Affaire n° : IT-98-29-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Wolfgang Schomburg

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
3 décembre 2004

LE PROCUREUR

c/

STANISLAV GALIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE SUPPRIMER DES PASSAGES DU MÉMOIRE D’APPEL DE L’APPELANT, DE SON MÉMOIRE EN RÉPLIQUE ET DE LA LISTE DE SES SOURCES

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell
M. Mathias Marcussen

Les Conseils de Stanislav Galic :

Mme Mara Pilipovic
M. Stéphane Piletta-Zanin

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU le jugement rendu en l’espèce par la Chambre de première instance I le 5 décembre 2003 (intitulé « Jugement et opinion », ci-après le « Jugement »), et sa traduction en français datant du 5 avril 2004 (la « version française du Jugement »),

VU le mémoire de l’appelant (Defence Appellant’s Brief) (le « Mémoire d’appel ») auquel est jointe la liste de ses sources (Defence Appellants Brief Book of Authorities) (la « Liste des sources »), déposé par les conseils de Stanislas Galic (la « Défense ») le 19 juillet 2004, dans lequel la Défense interjette appel du Jugement pour plusieurs motifs,

VU le mémoire en réponse de l’Accusation (Prosecution Response Brief), déposé par le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») le 6 septembre 2004, dans lequel l’Accusation affirme que l’appel interjeté par la Défense devrait être rejeté,

VU le mémoire en réplique (Brief in Reply), déposé par la Défense le 27 septembre 2004, dans lequel cette dernière conteste les points d’opposition de l’Accusation à son appel,

VU la requête (Prosecution Motion to Strike Portions of Appellant’s Appeal Brief, Book of Authorities and Reply Brief) déposée par l’Accusation le 29 octobre 2004 (la « Requête »), par laquelle celle-ci prie la Chambre d’appel de supprimer des passages du Mémoire d’appel, du mémoire en réplique, ainsi que d’une partie de la Liste des sources dans la mesure où ceux-ci se rapportent à une lettre du Comité international de la Croix-Rouge (le « CICR ») adressée le 29 août 2003 à la Défense (la « Lettre »), notamment pour les motifs suivants :

  1. La Lettre constitue un élément de fait nouveau qui n’a pas été présenté à la Chambre de première instance et qui ne figure pas au dossier de la présente espèce ;

  2. Si la Défense souhaite faire référence à la Lettre, elle doit invoquer l’article 115 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement ») ;

  3. La Défense semble demander à la Chambre d’appel de dresser un constat judiciaire en vertu de l’article 94 du Règlement, qu’il n’y a pas lieu d’appliquer en l’espèce ;

ATTENDU, en outre, que l’Accusation demande qu’en cas de rejet de la Requête, la Défense soit tenue de déposer une demande traitant des critères d’admissibilité prévus par l’article 115 du Règlement, en indiquant avec précision les faits pour lesquels elle demande qu’un constat judiciaire soit dressé et expliquant en quoi les conditions posées par l’article 94 A) du Règlement sont remplies,

VU la réponse à la Requête (Defence Response on Prosecution’s Motion Dated 29 October 2004), déposée par la Défense le 3 novembre 2004 (la « Réponse »), dans laquelle celle-ci s’oppose à la Requête notamment pour les motifs suivants :

  1. La Lettre ne constitue pas un élément de fait nouveau, mais figure dans la Liste des sources à titre de référence révélatrice du contenu des archives du CICR ; il est donc inutile de présenter une demande en application de l’article 115 ;

  2. Il n’y a pas lieu de parler de « constat judiciaire » ou d’invoquer l’article 94 du Règlement puisque la procédure relative à l’entrée en vigueur d’accords signés en présence du CICR est une procédure bien connue dont la preuve n’a pas à être faite,

VU la réplique à la Réponse (Reply to Defence Response on Prosecution’s Motion Dated 29 October 2004) (la « Réplique »), dans laquelle l’Accusation affirme que la Défense semble avoir modifié l’argument qu’elle avait présenté dans son mémoire en réplique, mais que la question de savoir quelles sont les ratifications ou agréments enregistrés par le CICR (tels qu’ils figurent dans ses archives) demeure un point factuel dont l’admission relève de l’article 115 du Règlement,

ATTENDU que le contenu des archives du CICR constitue un point de fait qu’il y a lieu de prouver,

ATTENDU que la Lettre a pour objet de réfuter une constatation de la Chambre de première instance, qu’elle est un moyen supplémentaire visant à prouver un fait qui n’a pas été établi en première instance et que son versement au dossier est donc régi par l’article 115 du Règlement,

ATTENDU que, conformément l’article 115, les requêtes aux fins de présenter des moyens de preuve supplémentaires doivent être déposées au plus tard 75 jours à compter de la date du jugement,

ATTENDU, en outre, que plus de 75 jours se sont écoulés depuis la date à laquelle l’appelant a reçu la version française du Jugement,

ATTENDU, en conséquence, que toute demande relevant de l’article 115 du Règlement serait désormais hors délai, mais que conformément à cet article, la Chambre d’appel peut, lorsqu’une requête présente des motifs valables d’accorder un délai supplémentaire, proroger le délai prévu par le Règlement et reconnaître la validité de toute requête présentée après l’expiration des 75 jours en question,

PAR CES MOTIFS,

ORDONNE à la Défense, si elle souhaite maintenir les moyens d’appel auxquels se rapportent les moyens de preuve supplémentaires, de déposer une requête en application de l’article 115 présentant des motifs valables d’accorder un délai supplémentaire pour que la Chambre d’appel puisse reconnaître la validité du dépôt de la requête.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre d’appel
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Theodor Meron

Le 3 décembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]