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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL IT-96-22-Tbis POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
2 Mercredi 14 Janvier 1998 LE PROCUREUR C. DRAZEN ERDEMOVIC L'audience
3 est ouverte à 14 heures 40.
4 Mme le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames, Messieurs. Je
5 voudrais tout d'abord vérifier un point. Les interprètes sont-ils
6 tous prêts ? Peuvent-ils m'entendre ? Mes collègues m'entendent-ils ?
7 Très bien. Le Bureau du Procureur et la défense ? L'accusé m'entend
8 dans une langue qu'il comprend ? Y aurait-il un problème ? Il me
9 comprend maintenant. Très bien. Puis-je demander à Madame le Greffier
10 d'audience d'introduire l'affaire, s'il vous plaît ?
11 Mme le Greffier. - Affaire IT-96-22T bis , le Procureur du Tribunal
12 contre Drazen Erdemovic.
13 Mme le Président (interprétation). - Merci. Nous pouvons maintenant
14 commencer cette audience à la suite de la décision de la Chambre
15 d'appel du 7 octobre 1997 et de l'ordonnance du Président du 20
16 novembre 1997. Cette Chambre de première instance a été saisie à
17 nouveau de cette affaire. Aujourd'hui, nous allons entendre la
18 réponse de l'accusé face aux chefs d'accusation qui lui sont
19 reprochés par le Procureur dans l'acte d'accusation en date du 22 mai
20 1997. Puis-je demander à l'accusé son nom, ses lieu et date de
21 naissance, et le nom de son avocat, s'il vous plaît ?
22 M. Erdemovic (interprétation). - Je m'appelle Drazen Erdemovic. Je
23 suis né le 25 novembre 1971 à Tuzla. Mes avocats sont M. Babic et M.
24 Kostic.
25 Mme le Président (interprétation). - Merci. Pourriez-vous confirmer
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1 aux Juges que vous avez eu le temps de vous consulter avec vos
2 conseils, que vous avez reçu et compris les conseils juridiques que
3 vous avez eus jusqu'ici ?
4 M. Erdemovic (interprétation). - Oui, je suis satisfait des conseils
5 juridiques que m'ont donné mes avocats.
6 Mme le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.
7 Le Bureau du Procureur pourrait-il se présenter, s'il vous plaît ?
8 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, je m'appelle
9 M. Niemann. Je comparais en compagnie de mes collègues M. McCloskey
10 et Mme Sutherland.
11 Mme le Président (interprétation). - La défense peut-elle se
12 présenter ?
13 M. Babic (interprétation). - Madame le Président, je m'appelle Jovan
14 Babic. Je suis membre de l'ordre des avocats de Voïvodine qui fait
15 partie de l'ordre des avocats de Serbie.
16 M. Kostic (interprétation). - Bonjour, Madame le Président, je
17 m'appelle Nikola Kostic. Je suis avocat aux Etats-Unis ; j'ai donc
18 l'autorisation de travailler dans ce pays.
19 Mme le Président (interprétation). - Merci. Pour ce débat, nous
20 préciserons que l'accusé est accusé de crime contre l'humanité ou
21 bien de violation des lois ou coutumes de la guerre. Puis-je demander
22 à Madame le Greffier d'audience de lire l'acte d'accusation à
23 l'encontre de Drazen Erdemovic, s'il vous plaît.
24 Mme le Greffier (interprétation). - "Acte d'accusation du 22 mai
25 1996, le Procureur du Tribunal contre Drazen Erdemovic. Le Procureur
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1 du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, en vertu des
2 pouvoirs que lui confère l'article 18 du Statut du Tribunal, accuse :
3 Drazen Erdemovic d'un crime contre l'humanité ou bien d'une violation
4 des lois ou coutumes de la guerre, comme décrits ci-dessous : 1. Le
5 16 avril 1993, le Conseil de sécurité des Nations Unies, agissant en
6 vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, a adopté la
7 Résolution 819 demandant que toutes les parties au conflit dans la
8 République de Bosnie-Herzégovine traitent Srebrenica et ses environs
9 comme une zone de sécurité à l'abri de toute attaque armée ou de tout
10 acte d'hostilité. La Résolution 819 fut réaffirmée par la Résolution
11 824 du 6 mai 1993 et par la Résolution 836 du 4 juin 1993. 2. Le 6
12 juillet 1995, l'armée serbe de Bosnie a déclenché une attaque contre
13 la "zone de sécurité" des Nations Unies de Srebrenica. Cette attaque
14 s'est prolongée jusqu'au 11 juillet 1995, lorsque les premières
15 unités de l'armée serbe bosniaque sont entrées dans Srebrenica. 3.
16 Les milliers de civils bosniaques musulmans qui étaient à Srebrenica
17 pendant cette attaque se sont enfuis vers la base des Nations Unies à
18 Potocari et y ont cherché refuge ainsi qu'aux environs. 4. Entre le
19 11 et le 13 juillet 1995, le personnel militaire bosno-serbe a
20 sommairement exécuté un nombre inconnu de musulmans bosniaques à
21 Potocari et à Srebrenica. 5. Entre le 12 et le 13 juillet 1995, des
22 hommes, femmes et enfants musulmans de Bosnie qui s'étaient réfugiés
23 dans le camp des Nations Unies de Potocari et à proximité, ont été
24 mis dans des bus et des camions sous l'autorité de membres de l'armée
25 bosno-serbe et de la police et transportés hors de l'enclave de
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1 Srebrenica. Avant de monter dans les bus et les camions, les hommes
2 musulmans ont été séparés des femmes et enfants et transportés vers
3 divers centres de rassemblement autour de Srebrenica. 6. Un deuxième
4 groupe d'environ 15.000 hommes musulmans bosniaques, avec des femmes
5 et des enfants, ont fui Srebrenica le 11 juillet 1995 à travers bois,
6 en direction de Tuzla, en formant une vaste colonne. Un grand nombre
7 des hommes musulmans bosniaques qui composaient cette colonne ont été
8 capturés par les hommes de la police ou de l'armée bosno-serbe ou se
9 sont rendus. 7. Des milliers d'hommes musulmans qui avaient été
10 séparés de leurs femmes et de leurs enfants à Potocari ou qui avaient
11 été capturés ou s'étaient rendus aux hommes de la police ou de
12 l'armée bosno-serbe ont été envoyés vers différents sites de
13 rassemblement en dehors de Srebrenica dont, entre autres, un hangar à
14 Bratunac, un terrain de football à Nova Kasaba, un entrepôt à
15 Kravica, l'école primaire et le gymnase de " Veljko Lukic- Kurjak " à
16 Grbavci, dans la municipalité de Zvornik et dans divers champs et
17 prés qui bordent la route entre Bratunac et Milici. 8. Entre le 13
18 juillet 1995 et le 22 juillet 1995 environ, des milliers d'hommes
19 musulmans de Bosnie ont été sommairement exécutés par des membres de
20 l'armée bosno-serbe et de la police serbe de Bosnie à divers endroits
21 dont, entre autres, un entrepôt à Kravica, un pré et un barrage près
22 de Lazete et plusieurs autres endroits. 9. Le 16 juillet 1995, Drazen
23 Erdemovic et d'autres membres du 10ème détachement de sabotage de
24 l'armée serbe de Bosnie ont été envoyés dans une ferme collective
25 près de Pilica. Cette ferme se situe au nord-ouest de Zvornik dans la
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1 municipalité de Zvornik. 10. Le 16 juillet 1995, Drazen Erdemovic et
2 d'autres membres de son unité, ont été informés que des bus, venant
3 de Srebrenica, remplis de civils bosniaques musulmans qui s'étaient
4 rendus aux membres de la police ou de l'armée bosno-serbe, allaient
5 arriver tout au long de la journée dans cette ferme collective. 11.
6 Le 16 juillet 1995, des bus remplis d'hommes musulmans de Bosnie sont
7 arrivés dans la ferme collective à Pilica. Chaque bus était rempli
8 d'hommes musulmans âgés de 17 à 60 ans. A l'arrivée de chaque bus,
9 des membres du 10ème détachement de sabotage les faisaient descendre
10 par groupe de 10 et les escortaient jusqu'à un champ adjacent aux
11 bâtiments de la ferme et les faisaient mettre en ligne, tournant le
12 dos à Drazen Erdemovic et aux membres de son unité. 12. Le 16 juillet
13 1995, Drazen Erdemovic a tué, exécuté et participé avec d'autres
14 membres de son unité et des soldats d'une autre brigade à l'exécution
15 et au massacre d'hommes musulmans bosniaques non armés, à la ferme
16 collective de Pilica. Ces exécutions sommaires ont causé la mort de
17 centaines de civils musulmans de Bosnie. L'accusé : 13. Drazen
18 Erdemovic est née le 25 novembre 1971 dans la municipalité de Tuzla.
19 Il était soldat du 10ème détachement de sabotage de l'armée serbe de
20 Bosnie. Il est actuellement en détention au quartier pénitentiaire
21 des Nations Unies à La Haye. Contexte général : 14. A toutes les
22 dates indiquées dans cet acte d'accusation, une situation de conflit
23 armé et d'occupation partielle régnait dans la République de Bosnie-
24 Herzégovine dans le territoire de l'ancienne Yougoslavie. 14. Drazen
25 Erdemovic est individuellement responsable du crime allégué contre
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1 lui dans cet acte d'accusation conformément au paragraphe 1 de
2 l'article 7 du Statut du Tribunal. La responsabilité pénale
3 individuelle concerne quiconque planifie, incite à commettre,
4 ordonne, commet ou de toute autre manière aide et encourage à
5 planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 3 et 5 du
6 Statut du Tribunal. Chefs d'accusation : 16. Par ces actes se
7 rapportant aux événements décrits au paragraphe 12, Drazen Erdemovic
8 a commis : Chef d'accusation 1 : un crime contre l'humanité,
9 sanctionné par l'article 5 a) (meurtre) du Statut du Tribunal. Ou
10 Chef d'accusation 2 : une violation des lois ou coutumes de la
11 guerre, sanctionnée par l'article 3 du Statut du Tribunal et reconnue
12 par l'article 3 1) a) (meurtre) des Conventions de Genève. Signature
13 : Richard J. Goldstone, Procureur. Le 22 mai 1996, La Haye, Pays-
14 Bas".
15 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Puisqu'il y a
16 deux chefs d'accusation sur lesquels l'accusé doit plaider, mes
17 collègues ont décidé qu'une explication des différences entre ces
18 deux chefs d'accusation est nécessaire. Pour le premier, il s'agit
19 d'une violation des lois ou coutumes de la guerre. Un crime contre
20 l'humanité peut également constituer un crime de guerre. Mais il
21 s'agit d'une attaque généralisée ou systématique visant la population
22 civile. La Chambre d'appel, lorsqu'elle a traité cette question, a
23 déterminé qu'un crime contre l'humanité était plus sérieux qu'une
24 violation des lois ou coutumes de la guerre, et qu'elle nécessitait
25 donc une peine plus lourde. Monsieur Erdemovic, voulez-vous vous
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1 lever, s'il vous plaît ? J'ai un problème de papier. Dans les chefs
2 d'accusation retenus contre vous, il y a deux chefs différents ; vous
3 avez différentes options. Vous pouvez plaider non coupable aux deux
4 chefs d'accusation, ou bien, étant donné que ces deux chefs
5 d'accusation peuvent être pris séparément, vous pouvez plaider
6 coupable soit à l'un, soit à l'autre, ou bien plaider non coupable
7 pour les deux chefs d'accusation. Comprenez-vous le contenu de ces
8 chefs d'accusation ?
9 M. Erdemovic (interprétation). - Oui, je comprends bien.
10 Mme le Président (interprétation). - Avez-vous débattu ces chefs
11 d'accusation avec vos représentants, vos conseils ?
12 M. Erdemovic (interprétation). - Oui.
13 Mme le Président (interprétation). - Votre conseil vous a-t-il
14 expliqué ces chefs d'accusation ?
15 M. Erdemovic (interprétation). - Oui, il me les a expliqués.
16 Mme le Président (interprétation). - Y a-t-il quoi que ce soit qui ne
17 soit pas encore clair et qui soit lié à ces chefs d'accusation ?
18 M. Erdemovic (interprétation). - Non, il n'y a rien qui ne soit pas
19 clair.
20 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je voudrais
21 également souligner le fait qu'il est très important que vous
22 compreniez les positions juridiques et les choix qui vous sont
23 possibles, et les conséquences de votre décision au moment de
24 prononcer votre plaidoyer. Pouvez-vous vous asseoir Monsieur
25 Erdemovic ? (L'accusé s'exécute).
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1 Mme le Président (interprétation). - Avant d'aller plus loin, je
2 voudrais aborder la question des requêtes. La Chambre de première
3 instance a examiné une requête de la défense du 3 décembre et est
4 consciente des différentes évolutions. Monsieur Babic, maintenez-vous
5 votre requête telle qu'elle a été mentionnée dans votre lettre ?
6 Voulez-vous que nous la considérions, et que nous l'étudions
7 maintenant ou plus tard ?
8 M. Babic (interprétation). - Madame le Président, je propose que mes
9 deux écrits, celui du 3 décembre et celui que j'ai déposé hier en
10 rapport avec des éléments de la sanction pénale, ainsi que l'annexe
11 du 3 décembre que j'ai déposée hier, soient tous discutés à l'instant
12 même, aujourd'hui. Si je peux apporter des éclaircissements, je suis
13 tout à fait prêt à le faire si vous n'avez pas d'autres questions à
14 traiter au préalable. En tout cas, je propose que tous ces documents
15 soient discutés aujourd'hui même.
16 Mme le Président (interprétation). - Vous souhaitez que nous
17 débattions cette requête avant que le plaidoyer soit prononcé ?
18 M. Babic (interprétation). - Oui, c'est tout à fait cela. Je voudrais
19 prononcer une déclaration. Au cours de la réalisation de ces requêtes
20 et pendant que je me préparais pour la défense la plus complète
21 possible de mon client, Drazen Erdemovic, dans les efforts que j'ai
22 accomplis pour présenter au Tribunal tous les aspects factuels et
23 juridiques de l'accusation et de la culpabilité, je me suis penché
24 sur un certain nombre de documents de base, notamment sur les aspects
25 relatifs à la réforme des jugements. J'ai donc étudié les documents
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1 de la fédération yougoslave, ainsi que tous les documents de la
2 région, qui sont à l'appui de ce que je propose. Hier, j'ai également
3 présenté un certain nombre d'objectifs et éléments qui portent sur le
4 prononcé de l'appel. En parallèle avec ces requêtes, avec ces
5 documents, et dans le cadre du travail que j'ai accompli pour
6 élaborer ces deux documents, j'ai travaillé avec mon confrère Me
7 Kostic, et également avec l'accusation, sur la base du Code pénal
8 américain, en particulier de son article 11. Aujourd'hui, j'estime
9 qu'il est rationnel et très important pour le Tribunal que
10 j'abandonne les deux requêtes que j'ai présentées et ce dans
11 l'intérêt de l'accord que nous avons conclu avec l'accusation. Voilà
12 ce que je voulais dire au début de ma prise de parole.
13 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. La Chambre de
14 première instance confirme que vous retirez cette requête et que
15 vous vous alignez sur la requête conjointe avec le Bureau du Procureur,
16 c'est cela ? M. Babic (interprétation). - Oui.
17 Mme le Président (interprétation). - Certaines remarques du Bureau du
18 Procureur ?
19 M. Niemann (interprétation). - Oui. Nous avons pris note de ce que le
20 conseil de la défense vient de dire. Nous confirmons qu'il y a eu un
21 accord conclu entre les deux parties. Nous l'avons déposé pour qu'il
22 soit étudié par cette Chambre de première instance.
23 Mme le Président (interprétation). - Merci.
24 M. Babic (interprétation). - Madame le Président, j'aimerais dire
25 encore un mot. Pourquoi la défense a-t-elle agi comme elle la fait ?
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1 Elle a agi de cette façon parce que ce n'était pas tout à fait clair
2 à ses yeux. Celle-ci ne savait pas exactement quel système appliquer
3 devant ce Tribunal, ni quel était le système prévalant. Lorsque nous
4 avons compris, avec la plus grande clarté qui soit, que c'était la
5 Common Law qui s'appliquait dans ce Tribunal, nous avons pris la
6 décision que nous avons prise et que je viens de vous exposer.
7 Mme le Président (interprétation). - Très bien. Merci. La Chambre de
8 première instance a pris bonne note de cet accord sur le plaidoyer
9 qui vient d'être prononcé et confirmé par les deux parties. Bien
10 entendu, nous ne sommes pas liés par une telle proposition mais nous
11 l'étudierons très minutieusement. Cependant, nous voudrions que
12 l'accusé confirme le fait qu'il ait bien compris l'accord, qu'il y
13 ait adhéré volontairement. Je m'adresse donc à Monsieur Erdemovic.
14 Voulez-vous vous lever, s'il vous plaît ? (L'accusé se lève.) Je suis
15 sûre que vous avez compris ce que votre conseil vient de dire à la
16 Chambre de première instance. Votre conseil a retiré à l'instant ces
17 deux requêtes et il a confirmé l'accord conclu avec le Procureur. Je
18 vous pose donc la question suivante : avez-vous connaissance de cet
19 accord ?
20 M. Erdemovic (interprétation). - Madame le Président, je connais
21 l'existence de cet accord. Je l'ai signé et je suis tout à fait au
22 courant de ce qu'il contient.
23 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je voudrais
24 maintenant vous rappeler, comme je vous l'ai déjà expliqué, le chef
25 d'accusation 1, et autre chef d'accusation possible, le chef
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1 d'accusation 2. Le chef d'accusation 1 est le crime contre l'humanité
2 sanctionné par l'article 5 a) du Tribunal. Comment allez-vous plaider
3 ? Je voudrais que vous me disiez : je plaide coupable ou je plaide
4 non coupable. Pour le premier chef d'accusation, que plaidez-vous ?
5 M. Erdemovic (interprétation). - Au sujet du premier chef
6 d'accusation, je plaide non coupable.
7 Mme le Président (interprétation). - Merci. Autre chef d'accusation
8 possible, le chef d'accusation 2, une violation des lois ou coutumes
9 de la guerre, sanctionnée par l'article 3 du Statut du Tribunal et
10 reconnue par l'article 3 1) a) (meurtre) des Conventions de Genève,
11 que plaidez-vous ?
12 M. Erdemovic (interprétation). - Je plaide coupable.
13 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur
14 Erdemovic. Avant d'enregistrer ce plaidoyer de culpabilité, je
15 voudrais que vous me disiez si vous avez eu suffisamment de temps
16 pour parler de ce plaidoyer avec votre conseil, votre avocat ?
17 M. Erdemovic (interprétation). - Oui, Madame le Président.
18 Mme le Président (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que
19 le plaidoyer que vous venez de prononcer au chef d'accusation 2 est
20 conforme aux instructions de votre avocat ?
21 M. Erdemovic (interprétation). - Oui, Madame le Président.
22 Mme le Président (interprétation). - Je voudrais également être sûre
23 que vous n'ayez pas subi, soit par le Bureau du Procureur, soit de
24 votre propre conseil, une certaine pression qui vous a amené à
25 plaider coupable du chef d'accusation 2 ?
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1 M. Erdemovic (interprétation). - Non, Madame le Président.
2 Mme le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres pressions
3 extérieures, de toute autre personne, outre le Bureau du Procureur ou
4 votre propre conseil ?
5 M. Erdemovic (interprétation). - Non, Madame le Président.
6 Mme le Président (interprétation). - Vous rendez-vous compte des
7 conséquences de votre plaidoyer de culpabilité selon le Statut ? Nous
8 prenons compte bien entendu des pratiques de ce Tribunal. Est-ce que
9 vous êtes conscient du fait que vous risquez la peine
10 d'emprisonnement à vie ?
11 M. Erdemovic (interprétation). - Oui, Madame le Président.
12 Mme le Président (interprétation). - Merci, vous pouvez vous
13 rasseoir, Monsieur Erdemovic. (L'accusé s'exécute.) Je voudrais
14 entendre les commentaires du Procureur sur ce plaidoyer de
15 culpabilité au chef d'accusation 2 et les arguments qui émanent de
16 l'article 62 (B) (C). Y a-t-il suffisamment de fondements pour
17 imputer ce crime à l'accusé ?
18 M. Niemann (interprétation). - Madame le Président, comme cela figure
19 dans l'accord que nous avons soumis à votre considération, Madame et
20 Messieurs les Juges, l'accusation accepte et indique que le plaidoyer
21 de culpabilité vis-à-vis du chef d'accusation de crime de guerre est
22 conforme au contenu de l'accord conclu entre les deux parties. Madame
23 le Président, l'accusation déclare qu'il existe de très nombreux
24 éléments de preuve à l'appui de ce mode de plaidoyer, ainsi que du
25 chef d'accusation en question. Nous avons déposé un certain nombre de
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1 documents, Madame le Président, qui ont déjà été versés au dossier de
2 cette affaire, portant sur des faits qui ne se distinguent pas de
3 ceux qui devraient être évoqués à ce stade. Le 8 janvier 1998, nous
4 avons déposé ces documents au nombre desquels figure le compte rendu
5 de l'audience de prononcé de la peine qui s'est déroulée devant la
6 Chambre de première instance n° 1, les 19 et 20 novembre 1996. Nous
7 soumettons ce document à votre considération, Madame et Messieurs les
8 Juges, en tant qu'élément factuel qui peut être pris en compte lors
9 de l'examen de ce plaidoyer de l'accusé. Nous avons déposé le compte
10 rendu du plaidoyer de culpabilité prononcé par l'accusé le 31 mai
11 1996 devant cette Chambre de première instance. Nous soumettons
12 également ce document à votre considération s'agissant des éléments
13 factuels impliqués dans cette affaire. Deux évaluations
14 psychologiques sont soumises à votre considération, la première en
15 date du 24 juin 1996, la deuxième en date du 14 octobre 1996. Avec
16 tout le respect que nous devons à la Cour, nous déclarons que tous
17 ces documents, s'ils sont pris en compte, fournissent une base, un
18 fondement tout à fait approprié à l'appui des allégations figurant
19 dans l'acte d'accusation et à l'appui du plaidoyer qui vient d'être
20 proposé dans cette affaire.
21 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous aimerions
22 que vous énonciez rapidement les faits à l'appui de l'acte
23 d'accusation, étant donné qu'il s'agit maintenant d'une nouvelle
24 instance et après avoir entendu le plaidoyer de l'accusé.
25 M. Niemann (interprétation). - Il y a les faits que j'ai évoqués dans
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1 l'acte d'accusation, notamment les paragraphes 2 à 12 de l'acte
2 d'accusation, sur lesquels nous nous appuyons, également les faits
3 évoquées au paragraphe 11 de l'accord qui a été conclu par les
4 parties. Madame le Président, si vous me demandez de passer en revue
5 les éléments factuels liés à cette affaire en quelques mots,
6 j'aimerais vous renvoyer à la première décision de la Chambre de
7 première instance qui a entendu cette affaire, Chambre de première
8 instance qui a rendu un certain nombre de décisions au sujet des
9 éléments factuels impliqués. Devant cette Chambre de première
10 instance, Madame le Président, les faits ont été pris en compte. Il
11 n'y a eu aucun doute au sujet de ces derniers. Il a été entendu que
12 le 16 juillet 1995, date à laquelle l'accusé, membre de la 10ème
13 unité de sabotage de l'armée de la Republika Srbska a participé à
14 l'exécution de 1200 civils désarmés environ, dans une ferme
15 collective proche du village de Pilica.
16 M. McCloskey (interprétation). - Ces faits n'ont été mis en doute ni
17 par l'accusation ni par la défense. La ferme de Pilica se trouve non
18 loin de Zvornik. Voilà les faits qui s'ajoutent à ceux sur lesquels
19 nous nous appuyons initialement dans cette affaire et que nous venons
20 d'évoquer. Comme je l'ai déjà dit, un accord a été conclu par les
21 parties que tels étaient bien les faits à prendre en considération à
22 l'appui de l'accord conclu. Voilà ce que je peux vous fournir
23 aujourd'hui. Je ne pourrai, si vous exigez davantage de moi, que lire
24 les documents que j'ai cités tout à l'heure. Si vous le souhaitez, je
25 suis tout à fait prêt à le faire.
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1 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Je crois que
2 ceci sera suffisant. Vous avez fait référence aux paragraphes, aux
3 questions et aux documents à examiner. La défense, êtes-vous d'accord
4 avec ce qui vient d'être dit par l'accusation ?
5 M. McCloskey (interprétation). - Madame le Président, nous sommes
6 tout à fait prêts à accepter l'évocation des faits que vient de
7 faire Me Niemann. Nous stipulons sur ces points. Nous connaissons
8 également le contenu des documents qu'il a cités et notre client le
9 connaît également. Nous sommes tout à fait d'accord avec tout ce que
10 vient de dire Me Niemann, y compris dans son exposé oral.
11 Mme le Président (interprétation). - Oui, Maître Babic ?
12 M. Babic (interprétation). - La Chambre de première instance n° 1,
13 lorsqu'elle a rendu son jugement, dans le texte écrit du jugement, a
14 mis en doute de façon indéterminée le fait que la 10ème unité de
15 sabotage de l'armée de la Republika Srbska a pu participer, y compris
16 à la liquidation de 500 civils musulmans, dans le centre social de
17 Pilica ultérieurement à l'acte dont nous parlons. La défense a mis en
18 cause cet élément dans une plainte, parce que la 10ème unité de
19 sabotage n'a pas participé à cet acte en question. Je demanderai, si
20 cela est possible, au Procureur de dire clairement si, oui ou non, la
21 10ème unité de sabotage, à laquelle appartenait l'accusé,
22 M. Erdemovic, a participé à l'acte qui vient d'être mentionné.
23 Mme le Président (interprétation). - L'accusation ?
24 M. McCloskey (interprétation). - Oui, Madame le Président. Je
25 m'appelle Peter McCloskey. Me Babic a raison de dire qu'il y a une
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1 certaine confusion au niveau des actes enregistrés, puisque deux
2 incidents se sont produits ce jour-là, deux massacres. Celui auquel a
3 participé Erdemovic s'est produit près d'une ferme, tout au long
4 d'une journée. Effectivement des membres d'une autre brigade se sont
5 rendus dans la ville de Pilica et ont participé au massacre de 500
6 personnes. Nous croyons comprendre et nous sommes convaincus que la
7 défense n'a pas prouvé que l'unité de M. Erdemovic n'ait pas
8 participé à ce second acte. La confusion ne portait pas sur le
9 témoignage factuel, mais plutôt sur l'interprétation qui a été
10 donnée. Confusion il y avait, mais pour que tout soit bien précis
11 aujourd'hui, ce sont les faits. Effectivement, il était clair que ce
12 sont les faits et que M. Erdemovic n'a pas participé à ce massacre.
13 Mme le Président (interprétation). - Vous avez entendu ce que vient
14 de dire l'accusation s'agissant des faits et de votre plaidoyer de
15 culpabilité. Vous avez entendu aussi ce que vient de dire votre
16 conseil et la correction, la modification qu'il a apportée à propos
17 des faits établis par la Chambre de première instance. J'aimerais que
18 vous nous disiez si vous êtes d'accord avec les faits tels qu'ils ont
19 été énoncés par l'accusation et aussi acceptés par la défense,
20 correction apportée. Etes-vous d'accord sur ces faits ? (L'accusé se
21 lève.)
22 M. Erdemovic (interprétation). - Madame le Président, je suis
23 entièrement d'accord avec le représentant de l'accusation, ainsi
24 qu'avec mon conseil de la défense.
25 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez
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1 vous rasseoir. Je crois qu'il y a des questions qui sont posées par
2 mes collègues. La Chambre a déterminé la validité du plaidoyer déposé
3 par
4 M. Erdemovic. La Chambre accepte désormais de façon officielle votre
5 plaidoyer de culpabilité et prend acte de ce fait. La Chambre vous
6 condamne au chef n° 2 pour violation des lois ou coutumes de la
7 guerre sanctionnée par l'article 3 du Statut du Tribunal et reconnue
8 par l'article 3 1) a) (meurtre) des Conventions de Genève. Le
9 Procureur veut-il confirmer qu'il retire l'autre chef d'accusation ?
10 M. Niemann (interprétation). - Oui, Madame le Président. Nous
11 confirmons que nous retirons le chef d'accusation de crime contre
12 l'humanité.
13 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. Le greffe
14 peut-il enregistrer le retrait du chef n° 1 et la condamnation
15 portant sur le chef n° 2. A ce stade, il faudra prendre des
16 dispositions pour une audience de prononcé de la peine afin que
17 toutes les parties puissent fournir les pièces nécessaires pour que
18 la Chambre de première instance établisse une peine appropriée. Je
19 crois comprendre du greffe que l'audience est disponible si nous
20 voulons entendre d'autres argumentations présentées par les parties
21 que ce soit cet après-midi ou demain. Les parties sont-elles en
22 mesure de présenter leurs argumentations à propos de l'établissement
23 de la peine, après une courte pause, dès cet après-midi ?
24 M. Niemann (interprétation). - L'accusation est prête, Madame le
25 Président.
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1 Mme le Président (interprétation). - Maître Babic ?
2 M. Babic (interprétation). - La défense est également prête à
3 s'exprimer au sujet de la sentence.
4 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. Nous allons
5 avoir une brève interruption d'une trentaine de minutes avant de
6 passer à l'audience relative à l'établissement de la peine.
7 L'audience, suspendue à 15 h 20, est reprise à 15 h 50.
8 Mme le Président (interprétation). - Nous reprenons nos débats. Je
9 voudrais d'abord vérifier si les interprètes sont prêts ; merci. Mes
10 collègues m'entendent-ils ? Le Procureur ? La défense également ?
11 Fort bien,merci. L'accusé également, dans une langue qu'il comprend ?
12 M. Erdemovic (interprétation). - Oui, Madame le Président.
13 Mme le Président (interprétation). - Je demanderai au greffe de citer
14 l'affaire une fois de plus, de l'introduire.
15 Mme le Greffier (interprétation). - Affaire IT-96-22Tbis T, le
16 Procureur du Tribunal contre Drazen Erdemovic.
17 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous commençons
18 l'audience préalable au prononcé de la peine. Nous avons déjà pris
19 acte du plaidoyer de culpabilité prononcé par l'accusé. Conformément
20 à la décision rendue par la Chambre d'appel et conformément au
21 Règlement de procédure et de preuve, il a été pris acte de la
22 condamnation. Nous allons maintenant examiner l'article 100 du
23 Règlement permettant aux parties de proposer toutes informations qui
24 pourraient aider la Chambre de première instance à établir la peine à
25 infliger à
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1 M. Erdemovic. J'aimerais demander aux parties leurs intentions. Vont-
2 ils soumettre des éléments de preuve dans le cadre de ces débats ou
3 vont-ils se fonder sur certains arguments en particulier ? Je me
4 tourne d'abord vers le Procureur ?
5 M. Niemann (interprétation). - Nous disposons du compte rendu du
6 témoignage de M. Erdemovic lors de l'audience, en vertu de l'article
7 61 du Règlement de procédure et de preuve. Nous demandons à verser au
8 dossier de l'instance ce compte rendu. Nous voudrions le soumettre à
9 l'examen des Juges s'agissant de la réduction de la peine. Cela
10 semble indiquer que le témoignage complet qu'il a fourni pourrait
11 intervenir en faveur de la réduction de la peine. (L'huissier
12 s'exécute.)
13 Mme le Président (interprétation). - J'aimerais savoir ce qu'ont à
14 dire les avocats de la défense ? Vous avez entendu ce qu'a dit le
15 Procureur. Etes-vous d'accord avec ce qu'il a dit ?
16 M. Kostic (interprétation). - Je n'aurai que cela à ajouter, nous
17 nous attendions à ce que le document soit versé au dossier. Nous
18 avons marqué notre accord à ce que cela vous soit soumis.
19 M. Niemann (interprétation). - De surcroît, Madame le Président,
20 toujours dans le cadre de la diminution de la peine, nous voudrions
21 citer aujourd'hui
22 M. Jean- René Ruez, Enquêteur auprès du Tribunal et du Bureau du
23 Procureur, qui pourra témoigner de l'étendue de la coopération
24 fournie par l'accusé au Bureau du Procureur. Cela va peut-être vous
25 aider, Madame et messieurs les Juges, à établir le montant de la
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1 peine. Si vous pensez qu'il est utile de l'entendre, il est
2 disponible et Me McCloskey pourra lui poser quelques questions. Je
3 pourrai aussi intervenir rapidement sur la question de la peine, si
4 cela peut vous aider. Je pourrais le faire avant que le témoin ne
5 soit cité à la barre, pour autant que cela vous convienne.
6 Mme le Président (interprétation). - Merci, Maître Niemann.
7 Poursuivez. Vous pouvez nous soumettre vos arguments et puis nous
8 entendrons le témoin.
9 M. Niemann (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, je
10 serai bref sur ces questions. Pour que cela vous soit d'une certaine
11 assistance, je pense qu'il est utile d'examiner l'article 24
12 paragraphe 2 et l'article 7-4 du Statut du Tribunal, ainsi que
13 l'article 101 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, qui
14 tous, à notre avis, portent sur la question de la peine à infliger.
15 Les facteurs pertinents, mentionnés dans ces dispositions, portent
16 notamment sur la gravité de l'acte commis sur les circonstances
17 individuelles caractérisant l'accusé sur la question de savoir si
18 celui-ci exécutait des ordres de supérieurs hiérarchiques, s'il y
19 avait des circonstances aggravantes ou atténuantes, et si l'accusé
20 avait fourni une coopération importante au Bureau du Procureur. Je ne
21 pense pas qu'il soit nécessaire que je m'attarde sur la question des
22 circonstances aggravantes. Les faits parlent d'eux-mêmes. Il n'est
23 pas nécessaire de faire plus que simplement mentionner ces faits à
24 votre attention. De même, s'agissant de la gravité de l'acte, il ne
25 sera pas nécessaire de s'y attarder non plus puisque les faits sont
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1 assez évidents. Toutefois, étant donné la gravité du délit et les
2 circonstances qui sont à ce point aggravantes et graves, il nous
3 semble nécessaire, en tant que Bureau du Procureur, d'insister sur la
4 question de la réduction de la peine. En effet, c'est un fait qu'il
5 faut voir au regard des circonstances aggravantes que vous allez
6 peut-être vouloir examiner.
7 M. Erdemovic a grandement assisté le Bureau du Procureur. Tout
8 d'abord, dans la mesure où il s'est livré de son plein gré au
9 Tribunal de La Haye. Il est vrai qu'il a été transféré sous la garde
10 du Tribunal sur demande, mais il était déjà en train de se préparer à
11 se rendre au Tribunal de La Haye avant d'être arrêté par les
12 autorités de la République fédérale de Yougoslavie. Mais, ce qui est
13 important, c'est qu'il avait déjà fait les premières démarches
14 nécessaires pour se livrer au Tribunal de La Haye. A cet égard, nous
15 estimons que c'est là une démarche importante eu égard aux
16 difficultés historiques que nous connaissons lorsqu'il s'agit
17 d'arrêter des personnes responsables de crimes et de les livrer au
18 Tribunal. Peu de temps après que M. Erdemovic soit arrivé à La Haye,
19 de son plein gré il a avoué ses crimes à un enquêteur du Tribunal, et
20 plus exactement du Bureau du Procureur. Lorsqu'il a discuté avec des
21 membres du Tribunal, il a manifesté des remords sincères pour les
22 actes qui se sont produits le 16 juillet 1995. Ces faits repris
23 ensemble, sa volonté de se livrer au Tribunal, ses aveux de
24 culpabilité et l'expression de son remords ont été considérés comme
25 sincères et ce sont pour nous des circonstances atténuantes. En sus
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1 de ces circonstances atténuantes déjà mentionnées, vous allez peut-
2 être vouloir examiner un autre point : le fait qu'il a exécuté des
3 ordres de supérieurs hiérarchiques lorsqu'il a été l'auteur de ces
4 crimes. L'acte qu'il devait exécuter était d'ordre criminel, mais il
5 devait aussi respecter les ordres de ses supérieurs hiérarchiques.
6 Vous allez peut- être vouloir considérer ceci comme étant une
7 circonstance atténuante lorsque vous allez établir la peine. Le fait
8 qu'il y ait eu une véritable coopération avec le Bureau du Procureur
9 justifie à nos yeux une réduction considérable de la peine. Nous
10 disons cela parce que la position du Bureau du Procureur ne peut pas
11 se comparer à ce qui se passe dans le cadre de tribunaux nationaux.
12 En effet, dans le cadre d'un pays, le ministère public peut disposer
13 de forces de police mobiles sur le terrain, peut obtenir des éléments
14 de preuve et des informations de façon beaucoup plus aisée que ce
15 n'est le cas, auprès du Bureau du Procureur, au Tribunal. Celui-ci
16 est largement tributaire de la coopération des états, ainsi que
17 d'autres instances gouvernementales ou non gouvernementales, avant de
18 pouvoir réunir des éléments de preuve. Etant donné ces contraintes
19 imposées au Bureau du Procureur, les difficultés qui en résultent à
20 obtenir et à soumettre des éléments de preuve au Tribunal montrent
21 l'importance qu'il y a à avoir la coopération d'un accusé. Faute de
22 cette coopération, le Bureau du Procureur n'est souvent pas en mesure
23 de présenter ces éléments de preuve au Tribunal? S'agissant des
24 événements concernés dans cette affaire, le Bureau du Procureur ne
25 disposait d'aucune information directe portant sur ces événements,
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1 n'avait aucun détail sur la ferme de Pilica où ces quelque 1200
2 personnes ont été assassinées. Nous ne disposions pas au Bureau du
3 Procureur de cette information de façon détaillée avant d'obtenir
4 l'aide de M. Erdemovic. Les coordonnées précises du site étaient
5 d'une importance cruciale pour le Bureau du Procureur. Elles ont
6 permis une enquête et une exhumation du site, ce qui a permis de
7 montrer et de voir où se trouvaient certaines des victimes, pas
8 toutes effectivement, car plusieurs ont peut-être été évacuées
9 auparavant. Il y a aussi les événements qui se sont produits au
10 centre social de Pilica. L'accusé lui-même n'y a pas participé ; il
11 était tout au plus un témoin de ceux-ci. Etant donné les
12 circonstances tragiques -en effet, pensons au fait que 500 civils ont
13 été assassinés à cet endroit.
14 M. Erdemovic en a été le témoin, il a déposé à propos de ces
15 événements, il a fourni des informations au Bureau du Procureur.
16 C'est un événement que le Bureau du Procureur ne connaissait pas
17 avant de recevoir l'aide de M. Erdemovic. A cela s'ajoute le fait que
18 M. Erdemovic a fourni le nom et l'identité d'autres auteurs de
19 crimes. Je ne peux pas ici vous fournir le détail de tout ceci pour
20 des raisons qui sont évidentes, mais il est certain que ces
21 informations ont débouché sur des activités d'enquêtes qui se
22 poursuivent encore aujourd'hui au sein du Bureau du Procureur. J'ai
23 demandé le versement au dossier du compte rendu du témoignage de
24 M. Erdemovic, fourni dans le cadre de l'audience portant sur
25 l'article 61 du Règlement, dans le cadre de l'acte d'accusation
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1 dressé contre Mrs Karabdic et Mladic. C'est avec beaucoup de courage
2 que M. Erdemovic a déposé à propos de ces personnes très importantes
3 qui ont été mises en accusation par le Tribunal. C'est de plein gré
4 qu'il a fourni ces informations en encourant, se faisant, un certain
5 risque pour sa propre vie. Ceci constitue, à notre avis, un autre
6 facteur qui, à nos yeux, mérite d'être considéré lorsqu'il s'agira,
7 éventuellement, de réduire la peine qui sera infligée à
8 M. Erdemovic. Madame et Messieurs les Juges, l'article 101 (B)3
9 déclare que la Chambre va tenir compte de la grille générale des
10 peines d'emprisonnement telles qu'appliquées par les tribunaux en ex-
11 Yougoslavie. Nous avions déjà fourni une analyse de cette grille des
12 peines pratiquées. Vous pourrez l'examiner, si tel est votre souhait,
13 en tenant compte de l'accord obtenu entre les parties. Pour ce qui
14 est de l'avis que nous avons à propos de l'établissement de la peine,
15 bien sûr vous pouvez le retenir ou le rejeter, ce n'est sans doute
16 pas très important, mais il est intéressant de constater qu'un crime
17 de ce type serait passible d'une peine d'emprisonnement allant de 5
18 à 20 ans, 5 ans au minimum et 20 ans au maximum. Le dernier élément
19 que j'aimerais vous soumettre, s'agissant des faits, eu égard au fait
20 que maintenant M. Erdemovic est passible d'une peine portant sur un
21 crime de guerre et non plus sur le crime plus grave qui est le crime
22 contre l'humanité, le Bureau du Procureur tient à soumettre à votre
23 examen que, en ce qui nous concerne, 7 ans d'emprisonnement
24 pourraient constituer une peine appropriée. Je souligne bien sûr que
25 la décision reste la vôtre. Je demanderai éventuellement l'aide de Me
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1 McCloskey qui pourra poser des questions au témoin, Jean-René Ruez,
2 qui a parlé à plusieurs reprises avec M. Erdemovic et qui, en tant
3 qu'enquêteur, a bénéficié d'informations très utiles.
4 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous allons
5 entendre ce témoin comme vous l'avez proposé. Me McCloskey va poser
6 les questions aux témoins.
7 M. McCloskey (interprétation). - Je vous rappelle le long témoignage
8 qu'avait déjà fourni Jean-René Ruez lors de l'audience sentencielle
9 lorsqu'il a évoqué tous les faits de cette affaire. Aux fins de cette
10 audience, nous allons limiter nos questions sur les trois principaux
11 facteurs permettant d'atténuer la peine pour vous montrer quelle est
12 la base factuelle de ces trois facteurs que vient d'évoquer Me
13 Niemann. Ils sont repris dans l'accord entre les parties aux
14 paragraphes 13, 14 et 16 (C). Je me contenterai d'évoquer le point 13
15 : le fait que M. Erdemovic se soit présenté de son plein gré avant
16 même que nous ayons connaissance des faits commis, ainsi que son aide
17 apportée au Bureau du Procureur, et, en dernier point, le fait que
18 d'après le Bureau du Procureur il agissait sur ordre prononcé par des
19 supérieurs hiérarchiques et sous contrainte.
20 M. Ruez va pouvoir vous donner des faits de fond et répondre à toutes
21 les questions que vous voudrez peut-être lui poser. Sans plus tarder,
22 je demande que le témoin, Jean- René Ruez, soit introduit.
23 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur
24 l'huissier va le faire entrer et lui demander de prêter serment. (Le
25 témoin est introduit dans le prétoire.)
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1 Mme le Président (interprétation). - Veuillez prêter serment, s'il
2 vous plaît ?
3 M. Ruez (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité .
5 Mme le Président (interprétation). - Merci.
6 M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous décliner votre
7 identité ?
8 M. Ruez (interprétation). - Je m'appelle Jean-René Ruez.
9 M. McCloskey (interprétation). - Asseyez-vous, s'il vous plaît. (Le
10 témoin s'exécute.) Pourriez-vous dire quelle est votre fonction ?
11 M. Ruez (interprétation). - Je suis officier de police judiciaire en
12 France. Je travaille en tant que chef de l'équipe d'enquêteurs
13 chargée de l'enquête de Srebrenica commencée en juillet 1995 pour le
14 Bureau du Procureur.
15 M. McCloskey (interprétation). - Etes-vous chef d'équipe depuis le
16 début de cette enquête ?
17 M. Ruez (interprétation). - C'est exact.
18 M. McCloskey (interprétation). - Le Tribunal a été informé du fait
19 que vous alliez répondre à trois questions portant sur la diminution
20 de la peine et concernant la conduite de M. Erdemovic. Il se peut que
21 d'autres questions vous soient posées sur d'autres faits de
22 l'affaire. Mais la première question qui nous intéresse est la
23 suivante, nous allons entrer dans le vif du sujet sans plus tarder.
24 Est-ce que l'accusation connaissait l'existence de M. Erdemovic avant
25 que celui-ci n'apparaisse en ex-Yougoslavie ?
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1 M. Ruez (interprétation). - Non. Avant ces premiers contacts avec des
2 journalistes français, nous ne savions rien à son sujet. Il est tout
3 à fait certain que s'il n'était pas venu à La Haye, nous n'aurions
4 rien su à son sujet.
5 M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous, à l'intention des
6 Juges, décrire les circonstances dans lesquelles il s'est présenté et
7 comment vous avez pris connaissance de son existence ?
8 M. Ruez (interprétation). - Ce que nous en savons provient en
9 majorité de M. Erdemovic lui-même, ainsi que des personnes avec
10 lesquelles il était en contact au moment où il a fait plusieurs
11 tentatives pour entrer en contact avec le Tribunal. Quand il était à
12 Belgrade, il a eu recours à un de ses collègues pour entrer en
13 contact avec un certain nombre de personnes et accéder au Tribunal
14 pour expliquer la situation dans laquelle il s'est trouvé au cours
15 des événements dans cette ferme collective.
16 M. McCloskey (interprétation). - A-t-il pu avoir un contact avec des
17 représentants de la presse par cet intermédiaire ?
18 M. Ruez (interprétation). - Oui, en effet. Malheureusement pour lui,
19 ces tentatives ont débouché sur son arrestation par les autorités de
20 la République fédérale Yougoslave. Il a donc été arrêté et, plus
21 tard, nous avons demandé qu'il soit transféré au Tribunal.
22 M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous expliquer, à
23 l'attention des Juges, comment ces contacts avec la presse ont
24 débouché sur son arrestation ?
25 M. Ruez (interprétation). - Il a dû faire plusieurs tentatives. Il
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1 n'y avait pas de bureau du TPIY à Belgrade. Il a dû donc entrer en
2 contact avec plusieurs autres organisations, ainsi qu'avec des
3 représentants de la presse. C'est la multiplication de ces tentatives
4 qui a attiré l'attention sur sa personne. Si bien qu'à une certaine
5 date il a été arrêté, avant que nous ayons pu établir un contact
6 direct avec lui à Belgrade.
7 M. McCloskey (interprétation). - A-t-il été interviewé par la presse,
8 à votre connaissance ?
9 M. Ruez (interprétation). - Il a été interviewé par la presse. Il a
10 raconté exhaustivement son histoire, l'histoire de la situation dont
11 il souhaitait rendre compte au Tribunal. Il a omis un certain nombre
12 de faits qu'il nous a fallu corriger plus tard. A l'époque, il l'a
13 fait intentionnellement, car il tenait à s'assurer que chacun
14 respecte son rôle dans les accords, notamment avec la presse. Il
15 voulait obtenir la garantie que ce que la presse lui avait promis
16 serait effectivement mis en œuvre et qu'il finirait par avoir un
17 contact avec nous. C'est ce qui explique les quelques petites
18 différences entre les déclarations qu'il a fournies à la presse et
19 celles qu'il nous a fournies. En dehors de cela, toutes celles qu'il
20 a fournies sont très claires.
21 M. McCloskey (interprétation). - Peu de temps après les contacts
22 qu'il a fourni à la presse, est-ce que les enquêteurs du Tribunal ont
23 pu l'interviewer ? Ce sont les journalistes de la presse qui l'ont
24 interviewé ?
25 M. Ruez (interprétation). - Oui, nous avons obtenu une déclaration de
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1 l'un de ces journalistes, qui figure dans le compte rendu.
2 M. McCloskey (interprétation). - Est-ce que l'information fournie par
3 un représentant de la presse correspondait à ce que Erdemovic n'a eu de
4 cesse de dire dans toutes ces déclarations ? M. Ruez - Oui, absolument.
5 L'histoire narrée par ce journaliste est équivalente à celle qu'il nous a
6 racontée lui-même. Il n'y a pas de différences importantes. Il a d'ailleurs
7 raconté cette histoire à plusieurs reprises. Il a souligné qu'il ne pensait
8 pas devoir être tenu pour responsable des actions qu'il nous a
9 racontées. Il a déclaré, aux personnes qui l'ont rencontré à
10 l'époque, pouvoir être tenu pour responsable et qu'il acceptait cette
11 responsabilité, qu'il était prêt à venir témoigner devant le Tribunal
12 à ce sujet.
13 M. McCloskey (interprétation). - Peu de temps après son arrestation
14 en ex- Yougoslavie, et lorsque le Bureau du Procureur a eu
15 connaissance de son existence, est-ce que M. Erdemovic a marqué son
16 accord pour partir de l'ex-Yougoslavie et pour venir à La Haye ?
17 M. Ruez (interprétation). - Oui. Dès son arrivée à La Haye, il a
18 raconté son histoire de façon très détaillée. Il n'a jamais montré
19 la moindre réticence à fournir ces détails.
20 M. McCloskey (interprétation). - Au cours de cette déclaration,
21 était-il représentée par M. Babic ?
22 M. Ruez (interprétation). - Absolument. Lorsqu'il a fourni sa
23 première déclaration importante, si l'on peut l'appeler ainsi,
24 M. Babic était présent. Mais nous avons également eu plusieurs
25 contacts avec lui en dehors de la présence de son conseil, mais avec
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1 l'accord de M. Babic qui nous a autorisés à communiquer avec Drazen
2 Erdemovic pour les besoins de l'enquête à tout moment et c'est ce que
3 nous avons fait à plusieurs reprises.
4 M. McCloskey (interprétation). - A moins que vous n'ayez des
5 questions à poser, Madame et Messieurs les Juges, voilà le premier
6 point qui est ainsi évoqué.
7 M. le Président (interprétation). - Avez-vous des questions à poser ?
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Il serait peut-être plus commode
9 que vous terminiez votre interrogatoire et puis que vous laissiez le
10 soin aux Juges de voir s'ils ont des questions à poser. Je ne veux
11 pas personnellement ainsi tronçonner votre interrogatoire.
12 M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous rapidement dire aux
13 Juges de quelle façon M. Erdemovic a aidé le Bureau du Procureur et
14 l'utilité de ces informations pour l'enquête ? M. Ruez - La collaboration
15 fournie par M. Erdemovic a été tout à fait excellente. Il a répété un
16 certain nombre de choses qu'il avait déjà dites à d'autres personnes avant
17 son arrivée au Tribunal. Il a toujours apporté tous les détails que
18 nous lui demandions. Au début, cet exercice a été très pénible pour
19 lui. Aujourd'hui, il est dans un état physique et mental beaucoup
20 plus favorable que celui dans lequel il se trouvait à son arrivée. Le
21 récit en question était très douloureux pour lui au départ. Il a
22 accepté de le faire. En fait, sa collaboration est allée encore plus
23 loin que ce que nous attendions. Par exemple, un jour il regardait la
24 télévision dans sa cellule et il a reconnu un certain nombre de
25 personnes qu'il connaissait. Il nous a parlé de ces personnes, ainsi
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1 que des crimes commis par celles-ci dans le cadre de Srebrenica. Il
2 nous l'a donc fait savoir. Nous l'avons interrogé à ce sujet. Nous
3 avons pu rentrer dans des détails de façon plus approfondie à ce
4 sujet. Il a toujours été tout à fait prêt à collaborer avec nous sur
5 tous ces points.
6 M. McCloskey (interprétation). - Il a témoigné au cours de l'audience
7 au titre de l'article 61 ?
8 M. Ruez (interprétation). - Oui, dans le cadre de l'audience en vertu
9 de l'article 61.
10 M. McCloskey (interprétation). - Et son témoignage était cohérent
11 avec ce que vous aviez appris auparavant ?
12 M. Ruez (interprétation). - Absolument. En outre, je vais essayer
13 d'éclaircir un certain nombre de points sur lesquels il a aidé
14 l'accusation. Il y a d'ailleurs des éléments sur lesquels nous
15 n'aurions pas eu connaissance sans son aide, je veux parler du massacre
16 commis à la maison de la culture de Pilica. Nous n'avions
17 aucune autre source de renseignements à ce sujet en dehors du
18 témoignage qu'il a fourni et ce témoignage nous a permis de découvrir
19 les lieux, de mener une enquête pénale, une enquête criminelle, sur
20 ces lieux. C'était un événement qui pour les responsables de
21 l'enquête était tout à fait nouveau à l'époque.
22 M. McCloskey (interprétation). -
23 M. Erdemovic a-t-il également promis de maintenir sa coopération à
24 l'avenir, de témoigner et de fournir toute autre information dont il
25 disposait ?
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1 M. Ruez (interprétation). - Oui, en effet. Sa motivation manifeste ne
2 consiste pas à obtenir une peine plus légère de la part du Procureur.
3 Il a dit très clairement depuis le début qu'il voulait que ces
4 événements soient connus. Il souhaitait que les personnes
5 responsables de ces événements se trouvent face à la justice un jour
6 ou l'autre. Il ne fait aucun doute que si ces personnes sont
7 traduites devant le Tribunal il confirmera les informations qu'il
8 nous a fournies jusqu'à aujourd'hui.
9 M. McCloskey (interprétation). - Au vu de sa conduite jusqu'ici,
10 avez-vous une quelconque raison de croire qu'il ne tiendra pas sa
11 promesse ?
12 M. Ruez (interprétation). - Je ne crois pas.
13 M. McCloskey (interprétation). - Concernant le troisième point,
14 pouvez-vous donner aux Juges des informations générales entourant
15 l'incident qui vous a mené à croire qu'il avait été soumis à une
16 certaine contrainte lorsqu'il a commis ces crimes et que cette
17 contrainte morale devrait être utilisée comme circonstance
18 atténuante ?
19 M. Ruez (interprétation). - Personnellement, je suis convaincu qu'il
20 a subi une contrainte à l'époque. Il convient sans doute de revenir
21 dans le détail sur un certain nombre de faits pour expliquer cette
22 opinion, faits qui n'ont sans doute pas encore été évoqués devant le
23 Tribunal à ce jour. Il savait que certains des membres de son unité
24 se trouvaient en un autre lieu. Il y avait une partie d'unité qui
25 était à Vlacenica et une autre partie à Bjelina. Il savait que les
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1 membres de l'unité qui se trouvaient à Vlacenica avaient commis un
2 certain nombre de crimes depuis le début de la guerre. C'était un
3 fait qui était communément connu au sein de l'unité. Il a également
4 été témoin à plusieurs reprises de l'exécution de certains hommes
5 sous l'effet d'ordres qui avaient été donnés. Il se trouvait donc
6 dans une situation très difficile à l'époque, étant donné son origine
7 ethnique qui entraînait un manque de confiance de la part de certains
8 de ses camarades. Il avait également eu des confrontations assez
9 intenses avec ses commandants pour ne pas avoir accompli les tâches
10 qui lui avaient été ordonnées. Le non accomplissement de ces tâches,
11 pour l'une d'entre elles en particulier, provenait du fait que cet
12 acte risquait de provoquer de très nombreuses victimes civiles. Il a
13 donc refusé d'accomplir cette tâche et cela a entraîné une
14 dégradation qui lui a été imposée par ses supérieurs. Il était donc
15 dans une position assez négative vis-à-vis de ses supérieurs et de
16 ses camarades.
17 M. McCloskey (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre.
18 Pourriez- vous nous décrire rapidement la situation dans laquelle il
19 s'est trouvé lorsqu'il est venu dans la zone de Zvornik pour la
20 première, en expliquant les circonstances générales ?
21 M. Ruez (interprétation). - Les éléments factuels qui caractérisent
22 cette situation nous sont également connus à partir de son
23 témoignage. A savoir, le matin du 16 juillet, il a été désigné pour
24 se rendre en compagnie de quelques hommes à Zvornik. A ce moment-là,
25 il ne connaissait pas la nature de la tâche qui lui était assignée.
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1 Le chef de l'équipe à laquelle il a été attaché était le chef du
2 peloton de Vlacenica dont il ne faisait pas partie normalement. La
3 raison pour laquelle cet homme a été désigné comme chef de l'équipe
4 était en rapport avec la décision du commandant de l'unité, il
5 faisait partie de ceux qui auraient commis depuis quelques années les
6 crimes dont j'ai parlées tout à l'heure. Lorsqu'il est arrivé à
7 Zvornik, un lieutenant-colonel est sorti d'un bâtiment qui était le
8 quartier général de la brigade de Zvornik. Il était accompagné de
9 deux policiers militaires et dirigeait l'unité de diversion, la 10ème
10 unité de diversion qu'il a emmenée à la ferme de Branjevo, où les
11 civils son arrivés et où la tâche a été exécutée.
12 M. McCloskey (interprétation). - Etes-vous allé sur place ?
13 M. Ruez (interprétation). - Oui.
14 M. McCloskey (interprétation). - Correspond-elle à la description que
15 Erdemovic vous en avez faite ?
16 M. Ruez (interprétation). - Oui. Les lieux ont été décrits par
17 Erdemovic. Les premières informations qu'il avait fournies à la
18 presse, nous ont permis de recueillir des renseignements
19 complémentaires et de trouver l'emplacement exact de cette ferme,
20 tout en recueillant des éléments de preuve supplémentaires au cours
21 du mois de juillet 1996. Ces éléments confirmaient déjà à l'époque la
22 véracité des faits expliqués par Drazen Erdemovic.
23 M. McCloskey (interprétation). - Je vous ai interrompu au moment où
24 vous expliquiez d'autres faits qui portaient sur la contrainte.
25 Pourriez-vous vous souvenir d'autres faits qui pourraient vous porter
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13 pagination anglaise et la pagination française. Pages 44 à 53.
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1 à croire qu'il aurait agi sous la contrainte à ce moment-là ?
2 M. Ruez (interprétation). - Oui, il convient de mentionner également
3 le contexte prévalant à l'époque. Il a participé à une opération
4 militaire, à savoir la prise de contrôle de la zone de sécurité de
5 Srebrenica. Lorsqu'il est revenu de l'enterrement qui a eu lieu à
6 Trbinje où il s'était rendu pour assister à l'enterrement d'un de ses
7 camarades tué au cours d'un accident de voiture au cours de cette
8 opération, il a appris de la bouche de ses camarades qu'un certain
9 nombre d'événements avaient eu lieu pendant son absence. Il a appris
10 qu'alors qu'il était à la ferme, tous ces autobus sont arrivés. Il a
11 donc compris qu'il s'agissait d'une opération de très grande
12 envergure et qu'il était hors de question pour lui de s'y opposer,
13 car s'il le faisait il subirait très probablement des conséquences
14 très graves. Il a donc tenté de s'y opposer à plusieurs reprises,
15 mais s'est vite rendu compte que c'était une tentative absolument
16 inutile et que s'il s'opposait à la tâche qui lui était assignée il
17 risquait de se trouver parmi les personnes risquant l'exécution. Il a
18 choisi à ce moment-là de participer à l'action en question pour ne
19 pas être tué sur le champ ou très peu de temps après car il pensait à
20 la protection de sa femme et de son enfant qui se trouvaient à
21 Bjelina à ce moment-là.
22 M. McCloskey (interprétation). - A moins que vous ayez quoi que ce
23 soit à ajouter, je n'ai plus de question à vous poser.
24 Mme le Président (interprétation). - Bien. C'est la fin du témoignage
25 de ce témoin, n'est-ce pas ?
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1 M. McCloskey (interprétation). - Oui.
2 Mme le Président (interprétation). - La défense souhaite-t-elle poser
3 des questions ?
4 M. Kostic (interprétation). - Monsieur Ruez, vous êtes officier de
5 police depuis longtemps, n'est-ce pas ?
6 M. Ruez (interprétation). - Quatorze ans.
7 M. Kostic (interprétation). - Une partie de votre travail et de votre
8 formation est en rapport avec les interrogatoires, les contacts avec
9 les témoins et les accusés, n'est-ce pas ?
10 M. Ruez (interprétation). - Oui.
11 M. Kostic (interprétation). - Donc lorsque vous avez commencé à
12 travailler avec M. Erdemovic, c'était un travail que vous aviez déjà
13 fait par le passé, que vous connaissiez bien et que vous faites très
14 bien j'imagine ?
15 M. Ruez (interprétation). - Je ne sais pas si je le fais très bien,
16 mais effectivement c'est quelque chose que je connais assez bien.
17 M. Kostic (interprétation). - Pourriez-vous me dire de façon générale
18 combien de fois vous avez parlé avec M. Erdemovic ? Peut-être
19 pourriez-vous nous donner une estimation approximative du nombre
20 d'heures que vous avez passées à discuter avec lui ?
21 M. Ruez (interprétation). - Je n'ai pas mes notes avec moi ; j'aurais
22 donc du mal à vous donner une réponse précise. Je pense que nous nous
23 sommes vus à dix reprises, parfois assez longuement, presque une
24 journée ou bien un après-midi, parfois c'étaient des rencontres très
25 officielles parce qu'il s'agissait d'interrogatoires qui étaient
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1 enregistrés ou filmés. Il y a eu d'autres cas où nous avons présenté
2 des vidéos pour reconnaître des personnes ou des situations. Il y a
3 eu des circonstances informelles où il fallait simplement éclaircir
4 tel ou tel point, telle ou telle incohérence entre la manière dont
5 une histoire figurait dans les journaux et la manière dont lui
6 expliquait la situation, et nous l'avait expliqué au Bureau du
7 Procureur. Parfois, il s'agissait simplement d'éclaircir certains
8 points, c'est d'ailleurs ce qu'il a fait très simplement et sans
9 hésitation. C'est pour cela que je crois que c'est une personne très
10 crédible.
11 M. Kostic (interprétation). - Pas seulement crédible, mais il a fait
12 preuve de la plus grande coopération à votre égard, n'est-ce pas ?
13 M. Ruez (interprétation). - Oui.
14 M. Kostic (interprétation). - Mrs Erdemovic et Babic n'ont créé aucun
15 obstacle. Ils étaient d'accord pour ces contacts avec M. Erdemovic,
16 que M. Babic soit présent ou pas ?
17 M. Ruez (interprétation). - Tout à fait. Pour les besoins de
18 l'enquête, nous pouvions voir M. Erdemovic à n'importe quel moment.
19 Nous en informions bien sûr M. Babic à chaque fois que nous devions
20 voir M. Erdemovic, mais nous n'avons jamais eu de problème. Parfois
21 même, il est venu à nous et nous a fourni de son plein gré des
22 informations.
23 M. Kostic (interprétation). - Est-ce que vous êtes d'avis que M.
24 Erdemovic n'a caché aucune information lorsqu'il a parlé avec vous
25 des événements survenus à Srebrenica et par la suite ?
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1 M. Ruez (interprétation). - Je suis d'accord.
2 M. Kostic (interprétation). - J'aimerais vous poser une question à
3 titre d'éclaircissement. Vous avez dit dans votre déposition que
4 M. Erdemovic avait des contacts avec des journalistes ?
5 M. Ruez (interprétation). - Oui.
6 M. Kostic (interprétation). - Par la suite, j'ai cru comprendre que
7 l'une de ces journalistes, Vanesa Vasic-Janekovic, a écrit une lettre
8 au Tribunal, est-ce exact ?
9 M. Ruez (interprétation). - Oui, c'est exact. Elle a été
10 l'interroger. Cet interrogatoire portait sur sa première rencontre
11 avec Drazen Erdemovic, par le Tribunal d'ailleurs. Elle a également
12 écrit une lettre à ce propos. Je crois que cela a été confirmé
13 d'ailleurs en mars 1996.
14 M. Kostic (interprétation). - Conviendrez-vous que le moment le plus
15 important de cette lettre consistait à dire qu'avant les premiers
16 contacts de M. Erdemovic avec les journalistes, cette personne,
17 Vanesa Vasic-Janekovic, lui a dit à plusieurs reprises que s'il
18 faisait la déclaration qu'il avait l'intention de faire il pourrait
19 finir par être considéré comme un participant à ces crimes et qu'il
20 risquait d'être arrêté et traduit devant le Tribunal Pénal
21 International de La Haye ?
22 M. Ruez (interprétation). - Oui, non seulement on lui a dit qu'il
23 serait tenu responsable mais qu'il devrait subir un procès. Il en
24 était tout à fait conscient dès le départ. Au cours de tous les
25 contacts que nous avons eus avec lui, il n'a jamais essayé d'obtenir
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1 quelque chose de cette situation. Il n'a pas demandé à ce que la
2 coopération qu'il nous apportait soit récompensée de notre part. Cela
3 n'a jamais influencé son comportement. Dès que nous exprimions le
4 désir d'avoir une conversation avec lui et malgré le fait qu'un appel
5 était en cours, jamais sa situation juridique n'a eu rien à voir avec
6 sa coopération et sa collaboration. Il a toujours collaboré dans le
7 même esprit, quels qu'aient été les événements entourant sa
8 situation.
9 M. Kostic (interprétation). - Cette coopération était importante à
10 vos yeux, n'est-ce pas, parce que vous pouviez à partir de ce moment-
11 là utiliser sa participation pour collaborer et vérifier que certains
12 des événements sur lesquels il témoignait, étaient réellement arrivés
13 ? Il vous a donné les détails suffisants, n'est-ce pas ?
14 M. Ruez (interprétation). - Oui, effectivement. Il nous a permis de
15 confirmer d'autres témoignages, d'autres déclarations de témoins,
16 comme nous l'avons déjà expliqué au cours de la première audience
17 préalable au prononcé de la peine. Il y avait certains survivants du
18 massacre qui avait eu lieu à la ferme de Branjevo. Donc nous avions
19 déjà un certain nombre d'informations et cela nous a permis de
20 vérifier ce que M. Erdemovic nous avait dit. Cela nous a également
21 permis de découvrir des éléments que nous n'aurions sans doute pas
22 trouvés sans lui, en tout cas à ce stade de l'enquête nous ne les
23 aurions pas découverts, je parle notamment du centre social de
24 Pirica. Il n'a pas participé à ces événements, mais il en a été le
25 témoin oculaire. Ils étaient dans un café où leur lieutenant-colonel
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1 les a emmenés après le massacre à la ferme collective. Il a refusé de
2 participer à ce nouveau massacre. D'autres l'ont fait avec lui. En
3 revanche, d'autres individus qui venaient d'ailleurs se sont portés
4 volontaires pour participer à ce massacre.
5 M. Erdemovic y a assisté d'une distance d'environ 100 mètres. Il nous
6 a donné de nombreux détails qui nous ont permis de retrouver
7 l'endroit. Comme nous l'avons vu, tout était encore dans le même
8 état, même un an après la date du massacre.
9 M. Kostic (interprétation). - Il est exact que les déclarations qu'il
10 a faites à ce moment-là ont été corroborées par les éléments de
11 preuve scientifiques que vous avez recueillis dans la maison de la
12 culture, n'est-ce pas ?
13 M. Ruez (interprétation). - Oui, tout à fait. Nous sommes
14 actuellement en cours d'analyses de certains éléments. Tous ces
15 éléments confirment l'histoire qui nous a été narrée par l'accusé.
16 M. Kostic (interprétation). - J'aimerais maintenant vous poser une
17 question qui sera sans doute un peu plus difficile. Vous avez donc
18 passé tout le temps dont vous venez de parler avec M. Erdemovic. Il a
19 du vous arriver à certains moments de discuter d'autres faits avec
20 lui, à savoir par exemple les sentiments qu'il éprouvait à l'égard de
21 sa famille, par rapport à la guerre et à la situation dans laquelle
22 il se trouve. En êtes-vous arrivé à cela avec lui ?
23 M. Ruez (interprétation). - Nous n'avons pas beaucoup parlé de ses
24 sentiments. Ses sentiments étaient extrêmement clairs. Dès son
25 arrivée ici, il était extrêmement stressé et chaque fois qu'il devait
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1 aborder des détails il était choqué. Donc nous n'avons pas beaucoup
2 parlé des sentiments, nous nous sommes le plus possible limités aux
3 faits.
4 M Kostic (interprétation). - Comme tout bon policier le fait, n'est-
5 ce pas ? Permettez-moi de poursuivre un peu sur la même idée. Il vous
6 a dit, à certains moments, qu'il ressentait du remords, qu'il
7 regrettait ce qui s'est passé à Srebrenica ?
8 M. Ruez (interprétation). - Oui.
9 M. Kostic (interprétation). - Il l'a dit à plusieurs reprises ?
10 M. Ruez (interprétation). - Oui.
11 M. Kostic (interprétation). - Ces sentiments de chagrin et de
12 remords, estimez- vous qu'ils étaient sincères et réels, qu'il les
13 ressentait vraiment ?
14 M. Ruez (interprétation). - Je n'ai aucune raison d'en douter. Il
15 avait un sentiment d'extrême colère vis-à-vis des gens qui l'avaient
16 mis dans cette situation. Sa seule motivation, et je suis sûr que
17 c'est encore la même, c'est de mettre le doigt sur ces personnes et
18 de s'assurer que nous aurons suffisamment d'éléments pour les
19 traduire en justice devant ce Tribunal.
20 M. Kostic (interprétation). - C'est votre avis que M. Erdemovic va
21 continuer à coopérer avec vous, avec le Bureau du Procureur, au fil
22 des procès à venir ?
23 M. Ruez (interprétation). - Je pense que oui.
24 M. Kostic (interprétation). - Indépendamment de la signature par lui
25 d'un accord, vous pensez qu'il continuera à coopérer avec vous et à
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1 vous fournir des renseignements ?
2 M. Ruez (interprétation). - J'en suis certain, oui.
3 M. Kostic (interprétation). - Très bien. Merci beaucoup.
4 Mme le Président (interprétation). - Y a-t-il des précisions à
5 apporter ? Le Bureau du Procureur ?
6 M. McCloskey (interprétation). - Non, je ne crois pas, mais nous
7 avons une copie de la lettre du journaliste. Peut-être que la défense
8 pourrait verser cette pièce afin qu'elle vous soit disponible ?
9 M. Kostic (interprétation). - J'en ai un exemplaire et je ne vois
10 aucun problème à verser ce document au dossier.
11 Mme le Président (interprétation). - Oui, effectivement, nous
12 aimerions bien l'avoir.
13 M. Kostic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, Madame le
14 Président, pour l'état de ce papier.
15 Mme le Président (interprétation). - Peut-on lui apposer une cote,
16 s'il vous plaît ?
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Ruez, je n'aurais qu'une
18 ou deux brèves questions à vous poser. La première porte sur
19 l'arrestation de M. Erdemovic en Serbie.
20 M. Erdemovic est Croate, à votre connaissance ?
21 M. Ruez (interprétation). - C'est un Croate de Bosnie.
22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, Croate de Bosnie,
23 effectivement, c'est une distinction importante que je ne devrais pas
24 oublier ; je vous remercie. Vous êtes engagé dans des tâches
25 d'investigation depuis déjà plusieurs années en rapport avec le
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1 fonctionnement du Tribunal, n'est-ce pas ?
2 M. Ruez (interprétation). - Oui, je suis membre du Bureau du
3 Procureur depuis avril 1995.
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous demanderai, si vous le
5 voulez bien, de m'apporter quelques éclaircissements sur un point.
6 Ai-je raison de supposer que les autorités serbes ont arrêté d'autres
7 personnes sur la base d'allégations relatives à la commission de
8 crimes de guerre d'une façon ou d'une autre dans la région de Bosnie-
9 Herzégovine ?
10 M. Ruez (interprétation). - Je n'ai pas connaissance de tout autre
11 arrestation qui soit liée aux enquêtes auxquelles je participe et qui
12 se soit produite sur le territoire de la République fédérale de
13 Yougoslavie à l'exception de M. Kamenovic, qui a été arrêté en même
14 temps que M. Erdemovic, pour avoir abrité ou logé un criminel.
15 M. Kamenovic était en possession d'armes à l'époque. Il a été
16 également accusé pour cela. Je n'ai connaissance de l'arrestation que
17 de deux personnes.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Me Kostic vous a félicité. Je
19 suis sûr qu'il l'a fait à juste titre en raison de l'efficacité de
20 l'accomplissement de vos fonctions. Suis-je en droit de supposer que
21 si ces autorités serbes avaient procédé à d'autres arrestations, du
22 genre de celles que je viens d'évoquer, un tel fait eut normalement
23 dû être connu de vous ?
24 M. Ruez (interprétation). - Je ne peux pas véritablement répondre à
25 cette question. Je ne suis pas au sein des autorités de Belgrade. Je
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1 ne sais pas.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais vous êtes un enquêteur.
3 M. Ruez (interprétation). - Je ne suis pas sûr de bien comprendre la
4 question, mais sur cette question je peux peut-être vous apprendre
5 quelque chose d'important. Nous aurions pu corroborer un peu plus les
6 événements tels qu'ils ont été décrits par M. Erdemovic.
7 Malheureusement, nous avons demandé aux autorités de la République
8 fédérale de Yougoslavie de transférer au Tribunal la cassette vidéo
9 qui a été volée à un journaliste qui est venu témoigner devant ce Tribunal.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je crois que vous abordez un
11 domaine qui est étranger au cadre de ma question. Je proposerai que
12 nous passions à un autre sujet. J'aimerais à ce stade de nos débats
13 poser une question aux conseils des deux parties, aux avocats des
14 deux parties. Nous avons versé au dossier des éléments de preuve le
15 compte rendu de l'audience en vertu de l'article 61. Avons-nous versé
16 au dossier des éléments de preuve le compte rendu des audiences tenu
17 les 19 et le 20 novembre 1996, audiences qui portaient sur la même
18 affaire ?
19 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge, au début de
20 l'audience.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous considérez donc ces
22 documents comme faisant partie du dossier de la présente affaire,
23 n'est-ce pas ? Le conseil de la défense également ?
24 M. Babic (interprétation). - Oui.
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Ruez, vous avez témoigné
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1 devant la Chambre d'instance n° 1 le 19 novembre ?
2 M. Ruez (interprétation). - Oui.
3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au cours de votre déposition vous
4 avez parlé, comme vous venez de le faire aujourd'hui, de la
5 déclaration fournie par l'accusé quant au fait qu'il avait agi sous
6 la contrainte ?
7 M. Ruez (interprétation). - Oui.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le 16 juillet 1995, si j'ai bien
9 compris, deux événements importants se sont produits. Le premier de
10 ces événements était l'exécution à la ferme de Branjevo qui a duré de
11 9 ou 10 heures du matin à 3 ou 4 heures de l'après-midi ?
12 M. Ruez (interprétation). - C'est exact.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque cette exécution a pris
14 fin, il a été demandé à l'accusé de participer à une autre exécution
15 visant des personnes qui avaient été regroupées dans un bâtiment
16 public de Pilica ?
17 M. Ruez (interprétation). - Oui
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Voilà donc les deux grands
19 événements de cette journée ?
20 M. Ruez (interprétation). - Tout à fait.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Nous avons donc entendu la
22 correction apportée par M. Babic il y a quelques instants. Vous
23 n'étiez pas présent, mais je peux vous dire la chose suivante :
24 M. Babic, avec l'accord de l'accusation, a apporté une correction au
25 compte rendu en disant de la façon la plus claire que M. Erdemovic
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1 n'avait pas participé au deuxième événement, mais uniquement au
2 premier événement. Vous avez donc déposé le 19 novembre sur ces
3 événements et je lis le compte rendu de votre déposition. Je
4 constate, et dites-moi si je me trompe, que s'agissant du premier
5 événement vous déclarez la chose suivante, je cite : "Il (à savoir
6 l'accusé) avait compris à ce moment-là quel était l'objet de
7 l'opération. Il avait compris qu'il participerait à l'exécution de
8 ces personnes". Je parle là de l'exécution à la ferme de Branjevo ?
9 M. Ruez (interprétation). - Oui, c'est exact.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je constate donc que vous ne
11 faites pas état de la déclaration de M. Erdemovic selon laquelle, à
12 l'époque, il avait agi sous la contrainte. Ai- je raison ou tort de
13 lire le compte rendu de l'audience de cette façon particulière ?
14 M. Ruez (interprétation). - Vous avez raison. A l'époque, je ne
15 mentionnais que les faits de la façon dont M. Erdemovic les avait
16 narrés. Par conséquent, je parlais également du niveau de
17 corroboration auquel nous étions parvenus à cette époque-là.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais maintenant parler du
19 deuxième événement qui s'est produit, malheureusement, le même jour.
20 Je lis un autre passage du compte rendu de votre déposition qui est
21 un passage où vous parlez du deuxième événement, je cite : "Drazen
22 Erdemovic déclare qu'il a refusé de participer à la deuxième
23 exécution et que ses collègues ont agi de même" (fin de citation).
24 Vous rappelez-vous avoir dit cela ?
25 M. Ruez (interprétation). - Oui.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - A ce moment-là, vous avez évoqué
2 la déclaration de Drazen Erdemovic selon laquelle il avait agi sous
3 la contrainte, mais vous l'évoquez en rapport avec son refus de
4 participer à la deuxième exécution.
5 M. Ruez (interprétation). - Oui. Je pourrais ajouter un autre élément
6 que j'ai obtenu de Drazen Erdemovic. La raison pour laquelle il a
7 refusé de participer au second massacre était qu'ils avaient déjà
8 passé cinq heures sur ce terrain de massacre à tuer toutes les
9 personnes qui étaient sur les lieux. Et une fois cette mission ou
10 cette partie de la mission terminée, ils se sont sentis suffisamment
11 confiants pour aller à l'encontre d'un ordre de leur supérieur, parce
12 qu'ils avaient le sentiment qu'ils en avaient fait suffisamment ce
13 jour-là. Ils avaient le sentiment que cet homme ne pouvait pas
14 prendre de mesure contre eux à ce moment-là, mais également le fait
15 que d'autres personnes se sont mises de son côté et ont refusé en
16 disant : "Non, nous refusons de faire cela", l'ont amené à penser que
17 leur supérieur ne pouvait pas refuser, sinon il allait faire face à
18 une sorte de révolte, de rébellion, parmi son peloton d'exécution. La
19 confrontation était inutile à ce moment-là puisque cet officier avait
20 sous la main d'autres hommes qui s'étaient portés volontaires pour
21 accomplir cette mission, qui venaient de Brakunac.
22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si vous le voulez bien, je vais
23 vous donner la possibilité d'aider davantage le Tribunal en
24 complétant un petit peu ce compte rendu. Nous avons établi je crois
25 que le 19 novembre, date de votre déposition, vous n'avez pas fait
Page 67
1 état de la déclaration de M. Erdemovic au sujet de la contrainte
2 lorsque vous avez évoqué la première exécution. Est-il possible que
3 M. Erdemovic vous en ait parlé, mais que vous ne vous soyez pas
4 rappelé la nécessité d'en parler devant ce Tribunal ?
5 M. Ruez (interprétation). - Non, la raison pour laquelle je ne l'ai
6 pas abordé c'est parce qu'on ne m'a pas posé de question à ce sujet.
7 On m'a juste demandé d'expliquer notre degré de connaissance des
8 événements, où nous avions eu les informations sur ces événements, et
9 le degré de corroboration que nous pouvions apporter à ces
10 événements. C'était la situation d'alors. On ne m'a pas posé la
11 question quant à mes sentiments personnels qui ne sont d'ailleurs que
12 les miens, peut-être que d'autres personnes auraient d'autres
13 sentiments. Mais, en tout cas, on ne m'a pas demandé mon opinion sur
14 le degré de contrainte en novembre 1996 à ce moment-là.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'apprécie la réponse que vous
16 venez de m'apporter et je vous en remercie.
17 Mme le Président (interprétation). - Merci.
18 M. Wang Tieya (interprétation). - Monsieur Ruez, je n'aurais qu'une
19 question à vous poser. Lors du tout premier contact que vous avez eu
20 avec M. Erdemovic, vous a-t-il expliqué la raison pour laquelle il
21 souhaitait exposer un crime si grave à la société et pourquoi il
22 avait l'intention de se rendre à La Haye pour y être jugé ? Vous a-t-
23 il expliqué pourquoi et vous a-t-il demandé de rapporter ses propos
24 au Bureau du Procureur, ou plutôt l'avez-vous fait et avez-vous mis
25 ses propos par écrit ?
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1 M. Ruez (interprétation). - Oui. Il n'a pas donné cette explication à
2 une seule reprise, en une seule fois. C'est peu à peu par la
3 multiplication des contacts que nous avons eus qu'il a fourni ces
4 explications. Il n'en a pas parlé au début. Notre premier objectif
5 était bien sûr de prendre connaissance des faits qu'il connaissait.
6 Ce n'est que plus tard que nous avons pris connaissance des raisons
7 pour lesquelles il a essayé de venir à La Haye pour y témoigner. Mais
8 les raisons étaient déjà manifestes depuis le début. Il a, en effet,
9 expliqué à quel point il se sentait responsable et à quel point aussi
10 les personnes qui l'avaient placé dans cette situation étaient
11 responsables. Lui n'était qu'un soldat engagé dans une mission de
12 sabotage et tout d'un coup il s'est trouvé responsable d'une
13 opération énorme. Il avait beaucoup de colère à l'égard des personnes
14 qui l'avaient placé dans cette situation. Il a aussi expliqué les
15 rapports qu'il avait avec son commandant. Ces rapports se
16 détérioraient de plus en plus au fil du temps. Toutes ces
17 explications nous ont été données peu à peu. Il est un fait également
18 que s'ils avaient décidé de ne pas le tuer, il n'aurait peut-être pas
19 tenté si souvent de prendre contact avec nous. L'alliance de tous ces
20 facteurs et le fait qu'il a été vraiment en état de choc, étant donné
21 notamment son attitude manifeste au moment de l'exécution. Il a
22 aussi peu à peu expliqué quel a été son comportement après le
23 massacre lorsqu'il est revenu à Bjelina. Il s'est mis à boire et ne
24 communiquait plus avec sa femme. Il se disputait à tout bout de champ
25 avec des membres de son unité. Certains de ces membres étaient assez
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1 fiers de ce qu'ils avaient fait. Lui, plutôt que de rester
2 silencieux, était assez agressif envers ces autres membres. Il a
3 ainsi suscité des soupçons. Il a aussi manifesté de la colère envers
4 ces autres membres. C'est sans doute la raison pour laquelle, à un
5 moment donné, ils ont décidé de se débarrasser de lui. C'est cet
6 événement qui chez lui a rendu nécessaire les mesure qu'il a prises.
7 Il pensait qu'il devait s'échapper et que la meilleure façon de le
8 faire c'était de venir témoigner devant le Tribunal. Cette situation
9 l'a aidé et en plus de cela elle lui donnait les moyens de se venger
10 de ses commandants et d'expliquer exactement ce qui s'était produit.
11 M. Wang Tieya (interprétation). - Merci.
12 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Après les
13 questions posées par les Juges et les réponses obtenues du témoin, y
14 a-t-il d'autres précisions à apporter par le bureau du Procureur ?
15 M. McCloskey (interprétation). - Non, merci.
16 Mme le Président (interprétation). - Le conseil de la défense ?
17 M. Kostic (interprétation). - Non, merci.
18 Mme le Président (interprétation). - Très bien, merci. Monsieur Ruez,
19 je vous remercie. Vous pouvez quitter le prétoire. (Le témoin est
20 reconduit hors du prétoire.) C'est le seul témoin que le Bureau du
21 Procureur avait l'intention de citer à la barre ?
22 M. Niemann (interprétation). - Effectivement. Ce sont les éléments
23 que nous voulions soumettre à votre attention.
24 Mme le Président (interprétation). - Merci. Monsieur Babic, voudriez-
25 vous citer certains éléments qui iront dans le sens d'une atténuation
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1 de la preuve ? Voulez-vous citer l'accusé ou d'autres témoins à la
2 barre ? Des témoins ont été cités lors de l'audience précédente, les
3 témoins X et Y qui se trouvaient sous la protection du Tribunal. Nous
4 en tiendrons compte, nous tiendrons également compte du témoignage
5 donné par l'accusé au cours de cette audience, mais c'est à vous de
6 décider ce que vous voulez faire, bien entendu.
7 M. Babic (interprétation). - Madame le Président, je n'ai pas
8 l'intention de citer de témoin et je propose que le compte rendu de
9 la déposition des témoins X et Y soit considéré comme éléments de
10 preuve dans cette affaire, donc évalués à leur juste mesure, de même
11 que les autres éléments de preuve. Je propose également, et je suis
12 d'accord sur ce point avec mon confrère Me Kostic, nous en avons
13 discuté avec l'accusé Erdemovic. Est-ce qu'il a vraiment la force de
14 témoigner encore une fois à décharge, bien sûr devant ce Tribunal ?
15 Je le lui ai proposé. Mais si cette déposition n'est pas
16 indispensable pour la Chambre de première instance, je propose que le
17 compte rendu de sa première déposition devant la Chambre de première
18 instance, qui a statué lors de la première affaire, soit pris en
19 compte et suffise.
20 Mme le Président (interprétation). - Maître Babic, nous voulons que
21 ce que vous venez de dire, et surtout la dernière intervention, soit
22 bien claire. Vous voulez vous fonder sur la déposition déjà fournie
23 par l'accusé ?
24 M. Babic (interprétation). - Oui, c'est cela.
25 Mme le Président (interprétation). - Auquel cas, outre le compte
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1 rendu versé au dossier des témoins X et Y à décharge, ainsi que la
2 déposition fournie par l'accusé au cours du procès précédent, vous ne
3 voulez pas citer d'autre témoin, c'est bien ce que vous dites ?
4 M. Babic (interprétation). - Non, Madame le Président.
5 Mme le Président (interprétation). - Monsieur Erdemovic, veuillez
6 vous lever. (Le témoin s'exécute.) Vous venez d'entendre ce qu'a dit
7 le conseil qui vous défend en vue d'atténuation de la peine. Les
8 témoins qui ont déjà été cités par l'autre Chambre, à savoir les
9 témoins X et Y, seront versés au dossier, ainsi que votre témoignage
10 fourni au cours du procès précédent, le compte rendu de ces
11 dépositions, la vôtre et celles des autres témoins, sera utilisé par
12 ce témoin si vous ne voulez pas fournir d'autre témoignage. Est-ce
13 que c'est bien le cas, d'abord ?
14 M. Erdemovic (interprétation). - Madame le Président, si vous
15 souhaitez que des questions complémentaires me soient posées, je
16 l'accepterai dans votre intérêt. Mais, très sincèrement, je
17 souhaiterais ne plus avoir à m'exprimer sur tout cela.
18 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. (Les Juges se
19 consultent sur le siège.) Maître Babic ?
20 M. Babic (interprétation). - J'ai cru comprendre que le représentant
21 de l'accusation a proposé que le compte rendu de la commission
22 médicale, les deux textes dont nous disposons, donc les conclusions
23 des médecins, soient utilisés comme documents par la Chambre de
24 première instance. Je tiens à dire, pour que les choses soient tout à
25 fait claires, que je soutiens cette proposition. Je soutiens
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1 également la proposition qui émane de mon confrère Me Kostic, à
2 savoir la prise en compte de la déclaration de la journaliste Vanesa
3 Vasic-Janekovic. Nous estimons, du côté de la défense, que ce sont là
4 tous les éléments de preuve qu'il est souhaitable de prendre en
5 compte. Cela est une chose. Ensuite, en tant que défenseurs, nous
6 aimerions pouvoir exposer certaines de nos positions avant le
7 prononcé de la peine. Ces positions sont liées à des éléments
8 permettant de déterminer la peine et sont également liées au contenu
9 de l'article 11 du droit américain, si je puis l'appeler ainsi.
10 Mme le Président (interprétation). - Je comprends que vous voulez
11 présenter ces points, mais nous y reviendrons par la suite. Un
12 instant s'il vous plaît. (Les Juges se consultent sur le siège.)
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Maître Babic ?
14 M. Babic (interprétation). - J'aimerais tous simplement que les
15 choses soient claires dans mon esprit. Qu'en est-il de l'importance à
16 accorder, à ce stade, à cette question et à la décision qu'il faudra
17 prendre, qui est de savoir aussi si votre client devrait témoigner ou
18 pas ? Pour ce qui est de la défense, apparemment celle-ci ne tient
19 pas à ce que M. Erdemovic témoigne, mais il est prêt à le faire si
20 les Juges le souhaitent. Est-ce bien ce qu'il en est ? Monsieur le
21 Juge, nous avons discuté avec M. Erdemovic, aussi bien moi-même que
22 mon confrère Me Kostic, nous en avons discuté. Cela fait huit fois
23 déjà que l'accusé Erdemovic a admis sa culpabilité. Cela ferait une
24 fois de plus où il lui faudrait revivre les événements qu'il a vécus.
25 Il y a eu ici, dans ce prétoire, des audiences qui ont été tout à
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1 fait dramatiques pour l'accusé. Nous avons donc compris ses propos
2 comme signifiants que si ce n'était pas absolument indispensable ce
3 qu'il a dit une fois, deux fois, six fois, sept fois pouvait être
4 pris en compte dans le cadre de la présente affaire également. Nous
5 estimons que c'est tout à fait acceptable mais bien entendu nous
6 sommes à votre disposition le cas échéant.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je comprends parfaitement et je
8 suis conscient des aspects humains qui sont concernés dans cette
9 affaire. Je m'en tiendrai-là. (Les Juges se consultent sur le siège.)
10 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous allons
11 entendre les arguments que voudront éventuellement présenter les
12 parties. Nous commencerons par l'accusation.
13 M. Niemann (interprétation). - Ce que j'ai dit précédemment suffi.
14 Mme le Président (interprétation). - Maître Babic, Maître Kostic ?
15 M. Kostic (interprétation). - Maître Babic et moi-même, nous nous
16 sommes répartis, divisés, la tâche. Donc je prendrai la parole le
17 premier, mais je tenterai d'être aussi bref que possible. Je crois
18 comprendre qu'il s'agira en l'occurrence de la première affaire
19 portée devant ce Tribunal qui fait l'objet d'un nouveau procès, mais
20 il y a en plus le fait qu'il y a un accord sur le plaidoyer que nous
21 avons soumis à l'intention des Juges. Je me contenterai d'aborder
22 succinctement ce point. Une des remarques préliminaires à formuler
23 est la suivante. Le Règlement, le Statut du Tribunal, d'après ce que
24 me disent les érudits, reprend de façon hybride les différents
25 systèmes nationaux. En tant qu'avocat américain, je ne devrais pas
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1 venir ici pour vous dire que tel ou tel système est supérieur à
2 d'autres, mais un avocat venant du système américain devrait vous
3 dire que si l'on a ici ce qu'il y a de mieux dans chacun des
4 systèmes, celui-ci devrait être préférable. Nous avons travaillé
5 d'arrache-pied, Me Babic et moi avec l'accusation, pour vous
6 soumettre un accord sur le plaidoyer. Me Babic, il faudrait que vous
7 le sachiez, n'avait pas l'habitude d'un tel document qui n'est pas
8 utilisé dans le système d'où il vient. Me McCloskey et moi-même avons
9 vite fait connaissance puisque sous venons du même système, ami de
10 part et d'autre bien sûr. Mais ce système est un système que nous
11 connaissons puisque nous l'utilisons au quotidien dans nos activités.
12 Ce qui compte peut-être encore davantage, c'est le fait que nous
13 avons dit à M. Erdemovic que nous travaillions à cette tâche.
14 Lorsqu'il a formulé son plaidoyer au début de l'après-midi, lorsqu'il
15 a plaidé coupable, il tenait compte de cet accord sur le plaidoyer.
16 Cet accord porte sur tous les aspects de l'affaire et a pour objectif
17 aussi que toutes les personnes qui interviennent dans cette affaire,
18 vous, Madame et Messieurs les Juges, l'accusation, la défense, soient
19 informés. N'oublions pas non plus qu'il y a des victimes dans cette
20 affaire. Je crois que ceci est utile pour les victimes. Pourquoi ?
21 Parce qu'il ne sera pas nécessaire d'avoir un procès long et
22 difficile.
23 M. Erdemovic a plaidé coupable. Il a dit avoir commis ces crimes, et
24 il l'a dit très rapidement. Il suffit de voir la genèse de cette
25 affaire. Dès le départ, dès sa première comparution, il a plaidé
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1 coupable. Je me souviens que moi, j'étais chez moi, aux Etats-Unis,
2 et j'ai assisté à cette présentation tout à fait dramatique et
3 spectaculaire de son plaidoyer de culpabilité. Lui n'a jamais changé
4 d'avis en sept ou huit occasions. Je crois que c'est important pour
5 les victimes aussi puisqu'elles n'auront pas à se soucier de revivre
6 ces événements. Donc cette partie de l'affaire a été rapidement
7 réglée. Malheureusement, la situation étant ce qu'elle est, elle
8 parle d'elle-même. Ceci montre aussi ce qui s'est passé. L'accusation
9 pourra ainsi ne pas avoir un procès trop long non plus et pourra
10 faire l'économie de la comparution de multiples témoins. Dans un
11 prétoire tel que celui-ci, où nous avons les meilleurs esprits, les
12 meilleurs idéaux qui sont représentés, on ne peut pas parler d'argent
13 parce qu'on ne peut pas mesurer la justice en terme monétaire. Mais,
14 on m'apprend, lorsque je viens ici, que l'argent ou les questions
15 budgétaires interviennent ; ceci est donc utile pour l'accusation
16 ainsi que pour le Tribunal. S'agissant de vous, Madame et Messieurs
17 les Juges, je pense que ceci vous permet de mieux utiliser le temps
18 que vous avez pour d'autres affaires où des questions véritables se
19 posent. Nous parlons de l'économie judiciaire aux Etats-Unis lorsque
20 nous évoquons ce genre d'affaire. C'est important ; c'est également
21 important pour la défense. Car nous avons un accord, auquel nous
22 sommes parvenus. Me Babic parle de l'article 11 appliqué aux Etats-
23 Unis ; je ne sais pas vraiment s'il faut aborder cette question.
24 C'est un point très spécifique. L'essentiel c'est que nous avons un
25 accord qui parle aussi de la peine à purger. Manifestement si vous
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1 n'êtes pas d'accord avec ce que nous proposons, vous pouvez laisser
2 notre accord de côté. Mais c'est là l'objet de l'article 11. Nous
3 avons en tout cas des éléments qui nous sont favorables. Nous savons
4 sur quoi nous plaidons coupables. Au moins, M. Erdemovic aura la
5 sérénité. Il sait ce qu'il va plaider, il sait quelles sont les
6 recommandations. Je crois qu'il est assez confiant. Vous avez bien
7 sûr participé au procès cet après-midi. Il se sent plus à l'aise
8 maintenant qu'il a plaidé coupable, car il a vu des représentants
9 chevronnés du Bureau du Procureur ; il a vu Me Niemann, il sait à
10 quoi s'en tenir. Il est ici depuis pratiquement trois ans. Il sait
11 que les recommandations que nous soumettons sont bonnes et solides.
12 Il espère que vous ferez droit aux recommandations formulées par le
13 Procureur, recommandations qui sont d'ailleurs les nôtres. En effet,
14 nous estimons nous aussi que la peine de sept ans est appropriée.
15 Voilà donc les remarques que je voulais formuler à l'égard de cet
16 accord sur le plaidoyer. Je pense que c'est un outil utile, que le
17 document est bon, et j'espère que le Tribunal, ainsi que les autres
18 Chambres pourront s'en servir si les circonstances se présentent. En
19 l'occurrence, je pense que ce document permet d'apporter une solution
20 équitable à cette affaire et qu'il respecte les préoccupations de
21 toutes les parties à ce procès. Excusez-moi de prêcher un peu pour
22 expliquer quelle est la nature de ce document, mais j'espère que vous
23 êtes conscients de la position que je viens d'exprimer et que vous
24 pourrez peut-être tenir compte des éléments qui sont repris dans cet
25 accord sur le plaidoyer de culpabilité.
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1 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Monsieur Babic ?
2 M. Babic (interprétation). - Madame le Président, en cette occasion
3 je tiens à faire connaître ma satisfaction personnelle eu égard au
4 fait que, par le truchement de ce procès, cela a permis d'exposer un
5 grand nombre d'éléments factuels et juridiques, et d'y apporter des
6 réponses ; eu égard au fait que nous, défenseurs, sommes parvenus à
7 des positions assez comparables, assez similaires, avec les celles de
8 l'accusation, notamment en ce qui concerne l'aspect juridique de ces
9 questions. C'est là un élément tout à fait significatif qui est
10 également très favorable à la Chambre de première instance. Avant
11 l'expression de la peine, je saisis l'occasion qui m'est donnée pour
12 me prononcer sur un certain nombre de choses qui peuvent être
13 d'intérêt pour chacun. Les questions que je vais aborder sont la
14 nature de la peine et l'opportunité d'accepter l'accord. Aujourd'hui,
15 l'accusé Erdemovic a dit que cela faisait déjà plus de sept fois
16 qu'il avait exprimé sa culpabilité, qu'il l'avait reconnue? et en
17 cette huitième occasion il a reconnu la culpabilité par rapport au
18 crime de guerre. Dans la situation dans laquelle se trouve la défense
19 aujourd'hui, c'est-à-dire préalablement au prononcé de la peine, la
20 défense souhaite dire que sa position consiste à penser que le
21 problème de la contrainte n'est pas seulement un problème juridique
22 mais? peut être de façon prééminente, un problème de morale. Déclarer
23 que quelqu'un est coupable, déterminer le niveau de sa culpabilité et
24 la gravité de la peine, n'est donc pas, de notre point de vue, une
25 question qui relève uniquement du droit, mais qui relève avant tout
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1 de la morale. Cette remarque est vraie aussi bien pour un état que
2 pour la communauté internationale qui représente, n'est-ce pas,
3 l'ensemble de plusieurs états. C'est également vrai pour les victimes
4 qui ont subi l'acte répréhensible mais c'est en outre vrai pour
5 l'accusé, pour l'auteur de ce crime. La défense estime que, dans une
6 situation de ce genre, il importe d'accepter cette optique assez
7 complexe. Je crois comprendre que l'accusation a bien saisi la
8 complexité de l'affaire et que la Chambre de première instance le
9 fera également. C'est ce à quoi tend, sans l'ombre d'un doute,
10 l'expression volontaire, consciente et sans ambiguïté de l'accusé
11 quant à l'acceptation de sa culpabilité. Ce plaidoyer doit être
12 considéré comme la position morale, personnelle, de l'accusé par
13 rapport à l'acte qu'il a commis et également par rapport à la mesure
14 dans laquelle la mauvaise utilisation de l'homme a étendu les
15 frontières de l'intervention humaine sur le territoire de l'ex-
16 Yougoslavie dans le cadre du conflit dont nous traitons aujourd'hui
17 ici. Bien entendu, la démarche de l'accusé, par rapport à la vérité, doit
18 être prise en compte dans l'expression de la sentence, eu égard
19 à l'attitude qu'elle manifeste par rapport aux victimes, aux états, à
20 la communauté internationale et par rapport à lui-même en tant
21 qu'accusé, en tant que personne. Tout ce que je viens de dire engage
22 la Chambre de première instance à tenir compte de tous ces éléments
23 au moment où elle prononcera et déterminera la peine à appliquer. A
24 présent, si vous me le permettez, je voudrais passer à l'examen des
25 circonstances atténuantes dans la suite de ce qui a déjà été dit par
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1 l'accusation. Le procès mené jusqu'à ce jour prouve, sans l'ombre
2 d'un doute, qu'il existe de très nombreuses circonstances atténuantes
3 à prendre en compte pour prononcer la peine à appliquer à l'encontre
4 de l'accusé, Drazen Erdemovic. J'aimerais revenir sur ces éléments.
5 Premièrement, l'accusé, Drazen Erdemovic, en dépit de sa volonté et
6 par la force des circonstances, s'est trouvé dans une guerre causée
7 par le conflit entre trois groupes ethniques différents. Cette guerre
8 a démontré toutes les caractéristiques d'une guerre totale, y compris
9 un élément qui a été mis plus en évidence que dans toute l'histoire
10 de la guerre dans le monde, à savoir l'élément du nettoyage ethnique.
11 Le crime auquel a participé l'accusé Erdemovic, en tant qu'acteur
12 indubitable, relève bien entendu des crimes les plus graves dont
13 traite le droit pénal international. Mais, dans cet acte, l'accusé
14 Erdemovic n'a été ni le créateur de l'acte, ni l'idéologue, ni celui
15 qui a donné les ordres, ni un fanatique religieux ou nationaliste, ni
16 un sadique militaire, mais il a bien été une victime qui a fait
17 d'autres victimes. Il a été tout simplement soumis à la contrainte et
18 a dû tuer pour ne pas être tué, et ce en raison des circonstances
19 dans lesquelles il s'y est trouvé de façon tout à fait inattendue,
20 par surprise. Avant l'exécution de son acte, sur place il a sans
21 succès tenté de s'opposer, sans l'ombre d'une ambiguïté, aux ordres
22 reçus de ses supérieurs. L'accusé Erdemovic, dans l'exécution de
23 l'acte qui lui est reproché, a agi sous la contrainte, comme cela a
24 été montré ici, jusqu'à présent au cours de cette audience,
25 contrainte à laquelle il n'a pas pu échapper. Nous estimons donc
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1 qu'il convient de lui appliquer la catégorie juridique du crime de
2 guerre plutôt que du crime contre l'humanité et nous relevons ce qui
3 a déjà été dit dans ce prétoire quant au fait que le crime de guerre
4 doit donner lieu à une peine plus légère que le crime contre
5 l'humanité. Nous estimons également que l'accusé Erdemovic s'est
6 trouvé soumis à un danger réel pour lui-même et pour sa famille,
7 danger auquel il ne pouvait échapper, et qu'il n'avait absolument pas
8 la possibilité de faire un autre choix moral. Il était absolument
9 contraint de tirer ou, au cas contraire, d'être abattu. Tout cela a
10 suscité chez l'accusé Erdemovic une très grande frayeur. Une frayeur
11 pour lui-même, une frayeur pour sa famille, frayeur qui n'a pas pu
12 s'exprimer d'une autre façon, qui n'avait pas d'alternative. Cet
13 élément volontariste, cet élément d'action militaire, doit être donc
14 considéré de façon bien atténuée chez lui, sur le territoire de
15 l'ex-Yougoslavie, c'est ce que prouve également le rapport produit
16 par la commission médicale qui a examiné l'accusé Erdemovic. Au cours
17 de l'exécution de cet acte, l'accusé a essayé de sauver la vie d'une
18 personne. Il n'y est pas parvenu et, avec le soutien d'autres membres
19 de son unité -je parle là de la période qui a suivi l'exécution dans
20 la ferme de Pilica- sur les lieux mêmes, il a rejeté un ordre qu'il a
21 reçu et il a obtenu le soutien des autres membres de l'unité,
22 conformément à ce qu'a rappelé l'accusation il y a quelques instants
23 et conformément aux propos tenus ici même dans ce prétoire par les
24 témoins qui ont déposé. L'accusé Erdemovic, ce faisant, est donc
25 devenu la victime d'un de ses compagnons qui lui a infligé une
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1 blessure grave. En fait, c'est l'intervention couronnée de succès des
2 médecins qui l'ont dispensé des soins à Bjelina, à Belgrade et à La
3 Haye. C'est également à l'action du greffe de ce Tribunal que nous
4 devons la présentation de l'accusé Erdemovic ici même. Il convient de
5 rappeler également la dégradation subie par l'accusé. Celui-ci
6 n'était pas une personne importante au sein de l'armée, c'était un
7 grade de simple soldat qu'il avait depuis moins d'un mois et qui
8 néanmoins lui a été enlevé. Dans la déposition du témoin ici, il a
9 été confirmé que l'accusé Erdemovic n'a jamais accompli le moindre
10 acte comparable à celui dont il est question ici à l'encontre des
11 membres de la partie adverse dans le combat. Au contraire, il a à
12 plusieurs reprises tenté de sauver la vie de l'ennemi, de la partie
13 adverse. Enfin, il a décidé de son propre chef, et tout à fait
14 intentionnellement, de se présenter devant le Tribunal. Depuis sa
15 première déclaration, celle qu'il a fournie aux autorités
16 yougoslaves, et ce jusqu'à celles qu'il fournies devant ce Tribunal,
17 il a toujours reconnu sa culpabilité. Il a donné tous les détails, il
18 a raconté tous les éléments de son intervention, et reconnu sa
19 responsabilité morale en acceptant et en démontrant le plus grand
20 remords par rapport à son acte. En outre, je rappellerai qu'il a
21 collaboré, coopéré de la meilleure façon qui soit avec le Bureau du
22 Procureur, comme l'accusation l'a rappelé il y a quelques instants,
23 et dans le cadre de l'audience au titre de l'article 61 il a
24 témoigné de la façon la plus complète qui soit. Pendant toute la
25 durée de sa captivité, il a respecté les règles et règlements. Selon
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1 les instructions que je reçois régulièrement des responsables du
2 centre de détention, il apparaît manifestement qu'il a toujours
3 exprimé le plus grand remords par rapport à l'accomplissement de
4 l'acte qui lui est reproché, comme cela a été rappelé il y a quelques
5 instants dans cette même salle. J'en appelle également à la Chambre
6 de première instance pour lui demander de prendre également en compte
7 les éléments suivants quand elle déterminera la peine à appliquer, à
8 savoir un certain nombre d'éléments d'identification personnelle et
9 d'éléments relatifs à la personnalité de l'accusé dont il convient de
10 prendre compte, en vertu du Statut et du Règlement de procédure et de
11 preuve. Je parle de sa personnalité, de son caractère, de ses
12 origines familiales et autres. Au moment de la commission de son
13 acte, l'accusé Drazen Erdemovic n'avait que vingt-trois ans. Il est
14 croate et catholique. Il vient d'une famille ouvrière dans laquelle
15 les enfants sont élevés dans l'esprit de la tolérance religieuse et
16 nationale en tant que Yougoslaves. Tout au long de sa vie, l'accusé
17 Erdemovic a accepté ces conceptions et s'est conformé à elles. La
18 diversité nationale et religieuse qui existait dans son environnement
19 a constitué une grande richesse pour lui. La preuve en est qu'il a
20 établi une union maritale avec une représentante d'une autre nation,
21 d'une autre religion, et que ce couple a eu un enfant. Sa famille vit
22 actuellement dans les environs de Tuzla, là où elle résidait déjà
23 avant et pendant la guerre, et dispose de moyens financiers très
24 réduits. Donc l'accomplissement de sa peine par l'accusé Erdemovic va
25 représenter une très grande difficulté pour sa famille. L'accusé a
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1 tout essayé pour échapper au conflit, pour s'enfuir à l'étranger avec
2 sa femme, mais malheureusement il n'y est pas parvenu. De sorte que
3 c'est sous la pression d'un grand nombre de circonstances que sur ce
4 territoire de l'ex-Yougoslavie -et je suis sûr que la Chambre de
5 première instance a bien compris tous les éléments caractéristiques
6 de la situation- dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit
7 d'autre, qu'il s'est retrouvé, à un moment ou à un autre, membre des
8 trois armées en conflit sur le territoire. Cela n'a pas été son seul
9 cas, cela a été le cas d'un grand nombre de personnes. Il n'a jamais
10 fait partie d'un quelconque parti politique. Il a évité d'adhérer a
11 quelque parti intolérant pour se conformer aux fruits de son
12 éducation, l'éducation qu'il a reçue par sa famille, par l'école et
13 par la société à laquelle il appartenait. Jusqu'à aujourd'hui, il n'a
14 fait l'objet d'aucune sanction correctionnelle et encore moins
15 pénale. Tout cela montre bien qu'il y a possibilité de rédemption, de
16 perfectionnement sur le plan personnel. C'est d'ailleurs ce qu'a
17 confirmé la commission médicale qui l'a examiné. La défense demande
18 donc que les éléments allant dans le sens de circonstances
19 atténuantes soient pris en compte et acceptés par la Chambre de
20 première instance, ainsi que la position adoptée par l'accusé
21 Erdemovic, à savoir qu'en reconnaissant l'acte commis par lui, en
22 reconnaissant la gravité de cet acte, il soit admis qu'une peine de
23 sept ans est applicable au vu des circonstances, l'accusé Erdemovic
24 considérant que ces sept ans à servir par lui sont une obligation
25 morale de sa part vis-à-vis des victimes. Je tiens à dire
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1 personnellement que je n'oublie pas un instant les victimes, y
2 compris dans le cadre de la défense de Drazen Erdemovic que j'assure.
3 Je suis absolument convaincu que le sort subi par les victimes pèsera
4 sur la conscience de l'accusé tout au long de sa vie. La défense en
5 disant cela n'a pas le moindre doute quant au fait que le contenu de
6 l'accord conclu entre l'accusation et l'accusé Drazen Erdemovic
7 permettra de satisfaire à tous les éléments de sanction que l'on
8 trouve dans les droits nationaux, quel que soit le système judiciaire
9 concerné, et dans le droit international. En conclusion, je tiens à
10 dire, bien entendu que, conformément à l'article 101 (A) du Règlement
11 de procédure et de preuve, la Chambre de première instance est tenue
12 d'inclure le temps déjà purgé par l'accusé, à savoir une durée proche
13 de deux ans. Enfin, je tiens à dire que cette Chambre de première
14 instance va, à mon avis et sans aucun doute, prendre le plus grand
15 soin de déterminer une peine qui permettra également de déterminer le
16 pays dans lequel l'accusé Drazen Erdemovic aura à purger cette peine.
17 Je vous remercie de votre attention.
18 M. Kostic (interprétation). - Puis-je ajouter quelque chose ?
19 Mme le Président (interprétation). - Oui.
20 M. Kostic (interprétation). - Nous nous sommes mis d'accord avec Me
21 McCloskey et Me Niemann sur le fait que M. Erdemovic a été arrêté le
22 3 mars 1996, ce qui fait approximativement vingt-deux mois et onze
23 jours de détention. Si je me trompe, bien sûr corrigez-moi, mais
24 c'est assez proche des chiffres exacts. Ceci vous donnera une idée du
25 temps qu'il a déjà purgé en détention avant qu'il n'entende la peine
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1 qui lui sera infligée.
2 M. McCloskey (interprétation). - Nous sommes conscients de la date.
3 Il y a bien sûr le document serbe, mais il serait utile de vérifier
4 pour être sûr qu'il s'agit bien de la date. Si elle n'est pas tout à
5 fait exacte, elle est très proche de la vérité.
6 Mme le Président (interprétation). - Sur cette question, si l'on
7 tient compte du temps déjà purgé, soyons clairs envers les deux
8 parties. Nous parlons du temps purgé après l'arrivée au Tribunal,
9 c'est ce temps-là qui compte, n'est-ce pas ?
10 M. McCloskey (interprétation). - Effectivement. C'est l'avis que
11 défend l'accusation.
12 M. Shahabbudeen (interprétation). - L'accord passé entre les deux
13 parties a pour effet que le temps de détention déjà purgé doit être
14 déduit de la peine d'emprisonnement, pour autant qu'elle soit
15 prononcée bien sûr. Est-ce bien cela ?
16 M. Babic (interprétation). - C'est ce qui a été convenu entre nous.
17 M. Shahabbudeen (interprétation). - Pouvez-vous confirmer ceci,
18 Maître Niemman ?
19 M. Niemann (interprétation). - Si vous décidez d'infliger une peine
20 de x années, il s'agirait donc de cette peine qui aurait commencé au
21 moment du début de sa détention à La Haye, c'est le temps à courir à
22 compter de cette date.
23 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois que
24 nous sommes arrivés au terme de cette audience à moins, bien sûr, que
25 l'une ou l'autre partie ne soulève un autre point. Maître Niemann ?
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1 M. Niemann (interprétation). - Je viens de recevoir un document qui
2 semble indiquer que M. Erdemovic a été traduit devant le Tribunal le
3 30 mars 1996.
4 Mme le Président (interprétation). - Le 30 mars.
5 M. Niemann (interprétation). - Le 30 mars.
6 M. Shahabbudeen (interprétation). - Pas le 3 mars ?
7 M. Niemann (interprétation). - Il a été arrêté le 2 mars et transféré
8 à La Haye le 30 mars.
9 M. Shahabbudeen (interprétation). - La défense ne semble-t-elle pas
10 suggérer que la peine court à compter de la date de son arrestation,
11 en tout cas qu'il aurait été considéré comme détenu par le Tribunal à
12 partir de son arrestation ?
13 M. Niemann (interprétation). - Je ne sais pas si c'est bien ce que la
14 défense suggère, mais nous pensons qu'il serait utile de faire courir
15 la peine à partir de sa date d'incarcération, le 30 mars. Au vu de la
16 décision rendue par la Chambre, dans l'affaire Tadic -là aussi
17 effectivement- la période courait à partir du début de
18 l'emprisonnement à La Haye. Heureusement pour M. Erdemovic, ceci ne
19 fait une différence que de quelque vingt-trois ou vingt-sept jours.
20 M. Babic (interprétation). - Je dirai à ce sujet la chose suivante :
21 personnellement ce n'est pas la façon dont j'agirais, mais nous
22 sommes favorables à ce que le procès se termine le plus rapidement
23 possible, donc nous acceptons la position de l'accusation.
24 Mme le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Ceci termine
25 l'audience. Le jugement sera délivré en temps utile et les parties
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1 seront informées à l'avance de la date de l'audience publique portant
2 condamnation. L'audience est levée. L'audience est levée à
3 17 heures 30.
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