jusqu'à la mi-1994. Les experts prouveront que légalement il était

18 pratiquement dans l'impossibilité de remplir de telles fonctions à la fin

19 de 1991 et qu'il s'agit donc d'une fiction juridique.

20 En se fondant sur les témoignages de Bosanac et Vidic, toutes

21 les négociations ont été menées à bien avec les officiers de la JNA, étant

22 donné qu'il n'existait pas d'autorité civile à Vukovar. Ce faisant, il n'y

23 avait pas de président de l'autorité de Vukovar. La première autorité

24 civile de Vukovar a été créée après la décision du gouvernement du

25 district serbe de Slavonie,

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1 Baranja et de la Srem occidentale, le 28 novembre 1991, et ceci après les

2 opérations de guerre.

3 A l'époque, Srbobran Bibic a été élu président du Conseil

4 exécutif de la municipalité de Vukovar. Ce conseil a commencé ses travaux

5 vers la mi-décembre 1994, époque à laquelle il a, peu à peu, repris les

6 responsabilités des autorités militaires. Le conseil exécutif a mené à

7 bien ses fonctions jusqu'à ce qu'il ait été démantelé, à la mi-1993. C'est

8 à cette l'époque que l'Assemblée de la municipalité de Vukovar a été

9 constituée, le premier Président étant Stanimirovic.

10 Dokmanovic a été élu président de la municipalité de Vukovar

11 en 1994, pour la seconde fois.

12 Il est important de souligner que, bien qu'il exerçait ces

13 fonctions pour la première fois en 1991, il s'est engagé dans des

14 activités afin d'arriver à une résolution pacifique de la crise et des

15 conflits. Cette idée n'était pas très populaire, ni auprès des Serbes, ni

16 auprès des Croates, tous deux extrémistes. Nous pouvons vous fournir de

17 nombreuses preuves : articles de journaux, déclarations, etc, qui ont été

18 faits dans ce sens.

19 J'aimerais vous montrer maintenant la vidéo numéro 7.

20 Diffusion de la cassette vidéo :

21 "Je ne pourrai pas être présent à la Conférence de La Haye

22 demain..." (Fin de la diffusion)

23 Je m'excuse, il y a une erreur... Nous allons réparer les

24 choses. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous dire, à vous et à

25 l'accusation, que lorsque j'arriverai à la fin du point 7 : "L'alibi de

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1 Slavko Dokmanovic", au point B et à l'analyse des déclarations des

2 témoins, je passerai rapidement sur ces points puisque nous allons en

3 faire l'analyse et que vous disposez des textes. Je ne vais pas entrer

4 dans le détail de l'analyse des déclarations des témoins de l'accusation.

5 M. le Président (interprétation). - Pourrons-nous faire une

6 pause dans dix

7 minutes ? Cela vous convient-il ?

8 M. Fila (interprétation). - Oui, dans dix minutes, cela me

9 convient.

10 Diffusion de la cassette vidéo :

11 "En raison de la situation dans le village de Vukovar, où la

12 population est serbe en grande majorité, le Président de l'Assemblée

13 municipale Dokmanovic a demandé à tous les citoyens de rester calmes et de

14 faire face à la situation de façon digne."

15 Au cours de son second mandat, il a, une fois encore, plaidé en

16 faveur d'une intégration pacifique dans la région, afin que tout le monde

17 puisse participer aux efforts, ce que l'on appelle l'Accord Erdut. J'ai

18 déjà fait référence à cet accord avec M. Rom et M. Klein.

19 A l'époque, personne ne lui a demandé la permission de mener à

20 bien des exhumations à Ovcara, étant donné qu'une telle permission ne

21 pouvait être obtenue que du gouvernement de la République de la Krajina

22 serbe et de l'UNTAES.

23 Je l'ai déjà dit, M. Dokmanovic a exercé deux fois les fonctions

24 de Président de l'Assemblée municipale de Vukovar, mais il n'exerçait pas

25 ces fonctions lors des événement en question à Ovcara.

Page 1681

1 « Alibi de M. Dokmanovic, les 19, 20 et 21 novembre... ». Vous

2 avez reçu ces alibis sous forme écrite, par la défense, à plusieurs

3 reprises.

4 Les 19 et 20 novembre ont déjà été discutés par l'accusation.

5 Pour ce qui est du 20 novembre, nous allons vous montrer une vidéo. Les

6 témoins que vous voyez sur la vidéo vous montrent que M. Dokmanovic ne

7 pouvait pas se trouver à Ovcara le 20 novembre.

8 En effet, à 8 heures du matin, il a quitté son domicile avec

9 Cvetkovic et Leskovac pour se rendre à Backa Palanka. Il y est arrivé à

10 9 heures du matin. Il y a passé un certain temps avec le Président de

11 l'Assemblée municipale, Kladovo, etc.

12 L'après-midi, il est parti avec Cvetkovic, Lazarevic, Jeftovic

13 et Leskovac pour se rendre à Vukovar. L'évacuation des victimes de

14 l'hôpital avait déjà eu lieu. Il se trouvait devant

15 les casernes de Vukovar à ce moment-là.

16 Après 15 heures 30, il est arrivé à Vukovar et il s'est rendu

17 dans une société, la société Velepromet, un peu avant 16 heures. A ce

18 moment-là, les bus avec les victimes avaient quitté les casernes et se

19 dirigeaient vers les hangars. Il y a eu une réunion du gouvernement dans

20 cette société, la Velepromet, et M. Dokmanovic y a rencontré de nombreux

21 ministres et de nombreux témoins.

22 A 15 heures 30, il a quitté la société Velepromet et, avec ses

23 compagnons, il s'est rendu au centre de Vukovar où il a donné une

24 interview au témoin Tomasevic, interview pour la Radio Polimlje, Polimlje

25 étant une agglomération de la Serbie du sud.

Page 1682

1 Il a quitté la ville avec une délégation, mais les bus avaient

2 quitté Vukovar depuis longtemps lorsque M. Dokmanovic est arrivé sur la

3 route où la police militaire a arrêté son véhicule. A 17 heures 30, il est

4 arrivé à Sidski Banovci. C'est une ville sur le territoire serbe. Il a

5 quitté cette ville à 18 heures 30 avec Leskovac et il est passé par Ilok

6 et Erdut pour rentrer chez lui. Il y est arrivé à 20 heures.

7 Il est clair qu'il n'était pas sur les lieux en question au

8 moment indiqué par l'accusation. Il y était plus tard.

9 Dans le texte écrit, vous avez une analyse des déclarations des

10 témoignages. Je vais parcourir ce texte rapidement, puisque vous l'avez

11 devant vous. Je le mentionnerai encore une fois dans mes conclusions.

12 Deux témoins ont confirmé que M. Dokmanovic était apparu entre

13 deux et cinq minutes dans la ferme de Ovcara. D'autres témoins n'ont pas

14 déclaré avoir vu M. Dokmanovic à l'endroit où des témoins disaient l'avoir

15 vu, ces endroits étant l'hôpital, les casernes, le hangar et l'endroit des

16 exécutions. Ces deux témoins ne l'ont pas vu à ces endroits, alors que le

17 témoin de l'accusation semble avoir vu M. Dokmanovic à ces endroits.

18 La défense estime que ces témoins ne doivent pas être crus. Nous

19 avons, en effet,

20 dans cette Chambre, déjà eu des exemples où les témoins de l'accusation

21 n'étaient pas fiables.

22 Dans le premier cas, on pourrait dire que les témoins ne disent

23 pas la vérité, que ce soit par propre initiative ou ordre émanant d'une

24 autre personne. Ceci a été le cas avec le témoin L pour l'affaire Tadic.

25 Il a déclaré devant cette Chambre qu'on lui avait intimé l'ordre de

Page 1683

1 témoigner contre Tadic.

2 La seconde possibilité, qui est plus probable, est que le témoin

3 se trompe, en fait ; ceci est dû à l'état mental dans lequel il se trouve.

4 Il ne sait plus, il mélange, il se trompe de personne.

5 Ceci a été le cas avec le témoin Klipic, dans l'affaire Grabez

6 jugée devant la cour militaire en Suisse. Là, le témoin a déclaré avoir vu

7 Grabez sur un char d'assaut pendant trente minutes, alors que la Cour

8 avait établi que la personne se trouvait en Allemagne à l'époque. Donc, la

9 Cour avait accepté l'alibi et expliqué que le témoin Klipic ne savait plus

10 ce qu'il disait et n'était plus sûr de ses réminiscences. Il s'était donc

11 trompé dans l'identification de cette personne.

12 La défense présente un tableau qui vous montre les différences

13 dans les témoignages de Berghofer et de Cakalic, ainsi que les différences

14 avec les interviews dans les journaux. Nous avons donc ici un tableau qui

15 vous montre les différences, étant donné qu'il n'y a pas de coïncidence.

16 Ils ne sont pas d'accord sur les différents détails. Ils sont

17 uniquement d'accord pour dire que M. Dokmanovic se trouvait sur les lieux

18 sans être d'accord ni sur le temps ni sur l'heure.

19 On parle d'un uniforme bleu, uniforme de pilote. L'accusation

20 parle d'un uniforme de camouflage. Ici, on parle d'uniforme de pilote.

21 L'autre témoin parle d'un uniforme bleu de la JNA portant le rang de

22 colonel. Un témoin a vu une étoile à cinq branches sur la casquette alors

23 que l'autre témoin parle d'un uniforme bleu avec un survêtement presque

24 noir. Un autre le voit

25 habillé en costume cravate, un autre témoin parle de cette casquette Tito

Page 1684

1 avec une étoile à cinq branches et sans pardessus. Je ne sais pas de toute

2 façon ce que l'aviation aurait fait là. Voilà pour l'uniforme.

3 Pour ce qui est du rang, Berghofer n'a pas vu de rang, alors que

4 Cakalic mentionne le rang de lieutenant-colonel. On parle d'apparence

5 chetnik alors que Cakalic ne parle pas un Chetnik. On parle d'un individu

6 important. Qu'aurait-il fait là et sur tout pour si peu de temps ?

7 Berghofer a pensé que Dokmanovic dirigeait le hangar ; ensuite il a ajouté

8 qu'il n'avait pas cette impression.

9 Puis, il ne dit pas qu'on lui a donné un coup de pied, qu'il a

10 été frappé.

11 Je vous ai donné les tableaux, afin que vous voyez exactement

12 qui a dit quoi et qui a déclaré quoi.

13 Mais je pourrais évoquer une troisième possibilité qui s'ajoute

14 à Tadic et Grabez. Les témoins ont vu Dokmanovic qu'ils connaissaient.

15 Berghofer le connaissait mieux, mais Berghofer ne le connaissait pas

16 tellement bien, ainsi que Cakalic. Les lunettes de Cakalic étaient

17 cassées, il avait du sang dans ses yeux et les deux témoins craignaient

18 pour leur vie. Bon nombre de personnes avaient été torturées, d'autres

19 ressemblaient à Dokmanovic. On parle d'un officier portant une moustache.

20 Dokmanovic porte une moustache mais de nombreuses personnes ont le même

21 âge que lui et portent une moustache, ont la même carrure que lui. On a

22 également parlé de lieutenant-colonel, de colonel. On peut faire des

23 erreurs.

24 La meilleure preuve est qu'on évoque un uniforme bleu de la

25 force aérienne. Un tel uniforme n'existe pas au sein de la JNA. On a

Page 1685

1 décrit d'autres uniformes également, de camouflage et autres, mais

2 personne n'a vu d'uniforme bleu, surtout pas l'uniforme bleu porté par un

3 officier de l'armée de l'air.

4 La défense met également en exergue un autre point. Je vous ai

5 fait parvenir une copie de l'interview de Berghofer. On peut y voir que

6 des témoins estiment qu'il faut expliquer

7 leur comportement aux journaux. Berghofer dans sa déclaration à la presse

8 a dit : "Nous avons mis Dokmanovic derrière les barreaux, nous allons

9 faire la même chose avec Micetic, etc. On a pu lire cela dans la revue

10 Arena Magazine de 1998. Qui a été mis derrière les barreaux ? Ce n'est pas

11 très clair.

12 Finalement, j'en aurais terminé dans deux minutes.

13 La question la plus importante est de savoir comment, en se

14 fondant sur des déclarations de ce genre, on peut accepter la déclaration

15 du Procureur -reprise dans le mémoire présenté avant le procès- sur le

16 rôle clef qu'aurait joué Dokmanovic s'il connaissait l'endroit les

17 emplacements. Comment aurait-il pu organiser des bus, des bulldozers, tout

18 ceci en deux à cinq minutes, puisqu'il n'aurait été sûr place que pendant

19 deux à cinq minutes.

20 Un second témoin a dit que les bulldozers étaient présents

21 pendant tout le temps et qu'il avait choisi l'emplacement. Le 20 novembre,

22 il avait un costume de chasse. Ce n'est pas un uniforme de camouflage. Il

23 a porté en fait ce costume de chasse pendant deux ou trois mois. On le

24 verra dans plusieurs interviews. Il a le même costume, ce n'est pas un

25 uniforme bleu de pilote, de lieutenant-colonel comme l'indiquent les

Page 1686

1 témoins. En se fondant sur les preuves écrites, nous voyons qu'il n'était

2 ni soldat, ni officier de la JNA et qu'il ne participait à aucune

3 formation paramilitaire.

4 C'est la raison pour laquelle il ne pourrait pas commander ou

5 mener à bien des activités de surveillance ou de commandement, telles que

6 l'indiquent les chefs 25 et 26 de l’acte d’accusation. Personne n'a vu les

7 officiers Mrksic, Sljivancanin et Radic.

8 Dokmanovic, s'il était à Ovcara, aurait été liquidé lui aussi

9 puisqu'on lui reprochait d'avoir sauvé les membres de la police croate de

10 Bovoro Selo d'une liquidation certaine. La défense prouvera ceci en

11 montrant grâce à une bande vidéo et des témoignages sur cette vidéo que

12 Dokmanovic n'était pas présent pendant les deux minutes indiquées.

13 La défense prouvera également que Dokmanovic n'a pas joué de

14 rôle, comme

15 l'accusation aimerait le prouver, et qu'il n'a pas participé aux

16 événements. Ce n'est simplement pas le bon homme qui a été accusé ou

17 arrêté. Il nous faut nous demander si Slavko Dokmanovic est traduit en

18 justice, en lieu et place des coupables véritables qui n'étaient pas

19 présents devant ce Tribunal. Il faudra faire preuve d'un peu de patience

20 et tôt ou tard, ces personnes seront livrées à la justice internationale.

21 Je crois que le moment est venu de faire la pause, Monsieur le

22 Président.

23 M. le Président (interprétation). - Tout à fait.

24 La séance, suspendue à 10 heures 05, est reprise à 10 heures 35.

25 M. le Président (interprétation). – Maître Fila, veuillez

Page 1687

1 poursuivre.

2 M. Fila (interprétation). - Point de droit : l'acte d'accusation

3 porte six chefs d'accusation contre Slavko Dokmanovic. Il est accusé de

4 violation grave des Conventions de Genève, violation des droits et

5 coutumes de guerre et crimes contre l'humanité.

6 Les chefs 1, 2 et 3 portent sur les sévices infligés à Ovcara et

7 les chefs 4, 5 et 6 font état des crimes commis dans le cadre du massacre

8 qui a été perpétré à cet endroit.

9 Les charges ne sont pas subsidiaires, elles sont cumulatives,

10 pour autant que la défense les comprenne.

11 Violation grave des conventions de Genève de 1949, nature du

12 conflit sur le territoire de l'ex-Yougoslavie :

13 L'accusation affirme qu'il s'agissait d'un conflit armé de

14 caractère international, ce qui est inexact et dénué de fondement. Les

15 Conventions de Genève de 1949 ne s'appliquent pas, ce qui veut dire que

16 les chefs 1 à 4 doivent être déboutés.

17 Il apparaît que l'accusation traite la déclaration

18 d'indépendance du 25 juin 1991 de la Croatie comme un acte légitime et

19 viable et ceci n'est pas appuyé par le droit international ni par

20 le droit national. Il y a eu sécession de la Croatie par rapport à la

21 Yougoslavie. La Croatie a obtenu son indépendance dans le cadre d'une

22 rébellion ce qui, d'après nos droits ou nos lois yougoslaves, constituait

23 une infraction pénale et était aussi contraire au principe normatif de

24 droit international.

25 La qualification de la déclaration d'indépendance en tant

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1 qu'acte autorisé, acte légitime, peut avoir un effet dévastateur pour ce

2 qui est de la stabilité et du maintien de l'ordre international. Ceci peut

3 être compris comme étant un appui à tous les mouvements sécessionnistes

4 dans le monde et je ne crois pas que telles étaient les intentions de

5 l'accusation.

6 L'accusation affirme, je cite : « La Croatie était nettement

7 considérée comme étant indépendante à partir du 8 octobre 1991. » Le

8 mémoire préalable au procès, page 12 de l'accusation, n'est pas du tout

9 clair. De surcroît, elle ne revêt par une importance juridique importante.

10 Pour ce qui est de la déclaration d'indépendance du 25 juin

11 1991, jusqu'à la fin de 1991, la Croatie a participé aux activités des

12 autorités fédérales du pays. Le 27 novembre 1991, à Genève, les

13 représentants de la RSFY, la République de Croatie et la République de

14 Serbie ont signé un protocole d'accord par lequel il a été possible

15 d’appliquer les Conventions de Genève de 1949, ou du moins certaines des

16 règles en faisant partie, pour la protection des personnes et dans le

17 cadre d'hostilités.

18 Avec votre permission, Madame et Messieurs les Juges, je vais

19 parler des pièces à conviction 1, 2, 3 et 4 car ce sont des pièces

20 jointes. Vous pourrez ainsi suivre ce que je dis et vérifier

21 l'authenticité de mes propos.

22 Je parle ici de la pièce n°1, signature du protocole d'accord.

23 Cette signature n'aurait eu aucun sens le 25 novembre 1991 si la Croatie

24 était considérée comme un état indépendant. En vertu des Conventions de

25 Genève, certains estiment que la signature du protocole d'accord a eu un

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1 effet sur la nature internationale du conflit.

2 Et ceci est tout à fait erroné. Aucune preuve n'a été apportée à

3 l'appui de cette thèse. Les conclusions provisoires du protocole d'accord

4 disent la chose suivante : « L'application des dispositions précédentes

5 n'aura pas d'effet sur le statut juridique », et le protocole d'accord

6 s'inspire de la déclaration de La Haye du 5 novembre 1991, à l'occasion de

7 laquelle le respect du droit international humanitaire devrait être

8 assuré, et ceci a été signé par les présidents des six Républiques.

9 Juridiquement parlant, si vous avez des parties signataires à un

10 accord en vue d'appliquer l'article 3 de la Convention de Genève, ces

11 parties doivent respecter la Convention de Genève et son article 3 par la

12 nature même de cette Convention, bien sûr si la Croatie avait été

13 indépendante.

14 En matière de droit international, cette idée ne peut être

15 retenue que si, effectivement, les Républiques s'investissaient, même si

16 la Croatie était considérée comme indépendante en date du 8 octobre 1991.

17 Si la Croatie avait été véritablement un état indépendant, si on estimait

18 qu'elle était indépendante à partir de cette date-là, et si ceci avait été

19 considéré comme étant post factum, ceci n'avait pas d'importance sur le

20 plan juridique. Ce sont uniquement les faits qui comptent et c'est cela

21 qu'il faut voir sous l'angle juridique, pas ce qui s'est passé entre 1992

22 et 1993.

23 Nous nous occupons de ce qui s'est passé en 1991, date à

24 laquelle la Croatie n’existait pas comme état indépendant. A partir de

25 cette date, il est dit que la Croatie a obtenu, ou a réuni, tous les

Page 1690

1 critères nécessaires à l'obtention de l'indépendance.

2 Je cite de nouveau les écritures de l'accusation, qui ne sont

3 fondées, ni sur les faits, ni sur le droit, parce qu'il y avait deux

4 processus parallèles de rébellion en Croatie et en RSFY. Un des processus

5 était en fait la rébellion armée des Croates contre la JNA, dont les

6 unités étaient légitimement présentes sur le territoire de la Croatie. A

7 ce moment-là, la Croatie faisait partie du territoire de la RSFY.

8 Deuxième processus parallèle : c'est la rébellion armée des

9 Serbes contre le nouveau gouvernement croate. Dans une telle situation, le

10 nouveau gouvernement croate n'avait pas sous son contrôle d'importantes

11 parties du territoire croate et était en conflit avec les Serbes locaux et

12 la JNA. De plus, ceci se qualifiait par une violation massive des droits

13 des Serbes en Croatie.

14 Au moment des faits, il y avait une conférence sur la paix en

15 Yougoslavie, organisée par la communauté internationale, qui cherchait à

16 trouver une solution pacifique.

17 Enfin, la reconnaissance de la République de la Croatie a été

18 réalisée le 15 janvier 1992 et ceci fut le fait des membres de la

19 Communauté européenne. Ceci a été considéré par des hommes politiques de

20 premier plan comme étant une reconnaissance prématurée.

21 Page 13, l'accusation utilise le rapport Badinter pour défendre

22 sa position juridique, mais ceci ne correspond pas aux normes acceptées

23 par la communauté juridique internationale. Le Procureur invoque

24 uniquement un paragraphe alors que le rapport est très riche et la

25 citation est incomplète.

Page 1691

1 Il est plus que surprenant de voir que l'accusation ne cite pas

2 les parties les plus importantes du rapport Badinter expliquées dans

3 l’avis numéro 1, en date du 29 novembre 1991, qui se lit comme suit :

4 « Même si, à cette date, la RSFY a maintenu sa personnalité juridique,

5 notamment au sein des organisations internationales, les Républiques

6 expriment leur souhait d'indépendance. »

7 Ceci porte sur l’avenir, notons-le.

8 « En Croatie, un référendum tenu en mai 1991, suivi de la

9 déclaration d'indépendance le 25 juin 1991, avec suspension pendant trois

10 mois, puis confirmation de l'état d'indépendance de la Croatie le

11 8 octobre 1991. Le recours à la force a débouché sur un conflit armé entre

12 les différents éléments de la fédération, ce qui a causé la mort de

13 milliers de personnes et a créé des destructions considérables en l’espace

14 de quelques mois à peine.

15 Les autorités de la fédération et les Républiques se sont

16 montrées impuissantes à

17 faire respecter les accords de cessez-le-feu successifs conclus sous les

18 auspices des communautés européennes ou des Nations Unies. »

19 Pièce n° 2, que j'ai déjà présentée : « Il est en effet évident

20 que la commission Badinter, à l'époque, c'est-à-dire le 29 novembre 1991,

21 a qualifié ce conflit de conflit interne. »

22 La commission d'arbitrage a qualifié le conflit (et je souligne

23 ceci) de « conflit armé entre différents éléments de la fédération ».

24 Puis, le 29 novembre 1991, la commission Badinter cite la

25 déclaration d'indépendance du 25 juin 1991 de la Croatie, indépendance

Page 1692

1 suspendue pendant trois mois, et dit uniquement que la République avait

2 exprimé son désir d'être indépendante. A cette époque-là, la commission

3 Badinter ne constate pas que la Croatie a acquis son indépendance.

4 De plus, l'accusation ne cite pas les déclarations pertinentes

5 de la commission Badinter, évoquées dans l’avis n° 5 du 11 janvier 1992, à

6 propos de la reconnaissance de la République de Croatie par la Communauté

7 européenne et par ses états membres.

8 Lorsque la commission a estimé, je cite : « L'acte

9 constitutionnel du 4 décembre 1991 ne reprend pas intégralement toutes les

10 dispositions du projet de convention du 4 novembre 1991, à savoir les

11 éléments repris au chapitre 2, article 2(c), sous la rubrique « statut

12 spécifique ». Les autorités de la République de Croatie devraient donc

13 apporter un supplément à cet acte constitutionnel de façon à satisfaire à

14 ces dispositions et sous réserve de cette condition, la République de

15 Croatie réunit les conditions nécessaires pour qu'elle soit reconnue par

16 les états membres de la communauté européenne, conformément à la

17 déclaration sur la Yougoslavie et au principe directeur relatif à la

18 reconnaissance des nouveaux états en Europe de l'Est et dans l'Union

19 soviétique adopté par le Conseil de la Communauté européenne le

20 16 décembre 1991». Il s'agit ici de la pièce n° 3.

21 Si la commission Badinter estimait, le 11 janvier 1992, que la

22 Croatie, même au niveau constitutionnel normatif, ne réunissait pas les

23 conditions légitimes pour assurer la

24 protection de la minorité serbe, qui aurait pu s’attendre à ce que la

25 RSFY, avant cette date, ait vu la Croatie comme un état indépendant ?

Page 1693

1 J'entends par-là un état qui aurait été prêt à respecter ses obligations

2 internationales, notamment celles concernant la protection des minorités.

3 Le texte intégral du paragraphe repris dans l’avis n° 11 en date

4 du 16 juillet 1993, cité par le procureur, donne ceci (et je vais citer

5 tout le texte) : « La question est la même en ce qui concerne les

6 Républiques de Croatie et de Slovénie, toutes deux ayant déclaré leur

7 indépendance le 25 juin 1991 et suspendu la déclaration d'indépendance

8 pour une période de trois mois, le 7 juillet 1991, comme le prévoyait la

9 déclaration de Prioni.

10 Conformément à cette déclaration, la suspension a cessé ses

11 effets le 8 octobre 1991. C'est seulement alors que les deux Républiques

12 ont effectivement et définitivement rompu tous les liens avec les organes

13 de la RSFY et sont devenus états souverains.

14 Pour ces deux Républiques, le 8 octobre 1991 est la date de

15 succession d'état », pièce n° 4.

16 La partie soulignée dans ma citation ne se trouve pas dans la

17 citation faite par l'accusation. Certes, la rupture de tout lien avec les

18 organes de la RSFY est un élément important si l'on veut établir la date

19 de l’indépendance de ces deux Républiques, mais il n'est pas exact de dire

20 que la République de Croatie, le 8 octobre 1991, ait rompu tout lien avec

21 les organes de la RSFY.

22 C'est la raison pour laquelle l'accusation n'a pas cité cette

23 partie-là. Ce qu'elle a fait est tout simplement faux. Nous allons en

24 apporter la preuve, car si les prémisses ne sont pas exactes, la

25 conclusion ne l’est pas non plus.

Page 1694

1 Enfin, les avis de la commission Badinter n’ont pas force de

2 loi.

3 Je demande que soit diffusé le dernier segment de la cassette

4 vidéo.

5 Diffusion de la cassette vidéo.

6 Vous allez maintenant voir M. Mesic.

7 « Les informations fournies par les Yougoslaves disent qu'elles

8 ne peuvent pas être présentes à la conférence de La Haye parce qu'elles

9 n'ont pas de programme. A ce propos, Mesic dit que c’est une nouvelle

10 tentative pour empêcher l'application des accords pris par la communauté

11 européenne. C'est une obstruction à la réunion de La Haye et il a ajouté

12 que ceci n’aurait pas de résultat même s'ils avaient opté pour la

13 mobilisation.

14 Lorsqu’on lui a demandé ce qu’on pouvait attendre de la réunion

15 de La Haye, il a répondu que Lord Carrington allait peut-être apporter une

16 solution qui ne satisferait sans doute pas les Serbes. Mais les Serbes ne

17 sont jamais satisfaits d'une solution où il y aurait égalité entre les

18 nouveaux Etats, avec les garanties nécessaires apportées par la

19 communauté. Milosevic ne s’intéresse pas aux droits des Serbes en Croatie.

20 En réponse à la question de savoir si la réunion de demain

21 pouvait signifier la paix pour la Croatie, Stipe Mesic a dit oui, ajoutant

22 qu'après la journée du lendemain, il faudrait que ce soit clair en Europe

23 et dans le monde que des actions devaient être menées pour arrêter

24 l'agression des Serbes contre la Bosnie-Herzégovine.

25 Mesic a précisé que cela signifiait l'établissement d'une zone-

Page 1695

1 tampon entre la Serbie et la Croatie, ce qui devrait en principe être

2 acceptable pour la Serbie. S’ils disent qu’ils ne sont pas en guerre avec

3 la Croatie, cela ne devrait pas poser de problèmes. S'ils ne sont pas en

4 guerre, pourquoi avoir besoin d’une zone-tampon ? Il a aussi ajouté

5 qu'aucun plan n’était valable pour la Serbie parce que la décision passée

6 aujourd'hui par la présidence illégitime était la preuve qu'ils voulaient

7 tromper le monde.

8 La présidence de la Yougoslavie a précisé qu'ils n'avaient pas

9 d’avion pour aller à La Haye le lendemain puisqu’il n'y avait pas de

10 kérosène. Elle a ajouté que l’administration fédérale œuvrait également en

11 faveur du coup d’état effectué par Tudjman.

12 Tous les membres de la présidence de Yougoslavie étaient invités

13 à la réunion, mais ils n'ont pas répondu à l'invitation. Seul Stipe Mesic

14 est venu à cette réunion, ainsi que l

15 représentant de la Macédoine, M. Tupovski. Les autres n'ont pas répondu à

16 l'appel.

17 Le Premier ministre fédéral, Markovic était invité également, et

18 le secrétaire fédéral des Affaires étrangères également.

19 Le président Mesic a donné une interview à ZDF, la télévision

20 allemande, qui a été passée hier, pour montrer qu'après le 8 octobre 1991,

21 toutes les communications n’étaient pas coupées avec la Croatie,

22 puisqu’avait lieu la conférence de La Haye ».

23 L'accusation a oublié par hasard de citer cette partie-là. Le

24 Procureur s'intéresse à la question de la nature du conflit armé, mais de

25 façon bizarre. Elle a fait preuve de beaucoup de sélectivité en

Page 1696

1 choisissant certains faits qui lui plaisaient dans la commission Badinter,

2 mais les a mal cités et a donné de mauvaises informations factuelles, à

3 savoir que la Croatie aurait rompu tous ses liens avec la RSFY le

4 8 octobre 1991, alors que le président Tudjman dit que le 5 décembre 1991

5 Mesic était toujours président. Il était d'accord sur le fait que la RSFY

6 n’aurait pas pu exister dans le vide si elle n'avait pas encore un

7 président.

8 Le témoignage de M. Uja pourrait s'avérer intéressant puisqu'il

9 donne l’avis d'un historien, mais ce n'est pas un témoignage pertinent

10 pour déterminer quand la RSFY a effectivement cessé d'exister et pour dire

11 quand la Croatie a obtenu son indépendance. Le témoin n'est pas qualifié

12 pour tenir de tels propos.

13 Il a fait référence aux déclarations faites par le président de

14 certaines Républiques en mai 1991 à l'égard de la dissolution présumée de

15 la RFY, mais il ne mentionne pas la déclaration bien connue de Mesic faite

16 au parlement croate le 5 décembre 1991 lorsqu'il a été rappelé par le

17 parlement croate en tant que président de la RSFY et qu’il a dit :

18 « Voilà, j'ai fait mon travail, la Yougoslavie n'existe plus ». Il s'agit

19 de la pièce de n° 5.

20 Si l'on garde à l'esprit cette déclaration faite par Mesic, il

21 n'est plus étonnant de voir que les membres de la RSFY et la présidence de

22 certaines Républiques qui voulaient maintenir l’unité du territoire de la

23 RSFY aient été opposés à sa désignation en tant que président.

24 En tout état de cause, le fait que Stipe Mesic n'ait pas été

25 désigné président le 15 mai 1991 n'est pas un fait pertinent qui nous

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1 permette de décider si la RSFY avait cessé d'exister et si la Croatie

2 était devenue un état indépendant. Ce n'est pas un fait pertinent pour une

3 décision juridique.

4 Voyons maintenant les faits pertinents. Le 25 juin 1991, la

5 Croatie, qui était alors une des six unités fédérales de la RSFY, déclara

6 son indépendance. Le 12 janvier 1995, James Baker, ancien secrétaire

7 d'état américain, a formulé l'avis suivant à propos des événements devant

8 le comité parlementaire des relations internationales. Monsieur Jora Baje

9 demandait ceci : « Vous vous trouviez à Belgrade en 1989, je pense, en

10 tant que secrétaire d'état. Peu de temps après, les Serbes ont lancé une

11 offensive importante contre la Croatie. Pensez-vous que vos propos tenus à

12 Belgrade à cette époque auraient pu inciter les Serbes à croire que les

13 Etats-Unis accepteraient que la domination serbe de cette région soit une

14 politique acceptable ? »

15 Réponse de James Baker : « Non, pas du tout, et c'est

16 intéressant parce que je suis en train d'écrire un livre à propos des

17 années que j'ai passées au poste de secrétaire d'état, et j'ai donc étudié

18 les procès-verbaux de certaines réunions. J’ai dit que s'il y avait eu des

19 déclarations unilatérales d'indépendance suivie du recours à la force,

20 lequel interdisait toute possibilité de démantèlement pacifique, de

21 négociations pacifiques, ce qu'exigeaient de nouveau les accords

22 d’Helsinki, ceci déclencherait la pire guerre civile jamais vue.

23 C'est précisément ce qui s'est passé. Le fait est que c'est

24 la Slovénie et la Croatie ont déclaré unilatéralement leur

25 indépendance, en dépit des mises en garde. Ils ont usé de la

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1 force pour saisir les postes frontières et cela a déclenché

2 ce conflit civil, ce qui avait été prévu par nous ». Il

3 s'agit de la pièce n° 6.

4 Baker n'a jamais réfuté ses propos. Il ne les a jamais niés.

5 On peut donc considérer qu'ils sont fidèles à la vérité. En

6 effet, la proclamation unilatérale de l’indépendance de la

7 Croatie a entraîné une guerre civile, la pire de toutes.

8 L'Union démocratique croate, un parti politique victorieux au

9 cours des premières élections multipartites en 1990, a fait revivre

10 l'esprit du mouvement oustachi nationaliste des Croates qui avaient commis

11 un génocide des Serbes, des Juifs et des Tziganes au cours de la Deuxième

12 Guerre mondiale dans ce que l'on appelait alors l'Etat indépendant de

13 Croatie.

14 De nouvelles autorités se sont montrées hostiles par rapport aux

15 Serbes de Croatie, avec des massacres en 1991. Ceci a entraîné la

16 résistance armée des Serbes en Croatie, ainsi que la guerre civile.

17 Le 7 juillet 1991, la troïka ministérielle de la Communauté

18 européenne rencontrait les représentants de toutes les parties directement

19 concernées à l'invitation du gouvernement yougoslave. Les modalités

20 suivantes en vue de la mise en oeuvre d'un cessez-le-feu furent

21 convenues : lever le blocus des unités JNA et des installations JNA, le

22 retour inconditionnel des unités de la JNA à leur caserne, l'ouverture de

23 toutes les routes, la restitution de toutes les installations et de

24 l'équipement à la JNA et la désactivation des unités de défense

25 territoriale et le retour à leurs quartiers, pièce n° 7.

Page 1699

1 Le 1er septembre 1991, à Belgrade, Stipe Mesic, Ante Markovic et

2 les présidents des six républiques ont signé l'accord de cessez-le-feu,

3 pièce n° 8. Je le répète, mais Mesic et Markovic étaient les représentants

4 des Croates. Ceci, en septembre 1991. La Communauté européenne a convoqué

5 une conférence internationale pour la paix en Yougoslavie.

6 Toutes les républiques, tous leurs présidents, le Président du

7 Conseil de la Communauté européenne, des représentants de la Commission

8 européenne et des états de l'Union européenne ont participé à la

9 conférence. En septembre, octobre et novembre 1991, les nouvelles

10 autorités croates ont tué un grand nombre de civils serbes à Gospic,

11 Parkraz, Poljana, Vukovar et dans d'autres lieux en Croatie. Le

12 16 octobre 1991, la cour constitutionnelle de la RSFY annulait la décision

13 relative à la souveraineté et l'indépendance de la Croatie, pièce 9. Les

14 juges de Croatie ont contribué à cette décision reprise dans la pièce

15 n° 9.

16 Le 18 octobre 1991, il y a eu une deuxième réunion plénière de

17 la conférence au cours de laquelle Lord Carrington a proposé à la

18 conférence des dispositifs en vue d'un règlement général proposant un

19 nouvel aménagement des relations entre les cinq républiques et à

20 l'intérieur de ces républiques.

21 Ce même jour, la présidence de la RSFY avec Stipe Mesic et

22 Franjo Tudjman, Président de la Croatie, concluait un accord de cessez-le-

23 feu qui permettait de cesser l'encerclement de toutes les casernes de la

24 JNA. De nouveau, deux Croates marquent leur accord, l'un au nom de la

25 RSFY, l'autre au nom de la Croatie.

Page 1700

1 Le 4 novembre, Lord Carrington soumettait des dispositions de

2 traité en vue d'une convention qui reprenaient un catalogue des droits

3 humains et des droits des minorités, la création de structures autonomes,

4 notamment des fonctions législatives, exécutives et judiciaires dans des

5 secteurs où des membres d'une minorité nationale auraient constitué une

6 majorité locale. Ceci comprenait aussi la démilitarisation.

7 Le 6 novembre 1991, Stipe Mesic, président de la RSFY,

8 apparaissait à la huitième session plénière de la Conférence pour la paix

9 en Yougoslavie qui se tenait à La Haye. Il s'agit de la pièce n° 10.

10 Le 5 décembre 1991, le Parlement croate démettait Stipe Mesic de

11 son poste de président de la RSFY et le 15 janvier 1992, les états membres

12 de l'Union européenne reconnaissaient la Croatie.

13 Les dirigeants politiques, notamment Christopher Warren, le

14 secrétaire d'Etat, reconnaissaient par la suite que la reconnaissance de

15 la Croatie avait été prématurée.

16 Pièce n° 12 : "Analyse contemporaine de la nature du conflit

17 armé". Je vais vous citer les résolutions.

18 Le Conseil de sécurité a eu une part importante à la résolution

19 de la crise de

20 Yougoslavie en 1991 et plus tard. Il est d'une importance cruciale pour

21 déterminer la nature du conflit armé entre la JNA et les forces croates

22 rebelles, de constater que le Conseil de sécurité n'a jamais qualifié ce

23 conflit de "conflit international". Je vais citer les résolutions

24 pertinentes qui montrent bien ce qu'il pensait de la nature du conflit.

25 La résolution 713 du 25 septembre 1991, pièce 13 : "Vivement

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1 inquiet des hostilités en Yougoslavie qui provoquent de nombreuses pertes

2 humaines et de dégâts matériels, le Conseil de sécurité manifeste son

3 soutien aux efforts collectifs en vue de la paix et du dialogue en

4 Yougoslavie".

5 On assiste à des hostilités en Yougoslavie et à la nécessité

6 d'avoir un mécanisme pacifique pour résoudre le conflit en Yougoslavie. En

7 juin, toutes les parties sont invitées à respecter l'accord de cessez-le-

8 feu du 17 septembre 1991 et du 22 septembre 1991.

9 M. le Président (interprétation). - Je vous demanderai de

10 ralentir quelque peu le débit, Monsieur.

11 M. Fila (interprétation). - "Le Conseil de sécurité invite en

12 juin toutes les parties à respecter les accords du 17 et du

13 22 septembre 1991, décide en vertu du chapitre 7 de la Charte des Etats-

14 Unis que tous les Etats, aux fins d'établir la paix et la stabilité en

15 Yougoslavie, mettront en œuvre sans tarder un embargo général et complet

16 de toutes les fournitures d'armes et d'équipement militaire à la

17 Yougoslavie".

18 Je fais remarquer que l'on ne dit pas : « à la Croatie", on dit

19 bien : "à la Yougoslavie" jusqu'à « décision contraire du Conseil de

20 sécurité."

21 Point suivant : résolution du Conseil de sécurité 7.2.1,

22 27 novembre 1991. Pièce 14 : "Vivement inquiété par les hostilités en

23 Yougoslavie", j'insiste sur ce point. Le texte se poursuit. Ce que je veux

24 dire ici en résumé, ce sont les conclusions que l'on peut tirer de ces

25 citations et des résolutions. On peut tirer plusieurs conclusions.

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1 Le Conseil de sécurité a traité ce conflit armé de la même façon

2 à partir de

3 septembre 1991 jusqu'en novembre 1991 -qui sont les moments des faits

4 évoqués dans l'acte d'accusation- pendant toute cette période comme un

5 conflit interne.

6 Veuillez relever le fait que le Conseil de sécurité utilise

7 certains termes comme "hostilités en Yougoslavie" ou "les parties à la

8 crise de Yougoslavie", "les opérations de maintien de paix en

9 Yougoslavie". On ne condamne pas la présence de la JNA en Croatie dans

10 aucune des résolutions. Les opérations de maintien de la paix avaient pour

11 but non pas de séparer les deux parties en conflit mais de protéger la

12 population serbe. Il est donc patent que le conflit n'est pas considéré

13 comme un conflit inter-étatique, ou un conflit entre deux Etats souverains

14 et indépendants.

15 Le Conseil de sécurité pour la première fois demande que les

16 parties belligérantes adhèrent aux Conventions de Genève. Le

17 13 juillet 1992, il n'y a pas d'instances permanentes ou ad hoc au sein du

18 système des Nations Unies qui aient autorité et compétence pour retenir ou

19 modifier les conclusions du Conseil de sécurité.

20 La défense attire votre attention sur l'article 23 du projet de

21 Statut pour une Cour pénale internationale qui a été présenté par la

22 commission du droit international. La commission détient le pouvoir

23 juridique sans conteste.

24 Voici ce texte, je cite : "Un acte d'agression ne peut pas être

25 considéré comme tel en vertu de ce Statut avant que le Conseil de sécurité

Page 1703

1 ait d'abord déterminé qu'un Etat avait commis un acte d'agression, ce qui

2 fait l'objet de la plainte". C'est la pièce numéro 16. (Fin de citation.)

3 La commission de droit international estime que la détermination

4 de l'agression est du ressort exclusif du Conseil de sécurité. Il est donc

5 évident que le fait de déterminer des actes d'agression, de violation, de

6 menace de paix, reste l'apanage du Conseil de sécurité. Il est donc

7 manifeste que la détermination de la nature d'un conflit armé fait de

8 façon indissociable partie de la compétence exclusive du Conseil de

9 sécurité. Je n'ai pas de raison de croire que le Conseil de

10 sécurité aurait voulu partager ces compétences avec qui que ce soit. y

11 compris cet éminent Tribunal.

12 J'en conclus qu'au moment des faits les forces croates se

13 trouvaient en conflit armé avec des forces serbes locales et des forces de

14 la JNA. Le gouvernement croate n'avait pas le contrôle sur des secteurs

15 importants du territoire de la Croatie. Le gouvernement croate n'était pas

16 prêt à respecter les principales et cruciales normes du droit

17 international en matière de droits de l'homme et de protection des

18 minorités.

19 Les Serbes en Croatie ont été victimes de crimes, y compris de

20 massacres perpétrés par les autorités croates. Le gouvernement croate n'a

21 pas rompu ses liens avec les organes de la RSFY. La conférence pour la

22 paix en Yougoslavie s'est poursuivie pendant toute cette période. Le

23 Conseil de sécurité a traité le conflit armé ou a évoqué ce conflit armé

24 dans toutes ses résolutions, en tant que conflit interne. Par conséquent,

25 le conflit armé au moment des faits, était de caractère interne.

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1 Les conventions de Genève de 1949 ne s'appliquent pas.

2 Application des conventions internationales dans le conflit armé : Les

3 conventions de Genève peuvent être appliquées seulement dans un conflit

4 international, alors qu'ici il s'agissait d'un conflit interne sur le

5 territoire de Croatie et la région de Vukovar.

6 Si l'on accepte l'attitude du Procureur, ceci aura des

7 conséquences fortement dommageables pour le droit humanitaire

8 international. Il est inacceptable que le Procureur ne respecte pas la

9 volonté des Etats exprimée par le biais de la conclusion et la

10 ratification des accords selon lesquels les Etats souhaitent respecter

11 l'article 3 commun pour répondre également à un conflit interne.

12 Le Procureur essaie également de prouver l'existence d'un

13 conflit international dans l'ex-RSFY, étant donné qu'il se base sur

14 l'attitude de la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic, qui a été

15 complètement incorrecte et non fondée du point de vue juridique et qui

16 néglige la volonté

17 des parties belligérantes de respecter les règles du droit international

18 Une telle attitude exclut la possibilité et envoie un message clair aux

19 belligérants, à l'avenir, au sein d'un conflit interne : ils sont libres

20 de conclure les accords, mais ils sont également libres de les violer sans

21 être punis. Une telle attitude est certainement contraire à l'esprit et au

22 développement du droit humanitaire international, qui essaie de répandre

23 le cercle des personnes protégées par ces règles, surtout dans le cas des

24 conflits armés.

25 C'est pourquoi nous pensons qu'il serait tragique pour le

Page 1705

1 développement du droit international humanitaire que l'on accepte une

2 telle attitude du Procureur.

3 Pour cause du respect de la vérité, nous soulignons que, parmi

4 les victimes à Ovcara, il y a eu également des mercenaires qui, selon les

5 règles du droit international, ne relèvent pas de la catégorie des

6 personnes protégées, étant donné qu'il y a eu un Français et un Allemand

7 là-bas.

8 Conclusion : le concept de l'infraction des Conventions de

9 Genève s'applique seulement dans le cas du conflit armé international.

10 Dans l'affaire Dokmanovic, il ne s'agit pas de cela, étant donné qu'il

11 s'agissait d'un conflit interne. Donc, les conventions de Genève sur la

12 protection des victimes de la guerre de 1949 ne peuvent pas être

13 appliquées. Toutes ces personnes étaient protégées selon les dispositions

14 de l'article 3 commun des Conventions de Genève, qui concerne la

15 protection des victimes dans le conflit armé interne.

16 Vous connaissez les dispositions de l'article 3 commun des

17 Conventions de Genève, donc ce n'est pas la peine que je les lise, tout le

18 monde connaît leur contenu.

19 Maintenant je souhaiterais effectuer l'analyse des articles du

20 Statut du Tribunal 2 (a), 2 (c), 5(a)(i).

21 Articles 2(a) et 2(c) : la défense affirme que ces deux articles

22 ne peuvent pas être appliqués, étant donné qu'il est possible d'effectuer

23 des infractions graves aux Conventions de Genève seulement en cas d'un

24 conflit international armé et il a déjà été démontré qu'ici on ne

25 peut pas parler de cela. Article 2 du Statut : réponse de la défense au

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1 document du Procureur du 10 février 1998.

2 Sur le territoire de la Croatie, durant la période pertinente,

3 il y a eu un conflit armé entre les groupes organisés des Croates rebelles

4 et de la JNA qui, à l'époque, était la force armée de la RSFY, de même que

5 les Serbes qui se défendaient des Croates rebelles.

6 Ce conflit a eu lieu sur le territoire de la RSFY, qui était le

7 seul Etat internationalement reconnu à l'époque.

8 Le conflit interne en Croatie a commencé déjà au mois d'août

9 1990 et à la tête de cette rébellion se trouvaient également certains

10 groupes des extrémistes croates. Toutes ces personnes, qui ont participé à

11 ce conflit armé durant la période pertinente, étaient protégées seulement

12 dans le cadre de l'article 3 commun des Conventions de Genève.

13 En ce qui concerne la classification de la nature du conflit

14 dans l'ex-Yougoslavie, il est inacceptable que le Procureur se base sur la

15 décision de l'affaire Tadic qui est mentionnée dans le document de

16 l'accusation du 10 février 1998.

17 Cette décision n'a pas force de loi, et il s'agit de toute façon

18 de la Bosnie alors qu'ici on parle de Vukovar et de la Croatie, car dans

19 l'affaire Tadic on ne prenait pas en considération la situation en

20 Croatie, étant donné qu'il n'y avait aucun besoin de le faire.

21 La défense essaie d'attirer l'attention sur une inexactitude qui

22 est répétée plusieurs fois par le Procureur, qui fait un point d'égalité

23 entre la RSFY, la RFY et la JNA alors qu'il s'agit de notions tout à fait

24 différentes du point de vue juridique.

25 C'est ainsi que le Procureur laisse l'impression d'ignorer

Page 1707

1 totalement la situation de fait dans l'Etat qui existait à l'époque. A

2 l'époque, il existait un seul Etat RSFY avec une seule armée : la JNA. A

3 l'époque, la RFY n'existait pas, c'est-à-dire l'Etat dans lequel j'habite

4 actuellement. L'accusé Slavko Dokmanovic n'a aucun lien avec la JNA, ni

5 quelque unité paramilitaire que ce soit.

6 Le Procureur n'a pas raison lorsqu'il interprète ces liens avec

7 la RSFY, c'est-à-dire RFY, c'est-à-dire JNA. Il n'était ni membre des

8 formations militaires, ni para-militaires, et il ne travaillait pas au

9 sein de ces formations comme civil non plus.

10 La défense n'accepte pas l'affirmation du Procureur selon

11 laquelle l'accusé avait des liens visibles avec la puissance occupante de

12 la JNA. De toute façon, les forces armées de la RSFY ne peuvent pas être

13 puissance occupante sur son propre territoire, ceci est impossible.

14 L'accusé Slavko Dokmanovic était citoyen de la RSFY et de la

15 République de Croatie, de même que les victimes qui ont été tuées de

16 manière tragique.

17 Il a vécu en Croatie dès sa naissance, il était très lié à cette

18 région et au peuple appartenant à des groupes ethniques différents avec

19 qui il partageait le bien et le mal depuis des décennies.

20 Il n'a absolument pas participé au conflit armé qui a éclaté,

21 donc il n'a jamais porté un fusil, il n'a jamais commandé les forces

22 armées.

23 C'est pourquoi la défense ne peut pas accepter l'application de

24 l'article 2 du Statut, étant donné qu'il n'y a aucun lien entre l'accusé

25 et les unités militaires.

Page 1708

1 En ce qui concerne l'article 3 du Statut, la défense considère

2 qu'il ne peut pas être appliqué non plus, étant donné qu'il s'agit là d'un

3 article qui couvre les lois ou coutumes de la guerre, notamment toutes les

4 violations du droit humanitaire international, qui ne relèvent pas de

5 l'article 2 ou de l'article 5 du Statut.

6 Ceci inclut la violation des règles qui sont couvertes par

7 l'article 3 concernant les conventions de Genève, et qui s'appliquent aux

8 conflits armés en général. Donc la défense considère qu'il est impossible

9 d'accuser la même personne parallèlement pour les crimes selon

10 l'article 2, l'article 3 et l'article 5 du Statut. Le Procureur doit

11 décider s'il porte ses accusations sur la base de l'article 3, de

12 l'article 2 ou de l'article 5 du statut. Il est impossible d'avoir les

13 accusations en parallèle.

14 En ce qui concerne les explications, je les ai données dans le

15 texte. En ce qui concerne l'article 5(a) et 5(i) du Statut, la défense

16 affirme qu'il est impossible de les appliquer étant donné que

17 Slavko Dokmanovic n'a pas participé aux crimes massifs ou systématiques

18 dirigés vers un nombre de personnes relativement grand.

19 Dokmanovic ne faisait pas partie de formations militaires ou

20 paramilitaires, il n'avait pas le pouvoir de donner les ordres aux unités

21 militaires ou paramilitaires. Quant à ce qui s'est passé à Ovcara, il

22 s'agissait d'un incident commis par des membres des unités paramilitaires,

23 et non pas d'un crime massif ou systématique. C'est pourquoi il est

24 impossible d'accepter l'affirmation du Procureur. Etant donné que deux

25 cents personnes ont été amenées, il est clair que ce crime a été

Page 1709

1 visiblement commis de manière méthodique.

2 En ce qui concerne la perpétration de ce crime, il est clair que

3 ceci ne faisait pas partie d'un crime systématique. Ceci apparaît

4 clairement du témoignage du témoin Q, étant donné qu'il est clair que les

5 personnes qui ont été amenées par les membres des unités paramilitaires à

6 Ovcara ont été amenées sans aucun plan ou aucune préparation.

7 De toute façon, la Croatie n'était pas assujettie à une attaque

8 systématique de la part de la JNA étant donné que la JNA, à l'époque,

9 était la seule force armée légitime en Croatie, et la Croatie était l'une

10 des républiques de la RSFY. C'est pourquoi il est clair que les éléments

11 qui fondent la base de l'article 5 du Statut n'existent pas, et donc, ne

12 sont pas acceptables.

13 En ce qui concerne la responsabilité pénale individuelle de

14 Slavko Dokmanovic selon l'article 7(1) du Statut, il n'est pas possible

15 de l'appliquer étant donné que Slavko Dokmanovic n'a jamais commis, ou

16 planifié, ou incité, ou donné, les ordres, ou aidé ou encourragé d'une

17 quelconque manière la planification, la préparation et la perpétration des

18 crimes qui ont été mentionnés dans les articles 2, 3 et 5 du Statut.

19 Selon la loi pénale de la RSFY qui était en vigueur à l'époque,

20 un crime prémédité est un crime qui est commis lorsque l'auteur est

21 conscient de son crime et souhaite le

22 commettre, ou bien lorsqu'il était conscient du fait qu'à cause de son

23 agissement, ou bien de son manque d'action, il est possible d'avoir une

24 certaine conséquence interdite, mais il a accepté que cette conséquence

25 intervienne.

Page 1710

1 Slavko Dokmanovic, responsabilité en matière de commandement :

2 la défense rejette l'application de l'article 7(3). L'accusé Dokmanovic

3 n'était pas un commandant militaire, il n'avait pas non plus de

4 subordonnés.

5 Des infractions pénales par omission envisagées par les

6 principes de droit international et par le statut de ce Tribunal ne

7 peuvent être commises que par des personnes qui détiennent des compétences

8 et une obligation en matière de commandement d'unités militaires, ou par

9 des personnes qui donnent des ordres à d'autres membres de l'unité. En

10 d'autres termes, il faut que ces personnes aient un poste supérieur

11 hiérarchique.

12 Etant donné que Dokmanovic n'appartenait à aucune formation

13 militaire ou paramilitaire, il ne disposait pas du pouvoir nécessaire pour

14 délivrer des ordres à quelque formation que ce que soit qui aurait

15 participé à ce conflit armé et aux crimes d'Ovcara.

16 La défense apportera la preuve de ce que Dokmanovic ne savait

17 pas, il n'aurait pas pu savoir, quels étaient les événements qui se

18 produisaient à Ovcara. Par conséquent, on ne peut pas l'accuser de ne pas

19 avoir mis un terme à la perpétration de ces crimes. Dès lors, cet

20 article 7.3 ne s'applique pas.

21 Voici ce que la défense a à dire en matière de cumul des

22 charges. Dans l'acte d'accusation, il est établi qu'un seul fait est en

23 cause, et ce fait reçoit qualification factuelle et juridique. Nous

24 n'acceptons pas ce qu'affirme l'accusation dans ses mémoires préalables au

25 procès.

Page 1711

1 L'accusation nous dit qu'il y aura cumul des charges, ou que les

2 charges seront subsidiaires. En l'occurrence, il y a concours idéal de

3 délits. Nous avons un cas où une situation donnée peut relever de

4 plusieurs normes de droit pénal. C'est-à-dire qu'une action, un

5 événement, peut constituer l'élément constitutif de plusieurs infractions

6 pénales alors qu'il n'y a qu'une infraction pénale. On peut donc parler

7 uniquement de l'existence d'une infraction pénale. C'est parce qu'une

8 norme donnée doit avoir préséance, conformément au principe du droit

9 coutumier. On peut parler de la spécialité, de la subsidiarité ou de la

10 consommation de l'infraction.

11 Vous aurez reçu les pièces jointes à notre réquisition en

12 allemand, mais je vous rappelle que nous utilisons le droit romain comme

13 étant à l'origine de tous les droits, ainsi notamment que le droit

14 allemand continuel. Donc il ne peut pas y avoir autant d'infractions que

15 le nombre de normes violées. Il existe donc un concours idéal, concursus

16 delictorum..

17 En plus des arguments habituels avancés pour le droit pénal par

18 l'accusation, il est indiscutable que les préceptes du droit international

19 soient moins spécifiques, moins précis, que des normes de droit national

20 en matière pénale. Souvent, il y a chevauchement de ces principes de droit

21 international. Et il n'y a de différence qu'en fonction de circonstances

22 additionnelles. C'est ce que l'on appelle, dans notre droit pénal, la

23 condition objective de l'incrimination.

24 Dans ce sens, l'accusation accuse une personne pour trois choses

25 alors qu'une seule action s'est passée, d'abord qu'elle aurait commis de

Page 1712

1 graves violations des Conventions de Genève de 1949, secondement qu'elle

2 aurait violé les droits et coutumes de la guerre, et troisièmement,

3 qu'elle a commis des crimes contre l'humanité.

4 La défense a le sentiment que c'est le principe de la

5 consommation, ou de l'intégration, ou celui de la subsidiarité qui doit

6 s'appliquer parce qu'une infraction mineure ici précède une infraction

7 plus grave comme étant sa phase précédente. Dans la logique et dans le

8 raisonnement de l'accusation, au cas où quelqu'un a commis un meurtre au

9 cours d'un conflit armé et, auparavant, aurait insulté la victime, lui

10 aurait déchiré ses vêtements, l'aurait menacée, aurait infligé des sévices

11 physiques à cette personne, cela veut dire que les infractions pénales

12 suivantes auraient été commises concurremment : offense à la dignité

13 personnelle, menace pour

14 la sécurité, le fait de léser certaines personnes de leurs biens, sévices

15 corporels légers ou graves. Tout ceci parce que ce qui est en question, ce

16 sont des infractions séparées qui sont différentes dans leurs termes et

17 dans leur objet. En l'occurrence, on ne peut parler que d'un concours

18 apparent de consommation.

19 La défense ne peut donc pas accepter que l'on accuse l'accusé de

20 deux formes de responsabilité en matière pénale : la responsabilité en

21 matière de commandement, du supérieur hiérarchique, et la responsabilité

22 pour avoir aidé et encouragé. En droit et en fait, ce cumul est

23 inadmissible. La défense demande de quoi on accuse effectivement

24 Dokmanovic : d'une responsabilité de supérieur hiérarchique ou du fait

25 d'avoir aidé et encouragé ? Il est impossible de tirer une conclusion, à

Page 1713

1 l'examen de l'acte d'accusation. En effet, à mon avis, il s'agit de

2 deux formes de responsabilité pénale qui s'excluent mutuellement.

3 Si vous avez la responsabilité du supérieur hiérarchique, ce

4 type de responsabilité constitue une violation du principe de la

5 responsabilité subjective aux termes de l'article 86 du protocole n° 1. Et

6 ceci ne correspond pas à la façon dont ceci a été précisé dans le Statut

7 et dans la pratique actuelle du Tribunal. Cette infraction est commise par

8 un subordonné.

9 Dans le cas d'aider et d'encourager, une forme de complicité est

10 en cause ; c'est donc la contribution à la perpétration d'une infraction

11 pénale en donnant une aide.

12 Ce sont deux formes de responsabilité qui s'excluent

13 mutuellement, et il faut que l'accusation choisisse entre l'une et

14 l'autre.

15 Que dit le droit yougoslave en matière de procédure pénale pour

16 la Yougoslavie et ses Républiques ? Il dit que l'on ne peut pas formuler

17 des charges subsidiaires lorsque l'on qualifie un délit. Dans le droit

18 anglo-saxon, on parle de non bis in idem.

19 Il y a des éléments qui sont repris à l'appui de notre thèse.

20 Vous trouverez l'article de Mathew de 1962.

21 La défense pense donc que le droit positif pénal ne permet pas

22 le concours

23 d'infractions pénales lorsqu'il y a concours de normes juridiques pénales,

24 et que le droit de procédure pénale ne permet pas l'énoncé de charges

25 subsidiaires. Il faut choisir.

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1 Il faut voir aussi quelle est la pratique judiciaire. C'est

2 interdit par la pratique judiciaire. La défense comprend bien qu'il est

3 difficile de trouver une solution à cette question étant donné que les

4 normes du droit international humanitaire ne sont pas précises, et aussi

5 parce que le Statut du Tribunal n'énonce pas de règles précises. Le Statut

6 ne fait qu'énoncer des normes générales.

7 Par conséquent, une infraction pénale ne peut pas faire l'objet

8 de plusieurs qualifications juridiques. On ne peut pas non plus accepter

9 d'énoncer des charges subsidiaires. Il faut donc que l'accusation

10 choisisse une qualification, une définition du délit. Et pour ces mêmes

11 raisons, nous n'acceptons pas des charges et des chefs d'accusation

12 portant sur deux formes de responsabilité : d'un côté la responsabilité du

13 supérieur hiérarchique et de l'autre, la responsabilité pour avoir aidé et

14 encouragé.

15 Cumul des charges, il s'agit du H3. Là, je pense qu'une lecture

16 s'avère superflue puisqu'il s'agit des arguments juridiques que j'avance à

17 l'encontre de l'accusation.

18 Enfin, je passerai au dernier segment : "Responsabilité de

19 Dokmanovic, position de la défense". Ce seront mes conclusions.

20 L'acte d'accusation modifié, en ses chefs 10, 13, 25 et 26,

21 déclare que l'accusation associe la responsabilité de Dokmanovic à sa

22 présence physique sur les lieux, lieux sur lesquels il n'était pas

23 présent. C'est manifeste, il n'était pas présent à l'hôpital, à la caserne

24 ni au lieu d'exécution. Donc il n'était pas présent sur trois des

25 quatre lieux invoqués par l'accusation dans l'acte.

Page 1715

1 Dans le cadre de ces débats pénaux, aucune preuve n'a été

2 apportée qui indiquerait que Dokmanovic se trouvait à ces endroits au

3 moment des faits.

4 Au chef 13 de l'acte d'accusation modifié, l'accusation affirme

5 que des troupes para

6 militaires certes se trouvaient sous le commandement et le contrôle de

7 M. Dokmanovic. Aucune preuve n'a été apportée à l'appui de cette thèse par

8 l'accusation et, de surcroît, la défense, lors de la présentation des

9 éléments de preuves à décharge, va présenter des pièces qui montreront,

10 au-delà de tout doute raisonnable, que Dokmanovic n'a jamais été un

11 officier, ni un soldat de la JNA au moment des faits, qu’il n'a appartenu

12 à aucune formation para-militaire et n'avait aucun lien avec de telles

13 formations para-militaires, et par conséquent, ne se trouvait pas en

14 situation où il aurait pu contrôler ou commander ces unités.

15 Par conséquent, les allégations énoncées dans les chefs 25 et 26

16 de l'acte d'accusation modifié ne sont pas exactes. Elles affirment que

17 Dokmanovic était commandant et qu'il avait même des subordonnés, ce

18 qu'infirmera la défense.

19 Au chef 19 de l'acte d'accusation modifié, l'accusation affirme

20 que Dokmanovic était président de la municipalité de Vukovar de 1990 à mi-

21 1991 et qu'après la chute de Vukovar, je cite : "Il a repris ce poste et

22 l'a occupé jusqu'à la moitié de l'année 1996".

23 Cette affirmation est inexacte, d'abord telle qu'elle est citée.

24 Pourquoi ? Parce que l'accusation n'apporte pas la moindre preuve à

25 l'appui de ce qu'elle avance et, par ailleurs, les documents qu'avancera

Page 1716

1 la défense montreront que cette situation s'avérait impossible au plan

2 formel et dans la pratique.

3 Dans sa déclaration liminaire, l'accusation a déclaré être prête

4 à proposer plusieurs témoins qui confirmeraient que Dokmanovic avait joué

5 un rôle-clef dans les sévices infligés aux personnes se trouvant à la

6 ferme d'Ovcara. Dans le cadre de la présentation des éléments de preuve à

7 charge, aucun témoin n'a déposé dans ce sens. Or, l'accusation a terminé

8 de présenter ses témoins.

9 L'accusation n'a pas non plus montré que Dokmanovic avait

10 participé de façon directe ou indirecte aux meurtres commis à Ovcara après

11 que les personnes aient été sorties du hangar.

12 Dans sa déclaration liminaire, l'accusation a réaffirmé qu'elle

13 apporterait la preuve de la responsabilité pénale individuelle de

14 Dokmanovic en fonction de l'article 7-1 du Statut qui établit la

15 responsabilité en matière d'infraction pénale énumérée dans les articles 2

16 à 5 du Statut, mais, au cours de la présentation des éléments de preuve à

17 charge, aucune preuve n'a été apportée pour corroborer cette affirmation.

18 Les explications fournies à cette occasion ont fait référence à

19 des officiers de la JNA, étaient reprises dans l'acte d'accusation, mais

20 ne portaient pas sur Dokmanovic. L'accusation affirme que Dokmanovic, en

21 tant qu'autorité civile, était utile pour que la JNA voie où il faudrait

22 creuser ce charnier. Elle avait aussi besoin d'un bulldozer pour creuser

23 ce charnier.

24 Cela se trouvait dans les remarques liminaires de l'accusation,

25 mais nous allons apporter la preuve que c’est inexact, que ce n'est pas ce

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1 bulldozer qui a été sélectionné par Dokmanovic. En fait, la JNA s'est

2 trouvée stationnée sur ce secteur pendant toute une année et Dokmanovic

3 n'était pas présent.

4 L'accusation dit que Dokmanovic se trouvait à Ovcara le

5 20 novembre 1991, à un moment se situant entre 14 heures et 16 heures et

6 qu'il y serait resté de deux à cinq minutes.

7 C'est ce que nous dit l'accusation en guise de preuve. Quant à

8 elle, la défense affirme que la JNA était cantonnée à la ferme d'Ovcara

9 bien avant les événements et que Dokmanovic n'avait jamais eu de contact

10 avec les officiers énumérés dans l'acte d'accusation. La défense affirme

11 et prouvera que, ce jour-là, Dokmanovic ne s'est jamais trouvé à Ovcara.

12 Une chose est claire cependant : ce qu'affirme l'accusation, à

13 savoir que Dokmanovic aurait été coupable de tous les agissements

14 reprochés dans l'acte d'accusation, n'aurait pas pu être réalisé en

15 l'espace de deux ou cinq minutes. Or, selon l'accusation, il se serait

16 trouvé sur place, aurait trouvé le site, aurait trouvé le bulldozer,

17 aurait tout organisé, aurait été le représentant des autorités civiles, et

18 j'en passe.

19 N'oublions pas non plus ce que les deux seuls témoins à charge

20 ont dit devant cette

21 Chambre, Berghofer et Cakalic. N'oubliez pas la déposition de ces deux

22 témoins. Les témoins ont affirmé que les personnes avaient été emmenées à

23 la ferme d'Ovcara les 18 et 19 novembre 1991 également, période à propos

24 de laquelle même l'accusation reconnaît que M. Dokmanovic n'était pas

25 présent. Ces personnes ont été à ce moment-là emmenées à Ovcara. Ceci

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1 montre sans ambiguïté que l'on que l'on n'avait pas du tout besoin de

2 Slavko Dokmanovic pour trouver un lieu, pour trouver un bulldozer qui se

3 trouvait déjà sur place. C'est sûrement faux, en tout cas, en ce qui

4 concerne les 18 et 19, puisque ces personnes étaient déjà à la ferme

5 d'Ovcara. Par conséquent, Dokmanovic n'est pas coupable de responsabilité

6 pénale en vertu de l'article 7-1 du statut.

7 Dans la même veine, l'accusation accuse Dokmanovic de

8 responsabilité de supérieur hiérarchique en vertu de l'article 7.3.2 du

9 Statut pour avoir failli à l'obligation de prendre des mesures adéquates

10 et nécessaires en vue de prévenir de tels actes ou en punir les auteurs.

11 Cependant, l'accusation n'a pas apporté la preuve de ce que Dokmanovic

12 aurait eu un certain pouvoir sur ces personnes qui ont perpétré ce crime

13 incontestable. Et l'accusation n'aurait pas pu apporter la preuve de sa

14 présence ou de son autorité. Je le répète, il apparaît clairement, dans la

15 déposition du témoin Q, que Dokmanovic, lui aussi, aurait été tué si,

16 cette nuit-là, il avait été présent à Ovcara.

17 Je vous rappelle qu'on l'accusait du fait que des Serbes

18 restaient à Vukovar, et d'avoir permis aussi que des policiers croates

19 soient tués à Borovo Selo. L'accusation n'a pas apporté la preuve de

20 l'existence de l'une des trois conditions requises pour appliquer

21 l'article 7-3 du Statut, à savoir qu'il y avait position de supériorité de

22 l'accusé, qu'il savait qu'il y avait eu un crime ou qui allait y en avoir

23 un, ou qu'il aurait pu le savoir, que l'accusé a manqué à l'obligation de

24 prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher le crime et/ou en

25 empêcher les auteurs. L'accusation n'a pas apporté la preuve devant ces

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1 juges de l'existence d'une quelconque de ces trois conditions.

2 Par conséquent, l'article 7-3 du Statut ne peut s'appliquer, au

3 contraire, la défense apportera la preuve de ce que Dokmanovic ne s'est

4 jamais trouvé dans une situation de supérieur hiérarchique, qu'il ne

5 savait pas, qu'il n'aurait pas pu savoir ce qui s'est passé à Ovcara ou ce

6 qui aurait pu se passer à Ovcara et que même s'il avait été au courant de

7 ces faits, il s'était trouvé dans l'impossibilité d'empêcher ces actes.

8 Par conséquent, la défense apportera la preuve de l'innocence de

9 Dokmanovic pour tous les chefs repris dans l'acte d'accusation.

10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, je crois

11 qu'il nous faut faire une pause. Nous suspendons la séance pour 20

12 minutes.

13 La séance est suspendue à 11 heures 40

14 L’audience publique est reprise à 12 h 05

15 M. Fila (interprétation). - La défense appelle le témoin expert,

16 le Dr Zlatija Djukic-Veljkovic.

17 (Le témoin est introduit dans le prétoire)

18 M. le Président (interprétation) - Bonjour, je vous prie de

19 faire votre déclaration solennelle.

20 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Je déclare solennellement

21 dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 M. Fila (interprétation) - Est-ce que vous êtes bien installée,

23 Madame ? M'entendez-vous ?

24 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

25 M. Fila (interprétation. - Vous êtes professeur de droit à

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1 Belgrade ?

2 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

3 M. Fila (interprétation). - Enseignez-vous le droit

4 constitutionnel ?

5 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

6 M. Fila (interprétation). - Avez-vous obtenu votre diplôme de la

7 même université ?

8 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

9 M. Fila (interprétation). - Votre MABA et doctorat ?

10 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

11 M. Fila (interprétation). - Etes-vous Juge à la Cour

12 Constitutionnelle ?

13 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

14 M. Fila (interprétation. - Vos connaissances en droit

15 constitutionnel sont-elles fondées sur votre recherche personnelle ?

16 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, c'est exact.

17 M. Fila (interprétation). - Avez-vous publié les articles

18 suivants : "Problème du développement du fédéralisme en Yougoslavie" ?

19 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

20 M. Fila (interprétation). - Et « Fédéralisme yougoslave » ?

21 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

22 M. Fila (interprétation). - Et « Conseil exécutif fédéral,

23 organe exécutif politique » ?

24 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

25 M. Fila (interprétation). - Le statut du système constitutionnel

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1 et juridique de la RSFY et autres articles.

2 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

3 M. Fila (interprétation). - Est-ce document ?

4 (L’huissier s’exécute)

5 C'est bien votre curriculum vitae ainsi que la bibliographie de

6 tous les articles que vous avez publiés ?

7 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Oui. C'est bien mon

8 curriculum vitae ainsi que la liste de toutes mes publications. Permettez-

9 moi de vous dire qu'il s'agit d'articles, d'études et de monographies.

10 M. Fila (interprétation). - Je propose que l'on soumette ces

11 documents comme preuve sous la cote D12.

12 M. Niemann (interprétation). - Pourrait-on faire traduire ces

13 documents étant donné que sous cette forme-là, je ne les comprends pas et

14 ils ne me servent pas à grand-chose ?

15 M. le Président (interprétation). - Oui. Que demandez-vous ?

16 M. Niemann (interprétation). - Je m'oppose à ce qu'ils soient

17 versés au dossier étant donné que je ne comprends pas de quoi il s'agit,

18 ce n'est pas une des langues officielles du

19 Tribunal. Si l'on me présentait ces documents dans une langue officielle,

20 je pourrais les accepter, je trouve qu'ils sont très intéressants,

21 malheureusement les documents ne sont pas soumis en langue officielle. Il

22 s'agit de deux pages et demie.

23 M. Fila (interprétation). - Nous pouvons les faire traduire

24 demain, il s'agit simplement des titres des articles. Mais il n'y a aucun

25 problème si vous voulez les faire traduire.

Page 1722

1 M. Niemann (interprétation). - C'est à M. Fila de les faire

2 traduire puisqu'il les présente dans une langue non officielle du

3 Tribunal.

4 M. le Président (interprétation). - Pourquoi n'essayez-vous pas,

5 en accord avec le greffe, de nous fournir une traduction officielle vers

6 l'anglais et ensuite, vous pourrez verser ce C.V. au dossier ?

7 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie. Le document est en

8 serbe D14 et à ce moment-là, nous aurons en anglais... D13 et la version

9 anglaise sera le 13A. Nous allons vous fournir la traduction dans notre

10 langue et le Greffe le fera ensuite traduire.

11 M. le Président (interprétation). - Cela signifie-t-il qu'ils

12 seront uniquement versés au dossier après traduction ?

13 M. Fila (interprétation). - Oui, c'est cela.

14 Pourriez-vous regarder le document ? Ce document est-il bien

15 votre avis d'expert ? Il existe une traduction officielle de l'avis de

16 l'expert.

17 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui c'est bien mon avis

18 d'expert pour ce qui est des aspects constitutionnels et juridiques de

19 l'affaire Dokmanovic. Permettez-moi de dire qu'il existe une annexe

20 supplémentaire à cet avis qui porte sur la question de citoyenneté.

21 M. Fila (interprétation). - Il s'agit d'une partie intégrante.

22 Je vous propose d'accepter le premier document sous la cote D 14.

23 Ce document correspond-il à votre avis supplémentaire ?

24 (L’huissier s’exécute)

25 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'est exactement cela.

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1 Donc l'avis supplémentaire auquel je viens de faire référence.

2 M. Fila (interprétation). - La défense propose que l'on verse ce

3 document au dossier sous la cote D 15.

4 Madame, Messieurs, j'aimerais que l'on soumette au témoin le

5 document D 7. Pouvez-vous nous dire sur quoi porte ce document et que

6 trouve-t'on à l'article 183 du document ?

7 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Le document porte sur le

8 Statut de la municipalité de Vukovar, et l'article 183 dudit document,

9 stipule les méthodes d'élection et de dissolution de l'Assemblée

10 municipale de Vukovar.

11 M. Fila (interprétation). - Comment le Président et le conseil

12 municipal sont-ils élus ?

13 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Le Président est élu lors

14 d'une réunion conjointe des trois chambres de l'Assemblée : l'assemblée

15 des communautés locales, la chambre socio-politique, l'assemblée des

16 travailleurs. Voilà donc le statut de ladite municipalité. Le Président

17 est élu lors d'une session conjointe des trois chambres et est démis de

18 ses fonctions lors d'une réunion conjointe des trois chambres de la

19 municipalité de Vukovar. Vous trouverez cela à l'article 183 des statuts.

20 M. Fila (interprétation). - Peut-on présenter au témoin le

21 document D4, s'il-vous plaît ? Vous pouvez reprendre l'autre document.

22 (L’huissier s’exécute)

23 Pourriez-vous nous dire ce que contient ce document et ce qu'il

24 comporte ?

25 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'est un document qui met

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1 en oeuvre l'article 183 du statut de Vukovar, et c'est grâce à ce décret

2 que Slavko Dokmanovic, l'un des membres de la chambre socio-politique, a

3 été élu Président du conseil de la municipalité de

4 Vukovar.

5 M. Fila (interprétation). - Comporte t-il une date ?

6 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, le 29 mai 1990.

7 M. Fila (interprétation). - Pourriez vous prendre le

8 document D 5, s'il-vous plaît ?

9 (Le témoin s’exécute)

10 Le D 5 comporte deux documents qui nous intéressent. Pourriez

11 vous nous dire de quoi il s'agit ?

12 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - « Ordre de dissolution

13 portant désignation ». Il permet de prendre des mesures spéciales dans la

14 municipalité de Vukovar

15 M. Fila (interprétation). - Que signifie cet ordre, sur la base

16 du droit de gestion et d'administration ?

17 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Le gouvernement de la

18 République de Croatie permet de prendre des actions spéciales dans la

19 municipalité de Vukovar. Ceci signifie que l'Assemblée de Vukovar est

20 dissoute et on met fin au mandat des députés de l'assemblée.

21 M. Fila (interprétation). - Ceci signifie-t-il révocation de la

22 fonction de Slavko Dokmanovic ?

23 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui c'est cela.

24 L'assemblée municipale de Vukovar est dissoute. La date que l'on trouve à

25 l'article 3 demande le renvoi du conseil exécutif, c'est-à-dire que le

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1 mandat du Président de l'assemblée est également révoqué. Ceci vaut

2 également pour le mandat du vice-Président de l'assemblée ainsi que pour

3 le Président et les membres du conseil exécutif, le même jour, donc on met

4 fin à leur emploi.

5 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous donner la date du

6 document ?

7 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Le 23 juillet 1991.

8 M. Fila (interprétation). - Pouvons-nous en déduire qu'à cette

9 date, la fonction du Président de l'assemblée municipale, dont le

10 Président était Slavko Dokmanovic arrive à sa fin ?

11 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

12 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous prendre le document

13 suivant ?

14 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ce document stipule qu'au

15 nom du gouvernement de Croatie, le ministre de la justice de la République

16 de Croatie demande la mise en oeuvre de cet ordre demandant la nomination

17 du vice-président du gouvernement de la municipalité de Vukovar, au nom du

18 représentant du gouvernement de Croatie et demande donc la nomination de

19 Marin Bilic connu sous le nom de "Bili" qui prendra donc ses fonctions le

20 jour de la publication de l'ordonnance.

21 Me Fila (interprétation). - Cela signifie que le représentant a

22 pris les fonctifeons de Président de l'Assemblée municipale ?

23 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

24 Me Fila (interprétation). - L'ordre légal a été établi sous

25 contrôle serbe sur le territoire croate à cette date ?

Page 1726

1 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, c'est bien le cas.

2 Me Fila (interprétation). - Pourriez-vous montrer au témoin le

3 document qui a déjà été soumis à l'accusation ?

4 (L’huissier s'exécute)

5 Me Fila (interprétation). - L'expert pourrait-il nous expliquer

6 le document et tout particulièrement pour ce qui a trait au paragraphe 3

7 du document D16.

8 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Sur le territoire de la

9 République de Croatie sous contrôle serbe, l'ordre légal a été établi, le

10 droit constitutionnel a été mis en oeuvre au titre duquel la région de

11 Slavonie, de Banjara et de la Srem a été établie. Le droit constitutionnel

12 a été appliqué au titre de l'article 3 qui stipule que sur la base de ces

13 décrets, tous les organes officiels doivent arrêter leur fonction et que

14 des organes provisoires doivent prendre leur place.

15 Me Fila (interprétation). - De quand date ce décret ?

16 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Du 25 janvier 1991.

17 Me Fila (interprétation). - Ceci signifie-t-il la fin des

18 fonctions de Dokmanovic ?

19 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui c'est celà.

20 Me Fila (interprétation). - Pourriez-vous prendre le document

21 suivant qui a été remis à l'accusation ? J'aimerais que l'on donne des

22 cotes différentes pour les versions en serbe et en anglais.

23 M. le Greffier (interprétation). - Les deux documents ayant la

24 cote D17, nous avons donc le D17 et le D17(a). Très bien.

25 (Le greffier s'exécute)

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1 Me Fila (interprétation). - Pourriez-vous nous dire sur quoi

2 porte ce document et ce qu'il contient.

3 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ce document porte sur le

4 fait que Slavko Dokmanovic et en se fondant sur l'article 15,

5 paragraphe 2, sous paragraphe 7 portant sur l'organisation du territoire,

6 etc, etc, a été réélu en sa fonction de Président de l'Assemblée

7 municipale de Vukovar, en date du 10 juin 1994.

8 Me Fila (interprétation). - Je vous remercie. Pourriez-vous

9 soumettre le document suivant au témoin ?

10 (L’huissier s'exécute)

11 Me Fila (interprétation). - Ce document existe en langue serbe

12 et en anglais. Pouvez-vous nous donner des explications s'il vous plaît ?

13 M. le Greffier (interprétation). - Ce document portera la

14 cote D18 et D18(a).

15 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il s'agit d'un décret qui

16 relève le président de la municipalité de Vukovar de ses fonctions. Il est

17 daté du 5 avril 1996. C'est un décret qui porte donc sur

18 Slavko Dokmanovic, Président de l'Assemblée municipale de Vukovar, qui

19 avait

20 été réélu le 10 juin 1994 et relevé de ses fonctions de Président de

21 l'Assemblée municipale de Vukovar le 5 avril 1996.

22 Me Fila (interprétation). - Je vous remercie. En se fondant sur

23 ce que vous venez de dire, pouvons-nous conclure que, de façon formelle,

24 Dokmanovic a assumé les fonctions de Président de l'Assemblée de Vukovar

25 entre le 29 mai 1990 et jusqu'au 7 juillet 1991 et ensuite, du 4 ou

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1 5 avril 1996.

2 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, c'est ce que disent

3 ces documents.

4 Me Fila (interprétation). - J'aimerais maintenant que l'on

5 soumette à l'expert le document suivant. La question est de savoir quand

6 ce document a été mis en oeuvre et ce qu'il stipule. Ce document existe en

7 langue serbe et en anglais.

8 M. le Greffier (interprétation). - Cote D19.

9 Me Fila (interprétation). - Que peut-on lire à l'article 22 de

10 cette loi ?

11 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il s'agit du texte de loi

12 portant sur l'organisation territoriale de la Slavonie, de la Baranja et

13 de la Srem occidentale. Il détient de façon provisoire l'auto-gouvernement

14 local. Pour ce qui est de votre question, je...

15 Me Fila (interprétation). - Je m'excuse de vous interrompre,

16 quelle est la date ?

17 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - En date du

18 22 novembre 1991.

19 Me Fila (interprétation). - Que trouve-t-on à l'article 22 ?

20 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - L'article 22 définit une

21 organisation différente du gouvernement local, donc concrètement,

22 l'article 22 stipule que l'organe de gestion de la municipalité et que le

23 conseil exécutif de la municipalité qui est nommé par le gouvernement du

24 district serbe, et j'aimerais ajouter que le gouvernement nomme le

25 président, ainsi que les membres du conseil exécutif et qu'en outre il

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1 détermine leur fonction.

2 Me Fila (interprétation). - Peut-on présenter au témoin le

3 document suivant, qui lui aussi existe en langue serbe et en anglais ?

4 (L’huissier s'exécute)

5 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'est la gazette

6 officielle, le journal officiel du district serbe.

7 Me Fila (interprétation). - Y évoque-t-on la nomination du

8 Président de l'Assemblée municipale de Vukovar ?

9 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ce document montre la

10 décision qui se réfère à l'article 22 auquel je viens de faire référence

11 sur la loi en matière d'organisation provisoire pour la Slavonie, le

12 Baranja et la Srem occidentale ainsi que le gouvernement provisoire.

13 En mettant en oeuvre cet article, le gouvernement du district

14 serbe, en sa fonction d'autorité compétente, présente une décision prise

15 lors d'une réunion qui s'est tenue le 28 novembre 1991 selon laquelle on a

16 donc nommé quatre présidents du conseil exécutif de l'Assemblée municipale

17 (dont Bilic).

18 Me Fila (interprétation). - Existait-il une autre forme d'auto-

19 gouvernement ?

20 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non.

21 Me Fila (interprétation). - Peut-on soumettre au témoin le

22 document suivant ? Je m'excuse, Monsieur le Président, mais je vais

23 prouver mes affirmations par le biais des documents et non pas par le

24 biais des histoires. Vous avez le document en anglais et en serbe.

25 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agit du document D21 et

Page 1730

1 D21(a).

2 Me Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de quoi il

3 s'agit dans ce document ? S'agit-il de la gazette officielle du district

4 serbe ?

5 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui

6 M. Fila (interprétation). - Et la décision de nomination ?

7 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, mais je vais

8 examiner étant donné que la copie n'est pas très bonne... Oui, à droite,

9 on voit que six jours après cette décision de

10 nommer Srbobran Bibic en tant que président du Conseil exécutif, et avec

11 cette décision, on nomme aussi les membres du Conseil consécutif de la

12 municipalité de Vukovar. Encore une fois, c'est le gouvernement qui était

13 le seul habilité à le faire et il l'a effectivement fait sur la base de

14 l'article 22 de la loi sur l'organisation territoriale provisoire du

15 district serbe de Slavonie, Baranja et Srem occidentale.

16 M. Fila (interprétation). - Est-ce que les noms figurent ?

17 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

18 M. Fila (interprétation). - Est-ce que le nom de

19 Slavko Dokmanovic y figure ?

20 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non.

21 M. Fila (interprétation). - Avant la nomination, à cette période

22 où le Président et les membres du Conseil exécutif ont été nommés, est-ce

23 que les autorités civiles existaient dans la région de Vukovar ?

24 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non.

25 M. Fila (interprétation). - Et pendant les opérations de guerre

Page 1731

1 qui s'y déroulaient, quelles étaient les autorités sur place, civiles ou

2 militaires ?

3 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Militaires.

4 M. Fila (interprétation). - Maintenant, je souhaiterais que l'on

5 parle de la question du système constitutionnel - j'allais dire de feu la

6 Yougoslavie - de l'ancienne Yougoslavie sur la base de la constitution de

7 la RSFY de 1974. De toute façon, vous avez une copie de cette Constitution

8 dans votre bibliothèque, je n'ai pas souhaité photocopier cette

9 constitution étant donné que c'est un document trop gros. Mais vous pouvez

10 consulter cela dans votre bibliothèque.

11 Pouvez-vous nous dire comment la Yougoslavie était structurée

12 selon la Constitution de 1974, de quoi était constituée la Fédération et

13 quel était le rapport entre la Fédération, les Républiques et les

14 provinces autonomes ? Veuillez nous parler de cela

15 brièvement, sans nous faire une conférence typique de professeur.

16 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui mais je dois quand

17 même faire une remarque. Il faut que je dise que j'ai été professeur de

18 droit constitutionnel et j'ai passé ma thèse de doctorat sur les questions

19 du fédéralisme. Il faut savoir qu'il ne sera pas facile d'expliquer tout

20 cela, mais je vais faire tous mes efforts pour apporter des précisions

21 nécessaires.

22 Il s'agit du modèle de fédération que nous avions sur la base de

23 la constitution de 1974. Ce qui est important, c'est que vous voyiez le

24 cadre juridique d'un côté et ensuite, les éléments généraux qui faisaient

25 partie de ce système, qui était à la fois très compliqué et assez

Page 1732

1 contradictoire.

2 Je m'excuse, mais je dois vous dire que nous avions toujours un

3 gros problème lorsqu'il fallait expliquer aux collègues étrangers qui

4 connaissaient les bases d'un Etat fédéral du point de vue théorique, il

5 était toujours très difficile pour nous de leur expliquer ce modèle en

6 termes simples et simplifiés.

7 Cependant, même si je vous montre la taille de cette

8 constitution - vous êtes certainement conscients du fait que la

9 Constitution américaine, par exemple, est très courte - cela veut dire

10 déjà quelque chose.

11 Lorsque la Yougoslavie a été créée et lorsque la Constitution a

12 été fondée, il y a eu un désir de créer un modèle d'Etat fédéral, mais il

13 ne faut pas oublier le fait qu'à l'époque, l'autogestion fondait la base

14 de tous les systèmes et donc, dans ce contexte, le modèle de l'Etat

15 fédéral, lui aussi, a été constitué de manière à ne plus représenter un

16 état fédéral classique et traditionnel, ce qui est le modèle habituel

17 lorsqu'il s'agit de fédération du point de vue pratique et théorique, mais

18 on a voulu quelque chose de nouveau, une nouvelle forme de fédération qui

19 devait à la fois définir la fédération en tant qu'état fédéral des peuples

20 et groupes ethniques égaux qui se sont constitués dans les Républiques. Et

21 je dois avouer tout de suite que les provinces autonomes, elles aussi, ont

22 fait partie de ce système fédéral et qu'elles ont été

23 constituées comme ce que l'on appelle dans la théorie des éléments

24 constitutifs à la fois de la République et de la Fédération.

25 Ce modèle est intéressant parce qu'il aspire à effectuer une

Page 1733

1 grande décentralisation en faveur - et maintenant, je vais surtout parler

2 de cet élément-là, de cet aspect - donc en faveur des Républiques et des

3 provinces autonomes.

4 Je pense que l'on n'ignore pas le fait que notre science, nos

5 scientifiques, ont considéré qu'une telle approche n'était pas judicieuse,

6 et les experts ont exprimé leurs réserves par rapport à la possibilité de

7 constituer une fédération stable et efficace sur la base d'un tel modèle

8 fédéral.

9 Les républiques et les provinces autonomes se sont vu attribuer

10 un rôle extrêmement important au sein de la fédération et je vais

11 simplement souligner deux faits. Les républiques et les provinces ont été

12 représentées sur la base du principe d'égalité dans toutes les instances

13 de la fédération et, au sein de la fédération, selon la Constitution, les

14 décisions ont été adoptées en conformité avec le principe selon lequel les

15 provinces et les républiques avaient un rôle et une grande responsabilité

16 en ce qui concerne leur propre développement, mais aussi en ce qui

17 concerne la fédération dans son intégrité, ce qui manquait dans le modèle

18 constitutionnel de la fédération parce que, là, on parle du côté théorique

19 et de la pratique, parce que la pratique était différente.

20 Il ne faut pas oublier qu'à la lumière du problème qui nous

21 intéresse, et au sujet duquel vous aurez à vous prononcer, la fédération,

22 même selon ce modèle-là, avait des droits et des obligations, mais aussi

23 des responsabilités pour sauvegarder l'intégrité, la souveraineté, la

24 sécurité et l'unité du système yougoslave.

25 Je peux seulement mentionner, si besoin, le fait que les

Page 1734

1 provinces et les républiques -en ce qui concerne les raisons, je n'en sais

2 rien- ont montré un sens de la responsabilité plus important par rapport à

3 leur propre développement que par rapport au développement de la

4 fédération. Ce faisant, elles n'ont pas totalement respecté le système

5 fédéral, même si ce n'était pas un système parfait.

6 M. Fila (interprétation). - Selon la constitution de 1974, qui

7 avait le droit à l'autodétermination ? Les républiques, en tant qu'unités

8 fédérales, ou les peuples constitutifs ?

9 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je pense que c'est une

10 question importante. C'étaient les peuples, et non pas les Républiques,

11 qui avaient le droit de s'autodéterminer.

12 M. Fila (interprétation). - Quels étaient les peuples de la

13 RSFY, selon la constitution de 1974 ?

14 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'étaient les Serbes, les

15 Croates, les Slovènes, les Macédoniens. La Bosnie était une unité fédérale

16 complexe, ce qui a constitué un grand problème, d'ailleurs.

17 M. Fila (interprétation). - Merci. Quels étaient les peuples

18 constitutifs vivants en République Socialiste de Croatie ?

19 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Les peuples constitutifs,

20 en République Socialiste de Croatie, étaient les Serbes et les Croates.

21 M. Fila (interprétation). - En vertu de l'article 244 de la

22 constitution yougoslave, qui avait la compétence de la fédération ? Vous

23 pouvez lire l'article avant de répondre.

24 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Comme je l'ai dit tout à

25 l'heure, la fédération avait, entre autres, les compétences suivantes :

Page 1735

1 tout d'abord, d'assurer la souveraineté, l'égalité, la liberté nationale,

2 l'indépendance, l'intégrité territoriale, la sécurité, la protection, la

3 défense du pays, etc. Et toute une série d'instances s'est vue déléguer le

4 devoir de remplir ce rôle.

5 M. Fila (interprétation). - Quant à la présidence de la

6 fédération, quelle était sa constitution et quelles étaient ses ingérences

7 en ce qui concerne son rôle militaire, selon l'article 313 ?

8 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - La présidence de la

9 RSFYétait l'un des organismes de la fédération responsables pour ce dont

10 nous parlions tout à l'heure, lorsque nous parlions des fonctions et des

11 devoirs de la fédération.

12 Au-dessus de la fédération, c'est-à-dire avant la fédération, il

13 y a l'assemblée de la RSFY, l'assemblée présidentielle, et ensuite, il y a

14 la présidence, en tant qu'organe collectif, qui se trouve à la tête de

15 l'Etat et qui est constituée des représentants des républiques et des

16 provinces autonomes.

17 Je pense qu'il est également important de souligner que la

18 présidence de la RSFY a la responsabilité du commandement et du contrôle

19 des forces armées de la RSFY, pendant la guerre et pendant la paix.

20 M. Fila (interprétation). - Merci. Est-ce que, selon la

21 constitution de la RSFY de 1974, une cour constitutionnelle a été prévue ?

22 Comment cette cour fonctionnait-elle et comment a-t-elle été constituée ?

23 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Effectivement, c'est une

24 cour constitutionnelle caractéristique de tous les Etats fédéraux. Elle

25 doit garantir le système fédéral. Une cour constitutionnelle existait en

Page 1736

1 Yougoslavie durant cette période. C'était la Cour constitutionnelle de

2 Yougoslavie. C'était l'organisme qui devait protéger le caractère légal et

3 conforme à la Constitution de la Yougoslavie. C'est pourquoi la

4 Constitution a prévu très précisément les compétences de cette cour.

5 Parmi ces compétences, celle que je considère très importante

6 était celle selon laquelle la cour constitutionnelle de la Yougoslavie

7 avait l'obligation de s'assurer que les systèmes juridiques de l'ensemble

8 de la Yougoslavie soient harmonisés. Pour être plus précise, la cour

9 constitutionnelle devait adopter des décisions concernant le caractère

10 harmonisé de tous les actes juridiques. Ceci est une caractéristique de

11 tout Etat, y compris Etat fédéral.

12 C'est dans ce sens-là que cette cour constitutionnelle

13 fonctionnait durant cette

14 période.

15 M. Fila (interprétation). - Maintenant, je souhaite qu'on montre

16 au témoin un document, pour qu'elle puisse nous expliquer de quoi il

17 s'agit. Le document existe à la fois en langue serbe et anglaise.

18 M. le Greffier (interprétation). - C'est le document D 22. La

19 traduction en anglais est le document D 22(a).

20 M. Fila (interprétation). - De quoi s'agit-il ? Quel est le

21 contenu, brièvement ?

22 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - C'est un document qui

23 illustre ce dont je viens de parler.

24 En fait, j'ai basé mon explication du rôle de la Cour

25 Constitutionnelle de la Yougoslavie sur le fait qu'il s'agissait d'un

Page 1737

1 organisme qui accomplissait la tâche d'assurer un système juridique

2 unitaire et harmonisé partout dans la Yougoslavie.

3 Ici, nous avons une décision adoptée par la cour

4 constitutionnelle de la Yougoslavie.

5 M. Fila (interprétation). - Veuillez lire tout simplement cette

6 décision.

7 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Très bien. "La Cour

8 Constitutionnelle de la Yousgolavie, en vertu de sa décision du

9 16 octobre 1991, a aboli la décision constitutionnelle concernant la

10 souveraineté et l'indépendance de la République de Croatie en date du

11 25 juin 1991."

12 Je précise que la Cour Constitutionnelle était constituée des

13 représentants des républiques et des provinces autonomes, et que les

14 représentants des républiques et des provinces autonomes ont participé à

15 la prise de cette décision.

16 M. Fila (interprétation) - Est-ce que le représentant croate a

17 participé lui aussi à cela ?

18 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Oui.

19 M. Fila (interprétation) - En vertu de la constitution de 1974,

20 une loi sur la défense

21 générale a été adoptée ?

22 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Oui.

23 M. Fila (interprétation) - Qu'est-ce qui a été prévu en ce qui

24 concerne la défense du pays et notamment les forces armées ?

25 Veuillez montrer au témoin le document suivant, s'il vous plaît.

Page 1738

1 Il s'agit de la loi qui, elle aussi, est en anglais et en serbo-croate.

2 M. le Greffier (interprétation) - D 23 et la traduction en

3 anglais D 23(a).

4 M. Fila (interprétation) - Cette loi définit le rôle du pays par

5 rapport aux forces armées ? Qui commande ? Qui a le contrôle sur ces

6 forces ?

7 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Oui, la loi a été traduite

8 et je pense que l'élément le plus important est que cette loi, qui a été

9 adoptée conformément à la constitution, qui est le texte fondamental de la

10 Yougoslavie, définit les droits et obligations de la Présidence, mais

11 aussi du Président de la présidence de la Yougoslavie. Donc, en vertu de

12 cette loi, je souhaite attirer votre attention sur les dispositions

13 suivantes :

14 L'article 91 de cette loi stipule que les forces armées

15 constituent une entité unitaire et sont constituées de l'armée nationale,

16 de l'armée populaire yougoslave et de la Défense territoriale.

17 Ensuite, si vous me permettez, l'article 92 stipule que les

18 forces armées en tant qu'entités unitaires doivent protéger

19 l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité territoriale et le système

20 social prévus par la Constitution.

21 M. Niemann (interprétation). - Je ne sais pas si nous n'avons

22 pas de problème avec les exemplaires que nous avons reçus. En effet, chez

23 moi, il y a les articles 1, 3, 5, 7, mais pas d'article 92.

24 M. le Président - Effectivement, il nous manque deux pages, les

25 pages que nous avons comportent les articles 1, 3, 5, et 7 en anglais.

Page 1739

1 M. Fila (interprétation) - C'est ce que le Greffe nous a rendu.

2 Nous, nous avons tout donné au greffe. Il faudrait qu'il ajoute ce qu'il

3 manque à la traduction. Moi je ne peux rien faire. Je vous comprends très

4 bien, mais j'ai soumis toute la loi et j'ai indiqué ce qui devait être

5 traduit et si cela n'a pas été fait, ce n'est pas de ma faute.

6 Veuillez lire brièvement et commenter cette loi. Après, lorsque

7 ce sera traduit, vous pourrez voir.

8 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Faut-il que je répète ce

9 que j'ai dit pour que vous puissiez suivre plus facilement ? Je vais faire

10 cela plus facilement, comme cela nous établirons le fil conducteur qui est

11 très important au sein de cette loi.

12 D'après l'article 91, les forces armées constituent une entité

13 unitaire et sont constituées de l'armée populaire yougoslave et de la

14 défense territoriale. Il est sous-entendu, bien évidemment, qu'il s'agit

15 des forces armées yougoslaves étant donné qu'il s'agit d'une loi fédérale.

16 L'article 92 stipule que les forces armées protègent

17 l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité territoriale et le système

18 social prévus par la constitution de la RSFY.

19 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, mais est-ce que le

20 serment prêté par le Président de la présidence ressemble à cela ?

21 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Effectivement, c'est

22 exactement comme cela qu'il prête serment.

23 M. Fila (interprétation). - Est-ce que M. Mesic a prêté un tel

24 serment lui aussi ?

25 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

Page 1740

1 M. Fila (interprétation). - Peut-on continuer ?

2 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Qu'est-ce qui est

3 important dans ce contexte également ?

4 Dans le contexte de ce qui vient d'être dit, l'article 106

5 définit la question concernant

6 le commandement et le contrôle sur les forces armées en Yougoslavie et

7 définit la présidence de la RSFY en tant qu'organe suprême du commandement

8 et du contrôle sur les forces armées. Ensuite, on énumère dans 13 points

9 ces obligations par rapport à la réalisation de sa fonction d'organe

10 suprême en ce qui concerne le commandement et le contrôle des forces

11 armées.

12 Je vais donc vous donnez une partie de cette liste. Tout

13 d'abord, la présidence définit les plans de développement des forces

14 armées. Ensuite, le développement de l'armée populaire yougoslave,

15 l'organisation des forces armées, définit le système de commandement et du

16 contrôle des forces armées, conformément aux dispositions de cette loi,

17 etc.

18 Dans l'article suivant, il est défini quels sont les droits, les

19 devoirs et les obligations du Président de la présidence, et les

20 présidents de la présidence changeaient une fois par an selon l'ordre des

21 républiques et des provinces autonomes.

22 Dans ce sens là, en vertu de l'article 107, le Président de la

23 présidence de la RSFY, au nom de la présidence de la RFSY, représente les

24 forces armées à l'intérieur du pays et à l'étranger, signe les documents

25 de la présidence de la RSFY concernant les forces armées et est

Page 1741

1 responsable pour leur mise en oeuvre...

2 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, qui était le Président

3 de la présidence à l'époque ?

4 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Durant cette période

5 jusqu'au 5 décembre 1991, c'était Stepan Mesic, le Président de la

6 République de Croatie.

7 M. Fila (interprétation). - Merci, cela suffit. Pourriez-vous

8 nous dire maintenant jusqu'à quelle date cette le contenu, brièvement ?

9 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - C'est un document qui

10 illustre ce dont je viens de parler.

11 En fait, j'ai basé mon explication du rôle de la Cour

12 Constitutionnelle de la Yougoslavie sur le fait qu'il s'agissait d'un

13 organisme qui accomplissait la tâche d'assurer un

14 système juridique unitaire et harmonisé partout dans la Yougoslavie.

15 Ici, nous avons une décision adoptée par la cour

16 constitutionnelle de la Yougoslavie.

17 M. Fila (interprétation). - Veuillez lire tout simplement cette

18 décision.

19 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Très bien. "La Cour

20 Constitutionnelle de la Yousgolavie, en vertu de sa décision du

21 16 octobre 1991, a aboli la décision constitutionnelle concernant la

22 souveraineté et l'indépendance de la République de Croatie en date du

23 25 juin 1991."

24 Je précise que la Cour Constitutionnelle était constituée des

25 représentants des républiques et des provinces autonomes, et que les

Page 1742

1 représentants des républiques et des provinces autonomes ont participé à

2 la prise de cette décision.

3 M. Fila (interprétation) - Est-ce que le représentant croate a

4 participé lui aussi à cela ?

5 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Oui.

6 M. Fila (interprétation) - En vertu de la constitution de 1974,

7 une loi sur la défense générale a été adoptée ?

8 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Oui.

9 M. Fila (interprétation) - Qu'est-ce qui a été prévu en ce qui

10 concerne la défense du pays et notamment les forces armées ?

11 Veuillez montrer au témoin le document suivant, s'il vous plaît.

12 Il s'agit de la loi qui, elle aussi, est en anglais et en serbo-croate.

13 M. le Greffier (interprétation) - D 23 et la traduction en

14 anglais D 23(a).

15 M. Fila (interprétation) - Cette loi définit le rôle du pays par

16 rapport aux forces armées ? Qui commande ? Qui a le contrôle sur ces

17 forces ?

18 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Oui, la loi a été traduite

19 et je pense que l'élément le plus important est que cette loi, qui a été

20 adoptée conformément à la constitution,

21 qui est le texte fondamental de la Yougoslavie, définit les droits et

22 obligations de la Présidence, mais aussi du Président de la présidence de

23 la Yougoslavie. Donc, en vertu de cette loi, je souhaite attirer votre

24 attention sur les dispositions suivantes :

25 L'article 91 de cette loi stipule que les forces armées

Page 1743

1 constituent une entité unitaire et sont constituées de l'armée nationale,

2 de l'armée populaire yougoslave et de la Défense territoriale.

3 Ensuite, si vous me permettez, l'article 92 stipule que les

4 forces armées en tant qu'entités unitaires doivent protéger

5 l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité territoriale et le système

6 social prévus par la Constitution.

7 M. Niemann (interprétation). - Je ne sais pas si nous n'avons

8 pas de problème avec les exemplaires que nous avons reçus. En effet, chez

9 moi, il y a les articles 1, 3, 5, 7, mais pas d'article 92.

10 M. le Président - Effectivement, il nous manque deux pages, les

11 pages que nous avons comportent les articles 1, 3, 5, et 7 en anglais.

12 M. Fila (interprétation) - C'est ce que le Greffe nous a rendu.

13 Nous, nous avons tout donné au greffe. Il faudrait qu'il ajoute ce qu'il

14 manque à la traduction. Moi je ne peux rien faire. Je vous comprends très

15 bien, mais j'ai soumis toute la loi et j'ai indiqué ce qui devait être

16 traduit et si cela n'a pas été fait, ce n'est pas de ma faute.

17 Veuillez lire brièvement et commenter cette loi. Après, lorsque

18 ce sera traduit, vous pourrez voir.

19 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - Faut-il que je répète ce

20 que j'ai dit pour que vous puissiez suivre plus facilement ? Je vais faire

21 cela plus facilement, comme cela nous établirons le fil conducteur qui est

22 très important au sein de cette loi.

23 D'après l'article 91, les forces armées constituent une entité

24 unitaire et sont constituées de l'armée populaire yougoslave et de la

25 défense territoriale. Il est sous-entendu,

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1 bien évidemment, qu'il s'agit des forces armées yougoslaves étant donné

2 qu'il s'agit d'une loi fédérale.

3 L'article 92 stipule que les forces armées protègent

4 l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité territoriale et le système

5 social prévus par la constitution de la RSFY.

6 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, mais est-ce que le

7 serment prêté par le Président de la présidence ressemble à cela ?

8 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Effectivement, c'est

9 exactement comme cela qu'il prête serment.

10 M. Fila (interprétation). - Est-ce que M. Mesic a prêté un tel

11 serment lui aussi ?

12 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

13 M. Fila (interprétation). - Peut-on continuer ?

14 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Qu'est-ce qui est

15 important dans ce contexte également ?

16 Dans le contexte de ce qui vient d'être dit, l'article 106

17 définit la question concernant le commandement et le contrôle sur les

18 forces armées en Yougoslavie et définit la présidence de la RSFY en tant

19 qu'organe suprême du commandement et du contrôle sur les forces armées.

20 Ensuite, on énumère dans 13 points ces obligations par rapport à la

21 réalisation de sa fonction d'organe suprême en ce qui concerne le

22 commandement et le contrôle des forces armées.

23 Je vais donc vous donnez une partie de cette liste. Tout

24 d'abord, la présidence définit les plans de développement des forces

25 armées. Ensuite, le développement de l'armée populaire yougoslave,

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1 l'organisation des forces armées, définit le système de commandement et du

2 contrôle des forces armées, conformément aux dispositions de cette loi,

3 etc.

4 Dans l'article suivant, il est défini quels sont les droits, les

5 devoirs et les obligations du Président de la présidence, et les

6 présidents de la présidence changeaient une fois par an selon l'ordre des

7 républiques et des provinces autonomes.

8 Dans ce sens là, en vertu de l'article 107, le Président de la

9 présidence de la RSFY, au nom de la présidence de la RFSY, représente les

10 forces armées à l'intérieur du pays et à l'étranger, signe les documents

11 de la présidence de la RSFY concernant les forces armées et est

12 responsable pour leur mise en oeuvre...

13 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, qui était le Président

14 de la présidence à l'époque ?

15 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Durant cette période

16 jusqu'au 5 décembre 1991, c'était Stipe Mesic, le Président de la

17 République de Croatie.

18 M. Fila (interprétation). - Merci, cela suffit. Pourriez-vous

19 nous dire maintenant jusqu'à quelle date cette constitution de 1974 était

20 valable

21 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Cette constitution,

22 conformément au principe du droit constitutionnel, malgré tous les

23 évènements qui se déroulaient et qui la mettaient à mal- je souligne que

24 d'un côté les organes de la fédération fonctionnaient en Yougoslavie

25 durant cette période, et réagissaient face aux violations de la

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1 constitution- tout d'abord la Cour constitutionnelle qui dès 1989, a

2 proclamé que les amendements, les modifications de constitution des

3 républiques, qui violaient les dispositions de la constitution de la RSFY

4 étaient contraires à la constitution.

5 Les documents de la Cour constitutionnelle à cet égard peuvent

6 être consultés. Cette constitution a été valable jusqu'à la date

7 du 27 avril 1992, la date où la constitution de la République fédérale de

8 Yougoslavie à été adoptée.

9 Je vais simplement ajouter que cette constitution a été adoptée

10 suite à la sécession qui s'est opérée contrairement à la constitution de

11 quatre membres de la fédération. Etant donné que ceux-ci n'ont pas quitté

12 la fédération yougoslave conformément aux dispositions de la constitution

13 de la RSFY.

14 Je veux simplement souligner le fait que dans la Constitution

15 yougoslave il a été

16 stipulé entre autres que le territoire de la Yougoslavie était unitaire,

17 que ce territoire ne pouvait pas être changé sans l'accord de tous les

18 membres de la fédération, il ne faut pas oublier ce fait, c'est pourquoi

19 je souligne que la sortie de ces républiques de la République socialiste

20 fédérative de Yougoslavie s'est opérée contrairement aux dispositions de

21 la constitution valable de la RFSY.

22 M. Fila (interprétation). - Merci. Ceci répond parfaitement à ma

23 question. Nous n'avons plus beaucoup de questions à poser.

24 Puisqu'il ne reste plus beaucoup de temps, j'aborde la question

25 de la citoyenneté. Nous en aurons ainsi terminé des questions pour le

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1 moment.

2 Madame Djukic-Veljkovic, nous avons discuté de la citoyenneté au

3 niveau républicain et fédéral est ceci à satiété. Pourriez-vous nous

4 donner votre explication à la lumière de la Constitution de 1974 ? Quelles

5 étaient les règles en matière de citoyenneté en RSFY et quelle était leur

6 portée ?

7 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - La citoyenneté, nous le

8 savons, c'est un rapport durable entre le citoyen d'un Etat et son Etat.

9 Dans un Etat fédéral, dans tout Etat fédéral, y compris dans la RSFY

10 d'alors, s'applique la règle de la double citoyenneté. Je m'explique : ll

11 y a une citoyenneté parallèle, le régime de citoyenneté par rapport à la

12 fédération et aussi par rapport à la République.

13 En l'occurrence, dans la RSFY, la citoyenneté était régie par la

14 constitution de la RSFY en 1974. A partir de cette constitution, une loi a

15 été adoptée portant sur la citoyenneté de la RFSY, ainsi que sur la

16 citoyenneté dans la République socialiste de Croatie qui a fait l'objet

17 d'une publication dans le numéro 36 du Journal Officiel de 1977.

18 Voici ce que dit la Constitution qui est la législation suprême

19 du pays. A l'article 249, il est précisé et je me suis aussi basé sur ceci

20 dans mon avis d'expert : "Il y a une citoyenneté unique pour tous citoyens

21 de la Yougoslavie, citoyenneté par rapport à la RSFY,

22 mais de surcroît, tous citoyens d'une République, et de façon

23 concomitante, citoyens de la République socialiste fédérative de

24 Yougoslavie ".

25 Permettez-moi d'ajouter ceci. Un citoyen d'une République

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1 dispose des même droit et a les mêmes obligations s'il se trouve sur le

2 territoire d'une autre République que les citoyens de cette autre

3 République.

4 L'article 281 de la constitution de la Yougoslavie stipule que

5 la citoyenneté de la RSFY est régie par la fédération et la loi relative à

6 la citoyenneté a été adoptée à cette fin.

7 Je l'ai dit dans mon avis supplémentaire d'expert. Il importe de

8 constater la chose suivante : à partir des dispositions de la constitution

9 et des lois d'application, ces faits importants pour nous, ces faits

10 saillants, ressortent, à savoir qu'un citoyen yougoslave peut avoir la

11 citoyenneté d'une République et peut jouir de cette citoyenneté.

12 En vertu de la constitution, cela fait de cette personne un

13 citoyen de la RSFY, mais si une personne perd la citoyenneté yougoslave,

14 du même coup elle perd son statut de citoyenneté par rapport à la

15 République

16 M. Fila (interprétation). - (Hors micro)

17 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ceci signifie que la

18 citoyenneté yougoslave était incorporée dans la citoyenneté républicaine

19 et qu'il ne peut pas avoir de citoyenneté républicaine indépendante. C'est

20 ainsi que je réponds à votre question.

21 M. le Président (interprétation). - Pourriez-vous répondre à la

22 question à laquelle vient de répondre le témoin ? Les interprètes n'ont

23 pas saisi votre question pour que le procès-verbal nous dise bien quelle

24 était la nature de votre demande.

25 M. Fila (interprétation). - Peut-on avoir une citoyenneté

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1 républicaine sans la citoyenneté fédérale ?

2 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - A cet égard, j'aimerais

3 tirer les conclusions suivantes, qui me semblent importantes. La

4 citoyenneté républicaine en RSFY ne coïncidait pas

5 avec l'appartenance ethnique, religieuse ou raciale d'un particulier. Un

6 citoyen, c'est un citoyen. La loi le montre à suffisance. C'est en

7 fonction du lieu de naissance, la citoyenneté républicaine des parents.

8 Disons les choses de façon simple : le principe de l'ethnicité

9 ou de l'origine de l'appartenance ethnique -je crois que nous nous

10 comprenons désormais- est différent de celui de la nationalité. C'est cela

11 qui compte.

12 Si un citoyen appartient à un certain groupe ethnique, cela ne

13 veut pas dire pour autant que ceci coïncide avec sa citoyenneté. En

14 d'autres termes, il y a lien juridique entre cette personne et la

15 République à laquelle elle appartient.

16 M. Fila (interprétation). - Dernière question : ces passeports

17 rouges que nous avions à l'époque, qu'indiquaient-ils comme citoyenneté ?

18 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Yougoslave.

19 M. Fila (interprétation). - De la RSFY ?

20 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, de la RSFY. C'est

21 important, parce que la citoyenneté de la République n'existait pas en

22 tant que catégorie autonome.

23 M. Fila (interprétation). - Par rapport à d'autres pays, quelle

24 était la citoyenneté qui comptait ?

25 Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Celle de la RSFY.

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1 M. Fila (interprétation). - Bien.

2 J'ai réussi, Monsieur le Président, à respecter le temps qui

3 m'était imparti. J'en ai ainsi terminé de mes remarques et je propose que

4 les documents portant cote D 12 à D 23 soient versés au dossier. Je vous

5 promets d'apporter, dès demain, une traduction pour Maître Niemann afin

6 qu'il puisse procéder au contre-interrogatoire.

7 M. le Président (interprétation). - Objection ?

8 M. Niemann (interprétation). - Objection aux documents que je ne

9 comprends pas.

10 Je ne pense pas que j'aurai des problèmes à leur encontre, mais autant

11 vérifier d'abord. Il s'agit du document portant sur la loi de la défense

12 populaire généralisée, qui est incomplet, et de l'autre document, à savoir

13 le curriculum vitae du témoin. Donc, objection uniquement parce que je

14 n'ai pas eu l'occasion d'en prendre connaissance.

15 M. le Président (interprétation). - J'espère que demain vous

16 aurez la traduction en anglais et que l'on pourra verser ces pièces au

17 dossier.

18 M. Fila (interprétation). - Maître Niemann, désolé de m'adresser

19 directement à vous, sans passer par la Présidence, mais j'avais adressé

20 cette loi sur la défense populaire généralisée à Monsieur le Président

21 très tôt. Pourquoi est-ce que ceci n'a pas été traduit, alors que le

22 document a été déposé il y a plus de six mois ? Merci.

23 M. le Président (interprétation). - Bien. Nous levons l'audience

24 jusqu'à demain matin, 8 heures 30.

25 La séance est suspendue à 13 heures 15