Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 2 mars 2000

2 [Audience publique]

3 [Les accusés entrent dans la Cour]

4 --- L’audience débute à 9 h 49

5 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Monsieur le

6 Greffier, veuillez donner le numéro de l’affaire.

7 LE GREFFIER : Affaire IT-95-17/1-A, Le Procureur

8 contre Anto Furundzija.

9 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Cette audience

10 est consacrée à l’appel de Monsieur Furundzija.

11 Monsieur Furundzija, êtes-vous en mesure de

12 m’entendre ?

13 L’ACCUSÉ FURUNDZIJA (interprétation) : Oui,

14 Monsieur le Président.

15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je vais

16 demander aux parties de se présenter.

17 Me MISETIC (interprétation) : Bonjour. Je

18 m’appelle Luka Misetic et je représente l’accusé.

19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Pour

20 l’Accusation ?

21 Me YAPA (interprétation) : Monsieur le Président,

22 je m’appelle Upawansa Yapa. Je représente le Bureau du

23 Procureur avec Monsieur Christopher Staker et Monsieur

24 Norman Farrell.

25 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Une question

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1 d’intendance pour commencer.

2 J’ai cru comprendre que des discussions

3 informelles avaient eu lieu au sujet de l’emploi du temps.

4 Nous sommes un petit peu en retard ce matin. Je vous suis

5 reconnaissant d’être venus à 9 h 30 ce matin, Me Misetic.

6 Nous vous en sommes tous reconnaissants.

7 Nous vous proposons les heures de travail

8 suivantes. Il est 10 h moins neuf. Donc, nous vous

9 proposons l’horaire suivant : 9 h 30 à 11 h 00, c’est-à-

10 dire une heure et demie d’audience ; ensuite de 11 h 00 à

11 11 h 20, nous ferons une pause ; et de 11 h 20 à 12 h 50,

12 nous reprendrons l’audience ; ensuite, la pause-déjeuner

13 durera de 12 h 50 à 14 h 15 ; puis nous siégerons de

14 nouveau de 14 h 15 à 15 h 45 ; il y aura ensuite une pause

15 de 15 minutes ; et nous siégerons ensuite de 16 h 00 à 17 h

16 00.

17 Nous espérons que nous serons en mesure d’en

18 terminer aujourd’hui et je souhaiterais être reconnaissant

19 aux conseils de terminer avec leurs argumentations avant 17

20 h 00 parce que l’un des Juges de la Chambre d’appel doit

21 siéger dans une autre affaire à 17 h 00 précises.

22 Voici donc ce qu’il en est de cette petite

23 question d’intendance.

24 Me Misetic, vous allez commencer, je crois, et je

25 dois dire aux deux parties que nous vous sommes

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1 reconnaissants pour les mémoires écrits extrêmement utiles

2 qui nous ont été communiqués et que nous avons lus.

3 Je pense qu’aujourd’hui, il serait utile

4 d’insister sur les éléments principaux, mais bien entendu,

5 vous êtes libres d’utiliser comme vous l’entendez le temps

6 qui vous est imparti.

7 Me MISETIC (interprétation) : Merci, Monsieur le

8 Président.

9 Une question technique tout d’abord. Dans le

10 procès où j’ai défendu l’accusé, les trois Juges parlaient

11 anglais. Je n’étais pas sûr si les choses ici se

12 passeraient en français ou en anglais parce que si

13 quelqu’un va parler français, à ce moment-là, il faudrait

14 que j’apprenne à utiliser les écouteurs.

15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : [Hors

16 microphone] Vous parlez anglais et vos propos sont

17 traduits en français.

18 Je suis désolé. Ma micro n’était pas allumée.

19 Donc, j’étais en train de vous dire, Me Misetic, que vous

20 vous exprimez en anglais et que vos propos sont ensuite

21 traduits.

22 Me MISETIC (interprétation) : Oui, mais je

23 souhaite indiquer que je vais utiliser ces tableaux. Donc,

24 je ne serai pas en mesure d’entendre les questions qui

25 pourraient venir de la Chambre si ces questions ne sont pas

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1 posées en anglais.

2 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je ne pense

3 pas qu’aujourd’hui quiconque parlera français parmi les

4 Juges, bien que nous admirions beaucoup cette très belle

5 langue.

6 Me MISETIC (interprétation) : Merci.

7 Il y a deux questions administratives dont je

8 pense que nous devrions parler.

9 La première a trait à la protection des identités

10 de témoins. Je propose que l’on passe rapidement à huis

11 clos.

12 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Objection de

13 la part de l’Accusation ?

14 Me MISETIC (interprétation) : Je crois que vous

15 savez de qui nous parlons.

16 Me YAPA (interprétation) : En ce qui nous

17 concerne, nous n’avons qu’une préoccupation.

18 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Est-ce que

19 vous vous opposez à la requête ?

20 Me YAPA (interprétation) : Non.

21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Donc à ce

22 moment-là, la requête est acceptée.

23 Me MISETIC (interprétation) : Je propose que l’on

24 appelle le témoin « Témoin F », s’il s’agit de la lettre

25 qui vient ensuite dans la liste.

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1 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Donc, nous

2 pourrons trouver un pseudonyme, mais vous souhaitez un huis

3 clos ?

4 Me MISETIC (interprétation) : Je ne pense pas que

5 ça soit nécessaire tout de suite, à moins que nous ne

6 parlions de quelque chose de précis. Il y a une pièce à

7 conviction que nous avons annexée à notre mémoire. Il

8 s’agit d’un témoin protégé.

9 Je ne vais pas m’étendre sur ce sujet mais nous

10 allons proposer de soumettre ce document à la Chambre

11 d’appel. Cela peut faire l’objet d’une objection mais je

12 ne vais en parler qu’environ une minute. Je ne sais pas si

13 vous souhaitez passer à huis clos.

14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Non. Nous

15 préférons que les choses se passent en audience publique.

16 Nous passons à huis clos qu’exceptionnellement.

17 Me YAPA (interprétation) : Suite à ce qui vient

18 d’être dit par mon éminent confrère, c’est Monsieur Farrell

19 qui répondra.

20 Me FARRELL (interprétation) : Nous allons

21 présenter nos arguments en ce qui concerne le versement au

22 dossier de cet affidavit. Nous nous référerons à cette

23 personne en utilisant le pseudonyme « F » ou le pseudonyme

24 qui lui sera attribué, mais la situation est la suivante.

25 Nous nous opposons au versement au dossier de cette pièce.

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1 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais il y a

2 ici deux questions qui se posent.

3 Premièrement, la protection de l’identité : vos

4 éminents collègues sont tout à fait d’accord avec vous, ils

5 feront usage du pseudonyme qui sera attribué.

6 Me MISETIC (interprétation) : Très bien !

7 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Donc, inutile

8 de passer à huis clos.

9 Me MISETIC (interprétation) : J’espère que la

10 suite de la journée se passera dans un même esprit de

11 coopération.

12 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais la

13 deuxième chose c’est l’intention que vous avez formulée de

14 présenter la déclaration d’un témoin particulier.

15 Vous venez d’entendre ce que l’Accusation a à dire

16 à ce sujet. Ils ne sont pas tout à fait d’accord et ils

17 vont nous présenter ultérieurement leurs objections.

18 Moi, je vous propose de commencer et ensuite quand

19 nous arriverons à cette question, à ce moment-là, nous

20 écouterons le Bureau du Procureur.

21 Me MISETIC (interprétation) : Très bien ! Donc,

22 je vais commencer.

23 Je souhaite dire bonjour aux Juges ainsi qu’aux

24 représentants du Bureau du Procureur. Comme vous le savez,

25 vous avez à statuer sur un appel prononcer contre mon

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1 client, Anto Furundzija, le 10 décembre 1998.

2 L’appel sur lequel vous avez à statuer soulève des

3 questions essentielles en matière de justice et de droits

4 de l’homme et il sera de votre devoir dans cette affaire de

5 faire en sorte que les droits civils et les droits de

6 l’homme soient protégés au sein du Tribunal International.

7 Le Conseil de Sécurité vous a donné pour mission

8 de faire en sorte que les procès du Tribunal respectent les

9 garanties minimums des droits de l’homme telles qu’elles

10 sont énoncées à l’Article 14 de la Charte Internationale

11 sur les Droits Civils et Politiques, l’Article 6 de la

12 Convention européenne des Droits de l’Homme, le droit

13 coutumier international, et bien entendu, également le

14 Statut du Tribunal Pénal International.

15 En créant le Tribunal Pénal International, le

16 Conseil de Sécurité a pris en compte le fait que les

17 Chambres de première instance et leurs Juges ne sont pas

18 infaillibles. C’est la raison pour laquelle le Conseil de

19 Sécurité, à l’Article 11, autorise la création d’une

20 Chambre d’appel afin de faire en sorte que des erreurs

21 faites au niveau des procès puissent être corrigées au

22 niveau de l’appel.

23 Dans la pratique du Tribunal Pénal International,

24 nous avons déjà constaté que c’était une décision sage car

25 la Chambre d’appel, dans deux affaires, Erdemovic et Tadic,

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1 est déjà revenue sur les décisions des Chambres de première

2 instance.

3 On vous demande maintenant de réviser le jugement

4 dans cette affaire.

5 Vous avez été chargés par le Conseil de Sécurité

6 d’être les garants de l’Article 6 de la Convention

7 Européenne des Droits de l’Homme, de l’Article 14, la

8 Convention internationale, et du Statut. Vous allez

9 déterminer si les droits qui sont énumérés dans ces

10 instruments de droit ne sont que des obstacles ou si ce

11 sont des droits qui doivent être défendus au nom de nous

12 tous.

13 Moi, j’avance que dans cette affaire, vous devez

14 défendre les droits qui sont définis dans ces instruments

15 de droit internationaux et non pas pour Anto Furundzija

16 seul mais pour tous les accusés qui seront jugés devant le

17 Tribunal Pénal International, la Cour de Justice

18 Internationale, et cætera, et partout dans le monde.

19 Vous devez garantir le droit à un procès

20 équitable. Dans l’affaire sur laquelle vous avez à

21 statuer, je ne crois pas que quiconque puisse dire que

22 Monsieur Furundzija a eu un procès équitable. Lorsque

23 viendra le moment de délibérer, vous n’aurez aucun doute

24 sur le fait que les droits fondamentaux de Monsieur

25 Furundzija à un procès équitable ont été violés de

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1 plusieurs façons.

2 En premier lieu, non seulement on ne lui a pas

3 signifié suffisamment à l’avance les charges qui pesaient

4 contre lui mais on l’a induit en erreur, et ceci aussi bien

5 de la part de l’Accusation que de la Chambre de première

6 instance, au sujet des charges qui pesaient contre lui, et

7 lorsque ceci arrive aussi bien pendant le procès qu’avant

8 le procès, si bien qu’il ne sait pas la nature des charges

9 qui pèsent contre lui, eh bien, on ne peut pas dire que cet

10 accusé ait eu un procès équitable.

11 En deuxième lieu, dans son jugement, la Chambre de

12 première instance n’a pas tenu compte d’éléments de preuve

13 à décharge, ce qui fait peser des doutes sur la décision de

14 la Chambre de première instance dans cette affaire.

15 Dans le cadre du jugement de la Chambre de

16 première instance, ce jugement donc repose sur des

17 violences sexuelles commises par le coaccusé dans une pièce

18 désignée sous le terme de « garde-manger ».

19 Comme je vais le démontrer, on a passé sous

20 silence des éléments de preuve qui allaient à l’encontre de

21 cela, à savoir que Monsieur Furundzija n’a jamais interrogé

22 quiconque pendant que ceci avait lieu, et ceci n’a pas été

23 dit à la Chambre de première instance par un témoin de la

24 Défense mais par un témoin de l’Accusation, et il est

25 remarquable de constater que la Chambre de première

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1 instance n’a pas tenu compte de sa déposition dans son

2 jugement et non seulement elle a condamné Monsieur

3 Furundzija mais elle l’a condamné à 10 ans de prison, une

4 peine très lourde, sur la base de ce fait unique.

5 La Chambre de première instance a ignoré des

6 éléments de preuve à décharge qui au moins créent un doute

7 raisonnable. En ce qui concerne la culpabilité de Monsieur

8 Furundzija en tant que garant du droit à un procès

9 équitable, la Chambre d’appel doit corriger cette injustice

10 et annuler la condamnation.

11 Je pense qu’il est important que nous passions en

12 revue les critères à adopter en ce qui concerne la révision

13 des jugements. Il faut prendre en compte les critères

14 adoptés également à la Chambre de première instance, c’est-

15 à-dire que la Chambre d’appel doit être en mesure de passer

16 en revue les éléments de preuve examinés par la Chambre de

17 première instance pour voir s’il y a eu effectivement doute

18 raisonnable au niveau du premier procès.

19 Nous nous reposons sur l’appel Tadic dont la

20 décision a été prononcée en juillet 1999. La Chambre

21 d’appel dans cette affaire a déterminé si le critère de la

22 preuve au-delà de doute raisonnable avait été correctement

23 appliqué, sauf que dans le cas présent, c’est l’Accusation

24 qui avait fait appel, disant qu’il n’y avait pas de doute

25 raisonnable.

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1 Mais quoi qu’il en soit, ici c’est la même chose.

2 La Chambre doit voir si ce critère a été correctement

3 appliqué, s’il y a vraiment eu preuve au-delà de tout doute

4 raisonnable. Il faut pour cela que les éléments de preuve

5 soient si convaincants qu’ils ne peuvent donner qu’à une

6 seule conclusion, la culpabilité, c’est-à-dire qu’il ne

7 faut absolument pas que l’on puisse tirer une autre

8 conclusion des éléments de preuve que celle de la

9 culpabilité.

10 Si au cours du procès, il y a eu le moindre

11 élément de doute selon lequel Monsieur Furundzija n’était

12 pas coupable, cela aurait dû être pris en compte par la

13 Chambre de première instance. Donc, Monsieur Furundzija

14 affirme que la Chambre de première instance n’a pas agi de

15 façon normale en disant que Monsieur Furundzija était

16 coupable.

17 Il est clair en examinant les éléments de preuve

18 qu’il existe des éléments dans ces éléments de preuve, des

19 éléments montrant l’innocence de Monsieur Furundzija, et il

20 était nécessaire à la Chambre de première instance

21 d’acquitter mon client.

22 Quels sont les devoirs de la Chambre d’appel ?

23 Tout d’abord, la Chambre d’appel a le droit et

24 l’obligation de mener sa propre évaluation des éléments de

25 preuve, tout d’abord pour voir si ces éléments de preuve

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1 sont suffisants et s’ils sont probants.

2 Après avoir examiné les éléments de preuve, la

3 Chambre d’appel doit déterminer si oui ou non la Chambre de

4 première instance aurait dû estimer qu’il y avait doute

5 raisonnable en ce qui concerne la culpabilité de l’accusé.

6 En résumé, la Chambre d’appel doit déterminer si

7 la Chambre de première instance aurait dû estimer que les

8 éléments de preuve indiquaient l’innocence possible du

9 client. Dans ce cas, le jugement de culpabilité doit être

10 annulé.

11 L’Accusation avance dans son mémoire que s’il y a

12 des éléments de preuve qui indiquent que le premier

13 jugement était raisonnable, à ce moment-là, la Chambre

14 d’appel ne peut pas revenir sur le premier jugement.

15 Nous estimons que cela n’est pas cohérent. Cela

16 ne va pas dans le sens de la décision de la Chambre d’appel

17 dans Tadic.

18 Deuxièmement, ce ne va pas du tout dans le sens de

19 la position de l’Accusation dans l’affaire Tadic si on se

20 base sur la décision écrite.

21 Troisièmement, ne pas permettre à la Chambre

22 d’appel de se pencher sur la question de savoir si

23 effectivement il y a eu doute raisonnable, cela réduit à

24 néant l’intérêt même de la procédure d’appel si l’accusé

25 avait pu être acquitté du fait des éléments de preuve qui

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1 ont été présentés sur la base de l’existence d’un doute

2 raisonnable.

3 Donc dans ce cas, si on adopte ce genre de

4 position, la Chambre d’appel ne pourrait pas procéder de

5 cette façon. Je crois que c’est contraire à la décision

6 Tadic et contraire également à la pratique dans les

7 juridictions internationales et nationales.

8 Donc pour conclure, je dirais la chose suivante à

9 ce sujet. Même si la Chambre d’appel avait estimé qu’il

10 était probable que l’accusé était responsable des faits qui

11 lui étaient reprochés mais que sur la base des éléments de

12 preuve, on pouvait éventuellement penser qu’il n’était pas

13 coupable, à ce moment-là, la Chambre de première instance

14 devait l’acquitter parce que c’était obligé s’il y avait

15 des éléments de preuve allant dans le sens de l’innocence

16 et c’est ce type de critère qui doit être appliqué ici,

17 aussi bien au niveau de l’instance qu’au niveau de l’appel.

18 Il faut savoir que lorsque l’accusé présente sa

19 défense, le concept de la présomption d’innocence fait

20 qu’il faut absolument tenir compte de tous les éléments de

21 preuve à décharge.

22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Misetic,

23 les interprètes vous demandent de ralentir un peu votre

24 débit.

25 Me MISETIC (interprétation) : Donc si Monsieur

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1 Furundzija, par le biais du Témoin D, a introduit des

2 éléments de preuve selon lesquels il n’avait interrogé

3 personne dans le garde-manger, cela doit être pris en

4 compte. Le fait que la Chambre de première instance ne

5 l’ait pas fait fait que la Chambre d’appel doit revenir sur

6 le jugement de la Chambre de première instance.

7 Ce sont les critères que je vais utiliser pendant

8 toute mon argumentation. Je vais montrer en utilisant les

9 éléments de preuve qu’il existe des éléments, des

10 conclusions qui auraient pu être tirées des éléments de

11 preuve qui ont été présentés et qui vont dans le sens de

12 l’innocence.

13 Je voudrais demander l’aide de l’huissier et du

14 greffe, mais je voudrais d’abord établir exactement quelles

15 ont été les conclusions de la Chambre de première instance

16 dans son jugement pour que nous ayons une idée bien précise

17 de ce dont nous parlons.

18 Monsieur le Président et Messieurs les Juges, je

19 vais utiliser cette carte qui est en grand plan mais vous

20 allez avoir également des copies devant vous.

21 Je pense que vous avez déjà le mémoire, mais de

22 toute façon, ce qui est important c’est de dire qu’il

23 s’agit du témoin qui a témoigné le 15 mai 1993 et il a été

24 confirmé que cette femme a été envoyée à Bungalow à

25 Nadioci, ensuite dans une maison d’été. C’est une

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1 affirmation selon laquelle elle a été violée dans les deux

2 pièces dans cette maison d’été.

3 Lors du premier procès, on a parlé donc d’une

4 grande pièce et l’autre est appelée « garde-manger ». Il y

5 avait d’abord un certain nombre d’événements dans la grande

6 pièce et ensuite dans le garde-manger. Par conséquent, je

7 vais parler des conclusions concernant des événements qui

8 ont eu lieu dans la grande pièce.

9 La Chambre de première instance a conclu le

10 suivant. Il y a les chiffres également des paragraphes du

11 jugement.

12 D’abord, le témoin affirme qu’elle a été amenée

13 dans cette maison d’été. Elle a été amenée dans cette

14 grande pièce et tout de suite après, Monsieur Furundzija

15 soi-disant est arrivé, il est apparu dans cette pièce et il

16 a tout de suite commencé à l’interroger.

17 Selon le jugement, au cours de cet interrogatoire,

18 à un moment donné, le Témoin A a donné une réponse et pour

19 la première fois, c’est l’accusé qui est apparu, qui soi-

20 disant est l’Accusé B, et il lui a mis le couteau sur son

21 cou et puis il l’a menacée alors que Furundzija

22 l’interrogeait pendant ce temps-là. Excusez-moi. Par

23 conséquent, c’est la première partie de la déposition. Il

24 commence l’interrogatoire avant que l’Accusé B arrive.

25 Ensuite, c’est l’Accusé B qui va arriver. Donc,

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1 l’Accusé B va mettre le couteau sur son cou, il lui impose

2 d’enlever ses vêtements et d’enlever des lunettes. D’après

3 le jugement, tout ceci se passe devant Furundzija.

4 Au paragraphe 82, Furundzija la menace et elle

5 reste nue devant 40 soldats à peu près. L’Accusé B – et

6 tout ceci, comme je dis, se passe devant Furundzija – passe

7 le couteau sur le corps du témoin, la menace de lui couper

8 le sexe.

9 La conclusion concernant Furundzija figure au

10 paragraphe 83. Furundzija se fâche et il dit au Témoin A

11 qu’elle doit reconnaître tout et la confronte avec le

12 Témoin D. Furundzija quitte la pièce une fois de plus,

13 l’Accusé B viole le témoin.

14 Donc, il y a des conclusions que soi-disant

15 l’accusé avait interrogé le témoin dans la grande pièce ;

16 ensuite que l’Accusé B lui a demandé d’enlever ses

17 vêtements et de rester nue devant un grand nombre de

18 soldats dans cette pièce, parmi lesquels il y avait

19 Furundzija ; (c) elle a été torturée, on l’a humiliée, elle

20 a fait l’objet de tortures et de maltraitements pendant que

21 l’accusé l’avait interrogée ; et (d) l’interrogatoire de la

22 part de l’Accusé B allait parallèlement. En définitive, le

23 Témoin A a été laissée avec l’Accusé B qui la violait, qui

24 l’avait torturée, qui l’avait humiliée.

25 Enfin, s’il y a un doute raisonnable, il en

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1 ressort que Monsieur Furundzija a quitté la pièce sciemment

2 sachant que l’Accusé B allait la torturer et la violer.

3 Maintenant, nous sommes dans le garde-manger,

4 pièce à conviction A2.

5 Qu’est-ce qui s’est passé dans le garde-manger ?

6 Une fois que le Témoin A a été violée par l’Accusé

7 B alors que Furundzija n’était pas présent, ensuite le

8 témoin a été amenée dans le garde-manger et elle a été

9 confrontée avec le Témoin D.

10 Le Témoin A dit que Furundzija interrogeait le

11 Témoin A et le Témoin D dans le garde-manger. Au moment où

12 l’accusé à commencer à battre le Témoin D, le Témoin A dit

13 que Furundzija était à la porte alors que le Témoin D dit

14 que Furundzija était en dehors du garde-manger avec des

15 soldats. Voilà une contradiction !

16 Le paragraphe 87 dit qu’il y avait des attaques

17 qui se sont tournées vers le Témoin A. Le Témoin A et

18 l’Accusé B étaient dans le garde-manger. Le Témoin A a

19 forcé le Témoin D de pratiquer une fellation, et de toute

20 façon, pendant ce temps-là, Furundzija n’y était pas.

21 Ensuite, nous arrivons jusqu’à 266. La Chambre

22 constate qu’il a été présent pendant l’interrogatoire mais

23 les deux témoins, aussi bien D que A, étaient présents

24 pendant l’interrogatoire et l’Accusé B lui donnait des

25 coups de matraque alors que le témoin était encore nue.

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1 Une fois de plus, un résultat critique.

2 L’Accusé a continué à interroger le Témoin A comme

3 ceci a été fait auparavant pendant que ces interrogatoires

4 duraient. Il y avait également le viol qui se maintenait.

5 C’était donc un fait.

6 Le paragraphe 87. Le Témoin D dit qu’au moment où

7 on l’a sortie de la pièce, elle avait vu l’accusé.

8 Le paragraphe 270, une fois de plus, confirme ce

9 fait. La Chambre d’instance affirme que le Témoin A a été

10 l’objet du viol et il n’y a aucun doute que les commandants

11 et les accusés ont partagé… Le rôle de l’accusé a été de

12 menacer alors pour justement tirer les informations des

13 deux témoins, Témoin A et Témoin D.

14 Enfin, on conclut, quand il s’agit du Témoin A,

15 qu’elle a été victime des souffrances, ce qui, en vertu de

16 l’Article 7(1), ce sont les accusés qui ont participé à ces

17 souffrances qui ont été perpétrées. En d’autres termes, on

18 ne prétend qu’il a été présent mais que probablement il a

19 fait partie des souffrances qui ont été infligées au

20 témoin.

21 C’est la raison pour laquelle la Chambre a décidé

22 que pendant qu’elle était nue, pendant qu’elle était sous

23 la couverture et elle a été interrogée dans le garde-

24 manger, le Témoin A a été violée, a été torturée, a été

25 humiliée de la part de l’Accusé B.

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1 Maintenant, il y a le Témoin D, mais de toute

2 façon, je vais y revenir. Le Témoin D également a été

3 interrogée par l’Accusé B et, une fois de plus, a subi des

4 sévices. Elle a été obligée de regarder la femme qui a été

5 violée, et ceci pour qu’elle puisse avancer les

6 affirmations et les allégations contre elle. Les deux

7 témoins ont été humiliées.

8 En définitive, l’Accusé B a frappé le Témoin D, a

9 également violé le Témoin A. L’Accusé était présent dans

10 la pièce. Il a continué l’interrogatoire au moment où il

11 n’était pas dans la pièce. Il était à côté, derrière la

12 porte qui était ouverte et était au courant de ce qui se

13 passait dans la pièce, y compris le viol et tout ce que

14 l’Accusé B faisait. Il le faisait parce que l’accusé

15 l’avait interrogé.

16 Voilà ! Il s’agit des faits critiques dans le

17 jugement.

18 Maintenant, Monsieur le Président, je vais essayer

19 de vous donner quelques explications au sujet de ces

20 conclusions et pour lesquelles nous ne pensons pas que ces

21 conclusions puissent être acceptées comme des éléments de

22 preuve.

23 Tout d’abord, je vais donner lecture d’un certain

24 nombre de chefs d’accusation. Il s’agit des Articles 20 et

25 21(4) du Statut du Tribunal.

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1 Je pense que chaque membre de la Chambre sera

2 d’accord pour dire que le droit de l’accusé est d’être

3 informé concernant les chefs d’accusation et ceci pour

4 l’équité et la justice du procès.

5 En ce qui concerne la Convention internationale,

6 il est bien noté qu’il faut donner la description de l’acte

7 mais également les faits qui sont derrière cet acte

8 d’accusation. C’est la raison pour laquelle si la Chambre

9 n’a pas informé Furundzija sur les chefs d’accusation et le

10 contenu de ces chefs d’accusation, cette Chambre d’appel

11 doit examiner cette question.

12 Quel est l’objectif d’un acte d’accusation ?

13 L’Accusation évoque un certain nombre de chefs

14 d’accusation pour lesquels l’accusé est incriminé, ensuite

15 la date également quand l’acte a été commis, la manière

16 dont cet acte a été commis, les faits également, et c’est

17 sur cela que l’acte d’accusation se fonde.

18 D’un autre côté également, il y a la culpabilité

19 qui en ressort et c’est la raison pour laquelle le document

20 doit également satisfaire les critères des conventions

21 internationales. Il s’agit d’un document auquel

22 l’Accusation se réfère et sur lequel elle se fonde au

23 moment où elle prépare les chefs d’accusation.

24 On ne peut pas demander à ce que l’accusé soit

25 condamné sur les faits qui ne sont pas énumérés dans l’acte

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1 d’accusation.

2 Très souvent, le Procureur a devant lui des

3 scénarios différents et des faits différents des éléments

4 de preuve avant de dresser l’acte d’accusation, mais dans

5 l’acte d’accusation, le Procureur doit prendre la décision

6 quel est l’élément de preuve qu’il va choisir et au moment

7 où il choisit cet élément de preuve, à ce moment-là, il le

8 dresse sous forme d’un chef d’accusation donc qui figure

9 dans l’acte d’accusation, qui confirme l’acte d’accusation.

10 Il doit rester conséquent si bien évidemment il ne

11 modifie pas l’acte d’accusation. Si ceci n’est pas le cas,

12 il n’y a aucune raison de dresser l’acte d’accusation. En

13 d’autres termes, le Procureur est par conséquent dans

14 l’obligation de suivre ce qui figure dans l’acte

15 d’accusation, sinon l’acte d’accusation n’aurait pas lieu

16 d’exister.

17 C’est la raison pour laquelle et compte tenu

18 également du fait qu’il s’agit du fondement même de l’appel

19 que nous interjetons, je vais essayer d’expliquer ce qui

20 s’est passé au cours de la procédure qui a précédé le

21 procès.

22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Monsieur Yapa,

23 nous acceptons ces documents et nous allons leur attribuer

24 des références.

25 Je suppose que vous n’avez strictement rien

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1 contre ?

2 Me YAPA (interprétation) : Non.

3 Me MISETIC (interprétation) : Il s’agit tout

4 simplement de documents qui vont tout simplement nous aider

5 de démontrer un certain nombre d’éléments de preuve.

6 Pendant la pause, je vais essayer de mettre des

7 étiquettes sur ces pièces à conviction pour que les choses

8 puissent se poursuivre plus rapidement.

9 Puis-je continuer ?

10 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui.

11 Me MISETIC (interprétation) : Merci.

12 Si l’on examine l’acte d’accusation, nous pouvons

13 constater qu’ici, il s’agit d’un acte d’accusation contre

14 quatre accusés : d’abord Monsieur Furundzija et les trois

15 autres noms sont toujours sous scellé, mais il est clair

16 que l’un d’eux est l’Accusé B.

17 L’acte d’accusation est basé sur plusieurs

18 périodes et concerne plusieurs événements.

19 Les chefs 1 à 8 ne concernent pas le Témoin A et

20 j’ai l’impression que ceci concerne le comportement de

21 l’Accusé B et des autres à d’autres moments.

22 À partir du chef d’accusation 9, on se penche sur

23 ce qui s’est passé au Témoin A, et dans l’acte

24 d’accusation, ce qui s’est passé concernant le Témoin A est

25 expliqué en trois parties différentes.

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1 Les chefs d’accusation 9 à 11 concernent ce qui

2 s’est produit dans la grande pièce. Ceci concerne donc ce

3 qui s’est passé dès l’arrivée du Témoin A dans la maison de

4 week-end depuis le Bungalow.

5 Le chef 12 ne concerne pas Monsieur Furundzija.

6 Entre les chefs 12 et 14, dans le paragraphe 25,

7 on parle à un moment de la grande pièce et ensuite on

8 commence à parler de l’incident dans le garde-manger, et

9 là, on mentionne Furundzija et l’Accusé B.

10 Après le chef d’accusation 14, vous pouvez voir

11 que tout ceci entre 9 et 14 s’est passé le même jour, mais

12 le Témoin A est resté en détention pendant

13 approximativement 10 semaines après cet incident et je

14 crois que les paragraphes 17 jusqu’à 23 parlent de cette

15 période après cet incident qui a eu lieu dans la maison de

16 campagne.

17 Donc, nous avons trois périodes couvertes d’abord

18 dans les chefs : entre 9 et 11 concernant la grande pièce,

19 ensuite 12 et 14 concernant le garde-manger, et ensuite les

20 autres chefs d’accusation concernant ces 10 semaines qui

21 ont suivi l’incident.

22 Dans les chefs d’accusation 9 à 11, il est allégué

23 que vers le 15 mai, le Témoin A a été amenée dans un

24 immeuble appelé le Bungalow. L’Accusé B l’a forcée à

25 enlever ses vêtements, à passer un couteau sur son corps et

Page 28

1 l’a menacée de la tuer. Ensuite, il lui a dit que tous les

2 hommes présents allaient la violer et puis elle a dû danser

3 nue devant l’Accusé B.

4 Paragraphe 24, l’Accusé B a ensuite violé le

5 Témoin A et l’a forcée à pratiquer une fellation. L’Accusé

6 B l’a forcée à avoir du sexe avec lui par le biais vaginal

7 et anal. L’Accusé B a pénétré la bouche du Témoin A, son

8 vagin et son anus avec son pénis.