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1 (Mercredi 29 août 2001.)
2 (Conférence de mise en état.)
3 (Audience publique.)
4 (L'audience est ouverte à 9 heures 36 sous la présidence du Juge Hunt.)
5 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
6 M. le Président (interprétation): Veuillez annoncer l'affaire, s'il vous
7 plaît.
8 Mme Thompson (interprétation): Bonjour. Affaire IT-94-2-PT, le Procureur
9 contre Dragan Nikolic.
10 M. le Président (interprétation): Je vais demander aux parties de se
11 présenter.
12 M. Ryneveld (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
13 Dirk Ryneveld et je représente les intérêts de l'accusation avec M. Bill
14 Smith.
15 M. le Président (interprétation): Et pour la défense?
16 M. Morrison (interprétation): Je m'appelle Howard Morrison et je
17 représente les intérêts de M. Nikolic.
18 M. le Président (interprétation): Maître Morrison, est-ce que vous ne
19 respectez pas ici les coutumes qui sont celles de votre pays?
20 M. Morrison (interprétation): Cela dépend de la toge que je porte.
21 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il conviendrait de traiter
22 cette conférence comme une conférence de mise en état?
23 M. Morrison (interprétation): Oui.
24 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous souhaitez évoquer des
25 questions relatives à la détention de votre client?
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1 M. Morrison (interprétation): Non, pas véritablement au sujet de la
2 détention de mon client, mais il y a quelque chose que je souhaite
3 évoquer, sans pour autant émettre aucune critique. Il s'agit de l'Acte
4 d'accusation modifié.
5 M. le Président (interprétation): Oui, je suis sûr que M. Ryneveld va nous
6 assurer qu'il va éviter toute modification intempestive. Mais y a-t-il
7 d'autres questions que vous souhaitiez évoquer, Maître Morrison?
8 M. Morrison (interprétation): Uniquement celle que vous avez vous-même
9 soulevée, Monsieur le Juge.
10 M. le Président (interprétation): Oui, nous avons effectivement organisé
11 cette conférence de mise en état pour traiter de cette question, en ce qui
12 concerne l'Acte d'accusation modifié.
13 M. Ryneveld (interprétation): Je sais bien que je vous avais donné une
14 date. Nous n'avons pas tout à fait fini le travail, mais nous attendions
15 le retour de M. Groome qui siège en l'espèce et qui est toujours en voyage
16 de noces actuellement. Nous espérons que dans les tout prochains jours,
17 nous en aurons terminé et nous pourrons vous présenter un Acte
18 d'accusation modifié.
19 M. le Président (interprétation): Je pense que le Bureau du Procureur ne
20 tiendra aucun compte de ce que je vais dire mais je vais le dire quand
21 même: je pense qu'il serait bon de procéder de manière chronologique et de
22 terminer par les chefs d'accusation.
23 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Vous aurez sans doute remarqué la
24 modification du format adopté pour l'Acte d'accusation dans les
25 paragraphes.
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1 M. le Président (interprétation): C'est la confusion la plus totale qui
2 règne dans ces actes d'accusation et dans une autre affaire que vous
3 connaissez bien. Cela a entraîné la suggestion faite par les médias qui,
4 bien entendu, ne connaissent pas nos procédures, donc les médias ont
5 suggéré que vous aviez essayé de donner moins d'importance à une question,
6 d'édulcorer un certain nombre de questions alors que ce n'était sans doute
7 pas votre intention.
8 M. Ryneveld (interprétation): Je prends bien note de vos remarques et j'en
9 ferai part à ceux qui m'ont donné des instructions. Mais je peux vous
10 assurer ainsi que le conseil de la défense que cette question est pour
11 nous une priorité. Vous devez également savoir qu'à ma connaissance, bien
12 que je sois toujours le substitut du Procureur en l'espèce, il est
13 possible, et je crois d'ailleurs que je ne siégerai plus dans cette
14 affaire mais avant de remettre la charge de cette affaire à mon
15 successeur, quel qu'il soit, je ferai en sorte qu'il ou elle dispose d'un
16 acte d'accusation modifié.
17 M. le Président (interprétation): Oui, on avait annoncé au début de cette
18 affaire qu'elle comportait un nombre record de chefs d'accusation. Or, il
19 vaudrait mieux que cette affaire soit connue comme l'affaire où il y ait
20 le moins de chefs d'accusation inutiles possible.
21 M. Ryneveld (interprétation): Je suis, quant à moi, convaincu du fait
22 qu'il convient de rationaliser cet Acte d'accusation et cela va être fait.
23 M. le Président (interprétation): Concernant la requête faite par l'accusé
24 qui demande à être mis en liberté en raison des circonstances de son
25 arrestation, je dois vous dire la chose suivante et je vais être très
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1 clair. Moi-même, je ne vais établir aucun accord entre les parties sur la
2 manière de procéder. Il y a 20 ans que je suis juge; il y a une chose que
3 j'ai apprise: on ne peut jamais forcer les parties à se mettre d'accord
4 sur un certain nombre de choses. Quatre ans dans les tribunaux équivalents
5 des tribunaux de droit civil m'en ont convaincu.
6 Mais vu les documents qui m'ont été envoyés, il me semble qu'il y a des
7 différences qui sont tout à fait inutiles. On peut très bien se mettre
8 d'accord sur les faits sans pour autant convenir sur les points de droit.
9 La question de droit qui se pose ici est très sensible; il convient d'y
10 trouver une solution en l'espèce. Nous n'allons pas nous appuyer sur les
11 textes relatifs à la détention ou l'arrestation illégale; cela n'aurait
12 aucun sens. Mais, dans la plupart des cas où l'on parle de l'éventualité
13 de l'illégalité des actions de l'accusation, on dit que, si les
14 circonstances de l'arrestation sont entachées d'illégalité, à ce moment-
15 là, il est impossible qu'il y ait un procès équitable. Or ceci n'est pas
16 du tout le cas ici.
17 Donc on en vient à la question que j'ai essayé de définir, à savoir: est-
18 ce qu'il faut que l'accusation ait participé? Et cela comporte une
19 certaine mesure d'ambiguïté. Si ce n'est pas l'accusation en tant que
20 telle, est-ce qu'à ce moment-là, la SFOR est son agent dans le cadre de
21 l'arrestation en question?
22 J'ai élaboré le document qui vous a été présenté dans l'urgence, après un
23 long voyage qui me ramenait de ma ville natale. J'ai mis un certain nombre
24 de mots entre parenthèses dans ce texte parce que je n'étais pas trop sûr
25 d'un certain nombre de choses. J'espérais et j'espère que vous arriverez à
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1 vous mettre d'accord sur ce texte et sur les questions que j'y pose.
2 Si ce n'est pas possible, à ce moment-là, Maître Morrison, nous allons
3 nous tourner vers vous et vous demander ce que vous voulez que nous
4 fassions maintenant. Alors, je pense que nous allons nous lancer dans le
5 bourbier qui consistera à demander l'aide de la SFOR.
6 M. Morrison (interprétation): Et c'est justement, je pense, ce que nous
7 voulons tous éviter. D'après ce que m'a dit M. Ryneveld, le projet de
8 document que vous nous avez fourni, compte tenu des documents que vous
9 nous avez envoyés, donc d'après ce que j'ai compris -et cela ne vient pas
10 directement de M. Ryneveld mais de M. Groome-, l'un des problèmes était le
11 suivant: c'est-à-dire qu'on avait l'impression qu'avec mon document, il y
12 avait un certain niveau de compromis de la part du Bureau du Procureur. Il
13 ne s'agit pas ici de compromis; il s'agit des questions sur lesquelles la
14 Chambre doit statuer.
15 M. le Président (interprétation): Mais vous avez constaté que j'ai essayé
16 d'être aussi général que possible dans ma formulation et non pas de
17 préciser une conduite ou une autre. J'ai essayé également d'éviter de
18 préciser où les choses s'étaient produites. Parce que je pense qu'à ce
19 moment-là, on soulevait des questions qui n'avaient pas lieu d'être.
20 Donc si vous pouviez suivre ces orientations, les orientations de ce
21 projet de document, qui n'est qu'un projet, si vous pouviez arriver à un
22 accord, un accord qui ne porte préjudice à personne, à ce moment-là, il
23 est possible que la Chambre de première instance en arrive à la conclusion
24 que le droit international est complètement différent de tout autre droit
25 et que toute illégalité, où qu'elle se produise, est suffisante.
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1 Moi, je n'en sais rien. C'est une question extrêmement complexe. Mais si
2 nous pouvons obtenir une réponse à cette question -ce qui sera un succès
3 d'emblée-, nous n'aurons pas besoin de nous adresser à la SFOR. Si, en
4 revanche, vous avez besoin de la SFOR et, encore plus, si vous avez besoin
5 du Bureau du Procureur, il y aura d'autres étapes à franchir.
6 Je crois, en effet, qu'il y a une erreur qui s'est répandue à partir de
7 l'affaire Nestorovic et en raison sans doute de l'implication de l'OTAN où
8 il y a eu quelques ambiguïtés. Ce que l'OTAN a demandé de faire dans cette
9 affaire, ce n'était pas de ne pas révéler l'existence d'une conduite
10 criminelle, si conduite criminelle il y avait, mais c'était de ne pas
11 parler du rôle précis joué par l'accusation dans l'arrestation. Donc là,
12 il y avait une marge très étroite à respecter.
13 Et ce n'est pas en raison de qualifications magiques que la SFOR pourrait
14 obtenir que cette marge sera respectée, mais simplement en raison du fait
15 que la SFOR est effectivement une des sources susceptibles de fournir des
16 informations -si de telles informations existent- quant au rôle joué par
17 l'accusation dans l'arrestation ou la mise en détention d'une personne
18 concernée. Donc les poursuites contre la SFOR n'étaient pas destinées à
19 présenter la SFOR comme coupable de quoi que ce soit, mais à savoir
20 simplement quel était le rôle joué par elle dans toute cette affaire.
21 M. Morrison (interprétation): Je comprends très bien, mais la seule raison
22 pour laquelle nous ne souhaiterions pas nous engager immédiatement dans
23 cette voie réside dans une attitude qui est la nôtre et qui n'est pas la
24 même que celle de l'OTAN. Je pense que les Juges de cette Chambre nous
25 soutiendront.
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1 M. le Président (interprétation): Oui, je comprends bien. Je pense qu'il
2 est assez regrettable en effet que l'attitude adoptée ait été adoptée. Il
3 n'y a plus d'arrestation pendant six mois après cela, ce qui me paraît une
4 extrémité assez regrettable, mais c'est en tout cas une des réalités dans
5 lesquelles notre Tribunal doit fonctionner.
6 M. Morrison (interprétation): Eh bien, je proposerais, bien que ne sachant
7 pas quelles sont les intentions du Procureur dans l'heure ou les deux
8 heures à venir… Je pense qu'il n'a pas de rendez-vous pour déjeuner?
9 M. le Président (interprétation): Oui, mais il doit être ici demain.
10 M. Morrison (interprétation): Oui, je sais bien qu'il doit être ici
11 demain, mais enfin je proposerais que nous nous asseyions pour examiner un
12 certain nombre de ces questions ensemble et qu'il accepte de se voir
13 servir un café un peu sur le pouce.
14 M. le Président (interprétation): Oui, je pense que c'est une bonne idée
15 si vous trouvez le temps de le faire. Et si vous parvenez à un accord, il
16 devrait être présenté par écrit de façon à être déposé officiellement.
17 M. Morrison (interprétation): Oui, c'est possible. Compte tenu de la
18 question qui nous occupe, il est possible que nous soumettions un projet
19 de texte parce que, si nous devons passer par la procédure de dépôt
20 officiel, cela me paraît un peu long et risque de ralentir la procédure.
21 M. le Président (interprétation): Mais quand je dis "déposer", cela
22 signifie simplement que le Greffe prend charge du document pour le
23 transmettre à l'autre partie.
24 M. Morrison (interprétation): Oui, tout à fait. Cela pourrait donc être
25 fait grâce à notre assistant, ce qui permettra d'aller vite.
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1 M. le Président (interprétation): Moi, je serai là toute la journée, de
2 toute façon.
3 Monsieur Ryneveld, vous voulez la parole?
4 M. Ryneveld (interprétation): Oui, j'aimerais quelques commentaires, si
5 vous me le permettez, car le Procureur tient beaucoup à éviter de régler
6 par le biais de ces discussions les questions importantes qui devraient
7 être traitées au procès. Nous ne craignons pas que les débats aillent trop
8 loin, ce n'est pas la question, mais nous souhaiterions traiter
9 précisément de la question qui se pose à nous, à savoir quelles sont les
10 solutions existantes, et nous n'aimerions pas devoir mener une enquête sur
11 les faits pour répondre.
12 Donc, au point 2 du texte que nous avons reçu, il est mention tout de même
13 d'une certaine forme d'enquête et cela nous inquiète un petit peu.
14 M. le Président (interprétation): Non, non. Le point 2 a été rédigé pour
15 stipuler qu'en dehors du cas où il est démontré que le Procureur, par
16 exemple, a supplié la SFOR de commettre un acte illégal, on peut se
17 demander quel est le rapport existant entre la SFOR et le Procureur
18 s'agissant de mises en détention et d'arrestations.
19 Maintenant, dans l'affaire Todorovic qui a été traitée en détail dans les
20 documents -et c'est une affaire qui a posé, je pense, quelques problèmes à
21 Me Morrison également-, il a été dit en tout cas dans ces documents que
22 "la SFOR ne se sentait tenue de rien faire pour ou au nom du Procureur".
23 En fait, la SFOR ne se sent tenue de rien faire à moins de tomber sur une
24 personne mise en accusation par le Tribunal en plein milieu de la rue pour
25 l'arrêter.
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1 C'est une déclaration qui date déjà de quelques années. J'espère que
2 maintenant les choses n'en sont plus là, mais voilà ce que je voulais dire
3 au point 2 du document. Il y a des documents relatifs à cela et qui
4 présentent la décision Todorovic.
5 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Juge, vous prévoyez dans ce cas
6 qu'il s'agit simplement d'un travail juridique qu'il convient que nous
7 fassions au sujet des demandes de témoignage, par exemple?
8 M. le Président (interprétation): Oui. Nous n'allons pas travailler comme
9 une agence d'enquête dans cette affaire, à moins que Me Morrison ait des
10 éléments de preuve particuliers à soumettre. Mais de toute façon, je pense
11 qu'il le fera sous forme de requête écrite et c'est la voie ordinaire, me
12 semble-t-il; nous n'allons pas nous lancer dans la preuve du fait que la
13 SFOR aurait commis quelque chose d'illégal.
14 M. Ryneveld (interprétation): Ceci étant clair, je pense que maintenant je
15 peux raccourcir les débats en indiquant que les questions telles que
16 formulées me satisfont.
17 M. le Président (interprétation): Non, non, non, je vous en prie, ne
18 rentrez pas dans ces détails. Récemment, une requête a été déposée pour
19 faire appel d'une décision à laquelle j'ai participé et que j'ai mise par
20 écrit. Je considérais que c'était une partie acceptable de l'Acte
21 d'accusation et j'ai été accusé d'avoir rempli les fonctions du Procureur
22 à sa place, donc je n'écris plus rien.
23 M. Ryneveld (interprétation): Ayant dit cela, je suppose que nous avons
24 maintenant réglé les questions les plus difficiles et que nous pouvons
25 tenter de nous entendre pour revenir devant vous avant la fin de la
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1 journée, par exemple?
2 M. le Président (interprétation): Après tout, un autre avantage que j'ai
3 acquis au cours des vingt ans de carrière qui sont les miens, c'est qu'en
4 général on apprend que les conseils connaissent mieux les affaires que les
5 Juges et qu'ils sont, en tout cas, mieux capables de mettre les choses par
6 écrit lorsqu'ils souhaitent obtenir la solution d'un problème.
7 Maintenant, je parle de cette façon et en parlant, en utilisant les mots
8 "aider" et "encourager", j'ai utilisé des mots très généraux, je vous le
9 rappelle. Je sais que je ne voudrais pas qu'il y ait ensuite critique
10 devant la Chambre d'appel si nous devions trouver une imperfection dans le
11 texte donc il faut, je le répète, qu'il soit revu et peaufiné.
12 J'étais fatigué par le voyage, je le répète.
13 M. Morrison (interprétation): Je pense que tout va bien, Monsieur le Juge.
14 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous organiserons une
15 audience plus tard.
16 (L'audience est levée à 9 heures 55.)
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