Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 16 mars 2007

2 [Audience à huis clos]

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6 [Audience publique]

7 Mme EDGERTON : [interprétation] Notre témoin suivant pour l'Accusation est

8 M. Robert Donia.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Demandons au témoin de prêter

12 serment.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 LE TÉMOIN: ROBERT DONIA [Assermenté]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir et vous

18 pouvez commencer.

19 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Monsieur le Président, vous êtes tout à fait au courant du fait que le

21 rapport de M. Donia a déjà été versé suite à une de vos décisions prises au

22 début du mois; mais tout récemment, nous avons reçu un abrégé de ce rapport

23 préparé par M. Donia lui-même. Ce que je vous propose de faire, c'est

24 distribuer un exemple de ce rapport pour chacun ici et poser quelques

25 questions pertinentes sur ce rapport et demander une cote à ce rapport et

26 que ceci soit admis.

27 Si tout le monde a reçu son exemplaire, je vais commencer.

28 Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

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1 Q. [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner votre nom

2 en entier et votre date de naissance ?

3 R. Je m'appelle M. Robert J. Donia. Je suis né le 13 mai 1945.

4 Q. On vous a demandé de préparer un rapport d'expert dans ce dossier ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que rapport est présenté sur votre bureau devant vous ?

7 R. Oui.

8 Mme EDGERTON : [interprétation] Je vois que M. Donia n'a pas reçu l'avenant

9 de son rapport. Pourrait-on lui donner cet avenant.

10 Pour le greffe, je tiens à prévenir que la cote de ce rapport est

11 02963.

12 Q. A côté de vous avez-vous également reçu l'avenant que vous aviez

13 préparé que nous venons de vous donner ?

14 R. Oui.

15 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Greffier, cet avenant porte la

16 référence 03045.

17 Puis-je vous demander, Monsieur le Président, que dans le droit fil

18 de votre décision, on donne une cote au rapport de M. Donia et que celui-ci

19 soit accepté comme pièce à conviction.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cela peut être fait.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote sera pour le document 65 ter

22 02963 qui sera admis comme P362 [comme interprété], et l'avenant 0355

23 [comme interprété] sera admis à la cote P473.

24 Mme EDGERTON : [interprétation] Ceci étant fait, puisque nous avons

25 accepté le rapport et l'avenant, l'Accusation ne va pas poser de questions

26 supplémentaires au Dr Donia et je propose directement de passer au contre-

27 interrogatoire par la Défense.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Madame Edgerton.

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1 Maître Tapuskovic, vous avez l'occasion maintenant de passer au contre-

2 interrogatoire.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien. Je vais prendre tous mes documents.

4 Je m'attendais à ce que l'Accusation utilise l'heure qui lui avait été

5 impartie.

6 Mme EDGERTON : [interprétation] Je me suis trompée. En fait, dans la cote

7 que j'avais donnée à l'avenant, c'est la cote 0344. 03044.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A l'évidence, vous avez pris M.

9 Tapuskovic par surprise. Je ne sais pas pourquoi. C'est une procédure sous

10 l'article 94.

11 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

12 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic :

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le problème n'est pas que je n'étais pas

14 prêt, mais je m'attendais à écouter l'interrogatoire, mais je suis moi-même

15 tout à fait prêt à ce contre-interrogatoire.

16 Q. Monsieur Donia, je suis avocat de la Défense pour

17 M. Dragomir Milosevic. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques années

18 assez rapidement, et j'ai eu l'occasion - c'était à ce moment-là en amicus

19 curiae - de vous interroger. C'était assez bref. Cette fois-ci j'aurai plus

20 de temps et je pourrai donc reprendre un peu plus par le détail les

21 différents thèmes abordés dans votre document,

22 Si je ne m'abuse, dans ce rapport, nous avons 74 paragraphes. J'ai

23 fait de mon mieux pour me concentrer sur les paragraphes qui me semblaient

24 importants pour Dragomir Milosevic. De ces 74 paragraphes, je vais surtout

25 me concentrer sur une vingtaine.

26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ma collègue me dit

27 que les documents sur lesquels je voulais me fonder ne sont pas disponibles

28 dans le prétoire électronique. On me dit que tout cela apparaîtra très

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1 prochainement. Je vais démarquer mon document et les paragraphes de façon à

2 me faciliter la tâche pour ce contre-interrogatoire.

3 Ce n'est pas disponible dans notre prétoire électronique.

4 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le technicien s'occupe de ce

6 problème ou on va le faire incessamment, sous peu.

7 Pouvez-vous commencer avec autre chose sans avoir besoin du prétoire

8 électronique ?

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Non, je crains que non, mais il me semble

10 qu'entre-temps c'est accessible. Nous avons la pièce à conviction,

11 référence P362, que je vais analyser parallèlement à certains paragraphes

12 de votre étude. Dans mon rapport ici en anglais j'ai marqué les

13 paragraphes. Pouvons-nous peut-être prendre la version en anglais de façon

14 à ce que vous puissiez suivre ce contre-interrogatoire.

15 Il s'agit du même document. Je souhaite que l'on présente la version

16 que j'ai moi-même versée dans le prétoire électronique, puisque je me suis

17 concentré sur certains paragraphes pour me simplifier la tâche dans mon

18 contre-interrogatoire. Je ne suis pas sûr que ce soit ce que nous avons à

19 l'écran maintenant.

20 Bien. Maintenant je peux commencer.

21 Q. Monsieur Donia, prenons d'abord l'introduction de votre rapport en page

22 4, dans les deux versions.

23 Vous déclarez dans cette introduction que c'est un rapport que vous

24 avez rédigé sur des bases historiques dans un contexte militaro-politique,

25 tous les événements qui ont amené l'inculpation dans l'affaire IT-98-29/1-T

26 du Procureur contre Dragon Milosevic; est-ce exact ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous poursuivez en disant que le rapport se concentre sur les

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1 événements qui se sont déroulés entre novembre 1990, à l'époque des

2 élections multipartites où elles ont emmené les nationalistes au pouvoir

3 jusqu'au mois d'août 1994; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Pouvons-nous dire qu'à ce moment-là que la situation qui existait à

6 l'époque sur le terrain entre le mois d'août 1994 et novembre 1995 ainsi

7 que le contexte militaro-politique, et sont des choses dont vous n'avez pas

8 tenu compte; est-ce exact ?

9 R. Je ne dirais pas que j'en n'ai pas tenu compte. Je devais pouvoir

10 comprendre ce qui s'était passé pour pouvoir rédiger ce rapport. C'est

11 quelque chose qui n'est pas repris dans ce rapport-ci, mis à part en fin de

12 rapport où il y a un endroit où j'aborde la période jusqu'au moment où les

13 négociations ont commencé et ont amené la paix en 1995.

14 Q. Pouvons-nous supposer que vous n'avez pas tenu compte des faits

15 suivants. Par exemple début août 1994, la République fédérale de

16 Yougoslavie avait mis en œuvre une démarche qui se fondait sur les

17 sanctions contre la JNA. C'est quelque chose dont vous n'avez pas tenu

18 compte ?

19 R. C'est quelque chose que je n'ai pas abordé ni dans un sens ni dans

20 l'autre, le régime des sanctions contre la JNA.

21 Q. Vous dites aussi dans la traduction que les élections multipartites

22 avaient porté les nationalistes au pouvoir. Est-ce que c'est vrai pour

23 toutes les parties impliquées dans ces événements ?

24 R. Est-ce que vous pourriez préciser votre question ? Est-ce que vous

25 voulez dire pour la Bosnie-Herzégovine ?

26 Q. Ce rapport porte sur les événements en Bosnie-Herzégovine. C'est à cela

27 que je pensais dès lors.

28 R. Oui.

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1 Q. Au paragraphe 2, vous écrivez que ce rapport s'est penché sur toutes

2 ces questions en s'inspirant des documents que vous avez pu obtenir à la

3 bibliothèque de Michigan de l'université, vos propres documents, et des

4 documents qui vous ont été transmis par le bureau du Procureur; est-ce

5 exact ?

6 R. Oui.

7 Q. De profession vous êtes surtout un historien, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Oui.

10 Q. S'agissant des problèmes linguistiques, problèmes constitutionnels,

11 questions juridiques, vous n'avez vous-même aucune expertise, n'est-ce pas

12 ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Passons à la page suivante. Premier paragraphe sur cette page, sous

15 l'intitulé "Population et nationalisme, Sarajevo et les élections

16 multipartites de 1990."

17 Est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Dans la première phrase vous nous dites que le communisme s'effondre en

20 Europe de l'Est et qu'il y a un peu partout dans la région des élections

21 multipartites qui sont organisées.

22 R. Oui.

23 Q. Vous poursuivez en déclarant la chose suivante : "Dans la République

24 socialiste fédérale de Yougoslavie des élections n'ont jamais été

25 organisées au niveau national."

26 Est-ce exact ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-il exact de dire qu'à partir de 1945 jusqu'en 1990, il y avait un

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1 système en place qui avait été mis sur pied par l'autorité de Josip Broz

2 Tito ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-il vrai que toutes les différences structures du pouvoir étaient

5 contrôlées par des membres du parti communiste, à savoir il y en avait à

6 peu près deux millions; est-ce exact ?

7 R. Le nom c'était la Ligue des Communistes et dans une grande mesure, oui.

8 Ultérieurement, il y avait de plus en plus d'influence de gens qui

9 n'étaient pas membres du parti. Dans les grandes lignes, je pourrais être

10 d'accord à ce que vous venez de dire, Monsieur.

11 Q. Ainsi, deux millions de personnes ont décidé du destin des 22 autres

12 millions qui constituaient la population de la Yougoslavie. Evidemment, ce

13 sont des chiffres arrondis. Est-ce que vous pouvez confirmer cela ?

14 R. Oui, je crois qu'on peut préciser cela un peu plus en disant que de

15 plus en plus de personnes arrivaient à prendre le contrôle de leur propre

16 destin. Des personnes qui n'étaient pas membres du parti étaient arrivées à

17 jouer un rôle important dans différentes institutions, par exemple, dans

18 des institutions qui étaient autogérées, et ce, dans les dernières années

19 du socialisme en Yougoslavie.

20 Q. Cependant, tout au long de toutes ces années et tout particulièrement

21 jusqu'en 1960, tous ceux qui avaient un avis divergent et qui exprimaient

22 divergent étaient emprisonnés. Vous connaissez, par exemple, la période du

23 bureau des informateurs, le dispositif Goli Otok, 90 % de ces cas

24 frappaient des Serbes et des ressortissants du Monténégro; est-ce exact ?

25 R. Non, l'hypothèse de départ n'est pas exacte. Tout le monde n'était pas

26 emprisonné. C'est vrai que la population subissait une certaine répression,

27 mais celle-ci visait différents groupes en Yougoslavie. Quand on voit 1971,

28 nous avions une situation tout à fait inverse quand on voit le nombre de

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1 personnes qui ont été punies ou emprisonnées. Donc, je ne suis pas d'accord

2 avec votre hypothèse de départ et avec votre déclaration.

3 Q. J'allais arriver à 1971. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté sur

4 la période entre 1948 et les années 1990 ainsi que Goli Otok. A l'époque,

5 ils étaient emprisonnés parce que certains semblaient donner la préférence

6 à l'Union soviétique. A ce moment-là, nombreux étaient ceux qui étaient

7 emprisonnés.

8 R. Je refuse cette hypothèse de départ. Il y a eu pendant certaines années

9 entre 1949 et 1952, une période pendant laquelle la répression visait

10 surtout une tranche de la population bien spécifique. Je n'ai pas de

11 statistiques fiables. Je ne sais pas si on peut dire que 90 % étaient des

12 Serbes ou des ressortissants du Monténégro. Je pense qu'on ne peut pas

13 l'affirmer.

14 Q. Jusqu'en 1952, ils étaient emprisonnés. Ils sont restés en prison

15 jusqu'en 1960 sans pour autant des décisions judiciaires aient été prises à

16 leur encontre. Certaines de ces personnes étaient emprisonnées dans des

17 situations absolument effroyables, très dures, sans qu'aucune décision

18 judiciaire ne soit prise et simplement sur une base de décisions

19 administratives ?

20 R. Ce sont des généralités très larges que je ne peux pas accepter que

21 vous faites.

22 Q. Je comprends ce que vous nous dites. Toutes ces références qui nous

23 parlent en détail de ces événements, ces documents ne vous sont pas

24 familiers, n'est-ce pas ?

25 R. Je connais plusieurs études, plusieurs écrits sur les faits de cette

26 époque.

27 Q. Les événements que vous avez cités s'agissant de 1971 provenaient

28 surtout de changements constitutionnels. Tous ceux qui s'opposaient aux

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1 amendements à la constitution en 1974, en grande majorité, il s'agissait de

2 professeurs de droit. Est-ce que vous savez que nombreux sont ceux qui ont

3 été arrêtés, et encore plus nombreux sont ceux qui ont été exclus des

4 universités, parce que leur version de la constitution ne correspondait à

5 la situation générale voulue à l'époque ? C'était des décisions

6 judiciaires ?

7 R. Votre question porte sur 1971. C'était l'époque du Printemps croate,

8 comme on l'a appelée. A ce moment-là, des centaines de Croates furent

9 arrêtés. Il y eut des purges dans le parti. C'est probablement un des plus

10 grands événements de répression politique qui eut lieu, non pas seulement à

11 ce moment-là, mais pour toute la période socialiste.

12 Ensuite, vous êtes passé à 1974 et à la constitution. C'est vrai, il y a eu

13 plusieurs personnes qui ont été arrêtées et plusieurs personnes qui ont été

14 emprisonnées pour des opinions qui étaient perçues contraire de l'Etat à

15 l'époque.

16 Q. Maintenant que vous venez de nous parler du Printemps croate de 1971,

17 s'agissait-il d'une tentative croate de se séparer de la Yougoslavie déjà à

18 l'époque et ce par la force ?

19 R. Non.

20 Q. Reprenons votre rapport. Vous nous dites que la République socialiste

21 fédérative de Yougoslavie n'a jamais tenu d'élections au niveau national

22 pour tout le pays. Celles-ci n'ont jamais été organisées comme cela se fait

23 ailleurs par le monde. Est-ce que vous êtes au courant qu'à l'époque plus

24 de la moitié de la population de la République socialiste fédérative de

25 Yougoslavie était Serbe et vivait en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro, en

26 Slovénie, en Macédoine ? Est-ce que ce n'est pas un fait notoire que plus

27 de

28 10 millions de Serbes vivaient en Serbie, mais pas qu'en Serbie, dans les

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1 autres du pays aussi et depuis près de 70 ans avaient vécu ensemble avec

2 les autres groupes ?

3 R. Non.

4 Q. Sur 22 millions, la moitié n'était pas Serbe pour vous ?

5 R. D'après le recensement, 34 %, 35 % de la population s'identifiait elle-

6 même comme Serbe.

7 Q. Cette déclaration que vous faites devrait être fondée sur quelque

8 chose. Vous devriez avoir une preuve à l'appui. Si vous pouvez me présenter

9 une preuve qui appuie votre déclaration, je retire ma question. Est-il vrai

10 que sept millions d'habitants de la Serbie étaient des Serbes d'origine ?

11 R. Je ne me souviens pas du chiffre qui était donné dans le recensement

12 sur le nombre de Serbes habitant en Serbie ou en République socialiste

13 fédérative de Yougoslavie, les recensements qui ont eu lieu entre autres en

14 1991. Le pourcentage n'était pas et de loin 50 %, tel que vous le laissez

15 entendre dans votre question à l'origine.

16 Q. Est-ce qu'on peut dire que cinq millions de Serbes habitaient en

17 Bosnie-Herzégovine ?

18 R. C'est un chiffre que je vous ai donné dans l'annexe à mon rapport.

19 C'est plus ou moins exact.

20 Q. Est-il exact qu'il y avait entre 600 000 et 700 000 Serbes vivant en

21 Croatie ? Je crois que c'est ce qui est dit dans votre rapport, 600 000 ou

22 12 %?

23 R. Oui.

24 Q. Est-il exact qu'à l'époque, il n'y avait que les Serbes vivant au

25 Monténégro, avec un tout petit pourcentage d'Albanais et de Musulmans ?

26 R. Une partie de cette population du Monténégro se considérait comme des

27 Monténégrins, et une partie se considérait comme des Serbes, autant que je

28 l'aie compris. Je dirais non, en fait, à votre question.

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1 Q. Vous avez sans doute lu les journaux récemment. C'est l'opinion

2 exprimée depuis la sécession du Monténégro. Je parlais des années 1990,

3 l'escalade de la crise à l'époque.

4 Durant cette période, est-ce que les Serbes qui vivaient au

5 Monténégro étaient principalement Serbes, mais ils se considéraient tout de

6 même comme ressortissants du Monténégro puisque c'est dans cette région

7 qu'ils habitaient ?

8 R. Vous dites qu'ils étaient à la fois Serbes et Monténégrins ? C'est

9 cela, votre thèse ?

10 Q. Autant ne pas s'appesantir, puisque c'est une question sensible. Alors,

11 je vais en venir directement aux faits.

12 Y avait-il eu, à quelque moment que ce soit, des élections démocratiques en

13 Yougoslavie ? Est-ce que les populations vivant en Yougoslavie en 1990,

14 soit les Serbes, les Croates et les Musulmans -cela se situe quelque part

15 dans votre rapport - notamment les Musulmans de Bosnie qui étaient contents

16 de faire partie de la Yougoslavie; n'est-ce pas vrai ? Vous l'avez écrit

17 dans votre rapport. Les Musulmans étaient contents de vivre en Yougoslavie.

18 Je peux vous indiquer le passage pertinent dans votre rapport un peu plus

19 tard.

20 R. Oui.

21 Q. Ainsi, s'il avait été possible que des élections démocratiques soient

22 organisées en 1990, compte tenu du contexte général et du sentiment

23 dominant au sein de la population, est-ce que ces gens auraient décidé de

24 se séparer ou auraient-ils plutôt opté pour une vie en commun si de telles

25 élections démocratiques auraient pu être organisées ?

26 R. En 1990, les populations non-serbes de Yougoslavie, même bon nombre de

27 Serbes, craignaient l'hégémonie serbe qui devient manifeste sous le régime

28 de Milosevic. Il m'est difficile d'imaginer qu'une élection nationale ait

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1 pu donner un vote harmonieux en faveur de la Yougoslavie.

2 De toute manière, ce ne serait là qu'une hypothèse. Ce ne peut être

3 que de la conjecture en ce qui concerne l'issue possible de telles

4 élections. Il est certain que de telles élections étaient opposées par la

5 République de Serbie et Milosevic ainsi que les dirigeants slovènes.

6 Q. Nous y reviendrons. Oublions Milosevic pour l'heure. Si les habitants

7 de ce pays avaient pu se prononcer, pensez-vous qu'ils auraient opté pour

8 la guerre si un référendum avait été organisé, ou bien auraient-ils opté

9 pour la poursuite de leur vie paisible telle qu'ils l'avaient connue dans

10 les 50 dernières années, alors qu'auparavant, il n'y avait jamais eu une si

11 longue période de paix dans toute leur histoire ?

12 R. Je ne connais aucun pays dans lequel la population voterait pour la

13 guerre plutôt que pour la paix. Je pense que cela est quelque chose d'assez

14 absurde que d'imaginer qu'une élection de ce type n'ait eu lieu où que ce

15 soit en Yougoslavie en 1990.

16 Q. Oui, c'est tout à fait l'objet de ma question puisque Slobodan

17 Milosevic, c'est un problème. Ce qui inquiétait les Croates et les

18 Slovènes, c'était le fait qu'ils étaient conscients que si la population

19 avait été consultée, le pays ne se serait jamais désintégré. Il serait

20 resté unifié.

21 Milosevic, c'est une autre question. Pour la première fois dans toute leur

22 histoire, ils auraient pu participer à une élection démocratique, n'est-ce

23 pas ?

24 R. Oui, je ne pense pas qu'on puisse oublier tout simplement l'influence

25 de Milosevic. Ses actes et son comportement en général ont eu une influence

26 sur les populations non-serbes qui se sont opposées à une adhésion à la

27 Yougoslavie. Cela explique en grande partie le succès des parties

28 nationalistes dans les différentes élections, non seulement en Bosnie-

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1 Herzégovine, mais même ailleurs.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic --

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai plus qu'une question. Nous allons

4 y venir.

5 Q. Vous avez parlé de l'année 1984 et de l'influence de Milosevic en

6 matière de sécession, mais Milosevic n'avait rien à voir cette année-là. Je

7 vais vous montrer un passage du document où vous le décrivez comme

8 défendant des principes incompatibles avec les intérêts d'autres

9 populations. J'aimerais que vous nous répondiez par oui ou par non. Où

10 était Milosevic en 1974 et en 1971 lors du Printemps croate ?

11 R. Je ne sais pas si c'est un problème dans le compte rendu ou dans

12 l'interprétation, mais je n'ai pas parlé de l'année 1984. J'ai parlé de

13 1974. Autant que je le sache, Milosevic était banquier à Belgrade et membre

14 de la ligue.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous y reviendrons car il est temps

16 de faire la pause.

17 --- L'audience est suspendue à 15 heures 06.

18 --- L'audience est reprise à 15 heures 27.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, il nous reste

20 une heure 30, une heure 35. Votre contre-interrogatoire doit être terminé

21 au plus tard dans une heure 35 et si possible même avant.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce document est

23 particulièrement long. Je me suis concentré sur 20 paragraphes. J'ai dû

24 vraiment faire un choix rigoureux, j'essaierai de m'en tenir au délai

25 imparti.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est important. Les

27 paragraphes abordés jusqu'à maintenant ne nous semblent pas vraiment

28 essentiels.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, s'il y avait eu une

2 démocratie en Yougoslavie il n'y aurait jamais eu de guerre, jamais, nous

3 aurions vécu en paix.

4 Q. Je vous posais la question sur 1974, pas 1984. A l'époque, en 1974,

5 Josip Broz Tito était toujours vivant. Il avait

6 82 ans, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous êtes au courant que c'était une concession faite au

9 Printemps croate afin de satisfaire leur appétit, puisqu'ils souhaitaient

10 atteindre l'indépendance aussi facilement que possible un jour.

11 R. Non, je pense que c'était un effort fait de façon à offrir une

12 autonomie de république à la population tout en garantissant l'autonomie du

13 pays par la Ligue du Communisme.

14 Q. Est-ce que ce n'est pas à ce moment-là qu'on a introduit le principe du

15 veto, à savoir que l'une ou l'autre province se voyait attribuer le statut

16 d'Etat et que c'était justement sur le territoire de la Serbie ?

17 R. Nous avons là plusieurs questions. C'est à l'époque où un principe de

18 veto a été introduit dans les organes législatifs de la fédération. Les

19 deux provinces autonomes qui existaient et qui en portaient le nom, le

20 portaient depuis 1945, et se sont vues conférer une autorité supplémentaire

21 et un rôle accru au sein de la République socialiste fédérative, et ce,

22 dans le cadre de la constitution de 1974.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, poursuivez.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

25 Q. Est-ce que vous savez que pendant toute cette période il avait été

26 prévu de donner aux Serbes les mêmes droits que ceux dont ils bénéficiaient

27 en Yougoslavie. Il y avait toutes sortes de documents qui en font état. On

28 en parle dans la littérature ?

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1 R. Oui, en effet, à plusieurs reprises, c'est une idée qui a été caressée

2 par les uns et par les autres et par différents groupes défendant

3 l'autonomie.

4 Q. Pouvons-nous dire qu'en introduisant le droit de veto, la République de

5 Serbie s'est retrouvée dans une situation où elle ne pouvait plus prendre

6 de décisions pour servir les intérêts de sa population, parce que chaque

7 fois qu'une décision vitale devait être prise dans l'intérêt de sa

8 population, le droit de veto était utilisé; est-ce exact ?

9 R. Non.

10 Q. Bien. Reprenons ce que vous disiez ici. Il y a eu des élections d'abord

11 en Croatie, puis en Slovénie. Est-ce qu'il est vrai que les constitutions

12 ont été changées avant les élections ?

13 R. Non.

14 Q. Les Serbes qui vivaient en Slovénie étaient assez nombreux. Ils avaient

15 un droit constitutionnel qu'ils ont perdu avec l'avènement de la nouvelle

16 constitution. Ils sont devenus une minorité; oui ou non ?

17 R. Pour la Slovénie, je ne sais pas. Il y avait très peu de Serbes en

18 Slovénie. En ce qui concerne la Croatie, les Serbes ont perdu leur statut

19 de nation constituante à partir de la constitution des mois de mai, juin

20 1990.

21 Q. Le droit à utiliser leur langue ?

22 R. Non, pas tout à fait.

23 Q. Nous avons affaire à la Bosnie-Herzégovine ici. Vous n'êtes pas sans

24 savoir que cette partie-là de l'ancienne République socialiste fédérative

25 de Yougoslavie était très particulière dans la mesure où trois populations

26 vivaient ensemble, les Musulmans, les Serbes et les Croates ? La proportion

27 de population croate et musulmane était inférieure à celle des Serbes et

28 des Croates.

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1 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il y a

2 deux questions là-dedans.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une question à la fois seulement.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que je peux répondre.

5 La première question était est-ce qu'il y a trois populations qui

6 constituaient la Bosnie-Herzégovine à l'époque ?

7 Oui, les Serbes, les Croates, les Musulmans, Bosniaques, puis il y avait

8 aussi d'autres petits groupes.

9 La deuxième partie de votre question portait sur le pourcentage de

10 Serbes en Croatie ?

11 C'étaient 12 %. Le pourcentage de Croates en Bosnie c'était 17 %,

12 d'après le recensement qui a été effectué en 1991.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

14 Q. Bien. J'ai la question suivante à vous poser : après la suppression de

15 la qualité constitutionnelle, est-ce que l'une de ces populations s'est

16 lancée dans des tensions graves sans parler de conflit ?

17 R. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question. Est-ce que vous

18 pourriez la reposer ?

19 Q. Dans cette république nous avions trois populations, cela c'était

20 typique à cette république. Ce n'était pas le cas dans les autres

21 républiques, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Si l'un de ces trois groupes perdait le droit de décider avec les

24 autres, à partir du moment où il perdait le statut de partie

25 constituante, est-ce que cela entraînait des tensions graves ? Est-ce que

26 c'était prévisible et facile à prévoir ?

27 R. Pas spécialement. Les trois nations ont gardé leur statut de parties

28 constituantes jusqu'en mars 1994. Il y avait des conflits bien avant cela.

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1 Il y avait des tensions. Je crois que spéculer que c'est suite à cet

2 événement qu'il y a eu des tensions, c'est de la spéculation en ce qui

3 concerne la Bosnie-Herzégovine. Par contre, c'est évident que ce fut le cas

4 pour la Croatie.

5 Q. Est-ce que le fait qu'une population était dominante par rapport à une

6 autre et que cet autre en avait perdu le droit de vote, a justement donné

7 naissance à cette guerre civile et a amené l'intervention des Nations

8 Unies ?

9 R. Je pense que la dramatisation était un terme qui a été utilisé par les

10 trois nations, justement s'agissant de la règle de la majorité. Les

11 nationalistes serbes et croates ayant dénoncé cette pratique, cela a

12 apporté ombrage au système. Maintenant, la règle de la majorité, le fait

13 que la règle de la majorité ait été refusée et rejetée par les Serbes et

14 par les nationalistes serbes et croates était à la base de ce conflit. Je

15 n'en suis pas convaincu.

16 Q. Je vais accélérer. Je vais passer au deuxième paragraphe de votre

17 document.

18 Pouvez-vous nous parler des gens qui habitaient dans ce pays, leur

19 langue, que ce soit des Serbes, des Croates, des Bosniaques, des

20 Monténégrins ? Est-ce qu'il y avait un problème de communication ? Est-ce

21 qu'ils avaient un problème pour se comprendre pendant toutes ces années ?

22 Est-ce que la langue ne fut jamais un problème ?

23 R. Non.

24 Q. La langue ne posait problème qu'aux politiciens avides de pouvoir, qui

25 voulaient l'utiliser pour servir leurs propres intérêts ainsi que certains

26 théoriciens, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Dans votre rapport, vous nous dites que les Bosniaques, les Serbes en

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1 Bosnie-Herzégovine, étaient des descendants de migration provenant de

2 l'Europe du Sud-est, et ce, entre le Ve et le VIIIe siècle; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous nous parlez entre le Ve et le VIIIe siècle, à l'époque des tribus

5 slaves dans lesquelles on retrouve surtout en grand nombre des Serbes et

6 des Croates se sont installés dans les Balkans. Il ne pouvait pas y avoir

7 de nation bosniaque. Ils ne pouvaient pas s'appeler des Bosniaques

8 puisqu'ils habitaient dans les Carpates ?

9 R. Nous n'avons pas de preuve quant à l'origine du nom "Bosniaque" ou

10 "Bosnie." Il n'y a rien qui soit garanti. On n'a pas suffisamment aucune

11 connaissance à ce sujet. On ne sait pas si c'est un nom qu'ils ont emmené

12 avec eux ou d'où il vient.

13 Q. Il y a beaucoup de connaissances à ce sujet. Il y a des textes faisant

14 autorité, des textes internationaux yougoslaves faisant état justement des

15 tribus slaves dans la région des Balkans et parlant de l'immigration de ces

16 tribus s'installant dans les Balkans. Permettez-moi de revenir à autre

17 chose.

18 Dans votre deuxième phrase, vous nous dites qu'ils parlaient

19 bosniaque, croate, serbe. L'abréviation, c'est le B/C/S. Alors, pouvez-vous

20 nous expliquer comment ils en sont arrivés à parler bosniaque, puisqu'ils

21 sont arrivés en Bosnie à l'époque comme Slaves ? Pouvez-vous expliquer

22 cela ?

23 R. Les universitaires, les académiciens ont tendance à s'accorder sur le

24 fait que cette migration ait eu lieu avec plusieurs tribus. Deux de ces

25 tribus étaient des Serbes et des Croates. On s'accorde en général à dire,

26 même si certains universitaires nationalistes à l'époque, qu'ils soient

27 Serbes ou Croates, ne sont pas d'accord avec ce point de vue plus que

28 majoritaire. Le point de vue majoritaire est que la langue parlée a subi

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1 plusieurs changements de nom.

2 On y fait référence sous des noms différents. Le nom de la langue ou

3 des langues utilisées ici dans ce Tribunal, c'est le B/C/S. Je ne suis pas

4 un expert en linguistique. Je suis plutôt un consommateur de cette

5 littérature plutôt que moi-même celui qui l'a créée. J'ai justement pu

6 retirer ces informations d'écrits très récents qui décrivent cette langue

7 comme étant une langue unique mais triple simultanément.

8 Q. Vous faites référence à Ronel Alexander. Il n'y a pas de meilleur

9 expert pour expliquer l'origine des langues.

10 R. Oui.

11 Q. Vous venez de dire vous-même que vous n'êtes pas un expert en

12 linguistique. Nous n'allons pas nous attarder sur ce domaine. Vous avez par

13 la suite décrit comment ces tribus se sont établies et comment leurs

14 identités se sont forgées. Vers la fin de cette description, on peut lire

15 que la différence la plus frappante était la religion, avec la foi

16 orthodoxe, le catholicisme, ou l'Islam; est-ce bien cela ?

17 R. Les traditions religieuses étaient un élément-clé pour faire la

18 différence entre ces différentes populations.

19 Q. Pouvons-nous passer au quatrième paragraphe en page 6 dans la version

20 anglaise.

21 Vous nous parlez de l'origine de Sarajevo, une origine qui remonte à

22 la période antérieure à l'époque romaine. Quelle est l'importance de cette

23 information pour une ville qui n'a reçu son nom que plus tard de toute

24 façon ?

25 R. Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Est-ce que ce que

26 vous souhaitez savoir, c'est l'importance de Sarajevo ou l'importance de

27 l'installation dans la ville dans une période avant les Romains ?

28 Q. Dans les chefs d'inculpation, il est écrit que Sarajevo a été établie

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1 avant Jésus-Christ --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous continuez, je ne pourrai

3 tirer des conclusions ou toute autre demande qui nous amènerait au-delà de

4 17 heures.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ferai de mon mieux pour terminer pour

6 17 heures et ne pas devoir prolonger, même pas d'une minute.

7 Q. Quand on parle de la foi qui détermine l'identité de ces gens, vous

8 nous dites que le centre urbain de Sarajevo, dans sa situation actuelle, a

9 été surtout développé sous l'Empire ottoman au milieu des années 1400; est-

10 ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. La confession musulmane n'aurait pas pu être adoptée par qui que ce

13 soit avant l'arrivée de conquérants ottomans ?

14 R. Ce n'est pas exact. On a constaté et on a les preuves qu'il y a eu

15 beaucoup de conversions à l'Islam avant l'arrivée des ottomans.

16 Q. Comment cela aurait-il pu être possible, puisque c'est un fait

17 historique, ils ont commencé la conquête de l'Europe en commençant par la

18 Serbie entre 1460 et 1600 ?

19 R. Avant cette époque-là, il y avait déjà eu des conversions à l'Islam.

20 Les gens dans cette région avaient été confrontés à la confession

21 islamique. Ils s'étaient retrouvés en terre ottomane et il y avait déjà au

22 centre de la Bosnie déjà quelques Musulmans au moment où les ottomans ont

23 conquis ce territoire.

24 Q. Pouvez-vous me donner le nom d'un universitaire, d'une autorité qui

25 pourrait prouver cette information ?

26 R. Il y a beaucoup de littératures qui peuvent abonder dans ce sens. Je

27 peux vous citer Nedim Filipovic, Hajim Sebonovic, autant de personnes qui

28 ont parlé de l'islamisation de la région avant l'invasion ottomane.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui sont ces personnes auxquelles

2 vous venez de faire référence ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Le premier était un Bosniaque musulman. Le

4 deuxième se présente comme Yougoslave, Serbe ou Musulman.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

6 Q. Je faisais référence à des autorités mondiales. Je ne référais à aucun

7 des membres de ces groupes ethniques de cette région-là. J'aurais voulu que

8 vous puissiez appuyer votre thèse qui sous-tend que les populations locales

9 s'étaient converties à l'Islam avant l'invasion ottomane ?

10 R. Ce n'est pas une question qui a vraiment préoccupé les éminences de ce

11 monde. Je sais que ceux qui se sont penchés sur la question, ce sont ceux

12 qui se sont penchés sur le sort de la Yougoslavie depuis 1960. Quelles que

13 soient leurs origines ethniques, dans ce cas-ci ne portent pas à

14 conséquence. Je crois que leur réputation et leurs études peuvent être

15 acceptées et réputées autoritaires, puisqu'il s'agit là de personnes qui

16 sont reconnues et qui parlent les langues de la région suffisamment pour

17 pouvoir les comprendre et les interpréter.

18 Q. Autre chose que je voudrais vous demander par rapport à cela. Il y

19 avait les Croates musulmans, il y avait aussi des Catholiques et des

20 Orthodoxes, n'est-ce pas ? Quand vous dites "à l'époque," c'est quelle

21 époque ?

22 R. C'est en 1460 ?

23 Q. Oui.

24 R. La grande majorité de la population en Bosnie centrale et autour de

25 Sarajevo était soit des Catholiques, soit membres de l'Eglise bosniaque

26 médiévale et il y avait aussi des Orthodoxes. Je ne pense pas qu'il soit

27 adéquat d'identifier ces gens par l'ethnie à laquelle ils appartiendraient.

28 Ils étaient Slaves et ils s'exprimaient dans une langue slave. Mais eux-

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1 mêmes ne se seraient pas identifiés par cette identification ethnique

2 plutôt par une ascendance religieuse.

3 Q. Une dernière question sur ce point : les Croates et les Serbes

4 dominaient les tribus slaves. Ils ont converti une partie de ces tribus à

5 l'Islam, mais il y avait beaucoup plus de Serbes qui ont adopté la

6 confession islamique ?

7 R. D'après la littérature que j'ai lue, la grosse majorité des conversions

8 étaient une conversion des Catholiques et des membres de l'Eglise

9 bosniaque, pas Orthodoxe, ce sont ceux-là qui se sont convertis à l'Islam.

10 Q. Je voulais savoir par rapport aux Serbes de Bosnie-Herzégovine, ce sont

11 eux qui se sont surtout convertis à l'Islam, sur une base de données

12 historique ?

13 R. Les historiens qui ont analysé cette question ont conclu que la grosse

14 majorité était originaire du Caucase et du catholicisme.

15 Q. C'était les Croates qui étaient la majorité ?

16 R. Nous ne pouvons pas dire cela, parce qu'ils ne s'identifiaient pas eux-

17 mêmes comme des Croates. Ils étaient Catholiques ou membres de l'Eglise

18 bosniaque qui était surtout Catholique par sa pratique, mais qui était

19 indépendante du pape. Rien ne nous permet de penser qu'ils s'identifiaient

20 comme des Croates. Il s'agissait de Slaves qui avaient surtout une

21 tradition religieuse qui, dans ce cas-ci, était le catholicisme.

22 Q. Merci. Le phrase suivante - j'aimerais avoir un peu plus d'explications

23 d'ailleurs sur ce point - nous dit : "Sarajevo a grandi avec différentes

24 administrations. D'abord, l'administration ottomane de 1460 à 1600; austro-

25 hongroise de 1878 à 1918 et yougoslave communiste de 1945 à 1990."

26 Est-ce exact ?

27 R. Oui.

28 Q. Quand vous nous parlez de la période entre 1978 et 1990, vous ne parlez

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1 jamais de ce qui s'est passé entre 1940 et 1918, vous ne citez pas la

2 Première guerre mondiale.

3 Q. En effet, j'ai dû travailler à l'économie rédactionnelle.

4 Je n'ai pas voulu m'étendre sur ce point-là. Je me suis concentré sur les

5 protagonistes historiques, surtout ceux qui ont participé aux événements de

6 1992 à 1995. Je n'étais pas là pour présenter et pour expliquer toute

7 l'histoire par le détail. Donc je ne prétends pas ici qu'il s'agit d'une

8 retranscription complète de l'histoire, mais je voulais plutôt identifier

9 les différents groupes qui ont participé au conflit.

10 Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais vous faire remarquer, Monsieur

11 le Président, que le titre du document rédigé par le Dr Donia est la

12 constitution du siège de Sarajevo, comment celui-ci est constitué entre

13 1990 et 1994. Alors je ne vois pas à quoi s'applique toutes ces questions

14 que nous venons d'entendre.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre réponse à cette

16 question, Monsieur Tapuskovic ?

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] A la fin de mon contre-interrogatoire je

18 vous montrerai justement pourquoi je pose toutes ces questions. J'y viens.

19 C'est le but d'ailleurs de l'exercice.

20 Q. En 1990, Monsieur Donia, plus de 10 % de la population qui habitait en

21 Yougoslavie et qui avait traversé deux guerres mondiales, est-ce que vous

22 pensez que cela a eu un impact sur ce qui s'est passé par la suite à la

23 lumière de leur expérience pour avoir traversé la Première et la Deuxième

24 Guerre mondiale; oui ou non ?

25 R. Oui.

26 Q. C'est justement la raison pour laquelle je vous demande pourquoi ou

27 comment vous pouvez parler du siège "entre guillemets" sans d'abord se

28 pencher sur la question des deux guerres mondiales ?

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1 Est-ce que vous savez que pendant la Première guerre mondiale, la

2 Serbie ainsi que le Monténégro était du côté des alliés quand l'Autriche a

3 attaqué la Serbie ?

4 R. C'est correct, oui.

5 Q. Est-il exact aussi que l'armée austro-hongroise est entrée en Serbie et

6 était composée de Croates, de Musulmans et même de Serbes qui avaient été

7 mobilisés et étaient membres des régiments de l'armée autrichienne; est-ce

8 exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-il également vrai - et c'est un fait historique que l'on retrouve

11 dans toutes les encyclopédies du monde entier - que près de 40 % des hommes

12 serbes ont été tués lors de la Première Guerre mondiale ?

13 R. Je ne saurais le confirmer.

14 Q. Est-il également vrai que les peu nombreux qui ont survécu ont été

15 expulsés de Serbie, ont dû traverser l'Albanie et c'était une épreuve

16 terrible ?

17 R. L'armée serbe s'est retirée après sa défaite, a donc battu la retraite

18 en passant par l'Albanie et se sont regroupés à Corfou, donc je dirais que,

19 oui, ils ont été expulsés et se sont rendus à Corfou, où ils se sentaient

20 plus en sécurité. Ils ont d'ailleurs été évacués en bonne partie par les

21 Britanniques du continent vers l'île de Corfou.

22 Q. En chemin, en passant par l'Albanie ont-ils été tués, est-ce qu'ils

23 sont morts aussi de froid; est-ce exact ?

24 R. Oui, c'est exact. Bon nombre d'entre eux sont morts de froid. Il est

25 certain que des irréguliers Albanais ont également harcelé les forces qui

26 battaient la retraite.

27 Q. Ils ont réussi à se rassembler à Thessalonique en Grèce, et on rejoint

28 les rangs des forces alliées afin de poursuivre le combat contre l'armée

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1 austro-hongroise qui, en fin de compte, ont été expulsées de Serbie; est-ce

2 exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Le traité de Versailles qui reflétait la volonté des grandes puissances

5 a servi de fondement du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes en

6 dépit de toutes les souffrances, qu'ils avaient souffert aux mains de ces

7 mêmes gens. Est-il vrai que cet Etat, donc ce royaume de Serbes, de Croates

8 et de Slovènes a été créé sur la base de la volonté des grandes

9 puissances ?

10 R. Ce royaume a été fondé le 1er décembre 1919 [comme interprété] sur

11 l'ordre du régent serbe, Alexandre. Le traité de Versailles ne fut pas

12 signé jusqu'à plus tard. Cela n'a aucun sens que de dire que le royaume des

13 Serbes et des Croates et des Slovènes a été le produit du traité de

14 Versailles.

15 Q. Est-ce que vous dites que la Serbie aurait pu couvrir ou s'étendre afin

16 d'inclure toute cette région si les grandes puissances n'avaient pas exercé

17 une certaine pression visant à créer un Etat qui pouvait réunir les Croates

18 et les Musulmans venant d'Autriche et Hongrie ? Dites-vous que cet Etat a

19 été institué en dépit de la volonté de la population, des gens ?

20 R. Je crois que cet Etat était institué par les dirigeants du royaume de

21 Serbie avec beaucoup d'enthousiasme. Ils étaient ravis. Ils ont participé,

22 ou les hommes politiques y ont participé de bon gré, donc les dirigeants

23 politiques, des Croates et des Slovènes. D'autres étaient opposés. Les

24 Albanais du Kosovo, par exemple, voyaient là un phénomène nationaliste,

25 d'une domination nationaliste et cela mettait en péril leur espoir de créer

26 un Etat albanais. Non, je crois que certaines populations ou leurs

27 dirigeants étaient enthousiastes vis-à-vis de ce nouvel Etat, et d'autres

28 se sont sentis exclus ou tenus à l'écart, tels que les Musulmans de Bosnie,

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1 et d'autres encore estimaient qu'il s'agissait d'une forme d'oppression,

2 tels que les Albanais du Kosovo que j'ai mentionnés.

3 Q. Les Albanais du Kosovo n'étaient-ils pas du côté de l'empire austro-

4 hongrois pendant la guerre ? N'ont-ils pas participé à de nombreux

5 assassinats des Serbes; c'est un fait historique ?

6 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je

7 pense devoir reformuler mon objection quant à la pertinence de cette série

8 de questions. M. Tapuskovic a donné une réponse initiale lorsque j'ai

9 soulevé l'objection. Mais nous tournons en rond et nous revenons à une

10 période qui précède d'un siècle la période couverte par l'acte

11 d'accusation.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, il a commencé par le traité de

13 Versailles, et je m'attends maintenant à ce que vous passiez à la Deuxième

14 Guerre mondiale. Parce qu'il y a tout de même des liens entre ces

15 événements. Je suppose qu'il va nous démontrer ces liens.

16 Donc veuillez passer maintenant à la Deuxième Guerre mondiale et à la

17 participation serbe à cette guerre.

18 Puis, allez de l'avant assez rapidement.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'était exactement ce que j'avais

20 l'intention de faire.

21 Q. Venons-en maintenant à la Deuxième Guerre mondiale. Dès le début de la

22 guerre, n'est-il pas vrai qu'un Etat croate indépendant a été institué, qui

23 faisait partie intégrante ou qui était membre de l'Axe ?

24 R. Le lendemain de l'invasion allemande de la Yougoslavie, les Allemands

25 et les Italiens sont convenus de créer un Etat fantôme ou un Etat pantin

26 qui était connu sous le nom de l'Etat indépendant de Croatie, oui.

27 Q. Est-il vrai que la première chose que Hitler ait faite à la lumière de

28 la rébellion en Serbie, cela était de raser Belgrade, et non seulement

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1 Belgrade, mais également d'autres villes serbes. Les bombardements ont

2 commencé le 6 avril 1994, et des milliers et des milliers de Serbes ont été

3 tués.

4 L'INTERPRÈTE : Les interprètes se corrigent. Ce n'est pas 1994, mais 1941.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Allemands ont en effet bombardé toutes les

6 villes dans le cadre de leur invasion, et certainement, c'est Belgrade qui

7 a été le plus bombardée. Certainement, il y a eu des milliers de morts. Ils

8 ont également bombardé Sarajevo. Il y a eu des centaines de morts et

9 d'autres villes également. Donc, l'offensive allemande contre la

10 Yougoslavie a en effet coûté la vie à beaucoup de gens dans de nombreux

11 endroits, et les victimes principales de cette offensive militaire, il me

12 semble, était en effet des Serbes; le plus grand nombre de victimes, en

13 tout cas.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Donia, vous avez dit que Sarajevo était bombardée. A l'époque,

16 Sarajevo faisait partie de l'Etat indépendant de Croatie. La Bosnie-

17 Herzégovine faisait partie de la "banovina" sous l'autorité de la NDH. Pas

18 une seule bombe n'a touché Zagreb ou Ljubljana. Comment pouvez-vous

19 expliquer cela ?

20 R. Votre chronologie est erronée. L'offensive allemande sur la Yougoslavie

21 a précédé la création de la NDH. L'offensive contre la Yougoslavie, comme

22 vous l'avez indiqué, a commencé le 7 avril, et la NDH a seulement été créée

23 plusieurs semaines plus tard. A ce moment-là, le pays tout entier avait

24 déjà été conquis par les forces allemandes et italiennes.

25 Q. Ils n'ont bombardé ni la Croatie ni la Slovénie, c'est certain, car la

26 Croatie appartenait à l'Axe. Vers la fin de la guerre, encore une fois,

27 seule la Serbie a été bombardée, y compris Belgrade, Vranje et d'autres

28 villes également. Cela a été fait par les forces alliées avec la

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1 bénédiction du maréchal Tito.

2 R. Cela semble être votre thèse, en effet, mais vous faites erreur. Il y a

3 eu des combats partout. Des villes partout ont été bombardées par les

4 forces allemandes vers la fin de la guerre, dans des situations très

5 diverses. Donc, la façon dont vous présentez les choses est très

6 subjective, la façon dont vous décrivez la fin de la guerre.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, nous avons

8 parlé de la Première Guerre et de la Deuxième Guerre mondiale, de

9 l'implication de Serbes dans ces deux guerres. Vous avez évoqué la

10 question. Le témoin n'est pas du même avis que vous. Vous n'allez

11 certainement pas régler cette question. Le cas échéant, il appartient à la

12 Chambre de trancher. Je pense qu'il faut maintenant passer aux années 90.

13 Je suis d'accord avec vous qu'on ne peut pas commencer par l'année

14 1990, mais je crois que nous en avons suffisamment entendu maintenant sur

15 le contexte. Je ne plus entendre parler des Première et Deuxième Guerre

16 mondiale. Passez tout de suite aux années 90.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Une seule question encore, Monsieur le

18 Président.

19 Q. Dans les camps de la NDH, n'est-il pas vrai que des centaines de

20 milliers de Serbes, de Rom et de Juifs ont été tués ? Selon certaines

21 sources, il se serait agi de 700 000, voire de

22 500 000, selon d'autres, mais de toute façon des centaines de milliers.

23 Avez-vous la moindre connaissance à ce sujet ? Et ce sera ma dernière

24 question.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous

26 dire quoi que ce soit à ce sujet ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le régime de Tito au lendemain de la

28 guerre a effectivement répandu le mythe que vous venez d'énoncer, qu'il y

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1 avait eu pendant la Deuxième Guerre mondiale environ deux millions de

2 victimes, et que le nombre de personnes qui avaient trouvé la mort dans les

3 camps s'élevait à des centaines de milliers. Ces chiffres, au cours des

4 dernières années du socialisme, ont été mis en cause par deux études

5 exemplaires illustrant les pertes démographiques résultant de la Deuxième

6 Guerre mondiale, une étude faite par un démographe serbe, l'autre par un

7 Croate.

8 Ces études estiment que le nombre de morts s'élevait à un million,

9 bien moins que les évaluations données par Tito. Cela étant, il s'agissait

10 tout de même d'un nombre très élevé de victimes. Ils ont également étudié

11 l'appartenance ethnique des victimes, et trouvé qu'en termes de

12 pourcentage, pourcentage de la population dans son ensemble, le pourcentage

13 de Serbes qui ont trouvé la mort était un tout petit peu supérieur au

14 pourcentage de Musulmans de Bosnie morts pendant la guerre.

15 Je n'ai pas ces chiffres en tête. J'ai mentionné ces études dans

16 certains de mes écrits et je vous recommanderais de les lire, car il s'agit

17 d'une évaluation assez fiable des coûts en vies humaines de la Deuxième

18 Guerre mondiale.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Plus de questions sur ce sujet. Je

20 n'admettrai absolument plus de questions à ce sujet. Vous allez maintenant

21 passer à 1990 ou alors mettre terme tout de suite à votre contre-

22 interrogatoire. Nous connaissons maintenant suffisamment bien le contexte

23 historique qui a une certaine importance, je vous le concède.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

25 Q. Je passerai directement à la page 8, deuxième paragraphe de la version

26 en anglais, soit les villages à Sarajevo.

27 Les villages ayant une majorité serbe se trouvait à l'est de Sarajevo dans

28 la région montagneuse de Pale, dont Ilijas, et d'autres colonies plus

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1 petites; est-ce exact ?

2 Mme EDGERTON : [interprétation] S'agit-il de la page 4 ou de la page 8 ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que ce serait la

4 page 5 plutôt.

5 Mme EDGERTON : [interprétation] Très bien.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

8 Q. En effet.

9 Je vais essayer d'accélérer. Passons à la page 9, au deuxième

10 paragraphe, où il est question de la constitution de 1974. Vous dites que :

11 "Six républiques et deux provinces autonomes ont reçu l'autonomie

12 conformément à la constitution de 1974, alors que les présidents des

13 républiques avaient des opinions très divergentes quant à l'organisation de

14 l'Etat fédéral." Puis, vous poursuivez,"Il y avait deux camps, les

15 séparatistes et les nationalistes; les séparatistes nationaliste étant en

16 principe les Croates, les Serbes et les Albanais du Kosovo; et d'autres

17 parts les nationalistes hégémoniques dirigés par Slobodan Milosevic,

18 président de la République de Serbie; est-ce exact ?

19 R. Oui.

20 Q. J'aurais pour vous la question suivante concernant ces deux camps, les

21 séparatistes et les hégémonistes. En 1974, lorsque la constitution fut

22 adoptée, est-ce que Slobodan Milosevic avait le moindre rapport avec tout

23 cela, au moment où ces principes ont été consacrés par la constitution ?

24 R. Je décris ici les dilemmes auxquels étaient confrontées les autorités

25 récemment élues à Sarajevo. Cela a trait au mois de novembre et décembre

26 1990 et la période ultérieure. Il y avait cette fracture entre les

27 séparatistes et ceux favorables à l'hégémonie. J'ai repris la description

28 donnée par cet éminent auteur dans son livre, qui parle du temps pendant

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1 lequel il a lui-même était président de la présidence de Yougoslavie. Il

2 décrivait la frustration ressentie et la déception qu'il a ressentie vis-à-

3 vis des deux camps alors qu'il essayait de préserver l'intégrité de la

4 Yougoslavie.

5 Q. Encore une fois, il s'agit d'un homme politique de Bosnie-Herzégovine.

6 Est-ce que cette constitution a jeté les bases de la dissolution de la

7 Yougoslavie ? Est-ce que la RSFY ne s'est-elle pas désintégrée en

8 républiques diverses dès 1974 ?

9 R. Je pense que c'est un petit peu exagéré, mais je suis d'accord avec

10 vous, qu'effectivement, les germes de cette évolution vers de nombreuses

11 républiques se trouvaient déjà dans la constitution de 1974. Ce phénomène

12 s'est accentué après la mort de Tito en 1980.

13 Q. C'est ainsi que les choses étaient perçues. Josip Broz Tito avait été

14 élu président à vie. Dès son décès les liaisons consacrées par la

15 constitution de 1974 devaient se réaliser, n'est-ce pas ? C'est exactement

16 ce qui s'est passé en 1981 dans le cadre des manifestations au Kosovo.

17 Mme EDGERTON : [interprétation] Si je me souviens bien, Monsieur le

18 Président, vous avez insisté sur le fait qu'il fallait qu'on parle de 1990,

19 maintenant nous en revenons à 1981.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. J'ai effectivement dit 1990,

21 Monsieur Tapuskovic. C'est quand même l'objet du rapport. Je vous ai

22 autorisé à nous donner un aperçu du contexte historique. Je reconnais qu'il

23 y a quand même une incidence de ce contexte.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je fais allusion

25 aux causes directes des horreurs qui ont eu lieu en Yougoslavie. Voyez la

26 dernière phrase du paragraphe concernant le système fédéral. Il est dit :

27 "Les dirigeants de l'ABiH se trouvaient entre le marteau et l'enclume,

28 parce qu'ils aimaient bien appartenir à la Yougoslavie, et pourtant

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1 craignaient qu'ils se retrouveraient dans une Serbie diminuée, écartelée."

2 N'est-ce pas ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais accélérer et je vais en venir au

5 siège.

6 Q. Pour ce qui est des préparations militaires, vous avez dit à la page

7 16, paragraphe 3 - en fait, le paragraphe 26 d'après ma numérotation. Sous

8 l'intitulé "Préparations militaires." Est-ce que vous l'avez retrouvé ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous dites : "En 1991 et 1992 les trois partis nationalistes ont pris

11 des mesures visant à se préparer à la guerre d'un point de vue militaire.

12 Les dirigeants musulmans de la SDA ont parrainé la création de deux groupes

13 paramilitaires, la Ligue patriotique et les Bérets verts." C'est tout ce

14 que vous dites. Savez-vous que la Ligue patriotique et les Bérets verts

15 avaient déjà institué au mois de mars 1991 en tant qu'unités militaires ?

16 En avez-vous connaissance ?

17 R. Deux réunions ont eu lieu dont la première a eu lieu en mars 1991. La

18 création formelle de la Ligue patriotique en tant que parti et instrument

19 de la SDA a eu lieu, le 10 juin 1991.

20 Q. Est-ce que vous avez lu les livres qui parlent des généraux, notamment

21 Sefer Halilovic, premier chef d'état-major général et d'autres généraux qui

22 ont écrit des livres à ce sujet ? Est-ce que vous avez lu de tels livres;

23 oui ou non ?

24 R. Oui.

25 Q. Venons-en maintenant à Sefer Halilovic, justement. J'aimerais vous en

26 donner lecture. Je ne sais pas si vous parlez vous-même B/C/S.

27 R. Allez-y.

28 Q. Cela n'a pas encore été traduit. Il s'agit du document DD00-1636.

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1 J'aimerais vous en lire quelques passages.

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Tapuskovic, d'où est tiré le

3 passage en question ?

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Du livre de Sefer Halilovic, qui était le

5 permier chef d'état-major de l'ABiH, donc le numéro un de l'ABiH jusqu'en

6 1993.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit que vous alliez lire

8 plusieurs passages. Tenez vous en à un ou deux, trois au plus.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Deux suffiront.

10 L'INTERPRÈTE : Le conseil pourrait-il indiquer la page qu'il va citer ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle page s'agit-il ?

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] De la page 7.

13 Q. Je n'ai pris que quelques pages de ce livre. Il s'agit de la page 7, en

14 bas. Je vais vous lire la première phrase : "Nos forces étaient organisées

15 au sein de la Ligue patriotique de l'ABiH en unités de la taille de

16 sections, en deux détachements et brigades, pour un total de 120 000

17 hommes."

18 Page 9, il est écrit : "J'ai décidé d'engager la totalité de la force",

19 ensuite il passe à l'année 1992. "J'ai décidé d'employer certaines forces

20 et d'agir rapidement contre certains dépôts et installations de la JNA,

21 pour bloquer des casernes, prévenir les avancées éventuelles de l'ennemi,

22 et dès que les conditions seront réunies, d'entreprendre des actions

23 offensives de grande envergure dans le but d'écraser l'ennemi et de le

24 repousser en dehors du territoire de la BiH."

25 C'était en janvier 1992 quand l'armée disposait de 120 000 hommes. Le

26 saviez vous ?

27 R. Vous avez quelque peu mélangé les dates. Nous sommes d'accord pour dire

28 qu'il y a eu une réunion en mars 1991, au cours de laquelle la Ligue

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1 patriotique, en tant que concept, a été créée; et comme je l'ai dit le 10

2 juin 1991, un grand nombre de dirigeants du SDA se sont réunis pour créer

3 ce qui je pense s'est appelé le Conseil musulman de la Défense Nationale.

4 Donc les origines de cette Ligue patriotique remontent au printemps 1991.

5 Vous pouvez aussi lire dans le livre du général Halilovic que quand

6 il est apparu sur la scène en septembre 1991, il ne se passait pratiquement

7 rien, et qu'il a été chargé d'organiser les activités.

8 Comme je l'ai dit dans mon livre, mais peut-être pas dans cet

9 article, en janvier 1992 la Ligue patriotique avait en effet été mise sur

10 pied, procédait à des inspections, et se préparait de plus en plus au

11 combat, principalement sur la base d'un effectif de volontaires, tout en

12 étant mal approvisionnée en armes et en munitions.

13 Mais, en fait, la citation que je vous ai lue est partie intégrante, mais

14 uniquement une partie, de la genèse de la Ligue patriotique au cours des

15 années 1991, 1992, jusqu'au début de la guerre en avril 1992.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais verser ce document comme pièce,

17 la référence DD00-1636 pour qu'on lui donne une cote.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous lui donnons

20 la cote D133.

21 Mme EDGERTON : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à ce que cela soit

22 versé et qu'on l'accepte. Je pense qu'il suffit de faire des photocopies du

23 livre de l'auteur. J'avais la chance d'avoir M. Bosnjakovic à côté de moi

24 et cela m'a échappé.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous lui donnons une cote

26 provisoire en attendant la traduction.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

28 Q. A la fin de cet extrait on peut lire, comme on vient de le déclarer --

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

2 Q. -- je suis désolé, en fait, nous sommes en train de reprendre le

3 document sur la base duquel je procède à ce contre-interrogatoire avec la

4 cote DD00-1462, en page 16, paragraphe 3.

5 R. Pourriez-vous lire un extrait ?

6 Q. "Je l'ai décrit plus haut, appuyait la campagne de la JNA, coordonnant

7 les plans avec les unités de la JNA en Bosnie-Herzégovine."

8 Par cet extrait vous faites référence à la campagne en Croatie ?

9 R. Oui, la JNA contre la Croatie.

10 Q. Quand vous étiez en train de préparer ce rapport - d'ailleurs, je n'ai

11 pas pu trouver cela où que ce soit - est-ce que vous avez pensé au document

12 dont l'Accusation avait pris possession, à savoir le document du RSFY qui a

13 commencé le 12 juillet 1991 qui avait commencé à 10 heures 30 et présidé

14 par --

15 R. Vous m'avez posé deux questions. Vous m'avez demandé si j'avais fondé

16 mes conclusions sur ce document-là. Ma réponse est non. Maintenant, tant

17 que je n'ai pas vu ce document, je ne peux pas vous dire si je l'ai vu. Mes

18 sources étant qu'à l'époque il y avait énormément d'articles dans la

19 presse. Un des journaux qui s'appelait Glass, un autre Bosnian Krajina qui

20 s'occupait justement des milliers de Bosniaques qui avaient dû servir sous

21 la JNA pendant la campagne croate et lesquels avaient été souvent mobilisés

22 par le SDS et sur initiative de Radovan Karadzic.

23 Q. Monsieur Donia, ce n'était pas ma question. Je voudrais simplement que

24 vous me répondiez par oui ou non : pendant la préparation de votre rapport

25 vous n'avez pas utilisé le procès-verbal de la réunion du 12 juillet de la

26 RSFY à l'époque où la Yougoslavie existait déjà et où on parlait alors de

27 la réunion de la JNA et d'autres sujets d'actualité. Vous n'avez pas pris

28 ce rapport en considération, ou bien l'avez-vous fait ?

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1 R. Je ne l'ai pas utilisé pour préparer mon rapport.

2 Q. Merci. Vous n'avez pas non plus utilisé le procès-verbal de la 181e

3 Réunion de la présidence de la RSFY, présidence étant du 2 juin 1992, vous

4 n'avez pas non plus utilisé ce document pour rédiger votre rapport ?

5 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes enfin

6 arrivés à la bonne décennie. Je me demande quand même comment nous allons

7 arriver à Sarajevo. Je vous présente mon objection.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] N'oubliez pas la contrainte de

9 temps, de toute façon ce n'est pas pertinent.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre à votre question. Oui, j'ai

11 consulté ces documents pour préparer mon rapport. Je ne les ai pas cités

12 mais je sais que je les ai lus.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je voudrais que l'on verse

14 cette pièce au dossier comme pièce de la Défense. La référence DD00-1649.

15 Ce document a été traduit vers l'anglais. Je voudrais en lire un extrait

16 qui est la partie principale. Il s'agit --

17 Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que ce document est disponible sur

18 le prétoire électronique, Monsieur le Greffier ?

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je n'ai pas de document avec cette cote

20 DD00-1649.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, est-ce que vous

22 avez versé ce document dans votre jeu de documents ?

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 C'est le document avec la cote DD00-1649. C'est la cote qui lui avait été

25 donnée. Il y a une version en B/C/S et une version en anglais.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous présenter la version en

27 anglais seulement alors sur le rétroprojecteur.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] En page 2 dans la version anglaise,

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1 dernier paragraphe.

2 Q. Je ne lirai que ce paragraphe-là. Puis-je continuer ?

3 Est-ce que vous pouvez le voir ?

4 C'est la décision de la présidence de la RSFY. "J'attire votre

5 attention sur le fait qu'ils respecteront toutes les décisions politiques

6 sur lesquelles se seront mises d'accord les trois nations constituantes qui

7 vivent en Bosnie-Herzégovine. La guerre en Bosnie-Herzégovine peut être

8 évitée si la communauté internationale suit la même démarche diplomatique.

9 "Ou si la présidence de la RSFY lance un appel à toutes les

10 structures de l'état politique ainsi que les trois parties constituantes de

11 la Bosnie-Herzégovine afin de faire preuve de retenue et éviter une

12 stratégie trop difficile à contenir si elle devait éclater."

13 Avez-vous pris cet extrait en considération alors que vous rédigiez votre

14 rapport, lors du lancement d'une campagne de la JNA contre la Croatie ?

15 R. Quelle est la date de cette réunion de la présidence ? Si j'ai bien

16 compris c'était mars 1992 ?

17 Q. Oui, en effet, mars 1992. Juste un mois avant que la Bosnie-Herzégovine

18 ne soit reconnue. On parlait justement de tout ce dont on devait tenir

19 compte tenu.

20 R. A ce moment-là, la guerre en Croatie avait déjà commencé et avait déjà

21 pris fin mais une fin momentanée. Peut-être qu'on joue encore la carte

22 publique de la JNA appuyée par la présidence et s'affichant comme ayant un

23 rôle neutre. Je ne vois pas du tout le lien et la pertinence entre ce

24 document et la guerre en Croatie.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à un autre sujet, Monsieur

26 Tapuskovic.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien. Passons à la page 16, paragraphe 4

28 dans la version anglaise.

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1 Q. Il faut parler des guerres en Slovénie et en Croatie, comment ces

2 guerres ont commencé.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai ici un

4 document que je voudrais verser avec une référence DD00-1649. J'aimerais

5 que celui-ci soit une pièce de la Défense. Il a été traduit.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a été traduit.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Très bien. La cote sera D134.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je reviens à la page 16, paragraphe 4.

9 Q. Là, vous faites référence aux guerres en Slovénie et en Croatie, et

10 vous dites que : "L'armée est progressivement devenue une force serbe."

11 Est-ce exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-il exact qu'un conflit a éclaté en Slovénie et lors de ce premier

14 conflit quelque 50 soldats non armés ont été tués alors que leurs baraques

15 furent prises d'assaut ? Etes-vous conscient de cet événement ?

16 R. Je ne peux pas confirmer cet événement. La guerre elle-même fut le

17 résultat d'une déclaration d'indépendance de la Slovénie et de la décision

18 qui était prise par la suite par la JNA de façon à fermer les frontières et

19 interdire tout point de passage vers les autres pays.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

22 Q. Dites-moi, dès que la JNA s'est retirée de la Slovénie, tous ces

23 membres slovènes sont restés derrière et sont restés sur place pour

24 rejoindre l'armée slovène, n'est-ce pas ?

25 R. Presque tous.

26 Q. Est-ce que c'était également le cas en Croatie ?

27 R. Je pense que la transformation de la JNA en Croatie a eu lieu pendant

28 la guerre, pas au moment du retrait de la JNA, plutôt au moment où les

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1 hostilités ont commencé. Nombreux furent les officiers et les recrues de

2 nationalité croate qui ont quitté la JNA. La raison pour laquelle la JNA a

3 dû commencer à mobiliser des forces en Bosnie-Herzégovine en est une

4 conséquence. Je crois qu'on peut se dire que cela a commencé bien avant le

5 retrait réel puisque celui-ci n'a commencé qu'en janvier 1992.

6 Q. S'agissant de la Croatie, vous connaissez cette citation de Tudjman

7 qu'on a déjà à plusieurs fois répétée, à savoir : "Il n'y aurait pas eu de

8 guerre si nous l'avions voulu ?"

9 Mme EDGERTON : [interprétation] Je dois vraiment m'opposer à la pertinence

10 de ce commentaire par rapport à ce document.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Prouvez-nous qu'il y a

12 pertinence à ce commentaire par rapport au document à l'étude.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas eu de

14 campagne croate. Ce que la présidence de la Yougoslavie avait envisagé le

15 12 juillet se passait en Slovénie, en Croatie et ailleurs.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Ce n'est pas pertinent.

17 Passez à une autre question.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

19 Q. Paragraphe suivant, la page 17 dans le texte anglais, paragraphe 2, vous

20 parlez de la Défense territoriale. Ce que vous dites c'est que : "Les

21 unités de Défense territoriale étaient organisées au niveau local, d'abord

22 dans des ateliers d'usines ou d'autres lieux de travail."

23 Est-ce vrai ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous poursuivez en disant : "Ces unités étaient conçues pour opérer

26 même en l'absence de la JNA et s'il y avait invasion."

27 Est-ce exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. De quel genre d'invasion s'agit-il ? On s'attendait à quoi ? Qui allait

2 envahir ? Je vais laisser tomber cette question-là.

3 Je vais plutôt vous dire ceci : la Défense territoriale avait été

4 établie dans la constitution de 1974 ?

5 R. Je crois qu'elle existait avant la constitution de 1974. En effet,

6 toute l'organisation et toute la défense avait été réorganisée à l'époque

7 de l'invasion soviétique dans les années 60 [comme interprété], lors de

8 l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie.

9 Q. C'était la théorie des militaires ?

10 R. Oui.

11 Q. Donc, il y avait la Défense territoriale déjà en place quand la guerre

12 avait commencé, parce que c'est comme cela que cela avait été conçu, et il

13 y avait des différentes armées, des différentes républiques et en Bosnie-

14 Herzégovine certaines unités ont rejoint les Serbes, d'autres pas.

15 R. En Croatie, le Corps de l'armée croate tombait sous le ministère de

16 l'Intérieur et non pas la Défense territoriale.

17 En Bosnie, la Défense territoriale, le commandement central de la

18 Défense territoriale, le commandant suprême est devenu le commandement de

19 toutes les forces militaires et qui est devenu par la suite l'ABiH.

20 Q. Je dois me dépêcher. Un instant. Je regarde la page - bien. Je passe

21 tout cela. Je vais passer tout ce qui fait référence au début de la guerre.

22 J'arrive au siège sur lequel mon honoré confrère insiste tant. Page 29 de

23 la version anglaise, dernier paragraphe. C'est un très long paragraphe où

24 l'on parle de Ratko Mladic. Peut-être que je peux encore parler de cela,

25 même si on n'a pas le temps de parler des autres choses.

26 Je vais lire tout le paragraphe, parce que vous parlez de Ratko

27 Mladic.

28 Avez-vous trouvé ce paragraphe ? Je vais le lire, mais très lentement

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1 :

2 "La diplomatie telle que prônée par Mladic est devenue une des

3 parties essentielles de cette double approche du siège. La position

4 publique des personnes responsables de la VRS et de la SDS était que les

5 forces armées serbes ne devaient défendre que les zones habitées par les

6 Serbes autour de Sarajevo contre l'ABiH."

7 Est-ce exact ?

8 R. C'est ce que j'ai écrit.

9 Vous poursuivez : "Les leaders serbes bosniaques ont décidé d'appeler cette

10 situation militaire sous le nom de 'siège,' un terme utilisé d'habitude par

11 la presse mondiale et les responsables américains. Par contre, Mladic a

12 toujours prétendu que les Musulmans bosniaques attaquaient les Serbes dans

13 les faubourgs de Sarajevo et les tenaient contre leur volonté. Du côté des

14 Serbes, on était vraiment retourné par la situation qui prévalait à

15 Sarajevo, et a écrit un courrier officiel au secrétaire général des Nations

16 Unies, Boutros Boutros-Ghali, en septembre 1992 ainsi qu'à d'autres

17 dirigeants occidentaux.

18 Entre 40 000 et 50 000 Serbes étaient maintenus comme otages

19 ethniques dans différentes localités. Il y avait des victimes civiles dans

20 les villes et on accusait à ce moment-là les défenseurs de la ville.

21 Les Musulmans commettaient leurs propres crimes. Ils tuaient leurs

22 propres ressortissants qui faisaient la file pour le pain lors des

23 enterrements, et cetera, et ont même commencé à attaquer les forces de la

24 FORPRONU --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question.

26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] La question est la suivante : est-ce tant

27 le témoin peut connaître de la situation entre août 1994 et novembre 1995.

28 Est-ce que vous saviez qu'il y avait un tunnel entre autres et est-ce que

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1 vous saviez ce qu'était la situation sur le terrain ? Est-ce que vous

2 connaissez la situation de l'époque, puisque mon honoré confrère insiste

3 tellement sur la description du siège.

4 R. Oui, j'étais dans la ville en janvier 1995.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous connaissez l'existence du

6 tunnel ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, il connaît l'existence du

9 tunnel.

10 Quelle est votre question suivante, Monsieur Tapuskovic ?

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Page 34, dernier paragraphe, si vous avez

12 trouvé, qui fait référence à la visite de Tadeusz Masowiecki, un défenseur

13 des droits de l'homme, qui parle du climat de terreur contre les résidents

14 de Sarajevo. Est-ce que vous connaissez le nombre de Serbes qui habitaient

15 à Sarajevo en 1992 ? D'après certaines informations, le nombre de personnes

16 tuées à Sarajevo à l'époque s'élève à plusieurs milliers. Est-ce que vous

17 êtes au courant ?

18 R. Il n'y a pas de chiffre fiable quant au nombre de morts serbes en 1992.

19 Il y a le nombre de morts serbes en 1992, mais tout cela est encore à

20 l'étude. Une estimation présentée par un démographe qui a essayé de dresser

21 la liste de tous les décès en Bosnie-Herzégovine, est arrivée au nombre de

22 151 Serbes tués dans des rencontres avec des Croates ou des Bosniaques

23 musulmans dans la ville. Puis aussi, il y a les Serbes qui ont décédé du

24 fait des tireurs embusqués, des tirs d'artillerie et tirs au départ des

25 collines, et cetera, qui est un nombre plus élevé. Le nombre le plus élevé

26 potentiel a déjà été présenté dans une tentative, dans un rapport en 2005

27 par le gouvernement de la Republika Srpska. Ils sont arrivés au nombre de 2

28 511 personnes. Ce chiffre, après analyse par un journaliste, s'avère être

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1 également un chiffre qui englobe également tous ceux qui sont morts dans

2 l'ABiH, ceux qui sont morts du fait de tirs d'artillerie, aussi des

3 personnes qui sont mortes par tirs embusqués et aussi des personnes qui

4 sont encore vivantes. Aussi, ce chiffre semble être artificiellement

5 gonflé.

6 Q. Ce n'était pas ma question. Tadeusz Masowiecki s'est rendu en Bosnie

7 pour rédiger un rapport sur les camps. Donc vous ne connaissez pas ces

8 camps de l'époque où il y avait des camps qui, en 1992, 1993 et 1995 les

9 gens étaient tués, puis jetés dans des conteneurs. Vous n'êtes donc pas au

10 courant du fait que les gens subissaient vraiment cette terreur ?

11 R. Si vous voulez être témoin, vous devriez peut-être vous appeler

12 témoin.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas une bonne

14 réponse, Docteur Donia. C'est à nous de contrôler comment la procédure se

15 déroule.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Essayez de vous dominer. Il nous

18 reste deux minutes. Nous arrivons à la fin de nos travaux. Mme EDGERTON :

19 [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez à cette question.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait des camps.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

23 Q. Je vous remercie. C'est suffisant. Est-ce que vous savez qu'il y avait

24 des gens tués, massacrés dans les camps et qu'on jetait dans des

25 conteneurs ?

26 R. Oui.

27 Q. Merci. Ma dernière question, puisque vous avez cité cela quelque part,

28 je ne défends pas Mladic ici, ce n'est pas mon propos, mais cet homme ici

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1 était sous les ordres du général Mladic.

2 Est-ce qu'il est arrivé que Mladic dise comme suit : Les populations et les

3 nations ne sont pas idiotes. Nous ne pouvons pas faire la guerre sur tous

4 les fronts ou contre le monde entier. Nous aimerions avoir l'intelligence

5 de ne pas faire la guerre partout. Si l'on nous attaque, nous nous

6 défendrons. Nous ne voulons pas la guerre contre les Musulmans ou les

7 Croates, mais contre ceux qui ont commencé la guerre et ont expulsé ces

8 personnes-là ou les ont amener à nous attaquer."

9 Connaissez-vous ce document ?

10 Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que mon collègue cite un document ?

11 Est-ce qu'il attribue ces propos à Mladic ? Si tel est le cas, est-ce que

12 nous pourrions connaître ses sources ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai une autre question également.

14 Mais précisons tout d'abord cela. Vous avez demandé, est-ce que Mladic a

15 dit un jour, puis -- s'agit-il d'une citation ?

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Extrait d'où ?

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais dans mes notes. Cela remonte à la

19 période où j'étais amicus Curiae. Il y avait toute une série de documents

20 rédigés par Donia. Donc, j'ai retrouvé cela dans mes notes. M. Donia a cité

21 une déclaration faite par M. Mladic lors d'une assemblée. S'il s'en

22 souvient, tant mieux --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous le moindre souvenir de ce

24 document ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je l'ai cité. Effectivement, je vous prie

26 d'excuser ma remarque qui n'était pas appropriée.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, dans cette

28 question vous avez dit, cet homme-ci, vous voulez donc dire l'accusé, qu'il

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1 était sous les ordres du général Mladic. Qu'entendez-vous par cela ?

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je voulais dire par là qu'il est probable

3 qu'il ait respecté cet homme puisqu'il était son supérieur hiérarchique,

4 c'est-à-dire qu'il n'avait pas le souhait de faire la guerre à qui que ce

5 soit, et que les propos de son supérieur hiérarchique reflètent sans doute

6 ce qu'il ressentait aussi.

7 Q. Ma question est la suivante : est-ce que le témoin a lu où que ce soit

8 un ordre qui donnait l'ordre de tirer sur les civils et les citoyens de

9 Sarajevo ? Avez-vous connaissance d'un tel ordre ?

10 R. Non.

11 Q. Merci.

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous des questions

14 supplémentaires ?

15 Mme EDGERTON : [interprétation] Non.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Docteur Donia, cela met un terme à

17 votre déposition. Je vous remercie d'avoir témoigné. Vous pouvez maintenant

18 quitter le prétoire.

19 Nous allons lever l'audience et nous nous retrouverons lundi le 26 à

20 9 heures du matin.

21 --- L'audience est levée à 17 heures 03 et reprendra le lundi 26 mars 2007,

22 à 9 heures 00.

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