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1 Le jeudi 18 décembre 2003
2 [Audience sentencielle]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez s'asseoir, s'il vous plaît
7 Je vais devoir demander à la Greffière d'audience de donner le numéro de
8 l'affaire.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, affaire IT-94-2-S, le
10 Procureur contre Dragan Nikolic.
11 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Je vais
12 tout d'abord demander à M. Dragan Nikolic s'il est en mesure de suivre les
13 débats dans une langue qu'il comprend.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais demander aux parties de se
16 présenter, en commençant par l'Accusation.
17 M. YAPA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
18 Monsieur les Juges. Je m'appelle Upawansa Yapa. Je suis accompagné de Mme
19 Patricia Sellers et de M. William Smith. Mme Diana Boles est notre
20 assistante. Nous représentons le bureau du Procureur. Merci.
21 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Et pour la Défense.
22 M. MORRISON : [interprétation] Howard Morrison, conseil principal,
23 accompagné de Me Radosavljevic. Nous assurons la Défense de Dragan Nikolic.
24 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.
25 Je veux m'assurer que mon micro est bien branché. Oui, oui.
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1 Avant de donner lecture du résumé du jugement, je souhaiterais vous
2 remercier tous pour la coopération, dont vous avez fait preuve au cours de
3 l'année qui vient de s'écouler. Ceci vaut non seulement pour les personnes
4 qui se trouvent à l'intérieur de ce prétoire, mais aussi pour toutes les --
5 tous ceux et toutes celles qui nous apportent leur concours, mais qu'on ne
6 voit pas : les interprètes, les traducteurs, les techniciens, les gardes,
7 ainsi que tous ceux qui oeuvrent en coulisse pour nous permettre de siéger.
8 Au nom des Juges de la Chambre, je voudrais tout particulièrement remercier
9 la Défense, ainsi que l'Accusation. Sans leur professionnalisme, nous ne
10 serions pas en mesure d'être ici aujourd'hui.
11 Je souhaiterais également remercier les juristes de la Chambre pour le
12 travail très dynamique qu'ils ont apporté, ainsi que pour leur contribution
13 au jugement que nous allons maintenant prononcer. Jan Nimitz, Courtney
14 Musser, et tous les autres.
15 Nous allons maintenant donner lecture du jugement rendu par la Chambre de
16 première instance, qui sera disponible en anglais, en français et en B/C/S,
17 à l'issue de l'audience, seul fait autorité le texte du jugement que je
18 vais lire maintenant -- cependant, ce résumé ne fait pas partie intégrante
19 du jugement -- seul fait autorité le texte du jugement, dans lequel sont
20 exposés les constations et les conclusions de la Chambre de première
21 instance, ainsi que ses motifs. Le jugement sera mis à la disposition des
22 parties et du public à l'issue de cette audience.
23 L'accusé, M. Dragan Nikolic, alias Jenki, un Serbe de Bosnie, âgé de 46
24 ans, a été la première personne mise en accusation par ce Tribunal, le 4
25 novembre 1994. Le premier acte d'accusation modifié, dressé à son encontre,
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1 a été confirmé le 12 février 1999, et il comptait 80 chefs d'accusation
2 pour crimes contre l'humanité, infractions graves aux conventions de Genève
3 et violation des lois ou coutumes de la guerre. En l'espèce, l'accusé est
4 tenu responsable des crimes particulièrement odieux, commis au camp de
5 détention de Susica, situé près de la ville de Vlasenica, dans la
6 municipalité qui porte le même nom. Dragan Nikolic était un des commandants
7 du camp, créé par les forces serbes en juin 1992.
8 Dès le 4 novembre 1994, des mandats d'arrêt ont été délivrés contre Dragan
9 Nikolic. Ces mandats étant restés sans suite, la procédure prévue par
10 l'Article 68 du règlement a été engagée le 16 mai 1995. Le 20 octobre 1995,
11 la Chambre de première instance a jugé qu'il existait des raisons
12 suffisantes de croire que Dragan Nikolic avait commis toutes les
13 infractions mises à sa charge dans l'acte d'accusation. La Chambre disait,
14 en outre, que le défaut de signification de l'acte d'accusation et
15 l'inexécution des mandats d'arrêt était imputable au défaut ou au refus de
16 coopération de l'ancien gouvernement serbe de Bosnie à Pale.
17 L'accusé a finalement été arrêté vers le 20 avril 2000 par la SFOR en
18 Bosnie-Herzégovine et il a été immédiatement transféré au Tribunal le 21
19 avril 2000.
20 M. Dragan Nikolic a plaidé coupable le 4 septembre 2003 des différents
21 chefs du troisième acte d'accusation modifié dans lequel il était tenu
22 individuellement, pénalement responsable, notamment, d'assassinat, chef 2;
23 de complicité de viol, chef 3; et de torture, chef 4; en tant que crimes
24 contre l'humanité. Le comportement criminel à l'origine de ces accusations
25 servait également, en partie, de fondement à l'accusation ultime de
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1 persécutions portées au chef 1 sous la qualification de crime contre
2 l'humanité. Il convient de rappeler qu'au moment où l'accusé plaidait
3 coupable, la date de son procès était déjà fixée et les premiers témoins
4 étaient déjà arrivés à La Haye pour déposer hors audience dans la semaine
5 du 1er au 5 septembre 2003.
6 Pendant la phase préalable au procès, la Chambre de première instance a
7 consacré beaucoup de temps à statuer sur des questions de compétence.
8 Le 17 mai 2001 et le 29 octobre 2001, la Défense a soulevé des exceptions
9 préjudicielles d'incompétence en arguant de l'illégalité de l'arrestation
10 de l'accusé. La Défense soutenait que l'arrestation, selon elle illégale,
11 de l'accusé, par des inconnus sur le territoire de l'ancienne République
12 fédérale de Yougoslavie, devait être imputée à la SFOR et à l'Accusation,
13 et que de ce fait, le Tribunal ne pouvait juger l'accusé. La SFOR avait
14 arrêté celui-ci sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine après qu'il lui
15 a été remis par des inconnus. La Défense ajoutait que, quel qu'ait pu être,
16 en l'occurrence, le rôle de l'Accusation, le Tribunal était, du fait même
17 de l'illégalité de l'arrestation, incompétent en l'espèce.
18 Le 9 octobre 2002, la Chambre de première instance a rejeté la demande
19 présentée par la Défense. Dans sa décision, elle devait juger si
20 l'arrestation de l'accusé et son transfert ultérieur au Tribunal portaient
21 atteinte à la souveraineté d'un état, aux droits de l'homme et/ou à la
22 primauté du droit.
23 La Chambre de première instance a conclu qu'il n'y avait eu ni collusion,
24 ni implication de la SFOR et de l'Accusation dans les actes illicites en
25 cause. Elle a jugé qu'aux termes de l'Article 29 du statut et de l'Article
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1 59 bis du règlement, la SFOR était tenue d'appréhender Dragan Nikolic et de
2 le remettre au Tribunal.
3 La Chambre de première instance a décidé qu'en l'espèce, il n'y avait pas
4 eu de violation de souveraineté d'un état et ce pour trois motifs.
5 Premièrement, la Chambre a estimé qu'en raison de la relation verticale
6 qu'entretenait le Tribunal avec les états, la souveraineté ne pouvait, par
7 définition, jouer le même rôle que dans les relations horizontales d'état à
8 état.
9 Deuxièmement, la Chambre de première instance a rappelé qu'à aucun moment,
10 avant que Dragan Nikolic ne franchisse la frontière séparant l'ancienne
11 République fédérale de Yougoslavie de la Bosnie-Herzégovine, ni la SFOR, ni
12 l'Accusation ait été impliqué à ce transfert.
13 Troisièmement, elle a jugé que, contrairement à ce qui se passer dans les
14 affaires mettant en jeu les relations horizontales d'état à état, même s'il
15 y avait eu violation de sa souveraineté, l'ancienne République fédérale de
16 Yougoslavie aurait été, en l'espèce, tenue au terme de l'Article 29 du
17 statut de livrer l'accusé au Tribunal après le retour de celui-ci sur son
18 territoire. C'est dans ce contexte que la Chambre a rappelé la "dolo facit
19 qui petit statim redditurus est", qui signifie "qu'une personne qui agit
20 avec tromperie est celle qui demande ce qu'il devra rendre immédiatement."
21 La Chambre de première instance a tenu à rappeler le lien étroit qui
22 existe entre l'obligation faite au Tribunal de respecter les droits de
23 l'homme, dont joué l'accusé, et celle qu'il a de veiller à la régularité de
24 la procédure. Elle a conclu, toutefois, que les faits, tenus pour acquis
25 par les parties, n'établissaient en aucun cas que le traitement réservé à
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1 l'accusé par ces ravisseurs inconnus constituait une violation à ce point
2 fragrante de ces droits qu'il interdisait en droit au Tribunal de juger
3 l'accusé.
4 La Défense a formé un appel interlocutoire contre cette décision le 24
5 janvier 2003, après que la Chambre de première instance l'eut certifié. La
6 Chambre d'appel a rejeté l'appel de la Défense dans sa décision du 5 juin
7 2003. Au premier lieu, la Chambre d'appel a conclu que, même si la conduite
8 des ravisseurs de l'accusé étaient imputables à la SFOR, auquel cas cette
9 dernière devrait répondre d'une atteinte à la souveraineté d'un état, rien
10 ne justifiait qu'en l'espèce le Tribunal décline sa compétence. Pour
11 parvenir à cette conclusion, la Chambre d'appel a mis en balance d'une part
12 l'espoir légitime de voir traduit en justice les personnes accusées de
13 crimes universellement réprouvés et, d'autre part, le principe de
14 souveraineté des états et les droits fondamentaux de l'homme dont pouvait
15 se prévaloir l'accusé.
16 En second lieu, la Chambre d'appel a déclaré que certaines violations des
17 droits de l'homme étaient à ce point grave qu'elles appelaient un
18 déclinatoire de compétence; cependant, souscrivant à l'appréciation portée
19 par la Chambre de première instance sur la gravité de la violation présumée
20 des droits fondamentaux de l'accusé, elle a conclu que ses droits n'avaient
21 pas été violés de manière flagrante lors de son arrestation.
22 Le 2 septembre 2003, les parties ont présenté un accord de plaidoyer
23 reposant sur les faits reprochés dans la dernière version du troisième acte
24 d'accusation modifié. La Chambre de première instance a accepté cet accord
25 de plaidoyer lors de l'audience du 4 septembre 2003.
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1 Les audiences consacrées à la peine se sont tenues du 3 au 6 novembre 2003.
2 L'Accusation a cité trois témoins à comparaître et à présenter les
3 déclarations écrites de deux victimes, ainsi que le rapport d'un témoin
4 expert. La Défense, quant à elle, a cité deux témoins et produit les
5 déclarations écrites de trois autres.
6 Avant ces audiences consacrées à la détermination de la peine, la Chambre
7 de première instance, proprio motu, exigeait la présentation de deux
8 rapports d'expert, le premier sur l'application des peines et le deuxième
9 sur le comportement social de l'accusé. A l'audience le Prof. Ulrich
10 Sieber, professeur à l'institut Max Planck, de droit pénal international et
11 étranger de Freiburg, en Allemagne, a présenté, en sa qualité de témoin
12 expert, le rapport sur l'application des peines, et Mme Nancy Grosselfinger
13 a déposé sur le comportement social de l'accusé.
14 Prenant la parole en dernier, l'accusé a fait une déclaration dans laquelle
15 il a expliqué ses remords et accepté l'entière responsabilité de ses actes.
16 La Chambre de première instance va à présent exposer brièvement les faits
17 de l'affaire.
18 Vers le 21 avril 1992, des forces serbes comprenant des soldats de la JNA,
19 des paramilitaires et des personnes armées originaires de la région ont
20 pris le contrôle de la ville de Vlasenica. De nombreux Musulmans et
21 d'autres non-Serbes ont fui la région de Vlasenica, et de mai 1992 à
22 septembre 1992, ceux qui étaient restés ont été soit expulsés soit arrêtés.
23 Vers la fin de mai 1992 ou le début de juin 1992, les forces serbes ont
24 crée un camp de détention géré par l'armée et la milice locale à Susica. Le
25 camp de Susica, était le principal centre de détention de la région de
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1 Vlasenica et il se trouvait environ un kilomètre de la ville.
2 Du début du mois de juin 1992 jusqu'au 30 septembre 1992, environ, Dragan
3 Nikolic a été l'un des commandant du camp de détention de Susica.
4 Le camp de détention comportait deux bâtiments principaux et une petite
5 maison. Les détenus étaient incarcérés dans un hangar de 50 mètres sur 30
6 environ. Entre la fin de mai et octobre 1992, pas moins de 8 000 civils
7 musulmans et autres non-Serbes de Vlasenica et des villages environnants
8 ont été détenus dans le hangar du camp de Susica. Le nombre de personnes
9 détenues en même temps dans le hangar variait généralement de 300 à 500. Le
10 bâtiment était surpeuplé à l'extrême et les conditions de détention étaient
11 déplorables.
12 Des hommes, des femmes et des enfants ont été détenus au camp de Susica
13 parfois même des familles entières. Les femmes et des enfants âgés de 8 ans
14 à peine étaient généralement détenus pendant de courtes périodes avant
15 d'être transférés de force vers des territoires voisins contrôlés par les
16 Musulmans.
17 De nombreuses femmes détenues ont été victimes de violence sexuelle et
18 notamment de viol. Les gardiens du camp et d'autres hommes qui étaient
19 admis faisaient fréquemment sortir des femmes du hangar pendant la nuit.
20 Lorsque ces femmes revenaient dans le hangar elles étaient souvent en état
21 de choc et de détresse.
22 Dès septembre 1992, il ne restait quasiment plus de Musulmans ni d'autres
23 non-Serbes à Vlasenica.
24 La Chambre de première instance rappelle que l'accusé a reconnu
25 l'exactitude de chacun des faits exposés dans le troisième acte
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1 d'accusation modifié, et sur lesquels repose l'accord de plaidoyer. La
2 Chambre rappelle en outre qu'elle est liée par la qualification retenue
3 dans l'accord sur le plaidoyer et par les faits sur lesquels repose cet
4 accord, et qui sont ceux exposés dans le troisième acte d'accusation
5 modifiée.
6 S'agissant du chef d'assassinat, Dragan Nikolic a reconnu qu'il est
7 individuellement pénalement responsable de la mort de neuf personnes :
8 Durmo Handzic, Asim Zildzic, Rasim Ferhatbegovic, Muharem Kolarevic, Dzevad
9 Saric, Ismet Zekic, Ismet Dedic, Mevludin Hatunic, et Galib Music.
10 S'agissant du chef de complicité de viol, Dragan Nikolic a reconnu que du
11 début de juin au 15 septembre 1992 environ, il avait lui-même fait sortir
12 du hangar des détenus, en sachant qu'elles
13 vont être violées ou victimes d'autres violences sexuelles ou, à de tout
14 autre manière, favorisait de telles pratiques. Ces violences sexuelles
15 étaient le fait entre autre des gardiens du camp, des membres de forces
16 spéciales et des soldats de la région, ainsi que d'autres hommes.
17 Des détenus ont été victimes de violences sexuelles dans les lieux divers,
18 telles que la maison des gardiens, les maisons situées autour du camp,
19 l'hôtel panorama qui servait du quartier général militaire et, dans les
20 endroits où ces femmes étaient emmenées pour être soumises aux travaux
21 forcés, Dragan Nikolic a permis que des détenus, notamment des jeunes
22 filles et des femmes âgées, fassent l'objet de menaces sexuelles
23 dégradantes en présence des autres détenus se trouvant dans le hangar.
24 Dragan Nikolic a favorisé ces pratiques en permettant aux gardiens, aux
25 soldats et à d'autres hommes d'approcher régulièrement ces femmes ou en les
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1 incitant de tout autre manière à commettre ces violences sexuelles.
2 S'agissant du chef du torture, Dragan Nikolic il a reconnu qu'il était
3 pénalement responsable du fait de ces agissements, des tortures infligées à
4 cinq personnes, Fikret Arnaut, Sead Ambeskovic, Hajrudin Osmanovic, Suad
5 Mahmutovic et Redjo Cakisic.
6 Dragan Nikolic a reconnu avoir déclaré entre autre à détenus qui avaient
7 été torturés : "Quoi, ils ne vous ont pas assez donnés de coup, si j'avais
8 été à leur place, vous ne pourriez plus marcher, ils ne savent pas y faire
9 aussi bien que moi." Il a également dit : "Je ne comprends pas que cet
10 animal soit encore vivant, il doit au moins avoir deux cœurs."
11 Dans le cadre des persécution, Dragan Nikolic a soumis les détenus à des
12 conditions de vie inhumaine, privation de nourriture, d'eau, de soin
13 médicaux, de literies et de toilettes. Les détenus ont gravement soufferts
14 psychologiquement et physiquement du climat de terreur et des conditions de
15 vie qui régnaient dans le camp.
16 L'accusé a persécuté des détenus Musulmans et non-Serbes en prêtant ce
17 concours à leur transfert forcé hors de la municipalité de Vlasenica. La
18 plupart des femmes, et enfants détenus ont été transférés soit à Kladanj,
19 soit à Cerska en territoires contrôlés par les Musulmans de Bosnie.
20 A présent, la Chambre de première instance va examiner le droit applicable
21 à la peine. En plaidant coupable, l'accusé reconnaît l'exactitude des faits
22 qu'ils lui sont reprochés dans l'acte d'accusation. Il accepte de répondre
23 de ces actes. Incontestablement, ceci favorise la réconciliation. Lorsque
24 l'accusé plaide coupable, les victimes n'ont pas à revivre leurs épreuves
25 au risque de rouvrir d'anciennes blessures, et même s'il ne s'agit pas là
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1 véritablement d'une circonstance atténuante importante, ceci ménage les
2 ressources du Tribunal. A la différence des aveux ou d'un simple plaidoyer
3 du culpabilité, la Cour de plaidoyer offre l'avantage d'insister les
4 accusés à plaider coupable, mais il présent deux inconvénients. En premier
5 lieu, l'accusé n'a reconnaît que les faits qui font l'objet de l'accord,
6 lequel ne peut pas prendre en compte tous les points de faits et de droit
7 en jeu. En second lieu, on pourrait penser que l'accusé, selon le principe
8 donnant, l'accusé n'a pas accepté sans contre partie de reconnaître sa
9 responsabilité. En conséquence, il faut analyser les raisons qui ont poussé
10 l'accusé a plaidé coupable. Certains chefs d'accusation, ont-ils été
11 retirés ? Une peine a-t-elle été requise ? En tout état de cause, en accord
12 sur le plaidoyer n'autorise pas la Chambre de première instance a manqué à
13 sa mission, qui est d'établir la vérité et de rendre justice aux peuples de
14 l'ex-Yougoslavie.
15 Tout en considérant les accords sur les plaidoyers avec la plus grande
16 prudence, il convient de rappeler que le Tribunal n'est l'ultime juge du
17 l'histoire. Pour les Juges, tous absorbés par les points essentiels d'une
18 affaire portée devant le Tribunal international, il importe que justice
19 soit faite et perçue comme telle.
20 S'agissant de la peine, la Chambre de première instance tient à souligner
21 que la culpabilité individuel d'un accusé détermine la fourchette des
22 peines applicables. Les autres fonctions et finalités de la peine ne
23 peuvent jouer que dans le cadre de cette fourchette.
24 La Chambre de première instance considère que la dissuasion et la
25 rétribution sont des principes fondamentaux qui doivent être pris en compte
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1 dans la sentence. Dans la lute contre les crimes internationaux graves, la
2 dissuasion générale constitue une tentative d'intégrer ou de réintégrer
3 dans la société des personnes qui se croient hors de portée du droit
4 international pénal. Ces personnes doivent être avisées qu'à moins de
5 respecter les normes universelles fondamentales du droit pénal, elles
6 s'exposent non seulement à des poursuites, mais aussi à des sanctions de la
7 part des tribunaux internationaux.
8 La présente Chambre de première instance estime que la rétribution loin
9 d'assouvir un désir de vengeance n'a pour finalité que d'exprimer comme il
10 se doit l'indignation de la communauté face à ces crimes.
11 Une peine infligée par un Tribunal international a également pour but
12 essentiel de favoriser la prise de conscience des accusées, des victimes,
13 des témoins et de l'opinion publique et de les conforter dans l'idée que le
14 droit est effectivement appliqué. En outre, une condamnation vise à
15 rappeler à chacun qu'il doit se plier aux lois et aux règles
16 universellement acceptées. "Tous se sont égaux devant les tribunaux et les
17 cours de justice," c'est là une règle fondamentale qui favorise
18 l'intériorisation par les législateurs comme par le public de ces lois et
19 de ces règles.
20 S'agissant de la fourchette des peines applicables, la Défense a soulevé en
21 l'espèce la question de l'applicabilité du principe de lex mitior. La
22 Chambre de première instance fait observer que, si ce principe devait
23 s'appliquer en l'espèce, c'est une peine d'emprisonnement déterminée qui
24 devrait être prononcée et non pas une peine de prison pouvant aller jusqu'à
25 la réclusion à perpétuité.
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1 La Chambre de première instance rappelle que le principe de la lex mitior
2 est consacré entre autre par l'Article 15, paragraphe 1, phrase 3, du pacte
3 international relatif aux droits civils des politiques qui dispose, je cite
4 : "Si postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application
5 d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier."
6 Toutefois, la Chambre estime que cette règle ne s'applique pas lorsque
7 l'infraction a été commise dans un ressort différent de celui où son auteur
8 est condamné. En cas de compétence concurrente, aucun état n'est, en
9 principe, tenu, en droit international, d'appliquer la fourchette des
10 peines ou le droit de la peine de l'état où l'infraction a été commise. La
11 Chambre de première instance estime, en conséquence, qu'elle n'est pas
12 tenue de prononcer les sanctions plus légères prévues par la loi en vigueur
13 dans la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine. Aux termes du statut, elle
14 soit simplement les prendre en considération.
15 Outre l'analyse de la fourchette des peines applicables aux crimes pour
16 lesquels l'accusé a plaidé coupable, dans les états créés sur le territoire
17 de l'ex-Yougoslavie et de la grille des peines qui leur sont appliquées, le
18 rapport de M. le Prof. Sieber, relatif à la fixation des peines, indique
19 également les fourchettes des peines applicables dans 23 pays du monde.
20 Cette étude montre que, dans la plupart de ces pays, un meurtre, assorti
21 d'exaction prolongée et inspiré par des préjudices ethniques, expose ou
22 peut exposer son auteur à la réclusion à perpétuité. C'est sans doute en se
23 fondant sur cette réalité que le conseil de Sécurité a prévu la prison
24 comme seule sanction, sans aucune limite dans le temps, laissant au
25 Tribunal le soin d'en fixer la durée.
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1 La Chambre de première instance va, à présent, examiner la gravité des
2 infractions et les circonstances aggravantes.
3 La Chambre de première instance conclut que le fait que Dragan Nikolic ait
4 abusé des pouvoirs que lui conféraient ses fonctions de commandant du camp
5 de Susica constitue une importante circonstance aggravante. Dragan Nikolic
6 a maltraité les plus vulnérables d'entre les détenus, qui étaient soumis à
7 ses quatre volontés.
8 En outre, les effets immédiats des conditions de détention dans le camp de
9 Susica et les séquelles qu'elles ont laissées viennent aggraver les crimes
10 commis par l'accusé. Il ne se passait pas un jour ni une nuit sans que
11 Dragan Nikolic et d'autres ne se livrent à des actes barbares dans le camp.
12 L'accusé frappait les détenus de manière brutale et sadique. Il les
13 frappait à coup de pied, de poing, à l'aide de barre de fer, manche de
14 hache, de crosse de fusil, coup de poing américain, de tuyaux métallique,
15 de matraque, de tuyaux de caoutchouc remplis de plomb, de morceaux et de
16 battes de bois. L'un des aspects les plus terrifiants des ces actes était
17 le plaisir que l'accusé y prenait.
18 L'accusé faisait personnellement sortir des détenus de tous âges du hangar
19 pour les remettre entre les mains d'hommes dont il savait qu'ils allaient
20 les violer ou leur infliger des violences sexuelles. Ainsi, les détenus
21 passaient leurs journées dans la hantise du sort que la nuit leur
22 réservait.
23 Les détenus souffrent encore des séquelles de leur détention à Susica. Des
24 témoins ont déclaré qu'à ce jour ils éprouvaient encore des souffrances
25 psychologiques au souvenir de leur détention.
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1 En outre, le nombre des victimes constitue une circonstance aggravante
2 importante.
3 Pour conclure, la Chambre de première instance considère comme
4 particulièrement aggravantes les circonstances suivantes :
5 Les actes de l'accusé étaient d'une brutalité inouïe et se sont poursuivis
6 pendant une période relativement longue. Ces actes n'étaient pas isolés.
7 Ils étaient l'expression d'un sadisme systématique.
8 L'accusé est resté sourd aux supplications de son frère qui le pressait
9 d'arrêter, prenant, semblait-il, plaisir à agir de la sorte.
10 L'accusé a abusé de son pouvoir et, plus particulièrement, vis-à-vis des
11 détenues femmes qu'il soumettait à un traitement humiliant et dégradant et
12 à des violences psychologiques, verbales et physiques. Les femmes détenues
13 étaient ainsi contrainte de satisfaire les caprices de l'accusé, notamment
14 en lui lavant et en lui badigeonnant les pieds de crème pour le détendre et
15 de se soulager devant les autres personnes présentes dans le hangar.
16 En raison de la gravité et de la brutalité toute particulière des sévices
17 infligés, la Chambre de première instance considère que le comportement
18 qualifié de torture constitue la forme extrême de ce crime, qui est présent
19 en fait tous les éléments essentiels d'une tentative de meurtre.
20 Sous la supervision de l'accusé, les détenus étaient traités comme des
21 esclaves et non comme des prisonniers.
22 Enfin, le nombre élevé des victimes dans le camp de Susica et la
23 multiplicité des actes criminels doivent être pris en compte.
24 Pour conclure, si l'on tient compte uniquement, et je souligne ce mot,
25 uniquement, de la gravité du crime et de toutes les circonstances
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1 aggravantes retenues, la Chambre de première instance conclut que la seule
2 sanction qui puisse être prononcée est une peine d'emprisonnement pouvant
3 aller jusqu'à la réclusion à perpétuité. Toutefois, il existe des
4 circonstances atténuantes que la Chambre va, à présent, exposer.
5 La Chambre de première instance s'attachera à quatre éléments
6 particulièrement importants, à savoir, l'accord sur le plaidoyer et le
7 plaidoyer de culpabilité, les remords exprimés, la réconciliation et le
8 sérieux et l'étendue de la coopération que l'accusé a fourni à
9 l'Accusation.
10 Pour juger de l'incidence qu'un plaidoyer de culpabilité peut avoir sur la
11 peine, la Chambre de première instance a examiné les rapports présentés par
12 l'institut Max Planck et la jurisprudence des tribunaux internationaux. En
13 conclusion, la Chambre de première instance convient qu'un plaidoyer de
14 culpabilité devrait être prise en considération dans la sentence, car il
15 exprime la reconnaissance par l'accusé de sa responsabilité dans les crimes
16 commis. La Chambre relève que dans la plupart des systèmes de droit
17 internes étudiés, un plaidoyer de culpabilité ou des aveux constitue une
18 circonstance atténuante. La Chambre de première instance estime que si le
19 Tribunal considère un plaidoyer de culpabilité comme une circonstance
20 atténuante, c'est, entre autres, parce que l'accusé contribue par là un
21 établissement de la vérité au sujet du conflit dans l'ex-Yougoslavie et à
22 la réconciliation entre les communautés touchées par ce conflit. La Chambre
23 de première instance rappelle qu'agissant en vertu du chapitre 7 de la
24 charte des Nations Unies, le Tribunal a pour mission de contribuer à la
25 restauration et au maintien de la paix et de la sécurité dans l'ex-
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1 Yougoslavie, ce qui suppose qu'on parvient, dans la mesure du possible, à
2 l'établissement de la vérité et à la réconciliation.
3 La Chambre de première instance convient que l'accusé a exprimé des remords
4 lors des audiences consacrées à la fixation de la peine. A ce propos, la
5 Chambre rappelle que dans sa déclaration finale, l'accusé a fait savoir
6 qu'il éprouvait un sentiment sincère de honte et de déshonneur.
7 La Chambre de première instance tient également pour acquis que
8 l'Accusation est convaincu de sérieux et de l'étendu de la coopération
9 fournie par l'accusé. La Chambre considère que cet élément doit jouer dans
10 le sens d'une réduction de la peine car c'est la première fois qu'il était
11 donné au Tribunal d'entendre parlé du camp de Susica et de la municipalité
12 de Vlasenica ainsi l'accusé a permis au Tribunal de remplir sa mission qui
13 consiste à établir les faits et la vérité.
14 Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances atténuantes, la Chambre de
15 première instance estime qu'une réduction importante de la peine s'impose.
16 La Chambre de première instance va à présent fixer la peine.
17 L'Accusation a requis une peine d'emprisonnement de 15 ans, toutefois, la
18 Chambre de première instance n'est pas lié aux termes du règlement par les
19 recommandations formulées, en matière de peine, dans un accord sur le
20 plaidoyer de culpabilité. Après avoir mis en balance la gravité du crime et
21 les circonstances aggravantes d'une part, et les circonstances atténuantes
22 d'autres part, et après avoir pris en compte les finalités de la peine déjà
23 évoquée, la Chambre de première instance conclut qu'elle ne peut pas suivre
24 les réquisitions de l'Accusation. Compte tenu de la brutalité des actes,
25 des nombres des crimes commis, et de l'intention subjacente d'humilier et
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1 d'avilir, la peine requise par l'Accusation serait injuste. La Chambre
2 considère non seulement comme une décision raisonnable et responsable, mais
3 également comme décision nécessaire dans l'intérêt des victimes, de leurs
4 proches et de la communauté international, d'infliger une peine plus lourde
5 recommandée par les parties.
6 La Chambre de première instance est consciente que, du point des droits de
7 l'homme, tout accusé, qui a purgé la partie nécessaire de sa peine, doit
8 avoir la possibilité de se réinsérer dès lors qu'il ne représente plus
9 aucun danger pour la société et que tout risque de récidive a été écarté.
10 Toutefois, avant d'être libéré et de pouvoir se réinsérer, l'accusé devra
11 avoir purgé au moins la peine d'emprisonnement requise par l'Accusation.
12 Pour conclure, la Chambre de première instance estime que la peine est
13 lancée dans le dispositif ci-après est une peine juste et proportionnée.
14 Je vous demanderais à présent, Monsieur Nikolic, de vous lever.
15 Nous, Juges du Tribunal international, chargés de poursuivre les personnes
16 présumées responsables de violations graves des droits internationales
17 humanitaires commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991,
18 créé par le conseil de Sécurité des Nations Unies, conformément à la
19 résolution 827 du 25 mai 1993, élu par l'assemblée générale et compétant
20 pour vous juger, Dragan Nikolic, et prononcer la peine appropriée.
21 Après avoir entendu votre plaidoyer de culpabilité, après vous avoir
22 reconnu coupable des chefs 1 à 4 du troisième acte d'accusation modifié,
23 par ces motifs, vous condamnant, Dragan Nikolic, à une peine unique pour
24 les chefs suivants : Chef 1, persécution et crime contre l'humanité;
25 incluant le chef 2, assassinat, un crime contre l'humanité; le chef 3,
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1 viole, un crime contre l'humanité; le chef 4, torture, un crime contre
2 l'humanité.
3 Nous vous condamnons, Dragan Nikolic, à 23 années d'emprisonnement, et
4 disons que vous avez droit à compter de la date du présent jugement, à ce
5 que la période de trois ans, sept mois et 29 jours calculé à compter de la
6 date de votre arrestation,
7 le 20 avril 2000, ainsi que toute période supplémentaire que vous passerez
8 en détention dans l'attente d'une décision en appel, soit décomptée de la
9 durée de la peine.
10 En vertu de l'Article 103(C) du règlement, vous resterez sous la garde du
11 Tribunal international jusqu'à ce que soient arrêtées les dispositions
12 nécessaires à votre transfert vers l'état dans lequel vous purgerez votre
13 peine.
14 Vous pouvez vous asseoir.
15 Ceci conclut la présente audience.
16 --- L'audience est levée à 15 heures 05.
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