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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 28 mars 2006

2 [Conférence de mise en état]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE ANTONETI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge, affaire IT-

8 98-29/1-PT, le Procureur contre Dragomir Milosevic.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se

10 présenter.

11 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge, bon après-

12 midi. Chester Stamp représentant le bureau du Procureur, avec M. Manoj

13 Sachdeva et notre commis à l'affaire, Mme Biljana Blazevic. Merci, Monsieur

14 le Juge.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Stamp. Je vais demander aux avocats

16 de la Défense de bien vouloir se présenter.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Je m'appelle

18 Branislav Tapuskovic, je suis avocat belgradois. Pour la première fois

19 aujourd'hui à l'audience avec moi se trouve ma consœur, co-conseil, et

20 parce que c'est la première fois qu'elle se présente devant vous,

21 j'aimerais qu'elle se présente elle-même, en personne.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir vous présenter.

23 Mme ISAILOVIC : Bonjour, Monsieur le Président. Branislava Isailovic,

24 avocat au barreau de Paris.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je salue toutes les personnes présentes dans

26 cette salle d'audience, et notamment les personnes qui assistent pour la

27 première fois à cette audience. C'est avec un grand plaisir que j'adresse

28 également mes salutations à Maître Isailovic, avocat au barreau de Paris

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1 qui, par sa présence, contribuera à la diffusion de la langue française. Je

2 l'en remercie.

3 Nous sommes aujourd'hui réunis pour l'audience de mise en état.

4 Oui, Maître ?

5 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais apporter une correction, ma

6 consoeur, Mme Isailovic est effectivement une avocate de Paris, elle est

7 membre du barreau de Paris, elle n'est pas de Belgrade. Elle ne représente

8 pas le barreau de Belgrade. Elle travaille à Paris, c'est une avocate

9 française qui est du barreau français.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci Maître, pour ces précisions.

11 Comme je l'ai indiqué il y a quelques minutes, nous sommes réunis en

12 audience de mise en état. Comme vous le savez, cette audience doit se tenir

13 tous les 120 jours en application de l'article 65 bis de notre Règlement.

14 Je rappelle pour mémoire que le général Dragomir Milosevic avait été

15 transféré au Tribunal le 3 décembre 2004. Sa comparution initiale avait eu

16 lieu le 7 décembre 2004. Il s'agit de la cinquième Conférence de mise en

17 état, la dernière ayant eu lieu l'année dernière, le 13 décembre 2005.

18 Depuis cette date, la procédure a bien avancé puisque l'Accusation a déposé

19 son mémoire préalable ainsi que la liste des pièces à conviction, ainsi que

20 la liste des pièces des témoins. La Défense, et je l'en remercie, a répondu

21 à ce mémoire préalable et la Défense nous a également indiqué qu'elle

22 adopterait une défense d'alibi.

23 Une requête pendante avait été déposée le 31 janvier 2006, en même

24 temps que la liste des témoins et des pièces à conviction. Cette requête

25 demandait la non-communication au public des annexes. Bien entendu, par

26 décision orale de ce jour, je fais droit à cette demande.

27 Il en résulte que la procédure est quasiment en état, sous réserve

28 peut-être de précisions qui seront apportées tout à l'heure par la Défense

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1 concernant l'article 66(A)(i) et l'article (66)(A)(ii) ainsi que l'article

2 68. Quoi qu'il en soit, j'ai indiqué tout à l'heure que pour moi la

3 procédure est quasiment en état d'être jugée, et dès la fin de cette

4 audience, je mettrai la main finale au rapport et j'adresserai à la Chambre

5 conformément aux Règlements. J'indiquerai à mes deux collègues que pour moi

6 la mise en état est terminée et qu'il conviendra au Président de la Chambre

7 II de prendre à tâche avec le Président de ce Tribunal afin qu'un Juge

8 permanent ou plusieurs Juges permanents et éventuellement des Juges ad

9 litem soient désignés pour conduire ce procès, qui devrait débuter dans un

10 temps très rapproché.

11 Personnellement, j'ai indiqué que la procédure ne devait pas souffrir de

12 retard dans le cadre d'une opinion séparée que j'ai fait lors d'une demande

13 de mise en liberté de l'Accusé. J'ai estimé qu'en ma qualité de juge, je

14 devais faire part de mon opinion sur le fait que l'Accusé a droit à un

15 procès rapide. Le procès rapide implique nécessairement que la phase de

16 mise en état soit la plus courte possible. Je sais que dans ce Tribunal

17 nous avons eu, concernant plusieurs dossiers, des phases de mise en état

18 qui ont été très variables.

19 Pour mémoire, je cite le cas de Slobodan Milosevic, où la phase de

20 mise en état a été très brève puisqu'il avait comparu devant ces Juges pour

21 l'audience au fond, quasiment six mois après son arrivée. Il y a un cas

22 extrême qui est actuellement le cas de l'accusé Seselj qui attend depuis

23 trois ans son procès. Le Statut est très explicite dans la mesure où le

24 Statut a bien indiqué que l'accusé a droit à un procès rapide. Ceci est

25 conforme à notre Règlement puisque dans le Règlement lorsque l'accusé

26 comparaît en comparution initiale, il lui demande s'il plaide coupable ou

27 non coupable. S'il plaide coupable, évidemment on doit lui fixer une date

28 d'audience la plus rapprochée possible. S'il plaide non coupable, il en est

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1 de même, il doit y avoir une date d'audience très rapide.

2 Pourquoi y a-t-il un délai aussi important ? Il m'apparaît qu'un des

3 principaux responsables concerne l'Accusation qui, pendant cette phase,

4 continue à transmettre au Conseil de l'accusé des documents, et par

5 ailleurs, continue son enquête. Ce qui fait que pour l'Accusation,

6 l'Accusation n'est jamais prête. D'ailleurs, il convient de noter que dans

7 la décision qui a été rendue sur la demande de mise en liberté, dans les

8 écritures de l'Accusation, l'Accusation indiquait que le procès ne pouvait

9 commencer qu'en 2008. Ce qui me semble être une date intenable, d'autant

10 plus. Je tiens à l'affirmer solennellement que le Conseil de sécurité, dans

11 sa résolution 1534 sur la Stratégie d'achèvement des travaux de ce

12 Tribunal, avait clairement indiqué que les procès en première instance

13 devaient se terminer en 2008, et les procès au niveau de la Chambre d'appel

14 en 2010. Ce qui veut dire que l'Accusation a comme ligne d'horizon 2008, et

15 2008 c'est la fin des procès. Il n'est pas question de commencer un procès

16 en 2008. De ce fait, comme je l'ai indiqué dès cette fin de l'après-midi,

17 je mettrai la main finale à mon rapport afin que très rapidement soient

18 désignés les Juges pour juger cette affaire.

19 Je tenais à faire part de cet élément qui me semble important pour

20 l'accusé.

21 Conformément aux Règlements, je me dois d'aborder la question relative à la

22 communication des pièces. Comme vous le savez, l'Accusation, sur le

23 fondement de l'article 66(A)(i) et 66(A)(ii), doit communiquer à la Défense

24 toutes les pièces qu'elle aurait en sa possession. Je vais me tourner vers

25 M. Stamp pour lui demander si tout cela s'est déroulé conformément aux

26 Règlements.

27 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge. La

28 communication visée par l'article 66 -- excusez-moi, 68, 68, c'est la

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1 communication des éléments à décharge; elle se poursuit. Nous avons fait

2 toutes les recherches nécessaires et dès que nous trouverons des éléments

3 qui relèvent des dispositions dudit article, nous les communiquerons sur-

4 le-champ à la Défense. La Défense, de par le passé et récemment aussi, nous

5 a fourni divers critères permettant d'aider à la recherche pour nous donner

6 quelques lignes directrices afin que nous sachions ce qui, aux yeux de la

7 Défense, constituent des éléments à décharge. Nous avons utilisé ces

8 critères pour effectuer notre recherche, nous avons fourni ces critères aux

9 services chargés de cette recherche dans les bureaux du Procureur, et dès

10 que ces éléments seront reçus, ils seront examinés et communiqués à la

11 Défense en temps utile.

12 Ce qui veut dire que la communication visée par l'article 68 se poursuit.

13 Nous avons parfaitement appliqué le Règlement dans la mesure où nous

14 avons communiqué ce qui est connu de nous et ce qui, dans ces conditions,

15 relève de cet article. Pour ce qui est de l'article 66, ce sont des

16 éléments que la Défense nous a demandés, excusez-moi, 67, que tous les

17 éléments que la Défense nous a demandés de fournir ont été fournis à la

18 Défense. Récemment, nous avons reçu une lettre de la Défense qui nous

19 demandait des éléments supplémentaires que nous essayons de trouver pour le

20 moment. Dès que nous les aurons trouvés, ils seront communiqués à la

21 Défense. En ce qui concerne les dépôts de communication en application du

22 65 ter, on parle de la liste des témoins, la liste des pièces, les

23 déclarations, nous avons répertorié plus de 1 600 pièces, et à l'exception

24 de peu d'entre elles, elles ont été communiquées le 31 janvier. Sans doute

25 faudra-t-il faire un peu de nettoyage pour ce qui est des éléments qui

26 n'ont pas été communiqués, et je me propose de rencontrer la Défense pour

27 voir s'il y a des éléments qui n'ont pas été communiqués à celle-ci.

28 Quant aux pièces elles-mêmes ou à des copies de ces pièces, ceci a été

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1 communiqué. Cependant, pour le moment, il y a 424 documents qui n'ont pas

2 été traduits. Ce sont les traductions en souffrance vers le B/C/S, la

3 langue de l'accusé. L'Accusation a fait tout ce qu'elle pouvait de déposer

4 toutes les demandes en vue d'une traduction de ces documents. Je vous l'ai

5 déjà dit, Monsieur le Juge, et vous comprenez j'en suis sûr, il y a des

6 procès qui sont en cours, il y en a déjà qui sont prévus avant le nôtre,

7 ils ont priorité par rapport au nôtre pour ce qui est de la traduction.

8 Malheureusement, je ne peux pas vous donner de date précise. En fait, vous

9 savez que le service de la traduction n'est pas l'apanage du bureau du

10 Procureur, qu'il était sous la tutelle du Greffe, et on n'a pas encore de

11 date donnée par ce service parce qu'il y a des demandes qui arrivent sans

12 arrêt, ce qui veut dire aussi que les traducteurs doivent sans cesse

13 travailler pour les procès déjà en cours.

14 La liste des témoins. Nous avons 144 témoins ou plus. En fait, ce sont 144

15 témoins. A l'exception de sept d'entre eux, toutes les déclarations

16 préalables ont été communiquées à l'accusé, à une près. Je vais me répéter.

17 Non, sept plus un, cela fait huit. Donc à part huit déclarations au

18 préalable, toutes ont été communiquées à la Défense. Sept n'ont pas été

19 communiquées, parce que là, nous n'avions pas la traduction. Maintenant,

20 nous les avons reçues. On peut les communiquer à la Défense dès aujourd'hui

21 ou demain.

22 Aujourd'hui.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Aujourd'hui ?

24 M. STAMP : [interprétation] Pour ce qui est de la déclaration qui n'a pas

25 été communiquée, c'était une omission, apparemment. Celle-ci sera aussi

26 communiquée à la Défense aujourd'hui. En matière de communication des

27 déclarations préalables, listes des témoins, liste des pièces, je pense que

28 l'Accusation a, en gros, appliqué les mesures décidées par la Chambre. J'ai

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1 vu effectivement que la réponse déposée récemment par la Défense à notre

2 mémoire préalable, il est dit que certains documents ne sont pas

3 communiqués. Il faudra sans doute rencontrer la Défense pour voir quels

4 sont ces documents qui n'ont pas été communiqués. Cela, c'est une affaire

5 de nettoyage; nous le ferons aujourd'hui ou demain.

6 Je ne sais pas si vous avez d'autres questions, Monsieur le Juge, en

7 matière de communication. Si ce n'est pas le cas, je crois avoir parlé de

8 la communication visée par les articles 66, 67 et 68. Evidemment, la

9 communication se poursuit en matière de communication visée par les

10 articles 67 et 68. Merci.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Stamp. J'ai écouté avec attention ce

12 que vous venez de nous dire. Je note qu'il y a un problème résiduel

13 concernant la traduction de plusieurs documents. Il y en aurait plus de 400

14 qui seront en souffrance, des documents traduits de l'anglais vers le

15 B/C/S. Là, évidemment, vous n'y êtes pour rien. Il incombe au service de la

16 traduction de faire diligence afin que lorsque le procès commencera et

17 lorsque les témoins viendront à la barre, ces documents soient en

18 possession de l'accusé et de ses avocats.

19 Sur ce qui vient d'être dit, bien entendu, c'est avec un grand intérêt que

20 je vais écouter la Défense pour qu'elle me fasse part de ses observations.

21 Soit elle confirme ce que vous venez de dire, soit la Défense ne soulève

22 d'autres problèmes.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

24 D'emblée, j'aimerais dire que ma consoeur et moi, nous nous sommes mis

25 d'accord. Si la Chambre a des questions à nous poser s'agissant de la

26 requête déposée en application du 65 ter(F), en tant que de besoin, le cas

27 échéant, ma consoeur répondra à ces questions. Ce que j'aimerais dire après

28 avoir entendu l'Accusation, c'est ceci : c'est en rapport avec la requête

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1 que nous avons reçue, la liste des témoins, la liste des pièces.

2 Je suis très reconnaissant au nom de l'accusé, tout d'abord, au nom

3 de M. Dragomir Milosevic, et je suis ravi de voir que vous êtes à ce point

4 intéressé, Monsieur le Juge, qui présidez à ces débats. Vous tenez vraiment

5 à ce que le procès débute le plus vite possible. Je travaille dans ce

6 Tribunal depuis environ dix ans. C'est la première fois que je vois un Juge

7 qui insiste précisément sur cette question capitale, sur cette question

8 régie par l'article 20 du Statut, à savoir qu'il faut que le procès soit

9 rapide. Ce qui est peut-être encore plus nécessaire qu'un procès rapide,

10 c'est l'équité du procès. Les parties doivent être traitées sur un pied

11 d'égalité. C'est cela qui est vraiment essentiel. C'est la raison pour

12 laquelle j'aimerais insister, attirer votre attention sur certains points

13 qu'il faudrait jauger pour voir s'il y a conformité avec le Règlement et le

14 Statut pour commencer le plus vite possible ce procès.

15 L'Accusation parle ou parlait il y a un instant de 144 témoins. J'en

16 ai fait le décompte. J'en ai 145, si je compte bien. On a aussi parlé de

17 146. Peut-être que cela a été un lapsus. Ce n'est pas vraiment important,

18 peut-être. Cependant, ceci pourrait donner lieu à une certaine méprise.

19 On me demande de parler un peu plus lentement. Je le fais.

20 Nous avons 144, 145, 146. Quel que soit le nombre précis, huit d'entre eux

21 sont des experts. Nous n'avons le nom que d'un seul expert. Nous n'avons

22 pas non plus sa déclaration. S'agissant des sept autres experts, nous

23 n'avons pas la moindre information les concernant. C'est quand même

24 important pour nous, parce que nous nous préparons à la Défense de M.

25 Milosevic. En effet, ce sont des questions qu'il faut aborder de façon très

26 précise. Nous devons faire de notre mieux pour répondre aux experts de

27 l'Accusation en présentant nos propres experts. C'est dans l'esprit de

28 l'article 94 bis que nous demandons une date butoir que devra respecter

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1 l'Accusation pour nous donner le nom des experts qu'elle entend citer,

2 ainsi que leur déclaration. Faute de quoi, il nous sera très difficile

3 d'aborder des questions capitales tenant au cœur même de ces débats et de

4 la responsabilité qui incombe à chacun d'entre nous au regard de l'acte

5 d'accusation. De plus, l'Accusation a l'intention de citer 22 témoins qui

6 sont des anciens fonctionnaires des Nations Unies. Nous ne connaissons pas

7 leur identité. Il se peut qu'ils comptent parmi les témoins dont nous avons

8 reçu auparavant les noms. Nous pensons peut-être que là il y a doublon avec

9 ce que nous avons déjà reçu, mais nous n'avons pas reçu le nom de 22

10 témoins. C'est un nombre important. Sur les 144 témoins dont nous avons

11 parlé, nous en avons huit, ou plutôt ce sont des personnes originaires de

12 Bosnie-Herzégovine, ce ne sont pas des fonctionnaires onusiens. Nous

13 n'avons pas leur déclaration préalable que ce soit en anglais ou en B/C/S.

14 Je dis cela pour que l'Accusation vérifie. Nous n'avons pas reçu le numéro

15 59, 95, 96, 102, 103, 122, 125 et 140. Je précise ces numéros concernant

16 ces témoins pour que l'Accusation fasse des recherches.

17 De surcroît, l'Accusation vous l'a dit, le 31 janvier la traduction en

18 B/C/S de déclarations de six témoins a été fournie, mais nous n'avons pas

19 les autres. Il y a huit témoins experts, huit victimes, 22 fonctionnaires

20 des Nations Unies - cela fait 38 - pour lesquels nous n'avons rien, que ce

21 soit en anglais ou en B/C/S. A ce nombre, il faut ajouter ces six témoins

22 dont la déclaration est en train d'être traduite. Cela fait 42 témoins, 42

23 déclarations préalables de témoins énumérées par l'Accusation, qui n'ont

24 pas été communiquées. Cela représente près de 30 % du nombre total de

25 déclarations préalables. C'est quand même un nombre très conséquent. Ceci

26 signifie au fond, que nous, en tant que Défenseurs de l'accusé, nous ne

27 pouvons pas faire le travail que nous devrions faire. Je pense que c'est un

28 facteur que vous devrez prendre en compte, Monsieur le Juge, lorsqu'il

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1 s'agira de déterminer la date d'ouverture du procès, notamment.

2 En plus de cela, d'après la liste des témoins, ils seront éventuellement

3 appelés à la barre par l'Accusation. Il y a en 19 qui tombent sur le coup

4 de l'article 92 bis. Je crois avoir le devoir de dire qu'il serait vraiment

5 préférable pour la Défense, que la requête en vertu du 92 bis soit déposée

6 le plus vite possible et communiquée à la Défense dans les meilleurs délais

7 afin que la Défense puisse donner son avis. Nous sommes inquiets, car nous

8 avons vu que dans une description donnée par l'Accusation, il est dit que

9 peut-être elle va demander le versement en application du 92 bis (C), qui

10 dit qu'il s'agirait de déclarations de témoins décédés ou dont le lieu de

11 résidence ne peut pas être établi. Je peux vous dire que dans l'intervalle,

12 depuis la dernière Conférence de mise en état, nous n'avons rien reçu en ce

13 qui concerne l'article 68. Attendez, je pense que je me suis trompé, j'ai

14 fait un lapsus. Je pense qu'il s'agit de l'article 68.

15 J'aimerais encore évoquer quelques points relatifs à la liste des

16 pièces qui a été communiquée dans le cadre d'une mémoire préalable au

17 procès, mais ce n'est pas une liste définitive. On a demandé l'autorisation

18 d'ajouter de nouvelles pièces à cette liste, alors que cette liste que nous

19 avons pour le moment, elle n'est même pas définitive. L'Accusation a

20 l'intention d'entendre ou de citer 22 témoins qui sont d'anciens

21 fonctionnaires des Nations Unies qui, en application de l'article 70,

22 devraient produire beaucoup d'éléments. J'espère que nous les avons tous

23 reçus, mais ces documents n'ont pas été traduits en B/C/S. Ceci veut dire

24 que nous n'avons pas reçu la moindre instruction de la part de notre client

25 à propos de ces documents car ils ne sont pas traduits.

26 Je vais vous donner trois échantillons des problèmes que nous avons

27 rencontrés. Nous avons trois témoins importants, les témoins 42, 56 et 127.

28 Ce sont des témoins d'une importance extraordinaire pour l'accusé. Toutes

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1 les déclarations étaient communiquées en anglais, mais aucune n'a encore

2 été traduite. Face à ce genre de problème, une question s'impose. Que

3 devons-nous faire ? L'Accusation vient de nous dire qu'il faudra plusieurs

4 mois avant que ces documents soient traduits. J'aimerais savoir quand, en

5 tant qu'avocat de l'accusé, je pourrai lui donner ces documents afin qu'il

6 puisse nous donner des instructions, afin que nous puissions mener à bien

7 sa défense et mener nous-mêmes notre enquête.

8 Monsieur le Juge, huit ans depuis l'acte d'accusation, l'accusé est ici

9 depuis longtemps, et il ne nous est pas possible d'aborder toutes les

10 pièces déposées ou communiquées par l'Accusation. Bien sûr, nous vous

11 sommes infiniment reconnaissants, vous voulez que le procès commence vite.

12 Une autre question se pose, il y a un autre critère à respecter. Vu les

13 circonstances de l'espèce, pouvons-nous compter sur un procès équitable ?

14 Bien sûr, je veux un procès rapide. Je voudrais que le procès commence le

15 plus vite possible. Cependant, il faut que ceci reste dans les confins de

16 l'équité. Il faut que certaines conditions soient respectées afin que nous

17 puissions vraiment commencer le procès.Je vous remercie.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître, pour tout ce que vous venez de dire.

19 Si vous le permettez, je vais reprendre plusieurs points contenus dans vos

20 propos, en me retournant ensuite vers l'Accusation pour qu'elle apporte des

21 précisions.

22 Vous avez mentionné, à juste titre, que vous avez constaté, qu'à partir de

23 la liste des témoins, vous n'êtes pas aujourd'hui en possession des

24 déclarations d'un certain nombre de ces témoins. Notamment, vous précisez

25 qu'il vous est apparu qu'il y a 22 témoins relevant des Nations Unies, et

26 également, vous avez appelé mon attention sur les témoins 42, 56 et 127.

27 Ceci ne m'avait pas échappé dans la mesure où la majorité de ces témoins

28 tombe sous le coup de l'article 70 du Règlement. Comme vous le savez,

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1 l'article 70 du Règlement a mis en place une procédure spécifique qui

2 oblige l'Accusation à recueillir l'accord préalable des états ou des

3 institutions auprès desquelles on relève ces témoins avant de pouvoir les

4 faire venir ici. Par ailleurs, le Règlement prévoit que ces témoins doivent

5 être, bien entendu, dénoncés à la Défense. Mais la jurisprudence de ce

6 Tribunal est, en la matière, hésitante. Dans la mesure, m'étant penché sur

7 le problème, j'ai constaté qu'il y a deux jurisprudences. Certaines

8 Chambres ont estimé que ces témoins devaient être dénoncés à la Défense le

9 jour du procès, et que la Défense, ayant connaissance de la liste de ces

10 témoins et des déclarations, doit avoir au moins un délai de 30 jours pour

11 se préparer au contre-interrogatoire. Puis, il y a une autre jurisprudence

12 qui estime que l'Accusation doit dénoncer les noms de ces témoins et des

13 déclarations mais que 30 jours avant la venue du témoin.

14 Prenons un exemple. Imaginons que le procès démarrera dans deux ou trois

15 semaines et que l'Accusation envisage de faire venir le témoin 42, par

16 exemple, au mois de décembre. Sur le fondement de cette jurisprudence,

17 l'Accusation, à ce moment-là, vous transmettra le nom et la déclaration de

18 ce témoin le 1er novembre, si l'intéressé devait venir le 1er décembre. Comme

19 vous le voyez, il y a des pratiques différentes. Concernant le procès à

20 venir, n'étant pas juge du procès, j'ai évité de prendre position. A titre

21 personnel, je préfère la première jurisprudence qui oblige l'Accusation à

22 vous informer pour au moins le jour du procès de la liste de ces témoins et

23 des déclarations. Je ne peux pas prendre la place de ceux qui vont juger,

24 qui peuvent avoir un avis différent. C'est pour cela que sur ce point

25 précis, je suis resté dans l'expectative, ne voulant pas me prononcer.

26 Je conçois très bien que vous, les Défenseurs, vous êtes placés devant un

27 problème puisque, un, vous devez préparer le contre-interrogatoire, puis

28 deux, vous devez aussi préparer, d'ores et déjà, vos éléments à décharge en

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1 prévoyant quels témoins vous allez faire venir. Il est bien évident que

2 vous avez besoin de connaître cela le plus tôt possible. A juste titre,

3 vous évoquez la question du procès équitable et de l'égalité des armes. Je

4 souscris parfaitement à votre point de vue. Cependant, il y a une

5 jurisprudence de ce Tribunal, confirmée par la Chambre d'appel. Et même si

6 à titre personnel je pense qu'il aurait fallu être beaucoup plus exigeant à

7 l'égard de l'Accusation sur ce plan, je constate, néanmoins, qu'il y a une

8 jurisprudence. C'est pour cela que j'estime qu'il appartiendra, lors de la

9 Conférence préalable, d'évoquer à nouveau cette question, mais avec les

10 Juges qui auront à juger cette affaire.

11 Je ne suis pas non plus insensible au fait que vous avez indiqué que

12 d'après vos calculs, vous êtes face à près de 30 % de témoins non connus

13 qui, évidemment, peuvent vous handicaper dans la présentation de vos

14 moyens.

15 A juste titre également, vous faites valoir qu'il faudrait également que

16 votre client, le général Dragomir Milosevic, puisse connaître le contenu de

17 ces déclarations afin qu'il puisse vous donner des instructions pour sa

18 défense. Je souscris à ce point de vue qui est imparable. Encore faut-il

19 que les traductions soient en état. Vous avez aussi évoqué à un moment

20 donné la question des traductions en disant, que vous attendez les

21 traductions des services du Greffe.

22 Je suis parfaitement d'accord avec vous mais vous avez aussi, avec

23 les moyens financiers qui vous sont alloués par les services du Greffe, la

24 possibilité à vos risques et périls, de procéder d'ores et déjà à certaines

25 traductions. Une déclaration qui fait quatre ou cinq pages, vous pouvez

26 très facilement par des concours extérieurs, si nécessité se fait sentir,

27 faire vous-même les traductions. Nonobstant l'incapacité du Greffe à vous

28 fournir en temps réel les traductions, vous avez quand même la possibilité

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1 de vous débrouiller de votre côté, surtout comme vous l'avez indiqué si

2 certains documents sont essentiels pour votre défense. Comme vous le savez,

3 quand une question est essentielle, on mobilise toutes ces possibilités

4 pour y faire fasse.

5 Ceci étant dit, je vais me retourner vers M. Stamp pour qu'il me fasse part

6 de son opinion sur la question des témoins, notamment de l'article 70, et

7 quelles sont les intentions de l'Accusation en la matière, étant précisé

8 que j'ai cité des jurisprudences diverses et pertinentes.

9 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie une fois de plus, Monsieur le

10 Juge.

11 En ce qui concerne les témoins tombant sous le coup de l'article 70,

12 l'Accusation a effectivement communiqué à la Défense la déclaration de ces

13 témoins, avec leurs noms. Je pense que les conseils de la Défense se

14 trompent lorsqu'ils disent ici n'avoir pas reçu lesdites déclarations.

15 Il y avait un document où n'étaient pas repris les noms des témoins,

16 il s'agissait d'un document déposé le 31 janvier. Une liste visée par

17 l'article 65 ter. On leur a accordé à chacun un pseudonyme. Pourquoi ?

18 Parce que par excès de prudence, l'Accusation s'est dit qu'il ne

19 conviendrait pas de donner le nom véritable de chacun de ces témoins dans

20 cette liste. Cependant, les déclarations préalables ont bien été

21 communiquées à la Défense. Les 22 déclarations des témoins ont, je le

22 répète, été communiquées à la Défense.

23 En ce qui concerne d'autres déclarations préalables, je vous l'ai

24 dit, il y en avait huit d'après notre vérification qui n'ont pas été

25 communiquées. Mais la plupart n'avaient été communiquées vu les problèmes

26 de traduction. Maintenant, ces problèmes de traduction sont résolus. Les

27 traductions sont terminées, elles pourront être communiquées aujourd'hui à

28 la Défense.

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1 Parlons des témoins experts. Bien entendu, les dates butoir qui

2 pourraient être déterminées par la Chambre en application du 94 bis sont à

3 déterminer par vous, par la Chambre de première instance, bien entendu.

4 Cependant, si la Chambre estime qu'il serait possible d'arrêter une date

5 butoir, nous demandons l'autorisation de déposer des conclusions écrites

6 parce que pour le moment, nous sommes en contact avec ces témoins experts.

7 La plupart d'entre eux sont des militaires et bon nombre d'entre eux

8 représentent leurs pays dans des activités de maintien de la paix dans

9 plusieurs endroits. Il faut donc les consulter pour savoir quand ils

10 seraient disponibles pour examiner les documents et préparer ces rapports.

11 Il nous faut un certain temps pour préparer des conclusions écrites à vous

12 soumettre s'agissant de la date à laquelle ces experts pourraient vous

13 communiquer leurs rapports.

14 En ce qui concerne les témoins en application du 92 bis, je suis

15 effectivement d'accord avec à la Défense. Le Juge de la mise en état

16 pourrait ordonner que soient présentées, à un stade initial de la

17 procédure, ces déclarations mais ce n'est pas la pratique adoptée par la

18 plupart des Chambres. Je me permets humblement de faire valoir que

19 l'enceinte idéale pour présenter ce genre de déclarations, s'agissant des

20 modalités de présentations des éléments de preuve, cette enceinte, c'est la

21 Chambre de première instance qui est saisie des éléments de preuve. Je vous

22 demande, Monsieur le Président, l'autorisation de ne pas vous prononcer sur

23 cette question tant qu'une Chambre de première instance n'aura pas été

24 formée.

25 Puisque j'ai la parole, je vous demande l'autorisation d'ajouter

26 ceci. La Chambre l'avait bien indiqué, vous l'avez dit qu'il y a souvent

27 des retards parce que nous cessons de communiquer des éléments, nous ne

28 cessons d'enquêter. Mais, Monsieur le Président, c'est inévitable. Dans

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1 bien de ces cas, les enquêtes se poursuivent. Je vais vous citer une seule

2 raison parmi tant d'autres. C'est que beaucoup des autorités

3 gouvernementales qui devraient nous fournir des informations n'ont pas fait

4 preuve d'un grand esprit de coopération de par le passé. Ceci a même été

5 rapporté au Conseil de sécurité où il y a eu griefs pour manque de

6 coopération. La coopération s'améliore. Au fur et à mesure de cette

7 amélioration, l'Accusation reçoit de nouvelles informations, et je suis sûr

8 que vous serez d'accord là-dessus, Monsieur le Juge. Une fois que nous

9 recevons de telles informations, il faut mener une enquête pour les

10 vérifier.

11 En matière de communication, nous l'avons déjà indiqué, la

12 communication est aussi quelque chose qui est un processus continu qui se

13 poursuit aussi pour l'article 68 parce que nous recevons des documents. Il

14 y a des millions de documents dans nos archives. De temps à autre, la

15 Défense nous donne des critères supplémentaires, des directives

16 supplémentaires nous permettant de mieux affiner notre recherche. De cette

17 façon, grâce à ce critère, nous avons ce qu'il nous faut rechercher. Nous

18 avons dès lors l'obligation, le devoir de poursuivre ces recherches et de

19 passer au crible les résultats avant de les communiquer à la Défense. Par

20 conséquent, ce type de processus permanent et continu de communication et

21 d'enquête et, je me dois de le dire, Monsieur le Juge, est inévitable.

22 C'est un devoir qui incombe à l'Accusation et qu'elle doit respecter.

23 En l'espèce, s'agissant de la communication de documents que nous

24 n'avons pas pu communiquer car il y avait des problèmes de traduction, si

25 les ressources nous le permettent, bien sûr, que nous essayerions de faire

26 la traduction et de communiquer certains de ces documents. On pourra

27 quelquefois se demander si un projet de traduction qu'aurait préparé

28 l'Accusation serait quelque chose d'acceptable pour la Défense. Est-ce

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1 qu'on pourrait communiquer des moutures, des projets de traduction à la

2 Défense ? D'après le commentaire que vous venez de formuler, Monsieur le

3 Juge, je crois comprendre que vous tendez à penser que ce genre de

4 traduction pourrait être communiqué.

5 Mais une fois de plus, cette institution qui est la nôtre, y compris

6 le bureau du Procureur, ne peut pas en même temps préparer chacune des

7 affaires dont est saisi ce Tribunal. Il faut établir un ordre de priorité.

8 Le service de traduction, qui est sous la tutelle du Greffe, a aussi établi

9 ses priorités. Le bureau du Procureur, quant à lui, aussi doit arrêter des

10 priorités sur la façon d'utiliser les ressources, y compris les ressources

11 de traduction. Vous savez qu'il y a en cours des procès importants, eux

12 aussi, qui mobilisent de façon prioritaire les moyens que nous avons en

13 matière de traduction, et sous peu vont commencer d'autres procès. Là

14 aussi, il faut faire intervenir les services de traduction. Par conséquent,

15 les ressources que le bureau du Procureur a en matière de traduction sont

16 limitées, mais j'entreprends et je vous promets que si certaines ressources

17 sont libérées, sont prêtes, nous essayerions de leur demander de faire la

18 traduction de documents que demande la Défense. En conclusion cependant, je

19 pense qu'il conviendrait que la Défense et l'Accusation se rencontrent pour

20 voir les documents communiqués. Apparemment, il y a une certaine confusion

21 quant à savoir ce qui n'a pas été communiqué. C'est un peu normal de

22 l'expérience que j'en ai, vu le genre de problèmes qui se pose parce

23 qu'effectivement, si nous parcourons ensemble ces documents, nous pourrons

24 établir de façon définitive ce qui a été communiqué, ce qui n'a pas été.

25 Je vous remercie, Monsieur le Juge.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Stamp.

27 Monsieur Stamp, vous avez donné, bien entendu, la réponse au problème posé,

28 et je reconnais, là, votre grand professionnalisme. Vous venez d'indiquer

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1 qu'il incombe à la Défense et à l'Accusation de se rapprocher pour trouver

2 une solution au problème. Je ne peux qu'en tant que Juge approuver ce que

3 vous venez de dire. Et peut-être dans les problèmes soulevés tout à l'heure

4 par la Défense, il peut y avoir des questions qui existent encore, qui

5 auraient pu trouver une solution plus rapide.

6 Si j'ai bien compris ce que vous venez d'indiquer, vous avez formellement

7 précisé que toutes les déclarations des témoins ont été données à la

8 Défense, y compris les témoins relevant de l'article 70, simplement aux

9 fins de protection, il y a des témoins qui ont des pseudonymes. Vous

10 reconnaissez aujourd'hui qu'il y avait encore huit témoins dont les

11 traductions n'avaient pas été faites, mais vous avez indiqué tout à l'heure

12 que vous êtes en mesure "today" de donner ces déclarations à la Défense.

13 Ceci me permet à ce moment-là, sous réserve de ce que dira la Défense,

14 d'avancer dans la question des déclarations des témoins.

15 Tout à l'heure, la Défense et vous-même avez soulevé la question de

16 l'article 92 bis. Il est vrai que dans la liste des témoins, il y a

17 plusieurs témoins susceptibles de relever de l'article 92 bis. Comme vous

18 le savez, l'article 92 bis recoupe des situations de témoins très

19 différentes selon les paragraphes A, B, C et D de l'article. En tant que

20 Juge de la mise en état, n'ayant pas à juger cette affaire, j'estime aussi

21 que c'est à la Chambre de première instance, qui sera appelée à juger, de

22 se prononcer sur l'admissibilité ou le contre-interrogatoire de certaines

23 déclarations. C'est aux Juges du fond d'apprécier. Je ne peux pas, d'ores

24 et déjà, faire un tri dans ces témoignages. Si j'en admets et j'en rejette,

25 je peux porter préjudice aux points de vue d'autres Juges qui auront à se

26 prononcer. Donc ma position est très claire. Il appartiendra à la Chambre

27 de première instance de dire quels sont les témoins susceptibles d'entrer

28 dans le champ de l'article 92 bis, à partir, bien entendu, de vos

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1 écritures. Il est vrai que si j'avais été amené à juger cette affaire,

2 d'ores et déjà, j'aurais pu donner des indications précises à la matière.

3 Mais comme ce n'est pas moi qui jugerai cette affaire, je reste dans

4 l'expectative.

5 Le deuxième point concerne les témoins experts. Là aussi c'est une question

6 importante. Le seul souci que j'ai parmi ces témoins experts, c'est de

7 savoir si vous avez l'intention de débuter le procès par un témoin expert,

8 car si vous avez l'intention de débuter le procès par la venue d'un témoin

9 expert, encore faut-il que la Défense soit en mesure d'étudier le rapport

10 de l'expert, et conformément à l'article 94 bis, la Défense a un mois pour

11 répondre aux rapports. Mais là, je ne sais pas ce que l'Accusation compte

12 faire. Si le procès démarre dans six à huit semaines, ou dix semaines, est-

13 ce qu'il y aura un témoin expert qui viendra en premier, et à ce moment-là,

14 bien entendu, il faut que la Défense ait communication du rapport parce

15 qu'elle a un délai d'un mois pour y répondre. Mais cela dépend du planning

16 de l'Accusation. Quoi qu'il en soit, j'avais déjà abordé cette question, il

17 y a quelque temps. Il est vrai que la majorité de ces témoins seront des

18 experts en matière militaire, car il y avait des problèmes techniques sur

19 les angles de tirs, les trajectoires des obus, et cetera, et là il faudra

20 qu'un expert vienne indiquer à la Chambre ses conclusions, comme cela avait

21 d'ailleurs été fait dans le procès Krstic. Il y aura des témoins experts en

22 la matière.

23 Mais là, je n'ai pas les éléments, j'induis de ce que vient de me dire M.

24 Stamp que plusieurs de ces experts sont dans des fonctions différentes,

25 peut-être répartis dans le monde entier et que l'Accusation n'est pas en

26 état de savoir à quel moment ils vont venir, et peut-être même l'Accusation

27 ne sait même pas quel sera le premier témoin expert à venir. Voilà. Je

28 comptais aborder cette question. Je vais quand même redonner la parole à M.

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1 Stamp avant de donner la parole aux Défenseurs concernant le premier témoin

2 expert.

3 Monsieur Stamp, est-ce que vous savez qui viendra et quel est le planning

4 que vous avez intégré ?

5 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Juge, je peux vous assurer que le

6 premier témoin ne sera pas un témoin expert. Tout ce que je peux dire,

7 c'est que l'échéancier sera régi dans une grande mesure par ce qui sera

8 équitable et raisonnable pour l'accusé. Par conséquent, l'Accusation a

9 l'intention de s'acquitter de ses obligations en matière de communication,

10 conformément aux ordonnances données par la Chambre par le Juge de mise en

11 état, et selon des modalités qui sont parfaitement équitables pour l'accusé

12 et pour le Tribunal. Je vous remercie, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Là vous venez d'indiquer l'élément précieux, à

14 savoir qu'en tout état de cause, lorsque le procès démarrera, ne viendra

15 pas tout de suite le ou les témoins experts. Ceci, et c'est tout à

16 l'honneur de l'Accusation, afin de sauvegarder les droits de l'accusé au

17 procès équitable et à l'égalité des armes. De ce fait il n'y a peut-être

18 pas urgence à statuer sur les rapports d'experts, d'autant que je présume

19 qu'ils ne doivent pas être totalement finalisés. De ce fait, il y a peut-

20 être lieu d'attendre ultimement que nous ayons un échéancier plus précis,

21 et ceci pourrait être réglé, me semble-t-il, lors de la Conférence

22 préalable au procès.

23 Sous les bénéfices de ces observations, je vais, bien entendu, redonner la

24 parole aux avocats, puisque l'Accusation nous a fourni certains éléments

25 qui répondaient aux préoccupations exprimées.

26 J'aimerais connaître le sentiment définitif de la Défense sur ce qui

27 vient d'être dit.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

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1 S'agissant des 22 témoins qui sont des fonctionnaires des Nations Unies, je

2 dois dire, que d'après la liste des témoins que nous avons reçue le 31

3 janvier, il n'y a aucun élément qui nous permettrait d'identifier ces

4 témoins. Ainsi, par exemple, pour essayer d'être aussi clair que possible à

5 l'intention de l'Accusation, je voudrais parler du Témoin 11. Aucun détail

6 ne nous a été fourni à son sujet. Ceci peut être à très juste titre. Il est

7 peut-être exact, comme l'a dit mon confrère de l'Accusation, que sa

8 déclaration nous a été communiquée. Mais si je regarde les informations qui

9 figurent dans la liste du 31 janvier, nous n'avons aucun détail nous

10 permettant d'identifier ledit témoin, et donc de nous pencher sur sa

11 déclaration. Je maintiens ce que j'ai dit précédemment, à savoir qu'il y a

12 huit témoins sur cette liste, même si nous avons eu des informations

13 suffisantes pour identifier les autres témoins. Donc, il y a huit témoins

14 que nous n'avons pas pu identifier. Il y a, bien entendu, les six témoins

15 dont les déclarations ne nous ont pas été communiquées.

16 Je voudrais ici insister sur un point qui m'inquiète. Il se trouve que par

17 le jeu d'une coïncidence, je travaille dans une autre affaire où j'ai reçu

18 les déclarations des témoins 42 et 56. Ce sont des témoins très importants,

19 des témoins internationaux. J'ai eu toutes leurs déclarations, je les ai

20 passées en revue, je les ai étudiées, et cetera. J'ai du mal à comprendre

21 pourquoi, s'agissant des témoins 42, 56 et 127, pourquoi on ne nous a pas

22 communiqué leurs déclarations. Parce que je suis sûr que la traduction de

23 leurs déclarations existe, puisque j'ai déjà vu les déclarations de ces

24 témoins. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on nous a remis leurs

25 déclarations qu'en anglais et pas en B/C/S. Ce sont des témoins extrêmement

26 importants. J'estime que sur tous les témoins internationaux, ces deux

27 témoins sont les témoins les plus importants. C'est la raison pour laquelle

28 j'estime que cette question est une question de première importance, et je

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1 voulais me pencher avec beaucoup d'attention sur ces deux témoins.

2 J'ai même envisagé d'ailleurs de citer ces témoins dans le cadre de la

3 présentation des moyens à décharge, si l'Accusation avait décidé de ne pas

4 citer, quand à elle, ces témoins.

5 M. STAMP : [interprétation] Puis-je répondre.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de vous redonner la parole, la Défense nous

7 dit qu'elle a un problème concernant, à partir des déclarations,

8 d'identification, nous dit-elle, de 11 témoins. Sur ce point, si

9 l'Accusation avait strictement respecté mon ordonnance, dans l'ordonnance,

10 j'avais demandé à l'Accusation de nous dresser un tableau constitué de la

11 manière suivante : paragraphe de l'acte d'accusation, paragraphe du

12 mémoire, nom des témoins et les 1 648 documents, "exhibits". J'avais

13 demandé à l'Accusation de croiser tout cela. Le croisement aurait permis,

14 sans aucun problème à la Défense, de savoir que les 11 témoins, nous dit-

15 elle, non identifiés, c'étaient des témoins qui se rapportaient à telle

16 allégation, à tel paragraphe concernant tel chef d'accusation dans l'acte

17 d'accusation. A partir de là, la Défense avait à sa disposition les moyens

18 de préparer sa défense. Je sais que vous avez fait le maximum, mais vous ne

19 l'avez pas fait à 100 %.

20 Je souhaitais que ma demande soit exaucée à 100 %. Malheureusement, pour

21 des raisons de calendrier, de moyens, de disponibilité, et cetera, et

22 cetera, vous n'avez pas pu répondre à ma demande. C'est dommage, parce que

23 les sujets qui sont évoqués aujourd'hui sont la conséquence directe de ce

24 qui n'a pas été fait.

25 J'en viens aux témoins 42, 56, 127. L'Accusation nous dit - mais c'est elle

26 qui en prend la responsabilité - elle nous dit : Ce sont trois témoins très

27 importants, voire des témoins fondamentaux, et par extraordinaire, l'avocat

28 du général Dragomir Milosevic, a eu dans une autre affaire, les

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1 déclarations 45 et 56. Donc, il se dit : Comment se fait-il que moi, ici,

2 dans cette affaire, je ne les ai pas puisque je les ai dans une autre

3 affaire. L'Accusation suggère - et c'est un mot que j'emploie avec

4 précaution - j'allais dire, la Défense affirme que vous êtes en possession

5 des traductions en B/C/S et qu'elle ne comprend pas pourquoi vous ne lui

6 donnez pas. Alors, je ne sais pas. Je ne suis pas dans votre bureau pour

7 aller vérifier si vous les avez ou ne les avez pas. Si vous les avez et que

8 vous ne les avez pas données, c'est dommage, c'est dommage que cela n'a pas

9 été transmis.

10 Monsieur Stamp, je vous redonne la parole.

11 M. STAMP : [interprétation] Permettez-moi de répondre en premier lieu à la

12 dernière question évoquée.

13 C'est la raison pour laquelle il vaut mieux que ceci soit résolu hors

14 prétoire pour ne pas faire perdre du temps. D'après les documents que j'ai,

15 tout ceci a été communiqué à la Défense. Je pense que si on avait un peu de

16 temps pour faire quelques recherches, on pourrait effectivement trouver un

17 document signé qui indique que tout cela a été communiqué à la Défense.

18 D'après mes documents, tout cela a été communiqué à la Défense. Au cours

19 des derniers mois, beaucoup, beaucoup de documents ont été communiqués,

20 beaucoup de pièces ont été communiquées. Il est possible que ces documents

21 n'aient pas été identifiés par la Défense. On pourrait peut-être avoir une

22 rencontre et discuter avec la Défense, parce que je pourrais leur montrer

23 tous les documents qui indiquent que toutes ces pièces ont été

24 communiquées.

25 S'agissant de l'ordonnance concernant la production d'un tableau reprenant

26 l'ensemble des témoins. Comme nous l'avons dit, nous avons essayé de

27 respecter l'ordonnance qui nous avait été donnée, mais cela s'est révélé

28 extrêmement difficile à cause des ressources limitées dont nous disposons,

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1 mais aussi pour des raisons techniques. Parce que nous avons utilisé

2 plusieurs types de logiciels qui n'étaient pas forcément transposables dans

3 un tableau de type Excel, donc incompatibilité entre le logiciel CaseMap et

4 le logiciel Excel. Cette incompatibilité, nous n'avons pas pu la surmonter.

5 Mais nous avons respecté les obligations qui sont les nôtres aux termes de

6 l'article 65 ter. Nous avons fait de notre mieux. Je pense que nous avons,

7 pour une grande partie, respecté l'ordonnance de la Chambre s'agissant de

8 ces tableaux.

9 Je pense que si on examine les résumés des témoins qui figurent sur

10 la liste des témoins, conformément à l'article 65 ter, on peut facilement

11 faire le lien entre les témoins qui figurent sur la liste et les

12 déclarations de témoins. Il ne suffit pas pour la Défense de regarder la

13 liste des témoins 65 ter. Si un pseudonyme est donné sur la liste des

14 témoins et si on voit dans le résumé ce que le témoin devrait normalement

15 dire quand il viendra déposer, à ce moment-là, il est facile à la Défense,

16 lorsqu'elle examine les déclarations de témoin, de reconnaître ce témoin,

17 de l'identifier. Là encore, c'est une question que la Défense aurait pu

18 porter à notre attention, nous dire nous avons du mal à faire le lien entre

19 tel témoin et les déclarations, et on pourrait résoudre cette difficulté en

20 très peu de temps.

21 Merci.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois, qu'après l'audience, il serait hautement

23 souhaitable que les avocats aillent voir M. Stamp et que vous réglez entre

24 vous les problèmes. Parce que l'Accusation dit : J'ai tout donné, je ne

25 comprends pas pourquoi il y a un problème. La Défense me dit : Nous, on n'a

26 pas eu, et cetera. Le mieux, c'est vous vous voyez, vous discutez de ces

27 problèmes, et si par extraordinaire, il y a un blocage tel, vous me faites

28 une requête immédiate, et j'aurai le temps, à ce moment-là, de rendre une

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1 ordonnance, faisant injonction à l'Accusation de vous donner tel ou tel

2 document.

3 M. Stamp nous dit : J'ai donné. Vous connaissez la convivialité de M.

4 Stamp. Voyez-le. Je suis tout à fait convaincu qu'il répondra à vos

5 demandes.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, permettez-moi

7 d'ajouter une chose avant que je ne donne la parole à ma consoeur pour

8 qu'elle vous fournisse des informations supplémentaires. Ce n'est pas par

9 hasard que je mentionne ces trois déclarations. Je connais pertinemment

10 l'importance de ces témoins, si bien que nous tous dans mon bureau à

11 Belgrade, nous avons essayé justement de déterminer ce qu'on vient de

12 parler; voir si toutes les déclarations nécessaires nous avaient été

13 communiquées. C'est pour cela que j'ai été très surpris de constater que je

14 n'avais pas les traductions puisque je sais qu'elles existent. Dans les

15 documents qui m'ont été communiqués à ce jour, je n'ai jamais reçu ces

16 traductions.

17 Est-ce que vous permettrez maintenant à ma consoeur de vous fournir

18 quelques explications supplémentaires sur ce point, sur d'autres points

19 aussi ?

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Volontiers que je vais lui donner la parole.

21 J'invite fortement si M. Stamp a les traductions, de vous les donner tout à

22 l'heure après l'audience. Maître, vous avez la parole.

23 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président, je viens de connaître M.

24 Stamp, donc je ne connais assez sa convivialité. J'espère qu'on va dans la

25 foulée avoir une petite réunion, on va éclaircir certaines questions, c'est

26 sûr.

27 Pour ne pas laisser le doute planer aujourd'hui, vraiment,

28 personnellement, avec mon confrère, Me Tapuskovic, avec notre assistant

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1 juridique, on s'est partagé la tâche. On a fait vraiment une recherche

2 minutieuse des documents qui ont été communiqués sur les CD.

3 Personnellement, j'assurais la tâche de voir les déclarations de témoins.

4 Il est sûr et certain, ce n'est pas uniquement le problème de manque pour

5 l'instant. On va aborder après, lors de notre réunion. Il y a d'autres

6 problèmes aussi. Justement, je tiens maintenant suite à la persistance de

7 mon confrère, de Me Stamp, de dire vraiment qu'il y a aussi le problème

8 d'utilisation des pièces qui sont en langue, disons, serbo-bosniaque ou

9 croate. On s'est aperçu - parce qu'on nous a présenté vraiment un CD avec -

10 disons, beaucoup de documents qui sont faits à plusieurs versions. Il faut

11 vraiment être très, très malin pour se débrouiller. A moi et à mon

12 confrère, cela nous faisait association à une fable qui parle du renard et

13 de cigogne. On nous a servi vraiment dans un plat qui n'était pas

14 approprié, et on s'est retrouvé, c'est vrai, avec beaucoup de documents

15 dont certains sont en plusieurs versions, plusieurs copies et d'autres qui

16 manquent. C'était vraiment un problème pour moi et pour toute l'équipe de

17 Défense.

18 L'autre problème, on l'a abordé déjà dans notre mémoire préalable. On

19 a parlé dans notre introduction de ce problème de non-respect de votre

20 ordonnance parce qu'on a trouvé vraiment cette ordonnance extraordinaire

21 pour préparation de notre défense. Vraiment, c'est dommage qu'elle est

22 restée, disons, une lettre morte sur papier. Parce que vraiment, tout ce

23 qu'on a eu comme annexes A, B et C, vraiment, n'a rien à voir avec ce qui

24 était prévu dans votre ordonnance.

25 Tout cela, vraiment, il me semble que l'article 21 souffre de cet

26 irrespect de l'ordonnance.

27 Surtout, j'aurais aimé aborder le problème 2, parce que vous avez dit

28 dans votre ordonnance qu'il faut répartir l'article 7(1) et l'article 7(3).

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1 Peut-être, on peut dire on ne connaît pas Excel, on ne l'utilise pas.

2 Personnellement, moi aussi non plus, je ne suis pas très impressionnée par

3 ce logiciel. Vraiment, il fallait alors inventer une autre manière pour

4 répondre à ce devoir de répartir, parce qu'avec ce qui a été fait,

5 vraiment, on ne peut pas deviner ce qui se rapporte à quoi. Là, vraiment,

6 j'aurais souhaité une intervention tout de suite de votre part, parce que

7 même après notre réunion qui peut concerner les questions techniques, cela

8 dépasse la technicité et cela rentre vraiment au fond. Ce problème doit

9 être vraiment résolu d'une manière appropriée. Merci.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Maître, sur ce que vous venez de dire, il

11 y a beaucoup de choses intéressantes. Tout d'abord, je suggère à la Défense

12 de reconnaître que cette ordonnance était extraordinaire dans la mesure, où

13 effectivement, j'ai essayé de préparer dans les meilleures conditions

14 possibles ce procès, tant à mes collègues qui auront à juger l'affaire que

15 pour la Défense. Car le Statut, dans sa lettre et dans son esprit, dispose

16 qu'il doit y avoir l'égalité des armes. Effectivement, un acte d'accusation

17 présenté au titre du 7(1) et du 7(3), sans qu'il soit sous-tendu par des

18 éléments d'information de la Défense, peut créer un préjudice pour la

19 Défense. C'est dans cet esprit que je me suis efforcé d'inviter

20 l'Accusation à répondre à mes demandes. Vous avez tout à fait raison.

21 L'Accusation doit strictement répondre à une ordonnance.

22 J'ai eu un cas de conscience, à savoir, est-ce que j'entame la

23 procédure de sanction de l'article 54 qui est redoutable, car le Règlement

24 nous permet d'intenter une procédure d'outrage à la Cour pour la partie qui

25 ne respecte pas l'ordonnance. Je me suis posé la question, effectivement.

26 J'ai pris en compte ce que me disait l'Accusation qui, évidemment,

27 n'avait pas été habituée à travailler de cette façon. Parce que jusqu'à

28 présent, ceci avait échappé à beaucoup de Chambres, et on avait laissé les

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1 mains libres à l'Accusation, car tout ce qu'elle voulait pour présenter sa

2 cause. En faisant cela, on arrive à des procès qui durent des années, sans

3 que tout cela soit bien fructueux pour la justice.

4 Il est apparu, conformément aux conclusions du rapport Bonomy, qu'il

5 fallait aller de l'avant et d'imposer à l'Accusation certaines contraintes.

6 C'est ce que j'ai fait.

7 L'Accusation a répondu pour une partie, mais a laissé un certain

8 nombre de demandes dans l'ombre. Vous avez parfaitement raison concernant

9 l'article 7(1) et 7(3). Vous me permettrez de revenir sur cette question

10 qui est fondamentale. Je me tourne vers l'Accusation pour lui dire ceci :

11 Dans un acte d'accusation, lorsqu'il est mentionné l'article 7(1) et/ou

12 7(3), la sémantique nous apporte des réponses aux questions que nous avons.

13 Lorsqu'on dit 7(1) et 7(3), cela veut dire que l'Accusation soutient qu'il

14 y a une responsabilité pénale engagée à l'égard de l'accusé sur ces deux

15 fondements et elle doit prouver, et 7(1) et 7(3). La jurisprudence de la

16 Chambre d'appel est parfaitement claire. Je vous renvoie à l'arrêt Blaskic

17 où la Chambre d'appel a dit : Lorsqu'il y a du 7(1), il n'est pas

18 nécessaire, à ce moment-là, que l'Accusation rajoute du 7(3). Mais la

19 Chambre d'appel s'est fondée sur une déclaration de culpabilité quasi

20 certaine pour le 7(1). Mais il peut y avoir des situations où les 7(1)

21 n'est pas mis en œuvre parce qu'il manque des éléments. Mais à ce moment-

22 là, comme dans l'acte d'accusation, il y a des termes où le "7(3)" vient, à

23 titre subsidiaire. Mais, à ce moment-là, si l'Accusation, à titre

24 subsidiaire, met en cause la responsabilité pénale de l'accusé sur le titre

25 7(3), à elle de démontrer que l'accusé exerçait un contrôle effectif sur

26 ceux qui ont commis les crimes, qu'elle en a eu connaissance, qu'elle n'a

27 pas pris les mesures préventives qui s'imposaient et qu'elle a été

28 défaillante dans les mesures punitives. Tout ceci doit être rapporté par

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1 les éléments de preuve. Il ne s'agit pas simplement dans l'acte

2 d'accusation d'évoquer le 7(3) et ensuite de laisser tout cela dans le

3 silence, car comment la Défense peut, à ce moment-là, au titre du procès

4 équitable et l'égalité des armes, apporter sa contribution à sa cause, sur

5 ces fondements, si on ne dit rien. C'est pour cela que j'avais demandé

6 expressément à l'Accusation de bien faire des références explicites, dans

7 ces témoins et ces "exhibits," aux allégations du 7(1) et du 7(3). Ceci n'a

8 pas été fait. Et la Défense soulève la question.

9 Alors, Maître Stamp, que pouvez-vous dire ? Parce que c'est un

10 problème important, d'autant plus important que nous sommes pris maintenant

11 dans des calendriers. J'ai dit 2008. Le procès doit être terminé en 2008.

12 Depuis la dernière fois, vous aviez peut-être eu le temps, nonobstant Excel

13 ou autres, de répondre à cela. Cela n'a pas été fait. Je ne vais intenter

14 une procédure d'outrage à la Cour mais j'aimerais quand même savoir qu'est-

15 ce qui vous empêche d'indiquer, d'ores et déjà, à la Défense : Voilà, au

16 titre du 7(1), j'ai tel témoin, telle pièce ? Au titre du 7(3), tel témoin,

17 telle pièce.

18 Maître Stamp.

19 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge.

20 Je vais aller droit au but. L'Accusation, comme je l'ai dit

21 précédemment, a fait tous les efforts possibles pour respecter de la

22 manière la plus totale l'ordonnance, mais on n'a pas été en mesure de le

23 faire à cause d'impossibilités techniques et à cause d'un manque de

24 ressources. Cependant, quand je dis que l'Accusation a, pour une grande

25 partie, rempli ses obligations au terme de cette ordonnance, je veux dire

26 que s'agissant de l'article 7(1), dans le tableau que nous avons fourni

27 s'agissant des éléments de preuve, nous avons explicitement fait le lien

28 entre chaque pièce, chacune de 1 600 pièces à conviction. Nous avons fait

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1 le lien avec les passages pertinents du mémoire préalable au procès. Si on

2 regarde les passages du mémoire préalable au procès qui ont trait à

3 l'article 7(3), on voit la relation avec ce tableau dans lequel nous nous

4 sommes efforcés de répondre aux exigences de la Chambre dans son

5 ordonnance. Pour chacune des pièces à conviction qui ont trait au

6 paragraphe 7(3) du mémoire préalable au procès, nous avons une référence

7 qui a été faite. Même chose pour les pièces à conviction qui sont en

8 relation avec les passages du mémoire préalable au procès qui traitent de

9 l'article 7(1). Pour ce qui est de la liste des témoins, même chose. Tous

10 les témoins dont les témoignages ont un rapport ou apportent la preuve

11 d'éléments en rapport avec l'article 7(3) ont été reliés aux paragraphes de

12 l'acte d'accusation qui portent sur l'article 7(3). Même chose pour tous

13 les témoins dont la déposition a un impact ou un rapport avec tout ce qui a

14 trait à l'article 7(1). Là aussi, nous avons fait des croisements, des

15 références explicites avec les passages de l'acte d'accusation qui

16 renvoient à l'article 7(3) et à l'article 7(1).

17 On me rappelle que la liste des témoins, elle relève de l'article, enfin,

18 établi en vertu de l'article 65 ter, elle allait plus loin, cette liste de

19 témoins. Ceci dans un effort de répondre le mieux possible à l'ordonnance

20 qui nous a été décernée, en dépit de toutes les difficultés techniques.

21 Jusque-là, nous faisons le lien entre ce que va dire le témoin et les

22 passages pertinents de notre mémoire préalable au procès. En conséquence,

23 lorsque dans le mémoire préalable au procès, on parle de questions qui

24 relèvent de l'article 7(1) ou de l'article 7(3) du Statut, on peut trouver

25 les témoins et les pièces à conviction qui ont un rapport avec ces

26 passages-là puisque nous avons établi le lien conformément à votre

27 ordonnance dans une grande partie, parce que dans votre ordonnance, vous

28 faisiez référence à un tableau Excel et ce n'était pas possible

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1 techniquement, à cause du format, à cause des logiciels que nous utilisons

2 pour stocker nos informations. Donc, ce n'était pas possible pour nous de

3 produire un tableau Excel.

4 Si vous me le permettez, je souhaiterais redire brièvement ce que

5 vous aviez dit précédemment. Un instant, je vous prie.

6 [Le conseil de la Défense se concerte]

7 M. STAMP : [interprétation] Pour finir, Monsieur le Juge, permettez-

8 moi d'ajouter que quoi qu'il en soit, nonobstant tous les efforts que nous

9 avons entrepris, je pense que nous avons respecté les dispositions de

10 l'article 65 ter. Tous les efforts que nous avons déployés, ces efforts

11 sont venus en sus, en addition de ce qui est exigé de nous en vertu de

12 l'article 65 ter du Règlement. Merci beaucoup, Monsieur le Juge.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 15 heures 40 et je suis obligé d'arrêter

14 l'audience pour des raisons techniques. Nous allons faire une pause de 20

15 minutes. Nous reprendrons l'audience à 16 heures.

16 Nous avons jusqu'à 19 heures. Donc, nous avons tout notre temps pour

17 avancer. Nous reprendrons l'audience à 16 heures.

18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

19 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. J'ai profité de la pause

21 pour me plonger, à la suite de ce qui avait été dit, d'une part dans

22 l'ordonnance que j'avais rendue le 16 décembre 2005 dans le mémoire

23 préalable de l'Accusation en date du 31 janvier 2006, et je me suis plongé

24 dans l'annexe A, annexe confidentielle. J'en reviens aux trois éléments.

25 Dans l'ordonnance, j'avais pris un soin tout particulier à demander à

26 l'Accusation de me faire un tableau où nous aurions eu les chefs de l'acte

27 d'accusation, les lieux, les dates, les noms des victimes, je dis bien les

28 noms des victimes, les auteurs présumés, unités, individus, et cetera, des

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1 références précises aux paragraphes pertinents de l'acte d'accusation et la

2 référence de la phrase qui était dans l'acte d'accusation. J'avais fait un

3 tableau ensuite, où il y avait les témoins avec les numéros des témoins,

4 les noms et prénoms des témoins, la durée estimée de l'interrogatoire

5 principal, est-ce que ces témoins avaient déjà déposé ou pas devant le

6 Tribunal, référence au mémoire préalable et également pour les pièces,

7 numéros des pièces, titres des pièces, auteurs des pièces, dates des

8 pièces, provenance, référence au mémoire préalable.

9 C'était le tableau intitulé "chefs d'accusation." J'avais fait également un

10 tableau responsabilité pénale de l'accusé, 7(1), 7(3). Faisant la

11 distinction, j'avais demandé à ce que l'on fasse des références aux

12 paragraphes, aux phrases, aux témoins, aux pièces, et cetera, et cetera.

13 Si ceci avait été fait, l'Accusation et la Défense auraient eu une vue

14 générale de l'affaire, et ensuite, il n'y avait plus qu'à s'adapter, ligne

15 par ligne, à ce qui était écrit.

16 A partir de cette ordonnance, l'Accusation nous a fait un mémoire avec des

17 annexes. J'ai été très surpris de ne pas voir en note de bas de page des

18 renvois concernant les témoins et les pièces. Par exemple, au paragraphe 65

19 du mémoire, qui est à la page 16 dans la version anglaise, il est dit que

20 les accusés n'ont pas pris les mesures nécessaires, et cetera. A ce moment-

21 là, il pouvait y avoir des références par rapport à des témoins ou à des

22 pièces. Il n'y a pas de référence. En revanche, par rapport à ce qui se

23 faisait jusqu'à présent, je dois quand même noter que l'Accusation avait

24 fait un effort remarquable par rapport à ce qui avait été fait, mais

25 insuffisant, par rapport à ce que j'avais demandé. L'Accusation nous a

26 fourni la liste de ses témoins avec des renvois aux paragraphes de l'acte

27 d'accusation, m'ont indiqué si c'était du 92 bis ou pas, quels étaient les

28 chefs, le temps requis, quels étaient les paragraphes de l'acte

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1 d'accusation, y avait-il des mesures de protection, et cetera.

2 Très bien. Cela ne répondait pas tout à fait à ce que j'avais demandé.

3 Ultérieurement, on a eu une nouvelle annexe, l'annexe A, où il y a déjà un

4 progrès. Cela aurait pu être encore meilleur. (Expurgé)

5 (Expurgé)

6 (Expurgé)

7 (Expurgé)

8 (Expurgé)

9 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, si vous donnez des noms,

10 est-ce que je peux vous demander de le faire à huis clos partiel ? Et je

11 vous demande une expurgation le plus vite possible.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Madame la Greffière, vous faites une ordonnance

13 pour expurger. Je continue sans citer de noms. Il y avait une référence au

14 paragraphe du mémoire. Il y avait déjà un progrès, mais le progrès était

15 insuffisant par rapport à ce que je demandais concernant le 7(1) et le

16 7(3). Il aurait été utile, concernant le 7(3), sur certains témoins, savoir

17 à quel stade tel document se rapportait à tel témoin pour tel chef

18 d'accusation au titre du 7(3). A ce moment-là, on aurait eu une vision

19 complète. Je dois dire que par rapport à ce qui s'était fait jusqu'à

20 présent, il y a un gros progrès. L'idéal aurait été de compléter le tableau

21 que j'avais fait. Voilà, c'est cela l'idéal. A partir de là, c'était très

22 simple pour tout le monde, après, de suivre. Parce que j'avais eu cette

23 préoccupation afin de pouvoir, le cas échant, déterminer. Je ne pourrai pas

24 le faire pour cette affaire parce que je ne serai pas le juge de

25 l'audience, mais dans un autre dossier dont je vais présider l'audience,

26 qui est l'affaire Prlic. Grâce à un tableau de cette nature, je peux me

27 rendre compte s'il n'y a pas des témoins surabondants. Parce que pour un

28 chef d'accusation, si je constate qu'il y a cinq témoins qui vont parler du

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1 même chef d'accusation, il n'y a peut-être pas une nécessité qu'il y ait

2 cinq témoins; un ou deux suffiraient. Car comme vous le savez, c'est la

3 Chambre qui détermine quels sont les témoins qui doivent venir. Voilà. Un

4 tableau comme cela permet de constater pour l'Accusation, pour les Juges et

5 pour la Défense, que parfois, il peut y avoir trop de témoins ou peut-être

6 pas assez de témoins.

7 C'est comme cela qu'on peut progresser. Bien entendu, l'objectif n'a pas

8 été atteint. Il n'a pas été atteint, parce que c'était dans le

9 fonctionnement de ce Tribunal révolutionnaire. C'était la première fois où

10 on imposait à l'Accusation des consignes strictes pour la préparation de

11 son dossier au vu de l'audience. Je vous l'indique, c'était aussi dans

12 l'intérêt général. Car comme cela, nous savions où nous allions. Je peux

13 comprendre que pour des raisons matérielles liées à Excel ou à autre chose,

14 c'était peut-être difficile à le faire. Espérons qu'à l'avenir, peut-être

15 que pour d'autres affaires, mes collègues feront de la même façon et en

16 verront tout l'intérêt. Quoi qu'il en soit, avant de clôturer sur ce point

17 très précis, je tiens quand même à dire que l'Accusation, par rapport aux

18 pratiques antérieures, a fait déjà beaucoup, mais je pense qu'elle aurait

19 pu faire encore mieux. On peut toujours mieux faire dans la vie, toujours.

20 Encore faut-il en avoir la volonté. Cela, je pense que vous l'avez. Mais la

21 capacité, peut-être que vous n'aviez pas la capacité matérielle pour y

22 répondre.

23 Quoi qu'il en soit, le procès ne va pas démarrer demain, dans

24 quelques semaines, j'ose espérer, vous allez avoir d'ici le temps peut-être

25 le temps de compléter. Voilà.

26 On va terminer ce point qui était important, parce que je ne compte

27 pas vous revoir dans une Conférence de mise en état estimant que nous avons

28 quand même avancé. Nous touchons maintenant au but. Je vais vous inviter,

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1 après l'audience, à vous rencontrer et à voir avec vous quels sont, entre

2 vous, quels sont les points résiduels.

3 Etant précisé que sur les traductions, pendant la pause, j'ai vérifié

4 que j'avais effectivement rendu une ordonnance comme quoi les textes

5 devaient être traduits aussi en B/C/S, tout a été fait. Si jamais la

6 Défense se heurte à nouveau à un véritable problème incontournable appelant

7 mon intervention, à ce moment-là, faites-moi une requête immédiate, je

8 rendrai là une décision en urgence sur la question. Je pense que, les uns

9 et les autres, vous êtes animés de bonne volonté, et vous arriverez à

10 trouver un point d'accord.

11 Il m'incombe maintenant de me tourner vers l'accusé pour lui poser

12 des questions sur les conditions de détention et sa santé. Avant cela, il y

13 avait une question matérielle qui concernait l'ordinateur. Est-ce que

14 l'accusé a en sa possession un ordinateur remis par le Greffe afin de lui

15 permettre de consulter les CD-ROM. Je vais donner la parole à son avocat,

16 ou le général nous répondra tout à l'heure, mais l'avocat doit savoir si

17 ceci a été fait ou pas.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] A ma connaissance, c'est du moins ce qui

19 m'a été dit, l'accusé n'est pas à même d'utiliser l'équipement technique en

20 vue de la préparation de sa défense.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, pouvez-vous vous lever ? Je vais

22 d'abord aborder la question de l'ordinateur. Si je comprends votre avocat,

23 vous n'avez toujours pas d'ordinateur à votre disposition.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, merci de soulever cette

25 question. J'ai le sentiment que la question de l'ordinateur, c'est une

26 question qui ne dépend pas de moi. Sans doute dépend-elle d'une décision

27 prise par le Greffe ou par la Chambre, le Tribunal. On ne nous donne pas

28 d'ordinateurs. Je pense à mon propre matériel. Les détenus vont en lieu, et

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1 à la place de cela, recevoir un ordinateur qui appartient au Tribunal. Ceci

2 va être fait après le 24 avril. Jusqu'à cette date, d'après les dernières

3 informations que j'ai reçues, et si je les comprends bien et je n'ai pu

4 jeter qu'un regard furtif sur ces documents, nous devrions signer une

5 espèce de contrat quant à l'utilisation que nous allons faire de ces

6 ordinateurs, ce qui veut dire que je n'ai pas mon propre ordinateur, même

7 si j'en ai un. Il ne m'a pourtant pas été remis puisque cette possibilité a

8 été exclue. Nous allons recevoir des ordinateurs. Nous pourrons les

9 utiliser seulement lorsque nous les aurons reçus. C'est tout ce que je peux

10 dire à propos des ordinateurs.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur cette question d'ordinateurs qui est un problème

12 important parce qu'il touche aux droits de l'accusé, il y a plusieurs mois

13 de cela, j'ai été informé lors d'une audience de mise en état, peut-être

14 même par vous, que vous aviez reçu un ordinateur personnel envoyé par votre

15 famille, et que l'ordinateur avait été bloqué par l'administration. J'ai

16 essayé de savoir pourquoi. J'ai immédiatement, comme je le fais dès qu'il y

17 a un problème qui apparaît, saisi le jour même le Greffier pour lui

18 demander des explications. Le Greffier m'a expliqué à ce moment-là,

19 qu'effectivement, un certain nombre d'accusés avaient reçu des ordinateurs

20 personnels fournis par des familles ou des amis, mais qu'il avait donné

21 l'ordre au commandant de la prison de tout stopper, parce que pour des

22 raisons de sécurité, il fallait examiner la mémoire des ordinateurs, ne

23 sachant pas ce qu'il pouvait y avoir dans la mémoire. Est venu se greffer à

24 cette question la communication électronique des documents. Comme vous le

25 savez, quelques accusés se défendent seuls. Ils n'ont pas d'avocats.

26 L'Accusation transmet, à ce moment-là, aux accusés, via les CD-ROM, au

27 titre de l'article 66 ou l'article 68, les documents en leur possession.

28 On est dans une situation ubuesque, à savoir que le Règlement oblige

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1 l'Accusation à communiquer électroniquement les documents à l'accusé, mais

2 les accusés qui se défendent seuls, n'ont aucun moyen de les lire

3 puisqu'ils n'ont pas d'ordinateurs. Cela dure depuis des mois.

4 Qui plus est, pour ceux, comme vous, qui avez un avocat, il m'apparaît tout

5 à fait normal que vous ayez un droit de regard sur les documents afin que

6 vous donniez des instructions à votre avocat dans la stratégie de défense.

7 C'est le B.A-BA des droits de la Défense. Aujourd'hui, nous sommes à la fin

8 du mois de mars, je constate que vous n'avez toujours pas d'ordinateur, et

9 à vous entendre, des ordinateurs vous sauront donner dans un mois. Vous

10 avez indiqué le 24 avril.

11 Je suis étonné. Je suis d'autant plus étonné. C'est ma position que je

12 défends dans tous les dossiers. C'est qu'il ne peut pas y avoir au sein de

13 ce Tribunal une séparation entre l'administration et les Juges, car vous

14 êtes sous main de justice, vous dépendez entièrement des Chambres et il

15 incombe aux Juges d'avoir un droit de regard sur la façon dont vous pouvez

16 assurer votre défense. Là, je constate que vous êtes pour le moment

17 handicapé. Tout de suite après l'audience, je vais à nouveau faire un mémo

18 au Greffier pour lui rappeler cette obligation qu'il a de mettre à votre

19 disposition dans les meilleurs délais, l'ordinateur.

20 Tout ceci n'aurait eu lieu si les Juges exerçaient effectivement la

21 compétence qu'ils tirent du Statut du Tribunal, à savoir, assurer un procès

22 équitable et le respect de l'égalité des armes. Où y a-t-il égalité des

23 armes lorsque l'Accusation a des millions de documents en sa possession, et

24 que vous, vous êtes dans l'incapacité de les apprécier, puisque vous n'avez

25 pas d'ordinateur vous permettant d'y accéder ? Voilà. Je vais,

26 immédiatement, après cette audience, faire un mémo au Greffier.

27 Le deuxième point que je veux aborder avec vous, c'est votre état de

28 santé. Je dois vous dire que la dernière fois que je vous ai vu, je me suis

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1 posé la question de savoir si vous aviez bon moral, et cetera. Vous m'aviez

2 dit que tout allait bien, mais j'ai voulu en avoir le cœur net. En

3 décembre, le jour même, dans la minute qui a suivi l'audience de mise en

4 état, j'ai demandé au Greffier de m'adresser un rapport médical sur votre

5 situation. J'estimais qu'il était de ma responsabilité de Juge, de prendre

6 toutes les précautions sur votre santé. Ma demande formée au mois de

7 décembre n'ayant eu aucun effet, j'ai été conduit à faire une ordonnance

8 demandant au Greffier de me transmettre, avant le 1er avril, un certificat

9 vous concernant. Ceci a été fait. Le médecin de l'établissement m'a fait un

10 certificat disant que tout allait bien. Le médecin dit que tout va bien.

11 J'ose espérer que tout va bien.

12 Comme je me préoccupe principalement aussi de cette question parmi

13 d'autres, je vous demande, Général, concernant votre santé, avez-vous des

14 indications à me donner. Ce qui me préoccupe, c'est au niveau

15 psychologique. Est-ce que tout va bien au point de vue de la santé

16 mentale ? Que pouvez-vous me dire ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je souhaiterais ajouter

18 quelque chose à ce que j'ai dit à propos de l'ordinateur, pour apporter une

19 précision. Aujourd'hui, un document nous a été remis. Je vous ai parlé du

20 24 avril. C'est une date qui concerne l'obligation qu'ont les détenus, ceux

21 qui ont leur propre ordinateur portable doivent le remettre à

22 l'administration du quartier pénitentiaire. Il est donc fort probable que

23 nous n'aurons pas d'ordinateur le 24, pour autant, bien sûr, que je

24 comprenne bien ce document.

25 Je le répète si vous me le permettez : Nous aurons la possibilité

26 d'utiliser un ordinateur si nous signons que nous allons respecter

27 certaines règles. A mon avis cela ne pose pas problème. Je ne sais pas

28 quand nous allons recevoir les ordinateurs. La condition qu'il faut

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1 respecter c'est bien sûr, de suivre la procédure idoine. Je voulais

2 apporter une correction au niveau de la date. Je ne voulais pas donner

3 l'impression que j'avais fourni une information erronée.

4 En ce qui concerne mon état de santé, Monsieur le Juge, je ne sais

5 pas si je peux soulever d'autres questions. Je ne sais pas si je peux

6 parler d'autre chose avant parce que ce n'est pas en rapport direct avec

7 mon état de santé. Est-ce que je peux en parler, Monsieur le Juge ?

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous donnerai la parole pour aborder toute

9 question que vous souhaitez. Répondez d'abord sur la santé, puis après vous

10 aurez la parole pour évoquer tout autre point.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, je vous remercie. Je vous l'ai déjà

12 dit, je n'ai pas de problèmes de santé. Heureusement, je suis en bonne

13 santé. Je fais tout ce qu'il faut pour rester en bonne santé. Il y avait

14 une demande pour examiner mon état de santé, s'agissant du contact que j'ai

15 eu avec le médecin, cela s'est passé il y a à peine quelques jours, pas

16 avant. Je ne pense que cela équivaut à de la négligence parce que je suis

17 sûr que le médecin est informé du fait que je suis heureusement en bonne

18 santé. Je dois dire que je n'ai que des louanges à l'égard du médecin, pour

19 ce qui est de ma situation actuelle. S'agissant de mon état psychologique,

20 disons, bien entendu, la tension s'accroît lorsque je lis certains

21 documents qu'on m'a remis, parce que cela provoque une certaine réaction

22 chez moi. C'est inévitable, mais tout le monde a le droit de m'accuser,

23 c'est à moi qu'il revient d'assumer.

24 J'espère que je parviendrai à maîtriser la réaction que j'ai face à toutes

25 ces allégations arrogantes et inexactes si mon état de santé le permet. Je

26 ferai de mon mieux pour que tout se fasse selon les règles. Mon état de

27 santé est bon, donc pas de problème de ce côté-là.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, sur ce point. Deuxième point, puis après

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1 vous aborderez tout sujet utile. Au terme du Règlement, je suis obligé de

2 me préoccuper de vos conditions de détention. Est-ce que vous avez des

3 observations à faire valoir ou vous estimez que les conditions de détention

4 sont bonnes ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'estime que les conditions sont bonnes, oui.

6 Il y a certaines choses qui pourraient être améliorées mais je ne veux pas

7 ici pinailler. Ce ne sont pas là des problèmes, des questions

8 fondamentales, donc inutile d'insister là-dessus. C'est pour cela que je ne

9 vais même pas en parler.

10 Non, je pense que tout va bien, tout marche bien. Enfin, c'est l'expérience

11 qui est la mienne, cela correspond à la manière dont je suis traité. Je

12 n'ai pas de problèmes à ce sujet.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous donne maintenant la parole. Si vous

14 voulez aborder tout sujet vous pouvez, parce que ce n'est pas expressément

15 prévu par le Règlement, mais j'ai toujours en ma qualité de Juge donné la

16 parole aux accusés qui sont présumés innocents et qui, en tant que

17 citoyens, peuvent s'exprimer. Si vous avez une intervention à faire, vous

18 pouvez la faire.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je voulais être très

20 succinct. Je vais m'abstenir de soulever un grand nombre de questions que

21 je serais susceptible, pourtant, de soulever, mais merci de me permettre de

22 m'exprimer. Je ne vais pas non plus aborder toutes les questions puisque le

23 temps mettra bon ordre à tout cela.

24 Il y a un certain nombre de choses qui ont été dites aujourd'hui, qui ont

25 été évoquées qui ne me plaisent pas. Je vais essayer de les aborder aussi

26 succinctement que possible, sans m'étendre.

27 J'ai le sentiment qu'un procès équitable devrait se passer

28 différemment et par là, je fais référence à certaines prises de position du

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1 bureau du Procureur. Je vous donnerai quelques exemples pour illustrer mon

2 propos. Les réponses qu'ils nous fournissent au cours du débat qui a eu

3 lieu sous vos yeux aujourd'hui sont des réponses dont ils connaissent mieux

4 que quiconque les motifs. D'après moi, les pièces qui m'ont été

5 communiquées ainsi qu'à mes conseils, comportent tellement d'éléments sans

6 importance, portent sur de telles broutilles, que s'il n'y avait pas tous

7 ces éléments sans intérêt, on pourrait arriver à mieux se concentrer sur

8 les questions les plus essentielles. Ainsi, par exemple, on trouve une

9 demande faite par quelqu'un qui demande une permission à son chef, à son

10 commandant parce qu'il veut aller voir sa famille, donc il demande quelques

11 jours de permission. Or, on nous a remis la totalité de cette

12 correspondance. Je ne vois pas très bien pourquoi. Si on veut être

13 réaliste, on ne peut pas dire que cette correspondance fonde quelques

14 accusations que ce soit contre moi. Enfin, je ne suis pas blessé par cette

15 correspondance, mais si on diminuait un petit peu le volume des documents,

16 l'audience pourrait se dérouler et la procédure pourrait se dérouler de

17 manière plus efficace. Et vu toutes les accusations portées contre moi, ces

18 innombrables allégations dont on finira par découvrir qu'elles sont

19 fausses, il y a un volume extrêmement important de détails qui donnent

20 l'impression que le bureau du Procureur a été très occupé.

21 Mais la deuxième chose que je voudrais évoquer, c'est qu'il existe toute

22 une collection de pièces constituée par des témoins qui ont déposé dans

23 l'affaire Galic. On n'y a rien ajouté, on a rien ajouté à leurs

24 déclarations, à moins, bien entendu, que ces témoins ne souhaitent ajouter

25 quelque chose lorsqu'ils viendront déposer en direct dans le prétoire, et

26 partout d'ailleurs, dans les écritures déposées ici, on parle de l'affaire

27 Galic. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais dire que le procès

28 pourrait être mené de manière plus efficace pour tout le monde si on

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1 procédait de manière différente. Cependant, je vais m'abstenir de m'ingérer

2 dans le travail de quelqu'un d'autre, même si l'expérience m'a appris que

3 cela arrive souvent, les gens n'hésitent pas à s'ingérer et à intervenir

4 dans le travail de personnes dont ils ne connaissent rien.

5 En tout cas, j'espère qu'on pourra apporter une correction à ceci et que je

6 ne serai pas submergé sous des informations, de détails qui n'ont aucun

7 intérêt pour personne. En fait, là, je suis en train de parler dans

8 l'intérêt de ceux qui travaillent contre moi, je ne parle pas uniquement

9 dans mon propre intérêt. Si tous ces éléments superflus disparaissaient,

10 j'aurais une idée plus claire des questions qui se posent véritablement en

11 l'espèce. Je pourrais avoir une idée du cœur de cette affaire s'agissant de

12 tous ces événements qui se sont déroulés pendant une période de temps très

13 longue.

14 Merci de m'avoir écouté, et si j'ai abordé des sujets qui ne sont pas de

15 mon ressort, je vous prie de m'en excuser.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour ce que vous venez de dire. Vous abordez

17 un problème important qui est la communication des pièces. Vous venez de me

18 dire que vous êtes, en quelque sorte, noyé par des pièces dont vous ne

19 voyez pas l'utilité parfois, et vous avez l'impression qu'on a du mal à

20 faire la distinction entre l'essentiel et l'accessoire, et que concernant

21 les droits de la Défense, il conviendrait que ne soient adressées à un

22 accusé que les pièces directement liées aux accusations proférées contre

23 lui. C'est un sujet très important que vous soulevez. Le Règlement n'a pas

24 appréhendé cette question effectivement. Il aurait peut-être fallu mettre

25 cette communication sous le contrôle du Juge de la mise en état, c'est-à-

26 dire que le Juge de la mise en état aurait dû faire le tri dans les pièces,

27 et à ce moment-là, l'Accusation aurait dû être obligée à expliquer pourquoi

28 cette pièce doit être transmise à l'accusé. L'exemple que vous donnez sur

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1 une demande de permission d'un soldat illustre parfaitement le sujet.

2 Sur ce point, est-ce que M. Stamp a un éclaircissement à apporter ? On

3 comprend très bien le problème. Monsieur Stamp, que pouvez-vous nous dire ?

4 M. STAMP : [interprétation] Nous essayons, Monsieur le Juge, de limiter à

5 l'essentiel la communication des pièces, de nous limiter à ce qui est

6 requis par le Règlement. Je ne suis pas sûr qu'on soit en train ici de

7 parler des -- est-ce qu'on parle de la communication dans sa totalité ou

8 uniquement des témoins et de la liste et de leurs déclarations ? Parce que

9 la communication des pièces est traitée au Règlement dans les articles 66,

10 67 et 68. Cela met en jeu beaucoup de documents, particulièrement ce qui

11 concerne l'article 68, parce que l'article 68 a trait aux documents qui

12 sont de nature à disculper l'accusé, et même si nous essayons de

13 rationaliser nos recherches avec l'aide de la Défense, il arrive souvent

14 que cela débouche sur la communication d'un nombre très important de

15 documents. Je ne sais pas si vous voulez, Monsieur le Juge, que je fasse

16 mes observations sur l'exemple précis qui a été donné par l'accusé. Il y a

17 une chose qui pourrait aider si on voulait limiter la communication. Ce

18 serait s'il pouvait y avoir un accord avec la Défense sur un certain nombre

19 de questions qu'ils estiment non résolues. Par exemple, il est peut-être

20 nécessaire que le commandement d'une unité donnée, responsable de certains

21 actes, figure dans l'acte d'accusation, il peut s'avérer nécessaire que

22 l'on prouve qui était commandant de cette unité, et les documents en

23 question, les documents d'une demande de permission peuvent permettre

24 d'établir qui était à la tête de cette unité, mais je ne sais pas

25 exactement à quel document fait référence l'accusé.

26 Si les discussions se poursuivent, si on arrive à un accord avec la

27 Défense, il est possible que la communication des pièces soit plus gérable.

28 Merci, Monsieur le Juge.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce point technique, est-ce que la Défense a, en

2 plus du Général, quelque chose à indiquer ? Non.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je n'ai pas grand-chose

4 à dire pour l'instant. Peut-être qu'à la fin de l'audience de ce jour, je

5 pourrai aborder une autre question, une question qui pourra avoir une

6 certaine importance pour la poursuite de nos travaux, d'autant plus que des

7 Juges vont bientôt être désignés pour juger notre affaire.

8 On vient d'aborder la question des faits qui ne sont pas contestés, des

9 points d'accord, et je crois que le général Milosevic dans son intervention

10 y a fait référence. Je dois dire qu'à plusieurs reprises nous avons évoqué

11 cette question dans nos échanges avec le bureau du Procureur, mais on ne

12 nous a pas encore fait d'offres. C'est-à-dire, on ne nous a pas fait de

13 propositions sur les questions sur lesquelles on pourrait conclure un

14 accord. Dans le cadre de la préparation au procès, peut-être pourrions-nous

15 discuter de ces questions, de ces points qui ne font l'objet d'aucune

16 contestation pour éventuellement arriver à se mettre d'accord.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors mon Général, je vous invite à vous

18 asseoir puisque vous n'avez plus de sujets à évoquer, vous pouvez vous

19 asseoir.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Juge, est-ce

21 que je pourrais apporter une précision parce que je ne crois pas que vous

22 m'ayez tout à fait bien compris.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] En premier lieu, j'ai dit qu'il y avait

25 beaucoup trop de documents, beaucoup trop de papiers. Je n'ai pas parlé de

26 ce que le témoin a demandé à son officier supérieur. J'étais en train de

27 parler de documents qui ne semblent avoir aucun rapport avec notre affaire.

28 Or, ces documents, il faut bien les lire, il faut les trier. Il y a des

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1 tableaux, des graphiques, et cetera, et on trouve des tas de questions dans

2 ces documents qui n'ont rien à voir avec l'affaire. Cela a à voir avec les

3 demandes faites, des questions à résoudre. Maintenant, je suis dans

4 l'obligation d'examiner tous ces documents pour essayer de voir pourquoi on

5 nous les a communiqués. C'est cela que je voulais préciser, répéter, pour

6 que ce soit bien clair. Les déclarations que je vois, qu'on me remet, ce

7 sont des déclarations faites il y a plusieurs années et qui font référence

8 à quelqu'un d'autre. Ce sont des documents qui ont tout simplement été

9 copiés et communiqués à nouveau, produits à nouveau, et il faut que je

10 travaille à partir de tous ces documents. Voilà tout ce que je voulais

11 dire. Merci de votre attention.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai parfaitement compris ce que vous avez indiqué.

13 Je vais maintenant demander aux uns et aux autres s'ils veulent intervenir

14 sur tout autre sujet.

15 Monsieur Stamp, est-ce que vous voulez intervenir ?

16 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Il y a une question.

17 Dans son mémoire préalable au procès, la Défense a invoqué la défense

18 d'alibi pour une période précise de l'acte d'accusation. Nous les

19 remercions de cette précision parce que cette question va être abordée très

20 vite. Je voudrais leur rappeler que dans le Règlement, il est précisé que

21 cela ne suffit pas d'indiquer qu'on va invoquer une défense d'alibi, la

22 Défense est tenue de préciser le lieu où était censé se trouver l'accusé,

23 pendant quelle période, et la Défense également est également censée donner

24 des témoins, présenter des documents qui permettent de corroborer cette

25 affirmation et sa défense d'alibi. Je voudrais rappeler à la Défense ses

26 obligations et de dire que nous allons nous voir forcés de prendre les

27 mesures qui s'imposent si elle ne fait pas ce qu'elle a à faire.

28 Permettez-moi pour mémoire, je ne sais pas si c'est quelque chose que vous

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1 avez l'intention d'aborder, mais permettez-moi de vous rappeler qu'il y a

2 une requête qui n'a pas encore été résolue. Cela n'a pas été déposé par une

3 des parties en l'espèce, cela a été déposé par un conseil dans une autre

4 affaire qui demande à avoir accès à des pièces confidentielles en l'espèce.

5 Je soulève cette question parce que vous avez parlé au tout début de

6 l'audience des requêtes qui sont encore en souffrance et vous n'avez pas

7 mentionné celle-là, donc je ne sais pas s'il s'agit d'un oubli. Merci,

8 Monsieur le Juge.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Je vais donner la parole à la Défense, mais

10 concernant la défense d'alibi, comme vous le savez, le Règlement a prévu la

11 possibilité mais ce n'est pas une obligation. C'est que la Défense peut à

12 tout moment, même pendant la phase de mise en état notamment, indiquer à

13 l'Accusation qu'elle soulève une défense d'alibi pour tel ou tel motif.

14 L'Accusation a eu connaissance de cette défense d'alibi et l'Accusation

15 demande, à ce moment-là, à la Défense d'apporter des précisions

16 complémentaires, notamment si l'accusé n'était pas présent sur les lieux ou

17 n'était pas en fonction, et cetera, par des documents ou des noms des

18 témoins. C'est ce que l'Accusation souhaite connaître. Je me tourne vers la

19 Défense.

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, nous aurions pu faire

21 cela plus tard. Dans le Règlement il n'est pas indiqué que nous sommes

22 tenus de donner toutes ces informations dans notre réponse au mémoire

23 préalable au procès déposé par l'Accusation. Nous avons voulu nous

24 comporter de manière correcte, et annoncer notre intention dès le début, et

25 je peux vous dire tout de suite la chose suivante, c'est que nous disposons

26 de documents médicaux, de documents qui permettent de se convaincre que

27 l'accusé a été soigné dans un hôpital de Belgrade, suite aux blessures

28 qu'il a reçues à la tête et à l'œil pendant qu'il avait des fonctions de

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1 commandement. Les dossiers médicaux en question l'indiquent très

2 clairement. Autre chose, je ne pense pas qu'il soit de notre obligation de

3 donner toutes ces informations de manière exhaustive, parce que là on

4 aborde le type de questions qui vont être présentées par la Défense dans le

5 cadre de la présentation de ses moyens. Là, on nous contraindrait de

6 dévoiler notre stratégie, mais en tout cas, sachez que nous avons des

7 preuves positives montrant, qu'à l'époque, notre client était à Belgrade,

8 qu'il suivait un traitement médical à l'hôpital.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai bien noté ce que vous dites. Ce que vous venez

10 d'indiquer est important. Vous avez le loisir de prouver votre alibi à tout

11 moment. Vous n'êtes pas obligé de le prouver d'ores et déjà. Vous pouvez

12 attendre le moment de la présentation de vos éléments de preuve, libre à

13 vous. Mais, mais si par hypothèse, il était établi, d'après les éléments

14 que vous avez, que votre client, au moment de la période de temps qui est

15 mentionné dans l'acte d'accusation, n'exerçait pas son commandement parce

16 qu'il était hospitalisé, cela pourrait amener l'Accusation, soit à retirer

17 son acte d'accusation, soit le modifier, parce qu'il est évident en droit

18 international et en droit pénal, notamment, que quelqu'un qui n'exerce pas

19 son commandement est remplacé par quelqu'un d'autre, et si à une certaine

20 période il n'était pas là, c'est que quelqu'un d'autre qui le remplaçait.

21 D'autant plus, il était hospitalisé. Il y a peut-être un débat, je ne sais

22 pas, je ne connais pas vos pièces, mais si vous avez des pièces de ce

23 genre, libre à vous de les communiquer à l'Accusation pour qu'elle en tire

24 au niveau de l'acte d'accusation toutes conséquences, parce que comme vous

25 le savez, il y a la rapidité du procès. Votre client est en détention, si

26 vous avez des éléments susceptibles de l'exonérer de sa responsabilité

27 pénale, pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas les mettre tout de suite sur la

28 table en les communiquant au Procureur ? C'est à vous de voir. En tant que

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1 Juge de la mise en état, je n'ai pas à aller dans un sens ou dans l'autre,

2 car mon rôle ce n'est qu'un rôle d'arbitre. Je n'ai pas à indiquer ce qu'il

3 faut faire, mais il m'appartient de rappeler qu'il y a dans le Règlement

4 des dispositions. Il y a la possibilité pour l'Accusation de modifier à

5 tout moment son acte d'accusation. Elle ne peut le faire qu'évidemment en

6 fonction des éléments communiqués par la Défense.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, de cette mise en

8 garde. Oui, j'en suis pleinement conscient, mais je ne souhaite pas entrer

9 dans les détails parce que nous avons encore un certain nombre de

10 difficultés à surmonter et il y a diverses questions qui se posent, était-

11 il commandant à l'époque, et cetera. Je vous ai donné les informations

12 essentielles qui expliquent ce que nous demandons dans notre mémoire

13 préalable au procès. Si vous souhaitez obtenir des informations

14 supplémentaires, je peux effectivement les communiquer à l'Accusation. Pour

15 l'instant, je pense que nous nous sommes compris, que cela suffit. Je

16 prends bien note des instructions que vous venez de donner et en temps

17 utile, je fournirai des informations à la Chambre et à l'Accusation.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous arrivons quasiment à la fin de notre

19 audience.

20 Pour nous résumer, je constate qu'il reste des problèmes liés à des

21 traductions de documents. J'invite instamment les services du Greffe à

22 faire diligence pour que les documents soient traduits. Je constate que

23 l'Accusation est à même à fournir aujourd'hui même des documents qui ont

24 été traduits et peut-être même les documents afférents au témoin, je cite

25 de mémoire 42,56 et 127, je crois. J'ai pris acte également de la volonté

26 des uns et des autres de se voir, tout de suite, après l'audience pour

27 essayer de régler, entre vous, certains problèmes. Je constate également

28 que l'accusé nous a dit concernant son état de santé, il n'y a pas de

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1 problèmes. J'en prends acte. Je vais tout de suite après l'audience saisir

2 le Greffier pour la question de l'ordinateur parce que là, il y a quand

3 même un point à éclaircir. Concernant la défense de l'alibi, il y a eu tout

4 à l'heure, concernant l'article 67, des échanges entre les uns et les

5 autres. Il appartient à la Défense de faire ce qu'elle estime devoir faire.

6 Je n'ai pas, à ce niveau-là, à intervenir.

7 J'ai quand même certaines indications à la Défense pour la guider

8 dans ses démarches. Comme je l'ai indiqué en début d'audience, je vais,

9 dans la semaine, mettre la main finale au rapport que je vais adresser à

10 mes collègues parce que pour moi, cette affaire doit être lancée

11 rapidement. L'Accusation a fini son travail concernant son mémoire, sa

12 liste des témoins et les pièces à conviction, même si elle pouvait faire

13 mieux, elle a fait quand même déjà beaucoup par rapport à ce qui se

14 faisait. A partir de là, je ne vois aucune raison objective à tarder pour

15 que le comité d'audience trouve très rapidement une date. Si j'avais été

16 libre, je vous aurais dit que je peux commencer ce procès dans 15 jours,

17 mais comme je suis pris dans une autre affaire, je ne peux malheureusement

18 pas vous donner cette assurance. Ce seront d'autres Juges qui seront nommés

19 par le Président.

20 Dans ces conditions, j'ose espérer que nous ne nous reverrons pas.

21 J'aurais, bien entendu, plaisir à vous revoir mais il faut quand même que

22 cette affaire avance et je vous souhaite, aux uns et aux autres, une bonne

23 continuation dans cette affaire, étant précisé que dans les prochains

24 jours, je vais saisir mes collègues. Je vous remercie de votre attention.

25 --- La Conférence de mise en état est levée à 16 heures 56.

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