Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 18 juin 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous allez

7 poursuivre ou est-ce que vous avez terminé ?

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai plus de

9 questions à poser à ce témoin. Je vous remercie.

10 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y avait une carte dont nous avons

12 parlé à la fin de l'audience, Maître Tapuskovic, je ne sais pas si nous

13 avions tranché la question de son admission.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question est de savoir si vous

16 souhaitez que ceci soit versé au dossier ou pas.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vois que ce n'est pas nécessaire pour

18 l'instant. Je crois que le témoin a expliqué un certain nombre de choses,

19 nous n'allons pas insister sur le versement au dossier de ce document.

20 M. WAESPI : [interprétation] L'Accusation souhaite verser au dossier cette

21 carte. C'est très difficile de lire le compte rendu dans lequel le témoin

22 nous a fait part de ses réflexions. Je crois que ceci devrait faire partie

23 du compte rendu, et le compte rendu devrait être présenté comme pièce.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est assez inhabituel que

26 l'Accusation demande le versement au dossier d'une pièce de la Défense.

27 Mais pourquoi pas ? Nous allons accepter l'admission.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si je vous ai compris

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1 et d'après les éléments dont je dispose, ceci n'a pas été consigné comme il

2 se doit avec toutes les annotations, c'est la raison pour laquelle nous

3 n'avons pas demandé son versement. Si cela est sous la forme sous laquelle

4 ce document se trouvait avant, je ne m'oppose pas, mais s'il y a toutes les

5 annotations, il faut le reverser. Si cela est nécessaire, je peux revoir

6 tout ceci avec le témoin, mais je souhaitais simplement gagner du temps.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. WAESPI : [interprétation] Je ne souhaite pas en faire un grand cas. Si

9 la Défense estime que ceci n'est pas le reflet ou l'illustration de ce qu'a

10 dit le témoin dans ce cas-là, je ne vais pas demander le versement.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà admis cette carte et

13 nous maintenons cette position.

14 Monsieur Waespi.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document a été marqué aux fins

16 d'identification précédemment, c'était la pièce D237, mais maintenant ce

17 document est versé au dossier sous la cote P773.

18 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que nous

20 pouvons regarder une nouvelle fois la carte simplement pour nous assurer du

21 fait que nous ne nous opposons pas au fait que ceci devienne une pièce de

22 la Défense. Mais d'après ce que j'ai compris, les annotations ont été

23 enlevées. Mais en tant que conseil à la Défense, évidemment je ne m'oppose

24 pas au versement de ce document.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Tapuskovic, si je me souviens

26 bien comment les choses se sont déroulées jeudi dernier, le témoin a annoté

27 la carte de Dobrinja, mais ensuite, pour une raison technique, tout ceci a

28 disparu. Ensuite, nous avons demandé au témoin de remette les annotations

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1 sur la carte, et je crois que c'est ce que nous voyons à l'écran

2 maintenant. Je trouve que cette carte avec les annotations du témoin a une

3 valeur probante, donc je crois que nous pourrons estimer qu'il s'agit de

4 votre pièce.

5 [Le conseil de la Défense se concerte]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, je crois que nous

7 avons consacré suffisamment de temps à cette question. Veuillez commencer

8 votre contre-interrogatoire, s'il vous plaît.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai été mal informé.

10 Je ne m'oppose pas à ce que cette pièce soit versée en tant que pièce de la

11 Défense, mais d'après ce que j'avais compris ceci avait été perdu, cette

12 pièce n'existait plus. C'est la raison pour laquelle j'essayais de gagner

13 du temps. Bien sûr, le témoin a consigné ces annotations, étant donné que

14 c'est un témoin à décharge, cela devrait être admis comme une pièce de la

15 Défense.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci a été perdu mais retrouvé.

17 Monsieur Waespi.

18 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

19 LE TÉMOIN: LUKA JOVIC [Reprise]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 Contre-interrogatoire par M. Waespi :

22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jovic.

23 R. Bonjour à vous.

24 Q. J'espère que vous vous êtes bien reposé pendant le week-end. Je pense

25 que mon contre-interrogatoire ne devrait pas durer trop longtemps ce matin.

26 Je souhaite vous poser quelques questions. Tout d'abord, questions portant

27 sur votre unité. Vous souvenez-vous du fait que jeudi on vous a posé un

28 certain nombre de questions à propos de votre unité, à propos des armes

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1 utilisées par votre unité, des armes utilisées par l'ABiH. Je crois qu'on

2 vous a posé une question à propos des projectiles que vous avez entendu

3 siffler au-dessus de votre tête à cette époque-là; vous souvenez-vous de

4 cela ?

5 R. Je ne me souviens pas de la date exacte. Il y avait des cordes ou

6 quelque chose de ce genre, je ne sais pas comment ça s'appelle, mais ceci

7 traversait Dobrinja. C'était des lignes qui tombaient sur Dobrinja et les

8 enfants couraient dans la rue pour essayer d'attraper ce fil. On entendait

9 ceci siffler au-dessus de nos têtes et on voyait les cordes, mais à

10 Dobrinja, nous étions en sécurité. C'était assez près des lignes de

11 confrontation, mais c'était encore assez calme.

12 Q. Bien. Je souhaite tout d'abord vous poser cette question-ci, vous nous

13 avez dit que votre unité faisait partie d'un bataillon blindé. Vous

14 souvenez-vous avoir dit cela ?

15 R. Au début, il y avait la TO à Ilidza.

16 Q. Monsieur Jovic, je souhaite que nous nous concentrions à la période qui

17 porte sur l'été 1994 et l'année 1995. Je crois que vous avez dit que vous

18 étiez chargé de l'intendance; est-ce exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Je crois que vous étiez également chargé des transmissions; n'est-ce

21 pas ?

22 R. Je travaillais dans le domaine des transmissions et je m'occupais de

23 l'approvisionnement en nourriture des hommes. Comme il n'y avait pas

24 énormément d'hommes, j'étais également de permanence à côté du téléphone.

25 Q. Ceci valait pour l'époque après août 1995 -- 1994 et l'année 1995,

26 c'est exact, donc c'est à cette époque-là que vous étiez chargé de

27 l'intendance de votre compagnie et vous vous occupiez de transmissions, de

28 la communication en même temps ?

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1 R. En fait je m'occupais de logistique. J'étais en quelque sorte chargé de

2 l'intendance et je devais m'occuper de l'approvisionnement en nourriture

3 des soldats, je travaillais dans le domaine des transmissions aussi.

4 Q. Soit, mais ce qui m'intéresse ici, c'est l'époque en question. Est-il

5 exact de dire que vos responsabilités que vous venez de décrire sont des

6 responsabilités que vous avez eues pendant l'été 1994 et pendant une partie

7 de l'année 1995 ? Est-ce exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Bien, maintenant je vous demande de nous redire ceci, est-ce que votre

10 compagnie avait un numéro, avait un nom ?

11 R. L'unité s'appelait compagnie d'infanterie, et nous avions un bataillon

12 blindé, mais nous n'avons jamais fait partie de ce bataillon, ou plutôt,

13 nous n'avons jamais quitté nos positions au Dobrinja IV, bien que nous

14 étions subordonnés à des échelons supérieurs.

15 Q. Qui était le commandant de votre compagnie, vous avez dit que votre

16 compagnie comprenait quelque 24 ou 25 personnes ?

17 R. A vrai dire, je ne m'en souviens pas. C'était il y a longtemps et je

18 suis un homme âgé. Je ne sais pas comment cela s'appelait. Il y avait des

19 changements sans arrêt. Il y avait quelqu'un qui arrivait, ensuite on

20 fuyait, on quittait nos positions, et cetera.

21 Q. Bien. Vous souvenez-vous du nom d'un autre officier, un capitaine peut-

22 être, un commandant peut-être, qui faisait partie de votre compagnie, de

23 votre bataillon, de votre brigade, est-ce que vous pourriez nous aider et

24 nous donner quelques noms, je parle toujours à cette époque-là, 1994-1995 ?

25 Ce n'est pas grave si vous ne vous en souvenez pas, dites-le moi

26 simplement.

27 R. Je ne m'en souviens vraiment pas. Je ne suis pas en mesure de m'en

28 rappeler.

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1 Q. Merci. Reparlons maintenant de quelque chose que vous avez évoqué

2 jeudi. Vous dites avoir fait partie de la Brigade de Romanija-Sarajevo et

3 je suis curieux parce que la Défense nous a dit que vous faisiez partie de

4 la Brigade d'Ilidza et que vous alliez déposer à propos des armes et des

5 activités de la Brigade d'Ilidza. C'est ce sur quoi nous avons préparé

6 notre contre-interrogatoire. Donc votre compagnie, votre bataillon, qui

7 opérait dans Dobrinja IV, est-ce que cette compagnie faisait partie de la

8 Brigade d'Ilidza ?

9 R. Je ne sais pas comment vous l'expliquer. Nous étions une unité à

10 Dobrinja IV, nous n'étions rattachés à personne en particulier et nous

11 n'étions approvisionnés par personne. Par conséquent, nous avons demandé au

12 président de la municipalité, à savoir le président de la municipalité

13 serbe d'Ilidza, de nous aider étant donné que cela faisait partie autrefois

14 de la municipalité d'Ilidza. Ils ont accepté de nous prêter main-forte et

15 nous ont envoyé de l'aide humanitaire tous les mois à l'intention des

16 civils de Dobrinja. Cela je le sais.

17 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire avec certitude que ceci faisait partie

18 de la Brigade d'Ilidza ou pas ?

19 R. Je maintiens ce que j'ai dit. Nous n'étions rattachés à personne en

20 particulier. Ceux qui étaient là-haut ne nous acceptaient pas comme eux.

21 Nous étions simplement en train de défendre la population de Dobrinja I et

22 IV. Etant donné que nous étions peu nombreux, il y en a d'autres qui nous

23 venaient en aide comme les agriculteurs et les citoyens qui vivaient là.

24 Lorsque il y avait escarmouche, ils venaient nous prêter main-forte.

25 Q. Vous nous avez dit, jeudi je crois à la page 6 708, que vous avez

26 entendu à la radio qu'Ilidza avait été attaquée et pilonnée. C'était au

27 mois de juin 1995. Quel genre de radio s'agissait-il, Monsieur Jovic ? Est-

28 ce que c'était la radio que vous écoutiez puisque que cela faisait partie

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1 de votre deuxième métier, chargé des transmissions ?

2 R. Nous avions des batteries de voiture et l'équipement que nous avions

3 nous l'avions connecté à ces batteries. C'était le seul moyen que nous

4 avions, nous avions un petit transistor, ce qui nous permettait d'écouter

5 les informations.

6 Q. Autrement dit, c'était une radio commerciale, même improvisée, mais ce

7 n'était pas à proprement parler une radio, un système d'écoute ou de

8 transmissions militaires à proprement parler ?

9 R. Bien oui, c'était la radio publique.

10 Q. La brigade autour d'Ilidza, est-ce que cette brigade comprenait aussi

11 Nedzarici ?

12 R. Je vous ai toujours dit que je n'ai jamais quitté Dobrinja IV. D'après

13 les éléments dont je disposais, il y avait la TO à Nedzarici. J'entendais

14 des éléments d'information à la radio par le biais de l'actualité.

15 Q. Vous souvenez-vous du nom du colonel Vladimir Radojcic qui commandait

16 la Brigade d'Ilidza ? Est-ce que ceci vous dit quelque chose ou non ?

17 R. Non.

18 Q. Laissons cela de côté et passons maintenant à la situation à Dobrinja.

19 Où étiez-vous parce que vous étiez chargé de l'intendance en septembre 1994

20 ? Où était votre bureau, votre tranchée ou quelque soit l'endroit où vous

21 étiez à ce moment-là ?

22 R. Nous étions de permanence dans un appartement de ce bâtiment, nous

23 n'étions pas dans les tranchées. Nous montions la garde devant cette

24 partie-là de Dobrinja, devant les appartements.

25 Q. Je crois que vous nous avez dit jeudi que la seule chose que vous

26 pouviez voir c'était la colline de Mojmilo et le ciel qui se détachait au-

27 dessus de Mojmilo. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

28 R. Si je puis ajouter, je voyais également deux grands bâtiments qui font

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1 partie maintenant de la fédération, nous craignions ces deux bâtiments

2 beaucoup parce qu'il s'agit de tours qui dominent l'ensemble du territoire.

3 Ces bâtiments étaient habités par des Serbes.

4 Q. Vous nous avez dit jeudi qu'on vous avait bien précisé de ne pas tirer

5 sur les civils. Vous souvenez-vous ?

6 R. Oui.

7 Q. Cet avertissement, cet ordre qui avait été donné, est-ce que ceci

8 s'appliquait à l'ensemble de la période qui allait de 1992 jusqu'à la fin

9 de la guerre ?

10 R. Toutes les fois qu'on recevait l'ordre, on ne tirait pas. Cela je le

11 sais pour sûr.

12 Q. Je vais encore une fois vous poser cette question. Cet ordre qui a été

13 donné de ne pas tirer sur des civils, est-ce que cet ordre s'appliquait à

14 vous dans la deuxième moitié de l'année 1992, ensuite 1993, 1994, 1995 ou

15 est-ce que ceci ne s'appliquait qu'à une période donnée à ce moment-là ?

16 R. Pour nous, orthodoxes, nous n'avions pas intérêt à tirer sur les

17 civils, nous souhaitions rester à l'endroit où nous étions, nous

18 souhaitions qu'on nous laisse tranquille, nous ne voulions attaquer

19 personne, je peux vous dire que personne n'aurait tiré sur des civils. Si

20 on fait cela, c'est à mon sens un génocide, un crime, un crime

21 épouvantable.

22 Q. Qui vous a demandé de ne pas tirer sur des civils ? Est-ce que vous

23 vous souvenez d'un nom particulier ?

24 R. C'était l'officier de permanence qui nous transmettait les ordres.

25 Cette personne se présentait et disait que des ordres avaient été donnés

26 qu'il ne fallait tirer en aucune circonstance, et si quelqu'un tirait on

27 l'entendrait, et à ce moment-là on recevait un coup de téléphone, et on

28 disait : Quel est l'idiot qui a tiré et pourquoi ? Mais autant que je

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1 sache, aucun de nos soldats n'a jamais ouvert le feu. Il y avait des gens

2 qui nous ont aidés de temps en temps à Dobrinja IV.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jovic.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le conseil de l'Accusation vous a

6 demandé si l'ordre qui avait été donné de ne pas tirer sur des civils

7 s'appliquait à la deuxième partie de l'année 1992, s'appliquait à toute

8 l'année 1993, 1994, 1995. Il souhaitait savoir si l'ordre qui avait été

9 donné de ne pas tirer s'appliquait à toute cette période-là, de 1992 à

10 1995, et vous n'avez pas directement répondu à cette question. Quelle est

11 la réponse à cette question ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait un ordre qui avait été donné dès le

13 début de la guerre, un ordre qui indiquait qu'il ne fallait pas tirer sur

14 la population civile sans raison. En 1992, 1993, 1994, en particulier 1995.

15 C'est un ordre permanent.

16 A Dobrinja, les choses étaient calmes pendant cette période-là.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

18 Monsieur Waespi.

19 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie pour votre aide, Monsieur le

20 Président.

21 Q. Monsieur Jovic, vous nous avez dit que l'officier de permanence vous

22 transmettait les ordres et disait qu'il ne fallait pas tirer sur les

23 civils. Vous souvenez-vous du nom ou du grade qu'avait cet officier de

24 permanence ?

25 R. Comment pourrais-je le savoir ? Je n'ai jamais quitté Dobrinja IV. Je

26 n'entendais qu'une voix au téléphone. C'est une ligne téléphonique qui

27 allait directement à la caserne de Lukavica.

28 Q. Comment se fait-il que c'était un ordre répétitif, si comme vous nous

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1 dites vous n'avez jamais tiré sur des civils ? Pourquoi fallait-il réitérer

2 pendant toute cette époque ?

3 R. Lorsqu'on a ouvert le feu de l'autre côté, autrement dit nous étions

4 pris pour cible, à ce moment-là on ripostait. Ils appelaient lorsqu'ils

5 entendaient des tirs de nos positions. Ils nous appelaient pour nous dire :

6 Ne tirez pas. Ne répondez à aucune provocation. Ne ripostez pas. Ceci

7 arrivait souvent.

8 Il y avait un tireur embusqué qui tirait sur les civils, par exemple, et ce

9 tireur blessait ou tuait un civil, et pour arriver jusqu'à ce civil il

10 fallait prendre pour cible le tireur embusqué afin de faire sortir la

11 personne en question.

12 Q. Vous nous dites que l'ABiH utilisait des tireurs embusqués pour prendre

13 pour cible des civils de votre côté ? C'est ce que vous nous dites en somme

14 ?

15 R. A vrai dire, j'ai vu des tireurs embusqués. J'ai vu leurs fusils. Très

16 souvent, on parle de fusils à lunettes, mais peut-être que c'était un

17 simple fusil, parce qu'il n'y avait pas plus de 100 mètres entre les lignes

18 de confrontation. Il suffisait de sortir la tête, ou s'il y avait une femme

19 et un enfant, c'était facile de se faire tirer dessus.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jovic, veuillez faire

21 attention aux questions qui vous sont posées. La question qui vous a été

22 posée est celle-ci : on vous demande si vous dites que l'ABiH utilisait des

23 tireurs embusqués pour prendre pour cible des civils de votre côté,

24 qu'importe les caractéristiques du fusil. Est-ce que vous dites en somme

25 que l'ABiH utilisait des tireurs embusqués pour prendre pour cible des

26 civils de votre côté ? Est-ce bien cela ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas qu'ils le faisaient. Je n'ai

28 pas vu cela se produire.

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1 M. WAESPI : [interprétation]

2 Q. Merci, Maître Jovic, mais il y avait des civils qui vivaient du côté de

3 Dobrinja contrôlé par l'ABiH, par exemple, dans le secteur Dobinrja II et

4 III. C'est exact, Monsieur Jovic, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Tout comme vous-même, ces personnes devaient passer de l'autre côté

7 pour s'approvisionner en nourriture et en eau; est-ce exact, Monsieur Jovic

8 ?

9 R. Oui, oui.

10 Q. Jeudi pour la première fois, vous avez examiné ces cartes de la SFOR et

11 vous avez encerclé l'église. Je crois qu'il s'agissait de l'église

12 orthodoxe, et vous l'avez annotée de la lettre C. Vous souvenez-vous de

13 cela ?

14 R. Oui. Oui, oui.

15 Q. Dans cette église orthodoxe, cette église serbe orthodoxe, il y avait

16 un excellent point d'observation à partir duquel on pouvait voir tout

17 Dobrinja; est-ce exact ?

18 R. Je n'ai jamais été à l'intérieur de cette église, ni d'ailleurs à

19 proximité.

20 Q. Mais il y avait des gens de votre côté, peut-être que ces personnes,

21 tel que vous l'avez expliqué hier un instant, venaient en aide à votre

22 compagnie, et que ces personnes occupaient cette église orthodoxe-là ?

23 R. Nous n'avons jamais occupé l'église orthodoxe. Pour autant que je

24 sache, j'ai même fait une contribution à la construction de cette église.

25 Il n'y avait aucune nécessité de l'occuper, puisqu'elle se trouvait sur un

26 territoire détenu par les Serbes. C'était sur un territoire occupé par une

27 population orthodoxe, je veux dire où vivaient des Orthodoxes.

28 Q. Mais, Monsieur Jovic, vous-même et votre unité, qu'il s'agisse de votre

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1 compagnie ou du bataillon blindé dans cette zone, vous défendiez cette

2 partie de la ligne de front; est-ce exact ?

3 R. Oui, Dobrinja IV. C'est bien cela.

4 Q. Pourquoi alors n'auriez-vous pas utilisé un point de vue aussi

5 extraordinaire que celui offert par l'église orthodoxe ?

6 R. Ma famille se trouvait dans Dobrinja IV et l'église était plus loin que

7 Dobrinja IV. Je m'occupais de ma famille, ainsi que les familles des gens

8 qui se trouvaient avec moi. Ce qu'ils faisaient de l'autre côté ne

9 m'intéressait pas. Notre objectif était simplement d'empêcher le massacre

10 de la population.

11 Q. Oui, mais ma question portait plutôt sur les personnes qui faisaient

12 partie de votre bataillon, et j'ai dit qu'il y avait peut-être des gens qui

13 faisaient partie de votre bataillon qui étaient assis, observaient et peut-

14 être tiraient à partir de cette excellente position qui était à l'intérieur

15 de l'église orthodoxe serbe. Avez-vous connaissance de personnes qui

16 auraient occupé les positions dans l'église orthodoxe serbe ?

17 R. Je sais qu'elle a été abandonnée, mais très honnêtement, je ne peux pas

18 répondre à votre question.

19 Q. Laissez-moi revenir à ce que vous nous avez dit il y a un instant, j'y

20 ai d'ailleurs déjà fait référence. Vous nous avez dit qu'il y avait les

21 gens qui vous avaient assisté dans la défense de Dobrinja, ceci se trouve à

22 la page 10 aux lignes 14 à 16. Qui étaient ces personnes qui vous sont

23 venues en aide ?

24 R. C'étaient des hommes qui venaient de l'arrière, des cuisiniers ou des

25 habitants des villages alentours, des villages près de la ville qui avaient

26 leurs familles qui vivaient dans ces villages.

27 Q. Vous nous avez dit jeudi également que vous étiez, je crois le

28 président local de Dobrinja. Vous souvenez-vous de cela ? Je veux dire le

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1 président de la commune locale. Ceci se trouve à la page 6 712.

2 R. Oui.

3 Q. Donc, j'en déduis que vous connaissiez et que vous connaissiez encore

4 Dobrinja relativement bien. Pas seulement les parties serbes à l'époque,

5 c'est-à-dire Dobrinja IV et I, mais également Dobrinja II et III; est-ce

6 exact ?

7 R. Oui. J'étais le président de Dobrinja I, donc je connaissais cette

8 région relativement bien, mais je ne connaissais pas si bien les autres

9 zones alentours, tout le monde avait sa commune locale.

10 Q. Mais vous connaissez la rivière Dobrinja qui coulait au centre de

11 Dobrinja II et III ?

12 R. Oui. Je me suis rendu sur les positions dans Dobrinja IV et j'ai vu la

13 rivière qui coulait à Indira Gandhi.

14 Q. Donc, à partir de vos positions dans Dobrinja IV, vous pouviez voir la

15 rivière Dobrinja qui coulait dans cette zone ?

16 R. Non.

17 Q. Mais vous êtes au courant du fait qu'il y avait des ponts au-dessus de

18 la rivière Dobrinja qui reliaient les zones Dobrinja II et III dans le

19 territoire détenu par l'ABiH ?

20 R. Cela se voyait à partir du bâtiment.

21 Q. Vous nous avez également dit jeudi que vous ne pouviez pas croire que

22 des tireurs embusqués tiraient sur une jeune fille ou sur une femme. Vous

23 souvenez-vous de cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Avez-vous eu connaissance du fait que le 6 janvier 1994, une femme de

26 32 ans qui était à bicyclette a fait l'objet de coups de feu alors qu'elle

27 traversait le pont entre Dobrinja II et III, et que l'on a pu établir que

28 les tirs provenaient de l'église orthodoxe, c'est-à-dire l'église orthodoxe

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1 serbe. Avez-vous entendu cela à l'époque ?

2 R. Non. Non, j'en suis désolé.

3 Q. Avez-vous eu vent d'autres incidents, je vais vous donner un exemple.

4 Par exemple, le 11 juillet, une femme de 48 ans a été tuée, encore une fois

5 dans le territoire tenu par l'ABiH, dans la partie de Dobrinja qui était en

6 face de vous, et qu'elle a été tuée lorsqu'elle allait chercher de l'eau

7 dans la rivière de Dobrinja. Avez-vous entendu parler de cet incident ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

10 Juges, on a parlé du 11 juillet, mais pas de quelle année. On ne sait pas

11 de quelle année il s'agissait.

12 M. WAESPI : [interprétation] Je crois que je l'ai dit, mais je suis heureux

13 de le répéter, il s'agit de 1993.

14 Q. Donc le 11 juillet 1993, vous n'avez pas entendu parler du fait qu'une

15 femme de 48 ans a été tuée alors qu'elle allait chercher de l'eau à la

16 rivière de Dobrinja, vous n'avez pas eu vent de cet incident ?

17 R. Non.

18 Q. Vous nous avez également dit, Monsieur Jovic, que de temps à autre vous

19 sortiez pour vous détendre les jambes et jouer au football. Vous souvenez-

20 vous de cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Vos collègues de l'autre côté faisaient la même chose, ils voulaient

23 également se détendre les jambes et jouer au football. Avez-vous entendu

24 que, le 1er juin 1993, un match de football improvisé a été organisé dans

25 Dobrinja III B sur l'aire de stationnement qui se trouvait seulement à

26 quelques centaines de mètres en face de vos positions; et que deux obus de

27 82 millimètres ont été tirés sur une foule nombreuse, environ de 200

28 personnes, avec de nombreux civils, et qu'il y a eu de nombreux blessés. Et

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1 que l'on a déterminé que les tirs provenaient du territoire détenu par le

2 Corps de Romanija-Sarajevo. Avez-vous entendu parler de cela, il s'agissait

3 du 1er juin 1993.

4 R. Laissez-moi vous dire que j'en suis terriblement peiné si cela est

5 arrivé, mais je ne sais pas qui aurait pu faire cela ni pourquoi. Je ne

6 sais pas d'où les tirs auraient pu partir. Peut-être qu'il s'agissait d'un

7 projectile égaré, je ne sais pas.

8 Q. Avez-vous entendu dire qu'en juin 1995, on a bombardé l'école Simon

9 Bolivar que vous avez évoquée jeudi également, et qu'il y a eu nombre de

10 blessés parmi les civils qui faisaient la queue pour s'approvisionner en

11 eau. Avez-vous entendu parler de cela ?

12 R. Je me souviens qu'à la télévision fédérale ils ont parlé de ça. Je dois

13 vous dire que je suis sincèrement désolé du fait qu'il y ait eu tant de

14 victimes, j'en suis désolé pour ma famille, mais aussi pour les victimes de

15 l'autre côté. Je regrette qu'il y ait eu une guerre.

16 M. WAESPI : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

17 Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

19 Y a-t-il des questions supplémentaires ?

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs

21 les Juges, nous n'avons pas d'autres questions à poser.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jovic, ceci conclut votre

23 témoignage; merci d'être venu témoigner à la barre. Vous pouvez maintenant

24 quitter le prétoire.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, puis-je dire quelque chose aux

26 Juges de la Cour ?

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas habituel, Monsieur

28 Jovic, vous avez maintenant donné votre témoignage, c'est la raison pour

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1 laquelle vous êtes venu ici, vous pouvez maintenant repartir.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin suivant ? Le témoin

5 suivant ?

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le témoin suivant sera M. Branislav Dukic,

7 et je pense qu'il est prêt.

8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est au témoin de faire la

10 déclaration solennelle.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare de dire la vérité, toute la vérité

12 et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN: BRANISLAV DUKIC [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Maître

18 Tapuskovic.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs

20 les Juges.

21 Interrogatoire principal par M. Tapuskovic :

22 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez dire votre nom en entier

23 aux Juges de la Cour.

24 R. Je m'appelle Branislav Dukic.

25 Q. Je vous ai déjà dit cela, mais j'aimerais le répéter. Veuillez examiner

26 le compte rendu d'audience à l'écran devant vous, et lorsque vous voyez la

27 fin de ma question apparaître, lorsque le mot stop apparaît à l'écran,

28 veuillez seulement commencer à répondre à ma question.

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1 Donc, vous êtes né le 7 septembre 19 -- ?

2 R. -- 51.

3 Q. A Bosanski Petrovski, en Bosnie-Herzégovine ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous êtes allé à l'école élémentaire à Petrovac ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez suivi un enseignement secondaire technique dans une école de

8 Sarajevo ?

9 R. Oui.

10 Q. La faculté de l'organisation de travail en 1987 à Sarajevo.

11 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûre de l'année.

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

13 Q. Et vous avez vécu à Sarajevo depuis 1965 ?

14 R. Oui.

15 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre où vous travailliez, où vous

16 étiez employé et dans quelle partie de Sarajevo c'était ?

17 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est un honneur tout

18 particulier de témoigner devant vous aujourd'hui. Je ne suis pas venu pour

19 défendre le général Dragoljub Milosevic -- Dragomir Milosevic, mais pour

20 faire état de ma vérité basée sur mon expérience à Sarajevo. Je n'étais pas

21 membre --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes là pour répondre aux

23 questions qui vous sont posées par le conseil. Concentrez-vous sur les

24 questions et répondez-y. Ne faites pas de déclarations spontanées.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas membre --

26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

27 Q. Monsieur Dukic, s'il vous plaît, répondez tout simplement à mes

28 questions. Ceci est très important, s'il vous plaît. Dites-nous simplement

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1 quelle a été votre expérience. Les Juges de la Chambre veulent simplement

2 savoir ce que vous avez vu et quelle a été votre expérience. Je vous

3 demande tout d'abord où vous habitiez et où vous avez été employé.

4 R. Je travaillais à Famos.

5 Q. Un instant, attendez que ma question apparaisse à l'écran, ensuite

6 commencez à y répondre.

7 R. Je travaillais à Famos et je vivais à Hrasnica.

8 Q. Pendant combien de temps avez-vous vécu à Hrasnica, et depuis quand

9 travailliez-vous à Famos ?

10 R. Je travaillais à Famos depuis 1976.

11 Q. Où habitiez-vous avec votre famille et de quoi se composait votre

12 famille ?

13 R. Je vivais dans la rue Partiranska au numéro 2B à Hrasnica. Je vivais

14 avec ma femme et mon fils.

15 Q. Bien, maintenant, veuillez expliquer aux Juges de la Chambre ce qui

16 s'est passé au début de l'année 1992.

17 R. Comme je l'ai dit au début, je n'étais membre d'aucun parti politique,

18 je ne voulais pas quitter Sarajevo. Je suis resté avec ma famille, c'est-à-

19 dire ma femme et mon fils. Mais avant cela, au mois de mars, j'ai été

20 appelé sous les drapeaux par la Défense territoriale d'Ilidza.

21 Q. Merci. Avez-vous reçu des ordres de mobilisation de qui que ce soit

22 d'autre ?

23 R. Non.

24 Q. Qu'avez-vous fait ?

25 R. Je n'ai pas obtempéré à ces ordres de mobilisation, je ne voulais pas

26 porter d'armes, je ne voulais pas porter de fusil.

27 Q. Que s'est-il produit ensuite ?

28 R. Le 18 avril 1992, Samir Agic, un de mes voisins, ainsi que trois autres

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1 hommes, sont entrés dans mon appartement, ont tiré des coups de feu avec

2 une kalachnikov dans le couloir du bâtiment. Ils m'ont arrêté et m'ont

3 menotté avec des menottes en plastique. Mon fils n'avait que 13 ans. Ils

4 l'ont enfermé dans la salle de bain. Ma femme a perdu conscience.

5 Q. Merci. Est-ce que qui que ce soit a été tué ce jour-là ?

6 R. Non, pas ce jour-là. Ils m'ont emmené à l'école primaire Aleksa Santic.

7 Lorsque j'y suis arrivé, j'ai vu environ 25 à 30 hommes dans l'entrée de

8 l'école primaire. Nous avons passé trois ou quatre heures sur place. Nous

9 étions entourés par des hommes en armes qui étaient armés ou équipés

10 d'armes légères. Ensuite après quelques heures, ils nous ont emmené sur le

11 stade de football qui appartenait au club de football Famos. Il y avait des

12 barreaux en bois et en fer à l'extérieur. Ils nous ont mis là. Nous étions

13 gardés par des hommes avec des armes légères.

14 Q. Merci. Combien de temps êtes-vous resté là ? Que s'est-il passé ensuite

15 ?

16 R. Nous avons passé quelques heures là. Ensuite, ils nous ont ramené à

17 l'école, à l'école primaire Aleksa Santic, où j'ai retrouvé un autre groupe

18 de 10 serbes qui avaient été amenés sur place. Ratko Stjepanovic était

19 parmi eux. Il a insulté leur mère musulmane, ensuite ils ont tiré sur lui

20 et ils l'ont tué dans l'école primaire.

21 Q. Vous avez vu ceci de vos propres yeux ?

22 R. Oui.

23 Q. Que s'est-il passé ensuite ? Combien de temps y êtes-vous resté ?

24 R. Nous sommes restés là cinq à six jours. Nous avions des

25 couvertures. Quelques jours plus tard, Amir Sabovic est arrivé, je le

26 connais personnellement. Tous ceux-ci sont des personnes de Famos, ils

27 l'ont présenté comme étant un commandant de la force de police.

28 Quand M. Sabovic m'a vu ainsi que d'autres personnes qu'il

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1 connaissait, il a demandé que nous soyons relâchés, que l'on nous permette

2 de rentrer chez nous. Malheureusement, c'était les Bérets verts de Juka

3 Prazina et il semblait qu'il y avait des ennuis au sein même de ce groupe.

4 Nous avons appris quelques jours plus tard qu'Amir Sabovic avait été

5 renvoyé du commandant de la force de police.

6 Nous avons été amenés de cette école primaire vers un bâtiment résidentiel

7 où on nous a conduits au sous-sol, ils ont jeté quelques planches et

8 quelques couvertures dans le sous-sol pour en faire des lits.

9 Q. Monsieur, veuillez être bref et nous donner que les points les plus

10 importants parce que nous avons peu de temps et vous ne pouvez pas dire aux

11 Juges de la Chambre tout ce que vous avez vu et tout ce que vous avez

12 expérimenté ?

13 R. Nous étions 51 dans notre groupe, ils nous ont immédiatement donné des

14 seaux et des pelles et nous sommes partis vers la source de la rivière

15 Bosna où se trouvait la villa de Tito. Cet endroit s'appelait Stojcevac.

16 J'avais une hache et un de mes camarades avait une pelle et en une journée,

17 nous avons dû creuser une tranchée de 2 mètres 50 en longueur sur 1 mètre

18 50 de largeur. Nous étions en train de creuser des tranchées. Ceci a

19 continué pendant plusieurs jours.

20 Après cela, nous sommes allés à Bojkovici, ensuite à Igman pour y

21 creuser des tranchées ainsi que des tranchées pour des mortiers de 120

22 millimètres. Lorsque je vous dis cela, j'avais la position d'officier de

23 réserve, donc je connais les différents types d'armement.

24 Nous y avons passé un mois à dormir dans les tentes à côté des lignes

25 de front et de leur armée.

26 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé, y avait-il des coups de feu,

27 des tirs de part et d'autre ?

28 R. En 1992, tout au début, il n'y avait pas de coups de feu, mais en 1993

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1 ça a été l'enfer pour nous.

2 Q. S'il vous plaît, Monsieur. En 1993 -- pouvez-vous nous dire ce qui

3 s'est produit en août 1992 ?

4 R. En 1992, le 4 août 1992, les forces musulmanes ont attaqué Famos, il y

5 avait des batailles de grande importance avec des pertes importantes du

6 côté musulman. A environ 17 heures dans l'après-midi, ils ont pris un

7 groupe de 51 personnes, c'est-à-dire notre groupe et ils nous ont utilisés

8 comme boucliers humains pour retirer leurs morts sur la ligne de front.

9 Lorsque nous sommes arrivés sur la ligne de front, en regardant vers

10 Lasica, c'est-à-dire la zone entre Lasica et Famos, nous avons vu qu'il y

11 avait des femmes et des enfants sur place qui se tenaient la main pour

12 terrifier les gens et pour empêcher une contre-offensive par les forces

13 serbes. Ensuite, j'ai vu mon fils de 13 ans parmi ce groupe de femmes et

14 d'enfants.

15 M. LE JUGE MINDUA : Précisons. Le témoin dit qu'il sait très bien

16 distinguer les mortiers de 120 millimètre parce qu'il était en anglais

17 "reserve officer". En français, j'ai entendu la traduction "officier de

18 réserve" mais il y a une certaine confusion parce que "officier de réserve"

19 en français, c'est quelqu'un qui a un rang de commandement, à partir

20 normalement de sous-lieutenant. Mais en anglais "reserve officer", officer

21 ça pourrait être un simple soldat. Donc, que le témoin veuille bien me dire

22 quel était son rang exact, son grade en tant qu'élément de réserve et

23 quelle était sa spécialisation.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

25 Q. Veuillez attendre. Le Juge Mindua voudrait savoir quelque chose.

26 Pouvez-vous expliquer à la Cour comment vous aviez ce grade et à quelle

27 époque, lorsque vous étiez avec la force de réserve ?

28 R. Vous savez que j'ai fait mon service militaire avec la JNA. Une fois

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1 que j'ai terminé mes études universitaires, généralement les gens allaient

2 suivre la formation dans une école d'officier. Ensuite, on leur donnait le

3 rang de lieutenant, second lieutenant et on vous formait au cours

4 d'opérations de manœuvre en temps de paix, après j'ai obtenu le grade de

5 lieutenant. Après cette formation, je n'ai plus participé aux exercices de

6 la force de réserve et je suis resté lieutenant.

7 Q. Vous n'aviez plus d'interactions avec l'armée ?

8 R. Non. Nous étions tous là, prêts à être mobilisés, comme tout autre

9 soldat. La seule différence c'était que nous faisions partie de la force de

10 réserve.

11 M. LE JUGE MINDUA : Donc vous étiez lieutenant, mais est-ce que vous aviez

12 une compétence particulière dans les armes parce que vous avez parlé de

13 mortiers de 120 millimètres ? En d'autres termes, quelle était votre arme

14 de combat ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai travaillé avec des mortiers, j'ai utilisé

16 des mortiers de 120 millimètres. Je faisais partie de l'artillerie.

17 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

19 Q. Après avoir terminé vos études universitaires, vous faisiez partie de

20 la force de réserve ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Entre le 17 avril et la fin de la guerre, où étiez-vous ?

23 R. En prison. J'étais en train de creuser les tranchées. J'ai été échangé

24 le 20 janvier 1995, c'était l'échange qui avait été organisé par le CICR.

25 Q. Qu'est-ce qui est arrivé après le mois d'avril ? Que s'est-il passé au

26 moment où vous avez creusé ces tranchées ? Pourriez-vous nous dire quels

27 étaient les temps forts de cela ?

28 R. Comme je l'ai dit, nous creusions sans cesse des tranchées. Nous avons

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1 commencé à Stojcevac et Igman, et Vojkovici, ensuite Ilidza, Butmir, et en

2 1993, on nous a contraints à creuser un tunnel.

3 Q. Vous avez creusé un tunnel, mais avant cela vous avez creusé des

4 tranchées. Que se passait-il ? Comment étaient les gens qui creusaient et à

5 quoi cela ressemblait-il ?

6 R. Souvent les gens avaient du mal à supporter le harcèlement

7 psychologique et le rude travail qui était le leur. Quelques-uns ont essayé

8 de fuir et de passer de l'autre côté, ensuite ils étaient tués. Quelquefois

9 en l'espace d'un mois, deux ou trois ont été tués, je parle de ceux qui

10 creusaient des tranchées. Nous étions toujours sur le front, et quelquefois

11 on ne savait pas comment cette personne avait été tuée. Soit quelqu'un lui

12 avait tiré directement dessus ou si c'était un obus qui était tombé. On ne

13 savait pas exactement comment les choses se présentaient. On était

14 maltraité par des personnes que nous ne connaissions pas. D'autre part, les

15 personnes que nous connaissions ne souhaitaient pas nous protéger et

16 essayaient d'éviter ce genre de situations. Ceux qui nous traitaient mal

17 étaient toujours des personnes que nous ne connaissions pas.

18 Puis-je ajouter autre chose, s'il vous plaît ? Il y avait des gens

19 qui s'enfuyaient à travers la forêt et qui tombaient à ce moment-là sur un

20 champ de mines. Dans un tel cas, je connais le cas d'un homme qui est resté

21 dans un champ de mines pendant trois mois et personne ne pouvait le faire

22 sortir de là.

23 Q. Vous avez parlé des obus que vous avez pu reconnaître. Est-ce que vous

24 aviez quelque chose à voir avec ces obus ? Est-ce que vous savez à quoi

25 cela ressemblait ?

26 R. Comme nous étions sans cesse avec les soldats sur le front --

27 Q. Veuillez répondre lentement.

28 R. Etant donné que lorsque le camp serbe découvrait leur position, on

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1 découvrait les positions des mortiers à ce moment-là, le commandant nous

2 demandait de déplacer les mortiers et de les mettre dans une autre

3 position. A ce moment-là, il fallait creuser jour et nuit. Il fallait

4 creuser ces tranchées et mettre en place cette nouvelle position. Ensemble

5 avec les hommes, nous étions censés transporter des munitions et des obus.

6 Q. Pourriez-vous nous dire combien de mortiers il y avait à Hrasnica, par

7 exemple ?

8 R. Etant donné que je suis un artilleur, et d'après ma spécialité

9 militaire, je puis vous dire que la batterie d'artillerie comprend six

10 obus, trois fois six obus. C'est-à-dire --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

12 M. SACHDEVA : [interprétation] Peut-être que, je n'en suis pas tout à fait

13 certain, je ne me souviens pas du fait que le témoin ait dit qu'il y avait

14 des obus à Hrasnica. S'il a dit cela, en fait, je crois que la question à

15 ce moment-là serait directrice.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit Hrasnica, j'ai dit Igman.

17 Igman est une montagne. C'est là que se trouvaient les positions.

18 L'INTERPRÈTE : [hors micro]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, évitez de

20 poser des questions directrices.

21 Combien de temps vous faut-il encore pour votre interrogatoire

22 principal ?

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, on m'a donné une

24 heure, j'ai commencé il y a une demi-heure.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est parce qu'à la fin de

26 l'interrogatoire principal, je vais vous demander de nous dire quelle est

27 la pertinence de vos questions par rapport à l'acte d'accusation, les

28 éléments qui permettent d'étayer l'acte d'accusation. C'est afin que vous

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1 puissiez vous préparer.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je m'y attendais.

3 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire ceci, s'il vous plaît,

4 lorsque vous étiez sur vos positions et que vous creusiez des tranchées,

5 combien de temps avez-vous passé en prison ? Commençons par là.

6 R. J'étais en prison à Hrasnica jusqu'au 5 septembre 1994.

7 Q. Merci.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En réalité, j'aimerais que vous

9 répondiez tout de suite. Veuillez me dire, s'il vous plaît, comment les

10 éléments fournis par le témoin dans sa déposition jusqu'à présent vous

11 aident dans la défense de votre client qui est accusé de semer la terreur,

12 de crimes contre l'humanité et d'autres délits ou crimes et violations de

13 la convention de Genève ?

14 Dans sa déposition, il a parlé d'éléments qui semblent tout à fait

15 crédibles, il a indiqué que les Serbes ont souffert aux mains de l'ABiH.

16 Veuillez nous dire comment ce témoignage en particulier est lié aux chefs

17 d'accusation qui figurent dans l'acte d'accusation.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, la déposition du

19 témoin vous permettra d'établir combien de personnes serbes étaient en

20 prison ainsi que combien de personnes d'une autre appartenance ethnique

21 étaient en prison et combien ont été tuées.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi vous avez besoin d'établir

23 combien de personnes étaient en prison ? Je ne vois pas en quoi ceci est

24 pertinent par rapport aux chefs d'accusation.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cela prouve que la population serbe a dû

26 subir la terreur à Sarajevo qui était contrôlée par l'ABiH, cela prouve que

27 cet homme, ainsi que d'autres hommes - je vais faire venir deux autres

28 témoins qui vont déposer à ce sujet - que tout ceci était inutile, cette

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1 souffrance qu'ils ont eu à endurer. D'autant qu'à la fin de la guerre --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est inutile. L'accusé a été accusé

3 de certains crimes et ce que ce monsieur nous dit, c'est que les Serbes ont

4 souffert et l'Accusation ne le conteste pas.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne comprends pas. Le seul mobile pour

6 la période qui nous intéresse et d'autres également, et les raisons pour

7 lesquelles les gens sont restés sur leurs positions, c'est qu'ils

8 souhaitaient éviter le sort dont on parle ici, c'est-à-dire éviter le sort

9 qu'a eu à subir cet homme-ci, c'est-à-dire de pouvoir passer de l'autre

10 côté, le coté serbe, ils essayaient de sauver leur peau et de se défendre.

11 Pendant la période couverte par l'acte d'accusation, de telles

12 personnes restaient sur leurs positions d'une façon à ne pas avoir à subir

13 ce que cet homme et d'autres hommes de l'ABiH ont dû endurer. Il y avait

14 126 prisons sur le territoire de l'ABiH. La souffrance qu'ils constataient

15 les obligeait à rester à l'endroit où ils se trouvaient de façon à ne pas

16 subir le même sort.

17 Dans la zone de responsabilité du Corps de Sarajevo-Romanija, de

18 telles choses ne se produisaient pas. La terreur évoquée ici, en

19 particulier dans la période couverte par l'acte d'accusation, existait en

20 réalité, mais c'était infligé à la population serbe dans la partie qui

21 était contrôlée par l'ABiH, et non pas par la Republika Srpska.

22 Il y avait des centaines de personnes qui ont été tuées alors

23 qu'elles creusaient des tranchées. Ce genre de choses c'était la raison

24 pour laquelle les gens faisaient cela, et parce qu'ils devaient défendre

25 leurs foyers.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La partie la plus pertinente c'est

27 que lorsqu'on parle de la terreur qui a été infligée pendant la période

28 couverte par l'acte d'accusation qui existait en réalité, mais qui était

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1 infligée à la population serbe sur un territoire contrôlé par l'ABiH et non

2 pas à Grbavica et Nedzarici. Donc, vous dites en somme que la terreur dont

3 on accuse votre client dans l'acte d'accusation ne peut pas être attribuée

4 à l'accusé et les Serbes, mais à l'ABiH. C'est comme cela que vous tentez

5 de répondre à l'acte d'accusation ?

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais répondre à votre question,

7 Messieurs les Juges.

8 A ce stade, je ne sais toujours pas quelle est la portée des charges de

9 l'Accusation. Peut-être qu'il s'agit ici de faits qui ont été admis en

10 vertu des jugements antérieurs. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur

11 l'importance de ces questions-là. D'autre part, je n'ai jamais contesté le

12 fait que les activités de combat à l'époque étaient des activités qui ont

13 infligé des souffrances de part et d'autre. Je ne suis pas autorisé à le

14 faire, et je n'oserais certainement pas le faire. Mais de déclarer que le

15 seul objectif de la Republika Srpska était de semer la terreur parmi la

16 population à l'époque qui nous concerne me semble assez déplacé.

17 Dans la période couverte par l'acte d'accusation, compte tenu de tout ce

18 qui se passait et compte tenu de ce qu'a déclaré ce témoin, c'est la raison

19 pour laquelle les Serbes sont restés sur leurs positions. Ils ne

20 souhaitaient pas subir le même sort que celui qui était infligé à ces

21 personnes. Bien sûr qu'il y avait des souffrances de part et d'autre à

22 cause des activités de combat. Je voulais simplement montrer que d'infliger

23 la souffrance et de terroriser la population de l'autre partie de la ligne

24 de front n'était pas leur objectif principal. La terreur existait dans la

25 zone de responsabilité de l'ABiH pendant toute la durée de la guerre. La

26 même situation n'existait pas dans la zone de responsabilité du Corps de

27 Sarajevo-Romanija si on dénombre le nombre de personnes qui ont été tuées

28 en dehors d'activités de combat.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

2 M. SACHDEVA : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu, je

3 souhaite dire que la position de l'Accusation est la suivante : ce n'est

4 pas que le seul objectif de la VRS était de semer la terreur parmi la

5 population civile de Sarajevo, ce n'était pas leur objectif principal. Par

6 conséquent, nous ne sommes pas obligés de prouver que c'était leur seul

7 objectif, que telle était l'activité de la VRS.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'étais sur le point de lire ceci de

9 l'acte d'accusation, article 51, paragraphe 2, du protocole additionnel I

10 et article 32 du protocole additionnel II.

11 "Le principal objectif est de répandre la terreur parmi la population

12 civile," et je suppose de l'interdire. Je suppose que M. Tapuskovic nous

13 dit ceci, que ceci n'a pas été établi -- vous n'avez pas pu établir cela,

14 que l'objectif principal de tels actes de violence ou menaces de violence,

15 tels qu'ils existaient, étaient de répandre la terreur, que la terreur

16 existait, et que ceci arrivait par hasard et n'avait pas un lien direct aux

17 actes et aux menaces de violence qui font partie de la guerre.

18 Donc, c'est peut-être la présentation des moyens présentée de cette façon-

19 là, mais j'ai encore du mal à comprendre quel lien existe entre les

20 éléments présentés et cette déclaration plus générale. Peut-être que vous

21 dites que si la terreur existait, cette terreur était provoquée par l'ABiH,

22 et que c'étaient des actes de violence provenant de l'ABiH, et non pas de

23 l'armée serbe, et que tout acte provenant de l'armée serbe ne

24 correspondrait pas à l'objectif essentiel de ces actes ou de ces menaces de

25 violence.

26 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète. Donc, la terreur existait mais

27 était secondaire, et non pas fortuite, si fortuite ou par hasard.

28 [La Chambre de première instance se concerte]

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, étant donné les

2 circonstances, nous vous autorisons à poursuivre.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pardonnez-moi, Messieurs les Juges, pour

4 la vitesse à laquelle je m'exprime parce que les interprètes ne peuvent pas

5 me suivre et traduire tout ce que je dis. Je vais essayer de clarifier ma

6 position en quelques mots, car je vais vite, et lorsque je vais vite,

7 quelquefois je ne peux pas expliquer les choses comme il se doit.

8 Q. Témoin, pour essayer de faire avancer les choses, lorsque vous étiez en

9 prison, vous nous avez déjà expliqué ce qui s'est passé, combien de

10 prisonniers ont été tués entre la période où vous étiez là et jusqu'en 1994

11 ?

12 R. Je vous ai dit que le 9 septembre 1994 j'étais à Hrasnica. Comme il n'y

13 avait pas de cimetière orthodoxe ou de cimetière serbe à Hrasnica, 96

14 hommes ont été tués y compris trois ou quatre enfants. Un nouveau cimetière

15 a été établi à côté de l'ancienne école élémentaire à l'entrée de Hrasnica.

16 Q. Merci. Mais comment ces personnes ont-elles été tuées ? Pourriez-vous

17 nous citer quelques exemples de personnes que vous connaissiez ?

18 R. Je vous ai dit que dès le début il y a des gens qui ont été tués alors

19 qu'ils tentaient de s'enfuir, d'autres ont été tués chez eux. Certains ont

20 été tués alors qu'ils creusaient et c'est ceux-là que nous avons enterrés;

21 et nous avons placé leurs noms et prénoms sur les cadavres. Lorsque j'ai

22 été échangé, j'ai appris qu'à Hrasnica il y avait 126 tombes.

23 Q. Vous avez évoqué un tunnel. Que pouvez-vous nous dire à propos du

24 tunnel ? A quoi ressemblait le tunnel et vous aviez quelque chose à voir

25 avec ce tunnel ?

26 R. En 1993, nous avons creusé un tunnel sous la piste de Butmir, c'est là

27 que partait la piste du côté de Butmir. Comme je vous l'ai déjà dit, nous

28 avons creusé en direction d'Ilidza, Butmir et Vukovici, nous les

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1 prisonniers, on nous a emmenés pour aller construire et creuser ce tunnel.

2 Et toutes les fois que cela s'avérait nécessaire, on nous envoyait à Igman

3 pour creuser d'autres tranchées.

4 Q. Est-ce qu'il y avait des pertes en hommes de votre côté ?

5 R. Lorsque nous avons commencé à creuser, nous avons commencé à l'endroit

6 où se trouvait une vieille maison, il fallait traverser et passer par le

7 sous-sol de cette maison, et trois hommes ont été tués alors qu'ils

8 creusaient le tunnel parce qu'ils étaient si faibles, ils étaient épuisés

9 et ils n'arrivaient plus à creuser. Ce qui provoquait une rixe et ils

10 étaient tués.

11 Q. Savez-vous qui étaient ces personnes ?

12 R. Oui. L'un d'entre eux était un membre de ma famille, Stevo Dukic, et je

13 peux vous citer les noms d'un bon nombre d'autres personnes mais je vais

14 simplement vous donner son nom à lui.

15 Q. Alors que vous étiez en prison à cet endroit, est-ce que quelqu'un est

16 venu vous rendre visite et vous demandez quel était le sort de ces hommes ?

17 R. Voyez-vous, nous savions que la Croix-Rouge allait venir à Hrasnica,

18 nous avons réussi à parler à des gens de SFOR pour leur demander de l'aide.

19 Malheureusement, ils ne nous ont pas aidés. Le CICR n'a pas pu nous trouver

20 parce qu'ils nous cachaient, ils nous cachaient et ils nous déplaçaient

21 d'un endroit à un autre lorsqu'ils avaient appris que le CICR était sur le

22 point de nous rendre visite.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je crois que c'est l'heure de faire la

24 pause maintenant, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En tout cas, vous êtes très

26 observateur. Tout à fait, c'est l'heure, nous allons lever l'audience.

27 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

28 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Tapuskovic.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

3 Q. Témoin, vous avez dit que vous étiez là d'avril 1992 à septembre 1994 ?

4 R. Oui.

5 Q. Pouvez-vous nous dire, au cours de cette période, qui vous avez vu dans

6 la région ? Si vous voulez bien d'abord expliquer aux Juges de la Chambre

7 ce que prétend être Hrasnica ? Où cela se trouve exactement ?

8 R. Hrasnica était une partie de Sarajevo, une partie de la municipalité

9 d'Ilidza, qui faisait partie de la ville de Sarajevo. La population de

10 Hrasnica était composée d'environ 70 % de Musulmans et de 30 % de Serbes et

11 de Croates. Les forces musulmanes qui en sortaient partaient par Hranisca,

12 Igman, Turcin, ensuite vers la Croatie. C'était là la route de passage

13 principale.

14 Q. Savez-vous quand le tunnel, sur lequel vous avez travaillé, a été

15 terminé et comment il a été utilisé ?

16 R. Le tunnel était assez large pour permettre à deux personnes d'y passer

17 de front, il y avait même des rails qui étaient installés pour qu'un petit

18 train puisse y convoyer des biens. Nous avons chargé des caisses de

19 munitions qui ont traversé le tunnel sur ce petit train.

20 Q. A l'époque vous avez dit qu'il y avait essentiellement des Musulmans,

21 des Serbes et des Croates qui vivaient là, mais alors que vous y étiez qui

22 y avez-vous vu le plus souvent ?

23 R. Je sais que lorsque nous creusions à Igman, nous avons également

24 entrevu ce qui s'appelait la route blanche. M. Alija Izetbegovic, Haris

25 Silajdzic et Ejub Ganic ainsi que d'autres personnages publics passaient

26 par là, personnages du monde de la politique, du monde culturel et de

27 l'armée.

28 Q. Ce n'était pas vraiment la question que j'avais l'intention de vous

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1 poser, mais puisque vous avez dit cela, puis-je vous demander si ces gens

2 vous ont vu sur place ? Est-ce qu'ils savaient qui vous étiez ?

3 R. Oui, ils savaient qui j'étais. Je ne vais pas entrer dans les détails

4 maintenant, mais je sais que la présidence de Bosnie-Herzégovine disposait

5 d'un document dans lequel Alija Izetbegovic m'avait dit que Hrasnica ainsi

6 que d'autres camps étaient des camps pour prisonniers détenus par les

7 Serbes.

8 Q. Pouvez-vous répondre à ma question : qui avez-vous vu là le plus

9 souvent ?

10 R. Les Moudjahiddines sont également passés par Igman.

11 Q. Mais ce n'était pas ma question non plus, mais puisque vous les avez

12 mentionnés, veuillez poursuivre.

13 R. Les Moudjahiddines passaient par Igman et traversaient la région en

14 route vers Sarajevo.

15 Q. Quelle était la situation à l'époque pour ce qui était de la population

16 civile ?

17 R. Pour ce qui est de la population civile, les Serbes ne faisaient que

18 creuser et travailler et ils leur étaient impossible de passer en

19 territoire libre. Ils étaient tout simplement otages.

20 Q. Vous avez évoqué des mortiers. Y avaient-ils des combats, des tirs de

21 coups de feu, avez-vous pu remarquer quoi que ce soit ? A quoi cela

22 ressemble-t-il ?

23 R. Oui, il y avait des coups de feu. Nous étions avec l'armée pendant tout

24 ce temps-là dans ces positions, et bien évidemment ils tiraient des

25 mortiers, des armes légères et tout ce qu'ils avaient à l'époque.

26 Q. Sur quoi tiraient-ils ?

27 R. Ils tiraient en direction d'Ilidza, de Hadzici, de Vojkovici et Trnovo.

28 Q. Pendant combien de temps êtes-vous resté dans cette région ?

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1 R. Je suis resté là jusqu'en novembre, lorsque j'ai été transféré par le

2 tunnel aux casernes Viktor Bubanj.

3 Q. Pouvez-vous nous dire où se trouvaient les casernes Viktor Bubanj ?

4 R. Puis-je décrire comment nous sommes passés par le tunnel ?

5 Q. Oui.

6 R. Lorsqu'ils m'ont amené ainsi que trois autres personnes, puisqu'ils

7 nous transféraient en groupe, j'étais dans le premier groupe avec trois

8 autres personnes. Lorsqu'ils nous ont fait entrer dans le tunnel, il y

9 avait plus de 200 soldats là qui nous attendaient pour nous y faire passer.

10 Lorsque nous sommes arrivés à l'entrée du tunnel, ils nous ont bandé les

11 yeux avec un morceau de tissu blanc. Ensuite, ils ont paniqué, ils ont dit

12 : Est-ce que ce sont les Chetniks que vous avez pris ? Ils ont commencé à

13 nous frapper avec tout ce qui leur tombait sous la main. Quelqu'un a même

14 tiré des coups pour calmer les gens, sans quoi nous aurions tout simplement

15 été tués par les soldats, mais il y avait également des civils parmi eux.

16 Lorsque nous sommes passés par le tunnel en route vers Dobrinja, nous avons

17 rencontré un autre groupe et l'un d'eux m'a demandé s'il pouvait me couper

18 l'oreille. Evidemment, ils ne l'ont pas laissé faire. Ils nous ont mis dans

19 une camionnette et ils nous ont amenés au poste de police de Dobrinja. A

20 Dobrinja, nous sommes restés environ une heure sur place, ensuite ils nous

21 ont amenés aux casernes Viktor Bubanj.

22 Q. Où se trouvent les casernes Viktor Bubanj et que sont devenues ces

23 casernes ?

24 R. Les casernes Viktor Bubanj étaient un camp destiné aux Serbes, et au

25 deuxième et au troisième étage se trouvait le quartier général de l'armée.

26 Lorsque nous sommes entrés dans la caserne Viktor Bubanj, ils m'ont brisé

27 des côtes, je peux même vous montrer, cela se voit très clairement.

28 Ensuite, ils m'ont frappé et ont cassé mes dents de devant, j'étais dans un

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1 triste état, ensuite quelqu'un s'est approché de moi et a enfoncé la pointe

2 d'un couteau dans mon œil droit, vous pouvez même voir la cicatrice ici.

3 Ensuite, un autre garde lui a dit de ne pas faire cela et il lui a dit:

4 Laisse-moi frapper le Chetnik. Puisque j'ai pu frappé mon Alija dans la

5 prison de Foca, mon président, pourquoi ne pourrais-je pas frapper un

6 Chetnik ?

7 Q. Y avait-il quelque contrôle international ou surveillance

8 internationale ?

9 R. Le 10 novembre de la même année, le CICR est arrivé. Il y avait une

10 femme française là qui m'a enregistré et m'a donné un numéro, ensuite elle

11 m'a dit, vous avez survécu, vous êtes maintenant sous notre protection. Ils

12 venaient nous rendre visite à toutes les semaines.

13 Q. Y a-t-il eu une procédure quelconque à votre encontre après environ

14 deux ans et demi ?

15 R. Après notre procès, on m'a donné un acte d'accusation qui disait que

16 j'avais échappé à l'appel, que j'avais fui l'appel, et Alija Izetbogovic,

17 Sulejman Ceric et Jovan Divjak sont entrés dans la caserne, ils sont entrés

18 dans ma cellule, cellule numéro 1, j'ai dû me présenter quand les gardes

19 ont ouvert la porte de ma cellule.

20 Bien plus tard, j'ai vu M. Divjak qui venait à plusieurs reprises.

21 Lorsqu'il a vu mon œil qui était tout gonflé à cause de la blessure de la

22 pointe du couteau, ils m'ont pris de l'autre côté de la caserne où il y

23 avait une clinique de soins ambulatoires, il a vu que j'étais menotté et il

24 a probablement supposé que j'étais Serbe, mais il n'a pas réagi.

25 Q. Vous a-t-on présenté à des juges ?

26 R. Oui, il y avait des juges là, Amir Jaganjac, ainsi que Miso Salem.

27 Lorsqu'on m'a amené sur place j'étais menotté, il a demandé que l'on me

28 laisse les menottes en disant que les Chetniks étaient dangereux même

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1 attachés et ils étaient dangereux lorsqu'ils avaient les mains libres. Il y

2 avait également Idriz Kamenica et Marko Mikerevic en tant que jurés. La

3 sténotypiste était Amasa Mumanagic [phon]; si je m'en souviens bien.

4 Q. Quelle a été la procédure suivie, y a-t-il eu jugement ?

5 R. Nous avons tous été condamnés à deux ans de prison, et après avoir

6 servi notre peine, mon conseiller à l'époque ou celui qui avait été nommé

7 pour ma défense, il s'appelait Senka Nozica, est resté là. Ensuite nous

8 avons été transférés à la prison centrale ou j'ai été mis dans la cellule

9 numéro 79, c'était la prison centrale de Sarajevo. J'ai été maltraité aussi

10 bien par les gardiens qui ne me permettaient pas de me nourrir

11 correctement. En janvier 1995, à travers l'entremise du CICR, il y a eu

12 échange de prisonniers. Ils sont arrivés dans des véhicules blindés et nous

13 avons été échangés près du pont de Brdstvo-Jedinstvo.

14 Lorsque je suis arrivé à Ljubica, j'ai rencontré le général Dragomir

15 Milosevic. Les 52 d'entre nous étaient à l'air libre. Il est arrivé, il a

16 dit : Emmenez ces gens et mettez-les à couvert parce qu'un obus va leur

17 tomber dessus et ils seront tués. Mais avant, je ne le connaissais pas, je

18 ne l'avais jamais vu.

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Tapuskovic, je voulais

20 clarifier l'explication du témoin sur le procès dont il a fait objet.

21 Comprenez-vous, Monsieur le Témoin ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous comprends.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous avez dit que vous avez été amené

24 devant les tribunaux par des juges et qu'on vous a finalement condamné à

25 deux années d'emprisonnement. Ma question est la suivante : de quoi vous a-

26 t-on accusé ? Etait-ce un crime ou un délit que vous étiez censé avoir

27 commis ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] L'Accusation c'était d'échapper à l'appel, de

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1 tenter d'échapper au service militaire, c'est-à-dire le président de la

2 Republika Srpska et son association de prisonniers. J'ai été au tribunal

3 auparavant, j'ai rencontré Mme Carla del Ponte à trois reprises et nous

4 avons fourni toute la documentation pour ce qui est de votre question.

5 Elle m'a demandé la même chose et je lui ai transmis mon acte

6 d'accusation, lorsqu'il a été transmis par le CICR. Elle a haussé les

7 épaules parce qu'il y est indiqué : "A tenté de fuir à l'appel militaire."

8 Au début j'ai dit que ceci n'était pas ma guerre et que je ne voulais pas

9 porter des armes, que je ne voulais pas qu'une telle guerre se produise.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Echapper au service militaire

11 parce qu'il y avait eu un appel destiné à tous ceux qui vivaient à Hrasnica

12 pour rejoindre les rangs de l'ABiH, était-ce cela ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais à l'époque vous aviez déjà été

15 emprisonné pour une période relativement longue, n'est-ce pas ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] En mars, ils avaient commencé à mobiliser des

17 gens et j'ai été fait prisonnier le 18 avril. Au mois de mars, j'ai refusé

18 l'appel et de me présenter pour le service. Je considérais leur armée comme

19 illégale. Il s'agissait de civils, de criminels à mon avis, c'est-à-dire

20 des gens qui ont été pris et sortis de prison. Certaines personnes m'ont

21 dit, enfin la rumeur disait que parmi les Musulmans et les Croates, il y

22 avait des prisonniers qui avaient été relâchés de prison.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

26 Q. Pour établir un lien entre l'interrogatoire et les questions qui ont

27 été posées par le Juge Harhoff, je voulais vous demander la chose suivante

28 : vous n'avez pas été jugé le 18 avril 1992, mais plutôt en 1995, c'est-à-

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1 dire quelques années plus tard, lorsque vous étiez accusé d'un crime ?

2 R. Le procès a eu lieu en 1994. Comme je l'ai dit, nombre de Serbes ont

3 disparus, nous ne savions pas où ils étaient, il n'y avait pas de tribunal

4 à Hrasnica ou quelque soit d'autre. Ils essayaient de nous cacher du CICR

5 et tout cela.

6 Q. Comment expliquez-vous le fait que vous ayez été emmené devant les

7 tribunaux peu après que vous ayez été relâché ?

8 R. Je ne sais pas. J'imagine qu'eux savaient pourquoi. Peut-être parce

9 qu'ils savaient que la fin de la guerre était proche, mais la seule chose

10 que je sais, c'est qu'on a été amenés devant les tribunaux là, à Sarajevo

11 dans la caserne Viktor Bubanj.

12 Q. Quand vous avez rencontré Carla del Ponte, lui avez-vous transmis des

13 documents concernant les camps à Sarajevo ?

14 R. Oui.

15 Q. Merci.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous examiner le document

17 DD003786, s'il vous plaît ?

18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à la suite d'une demande, j'ai

19 reçu du Procureur pour la première fois ce document qui éclaire bon nombre

20 de choses et en particulier bon nombre de points que j'ai essayé de

21 soumettre au témoin. Mais à l'époque lorsqu'ils étaient là, je n'avais pas

22 ce document, et ceci étaient les témoins de l'Accusation. Donc je ne l'ai

23 pas fait traduire, je viens de le recevoir très récemment à ma demande et

24 je vais essayer de le faire traduire aussi vite que possible.

25 Pouvez-vous pour le moment examiner ce document et nous dire quand il l'a

26 donné en personne à Carla del Ponte ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'elle est venue à Banja Luka, elle a

28 entendu parler de notre association, l'association des prisonniers de la

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1 Republika Srpska et elle a demandé de nous rencontrer. Il y a eu une

2 réunion qui a duré deux heures à Banja Luka.

3 Un mois plus tard, la même délégation du Tribunal de La Haye nous a

4 invités à nous rendre au Tribunal à La Haye. Nous sommes restés ici deux

5 jours, le 31 mai 2004 était la date. C'est à cette date qu'elle a pris les

6 documents et signé un accusé de réception. Ce qu'elle voulait, c'était

7 d'avoir accès aux documents sur les victimes civiles principalement parce

8 qu'il y avait des blessés parmi les civils, surtout parmi les Serbes qui

9 sont restés à Sarajevo, les documents portent sur cela.

10 Après cela, Carla del Ponte est revenue à Banja Luka et encore une fois a

11 demandé de nous rencontrer. A cette reprise, nous lui avons également

12 transmis le document. La coopération est encore en cours, soit elle-même,

13 soit des gens de son équipe viennent à Banja Luka et à d'autres endroits en

14 Republika Srpska.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

16 Q. Est-ce la signature de Mme Carla del Ponte qui figure sur l'annexe du

17 document ?

18 R. Oui.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pouvons-nous examiner la première page

20 pour voir la date qui y figure ?

21 Q. Vous pouvez voir la date ? Veuillez regarder le point 11.

22 R. Oui, ça concerne Sarajevo. Le sort des Serbes à Dobrinja, la

23 municipalité de Novi Grad, Pofalici, et cetera.

24 Q. Veuillez me dire ceci : dans la liste que vous avez donnée, combien de

25 camps y avait-il, combien de Serbes sont passés par ces camps ?

26 R. D'après les chiffres que nous avons pour Sarajevo et le nombre de gens

27 qui sont passés par là, il y avait 126 camps.

28 Q. Un moment, s'il vous plaît. Il s'agit de la partie de Sarajevo qui

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1 était contrôlée par l'ABiH ?

2 R. Oui. Il y avait environ 18 000 ou 17 000 personnes, prisonniers dans

3 ces camps, et 90 % d'entre eux étaient des civils. Je voulais également

4 dire ceci, nous avons des informations sur environ 5 000 personnes, des

5 détenus, qui sont passés pour la caserne Viktor Bubanj. La plupart d'entre

6 eux étaient des civils qui ont été arrêtés en 1992 au tout début de la

7 guerre. Malheureusement, nombre d'entre eux n'ont pas été jugés et nombre

8 d'être eux n'ont jamais quitté le camp vivants, la caserne de Viktor

9 Bubanj. Aujourd'hui encore, nous tentons de retrouver certains d'entre eux.

10 Une autre chose importante est que nous avons dit ou demandé à Mme Carla

11 del Ponte de réagir. Il y a maintenant eu un tribunal qui a été établi en

12 Bosnie-Herzégovine. Elle a essayé d'empêcher l'établissement d'un tribunal

13 dans ce bâtiment puisque c'était un camp autrefois, mais il était trop

14 tard.

15 Q. Au cours de ces procès, sur quel point est-ce que les détenus étaient

16 censés défendre leurs positions ?

17 R. Je ne comprends pas.

18 Q. Ce document, la pièce DD003786 --

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Peut-on demander le versement de cette

20 pièce de la Défense au dossier, puisque nous allons devoir l'utiliser plus

21 tard pour d'autres témoins ?

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

23 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une

24 objection quant au motif de la pertinence de ce document. Ce document,

25 l'accusé de réception, fait également état de domaines qui sont à

26 l'extérieur de Sarajevo, Visegrad, Mrkonjic Grad par exemple, et malgré la

27 demande de mon éminent confrère ce matin, la position de l'Accusation que

28 cette souffrance supposée des Serbes à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine

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1 n'a pas d'incidence sur les chefs d'accusation. Bien évidemment -- sauf si

2 c'est la position de la défense que ceci est d'une utilité pour les actions

3 générales de la VRS. Mais je ne vois pas comment ceci est pertinent par

4 rapport aux chefs d'accusation portés à l'encontre de l'accusé.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, mais si vous prenez cette

6 position, Monsieur Sachdeva, que la souffrance des Serbes à l'intérieur de

7 la Bosnie-Herzégovine n'a pas d'impact sur les chefs d'accusation, donc à

8 ce moment-là vous n'avez pas d'objection par rapport à tous les éléments de

9 preuve pour tous les témoins, parce que c'est cela dont on parle.

10 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais l'intention à

11 un moment donné de soulever une objection sur ce point, mais ensuite,

12 Monsieur le Président, votre question exigeait que la Défense explique leur

13 position. De l'avis de l'Accusation, c'est que nous ne sommes toujours pas

14 d'accord que ces éléments de preuve apportés contre ce témoin sont

15 pertinents par rapport aux chefs d'accusation.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous quelque chose à répondre à

17 cela, Maître Tapuskovic ? Le Procureur dit que ce point en particulier que

18 vous cherchez à démontrer à travers cet élément de preuve n'a pas

19 d'incidence. Tout d'abord, il dit d'après ce que je comprends qu'il traite

20 d'une région qui est à l'extérieur de Sarajevo. Qu'avez-vous à dire par

21 rapport à la demande d'admission de cette pièce ?

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

23 Juges, tout d'un coup Hrasnica semble se trouver à l'extérieur de Sarajevo,

24 alors que jusqu'à présent nous avons entendu parler de différentes choses à

25 l'intérieur de Hrasnica. Et pourtant, pour la première fois, nous

26 apprenons, d'après le Procureur, que Hrasnica ne fait plus partie de

27 Sarajevo. C'est la première chose que je voulais dire.

28 La seconde, c'est que bien qu'il y ait peu de temps qu'il nous reste, le

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1 point 11 ne fait pas mention de Mrkonjic Grad, quelqu'un l'a dit de

2 l'Accusation, mais il mentionne Sarajevo et Dobrinja.

3 Pourrions-nous passer à huis clos pendant un instant pour que je puisse

4 m'expliquer ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous sommes à huis clos

6 partiel.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges, j'ai reçu ce document pour la première fois --

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes

10 maintenant à huis clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

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21 [Audience publique]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de poursuivre, je devrais dire

23 que demain au début de l'audience, demain après-midi, je consacrerai une

24 demi-heure environ à la question de la pertinence. Je vais insister sur une

25 question qui est fort importante pour moi ainsi que pour mes collègues. Je

26 vais entendre la Défense et l'Accusation sur cette question.

27 C'est une question qui revient sans cesse dans la présentation des

28 moyens à décharge de la Défense. Je souhaite avoir un débat général là-

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1 dessus, je souhaite entendre les arguments des parties, ceci va durer 20

2 minutes. Donc, les 20 à 25 premières minutes de l'audience de demain après-

3 midi.

4 Veuillez poursuivre, Maître Tapuskovic.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

6 d'autres questions à poser au témoin.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est à vous, Monsieur Sachdeva.

8 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Contre-interrogatoire par M. Sachdeva:

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Dukic, je m'appelle Manoj Sachdeva,

11 je suis un avocat qui travaille pour l'Accusation et je vais vous poser

12 quelques questions aujourd'hui.

13 R. Bonjour à vous également.

14 Q. Puis-je commencer par ceci. Je souhaite confirmer que vous avez été

15 détenu entre le mois d'avril 1990 jusqu'au mois de septembre 1994 à

16 Hrasnica. Est-ce exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Lorsque vous dites que vous avez été "détenu", je suppose que vous

19 entendez par là qu'on vous avait ôté votre liberté ?

20 R. Oui.

21 Q. Or, dans votre déposition, vous dites avoir été détenu dans des camps

22 au cours de cette période qui couvrait plus d'un an ?

23 R. Oui.

24 Q. Mais est-il exact de dire, n'est-ce pas, que lorsque vous êtes allé

25 dans les tranchées, vous rentriez chez vous à Hrasnica à ce moment-là,

26 n'est-ce pas ?

27 R. Non. Nous avions des locaux dans un bâtiment résidentiel et nous

28 passions jusqu'à un mois dans les bois à Igman, un mois à la fois.

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1 Q. Je souhaite comprendre ce que vous dites. Est-ce que vous dites

2 qu'entre le mois d'avril 1992 et jusqu'au mois de septembre 1994, vous

3 n'avez pas pu passer les soirées et les nuits chez vous dans votre maison à

4 Hrasnica; est-ce exact ?

5 R. Quelquefois, ils laissaient les gens rentrer chez eux pour qu'ils

6 puissent voir leurs familles pendant la journée, sinon nous étions toujours

7 dans ces locaux.

8 Q. Donc, au cours de cette période qui va du mois d'avril 1992 au mois de

9 septembre 1994, combien de jours avez-vous passé dans votre maison avec

10 votre famille à Hrasnica ?

11 R. Deux fois seulement parce que ma famille est partie. Si c'est

12 nécessaire, je vais vous expliquer dans quelles conditions elles sont

13 parties.

14 Q. Je souhaite clarifier ceci simplement, je souhaite savoir comment vous

15 êtes rentré chez vous, j'aimerais comprendre. Vous dites dans votre

16 déposition que vous êtes rentré deux fois chez vous au cours de cette

17 période et que vous avez passé une nuit à la maison à ces deux occasions.

18 Est-ce que c'est exact ?

19 R. Lorsque j'ai dit "deux fois", j'ai voulu dire deux fois. J'ai demandé à

20 aller pour pouvoir prendre un bain.

21 Q. Oui, j'ai entendu que vous avez dit deux fois. Mais est-ce qu'il

22 s'agissait deux fois pendant une semaine, quinze jours; ou simplement deux

23 fois pour une seule nuit; ou deux fois qui correspondaient à trois ou

24 quatre mois. Lorsque vous dites que vous êtes rentré chez vous deux fois,

25 vous êtes rentré deux fois et vous y avez passé une nuit. C'est cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Monsieur Dukic, vous avez remis une déclaration au tribunal de Banja

28 Luka en mars 1995, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. C'était à peu près un mois et demi après votre remise en liberté à

3 Sarajevo en janvier 1994. Est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. En mars 1995, il est exact de dire, n'est-ce pas, que les événements

6 que vous avez vécus à Sarajevo étaient encore très présents dans votre

7 mémoire ?

8 R. Oui.

9 Q. Je suppose que lorsque vous avez fait cette déclaration à Sarajevo,

10 vous avez précisé tous les éléments dans le détail pour être sûr que le

11 tribunal puisse tout entendre sur la période que vous avez passée en

12 détention, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, ils m'ont posé des questions. Je n'ai pas expliqué ici tout ce qui

14 s'est passé, mais dans la cellule, lorsque je creusais des tranchées, je

15 crois qu'il y a certaines choses. L'équipe qui m'a interrogé ne cessait de

16 me poser des questions et découvrait ce qui s'était passé à cet endroit-là

17 ?

18 Q. Oui, j'entends bien.

19 R. Pardonnez-moi, je sais qu'il est dit ici qu'ils nous ont uriné dessus.

20 Je n'ai pas dit ceci ici, mais cela figure dans ces déclarations-là; car

21 ils venaient du Tribunal de La Haye, ils m'ont posé des questions à ce

22 sujet.

23 Q. Peut-être que nous ne nous comprenons pas bien. Nous ne parlons pas

24 d'une déclaration que vous avez remise au TPIY, vous avez remis une

25 déclaration, je sais. Je parle de la déclaration que vous avez faite au

26 tribunal de Banja Luka en mars 1995. Vous comprenez bien que je parle

27 maintenant de cette déclaration-là, n'est-ce pas ?

28 R. Non. Je ne suis au courant que d'une déclaration que j'ai faite et que

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1 j'ai donnée aux enquêteurs du TPIY.

2 Q. Monsieur Dukic, je vais reprendre. Vous avez fait une déclaration de

3 donner une déclaration au tribunal de première instance de Banja Luka en

4 mars 1995, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. C'est de cette déclaration dont je souhaite parler maintenant.

7 J'aborderai un peu plus tard la déclaration que vous avez remise au TPIY.

8 Je souhaite vous poser ces questions, lorsque vous avez remis ces

9 déclarations au tribunal de première instance de Banja Luka, vous avez dit

10 que les éléments que contenait cette déclaration étaient, à votre

11 connaissance, exacts ?

12 R. Je ne me souviens pas très bien de cette déclaration. C'était sans

13 doute encore gravé dans ma mémoire à l'époque. Je ne sais pas si c'est

14 pertinent, je ne sais pas si les juges étaient compétents et pouvaient

15 recueillir ces déclarations, je ne sais pas. Mais je m'en tiens à tout ce

16 que j'ai dit aux enquêteurs du Tribunal de La Haye.

17 Q. Donc, si j'ai bien compris, vous dites que lorsque vous avez relu cette

18 déclaration au tribunal de Banja Luka, vous dites que tout ceci était

19 encore gravé dans votre mémoire et que ce que vous avez dit au tribunal

20 était exact et correspondait à la vérité. Etes-vous d'accord avec cela ?

21 R. Certains moments, certains événements sont encore gravés dans ma

22 mémoire.

23 Q. Concentrons-nous sur la déclaration que vous avez donnée à Banja Luka.

24 Lorsque vous étiez devant ce tribunal, vous deviez dire la vérité; n'est-ce

25 pas ?

26 R. Oui.

27 Q. On vous a également prévenu des conséquences d'un faux témoignage

28 lorsque vous avez déposé devant ce tribunal; n'est-ce pas ?

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1 R. Ils ont recueilli ceci lorsque nous avons quitté les camps. Ce n'était

2 pas les juges.

3 Q. Monsieur Dukic --

4 R. C'étaient des gens qui prenaient nos déclarations.

5 Q. Je crois que nous avons encore du mal à nous comprendre et je vais

6 reprendre encore une fois. En mars 1995, est-ce que, oui ou non, vous avez

7 donné une déclaration au tribunal de première instance de Banja Luka faite

8 devant un juge qui s'appelait Djordje Stojakovic ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous dites dans votre déposition que vous n'avez pas remis

11 une déclaration au tribunal de première instance à Banja Luka ? Vous dites

12 que ceci n'est pas arrivé du tout ?

13 R. Je ne me souviens pas de cette personne. Je ne souviens d'aucun juge

14 qui ait recueilli une de mes déclarations.

15 Q. Peut-être que je peux vous aider à vous rafraîchir la mémoire.

16 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je demander

17 l'affichage à l'écran de la pièce 65 ter 03289, s'il vous plaît ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, est-ce que ma signature figure

19 sur ce document ?

20 M. SACHDEVA : [interprétation]

21 Q. Je vais vous montrer dans un instant. Monsieur Dukic, vous voyez qu'il

22 s'agit là d'un "compte rendu d'un entretien avec le témoin." Est-ce que

23 vous voyez cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous voyez quel est le nom du juge ici, Djordje Stojakovic; vous voyez

26 cela ?

27 R. Je ne connais ni cette personne, ni Jagoda Borojevic -- je ne les

28 connais pas.

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1 Q. Mais il s'agit bien de votre nom, Monsieur Dukic; n'est-ce pas ?

2 R. Oui, je le vois.

3 M. SACHDEVA : [interprétation] Si nous allions à la fin du document, s'il

4 vous plaît ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma signature.

6 M. SACHDEVA : [interprétation]

7 Q. Ça c'est votre signature ?

8 R. Oui.

9 Q. Donc, vous vous souvenez maintenant avoir été devant le tribunal de

10 première instance à Banja Luka ?

11 R. Je ne m'en souviens pas, je ne me souviens pas de cette personne,

12 Djordje Stojakovic.

13 Q. Je ne vous pose pas de questions à propos du greffier, ni du juge. Je

14 vous demande de confirmer qu'il s'agit bien de votre signature ? Et si

15 c'est votre signature, vous avez donné une déclaration au tribunal de

16 première instance de Banja Luka. Vous en conviendrez, n'est-ce pas ?

17 R. Oui. Mais, je ne me souviens pas.

18 Q. Vous êtes d'accord, n'est-ce pas, que quand vous avez fait cette

19 déclaration au tribunal de première instance, vous aviez l'obligation de

20 dire la vérité et de vous souvenir de tous les événements de la façon la

21 plus précise possible; n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Au mois de mars 1995, c'eut été plus facile pour vous de vous souvenir

24 de tous les événements qui se sont déroulés à Sarajevo parce qu'ils étaient

25 encore gravés dans votre mémoire, comme vous l'avez dit ?

26 R. Oui.

27 Q. Je souhaite maintenant vous demander de vous reporter à un

28 passage précis de cette déclaration.

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1 M. SACHDEVA : [interprétation] Je souhaite passer à la page 4 de la

2 version anglaise; je crois que c'est à la page 4 de la version en B/C/S.

3 En réalité, je pense que c'est à la page 3, pardonnez-moi.

4 Q. Monsieur Dukic, est-ce que vous voyez le premier paragraphe sur votre

5 écran, à droite ?

6 R. Oui.

7 Q. Je souhaite que vous regardiez plus précisément la partie qui se trouve

8 au milieu, lorsque vous avez dit au tribunal en mars 1995 : "Je suis resté

9 chez moi pendant trois mois."

10 Est-ce que vous y êtes ?

11 R. Au début, j'ai dit qu'ils nous ont menés près du stade de Famos et de

12 l'école Aleksa Santic et nous ont maltraités. Après ça, ils ne nous ont pas

13 maltraités, mais ils nous ont donné des haches et des pelles pour creuser

14 des tranchées.

15 Q. Je ne vous demande pas cela. Ce que j'essaie de comprendre, vous avez

16 dit que vous étiez entré chez vous à deux reprises entre avril 1992 et

17 septembre 1994 et dans cette déclaration que vous avez en 1995 --

18 R. En 1994.

19 Q. Oui. Dans votre déclaration, vous dites que vous avez été détenu entre

20 le mois d'avril 1992 jusqu'au mois de septembre 1994, c'est ainsi que j'ai

21 compris les choses.

22 R. Oui.

23 Q. Dans cette déclaration, celle que vous avez donnée au tribunal de Banja

24 Luka, vous avez dit à ce tribunal que vous avez passé trois mois chez vous

25 à Hrasnica. J'essaie de comprendre ce qui est exact.

26 R. Je ne vois pas où cela se trouve. Je ne vois pas.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges --

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne sais pas si l'interprète peut

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1 nous indiquer le passage en question en B/C/S. En anglais, c'est à la

2 septième ligne du premier paragraphe.

3 M. SACHDEVA : [interprétation] En B/C/S, je crois qu'on commence par [en

4 B/C/S]; est-ce que vous voyez cela ?

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je peux montrer au

6 témoin à quel endroit ceci se trouve. A la page 3, l'avant-dernière phrase,

7 mais laissez-le lire la phrase entière.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] On peut lire ici que la police militaire et

9 les Bérets verts venaient chaque jour, et pendant trois mois j'étais là,

10 ensuite je suis parti, mais c'était eux qui m'ont emmené pour aller

11 travailler et qui me ramenaient. C'est ce que l'on entendait par là, cela

12 ne pouvait pas dire que je suis resté là. Je ne sais pas comment ils ont

13 compris les choses et comment ils les ont consignées. Voyez-vous, on parle

14 ici de police militaire.

15 M. SACHDEVA : [interprétation]

16 Q. Est-ce que, oui ou non, vous avez passé trois mois dans votre

17 maison de Hrasnica ? C'est la seule question que je vous pose.

18 R. Non, je n'ai pas fait cela. Parce qu'ils sont venus me chercher. Ils

19 m'ont emmené pour aller travailler. Ils m'ont ramené et ils m'ont laissé

20 voir ma famille jusqu'à ce que je reparte, mais j'ai toujours été

21 accompagné et escorté par la police militaire ou par quelqu'un d'autre. La

22 façon dont ils l'ont formulé, je ne sais pas comment ils ont formulé cela.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où vous ont-ils amené ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour aller creuser.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'où vous ont-ils emmené ? De chez

26 vous, de votre maison ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début, lorsqu'ils nous ont ramenés du stade

28 et de l'école, avant que nous ayons ces pièces dans cet immeuble

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1 résidentiel, ils nous ramenaient à la maison quand on avait besoin de

2 prendre un bain --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ceci arrivait tous les

4 jours ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ceci arrivait dans les premiers mois, les

6 trois premiers mois, car nous n'avions aucun endroit pour prendre un bain.

7 A ce moment-là, il n'y avait pas de douche encore dans le sous-sol, dans

8 ces bâtiments résidentiels.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où avez-vous passé ces trois mois ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant un temps, j'étais à la maison, pendant

11 un temps j'étais dans ces locaux et ils nous ont emmenés pour aller creuser

12 avec l'armée pour une période de 15 jours, nous vivions dans des tentes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quel moment étiez-vous dans ces

14 locaux ? Combien de temps êtes-vous resté dans ces locaux et combien de

15 temps êtes-vous resté chez vous dans votre maison, sur cette période de

16 trois mois ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Le matin on commençait à 6 heures et cela

18 durait jusqu'à tard dans la nuit. Ensuite, ils nous emmenaient dans ces

19 locaux. Si quelqu'un avait besoin d'un bain, on l'accompagnait chez lui,

20 escorté par la police militaire. Il prenait un bain, passait la nuit, et le

21 matin on l'amenait creuser à nouveau à 6 heures du matin. Ceci a duré trois

22 mois environ jusqu'à ce qu'ils aient arrangé ces locaux, mais nous n'avons

23 pas passé beaucoup de temps dans ces locaux parce que nous étions sans

24 cesse sur le terrain avec les soldats, et nous passions quelquefois jusqu'à

25 un mois à dormir dans des tentes et des abris de fortune.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vous pose ces questions parce que

27 l'on souhaite mettre à l'épreuve votre crédibilité.

28 Monsieur Sachdeva, je crois qu'il y avait un problème de traduction.

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1 C'est en tout cas ainsi que je vois les choses.

2 M. SACHDEVA : [interprétation] Si vous me le permettez, avec tout le

3 respect que je dois aux Juges de la Chambre, la phrase qui se lit [en

4 B/C/S] a été traduite correctement en anglais. Autrement dit, il est resté

5 chez lui pendant trois mois.

6 Q. Mais, Monsieur Dukic, puis-je --

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, M. Sachdeva insiste

10 sur les trois premiers termes : "J'ai passé trois mois à la maison." Mais

11 permettez au témoin de lire la phrase entière et ce qu'on trouve avant est

12 important. Qu'il lise non seulement les mots sur lesquels insiste M.

13 Sachdeva, mais laissez-le lire la phrase toute entière.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas partir hormis le moment où

15 j'allais me présenter, ensuite je rentrais tout de suite escorté par les

16 Bérets verts et ils venaient perquisitionner chez moi, ils ont emmené bon

17 nombre de mes biens. Ceci n'est pas précisé ici.

18 C'est dit très clairement ici, c'est la police militaire qui

19 m'emmenait chez moi pour que je puisse prendre un bain. Je n'avais pas le

20 droit de repartir. Ils venaient me rechercher, et ceci a duré pendant trois

21 mois.

22 M. SACHDEVA : [interprétation]

23 Q. Monsieur Dukic, il est clair que vous n'avez pas été détenu dans un

24 camp entre avril 1992 jusqu'en septembre 1994, vous n'avez pas été détenu

25 pendant tout ce temps-là, n'est-ce pas ?

26 R. Je n'ai pas compris votre question. Entre 1992 et 1994 ?

27 Q. L'idée que je vous soumets, c'est celle-ci, Témoin, comme vous avez dit

28 dans votre déposition aujourd'hui devant cette Chambre, vous avez dit que

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1 vous étiez dans un camp à Hrasnica entre avril 1992 jusqu'en septembre

2 1994. Je vous suggère que ceci n'est pas exact ?

3 R. Pourquoi ceci n'est-il pas exact ? Si j'ai été arrêté le 18 avril 1992,

4 et s'ils nous ont emmenés chez nous pour que nous puissions prendre un bain

5 et nous raser, et qu'ensuite ils nous ramenaient, ensuite ils nous

6 emmenaient pour creuser des tranchées tous les jours.

7 Q. Etes-vous d'accord avec moi ou pas ?

8 R. Non.

9 Q. Je vais poursuivre. Je vais encore utiliser cette déclaration que vous

10 avez faite au tribunal de Banja Luka.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE MINDUA : Quand vous étiez chez vous à la maison, vous étiez

13 surveillé par les Bérets verts. Est-ce qu'il vous était possible de vous

14 échapper la nuit pour ne plus revenir, par exemple, à votre maison.

15 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE MINDUA : Je n'ai plus de traduction en français. Pouvez-vous

17 répéter la réponse, Monsieur le Témoin, pour que j'aie l'interprétation ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais lire ce qui est au compte rendu. "Ils

19 nous emmenaient là et ils nous ramenaient. Mais non, parce qu'en fait, il y

20 avait le couvre-feu et ils étaient avec nous. Nous n'avions pas le droit de

21 quitter nos positions, même lorsque nous étions en train de creuser dans

22 les bois."

23 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, la question que je vous posais

24 c'était pour essayer de comprendre cette contradiction apparente entre

25 votre déclaration écrite et ce que vous avez dit ici devant cette chambre.

26 C'est pour cela que je vous demande si, pendant la période où vous étiez

27 chez vous à la maison, est-ce que la nuit par exemple, il vous était

28 possible de vous échapper et de ne plus revenir chez vous ? Ou bien vous

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1 étiez toujours constamment surveillé par les Bérets verts ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas m'enfuir, parce qu'ils

3 étaient toujours là. Ils savaient exactement qui était emmené chez lui pour

4 aller prendre un bain, et nous n'avions pas le droit de partir avant 6

5 heures du matin le lendemain matin, lorsqu'ils revenaient nous chercher.

6 M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Donc, d'avril jusqu'à septembre, en fait,

7 vous étiez sous arrestation, mais chez vous à la maison. Et la journée,

8 vous étiez à la disposition des forces, des forces armées de l'ABiH pour

9 aller travailler. C'est bien cela ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'étais pas à la maison.

11 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

12 Monsieur le Procureur.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne crois pas que nous puissions

14 amener ce point plus loin.

15 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci, Monsieur --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- Monsieur Sachdeva.

17 M. SACHDEVA : [interprétation] Je vais poursuivre.

18 Q. Monsieur Dukic, j'aimerais maintenant que nous poursuivions sur cette

19 déclaration.

20 M. SACHDEVA : [interprétation] Pourrions-nous repasser à la page 2 de la

21 version en B/C/S, il s'agit aussi de la page 3 de la version anglaise.

22 Q. Alors que vous étiez en train d'arriver là, Monsieur Dukic, vous avez

23 dit que vous avez été emmené au stade de football de Famos, le 18 avril

24 1992 --

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce exact ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez dit dans votre témoignage devant les Juges de la Cour que

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1 vous avez passé deux ou trois heures sur place. Est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Ensuite, après ces quelques heures que vous avez passé là, vous avez

4 dit qu'on vous a emmené à l'école élémentaire Aleksa Santic. Est-ce exact ?

5 R. Nous avons été ramenés de l'école élémentaire au stade de football,

6 ensuite ramenés encore une fois à l'école élémentaire.

7 Q. Combien de temps avez-vous passé dans le stade ?

8 R. Sur place, certains sont restés quelques jours, alors que d'autres sont

9 retournés à l'école primaire.

10 Q. Oui. En fait, je vous pose la question à vous en particulier. Le

11 conseil de la Défense vous avait demandé combien de temps vous y aviez

12 passé, c'est-à-dire dans le stade de football, et votre réponse a été la

13 suivante, je cite : "Nous avons passé seulement quelques heures sur place."

14 R. Sept jours, en fait. Je me suis trompé peut-être lorsque je me suis

15 exprimé, mais j'y ai passé sept jours au stade de football.

16 Q. Après le stade de football, on vous a amené à l'école élémentaire

17 Aleksa Santic. Est-ce exact ?

18 R. Oui. Amir Sabovic nous y a retrouvés. Je l'ai mentionné. Il nous

19 connaissait tous, parce qu'il avait travaillé au Famos, ensuite il a été

20 nommé officier de police.

21 Q. Vous y étiez pendant six jours ?

22 R. Oui. Où pendant cinq ou six jours ?

23 Q. A l'école primaire.

24 R. Oui.

25 Q. Dans la déclaration préalable que vous avez donnée au tribunal à Banja

26 Luka -- voyez-vous la page affichée à votre écran ?

27 R. Oui.

28 Q. Il est dit en bas de page que vous avez passé 14 jours à l'école à

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1 Hrasnica, et pas six jours. Laquelle des deux est exacte ?

2 R. Comme j'ai dit aujourd'hui, le stade et l'école primaire, ou l'école

3 élémentaire Aleksa Santic, ont représenté un total de 14 jours environ.

4 Ensuite, on nous a transférés dans un sous-sol qu'ils avaient construit.

5 Ces pièces étaient utilisées dans le sous-sol, elles ont été transférées en

6 cellules pour les prisonniers.

7 Q. Vous êtes en train de dire que M. Ratko Stjepanovic a été fusillé

8 dans l'école élémentaire. Est-ce exact ?

9 R. Ratko Stjepanovic.

10 Q. Et --

11 R. Oui.

12 Q. Vous l'avez vu être fusillé ? L'avez-vous vu de vos yeux vu ?

13 R. Non.

14 Q. Comment connaissez-vous son nom ?

15 R. Parce que je le connaissais bien. Il travaillait avec moi à Famos, et

16 nous tous, nous le connaissions. Nous nous connaissions très bien, tous.

17 Hrasnica est une petite ville, et nous travaillions tous à Famos.

18 Q. Dès lors j'en déduis que vous ne confondriez pas son nom puisque vous

19 le connaissiez bien, comme vous avez dit ?

20 R. Oui.

21 Q. Si l'on regarde la déclaration que vous avez donnée à Banja Luka en

22 mars 1995, le nom sur ladite déclaration est Gojko Stjepanovic.

23 R. Comme je l'ai dit aujourd'hui.

24 Q. Aujourd'hui vous avez dit Ratko Stjepanovic, alors lequel des deux est

25 exact ?

26 R. Je me suis peut-être trompé. Il s'agit de Gojko.

27 Q. Ceci est une personne que vous connaissiez bien. Est-ce exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. Monsieur Dukic, il est exact de dire, n'est-ce pas, qu'en mars 1994,

2 vous avez rencontré quelqu'un du nom de Mirko Pajanovic au Holiday Inn à

3 Sarajevo. Vous souvenez-vous de cela ?

4 R. Oui. Je ne voulais pas mentionner cela ici aujourd'hui. On m'a emmené

5 au Conseil des citoyens serbes, et j'y ai rencontré Mirko Pajanovic, ainsi

6 que Jubomir Berberovic et Ejub Ganic, ainsi qu'un journaliste de la radio

7 de Sarajevo, ainsi qu'une femme du nom de Paunovic ainsi que d'autres. J'ai

8 fait un rapport sur la situation avec les Serbes à Hrasnica et MM.

9 Pejanovic et Berberovic y ont réagi, après quoi ils sont venus à Hrasnica,

10 et c'est à ce moment-là qu'ils ont vu les 96 tombes.

11 Q. Etes-vous en train de dire qu'alors que vous allez rencontrer les

12 représentants serbes à Sarajevo, vous étiez encore détenu, est-ce cela que

13 vous êtes en train de dire aux Juges de la Chambre ?

14 R. Quand j'ai été emmené de Hrasnica, à travers le tunnel au Holiday Inn,

15 pour rencontrer les gens à la réunion du Conseil des citoyens serbes, j'ai

16 dit à M. Pejanovic ce qui se passait à Hrasnica et que nous étions détenus

17 dans des camps.

18 Q. C'est la raison pour laquelle je vous demande si vous avez eu

19 l'occasion de faire état de la situation telle que vous l'avez vue, avec

20 les Serbes à Hrasnica devant les représentants serbes à l'assemblée, et que

21 vous avez également parlé aux journalistes. Je me demande si vous êtes

22 encore en train de maintenir que vous étiez détenu à l'époque ?

23 R. Oui.

24 Q. Monsieur Dukic, poursuivons. Vous avez dit aux Juges de la Chambre que

25 vous avez été amené dans les tranchées, vous avez parlé de mortiers, vous

26 souvenez-vous de cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez déclaré qu'il y avait des combats entre les belligérants des

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1 deux côtés, à ce lieu en particulier, c'est le mont Igman; ai-je bien

2 compris ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous confirmer que lorsque vous parliez de mortiers, vous ne

5 parliez pas de mortiers à Hrasnica; n'est-ce pas ?

6 R. Non. Sur le mont Igman.

7 Q. Bien, juste pour confirmer la chose.

8 R. Oui, mais tout cela pour moi, c'est à Hrasnica. D'après ce que je

9 comprends. Igman n'est pas une localité, il fait partie de Hrasnica.

10 Hrasnica se trouve au pied du mont Igman. La moitié des maisons se trouvent

11 en fait sur le versant de la montagne.

12 Q. Mais à la base du mont Igman, c'est-à-dire où se trouve Hrasnica, c'est

13 une zone résidentielle, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Les mortiers dont vous parliez, c'étaient sur les versants, les pentes

16 du mont Igman; c'est également exact, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Au centre de Hrasnica, donc la zone résidentielle, des civils

19 habitaient là, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous serez également d'accord avec moi pour dire que les civils

22 habitaient également le centre de Sarajevo, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. En fait, comme vous l'avez dit aujourd'hui, les civils à Sarajevo

25 étaient non seulement des civils musulmans, mais également des civils

26 serbes, des civils croates, des civils de toutes appartenances ethniques

27 qui habitaient à Sarajevo, qui sont restés à Sarajevo, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Il est exact de dire, n'est-ce pas, que les difficultés et toutes les

2 douleurs qu'ont souffert les civils de Sarajevo, lors des bombardements de

3 la ville, les tirs de tireurs embusqués ont été endurés non seulement par

4 les Musulmans, mais également par les civils serbes, les civils croates,

5 tous les civils ont souffert, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Les civils ont également été pris pour cible, c'étaient des cibles qui

8 ont enduré toutes ces souffrances ?

9 R. De quels tirs embusqués voulez-vous parler ?

10 Q. Je vous parle de toute la période de 1992 à 1995, en particulier 1994

11 et 1995, la VRS était là, encerclait Sarajevo. Vous serez d'accord pour

12 dire qu'ils ont tiré sur la ville et sur les civils, peu importe s'il

13 s'agissait de civils musulmans, serbes ou croates, tout le monde a

14 souffert, les civils ont tous souffert et les civils de toutes

15 appartenances ethniques ont servi de cible à ces tirs embusqués. Serez-vous

16 d'accord avec cela ?

17 R. Puisque nous n'avions pas d'électricité, nous ne pouvions pas regarder

18 les médias, je ne sais pas. Pour ce qui est des souffrances endurées, tout

19 être humain de quelque race, appartenance ethnique ou conviction religieuse

20 souffre de manière égale.

21 Q. Mais à votre époque, à Sarajevo, vous saviez que le Corps de Sarajevo-

22 Romanija tirait des obus dans la ville, vous saviez cela; n'est-ce pas ?

23 R. Monsieur, je ne connaissais même pas l'existence du Corps d'armée

24 Romanija. Je ne connaissais pas l'établissement, ni les unités de l'armée

25 serbe.

26 Q. Je ne vous demande pas de parler de l'organisation du Corps d'armée

27 Romanija. Je vous demande simplement la chose suivante : à Sarajevo, vous

28 saviez que les obus étaient tirés en ville, dans la ville de Sarajevo, vous

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1 saviez cela, vous en avez entendu parler, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, je l'ai vu se produire de part et d'autre. J'ai vu des obus tirés

3 de part et d'autre, de chaque côté des belligérants.

4 Q. Vous saviez que les obus étaient tirés à partir de l'autre côté, c'est-

5 à-dire le côté détenu par la VRS, et tirés sur la ville. Vous saviez cela,

6 n'est-ce pas ?

7 R. On peut simplement former des hypothèses, vous imaginez cela. Je ne

8 savais pas de source sûre. Vous ne pouvez pas voir Sarajevo à partir de

9 Hrasnica, mais on peut voir Ilidza et Butmir.

10 Q. Et vous savez --

11 R. Je ne connais pas le terrain.

12 Q. Vous savez quand vous dites que des obus ont été tirés de part et

13 d'autre, vous saviez que des obus avaient été tirés sur Sarajevo et ont

14 blessé et tué des civils ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous savez, puisque cela a été votre rôle depuis que vous avez été

17 relâché, vous savez que les civils ne sont pas censés faire l'objet d'une

18 attaque, ils ne sont pas censés souffrir de la guerre, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Au cours de la période de temps que vous avez à Hrasnica, vous avez

21 entendu parler de bombes aériennes modifiées qui ont été tirées sur la

22 ville, c'est-à-dire, sur la zone résidentielle que vous venez de mentionner

23 comme étant une zone résidentielle ?

24 R. Non. Je n'ai pas vu cela, et je n'ai eu aucune expérience avec des

25 bombes aériennes.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Comment est-ce que le témoin a témoigné à

28 ce sujet. Il nous a été dit que le témoin, en fait, a témoigné au sujet du

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1 fait qu'il savait, connaissait l'existence de bombes aériennes. Je me

2 demande où.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] "A votre époque, vous avez entendu

4 parler du fait que des bombes aériennes modifiées ont été tirées sur la

5 ville", et, "en particulier sur la zone résidentielle, comme vous venez de

6 le dire comme étant une zone résidentielle." La référence de votre

7 témoignage était au sujet de la zone résidentielle et pas le fait qu'il

8 avait témoigné sur des bombes aériennes.

9 Qu'avez-vous à répondre à cela, Monsieur le Témoin ? Est-ce que vous avez

10 entendu lorsque vous étiez à Hrasnica parler de bombes aériennes modifiées

11 qui étaient tirées sur la ville ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas ce que

13 c'est une bombe aérienne modifiée; bien que j'aie servi dans l'armée. Pour

14 ce qui est de l'aviation, nous n'avons pas vu de sortie d'avions à

15 Hrasnica. Nous n'avons pas de survol de la zone qui était autorisée. Pour

16 ce qui est des bombes aériennes, si l'on peut m'expliquer ce qu'elles sont

17 peut-être là je pourrais vous répondre.

18 M. SACHDEVA : [interprétation]

19 Q. Peu importe qu'il s'agisse de bombes aériennes modifiées, de mortiers

20 ou d'autres armes, vous étiez d'accord pour dire que le centre de Hrasnica

21 n'a pas été considéré comme une cible militaire et qu'il serait inapproprié

22 de la bombarder. Vous seriez d'accord avec cela ?

23 R. Oui, oui.

24 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je vous demander

25 un instant pour consulter mon confrère, s'il vous plaît ?

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

27 M. SACHDEVA : [interprétation] Ceci conclut mon contre-interrogatoire.

28 Merci.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

2 M. LE JUGE MINDUA : Avez-vous terminé ?

3 M. SACHDEVA : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président --

4 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE MINDUA : A la question du Procureur, à la page 63, ligne 20, à

6 cette question de savoir si vous étiez au courant de la "Sarajevo-Romanija

7 Corps" vous avez dit que vous n'en saviez rien, ni au sujet de ce corps ni

8 au sujet de ces unités. Je voudrais être sûr que j'ai bien compris; parce

9 que vous en tant que lieutenant de réserve et en plus qui avez été accusé

10 pour avoir refusé de servir dans l'ABiH, est-ce que c'est vrai que vous

11 n'étiez pas au courant qu'il existait un Corps d'armée appelé Sarajevo-

12 Romanija qui essayait de défendre les populations serbes à Sarajevo. C'est

13 bien ce que j'ai compris ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'avais pas accès à l'information, je

15 savais seulement qu'il y avait la 4e Brigade motorisée à Hrasnica,

16 commandée par Fikret Prevljak. Pour ce qui est des mortiers, ils sont

17 arrivés à Sarajevo, Ilidza, Vojnici -- on pouvait le voir. On pouvait

18 également voir une partie de Dobrinja, Butmir, Hrasnica, Lukavica. C'est

19 cela qu'on voit à Hrasnica. Pour ce qui est de l'autre partie de Sarajevo,

20 Grbavica, Novi Grad, Stari Grad, je ne le voyais pas à cause de la

21 disposition du terrain.

22 M. LE JUGE MINDUA : Vous étiez le seul dans votre situation à ne pas être

23 au courant des activités de la "Sarajevo-Romanija Corps" ou beaucoup de

24 gens, beaucoup de Serbes dans votre situation n'étaient pas au courant du

25 tout de l'existence de cette unité, de cette armée. Autour de vous, est-ce

26 que les gens, les --

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en ai eu vent qu'à partir de 1994 ou

28 1995, après que j'ai fait l'objet d'un échange de prisonniers, le 20

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1 janvier 1995. C'était à ce moment-là que je l'ai appris.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Y a-t-il des questions

3 supplémentaires, Maître Tapuskovic ? Et combien de temps allez-vous

4 requérir ?

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pas très longtemps, je pense, seulement

6 quelques questions concernant la déclaration qui a fait l'objet du

7 versement au dossier, ainsi que quelques questions supplémentaires.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons dans ce cas faire une

9 pause.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

12 --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous allez poser d'autres questions,

14 des questions supplémentaires, Maître Tapuskovic ?

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai un

16 certain nombre de questions que je souhaite poser eu égard à la déclaration

17 du 1er mars 1995 qui a été versée au dossier comme une pièce de

18 l'Accusation. C'était un document qui se trouvait sur la liste de documents

19 65 ter et qui était la dernière pièce de l'Accusation, la déclaration du 1er

20 mars 1995.

21 M. SACHDEVA : [interprétation] Si je puis vous être utile, je crois qu'il

22 s'agit de la pièce P773.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] P773.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pardonnez-moi, je remercie mon confrère.

25 Nouvel interrogatoire par M. Tapuskovic :

26 Q. [interprétation] Veuillez regarder la date, s'il vous plaît, qui se

27 trouve sur cette déclaration ?

28 R. [aucune interprétation]

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1 Q. Cela devrait être des notes prises lors de l'entretien avec un

2 témoin. Est-ce que vous y êtes ? C'est au début. Témoin, pouvez-vous me

3 confirmer la date qui se trouve sur ce document ?

4 R. Quel document ?

5 Q. Celui que vous avez sous les yeux "Compte rendu au procès-verbal

6 d'entretien avec le témoin" ?

7 R. Le 1er mars 1995.

8 Q. Pouvez-vous me dire quel jour vous avez été relâché du camp de Sarajevo

9 ?

10 R. Le 20 janvier 1995.

11 Q. Quel était votre poids, ce jour-là par rapport à votre poids normal ?

12 R. Je faisais 57 kilos lorsque j'ai été libéré, alors que je faisais 81

13 kilos avant cela.

14 Q. Cette usine Famos dans laquelle vous travailliez avant le conflit et

15 avant votre arrestation, pourriez-vous nous dire où, s'il vous plaît, se

16 trouve cette usine Famos par rapport aux positions des factions

17 belligérantes ?

18 R. C'était une compagnie militaire, une partie se trouvait à flanc de

19 colline et l'autre se trouvait dans une clairière. A l'extérieur du

20 périmètre, il y avait une localité serbe qui s'appelait Vojkovici, ensuite,

21 il y avait Krupac -- il y avait Lukavica, et cetera. De l'autre côté de la

22 grille de l'usine, il y avait Hrasnica, il y avait un no man's land.

23 Q. Où avez-vous construit les tranchées ?

24 R. En direction de Vojkovici, Trnovo et Igman, en direction de la source

25 du fleuve Bosna, et j'ai dit qu'à Stojcevac, il y avait la villa de Tito;

26 et en direction d'Ilidza, en passant à côté du club de football d'Igman,

27 ensuite en direction de Butmir et du tunnel. C'est là que je creusais des

28 tranchées.

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1 Q. Quel type d'activités militaires avez-vous pu observer puisque vous

2 étiez là sur le terrain en train de creuser des tranchées, assez souvent ?

3 R. Je peux vous dire que du côté serbe, il y avait des armes d'infanterie

4 et des pièces d'artillerie. Du côté musulman, il y avait également des

5 armes d'infanterie et des pièces d'artillerie.

6 Q. Les armes qui tiraient sur les positions serbes, où atterrissait ce

7 qu'ils tiraient ?

8 R. Depuis Igman, ils tiraient sur Ilidza, Kotorac, Lukavica, Vojkovici et

9 Trnovo. Je ne sais pas où étaient les positions de l'autre côté, mais je

10 sais que des obus venaient de cette direction-là.

11 Q. Merci. Vous avez évoqué le tunnel où vous avez travaillé, mais

12 pourriez-vous nous dire s'il y avait des mouvements de troupes à l'endroit

13 où vous creusiez ?

14 R. Le tunnel a été construit pour permettre une voie de communication

15 entre Sarajevo en passant par Igman, Lokve, au-dessus de Hadzici et Bradina

16 en direction de Mostar. Ils se déplaçaient sur cet axe-là. M. Alija

17 Izetbegovic était là.

18 Q. Laissez-le de côté, cela ne m'intéresse pas. Dites-moi simplement, est-

19 ce que vous avez remarqué où se trouvait le poste de commandement de cette

20 brigade commandée par Fikret Prevljak ?

21 R. A la poste de Hrasnica, dans le sous-sol de la poste de Hrasnica.

22 Q. Où cela se trouve-t-il ?

23 R. Au centre de la ville, la poste et le commandement se trouvaient dans

24 le sous-sol.

25 Q. Lorsque vous avez répondu aux questions qui vous ont été posées par mon

26 confrère, vous avez décrit la façon dont Sarajevo avait été prise pour

27 cible. Est-ce que Grbavica, Nedzarici faisaient partie de Sarajevo ? En

28 fait, expliquez ce qu'est Sarajevo, s'il vous plaît ?

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1 R. Je n'ai pas vu s'ils ont tiré à partir de Grbavica ou Nedzarici ou les

2 autres endroits, mais Sarajevo est composée de Vogosca, Ilijas, en dessous

3 de Pale, Trnovo, Hadzici, et là-bas Ilidza. Tout cela faisait partie de la

4 ville de Sarajevo.

5 Q. Mais la question que je vous pose, c'est que Grbavica faisait partie de

6 Sarajevo ?

7 R. Oui, ça fait partie de Sarajevo aussi, c'est le centre.

8 Q. Et Nedzarici ?

9 R. Non, la localité de Nedzarici est plus près d'Ilidza.

10 Q. Nedzarici ne fait pas partie de Sarajevo ?

11 R. Si. Mais géographiquement parlant, c'est plus près d'Ilidza, mais

12 Ilidza fait partie de Sarajevo. Tout fait partie de Sarajevo.

13 Q. Lorsque vous avez terminé ce que vous faisiez à Hrasnica, vous avez été

14 amené à Viktor Bubanj. Est-ce que vous avez vu quelque chose là, est-ce que

15 vous avez pu observer ce qui se passait à l'extérieur ?

16 R. Non, parce que j'étais dans la cellule numéro 1, je ne voyais rien.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

18 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je fais valoir que

19 ceci va au-delà du champ de mon contre-interrogatoire. En réalité, mon

20 confrère a posé des questions au témoin sur la caserne Viktor Bubanj, je

21 crois d'après moi qu'il aurait dû lui poser cette question en temps et en

22 heure.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'avocat me dit que ceci ne découle

24 pas de son contre-interrogatoire. Donc ceci ne découle pas du contre-

25 interrogatoire.

26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] M. Sachdeva a posé la question directement

27 comme c'est son droit, à savoir s'il a vu des civils être tués Sarajevo, et

28 moi je pose la question étant donné qu'il était à Sarajevo, ce qu'il était

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1 en mesure de voir depuis l'endroit où il se trouvait. Parce que les civils

2 ont été tués de part et d'autre, il a dit, la question porte là-dessus, ce

3 qu'il a pu voir depuis la cellule de sa prison à l'époque.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous autorisons la question.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne voyais rien, je ne pouvais rien voir

7 depuis la caserne Viktor Bubanj parce que je me trouvais dans la cellule

8 numéro 1, et je ne pouvais rien voir.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

10 Q. Merci. Maintenant, regardons, s'il vous plaît, ce qui figure au compte

11 rendu pour en terminer avec ceci, regardons la page 3 en B/C/S. Je ne sais

12 pas où cela se trouve dans le texte en anglais.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir la

14 page 3, s'il vous plaît, l'avant-dernier paragraphe, est-ce qu'on peut

15 l'afficher pour la montrer au témoin ?

16 Q. S'agit-il là de ce que vous avez dit lorsque vous avez décrit la façon

17 dont vous avez creusé les tranchées -- parlé de ce qui s'est passé en ce

18 moment-là ? Si vous regardez la page 3; est-ce bien ce que vous avez dit à

19 ce moment-là ?

20 R. Je ne vois pas. C'est en anglais.

21 Q. Cela commence par la phrase : "Novembre 1992…" Cela se trouve au

22 deuxième paragraphe dans le texte en anglais, si vous regardez le passage

23 en B/C/S, vers la fin du passage en question, on peut lire : "Chaque

24 serbe…" veuillez me dire si ceci correspond à ce que vous avez dit ici.

25 R. Je ne vois pas très bien, pardonnez-moi, je ne vois pas très bien.

26 Q. Cela se voit très distinctement, on vous le montre maintenant.

27 R. "Chaque Serbe" -- vous voulez dire : "nous qui avons creusé 2 mètres et

28 demi, 140 centimètres en profondeur et 90 centimètres en largeur." C'était

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1 la taille des tranchées que nous devions construire en un jour, c'était la

2 norme.

3 Q. Veuillez poursuivre.

4 R. Nous avons été maltraités et battus. Je ne l'ai pas dit parce que je

5 souhaitais être bref.

6 Q. Témoin, Monsieur le Témoin, veuillez lire ce qui est écrit ici,

7 veuillez lire comment vous avez enterré les gens.

8 R. Et bien --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

10 Un instant, s'il vous plaît.

11 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends bien que

12 j'ai versé au dossier cette déclaration; mais j'ai versé cette déclaration

13 en rapport avec la crédibilité du témoin et l'apparente contradiction,

14 c'est de savoir si le témoin était détenu ou s'il était libre et pouvait

15 rentrer chez lui. Ces questions, d'après moi, auraient dû être posées

16 pendant l'interrogatoire principal.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis d'accord.

18 Ne posez plus de questions à ce sujet, s'il vous plaît.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez passer à une autre

21 question, Maître Tapuskovic. Veillons à terminer sur ce point.

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais en terminer,

24 mais il s'agit d'une déclaration que je n'ai jamais vue auparavant, qui a

25 été présentée par l'Accusation. Et semble-t-il ceci portait sur la

26 crédibilité de ce témoin qui a été remise en cause, mais il s'agit là de

27 questions qui peuvent confirmer sa crédibilité en montrant ce qu'il a vécu.

28 Ce témoin [comme interprété] peut montrer et étayer la crédibilité du

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1 témoin compte tenu de ce qu'il a dit un mois après avoir quitté la prison

2 et en ayant la moitié du poids qu'il avait avant d'être incarcéré. Si on

3 peut simplement présenter un passage, je ne demande pas à ce que la

4 déclaration entière soit prise en compte, mais pour ce qui est de la

5 question de la crédibilité du témoin. Parce que c'est la crédibilité du

6 témoin qui est mise en cause, je souhaite qu'il dise qui étaient ces gens

7 qui ont été tués et combien de personnes ont été tués et je souhaite avoir

8 leurs noms et prénoms lorsqu'il s'en souvient.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si la question que vous allez poser

11 porte sur la crédibilité du témoin et si cela porte sur la question qui a

12 été soulevée par M. Sachdeva, à ce moment-là oui, vous pouvez poser la

13 question.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je ne vais pas être

15 trop têtu en la matière, le document a déjà été versé, je vais poser une

16 question qui a été posée par M. Sachdeva.

17 Q. Qui est M. Pejanovic ?

18 R. Vous me posez la question à moi ?

19 Q. Oui.

20 R. M. Pejanovic et Mme Lujic faisaient partie de la présidence de Bosnie-

21 Herzégovine.

22 Q. Merci beaucoup.

23 R. Il s'agit de citoyens fidèles.

24 Q. Vous avez été emmené en prison ?

25 R. Le Conseil des citoyens serbes, comme je l'ai dit à M. Pejanovic à

26 cette occasion-là, ce que nous les Serbes étions en train de faire et

27 comment nous avons été maltraités à Hrasnica. Après ça il a visité

28 Hrasnica. Il a vu de lui-même ce qui s'est passé, il y avait 96 tombes,

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1 ensuite il a envoyé M. Ljubomir Berberovic, un académicien.

2 Q. Merci beaucoup. Et vous avez été renvoyé en prison ?

3 R. A ce moment-là, nous avions déjà été ramenés en prison et nous sommes

4 passés par le même tunnel.

5 Q. Merci beaucoup.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Dukic, ceci met un terme à

7 votre déposition. Nous vous remercions d'être venu témoigner devant ce

8 Tribunal. Vous pouvez disposer.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin suivant, s'il vous

12 plaît.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas préparé cette liste. Est-

17 ce que nous pouvons passer à huis clos partiel pendant quelques instants,

18 s'il vous plaît, pour éviter toute confusion ?

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur les Juges, nous sommes à huis

22 clos partiel.

23 [Audience à huis clos partiel]

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5 [Audience publique]

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur le Témoin, vous êtes né le 5 janvier 1940, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. A Nevesinje en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez terminé vos études élémentaires à Nevesinje, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous vivez à Sarajevo depuis 1955, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. A Sarajevo, vous avez terminé vos études à l'école secondaire et à

16 l'université, à la faculté d'éducation physique, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tous ces éléments d'information

19 devraient être entendus à huis clos partiel, n'est-ce pas ?

20 M. WAESPI : [interprétation] C'est au témoin de choisir, étant donné qu'il

21 a demandé à ce que son nom ne soit pas cité. Je crois que ces différents

22 éléments le concernant ne devraient pas non plus être cités, mais bon.

23 C'est ainsi que je me suis [inaudible].

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai expliqué tout

25 ceci au témoin, et tout ce que le témoin demande, c'est ce que son prénom,

26 son nom de famille, ne soient pas cités. Il ne souhaite pas protéger

27 d'autres éléments d'information. C'est la décision du témoin, et je

28 respecte ce choix, étant donné que c'est son souhait. Je crois que c'est

Page 6799

1 tout à fait autorisé.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'entends bien, mais lorsque l'on

3 donne des données personnelles à propos de quelqu'un, on peut à ce moment-

4 là l'identifier, mais s'il le comprend et s'il est disposé à l'accepter,

5 soit.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, je fais tout ceci en

7 raison de ma femme et de mon enfant à Sarajevo. Je parle en public à propos

8 des choses sur lesquelles je témoigne. J'ai même écrit un livre là-dessus.

9 Je n'ai aucune raison de cacher quoi que ce soit, et je ne souhaite

10 absolument pas accélérer les choses, et j'ai décidé qu'il n'était pas

11 nécessaire d'être à huis clos partiel.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivons.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

14 Q. Vous avez un doctorat sur le sujet, n'est-ce pas ?

15 R. [aucune interprétation]

16 Q. Vous avez travaillé à la faculté d'éducation physique depuis lors ?

17 R. Depuis le moment qui a précédé la guerre à Sarajevo, et pendant la

18 guerre, je suis devenu le doyen de la faculté chargée des sports en Serbie,

19 et j'y travaille toujours. Je suis professeur.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.

21 M. WAESPI : [interprétation] Simplement, je souhaite dire quelque chose

22 pour la dernière fois. Je crois que tout est clair à Sarajevo. Moi, je ne

23 me suis pas de Sarajevo, mais je crois qu'il est clair que ce monsieur

24 était le doyen de la faculté des sports, quand bien même le nom n'est pas

25 cité. Donc, c'est très clair. Cela me semble bizarre, mais c'est la

26 dernière fois que je me lève pour le dire.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin, vous comprenez bien que ces

28 données à caractère personnel permettraient à quelqu'un de vous identifier

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1 ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis ni effrayé à l'idée de témoigner,

3 et je n'ai pas honte de mon témoignage. J'ai écrit un livre. J'écris dans

4 les journaux. Je suis un personnage public, donc cela ne me dérange pas.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'ai eu une longue discussion avec le

6 témoin sur ce point. Il s'agit là de sa décision. Je ne vois pas pourquoi

7 je m'opposerais, puisque le témoin confirme --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivons donc.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

10 Q. Témoin, pour être bref, puisque vous avez dit avoir écrit un livre,

11 vous avez témoigné dans une autre affaire que vous ne nous avez pas

12 mentionnée; est-ce exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Pouvez-vous très brièvement expliquer aux Juges de la Chambre ce qui

15 s'est passé à Sarajevo en 1992 et dans quelles circonstances vous êtes

16 resté dans la partie de Sarajevo qui était sous le contrôle de l'ABiH ?

17 R. Les événements qui se sont produits à Sarajevo et en particulier, les

18 événements qui se sont déroulés dans la vieille ville et la zone de Bistrik

19 dans laquelle j'habitais, étaient précurseurs des événements qui allaient

20 se dérouler par la suite. Pourquoi, est-ce que Bistrik et la vieille ville

21 étaient l'épicentre de ce qui s'est produit par la suite, c'est parce que -

22 -

23 Q. Un moment, un moment. Pour que ceci soit parfaitement clair pour les

24 Juges de la Chambre.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous voir une carte affichée à

26 l'écran. Il s'agit de la pièce 2872 de la liste 65 ter. Pourrait-on

27 agrandir la partie orientale de la ville et la placer au centre de l'écran,

28 s'il vous plaît, si c'est possible. Encore un petit peu plus. Merci

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1 beaucoup.

2 Q. Pouvez-vous maintenant indiquer aux Juges de la Chambre l'endroit de

3 votre domicile. Vous avez dit qu'il s'agissait de Bistrik ?

4 R. Oui. Il s'agit de cet endroit ici. Cette zone en rouge. Je crois que

5 cela représente un parc.

6 Q. Pouvez-vous l'annoter en inscrivant la lettre K ?

7 R. Si cet instrument me permettait d'écrire. Il s'agit de la vieille ville

8 ainsi que Bistrik où j'habitais.

9 Q. Merci, Témoin. Veuillez y inscrire la lettre K.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Comme cela, bien, d'accord.

12 Q. Que s'est-il passé ici en 1992 ?

13 R. J'ai dit que cet endroit était l'épicentre d'où les éléments qui

14 allaient se dérouler par la suite au cours de la guerre à Sarajevo.

15 Pourquoi dis-je cela ? Précisément parce que cette partie de vieille ville

16 était à plus de 90 % peuplée de Musulmans, ou plutôt de Bosniens, comme ils

17 le disent maintenant, donc je vous parle de la composition ethnique. Il y

18 avait également un commandant militaire qui s'y trouvait, c'était le

19 commandant Suprême du général Kukanjac qui se trouvait dans la vieille

20 ville. Il y avait déjà une certaine hostilité à l'encontre des soldats de

21 la JNA. Les gens ne considéraient plus ces soldats comme étant des soldats

22 du peuple; ils les considéraient comme persona non grata, indésirables.

23 Q. Témoin, nous n'avons pas beaucoup de temps, donc veuillez, s'il vous

24 plaît, nous dire que ce qui est essentiel.

25 R. Très bien, j'en serais ravi. A cette époque, en 1992, disons février,

26 mars et avril, on voyait des gens portant l'uniforme des Bérets verts avec

27 des insignes portant l'emblème du lys qui allait devenir l'emblème de

28 l'ABiH. On voyait des véhicules militaires avec des fusils mitrailleurs qui

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1 étaient montés dessus, des soldats qui portaient des grenades à main, des

2 fusils, des lance- grenades. On pouvait voir tous ces exemples de soldats

3 qui étaient prêts pour la guerre, si je puis dire, qui portaient des

4 couteaux et toutes sortes d'autres choses, tout ce dont on pouvait avoir

5 besoin en temps de guerre.

6 Q. Qu'est-il advenu de vous et de votre famille ?

7 R. Tout ceci a contribué à créer une atmosphère dans laquelle les gens

8 étaient obligés de décider de rester ou de partir. La plupart des gens ont

9 décidé d'amener leur famille en dehors de la ville, les personnes âgées et

10 les enfants, et la plupart d'entre eux partaient en avion vers Belgrade ou

11 vers les ambassades en Croatie, et en particulier à Split. Mes enfants sont

12 allés à Split pour y résider avec leurs grands-parents maternels. Ma femme

13 et moi-même sommes restés à Sarajevo puisque, après le 15 mai, on ne

14 pouvait plus quitter la ville. La ville était encerclée de toutes parts,

15 toutes les routes et tous les carrefours avaient des postes de contrôle

16 avec des soldats de l'ABiH et des officiers de police et personne ne

17 pouvait quitter la ville légalement.

18 Q. Vous avez dit "autour de la ville" ?

19 R. Oui, autour de la ville.

20 Q. Veuillez vous en expliquer ?

21 R. Il y avait des tranchées qui avaient été creusées autour de la ville et

22 l'ABiH tenait les positions alentours avec des soldats en armes. Il était

23 compréhensible que personne n'ose s'en approcher pour essayer de quitter la

24 ville par ces positions-là.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez nous donner plus de détails

26 sur les positions qui ont été prises par l'ABiH autour de la ville. Qu'est-

27 ce que cela veut dire exactement autour de la ville ? Par exemple, à quelle

28 distance étaient ces positions l'une de l'autre ?

Page 6803

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que pendant les deux années

2 de guerre à Sarajevo qui ont précédé mon départ, j'ai creusé des tranchées

3 et je connais la situation très bien. Peut-être puis-je annoter la carte.

4 Les positions se trouvaient sur les collines de Trebevic et au nord-est de

5 la colline de Borije. La distance était 20, 50 ou même 100 mètres entre les

6 tranchées. En contrebas de celles-ci, il y avait des tranchées qui ont été

7 creusées au cimetière juif de Nedzarici, la distance entre elles était

8 peut-être environ d'un pâté de maisons ou d'un grand mur.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, veuillez poursuivre.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

11 Q. Témoin, comment est-ce que tout ceci est arrivé ? Vous étiez en train

12 de répondre à la question du Président. Comment cela s'est-il produit que

13 vous ayez commencé à réaliser une telle tâche ?

14 R. Au début de 1992, il y a eu deux appels à Sarajevo. Le premier a été

15 émis par les autorités croates auprès de leur population, les hommes d'âge

16 de 16 à 65 ans, et les soldats ont été enrôlés dans l'armée de défense

17 croate. Il y avait également certaines écoles qui ont été cantonnées.

18 Un autre appel a été émis pour les Musulmans et les Serbes et

19 d'autres, et ceci a été fait ailleurs. Donc ils ont tous reçu des messages

20 comme quoi ils étaient appelés malgré les limitations qui étaient dues à

21 leur capacité physique. Donc j'ai été enrôlé dans une unité de force

22 spéciale, bien que j'aie expliqué que j'avais des problèmes de dos et que

23 je n'avais pas servi dans la JNA et que je n'avais aucune expérience

24 militaire. Cependant, ils m'ont enrôlé dans une unité de force spéciale, je

25 ne me suis jamais présenté à cette unité, je ne voulais pas prendre les

26 armes. C'est pourquoi j'ai passé le reste du temps à creuser des tranchées

27 pour l'ABiH.

28 Q. Merci. Quel âge aviez-vous en 1992 ?

Page 6804

1 R. Cinquante trois ans.

2 Q. Pouvez-vous montrer aux Juges de la Chambre sur cette carte où étaient

3 les tranchées que vous creusiez ? Peut-être pourriez-vous annoter la carte

4 pour y indiquer les endroits avec quelques lignes en pointillées ?

5 R. Laissez-moi commencer ici. Ceci est la route qui mène vers Pale au

6 centre olympique de Jahorina. Nous creusions des tranchées à Ablakovina, la

7 partie à Ablakovina autour d'ici, alors que les forces serbes étaient plus

8 bas le long de cette même route.

9 Q. Veuillez marquer cela.

10 R. Ici, et les forces serbes étaient sur la route là, à cette distance-là,

11 je crois qu'il s'agissait de moins de 30 mètres.

12 Q. Et où encore ?

13 R. Ici sur les contreforts du mont Trebevic, juste en dessous du

14 funiculaire, il y avait les forces musulmanes et les forces serbes.

15 Q. Veuillez marquer chacun des lieux.

16 R. Ici, Jarcev Dol, il y a une colline, ici nous avons dû creuser des

17 tranchées pendant la nuit pour ne pas être vus. Ensuite de l'autre côté de

18 Miljacka et sur les contreforts ainsi qu'on appelle Borije, ensuite nous

19 avons creusé des tranchées ici. Je ne crois pas que cet endroit se trouve

20 sur la carte, mais il s'appelle Donje Divosko. Si vous avez des

21 photographies, peut-être nous pourrions les montrer aux juges de la

22 Chambre.

23 Q. Veuillez vous interrompre pour un instant, merci.

24 R. Ici la position où nous étions est plus loin, plus haut sur la colline.

25 C'est environ à une heure de marche du centre-ville de Sarajevo.

26 Q. Comment cela était-il ?

27 R. Tout d'abord, nous étions tous rameutés dans la rue. Moso Topalovic et

28 Caco, qui commandait la 10e Brigade de Montagne, ont encerclé toute la zone

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1 et ils ont rallié qui que ce soit qui était capable de faire quelque chose.

2 Nous avons été emmenés là-haut pour creuser des tranchées, qui d'ailleurs

3 faisaient obstacle au fonctionnement normal de la ville puisque les gens

4 travaillaient dans différents endroits.

5 Q. Quand vous avez dit que vous avez été rameutés ou enrôlés en pleine

6 rue, que voulez-vous dire ?

7 R. Il y a eu une attaque, ils ont pris dés positions de part et d'autre de

8 la rue.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.

10 M. WAESPI : [interprétation] Oui, pourriez-vous nous donner une indication

11 du temps ou du moment parce que ceci, je crois, permettra d'aller plus vite

12 dans nos contre-interrogatoires si nous pouvions savoir quand toutes ces

13 tranchées ont été creusées.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, en fait mon confrère vient de

15 me dire qu'il s'agissait de 1992. Je ne sais pas si le témoin a dit cela.

16 M. WAESPI : [interprétation] Et bien --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous dire quelle est la

18 période à laquelle vous faites référence ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Plus ou moins entre juin -- enfin, pendant un

20 mois ou deux jusqu'à ce qu'ils contrôlent Caco, le commandant. Il s'agit de

21 1992. Nous avons passé le reste du temps à creuser des tranchées, même

22 s'ils nous traitaient un petit peu mieux. Ils n'ont jamais cessé de prendre

23 des gens dans la rue pour faire ces travaux.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

25 Q. Combien de temps cela a-t-il duré ?

26 R. Je suis parti en juin 1994, bien que je sais plusieurs personnes sont

27 restées là-bas et que ces personnes ont dû continuer à creuser.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous examiner la pièce DD003790.

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1 Excusez-moi, pourrions-nous garder cette carte avec ses annotations et en

2 demander le versement au dossier ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cette pièce sera admise au

4 dossier.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle portera la pièce D239, Monsieur le

6 Président, Messieurs les Juges.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous montrer la pièce DD003790

8 au témoin ? Pouvons-nous agrandir le document un petit peu ?

9 Q. Veuillez examiner la date qui figure au-dessus de l'en-tête.

10 R. La date est le 3 juin 1993.

11 Q. Veuillez donner lecture de la partie qui suit à voix haute. Vous y avez

12 fait référence précédemment -- ou plutôt, parlez-nous des éléments que vous

13 avez mentionnés, peut-être que vous pouvez nous dire ce qui est mentionné

14 ici ?

15 R. Il y est dit, je cite : "Comité pour l'établissement de la

16 responsabilité eu égard aux habitants de Sarajevo qui ont été pris pour des

17 travaux d'ingénierie." Par la suite, il est inscrit : "Ordre."

18 Q. Veuillez en donner lecture à voix haute.

19 R. Je cite : "Basé sur des demandes officielles émanant d'un grand nombre

20 de citoyens, différentes institutions du comité de la ville de Sarajevo, la

21 cour," ensuite il dit plus loin : "Un ordre," un ordre strictement

22 confidentiel, "ce qui n'a pas été en pratique est destiné à déterminer

23 quelle était la situation concernant l'emprisonnement illégal et la prise

24 d'un certain nombre de citoyens de Sarajevo pour faire des travaux

25 d'ingénierie sur la ligne de front" --

26 Q. Merci. Est-ce que ceci correspond avec ce qui se passait en ville ?

27 R. Oui, absolument. Il est dit ici que : "Etant donné la pratique continue

28 ou plutôt l'enlèvement forcé de citoyens." Malgré qu'il y ait eu des

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1 demandes émanant de la municipalité de faire un rapport à un certain lieu,

2 qui était quelque chose de plus plaisant, les gens étaient encore

3 rassemblés de différentes manières. En fait, dès qu'ils réalisaient qu'ils

4 n'avaient pas été pris par l'armée de la Bosnie-Herzégovine et qu'ils

5 n'avaient pas d'obligation de travail, les gens étaient emmenés pour

6 creuser des tranchées. C'est ce qui fait l'objet de ce document, je

7 présume. Les citoyens sont intervenus.

8 Q. Merci.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Maintenant, pourrions-nous examiner la

10 page 2 dudit document et voir la signature du témoin.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Sefer Halilovic, commandement de l'état-major,

12 oui Sefer était le chef d'état-major de l'ABiH.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce document, la pièce DD003790 [comme

14 interprété], je veux demander son versement au dossier comme pièce à

15 conviction de la Défense.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur Waespi.

17 M. WAESPI : [interprétation] Juste pour le compte rendu, c'est la première

18 fois que nous voyons ce document. Je viens de vérifier, il nous a été

19 communiqué il y a une heure environ, je voulais simplement que ceci figure

20 au compte rendu d'audience pour votre information.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une heure, c'est 60 minutes.

22 Oui, nous admettons le versement de la pièce au dossier.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document portera la cote D240,

24 Monsieur le Président.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Nous avons reçu ce document du bureau du

26 Procureur il y a peu, vendredi.

27 Monsieur le Président, maintenant j'aimerais qu'on affiche une photographie

28 la DD003969. Si on pouvait l'afficher à l'écran. Ce document se trouve sur

Page 6808

1 e-court. Je l'ai montré au Procureur, à mon éminent confrère M. Waespi, et

2 je comprends qu'il n'a pas d'objection à soulever quant à ce que cette

3 photographie soit montrée aux Juges de la Chambre et au témoin.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voyons donc.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Peut-on agrandir la photographie, s'il

6 vous plaît ?

7 Q. Témoin, comme le montre cette photographie, quelle rue es-ce ?

8 R. C'est la rue Bistricka dans le quartier dans lequel j'habitais et où la

9 10e Brigade de Montagne Topalovic Caco était active. Sur la droite de la

10 photographie on peut voir le quartier général du commandant Topalovic, et

11 quelques mètres plus loin, il y a le commandement militaire où le Bataillon

12 égyptien allait ensuite être cantonné.

13 Q. Merci. Est-ce votre rue ?

14 R. Oui, il s'agit de la rue où j'habitais.

15 Q. Pouvez-vous nous montrer sur cette photographie les endroits où vous

16 avez creusé des tranchées, si voulez bien annoter la photographie ?

17 R. Oui. Nous avons creusé des tranchées derrière ces rochers, derrière ces

18 pierres, un petit peu plus éloigné de la route, il y a une route là qui

19 mène au village olympique.

20 Q. Merci. Mais, écoutez-moi, s'il vous plaît. Par rapport à cette arête

21 ici, où étaient les tranchées que vous creusiez ?

22 R. En dessous de l'arête, derrière ces pierres, ces rochers. C'est

23 Ablakovina.

24 Q. De quel côté de l'arête creusiez-vous ?

25 R. De ce côté-ci de l'arête, à environ 50 mètres.

26 Q. Voulez-vous vous exprimer plus clairement, de ce côté-ci, ou de ce

27 côté-là ?

28 R. Derrière ce rocher, à environ 50 mètres derrière le rocher, il y a une

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1 prairie, c'est là que nous creusions les tranchées. A 40 mètres de la

2 prairie est la route où se trouvaient les forces serbes. Je crois que j'ai

3 été clair.

4 Q. Quel était le nom de cette arête ?

5 R. Ablakovina. J'ai trouvé le nom de ces lieux alors que j'étais en train

6 de creuser les tranchées. Je ne savais pas comment s'appelait cet endroit

7 auparavant ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous montrer où se

9 trouvaient les forces serbes, vous avez dit à 40 mètres au-delà de la

10 prairie.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, derrière la prairie sur la route qui mène

12 de Pale ou le centre olympique de Jahorina.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous marquer cet endroit

14 d'un X ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici derrière, si je pouvais y dessiner une

16 ligne derrière les rochers et la colline qui la surplombe, c'est là

17 qu'était la route, 50 mètres derrière les rochers, donc vous ne pouvez la

18 voir ici. Au pied du mont Trebevic.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel était le point le plus élevé ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vraiment le dire parce que nous

21 étions plus ou moins à la même hauteur, c'était au même niveau. Partout

22 ailleurs, si vous alliez vers la droite de Borije, c'était les forces

23 serbes qui avaient le contrôle des territoires plus élevés.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

25 Q. (expurgé)

26 R. Ce n'est pas grave, ça n'a pas d'importance.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ça n'a pas d'importance, le témoin n'est

28 pas fâché.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez l'expurger néanmoins, s'il

2 vous plaît.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Tant que ceci n'apparaît pas dans les médias.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

5 Q. Le Président Robinson vous a posé une bonne question. Pouvez-vous dire

6 qui tenait la position la plus élevée, si on regarde ce point ici ?

7 R. Toute la route qui y menait était détenue par les forces serbes; ils

8 étaient environ à 20 ou 50 mètres les uns des autres. C'est comment

9 c'était. Nous étions face à face. Tout au long de la route qui menait à

10 Trebevic, il était difficile de dire qui était sur un point plus élevé.

11 Parce que nous étions vraiment côte à côte, en fait, ces batailles étaient

12 semblables à du sport, si je puis dire -- on était face à face; imaginer la

13 victoire -- on était tellement proche.

14 Q. Laissons tomber le sport pour le moment. Dites-nous simplement qui

15 contrôlait les territoires au pied de la dernière courbe de la route, juste

16 au-delà du dernier détroit ?

17 R. Quel détroit ?

18 Q. Je ne peux pas vous le dire. Dites-nous seulement. Vous avez dit que

19 les forces étaient proches de part et d'autre et qui détenaient les points

20 que vous pouvez voir sur le côté gauche ?

21 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas --

22 Q. Où se trouve le funiculaire ?

23 R. Il n'y a pas de funiculaire ici. Il ne se trouve pas sur la

24 photographie --

25 M. WAESPI : [interprétation] Je crois que le témoin a répondu, il a dit,

26 vous savez nous étions au même niveau. Je vous rappelle, Monsieur le

27 Président, que le témoin a quitté le lieu le 9 juin 1994, donc il n'est

28 d'aucune assistance pour ce qui est de la période sur laquelle porte l'acte

Page 6811

1 d'accusation.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il peut répondre à la question.

4 Gardez à l'esprit qu'il s'agit là de votre témoin.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis, Monsieur le Président.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

7 Q. Un instant. Témoin, vous avez déjà témoigné ici, vous savez comment les

8 choses se passent. La chaîne montagneuse que vous avez vous avez marqué ici

9 d'une ligne continue. Cette ligne semble indiquer aussi bien les tranchées

10 que vous avez creusées ainsi que les positions de l'armée de Republika

11 Srpska, comme vous l'avez dit. Pouvez-vous séparer ces deux choses ? Vous

12 avez déjà dit qu'elle se trouvait derrière la chaîne de montagnes. Pouvez-

13 vous maintenant nous dessiner une ligne qui indique les positions de la

14 Republika Srpska, parce que vous n'avez indiqué qu'une seule ligne ?

15 R. Vous voyez, je devrais dessiner une ligne parallèle au même niveau, et

16 cela représenterait les positions de la Republika Srpska derrière l'autre

17 ligne. Elles étaient au même niveau, donc on ne pouvait pas voir les autres

18 lignes à partir de notre point de vue.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, malheureusement

20 nous n'avons plus de temps. Est-ce que nous pourrions garder cette

21 photographie, s'il vous plaît ?

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons l'enregistrer. Nous

23 reprendrons demain à 14 heures 15.

24 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mardi 19 juin 2007,

25 à 14 heures 15.

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