Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 3 mai 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce matin, nous avons repris afin

6 d'entendre les arguments de la Défense, conformément à la l'article 98 bis.

7 Je vois, Monsieur Whiting, que vous êtes au grand complet.

8 M. WHITING : [interprétation] Nous ne saurions procéder différemment.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être nous allons donc

10 poursuivre.

11 Maître Tapuskovic, c'est à vous. Vous avez la parole.

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

13 En prenant la parole, je dois dire que je suis parfaitement conscient des

14 possibilités et des compétences que les Juges de la Chambre ont à ce

15 moment-ci en application du 98 bis. Je m'efforcerai pour ma part d'être le

16 plus concis possible et, autant que faire se peut, de faire en sorte de ne

17 pas exploiter, mettre à profit tout le temps qui m'est imparti. Je tiendrai

18 compte de la chose parce que c'est quelque peu contraire à mon tempérament,

19 parce que je pourrais dire tout cela en 20 minutes, mais il faut aussi que

20 les interprètes puissent suivre de façon adéquate ce dont je me propose de

21 parler. Je m'efforcerai véritablement de vous indiquer les éléments les

22 plus importants au sujet de quoi, de mon avis, la Défense se doit de les

23 expliquer.

24 Comme je vous l'ai dit, je n'ignore guère, en application de ce qui

25 constitue la pratique de ce Tribunal, le fait qu'à cette phase-ci de la

26 procédure, les Juges de la Chambre ne peuvent pas évaluer la crédibilité

27 des témoins, où est la grandeur, les faiblesses, les contradictions dans

28 les éléments de preuve présentés par rapport aux différents points de

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1 l'Accusation, et notamment pas par rapport aux incidents dont il a été

2 question ici. Par conséquent, je ne me propose pas du tout de parler des

3 incidents, pas plus que de vous demander de soupeser quoi que ce soit du

4 point de vue de ces incidents, étant donné que cela est tout simplement

5 impossible.

6 Parce que si je devais m'occuper de l'un d'entre eux, j'aurais besoin

7 d'autant de temps que le temps que m'est imparti au total pour aujourd'hui,

8 pour évoquer certaines questions dans certains cas de figure, comment

9 était-ce possible de voir une bombe aérienne modifiée exploser sans qu'il y

10 ait d'éclats d'obus et quel type d'obus peut-on voir arriver sans les

11 entendre, sans s'en rendre compte. Ce sont des éléments dont je ne me

12 propose pas aujourd'hui de parler du tout.

13 En termes pratiques, la requête en application du 98 bis, pour autant que

14 j'ai cru comprendre la pratique à nos jours de ce Tribunal, ne peut donner

15 des résultats que dans le cas où il n'y aurait pas d'éléments de preuve

16 sous-tendant les éléments de l'Accusation, les chefs d'accusation, ou alors

17 si ceci convainquant que l'on ne saurait apporter des éléments à l'appui de

18 l'acte d'accusation quand bien même on prendrait les choses sur le meilleur

19 des éclairages pour le bureau du Procureur.

20 Alors, ce dont je me propose de m'occuper aujourd'hui, c'est un seul point.

21 Je l'entame, car je suis conscient du fait que les possibilités limitées du

22 98 bis permettent de faire en sorte que les Juges de la Chambre n'aient pas

23 à apporter leur décision dès aujourd'hui. Alors, de quoi s'agit-il ? Est-ce

24 que l'Accusation a fourni suffisamment d'éléments de preuve du tout pour

25 sous-tendre le point principal qui domine dans tous les chefs d'accusation

26 et d'où découlent tous les autres chefs d'accusation reprochés à Dragomir

27 Milosevic, tant pour ce qui est du chef 1, des chefs 2 à 4, des chefs 5 à 7

28 ?

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1 A quoi fais-je allusion ? Un point crucial, une citation ou une allégation

2 cruciale disant que Dragomir Milosevic, du 10 août 1994 au 21 novembre

3 1995, a mis en œuvre une campagne à long terme de pilonnage et d'activités

4 de tireurs embusqués vers des secteurs civils et une population civile de

5 Sarajevo et que cette campagne a constitué la seule et unique chose dont

6 l'accusé Dragomir Milosevic a tenu compte, et que c'était cela l'acte

7 crucial de perpétration d'éléments reprochables qu'il aurait mis en œuvre.

8 Je ne vais pas en parler aujourd'hui. Ce n'est pas une chose à débattre,

9 étant donné qu'il a été prouvé qu'il y avait un ordre disant et une

10 rencontre et -- est-ce qu'il y a eu une rencontre de Dragomir Milosevic où

11 il se serait entretenu avec qui que ce soit ou quelque représentant de

12 communauté internationale que ce soit à ce sujet ? C'est une chose que nous

13 mettons de côté. Ce que je veux mettre en exergue aujourd'hui, c'est la

14 nécessité de voir si l'on a avancé suffisamment d'éléments de preuve dont

15 il aurait découlé des terreurs, des actes inhumains, des meurtres et des

16 violations des règles et coutumes de la guerre.

17 Si je veux parler de ces éléments, il me faut quand même fournir un aperçu

18 de ce qui s'est passé dans la procédure.

19 Alors, comme vous le savez, le Procureur, à la date du 18 décembre 2006, 15

20 jours après un jugement en appel dans l'affaire Galic, a modifié son acte

21 d'accusation sans pour autant modifier les chefs de l'accusation, et ce --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre,

23 Monsieur Tapuskovic, mais je pense que vous avez bel et bien dit que la

24 chose à étudier, c'est de savoir s'il y a suffisamment d'éléments de

25 preuve. Je suis en train de me repencher sur le compte rendu d'audience.

26 Oui. Je ne l'ai pas retrouvé, mais j'ai entendu l'interprétation

27 disant que la considération à prendre en compte, c'est le fait de savoir

28 s'il y a eu suffisamment d'éléments de preuve. Attendez, je vais juste

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1 vérifier ce point-là.

2 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En tout état de cause, je veux

4 tirer au clair le fait que la norme de suffisance d'éléments de preuve fait

5 l'objet d'un article ancien, et celui-ci a été modifié en 2004. Pour ce qui

6 est d'un jugement d'acquittement, cela devra être rendu s'il n'y a pas

7 d'éléments de preuve qui pourraient sous-tendre un jugement d'acquittement.

8 Alors, il y une différence entre suffisance des éléments de preuve et une

9 recherche visant à voir s'il y aurait des éléments de preuve qui sous-

10 tendraient un jugement rendu à charge.

11 Alors, c'est ce que j'ai cru comprendre, et cela n'a peut-être pas toujours

12 été la pratique, mais si tant est qu'il y a des éléments de preuve à même

13 de sous-tendre, d'étayer un jugement de condamnation, la présentation d'une

14 requête en application de 98 bis, cela ne saurait aboutir avec succès.

15 Gardant cela à l'esprit, je vous prie de bien vouloir continuer.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, alors on l'a retrouvé, page 2,

18 lignes 18 et 19. Vous dites que la question qui se pose est celle de savoir

19 si l'Accusation a fourni "suffisamment d'éléments de preuve", et dans

20 l'interprétation, j'ai cru entendre : suffisamment d'éléments de preuve

21 pour sous-tendre, pour étayer l'acte principal qui lui est reproché. On en

22 revient à ce que j'ai dit.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous ai complètement bien compris.

24 C'est une nuance, en effet, et de ce point de vue-là, vous attirez mon

25 attention à très juste titre. Ce que je veux dire ici, c'est que cette

26 campagne où il est question d'une intention de l'accusé, d'une intention

27 qui est la seule intention de l'accusé qui serait celle de faire un

28 objectif qui serait celui de mettre en péril les civils et de frapper des

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1 objectifs civils.

2 C'est un élément. C'est cela que je veux dire qui ne découle d'aucun

3 élément de preuve. Peut-être ai-je dit qu'il n'y avait pas suffisamment de

4 preuves, mais j'ai dit dès le départ que cela aurait été des incidents

5 individuellement, parce que la totalité des incidents qui sont reprochés à

6 Dragomir Milosevic découlent de cette campagne. Or, cette campagne ne se

7 trouve pas être prouvée, pas plus que l'Accusation de manière appropriée

8 n'a prouvé l'existence de cette campagne par ne serait-ce qu'un seul

9 élément de preuve. C'est ma thèse à cette phase-ci.

10 Compte tenu du fait que je n'ignore guère quelles sont les possibilités et

11 les attributions de la Chambre lorsqu'elle décide en application du 98 bis,

12 parce que croyez-moi bien que si je devais maintenant vaquer ne serait-ce

13 qu'un seul incident aux fins de l'analyse, étant donné que nous n'avons

14 rien fait par écrit, j'aurais besoin d'énormément de temps et je ne

15 pourrais pas dire ce que je voudrais dire au sujet de ladite campagne qui

16 est reprochée à l'accusé Dragomir Milosevic et dont découle tout le reste.

17 J'estime à présent que les Juges de la Chambre pourraient se satisfaire de

18 l'explication que je viens d'apporter et me permettre de poursuivre.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Certainement, en effet.

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce que j'essaie ici d'expliquer, c'est

21 tout ce qui s'est passé jusqu'à présent au fil de ce que nous avons appris

22 des documents liés à la procédure et au fil de ce que nous ont fait savoir

23 les différents témoins ainsi que les documents versés au dossier par le

24 biais des témoignages de ces témoins. C'est la raison pour laquelle j'ai

25 commencé par le 18 décembre 2006, 15 jours après le jugement rendu en appel

26 où il y a eu modification de l'acte d'accusation, mais sans pour autant

27 qu'il y ait modification des chefs d'accusation. Je me réfère notamment au

28 paragraphe 19 de l'Accusation où on dit :

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1 "Depuis mai 1992, lorsqu'il commandait la 1ère Brigade d'infanterie du Corps

2 de Romanija-Sarajevo, lorsqu'il était chef de l'état-major de ce corps, il

3 savait qu'une campagne était dirigée contre la population civile et qu'il a

4 repris cette campagne qu'il a poursuivie."

5 Alors, qu'est-ce qu'a fait l'Accusation ? L'Accusation, moins d'un mois

6 avant le début du procès, a élargi l'état d'esprit de l'accusé pour

7 l'étendre à une période antérieure, à savoir 44 mois avant le début de

8 cette campagne. En procédant de la sorte, nous avons, nous, été placés en

9 situation, en termes pratiques, de ne pas savoir quel est le volume des

10 responsabilités de l'accusé Dragomir Milosevic dont il convient pour la

11 Défense de traiter. Etant donné que les chefs d'accusation n'ont pas été

12 modifiés, il n'y a pas eu de remède juridique pour ce qui est de faire quoi

13 que ce soit à ce moment-là et faire en sorte que le Tribunal décide de ce

14 qu'il conviendrait de présenter comme objection.

15 Le 18 décembre 2006, qui plus est, le Procureur a présenté, le même jour

16 que la modification de l'acte d'accusation, une requête pour formellement

17 communiquer les faits qui ont fait l'objet d'une notice en application du

18 94 bis, et y a englobé 181 faits. Dans son courrier daté du 21 janvier --

19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien saisi ce que le conseil a dit.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez répéter la date; les

21 interprètes n'ont pas bien compris.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le 25 janvier, excusez-moi, 2007. J'ai dit

23 2005, excusez-moi; 2007, en réalité. C'est une erreur que j'ai faite moi-

24 même.

25 Dans ces écritures, dans la requête de l'Accusation, les faits allant du

26 chef 50 à 181, il est question d'éléments contestés et il est affirmé que

27 ces faits admis se rapportent à des périodes à l'extérieur de l'acte

28 d'accusation et que cela vient prouver le paragraphe 19 de l'acte

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1 d'accusation modifié où il est affirmé que l'accusé a réalisé une campagne

2 de pilonnage et tireurs isolés vis-à-vis de la population civile et qu'il

3 en a été au courant dès mai 1992.

4 Il découle de ces dires de l'Accusation que ces faits établis ne viennent

5 que prouver que l'accusé a réalisé cette campagne, et, qui plus est, il a

6 fait plus, il était au courant de cette campagne dès le mois de mai 1992.

7 Ce qui fait que sa responsabilité en application de l'opinion du bureau du

8 Procureur devrait englober toute une période de 44 mois. Mais par le biais

9 de ces faits admis, le Procureur souhaite prouver l'existence d'une

10 campagne de pilonnage et de tirs de tireurs embusqués à l'encontre des

11 civils et de la population civile comme si cela était le seul objectif

12 poursuivi.

13 Lorsqu'il a présenté sa requête, le Procureur a dit autre chose. Dès ses

14 écritures du 25, il dit que les faits proposés allant du numéro 57 au 181

15 répètent le fait que cela ne témoigne pas, ni directement ni indirectement

16 de la responsabilité de l'accusé, ni de son état d'esprit. D'après

17 l'opinion de la Défense, cette façon de prouver des éléments cruciaux se

18 trouve être absolument inadéquate, et cela ne saurait guère constituer une

19 preuve de l'existence de cette campagne dont il est question dans l'acte

20 d'accusation. J'imagine que l'Accusation devait procéder autrement.

21 A savoir, prouver l'existence de cette campagne à une période qui se

22 rapporterait à Dragomir Milosevic lui-même et avancer des éléments de

23 preuve disant que Dragomir Milosevic, dans la période couverte par l'acte

24 d'accusation, sans finalité militaire aucune, aurait exposé à des

25 pilonnages à long terme, intenses, et à des tirs de tireurs embusqués en

26 direction de cibles civiles; pendant toute la période couverte par l'acte

27 d'accusation, qu'il y aurait eu des activités faisant partie de la campagne

28 à grande échelle avec beaucoup de victimes; pendant tout ce temps-là, il y

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1 a eu une fréquence, une intensité et une répartition géographique de ladite

2 campagne; et que durant cette période entière, la campagne se serait fondée

3 sur des avantages topographiques et géographiques ainsi que sur la

4 suprématie en armes et munitions de sa partie; et qu'il y aurait, pour ce

5 qui est de ces incidents, une répartition uniforme de ces derniers; que les

6 victimes civiles seraient uniformément réparties sur le territoire pendant

7 la période couverte dans l'acte d'accusation; et ainsi de suite.

8 Et ainsi de suite sans qu'il y ait quelque contexte militaire que ce

9 soit. L'Accusation n'a même pas fait l'effort de prouver tout ceci. Elle a

10 énuméré les faits établis dans l'affaire Galic, et on a estimé qu'il n'y

11 avait guère nécessité de prouver tous les éléments qui, par exemple, à

12 l'époque où Galic était l'homme en charge, où il avait fait l'objet de

13 l'étude de sa responsabilité de la part d'une Chambre de première instance

14 et d'une Chambre d'appel.

15 Au lieu de prouver ces éléments-là, le Procureur est parti de ce que mon

16 client pouvait savoir et de ce qu'il savait à l'époque où il n'est pas

17 devenu ce qu'il est devenu ultérieurement. Deuxièmement, l'Accusation a

18 opté en faveur de l'apport d'éléments de preuve au sujet d'un certain

19 nombre de tirs de tireurs isolés et d'un certain nombre de pilonnages tels

20 qu'énumérés au paragraphe 29.

21 Par conséquent, je n'ai pas voulu me pencher dessus, car même ce petit

22 nombre d'incidents qu'on a cherché à prouver, qu'il s'agisse de tireurs, de

23 tirs embusqués ou qu'il s'agisse de pilonnages, en tant que base de crimes

24 commis, cela devait être soumis à une critique. Je n'ai pas eu le temps et

25 je n'ai pas pu m'en occuper parce que la plupart sont restés sans être

26 étayés par des preuves, et bon nombre d'autres sont loin d'être prouvés au-

27 delà de tout doute raisonnable. Ce qui constitue la base de crime reproché

28 ne se trouve pas être déterminée avec suffisamment d'éléments de preuve, et

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1 la campagne, elle, n'est prouvée par rien, mis à part les faits admis qui

2 étendent leur effet vers une période où c'est Dragomir Milosevic qui est

3 devenu, lui, le commandant du corps.

4 Nous avons entendu un certain nombre de victimes. La plupart des témoins

5 entendus, et je pense qu'ils ont été 20 ou 25, étaient des policiers, des

6 gens qui n'avaient pas encore de barbe à raser, et ils ont été chargés de

7 ces enquêtes. On a vu deux officiers militaires, un commandant et un autre

8 officier qui ont dit que l'armée leur avait tiré dessus sans aucune raison,

9 comme s'il n'y avait pas d'armées opposées l'une à l'autre pendant cette

10 période dans le secteur. Dans le jugement rendu en la première instance, à

11 un moment donné, il a été indiqué que le front de Sarajevo a constitué le

12 front central de tous les événements survenus à Sarajevo. Ici, le

13 Procureur, lui, s'est efforcé de prouver qu'il s'agissait d'un milieu

14 uniquement civil où un certain nombre de militaires répartis autour, et je

15 ne vais pas dire autour de quoi parce que cela n'a pas encore été

16 déterminé, se sont amusés à frapper vers des cibles civiles sans avancer

17 quelque élément de preuve que ce soit pour illustrer l'allégation qui est

18 celle de dire qu'il y avait intention de ne faire que cela.

19 Ce que je me dois de dire à présent, c'est qu'aux yeux de la Défense, ces

20 faits admis ne sont pas pertinents du tout pour ce qui est de la

21 détermination de la responsabilité de Dragomir Milosevic, car aucun de ces

22 faits ne saurait prouver le comportement et l'état d'esprit de l'accusé. Je

23 crois même qu'à un endroit donné, je ne sais pas trop vous dire où, je

24 crois que c'est la décision rendue le 10 avril.

25 Je me dois d'évoquer où l'on dit et je dois donc le dire qu'il devait

26 forcément savoir que cela se passait, et il aurait dû prendre des mesures

27 pour empêcher les crimes et punir les auteurs de ces crimes ne serait-ce

28 qu'au moment où il a occupé des fonctions d'autorité. Si ce raisonnement

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1 pouvait être admissible, le procès que nous avons ici ne serait guère

2 nécessaire. Nous avions déjà les faits établis, et, véritablement, qu'y

3 avait-il d'autre à déterminer si ce n'est des incidents, pour tout de suite

4 rendre un jugement ? La question qui se pose alors : quelle est la finalité

5 de tout ceci au cas où l'on s'est privé de la nécessité d'avancer des

6 éléments de preuve pour ce qui est de l'existence de cette campagne ?

7 Comme je l'ai dit au début du procès, en raison de la modification de

8 l'acte d'accusation et la requête pour ce qui est de la notification des

9 faits admis, nous n'avons pas connu l'envergure du procès qui nous

10 attendait, et je dois dire que nous n'avons toujours pas de décision

11 définitive des Juges de la Chambre pour ce qui est de savoir quel va être

12 le sort de ces faits admis, est-ce qu'on va effectivement et bel et bien

13 les admettre ou pas. Nous nous trouvons dans cette situation où, à deux

14 semaines avant la remise de notre liste à nous des témoins à citer, nous

15 pouvons toujours dire que nous ne connaissons pas la portée des

16 responsabilités reprochées à l'accusé et quel est le travail que nous

17 serions à même d'effectuer.

18 Nous allons, bien entendu, nous conformer aux décisions des Juges de la

19 Chambres, mais nous tenons à dire que c'est une situation sans issue; nous

20 sommes dans l'impasse. Nous ne savons pas quelle est l'envergure de la

21 responsabilité reprochée à Dragomir Milosevic. Il découlerait la nécessité

22 pour lui de répondre des éléments qui se sont produits du temps du

23 commandant de Galic, donc une prison à perpétuité serait trop peu pour

24 l'accusé Dragomir Milosevic, en somme.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer, je vous prie.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je ne serai pas très

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1 long. Je ne vous prendrai pas beaucoup de temps. Je me dois toutefois de

2 mettre en exergue quelques points encore.

3 Ici, ce qui crève les yeux et qui porte offense aux connaissances les plus

4 élémentaires en matière du droit pénal, que ce soit appliqué ici ou

5 n'importe où ailleurs, il y a donc des points élémentaires relatifs à la

6 responsabilité pénale. Toute ma vie, je n'ai fait que du droit pénal, et

7 c'est la raison pour laquelle je prends la liberté de vous soulever

8 plusieurs points.

9 Peut-on hériter du tout d'une responsabilité pénale en application de

10 l'article 7 du Statut du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie ?

11 Quel type de responsabilité pénale est-ce là, qui permettrait de dire chose

12 pareille, à savoir qu'une responsabilité pénale pourrait être héritée

13 d'autrui ? Bien entendu, il n'est pas contesté le fait, si je peux

14 m'exprimer ainsi, que le général Dragomir Milosevic a hérité des fonctions

15 et d'une autorité militaire de la part de son prédécesseur, le général

16 Galic. Mais c'est tout ce qu'il a hérité de lui.

17 Mais ses actes à lui, son comportement à lui ne peuvent faire partie de son

18 conscient, de son état d'esprit, de son mens rea, comme on le dirait ici,

19 rien que dans le cadre du temps pour lequel il est censé assumer des

20 responsabilités, à savoir la période qui se rapporte à la responsabilité

21 qui lui est reprochée. Nous ne sommes pas ici en matière de droit

22 d'héritier, qui hérite des biens, les droits de succession où on hérite de

23 quelqu'un. Il est chargé de responsabilité pénale et il ne peut être accusé

24 que de l'état d'esprit qui était le sien à ce moment-là. Il n'y a pas

25 d'élément de succession en matière de droit pénal. La responsabilité pénale

26 est déterminée pour la période où j'ai fait quelque chose ou quelqu'un

27 d'autre a fait quelque chose, dans le cadre des circonstances où cela est

28 survenu.

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1 En fait, tout ce que j'ai voulu dire au sujet de ladite campagne se

2 rapporte à ces quelques éléments que je viens de mettre en exergue. Quand

3 bien même aurait-il su que telle chose se serait produite dans des périodes

4 antérieures, son comportement ne peut être évalué que pour la période où il

5 a été l'homme à assumer une autorité militaire, et ce n'est que pour cette

6 période-là que l'on est censé déterminer sa responsabilité. Je crois que

7 c'est là l'élément le plus élémentaire pour ce qui est de la responsabilité

8 pénale et de la responsabilité en général en application de cet article 7

9 du Statut, et la chose ne saurait être posée autrement.

10 Pour être plus clair encore à cet effet, je me dois de me référer -- peut-

11 être cela n'est-il pas adéquat, mais je ne pense pas que cela ne soit

12 adéquat. Pourquoi une seule petite partie de l'opinion exposée par M.

13 Raphael [phon] Nieto-Navia, le Juge qui, à l'occasion du prononcé de peine

14 et lorsqu'il a donné son opinion dans l'affaire Galic et lorsqu'il a dit

15 qu'il n'était pas d'accord avec certains éléments disant qu'il y avait

16 existence d'une stratégie, il a dit : j'en conclus que, partant des

17 éléments de preuve, il ne saurait être conclu que pendant toute la période

18 de l'acte d'accusation, la RSK avait procédé à des pilonnages délibérés des

19 civils.

20 Il a juste cité un fait que je vais citer moi aussi, qui est présent

21 dans cette affaire-ci aussi. Je ne vais rien d'autre citer de cet exposé,

22 si ce n'est le fait qu'il n'y avait pas, à son avis, cette campagne et

23 cette stratégie qui visaient à frapper sur des cibles civiles. Il a dit,

24 après l'explosion au marché de Markale le 5 février 1994, dans la ville, il

25 y a eu une zone d'exclusion totale pour ce qui est des armes lourdes. Il y

26 a eu mise en place d'une zone d'exclusion totale.

27 Partant de ce fait-là, étant donné le fait que cette zone d'exclusion

28 totale a existé à partir du mois février au mois d'août, il a estimé que

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1 cette circonstance-là démontrait que pendant toute cette période qui est

2 reprochée à l'accusé Galic concernant les actes qu'il aurait commis, il ne

3 saurait être considéré que pendant toute cette période-là, il y avait eu

4 bel et bien campagne.

5 Ce fait-là pourrait peut-être être considéré comme étant non contesté

6 parce que la zone d'exclusion totale pendant la période où Dragomir

7 Milosevic était commandant a existé de toute la durée de son commandement,

8 absolument de toute la durée de son commandement. Cela ne constitue qu'une

9 seule des circonstances qui a existé au fil de toute cette période. Je ne

10 vais pas me pencher sur les autres éléments, mais on y viendra lorsque je

11 ferai mon propos liminaire, mon discours liminaire. Mais cela suffirait

12 tout seul, cet élément suffirait à lui tout seul pour ce qui est des

13 circonstances prévalant dans la période de commandement de Dragomir

14 Milosevic. Sans parler d'autres choses; on aura le temps de parler d'autres

15 choses.

16 Le Procureur, le bureau du Procureur dans ce procès a fait venir

17 devant vous un historien - je peux donner le nom et le prénom de

18 l'individu, Donia Robert - qui a rédigé un rapport en se référant à un

19 contexte historique et à un contexte politique et militaire. Il a dit "dans

20 mon rapport," en guise d'introduction, il a dit : "Mon rapport," en se

21 référant aux événements, "allant de novembre 1994 à août 1995, la période

22 englobée par l'acte d'accusation contre Milosevic." Là aussi, il

23 n'englobait que la période allant jusqu'à août 1994 dans son rapport. Je

24 vous l'ai déjà dit ici. Je vais le répéter une fois de plus. On m'a

25 reproché à un moment donné de parler à outrance du contexte historique.

26 Messieurs les Juges, s'agissant de ce contexte historique dans le cas

27 de l'affaire contre M. Dragomir Milosevic, je n'en parlerais peut-être pas

28 du tout si la question n'avait pas été soulevée, évoquée ici, si ce rapport

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1 n'avait pas été présenté, rapport qui a dû faire l'objet de certaines

2 observations de ma part et d'un contre-interrogatoire vis-à-vis de ce

3 témoin.

4 Pour ce qui est de l'affaire qui nous concerne ici, je ne pense pas

5 que le contexte historique et politique ait de l'importance. Nous en sommes

6 déjà à la fin de la guerre. Je n'ai pratiquement aucune raison d'en parler.

7 Mais le contexte militaire pour ce qui est de ce procès-ci est de nature à

8 faire en sorte que cela devrait être la seule des choses pertinentes pour

9 la prise d'une décision de votre part, notamment pour ce qui est de

10 l'existence de cette campagne de pilonnage et de tirs de tireurs isolés.

11 Sans ce contexte militaire qui, de façon évidente, était présent en

12 l'occurrence, il ne saurait être pris de décision. L'acte d'accusation tout

13 entier ne se fonde sur aucun contexte militaire, sur un contexte militaire

14 inexistant.

15 Je n'ai que très peu de temps pour évoquer certains éléments. Si nous

16 prenons la déposition du W-156, page 46, page 33 en version anglaise, et le

17 témoin --

18 M. WHITING : [interprétation] Pardonnez-moi si j'interromps les arguments

19 du conseil de la Défense. Néanmoins, si nous allons aborder la déposition

20 de ce témoin, je crois que par excès de prudence, il vaudrait mieux passer

21 à huis clos partiel, car ce témoin a témoigné à huis clos et je crois qu'il

22 est difficile à ce stade de savoir ce qui relève du domaine public et ce

23 qui ne relève pas. Ce serait préférable.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges --

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez la

27 parole. Est-ce que vous voulez dire quelque chose en guise de réponse par

28 rapport à ce que vient de dire le Procureur ?

Page 5601

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, oui.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendons le conseil.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je me propose de donner lecture d'une

4 phrase de 10 lignes qui ne peut faire identifier personne. Le W-156, je

5 l'ai dit comme W-156, mais personne ne connaît son identité. Je n'ai qu'une

6 phrase à dire. Je ne vois pas pourquoi nous passerions à huis clos partiel,

7 parce qu'il n'y a qu'une citation de phrase qui se situe dans le contexte

8 de ce que je suis en train de dire.

9 M. WHITING : [interprétation] Messieurs les Juges.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il

12 vous plaît.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

14 Messieurs les Juges.

15 [Audience à huis clos partiel]

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 5602

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 [Audience publique]

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Sans ce contexte militaire que le

6 Procureur ne mentionne pas du tout dans son acte d'accusation, il ne

7 saurait être pris en considération une responsabilité quelconque de

8 l'accusé pour ce qui lui est reproché par l'acte d'accusation. De ce point

9 de vue-là, vraiment, le bureau du Procureur n'essaie même pas de prouver

10 quoi que ce soit. Il y a prédominance de la présence des faits admis et

11 d'un certain nombre d'incidents sans pour autant qu'il soit apporté quelque

12 élément de preuve que ce soit au sujet de ce dont je viens de parler.

13 Pour finir, peut-être pourrions-nous procéder à une petite

14 comparaison au niveau de l'acte d'accusation. Si on se penche dessus, on

15 peut voir que lorsqu'il est question des incidents, il n'est pas laissé

16 permis de voir que l'intensité était telle qu'il serait possible de parler

17 de campagne. Pas même le nombre de victimes ne démontre qu'il s'agit d'une

18 campagne. Donc, si on se penche tout simplement sur l'acte d'accusation, et

19 de quelque façon qu'on l'étudie, telles que les choses sont présentées à

20 l'acte d'accusation, il y aurait quatre phases : la phase après l'accord

21 antitireurs isolés, fin 1994; puis, il y a eu cette phase de trêve de

22 janvier à mai 1995; puis, vient la phase d'une offensive généralisée de

23 l'ABiH; et ensuite, il y a ces attaques de l'aviation de l'OTAN.

24 Si vous comparez rien que cela avec les éléments qui sont reprochés à

25 mon client, il est facile dans l'acte d'accusation de procéder à une

26 analyse minimum qui permettrait de déterminer que le Procureur n'a prouvé

27 par rien, par quoi que ce soit l'existence de cette campagne visant à

28 cibler rien que les civils et rien que des cibles civiles. Nous pouvons

Page 5603

1 comparer cela encore avec ce qui figure dans le document P602 de

2 l'Accusation, qui est un rapport de police, et on verra, on pourra y voir.

3 Je n'ai pas à expliquer tout le détail; mais il est dit que dans la

4 période d'août à décembre 1994, il y a eu des blessés et rien que neuf

5 personnes ayant perdu la vie, et avec un très petit nombre d'incidents. Du

6 début janvier au mois de mai, si l'on ne prend cela qu'en guise

7 d'information, et je crois que les Juges de la Chambre ont versé au dossier

8 cette pièce, il n'y a eu que deux hommes de tués et à peine quelques

9 incidents. La majeure partie des incidents s'est produite entre mai et

10 août, lorsqu'il y a eu offensive généralisée de l'ABiH sur toutes les

11 lignes de front.

12 Si l'on ajoute le fait que les victimes n'ont été nombreuses qu'en

13 cette période-là et que compte tenu de ces circonstances, bien entendu, le

14 nombre de civils qui pouvaient perdre la vie était inévitable, à moins

15 qu'il y ait eu reddition de la part de l'armée de la Republika Srpska, et

16 si l'on ajoute à cela la dernière période allant de fin août au mois de

17 novembre, il n'y a pas un seul incident de cité même à l'acte d'accusation

18 et s'il y a à peine une ou deux victimes, alors pour parler de campagne de

19 cette envergure, je dirais que l'Accusation n'a avancé aucun élément de

20 preuve. Or cette campagne sert de point de départ pour tous les autres

21 délits au pénal. C'est ce que j'ai voulu vous exposer, vous présenter.

22 Je dirais, pour finir, pour ce qui est du fait d'avoir un accusé qui

23 aurait été informé, peut-être est-ce quelque peu absurde que de dire qu'il

24 avait su dès le début des conflits et qu'il avait hérité de cela de son

25 prédécesseur. Mais le jugement rendu à l'égard de Galic est rendu le 30

26 novembre 2006. Jusqu'à ce moment-là, Galic était considéré innocent. On ne

27 savait donc pas de quoi il serait condamné. Alors, quel peut être le sens

28 d'une affirmation au terme de laquelle mon client aurait eu conscience

Page 5604

1 depuis le début des événements ?

2 Il a appris lui-même de quoi il s'agit. Enfin, ça peut paraître

3 absurde, mais il n'a su les choses telles qu'elles se présentaient qu'au

4 moment où il y a eu arrêt au niveau de l'appel. Donc, il serait illusoire -

5 je ne veux pas vous fatiguer davantage, je ne veux pas me répéter - compte

6 tenu de tous ces éléments-là, la campagne qui aurait visé à cibler les

7 objectifs civils et les civils ne se trouve être étayée par aucun élément

8 de preuve.

9 C'est ce que j'ai estimé nécessaire de vous dire à présent parce que

10 tous les autres points dont je pourrais parler aujourd'hui pourront être

11 évoqués lors de mes propos liminaires ou de mon plaidoyer de clôture. Mais

12 je tiens à dire que ce fait-là ne se trouve être étayé par aucun élément de

13 preuve.

14 Merci.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Tapuskovic.

16 Monsieur Whiting, vous avez la parole.

17 M. WHITING : [interprétation] Messieurs les Juges, ce que je vais faire,

18 c'est procéder de la manière suivante : Je vais vous demander de me

19 conseiller, s'il vous plaît, et peut-être d'avoir une pause de dix minutes

20 de façon à ce que nous puissions nous préparer, car nous avions préparé

21 quelque chose, mais nous allons peut-être un tout petit peu modifier ce que

22 nous allions dire pour tenir compte de ce qui vient d'être dit.

23 Nous souhaitions évoquer chaque incident en particulier qui figure à l'acte

24 d'accusation. Compte tenu des arguments présentés par le conseil de la

25 Défense, bien qu'il ait contesté la campagne et bien que les incidents

26 particuliers sont pertinents en la matière, parce qu'il n'a pas précisément

27 contesté l'annexe comportant les incidents, je n'ai pas l'intention de les

28 aborder, à moins que vous ne me le demandiez, Messieurs les Juges. Dans

Page 5605

1 lequel cas, nous sommes tout à fait disposés à le faire.

2 Nous pouvons les passer en revue les uns après les autres. Voilà,

3 c'est là où je souhaitais entendre de vous ce que nous souhaitons faire. Si

4 vous estimez que cela n'est pas nécessaire d'aborder chaque incident, soit.

5 A ce moment-là, nous allons gagner du temps et nous concentrer sur d'autres

6 questions qui ont été soulevées par le conseil de la Défense dans cette

7 affaire.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La réponse de l'Accusation

9 doit découler non seulement des arguments présentés par la Défense, mais

10 par le bureau du Tribunal. Qu'est-ce qui est exigé en la matière ? Quel est

11 le critère retenu dans ce cas ? C'est cela que vous devez garder à

12 l'esprit. J'ai dit à Me Tapuskovic, je lui ai expliqué quelle est la façon

13 dont je comprends ceci. Je ne vois pas en quoi il serait nécessaire

14 d'aborder tous les incidents dans le détail.

15 Ce que nous recherchons à ce stade, c'est de savoir si oui ou non il

16 y a des éléments de preuve qui permettent d'étayer une condamnation, eu

17 égard aux chefs d'accusation contenus dans l'acte d'accusation. Je

18 m'attends à ce que l'Accusation, lorsqu'elle répond à tout ceci, nous

19 fournisse des éléments permettant de nous donner des éléments liés à ces

20 éléments de preuve.

21 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir une pause de

22 dix minutes, ce qui permettrait pour beaucoup de réduire notre présentation

23 ? Car nous l'avons divisée en plusieurs parties. Ce n'est pas simplement

24 moi qui vais prendre la parole, d'après ce que j'ai compris en vertu du 98

25 bis.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

27 M. WHITING : [interprétation] Je crois que vous souhaitiez que nous

28 commencions tout de suite.

Page 5606

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait.

2 M. WHITING : [interprétation] --

3 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Mes collègues estiment,

6 nonobstant ce que j'ai dit, si vous souhaitez avoir une courte pause, vous

7 y avez droit, donc nous allons faire une courte pause de 10 minutes.

8 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois que

9 ceci serait dans l'intérêt de tous.

10 --- La pause est prise à 9 heures 58.

11 --- La pause est terminée à 10 heures 12.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

13 M. WHITING : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

14 Je vais tout d'abord brièvement répondre à certaines des questions

15 présentées par le conseil de la Défense et je vais donc présenter une

16 courte introduction. Comme je vous l'ai dit, nous avons divisé notre

17 présentation en plusieurs parties, donc d'aucun prendra la parole et je

18 reprendrai la parole vers la fin. Nous avons eu une pause qui a été très

19 courte, mais nous avons pu faire ce que nous voulions.

20 Le conseil de la Défense a à maintes reprises répété que la charge de

21 la preuve revient à l'Accusation, à savoir que le seul objectif de la

22 campagne militaire du Corps de Romanija-Sarajevo, que son seul objectif

23 était de prendre pour cible des civils. Le conseil de la Défense a laissé

24 entendre cette idée-là tout au long de ses arguments, ce qui est une façon

25 erronée de citer la loi et les faits en espèce.

26 En matière de droit ici, il n'est pas nécessaire que l'Accusation prouve au

27 chef 1, qui est un chef de terrorisation [phon], et eu égard à d'autres

28 chefs d'accusation, que le seul objectif de l'accusé était de prendre pour

Page 5607

1 cible des civils ou de répandre la terreur. Pour ce qui est de la terreur

2 en particulier, car je pense qu'il s'agit là de ce qu'entendait la Défense,

3 je souhaite indiquer aux Juges de la Chambre qu'il est important de se

4 référer au paragraphes 99 à 104 du jugement de l'arrêt Galic, au paragraphe

5 104 en particulier, qui déclare de façon très claire que l'Accusation n'a

6 pas besoin de prouver que c'était le seul objectif, mais que c'était un

7 objectif principal.

8 Deuxièmement, l'Accusation, lors de la présentation de sa thèse, n'a jamais

9 indiqué, en fournissant ses moyens de preuve, qu'il s'agissait que pour

10 prendre pour cible des civils pendant toute la période de l'acte

11 d'accusation et bien sûr qu'il y avait une activité militaire et des

12 combats au cours de cette période. Nous avons même interrogé les témoins

13 sur cette question-là dès le début du procès et jusqu'à la fin.

14 Quoi qu'il en soit, cette position-là n'est pas différente de la position

15 que nous avons adoptée par ailleurs. Il y avait une campagne généralisée

16 très répandue de pilonnage et de tirs embusqués contre la population civile

17 de la SRK placée sous le commandement de l'accusé à cette époque et qui

18 avait pour objectif essentiel de répandre la terreur. Par conséquent, nous

19 pensons que les faits étayent cela et les preuves étayent cela et étayent

20 chaque chef d'accusation qui figure à l'acte d'accusation.

21 Deuxièmement, dans ses arguments, le conseil de la Défense a laissé

22 entendre que l'acte d'accusation n'est étayé que par l'annexe comportant

23 les incidents, alors que les allégations de cette campagne ne sont étayées

24 que par les incidents en annexe. Ce qui n'est pas le cas. Comme cela est

25 très clairement indiqué dans l'acte d'accusation et de façon très

26 explicite, notre position reste inchangée. Les incidents en annexe sont à

27 titre d'illustration et forment un élément de la campagne.

28 Il y a bien sûr d'autres éléments essentiels, d'autres éléments de

Page 5608

1 preuve qui sont importants pour étayer l'existence d'une campagne de

2 pilonnage et de tirs embusqués et de terreur. Ces éléments-là sont étayés

3 par les incidents que l'on trouve dans l'annexe, mais il y a également des

4 incidents qui ne figurent pas à l'annexe. Il y a également d'autres preuves

5 qui, de façon générale, présentées par des témoins, indiquent que pendant

6 toute la période couverte par l'acte d'accusation, il existait une campagne

7 de pilonnage et de tirs embusqués à l'encontre de la population civile. Il

8 est essentiel qu'il existe une preuve de cette campagne et que celle-ci

9 dépende de différents éléments de preuve présentés que je viens de citer.

10 Il ne s'agit pas simplement des incidents qui figurent à l'annexe.

11 Troisièmement, en réponse aux arguments du conseil de la Défense, des

12 débats ont beaucoup porté sur les faits admis en vertu des jugements

13 antérieurs. Ceci nous a un petit peu surpris, dans la mesure où la position

14 actuelle consiste à dire que bon nombre de faits admis en vertu des

15 jugements antérieurs présentés par l'Accusation sont consignés au compte

16 rendu d'audience, et une décision de la Chambre de première instance a

17 indiqué qu'ils n'étaient pas acceptés.

18 Je suis un peu confus à cet égard. Je souhaite plaider en ce sens.

19 Bien sûr, nous ne sommes pas en train de dire que l'accusé serait tenu

20 responsable en vertu des faits admis, en vertu de jugements antérieurs pour

21 la période au cours de laquelle il assurait le commandement. L'acte

22 d'accusation est très clair à cet égard pour la période qui nous concerne

23 et pour laquelle il est accusé. Ceci n'est absolument pas modifié par les

24 faits admis.

25 De façon importante également, d'autres éléments de preuve qui

26 ressemblent pour beaucoup aux faits admis et sur lesquels l'Accusation a

27 posé ses questions et qui, d'après nous, d'après nos arguments, devraient

28 être pris en compte par la Chambre de première instance concernant une

Page 5609

1 période précédente constituent des éléments de preuve. Ceci n'élargit en

2 rien la responsabilité de l'Accusation. Il s'agit d'éléments de preuve à

3 propos de la connaissance qu'il avait pour la période pour laquelle il est

4 accusé, et c'est tout.

5 Je vais brièvement aborder la question du critère en vertu du 98 bis, car

6 au début de cette audience aujourd'hui, les Juges ont indiqué quel était le

7 critère. Pour ce qui est de ce critère, je souhaite aborder deux points.Le

8 premier, c'est que comme la Chambre a indiqué, le critère retenu si

9 certains des éléments de preuve permettent d'étayer une corrélation à

10 propos de chaque chef d'accusation, en rendant cette décision, nous

11 estimons que le droit, et ici je fais référence à la décision Kordic et

12 Cerkez en l'an 2000, toute déduction devrait être faite en faveur de

13 l'Accusation. Toute hypothèse autre présentée par la Défense à ce stade

14 doit être écartée. En d'autres termes, la thèse de l'Accusation doit être

15 retenue à son plus haut niveau.

16 Il est également important de tenir compte de l'élément suivant, à savoir

17 la modification de l'article 98 bis qui a eu lieu en décembre 2004.

18 Monsieur le Président, vous avez évoqué une modification eu égard aux

19 critères retenus. Néanmoins, il y avait une autre modification importante,

20 à savoir le libellé de l'article a été modifié. On est passé de "charges" à

21 "chefs d'accusation". La Chambre de première instance ne doit retenir que

22 chaque chef d'accusation pour lequel il y a suffisamment d'éléments de

23 preuve, pas forcément chaque allégation ou chaque charge faisant partie de

24 ce chef d'accusation.

25 Ceci a des ramifications importantes, car cette modification en ce qui nous

26 concerne et par rapport à notre thèse, nous estimons que premièrement la

27 Chambre de première instance n'est pas tenue d'analyser chaque mode de

28 responsabilité qui figure à chaque chef d'accusation. Il suffit que la

Page 5610

1 Chambre estime qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour un type de

2 responsabilité allégué dans chaque chef d'accusation et que ceci, c'est

3 l'élément retenu.

4 Deuxièmement, il n'est pas nécessaire que la Chambre de première instance

5 retienne, et je cite : "Chaque allégation de fait incriminé". En ce qui

6 concerne notre thèse, en tout cas. Nous avançons que ceci n'est pas

7 nécessaire. Il n'est pas utile que la Chambre analyse chaque incident en

8 annexe et que pour chaque incident en annexe, il y ait suffisamment

9 d'éléments de preuve à l'appui.

10 Nous argons du fait, comme nous allons le dire un peu plus tard, qu'il

11 existe effectivement pour chaque incident suffisamment de preuves. Mais la

12 Chambre n'a pas besoin d'aborder tout ceci dans le détail. La Chambre peut

13 décider simplement s'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour étayer

14 le chef d'accusation en question. Par conséquent, nous avançons qu'il y a

15 suffisamment de preuves pour les incidents en annexe, d'accord, même les

16 incidents qui ne figurent pas à l'annexe non plus, et différents moyens de

17 preuve qui étayent les chefs d'accusation eu égard à chaque chef

18 d'accusation dans l'acte d'accusation.

19 Le droit en la matière a été adopté par deux chambres de première instance

20 et une troisième, je crois, cette semaine. Ici, la décision dans l'affaire

21 Mrksic du 3 juillet 2006, c'est cela auquel je fais référence au compte

22 rendu d'audience, 5 959 à 5 971; dans l'affaire Martic, décision rendue le

23 28 juin 2006 au compte rendu, page 11 311 -- pardonnez-moi, en fait il faut

24 inverser les numéros de pages du compte rendu de l'affaire Mrksic et Martic

25 [phon]. Le 1er mai, les parties dans l'affaire Milutinovic qui a commencé à

26 présenter ses arguments en vertu du 98 bis, les parties sont tombées

27 d'accord, la Défense et l'Accusation, qu'il s'agissait là d'une bonne

28 approche.

Page 5611

1 M. Docherty va parler de la campagne de tireurs embusqués, M. Waespi va

2 parler de la campagne de pilonnage, Mme Edgerton va parler de la terreur,

3 et je parlerai du commandement et du contrôle en vertu du 7(3). Nous

4 n'allons pas parler de chaque cas en la matière. Nous n'allons pas parler

5 dans le détail du conflit armé. Je pense que cela n'est pas contesté pour

6 ce qui est de l'existence d'un conflit armé pendant la période qui nous

7 intéresse. Néanmoins, si ceci est le cas, je demanderai à la Chambre de se

8 tourner vers le témoignage de M. Harland, pages 322 et 326, qui étaye la

9 thèse d'un conflit armé.

10 De même, nous allons, à l'égard d'une campagne systématique et généralisée,

11 nous n'allons l'aborder dans le détail et aborder chaque chef d'accusation.

12 Mais tous les éléments de preuve pris ensemble, je crois que nous pouvons

13 établir à ce stade, et ce, au-delà de tout doute raisonnable, qu'il

14 existait ou qu'il y avait véritablement une campagne généralisée et

15 systématique.

16 Comme je le fais valoir, le fait est que nous avons apporté la preuve de

17 chaque charge étant donné que nous avons essayé de présenter ceci le plus

18 vite possible et de la façon la plus exhaustive possible et que si la

19 Chambre est préoccupée à propos des soucis vis-à-vis d'une ou de l'autre

20 charge, à ce moment-là nous souhaitons que l'Accusation puisse être en

21 mesure d'y répondre, car nous pensons avoir abordé tous les éléments. Nous

22 aimerions être entendus s'il existe effectivement un point d'interrogation

23 eu égard à l'une ou l'autre charge.

24 M. DOCHERTY : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

25 L'acte d'accusation modifié accuse l'accusé de meurtre et de tirs embusqués

26 au titre des charges de droit, à ces deux charges caractérisées comme

27 crimes contre l'humanité. Qui plus est, l'accusé est accusé de tirs isolés

28 comme crime de guerre au numéro 4, comme attaques illicites contre des

Page 5612

1 civils. Il y a suffisamment de preuves pour étayer ces charges pour chaque

2 chef que nous estimons que les arguments de la Défense doivent être

3 rejetés.

4 L'existence d'une campagne de tirs isolés contre les civils dans la région

5 de Sarajevo au cours de la période couverte par l'acte d'accusation est

6 étayée pour les 12 incidents programmés au sujet desquels l'Accusation a

7 fourni des preuves. La Défense a déclaré qu'elle réfutait les preuves

8 relatives à ces deux incidents. Etant donné cela, je ne vais pas en parler,

9 à moins que les Juges n'aient des questions sur ces incidents, auquel cas

10 j'y répondrai volontiers.

11 L'existence d'une campagne de tirs isolés a été prouvée par M. David

12 Harland, le premier témoin selon lequel : "La dynamique du conflit autour

13 de Sarajevo était la suivante : les Serbes étaient dans une position

14 militairement dominante et utilisaient les tirs isolés et le pilonnage

15 contre les civils pour faire adopter au gouvernement de la Bosnie le

16 comportement qu'ils voulaient." Cela figure à la page 324, lignes 14 à 19.

17 Les détails concrets de la mise en œuvre de cette stratégie militaire, de

18 cette campagne de tirs isolés menée contre les civils, ont été étayés par

19 plusieurs témoins, par tous les témoins qui ont témoigné, et notamment les

20 témoins de crimes pour prouver ces 12 incidents prévus.

21 L'officier de police Turkovic a déclaré que les pilonnages et les tirs

22 isolés se retrouvaient dans toute la ville, à toutes les heures du jour et

23 de la nuit et à tous les moments de l'année.

24 L'INTERPRÈTE : Les différentes pages ont été dites par le conseil de

25 manière trop rapide pour l'interprète.

26 M. DOCHERTY : [interprétation] Les 80 % du temps des collègues consistaient

27 à répondre à des alarmes, des alertes. Page 5 179, 16 à 17, et 5 180, 3 à

28 8. Ensuite, après ces guerres, le nombre des alertes et des appels de ce

Page 5613

1 type pour la police est retombé à zéro.

2 A la page 5 601 [comme interprété], une liste d'activités de la

3 police prouve que ces appels venaient de partout et à tout moment.

4 Un témoin de l'OMNU a fait mener des enquêtes sur les incidents de

5 tireurs isolés à Hrasnica à tous les jours. "L'origine des tirs était

6 toujours le territoire occupé par l'armée serbe et les victimes étaient

7 toujours des civils." Compte rendu d'audience, page 635, ligne 18, jusqu'à

8 la page 636, troisième ligne.

9 La démographe Ewa Tabeau a déclaré que même dans les journées calmes

10 du point de vue militaire, des civils trouvaient la mort du fait de cette

11 guerre et d'actes de violence, surtout des tirs isolés.

12 Le témoin protégé, W-62, a déclaré qu'il était dangereux d'obtenir

13 des aliments et de l'eau, en raison des tirs et des bombardements. Page

14 882, lignes 8 à 15.

15 Il y a eu le témoignage de la victime de l'incident numéro 2, il y a

16 eu un tir de l'école pour non-voyants par le tunnel, et cette victime a été

17 mise dans une voiture privée plutôt que dans l'ambulance et transportée à

18 l'hôpital.

19 Alors, ensuite, après l'incident numéro 2, ce passage est devenu plus

20 dangereux pour les habitants de Sarajevo. Les tirs isolés étaient directs,

21 en dépit du fait que les citoyens montraient des draps blancs et avaient

22 dressé une barricade antitirs isolés. Page 890, lignes 3 à 16.

23 Un certain nombre de déclarations au titre de l'article 65 ter

24 étayent l'existence d'une campagne par le biais d'attestation d'incidents

25 isolés ou d'incidents individuels ou par le biais de preuve générale. Je

26 voulais attirer l'attention sur la pièce à conviction 92 de l'Accusation

27 dans laquelle un témoin a déclaré qu'elle dormait avec les volets fermés,

28 car elle avait peur des tirs isolés. Il y a également eu un témoignage

Page 5614

1 selon lequel le mari de la personne qui a témoigné a été touché à la joue

2 par une balle qui a traversé la fenêtre de l'appartement.

3 Page 1 657, ligne 15, jusqu'à 1 658, ligne 3, un témoignage d'un

4 conducteur de tram de Sarajevo selon lequel tous les carrefours étaient

5 très dangereux à Sarajevo. L'officier de l'armée canadienne Louis Fortin a

6 dit que les personnes visées étaient des civils, mais parfois du personnel

7 des Nations Unies. Page 484, ligne 22, page 485, ligne 10. Il a également

8 dit que le personnel d'autres instances internationales faisait l'objet de

9 tirs, et cetera.

10 L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'on pourrait demander au conseil de ralentir,

11 s'il vous plaît, pour les interprètes ?

12 M. DOCHERTY : [interprétation] En ce qui concerne les tirs de Sharpstone

13 vers le nord-est de Sarajevo à Sedrenik, l'officier de police qui a répondu

14 à l'incident prévu numéro dix a déclaré que chaque jour, on tirait sur

15 Sedrenik depuis Sharpstone et que de nombreux civils - 100, a-t-il dit, 100

16 c'était beaucoup pour lui - ont été tués ou blessés. Page 3 695.

17 Le Témoin 54 a déclaré que pour les conducteurs du tram, lorsqu'ils

18 prenaient les commandes du tram, ils pensaient ne pas revenir ensuite. Il

19 s'agit de page 1 693, lignes 6 à 13.

20 Un autre témoin a également déclaré qu'il valait mieux rester chez soi que

21 de prendre le tram tellement toute la ville était dangereuse. Il s'agit de

22 la page 1 185, ligne 24, et page 1 186.

23 Un autre témoin, page 1 637, lignes 2 à 12 : "Les Serbes tiraient sur nous,

24 nous pilonnaient tout le temps."

25 Je voudrais également inviter les Juges à se pencher sur la pièce 414

26 [comme interprété], le rapport du lieutenant Van der Weijden de l'armée

27 néerlandaise, aux pages 6 et 7, il déclare qu'il a visité les lieux de tous

28 les incidents de tirs isolés répertoriés figurant dans l'annexe. Ça figure

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1 aux différentes pages dont on peut prendre connaissance ici. Il a déclaré

2 que dans tous les cas, il était difficile d'identifier des victimes comme

3 étant des combattants.

4 En somme, Messieurs les Juges, l'Accusation a prouvé, par le biais de

5 nombreuses preuves que j'ai évoquées ici, et notamment les incidents qui

6 figurent en annexe de l'acte d'accusation, qu'il existait une campagne de

7 tirs isolés à Sarajevo lors de la période couverte par l'acte d'accusation,

8 qui était généralisée et systématique et qui était dirigée contre les

9 civils.

10 Je vous remercie.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Docherty.

12 Monsieur Waespi.

13 M. WAESPI : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

14 L'acte d'accusation modifié accuse l'accusé de pilonnage comme meurtre,

15 numéro 5; comme acte inhumain, chef d'accusation numéro 6; et attaque

16 illicite contre les civils.

17 Comme mon collègue Whiting l'a déjà indiqué, l'Accusation a fourni, a

18 soumis les preuves de trois catégories en ce qui concerne la campagne de

19 pilonnage. Il y a les incidents figurant en annexe 15, des incidents non

20 répertoriés qui sont assez nombreux et il y a également des preuves de

21 manière ou de nature générale.

22 Je vais en parler brièvement. D'abord, les 15 incidents détaillés en

23 annexe, je ne vais pas les passer en revue individuellement, mais pour

24 chacun d'entre eux, nous avons établi qu'il y a eu des victimes civiles,

25 des tués et des blessés, et il a été prouvé que s'ils provenaient de

26 territoire contrôlé par l'armée serbe, qu'il n'y avait aucun objectif

27 militaire qui les motivait.

28 Pour passer aux incidents qui ne sont pas répertoriés en annexe, je

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1 vais en évoquer deux : il s'agit du Témoin W-13 [comme interprété]. Il a

2 déposé au sujet de l'incident de bombe aérienne le 22 juin 1995, dans la

3 rue Getoeva, où un enfant a trouvé la mort. Le compte rendu d'audience est

4 1 212 à 1 214, et le deuxième incident non répertorié que je voulais vous

5 soumettre est un pilonnage dans un bus le 18 septembre 1995. La référence,

6 c'est la page 1 326; en l'occurrence également il y a une pièce à

7 conviction, 147, de l'Accusation.

8 La troisième catégorie des preuves de nature générale, en ce qui concerne

9 ce type de preuve, cela, mon collègue M. Docherty a évoqué les témoins

10 Harland, Turkovic, Eva Tabeau, et cetera. Je suis sûr que mon collègue

11 Edgerton évoquera des incidents relatifs à des tirs isolés et à du

12 pilonnage.

13 Quelques exemples supplémentaires, Messieurs les Juges. M. Overgard a

14 déclaré qu'à la page 636, à Hrasnica, on pilonnait quotidiennement, fin

15 1995, à une époque où M. Tapuskovic a dit ce matin qu'il ne se passait

16 rien. Nous savons de la bouche du Témoin W-57, à la page 4 554, que

17 Hrasnica était occupé essentiellement par des civils.

18 D'autres témoins s'exprimant généralement sur la campagne de pilonnage

19 étaient Azra Sisic, qui a parlé de Dobrinja. Elle a dit qu'il y avait

20 également des pilonnages. Cela est à la page 2 831.

21 Il y a également le témoin Harland, qui a déposé la semaine dernière et qui

22 a parlé des pilonnages punitifs. M. Docherty en a également parlé. Cela

23 signifie que l'objectif de ce pilonnage était d'exercer la pression sur le

24 gouvernement de Bosnie sans objectif militaire. Alors, je cite également :

25 "Le pilonnage était régulier, mais l'intensité s'aggravait lorsque les

26 serbes voulaient obtenir quelque chose, ou, lorsqu'il y avait de la

27 résistance dans un secteur, le pilonnage s'intensifiait."

28 Deux références supplémentaires, Messieurs les Juges, de nos preuves

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1 documentaires, des sources des Nations Unies, notamment. P19, un rapport de

2 la FORPRONU du 2 juillet 1995, et je cite : "Les Serbes ont repris le

3 pilonnage plus ou moins sans distinction de la ville, qui a été étendu à

4 des quartiers habituellement considérés comme relativement sûrs."

5 Le deuxième exemple que je voudrais évoquer, Messieurs les Juges, est la

6 pièce à conviction de la Défense numéro 9, un rapport de la FORPRONU du 24

7 juin 1995, un document éloquent explicite, à mon sens, de la plume de M.

8 Harland, et je cite : "La situation humanitaire est négative. Les civils

9 sont tués en raison des pilonnages par les Serbes des points d'eau et des

10 marchés."

11 Pour conclure, Messieurs les Juges, en se bornant aux incidents en annexe,

12 ceux-ci ont lieu dans tout Sarajevo, depuis le sud-est, le bas de la carte,

13 avec les incidents -- excusez-moi, le sud-ouest, avec les incidents de

14 pilonnage 6 et 19, pour remonter vers Dobrinja, numéro 14, Novi Grad, 24

15 [comme interprété], vers l'est, la vieille ville, l'incident numéro 5.

16 Vous pouvez voir qu'il y a une répartition géographique qui couvre toute la

17 zone urbaine de Sarajevo, et la répartition temporelle est similaire. Nous

18 avons utilisé ces incidents à titre d'exemple, comme l'Accusation l'a

19 constamment fait valoir.

20 Brièvement, les bombes aériennes. Nous avons eu des dépositions et des

21 documents écrits, notamment des documents écrits de l'armée serbe portant

22 la signature de l'Accusation [comme interprété] et selon lesquels le Corps

23 de Romanija-Sarajevo utilisait des bombes aériennes. Vous l'avez entendu

24 souvent. Par définition, ils ne font pas de différence entre les victimes

25 de ces bombes. Quelques citations : l'expert Zecevic, à la page 4 851;

26 David Harland, à la page 440; et le Témoin W-146.

27 Deux exemples qui établissent un lien direct entre le Corps de Romanija-

28 Sarajevo et les bombes aériennes, la pièce à conviction 225 du 7 avril

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1 1995, avec le commandant du corps, l'accusé qui confirme dans un rapport de

2 combat qu'il utilisait ces bombes pour bombarder des zones civiles. Un

3 autre exemple figure à la pièce à conviction P226.

4 Enfin, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme M. Whiting a dit,

5 le Procureur ne réfute pas l'existence d'un conflit en cours, mais il a

6 suffisamment de preuves, et notamment Ghulam Mohatarem qui est un bon

7 exemple, qui était le fait que la RSK a changé de tactiques en cessant de

8 mener un conflit régulier en commençant à cibler les civils. Un bon

9 exemple, vous le trouverez aux pages 712 et 713, et, en réaction à une

10 attaque menée contre l'armée serbe les 16 et 17 mai 1995 à Debelo Brdo, le

11 Corps de Romanija-Sarajevo a commencé par lancer une campagne militaire, et

12 devant les faibles résultats enregistrés, ce corps a commencé à pilonner de

13 manière indiscriminée la partie civile de Sarajevo, faisant de nombreuses

14 victimes.

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation a fourni des

16 preuves selon lesquelles il y a eu une campagne, une campagne qui s'est

17 prolongée dans le temps, qui ciblait les populations civiles à Sarajevo et

18 qui a été menée par le Corps de Romanija-Sarajevo sous le commandement de

19 l'accusé.

20 Merci, Monsieur le Président et Messieurs les Juges.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez d'autres

23 interventions qui sont prévues ?

24 M. WHITING : [interprétation] Madame Edgerton; ensuite moi.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Edgerton, de combien de temps

26 avez-vous besoin ?

27 Mme EDGERTON : [interprétation] Je me suis chronométrée hier et je pense

28 que ce sera de 15 à 18 minutes.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous, vous allez clôturer

2 simplement, conclure simplement, Monsieur Whiting.

3 M. WHITING : [interprétation] Je vais aborder des questions de fond, 15

4 minutes.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais alors à ce moment-là, il vaut

6 mieux faire une pause.

7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 46.

8 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Edgerton.

10 Mme EDGERTON : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais aborder les

11 derniers chefs d'accusation, le chef d'accusation du numéro 1 qui accuse

12 Dragomir Milosevic du crime de terreur, en tant que violation de la loi et

13 coutumes de la guerre.

14 Dans notre argument, nous faisons valoir que les différents éléments

15 de preuve démontrent l'existence d'une campagne de pilonnage et de tirs

16 embusqués et qu'il s'agissait d'une campagne qui avait été conçue, mise en

17 œuvre aux fins de terroriser la population civile de Sarajevo, et c'est le

18 Corps de Romanija-Sarajevo qui a mené à bien cette campagne. Messieurs les

19 Juges, vous avez entendu à maintes reprises des éléments de preuve

20 indiquant que cette campagne a provoqué la terreur.

21 Différents éléments de preuve ont indiqué que cette campagne était

22 généralisée et s'est produite sur une longue période et quelques semaines

23 après l'éclatement de la guerre et aux alentours de Sarajevo autour du

24 printemps de l'année 1992. Messieurs les Juges, Martin Bell, sa déposition,

25 page 5 239, ligne 4, et page 5 240 du compte rendu, ligne 7; Harland, 323,

26 lignes 4 à 12, et 324, lignes 11 à 19; le général Karavelic, ligne -- à la

27 page 4 219, lignes 1 à 5.

28 Ceci s'est poursuivi pendant toute la période couverte par l'acte

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1 d'accusation et s'est même intensifié au cours du printemps de l'année

2 1995. Les références sont celles de Harland, 327, ligne 11 -- lignes 10 à

3 11; 329, lignes 15 à 24 -- pardonnez-moi, 15 à 33; 334, lignes 7 à 24; et

4 Bell à 5 240, lignes 8 et suivantes; 5 244, lignes 3 à 9, et P625 sous pli

5 scellé, à la page 27 de la traduction anglaise.

6 Cette campagne, Messieurs les Juges, était bien en place

7 lorsque l'accusé a assumé le commandement. Au mois d'août 1994, le

8 commandement de la SRK, et on savait déjà, à ce moment-là différents

9 témoins importants ont fourni des éléments de preuve directs en la matière,

10 à savoir que la terreur était le principal objectif de la campagne menée

11 par les corps. Nous avons la déposition de Harland, de John Jordan, du

12 général Sir Rupert Smith, des Témoins 46 et 158. Je souhaite évoquer ceci

13 directement.

14 David Harland, dans sa déposition, a indiqué que l'objectif précis du

15 siège de Sarajevo lui semblait évident pour deux raisons. La première : les

16 Serbes de Bosnie et les dirigeants très précisément le lui ont dit et ils

17 lui ont dit qu'ils se sont servis du pilonnage et des tirs embusqués de

18 Sarajevo pour exercer une pression, comme l'a dit mon collègue M. Docherty,

19 sur le gouvernement de Bosnie, ce qui les obligerait à conclure un accord

20 de paix dans les termes qui agréeraient aux Serbes. Le pilonnage et les

21 tirs embusqués, ce que Harland a indiqué est : "Une campagne de

22 terrorisation [phon] à l'encontre de la population civile a été menée dans

23 le but d'obtenir ce qu'ils souhaitaient." A cet égard, je vous demande de

24 vous reporter aux pages 324, lignes 2 et suivantes -- 324, ligne 2, à 325,

25 ligne 17, et 327, lignes 5 à 22.

26 Deuxièmement : "L'objectif de cette campagne," a dit Harland, "a été

27 manifeste si on tient compte du comportement militaire des forces du

28 corps." La plupart des activités militaires à propos desquelles il a parlé,

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1 il ne s'agit pas simplement d'activités militaires à proprement parler,

2 mais de tirs indirects et de tirs d'artillerie quasi-directs contre la

3 population civile qui habitait dans les quartiers de Sarajevo.

4 L'application de la force était en vue justement de répandre la

5 terreur contre la population civile. Tel était l'objectif. Ceci se trouve à

6 la page 324, ligne 23, et 325, ligne 2, et 326, ligne 20, à 327, ligne 1.

7 "L'utilisation des instruments de terreur," comme l'a indiqué le

8 témoin Harland, "était la principale activité menée par le Corps de

9 Romanija-Sarajevo. C'est effectivement ce qu'ils ont fait." Page 325, à

10 lignes 14 à 18.

11 De surcroît, il a dit : "On pouvait clairement voir qu'il y

12 avait une intensification de ce plan, à savoir l'application de la terreur

13 des Serbes de Bosnie en augmentant les tirs embusqués, en privant de

14 nourriture les habitants, ce qui avait un but politique."

15 "La terreur, en fait, s'en est trouvée accrue et les efforts

16 militaires du Corps de Romanija-Sarajevo ont augmenté d'autant."

17 "Les Serbes ont donc répandu cette campagne de terreur, car ils

18 souhaitaient infliger une souffrance maximum à la population de Sarajevo,

19 afin de faire en sorte que les autorités de l'Etat acceptent un accord de

20 paix qui les favorise." Mais ils ont fait attention de ne pas exercer trop

21 de pression, et à noter que cette dynamique s'est poursuivie jusqu'au mois

22 d'octobre 1995. Je souhaite que vous vous reportiez aux pages 325, lignes 2

23 à 13, et page 325, ligne 23, et à 326, ligne 19.

24 Harland, à titre d'illustration, s'est rappelé les propos tenus par

25 Radovan Karadzic à l'époque. D'après lui, ceci constituait un des facteurs

26 qui permettait de confirmer qu'il ne s'agit pas de faire mourir de faim la

27 population, mais d'affliger la terreur.

28 Pour ce qui est du tunnel de Dobrinja-Butmir : "Karadzic," d'après

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1 Harland, "a dit" -- "Karadzic a dit que les Serbes pouvaient le détruire,

2 mais qu'ils allaient permettre aux Musulmans de respirer." Ils auraient pu,

3 d'après la déposition de Harland, couper court à tous les vivres et à l'eau

4 et obliger les habitants de Sarajevo à se rendre." Mais, en réalité, ils

5 ont décidé de ne pas le faire - à la page 375, lignes 9 à 16 - pour

6 permettre l'utilisation du tunnel.

7 Le principal objectif de cette campagne, d'après leurs points de vue

8 et observations, le général Sir Rupert Smith a certainement indiqué qu'à

9 l'exception, qu'il s'agissait de contrecarrer un attaque militaire, et cela

10 ne faisait pas l'ombre d'un doute dans son esprit que la campagne de

11 pilonnage et de tirs embusqués était particulièrement efficace pour

12 répandre la terreur au sein de la population de Sarajevo, et ce, au

13 quotidien. A la page 3 311, lignes 7 à 22.

14 Je vais maintenant, Messieurs les Juges, vous parler de témoins qui

15 ont témoigné à huis clos, donc je demanderais de passer à huis clos

16 partiel, s'il vous plait.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

19 [Audience à huis clos partiel]

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18 [Audience publique]

19 Mme EDGERTON : [interprétation] Le témoin John Jordan, qui était un pompier

20 volontaire qui, entre autres choses, a aidé la population civile de

21 Sarajevo : John Jordan a indiqué qu'il y avait d'après lui ce qu'il

22 appelait la campagne de terreur contre Sarajevo, tout à fait délibérée. Je

23 souhaite citer ses propres termes, P267, paragraphe 42.

24 Il dit ceci : "Quelle excuse peut-on donner pour tirer sur un sapeur-

25 pompier lorsqu'il tente d'éteindre un feu ? Quelle raison peut-il y avoir

26 pour pilonner un point d'eau et les endroits où l'on peut se procurer du

27 pain sans qu'il y ait d'objectif militaire à cet égard ? Je ne me souviens

28 pas de moment où nous n'avons pas essayé de venir en aide à des blessés, à

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1 des personnes décédées. Je crois que j'ai remarqué que certaines attaques

2 provenaient des tireurs serbes parce qu'ils souhaitaient attaquer les

3 personnes les plus jeunes, les adultes, puis les personnes plus jeunes ou

4 un enfant qui essayait de traverser la rue ou quelque chose. Dans une

5 foule, en général, ils prenaient pour cible la jeune fille la plus jolie."

6 Je crois qu'il s'agissait d'imposer le maximum de douleur et que

7 personne ne puisse survivre.

8 D'après vous, il y a suffisamment d'éléments de preuve qu'une des

9 conséquences de la campagne contre les civils de Sarajevo n'avait aucun

10 sens. Aucun endroit de la ville n'était sûr. Je vous demande de bien

11 vouloir vous reporter à la déposition de Bell, 5 242, lignes 11 à 15; la

12 déposition de Karacic par rapport aux incidents de tirs embusqués à la

13 ligne 8, 1 185, ligne 24, à 1 186, ligne 4; le Témoin 121, à la page 2 833,

14 lignes 13 à 20; et le témoin Jasarevic, à la page 3 004, lignes 11 à 24.

15 Lorsqu'il s'agissait d'aller chercher de l'eau, car on prenait pour

16 cibles les tuyaux d'eau, les approvisionnements en eau, les tireurs

17 embusqués tiraient parfois sur les conteneurs que portaient les gens. Les

18 gens étaient en train d'aller chercher de l'eau entre 2 heures et 3 heures

19 du matin pour éviter d'être pris pour cible. Page 5 259, la déposition de

20 Bell, 18 à 23, P618; P295; paragraphes 19 à 23.

21 Le simple fait de se déplacer signifiait qu'on pouvait être pris pour

22 cible. Chaque fois que les gens sortaient, ils risquaient leur vie. Encore

23 une fois, je souhaite que vous vous reportiez, Messieurs les Juges, à la

24 page 1 657, ligne 15, à la page 1 658, ligne 3; W-62, ligne 82 --

25 pardonnez-moi, page 882, lignes 8 à 15; et P211.

26 Je vais brièvement évoquer, Messieurs les Juges, la question des

27 trois éléments de la thèse de l'Accusation, à commencer par les tirs

28 embusqués.

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1 Messieurs les Juges, je vais demander à passer à huis clos une

2 dernière fois, s'il vous plaît.

3 LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Huis clos, s'il vous plaît.

4 Mme EDGERTON : [interprétation] Huis clos partiel.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, huis clos partiel.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

7 Messieurs les Juges.

8 [Audience à huis clos partiel]

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5 [Audience publique]

6 Mme EDGERTON : [interprétation] L'expert Van der Weijden fait l'écho de

7 ceci à la page 7 de la pièce P514. Il a indiqué que : "Lors d'un tir

8 embusqué, une victime qui fait l'objet d'un tel tir n'a une incidence que

9 sur la victime en question et les personnes qui se trouvent dans un

10 voisinage proche. Mais dans les cas de tirs embusqués, l'effet induit,

11 c'est qu'on ne sait pas très bien comment l'ennemi va réagir et à quel

12 moment, hormis le fait que l'on puisse être atteint."

13 Le général Fraser a indiqué que les tirs embusqués ont eu un effet

14 psychologique indéniable sur la population. Martin Bell - pardonnez-moi, la

15 référence ici est 1 813, lignes 18 à 24 - a indiqué dans sa déposition que

16 des civils ont mis en place des itinéraires précis pour pouvoir aller d'un

17 endroit à un autre en toute sécurité et de sortir de chez eux. Cela se

18 trouve à la page 5 243, lignes 4 à 10, P610.

19 On prenait pour cible les tramways. Le réseau des tramways de Sarajevo

20 pourrait avoir été le symbole du fonctionnement général de la ville. Ils

21 ont cessé de fonctionner en 1992 et ont recommencé à fonctionner à nouveau

22 en 1994. On espérait, comme ceux-ci avaient repris, que les choses iraient

23 mieux, mais en réalité, ils ont été touchés. Cela se trouve à la page 5

24 249, ligne 6, 5 250, et à la pièce P614.

25 Le général Fraser a indiqué que le tramway était la cible préférée à

26 Sarajevo à cause justement de l'effet psychologique que ceci avait sur les

27 habitants de la ville. Lorsqu'on tirait sur un tramway, ceci faisait

28 frissonner les habitants de la ville. Cela se trouve à la page 1 793,

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1 lignes 18 à 14.

2 Les témoins ont parlé de la peur, du suspense de ne pas savoir si on va

3 vous tirer dessus ou pas et peut-être qu'on serait blessé. Ce sentiment

4 prévalait pendant toute la durée de la guerre. Ceci se trouve à la page 1

5 658, ligne 24, et 1 659, ligne 15, et P92. Elles font état de cela.

6 Maintenant, je veux parler du pilonnage. Vous avez déjà entendu mon

7 collègue M. Waespi dire qu'il s'agissait de pilonnage qui était sans

8 distinction aucune, imprévisible, et quelquefois, comme l'ont indiqué

9 certains témoins, cela faisait partie de leur quotidien. Je souhaite que,

10 Messieurs les Juges, vous vous reportiez à la page 185, P164.

11 En fait, le schéma adopté par les artilleurs était celui-ci. Ils ont

12 dispersé le feu et ont tiré de façon arbitraire sur certains quartiers de

13 la ville. Ils étaient peut-être concentrés dans un quartier ou un autre,

14 mais ces tirs d'artillerie ne prenaient pas pour cible forcément des cibles

15 militaires, ne prenaient pas des cibles militaires. Harland a indiqué

16 qu'une des raisons à cela, c'était justement de maintenir ce niveau de

17 terreur. A la page 330, ligne 10, jusqu'à 331, ligne 18.

18 Le brigadier Higgs, dans sa déposition, a indiqué que pour ce qui est des

19 incidents qu'il a analysés lui-même, et en particulier le SS2 - cela se

20 trouve à la page 5 035, à la page 5 038 [comme interprété], et SS 23 à la

21 page 5 030, lignes 8 à 24. Il a conclu que les tirs n'avaient d'objectif

22 militaire et que le seul objectif eut été de provoquer des victimes au sein

23 de la population civile et de répandre la terreur à cause de ces incidents.

24 Un certain nombre d'officiers militaires en plus d'autres témoins ont

25 décrit des bombes aériennes. L'un d'entre eux, le général Fraser, les a

26 décrites comme une arme sans valeur militaire. Cet officier, qui avait une

27 expérience de tous les niveaux du commandement militaire, incluant

28 l'artillerie, a déclaré qu'il ne pouvait pas imaginer une situation de

Page 5629

1 champ de bataille qui appelait l'utilisation d'un tel type d'arme qui a une

2 capacité aussi élevée et qui cause des dommages psychologiques graves

3 auprès de la population. Le général Fraser -- page 1 825, ligne 22, jusqu'à

4 la page 1 827, ligne 12.

5 Cela est corroboré par Knustad, page 1 992, ligne 15, en regard à la

6 page en ce qui concerne SS6, page 646, ligne 20, jusqu'à la page 644, ligne

7 5, et P345, paragraphe 23.

8 Messieurs les Juges, vous avez reçu des preuves selon lesquelles le 6

9 avril 1995, l'accusé a ordonné à la Brigade de d'Ilidza de préparer un

10 lanceur avec une bombe aérienne et de transporter ce lanceur vers la

11 meilleure cible, près de Hrasnica et Sokolovic Kolonija, et selon l'ordre,

12 il fallait "lancer la bombe là où le plus grand nombre de victimes, le plus

13 grand dommage matériel serait causé." Page 226. Cette bombe aérienne est

14 tombée le 7 avril à Hrasnica [phon], abattant cinq maisons et causant un

15 décès. Page 621 -- pardon, P621, P279 jusqu'à 282.

16 Un enquêteur en ce qui concerne cette bombe a déclaré qu'il s'agissait

17 d'arme de destruction massive à l'intimidation. Page 2 326, 17 à 21. Martin

18 Bell a indiqué que les bombes aériennes sont "des armes de destruction

19 massive qui créent traumatisme et stupéfaction".

20 Messieurs les Juges, la totalité des preuves qui vous ont été

21 soumises démontrent que les objectifs que les effets de ces attaques

22 n'avaient pas de valeur militaire importante et ne montraient pas

23 l'intention de conquérir la ville. Ces attaques, selon nos arguments,

24 Messieurs les Juges, vous avez des preuves nombreuses et importantes à cet

25 égard, montrent que c'était le cas et personne n'était en sécurité dans la

26 ville.

27 Voici mes arguments, Messieurs les Juges.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Madame Edgerton.

Page 5630

1 Monsieur Whiting.

2 M. WHITING : [interprétation] Je voudrais à présent aborder la

3 responsabilité individuelle de l'accusé et me concentrer sur les preuves

4 montrant sa capacité de commandant.

5 Comme vous le savez, pour chaque chef d'accusation, il y quatre modes de

6 responsabilité qui sont attribués à l'accusé. De quoi s'agit-il ?

7 Planification, ordre, incitation avec plusieurs responsabilités, de

8 l'incapacité ou le fait de ne pas avoir empêché et de ne pas avoir réprimé.

9 Selon nous, si l'on rassemble toutes les preuves accablantes qui

10 montrent qu'il y avait une campagne de bombardements et de tirs isolés

11 contre ces objectifs civils afin de causer la terreur, toutes ces preuves

12 vous ont été présentées et il y a également des preuves accablantes qui

13 démontrent le fait que l'accusé était commandement et contrôlait le Corps

14 de Romanija-Sarajevo. Ces preuves corroborent également tous les modes de

15 responsabilité, les quatre modes de responsabilité que nous imputons à

16 l'accusé.

17 En ce qui concerne la commande et le contrôle, première chose à dire, les

18 preuves montrent que l'accusé exerçait un contrôle effectif et un

19 commandant effectif du corps en question, et je voudrais me référer au

20 témoignage du général Fraser, pages 1 784, 1 810, 1 811, 1 818.

21 Je vais citer cette dernière page. Le général Fraser a dit : "Oui,

22 Mladic était le chef, oui, il exerçait un commandant et un contrôle

23 spécifique, car il dirigeait l'opération non seulement à Sarajevo, mais

24 dans le reste du pays. Mais dans cette petite case appelée Sarajevo, le

25 général Milosevic était la personne aux commandes."

26 Il y a également la déposition de David Harland à la page 337, je cite :

27 "Nous pensions que le commandement et le contrôle du côté serbe étaient

28 particulièrement forts."

Page 5631

1 David Harland a déclaré, à la page 3 353 [comme interprété], que

2 l'accusé était une "personnalité énergique et autoritaire, davantage peut-

3 être encore que son prédécesseur, le général Galic".

4 Il y a également des preuves, preuves que nous avons obtenues de la

5 Défense, d'ailleurs, du colonel, qui me rappellent l'argument selon lequel

6 la Défense n'a remis en cause aucune des preuves soumises par l'Accusation

7 par le biais du témoin selon lesquelles l'accusé exerçait un commandement

8 effectif et un contrôle effectif du Corps de Romanija-Sarajevo. Nous

9 estimons que tout cela montre que, du fait que la Défense n'a rien réfuté,

10 ce fait a été admis. La Défense aurait dû le réfuter [phon] au titre de

11 l'article 90.

12 Le colonel a également déclaré, aux pages 4 025, 4 010 et 3 989, que

13 l'accusé était le commandant, qu'il passait beaucoup de temps sur le

14 terrain, et il estimait que la SRK avait "un moral de combat et une

15 discipline militaire strict".

16 John Jordan a également déclaré, dans sa déclaration au paragraphe

17 41, dans sa déclaration donc 92 ter, paragraphe 267, également il a dit de

18 vive voix, page 2 645 du compte rendu d'audience, qu'il s'est rendu à

19 Lukavica et il a vu là le quartier général du commandement. Il s'était

20 rendu là six fois. Il s'est rendu compte que, je cite : "Il semblait qu'ils

21 étaient bien organisés. Ils avaient une bonne structure de commandement et

22 également des preuves qui corroborent le contrôle et le commandement

23 effectifs." Page 47.

24 Il y a également le général Rupert Smith, dans le compte rendu

25 d'audience, page 3 418, et il y a également la pièce à conviction P625 sous

26 pli scellé, page 8.

27 Deuxièmement, il y a des preuves qui montrent que les protestations

28 adressées au commandement du corps et les demandes de cessez-le-feu ou

Page 5632

1 visant à autoriser des personnes à traverser les points de contrôle serbes,

2 ces demandes soumises au commandement du corps sont restées sans suite et

3 que cela montre qu'il existait une structure de commandement effectif et de

4 contrôle effectif au niveau du corps. Je voudrais également que vous vous

5 reportiez, Messieurs les Juges, au compte rendu d'audience, pages 1 771 et

6 72, déposition du général Fraser. John Jordan également, dans sa

7 déclaration aux paragraphes 15 et 32, va dans ce sens. Il a également

8 témoigné de vive voix au sujet, page 2 635. Il a également dit que John

9 Jordan a parlé, lui, au paragraphe 40 de sa déclaration portant sur le fait

10 d'obtenir une permission pour traverser les points de contrôle serbes, et

11 cela a pu être fait grâce à cette demande.

12 Un autre major au commandant a également témoigné, page 4 887 [comme

13 interprété], que lorsque l'OMNU voulait que les tirs cessent, ils se

14 rendaient à Lukavica, et généralement, dans les minutes qui suivaient, les

15 tirs cessaient. Le commandant également a parlé des points de contrôle, et

16 effectivement il y a des preuves selon lesquelles les ordres étaient

17 transmis par Mladic et passaient par Dragomir Milosevic. Je voudrais que

18 nous passions à huis clos partiel.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Huis clos partiel.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.

21 [Audience à huis clos partiel]

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5 [Audience publique]

6 M. WHITING : [interprétation] Merci.

7 Le colonel Dragicevic a également expliqué comment les offres provenaient

8 du commandement Suprême et il a indiqué que l'accusé exécutait ces ordres

9 et se les appropriait. Il a pu constater cela par lui-même. Vous pouvez

10 vous reporter à la page 4 056. Il y a également des preuves qui font état

11 d'ordres provenant du commandement Suprême et qui sont exécutés par

12 l'accusé. Ces preuves nous ont été apportées par le général Rupert Smith,

13 pages 3 298, 3 302.

14 Alors, mon argument suivant est qu'il y a des preuves qui ont été

15 apportées par de nombreux témoins, selon lesquelles les bombardements et

16 les tirs isolés faisaient l'objet d'un contrôle au niveau du corps. Je

17 demande le huis clos partiel.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Huis clos partiel.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.

20 [Audience à huis clos partiel]

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24 [Audience publique]

25 M. WHITING : [interprétation] Pour en revenir au fait que c'était le corps

26 qui contrôlait les tirs embusqués et les bombardements, il y a également le

27 général Fraser qui en a parlé, page 1 773; le brigadier à la page 704; le

28 général Rupert Smith, 3 318, 3 321; et M. Higgs, pages 5 005 à 5 006 du

Page 5635

1 compte rendu d'audience.

2 Je voudrais à présent aborder des preuves qui corroborent les preuves déjà

3 [inaudible], c'est qu'au sein du corps il n'y avait pas d'éléments

4 désobéissants, d'éléments incontrôlés. C'est ce qu'indiquent plusieurs

5 témoins, y compris ce que l'on peut trouver à la page 708; et également la

6 déclaration P267 de John Jordan, paragraphe 47; et le major Eimers, pièce

7 585, paragraphe 37.

8 Nous avons également parmi nos preuves de nombreux ordres donnés par

9 l'accusé : P390, P395, P396, P42, P3, P208, P225, P226, D141, P490, plus

10 tous les ordres qui ont été versés par le biais du témoin, et je n'en cite

11 que quelques-unes.

12 Selon nous, toutes ces preuves corroborent et démontrent que l'accusé

13 exerçait un commandement et un contrôle effectifs et l'on peut dériver, de

14 toutes les preuves, qu'il a planifié, ordonné, aidé et encouragé la

15 campagne de terreur menée contre les civils.

16 Enfin, je voudrais à présent parler de la preuve au titre de l'article

17 7(3), l'absence de répression et le fait de ne pas empêcher la commission

18 d'actes. Alors, premier argument, il y a des preuves importantes selon

19 lesquelles le commandement du corps et l'accusé étaient au courant de ce

20 qui se produisait à Sarajevo, de ce que faisait le corps. Ils étaient au

21 courant de cette campagne de bombardements, de tirs isolés et de terreur.

22 C'est d'ailleurs un fait qui était reconnu dans le monde entier et

23 indubitablement connu du commandement.

24 Notamment, il existe des preuves importantes, de nombreuses lettres de

25 protestation qui ont été envoyées à l'accusé et au commandement. Exemples

26 de ces lettres de protestation : P18, P28, P29, P30, P31, P32, P33, P36,

27 P87, P101, P102, P103, P204, P243 [comme interprété], P392.

28 Le général Nikolai a déposé, à la page 937, il a déclaré qu'il a

Page 5636

1 écrit plus de 50 lettres de protestation, et la plupart du temps les

2 réponses étaient soit des dénis, soit des justifications. Page 950 du

3 compte rendu.

4 Deuxième argument, la VRS avait des lois selon lesquelles un commandant

5 était tenu d'ouvrir une procédure en cas de violation de la loi de la

6 guerre. Ces lois peuvent être retrouvées dans les pièces à conviction P474

7 et P475, et on voit comment elles ont été appliquées. Le compte rendu

8 d'audience, page 3 972 et page 3 973.

9 Il est montré qu'aucune enquête n'a été menée et a posteriori aucune

10 poursuite n'a été engagée en cas de violation des lois de la guerre, même

11 si de nombreux autres crimes tels que des vols, négligence de voir et

12 d'autres types de fautes ou de délits ont fait l'objet de poursuite.

13 Je voudrais que vous vous reportiez aux preuves P476 jusqu'à P488. Il

14 s'agit de rapports relatifs aux enquêtes et poursuites entre décembre 1994

15 et octobre 1995, qui montrent que parmi tous les crimes faisant l'objet

16 d'une enquête et de poursuite, aucun ne concernait de violation du droit de

17 la guerre ou des lois de la guerre.

18 Il y a d'autres rapports qui ont été déposés au dossier qui portent

19 sur l'importance de la discipline au sein du corps pour tous les aspects. A

20 cet égard, je voudrais mentionner les pièces P491, P489, D141 et P490.

21 Le colonel a également indiqué qu'aucun crime de guerre n'a fait

22 l'objet d'enquête et de poursuite, aucun au cours de la période couverte

23 par l'acte d'accusation. T3983. Cela a été répété par le commandant Eimers,

24 P595, paragraphe 46.

25 Comme je l'ai dit au début, je pense que vous trouverez suffisamment de

26 preuves pour corroborer les modes de responsabilité pour chacun des chefs

27 d'accusation. A notre sens, tout cela aidait suffisamment et répond aux

28 prescrits de l'article 98 bis.

Page 5637

1 A moins qu'il n'y ait des questions spécifiques en ce qui concerne

2 les différents chefs d'accusation et en ce qui concerne les arguments de

3 l'Accusation, nous concluons notre argument oral.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

5 Est-ce que vous avez quelque chose à dire pour répondre, Monsieur

6 Tapuskovic ? Vous ne devez pas nécessairement.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui. Je veux prendre le temps de répondre

8 à tous ces arguments, mais je me propose d'abord de répondre au travers de

9 tout ce qui vient d'être dit au travers de mon discours liminaire.

10 Je ne veux pas vous fatiguer davantage sur les thèmes évoqués par les

11 membres du bureau du Procureur. Je préfère me pencher et réfléchir à ces

12 différents points, mais je pourrais répondre d'emblée, mais je ne pense pas

13 que je dois vous fatiguer maintenant. Je préfère avoir une analyse et une

14 approche des plus sérieuses. Merci.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.

16 Nous allons lever l'audience pour une demi-heure.

17 --- L'audience est suspendue à 11 heures 53.

18 --- L'audience est reprise à 12 heures 33.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais à présent vous communiquer

20 la décision de la Chambre de première instance au sujet des écritures de la

21 Défense en application de l'article 98 bis.

22 Avant les amendements apportés à ce Règlement ou plutôt à cet article en

23 décembre 2004, l'article 98 bis se lisait : "Les Juges de la Chambre

24 rendront un jugement d'acquittement, prononceront un acquittement de tout

25 chef d'accusation pour lequel il n'y a pas d'élément de preuve susceptible

26 de justifier une condamnation."

27 Alors, et maintenant il faut lire : "A la fin de la présentation des moyens

28 à charge, la Chambre de première instance doit, par décision orale et après

Page 5638

1 avoir entendu les arguments oraux des parties, prononcer l'acquittement de

2 tout chef d'accusation pour lequel il n'y a pas d'élément de preuve

3 susceptible de justifier une condamnation.

4 "Les modifications ou les amendements ont été réalisés pour aboutir à une

5 plus grande rapidité suivant trois modalités. Comme la pratique auparavant

6 l'avait requis, il n'y a plus de présentation de requêtes par écrit, mais

7 une présentation orale, et les Juges de la Chambre doivent rendre une

8 décision de façon orale."

9 Deuxièmement, la nouvelle formulation prévoit une décision relative à

10 l'acquittement au cas où il n'y aurait pas d'élément de preuve susceptible

11 de justifier une condamnation. Cela a d'ailleurs toujours été une norme en

12 vigueur, fait confirmé par l'arrêt rendu par la Chambre d'appel dans

13 l'affaire Jelisic.

14 La Chambre d'appel, en effet, estimait qu'aux fins de déterminer

15 l'applicabilité de l'article 98 bis, serait de savoir s'il y a des éléments

16 de preuve, si admis, pour lesquels le Tribunal serait convaincu au-delà de

17 tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé sur tel ou tel point

18 ou chef d'accusation.

19 La Chambre dit que le test ne consiste pas à savoir si la Chambre

20 arriverait à un jugement au-delà du doute raisonnable partant des éléments

21 de preuve présentés par l'Accusation si ceux-ci sont admis, mais s'il

22 pourrait arriver à cela. Tant qu'il y a des éléments de preuve susceptibles

23 d'étayer un jugement, une condamnation, une requête d'acquittement ne sera

24 pas acceptée, si l'on se penche sur le jugement rendu dans l'affaire Mrksic

25 auquel s'est référé le Procureur pour étayer son argumentation.

26 Nous pouvons dire que la recherche d'éléments de preuve pour étayer

27 une condamnation sera plus aisée à réaliser et plus rapidement réalisé

28 plutôt que la recherche d'éléments de preuve suffisants pour supporter,

Page 5639

1 pour étayer une condamnation.

2 L'article 98 bis se fonde sur le droit et la pratique du "common law" pour

3 ce qui est appelé inexistence de point auquel il convient de répondre.

4 Alors, compte tenu de ce droit et cette pratique, le droit de ce Tribunal

5 dit que l'acquittement peut être cohérent avec le rejet par les Juges de la

6 Chambre du 98 bis et de son argumentation. Cela signifie donc qu'il n'y a

7 pas d'éléments de preuve qui pourraient sous-tendre l'adoption d'une

8 condamnation d'un jugement, et ceci au cas où les éléments présentés par

9 l'Accusation venaient à être acceptés. Mais comme M. Tapuskovic l'a dit

10 lui-même, les Juges de la Chambre ne s'occupent pas maintenant des

11 incohérences ou des contradictions ou, en d'autres termes, ne traitent pas

12 des questions de crédibilité. Ce sont là des questions que les Juges de la

13 Chambre étudieront lorsqu'ils détermineront la culpabilité de l'accusé une

14 fois effectuée la présentation de la totalité des éléments de preuve.

15 Troisièmement, et c'est là le troisième des objectifs visés par les

16 amendements au règlement, c'est cette nécessité de rapidité, et

17 l'acquittement peut être pris en considération lorsqu'il n'y a pas

18 d'éléments de preuve pour étayer la condamnation. S'il y a plusieurs

19 parties de l'acte d'accusation et s'il y a une partie d'éléments de preuve

20 qui n'était pas à l'accusation, il n'y aura pas d'acquittement au cas où

21 des éléments de preuve autres pourraient étayer les chefs de l'acte

22 d'accusation. Le Procureur en a dit autant.

23 Mais de l'avis de la Chambre, cela est loin d'être satisfaisant. Il

24 semblerait que l'article requiert, dans l'exemple fourni, non seulement une

25 argumentation déchue, mais également une partie des chefs d'accusation qui

26 serait considérée comme étant non étayée par des éléments de preuve, qui

27 resterait étant donné que l'un des chefs demeurerait.

28 Alors, de l'avis des Juges de la Chambre, ceci résulte et ceci aboutit à un

Page 5640

1 résultat peu nécessaire et peu pratique. La subsistance de tous les chefs

2 d'accusation ne contraindrait pas les Juges de la Chambre de prendre en

3 considération la totalité de l'affaire, mais de maintenir les points ou

4 d'écarter les points ou les chefs d'accusation qui ne sont pas prouvés.

5 Ceci vise à réaliser l'une des finalités de la règle, à savoir la rapidité

6 de la procédure.

7 En conséquence de cet article, chose qui a été le cas de l'article

8 précédemment en vigueur, étant donné que les chefs de l'accusation avancés

9 devant ce Tribunal sont constitués de plusieurs éléments, il n'y a pas

10 d'éléments de succès, de réussite en application de 98 bis, parce qu'il n'y

11 a pas de règle au terme de laquelle il pourrait y avoir une centaine, voire

12 davantage d'allégations distinctes qui pourraient couvrir 40 municipalités,

13 qui, semble-t-il, auraient été commises par 15 moyens différents. Les

14 détails pourront figurer en quelque 50 annexes.

15 S'il existe des preuves à l'égard pour ces motifs, et non pas pour

16 d'autres, l'argumentation ne tiendra pas. Quand bien même pas d'autres

17 éléments de preuve ne sont présentés eu égard à ces parties-là que la

18 Chambre a constaté ne sont pas étayés par des éléments de preuve, ils

19 devront néanmoins retenir et tenir compte, et, à la fin du procès, trancher

20 la question.

21 Les chefs d'accusation dans l'acte d'accusation devant une juridiction

22 nationale ne sont pas à plusieurs niveaux comme cela est le cas devant ce

23 Tribunal, à moins que ce ne soit que les cas de fraude, par exemple.

24 L'article 98 bis, si cet article doit avoir un quelconque sens, doit faire

25 état de ces différences; si tel n'est pas le cas, cet article n'a pas de

26 véritablement application pratique devant ce Tribunal et donc ne sert

27 véritablement pas à grand-chose.

28 La Chambre n'a pas été en mesure de retrouver l'affaire dans laquelle une

Page 5641

1 requête ou un argument en vue d'acquittement a abouti eu égard tous les

2 chefs d'accusation. Je dois reconnaître que cela est peut-être difficile de

3 déterminer, ceci compte tenu du caractère des actes d'accusation qui sont à

4 plusieurs niveaux. Mais, ad minima, l'article devrait être modifié dans le

5 sens où s'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve pour étayer une

6 partie, un élément d'un chef d'accusation, il faut écarter cet élément,

7 alors que la partie restante du chef d'accusation qui est étayée par des

8 preuves reste dans l'acte d'accusation.

9 Comme cela a été libellé et rédigé jusqu'à présent, un argument

10 présenté et qui donne lieu à l'acquittement de l'accusé à la fin de la

11 présentation des moyens ne pourra aboutir que dans de très rares cas

12 lorsqu'à la fin de la présentation des moyens de présentation, ceci n'a pas

13 pu faire valoir sa cause. Donc, aucun élément dans ce cas-là ne permet

14 d'étayer l'élément matériel ou l'élément moral du crime. Il faut tenir

15 compte en fait du raisonnement, ici. A la fin de la présentation des moyens

16 de l'Accusation, le jury n'a pas d'élément qui lui permet d'étayer une

17 condamnation et par conséquent aussi l'empêche de condamner à tort. Il faut

18 mettre en doute ce qui permet de faire appliquer cet article dans un

19 système où ici le Tribunal de fait n'est pas un Tribunal profane, mais est

20 représenté par des Juges professionnels.

21 Néanmoins, s'il faut retenir cet article, il faudrait le retenir dans la

22 mesure où ceci permet à l'accusé d'aider à sa liberté à la fin des moyens

23 présentés à charge par l'Accusation.

24 Je me tourne maintenant vers les arguments qui ont été présentés. Les

25 éléments présentés par la Défense qui consistent en ceci, et je cite :

26 "Tout à fait incapables de prouver l'existence d'une campagne tout au long

27 de la période pertinente qui avait pour but de prendre pour cible des

28 civils et des cibles civiles."

Page 5642

1 La Défense a également fait valoir le fait qu'aucun élément de preuve ne

2 permettait d'étayer le fait que l'accusé savait ou avait raison de

3 connaître les crimes qui ont été commis par ses subordonnées. A cet égard,

4 la Défense a complètement rejeté la thèse de l'Accusation, à savoir d'une

5 campagne héritée et des déductions que l'Accusation a demandées à la

6 Chambre de faire. La Défense a argué du fait que les faits admis en vertu

7 du jugement antérieur dans l'affaire Galic ne portaient pas sur la

8 responsabilité criminelle de l'accusé en l'espèce.

9 L'Accusation, dans sa réponse, a fourni des éléments très détaillés sur les

10 éléments de preuve qu'elle avait présentés à l'appui d'une condamnation et

11 sur les sept chefs d'accusation. Je vais maintenant me tourner vers une

12 analyse des éléments de preuve. Il y a deux choses que je souhaite d'emblée

13 rendre très claires : la première, c'est que les conclusions auxquelles

14 nous sommes arrivés se fondent sur une analyse du droit, à savoir analyse

15 qui a été faite par la Chambre de première instance; deuxièmement, il n'y a

16 eu aucune contestation faite à l'égard des éléments présentés par

17 l'Accusation, autrement dit qu'il existait un conflit armé à Sarajevo à

18 l'époque qui nous concerne.

19 J'aimerais également préciser que les moyens de preuve sur lesquels

20 s'appuiera la Chambre de première instance et vers lesquels elle se

21 tournera pour rendre sa décision comprennent des éléments de preuve cités

22 par l'Accusation lors de la présentation de ses arguments. Je tiens à

23 rappeler ici qu'il s'agit de tous les chefs d'accusation.

24 Rappelons-nous ces chefs d'accusation; la terreur, en tant que

25 violation des lois et coutumes de la guerre, punissable en vertu de

26 l'article 51 du protocole additionnel I et de l'article 13 du protocole

27 additionnel II aux conventions de Genève et de l'article 3, 7(1) et 7(3) du

28 Statut du Tribunal.

Page 5643

1 Il est allégué que l'accusé avait planifié, ordonné et subsidiairement aidé

2 et encouragé les crimes qui lui sont reprochés dans l'acte d'accusation,

3 qu'il avait responsabilité pénale pour les crimes commis en tant que

4 commandant des auteurs de ces crimes. La Chambre de première instance a

5 entendu des dépositions de bon nombre de témoins, y compris David Harland,

6 Louis Fortin et Thomas Knustad.

7 David Harland a témoigné le 19 janvier et il a indiqué que les bombes

8 ont été lâchées par les Serbes de façon, semble-t-il, arbitraire sur des

9 zones ou dans des quartiers où il y avait une forte densité démographique,

10 de telle façon à ce que ceci provoquerait un petit nombre de victimes dans

11 un nombre d'endroits assez importants. Le personnel de la FORPRONU a

12 supposé que ceci avait été fait en vue de maintenir un niveau de terreur

13 élevé et pour empêcher que tout événement dramatique ne se produise, ce qui

14 aurait provoqué la réponse de la part de la communauté internationale.

15 Bogdan Vidovic a, dans sa déposition, indiqué que Martindvor, et en

16 particulier -- Marindvor en particulier, il a dans sa déposition indiqué

17 que Marindvor, et en particulier un croisement de Marindvor faisait sans

18 cesse l'objet de tirs de tireurs embusqués qui provenaient de positions de

19 la VRS, y compris du bâtiment Metalka.

20 D'autres témoins ont indiqué dans leurs dépositions que plusieurs

21 quartiers de Sarajevo faisaient l'objet de tirs embusqués, et ce, de façon

22 constante depuis les positions tenues par les Serbes et qu'ils devaient se

23 déplacer avec précaution pour éviter d'être touchés.

24 Nous disposons de moyens de preuve qui indiquent les endroits à

25 partir desquels les tireurs embusqués tiraient, étaient sous le contrôle du

26 Corps de Romanija-Sarajevo ou du SRK.

27 Milan Mandilovic a déposé en indiquant que l'hôpital d'Etat a fait

28 l'objet de tirs embusqués et de pilonnage et que tous les 12 étages de

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1 l'hôpital ont été touchés par des tirs d'artillerie. Le côté de l'hôpital

2 qui donne sur le mont Trebevic a été le plus touché. D'après les propos

3 tenus par Bakir Nakas datant de 1994 et 1995, s'agissant de l'hôpital

4 Kosevo et des bâtiments autour de l'hôpital, ils auraient été touchés des

5 dizaines de fois par des obus.

6 Il y a des éléments de preuve présentés montrant que des bombes

7 aériennes modifiées par la SRK ont été utilisées pour tirer des secteurs

8 civils et des bâtiments dans Sarajevo. En outre, les Juges de la Chambre de

9 première instance ont obtenu des éléments de preuve documentaires

10 concernant le détail des attaques à l'encontre de civils avec pilonnages et

11 tirs de tireurs embusqués.

12 Je vais maintenant me référer aux chefs d'accusation 2, 3 et 4 qui

13 sont reprochés à Dragomir Milosevic, l'accusé, et se rapportent à

14 l'assassinat, crime contre l'humanité, pour avoir conduit, coordonné et

15 dirigé des attaques, une campagne dirigée de tirs de tireurs embusqués à

16 l'encontre de la population de Sarajevo et qui ont fait périr ou blesser un

17 grand nombre de civils de tout âge et de tout sexe. Le chef numéro 3, lui,

18 reproche des actes inhumains, une fois de plus un crime contre l'humanité,

19 alors que le chef 4 reproche à l'accusé des attaques illégales contre des

20 civils.

21 Les Juges de la Chambre de première instance ont entendu des

22 témoignages d'un grand nombre de témoins, y compris M. Sanela Dedovic, W-

23 135 [comme interprété] et -- WW-135 [comme interprété] et W-62. Les

24 témoignages desdits témoins indiquent qu'il y a eu des incidents de tireurs

25 embusqués à plusieurs sites à Sarajevo. Sanela Dedovic a déclaré que

26 lorsqu'elle avait 12 ans, il lui est arrivé de traverser une rue, non loin

27 de l'endroit appelé Sharpstone au nord-est de Sarajevo. Elle a été touchée

28 au mollet et elle a été touchée par une balle qui a fait ricochet au niveau

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1 du trottoir. Des éléments de preuve ont été présentés montrant que

2 Sharpstone a été une position occupée par des effectifs de la VRS.

3 Le Témoin W-35 a raconté comment Alma Kotuna a été touchée

4 lorsqu'elle se déplaçait en tramway dans la vieille ville de Sarajevo. Une

5 fois le tramway arrivé jusqu'à l'hôtel Holiday Inn et jusqu'au musée, elle

6 a été touchée à la jambe. Des éléments de preuve existent montrant que le

7 tramway a été touché et ciblé à partir d'un endroit où se trouvaient les

8 positions de la VRS. La balle qui a touché Alma Kotuna dans la jambe a

9 également touché son artère.

10 Il y a d'autres éléments de preuve de présentés pour ce qui est des

11 tirs de tireurs isolés dans l'ouest de Sarajevo. Le Témoin W-62 a témoigné

12 pour dire que le jeune de 14 ans, Adnan Kasapovic a été tué au jour même de

13 son anniversaire lorsqu'il essayait d'emprunter un passage. Il y a des

14 éléments de preuve de présentés indiquant qu'on lui a tiré dessus depuis

15 l'Institut des personnes aveugles à Nedzarici, ce qui était un nid de

16 tireurs isolés notoirement connu de l'armée serbe.

17 Penchons-nous maintenant sur les chefs 5, 6 et 7. Le chef 5 reproche

18 à l'accusé des assassinats, crime contre l'humanité punissable au terme de

19 l'article 5(a), 7(1) et 7(3) du Statut du Tribunal, et ceci pour avoir

20 diligenté une campagne d'attaques à l'artillerie et au mortier ainsi que

21 par largage de bombes aériennes modifiées en direction d'objectifs civils

22 dans Sarajevo ainsi qu'en direction de sa population civile. Il est

23 également indiqué que ces attaques étaient intentionnelles, délibérées et

24 disproportionnées à l'avantage militaire direct qui pouvait en être obtenu.

25 Le chef 6 reproche à l'accusé des actes inhumains, crime contre l'humanité,

26 alors que le chef 7 lui reproche des attaques illégales contre des civils,

27 qui constituent une violation des lois ou coutumes de la guerre.

28 La Chambre de première instance a entendu des témoignages d'un grand nombre

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1 de témoins qui ont relaté les pilonnages des secteurs civils de Sarajevo.

2 Parmi ces témoins, nous pouvons citer Enes Jasarovic ainsi que le Témoin W-

3 138.

4 Enes Jasarovic a témoigné du fait que le 24 mai 1995, une bombe

5 aérienne modifiée de 250 kilos a touché la rue Safeta Zajke devant le

6 numéro 43. Deux personnes ont été tuées, cinq personnes ont été blessées

7 par l'explosion, plusieurs bâtiments à proximité ont été gravement

8 endommagés, ce qui, d'après certains éléments de preuve, constitue des

9 caractéristiques de charge d'explosif utilisée à l'occasion.

10 Enes Jasarovic a également témoigné d'une autre bombe aérienne qui aurait

11 touché le poste de transformateur d'électricité dans la rue Majdanska, non

12 loin de la rue Safeta Zajke. Au poste transformateur, il y a eu deux autres

13 personnes de tuées tandis que quatre personnes ont été blessées. Il y a des

14 éléments de preuve disant que cette bombe aérienne modifiée dans la rue

15 Safeta Zajke est provenue, est arrivée de Lukavica, alors que la bombe

16 aérienne modifiée qui a percuté au niveau du poste de transformateur est

17 arrivée du même secteur d'une façon générale.

18 Le Témoin W-138 a également témoigné pour dire qu'il y a eu des pilonnages

19 du bâtiment de la télévision de Sarajevo. Le 28 juin 1995, une personne a

20 été tuée, 28 personnes ont été blessées lorsqu'une bombe aérienne modifiée

21 a touché le bâtiment de la télévision. Cette bombe aérienne est venue de

22 l'axe ouest, et un autre témoin, Rijalda Musaefendic, a dit que c'était

23 Ilidza qui se trouvait de ce côté ouest par rapport au bâtiment de la

24 télévision.

25 Je me propose maintenant de parler de certains points concrets de

26 responsabilité en application des articles 7(1) et 7(3) des Statuts de ce

27 Tribunal.

28 Il y a des éléments de preuve disant que pendant la période concernée par

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1 l'acte d'accusation, l'accusé se trouvait être commandant de la SRK, et le

2 secteur de responsabilité qui était le sien englobait Sarajevo. Il y a des

3 éléments de preuve montrant que l'une des premières actions entreprises par

4 l'intéressé en sa qualité de commandant avait été celle de participer à des

5 négociations visant à l'aboutissement, à un accord contre la présence des

6 tireurs isolés avec l'ABiH, et suite à quoi il y a eu signature de cet

7 accord. D'après le témoignage d'un observateur des Nations Unies, il y a eu

8 une protestation de la part des observateurs de la mission des Nations

9 Unies disant que ces tirs de tireurs embusqués continuaient de plus belle.

10 Il y a des éléments de preuve disant que l'accusé avait exercé un contrôle

11 effectif ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés avaient

12 l'intention de commettre ce type de délit au pénal. Il n'a pas pris les

13 mesures qui s'imposaient aux fins de prévenir de tels agissements ou de

14 punir les auteurs.

15 S'agissant du pilonnage de Sarajevo, il y a des éléments de preuve

16 indiquant que l'accusé a planifié et donné l'ordre d'utiliser des bombes

17 aériennes modifiées à l'occasion de ces attaques. Il existe des éléments de

18 preuve documentaires indiquant qu'une lettre de protestation lui a été

19 envoyée en personne suite à ces incidents de pilonnage. Au final, il y a

20 des éléments de preuve documentaires indiquant que l'accusé aurait reconnu

21 le fait que la SRK avait procédé au pilonnage du bâtiment de la télévision.

22 De l'avis des Juges de la Chambre de première instance, les éléments de

23 preuve susmentionnés constituent le fondement des critères précédemment

24 discutés et sont à même d'étayer les chefs d'accusation, les allégations

25 figurant aux chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7.

26 Par conséquent, les arguments présentés par la Défense se trouvent rejetés.

27 Y a-t-il d'autres points à évoquer ?

28 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, il y a un autre

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1 point final que j'aurais souhaité évoquer. Pour moi, il s'agit d'un sujet

2 plutôt triste; ceci marque la fin de ma participation à ce procès. Je

3 rentre en effet aux Etats-Unis pour assumer de nouvelles responsabilités.

4 Je serai enseignant, mais c'est une chose dont on pourra discuter

5 ultérieurement. Je tiens à dire que cela a été un plaisir et un honneur que

6 de représenter le bureau du Procureur dans cette affaire devant les Juges

7 de cette Chambre de première instance, et c'est le cœur gros que je quitte

8 l'affaire en cette phase-ci.

9 Toutefois, ceci se trouve être facilité par le fait que je suis en

10 train d'abandonner l'affaire entre les mains de M. Waespi. C'est lui qui se

11 chargera de conduire les travaux de présentation de conduite de cette

12 affaire en compagnie de tous les autres membres de l'équipe. Je suis tout à

13 fait convaincu, à force conjointe, sous la direction de M. Waespi, qu'ils

14 continueront à assurer la conduite de l'Accusation de la façon qui serait

15 celle que vous vous attendriez à voir.

16 Je tiens à dire au revoir aux Juges et aux conseils de la Défense et je

17 précise que je serai très prochainement parti pour les Etats-Unis.

18 Merci, Messieurs les Juges.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Whiting, vous me prenez de

20 court; je n'ai aucune idée de la chose. Bien entendu, ce que je puis dire

21 en mon nom, et je suis assuré du fait de parler au nom de mes collègues de

22 la Chambre, c'est de regretter que de vous voir partir. Je crois que votre

23 participation dans l'affaire et la façon dont vous avez conduit la

24 présentation des éléments à charge se trouvaient à être exemplaires. Ce qui

25 me console, c'est d'apprendre que vous passer vers un secteur que

26 j'apprécie grandement, que je préfère, c'est l'enseignement, l'éducation.

27 Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous allez enseigner ? Est-ce un

28 secret ?

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1 M. WHITING : [interprétation] Non, non, ce n'est pas un secret, mais je ne

2 voudrais pas que l'on parle autant de moi. Je vais apprendre aux étudiants

3 en matière de droit comment il convient de devenir procureur. Je serai donc

4 professeur de droit à la Faculté de droit de Harvard. Cela commencera en

5 septembre. Je vais également enseigner tout ce qui concerne les ministères

6 publics et je vais enseigner, je vais essayer de fournir à mes étudiants et

7 aux autres étudiants des autres pays ce que j'ai appris ici. Je vais bien

8 entendu le faire pour les procureurs tant des Etats-Unis que des autres

9 pays.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis content de l'apprendre. Je

11 tiens à dire tout ce que vous avez réalisé ici nous mène à croire que vous

12 aurez beaucoup de succès à l'avenir. Je tiens également à vous féliciter de

13 l'esprit de coopérativité que vous avez mis en place entre les parties.

14 C'est certainement le meilleur des esprits que j'ai vu s'installer au fil

15 des neuf années que j'ai passées ici à juger différentes affaires au sein

16 de ce Tribunal. Je suis tout à fait certain que cet esprit de coopération

17 se poursuivra.

18 Je sais que M. Tapuskovic veillera à ce qu'il en soit ainsi et je crois

19 bien que M. Waespi en fera de même dans son rôle du nouveau chef de

20 l'équipe de l'Accusation. Une fois de plus, je vous souhaite beaucoup de

21 succès dans votre carrière d'enseignant.

22 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je vous

23 remercie grandement de ces propos et je vous en suis très reconnaissant.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous remercie de

26 m'avoir donné l'occasion, maintenant que je viens d'apprendre le fait que

27 M. Whiting allait quitter cette affaire.

28 Au nom de notre équipe, je tiens à exprimer une grande satisfaction

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1 qui est celle d'avoir eu l'occasion de connaître M. Whiting et de coopérer

2 avec lui de la façon dont cela s'est fait, parce que véritablement, pendant

3 tout le procès, il n'y a eu guère de problèmes du point de vue de

4 communication sur les sujets qui concernent notre tâche conjointe. Je suis

5 assuré du fait de voir cet esprit être maintenu dans le reste l'affaire.

6 Si M. Whiting se propose d'enseigner, je lui souhaite beaucoup de succès de

7 façon tout à fait sincère.

8 Je ne me propose pas d'en dire plus, mais je voulais juste demander

9 aux Juges de la Chambre pour ce qui est de l'admissibilité ou de la

10 recevabilité d'une interjection d'appel pour ce qui est des faits admis.

11 Quand pouvons-nous nous attendre à une décision rendue de votre part ?

12 Parce que c'est de cela que dépendront nos plannings pour ce qui est tâches

13 qui seront les nôtres dans la présentation des éléments à décharge.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons rendre cette décision,

15 dès aujourd'hui.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, et la décision est positive.

18 Elle sera positive vis-à-vis des deux parties en présence. Nous allons

19 procéder à cette certification.

20 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Je tiens à remercier le conseil de la Défense pour les propos exprimés et

22 les sentiments dont il nous a fait part. Je suis certain que la coopération

23 se poursuivra comme par le passé.

24 Merci.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons reprendre jeudi,

26 24 mai, à moins qu'il n'y ait une rectification de la part de notre commis

27 à l'affaire. Ce serait le jeudi 24 mai, à 2 heures et quart, que nous

28 reprendrons cette affaire.

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1 --- L'audience est levée à 13 heures 12 et reprendra le jeudi 24 mai 2007,

2 à 14 heures 15.

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