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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-13a-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi 23 avril 1998
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 SLAVKO DOKMANOVIC
7 L'audience est ouverte à 8 heures 30.
8 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Je demanderai au
9 greffe de me dire le numéro de l'affaire ?
10 M. le Greffier (interprétation).- Il s'agit de l'affaire IT-95-
11 13a-T, le Procureur contre Slavko Dokmanovic.
12 M. le Président (interprétation). - Est-ce que les parties
13 peuvent se présenter ?
14 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann. Je
15 comparais avec mes collègues Me Williamson, Me Waespi et Me Vos.
16 M. Fila (interprétation). - Je m'appelle M. Fila. Je comparais
17 avec Me Lopicic et Me Petrovic pour la défense de M. Dokmanovic.
18 M. le Président (interprétation). - M'entendez-vous, Monsieur ?
19 M. Dokmanovic (interprétation) - Oui.
20 M. le Président (interprétation) - Je souhaite dire à Maître
21 Fila que le procès en ce qui concerne le sauf-conduit est en cours. J'ai
22 lu votre requête hier et j'ai vu que l'ordre concerne aussi le dernier
23 témoin, il y en a quatre, et je voulais savoir quelles sont les mesures
24 de protection que vous demandez. Si j'ai bien compris vous demandez la
25 déformation du visage et de la voix mais pas le pseudonyme étant donné que
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1 vous avez mentionné leurs noms.
2 M. Fila (interprétation) - J'ai appris seulement hier, c'est-à-
3 dire avant hier, qu'il demandait un sauf-conduit, je ne sais pas s'ils ont
4 changé leur requête. Si tel est le cas j'espère que le Procureur aura de
5 la compréhension parce que les personnes fonctionnent comme cela, elles
6 entendent quelque chose d'un autre témoin et elles demandent la même
7 chose. Si je n'avais pas demandé cela pour (expurgé), je suis sûr que les
8 autres n'auraient pas demandé la même chose. Je m'excuse donc de vous
9 compliquer la vie ainsi.
10 M. le Président (interprétation). - Est-ce que le Procureur a
11 des objections par rapport à ces mesures de protection ?
12 M. Niemann (interprétation) - Non, nous n'avons pas d'objection,
13 mais je voudrais souligner le fait qu'il existe un danger dans cette
14 affaire et dans d’autres affaires. Nous n’avons pas d’objection et nous ne
15 voulons pas poser d'obstacle à la procédure ni à la défense, mais je
16 constate avec inquiétude que cela commence maintenant à se multiplier de
17 manière trop importante et cela a un certain effet sur la nature publique
18 des procès. Je pense que nous ne pouvons rien faire pour changer cela mais
19 il existe une réelle inquiétude. Cependant, si Me Fila considère que ceci
20 est nécessaire nous n'aurons pas d'objection.
21 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, si vous voyez
22 qu'il faut appliquer d'autres mesures de protection, mises à part la
23 déformation du visage et l'altération de la voix veuillez nous le dire au
24 plus tôt.
25 M. Fila (interprétation) - Je m'excuse encore une fois et je
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1 vais faire tout ce qui est dans mes possibilités.
2 M. Niemann (interprétation). - Nous avons pris en considération
3 la déposition de M. Cukalovic et nous considérons que sa déposition était
4 plutôt celle d'un amicus curiae qu'une déclaration. Donc, c'est pourquoi
5 nous allons traiter cela par écrit.
6 M. le Président (interprétation). - Merci.Maître Fila, avez-vous
7 d'autres questions ?
8 M. Fila (interprétation) - Je n'ai plus de questions
9 supplémentaires, je souhaiterais simplement que l'on montre les documents
10 qui ont été annexés aux rapports, qui ont été proposés par le Procureur à
11 la requête de la Cour. Il s'agit des documents concernant le caractère
12 international de la guerre, signés par la Croatie.
13 M. le Président (interprétation). - Quels documents ?
14 M. Fila (interprétation). - Je ne connais pas la cote exacte
15 mais il s'agit de l'accord passé entre les Républiques. Vous avez reçu ces
16 documents en tant qu'éléments de preuve. Il s'agissait du mémorandum sur
17 la compréhension, signé par les six Républiques.
18 M. le Président (interprétation). - Nous avons reçu beaucoup de
19 documents du Procureur et, si je me souviens bien, une série concernait
20 les accords parrainés par le CICR. Ensuite, il y a eu un document de l'ONU
21 concernant la date de la succession de la Croatie.
22 M. Niemann (interprétation). - Je suis un peu surpris. Si
23 Me Fila souhaite montrer cela au témoin, il n'y a aucun problème. Mais je
24 ne vois pas comment il souhaite le faire au sein de cette procédure. Je ne
25 vois pas le but de cela.
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1 M. le Président (interprétation). - Souhaitez-vous que le témoin
2 nous donne une sorte d'évaluation de ce document ? Souhaitez-vous qu'il
3 exprime son opinion là-dessus ?
4 M. Fila (interprétation). - Oui, effectivement, je souhaite que
5 le témoin nous dise s'il a déjà vu ces documents dans le domaine de ses
6 activités d'expert en droit international et nous dise de quoi il s'agit,
7 s'il le sait ?
8 M. le Greffier (interprétation). - La pièce à conviction du
9 Procureur 192.
10 M. Niemann (interprétation). - Je souhaite demander à Me Fila
11 s'il s'agit ici de sa réplique, ou bien de l'interrogatoire principal.
12 M. le Président (interprétation). - Je pensais que nous pouvions
13 être tout à fait souple.
14 M. Fila (interprétation). - Moi, je pensais que le Procureur
15 allait poser des questions. Je ne m'attendais pas à ce qu'il n'ait pas de
16 questions. Je m'attendais à ces questions-là. C'est donc cela, mon
17 explication.
18 M. le Président (interprétation). - D'accord, vous avez donc été
19 un peu pris de court.
20 M. le Greffier (interprétation). - C'est la pièce à conviction
21 du Procureur 176.
22 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que vous
23 avez dans les mains, de quoi s'agit-il ?
24 M. Cukalovic (interprétation). - Il s'agit d'une convention à
25 laquelle la République de Croatie a accédé en mai 1992, en notant que cela
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1 entre en vigueur le 8 octobre 1991. Il ne s'agit pas d'un document
2 ordinaire, il ne s'agit pas ici de la reconnaissance de la République de
3 Croatie, mais d'une action rétroactive des accords internationaux. Il
4 s'agit ici de deux notions tout à fait différentes. Ce qui est indiqué
5 dans le document, c'est qu'il doit entériner l'entrée en vigueur à partir
6 du 8 octobre 1991, c'est-à-dire de manière rétroactive, du point de vue du
7 droit international en ce qui concerne la reconnaissance de la Croatie,
8 cela n'a absolument aucune valeur. Dans tous ces documents, on mentionne
9 la date du 8 octobre sur la base du rapport de la commission Badinter qui
10 n'avait pas de force contraignante, qui est contradictoire et qui s'est
11 aboli tout seul au bout d'un mois.
12 Je pense que le Pr. Baladero Balieri a donné la meilleure
13 explication de la situation. En effet, dans de telles situations, il ne
14 s'agit pas d'une reconnaissance juridique, c'est-à-dire si lors d'un
15 accord il est indiqué que l'accord aurait un effet rétroactif, et si le
16 but de cela est de montrer que la Croatie était effectivement un Etat ce
17 8 octobre, le Pr. Baladero Balieri fait une différence entre la
18 reconnaissance qui a uniquement une importance politique et la
19 reconnaissance qui a un effet juridique.
20 Donc pour que la reconnaissance d'un Etat ait une valeur
21 juridique, l'Etat doit
22 remplir certains critères que nous avons mentionnés hier, c'est-à-dire le
23 territoire, la population et le pouvoir souverain. Le 8 octobre, la
24 Croatie ne remplissait aucun de ces trois critères. Le droit d'avoir les
25 élus au sein d'une assemblée de manière active et passive n'existait pas.
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1 M. Niemann (interprétation). - Objection, le témoin répète ce
2 qu'il a dit au cours de sa déposition hier.
3 M. le Président (interprétation). - Effectivement. Vous savez,
4 en principe, vous êtes un amicus curiae et nous connaissons nous aussi le
5 droit international. Vous êtes en train de répéter ce que vous avez déjà
6 dit hier. Maître Fila, avez-vous d'autres questions ou pouvons-nous
7 commencer avec un autre témoin ?
8 M. Fila (interprétation). - Le témoin suivant sera ici à
9 9 heures. Je m'excuse, mais je m'attendais à ce qu'il y ait des questions
10 au contre-interrogatoire du Procureur. Pouvez-vous nous donner des
11 commentaires spécifiques sur les documents ? Car le Procureur a raison, il
12 ne faut pas se répéter. Quels sont les documents qui sont devant vous ?
13 M. Cukalovic (interprétation). - Ce document concerne le respect
14 des principes humanitaires, c'est un accord passé entre les six
15 Républiques. Ce document-là n'a aucune valeur juridique, la Russie a signé
16 ce genre de document avec la Tchétchénie et l'Ossétie du nord des
17 centaines de fois, mais aucune de ces régions n'est devenue un Etat par la
18 suite. Il s'agit simplement des documents qui règlent une certaine
19 situation.
20 M. Fila (interprétation). - Et en ce qui concerne les
21 Philippines, par exemple, quelle était la situation ?
22 M. Cukalovic (interprétation). - Il y a eu un accord semblable
23 passé entre le Président Corason Aquino et les insurgés. Le contenu de ce
24 document a été semblable pour régler la situation qui s'est présentée
25 devant ce pays. Nous avons eu un autre protocole d'accord à Genève en date
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1 du 27 novembre 1991. Et de nouveau, il y a une contradiction parce que si
2 la Croatie est devenue un Etat indépendant le 8 octobre, comment est-il
3 possible que le
4 27 novembre un accord soit passé et qu'il soit signé par le représentant
5 de la RSFY, c'est à dire le ministre fédéral ? Ceci montre que la Croatie
6 était une entité internationalement connue. La souveraineté yougoslave
7 était quelque chose qui existait, il ne fallait pas la prouver, c'est la
8 souveraineté de l'Etat de croatie qui était un élément nouveau, qu'il faut
9 encore prouver. Et le fait que ce document était signé par le représentant
10 de la Yougoslavie, démontre que la Yougoslavie existait un mois après
11 ladite reconnaissance de la Croatie
12 M. Fila (interprétation). - Pourriez-vous maintenant examiner le
13 document suivant : un document suisse.
14 M. Cukalovic (interprétation). - Encore une fois, c'est la
15 convention, l'accord qui a été signé le 16 décembre 1991. La première
16 personne qui a signé cet accord était le représentant de la RSFY. Donc, si
17 la Croatie existe, cela veut dire que la Yougoslavie n'existe pas. Sur un
18 même territoire, il est impossible d'avoir deux Etats indépendants et
19 souverains.
20 Examinons maintenant les autres documents. Finalement il y a un
21 accord concernant la protection des personnes dans la région d'Osijek,
22 cela est tout à fait normal, et cela existe dans toutes les guerres afin
23 de protéger la population dans certaines régions, mais ça ne veut
24 absolument rien dire. Ensuite, le 25 décembre 1991 un accord a été signé
25 par le représentant du ministère de la Santé et de la Protection sociale
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1 de la RSFY.
2 Ceci sont mes commentaires, je pense que c'est très clair du
3 point de vue du droit international.
4 M. Fila (interprétation). - Très brièvement, Monsieur Cukalovic,
5 est-ce que quelques-'uns des document peuvent être considérés comme des
6 accords passés entre plusieurs Etats souverains et indépendants ?
7 M. Cukalovic (interprétation). - Afin de prouver cela, il
8 faudrait d'abord prouver que la Croatie existait en tant qu'Etat
9 indépendant et souverain à l'époque. Aucun des documents que nous avons
10 examinés n'indique pas une telle réalité, sauf le rapport de
11 M. Badinter qui s'est aboli tout seul au bout d'un mois.
12 Me Fila (interprétation). - Merci. Je n'ai plus de questions.
13 M. le Président (interprétation). - Merci. Etant donné que nous
14 avons encore dix minutes à notre disposition, à moins que le Procureur ait
15 d'autres questions, je souhaite poser certaines questions.
16 Me Fila (interprétation). - Je m'excuse, mais je demanderai à
17 M. Niemann de me l’annoncer la prochaine fois qu'il n'aura pas de
18 questions en contre-interrogatoire, comme cela je ferai venir tous les
19 témoins à 8 heures 30.
20 M. le Président (interprétation). - Hier, nous avons parlé du statut
21 juridique du district serbe de la Slavonie, de la Baranja et de la Srem
22 occidentale. Ma question est la suivante. Comment caractérisez-vous le
23 gouvernement du district serbe de la Slavonie, de la Baranja et de la Srem
24 occidentale, du point de vue du droit international ? Est-il exact de dire
25 que ce district se trouve entièrement en Croatie ou bien englobe-t-il
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1 aussi une partie du territoire de la République de Serbie ? Hier, j'ai
2 regardé la carte. J'ai vu que la Srem couvre aussi une partie du
3 territoire de la Serbie. C'est ma première question concernant la
4 géographie, deuxièmement de son statut selon le droit international
5 public.
6 M. Cukalovic (interprétation). - En ce qui concerne la géographie, il
7 existe la Srem orientale et occidentale. Une partie est en Croatie et
8 l'autre est en Serbie. C'est un territoire qui est confiné à la Croatie,
9 mais qui ne concerne pas du tout la Serbie. C'est une partie où vivent un
10 certain nombre de Serbes d'accord, mais qui ne comprend pas le territoire
11 de la République de Serbie. En ce qui concerne le statut du gouvernement
12 qui a été formé sur ce territoire, il convient d'exprimer son opinion en
13 tenant compte des spécificités de la situation qui existait à l'époque.
14 Cela dépend de la question de savoir si ces autorités contrôlaient ce
15 territoire, si elles avaient des signes distinctifs et si elles
16 respectaient les dispositions du droit de guerre. Etant donné que les
17 instances de ladite Republika Srpska y ont été établies, elles avaient
18 tous les droits
19 d’être considérées comme une partie belligérante à part entière. Il y
20 avait un gouvernement en vigueur, un signe distinctif qui était l’emblème
21 de la Républica Srpska Krajina et ils avaient un certain règlement
22 militaire qui indiquait qu’ils respectaient le droit de la guerre.
23 M. le Président (interprétation). – Je crois avoir lu quelque
24 part que ladite République de Srpska Krajina, comme vous l’appelez, a
25 succédé à l’existence du district serbe de la Slavonie et de la Baranja
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1 occidentale. Si j’ai bien compris, quand la République de Srpska Krajina a
2 été établie, M. Dokmanovic n’était plus le ministre de l’Agriculture du
3 district serbe de Slavonie. Je me trompe peut-être mais si j’ai bien
4 compris, le district serbe de Slavonie, de la Baranja et de la Srem
5 occidentale existait jusqu’à environ septembre 1991. Ensuite, vers la fin
6 1991, la République de Srpska Krajina était établie et le district serbe
7 de Slavonie, de Baranja et de Srem occidentale a été démantelé. Ce
8 district serbe était une entité de courte durée qui existait sur le
9 territoire croate pendant un certain moment. Ma question est : comment
10 qualifieriez-vous cet établissement qui a duré pendant seulement quelques
11 mois ?
12 M. Cukalovic (interprétation). – Ce qui est tout à fait clair,
13 c’est que ce territoire n’a absolument aucun lien avec le territoire de la
14 Yougoslavie. Quant à la question de savoir comment qualifier ce
15 gouvernement, je me suis déjà prononcé là-dessus. C’est un gouvernement
16 qui a été établi seulement afin de défendre le peuple serbe d’une possible
17 terreur croate, à savoir ce qui c’est passé en 1941 a marqué de manière
18 profonde le peuple serbe et la mémoire collective. Il s’est organisé lui-
19 même en accord avec le droit international de la guerre, afin de permettre
20 à la population vivant dans une certaine région de se défendre au cas où
21 la partie adverse procèderait à des massacres, à la terreur, etc.
22 M. le Président (interprétation). - Oui, mais si nous acceptons
23 la suggestion de Me Fila, selon laquelle aux mois de septembre, octobre et
24 décembre 1991, il s’agissait, en Croatie, d’un conflit interne entre les
25 Croates qui se sont insurgés et qui essayaient de faire sécession de la
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1 RSFY d’un côté, et de la RFY de l’autre, pourquoi était-il nécessaire de
2 créer un
3 grouvernement qui allait fonctionner seulement pendant quelques mois,
4 étant donné que ce territoire se trouvait sous la compétence des autorités
5 fédérales ?
6 M. Cukalovic (interprétation). - Oui, effectivement. Les
7 autorités fédérales avaient la juridiction sur ce territoire, mais vu
8 l’expérience de la Deuxième Guerre mondiale où en quelques mois seulement,
9 en 1941, la population a été massacrée en masse, il était nécessaire pour
10 cette population de s’organiser de manière efficace afin d’empêcher les
11 crimes éventuels. Et, effectivement, les crimes se sont produits et la
12 population a réussi à se défendre grâce au fait qu’elle s’était organisée.
13 Car la JNA avait beaucoup de problèmes avec ses commandants. Par exemple,
14 le commandant suprême était un Croate. Donc la population s’est sentie
15 contrainte de s’organiser et de se défendre, ensemble, avec la JNA, afin
16 de sauver leur propre vie.
17 M. le Président (interprétation). - Donc vous voulez dire qu’ils
18 ont eu besoin de s’organiser non pas seulement du point de vue militaire,
19 mais aussi en utilisant l’aide d’un gouvernement, avec le ministre de
20 l’Agriculture.
21 M. Cukalovic (interprétation). - Oui.
22 M. le Président (interprétation). - S’il n’y a plus de
23 questions, vous pouvez vous retirer de manière définitive, Monsieur le
24 Professeur. Je vous remercie.
25 (Le témoin est reconduit hors du prétoire)
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1 M. Fila (interprétation). - Le témoin suivant est arrivé, avec
2 un peu d’avance, tant mieux. Il s’agit de Slavko Gavrilovic. Il faut que
3 je vous explique quelque chose, Madame et Messieurs les Juges, ainsi que
4 Maître Niemann. Le témoin suivant, après M. Gavrilovic, M. Bulajic ne
5 viendra que lundi, ce qui veut dire qu'après M. Gavrilovic nous entendrons
6 M. Milinkovic pour autant, bien sûr, que nous en ayons terminé avec
7 M. Gavrilovic. C'est simplement une permutation dans l'ordre des témoins,
8 rien d'autre.
9 M. le Président (interprétation). - Dans l'attente du témoin,
10 j'en appelle aux deux parties pour qu'elles évitent de poser des questions
11 trop longues. Je demanderai également au témoin de faire preuve de
12 concision. En effet, nous avons reçu le document. Il va parler de la
13 question des Serbes en Slavonie, en Croatie et en Dalmatie du XIV au
14 XXème siècle. C'est donc une information de fond. Nous avons déjà reçu
15 beaucoup d'éléments de ce type, et je crois qu'il nous faut nous attacher
16 surtout aux points de faits et de droit ayant trait à l'accusé. Evitons,
17 s'il vous plaît, d'entrer dans des domaines qui sont quelque part
18 étrangers à l'affaire. J'enjoins tout particulièrement Me Fila à essayer
19 de se limiter à des questions vraiment importantes. Peu de questions mais
20 qu'elles soient importantes parce que l'histoire, la sociologie, la
21 psychologie de toute cette genèse ne nous intéresse pas au premier plan.
22 Nous sommes un Tribunal, nous devons nous prononcer sur des points de
23 droit et des faits.
24 (Le témoin est introduit dans le prétoire)
25 M. Fila (interprétation). - Tout à fait d'accord avec vous,
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1 Monsieur le Président. Ce que je fais aujourd'hui c'est ce que M. Will, un
2 témoin de l'accusation, a dit par écrit aussi. Si M. Will n'avait pas
3 parlé du XIVème, du XVème siècle, ceci n'aurait pas été nécessaire. C'est
4 la raison pour laquelle nous nous devons aussi appeler des témoins experts
5 pour apporter de tels éléments de preuve.
6 M. le Président (interprétation). - Pourrez-vous prêter serment,
7 Monsieur Gavrilovic ?
8 M. Gavrilovic (interprétation). - Je déclare solennellement que
9 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Veuillez
11 prendre place, Monsieur.
12 M. Fila (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Professeur.
13 Vous êtes bien installé, nous pouvons commencer ?
14 M. Gavrilovic (interprétation). - Oui.
15 M. Fila (interprétation). - Dites-nous rapidement, si vous le
16 voulez bien, quelle est votre formation universitaire notamment.
17 M. Gavrilovic (interprétation). - Je suis né et j'ai été formé à
18 Vinkovski, à Novi Sad, je suis allé à l'université à Belgrade, j'ai fait
19 une recherche d'archives, surtout à Zagreb, Osijek, Karlovsi, Budapest,
20 Vienne, Moscou, Timisoara, et j'ai étudié aussi des archives locales se
21 trouvant sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
22 M. Fila (interprétation). – Où travailliez-vous jusqu’à
23 présent ?
24 M. Gavrilovic (interprétation). – J’ai d’abord travaillé à
25 l’école de formation de professeurs à Prijorin, à Kotsmic, puis j’ai été
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1 conservateur du musée militaire de Novi Sad, après quoi j’ai enseigné à la
2 faculté de philosophie à Novi Sad, d’abord en tant qu’assistant, puis je
3 suis devenu professeur, j’ai obtenu une chaire. Finalement, j’ai travaillé
4 à l’institut historique de l’académie et des arts serbes, et j’ai pris ma
5 retraite il y a quelques années.
6 M. Fila (interprétation). – Vous êtes donc membre de cette
7 académie depuis longtemps ?
8 M. Gavrilovic (interprétation). – Depuis 1979.
9 M. Fila (interprétation). – En êtes-vous encore membre ?
10 M. Gavrilovic (interprétation). – Oui.
11 M. Fila (interprétation). – Avez-vous été l’auteur de nombreux
12 ouvrages et de
13 communications sur l’histoire des peuples yougoslaves jusqu’au
14 XXème siècle ?
15 M. Gavrilovic (interprétation). – Oui, j’ai écrit beaucoup
16 d’ouvrages, ainsi que des critiques. J’ai produit environ quatre cent
17 cinquante ouvrages. Je suis l’auteur d’une vingtaine de monographies et
18 d’une vingtaine de publications qui étudiaient des documents d’origine
19 relatifs aux serbes, à l’empire austro-hongrois dans les Balkans et
20 surtout en Croatie. Pendant vingt ans environ, je me suis penché sur
21 l’histoire socio-politique de la Croatie au XVIème, XVIIème, XVIIIème et
22 durant la première moitié du XiXème siècle.
23 M. Fila (interprétation). – Auriez-vous l’obligeance d’examiner
24 ces documents que va vous monter l’huissier et de nous dire s’ils
25 constituent bien une partie de votre curriculum vitae et de votre
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1 bibliographie ?
2 Mme le Greffier (interprétation). – Il s’agit de la pièce D28.
3 M. Gavrilovic (interprétation). – Effectivement, tout ceci est
4 exact.
5 M. Fila (interprétation). – Je vous demanderai d’examiner le
6 document suivant, qui existe en serbe et en anglais, et de nous dire s’il
7 s’agit bien de votre avis d’expert ?
8 M. Gavrilovic (interprétation). – Oui.
9 M. Fila (interprétation). – Nous demandons le versement de ces
10 deux documents au dossier en tant que pièces de la défense.
11 M. le Président (interprétation). – Formulez-vous une
12 objection ?
13 M. Williamson (interprétation). – Pas d’objection, Monsieur le
14 Président.
15 M. le Président (interprétation). – Merci.
16 M. le Greffier. - Merci, il s'agira de la pièce D28 et de la
17 pièce D 29 ainsi que de la pièce 29(a) qui est la traduction en anglais
18 du dernier document.
19 M. Fila (interprétation). - Vous avez fourni un avis d'expert
20 circonstancié. Nous avons coutûme ici de fournir des réponses précises une
21 fois que vous avez donné votre avis d'expert par ailleurs.
22 M. Gavrilovic (interprétation). - Je comprends.
23 M. Fila (interprétation). - Je vais vous poser quelques
24 questions seulement et je vous demanderai de faire preuve de la plus
25 grande concision, car il s'agit ici de documents de fond, d'informations.
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1 La Chambre s'intéresse à des questions plus précises.
2 Pourriez-vous me dire à quel moment les Serbes sont arrivés sur
3 le territoire qui est aujourd'hui le territoire de la Croatie ? Comment
4 est-ce que tout ceci à commencé ?
5 M. Gavrilovic (interprétation). - Les Serbes sont arrivés très
6 tôt, dès le VIème et le VIIème Siècle. Des Slaves sont arrivés des
7 Carpates dans la région du Danube, il n'y avait pas encore à ce moment-là
8 de différenciations ethniques. Ils sont arrivés et se sont trouvés sous le
9 régime de l'Etat hongrois au Xème et au début du XIème Siècle. Mais les
10 relations ont évolué entre l'Etat médiéval hongrois et la Serbie
11 médiévale. Quelquefois ces relations fûrent hostiles, d'autres fois
12 amicales. S'agissant des Serbes en Croatie, je pense à ce qui est
13 aujourd'hui la Croatie, les Serbes se détachent de façon particulière à
14 partir du XIIIème siècle, au moment ou Dragutin, un roi serbe qui était
15 allié et vassal du roi hongrois, a reçu la Srem, Belgrade et Macva qui
16 faisaient partie de son territoire. Donc c'est la Srem de ce côté-ci et la
17 Srem de ce côté là, comme on l'appelait à l'époque. Cette région
18 s'étendait sur le nord et le sud de la rivière Sava. Il s'agissait bien
19 sûr d'une structure féodale, d'une cour médiévale. Il est évident que ce
20 roi Serbe n'avait pas besoin d'éléments cléricaux. Ce n'étaient pas les
21 Hongrois qui étaient membres de cette nation dominante, il n'y avait que
22 les locaux qui labouraient et travaillaient la terre. Ces gens
23 appartenaient à la même nation, au même peuple, à la même religion que le
24 roi. Par la suite, un autre dirigeant Serbe, M Lazarevic a été appelé le
25 despote de Serbie lorsqu'il est devenu allié des Hongrois et vassal du roi
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1 hongrois tout au début du XVème siècle. Il a reçu Belgrade et la Serbie du
2 nord qui sont tombé sous son hégémonie. On avait une population qui était
3 d'abord proto-serbe, puis serbe et qui a bénéficié d'un appui soutenu de
4 Belgrade qui se trouvait près de Srem. Puis, il y a eu la bataille
5 tragique du Kosovo et enfin en 1459 la Serbie
6 est devenue turque. Il y a eu un grand mouvement migratoire qui s'est
7 poursuivi partant du sud vers le nord. Les Serbes sont arrivés dans la
8 région des Carpates, en Panonie, plus exactement à Banat et, peu à peu,
9 d'autres régions aussi ont vu arriver des Serbes. Ils sont passés en plus
10 grand nombre au début du XVIème siècle en Slavonie car ils essayaient de
11 fuir la domination des Turcs où ils ont été amenés de force par les Turcs
12 dans ces territoires. On pourrait dire que les Turcs ont commencé le
13 nettoyage ethnique à ce moment-là dans les Balkans puisqu'ils avaient
14 coutume de déplacer des populations entières d'une région à l'autre, même
15 vers des régions très distantes. Il y a eu par exemple la région de
16 Sadarevo et les mouvements d'Herzégovine vers l'Etat de Rasvka, vers la
17 partie occidentale de la Bosnie et le centre de la Slanovie. C'était un
18 phénomène qui s'est fait de façon systématique. Les premières traces que
19 l'on retrouve des Serbes en Dalmatie du nord remontent à une période même
20 antérieure.
21 Il y a deux monastères très importants à cet égard, des
22 monastères serbes, je ne sais pas s'ils existent encore, j'essaie de me
23 souvenir du nom, il y a le monastère de Krupa et un autre dont je ne me
24 souviens pas. En tout cas, c'était deux monastères serbes importants qui
25 furent établis à l'époque où la soeur de l'empereur Dusan, un des chefs du
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1 Moyen-Age le plus important, a épousé Ladem Subic. Nous nous trouvons à ce
2 moment-là dans le centre de la Dalmatie. La soeur de Dusan avait épousé
3 cette personne et, sous l'angle religieux, on peut dire que la cour de
4 Subic était tolérante, ce qui veut dire que cette femme a pu autoriser
5 l'installation de moines orthodoxes et c'est à ce moment-là que l'on a vu
6 les premières églises orthodoxes, et alors que les monastères les plus
7 importants de Dalmatie du nord ont été fondés. Tout ceci se produit vers
8 le milieu du XIVème siècle.
9 Par la suite de plus en plus de Serbes se sont installés en
10 Dalmatie. Au cours de l'invasion par la Turquie, il y a eu un exode de la
11 population devant les Turcs. Certains Serbes sont partis vers la côte
12 adriatique, vers les îles de l’Adriatique, alors que d’autres Serbes se
13 sont rendus vers la partie montagneuse, vers la Bosnie, la rivière Una.
14 Pendant un certain temps,
15 quand il y avait comme frontière entre la Croatie et l’empire austro-
16 hongrois la rivière Kupa, les Serbes se sont aussi installés jusqu’à la
17 rivière Kupa. C’est à la suite de l’hégémonie turque que ces Serbes se
18 sont déplacés dans cette région. Ils étaient sujets de seigneurs turcs.
19 Ils appartenaient au système féodal turc. Auparavant, les Turcs avaient
20 tout à fait dévasté les régions conquises. Il fallait que les Turcs
21 organisent le territoire. Ce qui veut dire qu’en plus de l’armée ils
22 avaient besoin de personnes qui travaillent pour eux, ceux qu’on a appelé
23 les Rajas. Il s’agissait de Serbes surtout Chrétiens.
24 M. Fila (interprétation). - Fort bien. Passons, si vous le
25 voulez bien, à la Krajina militaire puisqu’on veut faire ici l’impasse sur
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1 deux ou trois siècles.
2 M. Gavrilovic (interprétation). - Lorsque les Serbes se sont
3 installés en Bosnie occidentale, puis en Hongrie, à Juda et Komoran, ils
4 ont rencontré d’autres Chrétiens. Il y avait bien sûr les seigneurs
5 féodaux croates qui se trouvaient aux confins de ce qui restait du royaume
6 croate. Leurs forces étaient très diminuées. La cour de Vienne a pris la
7 relève pour ce qui est de la défense des territoires contre les Turcs ; ce
8 qu’on appellerait aujourd’hui le ministère de la Défense, installé d’abord
9 à Graz, puis à Vienne. Les capitaines et les généraux du royaume ont
10 demandé aux Serbes, sous domination turque à ce moment-là, de passer du
11 côté chrétien, puisqu’eux-mêmes étaient aussi Chrétiens et que c’était là
12 également leur souhait de défendre les frontières de l’empire austro-
13 hongrois et d’une partie de la Croatie, ainsi que de défendre ces
14 territoires contre l’empire turc. Il y a donc eu un accord, et même un
15 accord par écrit. Des accords ont été passés oralement avec des groupes
16 plus ou moins petits ou grands. Finalement, de véritables accords ont été
17 conclus entre la communauté serbe et les autorités royales autrichiennes.
18 C’est la cour de Vienne qui a fini par accorder certains privilèges aux
19 Serbes.
20 En tant que paysans-soldats, ces Serbes étaient censés défendre
21 les frontières. Les seigneurs croates voulaient qu’ils soient d’abord
22 paysans, puis soldats, et qu’ils ne soient soldats que forcés par la
23 nécessité, leur première obligation étant de travailler la terre. Mais les
24 autorités
25 royales ont insisté pour que ces personnes soient d’abord soldats et
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1 seulement après paysans, dans la mesure des nécessités qui se
2 présentaient. Il fallait bien sûr que ces personnes puissent s’alimenter.
3 Tous, ou pratiquement tous les Serbes, ont accepté cette décision dictée
4 par la cour de Vienne, car cela signifiait pour eux qu’ils pouvaient vivre
5 en tant qu’hommes libres. Ils n'auraient plus à payer trop de dû. Ils
6 auraient pour seule obligation de faire leur service militaire et de
7 maintenir, pendant toute leur vie, leur loyauté à l'égard de leurs
8 dirigeants. Pendant cette période, et au cours des siècles suivants,
9 jamais ces Serbes n'ont trahi ce serment de loyauté.
10 M. Fila (interprétation). - Quels étaient les avantages pour les
11 Krajina ?
12 M. Gavrilovic (interprétation). - C'étaient les suivants.
13 D'abord, ces personnes étaient devenues des paysans libres qui ne devaient
14 plus payer d'impôts du tout. Il s'agissait, à cette époque, d'un privilège
15 tout à fait exceptionnel qui leur a été accordé. Il y avait aussi la
16 reconnaissance tacite du droit des Serbes à excercer leur propre religion
17 (la religion orthodoxe). Les Serbes disposaient même de beaucoup
18 d'éléments d'auto-gestion, d'auto-gouvernement, surtout avec le statut des
19 Vlaks accordé en 1630 par Vienne. Trois ans auparavant, Vienne avait
20 reconnu le droit à la propriété terrienne pour toute cette partie de
21 territoire où les frontières de la Krajina s'étaient installées au XVIème
22 et au XVIIème siècle. Sous l'angle territorial, la Krajina militaire était
23 tout à fait distincte de la Dalmatie, par exemple. Par la suite, en 1690,
24 lorsque le patriarche Karnovic a dirigé les Serbes au cours d'une grande
25 migration du sud vers le nord, les Serbes ont disposé d'un statut encore
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1 plus renforcé. Ils avaient davantage de privilèges, du moins au regard de
2 ce qu'il se faisait à l'époque. Les points saillants étaient les
3 suivants : liberté de religion, pouvoir séculier et religieux des
4 patriarches sur les Serbes orthodoxes, mais aussi sur les Vlaks, les
5 Cincars, tous ceux qui étaient de religion orthodoxe. Ceci a donné, par la
6 suite, Karlosvski. En répondant aux souhaits formulés par toute la
7 population serbe dans le royaume, la cour de Vienne a reconnu les Serbes
8 comme étant une "natio serba illyrica". Ses privilèges ont été élargis
9 aussi aux parties annexées, donc en Croatie, en Slavonie et en Dalmatie.
10 Donc, la première couche de privilèges accordés a d'abord été
11 accordée aux personnes se trouvant à la frontière de la Krajina, puis les
12 privilèges ont été élargis.
13 M. Fila (interprétation). - Maintenant, vous parlez du mouvement
14 illyrien ?
15 M. Gavrilovic (interprétation). - Oui.
16 M. Fila (interprétation). - Passons maintenant à la première
17 moitié du XIXème siècle.
18 M. Gavrilovic (interprétation). - Il y a eu un mouvement de
19 résistance des jeunes générations, des intellectuels croates et d'autres
20 citoyens croates, qui s'opposaient à la domination hongroise, à cette
21 suprématie hongroise, et au refus des Hongrois d'assimiler les personnes
22 qui ne seraient pas d'origine hongroise. Le hongois, comme langue, devait
23 être utilisé dans les écoles, dans l'administration, dans toute la vie
24 publique. Les Croates ont d’abord résisté de façon désorganisée, c'est
25 ensuite toute la paysannerie qui a pris la relève. La bourgeoisie se
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1 formait surtout à Graz, à Vienne, en Italie du nord. L'esprit du
2 libéralisme européen avait été implanté dans leurs esprits. Vous savez que
3 c'est un mouvement religieusement très tolérant et ceci a permis aux
4 Serbes d'accéder à la vie politique. Car auparavant, les Serbes avaient
5 beaucoup d'importance au plan économique, au plan militaire. Il s'agit de
6 la défense de ce qui restait de la Croatie, de l'empire austro-hongrois.
7 C'étaient des commerçants. Les Cincars étaient aussi des commerçants, dans
8 toute cette région qui va jusqu'à Karlovac, Trieste et Rijeka.
9 Une autre chose est importante. Rappelez-vous que ce sont des
10 orthodoxes, il n'y a pas vraiment de classe noble très établie. Cela veut
11 dire que les Serbes étaient exclus de la vie politique. Après tout, la vie
12 politique à l'époque était limitée aux nobles, la populace n'y avait pas
13 accès. Seuls les nobles pouvaient exercer la politique. Mais maintenant,
14 grâce à ce mouvement illyrien, la porte est ouverte aux Serbes qui peuvent
15 avoir accès à la vie politique, à la vie publique. Les Serbes l'ont bien
16 compris par le biais de leurs intellectuels, de leur classe
17 commerçante.
18 M. Fila (interprétation). - Veuillez ralentir.
19 M. Gavrilovic (interprétation). - Excusez-moi. C'est de cette
20 façon-là que les Serbes ont eu accès à la vie politique et sociale et ont
21 commencé à être reconnus. Je me contenterai de mentionner un seul élément.
22 L'argent ou les questions financières dans la Slavie du sud. Les premières
23 caisses d'épargne ont été ouvertes par un Serbe, Anaslav Popovic. C'était
24 une caisse d'épargne croate, fondée en 1847. M. Popovic a introduit ce
25 qu'on a appelé le langage yougoslave, ou serbe, ou croate, dans la vie
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1 commerciale. C'était important pour ce qui est de psychologie de la
2 nation. Car les Serbes faisaient preuve de beaucoup d'adresse. Dans la
3 presse de ce mouvement illyrien, on voit que les Serbes commencent à
4 lancer toutes les institutions qui vont exister en Croatie, comme le
5 mouvement Matica. J'ai déjà dit que l'élément qui a le plus permis
6 Matica Hrvatska est le fait d'un ex-prince de Serbie ou plutôt de son
7 fils, Mikhailo Obrenovic qui a donné 2.000 florins d'argent pour cela,
8 alors que la famille bien connue Slavkovic n'a donné que 200 ou
9 500 florins. Ce sont des choses bien connues dans la première histoire de
10 Matica Hrvatska mais on ne le retrouve plus dans la deuxième mouture de
11 cette histoire.
12 M. Fila (interprétation). - Passons maintenant à quelque chose
13 de très important. Quand la décision du Sabor, parlement croate, est-elle
14 promulguée en ce qui concerne l'égalité du langage serbo-croate ?
15 M. Gavrilovic (interprétation). - En 1840, il y avait 52 Serbes
16 au parlement croate. Il n'y en a jamais eu autant par la suite. Ceci
17 montre qu'il s'agit là de citoyens importants, que les Serbes étaient élus
18 non seulement par les Serbes, mais qu'ils étaient aussi élus par les
19 personnes de foi catholique, des Slovènes en général ou des gens de
20 Slavonie. Comme le parlement croate avait accepté et entériné cette
21 alliance entre la Voïvodine et la Serbie, ce qui avait été proclamé lors
22 de l'Assemblée du 13 mai, la Srem devenait une partie constitutive. Ceci a
23 été accepté par le
24 Sabor, le parlement croate, entérinant ainsi l'alliance des Serbes avec
25 les autres et l'unité politique. En terminologie, quand on parlait de
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1 "notre langue", on ne disait pas "croate", encore moins "serbe", car
2 l'idée était d'avoir l'intégration de la langue pour les Slaves du sud.
3 Après l'échec de la révolution, après la période absolutiste de 1861, il y
4 a eu un renouveau de la vie politique, de la vie des partis et du
5 parlementarisme. Il y a eu beaucoup de difficultés, de tribulations, mais
6 en 1867, le parlement croate s'est réuni. Il y a eu aussi en 1867 un
7 accord avec les Austro-hongrois, il devait y avoir une organisation double
8 de ce qui se passait au niveau de la monarchie. Les hommes politiques
9 croates avaient peur de ce qui pouvait se passer et ils ont cherché des
10 alliés. Ils ont trouvé cet allié parmi les Serbes, les Serbes de Croatie,
11 les Serbes de Voïvodine et les Serbes de Hongrie. A l'époque, le parlement
12 croate a formulé une déclaration sans ambiguïté qu'il fallait faire régner
13 entre les Serbes et les Croates. Ils ont accepté le peuple serbe comme
14 étant un peuple distinct, une nation distincte. Aujourd'hui, on parlerait
15 de "nation titulaire". La langue utilisée, que l'on appelait "notre
16 langue", est devenue la langue yougoslave, donc la langue croate et la
17 langue serbe.
18 M. Fila (interprétation). - Qu'appelait-on pravastvo ?
19 M. Gavrilovic (interprétation). - C'est une idéologie, un
20 mouvement né en Croatie avec la renaissance de la vie constitutionnelle et
21 qui a trouvé son apogée avec Ante Starcevic, le père de la patrie. Sans
22 entrer dans la polémique qui entoure la personnalité d’Ante Starcevic,
23 j'aimerais souligner ceci. Avec Eugen Kvaternik et auparavant avec le
24 général Majorecic, cet homme, Starcevic, a été le créateur d'une théorie
25 génocidaire raciste que l'on allait appliquer plus tard en Croatie. Quelle
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1 est la théorie de base ? La voici. La Croatie est un pays unifié qui
2 devrait avoir ses frontières historiques partant des Alpes vers la Mer
3 noire. Les Serbes en tant que peuple n'existent pas, dit cette théorie.
4 Ceux qui s'appellent Serbes sont en fait de souche croate. Ces Serbes font
5 simplement partie de la nation croate. Starcevic et ses partisans
6 voulaient séparer ces personnes du corps uniforme du peuple de Croatie.
7 Starcevic est même
8 allé plus loin, il avait dit que les dirigeants serbes du Moyen-âge
9 étaient Croates. C’était tout à fait insensé. Josip Stroski et d’autres
10 dirigeants insistaient sur cette théorie. On disait que ces personnes
11 étaient des Bizantins, que les Serbes étaient des non-frères, que c’était
12 des gens qu’il fallait détruire à la hache. Pour eux, les Serbes n’avaient
13 pas de visage, c’était une masse informe, c’est ce que disait Starcevic,
14 et tout ce que cette masse méritait c’était la hache. Cette idéologie a
15 trouvé son écho dans la communauté de la petite bourgeoisie en Croatie,
16 surtout dans la ville de Zagreb, mais aussi en province. Cette idéologie a
17 servi d’instrument au parti politique croate, le parti des droits croates
18 qui a été établi et qui devait être différent du parti populaire croate et
19 des autres partis qui ont suivi, du parti indépendant et du parti
20 unioniste notamment. Ce parti a été dirigé par Antel Starcevic lui-même et
21 par Kvaternik. Il est intéressant de constater que les protagonistes de la
22 rébellion qui allait suivre étaient des Serbes. Ils se trouvaient dans la
23 région, ils étaient dirigés par Juhic et c’était lui qui était à la base
24 de cette rébellion. A la fin du siècle, cette idéologie, après la mort de
25 Starcevic, a servi d’instrument, d’outil, à Josip Franz qui était un
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1 partisan de la partie impérialiste de la cour autrichienne, qui après les
2 luttes de libération en Italie avait été avait été évincée. Il pensait
3 qu'après les combats avec la Prusse, il fallait s'intéresser à la Bosnie-
4 Herzégovine pour finir par dominer les Balkans. Ceci signifiait, lorsqu'on
5 parle du royaume de Serbie, que c'était une installation à visée
6 stratégique, qu'il fallait soit détruire le royaume de Serbie comme Etat
7 ou l'intégrer dans la monarchie. Tout ce que Starcevic a dit est devenu
8 son programme qui a été traduit dans la réalité de façon brutale. Il y a
9 eu plusieurs pogroms infligés à la population serbe en 1892, en 1895 et
10 en 1899 et surtout en 1909, lorsque le parti a lancé pour devise : "Mort
11 aux Serbes". Dans cette ligne de pensée, des institutions serbes (les
12 banques, les églises, les maisons particulières serbes) à Zagreb furent
13 attaquées et détruites en l'espace de trois jours. Même si, à l'époque,
14 les Serbes faisaient preuve d'une loyauté entière à l'égard de l'Etat, ils
15 n'étaient pas représentés dans le parlement croate, mais plutôt dans la
16 monarchie des Habsbourg, à Vienne.
17 M. Fila (interprétation). - Pouvons-nous passer à la Première
18 Guerre mondiale et à l'accord de Londres de 1915, sur ce qui était offert
19 à la Serbie ?
20 M. Gavrilovic (interprétation). - Sur la Serbie, on connaît bien
21 l'événement de l'assassinat à Sarajevo. Le gouvernement n'était pas
22 responsable de cet assassinat, mais la Serbie a été engloutie dans une
23 guerre terrible pour laquelle elle n'était pas préparé du point de vue
24 militaire ou psychologique. De façon idéologique, le pays était exsangue
25 après les deux guerres des Balkans. On a estimé que la majorité des
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1 objectifs nationaux avaient été atteints. En effet, en se fondant sur les
2 documents de base de politique nationale serbe de Garaskanin, en 1840, la
3 politique serbe visait et devait viser les Balkans. C'était une politique
4 balkanique si vous voulez. Garaskanin qui a été attaqué vous montre en
5 fait que le royaume de Croatie, de Dalmatie et les Habsbourg sont
6 pratiquement passés dans l'oubli. Les idées principales de Garaskanin
7 étaient de libérer les Serbes des Balkans et de créer une alliance entre
8 les peuples afin que la question orientale puisse être résolue en se
9 fondant sur les nationalités ; ceci en utilisant les peuples des Balkans.
10 Ceci n'aura été possible que grâce à une alliance. Cela a été tenté à deux
11 reprises : Mihajlo en a été une victime. En fin de compte, on a essayé de
12 libérer toutes les populations des Balkans de la domination turque, y
13 compris les Serbes, les Grecs et les Balkans.
14 M. Fila (interprétation). - Passons maintenant au traité de
15 Londres de 1915. Qu'a-t-on offert à la Serbie ?
16 M. Gavrilovic (interprétation). - Lorsque la Serbie est entrée
17 en guerre, l'objectif était de défendre son territoire, de défendre ce
18 qu’elle avait gagné jusqu’en 1914. Toutefois, une partie des intellectuels
19 croates de Serbie, de Bosnie, certains Serbes de Voïvodine ont quitté la
20 monarchie Habsbourg ; ils ont émigré. Sous la direction de Ante Trumbic,
21 de Frano Supilo, les représentants de la tendance dalmate ont créé ce que
22 l’on pourrait appeler un conseil ou un comité yougoslave, soutenu par le
23 gouvernement serbe, qui devait servir d’agent gouvernemental afin de faire
24 la propagande de ses objectifs politiques et de guerre auprès des
25 pays occidentaux. A l’époque, il y avait des négociations entre l’Italie,
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1 les forces de l’Entente. Ces forces de l’Entente, dans le cadre du traité
2 de Londres de 1915, ont promis une partie de la côte adriatique, sur la
3 côte slave du sud, des frontières très favorables aux Serbes, région qui
4 devrait couvrir la majorité des territoires sur lesquels résidaient les
5 Serbes. Il n’y avait qu’une petite partie qui resterait sous l’autorité
6 des Italiens, en Dalmatie du nord. La partie restante resterait sous ce
7 trinome : entre le Royaume d’Autriche, on ne savait pas très clairement
8 s’il s’agirait du Royaume de Croatie, des Habsbourg ou des Hongrois ; la
9 question était encore sujette à débat. Le gouvernement serbe, sous des
10 pressions exercées par ce conseil yougoslave et poussé par ces
11 intellectuels, a refusé cette proposition. Ils se sont alliés aux Italiens
12 qui étaient très proche des Serbes et qui étaient engagés dans cette lutte
13 de libéralisation et d’autonomie sous la direction de Garibaldi et des
14 autres ; le tout dans le but de renverser le pouvoir des Habsbourg.
15 Lorsque l’Italie s’est libérée, elle avait tout intérêt à maintenir de
16 bonnes relations et amicales avec ses pays voisins et tout
17 particulièrement avec les peuples serbes. Donc ce rejet du traité de
18 Londres a eu de graves conséquences pour les Serbes. Le gouvernement serbe
19 a accepté un programme beaucoup plus vaste d’unification de tous les
20 peuples slaves, à l’exception des Bulgares dont le rôle historique était
21 totalement différent. Leur langue n’est pas liée à celle des autres
22 peuples.
23 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, Professeur, lorsqu’on a
24 fait cette offre dans le cadre du traité de Londres, a-t-on utilisé le
25 terme de Grande Serbie ?
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1 M. Gavrilovic (interprétation). - Non, la Grande Serbie est une
2 interprétation historique de propagande autro-hongroise. Tout peuple est
3 un grand peuple, quel que soit le nombre de ses habitants. On ne peut pas
4 parler de Grande Serbie. C’est une notion qui vient, en fait, d’Autriche
5 et de Vienne. On s’est trouvé dans une situation où l’on offrait à la
6 Serbie une certaine extension, une augmentation de son territoire, qui
7 regrouperait sous un seul Etat une nation, une seule nation orthodoxe par
8 rapport à d’autres nations. Le Prince Mijhajlo faisait
9 preuve d’une grande tolérance vis-à-vis des Catholiques en Bosnie et des
10 Musulmans également. Il savait qu’il n’existait pas d’Etat ethniquement
11 « pur ». La seule chose possible serait d’obtenir un Etat mixte puisqu’il
12 découle de l’histoire et, pour réussir, il faudra ou coopérer ou être
13 détruit.
14 M. Fila (interprétation). - A la fin de la Première Guerre
15 mondiale, quel Etat a-t-on créé ? Comment s’est-il appelé ? Pourquoi ?
16 Quelles personnes se sont retrouvées dans cet Etat ?
17 M. Gavrilovic (interprétation). - Au cours de la Première Guerre
18 mondiale, il y a eu une collaboration plus forte entre le conseil
19 yougoslave et le gouvernement serbe. Ils n’étaient pas toujours très amis,
20 mais en 1917, ce qui est important, c’est qu’une réunion a été organisée à
21 Corfou, et dans la déclaration de Corfou, les deux parties ont accepté ce
22 qui suit : la création d'un Etat uniforme de Serbes, Croates et de
23 Slovènes. Cet Etat sera une monarchie sous la dynastie Karadordevic, Etat
24 se fondant sur les principes qui seraient élaborés par une assemblée
25 constitutionnelle formant l'Etat en tant que tel. Dans la phase finale de
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1 la Guerre, on a assisté à une renaissance de la vie politique et de
2 partis. Après le décès de Trabas Josef et en 1917/1918, on a également
3 assisté à un renouveau de la vie politique dans le royaume trinomial, sous
4 la coalition Sabor croato-serbe qui avait été créée en 1905 et qui après
5 les élections de 1914 a toujours remporté les élections. C'est la raison
6 pour laquelle elle a été élue légalement après une période d'absence. En
7 effet, les dirigeants serbes avaient été arrêtés, les membres croates de
8 la coalition ont été repris, et ont fait partie du conseil. Après le
9 retour de la coalition, ils ont joué un rôle au parlement croate, avec son
10 président M. Pribisevic qui a joué un rôle tout particulier. Après la
11 désintégration du royaume austro-hongrois, le conseil yougoslave a un peu
12 disparu de la scène. Le parlement croate est arrivé en premier plan, il
13 était dominé par la coalition serbo-croate dirigée par Pribisevic. La
14 monarchie avait pour premier objectif, l'unification des peuples slovènes,
15 croates, des peuples serbes de Voïvodina, ainsi que les
16 Serbes, les Croates et bien entendu les Musulmans de la Bosnie, puisque
17 les Musulmans faisaient partie eux-aussi de la monarchie. L'objectif étant
18 de créer une Yougoslavie Habsbourg, si vous voulez, qui pourrait négocier
19 sur un pied d'égalité avec le gouvernement serbe de Belgrade. Mais les
20 Serbes de la Voïvotine, après un plébiscite, donc un vote volontaire, ont
21 rejoint le royaume de serbie. Après une décision prise le
22 25 novembre 1918, les représentants des serbes de Voïvodine, les
23 Slovaques, les Covaks, les Allemands, et je souligne cela les Allemands,
24 se sont prononcés en faveur du royaume de serbie et ont voulu rejoindre la
25 Serbie. A l'époque, la Serbie était l'Etat le plus proche. Au Monténégro,
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1 la population a rejoint le royaume de Serbie. Donc la position du
2 gouvernement de Zagreb a été fortement affaiblie. A un moment donné,
3 l'armée italienne a commencé à pénetrer dans la région et à s'en rendre
4 maître puisqu'ils estimaient que cette région au titre du traité de
5 Londres leur appartenait, soit qu’une partie de la Slovénie et du royaume
6 de Dalmatie leur appartenait. Ces régions étaient soumises à des pressions
7 de deux partis, d'une part exercées par la présidence du parlement de
8 Zagreb, d'autre part par le gouvernement de Serbie qui, sans aucune
9 négociation préalable à la forme que devait prendre cet Etat à l'avenir,
10 ont exercé des pressions afin d'unifier la région et ont poussé l'armée
11 serbe à prendre ses positions dans des régions sous l’attaque des troupes
12 italiennes. La Serbie a répondu à cette exigence, repoussé les italiens
13 bien qu'il y avait dans le passé une alliance militaire avec l'Italie et a
14 accepté ces pressions exercées qui visaient l'unification. La question est
15 simplement d'ordre technique ; une délégation qui venait de Zagreb sous la
16 direction d'Ante Palevic, pas le même Palevic que celui qui avait été
17 assassiné pendant la Seconde Guerre mondiale, mais un autre Palevic, était
18 à la direction d'une délégation qui a été envoyée à Belgrade et a proposé
19 l'unification au titre d'une déclaration qui a été accepté par le régent
20 de l'époque et par le roi Karadolevic, et c'est ainsi que ce royaume
21 trinomial des Serbes, des Croates et des slovènes a été créé.
22 M. Fila (interprétation). - Merci Professeur. Pouvez-nous dire
23 très rapidement
24 avant la pause quelle a été la genèse du mouvement oustachi ?
25 M. le Président (interprétation). - J'aimerais que vous soyez
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1 aussi bref que possible. Dans dix minutes, nous allons faire notre pause.
2 Pouvez-vous terminer en dix minutes ou vous faudra-t-il du temps
3 supplémentaire après la pause ?
4 M. Fila (interprétation) - Après la pause, je pourrai me
5 contenter d'une seule question, ce sera suffisant. De toute façon, j'avais
6 prévu une heure trente. Je serai bref. Mas j'aimerais que vous preniez
7 bien note que je n'ai jamais dépassé l'horaire que je m'étais fixé.
8 Pouvez-vous, s'il vous plaît, être le plus rapide possible puisqu'il ne
9 nous reste que peu de temps
10 M. Gravilovic (interprétation) - Le mouvement idéologique et
11 théologique oustachi repose sur une idéologie de Pravac kuadceric et
12 Starcevic. Elle a été appliquée dans tous les gouvernements du royaume de
13 Yougoslavie, en plus des Serbes, des Solvènes qui étaient fortement
14 représentés. Il y avait également des représentants des Musulmans de
15 Bosnie-herzégovine. Tous ces peuples étaient représentés au sein du
16 parlement qui comportait également des Croates. Le Premier ministre des
17 Affaires étrangères, un des ministères les plus importants d'un pays,
18 était dirigé par un croate, était Ante Trumbic. C'est lui qui a négocié
19 pendant les négociations de paix à Versailles, et avant. C'est lui qui a,
20 tout particulièrement, tenu compte des frontières occidentales de l'Etat
21 et c'était très important pour lui. Pour ce qui est des faiblesses des
22 hommes politiques serbes, du fait qu'ils ont été peu prudents dans la
23 définition des frontières orientales de l'Etat, et d'ailleurs lors de la
24 dictature que le roi Alexandre a imposé le 6 janvier 1929, trois
25 ministères clé tenus par les Croates.
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1 M. Fila (interprétation). - Vous avez parlé de M. Trumbic. A-t-
2 il représenté la Yougoslavie lors de la Conférence de Versailles ?
3 M. Gravilovic (interprétation) - Oui.
4 M. Fila (interprétation). - Y a-t-il eu des problèmes à
5 l'époque ?
6 M. Gravilovic (interprétation) - Oui, il y a toujours eu des
7 problèmes. Les Italiens,
8 puisqu'ils étaient du côté des alliés pendant la Première Guerre mondiale,
9 ont défendu le traité de Londres. Ils n'étaient pas très heureux de voir
10 parmi la délégation italienne des Croates puisqu'ils savaient qu'ils
11 allaient se battre pour la frontière en Istrie.
12 M. Fila (interprétation). - Reprenez sur le mouvement oustachi
13 car il ne nous reste plus que sept minutes.
14 M. Gravilovic (interprétation) - Donc, l'idéologie du parti
15 croate des droits, cela signifie qu'il ne pouvait pas y avoir de
16 réconciliation avec les Serbes. En 1929, après l'assassinat de Tradic au
17 parlement, le mécontentement prenait de plus en plus d'ampleur. Pavelic a
18 émigré et a essayé de rallier à ses rangs des personnes, des Croates peu
19 satisfaits, en Autriche également, des personnes désireuses de le suivre.
20 C'est ainsi que, très rapidement, il a créé une bonne base pour son
21 mouvement oustachi. Ce mouvement était lié à l'iladenka européenne, qui
22 comportait des Hongrois, des Bulgares et d'autres irrédentistes. Ce groupe
23 s'est doté d'un statut, d'un réglement. Il s'agit donc d'une organisation
24 nationaliste dont l'objectif était de lutter contre la Yougoslavie, contre
25 le peuple serbe, par tous les moyens, et en s'alliant avec toute autre
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1 personne.
2 M. Fila (interprétation). - Qu'en était-il de l'avenir des
3 Serbes, s'il arrivait au pouvoir ?
4 M. Gavrilovic (interprétation). - Si l'on reprend leur
5 idéologie, les Serbes devaient être détruits ou expulsés de Croatie, ou
6 alors, comme on peut le lire, reconvertis vers leur foi originelle qui est
7 le Catholiscisme. Les Serbes devaient être "déserbisés", selon le terme
8 que nous utilisons maintenant. Car, en fait, le parti croate du droit se
9 fondait justement sur cette théorie.
10 M. Fila (interprétation). - Etait-ce la théorie des trois
11 tiers ?
12 M. Gavrilovic (interprétation). - Non, elle n'était pas encore
13 formulée à l'époque. Mais elle était dans l'esprit du principe oustachi :
14 l'assassinat du roi Alexandre, la tentative de
15 soulèvement à Lika en 1932, etc. Mais cette politique, ou cette idéologie
16 des trois tiers, a été énoncée de façon claire lors de l'Etat indépendant
17 de Croatie, lors de l'Etat allemand Kislim. Milo Budak, un auteur
18 important, a déclaré : "Un tiers des Serbes doit être converti au
19 Catholiscisme, un deuxième tiers doit être expulsé, un troisième tiers
20 doit être massacré".
21 M. Fila (interprétation). - Pouvons-nous en conclure que ce
22 principe a été appliqué pendant la période d'Etat indépendant de Croatie ?
23 M. Gavrilovic (interprétation). - Oui, absolument et de façon
24 incontestable, et d’une façon qui n'a pas été dépassée dans l'histoire
25 mondiale. Elle a dépassé, de loin, les méthodes appliquées par
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1 Ghengis Khan et Taberlan , et je parle ici au point de vue de la cruauté.
2 Dans le témoignage d'expert que je vous ai soumis, je crois que
3 j'ai clairement prouvé les méthodes appliquées, ainsi que le niveau de
4 bestialité (je ne parle même pas de cruauté, je parle de bestialité) qui a
5 été appliqué à l'encontre d'un peuple qui n'avait pas de dirigeant. Il
6 s'agissait de paysans. Que peut-on reprocher à un Serbe de Kozara, un
7 paysan analphabète, vivant dans les montagnes de Slavonie, et qui n'a
8 jamais vu une ville ! Mais il savait qu'il était Serbe, il savait qu'il
9 était orthodoxe !
10 M. Fila (interprétation). - Et qu'en étaient les conséquences ?
11 M. Gavrilovic (interprétation). - Les conséquences étaient
12 Jerdotrops, Mitovica, tous ces camps de concentration. Il y avait des
13 camps près de pratiquement toutes les grandes villes. J'étais lycéen dans
14 l'école de Victoria. Donc à Sremski Karlovci, j'en avais entendu parler.
15 J'avais entendu parler de l'idéologie oustachi à Vinkovski. Pendant
16 l'occupation, j'ai souffert des souffrances de mon peuple. Dans un petit
17 village près de Vinkovski (je ne sais plus si c'était le 20 ou le
18 24 octobre 1944, malheureusement, je ne me souviens pas de la date
19 exacte), 64 personnes, y compris des gens de mon village, ont été
20 assassinées de façon terrible. Elles ont été égorgées. Elles n’étaient
21 mortes qu’à moitié lorsqu’on les a ensevelies. Leur pierre tombale y est
22 toujours, je ne sais pas si elle sera détruite demain.
23 M. Fila (interprétation). – Je vous remercie. J’ai une dernière
24 question, après la pause, qui fait référence au mémorandum. Maître Willa
25 en a parlé et comme notre témoin est membre de l’académie il pourra y
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1 faire référence.
2 M. le Président (interprétation). - Nous reprenons à
3 10 heures 20.
4 La séance, suspendue à 10 heures 05, est reprise à 10 heures 20.
5 M. le Président (interprétation). - Maître Fila.
6 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, je souhaite
7 poser la dernière question concernant ce fameux mémorandum. Entre-temps,
8 entre la déposition de M. Miller et aujourd'hui, j’ai remis ledit
9 mémorandum de l’académie serbe des sciences et des arts. Vous pouvez le
10 consulter dans votre bibliothèque lorsque vous le souhaiterez.
11 Monsieur le Professeur, dites-nous ce qu’est ce document que
12 l’on nomme mémorandum, comment a-t-il été créé, de quoi il s’agit, de
13 quelle sorte de texte ou de projet, qui l’a publié, quelles en étaient les
14 conséquences, etc ?
15 M. Gavrilovic (interprétation). - Le mémorandum devait être un
16 texte critique contenant un programme qui devait attirer l’attention du
17 peuple serbe sur la situation dans laquelle celui-ci se trouvait et
18 proposer des solutions à cette situation. Cependant, les événements ont
19 pris un autre cours et, en effet, un cours dramatique. Mais je souhaite
20 dire que la période durant laquelle la décision de créer un tel programme
21 a été prise était la période après la guerre, à la mort de Tito, lorsque
22 le parti communiste yougoslave, qui existait toujours à l’époque jurait de
23 continuer à suivre le chemin de Tito même après sa mort. Le slogan
24 officiel était : « avec Tito, même après Tito ». Cependant, le peuple
25 croate, durant la période du règne de Tito et après sa mort, a été de plus
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1 en plus négligé. La position de la république de Serbie au sein de l’Etat
2 fédéral yougoslave a été particulièrement tragique. En effet, avec deux
3 provinces
4 autonomes, celle du Kossovo et celle de la Voïvodine, les dirigeants
5 politiques serbes, et donc ceux qui se trouvaient aussi à la tête du
6 parti, se voyaient sans arrêt mis dans l’impossibilité de mettre en oeuvre
7 les buts économiques, politiques et autres qui étaient ceux de l’Etat de
8 la république serbe et du peuple serbe. En effet, un phénomène étrange
9 « d’anti-serbisme » a fait son apparition et là où on s’y attendait le
10 moins, sur le territoire macédonien, une « macédonisation » s’est opérée.
11 Aucun des Serbes n’a renié l’Etat fédéral, ou l’entité fédérale de
12 Macédoine, mais dans cet Etat les Serbes ont été traités pire qu’une
13 minorité nationale. Ce qui apparaissait le plus clairement, c’était la
14 profanation des monuments culturels et historiques serbes, des monastères
15 et des cimetières militaires serbes qui ont été établis durant la Première
16 Guerre mondiale, où les Serbes ont aidé les Macédoniens qui se trouvaient
17 auparavant sous le pouvoir et l’autorité turque. La Slovénie appliquait sa
18 propre politique, elle se cachait derrière le masque yougoslave mais
19 appliquait une politique profondément nationaliste, surtout dans le
20 domaine de la politique économique. Mais je ne suis pas un expert dans ce
21 domaine et je ne vais pas m’étendre sur le sujet. En ce qui concerne la
22 Voïvodine, il existait un type de séparatisme tout à fait particulier dont
23 les racines se trouvaient dans l’ancienne monarchie austro-hongroise. Dans
24 cette région, un nombre insignifiant de personnes, qui n’avaient pas
25 beaucoup d’influence, regrettaient l’ancienne monarchie et affirmaient que
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1 la Serbie appliquait une politique trop unitariste à l’égard de la
2 Voïvodine. Il s’agissait d’une ligne dogmatique au sein du parti, des
3 restes de la ligne qui soutenait le mouvement stalinien au sein de la
4 classe politique en Voïvodine, qui englobait à la fois les Serbes et les
5 non-Serbes de Voïvodine. Concernant la Bosnie et la Croatie, je vais dire
6 encore quelques mots. Concernant la Bosnie, l'islamisation qui existait de
7 manière masquée, déjà auparavant a commencé à devenir de plus en plus
8 visible. Ceci se passait surtout sur le plan de la vie culturelle et
9 économique de la Bosnie. Avec la thèse selon laquelle l'Etat turc n'était
10 pas un Etat impérialiste qui tolérait et appliquait le génocide, mais
11 qu'il s'agissait là presque d'une communauté idéale pour les peuples des
12 Balkans. Les pressions
13 exercées sur l'intelligentsia serbe étaient telles que de nombreux
14 intellectuels se sont vus contraints de quitter cette république, comme
15 Vojislav Luberda, Petrac Palavestra et d'autres. Un grand nombre
16 d'intellectuels serbes ont dû quitter cette république parce qu'ils ont
17 été soumis à des pressions des organismes du parti, qui menaient une
18 politique bosniaque de plus en plus islamisée. Certains Serbes ont
19 participé à une telle politique, eux aussi. Concernant la Croatie, dans
20 les livres écrits sur l'histoire, on a minimisé le rôle des Serbes. On ne
21 nous l'a quelquefois même pas mentionné. Les experts Gros, Karaman et deux
22 autres ont, dans leur livre, au moins dans l'introduction, ont dit : "Nous
23 n'avons pas mentionné les Serbes ici, étant donné que cette question sera
24 traitée au sein de l'histoire serbe." Au moins, ils ont été honnêtes, ils
25 ont avoué qu'ils ont omis de mentionner les Serbes. La thèse prédominante
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1 en Croatie était celle selon laquelle tout ce qui était négatif dans
2 l'histoire dans ce pays était la faute et la responsabilité des Serbes. Le
3 rôle positif des Serbes était minimisé. Une partie de la classe dirigeante
4 en Croatie, dont certains Serbes ont également fait partie, a mené une
5 telle politique avec de telles aspirations, ce qui a provoqué une amertume
6 au sein de la population serbe. Je vais vous donner simplement un exemple.
7 Un des linguistes les plus importants dans le monde, Pavle Ilvic,
8 lorsqu’il a écrit un livre sur la langue et le peuple serbe, Drago Savac
9 s'est attaqué à ce livre et à cet auteur, non pas seulement à cause des
10 conséquences linguistiques de ce livre, mais à cause des conséquences
11 politiques que cet aspect linguistique entraînait. Donc, le mémorendum
12 devait se créer à un moment très difficile pour le mouvement serbe,
13 c'était du moins la manière dont nous, les intellectuels, nous avons vu
14 les choses. Dans une telle ambiance, lorsque l'académie des sciences était
15 tout à fait mécontente de la politique du comité central du parti de
16 Serbie et du gouvernement de Serbie, et de la politique serbe au sein de
17 la Fédération, la décision a été prise de créer un groupe de travail qui
18 devait rédiger un texte critique et proposer des solutions éventuelles
19 pour que cela constitue éventuellement une base à l'avenir d'une création
20 d'un programme national serbe, étant donné que notre position était que la
21 Serbie
22 n'avait pas de programme national, et étant donné qu'elle ne pouvait pas
23 mener une politique nationale non plus. Vu la situation qui régnait,
24 c'est-à-dire que la Serbie faisait partie d'une fédération, nous ne
25 souhaitions pas provoquer la désintégration de cette fédération, mais nous
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1 souhaitions que certains changements soient effectués et que, après la
2 rupture des liens avec l'Unions soviétique, cette entité retrouve sa vraie
3 place en europe. L'idée était qu'un certain nombre d'experts, par exemple
4 dans le domaine économique, politique, de l'histoire politique, de l'art,
5 etc, devaient écrire des textes qui devaient faire partie de la même série
6 de textes et être publiés ensemble ; on parlait de six ou sept textes.
7 Moi-même je suivais cela, mais pas tout à fait de près étant donné que je
8 ne vis pas à Belgrade mais à Novi Sad, mais j'allais régulièrement aux
9 réunions de l'assemblée de l'académie des sciences au moment où cette
10 série de textes devait être terminée. Ces textes-là, avant leur
11 publication, devaient être remis au conseil exécutif de l'académie des
12 sciences.
13 M. le Président (interprétation) - Excusez-moi, Monsieur le
14 professeur, pouvez-vous nous dire en quelques mots le contenu de ce
15 mémorendum ?
16 M. Fila (interprétation) - Donc, le texte n'a jamais été remis
17 au conseil exécutif, n'est-ce pas ?
18 M. Gavrilovic (interprétation) - Effectivement parce que si ce
19 texte avait été remis au conseil exécutif et adopté, il aurait eu le
20 statut d'un docuemnt officiel, mais tel n'a pas été le cas.
21 M. Fila (interprétation) - Est-ce que l'on peut dire qu'à cause
22 de cela il ne s'agissait pas d'un document officiel de l'académie serbe
23 des sciences ?
24 M. Gavrilovic (interprétation) - Absolument, tout d'abord, étant
25 donné qu'il n'a jamais été complété, et en deuxième lieu étant donné qu'il
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1 n'a jamais été examiné de manière officielle, mais tel n'a pas été le cas.
2 M. Fila (interprétation) - Peut-on dire qu’à cause de cela il ne
3 s'agissait pas d'un
4 document officiel de l'académie serbe des sciences ?
5 M. Fila (interprétation) - Professeur, comment se fait-il que le
6 public ait appris le contenu de ce mémorendum ?
7 M. Gavrilovic (interprétation) - En ce qui concerne le
8 mémorendum et la manière dont il a été rendu public, même aujourd'hui la
9 manière dont cela s'est produit n'est pas tout à fait claire. La version
10 qui me semble la plus convaincante à mon avis est que le Pr. Iovan
11 Georgevitch, professeur à la faculté de droit, a reçu la première partie
12 de ce mémorendum afin de l'examiner en tant qu'expert-juriste afin de
13 faire éventuellement quelques interventions en attendant d'autres textes ;
14 et soit-disant le journaliste Iovanovic l'a volé sur sa table et l'a donné
15 au quotidien de Tchernienovostic qui l'a imprimé. On considère que
16 derrière cette opération se trouvait le slovène Staned Dalans, le chef de
17 la sécurité internationale, afin de publier un document qui risquait de
18 compromettre le gouvernement serbe et le comité central du parti
19 communiste serbe.
20 M. Fila (interprétation). - Professeur, pouvons-nous dire que ce
21 document a été rendu public sans l'accord de l'académie ?
22 M. Gavrilovic (interprétation). - Absolument.
23 M. Fila (interprétation). - Dernière question. Vous savez, ce
24 n'est pas peine de mentionner les noms parce que les Juges ici-présents ne
25 connaissent pas tous ces noms. Pouvez-vous nous dire quelle était
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1 l'attitude de la politique serbe envers ce mémorandum ? Le président était
2 Milosevic ?
3 M. Gavrilovic (interprétation). - Ivan Tavolic était le
4 président à l’époque.
5 M. Fila (interprétation). - Quelle était l’attitude serbe envers
6 cela ?
7 M. Gavrilovic (interprétation). - Milosevic était le président
8 du parti à l'époque et le gouvernement a considéré que ce mémorandum
9 constituait un couteau dans le dos. Ils ont été étonnés de voir que, qui
10 que ce soit, osait penser avec sa propre tête et essayait d'entreprendre
11 une action qui démontrait que les membres du gouvernement et du comité
12 central du parti étaient constitués d'individus tout à fait incapables et
13 incompétents.
14 M. Fila (interprétation). - Et quelle était la réaction par
15 rapport à l'académie ?
16 M. Gavrilovic (interprétation). - C'était atroce, une chasse aux
17 sorcières inouie a été lancée à l'encontre des membres de l'académie et de
18 tous ces groupes.
19 M. Fila (interprétation). - Est-ce que des ressources
20 financières vous ont été rétirées ?
21 M. Gavrilovic (interprétation). - On est allé aussi loin que de
22 proposer de dissoudre l'académie, d'élire de nouveaux membres, étant donné
23 que le régime pensait que ce petit groupe de personnes, je pense qu'il
24 s'agissait d'environ dix-sept membres de l'académie. Je dois ajouter que
25 M Vasa Jubli Rilovic, qui avait été auparavant ministre, et qui était
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1 membre de l'académie, devait être chargé de cette action visant à miner
2 l'académie, à remplacer les membres du conseil exécutif. Le but définitif
3 était de réélire un nouveau conseil exécutif constitué de personnes
4 obéissant au régime. Pendant plusieurs mois, les ressources financières
5 qui devaient être attribuées à l’académie, et qui lui appartenaient en
6 vertu de la loi, ont été reniées. Le gouvernement et le comité central ont
7 violé cette loi, ont refusé de financer l’académie, ont dit que même les
8 membres de l’académie n’allaient pas recevoir leurs allocations. Cela nous
9 a fait rire, nous avons dit que nous n’étions pas membres de l’académie
10 pour recevoir les trois cents dinars. Pendant plusieurs mois, aucun membre
11 de l’académie, aucun employé ne recevait de salaire, mais tout le monde,
12 au sein de l’académie, y compris le personnel de base, a soutenu les
13 académiciens. Nous avons réussi à utiliser l’argent qu’on avait reçu pour
14 des projets scientifiques et pour financer les salaires de ces employés
15 qui ont démontré leur solidarité. Par la suite, il y a eu la manifestation
16 de la célébration du centenaire de l’académie. Celle-ci a envoyé des
17 invitations à environ cent cinquante adresses, partout dans le monde. On
18 se préparait à avoir cette grande manifestation spirituelle. Mais étant
19 donné que l’académie est restée sans
20 ressources financières, nos délégations, qui étaient invitées, les gens de
21 l’étranger, ne pouvaient pas venir. Ceux qui sont venus sont les
22 représentants des ambassades, par exemple l’ambassade japonaise, et toute
23 une série d’autres ambassades.
24 M. le Président (interprétation). – Excusez-moi, Professeur,
25 mais il n’est peut-être pas nécessaire d’entrer dans tous les détails.
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1 Avez-vous terminé, Maître Fila ?
2 M. Fila (interprétation). – J’ai terminé.
3 M. le Président (interprétation). – Merci. Je ne sais pas si le
4 Procureur a des questions.
5 M. Williamson (interprétation). – Nous avons des questions qui
6 portent surtout sur l’histoire plus contemporaine. Vous êtes membre de
7 cette académie serbe des sciences et des arts appelée « Sano ». Est-ce que
8 cette académie avait un certain niveau d’influence en Serbie et hors de
9 Serbie ?
10 M. Gavrilovic (interprétation). – L’académie n’avait pas
11 beaucoup d’influence, étant donné le fait que cette institution avait
12 peine à survivre sur le plan financier, qu’elle était à la marge des
13 événements. Vous savez bien ce que signifie un régime communiste. Ils
14 pensaient que la seule sagesse se trouvait parmi les membres du comité
15 central. Nous étions un mal nécessaire. Ils essayaient de nous tolérer,
16 c’est tout ce qu’ils faisaient. Mais le fait même que nous soyons une
17 académie serbe des sciences et des arts signifiait que nous disposions
18 d’une certaine autorité. Je ne parlerai pas d’influence. L'importance au
19 niveau de la pensée des Serbes en Croatie, au Canada ou ailleurs, c'est
20 vrai qu'il y avait une certaine autorité, pourquoi la nier.
21 M. Williamson (interprétation). - Aujourd'hui, dans le cadre de
22 votre déposition, et nous retrouvons ceci dans votre curriculum vitae,
23 vous dites avoir beaucoup souffert au cours du régime oustachi. Loin de
24 moi l'idée de minimiser ces souffrances et les pertes que vous avez
25 subies, mais, avec tout le respect que je vous dois, est-ce que ceci ne
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1 rend pas difficile la tâche qui consiste à présenter une analyse
2 objective, non subjective, des événements qui se sont
3 produits au cours de cette période ?
4 M. Gavrilovic (interprétation). - Pas du tout ! Effectivement,
5 j'ai souffert. Au cours de la guerre, j'étais élève, je n'ai même pas
6 terminé le secondaire, j'ai fini ma 11ème. J'étais élève à Vinkovci, en
7 Croatie. J'ai fait beaucoup de mes recherches en Croatie, à Zagreb.
8 J'avais d'excellents collègues et amis parmi les Croates, surtout parmi
9 les historiens, comme le Pr Jagorcidak, Igor Karaman, Miriana Gros par
10 exemple. Lors des recherches que j'ai effectuées à Zagreb, jamais je n'ai
11 trouvé d'obstacle sur mon chemin. Mais je me suis trouvé dans des
12 situations parfois très désagréables. Les gens me faisaient confiance. Ils
13 savaient que je n'étais pas un espion du pouvoir, que j'étais un libre
14 penseur, de libre examen. Ils disaient donc devant moi des choses qu'ils
15 ne disaient pas ailleurs, par rapport aux autorités, par rapport à la
16 situation générale qui prévalait dans le pays. Puisque je suis un
17 professeur de vocation, un érudit, un historien, j'utilise des méthodes
18 d'analyse critique. Ma devise, dans la vie, est esena estudio. Au cours de
19 mes recherches académiques, si je trouve un document qui ne donne pas un
20 avis favorable sur les Serbes, je n’ai pas hésité à présenter un tel
21 document, je l’ai fait aussi dans l’art titiste. J’ai été la cible de
22 critiques effectivement, quel que soit l’avis que j’ai exprimé à propos de
23 la Serbie, de la hiérarchie serbes ou des Croates, du Catholicisme. Ce que
24 je veux dire, c’est que toute adhésion à un parti, toute adhésion
25 nationaliste, chauviniste, est tout à fait étrangère à l’essence même de
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1 mon être, même si dans ma jeunesse j’ai vu Vukovar et j’ai vu Paovice,
2 Viovitica, Pokupje, Prigorje et Zagorje où mon propre frère a été tué, et
3 malgré cette horrible tragédie, qui a eu des dimensions inconcevables,
4 surtout vu son caractère bestial, en dépit de tout ce que j’ai vu. Par
5 exemple, après mon arrestation en novembre 1942, mon meilleur ami a été
6 emmené au camp de Jasenovac. Il a été emmuré alors qu’il était vivant,
7 j’insiste : il était encore vivant. C’est toujours ma conscience
8 d’académique, de chercheur, qui a prévalu. Je suis un chercheur serbe qui
9 a écrit plus à propos des Croates, des Slovènes, des Hongrois, des
10 Cincars, et c’est moi, moi, Slavko Gavrilovic, plus que quiconque, qui ai
11 parlé de ces autres
12 peuples.
13 M. Fila (interprétation). - Lorsque vous avez parlé de
14 l’histoire depuis le XIVème siècle jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre
15 mondiale, vous avez utilisé beaucoup de notes de bas de pages, vous en
16 avez trente-neuf. Dans les trois dernières pages, vous donnez les
17 événements qui couvrent cinquante ans ; et il n’y a qu’une note de bas de
18 page. Est-ce que cela veut dire qu’il n’y a pas beaucoup d’éléments, de
19 travaux, qui corroborent les avis que vous avez exprimés, vu cette
20 disparité entre le nombre de notes de bas de page ?
21 M. Gavrilovic (interprétation). - Excusez-moi, mais les avis
22 scolastiques ne sont pas mon intérêt. Moi, je m’intéresse à la critique.
23 L’avis scolastique, il est bon pour le Moyen-Age. Vous avez raison de dire
24 ce que vous venez de dire : Gavrilovic est un expert en histoire, depuis
25 le XIVème siècle vers le milieu du XIXème siècle. C’est ce que j’ai dit et
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1 ce que montre mon curriculum vitae et ma bibliographie. Mais j’ai rédigé
2 ce rapport d’expert dans un esprit d’intégralité. Il est donc
3 compréhensible que l’élément scientifique soit plus dense dans la première
4 section de mon rapport, alors que c’est l’inverse dans la seconde. Dans la
5 deuxième partie, vous voyez souvent mon avis, mon expérience personnelle
6 et ce que je sais à partir d’une étude de la littérature que je fais
7 depuis que j’ai commencé mes études. Je ne peux, bien sûr, pas parler avec
8 autant d’autorité de la période plus contemporaine, alors que je suis un
9 véritable expert en matière médiévale.
10 M. Fila (interprétation). - Mais vous avez repris cet avis dans
11 le rapport que vous avez soumis aux Juges ?
12 M. Gavrilovic (interprétation). - Oui.
13 M. Fila (interprétation). - Outre cette période contemporaine à
14 laquelle j’ai assistée en tant que citoyen, eh oui, je suis prêt à
15 témoigner à cet égard également.
16 M. Fila (interprétation). - Avez-vous estimé qu’il était
17 important d’informer les Serbes de ce qui s’était passé au cours du régime
18 oustachi ?
19 M. Gavrilovic (interprétation). - Tout à fait. S’il y a quelque
20 chose qui compte chez l’homme, c’est sa mémoire, son histoire. Quels que
21 soient nos efforts pour minimiser ou réprimer le passé, il reste en nous,
22 dans notre essence humaine. Comment ne pourrais-je pas dire à mon fils
23 ceci : "Fils, ton père a connu le Golgotha au cours de l'Etat indépendant
24 oustachi en Croatie, ton père est un homme qui a connu ce régime." Vous
25 savez que l'histoire attribue la culpabilité à l'Allemagne, à l'Italie,
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1 pendant toute la guerre, pour exonérer les Croates de toute
2 responsabilité, alors que les Croates ont une responsabilité pour la
3 Première et la Seconde Guerre mondiale. Nous devons expliquer aux
4 générations montantes quel est ce passé. Aussi, dans le service, à
5 l'université où j'enseignais, je n'ai pas enseigné l'histoire, mais ceci
6 relève de notre quotidien.
7 M. Fila (interprétation). - En commençant à la fin des
8 années 1980, au début des années 1990, il y a plusieurs programmes
9 télévisés, plusieurs documentaires qui ont été présentés à propos de
10 Jasenovac et du régime oustachi. Croyez-vous que cela ait contribué à
11 l'exacerbation des tensions parmi les Serbes et à la déstabilisation de la
12 situation en Croatie ?
13 M. Gavrilovic (interprétation). - Si nous avions fait l'inverse,
14 quels auraient été les résultats ? Qu'avons-nous obtenu en faisant ignorer
15 tout ceci à notre peuple pendant 40 ans ? Les gens n'avaient pas une idée
16 précise, réelle, de leur passé immédiat. Ils ne connaissaient pas la
17 monstruosité de ces crimes d'extermination de tout un peuple au cours de
18 la Seconde Guerre mondiale. Il ne faut pas négliger cet aspect-là. Il ne
19 faut pas vivre de mensonges. Le passé, l'histoire, cela est important,
20 parce qu'aujourd'hui se base sur le passé et sera l'histoire de demain.
21 Des gens ne connaissaient pas Jasenovac. Si vous prenez un fils et un
22 grand-père, comment imaginez-vous que le fils sait ce que ses ancêtres,
23 ses grand-parents, ont connu ? On ne peut pas exclure la famille en tant
24 que telle. Tout Serbe, en Croatie ou ailleurs avait entendu parler de
25 Jasenovac, des tortures qui y avaient été subies. Après tout,
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1 l'historiographie et l'histoire ont essayé de négliger, de passer ceci
2 sous silence, mais elles n'y sont pas tout à fait
3 parvenues. Mais il a été dit que les Oustachis s'étaient conduits de façon
4 bestiale à Jadovno, à Jasenovac et d'autres camps qui existaient en
5 Herzégovine. Ce n'était pas de l'incitation à la tension, parce que ces
6 faits n'étaient rien de neuf pour les Serbes. C'est simplement que ces
7 faits sont devenus plus évidents pour les jeunes générations, rien de
8 plus.
9 M. Fila (interprétation). - Dans votre déposition, vous dites
10 que les Serbes en Croatie n'avaient pas le choix, mais qu'à la dernière
11 minute, là où ils constituaient une majorité, ils ne devaient faire qu'une
12 chose, se défendre, ne pas permettre l'extermination. Ils devaient même
13 créer leur propre Etat, la Srpska Krajina. S'il s'agissait là d'une action
14 de défense de la part des Serbes. Pourquoi était-il nécessaire d'expulser
15 la population croate des régions qui ont été contrôlées par les Serbes ?
16 M. Gavrilovic (interprétation). - Je ne me suis pas intéressé à
17 cette question. Ce que je sais, c'est ce que le citoyen moyen sait, avec
18 la distinction suivante toutefois : l'homme de la rue va lire cinq
19 journaux. J’ai beaucoup de choses à faire, en tant qu'universitaire. Je
20 n'ai pas bien compris la deuxième partie de votre question.
21 M. Fila (interprétation). - Fort bien. Dans votre rapport écrit,
22 je paraphrase, vous dites que pour se défendre, les Serbes, là où ils
23 constituaient une majorité, ont créé leur propre Etat, la Srpska Krajina.
24 Je vous demande ceci : s'il s'agissait là d'une action de défense de la
25 part des Serbes, pourquoi estimaient-ils nécessaire d'évincer, d'expulser,
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1 les Croates de ces régions dont ils avaient pris le contrôle ?
2 M. Gavrilovic (interprétation). - Je ne sais pas tout ce qui se
3 passait sur le terrain. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'expulsion
4 systématique des Croates au moment de l'établissement de la Srpska
5 Krajina, à partir de la tradition de la vie politique serbe et du
6 développement ethnique au moment de la Monarchie.
7 Me Fila (interprétation). - Mais je suis désolé, nulle part,
8 dans le rapport d'expert il y a eu expulsion de Croates. Le Procureur
9 pourrait-il nous dire ce qui a été fait à la population
10 croate ? Je vous conjure de ne pas introduire de préjugés dans le monde de
11 Gavrilovic. Où dit-il de telles choses ? Donnez-nous la citation !
12 Me Williamson (interprétation). - J'ai été clair. J'ai lu la
13 déclaration qu'il faisait lui-même lorsqu'il a dit que c'était une action
14 défensive. Ma question était la suivante : si c'était une action
15 défensive, pourquoi était-il nécessaire d'évincer la population croate ?
16 Me Fila (interprétation). - Je vous ai dit que c'était
17 nécessaire ? Qui a dit cela ? Qui peut affirmer que c'était fait ?
18 M. le Président (interprétation). - Vous citez la déclaration
19 préalable écrite du témoin ?
20 Me Williamson (interprétation). - Effectivement.
21 M. le Président (interprétation). - Quel est l'endroit ?
22 M. Williamson (interprétation). - Page 6996 en version anglaise,
23 dernier paragraphe. La déclaration commence par ces mots : "Face à une
24 telle situation, les Serbes de Croatie n'avaient pas le choix". J'ai donné
25 cette citation, puis j'ai posé ma question, en paraphrasant. Il y a
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1 suffisamment de preuves qui nous montrent que les Serbes ont été expulsés
2 d'Ilok, de Lovkatc, de Ossatie, de Vukovar notamment. Je posais la
3 question suivante : s'il s'agissait d'une action défensive, pourquoi
4 était-il nécessaire d'évincer les Croates ?
5 M. le Président (interprétation). - Objection rejetée.
6 Poursuivez, Maître Williamson. Le témoin peut répondre. Pourriez-vous
7 répondre à la question posée par l'accusation ?
8 M. Gavrilovic (interprétation). - A aucun endroit du texte, je
9 ne fais état de l'expulsion de Croates. Ce texte, je l'ai rédigé et conçu
10 comme une analyse d'ordre générale. Je n'ai pas évoqué tous les événements
11 qui se sont produits à partir du moment où le mouvement de résistance
12 serbe s'est dessiné, où il y a eu création de la Krajina serbe. Ma
13 conviction a toujours été -et est encore- que des experts qui ont une
14 connaissance directe des événements
15 devraient s'exprimer là-dessus. Moi, je ne suis pas un tel expert. Et je
16 dis, conscient de mes responsabilités, que je sais lire. A aucun endroit
17 du texte, il n'existe une telle phrase, un mot de ce type. Je dis
18 effectivement :"Face à une telle situation, les Serbes en Croatie
19 n'avaient d'autre choix que de ne pas permettre qu'ils soient relevés de
20 leurs armes et exterminés". C'est tout ce que j'ai dit. Ils étaient
21 obligés de créer leur propre Etat. C'est tout ce que j'ai dit, ni plus ni
22 moins. Vous disposez peut-être d'autres données, du fait de recherches
23 personnelles, vous avez peut-être pris connaissance d'éléments divers au
24 cours de ce procès mais, moi, je ne suis pas en mesure d'en parler.
25 L'analyse historique que j'ai réalisée ne devait pas se concentrer sur de
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1 telles questions, mais sur les raisons de l'éclatement du dernier conflit.
2 Quant à savoir ce qu'il s'est passé au cours de ce conflit, là, j'ai peu
3 de renseignements -autant de renseignements que l'homme de la rue, le
4 citoyen moyen. Je sais que des choses se sont passées, qu'il y a eu des
5 pertes de vie, comme c'est vrai dans toute guerre.
6 M. le Président (interprétation). – Avant que vous ne passiez à
7 votre question suivante, je dois dire qu’il est clair, d’emblée, que ces
8 Juges ne s’intéressent pas aux sources historiques de ce conflit armé. Ce
9 qui nous intéresse, ce sont les faits et le droit à appliquer. Partons de
10 cette hypothèse. Pour nous, tout ce cadre historique est sans pertinence.
11 Veillez limiter vos questions aux points pertinents. Je demande aussi au
12 témoin d’être le plus concis possible lorsqu’il vous répond.
13 M. Williamson (interprétation). – La défense soutient que les
14 Serbes en Croatie se défendaient et que l’armée yougoslave n’est
15 intervenue que parce qu’elle voulait protéger ces Serbes et maintenir la
16 Yougoslavie. La thèse de l’accusation est que les Serbes se sont lancés
17 dans cette idée de la création d’une grande Serbie, que la JNA était
18 devenue armée serbe et que cela a créé un conflit entre les Serbes et les
19 Croates. Ce témoin a présenté des affirmations dans ce sens, dans sa
20 déclaration écrite et c’est là la position reprise par la défense. Pour
21 nous, il est nécessaire d’entrer, dans une certaine mesure, sur la
22 question de la création de l’Etat et de l’intention contemporaine des
23 Serbes. C’est là-dessus que portent mes questions, mais j’essaierai de
24 rester le plus proche du sujet. A partir de la déclaration du témoin, je
25 peux éventuellement lui poser une question qui nous permettra de
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1 contourner ce problème. Que nous dites-vous après la deuxième guerre
2 mondiale ? Les déclarations que vous reprenez ne sont pas faites à titre
3 d’expert mais de citoyen qui a assisté aux événements et a lu les
4 journaux. Si tel est le cas, peut-être pourrions-nous retirer cette partie
5 de votre déclaration du dossier d’audience et je n’aurai plus de questions
6 à vous poser.
7 M. Gavrilovic (interprétation). – En toute franchise, c’est à
8 cela que cela revient car je ne peux pas affirmer que je sois expert
9 s’agissant de l’histoire de l’ex-Yougoslavie, ni même de la Yougoslavie
10 d’aujourd’hui, dans sa période la plus contemporaine. J’ai été convié à
11 comparaître à titre de témoin et la première partie de mon rapport est
12 basée sur mes connaissances, ma recherche personnelle, sur ce que je sais
13 de l’histoire telle qu’elle était écrite en Allemagne ou en Hongrie, par
14 exemple. Pour être plus précis en histoire récente, j’ai besoin de
15 documents. Je suis un chercheur, un érudit, il me faut un certain temps.
16 Je ne dispose pas d’assez de sources pour pouvoir me prononcer
17 aujourd’hui. C’est effectivement à titre de citoyen que je suis là, je
18 n’ai pas honte de le dire, en tant que patriote aussi. C’est dans cet
19 ordre de pensée que je fonctionne. En ce qui concerne les faits
20 individuels, vous allez entendre plusieurs témoins que vous allez contre-
21 interroger. J’ai constaté, à la lecture du compte rendu d’audience, que
22 vous demandez à certains témoins ce qui s’est passé un jour précis ou une
23 année précise. Je ne peux pas le faire. Ce ne serait pas rendre justice à
24 mon travail ni à ce Tribunal si je devais me prononcer d’une autre façon.
25 M. Williamson (interprétation). – En d’autres termes, pour ce
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1 qui est de la partie postérieure à la Deuxième Guerre mondiale, si on
2 pouvait retirer cette partie, je n’aurais plus de questions, mais si cette
3 partie reste dans la pièce, je suis obligé de revenir sur les affirmations
4 qu’a faite le témoin.
5 M. le Président. - Maitre Fila, qu'en pensez-vous ?
6 Effectivement, on pourrait
7 verser ce document au dossier, mais avec une réserve en disant que la
8 partie relative à l'après-guerre, après 1945, n'est pas pertinente. Le
9 témoin ne s'exprimant pas comme historien mais comme témoin contemporain
10 des évènements.
11 M. Fila (interprétation). - Tout à fait,
12 Monsieur le Président.Vous aurez sans doute constaté que je n'ai posé
13 aucune question à propos de cette période-là. Pour cela, nous avons un
14 autre expert le Pr Bulajic que nous entendrons Lundi. Je me suis limité au
15 début de la Deuxième Guerre mondiale, je n'ai même pas mentionné le camp
16 de Jasenovac. Je suis tout à fait d'accord. Je ne me suis pas attardé à
17 cette partie de ce rapport d'expert, je n'ai posé aucune question à ce
18 propos.
19 M. Gavrilovic (interprétation). - Avec votre autorisation, je
20 parle de la dimension humaine, des souffrances de mon peuple, et jamais je
21 n'oublierais cela parce que j'étais partie prenante à tous ces évènements.
22 M. Williamson (interprétation). - Fort bien, je n'ai plus de
23 questions à poser.
24 M. le Président (interprétation). - Pas de questions. Nous
25 pouvons donc libérer le témoin. Pas d'objection, Maitre Williamson ?
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1 M. Williamson (interprétation). - Non. Vous pouvez vous retirer,
2 Monsieur.
3 M. Fila (interprétation). - Notre témoin suivant va être appelé.
4 Est-ce que je le fais entrer maintenant ou bien faisons nous une pause ?
5 M. le Président (interprétation). - Maintenant, sans plus
6 tarder.
7 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience)
8 Bonjour Monsieur Milinkovic, je vous demande de prêter serment
9 et de faire la déclaration solennelle.
10 M. Milinkovic (interprétation). - Je déclare solennellement que
11 je dirais la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, prenez
13 place Monsieur.
14 M. Petrovic (interprétation). - Monsieur Milinkovic, le
15 24février 1998, avez-vous eu un entretien avec M Dovasevic ? Et avez-vous
16 fait une déclaration à cette personne ?
17 M. le Président (interprétation). - L'huissier peut-il remettre
18 cette déclaration préalable en version anglaise et l'original en serbe au
19 Greffe qui va lui attribuer une cote ?
20 (L’huissier s’exécute)
21 J'espère que vous n'allez pas être aussi rapide dans votre début
22 que Me Fila. Je l'espère pour les interprètes.
23 M. Petrovic (interprétation). - Je vais faire de mon mieux, mais
24 c'est comme cela qu'apparemment, nous sommes formés, chez nous.
25 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agira du document de la
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1 défense D30, la traduction en anglais portant cote 30(a).
2 M. Petrovic (interprétation). - Est-ce bien là votre déclaration
3 préalable ? Reconnaissez-vous votre signature ?
4 M. Milinkovic (interprétation). - Oui.
5 M. Petrovic (interprétation). - Je demande le versement de cette
6 déclaration au dossier, avec les cotes déjà connues.
7 Pourriez-vous vous présenter, Monsieur Melinkovic ? Vous êtes
8 ingénieur en électronique et en physique nucléaire. Entre 1983 et 1990,
9 vous étiez directeur de la Poste à Vukovar.
10 M. Milinkovic (interprétation). - J'étais directeur des PTT à
11 Vukovar.
12 M. Petrovic (interprétation). - Parlez-nous de votre travail ?
13 M. Milinkovic (interprétation). - Je me trouvais à Vukovar,
14 lorsqu'il y avait 4.500 lignes téléphoniques. Pendant quatre ans et demi,
15 il y avait 28.000 personnes dans la municipalité de Vukovar. Il y avait
16 26.000 ménages. En d'autres termes, on utilisait beaucoup les services
17 téléphoniques. J'ai reçu un ordre du mérite suprême des PTT, et j'ai reçu
18 un ordre du mérite du travail pour mes efforts.
19 M. Petrovic (interprétation). - Etiez-vous membre d'un groupe
20 politique ?
21 M. Milinkovic (interprétation). - Oui, j'étais membre de la
22 Ligue communiste de Croatie. Après la modification de nom en SDP, j'étais
23 membre de ce parti.
24 M. Petrovic (interprétation). - Etiez-vous représentant dans la
25 première assemblée parlementaire, à la suite des premières élections
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1 multipartites de 1990 ?
2 M. Milinkovic (interprétation). - Oui, j'ai été élu en tant que
3 représentant du conseil des municipalités.
4 M. Petrovic (interprétation). - Pourriez-vous nous parler du
5 travail politique que vous avez fait au cours de cette période, à la fin
6 des années 80 et au début des années 1990 ? Je pense tout d'abord au début
7 de la transformation de la Ligue communiste en tant qu’une organisation
8 politique différente et au début, en général, de la transformation
9 politique et sociale en Croatie. Je pense aussi au XIème Congrès du Parti
10 communiste croate. Quand a eu lieu cette réunion et que s'est-il passé
11 lors de ce XIème Congrès ?
12 M. Milinkovic (interprétation). - J'ai été élu lors de ce
13 XIème Congrès de la Ligue communiste. Je crois me souvenir que c'était
14 en 1989. Il y a eu trois commissions pour la
15 réforme. La première visait la réforme du système économique. Donc, après
16 mon admission au sein de cette commission, je participais aux travaux dans
17 le but de réformer le système politique, mais sans avoir l'intention de
18 présenter un document devant cette commission.
19 A un moment donné, le président a mis fin aux discussions et a
20 proposé qu'une des conclusions de la discussion soit la transition vers un
21 système multipartite mis en oeuvre immédiatement. J'ai demandé le droit de
22 réponse et j'ai dit que le pluralisme, comme la pratique mondiale l'a
23 montré, est la façon la plus pratique permettant d'établir la concurrence
24 au sein d'un système politique, c'est la façon la plus efficace également.
25 J'ai néanmoins posé la question de savoir si nous, en tant que société,
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1 nous étions déjà prêts à cette transformation, si nous étions déjà prêts à
2 nous engager dans cette nouvelle forme d'organisation compte tenu du fait,
3 particulièrement, qu'il existait toujours un besoin de détention nationale
4 qu'il fallait régler. J'ai proposé que l'on reprenne l'expérience d'Europe
5 occidentale en la matière, ce qui nous a poussé à prendre la conclusion
6 selon laquelle il faudrait attendre un peu plus longtemps avant de nous
7 engager dans l'harmonisation et qu'il faudrait suivre le modèle mais qu'il
8 n'y avait pas beaucoup de temps, peut-être six mois, mais que c'était
9 peut-être la façon dont il faudrait poursuivre. Le président a pris note
10 de ces déclarations et a accepté ma réponse, mais ma conclusion n'a pas
11 été reprise, bien qu'elle ait fait l'objet d'un vote favorable, on a pris
12 la conclusion qui était celle de passer directement à un système
13 multipartite.
14 M. Petrovic (interprétation). - Les élections ont eu lieu au
15 printemps 1990, pouvez-vous parler de cette campagne électorale ?
16 M. Milinkovic (interprétation). - Dans le cadre des travaux du
17 SDP, un certain nombre de changements ont eu lieu et c'est dans cette
18 phase de pré-élection que nous avons changé notre nom, que nous nous
19 sommes transformés en SDP et que nous nous sommes organisés. Nous avons
20 parcouru les différentes communautés locales et les municipalités, il y en
21 a près de quarante, communautés locales ou rurales et nous avons présenté,
22 lors de meetings,
23 notre programme politique. Ces présentations avaient pour but de rallier
24 des électeurs.
25 Dans les villages de Lovac, s'est tenue une réunion
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1 préélectorale et j'ai été très étonné de voir un nombre fort réduit de
2 participants, car, dans ce village toutes les personnes me connaissaient,
3 c'était moi qui avait résolu le problème des connexions téléphonique dans
4 ce village et j'avais rencontré de nombreuses personnes pour résoudre les
5 problèmes de connexion et de ligne téléphonique. A la fin du meeting, j'ai
6 remarqué que le HDZ allait se réunir après notre réunion, je ne
7 connaissais pas les membres du HDZ et c'est la raison pour laquelle
8 j'avais décidé de rester dans les couloirs pour voir de qui il s'agissait.
9 Les autres membres de mon parti sont allés à leur prochain meeting, et,
10 moi, j'ai attendu l'arrivée des membres du HDZ et j'ai vu de qui il
11 s'agissait. C'était Mercep et les autres, je ne les connaissais pas à
12 l'avance, je les avais vus. J'ai demandé la permission de rester en
13 qualité d'observateur, lors du meeting on a accepté ma présence et j'étais
14 dans les premiers rangs, c'était une salle de cinéma, elle était pleine à
15 craquer, il n'y avait pas suffisamment de place, mais personne ne s'est
16 assis à ma droite, ni à ma gauche, on me connaissait et c'est la raison
17 pour laquelle on n'a pas voulu s'asseoir à côté de moi. J'ai accepté cela,
18 je me suis dit que les personnes craignaient d'être accusées d'être en
19 connivence avec moi. Le programme électoral a été présenté de la façon
20 usuelle et à la fin j'ai demandé la parole, Mercep m'a dit que ce n'était
21 pas le moment voulu pour s'engager dans une discussion, j'ai simplement
22 dit que je ne voulais pas me lancer dans une discussion, que je voulais
23 simplement m'adresser à la réunion en tant qu'invité. J'ai déclaré que
24 j'étais membre d'un parti politique différent, que mes idées politique
25 étaient différentes mais que je voulais néanmoins m'adresser à la salle.
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1 Cette remarque a été accueillie par de forts applaudissements et Mercep
2 était très fâché, il n'a pas attendu que je m'assieds et m'a posé
3 directement certaines questions. j'ai dû me rendre sur la scène pour
4 répondre aux questions. De nombreuses questions m'ont été posées par des
5 candidats du HDZ, d'autres questions ont été posées par la salle et je
6 puis vous dire que pendant la moitié de la réunion j'étais sur l'estrade à
7 répondre à des questions.
8 Je me souviens d'une question, une personne m'a demandé comment
9 ce nouveau parti, ce SDP qui est l'abréviation de parti du changement
10 démocratique, comptait régler ses comptes avec les personnes qui n'avaient
11 pas les mêmes points de vue. J'ai répondu qu'il s'agissait vraiment d'un
12 parti démocratique qui ne réglait pas ses comptes avec les personnes même
13 si elles n'étaient pas d'accord avec toute les idées exprimées, surtout
14 les idées des membres et que contrairement aux autres partis, il
15 s'agissait d'un parti profondément démocratique. Lors de ce meeting, j'ai
16 rencontré pour la première fois certains membres du HDZ et dans un but de
17 lancer le pluralisme politique j'ai essayé d'engager tous les efforts et
18 de réunir tous les efforts. Jj’ai demandé au directeur de la communauté
19 agricole d’organiser une table ronde. Mon idée a été acceptée et nous
20 avons eu une discussion de ce genre. J’étais le seul à représenter le SDP,
21 j’ai dû répondre à de nombreuses questions, certaines de nature
22 provocatrice.
23 Je me souviens d’un jeune home qui plus tard a été adjoint au
24 sein de l’assemblée municipale. Je me suis toujours qualifié de
25 Yougoslave, mais il m’a demandé : « Comment pouvez-vous dire que vous êtes
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1 Yougoslave ? Quelle est votre appartenance nationale ? ». Il savait qu’on
2 ne peut être Croate et Yougoslave en même temps. C’est une question qui
3 devait me provoquer, étant donné que je m’étais présenté comme étant
4 Yougoslave. J’ai répondu et essayé de calmer les esprits en disant que si
5 nous voulions discuter d’une question particulière il nous fallait
6 connaître la toile de fond. Une personne cherche d’abord sont identité en
7 lui-même et en passant du restreint vers le général il essaie de trouver
8 son identité en passant par sa famille, son environnement, la ville dans
9 laquelle il vit, sa région, son Etat, et ensuite dans l’Europe entière.
10 J’étais désolé de voir qu’il n’avait quitté son village qu’hier, alors que
11 j’avais déjà trouvé mon identité au niveau de l’Etat et j’avais pour but
12 de chercher mon identité au sein de l’Europe avant de devenir citoyen de
13 la terre.
14 Je dois vous dire que j’ai eu l’impression que bon nombre de
15 personnes ne
16 comprenaient pas ce que je voulais dire mais j’ai essayé de combler cette
17 dissidence qui existait entre les deux points de vue. Je me souviens
18 également avoir demandé à l’époque de les inviter lors d’une réunion
19 organisée le lendemain à Bogdanovci. Ces personnes ont accepté. J’ai
20 demandé à M. Mate, un Croate de nationalité et d’ethnie croate et qui à
21 l’époque était président du conseil exécutif de l’assemblée municipale et
22 également membre du SDP, de m’accompagner au meeting. Il l’a fait, bien
23 qu’il n’était pas très enthousiaste. On lui avait peut-être dit que la
24 réunion ne serait pas très agréable. J’ai cru qu’il se rendait compte que
25 si j’étais invité il faudrait me traiter comme un invité. Ils ont invité
Page 1910
1 M. Glavac, je l’ai vu pour la première fois lors de ce meeting.
2 L’atmosphère était assez euphorique.
3 M. Petrovic (interprétation). – Pouvez-vous nous dire qui est ce
4 M. Glavac.
5 M. Milinkovic (interprétation). – C’est un membre du HDZ. Je ne
6 suis par sûr qu'il ait été leader du HDZ, mais on en avait parlé, et j'en
7 avais entendu parler dans les journaux.
8 M. Petrovic (interprétation). - Veuillez poursuivre.
9 M. Milinkovic (interprétation). - Oui, malheureusement, toutes
10 mes tentatives d'engager un dialogue politique se sont couronnées par un
11 échec total en raison de l'euphorie dans la salle et Lavac s'est saisi du
12 microphone, il a commencé à crier en disant : « Ceci est la Croatie, votez
13 en faveur du HDZ ». Ensuite, un certain nombre de questions insultantes et
14 provocantes ont été posées. Je dois vous dire qu'il m'a été absolument
15 impossible d'engager le dialogue. Après ce meeting à Bogadanovci, je n'ai
16 plus participé à aucune réunion publique ou meeting politique du HDZ. J'ai
17 uniquement participé à nos propres meetings ceux du SDP.
18 M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire pourquoi
19 vous avez voulu participer à ces meetings d'organisation politiques
20 rivales ?
21 M. Milinkovic (interprétation). - C'est ce que j'ai dit il y a
22 quelques instants. Je voulais personnellement, et mon parti le voulait
23 également, établir un dialogue politique entre partis politiques afin de
24 créer une sorte de cadre démocratique, un environnement démocratique
25 afin que l'on puisse avoir des éléctions démocratiques qui se tiendraient
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1 dans un environnement ou l'on échangerait des points de vue politiques.
2 M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quelle
3 date la première élection multipartite s'est déroulée en Croatie, et quels
4 ont été les résultats ?
5 M. Milinkovic (interprétation). - Les élections ont été
6 organisées au début du mois de mai 1990. A l'exception du SDP, ont
7 participé le HDZ,et un autre parti à été créé qui devait représenter les
8 socialistes, mais ils étaient moins importants. Les partis les plus
9 importantes étaient le SDP, le HDZ comme je l'ai dit. A l'époque, je ne
10 connaissais pas suffisamment bien les représentants du HDZ mais jel'ai
11 dit, ces élections ont eu lieu et des député ont été élus, des membres du
12 conseil de l'assemblée municipale. 115 postes de députés étaient soumis
13 aux éléctions, et on a également élu les représentants au parlement
14 croate, le Sabor, les représentant aux chambres des municipalités
15 également, et deux autres chambres ont été élues, une pour la Chambre du
16 travail associé, et une seconde où la population pouvait élire ses propres
17 représentants. J'ai dit que lors de cette réunion, il y avait eu cette
18 impression d'euphorie, mais je dois dire que les élections se sont tenues
19 de façon correcte.
20 M. Petrovic (interprétation). - Quels ont été les résultats des
21 élections au niveau local et au niveau de la République ?
22 M. Milinkovic (interprétation). - Au niveau local, le résultat
23 général était le suivant. La grande majorité des voix, 2/3 des voix, sont
24 allées au candidat du parti SDP. Les personnes élues n'étaient peut-être
25 pas toutes membres du SDP mais elles étaient sur les listes du SDP pour
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1 les remercier des efforts réalisés. Je me souviens que 23 postes sont
2 revenus aux représentants du HDZ. Je vous l’ai dit 115 sièges avaient été
3 soumis aux élections. D’autre part, pour ce qui est des élections des
4 députés au parlement croate, un autre membre du SDP a été élu à la chambre
5 socio-politique, deux autres membres à la chambre de travail associé et le
6 cinquième député n’était pas membre officiel de quelque parti politique
7 que ce soit.
8 Officiellement, le HDZ n’avait pas de député au sein du parlement de
9 Croatie. Je me souviens très bien de ce chiffre. Le candidat qui s’était
10 opposé à moi était un candidat du HDZ. Au second tour des élections, J’ai
11 remporté 63 % des votes. Donc, en fait, la population a témoigné de sa
12 confiance. J’avais donc remporté leur confiance en tant que personne. Les
13 résultats au parlement croate étaient les suivants. Je crois que
14 323 sièges en tout étaient soumis au vote et qu’une majorité des deux
15 tiers a été remportée par des membres du HDZ. Mais les résultats en
16 pourcentage étaient les suivants : 40 % des voix ont été remportées par le
17 HDZ, 30 % par le SDP. J’ai oublié les rapports officiels après le vote et
18 les élections. J’ai fait une analyse ; j’ai essayé de prendre le corps
19 électoral dans son ensemble et j’ai vu que le HDZ gagnait 32 % du corps
20 électoral de Croatie dans son ensemble et le HDZ 24 % du nombre total des
21 votes. Je crois que c’est Milko Soko qui a préparé le tout. Il a déclaré à
22 une occasion que cette loi c’était en fait pour se venger du communisme.
23 Donc dans le résultat final le HDZ avait pratiquement remporté la majorité
24 au sein du parlement croate.
25 M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous parler de la
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1 réorganisation du secrétariat du ministère de l’Intérieur et du territoire
2 pour la ville et la municipalité de Vukovar ?
3 M. Milinkovic (interprétation). - Le secrétariat des Affaires
4 internes en Croatie est organisé conformément aux municipalités. Donc il
5 existe en fait un secrétariat au niveau de la République et des
6 secrétariats au niveau des municipalités. En 1989, un peu avant les
7 élections, ce secrétariat a fait l’objet d’une réorganisation. La
8 réorganisation s’est faite comme suit. Au lieu de s’organiser au niveau
9 des municipalités, il a été réorganisé au niveau de plus petits
10 secrétariats. Dans la municipalité de Vukovar, le secrétariat a été aboli
11 et il y a eu un secrétariat pour l’ensemble du territoire de
12 Vinko Vukovar. Jusqu’à cette époque, le secrétariat avait à sa tête le
13 secrétaire et à l’époque c’était M. Ladzinovic pour le secrétariat de
14 Vukovar. Il était directement responsable devant le secrétariat
15 républicain pour les affaires internes. Il était également responsable au
16 niveau horizontal de l’assemblée municipale de Vukovar devant laquelle il
17 devait remettre ses rapports. C’est ce que l’assemblée faisant en fait
18 tous les ans. Après la constitution de ce secrétariat pour les trois
19 municipalités, l’assemblée de la municipalité de Vukovar a perdu toute
20 compétence sur ce secrétariat des affaires internes. Je vous l'ai dit,
21 ceci s'est produit avant les élections et a entraîné des forts
22 mécontentements, a déclenché une masse de mécontentement étant donné que
23 les habitants de la ville de Vukovar devaient être repris par Vinkovci et
24 zupavar, des municipalités à population majoritairement croate, et les
25 habitants de la municipalité de Vukovar craignaient de perdre leur
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1 importance. Monsieur Ladzinovic était secrétaire à l'époque. Je me
2 souviens que M. Dokmanovic avait été rendu responsable par certaines
3 personnes d'avoir accepté les événements, mais à l'époque il n'était plus
4 président de la municipalité de toute façon.
5 En tout cas, cette réorganisation a été menée à bien par le
6 secrétariat pour les affaires intérieures. Il aurait peut-être dû dire que
7 le secrétariat aux affaires internes de Vukovar a souvent été reconnu
8 comme un secrétariat très bien organisé du point de vue professionnel et
9 par les secrétariats de la République. Près de 40 membres du secrétariat
10 ont appris qu'ils n'allaient plus travailler à Vukovar mais à Vinkovci, et
11 il s'agissait de serbes. Bien entendu, cette nouvelle n'a pas été
12 accueillie avec enthousiasme mais a plutôt été considérée comme une
13 punition. Lorsqu'on leur a offert la possibilité de prendre leur retraite
14 anticipée, 25 membres professionnels de ce secrétariat ont opté pour la
15 pré-retraite. Parmi eux, il y avait Dotan Camayez, mon cousin, qui pendant
16 de longues années, avait été chef du service des affaires générales. Donc,
17 en fait, je le sais de source sûre.
18 Je suis un bon ami de M. Ladzinovic et je me rendais souvent au
19 secrétariat lorsqu'il s'y trouvait. Je m'y suis rendu lorque M. Saba Selas
20 est devenu chef du secrétariat. Je vous le rappelle, ces événements ont eu
21 lieu avant les élections mais se sont poursuivis également après les
22 élections. Après les élections, l'assemblée municipale n'avait plus aucune
23 compétence sur ce secrétariat. En effet, il y avait maintenant un seul
24 secrétariat pour les trois municipalités. Pour Vukovar, il y avait
25 uniquement un poste de police dirigé par un croate M. Selas. Avant cette
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1 époque, 200 personnes y travaillaient, je ne sais pas si elles étaient
2 serbes, croates, ou quelle était la majorité, mais on faisait un effort
3 pour arriver à une parité. Après la réorganisation, le changement a été
4 très profond. Je l'ai déjà dit, du fait de leur transfert vers Vinkovci de
5 nombreux membres du secrétariat ont opté pour la pré-retraite, donc des
6 nouvelles personnes ont été recrutées et j'allais les voir assez souvent
7 par la suite. Je puis vous dire qu'il s'agissait de personnes d'ethnie
8 croate exclusivement. Le secrétariat aux affaires internes a été tranformé
9 en ministère de l'Intérieur, appelé le MUP. Au mois de mai, il comptait
10 700 employés. A l'époque déjà, avec le retrait des Serbes des forces de
11 police, la police s'est transformée en force uni-ethnique.
12 M. le Président (interprétation). - Nous pourrions peut-être
13 faire une pause maintenant, mais j'aimerais qu’elle ne dépasse pas quinze
14 minutes. Nous reprenons à 12 heures précises.
15 L’audience, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 12 heures.
16 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez continuer.
17 M. Petrovic (interprétation). - Je vous demanderai maintenant de
18 nous parler brièvement de la constitution du Sabor, de l’assemblée croate.
19 M. Milinkovic (interprétation). - Suite aux élections, le
20 parlement croate a été constitué et les mandats ratifiés. Je me rappelle
21 que ceci s’est fait en grandes pompes, l’acte même de la constitution du
22 parlement. L’ambiance était euphorique devant le bâtiment du parlement et
23 le tout a été marqué par une ambiance d’euphorie. Il s’agissait d’une
24 manifestation très solennelle. Donc il ne régnait pas une ambiance de
25 travail. Mais, cela a céé une conviction en moi vu le haut niveau de
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1 l’intolérance et de l’euphorie. Lorsque j’ai vu les expressions des
2 visages de tous ces élus membres du parlement, je me suis dit que tout
3 cela était de mauvaise
4 augure. Pendant la pause, j’ai quitté le bâtiment du parlement, j’ai
5 traversé la place pour aller au cabinet de la personne qui auparavant
6 présidait le parlement croate, M. Skakic qui est mon oncle. Je lui ai dit
7 que tout cela était de mauvaise augure, lui aussi était tout à fait
8 alarmé. Mais il disait que l’issue allait certainement être heureuse.
9 Cependant, les débuts même du parlement ont démontré qu’il avait raison.
10 Dès la première séance de travail, on a déjà commencé à parler, et je m’en
11 souviens bien, du remplacement de trois directeurs serbes de grandes
12 entreprises. Je me rappelle que parmi eux se trouvait le directeur de la
13 télévision. Ce qui a provoqué chez les représentants du SDP et surtout au
14 sein de la population serbe un grand mécontentement. Un des députés a
15 demandé que ceci soit éliminé de l’ordre du jour car cela allait créer une
16 intolérance encore plus grande. Mais la personne qui présidait la séance
17 n’a pas accepté cette proposition et a dit que le parti était légitime et
18 qu’il avait le droit de représenter entièrement tous les intérêts de la
19 population en Croatie, et qu’il basait ce droit sur le fait d’avoir obtenu
20 l’autorité absolue. Moi, après l’analyse des élections que j’avais faites,
21 j’ai souhaité intervenir pour dévoiler les faits qui contredisaient cette
22 affirmation du président du parlement, étant donné que l’analyse
23 démontrait que seulement 32 % de l’électorat avait voté pour le HDZ, et
24 que le HDZ n’avait pas un droit exclusif de représenter tous les citoyens
25 de la Croatie. Lorsque le président a vu quel était le sens de mon
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1 intervention, il a dit qu’il allait m’interrompre. Effectivement, c’est ce
2 qu’il a fait, il m’a interrompu, il ne m’a pas permis de dévoiler les
3 faits exacts concernant les résultats des élections. Visiblement, cela
4 n’était pas favorable pour le fonctionnement du parlement, la réunion a
5 continué à avoir lieu, mais toujours dans une mauvaise ambiance, remplie
6 d’intolérance. A chaque fois que quelqu’un essayait de dire quelque chose
7 qui n’était pas agréable aux oreilles des députés, il y a eu des réactions
8 bruyantes et désagréables de la part des membres du HDZ, y compris une
9 fois lorsqu’un député du HDZ a envoyé son sac sur un autre député parce
10 qu’il n’était pas d’accord avec ce que celui-ci disait.
11 M. Petrovic (interprétation). – Il serait intéressant pour nous
12 d’entendre quelque
13 chose sur les changements constitutionnels qui ont eu lieu en Croatie à
14 l’époque.
15 M. Milinkovic (interprétation). – Dans une telle ambiance, le
16 parlement a continué à travailler, un grand débat concernant la
17 modification de la constitution croate a eu lieu. Il y a eu un débat
18 public qui a été lancé et tout cela a bouleversé le public croate, étant
19 donné que la proposition était d’abolir le statut des Serbes comme peuple
20 constitutif pour qu’ils deviennent une minorité nationale. Tout cela a
21 créé un grand mécontentement et le manque de confiance des Serbes dans ce
22 gouvernement. Malgré tout cela, même au sein de notre parti, le SDP,
23 lorsque nous avons vu que nos efforts ne suffisaient pas pour s’opposer à
24 ce que la Croatie se constitue en tant qu’Etat national plutôt qu’en tant
25 qu’Etat des citoyens, nous, les quatre membres du parlement venant de
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1 Vukovar, nous avons exprimé nos réserves par rapport aux SDP de M. Rakan
2 et nous avons lancé nous aussi un débat important. Nous avons proposé des
3 amendements à la constitution qui visaient à trouver un compromis selon
4 lesquels cet Etat devait être établi en tant qu’Etat des citoyens et non
5 pas en tant qu’Etat national. Ensuite, nous avons entrepris plusieurs
6 actions visant à trouver des compromis entre ce que le HDZ proposait et ce
7 que les Serbes étaient à même d’accepter.
8 Il y a eu beaucoup de débats, de tribunes publiques. Parfois, il
9 s’agissait de débats véhéments et de temps en temps la polarisation
10 devenait de plus en plus grande. De nombreux Croates ne soutenaient pas
11 les positions du HDZ mais ne donnaient pas publiquement leur opinion et
12 les Serbes qui souhaitaient s’exprimer pouvaient le faire seulement par le
13 biais des députés. Peu à peu, on a commencé à perdre la confiance des
14 citoyens étant donné qu’ils étaient mécontents du cours pris par les
15 événements. Après ce débat public, le débat au sein du parlement
16 concernant les amendements, aucun des amendements que nous avons proposés
17 n'a été accepté. Le parlement a adopté, dans sa totalité, la proposition
18 du gouvernement. A mon avis, ceci marque le tournant et vraiment la
19 rupture d'un rapport de compréhension qui existait jusqu'à ce moment-là
20 tant bien que mal. A mon avis, la Croatie aurait pu garder les Serbes en
21 son sein en tant que citoyens loyaux si elle avait montré un peu plus de
22 tolérance et de compréhension. Après l'adoption de cette constitution,
23 j'ai compris que ceci était voué à l'échec.
24 M. Petrovic (interprétation). - Vous avez à votre disposition
25 certaines informations intéressantes à l'égard de la composition du
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1 parlement et du gouvernement, et à l'égard des peines pénales prononcées à
2 l'encontre de certaines personnes auparavant.
3 M. Milinkovic (interprétation). - Effectivement, le parlement
4 nous a proposé de publier un livre et nous a demandé de soumettre nos
5 curriculum vitae. Etant donné qu'il était pratiquement impossible de
6 discuter de manière démocratique pendant les réunions du parlement et
7 étant donné que nous nous sentions complètement impuissants, nous allions
8 dans une autre pièce. En quittant celle où les discussions avaient lieu,
9 j'ai pris les documents. J'ai remarqué que la plupart des députés, au lieu
10 de dire, au début, où ils étaient nés et en quelle année, commençaient
11 leur biographie en mentionnant où ils étaient en prison et pendant combien
12 de temps. J'ai pu compter environ sept cents années d'emprisonnement pour
13 les députés du parlement. Ceci m'a permis de comprendre le niveau
14 d'intolérance et de frustation au sein des députés du parlement.
15 M. Petrovic (interprétation). - Maintenant, je souhaite que l'on
16 parle de nouveau de la municipalité de Vukovar et notamment des élections
17 et des nouvelles autorités à Vukovar après les premières élections
18 multipartites.
19 M. Milinkovic (interprétation). - Je vous ai déjà parlé des
20 résultats des élections. Le SDP a remporté plus des deux tiers des voix.
21 Lorsque nous avons dû constituer l'assemblée municipale, lors de nos
22 débats, ma proposition de montrer un signe de bonne volonté aux HDZ en lui
23 proposant un nombre de sièges plus important que celui qui correspondait
24 au nombre de votes qu'il avait remporté a été acceptée. Donc, on a accepté
25 ma proposition de donner aux membres du HDZ les postes de vice-président
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1 de l'assemblée municipale, de président d'une des chambres et vice-
2 président de deux chambres, même si cela était beaucoup plus important que
3 ce qui correspondait aux résultats électoraux.
4 Il faut savoir que Vukovar a toujours été une ville
5 multinationale à majorité serbe et croate. La pratique habituelle était,
6 auparavant, que si un Serbe était élu au poste de président, le vice-
7 président allait être Croate et vice-versa. Donc nous avons montré un
8 signe convaincant de bonne volonté mais dès le début le HDZ a eu une
9 attitude d'intolérance en raison de son propre mécontentement avec les
10 résultats électoraux, ils étaient mécontents de ne pas avoir réussi à
11 remporter la majorité des voix et donc, dès le début, ils faisaient
12 obstacle au fonctionnement de l'assemblée municipale. Ils ont rendu
13 difficile l'élection du président et du président du conseil. Lorsque les
14 discussions concernant le règlement ont eu lieu, ils ont demandé que le
15 règlement soit modifié pour que la majorité qualifiée prenne toutes les
16 décisions. C'est ainsi qu'ils voulaient garder leur propre contrôle sur la
17 situation. A mon avis, ils faisaient obstacle au fonctionnement de
18 l'assemblée de manière systématique. Mais le président de l'assemblée
19 municipale a montré une grande volonté de faire fonctionner l'assemblée de
20 manière démocratique et tolérante en respectant le règlement.
21 M. Petrovic (interprétation). - Parlons maintenant de l'élection
22 du président de l'assemblée municipale. Pourriez-vous nous dire sur quelle
23 liste figurait le nom de Slavko Dokmanovic lorsqu'il a été élu ?
24 M. Milinkovic (interprétation). - Son nom figurait sur la liste
25 du SDP. Et comme je l'ai déjà indiqué auparavant, nous avions un accord
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1 selon lequel nous proposions deux noms, et l'assemblée devait choisir
2 entre ces deux noms. Le deuxième candidat était Mme Peter. Les votes ont
3 eu lieu de manière secrète et si je me rappelle bien, M. Dokmanovic a
4 remporté la victoire avec deux tiers des votes. Donc les élections ont eu
5 lieu conformément au règlement et les députés de l'assemblée ont voté pour
6 M. Dokmanovic.
7 M. Petrovic (interprétation). - Pourriez-vous nous donner
8 quelques précisions concernant le travail-même de l'assemblée municipale
9 et notamment à l'époque où les tensions
10 nationales dans la région de Vukovar commençaient à devenir de plus en
11 plus fortes ?
12 M. Milinkovic (interprétation). - L'assemblée municipale n'avait
13 pas de pouvoir exécutif mais devait coordonner les activités de la
14 recherche de solutions des problèmes d'intérêt commun, et le président de
15 l'assemblée municipal devait présider aux réunions. Le fonctionnement de
16 l'assemblée a été très difficile dès le début vu les obstructions posées
17 par le HDZ, notamment M. Mercep rendait le travail impossible, souvent il
18 insultait les personnes présentes, il disait sans arrêt que les personnes
19 qui faisaient partie de l'assemblée auparavant étaient des voleurs, des
20 ordures communistes, etc. D'autre part, le SDP demandait que les problèmes
21 soient résolus de manière démocratique et M. Dokmanovic a montré beaucoup
22 de bonne volonté pour permettre que le travail de l'assemblée se déroule
23 de manière démocratique. Je ne suis même pas sûr que M. Dokmanovic ait été
24 membre du SDP à l'époque mais il était sur la liste du SDP, tout comme
25 l'autre candidat, comme je l'ai déjà dit. Et on a opté pour lui à la
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1 majorité des deux tiers des votes. Comme je l’ai donc déjà dit, le travail
2 de l'assemblée était difficile, mais il se déroulait quand même
3 conformément au règlement, malgré tous les problèmes qui existaient dans
4 cette ville à l'époque.
5 M. Petrovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire
6 maintenant quelque chose sur les efforts de Slavko Dokmanovic, président
7 de l'assemblée municipale, pour résoudre de manière pacifique ces
8 problèmes qui s'aggravaient de jour en jour ?
9 M. Milinkovic (interprétation). - Je me rappelle qu'une fois,
10 sept ou huit villages de la municipalité de Vinkovci, qui étaient à
11 majorité serbe, ont adopté la décision et ont déposé une requête auprès de
12 l'assemblée municipale de Vukovar en demandant d'être placés sous la
13 juridiction de l'assemblée municipale de Vukovar. M. Dokmanovic a expliqué
14 que, dans une telle situation où l'euphorie nationaliste et les tensions
15 devenaient de plus en plus graves, cette solution n'était pas souhaitable,
16 et il n'a pas accepté l'initiative de la part de ces villages selon
17 lesquelles il fallait débattre de cette solution.
18 Il y a plusieurs autres exemples de la recherche de compromis,
19 de solutions, qui pouvaient être acceptés par tout le monde, y compris par
20 le HDZ, mais malheureusement ceci n’a pas été reçu par suffisamment de
21 compréhension étant donné que l'autre camp voulait tout faire pour arriver
22 à n'importe quel prix au pouvoir dans la municipalité. Une fois, M. Fekel
23 a proposé que l'on vote pour la confiance ou contre la confiance à
24 M. Dokmanovic, et M. Dokmanovic a encore une fois remporté la victoire. De
25 toute façon, il était difficile de changer cette situation tout en
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1 respectant le règlement. C'est ce qui est apparu clairement.
2 M. Petrovic (interprétation). - Quelle était la conséquence de
3 cela dans certains cercles, la conséquence de ces efforts du président de
4 l'assemblée ?
5 M. Milinkovic (interprétation). - Malheureusement, lorsque les
6 Serbes ont commencé à perdre de plus en plus leur confiance en nos
7 autorités nouvellement élues et lorsque tous ceux qui ont essayé, de
8 manière démocratique et tolérante, de trouver des solutions avec les
9 autorités croates, ont échoué, ils ont commencé à perdre la confiance de
10 leur propre population. Les efforts de M. Dokmanovic d'arriver aux
11 compromis, aux solutions démocratiques, ont eu pour conséquence sa propre
12 perte d'autorité auprès des Serbes étant donné que les Serbes étaient
13 mécontents et ont perdu confiance en la possibilité d'arriver à une
14 solution pacifique et démocratique. Les Serbes eux-mêmes, pendant les
15 séances de l'assemblée, reprochaient à M. Dokmanovic le fait de ne pas
16 être suffisamment radical et ils s'opposaient à ses efforts de résoudre
17 les problèmes de manière démocratique.
18 M. Petrovic (interprétation). - Les contacts que M. Dokmanovic
19 avait à l'époque avec le président du gouvernement croate étaient reçus de
20 manière négative eux aussi, n'est ce pas ?
21 M. Milinkovic (interprétation). - Effectivement, souvent,
22 M. Dokmanovic et moi-même, nous essayions de trouver des solutions
23 ensemble, nous passions beaucoup de temps chez moi, en essayant de trouver
24 des solutions basées sur le compromis des solutions pacifiques,
25 mais ceci commençait à être reçu avec de plus en plus de mécontentement de
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1 la part des Serbes car, à ce mécontentement, s'est ajouté la peur et ils
2 considéraient qu’en partie, nous aussi, nous étions responsables étant
3 donné que nous ne protégions pas de manière suffisamment efficace les
4 intérêts des Serbes en Croatie. Ils nous reprochaient le fait d'avoir
5 parlé avec les représentants des autorités croates, par exemple moi-même
6 et M. Dokmanovic. Nous en parlions avec M. Gongurevic, avec M. Mesic aussi
7 lorsqu'il a rendu visite dans la région d’Ilok.
8 M. Petrovic (interprétation). - Etait-il à l'époque président de
9 la présidence ?
10 M. Milinkovic (interprétation). - Je ne suis pas tout à fait
11 sûr, mais je pense que oui. De toute façon, les contacts se sont
12 multipliés, mais étant donné que les autorités croates ont donné trop de
13 raisons aux Serbes d’être mécontents et d’avoir peur M. Dokmanovic et moi-
14 même nous en avons subi les conséquences auprès des Serbes.
15 M. Petrovic (interprétation). - Durant vos travaux quotidiens,
16 lorsque vous êtes allé au travail et lorsque M. Dokmanovic à l'assemblée
17 municipale, avez-vous eu des problèmes ?
18 M. Milinkovic (interprétation). - Les tensions s'aggravaient de
19 plus en plus au cours de l'année 1990 et le tournant a été marqué par
20 l'adoption de la nouvelle constitution de la République de Croatie, et
21 surtout après un incident à Plitvice qui a provoqué une grande peur chez
22 les Serbes et qui a eu pour conséquence le placement des barrages routiers
23 devant les villages peuplés par les Serbes. Jusqu'à ce moment-là,
24 M. Dokmanovic venait au travail régulièrement, mais déjà avant le 1er mai,
25 parfois, il n'osait plus venir au travail et après cette date, il venait
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1 au travail, à son bureau, à l'assemblée nationale si moi j'allais, à
2 Trepinja où il vivait, en voiture. Il prenait dans ce cas-là mon véhicule
3 officiel pensant que, probablement, personne ne tirerait sur sa voiture
4 étant donné qu'il recevait des menaces de mort. Une fois, par exemple,
5 M. Rajkomaric est venu...
6 M. Petrovic (interprétation). - Qui était M. Rajkomaric ?
7 M. Milinkovic (interprétation). - C'était un haut fonctionnaire
8 au sein du ministère des affaires intérieures. Nous avons eu une
9 discussion dans le bureau de M. Dokmanovic, mais M. Dokmanovic a accepté
10 de venir bien qu'il ait reçu plusieurs menaces de mort lui disant qu'il
11 allait être attaqué sur le chemin. Même si tout le monde dans la région le
12 connaissait, par exemple il avait dit qu'il avait été arrêté et fouillé
13 par les policiers plus de quatre-vingt fois, et il leur a expliqué qu'il
14 était le président de l'assemblée municipale.
15 M. Petrovic (interprétation). - C'était les policiers croates ?
16 M. Milinkovic (interprétation). - Effectivement. Ils le
17 faisaient sortir de son véhicule, ils le fouillaient pour chercher les
18 armes etc, la procédure habituelle des policiers. Ceci avait pour but, non
19 seulement de l'humilier, mais aussi de le mettre dans une situation de
20 psychose et de peur. Je pense que, plusieurs fois, il n'a pas osé se
21 rendre à l'assemblée municipale pour effectuer son travail. Plusieurs
22 fois, il a dû emprunter un véhicule blindé. Par exemple, une fois il m'a
23 appelé dans mon bâtiment des PTT pour aller à sa maison, étant donné qu'on
24 lui avait annoncé qu'on allait placer une embuscade à son encontre. Après
25 l'événement très connu à Borovo Selo qui a eu lieu le 2 mai, il n'osait
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1 pratiquement plus venir au travail à moins d'avoir des moyens tout à fait
2 sûrs pour se rendre au travail.
3 M. Petrovic (interprétation). - Quand la dernière session de
4 l'assemblée a-t-elle eu lieu ? Quand était-elle prévue ?
5 M. Milinkovic (interprétation). - En tant que membres de
6 l'assemblée, nous étions sensés assurer la coordination des travaux de
7 l'assemblée municipale. Nous n'étions pas membres à part entière au niveau
8 de la prise de décision, mais nous étions sensés coordonner les travaux
9 des parlementaires avec le parlement croate. De façon régulière, lorsque
10 je n'était pas au parlement croate, je participais aux travaux de
11 l'assemblée municipale. Je pense que cette dernière session a eu lieu peu
12 de temps avant mai, alors qu'elles étaient prévues pour la mi-mai. Mais
13 cette session de la mi-mai n'a pas eu lieu. En effet, des personnes
14 armées, des représentants
15 du HDZ n'ont pas permis la tenue de cette session parlementaire.
16 M. Petrovic (interprétation). - Savez-vous comment cette
17 assemblée dont Dokmanovic était député et président s'est terminée ?
18 M. Milinkovic (interprétation). - Il ne pouvait plus exercer ses
19 fonctions de façon normale après l'incident de Borovo Selo. Le travail de
20 l'assemblée municipale a pratiquement cessé puisque cette session a été
21 empêchée par des représentants armés du HDZ, entre autres, donc je pense
22 que c'est vers la fin de ce mois.
23 M. Petrovic (interprétation). - De quel mois ?
24 M. Milinkovic (interprétation). - Fin juin, si je ne m'abuse.
25 Non, je me trompe. C'était au mois de juin, je ne sais plus, car on n'a
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1 pas eu de session parlementaire de l'assemblée en mai, donc c'était peut-
2 être début juin. Je ne suis plus très sûr. En tout cas, un décret a été
3 édicté par le gouvernement de Croatie, signé par le ministère de la
4 Justice et ceci a entraîné la dissolution de l'assemblée municipale. Un
5 représentant de la Croatie a été désigné.
6 M. Petrovic (interprétation). - On n'a pas précisé au cours de
7 quel mois ceci s'est passé ?
8 M. Milinkovic (interprétation). - Je ne sais pas si c'était fin
9 juin, mais je pense que c'était fin juin.
10 M. Petrovic (interprétation). - Très rapidement, pourriez-vous
11 juger le travail de Dokmanovic, lorsqu'il occupait la fonction de
12 président de l'assemblée municipale ?
13 M. Milinkovic (interprétation). - En temps que parti, lorsqu'il
14 nous fallait choisir les candidats au poste de président de l'assemblée
15 municipale, nous avons recherché des personnes qui bénéficiaient de la
16 confiance des citoyens de la municipalité et qui étaient de tendances
17 modérées. C'est à partir de ces critères que M. Bojana, M. Peter et
18 M. Dokmanovic ont été proposés. Il a donc été suggéré par le parti comme
19 étant une personne raisonnable au sein de la municipalité, personne dont
20 les idées et le comportement étaient modérés. Ce sont des
21 caractéristiques qui ont suscité son sélection par le SDP et qui ont
22 demeurées. Il a toujours essayé de trouver une solution pacifique au
23 problème.
24 M. Petrovic (interprétation). - J'aimerais passer à un sujet
25 différent. Si vous en êtes d'accord, je vous demanderai de faire preuve
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1 d'un peu plus de concision. Nous aimerions voir comment un conflit armé a
2 éclaté, l'incident de Plitvice, mars 1991. Pourriez-vous nous dire quels
3 furent les protagonistes et les conséquences de cet incident ?
4 M. Milinkovic (interprétation). - Cet incident s'est produit au
5 printemps, fin mars, début avril. Je ne sais pas tout à fait pourquoi
6 M. Hadzic et M. Savic se trouvaient alors à Plitvice. Partaient-ils ou y
7 arrivaient-ils ? Je ne sais pas. Allaient-ils à une réunion du conseil
8 national serbe ? Je n'en suis pas sûr. En tout état de cause, il y a eu
9 une intervention armée des forces du MUP de Croatie. Les deux personnes
10 furent arrêtées et emprisonnées à Zagreg. Effectivement, cette nouvelle a
11 eu des répercussions énormes au sein de la municipalité de Vukovar et a
12 aggravé le climat de méfiance. Les gens avaient de plus en plus peur. Ils
13 avaient perdu toute confiance dans les autorités de la République. Ils
14 cherchaient à survivre. Je pensais à l'époque que cet incident allait
15 provoquer des troubles graves. J'ai insisté avec Rakan et d'autres,
16 surtout avec M. Degoricija, pour que les deux personnes arrêtées soient
17 libérées au plus tôt, et si besoin en était, que ces personnes soient
18 jugées par un tribunal mais qu'en tout cas il fallait les libérer. S'ils
19 ne l'étaient pas, les conséquences seraient imprévisibles et pourraient
20 même entraîner une situation qui serait de nature à ressembler à une
21 guerre civile. C'est après qu'on ait beaucoup insisté que ces deux
22 personnes ont été libérées quelques jours plus tard. Mais voici un détail
23 caractéristique : de la méfiance qu'il y avait du fait de l'attitude du
24 gouvernement, nous perdions aussi la confiance des Serbes de la
25 municipalité, qui voulaient une solution pacifique, je pense surtout à
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1 M. Dokmanovic et à moi-même parmi ces personnes soucieuses d'une solution
2 pacifique. J'ai essayé de rassurer la sœur de M. Hadzic pour lui dire que
3 son frère allait être libéré mais on m'a dit en termes peu favorables que
4 j'étais un traître, que M. Dokmanovic en
5 était un aussi et que la municipalité n'avait pas besoin de nous pour
6 représenter les intérêts des Serbes. Ceci a eu des conséquences énormes.
7 D'abord, des barrages routiers ont été établis à Borovo Selo.
8 C'était surtout de l'équipement agricole qu'on avait utilisé pour établir
9 ces barrages. Dans les villages où il y avait une majorité serbe, les gens
10 sont restés. A mon avis, cela a été un des grands tournants, non pas qu'il
11 y avait déjà la guerre civile à Borovo Selo mais cela y a contribué. En ce
12 qui concerne M. Dokmanovic, j'ai essayé de calmer la situation déjà à ce
13 moment-là. Ceux qui détenaient des postes à responsabilité au gouvernement
14 et au parlement croate ont été invités à venir dans la municipalité de
15 Vukovar et s'ils ne me faisaient pas confiance à moi ou à M. Dokmanovic,
16 je leur ai dit qu'ils devaient s’adresser au député lui-même.
17 Monsieur Degoricija a accepté, il est venu, M. Bogdanic aussi, il était
18 membre du parlement. Nous avons essayé d'expliquer aux députés de
19 l'assemblée municipale que le gouvernement de la République de Croatie
20 respecterait la loi et ne créerait pas un climat de méfiance. Toutefois,
21 les députés ne nous ont pas cru, ni nous ni M. Degoricija, du fait de ce
22 qui s'était passé.
23 Ceci a créé un climat de méfiance tout à fait exceptionnel. Nous
24 avons essayé de mener des activités de nature à apaiser la situation mais
25 des mesures prises par la police, hors de tout contrôle de notre part, ont
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1 mis cela en péril. J'ai essayé de convaincre M. Soskocanin de Borovo Selo
2 de rencontrer M. Sredo Selac de Vukovar. Nous avons discuté avec
3 M. Soskocanin pour trouver une solution, une façon d'éliminer les barrages
4 routiers, comment rétablit la circulation, ce que nous sommes parvenus à
5 faire. C'est vers la fin de la soirée que ceci s'est passé. Le lendemain,
6 déjà, une voiture de police qui traversait Borovo Selo a été la cible de
7 coups de feu. Alors que nous avions fait tous ces efforts laborieux pour
8 calmer la situation, une seule action a anéanti tous nos efforts. J'en ai
9 parlé à M Sredo Selac. Il a dit que ce n'était pas ces gens qui l'avaient
10 fait même s'ils avaient des uniformes de Posnin. Il était le chef de la
11 police après tout ! Il y a eu d'autres cas. Nous avons à court terme
12 réussi à apaiser la situation, mais
13 très vite, d'autres actions se sont produites et tout s'est trouvé dans
14 une situation de plus en plus désagréable.
15 M. Petrovic (interprétation). - Vous parlez de l'action de
16 Plitvice aussi ?
17 M. Milinkovic (interprétation). - Aussi, mais ce qui était
18 patent, c'est que de façon pratiquement régulière avant qu'il y ait une
19 réunion du parlement, il y avait des situations excessives, et ceci
20 n'était pas simplement dû au hasard. A Okrajina lorsqu'il y a eu des
21 barrages routiers, cela a constitué une nouvelle provocation, avant que
22 soit tenue la session de l'assemblée. Cette action a été provoquée par
23 d'autres comportements comme ce fût le cas à Plivitce et à Borovo Selo.
24 Personnellement, j'estime qu'on a provoqué ces situations de façon a
25 accuser les Serbes d'être les coupables. Ce sont des efforts qui fûrent
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1 prémédités et conduisant à créer un sentiment assez harmonisé de sentiment
2 national.
3 M. Petrovic (interprétation). - Y-a-t-il eu armement de la
4 population dans votre région ?
5 M. Milinkovic (interprétation). - Je n'ai pas vu personnellement
6 que l'on ait distribué des armes, mais à plusieurs reprises, j'ai eu vent
7 de telles informations dans l'assemblée municipale. En passant, de temps
8 en temps, j'ai reçu également ces informations, à savoir que les armes
9 étaient réparties aux membres du HDZ, et même des députés du HDZ qui
10 distribuaient ces armes, mais au parlement croate, on a parlé assez
11 ouvertement du problème et certains représentants du HDZ se sont vantés du
12 fait que des leurs membres étaient en train d'être armés. Tout ceci se
13 passait fin 1990 début 1991. Tout était clair, en mai, on en parlait
14 ouvertement. Je me souviens qu'un membre de l'assemblée municipale a
15 soulevé une question lors d'une réunion de l'assemblée.
16 M. Petrovic (interprétation). - Peut-on expliquer pourquoi les
17 armes étaient distribuées ? Effectivement, au vu et au su de tout le
18 monde, cet homme a dit qu'il avait assisté à la distribution d'armes à des
19 civils, armes qui étaient dans un camion, et personne n'a voulu
20 commenter ceci. Qui était Tomislav Mercep ?
21 M. Milinkovic (interprétation). - Il était chef du HDZ dans la
22 municipalité de Vukovar et c'est lui qui était en tête des activités du
23 parti.
24 M. Petrovic (interprétation). - Donnez-nous des détails sur ses
25 activités d'alors sur le territoire de Vukovar ?
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1 M. Milinkovic (interprétation). - Le fait est que j'ai rencontré
2 Mercep à la réunion de Lovac avant les élections, au cours de la campagne
3 électorale, je ne le connaissais pas même si pendant des années j'avais
4 été directeur des PTT et que je connaissais pratiquement toutes les
5 personnalité de premier plan au sein de la municipalité, mais lui, je ne
6 le connaissais pas, et je ne connaissais d'ailleurs pas tous les membres
7 de ce parti. Dès le moment où je l'ai rencontré au cours de ce meeting
8 électoral, il a fait preuve de beaucoup d'intolérance. Souvent lors de
9 réunions de l'assemblée, il a eu des termes insultants à l'égard d'autres
10 collègues qu'il accusait d'être des voleurs, des menteurs. Une fois,
11 M. Degoricija était présent à une réunion qui se tenait au conseil du
12 chateau du comte Helz.
13 M. Petrovic (interprétation). - Qui était ce Monsieur ?
14 M. Milinkovic (interprétation). - Il était ministre adjoint de
15 l'Intérieur pour la République de Croatie. Il avait pour fonction de
16 coordonner les travaux avec l'assemblée municipale de Vukovar. Il était
17 président de la chambre ou je travaillais également. M. Degoricija est
18 venu effectivement pour calmer le jeu, pour faciliter les choses, mais
19 même lorsque cette réunion a eu lieu, M Mercep a été très arrogant, il
20 était très agressif et qualifiait tout le monde de voleur. J'ai demandé la
21 parole et j'ai dit qu'accuser quelqu'un d'être un voleur sans apporter de
22 preuve non seulement c'était peu civilisé mais que ça en disait plus long
23 sur la personne qui formulait les insultes que sur celle qui les recevait.
24 Degoricija a essayé de dire qu'il était allé trop loin, mais il était
25 frustré du fait qu'il n'avait pas le pouvoir absolu au sein de la
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1 municipalité de Vukovar, et M Mercep essayait par ses actes, de s'emparer
2 du pouvoir en
3 sabotant aussi le travail des autres. Lorsqu'ils n'ont pas reçu un vote de
4 confiance, lorsqu'ils ont demandé la démission de Dokmanovic, M Mercep a
5 dit qu'il prendrait le pouvoir par la force. Je vous parlerai plus tard
6 des événements ultérieurs, lorsqu'ils ont largement abandonné le domaine
7 de la politique pour s'aventurer dans un domaine tout à fait différent.
8 M. Petrovic (interprétation). - Parlez-nous de la prise de
9 pouvoir, de la façon dont Radio Vukovar ou la police locale ont été
10 l'objet de prise de pouvoir.
11 M. Milinkovic (interprétation). - Lorsqu'ils ne sont pas
12 parvenus à utiliser les moyens légaux et légitimes pour avoir le pouvoir
13 dans la municipalité, ils ont eu recours à la force. Radio Vukovar était
14 le fait de professionnels de la radio, ces derniers ont dû quitter leur
15 poste et c'est à ce moment-là que M. Degoricija et d'autres associés ont
16 désigné les cadres de direction. Ceci s'est passé également au sein de la
17 défense nationale. Le secrétaire a été évincé par la force de son bureau
18 et ce sont des associés de M. Mercep qui ont pris sa place. Je ne sais pas
19 s'il disposait de documents lui permettant ces agissements, je ne sais pas
20 comment il avait ses documents, mais il a pris ses fonctions et
21 l'assemblée municipale n'a pas pris de décision à ce propos.
22 M. Petrovic (interprétation). - Un détail est assez bizarre dans
23 votre déclaration. Vous êtes allé chez M. Mercep pour une réunion et
24 quelque chose s'est produit. Quoi, en particulier ?
25 M. Milinkovic (interprétation). - Beaucoup de réunions avaient
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1 été organisées hors de l'assemblée municipale. Les partis politiques se
2 réunissaient jusque tard dans la nuit pour évoquer les problèmes qui
3 avaient surgi et pour trouver des solutions de compromis. Nous étions
4 censés dresser le procès-verbal de ces réunions. Cette réunion-là avait
5 duré particulièrement longtemps et nous avions décidé d'aller chez
6 plusieurs personnes, le lendemain matin, pour écrire le procès-verbal. Une
7 de ces personnes a dit qu'elle ne pouvait pas venir tôt, car elle devait
8 tuer certains de ses poulets. Une autre personne, qui était aussi député,
9 a dit
10 qu'elle viendrait lui donner un coup de main. M. Mercep a dit qu'il ne
11 serait pas en mesure de donner un coup de main, parce qu'il ne supportait
12 pas la vue du sang des poulets. Il aimait toujours faire une plaisanterie.
13 L'un d'eux a rétorqué : "Peu importe, je vais cacher la tête du poulet,
14 comme cela vous ne verrez rien." Là-dessus, Mercep a dit : "Pas de
15 problème, je vais abattre ces poulets moi-même." C'était une plaisanterie
16 d'assez mauvais goût, qui montre les difficultés que nous rencontrions
17 pour installer un dialogue vraiment démocratique.
18 M. Petrovic (interprétation). - Qu'est-ce que ce
19 Chiken check up ? Qu'est-ce que cela représentait ?
20 M. Milinkovic (interprétation). - C'est le calot que portent en
21 général les Serbes. C'est dans leur costume national.
22 M. Petrovic (interprétation). - Le chef de l'hôpital de Vukovar
23 a été remplacé à cette occasion, n'est-ce-pas ? Il était de nationalité
24 serbe, n'est-ce-pas ?
25 M. Milinkovic (interprétation). - En Croatie, je vous avais dit
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1 qu'il y avait beaucoup de Serbes directeurs de grandes entreprises. Ils
2 ont été relevés de leurs fonctions et il y a eu effectivement une
3 centralisation du pouvoir pour toutes les entreprises publiques, dans un
4 sens de centralisation, pour qu'elles soient plus aisément gérées. Cela a
5 été vrai pour les PTT. Par décret du Sabor, du parlement croate, une
6 entreprise publique a remplacé les PTT. Les activités postales ont été
7 divisées, séparées des activités de télécommunication. Tous les directeurs
8 ont été relevés de leurs fonctions, à tous les niveaux. Par exemple, pour
9 les postes et pour les télécommunication, on a vu arriver de nouvelles
10 personnes à la tête de ces services. Pour Vukovar, moi aussi, j'ai été
11 relevé de mes fonctions aux PTT. Un directeur de niveau inférieur a été
12 désigné, alors qu'il n'avait pas de compétence ni d'autorisation. En
13 d'autres termes, il y a eu une centralisation de tous les services et tous
14 les directeurs ont été remplacés. J'entends là : tous les directeurs
15 serbes d'entreprises publiques ont été relevés de leurs fonctions. Au sein
16 de la municipalité elle-même, et ceci à partir de mai, au moment où Mercep
17 a pris, dans
18 les faits, le contrôle et le commandement total de la ville, j'ai le
19 sentiment que ni la police, ni le commandant du poste de police de
20 Vukovar, M. Selac et la personne qui l'a remplacé par la suite n'avaient
21 de pouvoir, d'autorité sur la police.
22 Me Petrovic (interprétation). - Qui a remplacé les Serbes à leur
23 poste ?
24 M. Milinkovic (interprétation). - Des Croates. Le directeur de
25 l'hôpital qui était serbe a été remplacé. Je ne sais pas s'il y a eu
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1 d'abord M. Javo et M. Bozanac, en tout cas le directeur serbe a été
2 remplacé à l'hôpital.
3 Me Petrovic (interprétation). - Parlons des événements qui
4 constituent un tournant pour Vukovar, 1er et 2 mai. Que s'est-il passé le
5 1er mai ?
6 M. Milinkovic (interprétation). - C'était par tradition une fête
7 du 1er mai. Les citoyens se rendaient dans les environs de Vukovar, de
8 Borovo Brsadin, Borovo Selo, Sumadica. Sumadica est plus proche du centre
9 de la ville de Vukovar. En dépit de la gravité de la situation, je voulais
10 faire une excursion avec ma famille pour fêter le 1er mai. La situation
11 commençait à se dégrader et un citoyen âgé, un Serbe a été tué par un
12 autre citoyen âgé, un Croate ou du moins en partie Croate et en partie
13 Hongrois. Je me suis adressé à la cellule de crise du village pour voir ce
14 qui s'était passé. Je me suis rendu en voiture au siège de la cellule
15 comme je la faisais chaque fois qu'il y avait eu des excès. Je me rendais
16 sur les lieux pour essayer de calmer la population, pour diminuer les
17 tensions. C'est ce que j'ai fait cette fois-ci également. Les villageois
18 étaient indignés devant ce crime. Ils avaient encerclé la maison de
19 l'auteur de ce crime. Moi, je me suis entretenu avec les gens de la
20 communauté locale et au quartier général ou cellule de crise comme on
21 l'appelait. J'ai demandé que le calme soit rétabli. Je sais que Savo
22 Davidovic qui était aussi de ce village et lui-même un parlementaire avec
23 moi et M. Bosnjakovic, lui aussi un député, que nous trois avons essayé
24 d'apaiser les villageois. J'ai fini par réussir à ce que la police emmène
25 cette personne, Gelencin, parce que ils voulaient qu'une enquête soit
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1 menée. Malheureusement comme cela s'était déjà passé à plusieurs reprises,
2 il n'y a
3 pas eu d'enquête, car M. Gelencin n'a jamais été traduit en justice.
4 En synthèse, nous perdions de plus en plus le peu d'autorité
5 qu'il nous restait. C'était vrai pour moi et pour Dokmanovic, parce que
6 nous essayions de trouver une solution pacifique au problème. Je suis
7 retourné au poste de police, ce même jour, j'ai vu M. Selac et M. Matkovic
8 était présent également. C'était un membre des forces croates spéciales du
9 MUP. Pendant une dizaine de jours, il était au poste de police de Vukovar.
10 Moi, j'y étais, à ce poste de police, quasiment tous les jours. Lorsqu'il
11 y avait eu des excès concernant les Serbes, j'en étais informé, j'allais
12 au poste pour essayer de calmer la situation. Lorsque des Serbes venaient
13 me voir pour que j'intervienne, je faisais de même. J'ai donc rencontré
14 ces deux personnes et pour la énième fois, j'ai essayé d'expliquer qu'il
15 fallait éviter de recourir à la force, parce que je peux vous dire qu'au
16 tout premier jour et j'en suis convaincu, les gens étaient prêt à ouvrir
17 le dialogue, à résoudre les choses de façon pacifique. Mais finalement,
18 les gens ont perdu confiance et patience. La peur a commencé à régner, ce
19 qui a entraîné une véritable escalade du conflit et faisait que les gens
20 étaient prêts à se défendre, à défendre leur famille par d'autres moyens
21 que des moyens pacifiques. Je les mettais en garde, je leur disais : "Ne
22 prenez pas les armes". Mais M. Matkovic m'a dit que je devrais être
23 d'accord pour que la force soit utilisée, que si je marquais mon accord,
24 les choses seraient réglées. Je pense avoir passé quelques deux heures
25 pendant la nuit à discuter de ce problème, puis je suis rentré chez moi.
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1 J'ai demandé qu'il y ait une enquête sur les lieux et qu'un rapport soit
2 adressé aux autorités pour montrer aux Serbes que la police faisait
3 quelque chose pour remédier à cette situation. Mais on m'a répondu qu'une
4 enquête sur les lieux ne pouvait se faire vue l'heure tardive, mais
5 qu'elle aurait lieu le lendemain.
6 Le lendemain, le 2 mai, je me suis rendu au bâtiment des PTT,
7 vers 10 heures, je pense. Le poste de police m'a appelé pour me dire qu'un
8 juge d'instruction du tribunal d'Osijek était arrivé -effectivement, nous
9 relevions du tribunal d'Osijek- mais qu'il n'osait pas se rendre sur les
10 lieux pour mener son enquête, car des représentants de la communauté
11 locale avaient dit
12 qu'aucun policier ne serait autorisé à entrer dans le village, étant donné
13 les expériences désagréables déjà connues et qu'il y avait eu des coups de
14 feu tirés par des personnes en uniforme. Je suis intervenu, je leur ai dit
15 que c'est moi qui serait responsable. Ils ont marqué leur accord. C'est
16 ainsi qu'avec un groupe de journalistes qui avaient demandé à
17 m'accompagner, je suis allé dans une voiture de police avec deux policiers
18 et le juge d'instruction dans ce village et nous avons eu les premiers
19 pourparlers avec la communauté locale. Le juge d'instruction a fait une
20 enquête sur le terrain. Je crois me souvenir qu'un des fils du monsieur
21 qui avait été tué était présent. L'atmosphère était correcte, ils ont fait
22 leur déclaration, expliqué comment l'incident s'était produit. Le juge a
23 rapidement mené à terme son enquête et il a dit qu'il allait repartir avec
24 la police qui se trouvait à la sortie du village dans la direction de
25 Vukovar. Ils sont partis et je suis resté pour parler aux villageois. Les
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1 journalistes sont restés eux aussi. Ensuite, nous avons entendu des coups
2 de feu qui venaient de la forêt. J'étais venu avec ma voiture privée alors
3 j'ai repris ma voiture et je suis allé voir dans la forêt ce qu'il s'était
4 produit. La forêt se trouvait à droite et, à gauche, il y avait des silos
5 de blé. Il y avait des tireurs d'élite du MUP croate dans sur les silos.
6 Sur la route menant à la forêt, il y avait trois véhicules : une
7 Renault Trafic et deux Land Rover. Dans chaque véhicule, il y avait huit
8 policiers entièrement armés, mais je n'ai toujours pas compris comment les
9 choses s'étaient produites alors j'ai posé la question et on m'a dit que
10 quelqu'un avait tiré en direction de la forêt. J'ai répondu qu'ils
11 pouvaient passer librement, puisque j'étais présent, et je suis allé
12 rechercher les journalistes. En passant la forêt, lorsque je me
13 rapprochais des alentours de Vukovar, je suis tombé sur un grand groupe de
14 policiers. Je me suis arrêté et leur ai demandé de quoi il s'agissait. On
15 m'a dit : « rien de spécial, tout va bien » et j'ai poursuivi ma route
16 vers le poste de police. Je suis directement entré dans les bâtiments et
17 comme je m'y rendais souvent, à l'époque, je ne me suis pas présenté, je
18 ne me suis pas annoncé. Je suis entré dans le bureau de M. Tredoselos, je
19 l’ai trouvé, j'ai trouvé
20 M. Dzaja, qui était chef de la police pour Vukovar, Vinkovci et Zupanja,
21 donc le supérieur de M. Solovsid et M. Bosnia. Je crois qu'il occupait une
22 certaine fonction dans la police, mais je n'en suis pas sûr. A
23 Borovo Selo, quelqu'un du poste de police m'avait dit, et j'ai été surpris
24 de le voir porter un gilet pare-balles. En fait, j'ai interrompu leur
25 conversation ; je lui ai dit ce qu'il s'était produit et que j'avais
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1 réussi à calmer la situation, mais qu'il y avait eu des coups de feu. La
2 tension a repris et on m'a dit que j'avais raison, mais que le problème
3 était totalement différent. Dzaja m’a déclaré que ce matin-là (c'est ce
4 qu’il m’a dit), deux policiers étaient portés disparus à Borovo Selo.
5 Etant donné que, souvent, j'étais en contact avec Borovo Selo également,
6 j'ai pris le téléphone et j'ai essayé de les appeler. Personne n'a répondu
7 à mon appel téléphonique.
8 A ce moment-là M. Bosnjak a demandé à M. Dzaja de sortir avec
9 lui afin qu'ils puissent s'entretenir en privé. Apparemment, ils ne
10 pouvaient pas poursuivre leur discussion devant moi, la discussion qu'ils
11 avaient interrompue quand j’étais entré. Quand ils sont revenus, je leur
12 ai proposé d'aller moi-même à Borovo Selo, bien que je me rende compte que
13 moi, à l'instar des autres Serbes en faveur d'une solution pacifique,
14 j’avais pratiquement perdu toute crédibilité auprès des Serbes. Certains
15 m'avaient déjà traités de traître. Mais malgré tout cela, je leur ai
16 offert de m’y rendre, afin de voir sur place ce qu’il se passait. M. Dzaja
17 a répondu que cela ne servait à rien car, en fait, il avait déjà donné
18 ordre d'attaquer. Je dois dire que j'étais vraiment étonné, malgré tout ce
19 que l'on m'avait assuré, tout ce que j'avais assuré à Goritze, à Salin
20 afin de les exhorter à ne pas recourir à la force. C'est exactement ce
21 qu'ils ont fait. Je lui ai demandé d'appeler M. Degoricija pour moi. Il
22 m'a dit qu'il ne pouvait pas le joindre. Je lui ai répondu qu'il pouvait
23 dire cela à d'autres, mais pas à moi. Je savais très bien qu'il avait une
24 ligne spéciale avec le ministère, mais il n'a pas appelé M. Degoricija
25 pour moi. Je lui ai demandé s'il savait que cet acte-même allait lancer la
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1 guerre civile. Tout ce qu’il a fait, c’est de murmurer quelque chose en
2 disant qu'il devait nettoyer le terrain et qu'il ne pouvait plus tolérer
3 la situation.
4 J'ai regardé M. Dolesac que j'estimais comme une personne
5 raisonnable. Nous
6 avions passé de longues heures auparavant, discutant pour voir comment il
7 serait possible de dépasser la situation. Mais il n'a plus eu le courage
8 de me regarder dans les yeux, après cela. Le lendemain, il avait changé de
9 fonction, on l'avait démis de ses fonctions et nommé quelqu'un d'autre à
10 sa place. J'ai prié, j'ai imploré M. Dzaja pour lui demander de mettre fin
11 à ses actions. Il n'a pas voulu le faire. Je voulais partir, mais il a dit
12 que je devais comprendre que je ne pouvais pas partir maintenant, qu'il
13 s'agissait d'intérêts plus élevés et que je ne pouvais pas mettre fin à ce
14 qu'il se passait. Je lui ai demandé s'il était en train de m'arrêter. Il
15 m'a que non, mais que je devais bien comprendre ce qu'il disait, quelles
16 en étaient les répercussions.
17 Ensuite on lui a dit que toutes les lignes étaient coupées vers
18 Borovo Selo. Puis il a appelé Kir qui était au même niveau hiérarchique
19 que lui mais pour le territoire de la municipalité d'Osijek. Je me
20 souviens qu'il avait un combiné dans la main et qu'il a dit :
21 « Qu'attendez-vous, pourquoi ne partez-vous pas ? » Je dois vous dire que
22 c'est par hasard, puisque j'étais rentré dans leur bureau sans être
23 annoncé, que j'avais réussi à les forcer à se synchroniser. D'une part, il
24 y avait les forces de police de Vukovar, d'autres part les forces de
25 police commandées par que Kir, qui sont parties d'Osijec et qui sont
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1 allées vers Borovo Selo. Mais ils n'étaient pas synchronisés, en raison de
2 ce que j'avais fait. Pendant dix ou quinze minutes, il y a eu un manque de
3 synchronisation. Quand je suis rentré dans le bureau, je me suis rendu
4 compte que l'action était déjà en cours. Il s'était arrêté, il s'était tu.
5 Lorsque je suis parti, il m'a demandé si je pouvais revenir après
6 17 heures afin que nous puissions analyser les résultats de la situation.
7 Je crois qu'à ce moment-là quelque chose a explosé en moi et je lui ai dit
8 plein de méchantes choses parce que j'étais sidéré par tout ce qui s’était
9 passé.
10 Je suis parti en vitesse, j'ai couru. Dans les couloirs, il y
11 avait des groupes importants de policiers en uniforme. Je les ai poussés,
12 je suis sorti en courant et un groupe de journalistes, qui se trouvaient
13 devant le poste de police, ont vu que quelque chose se produisait, mais
14 personne n'a osé m'approcher. Ils ont vu que j'entrai en courant dans ma
15 voiture. Je suis
16 arrivé au bâtiment des PTT et j'ai prié ma secrétaire d'appeler
17 M. Degoricija de ma part. Dans le passé, je lui parlais au téléphone
18 pratiquement chaque jour lorsque nous essayions d'arriver à un résultat
19 pour voir comment résoudre certaines situations épineuses. Quand je l'ai
20 eu au téléphone je lui ai dit : « Mais qu’as-tu fait ». Il m'a répondu :
21 « Que se passe-t-il ? ». Je lui ai dit que Dzaja venait de lancer un
22 conflit armé à Borovo Selo. Il m'a répondu qu'il n'était pas au courant et
23 qu'il faudrait que je dise à Dzaja de l’appeler directement. Je lui ai
24 répondu que c'était lui qui devait lui dire cela puisqu'il avait accepté
25 cette attaque. Ensuite, je me suis rendu à l'assemblée municipale. A ce
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1 moment-là le président Dokmanovic n'était pas présent car à l'époque déjà,
2 il n'osait plus se rendre dans les bâtiments puisqu'on l'avait menacé
3 d'embuscade à plusieurs reprises et j'ai dit à sa secrétaire de l'appeler.
4 L'officier de fonction a répondu au téléphone, je lui ai dit qu'une
5 attaque armée était en cours à Borovo Selo. J'ai insisté pour qu'on fasse
6 intervenir l'armée afin d’arrêter cette insurrection armée. Il m'a dit
7 qu'il allait vérifier la chose, qu'il ne savait pas ce qui se passait et
8 plus tard j'ai reçu des informations indiquant qu'on avait envoyé des
9 chars d'assaut vers Borovo Selo afin d'arrêter le conflit.
10 J'ai reçu certaines informations différentes. Entre-temps, j’ai
11 essayé d'appeler certaines personnes que je connaissais, membres de
12 l'assemblée municipale et du conseil exécutif, afin de voir comment, tous
13 ensemble, nous pourrions trouver des solutions. M. Modolokot est arrivé ;
14 il était lui aussi un député. Etant donné que les informations étaient
15 différentes quant à ce qui se produisait, je lui ai demandé de
16 m'accompagner afin que nous puissions voir nous-mêmes à l'entrée de
17 Vukovar pourquoi l'armée n'intervenait pas. Nous nous trouvions dans la
18 voiture officielle du président et nous nous sommes rendus sur la route
19 menant à Trpinja et Osijek. Il y avait un groupe assez important de
20 personnes, certaines portant des uniformes, d'autres en civil, des hommes,
21 des femmes et même quelques enfants. Ils se trouvaient sur la route,
22 devant les chars d'assaut et c'est la raison pour laquelle les chars
23 s'étaient arrêtés. Les soldats ne voulaient pas poursuivre leur chemin car
24 ces personnes se trouvaient sur
25 la route. Je suis sorti de ma voiture et une personne parmi cette
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1 assemblée de citoyens a dit : « Ah, c’est vous qui avez appelé l'armée ».
2 Avant, j'avais pris la parole lors de nombreuses réunions de citoyens et
3 j'avais certaines expériences, je savais comment se comporter dans une
4 telle situation. C'est la raison pour laquelle pendant une seconde, je
5 n'ai pas montré de peur. Je n'ai pas fait de mouvements qui pourraient
6 irriter ses personnes. Je suis resté là, je n'ai pas bougé, je n'ai rien
7 dit, je n'ai fait aucun commentaire pendant un certain temps. Lorsqu'ils
8 ont vu que je ne réagissais pas, la première vague s'était calmée, je
9 crois qu'on m'aurait lynché si je m'étais comporté de façon incorrecte. Je
10 suis revenu lentement, le chauffeur était toujours dans la voiture et je
11 l'ai prié de m'emmener vers l'autre côté, en direction de Borovo Selo,
12 dans les faubourgs. Il y a là une partie sans maison où se trouvait un
13 groupe important de policiers mais à ma surprise, et je dois l'admettre, à
14 ma grande déception également, un certain nombre de civils armés, donc des
15 personnes appartenant à l'ethnie croate, s’y trouvaient. Je ne croyais pas
16 qu'il s'agissait de nationalistes extrémistes. Je me souviens d'un
17 chauffeur, que je connaissais, et qui se cachait. Nous étions bons amis
18 dans le passé et il se cachait afin que je ne le voie pas. J'ai également
19 vu un autre policier qui dirigeait cette unité policière. Je l'avais
20 rencontré à la sortie de Bokadin, lorsque j'avais quitté le poste de
21 police. Il m'a dit qu'il avait été touché par une balle dans le dos mais
22 qu'il portait un gilet pare-balles. Il n'était pas blessé, il avait
23 simplement mal. Alors je lui ai demandé ce qui se passait. Il m’a dit
24 qu'on avait demandé par radio aux personnes qui se trouvaient devant les
25 chars d'assaut de quitter la route afin que les chars puissent poursuivre
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1 leur route car les policiers qui se trouvaient à Borovo Selo étaient
2 encerclés et que les chars devaient pouvoir se rendent à Borovo Selo afin
3 de libérer les policiers.
4 M. Petrovic (interprétation). - A qui appartenaient ses chars ?
5 M. Milinkovic (interprétation). - Il s'agissait de chars
6 appartenant à l'armée yougoslave.
7 M. Petrovic (interprétation). - L'armée du peuple yougoslave ?
8 M. Milinkovic (interprétation). - L'armée du peuple yougoslave,
9 à l'époque c’était la JNA.
10 M. Petrovic (interprétation). – Excusez-moi, de vous
11 interrompre, mais je crois qu'il nous faudra une demi-heure supplémentaire
12 pour interroger le témoin demain matin.
13 M. le Président (interprétation). - Je lève la séance.
14 L'audience est levée à 13 heures 15.
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