Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 4 décembre 2001)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 14 heures 18.)

4 (L'accusé, M. Stanislav GALIC, est introduit dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Mesdames et Messieurs, bonjour. Je vais

6 demander à la Greffière de bien vouloir nommer l'affaire.

7 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT 98-29-T, le Procureur contre

8 Stanislav Galic.

9 M. le Président (interprétation): Merci.

10 D'après ce que je peux voir, ce sont les mêmes représentants du Bureau du

11 Procureur qui sont dans la salle aujourd'hui. Je crois que l'équipe de la

12 défense est la même qu'hier. Les présentations ont donc déjà été faites,

13 nous allons pouvoir poursuivre l'interrogatoire principal du témoin, M.

14 Kupusovic.

15 Merci, Monsieur l'huissier de bien vouloir faire entrer le témoin.

16 (Le Témoin, M. Tarik Kupusovic, est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur.

18 Avant que nous ne commencions, je demanderai à M. Galic et au témoin M.

19 Kupusovic s'ils peuvent suivre les débats dans une langue qu'ils

20 comprennent.

21 Est-ce que vous m'entendez l'un et l'autre?

22 M. Galic (interprétation): Je vous entends.

23 M. le Président (interprétation): Et vous, Monsieur Kupusovic, vous

24 m'entendez?

25 M. Kupusovic (interprétation): Oui, je vous entends.

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1 M. le Président (interprétation): Hier, Monsieur Kupusovic, vous avez

2 prononcé une déclaration solennelle; je n'ai pas besoin de vous rappeler

3 que vous êtes toujours tenu aujourd'hui par cette déclaration. Nous

4 n'allons pas vous la faire prononcer une nouvelle fois.

5 Monsieur Blaxill, je me tourne vers vous, je pense que c'est vous qui

6 allez poursuivre l'interrogatoire de ce témoin; vous avez la parole.

7 (Interrogatoire principal du témoin, M. Tarik Kupusovic, par M. Blaxill.)

8 M. Blaxill (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

9 Bonjour, Monsieur le Président, Bonjour Messieurs les Juges.

10 Monsieur Kupusovic, je vais me permettre de revenir sur quelque chose qui

11 a été dit dans l'après-midi d'hier. Je crois que j'aurais dû m'y attarder

12 un peu plus que je ne l'ai fait. Je demande l'indulgence de Messieurs les

13 Juges.

14 Dans le cadre de votre déposition, vous avez fait référence à un

15 référendum qui a lieu à la fin du mois de février, début du mois de mars

16 1992. Nous allons revenir là-dessus.

17 Pourriez-vous nous dire quelle question a été mise aux voix? Pourquoi ce

18 référendum a-t-il été organisé?

19 M. Kupusovic (interprétation): Le référendum a eu lieu le 29 février et le

20 1er mars 1992.

21 La question posée dans le cadre de ce référendum était celle-ci: est-ce

22 que la Bosnie-Herzégovine doit devenir un état indépendant ou doit-elle

23 rester au sein du "croupion de la Yougoslavie"?

24 Question: Quel a été le résultat de ce référendum?

25 Réponse: A plus de 67%, la population s'est déclarée en faveur de

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1 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

2 Question: Est-ce que, au sein de la communauté, des groupes de la

3 population n'ont pas pris part au référendum? Est-ce que certains groupes

4 avaient une opinion particulière, eu égard à ce référendum?

5 Réponse: C'est effectivement le cas. Le SDS et son président Karadzic ont

6 demandé à la population serbe de Bosnie-Herzégovine de ne pas prendre part

7 au référendum, de ne pas voter.

8 Question: Est-ce que vous savez si ces recommandations faites par le

9 professeur Karadzic ont été suivies par la population serbe?

10 Réponse: Il est apparu très clairement qu'une partie de la population

11 serbe n'a pas pris part au référendum dans des villes de petite taille,

12 mais également à Sarajevo.

13 Question: Je vous remercie de ces éléments d'information.

14 Nous allons revenir au point auquel nous nous sommes interrompus hier

15 soir, Monsieur Kupusovic.

16 Vous nous avez expliqué de quelle façon le conflit avait commencé à

17 Sarajevo; vous nous avez parlé des tirs embusqués, des bombardements, de

18 la situation qui prévalait au sein de la ville.

19 Monsieur Kupusovic, est-ce qu'il est arrivé un moment où les actions entre

20 les forces de la VRS et les forces qui défendaient la ville ont aboutit à

21 l'établissement de lignes de confrontation, considérées comme telles?

22 Réponse: Les lignes officielles, disons de défense, ont été effectivement

23 établies. On a creusé des tranchées. Cela s'est produit dans le courant

24 des mois de septembre et octobre 1992.

25 Question: Pourriez-vous expliquer aux Juges dans quels quartiers de la

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1 ville ces lignes ont été établies?

2 Réponse: Pour la plupart d'entre elles, ces lignes ont été établies justes

3 à la limite urbaine de la ville, donc entre les dernières maisons de la

4 ville et les bois qui entourent Sarajevo.

5 Et donc, dans ces bois, sur les collines environnantes, on trouvait les

6 forces qui attaquaient la ville.

7 Question: Est-ce que certains quartiers de Sarajevo, donc de la ville

8 même, ont été saisis par les forces de la VRS? Est-ce que les forces de la

9 VRS tenaient certaines parties de la ville?

10 Réponse: Effectivement, il y a eu donc évacuation de la caserne du

11 Maréchal Tito à Sarajevo et, à partir de ce moment-là, la partie de la

12 ville appelée "Grbavica", qui se trouve sur la rive gauche de la rivière,

13 a été occupée par l'armée de la Republika Srpska. Il faut savoir que cette

14 partie de la ville représente environ 10% de Sarajevo. Donc la VRS avait

15 le contrôle de ce quartier, et avait également le contrôle de toutes les

16 zones peuplées qui se trouvaient autour de la ville.

17 Question: Est-ce que la VRS contrôlait également Dobrinje?

18 Réponse: Dobrinje, en fait, se trouvait sous l'effet d'un double blocus

19 parce qu'elle se trouvait encerclée du fait de l'encerclement qui existait

20 autour de la ville, et puis, il y avait le lien qui existait entre

21 Dobrinje et Sarajevo qui était constamment soumis à des tirs de tireurs

22 embusqués. Il faut comprendre qu'il n'y avait qu'une route qui permettait

23 de Dobrinje à Sarajevo; cette route n'a pas pu être utilisée, on ne

24 pouvait l'utiliser qu'à la nuit tombée, il fallait se déplacer très

25 rapidement et ne pas faire de pause le long de cette route.

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1 Question: Est-ce que cette situation a évolué par la suite? Est-ce que

2 Dobrinja, par la suite, a pu à nouveau être en contact avec la ville?

3 Réponse: Eh bien, les toutes premières maisons ont été complètement

4 détruites par le feu. Et la route a ensuite été réouverte à la

5 circulation.

6 Question: Quand est-ce que cela s'est produit?

7 Réponse: Eh bien, cela s'est passé à la fin de l'hiver, au début du

8 printemps 1993.

9 M. Blaxill (interprétation): Monsieur Kupusovic, nous allons maintenant

10 parler plus en détail de l'année 1993. Pourriez-vous nous parler des

11 conditions qui prévalaient à Sarajevo pendant les mois d'hiver, donc entre

12 1992 et 1993?

13 M. Kupusovic (interprétation): Il y avait de l'électricité en ville

14 jusqu'au mois d'octobre 1992 et ensuite, il y a eu d'un délestage. Et

15 pendant un certain temps, en tant que membre de la présidence, j'ai très

16 bien compris qu'au cours de la guerre nous n'aurons pas d'électricité.

17 M. le Président (interprétation): Mais il n'y a pas d'interprétation.

18 Qu'est-ce qui se passe?

19 M. Blaxill (interprétation): Nous ne recevons rien non plus. Est-ce que

20 nous allons pouvoir remédier à ce problème?

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Blaxill, je vais vous demander

22 de reprendre là où nous nous sommes interrompus. Peut-être pouvez-vous

23 demander au témoin de répéter la réponse qu'il a apportée à votre dernière

24 question?

25 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, si vous me le permettez, en

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1 relation au problème de traduction, j'avais cru comprendre, de ce que le

2 Greffe nous avait indiqué, que lorsqu'un problème de traduction se posait,

3 il fallait immédiatement le signaler à votre Tribunal. Puis-je vous poser

4 la question: qu'en est-il, puisque certains problèmes se sont posés?

5 Devons-nous réagir à chaque fois ou non?

6 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, si vous avez un

7 problème pour ce qui est de la traduction -j'ai l'impression que vous

8 pouvez suivre la déposition des témoins dans leur langue originale, c'est

9 ce qui apparaît-, s'il y a un problème, oui, réagissez immédiatement, mais

10 si c'est un petit mot qui pose problème, si c'est un mot de coordination

11 entre deux phrases, peut-être cela ne vaut-il pas la peine que vous

12 interveniez. Mais s'il y a un problème grave qui se pose, vous pouvez

13 réagir immédiatement.

14 Mais n'oubliez pas que nous ne sommes pas une société de préservation de

15 la langue, nous essayons simplement de comprendre le message qu'essaye de

16 nous faire passer le témoin qui vient déposer devant nous.

17 M. Piletta-Zanin: Je vous remercie de cette intervention. J'essayerai de

18 ne pas oublier que ce Tribunal n'est pas une société de préservation de la

19 langue. J'espère, en effet, qu'il soit autre chose. Mais un petit mot peut

20 avoir un grand sens.

21 L'exemple simple est le suivant: j'ai noté la page 58, je crois, où le

22 témoin avait dit par rapport à l'exode des populations serbes à Sarajevo,

23 juste après avoir déclaré qu'il s'agissait, pour l'essentiel je crois -de

24 mémoire-, de familles de militaires serbes, il avait déclaré par rapport

25 au rapport des populations, en serbe, qu'il y avait un peu plus de serbes

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1 qui étaient partis, qui avaient quitté Sarajevo, ce que je crois avoir

2 entendu nous pourrons le vérifier dans les cassettes, comme "malo vice",

3 c'est-à-dire "un peu plus".

4 La traduction, je passe cette fois dans l'anglais du transcript, ne

5 reflète pas cette idée; elle reflète simplement l'idée écrite "il y a plus

6 de Serbes". Et je pense que ce type de distinction est important lorsqu'on

7 le remet dans le contexte.

8 Page 58 de l'audition du témoin, journée d'hier. Merci beaucoup.

9 M. le Président (interprétation): Je suis d'accord avec vous, Maître, les

10 petits mots sont parfois des mots lourds de sens qui ont une importance

11 réelle. Lorsque ces mots ont pour vous une importance, prenez-en note

12 immédiatement, réagissez en conséquence. Si vous considérez que ce n'est

13 pas important, eh bien, nous choisirons de ne pas y passer trop de temps.

14 Pour ce qui est du compte rendu d'audience d'hier, nous ne pouvons pas

15 intervenir à ce stade mais ils sera rapporté au compte rendu d'aujourd'hui

16 que vous avez apporté ces éléments d'information qui concernent ce qui a

17 été dit hier.

18 Nous avons pris bonne note de ce que vous avez dit, Maître. Je vous

19 remercie de votre intervention.

20 M. Blaxill (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

21 Monsieur Kupusovic, je vais revenir sur la question que je vous ai posée

22 avant que quelques problèmes techniques ne surgissent.

23 Je vous demandais donc quelles étaient les conditions de vie à Sarajevo

24 pendant les mois d'hiver, donc pendant la fin de l'année 1992 et le début

25 de l'année 1993.

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1 Réponse: En octobre 1992, l'approvisionnement de la ville en électricité a

2 été interrompu, totalement interrompu. Les citoyens de Sarajevo ont dû

3 faire face à un hiver sans électricité. Ce qui signifie également qu'il

4 n'y aurait pas d'eau non plus, car les pompes étaient actionnées grâce à

5 l'électricité. Les lignes téléphoniques quant à elles avaient déjà été

6 interrompues.

7 Pour essayer de survivre, des mesures ont été prises plus ou moins de

8 façon organisée, par exemple les arbres qui se trouvaient en ville dans

9 les jardins, dans les parcs, ont été abattus et débités, afin que les gens

10 puissent avoir du bois de chauffage qui leur permettent de passer l'hiver.

11 Pour ce qui est de l'approvisionnement en eau, cet approvisionnement a été

12 rendu possible grâce à l'utilisation des vieux puits qui se trouvaient

13 dans la brasserie de la ville.

14 Et nous avons également reçu des combustibles… du combustible de la part

15 des forces des Nations Unies. Ce combustible nous a permis d'utiliser les

16 pompes qui permettaient à l'eau de ces puits d'être remontée. Donc la

17 population pouvait s'alimenter un peu en eau.

18 Pour ce qui est des conditions météorologiques, on peut dire que l'hiver a

19 été relativement doux cette année-là. Mais comme nous parlons d'une grande

20 ville en état de siège, qui n'a pas d'eau, qui n'a pas d'électricité, qui

21 n'a pas de transports publics, puisque nous parlons d'une ville où aucun

22 des services publics n'est en état de fonctionnement, eh bien, il a fallu

23 trouver des solutions d'appoint. 10% de la ville environ recevait du gaz

24 naturel et nombre de familles se réunissaient dans les appartements qui

25 disposaient encore d'une alimentation en gaz, et le gaz a pu être utilisé

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1 pendant toute la durée de l'hiver.

2 Question: Et qu'en était-il en matière de pilonnages, de bombardements, de

3 tirs embusqués? Que s'est-il passé pendant les mois d'hiver? La situation

4 était-elle différente de celle que vous avez décrite précédemment?

5 Réponse: Eh bien, il y a eu des journées d'hiver plus calmes que d'autres.

6 Parfois le pilonnage était plus lourd et les tirs embusqués plus nombreux.

7 La population était toujours heureuse de se lever et de voir qu'il y avait

8 un épais brouillard qui régnait sur la ville, car généralement quand il y

9 avait du brouillard il n'y avait pas de pilonnages, ni de tirs embusqués.

10 Question: Pendant cette période d'hiver et jusqu'à cette période d'hiver,

11 comment les services d'urgence fonctionnaient en ville? Lorsque je parle

12 des services d'urgence, je parle principalement des pompiers et des

13 ambulances?

14 Réponse: Etant donné les circonstances, on peut dire que ces deux services

15 fonctionnaient fort bien. Bien sûr, ils avaient moins de véhicules à

16 disposition, car l'essence était rare. La Croix-Rouge, la Forpronu,

17 d'autres organisations internationales en présence à Sarajevo essayaient

18 de pallier cette absence d'essence.

19 Mais il était difficile de se déplacer dans des véhicules, car il y avait

20 beaucoup de neige. Cette neige nous ne pouvions pas l'évacuer. La

21 population se déplaçait généralement à pied et sur des traîneaux et des

22 luges.

23 Question: Est-ce qu'à la présidence, vous avez eu connaissance de

24 problèmes auxquels auraient été confrontés les pompiers, les ambulanciers,

25 problèmes liés à des incidents de pilonnages et de tirs embusqués?

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1 Réponse: Bien entendu, les pompiers, les ambulances devaient pouvoir se

2 mobiliser rapidement, justement dans le cadre de tels incidents. Mais ils

3 avaient également besoin de produits de base, à savoir: équipement

4 médical, essence, équipement permettant d'éteindre les incendies.

5 Le rôle de la présidence était d'intervenir auprès des organisations

6 internationales pour demander qu'une aide soit apportée à ces services

7 dont le fonctionnement était vital pour la survie de la ville; et ces

8 organisations sont intervenues dans la mesure de leurs possibilités.

9 Il faut savoir que les convois organisés par ces organisations militaires

10 devaient franchir des barrages; ces convois devaient recevoir le feu vert

11 des forces de l'armée de la Republika Srpska.

12 Question: Pour autant que vous le sachiez, est-ce qu'il n'est jamais

13 arrivé que des véhicules de pompiers ou des véhicules des ambulances

14 soient endommagés par des incidents, des pilonnages par exemple?

15 Réponse: Bien sûr, un certain nombre de camions de pompiers, d'ambulances

16 ont été détruits et les bâtiments qui abritaient ces services étaient

17 souvent la cible des pilonnages et des tirs embusqués.

18 Question: Quand vous parlez de ces bâtiments, vous faites référence aux

19 casernes de pompiers, aux bâtiments abritant les ambulances ou à ces deux

20 types de bâtiments?

21 Réponse: Je pense à ces deux types de bâtiments, à la fois aux pompiers et

22 aux ambulances. Tous les bâtiments de Sarajevo de toute façon étaient la

23 cibles de ces tirs et de ces pilonnages.

24 La caserne des pompiers a plusieurs fois été touchée par des obus, a

25 souvent été la cible de tireurs embusqués. Il en va de même pour les

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1 bâtiments qui abritaient les ambulances.

2 Question: Monsieur Kupusovic, nous entrons maintenant dans l'année 1993.

3 Je vais vous poser des questions qui visent à accélérer un petit peu

4 maintenant votre déposition.

5 Est-ce que des changements sont intervenus en 1993, changements dans la

6 fréquence des pilonnages, des bombardements? Est-ce que les choses ont un

7 petit peu évolué?

8 Réponse: Lorsqu'il ne faisait pas beau, on avait l'impression que les

9 choses se calmaient un petit peu. Mais, de façon plus générale, les

10 changements étaient infimes; en fait, la ville était presque constamment

11 soumise à des pilonnages, était constamment la cible de tirs embusqués.

12 Question: Est-ce que, à un quelconque moment, au cours de cette année, il

13 y a eu une espèce de cessez-le-feu qui est intervenu entre les deux

14 parties en présence?

15 Réponse: En 1993?

16 Question: Oui, en 1993.

17 Réponse: Les négociations étaient organisées par les Nations Unies ou par

18 l'Union européenne. Ces négociations étaient constamment en cours et

19 parfois, effectivement, il y avait accord quant à l'instauration d'un

20 cessez-le-feu, mais ces cessez-le-feu duraient quelques jours, 5 ou 10

21 jours.

22 Après quoi, la situation se détériorait une nouvelle fois et on en

23 revenait à la situation qui prévalait auparavant; c'est-à-dire pilonnages

24 constants et tirs embusqués constants.

25 Question: Pendant cette période de temps, comment les hôpitaux

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1 fonctionnaient-ils à Sarajevo? Et pouvez-vous nous dire combien d'hôpitaux

2 étaient en fonctionnement à Sarajevo pendant la guerre?

3 Réponse: Il y avait deux grands hôpitaux à Sarajevo. A Dobrinja, il y

4 avait un hôpital temporaire qui fonctionnait précisément du fait de ce

5 double blocus dont j'ai parlé un petit peu plus tôt.

6 Question: Pourriez-vous nous donner le nom de ces hôpitaux?

7 Réponse: Il y avait le centre clinique de Kocevo, c'était un ensemble de

8 cliniques et d'hôpitaux assez importants; et puis il y avait l'hôpital

9 d'Etat qui a été, pendant un certain temps, appelé "l'hôpital français".

10 Cela se trouvait à Marijin Dvor, qui était l'ancien hôpital militaire. Et

11 puis, à Dobrinja, il y avait un dispensaire local au sein duquel

12 travaillaient plusieurs médecins qui venaient du centre clinique de

13 Kocevo. C'était donc un hôpital temporaire qui a fonctionné pendant la

14 guerre. Après la guerre, cet hôpital a été démantelé.

15 Question: Vous avez évoqué l'hôpital d'Etat. Pourriez-vous nous dire de

16 quel type d'hôpital il s'agissait, avant la guerre?

17 Réponse: Avant la guerre, c'était l'hôpital militaire de Sarajevo. Cet

18 hôpital était utilisé pour accueillir des membres de la JNA.

19 Question: Vous avez dit qu'on appelait parfois cet hôpital "l'hôpital

20 français". Est-ce que vous pourriez nous expliquer dans quelles

21 circonstances l'hôpital a été ainsi baptisé?

22 Réponse: Avant la guerre il s'agissait donc d'un hôpital militaire. Au

23 début de 1992, on trouvait dans cet hôpital des médecins, les équipes

24 soignantes, mais également des soldats, des officiers de la JNA.

25 Il s'agissait -comme la caserne du Maréchal Tito-, d'un endroit à partir

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1 duquel des tirs, des coups de feu ont été tirés sur la ville. La situation

2 s'est prolongée jusqu'à la mi-mai. A la mi-mai, toutes les équipes

3 soignantes et médecins qui en manifestaient le désir ont pu quitter

4 l'hôpital. Tout juste après cela, la femme de François Mitterrand est

5 venue à Sarajevo et a promis que le gouvernement français, que la

6 population française allait apporter son aide afin que cet hôpital puisse

7 fonctionner.

8 C'est à ce moment-là qu'une plaque a été apposée à l'entrée de l'hôpital,

9 qui indiquait qu'il s'agissait de l'hôpital français.

10 Mais comme la ville était la cible d'attaques continues, l'hôpital n'a pas

11 pu recevoir une aide aussi importante que prévue de la part de la France.

12 Donc l'hôpital est resté un hôpital d'Etat, et l'administration de

13 l'hôpital était assurée par la République de Bosnie-Herzégovine -du moins

14 sur le plan officiel.

15 Question: Je vous remercie.

16 Pouvez-vous nous parler maintenant de la façon dont les habitants de

17 Sarajevo devaient s'y prendre pour enterrer leurs morts pendant le

18 conflit?

19 Réponse: Pour ce qui est de l'enfouissement des morts, eh bien, il faut

20 savoir que le cimetière principal de la ville se trouvait juste au-delà de

21 l'encerclement de la ville. Il y avait également le cimetière de Bare. Et

22 cet autre cimetière était tout près des lignes de confrontation. Par

23 conséquent, aucun de ces deux cimetières ne pouvait être utilisé.

24 Par conséquent, dans la ville même on a, eh bien, improvisé des lieux où

25 les morts pouvaient être enterrés. Mais comme la situation d'encerclement

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1 a duré très longtemps, eh bien, ces cimetières sont aujourd'hui encore en

2 place. Je parle du cimetière qui se trouve près du stade à Kocevo.

3 Beaucoup de vieux cimetières qui remontent au siècle dernier ont été

4 réutilisés et réouverts; plusieurs douzaines ou plusieurs centaines de

5 morts, parfois, y ont été enterrés.

6 Question: Est-ce que les gens pouvaient organiser des cérémonies

7 funéraires normales et procéder de la façon dont ils auraient pu s'y

8 prendre avant le conflit?

9 Réponse: Non, malheureusement, ces cérémonies ou ces cérémonies

10 funéraires, ces enterrements faisaient l'objet de tirs embusqués

11 également. De sorte que plusieurs de ces cérémonies-là devaient être

12 interrompues, car des gens se faisaient blesser alors qu'ils étaient même

13 en train de participer à ces cérémonies. Donc il arrivait très souvent que

14 les enterrements se faisaient très tard la nuit, en plein milieu de la

15 nuit, lorsqu'il était possible de procéder à l'enfouissement des morts.

16 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre, si vous le savez, combien de

17 personnes auraient pu trouver la mort dans des circonstances pareilles?

18 Réponse: Au cours de la guerre à Sarajevo, il y avait 12.00 personnes

19 tuées par les grenades ou par les tirs embusqués. Il y avait environ

20 encore 4.000 personnes qui trouvaient la mort dans des circonstances

21 pareilles. Il s'agissait de morts naturelles à ce moment-là. Donc de

22 12.000 personnes qui ont trouvé la mort, on compte 1.600 enfants.

23 Question: Et ces chiffres que vous venez de nous donner, est-ce que ces

24 chiffres s'appliquent sur le conflit du début à la fin?

25 Réponse: Oui. Depuis le mois de mai 1992 jusqu'au mois d'octobre 1995.

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1 Question: Simplement, comme une question de point d'intérêt: qui vous a

2 remis ces chiffres, où êtes-vous allé chercher ces renseignements?

3 Réponse: Dans la ville de Sarajevo, il y avait un institut destiné à

4 assurer la santé publique, et cet institut tenait également des

5 statistiques concernant les malades et les personnes décédées dans la

6 ville de Sarajevo.

7 La présidence de la ville recevait de façon quotidienne les chiffres des

8 personnes blessées ou tuées, ou des personnes qui trouvaient la mort, des

9 personnes décédées par d'autres causes que celles causées par des

10 grenades, des bombes ou des tirs embusqués.

11 Il y avait également les instituts funéraires qui tenaient des registres

12 et il y avait également des associations de communautés religieuses qui

13 envoyaient des rapports réguliers aux autorités municipales et aux médias.

14 Donc on pouvait également lire dans les journaux quel était l'état de la

15 situation à ce moment-là à Sarajevo.

16 Question: Pourriez-vous nous dire s'il s'agissait de militaires et de

17 civils, donc de personnes qui ont trouvé la mort appartenant à ces deux

18 catégories?

19 Réponse: Je vous parle de chiffres concernant seulement les civils. Pour

20 les soldats, nous n'avions pas de données, mais je parle de civils.

21 Lorsque les civils se trouvaient sur les lignes de front et quand ces

22 civils trouvaient la mort sur les lignes de front, c'étaient les autorités

23 militaires qui en prenaient soin, car à ce moment-là ces personnes étaient

24 considérées comme ayant été soldats à ce moment-là.

25 Question: Monsieur Kupusovic, sur toute cette période pendant laquelle a

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1 duré le conflit, quel était le chiffre des personnes décédées, des civils

2 qui ont trouvé la mort? Est-ce que c'étaient des chiffres assez disparates

3 ou bien est-ce que c'étaient des périodes au cours desquelles les civils

4 trouvaient beaucoup plus la mort?

5 Réponse: Il y avait des périodes, il y avait quelques massacres –si vous

6 voulez-, durant lesquelles on pouvait avoir un bon nombre de personnes

7 décédées, plusieurs dizaines de civils avaient été tués à ce moment-là.

8 Alors qu'il y avait également des accalmies, si vous voulez, où là il y

9 aurait peut-être eu un ou deux civils morts ou tués donc, et quelques

10 blessés. Mais il y avait sûrement de 10 à 20 personnes blessées de façon

11 quotidienne, de 10 à 12 blessés de façon quotidienne.

12 Question: Donc si je vous suggère que la deuxième partie de 1992 comptait

13 plus de blessés ou de morts qu'au cours de la première partie de cette

14 année?

15 Réponse: Non, c'était un peu semblable.

16 Question: Et qu'en est-il de la deuxième partie de 1993, par rapport à la

17 première partie de l'année 1993? Est-ce que le chiffre pouvait changer,

18 est-ce que c'était à peu près semblable quant aux personnes décédées?

19 Réponse: Je crois que les victimes, le nombre de victimes était semblable.

20 Le nombre était peut-être un peu plus élevé à ce moment-là, mais c'était

21 plus ou moins semblable.

22 Question: Et au cours de l'hiver 1993-1994, est-ce que la situation avait

23 été changée?

24 Réponse: Non, déjà début 1993, je ne sais pas pourquoi mais les activités

25 ont commencé à s'intensifier; il y avait moins de massacres. Quatre à cinq

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1 personnes pouvaient être tuées à des endroits ponctuels, donc c'est

2 lorsque les gens se dirigeaient pour aller chercher de l'eau ou lorsque

3 les gens allaient chercher du pain par exemple.

4 Et cela s'est plutôt intensifié avant que l'accord du Conseil de sécurité

5 des Nations Unies soit rendu, donc la résolution portant le n°900 en

6 février 1994 et visant à ce que toutes les armes lourdes et tous les

7 points de tireurs embusqués soient déplacés vers l'extérieur de la ville.

8 Ce qui vers la fin de février, début mars a finalement eu lieu. Une

9 accalmie a plutôt eu lieu pour Sarajevo concernant les bombardements, les

10 activités de pilonnages et les activités de tireurs embusqués.

11 Question: Monsieur Kupusovic, je vous remercie de cette information.

12 Maintenant, nous parlions également des conditions qui prévalaient

13 également dans les hôpitaux. Quelles étaient les conditions dans

14 lesquelles les hôpitaux devaient opérer? Comment pouvait-on prendre soin

15 des citoyens de Sarajevo, y compris ceux qui avaient été blessés par

16 tireurs embusqués ou par bombardements?

17 Réponse: Les conditions étaient particulièrement difficiles. Chaque fois

18 qu'il y avait de l'eau, les hôpitaux pouvaient recevoir de l'eau; c'était

19 la priorité. Lorsqu'il y avait de l'électricité, les hôpitaux se faisaient

20 approvisionner d'abord, mais il arrivait très souvent que dans les

21 hôpitaux, on devait procéder ou les gens étaient plutôt… l'éclairage était

22 plutôt fait par chandelle, par bougie. Les agrégats devaient fonctionner,

23 les génératrices fonctionnaient plutôt lorsqu'il fallait opérer d'urgence,

24 mais c'était la situation.

25 Quant à la nourriture et au chauffage, il était très difficile d'alimenter

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1 les hôpitaux de façon continue avec tout ce dont ils auraient eu besoin.

2 Tous les hôpitaux, tous les dispensaires, tous les centres médicaux

3 étaient également exposés aux tireurs embusqués et aux bombardements, de

4 sorte que les hôpitaux devaient transférer leurs activités dans les sous-

5 sols et aux premier et deuxième étage, lorsqu'il est question par exemple

6 de l'ex-hôpital militaire. Dans ce sens-là, Sarajevo avait de la chance,

7 car les hôpitaux qui avaient été construits avant la guerre devaient

8 desservir l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine.

9 Et, au cours de la guerre, à cause du siège de la ville, ces hôpitaux

10 desservaient donc seulement la ville de Sarajevo. Donc plusieurs parties

11 des hôpitaux et des centres médicaux et des hôpitaux d'Etat n'étaient pas

12 en utilisation, alors qu'ils pouvaient très bien gérer la situation qui

13 avait lieu à ce moment-là, car il y avait assez de places, il y avait

14 assez de personnel et assez d'espace pour accueillir tous les blessés.

15 Question: Maintenant, très brièvement si vous voulez, y avait-il quelques

16 problèmes concernant l'obtention de l'approvisionnement militaire des

17 médicaments et tout ce dont ils avaient besoin?

18 Réponse: Oui, il est certain qu'ils avaient d'énormes problèmes, mais

19 l'aide humanitaire parvenait également; les organisations humanitaires

20 alimentaient les hôpitaux en médicaments et d'autres besoins semblables.

21 Question: Monsieur Kupusovic, je souhaiterais maintenant aborder la

22 question de l'enseignement aux enfants. De quelle façon est-ce que

23 l'éducation était maintenue, pour l'éducation destinée aux enfants?

24 Pouvait-on continuer une vie normale dans ce sens-là?

25 Réponse: Toutes les fenêtres sur les écoles avaient été brisées, donc on

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1 ne pouvait plus se servir de ces bâtiments-là déjà en mai 1992. C'est à ce

2 moment-là que l'année scolaire s'est interrompue de façon brusque. Et ce

3 n'est qu'à l'automne 1992, tard à l'automne 1992, nous nous sommes

4 organisés de façon à ce que nous puissions assurer l'enseignement des

5 enfants dans les sous-sols et dans les appartements qui étaient un peu

6 plus sûrs. Alors, c'est là que les enfants pouvaient se rassembler avec

7 leurs enseignants.

8 C'est de cette façon-là que, dans des circonstances particulières que je

9 viens de décrire, on a commencé l'enseignement. C'étaient des classes qui

10 se donnaient une fois par semaine ou deux fois par semaine alors que, pour

11 le reste du temps, les enfants devaient parcourir l'enseignement, si vous

12 voulez, avec leurs parents.

13 Bon nombre d'enfants avaient été également évacués à cette époque-là des

14 appartements, des bâtiments, des blocs appartements, car un grand nombre

15 d'organisations humanitaires avaient offert d'évacuer les enfants.

16 Par contre, un grand nombre d'enfants est resté néanmoins en ville.

17 L'année suivante, nous avons pu publier des livres d'école pour que

18 l'enseignement soit néanmoins assuré et peut-être organisé, mieux organisé

19 de cette façon-là.

20 Mais malheureusement, au cours des deux premières années de la guerre,

21 pour tous les enfants, les circonstances étaient assez mauvaises;

22 l'enseignement n'était pas continu et était plutôt mal organisé.

23 Nous pouvons sentir qu'il y a un grand manque aujourd'hui sur cet aspect-

24 là, car un enseignement normal n'a pas pu se dérouler. Nous avons essayé

25 de faire de notre mieux dans les sous-sols ou dans des circonstances

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1 particulières, mais il fallait surtout enseigner aux enfants de quelle

2 façon s'y prendre au cours de la guerre, comment survivre pendant la

3 guerre.

4 Quant aux classes normales que l'on aborde en temps de paix, ils n'avaient

5 pas pu les suivre.

6 Question: Monsieur Kupusovic, vous avez parlé de l'ultimatum donné par

7 l'OTAN, en février 1994. Quel était l'effet que cet ultimatum a eu sur le

8 pilonnage et sur les tirs embusqués?

9 Réponse: L'ultimatum devait être contrôlé par le commandement de la

10 Forpronu. Cela a bien eu lieu effectivement, de sorte que vers la fin du

11 mois de février, début mars, tous les armements lourds ainsi que les nids

12 de tireurs embusqués ont été éloignés. Je crois qu'il leur a fallu sortir

13 de la ville, à 30 kilomètres de la ville. Et il est vrai qu'à Sarajevo,

14 une accalmie sans bombardements et sans tirs embusqués jusqu'à la mi-août

15 de cette année-là, de l'année 1994.

16 Question: Que s'est-il passé ensuite, à la mi-août 1994? Nous n'allons pas

17 outrepasser ces dates, mais que s'est-il passé à ce moment-là, Monsieur

18 Kupusovic?

19 Réponse: La ville était encore assiégée, mais il n'y a pas eu de tirs

20 embusqués ni de bombardements depuis le mois de mars jusqu'à la mi-août.

21 On avait commencé à rétablir les services de la ville, les Nations Unies

22 avaient nommé un représentant qui devait assurer le renouvellement de

23 l'infrastructure de la ville, et la route principale, la route bleue,

24 comme on l'appelait, avait été ré-établie de par le mont Igman, et a pu

25 assurer depuis l'aéroport la communication avec le reste du pays et le

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1 monde.

2 Malheureusement, vers la mi-août, pour des raisons qui me sont tout à fait

3 inconnues, donc le 17 août, de la part… c'est-à-dire une colonne

4 appartenant aux Nations Unies, qui transportait l'essence, avait été

5 attaquée par l'armée de la Republika Srpska, et toute cette colonne a pris

6 feu, ces véhicules ont pris feu.

7 Cet espoir donc qu'avaient les habitants de Sarajevo que la guerre avait

8 pris fin, avait été complètement anéanti. Et après cela, les tirs

9 embusqués se sont intensifiés, les bombardements également. Cela s'est

10 donc déroulé au mois d'août 1994.

11 Question: Monsieur Kupusovic, nous avons entendu parler de ce manque

12 d'eau, cette ressource très importante à la ville. Pendant que vous étiez

13 responsable ou pendant que vous faisiez partie de la présidence, est-ce

14 que vous pouviez avoir une responsabilité quant à l'approvisionnement

15 d'eau?

16 Réponse: C'était l'entreprise communale puisque la source principale était

17 Bacevo et que cette source était restée derrière la ligne du siège de la

18 ville. Une commission particulière avait été formée à ce moment-là dans

19 laquelle il y avait des représentants d'autres services essentiels, et ils

20 ont essayé d'organiser des pourparlers sur l'aéroport, appuyés par les

21 représentants des Nations Unies, pour essayer de se réapprovisionner en

22 énergie électrique.

23 Il y avait également une commission qui parlait des questions militaires

24 où l'on discutait également des conditions de sûreté pour assurer le

25 maintien ou plutôt la réparation de ces systèmes et de ces installations.

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1 A l'époque, j'étais membre de la commission en approvisionnement d'eau, la

2 commission pour l'approvisionnement d'eau.

3 Question: Est-ce que vous avez donc eu des pourparlers directs avec vos

4 homologues serbes de Bosnie à ce moment-là?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Effectivement, est-ce que vous avez pu négocier un

7 approvisionnement d'eau provenant de cette source originale vers la ville?

8 Réponse: Oui, les pourparlers ont eu lieu à l'aéroport sous le chapeautage

9 des Nations Unies, et quand c'était possible, ces pourparlers avaient lieu

10 deux fois par mois et il arrivait également que nous nous rencontrions une

11 fois par semaine.

12 Question: Comment est-ce que les négociations se sont déroulées? Avez-vous

13 eu des difficultés particulières? Y avait-il eu des problèmes?

14 Réponse: Eh bien, en partant, il n'y a pas vraiment eu de difficulté. Les

15 négociations étaient plutôt représentées par des gens qui font ce travail.

16 Et déjà en partant, on avait dit que l'eau, l'électricité et les autres

17 services essentiels ne seraient plus utilisés pour terroriser les

18 habitants de Sarajevo.

19 Il a donc été discuté du fait qu'il fallait établir 20% de la capacité

20 immédiatement -c'est ce qui était normalement arrivé- sauf que quelques

21 jours plus tard ou quelques semaines plus tard, il y avait d'autres

22 délestages.

23 Au cours et ensuite, après quelques semaines de négociation, on pouvait

24 avoir de nouveau les services essentiels, et cela a duré au cours de toute

25 la durée de l'hiver 1993, jusqu'à la fin de la guerre à Sarajevo en 1994.

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1 M. Blaxill (interprétation): Vous vous êtes servi d'une expression, vous

2 avez dit, vous avez parlé de "l'utilisation du délestage d'eau,

3 d'électricité pour terroriser les citoyens". Pourriez-vous nous dire ce

4 que vous voulez dire par là? De quelle façon est-ce que ces pénuries

5 pouvaient appuyer cette campagne de terreur?

6 M. Kupusovic (interprétation): A Sarajevo, les citoyens étaient exposés à

7 une campagne de terreur continue car il leur était…

8 M. le Président (interprétation): Je crois que Me Piletta-Zanin voudrait

9 intervenir?

10 M. Piletta-Zanin: Dans ce que dit le témoin, j'ai l'impression que le

11 micro fonctionne terriblement mal, je n'arrive pas à écouter une

12 traduction, en suivre une autre et entendre ce que dit le témoin. Il

13 faudrait pouvoir lever le volume du micro de façon que je puisse l'avoir

14 dans l'oreille libre, s'il vous plaît. Je n'arrive pas à suivre ce que dit

15 le témoin. C'est une pure question technique. Merci.

16 M. le Président (interprétation): Bien. Je vais discuter de cela avec mes

17 confrères pour voir s'il est possible de faire quelque chose

18 techniquement. Mais comme vous n'avez pas trois oreilles pour suivre trois

19 langues, je crois qu'il vous sera peut-être un peu difficile, l'être

20 humain étant fait ainsi.

21 (Les Juges se consultent sur le siège.)

22 Maître Piletta-Zanin, est-ce que nous vous avons bien compris: vous

23 aimeriez avoir le volume du prétoire un peu plus élevé de sorte que vous

24 puissiez écouter l'interprétation d'une oreille et la langue dans son

25 original dans le prétoire?

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1 M. Piletta-Zanin: J'essaye d'avoir une traduction dans une oreille, d'en

2 suivre une autre, et d'écouter ce que dit le témoin. Or, pour que je

3 puisse écouter ce qu'il dit, il faut simplement lever le volume du son.

4 M. le Président: Dans la salle.

5 M. Piletta-Zanin: Dans la salle.

6 M. le Président: Dans la salle, oui, j'ai bien compris.

7 M. Piletta-Zanin: C'est cela.

8 M. le Président: Oui, merci beaucoup, (interprétation) pourrions-nous

9 demander à la régie technique de résoudre ce problème? Est-il possible,

10 donc, d'augmenter le volume du signal entendu dans le prétoire, mais bien

11 sûr, pas si fortement pour que nous en soyons un peu dérangés?

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Malheureusement, cela est impossible. Donc je vous demanderai peut-être de

14 prêter votre oreille -celle qui entend le mieux peut-être-, à l'audition

15 du signal du prétoire, et peut-être d'écouter avec l'autre

16 l'interprétation. Merci.

17 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Blaxill.

18 M. Blaxill (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

19 Monsieur Kupusovic, je vous ai demandé de nous expliquer ce que vous

20 vouliez dire lorsque vous avez dit que le fait qu'il manquait de l'eau et

21 de l'électricité était une façon de semer la terreur envers la population

22 civile de Sarajevo.

23 M. Kupusovic (interprétation): Nous tous, à Sarajevo, savions que le siège

24 de Leningrad, au cours de la Deuxième Guerre mondiale, avait duré 1.000

25 jours, ou plutôt 900 jours, et que l'eau n'avait pas servi de moyen pour

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1 établir, maintenir, obtenir un objectif de guerre. Alors qu'à Sarajevo, on

2 s'est servi de cela comme moyen pour faire en sorte que la vie des

3 citoyens soit impossible.

4 Lors des négociations qui ont eu lieu sur l'aéroport, lorsque les

5 représentants de la ville et les représentants des services se trouvant à

6 l'extérieur de la ville, ou de ceux qui se trouvaient à l'extérieur de la

7 ville, ils nous déclaraient à chaque fois qu'ils n'allaient pas se servir

8 de l'eau comme moyen pour établir, pour terroriser la population, pour

9 maintenir cette pression. Mais on ouvrait la pompe pour assurer

10 l'approvisionnement en eau. Par la suite, simplement quelques jours plus

11 tard, on fermait le robinet pour qu'il n'y ait plus d'eau, la valve. Donc,

12 quelques jours plus tard, les négociateurs des Nations Unies qui servaient

13 de médiateurs avaient dit que, vers la fin, lorsque l'armée de la

14 Republika Srpska leur avait permis de se trouver sur place là où se

15 trouvaient ces pompes, ce n'est que lorsqu'ils se sont trouvés sur place

16 qu'ils ont pu établir ou qu'ils ont pu faire en sorte que ces services

17 essentiels ne soient pas utilisés comme moyen de guerre.

18 Donc, au cours de cette période, on permettait l'alimentation à certains

19 niveaux, et ensuite on délestait l'utilisation de sorte que,

20 psychiquement, les gens étaient très affectés et perdaient l'espoir,

21 perdaient le sens de la vie.

22 Question: Merci. Dites-nous, où était situé ce puits par lequel provenait

23 l'eau, sur quel territoire?

24 Réponse: Et bien, cela était situé sur le territoire qui était contrôlé

25 par les forces de l'armée de la VRS.

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1 Question: Où étaient les installations qui approvisionnaient la ville en

2 électricité? Sur quel territoire se trouvaient ces installations?

3 Réponse: Il y avait 11 transformateurs qui se trouvaient autour de la

4 ville. Et tous ces postes de contrôle, ils étaient tous sous le contrôle

5 des forces de la VRS.

6 Question: Est-ce que vous savez si les pompes ou les tuyaux qui se

7 trouvaient à l'extérieur de la ville avaient fait l'objet de pilonnages?

8 Réponse: Le tuyau principal n'a jamais été affecté, alors que le réseau

9 des distributions, il lui arrivait d'être affecté mais pas à cause des

10 bombes, pas par pilonnages, mais à cause de ces changements d'eau et d'air

11 dans les tuyaux; l'alternance de pression d'eau et d'air à l'intérieur des

12 tuyaux.

13 Question: Monsieur Kupusovic, j'aimerais aborder maintenant une dernière

14 question quant à ce sujet avec vous. Au cours de tous les événements que

15 vous nous avez décrits, hier et aujourd'hui, quel était l'effet

16 psychologique que cela a eu sur vous-même et sur les citoyens, sur les

17 habitants de Sarajevo, vos concitoyens?

18 Réponse: En tant que citoyen, nous avions vécu notre premier choc, si vous

19 voulez, le 2 mai, lorsque la guerre a vraiment débuté à Sarajevo; c'est-à-

20 dire le siège de Sarajevo et le pilonnage et les bombardements. Au cours

21 de ces premiers mois, nous croyions et nous étions persuadés que la guerre

22 ne durait qu'une autre semaine, qu'il était absolument impossible que cela

23 se prolonge bien plus longtemps. Malheureusement, la guerre ne s'était pas

24 terminée.

25 Et en octobre 1992, lorsque la ville a été plongée dans la noirceur

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1 totale, lorsque l'électricité a manqué complètement, c'était un choc

2 absolument, psychologiquement, très difficile à vivre; je ne sais même pas

3 comment on a fait pour survivre dans de telles conditions. Voyez-vous, la

4 boulangerie avait assez de farine mais, sans électricité, il lui est

5 absolument impossible de faire du pain.

6 Le cessez-le-feu était un espoir. On avait l'impression que les choses

7 allaient changer de façon progressive. Mais au bout de chaque cessez-le-

8 feu, il arrivait de nouveau que le pilonnage se fasse encore plus

9 intensément et que les tirs embusqués se fassent encore plus sentir; de

10 sorte que psychologiquement, les gens perdaient espoir et les gens

11 perdaient la conviction de pouvoir survivre.

12 Question: Monsieur, j'aimerais vous demander une chose. Vous nous avez

13 parlé de pilonnages, de tirs embusqués.

14 Quelles étaient les émotions que vous-même et les autres… Quel était

15 l'effet donc, sur vous et les autres, vos concitoyens, que ces pilonnages

16 et ces tirs embusqués avaient sur vous?

17 Réponse: Je ne suis pas un expert, en effet, mais parlant psychologie, je

18 vois, en voyant mes enfants, comment se comportaient mes amis. J'en

19 déduisais la nécessité de fuir la ville d'une façon ou d'une autre.

20 Beaucoup de gens ont décidé fermement de le faire, et pendant les quelque

21 premières semaines, ils pouvaient faire partie de certains convois, s'en

22 aller au moyen d'avions des Nations Unies ou autres, vers des pays tiers

23 qui acceptaient de recevoir des réfugiés originaires de Bosnie-

24 Herzégovine. Ce qui fait qu'une centaine de milliers d'habitants de

25 Sarajevo ont ainsi quitté la ville pendant la première et la deuxième

Page 682

1 année de la guerre.

2 J'ai déjà mentionné le fait que beaucoup d'enfants avaient été évacués,

3 mais j'ai également dit que d'autres groupes ont également quitté la

4 ville. Et ceux qui sont restés sont restés parce que c'était leur ville,

5 pour leur ville, pour leurs obligations familiales, voire pour l'effet

6 psychologique déprimant que cela créait en eux.

7 Question: Monsieur Kupusovic, pourriez-vous nous décrire les sentiments

8 que vous avez ressentis lorsqu'il fallait, par exemple, sortir de chez

9 vous à Sarajevo et aller chercher quelque chose? Quelle est l'impression,

10 quelles sont les sensations, les émotions que vous ressentiez, vous ou vos

11 amis, quand il fallait sortir à l'extérieur, dans les rues?

12 M. Kupusovic (interprétation): Eh bien, il fallait bien sortir pour aller

13 chercher du pain ou de l'eau. Vous ne pouviez pas passer tout votre temps

14 dans une cave ou une partie plus abritée de votre logement. Et pour ceux

15 qui restaient chez eux, la crainte commençait quant à savoir si on allait

16 revenir sain et sauf. Et une fois parti, sorti, lorsque vous entendiez une

17 explosion d'obus, chacun se disait que c'était son propre appartement qui

18 avait sauté.

19 Et vous aviez donc cette peur, car il n'y avait pas de communication, vous

20 n'aviez pas de communication par téléphone, et quand vous entendiez par

21 exemple des coups de feu de tireurs embusqués ou des pilonnages, vous vous

22 disiez que c'était précisément votre femme ou vos enfants qui étaient

23 touchés. Et c'était un stress permanent qui était tout le temps présent.

24 M. Blaxill (interprétation): Puis-je vous interrompre et excusez-moi de le

25 faire?

Page 683

1 Monsieur le Président, il me semble qu'il y a une erreur dans le compte

2 rendu d'audience. Dans la ligne 19, on parle de centaines de civils qui

3 ont quitté la ville pendant la deuxième année de la guerre, nous nous

4 souvenons d'un chiffre de 100.000. Je vois que M. le Juge Nieto-Navia fait

5 un signe affirmatif de la tête.

6 Je n'ai pas suivi avec attention cette partie-là du compte rendu

7 d'audience, mais il me semble qu'il avait été question de centaines de

8 milliers de gens pendant la première et la deuxième année. Alors que le

9 compte rendu, lui, ne fait état que de la deuxième année. Puis-je reposer

10 la question maintenant pour que les choses soient claires?

11 M. le Président (interprétation): Oui, Veuillez reposer la question afin

12 que nous n'ayons plus à apporter de modifications au compte rendu.

13 M. Blaxill (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

14 Monsieur Kupusovic, en raison de cette situation survenue au niveau du

15 compte rendu d'audience, je voudrais que nous revenions au nombre de

16 personnes que vous aviez mentionnées comme ayant quitté la ville. Vous

17 avez dit… Le compte rendu fait état de centaines de civils ayant quitté la

18 ville dans la deuxième année de la guerre.

19 Je voudrais que vous vous rappeliez ce que vous vouliez dire exactement

20 concernant le nombre de personnes qui avaient quitté la ville.

21 M. Kupusovic (interprétation): Ce que je voulais dire, c'est que pendant

22 ces deux premières années de la guerre, une centaine de milliers de

23 citoyens avait quitté la ville.

24 M. Blaxill (interprétation): Je crois que les choses sont tout à fait

25 claires, Monsieur le Président, et je me propose d'enchaîner.

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1 Monsieur Kupusovic, vous nous avez parlé du stress et des réflexions de

2 votre famille lorsque vous étiez appelés à sortir et à vous déplacer dans

3 la ville. Pourriez-vous nous en dire plus long concernant les effets

4 mentaux qu'avaient ces tireurs isolés et ces explosions d'obus sur les

5 gens de Sarajevo? Avez-vous, de par votre expérience, remarqué des

6 comportements particuliers qui reflèteraient cette expérience

7 psychologique particulière?

8 Réponse: Je pense que les gens qui ont survécu à la guerre à Sarajevo

9 souffrent de conséquences durables. Mais pour ma part, pour moi-même et ma

10 famille, au sens restreint du terme, nous nous efforçons de reléguer cela

11 comme étant une partie du passé et, dieu merci!, nous avons survécu et

12 nous sommes en mesure de continuer à vivre avec ces blessures

13 psychologiques datant de la période en question.

14 M. Kupusovic (interprétation): Il y a eu énormément de cas où des enfants

15 revenaient de l'exil après la guerre et les enfants qui étaient restés à

16 Sarajevo se re-rencontraient, donc les amis et les camarades se re-

17 rencontraient, et ils avaient vécu la guerre de façon différente et ils

18 n'arrivaient pas à ce comprendre les uns les autres. Il en va de même pour

19 ce qui est des adultes, ces adultes, toutefois, s'efforçant d'exprimer la

20 chose de façon plus subtile. Mais peu de gens qui ont vécu le siège de

21 Sarajevo à l'extérieur ne peuvent pas comprendre comment les gens de

22 Sarajevo ont vécu. Ils ne savaient pas comment, donc, sous ces pilonnages,

23 sous ces tirs de tireurs embusqués, sans eau ni électricité, il leur avait

24 été possible de subsister.

25 Et intimement, moi-même, mes collègues au travail également, en nous

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1 tournant vers l'avenir, vivons quand même avec ce passé qui devrait rester

2 le passé, demeurer donc du côté du passé, mais ceux qui en sont

3 responsables doivent forcément en répondre devant ce Tribunal.

4 M. Blaxill (interprétation): Monsieur Kupusovic, je vous remercie.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je viens de terminer mon

6 interrogatoire principal.

7 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Blaxill.

8 Il appartient maintenant à la défense de procéder au contre-interrogatoire

9 de M. Kupusovic. La meilleure des choses à faire, c'est peut-être de me

10 dire quel est le temps nécessaire dont vous avez besoin pour ce contre-

11 interrogatoire.

12 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie.

13 La défense estime qu'elle aura besoin de quelque deux heures pour procéder

14 au contre-interrogatoire de ce témoin-ci.

15 M. le Président (interprétation): Vous comprenez évidemment que je suis en

16 train de consulter ma montre. Peut-être serait-il… nous avons, attendez,

17 un peu plus de deux heures… oui. Peut-être serait-il préférable de faire

18 une pause maintenant, autant que faire ce peut, pour des raisons

19 techniques et d'interprétation ou autre et de procéder au contre-

20 interrogatoire après la pause. Nous sommes en train de réfléchir à la

21 chose pendant que nous consultons la montre.

22 Je crois que nous pourrions continuer à 16 heures. Est-ce que cela vous

23 convient, Madame Pilipovic?

24 (Questions relatives à la procédure.)

25 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie,

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1 oui. Mais avant de procéder au contre-interrogatoire, je voudrais que nous

2 résolvions le problème de versement de pièces au dossier, que vous avez

3 soulevé hier. Mais nous n'avons pas débattu de la question. Et étant donné

4 que mes collègues du Bureau du Procureur n'avaient pas l'intention de

5 verser des pièces à conviction au dossier, la défense tient à proposer à

6 la Chambre certains documents pour versement au dossier.

7 Et, pour des raisons techniques, je voudrais qu'il soit procédé à la

8 solution du problème afin de savoir comment nous allons pratiquer à

9 l'avenir.

10 Et, avec votre autorisation, je tiens à vous dire que la défense a cinq

11 exemplaires de copies de registre, et ce, en BCS et en anglais.

12 Maintenant, je voudrais savoir si cela suffit, et j'aimerais que nous

13 résolvions le problème puis que nous fassions la pause après. Merci.

14 M. le Président (interprétation): Je vous demande un instant, Madame

15 Pilipovic.

16 Madame Pilipovic, je crois avoir compris qu'à l'occasion de la rencontre

17 avec le Greffe vous aviez convenu de sept copies, à savoir que chaque

18 partie devait proposer ou apporter sept copies en voulant verser des

19 documents au dossier. Et il faudrait qu'il y ait une numérotation au

20 préalable, et ce, conformément à ce que vous avez convenu.

21 Maintenant, si tout le monde est d'accord, nous pouvons continuer comme

22 convenu. Si toutefois des problèmes surviennent, je crois que vous

23 pourriez mettre à profit cette pause pour faire un nombre suffisant de

24 copies afin de terminer la numérotation.

25 Je voudrais maintenant vous demander si les préparatifs, de ce point de

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1 vue-là, ont été effectués.

2 Mme Pilipovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

3 J'ai en effet besoin de deux copies et c'est la raison pour laquelle

4 j'avais soulevé la question pour ne pas avoir, par la suite, de difficulté

5 pour ce qui est de ce versement au dossier.

6 Je mettrai à profit la pause pour faire encore deux copies et totaliser

7 sept copies en tout et les numéroter de 1 à 7.

8 M. le Président (interprétation): Bien. Pour autant que je comprenne, la

9 pratique de ce Tribunal consiste à pouvoir utiliser ces pièces à

10 conviction. Et, une fois que vous montrez une pièce à conviction au

11 témoin, nous pensons, enfin, nous estimons que vous allez la proposer au

12 versement au dossier.

13 S'il y a quelque objection à soulever, il faut le faire tout de suite.

14 S'il n'y a pas d'objection, les documents pourront être versés au dossier

15 à la fin du témoignage de chaque témoin.

16 M. Blaxill (interprétation): Je comprends, Monsieur le Président. Ce que

17 je voudrais dire, c'est que nous ne sommes pas au courant de ces documents

18 ni de leur contenu. Il serait peut-être bon pour nous aussi de mettre à

19 profit la pause pour nous pencher dessus et vous fournir des commentaires.

20 M. le Président (interprétation): Eh bien, vous devrez travailler de façon

21 ardue pendant la pause.

22 Nous allons faire maintenant une pause jusqu'à 16 heures.

23 (L'audience, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 16 heures 03.)

24 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, avez-vous été en

25 mesure de faire quelques copies de plus?

Page 688

1 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous

2 remercie, tout va bien.

3 M. le Président (interprétation): Le Bureau du Procureur a-t-il pris

4 connaissance des pièces à conviction qui seront utilisées et y a-t-il un

5 quelconque commentaire qu'il souhaiterait faire?

6 M. Blaxill (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je répondrai par

7 un oui à vos deux questions. Nous avons reçu ces documents et nous sommes

8 d'accord avec leur teneur, le Bureau du Procureur n'a pas l'habitude de

9 contre-interroger un témoin sur un document et de verser le document au

10 dossier suite au contre-interrogatoire.

11 Toutefois, nous voudrions faire une observation, à savoir qu'il faudrait

12 qu'il y ait un fondement pour ce qui est de la pièce à conviction

13 présentée au témoin. En d'autres termes, ce document devrait être

14 pertinent pour le témoignage du témoin en question, et ce témoin devrait

15 donc être mis à profit pour expliquer le document en question, et en

16 outre, il faudrait qu'il y ait des fondements de présentation de ce

17 document au témoin. Mais autrement nous n'avons pas d'objection.

18 M. le Président (interprétation): Donc nous pouvons entamer cette

19 procédure et si nous tombons sur l'un quelconque des documents qui n'est

20 pas lié aux relations avec le témoin présent, nous allons voir comment

21 cela va se passer et quelles réponses pourront être données.

22 M. Blaxill (interprétation): Nous allons présenter ce document et voir un

23 peu comment la chose va se passer.

24 M. le Président (interprétation): Bien entendu. A moins qu'il n'y ait

25 d'autres questions ou raisons à soulever, je crois que cela peut être

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1 versé au dossier.

2 M. Blaxill (interprétation): Nous allons voir les choses comment elles se

3 présenteront.

4 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, si vous le permettez,

5 je crois que vous ou M. Piletta-Zanin procédiez au contre-interrogatoire.

6 M. Piletta-Zanin: (Hors micro.) Nous essayons de manière documentée sur

7 certains faits qui rendent à la défense l'exercice de ce droit extrêmement

8 difficile, sinon impossible. Et j'en fais la requête formelle, j'en aurai

9 même pas pour une minute d'exposer ce que la défense doit faire maintenant

10 avant tout interrogatoire de témoin, un simple fait que cela soit

11 clairement noté.

12 M. le Président (interprétation): Je suggère ou plutôt je crois qu'il

13 serait préférable que vous fassiez cela demain, du moins c'est ce que je

14 crois pouvoir lire sur le compte rendu d'audience avant le contre-

15 interrogatoire.

16 M. Piletta-Zanin: Demain, n'est-ce pas, or elle sera aujourd'hui et c'est

17 avant cette audition que nous aimerions signaler cela à la Cour, cela ne

18 prendra que quelques très courtes secondes.

19 M. le Président (interprétation): Tout d'abord, je m'attends à ce que les

20 deux parties soient prêtes au moins quelques heures à l'avance et si les

21 choses se déroulent de façon accélérée, il faut qu'elles soient préparées.

22 Ce serait ma première observation. Si vous souhaitez attirer notre

23 attention sur quoi que ce soit, vous êtes libre de le faire, mais je vous

24 demanderai de ne pas épuiser tout le temps dont vous avez besoin pour le

25 contre-interrogatoire.

Page 690

1 M. Piletta-Zanin: Je pense qu'il est nécessaire que nous parlions

2 maintenant. Ce que je voulais indiquer, Monsieur le Président, Messieurs

3 les Juges c'est simplement ceci. Nous avons reçu, il y a de cela quelques

4 heures à peine -je dis bien quelques heures à peine, et encore, un seul

5 des deux conseils de la défense-, quelque 87 classeurs que je ne vois même

6 pas dans cette salle, parce que je pense qu'il ne se trouvait personne

7 pour oser les y amener. 87 classeurs dans lesquels se trouvent toutes les

8 pièces et notamment certaines des pièces qui intéresseraient le contre-

9 interrogatoire du témoin.

10 Pour nous aider dans cette démarche, il a été fourni, Monsieur le

11 Président, à la défense un moteur de recherche qui devrait également aider

12 cette Cour à retrouver ce qui est nécessaire dans cette masse qui -j'ai

13 calculé-, jusqu'à il y a quelques heures, représentait quelque 41.757

14 pages, 41.757 pages.

15 Sur ces 41.757 pages, moteur de recherche, nous ne trouvons que 37

16 documents -je dis bien 37 documents-, qui incorporent le nom du général

17 Galic. Sur ces 37 documents, il s'en trouve plus de la moitié qui sont des

18 articles de journaux, des commentaires de presse, que sais-je, qui n'ont

19 aucun rapport direct, immédiat avec les faits.

20 J'aimerais terminer, j'en ai pour 30 secondes.

21 M. le Président (interprétation): Non, je préfère vous interrompre

22 maintenant, Monsieur Piletta-Zanin. J'estime que vous êtes en train de

23 pointer du doigt qu'il y a quelques défauts ou lacunes concernant les

24 documents qui vous ont été fournis par le Bureau du Procureur, et je

25 préférerais discuter de la chose lors d'une conférence de mise en état que

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1 nous pourrions tenir dès la fin de l'audition des témoins.

2 Je voudrais suggérer que si des documents nouveaux se présentent ou s'il y

3 a de nouvelles idées d'ici demain ou ces jours-ci concernant les remarques

4 relatives au contre-interrogatoire de M. Kupusovic, je crois que vous

5 pourriez les spécifier avant la conférence de mise en état. Maintenant

6 pour ce qui est de certains documents pertinents ou autres questions, nous

7 pourrions en parler à la conférence de mise en état. Si vous êtes

8 d'accord, je n'ai pas d'autre choix.

9 M. Piletta-Zanin: Mais il convient de dire très clairement que nous ne

10 sommes pas en mesure de contre-interroger efficacement ce témoin pour les

11 raisons que j'ai voulu vous exposer et que, je pense, vous n'avez pas pu

12 entendre. Je vous remercie.

13 M. le Président (interprétation): Je suis en train de lire le compte rendu

14 d'audience ou plutôt la dernière ligne de celui-ci. S'il s'agit de

15 documents nouveaux, il serait inéquitable de procéder ou de terminer le

16 contre-interrogatoire sans ces documents-là. Vous pouvez y revenir plus

17 tard, vous pouvez vous servir de ces documents lorsque cela sera pertinent

18 en quelque autre phase de la procédure que ce soit.

19 Je vais maintenant demander à M. l'huissier de faire venir M. Kupusovic

20 dans la salle d'audience, et je vous fournirai l'opportunité de procéder à

21 votre contre-interrogatoire.

22 (Le témoin, M. Tarik Kupusovic, est introduit dans le prétoire.)

23 M. le Président (interprétation): Vous pouvez continuer, Madame Pilipovic.

24 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Tarik Kupusovic, par Me Pilipovic.)

25 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

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1 Témoin, bonjour.

2 Avant de commencer à vous poser des questions, je voudrais que vous nous

3 confirmiez le fait d'avoir coopéré, au cours de ces quelques dernières

4 années, avec les enquêteurs du Tribunal, et les 23 et 24 mai 1996, vous

5 avez fait une déposition en votre qualité de témoin. Pouvez-vous le

6 confirmer?

7 M. Kupusovic (interprétation): Je ne me souviens pas de la date exacte,

8 mais j'ai fait des dépositions en 1996, et je me suis présenté devant ce

9 Tribunal en qualité de témoin.

10 Question: Vous avez été témoin dans l'affaire IT-95-18, en date du 1er

11 juillet 1996, n'est-ce pas?

12 Réponse: Je ne connais pas les références auxquelles vous avez fait

13 référence justement, mais j'ai été témoin pour ce qui est du même sujet; à

14 savoir la situation à Sarajevo dans le procès des accusés Karadzic et

15 Mladic.

16 Question: En date du 6 février et du 26 octobre 2001, vous avez eu un

17 entretien avec les enquêteurs du Bureau du Procureur, n'est-ce pas?

18 Réponse: J'ai eu des entretiens à deux reprises. Je ne me souviens pas des

19 dates exactes, mais il est fort probable que celles que vous avez citées

20 correspondent à celles qui ont été les dates réelles de ces entrevues.

21 Question: Je voudrais, en ma qualité de conseil de la défense, dire que je

22 possède ces documents, et je voulais juste que vous confirmiez que vous

23 aviez eu ces entretiens avec les collègues du Bureau du Procureur.

24 Le 31 novembre et le 1er décembre, vous avez également eu un entretien

25 avec les collègues, nos collègues, nos confrères du Bureau du Procureur,

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1 n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Merci. Au cours de votre interrogatoire en chef de la part de

4 nos éminents confrères, vous avez déclaré que vous avez été professeur à

5 une faculté et directeur d'un institut. Je voudrais que vous nous disiez

6 quand est-ce que vous êtes devenu professeur et quand est-ce que vous êtes

7 devenu directeur de cet institut?

8 Réponse: J'ai travaillé à l'université depuis mon diplôme, depuis 1987, et

9 j'ai été doyen en ma qualité de professeur, en 1988. C'est en 1990 que je

10 suis devenu directeur de l'institut d'électronique auprès de la faculté de

11 génie civil.

12 Question: Vous nous avez dit que vous aviez habité à Dobrinja?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Veuillez nous dire dans quel secteur de Dobrinja se trouvait

15 votre appartement?

16 Réponse: Il s'agissait du secteur de Dobrinja 1, juste à proximité de la

17 route. Et, de l'autre côté, se trouvait les pistes de l'aéroport de

18 Sarajevo.

19 Question: Etant donné que vous nous avez dit qu'il s'agissait de Dobrinja

20 1, est-ce que cela signifie que, dans cette partie-là de la cité, il y

21 avait plusieurs numérotations en vigueur pour Dobrinja? Si vous êtes en

22 mesure de nous le dire, dites-nous lesquelles.

23 Réponse: La première partie de Dobrinja a été construite en 1983, c'est

24 pour cela qu'on l'appelait Dobrinja 1. Il y avait encore Dobrinja 2, 3, 4

25 et je pense même 5 par la suite, mais tout cela est une cité. Mais on

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1 appelle ces différents fragments en fonction des dates de leur

2 construction.

3 Question: A quelle municipalité appartenait cette cité de Dobrinja? Quand

4 je dis "cité", j'entends tous les 5 segments. Quelle municipalité était-

5 ce?

6 Réponse: C'est la municipalité de Novi Grad.

7 Question: Par rapport à Dobrinja, à la cité de Dobrinja, vous nous avez

8 dit que, du côté où vous habitiez, il y avait l'aéroport. Pouvez-vous nous

9 dire, étant donné que vous êtes né à Sarajevo et que vous vivez encore à

10 Sarajevo, quel est le milieu qui est composé par cette cité de Dobrinja?

11 Quelles autres cités ou quelles autres particularités du relief peuvent

12 permettre de distinguer cette cité de Dobrinja?

13 Réponse: Eh bien, d'un côté il y a la route principale qui va de Stup à

14 Kula, et de l'autre côté de la route, à droite, il y a l'aéroport. A

15 gauche, vous trouvez Dobrinja.

16 En direction de Lukavica, il y a la caserne de la JNA, et en face, donc de

17 l'autre côté par rapport à l'aéroport, il y a Brdo et une colline que l'on

18 appelle "Mojmilo". C'est là que se trouvait le château d'eau.

19 Lorsque vous vous dirigez vers le centre-ville, vous passez le quartier de

20 Brijesce et le quartier de Alipasino Polje.

21 Ensuite, il y a le mont Igman qui se trouve de l'autre côté de l'aéroport.

22 Vous avez Dobrinja, l'aéroport ensuite, la voie ferroviaire, ensuite

23 d'autres bâtiments et ensuite le mont Igman.

24 Ce qui veut dire que de ma fenêtre je pouvais voir à la fois l'aéroport et

25 le mont Igman, toujours dans la même direction.

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1 Question: Pour éviter de nous répéter, une question: vous nous avez dit

2 quelles étaient les municipalités qui constituaient Sarajevo, mais quelle

3 était la composition de la population dans les différentes municipalités?

4 Réponse: Je ne peux vous répondre comme cela à froid, mais je pense que

5 c'était à peu près la même composition que pour l'ensemble de la ville,

6 composition que j'ai déjà donnée: 40% de Musulmans, 30% de Musulmans, 8 ou

7 9% de Croates et le reste étaient des représentants d'autres populations,

8 parfois des personnes issues de mariage mixte.

9 A Dobrinja, il y avait un pourcentage assez élevé de mariage mixte, parce

10 qu'il s'agissait précisément d'un quartier relativement récent, dans tous

11 les immeubles vous trouviez des familles d'appartenance ethnique

12 différente.

13 Question: Savez-vous quelles étaient les municipalités au sein desquelles

14 les Serbes étaient majoritaires?

15 Réponse: Les Serbes n'étaient pas majoritaires dans l'une quelconque des

16 municipalités, mais dans les quartiers anciens comme dans celui de

17 Nedzarici pour autant que je le sache, il y avait un peu plus de Serbes

18 que dans d'autres quartiers. Cela est dû au fait qu'auparavant Nedzarici

19 était un village et lorsque Nedzarici a été intégré à la ville de

20 Sarajevo, eh bien, c'est par la force des choses devenu un quartier où il

21 y avait une prédominance de Serbes. Il en va de même pour Stup qui était

22 un village lui aussi, un village où les Croates étaient majoritaires. Par

23 la suite, Stup a été intégré à la ville de Sarajevo et, par conséquent, le

24 quartier de Stup était un quartier où il y avait une majorité de Croates.

25 Mais il y avait également des villages musulmans qui sont devenus des

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1 quartiers de la ville, quartiers où, par conséquent, les Musulmans étaient

2 plus nombreux.

3 Question: Vous avez parlé des 10 municipalités qui formaient la ville de

4 Sarajevo. Est-ce que vous pouvez nous dire où se trouvaient les centres

5 économiques de la ville, où étaient les grandes entreprises, dans quels

6 quartiers de la ville étaient les pôles économiques de Sarajevo?

7 Réponse: Eh bien, on les trouvait un petit peu partout dans la ville.

8 Sarajevo comptait 10 municipalités mais, pour ce qui est de

9 l'administration, Sarajevo était organisée de telle façon que les

10 entreprises telles que Sfradnisi(?) se trouve dans les faubourgs, je parle

11 de faubourgs tel que Hadzici, Vogosca d'autres encore et pour ce qui est

12 du centre-ville, donc de la zone véritablement urbaine, eh bien, il y

13 avait des entreprises de conception, des entreprises de consultants, il

14 n'y avait pas beaucoup d'entreprises au sein même de la ville. On trouvait

15 surtout les infrastructures urbaines dans le centre-ville.

16 Question: Vous nous avez dit que vous étiez membre du SDA, donnez-nous la

17 date à laquelle vous en êtes devenu membre?

18 Réponse: J'en suis devenu membre juste avant les élections de 1990.

19 J'ai rejoint les rangs du parti à la fin du mois d'août, les élections ont

20 eu lieu au mois de novembre.

21 Question: Quand le SDA a-t-il été constitué?

22 Réponse: Je crois que c'était en mars 1990.

23 Question: Avez-vous appartenu avant à un parti politique quelconque?

24 Réponse: Non, je n'avais jamais appartenu à aucun parti.

25 Question: Vous nous avez dit que c'est vous qui étiez tête de liste pour

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1 le SDA lors des élections, tête de liste pour le SDA? Occupiez-vous un

2 poste officiel au sein dudit parti et, le cas échéant, quelle était votre

3 fonction?

4 Réponse: Je n'ai à aucun moment ni avant ni pendant les élections été un

5 membre officiel du parti, mais j'étais effectivement tête de liste. C'est

6 le dirigeant du parti qui a proposé que je sois tête de liste. J'ai été un

7 citoyen bien connu né à Starigrad, c'est pour ces raisons que j'étais

8 nommé tête de liste.

9 Il y a eu un certain nombre de réunions du parti en 1990, et suite à ces

10 réunions, j'ai été élu président du groupe parlementaire du SDA pour la

11 ville de Sarajevo. Et à ce titre, j'ai pris part à certaines réunions du

12 parti mais ce n'est pas pour autant que j'étais un des dirigeants du parti

13 ou un des membres officiels du parti.

14 Question: Vous nous avez dit que trois partis nationalistes ont été

15 constitués à cette époque-là: le SDA, le HDZ et le SDS. C'étaient les

16 principaux partis de ce type à Sarajevo. Pourriez-vous nous donner la

17 séquence chronologique dans laquelle ces partis ont été constitués?

18 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, c'est le SDA qui a été

19 constitué en premier, ensuite, le HDZ et le SDS a suivi.

20 Question: Est-ce que les rapports interethniques se sont détériorés à

21 Sarajevo après la formation de ces partis?

22 Réponse: Non.

23 Question: Quand est-ce que les rapports interethniques ont commencé à se

24 détériorer?

25 Réponse: Ils ne se sont pas détériorés avant la guerre, mais dans

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1 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine les choses ont commencé à changer et à

2 se détériorer plus tard.

3 Question: Quel est le parti qui a gagné les élections à Sarajevo, quel a

4 été le parti qui a recueilli la majorité?

5 Réponse: Aucun parti de Sarajevo n'a recueilli une majorité nette,

6 absolue, mais dans l'assemblée municipale à laquelle j'appartenais, le SDA

7 avait une majorité relative: 40 députés sur un total de 120. Ce qui veut

8 dit que le SDA avait 31 ou 32% des sièges, le SDA avait 28%, le HDZ 4%.

9 Pour ce qui est des autres partis élus à cette assemblée, ils avaient de

10 1 à 22 députés au sein de cette assemblée.

11 Question: Comment fonctionnait cette assemblée? Jusqu'à quelle date a-t-

12 elle pu continuer à fonctionner?

13 Réponse: L'assemblée municipale fonctionnait très bien, enfin c'est mon

14 opinion. Elle a très bien fonctionné jusqu'au mois de mars 1992. Ensuite,

15 elle a cessé de fonctionner pendant deux ans et elle a repris ses

16 fonctions au mois de mars 1994. Elle a continué à fonctionner jusqu'après

17 la signature des Accords de Dayton.

18 Question: Après le début du conflit à Sarajevo, vous nous avez dit qu'une

19 présidence avait été constituée. Pourriez-vous nous donner dans le détail

20 une idée de quelles étaient les fonctions de cette présidence?

21 Réponse: Vous faites sans doute référence à la présidence de la ville.

22 J'étais membre de ladite présidence. Cette entité a été formée sur la base

23 de la constitution dans le respect de la législation en vigueur.

24 L'assemblée n'était pas à même de pouvoir se rencontrer, les 120 députés

25 ne pouvaient pas se réunir et surtout nous ne pouvions pas atteindre le

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1 quorum des deux tiers, c'est-à-dire 81 députés. En avril, l'assemblée

2 municipale n'a pas pu se réunir; puis au début du mois de juin la

3 présidence a été constituée.

4 La présidence a donc pris… s'est donc adjugé toutes les compétences de

5 l'assemblée municipale. La présidence est devenue la plus haute autorité

6 civile de Sarajevo.

7 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, le 4 avril 1992, il

8 y a eu proclamation d'état de guerre imminent à Sarajevo?

9 Réponse: Est-ce qu'il y a eu une annonce officielle? Je ne m'en souviens

10 plus. Mais dans les faits, c'était bien la situation dans laquelle nous

11 nous trouvions.

12 Question: Quand est-ce qu'il y a eu mobilisation générale à Sarajevo?

13 Réponse: Un peu plus tard, vers la mi-mai.

14 Question: Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que les fonctions de

15 la présidence étaient les fonctions d'une présidence de guerre?

16 Réponse: La mobilisation a été menée à bien par le gouvernement de Bosnie-

17 Herzégovine.

18 Question: Est-ce que cette présidence de guerre fonctionnait sur une base

19 comparable à celle des cellules de crise?

20 M. Kupusovic (interprétation): Non. D'après la législation que nous avions

21 héritée de la RSFY, la présidence était constituée du responsable de la

22 Défense territoriale, du responsable de la police locale, du maire de la

23 ville, des chefs des différents partis politiques qui avaient été élus à

24 l'assemblée municipale.

25 La présidence était donc composée de membres de différents partis, était

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1 composée de personnes qui appartenaient à différents groupes ethniques;

2 différentes politiques étaient donc représentées au sein de la présidence.

3 La présidence regroupait les personnes qui essayaient de rendre la vie

4 civile quotidienne plus simple.

5 Mme Pilipovic (interprétation): La présidence de guerre était donc formée

6 en juin 1992…

7 M. Blaxill (interprétation): Pardon d'interrompre ma collègue, mais je

8 remarque qu'à la ligne 25 de la page 37, il apparaît que "la législation

9 en vigueur était celle héritée de la SFOR". Mais il ne s'agit pas de cela,

10 le témoin a parlé de la législation héritée de la RSFY. La SFOR, vous le

11 savez Monsieur le Président, c'est une des forces des Nations Unies en

12 présence en Bosnie.

13 M. le Président (interprétation): Absolument, nous avons eu la même

14 réaction ici sur le banc des Juges. Il y a eu une erreur de saisie. Tout

15 le monde comprendra bien, en faisant preuve d'un petit peu de logique,

16 qu'il ne s'agissait pas de la SFOR.

17 M. Blaxill (interprétation): Tout à fait.

18 M. le Président (interprétation): On nous demande de bien vouloir vous

19 demander, Maître, de ménager des pauses entre les questions que vous posez

20 et les réponses qui sont apportées. Merci de penser aux interprètes.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Kupusovic, veuillez regarder

22 l'écran. Vous verrez qu'à un moment donné les lignes s'arrêtent, c'est-à-

23 dire que plus rien n'apparaît à l'écran. Cela veut dire que

24 l'interprétation est finie, cela veut dire que les interprètes sont prêts

25 à prendre à nouveau la parole. Merci de bien vouloir veiller à ce qui se

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1 passe sur l'écran.

2 M. Kupusovic (interprétation): Je vais tâcher d'avoir cela à l'esprit,

3 Monsieur le Président. Merci de ces indications.

4 Mme Pilipovic (interprétation): Vous nous avez parlé du référendum.

5 Pouvez-vous nous dire qui a organisé la tenue de ce référendum en Bosnie-

6 Herzégovine?

7 M. Kupusovic (interprétation): Le référendum a été organisé par le

8 gouvernement de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Enfin, disons que la

9 décision de tenir un référendum a été prise par l'assemblée de Bosnie-

10 Herzégovine.

11 Question: Est-ce que vous seriez à même de nous dire si la décision prise

12 par cette assemblée de Bosnie-Herzégovine était respectueuse de la

13 constitution de la Bosnie-Herzégovine, constitution en vigueur à l'époque?

14 Réponse: Tout à fait. Cette décision était conforme à la constitution,

15 conforme également à la procédure qui devait toujours être suivie pour

16 prendre une décision au sein de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine.

17 Question: Lorsque la décision a été prise d'organiser un référendum,

18 lorsque l'assemblée a pris cette décision, est-ce que les députés

19 d'ethnicité serbe ont pris part à la procédure?

20 Réponse: Ils ont effectivement pris part à la procédure, mais les

21 représentants du SDS se sont retirés de la réunion de l'assemblée lorsque

22 le vote sur le référendum a effectivement eu lieu.

23 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que c'est pour cette

24 raison que le référendum a été boycotté? C'est parce que les députés

25 serbes n'ont pas pris part aux travaux de l'assemblée qu'il y a eu boycott

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1 du référendum par une partie de la population?

2 Réponse: Pour autant que je le sache, le référendum a été boycotté du fait

3 de l'appel lancé par Radovan Karadzic; il avait demandé aux partisans du

4 SDS de ne pas voter le jour du référendum. Je crois que c'est ça qui s'est

5 passé.

6 Question: Lors de ce référendum qui portait sur l'indépendance de la

7 Bosnie-Herzégovine, est-ce que deux tiers ont pris part au vote? Est-ce

8 que plus des deux tiers des députés ont pris part au vote ou moins des

9 deux tiers?

10 Réponse: Plus des deux tiers des votants apparaissant sur liste électorale

11 ont voté. La plus grande majorité, 99 points et quelque pour cent de ceux

12 qui sont sortis de chez eux pour aller voter ont voté pour l'indépendance

13 de la Bosnie-Herzégovine.

14 Voilà quels sont les chiffres que je peux avancer pour ce qui est du jour

15 du vote pour le référendum.

16 Question: Hier, dans le cadre de l'interrogatoire principal, vous avez lu

17 une déclaration. Pourriez-vous nous dire pour quelle raison on a décidé de

18 faire cette déclaration du 17 avril, si je ne m'abuse?

19 Réponse: Il y a eu donc référendum, négociations entre les Présidents des

20 trois partis nationalistes, tout cela s'est fait au niveau de la

21 République.

22 Mais pour ce qui est de ce qui s'est fait au niveau de la ville, bien sûr

23 nous avons suivi les instructions qui nous ont été données. Nous avons

24 également essayé de défendre la ville de ce qui se produisait au niveau de

25 la Bosnie-Herzégovine et au plan international. La plupart des membres du

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1 groupe parlementaire ont spontanément décidé de faire quelque chose pour

2 la ville. Une réunion a été organisée et, lors de cette réunion, une

3 décision a été prise.

4 Nous voulions signer une déclaration qui montrait aux citoyens de Sarajevo

5 que leurs représentants élus au nom de Sarajevo, au nom de la Bosnie-

6 Herzégovine, se battaient publiquement pour maintenir l'unité de la ville,

7 voulaient une ville respectueuse de son patrimoine séculaire, respectueuse

8 de ses principes séculaires. L'idée était que tous les partis se mettent

9 d'accord entre eux, que les représentants de tous les partis tombent

10 d'accord. C'est dans ces circonstances que nous avons rédigé cette

11 déclaration, c'est dans ces circonstances qu'elle a été diffusée à la

12 télévision, à la radio, et qu'elle a été publiée dans les journaux.

13 Question: Est-ce que l'une des raisons de l'existence de cette déclaration

14 n'était pas également que les rapports interethniques, au sein de

15 Sarajevo, étaient quelque peu perturbés?

16 Réponse: Non, ils n'étaient pas perturbés et cette déclaration le

17 confirme. Vous voyez bien qu'elle est signée précisément par les

18 représentants de tous les partis nationalistes et autres partis.

19 Maintenant, est-ce que, à l'échelon supérieur, au niveau de la Bosnie-

20 Herzégovine les rapports étaient perturbés? C'est possible.

21 Certaines régions autonomes avaient déjà été proclamées à l'époque. Donc

22 il y avait déjà eu des propositions émanant du SDS, propositions qui

23 visaient à scinder la ville en différents quartiers ethniques, si vous

24 voulez. C'était absolument inacceptable pour Sarajevo.

25 Question: Après ce référendum qui a eu lieu le 29 février et le 1er mars à

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1 Sarajevo, est-ce qu'il y a eu des manifestations, des attroupements? Est-

2 ce que des groupes ont exprimé leur sentiment qu'il soit négatif ou

3 positif? Est-ce que les citoyens se sont mobilisés, est-ce que les

4 citoyens sont descendus dans la rue?

5 Réponse: Les opinions manifestées étaient plutôt des opinions positives,

6 que ce soit dans les rues de la ville ou au sein des entités municipales.

7 Il était clair que les citoyens ne souhaitaient pas emboîter le pas à

8 Bijeljina ou à d'autres villes de Bosnie-Herzégovine; nous ne voulions pas

9 nous précipiter sur la même voie.

10 Des mouvements pacifiques ont été organisés, des initiatives ont été

11 prises qui visaient à ce que Sarajevo devienne le centre, le cœur de la

12 Bosnie-Herzégovine et son symbole. Nous ne voulions pas que Sarajevo soit

13 happé dans le type de situation dans laquelle Dubrovnik ou Vukovar

14 s'étaient retrouvées. Nous ne voulions pas nous trouver mêlés à ce genre

15 de situation, situation qui avait mené à la création de certaines cellules

16 de crise. Vous avez d'ailleurs évoqué ce type d'entité. Nous ne voulions

17 pas que soient créées des entités qui représentaient un seul groupe

18 ethnique. C'était cela qui a mené à la guerre dans d'autres endroits.

19 Question: Pourriez-vous nous parler des événements qui se sont produits en

20 mars 1992, à Bascarsija?

21 Réponse: Je ne peux pas vous parler de ça, parce que je ne m'y trouvais

22 pas et je ne me trouvais dans les environs. Différentes interprétations

23 ont été mises en avant par la presse, notamment sur ce qui s'est

24 effectivement passé.

25 Question: Que disaient les journaux précisément à propos de ces

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1 événements?

2 Réponse: Il y a eu un mariage et puis, il y a eu un incident qui s'est

3 produit. Qu'est-ce qui s'est passé exactement? Je n'en sais rien.

4 Question: Est-ce que les journaux ont dit qu'il s'agissait là du premier

5 civil à être tué à Sarajevo? Est-ce que les journaux n'ont pas dit qu'il

6 s'agissait d'un Serbe qui avait été tué par un individu qui, plus tard, a

7 été nommé chef d'une unité à Sarajevo?

8 Réponse: C'est la première fois que j'entends dire cela. C'est vous qui

9 m'apprenez que c'est Musan Topalovic qui s'est livré à cet acte. Moi, je

10 ne sais absolument pas ce qui s'est passé.

11 Question: Savez-vous qu'à cette époque-là à Sarajevo, lorsque je dis à

12 cette époque-là, je pense à mars et à avril, car vous avez vous-même

13 commencé à parler de ces deux mois-là, savez-vous donc qu'à cette époque

14 des unités paramilitaires se sont constituées, des unités que l'on

15 appelait les Bérets verts et la Ligue patriotique?

16 Réponse: J'ai déjà parlé des groupes qui s'étaient appelés Bosna et je

17 crois qu'on peut inclure dans ces groupes les Bérets verts et les autres.

18 Il s'agissait de jeunes hommes qui s'étaient eux-mêmes organisés de la

19 sorte, et qui s'étaient joints aux forces de la police de réserve et aux

20 forces de police à proprement parler, les forces de police qui

21 appartenaient au MUP de Bosnie-Herzégovine. Mais ces jeunes hommes ne

22 portaient pas d'uniforme, ils n'étaient pas équipés en ce sens, on pense

23 qu'il s'agissait d'unités paramilitaires, mais ils n'étaient pas organisés

24 en tant qu'armée.

25 En fait, les gens avaient peur de ce qui pouvait se produire, et plusieurs

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1 milliers d'individus à partir du 2 mai ont commencé à se rassembler et à

2 s'appeler les Bérets vers, le groupe Bosna, etc.

3 Question: Donc d'après vous, en mars, en avril, il ne s'est rien passé à

4 Sarajevo? Pourquoi alors, est-ce que les Bérets verts se sont-ils auto-

5 proclamés? Pourquoi est-ce que d'autres unités se sont constituées?

6 Réponse: Je ne sais pas quand elles ont été formées, peut-être qu'elles se

7 sont formées auparavant. Moi, j'ai entendu des membres de ces groupes dire

8 qu'ils avaient été créés un petit peu auparavant. Moi, j'en ai entendu

9 parler pour la première fois vers le mois de mars, avril. Je ne peux rien

10 vous dire de plus.

11 Question: Savez-vous que la Ligue patriotique était en fait le bras armé

12 du SDA? Est-ce que vous savez que la Ligue patriotique a été créée pour

13 toute la Bosnie-Herzégovine et que des unités de la Ligue patriotique

14 existaient depuis 1991?

15 Réponse: Je ne peux pas m'exprimer pour ce qui est de ce qui se passait au

16 niveau de la Bosnie-Herzégovine dans son ensemble, je peux parler de ce

17 qui s'est passé à Sarajevo.

18 Pour ce qui est de Sarajevo, je sais qu'il n'existait aucune unité de la

19 Ligue patriotique et je peux dire que la Ligue patriotique n'était en

20 aucun cas une formation organisée. Moi, je résidais à Sarajevo, j'ai

21 travaillé au sein de l'assemblée municipale, je peux dire exactement ce

22 qu'il en était. Qu'est-ce que le SDA a fait à d'autres niveaux? Je n'en

23 sais rien. Je peux m'exprimer sur les choses auxquelles j'ai pris part; et

24 dans les réunions auxquelles j'ai assisté ou dans les endroits où j'ai

25 travaillé, jamais on a parlé de ces unités.

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1 Par la suite, vers le mois de mai, lorsque la Défense territoriale s'est

2 mobilisée, elle est devenue l'armée de Bosnie-Herzégovine et j'ai entendu

3 parler du fait qu'il existait une Ligue patriotique, des groupes qui

4 portaient l'emblème de la Ligue patriotique. Et ce sont ces différentes

5 entités qui sont par la suite l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

6 Question: Est-ce que Juka Prazina, Musan Topalovic, Ramiz Salcin sont des

7 noms qui vous disent quelque chose? Est-ce que vous pouvez établir un lien

8 entre la formation de ces unités et les noms que je viens d'évoquer?

9 Réponse: Ces noms me sont très familiers, ils sont familiers à tous les

10 habitants de Sarajevo. Maintenant, pour ce qui est de l'établissement d'un

11 lien entre ces individus et les unités, je ne peux pas établir ce lien.

12 Question: A cette époque-là, est-ce que les médias fonctionnaient encore à

13 Sarajevo?

14 Réponse: Oui, la télévision fonctionnait. Lorsqu'il y avait l'électricité

15 la télévision fonctionnait, les médias pouvaient travailler.

16 Question: Et qu'en est-il de ce qui se passait lorsqu'il n'y avait plus

17 d'électricité? Pouviez-vous suivre les émissions télévisées, aviez-vous

18 accès à d'autres médias?

19 Réponse: Si vous aviez des piles, vous pouviez écouter votre radio. Pour

20 la télé, c'était plus difficile. Il y avait un bulletin le soir, il y

21 avait un bulletin d'information le soir, donc s'il y avait l'électricité,

22 on pouvait toujours suivre ce bulletin d'information. Sinon impossible de

23 regarder la télévision, il fallait disposer de piles pour pouvoir écouter

24 la radio.

25 Question: Lorsque les médias fonctionnaient normalement, est-ce que vous

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1 pouviez suivre les activités de ces unités militaires à la télévision?

2 Est-ce que les programmes télévisés de Sarajevo diffusaient des nouvelles

3 à ce sujet?

4 Réponse: Jusqu'en octobre 1992, nous avions de l'électricité sans

5 interruption et nous pouvions donc regarder la télé et suivre à la télé

6 les événements qui survenaient en Bosnie-Herzégovine et dans le monde, car

7 bien sûr il se produisait dans le monde des choses qui étaient liées à ce

8 qui se passait en Bosnie-Herzégovine.

9 Question: Est-ce que le nom Kerim Loncarevic surnommé "le docteur" vous

10 dit quelque chose?

11 Réponse: Oui. C'était un collègue même. Il travaillait au sein de la

12 municipalité de la ville, et maintenant il est à Sarajevo. Il était député

13 à l'époque.

14 Question: Savez-vous s'il a écrit un livre?

15 Réponse: Non.

16 Question: Est-ce que vous saviez à l'époque qu'il avait organisé une unité

17 à lui qui était propre à lui et qu'il avait une police militaire qui lui

18 appartenait?

19 Réponse: Je sais qu'il avait été commandant de la police militaire du

20 quartier général suprême de la Bosnie-Herzégovine. Donc ce n'était pas son

21 unité à lui, mais il commandait une unité de l'armée de Bosnie-

22 Herzégovine. Donc il était le commandant d'une unité à l'époque justement.

23 Je parle de la première partie de 1992 et peut-être pendant une certaine

24 partie de 1993.

25 Question: Savez-vous qu'en mars 1992 et en avril 1992, il était le chef

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1 d'une unité paramilitaire qui avait ses soldats et dont le siège était à

2 Dobrinja?

3 Réponse: A l'époque, je vivais à Dobrinja, il n'y avait absolument aucune

4 formation militaire ni paramilitaire, outre le fait qu'il y avait des

5 membres de la JNA dans les casernes et à l'aéroport.

6 Question: Monsieur le Président, la défense désire montrer au témoin un

7 texte, un extrait du livre de Kerim Loncarevic appelé "docteur" -ce livre

8 a été publié à Sarajevo-, intitulé "La bataille pour Sarajevo", où M.

9 Loncarevic fait état des événements qui ont eu lieu en 1992 à Sarajevo et

10 le livre a été publié le 12 avril 2000.

11 Avec votre permission et la permission bien sûr de mes éminents confrères,

12 je souhaiterais montrer au témoin un court passage issu de ce livre et

13 j'aimerais demander au témoin de bien vouloir jeter un coup d'œil ou

14 examiner ce texte, et nous dire s'il en a eu connaissance et que peut-il

15 nous dire quant au texte que nous lui soumettons?

16 M. Piletta-Zanin: Je me permettrai peut-être d'indiquer à la Cour que, sur

17 trois des noms qu'a donnés tout à l'heure Me Pilipovic, un seul a été

18 marqué dans le transcript. Je pense qu'il est nécessaire que ces noms

19 soient peut-être répétés encore une fois.

20 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, pourriez-vous peut-

21 être répéter ces noms et les épeler, de sorte que nous puissions les

22 consigner correctement au compte rendu d'audience?

23 Mme Pilipovic (interprétation): Juka Prazina, Ramiz Delalic Celo, Musan

24 Topalovic-Caco, Ramiz Salcin.

25 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous vérifier, s'il vous plaît,

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1 sur le compte rendu d'audience en langue anglais si les noms qui

2 paraissent sont épelés correctement?

3 Mme Pilipovic (interprétation): Je crois voir au compte rendu d'audience

4 que les noms ne sont pas consignés correctement. Avec votre permission,

5 nous pourrions peut-être écrire ces noms, de sorte que les sténotypistes

6 puissent les consigner correctement.

7 M. le Président (interprétation): Bien. Merci Maître Pilipovic.

8 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur, vous avez sous les yeux un

9 texte, il s'agit de la page 86, du début de cet extrait. Il s'agit donc

10 d'un texte tiré du livre "La bataille pour Sarajevo", je parle de la page

11 86.

12 Auriez-vous l'obligeance de lire: "J'ai déjà établi les endroits critiques

13 en ville", avec ce passage? Commencez votre lecture, s'il vous plaît.

14 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, je vais devoir

15 vérifier ceci. Si je comprends bien, il n'a pas encore été établi que ce

16 témoin ait connaissance de ce livre et de l'auteur également. De plus, le

17 témoin a déjà dit qu'il n'avait pas connaissance d'existence d'un groupe

18 ou de groupes paramilitaires ou de noms qu'on lui a mentionnés.

19 Je fais donc objection quant à sa lecture de ce passage pour le compte

20 rendu d'audience du Tribunal, étant donné qu'il a déjà établi clairement

21 qu'il n'avait aucune connaissance de ce qu'on lui demande de lire à haute

22 voix.

23 M. le Président (interprétation): Permettez-moi de conférer avec mes

24 collègues. Un instant, s'il vous plaît.

25 (Les Juges se concertent sur le siège.)

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1 S'agissant de l'objection du Procureur… D'abord je dois trouver mes

2 écouteurs avant de dire ce que je veux dire. Nous préférerions que Me

3 Pilipovic lise ou donc lecture du passage. Il n'y a aucune contestation

4 quant à l'existence de ce livre, et j'imagine que nous préférerions

5 qu'elle donne lecture du passage à haute voix et qu'elle demande au témoin

6 si cela fait un son de cloche dans son esprit, car jusqu'à présent la

7 réponse qu'il en a donné n'a pas été très détaillée.

8 Donc, Maître Pilipovic, si vous n'avez aucune objection, nous aimerions

9 que vous donniez lecture de l'original de ce passage et que, par la suite,

10 vous posiez des questions pertinentes au témoin.

11 Mme Pilipovic (interprétation): Merci Monsieur le Président.

12 "J'ai établi déjà auparavant les endroits critiques en ville. Je croyais

13 en mes soldats, j'avais confiance en mes soldats. A Dobrinja, j'avais mes

14 soldats. A Brijesce et Buljakov Potok, il y avait Smajo avec l'unité

15 d'intervention. A Kosevsko Brdo, il y avait Djilda avec une unité

16 complète. Ramiz Salcin se trouvait à Svrakino Selo. L'unité d'intervention

17 Tabija se trouvait à Vratnik. Igor avec le MGV se trouvait sur le champ de

18 Alipasa, Alipasino Polje. Zoran avec les Mambats se trouvait dans la phase

19 C de Alipasino Polje.

20 Le commandement de la police militaire constituant de trois unités

21 d'intervention et de frappe se trouvait à Bjelava. Topa se trouvait tout

22 près de la banque nationale. Celo était à Vrbanja Most. Ejub se trouvait à

23 Kobilja glava. Quant à Ramiz; il gardait Vratnik avec ses soldats. Taib,

24 avec son unité d'intervention, se trouvait près de la brasserie. "Delta",

25 avec les frères Aljic, se trouvait à Velesici. Mon frère, Zuti, ne s'est

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1 pas déplacé de Otoka. Est-ce qu'il nous était possible de défendre un

2 Sarajevo assiégé? Est-ce que nous pouvons nous opposer avec les chars

3 d'assaut qui doivent sortir des casernes?" (fin de citation.)

4 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, avant que mon éminente

5 collègue ne commence à poser des questions au témoin, je vois que la

6 traduction que nous avons n'est pas tout à fait en conformité avec ce que

7 nous venons d'entendre dans les écouteurs. Et j'imagine que la partie la

8 plus importante, c'est qu'on a fait mention au fait… en fait, les noms

9 manquent au compte rendu d'audience,mais il s'agissait de quelqu'un qui

10 disposait d'une unité complète. Et, dans la traduction écrite que nous

11 avons, nous ne voyons qu'une mention de cela. Donc nous sommes un petit

12 peu préoccupés par ce point.

13 Interprète française: Je souligne que nous n'avons absolument pas de

14 texte.

15 M. le Président (interprétation): Les interprètes soulignent qu'ils n'ont

16 pas du tout d'exemplaire sous les yeux. Ce n'est peut-être pas si mauvais

17 que ça effectivement, parce que maintenant nous pouvons voir qu'il peut y

18 avoir certaines différences.

19 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, nous dire où vous trouvez les

20 écarts? Y a-t-il des différences quant à la traduction, de sorte que nous

21 puissions clarifier ce point?

22 M. Blaxill (interprétation): Simplement, donnez-moi quelques instants,

23 s'il vous plaît.

24 Au compte rendu d'audience, Monsieur le Président, à la ligne 20, à la

25 page 47 du compte rendu d'audience, vers le premier tiers de la partie,

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1 nous pouvons voir une référence particulière à quelqu'un qui était là avec

2 une unité complète. Je vois que, dans le document écrit que nous avons

3 sous les yeux, il n'y a pas mention de ce passage. Alors c'est la

4 traduction que j'ai reçue avant le début de la pause.

5 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Pilipovic, c'est au tout

6 début, à un tiers du début du texte. Il semble qu'il y a quelques

7 difficultés quant à la traduction. En fait, quelques écarts entre la

8 traduction écrite et la traduction orale que nous avons reçue.

9 Je vois que c'est écrit: "Mes soldats se trouvaient à Dobrinje", c'est la

10 deuxième ligne. Ensuite, nous pouvons lire quelques noms qui manquent,

11 suivis par "avec les unités d'intervention". Et ensuite, je crois que nous

12 avons trois noms, "Ramiz Salcin se trouvait à Svrakino selo".

13 Pourriez-vous, s'il vous plaît, donner lecture de la traduction en langue

14 anglaise que vous avez? Donc, la deuxième partie à la troisième ligne.

15 Et donnez-nous lecture de la première partie de la quatirème ligne.

16 Est-ce que vous lisez la langue anglaise, Maître Pilipovic? Ou peut-être

17 votre collègue pourrait peut-être vous venir en aide?

18 Il fait un signe négatif de la tête, et vous dites que oui. Donc j'imagine

19 que vous allez nous donner lecture de ce texte.

20 Pourriez-vous, s'il vous plaît, relire cette partie pour que nous

21 puissions avoir l'interprétation adéquate de ce passage où l'on fait

22 référence d'une unité complète? Il y avait quelqu'un qui disposait d'une

23 unité complète. Est-ce que c'est bien traduit, est-ce que c'est ce qui

24 figure à l'original? Nous pourrions peut-être demander aux interprètes de

25 jeter un coup d'oeil sur le texte original.

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1 Est-ce que les interprètes ont le texte original?

2 Interprète: Non, nous ne l'avons pas.

3 M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, pourriez-vous

4 donner aux interprètes le texte original. C'est vraiment nécessaire.

5 M. Piletta-Zanin: Je voulais proposer à la Cour que nous donnions

6 l'original aux interprètes pour qu'ils fassent une lecture totale de ce

7 texte, ce qui sera beaucoup plus simple.

8 M. le Président (interprétation): Bien. Est-ce que vous pourriez, s'il

9 vous plaît, vous assurer que les originaux existent toujours pour les

10 interprètes? Il faut toujours remettre les originaux avant d'en donner

11 lecture.

12 M. Piletta-Zanin: Mon collègue en prend-elle note également, Monsieur le

13 Président?

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

15 J'essaie d'identifier l'endroit, le passage exact et je crois l'avoir

16 fait. C'est la ligne qui est suivie par la phrase qui commence avec "Ramiz

17 à Brijesce", je crois. Nous l'aurons comme ça, nous aurons la traduction

18 faite par les interprètes en cabine et nous pourrons voir si nous sommes

19 d'accord sur l'interprétation.

20 Madame Pilipovic, c'est à vous.

21 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je vois "Ramiz

22 Salcin". Je vois que la phrase commence avec "Ramiz Salcin".

23 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement. Dans la traduction,

24 c'est la troisième ligne. Donc je vous demande de lire la phrase qui

25 précède la ligne qui commence avec "Ramiz Salcin", je crois que c'est la

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1 deuxième phrase du texte du compte rendu d'audience.

2 Mme Pilipovic (interprétation): "Sur Kosevsko Brdo, il y avait Djilda avec

3 son unité complète".

4 M. le Président (interprétation): Je crois que c'est ce que vous avez

5 traduit comme "unité complète". "Nous voyons qu'à Brijesce et Buljakov

6 Potolk qu'il y avait Smajo Sikalo avec l'unité d'intervention."

7 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que l'interprétation fournie par

8 les interprètes en cabine est la bonne?

9 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Bien. Donc c'est la traduction sur

11 laquelle nous allons nous appuyer. Vous pouvez poursuivre, Madame

12 Pilipovic.

13 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur Kupusovic, je vous ai donné

14 lecture d'un passage tiré de ce livre de la page 76. Vous nous avez parlé

15 de chars qui sortaient de la caserne, hier.

16 Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que ces unités et ces

17 hommes se sont opposés aux chars qui, comme ils disent, devaient sortir de

18 la caserne?

19 M. Kupusovic (interprétation): J'ai bien lu ceci attentivement, et j'ai

20 dit qu'à Dobrinje "il y avait mes soldats" -dit l'auteur de ce texte.

21 J'habitais à Dobrinje à l'époque, il n'y avait absolument aucune unité à

22 Dobrinje outre les unités de la JNA qui se trouvaient aux alentours de

23 Dobrinje, à l'aéroport et au château d'eau Mojmilo. Les chars sortaient

24 des baraques en février et mars et en avril 1992. Et c'était dans le cadre

25 d'exercices donnés par la JNA, et personne ne s'est opposé à eux.

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1 Quant aux autres unités, je ne le sais pas. Il faudrait demander à

2 l'auteur de ce livre.

3 Question: Vous nous avez dit que vous étiez témoin oculaire des événements

4 qui se sont déroulés le 2 mai 1992, lorsque, depuis les casernes Maréchal

5 Tito, sortaient des soldats à bord de chars. Vous nous avez dit qu'il y

6 avait des conflits à ce moment-là et que, lors de ces conflits-là, que les

7 hommes participaient. Est-ce que vous êtes d'accord avec nous pour dire

8 que c'étaient les hommes, avec ces unités-ci, qui se sont opposés aux

9 chars en question?

10 Réponse: Je sais qu'ils se sont opposés aux chars, que c'étaient les

11 spécialistes du MUP et les membres de la police de réserve, et peut-être,

12 ces hommes-ci, si vous voulez. Mais il y avait également d'autres hommes,

13 outre ceux qui appartenaient aux formations armées de Bosnie-Herzégovine;

14 c'est-à-dire à la police, car ils étaient dans la municipalité de la

15 ville. Et j'ai pu voir depuis les fenêtres. D'ailleurs, c'est eux qui

16 m'ont dit que les chars s'approchaient de la présidence qui se trouve

17 juste à côté. Et c'est là qu'il y a eu ce conflit.

18 En réalité, moi, je me trouvais dans la rue à ce moment-là et j'ai été

19 témoin oculaire du fait que les chars tiraient en direction de la

20 présidence de la municipalité de la ville, et qu'on répondait, on

21 répliquait aux tirs de chars. Mais simplement pour une petite précision,

22 les chars ne sont pas sortis des casernes Maréchal Tito mais de Lukavica.

23 Ils sont arrivés de l'autre côté de Miljacka.

24 Question: Est-ce que c'était une colonne avec des soldats?

25 Réponse: Oui. Il y avait des blindés transports de troupes et une colonne,

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1 je sais qu'il y avait peut-être de 10 à 15 véhicules en tout. Peut-être

2 plus.

3 Question: Savez-vous qui faisait partie de cette colonne, puisque vous

4 étiez témoin oculaire?

5 Réponse: C'étaient des véhicules de la JNA.

6 Question: Avez-vous connaissance ou savez-vous si votre Président faisait

7 partie de la colonne? Je parle de Alija Izetbegovic.

8 Réponse: Je ne me souviens pas si c'était ce même événement duquel vous

9 parlez, mais il y avait eu un événement lors duquel le Président

10 Izetbegovic faisait partie de la colonne. Il revenait des pourparlers, des

11 négociations de Lisbonne. Il avait été fait prisonnier, il avait passé la

12 nuit dans les casernes. Le lendemain, on a procédé au changement du

13 commandement de garnison de la JNA à Bistrik. C'est à ce moment-là qu'on a

14 transporté Izetbegovic vers la présidence.

15 Mais, si je me souviens, cet événement-là et l'événement dont je parle en

16 ce moment ne se sont pas déroulés le même jour. Donc cette colonne-là, qui

17 sortait avec le Général Kukanjac à la tête du commandement, et l'autre

18 événement qui provenait de Lukavica, en fait, c'est un événement. Alors

19 que l'autre événement, c'est l'événement où on a incendié les tramways et

20 où, dans la ville de Sarajevo, en date du 2 mai, la guerre a éclaté.

21 Question: Et à quel moment s'est déroulé cet autre événement, ce deuxième

22 événement lors duquel vous dites qu'il y avait des soldats dans la colonne

23 et que, parmi eux se trouvait Alija Izetbegovic? Est-ce que c'était

24 l'événement du 3 mai?

25 Réponse: Je ne me souviens pas de la date exacte.

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1 Question: L'événement du 2 mai, vous avez dit que des civils ont péri à ce

2 moment-là, qu'on tirait depuis le bâtiment de la présidence en direction

3 des chars et en direction de la caserne Maréchal Tito?

4 Réponse: Je n'ai pas dit que c'était en direction des casernes.

5 Question: Bien, en direction des chars. Mais à ce moment-là, est-ce que

6 les soldats qui se trouvaient dans la colonne ont été tués -puisque vous

7 étiez témoin oculaire, n'est-ce pas?

8 Réponse: Je n'ai pas été témoin oculaire de la bataille en question. Je me

9 trouvais à Marijin Dvor et cela se déroulait à Skenderija; c'est à peu

10 près à 100 mètres de distance. Mais on a également vu le tout à la

11 télévision. Il y avait des soldats qui ont été tués lors de l'événement et

12 certains de ces blindés ont été détruits, incendiés, alors que sur les

13 bâtiments on pouvait voir des traces causées par des obus qui ont été

14 tirés depuis ces chars probablement. Je n'en ai pas vu directement. Je

15 n'ai pas été témoin oculaire de cela précisément.

16 Question: Quelles sont les connaissances que vous avez de l'événement lors

17 duquel M. Alija Izetbegovic se trouvait dans la colonne? Est-ce qu'il y a

18 eu un incident?

19 Réponse: Eh bien, j'ai pu suivre les événements plutôt à la télévision.

20 Et, selon mon souvenir, il y a eu un incident qui s'est déroulé lorsque la

21 colonne, celle qui provenait du commandement à district, et l'autre qui

22 était sous le contrôle des Nations Unies avec Alija Izetbegovic se sont

23 donc opposées. Là, il y a eu un incident et, encore une fois, il y a eu

24 conflit armé. Mais je ne peux pas vous dire quelles sont les

25 circonstances. Je ne me peux pas vous parler des détails. J'ai vu

Page 719

1 l'événement à la télévision.

2 La situation était déjà très stressante et nous avions tous très peur, mes

3 concitoyens et moi-même, car nous avions compris que la guerre avait

4 vraiment commencé. C'était complètement incompréhensible, si vous voulez,

5 que la JNA change son Général et l'échange contre le Président de la

6 présidence qui avait passé la nuit emprisonné dans la caserne, la nuit

7 précédente, en compagnie de Zlatko Lagundzija qui, à l'époque,

8 représentait l'opposition au parti nationaliste régnant.

9 Question: Est-ce que vous savez si Alija Izetbebovic était arrivé de

10 Lisbonne, que personne ne l'a accueilli à l'aéroport? Et que l'armée, pour

11 pouvoir le protéger, l'a gardé une nuit dans la caserne à Lukavica?

12 Réponse: Il faudrait le lui demander. Il faudrait peut-être poser la

13 question aux soldats qui l'ont gardé à cet endroit, car l'interprétation

14 de l'événement dans les médias était bien différente. Donc je n'ai pas de

15 connaissance directe ou personnelle de l'événement.

16 Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'au cours

17 du conflit de Sarajevo, dans les médias, on pouvait entendre et lire

18 toutes sortes de renseignements différents; c'est-à-dire on représentait

19 les choses de façon bien différente?

20 Réponse: Oui, il y avait de la désinformation si vous voulez. Il y avait

21 également de la désinformation disant que le fils de Karadzic s'était

22 joint à l'armée de la Bosnie-Herzégovine et ensuite, nous l'avions cru

23 pendant deux jours. Par la suite, nous avions bien compris qu'il s'agisait

24 d'une propagande de guerre par les médias de Bosnie. Et puis, de toute

25 façon, les médias de Pale, de Belgrade et d'autres stations télévisées

Page 720

1 disaient des choses bien différentes.

2 Et on disait à l'époque, il y avait un dicton que: "Au cours de la guerre,

3 les premières victimes, c'est la vérité". C'est ce qu'on disait aux

4 médias. Donc ce que nous pouvions voir avec nos yeux et ce que nous

5 pouvions entendre avec nos oreilles était différent de ce que nous

6 pouvions entendre et voir aux médias. Et je ne peux témoigner de ce que

7 j'ai vu personnellement et entendu personnellement, alors que ce qui a été

8 diffusé dans les médiats c'est leur affaire.

9 Question: Etant donné que vous nous avez dit que vous aviez participé dans

10 la présidence de guerre, que vous avez participé à leurs travaux,

11 pourriez-vous nous dire si, au niveau de la République, la Défense

12 territoriale avait donné l'ordre d'attaquer toutes les casernes et de

13 piller tous les biens militaires, d'en faire un butin militaire?

14 Réponse: Au niveau de la République, les décisions ont été prises par la

15 présidence de la Bosnie-Herzégovine. Alors que s'agissant d'une telle

16 décision, je l'entends ici pour la première fois.

17 Question: Vous nous avez dit que vous aviez suivi les médias. Pouvez-vous

18 nous dire si, par le biais des médias ou directement, il vous a été donné

19 de savoir qu'en avril 1992 il avait été procédé à une attaque au mortier

20 contre la caserne du Maréchal Tito, et que toutes les casernes de la ville

21 avaient été attaquées à l'époque?

22 Réponse: Ce que je sais, moi-même, c'est qu'il n'y a pas eu d'attaque de

23 ce genre. Ce que les gens ont pu écrire, ça je ne le sais pas. Mais

24 s'agissant de tensions qui s'étaient manifestées après le référendum, il

25 se peut qu'il y ai eu de tels conflits. Et cela je ne le nie pas.

Page 721

1 Question: Savez-vous qu'au niveau des casernes de la JNA à l'époque, et

2 quand je dis "période", "cette période-là", j'entends la période allant

3 jusqu'au 19 mai 1992, époque à laquelle l'armée, la JNA a quitté Sarajevo.

4 Donc sauriez-vous nous dire si, jusque-là, on avait supprimé

5 l'approvisionnement des casernes en eau et électricité?

6 Réponse: Non. Pour autant que je le sache, cela n'a pas été le cas. Cette

7 présidence de la ville n'est entrée en scène que par la suite. Et à la

8 différence des interprétations faites par les médias de Croatie, cela

9 n'est pas arrivé en Bosnie-Herzégovine, car la JNA jusqu'à ces événements-

10 là avait été considérée comme étant notre armée, à nous.

11 Question: Jusqu'à quand cette armée avait-elle été considérée comme étant

12 la vôtre?

13 Réponse: Jusqu'au 2 mai 1992, à mon avis. Armée qui était censée

14 sauvegarder la paix, et non pas armée où les soldats et tous les officiers

15 ne seraient que Serbes.

16 Question: Vous nous avez dit que la JNA, depuis mars, avait déjà pris

17 position sur le Mojmilo Brdo, un site où se trouvait le château d'eau.

18 Est-ce exact?

19 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit. Et pour autant que je m'en souvienne,

20 cela a précédé les événements du 2 mai.

21 Mme Pilipovic (interprétation): Et avez-vous su quelle brigade avait fait

22 cela?

23 M. Kupusovic (interprétation): Je ne sais pas quelle brigade c'était, mais

24 les médias avaient rapporté qu'il s'agissait d'une unité originaire de

25 Lukavice.

Page 722

1 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, quand j'ai interrompu

2 le témoin, là, je dois m'excuser. Je voudrais que nous procédions à une

3 pause bientôt. Donc dès que vous aurez terminé avec cette question, et

4 peut-être la suivante, à vous de juger quand le moment sera bon pour faire

5 la pause.

6 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

7 Saviez-vous que la brigade qui s'était trouvée à Mojmilo, était commandée

8 par Enver Hadzihasanovic, qu'il avait été le commandant de cette brigade-

9 là?

10 M. Kupusovic (interprétation): Je l'ai appris par la suite dans les

11 médias. Mais, à l'époque, lui avait été officier de la JNA. Et c'est en

12 cette qualité-là qu'il avait reçu l'ordre de le faire. Et c'est ce qu'il a

13 effectivement fait. Il a pris les côtes plus élevées, c'est-à-dire les

14 hauteurs de la ville, y compris le château de Mojmilo Brdo.

15 Question: Mais seriez vous d'accord avec moi pour dire qu'à l'époque, on

16 avait gardé ce château d'eau pour que les citoyens puissent avoir de

17 l'eau? Et cela a été fait par les soins de la JNA?

18 Réponse: Le château d'eau avait été gardé par le personnel chargé de

19 l'approvisionnement en eau, et il n'était point nécessaire de faire venir

20 l'armée. La population, qui vivait à proximité, avait eu peur, s'était

21 demandé pourquoi ces canons, l'armée, et tout le reste pour protéger cet

22 endroit-là. Si une protection était nécessaire, une protection policière

23 aurait suffi.

24 Mme Pilipovic (interprétation): Sauriez-vous nous dire ce qui se trouvait

25 de l'autre côté de Mojmilo Brdo?

Page 723

1 Vous avez dit qu'une partie de cette colline de Mojmilo se trouvait du

2 côté de Dobrinje. Et de l'autre côté, que se trouvait-il?

3 M. Kupusovic (interprétation): De l'autre côté, voyez-vous, il y avait un

4 pont. Et, plus loin, vers Trebevic, il y avait cette caserne de Lukavica

5 qui se trouvait à trois ou quatre kilomètres à peu près de la colline en

6 question.

7 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, est-ce que le moment

8 vous convient pour faire une pause?

9 Avant toutefois de procéder à la pause, je voudrais vous rappeler -et nous

10 avons perdu un peu de temps en raison de ces problèmes de traduction-,

11 pour autant que je le sache, le 29 novembre, le co-conseil a été informé

12 de la procédure. Et comme je crois savoir qu'il veut éviter des pertes de

13 temps tout autant que je le souhaite, je fais appel aux deux parties pour

14 que, à chaque fois, les originaux soient remis avant le début de

15 l'audience, de remettre les textes originaux tant aux parties qu'aux

16 interprètes qui se trouvent dans les cabines.

17 Je voudrais maintenant que nous fassions une pause jusqu'à 17 heures 45.

18 (L'audience, suspendue à 17 heures 21, est reprise à 17 heures 48.)

19 M. le Président (interprétation): Eh bien, je crois que tout le monde est

20 là sauf le témoin. Je voudrais vous faire part d'une remarque.

21 Comme je l'ai déjà dit qu'après l'interrogatoire de M. Kupusovic, nous

22 tenions une petite conférence de mise en état, car il y a encore certaines

23 questions à traiter.

24 Aux fins de ne pas perdre trop de temps, nous allons finir aujourd'hui

25 cinq minutes avant pour une petite session à huis clos, afin que je

Page 724

1 m'assure que toutes les parties disposent de tout ce qui est nécessaire

2 pour la conférence de mise en état, de tous les documents, et du fait de

3 savoir de quoi nous allons parler, pour ne pas perdre de temps à cette

4 conférence de mise en état. Donc les dernières cinq minutes seront

5 réservées à la session à huis clos.

6 Monsieur l'huissier, pouvez-vous faire entrer le témoin?

7 (Le témoin, M. Tarik Kupusovic, est introduit dans le prétoire.)

8 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais que nous

9 clarifiions la chose. Est-ce que vous proposez que nous tenions la

10 conférence de mise en état ce soir?

11 M. le Président (interprétation): Nous allons avoir une pré-conférence de

12 mise en état pour éviter que demain l'on vienne nous dire que telle partie

13 n'a pas ce document ou tel autre, et donc savoir exactement quoi nous

14 allons parler demain.

15 Nous n'allons pas parler de requête ou de mémoire quelconque aujourd'hui,

16 mais nous allons préparer la session de demain pour gagner du temps, ou

17 plutôt ne pas perdre de temps demain.

18 Madame Pilipovic, à vous.

19 Mme Pilipovic (interprétation): Avant de poursuivre son contre-

20 interrogatoire, la défense souhaiterait que la page 76 du livre "La

21 bataille pour Sarajevo", dont nous avons donné lecture tout à l'heure, eh

22 bien, le témoin a confirmé qu'il connaissait le nom de M. Salcin. Il a dit

23 également qu'il avait identifié le texte en question.

24 Nous voudrions donc que cette page-là, de cet extrait de livre, soit

25 versée au dossier et qu'il lui soit attribué la cote D1. Il s'agit de la

Page 725

1 page 76 du livre en question.

2 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, le Bureau du Procureur

3 a une objection à formuler. Partant des pièces à conviction, il est un

4 fait que le témoin reconnaisse certains noms et qu'il ait vu lui-même

5 certaines colonnes de chars, mais rien de ce qu'il a dit ne nous indique

6 qu'il y avait eu quelques relations que ce soit entre ce qu'il savait et

7 la teneur de ce texte-ci.

8 Aussi, le Procureur tient-il à faire objection au versement au dossier de

9 cet extrait-là, et que cela soit pris en considération par la Chambre.

10 M. le Président (interprétation): Comme vous l'avez remarqué Monsieur

11 Blaxill, mon attention avait été attirée par ce que faisait l'huissier.

12 Mais si vous me donnez quelques instants pour la lecture du compte rendu

13 d'audience, je vous répondrai dans une demi-minute.

14 (Les Juges se consultent sur le siège.)

15 Après avoir consulté mes collègues, je voudrais convier la défense à nous

16 expliquer la pertinence du document, compte tenu de la réponse apportée

17 aux questions.

18 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, le témoin a

19 confirmé qu'il connaissait M. Kerim Luncarevic, qu'il avait été député

20 avec lui, qu'il sait que celui-ci avait été commandant d'unité. Et en

21 vérifiant la crédibilité du témoin ici présent, la défense souhaite

22 remettre en question les dires du témoin qui a répondu hier et aujourd'hui

23 aux questions du Bureau du Procureur et qui, se faisant, a parlé de tous

24 les détails et des connaissances qu'il avait concernant les événements à

25 Sarajevo.

Page 726

1 Aussi la défense estime-t-elle que le témoin avait connaissance de ce

2 qu'il se passait compte tenu de son rôle dans la présidence de guerre,

3 connaissance de ce qu'il se passait à Sarajevo, et connaissance concernant

4 les comportements des unités paramilitaires à Sarajevo. Aussi, la défense

5 estime-t-elle que la pièce à conviction en question est un élément de

6 preuve pertinent, aux yeux de la défense.

7 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, si je puis présenter,

8 interjeter plutôt une ou deux remarques.

9 Pour autant que je sache, suivant ou d'après ce que M. Kupusovic a dit, je

10 crois que mon honorable confrère doit savoir que M. Loncarevic est

11 l'auteur de ce texte, et je ne me souviens pas que le témoin ait dit se

12 souvenir que cet homme-là avait été commandant ou chef d'une unité

13 militaire ou paramilitaire. Je crois, en fait, que M. Kupusovic avait

14 laissé entendre que la présidence dont il faisait partie était une

15 présidence de la ville, une instance civile, et que c'est au niveau de

16 l'Etat que la présidence avait traité des questions militaires. Aussi,

17 voudrais-je contester l'idée ou l'idée qu'on se fait, que le fait de son

18 appartenance à cette présidence avait sous-entendu qu'il était au courant

19 des affaires militaires. Il n'avait traité que des affaires civiles.

20 M. le Président (interprétation): Je comprends ce que vous voulez dire et,

21 pour autant que je l'ai compris, la défense utilise ce texte pour

22 démontrer que le témoin avait présenté ou fourni beaucoup plus de détails

23 en répondant aux questions qui lui ont été posées hier, et qu'il fournit

24 beaucoup moins de détails pour ce qui est des questions posées

25 aujourd'hui.

Page 727

1 Sans pour autant nous aventurer dans les détails de chaque ligne ou de

2 chaque phrase prononcée par Mme Pilipovic, s'agissant donc de la

3 pertinence ou de la vérité de certains de ces dires, la Chambre va

4 accepter ce document en sa qualité de pièce à conviction. Mais cela ne

5 parle pas de la valeur probante de ce document pour ce qui est des

6 décisions à venir.

7 Donc, Madame Pilipovic, je voudrais vous demander de poursuivre. Et nous

8 rejetons l'objection qui a été interjetée tout à l'heure.

9 Madame Pilipovic, à vous.

10 Mme Pilipovic (interprétation): Vous nous avez dit que vous étiez membre

11 de cette présidence de guerre. Voulez-vous bien nous dire quelles ont été

12 vos tâches au sein de cette présidence de guerre?

13 M. Kupusovic (interprétation): J'avais été membre de la présidence de

14 l'assemblée municipale en temps de guerre. C'est dans ce sens-là que j'ai

15 accepté que cela soit appelé "présidence de guerre", mais à aucun point de

16 vue, cette présidence-là n'avait été une présidence de guerre. Exception

17 faite du maire et de son adjoint qui présidaient les sessions de la

18 présidence, les autres membres n'avaient pas d'attributions particulières.

19 Sauf pour ce qui me concerne, du point de vue de ma profession, moi qui

20 avais pris part à la solution des questions relatives à

21 l'approvisionnement en eau potable de la ville.

22 Question: Quelle avait été la situation au niveau de l'approvisionnement

23 en eau potable de la ville en mars, avril et mai? Est-ce qu'il y a eu des

24 pénuries ou des coupures?

25 Réponse: L'approvisionnement était régulier.

Page 728

1 Question: Vous nous avez dit qu'en avril et mai il y avait eu des

2 incidents, des conflits qui ont atteint leur summum le 2 mai.

3 Est-ce que, à ce moment-là, il y a eu des déplacements de la population,

4 et ce, de la façon suivante: les Serbes, de la partie de la ville où la

5 population était majoritairement musulmane, se déplaçaient vers les

6 parties où la population serbe était majoritaire; et là où la population

7 serbe était majoritaire, la population musulmane s'en allait vers des

8 parties où les Musulmans étaient majoritaires?

9 Réponse: Il n'y a pas eu de déplacement de la population à l'intérieur des

10 quartiers de la ville. Mais, dès le mois de mars et avril, il y a eu déjà

11 des réfugiés musulmans provenant ou originaires de villages environnants,

12 des villages autour de Sarajevo qui avaient pensé qu'ils seraient plus en

13 sécurité à Sarajevo même, et qui avaient pensé que, dans ces villages-là,

14 ils n'étaient plus en sécurité.

15 Question: Mais savez-vous si les Serbes avaient quitté la partie urbaine

16 de la ville et avaient été sortis de Sarajevo?

17 Réponse: J'ai déjà dit que plusieurs milliers de citoyens de Sarajevo, une

18 fois qu'il y a eu interruption des communications ferroviaires, aériennes

19 et autres, avaient quitté la ville. Mais tous les citoyens sortaient,

20 quittaient la ville, quelle que soit leur appartenance ethnique.

21 Et il y a probablement plus eu de Serbes, pour ce qui est des

22 pourcentages, qui avaient quitté la ville, parce que c'était des familles

23 d'officiers serbes qui s'en allaient notamment. Mais je crois que ce type

24 de renseignement, personne ne saurait vous les fournir avec exactitude.

25 Question: Mais savez-vous qu'il y a eu une ligne de démarcation d'établie

Page 729

1 entre la partie serbe et la partie musulmane ou bosnienne de la ville?

2 Réponse: Il n'y a pas eu de partie bosnienne ou de partie serbe de la

3 ville, et aucune ligne de démarcation n'a été mise en place.

4 Question: Savez-vous qu'il y a eu une ligne de démarcation de placée par

5 rapport à la cité de Grbavica, qui avait été un quartier à population

6 serbe majoritaire?

7 Réponse: Grbavica n'avait pas été un quartier où la population serbe était

8 en majorité, mais il y a eu effectivement pas mal d'officiers serbes de la

9 JNA qui habitaient à Grbavica. Et ce n'est qu'après le déménagement de la

10 caserne que cette ligne de démarcation a été mise en place comme étant une

11 ligne délimitant la partie serbe de la ville. Comme je vous l'ai déjà dit,

12 cela représentait quelque 5% de la totalité de la ville.

13 Question: Est-ce qu'il y a eu une organisation de la part des Croates, une

14 intervention ou des activité déployées par le HVO?

15 Réponse: Le HDZ s'est organisé à Sarajevo. Mais pour ce qui est du HVO, je

16 crois que ce n'est qu'au mois de mai ou juin 1992 que celui-ci avait fait

17 son apparition. Et le HOS a également fait son apparition en tant

18 qu'organisation où il y avait une majorité de Croates.

19 Question: Dans quelle partie de la ville se trouvaient être concentrés les

20 Croates, en majorité?

21 Réponse: Ils n'étaient pas concentrés à quelque endroit que ce soit de

22 façon particulière, sauf si l'on excepte le village de Stup qui, après la

23 Deuxième Guerre mondiale, était devenu partie intégrante de la ville. Là,

24 il y avait quelques milliers de Croates qui étaient majoritaires sur le

25 plan local, mais sur un plan plus vaste la population était mélangée.

Page 730

1 Question: Est-ce que, à Sarajevo, il y a eu des conflits entre les Croates

2 et les Musulmans?

3 Réponse: Non.

4 Question: D'après ce que vous en savez, seriez-vous d'accord avec moi pour

5 dire que Sarajevo avait été divisée en partie de la ville où la majorité

6 était serbe: une partie musulmane et une partie croate?

7 Réponse: Non. En aucun cas. Seulement Grbavica après que la JNA ait pris

8 le contrôle, ou plutôt l'armée de la Republika Srpska ait pris le contrôle

9 de cette partie-là. cette partie-là de la ville est devenue

10 majoritairement serbe, parce que les Musulmans et les Croates qui vivaient

11 là avaient été chassés. Ils ont dû quitter leur appartement sans emporter

12 rien du tout, ils ont dû passer vers les autres quartiers de la ville ou

13 alors se diriger vers les… traverser des territoires sous le contrôle de

14 l'armée de la Republika Srpska pour regagner d'autres pays, des pays

15 tiers.

16 Question: Mais Ilidza, Vogosca, Trnovo, ces municipalités-là sont des

17 municipalités qui se trouvent aux alentours de la zone urbaine de la ville

18 de Sarajevo. Ces municipalités-là se trouvaient sous le contrôle de qui,

19 selon vous?

20 Réponse: La municipalité de Trnovo, pour autant que je m'en souvienne, est

21 passée à plusieurs reprises du contrôle de la Republika Srpska sous le

22 contrôle de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, et vice-versa. Alors Ilidza

23 et Vogosca sont des municipalités ou des cités qui, de tous temps, ont été

24 sous le contrôle de l'armée de la Republika Srpska. Mais certaines parties

25 des territoires de ces municipalités-là avaient également été sous le

Page 731

1 contrôle de l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

2 Question: Et la municipalité de Pale?

3 Réponse: La municipalité de Pale avait été tout le temps sous le contrôle

4 de la Republika Srpska, la majeure partie de cette municipalité; une

5 partie vers la Drina avait été sous le contrôle de la Bosnie-Herzégovine.

6 Question: Et le centre de Novo Sarajevo et Stari Grad?

7 Réponse: Eh bien, la situation avait été analogue. La partie urbaine de la

8 ville dans ces municipalités-là avait été assiégée et les parties de ces

9 municipalités vers les montagnes, qui étaient moins peuplées ou qui

10 faisaient partie des banlieues de la ville, avaient été sous le contrôle

11 de l'armée de la Republika Srpska.

12 Question: Quand vous parlez de montagnes, veuillez nous dire quelles sont

13 les montagnes qui entourent la ville de Sarajevo?

14 Réponse: Trebevic, Ozren, Jahorina, Romanija. Ensuite, de l'autre côté:

15 Bukovik, Treposko et les pentes de Bukovik vers Vogosca.

16 Question: Et Igman?

17 Réponse: Et Igman évidemment.

18 Question: Quelles sont les collines qui dominent Sarajevo? Vous avez déjà

19 parlé de la colline de Mojmilo, Brdo Mojmilo. Seriez-vous d'accord avec

20 moi pour dire Debelo Brdo, Colina Kapa, Zuc, Hum?

21 Réponse: Oui, ce sont les collines qui prédominent. Et il y a aussi

22 Spicasta Stijena, "le pic aigu".

23 Question: Et qui avait exercé le contrôle sur ces collines-là pendant le

24 conflit de Sarajevo?

25 Réponse: Ces collines-là avaient été placées sous le contrôle de la JNA,

Page 732

1 ou plus tard sous le contrôle de l'armée de la Republika Srpska, exception

2 faite de la colline de Zuc qui, au cours des combats entre les unités de

3 l'armée de la Bosnie-Herzégovine et l'armée de la VRS, avait été reprise

4 par les unités chargées de la défense de la ville.

5 Question: La colline de Hum?

6 Réponse: La colline de Hum se trouve pratiquement en ville, et c'est sur

7 cette colline-là que se trouvait la tour de télévision qui avait été

8 ciblée par les avions de la JNA. On avait tiré des missiles dessus. Et,

9 sans sa qualité de colline faisant partie de la ville, cette colline-là a

10 fait partie du siège de la ville de Sarajevo.

11 Question: Quelle armé se trouvait là?

12 Réponse: Il y avait là le centre de télévision, par la suite il n'y avait

13 pas d'armée. Et ensuite sont venues les unités des Nations Unies. Et

14 autour de la colline, c'est-à-dire dans les cités autour de cette colline,

15 se trouvaient des unités de l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

16 Question: Et pour ce qui est de Colina Kapa, la petite et la grande, sous

17 quel contrôle cela se trouvait-il? Quelles parties de Sarajevo sont

18 visibles partant de ces collines?

19 Réponse: La grande et la petite Colina Kapa sont une partie de Trebevic.

20 Je ne connais pas les détails, mais cela se trouvait vers les zones de

21 démarcation. Je ne connais pas les détails, mais cela se trouvait vers les

22 zones de démarcation. Je crois que la grande Colina Kapa avait toujours

23 été sous le contrôle de la VRS et que l'autre, qui est plus petite, la

24 plus petite des Colina Kapa était pratiquement le no man's land qui se

25 trouvait… parce que, entre les deux, se trouvaient déjà des maisons. E'est

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1 là, à ce niveau-là, que se trouvaient les lignes de la défense de Sarajevo

2 et, au-dessus, il y avait un début de forêt et le début des pentes de

3 Trebevic. c'est là que se trouvaient l'artillerie et les tireurs isolés de

4 l'armée de la VRS.

5 Question: Vous venez de mentionner les tireurs isolés de l'armée de la

6 Republika Srpska. Est-ce que vous savez que des unités de l'armée de la

7 Bosnie-Herzégovine et, par la suite, des unités de la Republika Srpska

8 avaient des tireurs isolés?

9 Réponse: Pour ce qui est des débuts, je ne peux rien vous dire.

10 Puis, par la suite, lors de l'évolution, le développement des armées, il y

11 a eu dans les médias des informations de ce type. Mais directement, je ne

12 saurais rien vous dire à ce sujet.

13 Question: Pendant que vous assumiez vos fonctions au sein de cette

14 présidence de guerre, vous avez eu des contacts avec la Défense

15 territoriale de la ville. Vous preniez soin donc -comme vous nous l'avez

16 dit-, de l'approvisionnement en eau.

17 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, je n'aime pas

18 interrompre, et je m'excuse de le faire, mais j'ai une objection à

19 formuler pour ce qui est de l'utilisation faite de ces termes de

20 "présidence de guerre". Je crois que cela prête à confusion avec la

21 présidence de guerre au niveau de l'Etat. Je crois qu'il a dit qu'il

22 n'avait rien à voir avec les questions militaires.

23 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, je voudrais vous

24 demander de reformuler votre question afin d'éviter toute confusion.

25 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, le témoin a été

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1 d'accord pour dire qu'après que la mobilisation générale avait été

2 déclarée, au niveau de la ville, une présidence de guerre avait été mise

3 en place. La défense et le témoin se sont mis d'accord là-dessus. Je ne

4 pose pas de questions militaires, je suis en train de poser des questions

5 sur le fonctionnement de la Défense territoriale de la ville de Sarajevo.

6 (Les interprètes demandent de parler un peu plus lentement.)

7 M. le Président (interprétation): Quand vous parlez de la présidence de

8 guerre, vous sous-entendez la présidence qui fonctionnait en temps de

9 guerre? Est-ce bien la signification que vous vouliez lui attribuer? Est-

10 ce que le Bureau du Procureur accepte donc cette interprétation-là pour

11 éviter tout malentendu par la suite?

12 Merci.

13 Mme Pilipovic (interprétation): Mon collègue vient de me signaler que les

14 noms de montagnes n'ont pas été portés au compte rendu d'audience.

15 M. le Président (interprétation): Je vais vous l'expliquer. Pour ce qui

16 est des noms, des fois il arrive que cela prenne plus de temps. Dans la

17 soirée ou cette nuit, il se peut que les noms soient portés ou rectifiés.

18 Donc le compte rendu d'audience est vérifié par la suite pour être en

19 ordre le lendemain.

20 Veuillez continuer, je vous prie.

21 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Sauriez-vous nous dire si, sur le territoire de la municipalité de la

23 ville de Sarajevo, il y avait une ville dont le nom était "Zrak"?

24 M. Kupusovic (interprétation): Oui.

25 Question: Dans quelle partie de la ville?

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1 Réponse: C'est la partie de la ville qui se trouve sous la colline de

2 Mojmilo.

3 Question: Pendant les conflits à Sarajevo, qui est-ce qui contrôlait cette

4 partie de Sarajevo où se trouvait l'usine "Zrak"?

5 Réponse: Eh bien, cela se trouvait en fait en ville et, de tous temps,

6 cela avait été inaccessible aux personnes qui encerclaient la ville. Donc

7 cette entreprise, cette usine se trouvait en ville même.

8 Question: Mais savez-vous nous dire si cette usine avait fabriqué des

9 armes?

10 Réponse: Je sais qu'avant la guerre elle avait fabriqué des instruments

11 optiques pour les besoins de l'armée populaire yougoslave.

12 Question: Et pendant la guerre, est-ce qu'elle avait continué à fabriquer

13 des lunettes de tir?

14 Réponse: Je ne sais pas, je crois qu'elle n'avait pas travaillé, qu'elle

15 n'avait pas tourné pendant la guerre, car elle n'avait pas de quoi assurer

16 sa production.

17 Question: Est-ce que vous connaissez le nom de Stjepan Shiber? Est-ce que

18 ce nom vous dit quelque chose, là? Avez-vous eu à faire à cette personne-

19 là pendant la guerre?

20 Réponse: Je connais ce nom, c'est une personne que j'ai rencontrée à

21 plusieurs reprises et qui faisait partie de la commission conjointe qui se

22 rendait à l'aéroport pour des négociations avec l'autre partie.

23 Mme Pilipovic (interprétation): Je vais maintenant vous faire passer un

24 livre qui a été écrit par Shiber et qui s'intitule "Fausses impressions et

25 vérités". En fait, c'est un journal de guerre qui a été tenu par Stjepan

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1 Shiber et qui a été publié en 1992.

2 M. le Président (interprétation): Nous allons simplement nous assurer que

3 les interprètes disposent bien d'un exemplaire de ce texte. Je suppose

4 qu'un exemplaire va également être remis aux Juges.

5 Mme Pilipovic (interprétation): Bien sûr, Monsieur le Président.

6 Mme Philpott (interprétation): Le document précédent sera la pièce de la

7 défense D1, et la version (inaudible) du document sera le document D1.1.

8 (Précision de l'interprète: Le titre de l'ouvrage est "Supercheries,

9 méprises et vérités".)

10 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, avec votre

11 permission, je vais faire lecture de deux lignes de ce journal de guerre.

12 Nous allons parler du 16 mai 92.

13 M. le Président (interprétation): Attendez quelques instants, Maître,

14 parce que les Juges n'ont pas encore un exemplaire entre les mains, les

15 parties non plus. Si nous n'avons pas les documents, nous ne pouvons pas

16 bien vous suivre.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 M. le Président (interprétation): Continuez, je vous prie.

19 Mme Pilipovic (interprétation): Merci.

20 "Le 16 mai, à la direction collégiale des commandants, nous avons conclu

21 que 540 unités de fusils à lunette provenant de l'usine Zrak ont été

22 distribués de façon équitable aux unités se trouvant affectées à la

23 défense de la ville".

24 Monsieur le Témoin, puis-je vous poser une question maintenant?

25 Merci. Excusez-moi de vous avoir...

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1 Avez-vous quelque connaissance au sujet du fait selon lequel 540 pièces ou

2 540 fusils à lunette avaient été distribués de façon équitable aux unités

3 faisant partie de la défense de la ville?

4 M. Kupusovic (interprétation): Je n'ai aucune connaissance à ce sujet.

5 Question: Merci.

6 Bien. Vous nous avez déclaré… pardon, je me reprends: pouvez-vous nous

7 dire combien de casernes de la JNA se trouvaient auparavant à Sarajevo?

8 Réponse: Il y avait un certain nombre de casernes, 10, 15 peut-être, si

9 l'on compte les casernes de plus petite taille. Il y avait également des

10 entrepôts de la JNA. Donc, si on compte ce type d'installation, je dirai

11 qu'il y en avait entre 15 et 20 en ville.

12 Question: Pouvez-vous nous dire où ces installations se trouvaient? Et

13 est-ce que vous pouvez nous dire combien de soldats se trouvaient dans

14 chacune de ces casernes?

15 Réponse: Je n'ai aucune idée du nombre, mais la plus grande était la

16 caserne du Maréchal Tito. Ensuite, il y avait le commandement de la JNA de

17 la ville; il y avait également la caserne de Batnik; il y avait également

18 une caserne à Nedzarici; et il y avait d'autres casernes en d'autres

19 lieux, je ne pourrais pas vous les situer précisément.

20 Question: Est-ce que vous savez ce qui se trouvait à Rajlovac?

21 Réponse: Il y avait un terrain d'aviation qui était réservé à des

22 amateurs, mais il y avait également une partie de l'aéroport qui était

23 réservée à des fins militaires avant la guerre.

24 Question: Est-ce que vous savez qu'avant la guerre ces casernes étaient

25 utilisées par les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

Page 738

1 Réponse: A quelle caserne faites-vous référence? Je ne comprends pas.

2 La JNA a quitté la caserne du Maréchal Tito. Ensuite, les forces de police

3 spéciale et l'unité de déminage a investi les lieux. Donc cela a été

4 partiellement utilisé par l'armée de Bosnie-Herzégovine et par les forces

5 des Nations Unies. Tout le reste était placé sous le contrôle de l'armée

6 de la Republika Srpska, notamment Rajlovac.

7 Lorsque la JNA a évacué la caserne, ainsi que cela a été fait donc dans la

8 caserne du Maréchal Tito, eh bien, la JNA a pilonné ces sites depuis les

9 positions qu'elle occupait aux alentours de la ville. Donc, ces bâtiments

10 ont été réduits en ruines. Enfin, il s'agissait en tout cas de sites très

11 endommagés. Ils ont, par la suite, été utilisés dans cet état par l'armée

12 de Bosnie-Herzgovine.

13 Question: Pouvez-vous nous dire où se trouvait le commandement suprême de

14 l'armée de Bosnie-Herzégovine?

15 Réponse: Je sais qu'à l'époque le commandement avait pris ses quartiers

16 dans le bâtiment de l'entreprise Vranica.

17 Question: L'entreprise Vranica était une entreprise civile, n'est-ce pas?

18 Enfin, c'était un immeuble utilisé à des fins civiles?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Est-ce que cela signifie que le commandement suprême de l'armée

21 de Bosnie-Herzégovine a pris ses quartiers dans un bâtiment civil?

22 Réponse: Eh bien, c'était en fait le bâtiment de l'administration d'une

23 grande entreprise d'ingénierie civile. Pour autant que je le sache, le

24 commandement suprême de l'armée a investi les lieux en automne 1992 parce

25 que l'immeuble était vide, l'entreprise n'occupait plus les locaux;

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1 personne ne se trouvait dans cet immeuble. C'est donc devenue une

2 installation militaire à partir de ce moment-là.

3 Question: Pouvez-vous nous dire où se trouvait le quartier général et

4 l'état-major du 1er Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

5 Réponse: L'état-major du 1er Corps a été constitué un petit peu plus tard.

6 Pendant un temps, il a occupé le quartier général de la Défense

7 territoriale à Ciglane, dans ce quartier de la ville où se trouvait, avant

8 la guerre, la Défense territoriale. Et puis, vers la fin de la guerre, eh

9 bien, le 1er Corps s'est déplacé et il a investi les locaux de

10 l'entreprise Zrak.

11 Question: Est-ce que vous savez si les membres des forces paramilitaires

12 musulmanes et si, par la suite, les membres de l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine ont utilisé des bâtiments et des installations civiles à leurs

14 propres fins?

15 Réponse: Non, je n'ai pas connaissance du fait que des forces

16 paramilitaires musulmanes aient agi ainsi, et je ne peux pas non plus vous

17 dire quel a été l'usage qui a été fait d'installations civiles à des fins

18 militaires.

19 Question: Savez-vous quel quartier de la ville, quel bâtiment de la ville

20 était utilisé par les états-majors des brigades? Je pense notamment aux

21 différents corps constitutifs de l'armée; je vous rappelle qu'il y avait

22 plus de 10 corps de ce type.

23 Réponse: Eh bien, un certain nombre d'états-majors ont effectivement pris

24 leur quartier à Sarajevo pendant la guerre. Ils se sont déplacés. Nous, en

25 tant que présidence civile de la ville, nous n'avions pas connaissance de

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1 tout cela, et nous ne savions pas où se trouvaient les états-majors et les

2 commandements des brigades individuelles et du 1er Corps. Et puis, je le

3 répète, ces différentes entités se sont déplacées au fil de la guerre; il

4 était difficile de savoir exactement où elles avaient pris leur quartier.

5 Question: Saviez-vous combien de soldats constituaient le 1er Corps de

6 l'armée de Bosnie-Herzégovine?

7 Réponse: Je crois qu'on parlait de 40.000 soldats vers la fin de la

8 guerre. Mais il faut bien avoir à l'esprit que deux tiers de ces hommes se

9 trouvaient à l'extérieur de la ligne d'encerclememnt de Sarajevo, et il y

10 avait environ 10 à 15.000 hommes en ville. Mais il s'agit là de chiffres

11 qui ont été avancés par les médias, je ne peux pas ajouter d'éléments

12 d'information personnelle sur ce point.

13 Question: Vous avez déclaré que la police se trouvait à Sarajevo?

14 Réponse: Oui, la police utilisait les bâtiments réservés à la police, donc

15 les postes de police qui étaient sur pied avant la guerre. Et puis, la

16 police s'est également installée dans les maisons qui se trouvaient sur

17 les premières lignes de front. Cela je le sais, parce que, indépendamment

18 du fait que la présidence de la ville n'était pas compétente vis-à-vis de

19 la police, nous avions tout de même un système de coopération, parce que

20 nous voulions assurer le respect de l'ordre et de la loi dans la ville.

21 Nous voulions combattre la criminalité et le marché noir. La police nous

22 aidait à mener certaines enquêtes, donc nous étions fréquemment en contact

23 avec la police.

24 Question: Est-ce que vous savez ce que portaient les soldats de l'armée de

25 Bosnie-Herzgovine? Que portaient-ils? Je parle des soldats qui se

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1 trouvaient à Sarajevo. Est-ce qu'ils étaient tous en uniforme?

2 Réponse: Non, au début, ils n'avaient aucun uniforme. Ensuite, un uniforme

3 a été créé –si je puis dire-, avec l'insigne de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine. Et, malgré le fait qu'il y avait une quantité insuffisante

5 d'uniforme, eh bien, tous les soldats portaient une insigne portant le

6 lys. Il y avait ce manteau d'arme avec un lys, et plus tard, il y a eu des

7 uniformes de forme et de coupe assez variées. Mais tous ces uniformes

8 portaient l'insigne avec le lys et les épées croisées qui étaient

9 l'emblème de la Bosnie-Herzégovine; le lys étant le symbole de la Bosnie-

10 Herzégovine et les épées croisées étant le symbole de l'armée.

11 Question: Donc, vous dites qu'il y avait des uniformes militaires?

12 Réponse: Non, je dis qu'au début il n'y avait pas d'uniforme militaire. Au

13 départ, il y avait simplement l'insigne.

14 Mais, au fil de la guerre, il y a eu une petite modification et on pouvait

15 reconnaître les soldats en fonction de ce qu'ils portaient, notamment des

16 uniformes qu'ils portaient, mais ils se déplaçaient très rarement en

17 ville. Il y avait des unités qui se trouvaient aux limites de la ville,

18 des unités qui assuraient la défense de la ville. Ce n'est qu'à partir de

19 la deuxième moitié de la guerre, approximativement, que l'on peut dire que

20 tous les soldats portaient un uniforme.

21 Question: Est-ce que vous-même vous étiez une recrue militaire? Avez-vous

22 dû accomplir certaines opérations militaires? Avez-vous été conscrit?

23 Réponse: Je n'ai pas fait mon service militaire au sein de la JNA pour des

24 raisons de santé, donc je n'étais pas un conscrit. Je n'étais pas apte au

25 service et, lorsque la présidence de la ville a été instituée au début

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1 juin 1992, c'est en fait cette fonction que j'ai dû remplir.

2 Parallèlement, j'avais d'autres tâches, mes tâches d'enseignant à

3 l'université, et j'étais également directeur de cet institut. Et en mars

4 1994 je suis devenu maire et, à ce titre, j'ai consacré tout mon temps à

5 l'acquittement de cette tâche.

6 Question: En mars 1994, vous avez déclaré que vous aviez été assigné à

7 certaines tâches et vous avez également précisé qu'en 1994, en mars

8 toujours, vous avez été nommé maire. Mais en 1992 et en 1993, n'oublions

9 pas que nous nous sommes mis d'accord pour dire qu'à cette époque-là

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine existait; nous nous sommes mis d'accord

11 également pour dire que l'armée de la Republika Srpska existait également

12 avec le Corps Romanija.

13 Mais pendant cette période, avant que vous ne deveniez maire, est-ce qu'il

14 y avait des combats en ville ou des affrontements en ville entre ces deux

15 armées, si nous pouvons les qualifier ainsi?

16 Réponse: Il y avait des combats aux alentours de la ville, et un certain

17 nombre de tentatives ont été faites pour lever le siège autour de Sarajevo

18 et dans la ville même à Grbavica. Il y avait une ligne de démarcation

19 autour de laquelle il y avait des combats constants, combats entre deux

20 armées.

21 Question: Est-ce que vous savez qu'à Ciglane, à l'endroit où le tunnel

22 menait à l'extérieur de la ville, des blindés ont été déployés?

23 Réponse: Non.

24 Question: A cette période de temps, donc avant que vous deveniez maire,

25 est-ce que des déplacements importants ont eu lieu dans la zone de la

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1 ligne de démarcation?

2 Réponse: La seule chose qui s'est passée, c'est que la colline de Zuc a

3 été libérée. Pour ce qui est des autres déplacements, ils étaient de

4 petite importance. Généralement, ils visaient à accroître le territoire

5 qui constituait la ville.

6 Question: Est-ce que pendant cette période de temps vous vous êtes rendu à

7 Dobrijne?

8 Réponse: Dans le courant de l'été 1993, pour la première fois, après le

9 1er mai 1992, j'ai réussi à me rendent à Dobrijne pour y récupérer des

10 photographies, d'autres souvenirs. Je voulais les retirer de mon

11 appartement qui avait été incendié. Il fallait pour s'y rendre utiliser

12 les tranchées, parce que nous nous trouvions sur les lignes de défense de

13 la ville.

14 Je m'y suis rendu en tant que citoyen ordinaire, en tant que civil. Je

15 voulais donc rassembler quelques jouets pour les enfants et quelques

16 souvenirs. Je le répète, je voulais récupérer ce qui restait de mon

17 appartement.

18 Question: Vous avez déclaré qu'il s'agissait de Dobrijne 1. Sous le

19 contrôle de qui se trouvait ce quartier au moment où vous vous y êtes

20 rendu en 1993?

21 Réponse: Il se trouvait sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

22 Question: Et quand était-il de Dobrijne 2, 3, 4 et 5?

23 Réponse: Presque l'intégralité de Dobrijne était placée sous le contrôle

24 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. A l'exception de cette partie de

25 Dobrijne qui se trouvait juste à côté de la caserne de Lukavica. Donc

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1 Dobrijne 1 était sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais

2 pas en totalité. L'autre partie qui était mitoyenne avec la rue

3 principale, cette partie de Dobrijne 1 était sous le contrôle de l'armée

4 de la Republika Srpska. Et mon immeuble était vraiment juste sur la ligne

5 de front, la ligne de défense.

6 Question: Pendant la période de temps où vous étiez maire de Sarajevo,

7 est-ce que la ville a reçu de l'aide humanitaire?

8 Réponse: Tout à fait.

9 Question: Cette aide humanitaire, d'où venait-elle?

10 Réponse: L'aide humanitaire destinée à la ville de Sarajevo même -je ne

11 parle pas du haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies, je ne parle

12 pas d'autres organisations internationales-, cette aide donc a été envoyée

13 par des villes du monde entier qui voulaient manifester leur compassion à

14 l'égard des citoyens de Sarajevo et faire preuve de solidarité.

15 Question: Est-ce que des Serbes ont bénéficié de cette aide humanitaire?

16 Réponse: Vous parlez des Serbes qui vivaient à Sarajevo?

17 Question: Oui.

18 Question: Bien sûr qu'ils ont reçu cette aide humanitaire. L'aide envoyée

19 a été distribuée à Sarajevo de façon équitable, sans tenir compte de

20 l'appartenance ethnique de l'un ou de l'autre.

21 Question: Vous nous avez expliqué que dans la zone à proprement parler

22 urbaine de Sarajevo, il restait environs 30 à 40.000 Serbes. Est-ce que

23 ces Serbes étaient libres de quitter Sarajevo et de se rendent à Grbavica?

24 Réponse: A la fin de la guerre, on a établi que quelque 40.000 Serbes

25 demeuraient encore à Sarajevo. Mais pendant les deux premières années de

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1 la guerre dont nous discutons à l'heure actuelle, il y avait plus de

2 Serbes que cela.

3 Sur les 120.000 Serbes qui vivaient à Sarajevo avant la guerre, et pour ce

4 qui est de la partie qui était assiégée du fait des appels lancés par les

5 dirigeants du SDS, et du fait qu'il était possible pendant les cessez-le-

6 feu de se rendent à Grbavica, toutes les personnes qui souhaitaient

7 quitter la ville pouvaient le faire.

8 Après ce premier hiver, après le deuxième hiver, un certain nombre de

9 citoyens de toute appartenance ethnique ont quitté Sarajevo. Mais personne

10 n'a empêché les Serbes ou d'autres de quitter Sarajevo, dès lors que la

11 possibilité s'en présentait, possibilité qui se présentait quand il n'y

12 avait pas de combats aux alentours de la ville. Et ceux qui se trouvaient

13 à l'extérieur autorisaient l'évacuation d'enfants, d'autres citoyens.

14 Question: Est-ce qu'il fallait obtenir un permis spécial pour quitter la

15 ville?

16 Réponse: Pendant certaines périodes de temps, oui, effectivement. Il

17 fallait obtenir un permis des autorités militaires parce qu'un certain

18 nombre d'obligations militaires devaient être remplies. Moi,

19 personnellement, j'étais contre tout cela, ainsi que la présidence de la

20 ville.

21 Mais nous n'avons pas pris une part active à tout cela. Nous avons très

22 souvent demandé à ce que les personnes soient autorisées à quitter la

23 ville sans autre complication. Notamment les personnes qui essayaient de

24 faire parvenir l'aide humanitaire à Sarajevo, les personnes qui essayaient

25 de reconstruire les infrastructures de Sarajevo.

Page 746

1 Nous demandions aux autorités militaires d'agir ainsi, et les autorités

2 militaires nous donnaient parfois à nous, représentants de la présidence

3 de la ville, l'autorisation de procéder de la façon que j'ai décrite. Mais

4 ce n'était pas toujours le cas. Parfois c'était permis, parfois ce n'était

5 pas permis. Il n'y avait pas d'interdiction constante pour ce qui est de

6 la possibilité de quitter la ville. Mais la situation évoluait et a évolué

7 tout au long de la guerre. Tout dépendant de la situation qui prévalait

8 sur le front de guerre.

9 Question: Qui donnait la permission aux personnes qui souhaitaient quitter

10 la ville de le faire?

11 Réponse: On les appelait "l'état-major municipal", les commandements

12 municipaux du secrétariat de la défense. C'étaient donc des commandements

13 qui existaient au sein de chaque municipalité de la ville, et ils

14 faisaient le parti du ministère de la Défense au niveau de la République.

15 Question: Est-ce que vous savez s'il est jamais arrivé que des Serbes qui

16 occupaient des postes importants, par exemple qui étaient médecins dans

17 des hôpitaux, s'il est arrivé que ces personnes soient arrêtées au moment

18 où elles essayaient de quitter de Sarajevo? Est-ce qu'elles ont été

19 placées en détention?

20 Réponse: Je n'ai connaissance d'aucun événement de ce genre.

21 Question: Vous nous avez déclaré un peu plus tôt aujourd'hui, qu'il y a eu

22 des périodes de temps au cours desquelles une trêve a été déclarée. Est-ce

23 que vous pourriez nous en dire un petit peu plus? A quel niveau est-ce que

24 cet accord a été passé? Combien de temps ces trêves ont-elles duré, qui

25 les a brisées?

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1 Réponse: Les cessez-le-feu étaient négociés au niveau des commandements de

2 l'armée, au niveau de la présidence de la Bosnie-Herzégovine; ce n'était

3 pas négocié au niveau de la présidence de la ville. Et, d'après ce que je

4 sais, ces cessez-le-feu ont toujours été violés par l'armée de la

5 Republika Srpska.

6 Question: Vous dites "pour autant que vous le sachiez", mais de quels

7 éléments d'informations disposiez-vous?

8 Réponse: Eh bien, vous savez, nous nous trouvions dans la ville. Donc s'il

9 y avait une attaque sur la ville, cela voulait dire que quelqu'un de

10 l'extérieur avait rompu le cessez-le-feu. Et, en l'occurrence, ce ne

11 pouvait être que l'armée de la Republika Srpska. Je n'ai pas connaissance

12 du fait qu'à un quelconque moment, pendant un cessez-le-feu, on a essayé,

13 depuis Sarajevo, de briser l'encerclement et on a essayé ainsi de violer

14 le cessez-le-feu. C'était dans notre intérêt d'avoir un cessez-le-feu,

15 parce que cela nous permettait d'effectuer certaines réparations,

16 d'essayer d'assurer l'approvisionnement en eau et en électricité. C'est

17 cessez-le-feu nous permettaient d'essayer d'aider les civils en ville.

18 Bien sûr, ce sont des choses que nous ne pouvions pas faire lorsque les

19 combats faisaient rage.

20 Question: Est-ce qu'à Sarajevo les Serbes étaient également exposés aux

21 bombardements et aux tirs embusqués? Est-ce qu'ils étaient autant exposés

22 que les Musulmans?

23 Réponse: Mais tout à fait!

24 Question: Avez-vous jamais eu la possibilité d'observer les armes dont

25 disposait l'armée de Bosnie-Herzégovine? Avez-vous vu pu observer les

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1 endroits où ces armes avaient été placées à Sarajevo?

2 Réponse: Il n'y avait pas de dépôts d'armes à Sarajevo, il n'y en a jamais

3 eu pendant la guerre. Mais il m'arrivait de temps en temps de voir, eh

4 bien, des fusils, des mortiers qui était portés par des soldats de l'armée

5 de Bosnie-Herzgovine.

6 Question: Est-ce que vous savez où l'on gardait ces armes, où elles

7 étaient entreposées?

8 Réponse: Non.

9 Question: Où avez-vous eu l'occasion de les voir?

10 Réponse: Eh bien, par exemple lorsqu'il y a eu des tentatives depuis

11 Trebevic d'entrer dans la ville. Les unités qui se trouvaient de l'autre

12 côté de Sarajevo sont venues à l'aide des défenseurs qui se trouvaient

13 dans ces quartiers de Sarajevo, et c'est à cette occasion que nous avons

14 pu voir des soldats courir dans les rues, des soldats qui portaient des

15 fusils, des mortiers, d'autres armes encore, des armes dont je ne pourrais

16 pas vous dire de quel type elles étaient; mais il s'agissait d'armes qui

17 avaient leur place entre les mains de soldats.

18 Question: Ces soldats, où étaient-ils logés?

19 Réponse: Les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine n'avaient pas de

20 caserne à l'intérieur de Sarajevo. Ils n'occupaient que partiellement les

21 casernes qui avaient été évacuées par la JNA. donc les soldats, pour la

22 plupart, étaient installés dans les tranchées ou dans les maisons qui

23 bordaient les tranchées, les tranchées qui étaient aux limites de la ville

24 et où se trouvaient les lignes de défense. Ils restaient sur place pendant

25 environ une quinzaine de jours puis, ils rentraient chez eux pour pouvoir

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1 voir leur famille. Ils fonctionnaient en rotation.

2 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ces maisons, ces

3 installations qui étaient utilisées par les membres de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine étaient en fait des possessions militaires?

5 Réponse: Mais non, il s'agissait de maisons civiles, mais ensuite, les

6 habitants ont dû fuir, ont dû quitter leur domicile du fait des attaques

7 qui se produisaient. Et donc, ces maisons civiles abandonnées, maisons qui

8 étaient parfois à demi détruites, ces maisons étaient parfois des cibles

9 militaires lorsque des soldats s'y trouvaient, mais les civils, eux, ne

10 s'y trouvaient plus.

11 Question: Vous nous avez dit qu'au niveau de la municipalité, il y avait

12 un institut de santé publique?

13 Réponse: Oui. Nous l'appelions "institut d'hygiène".

14 Question: Précisément, quand est-ce que cet institut a été créé?

15 Réponse: Il y a bien longtemps qu'il a été créé, peut-être il y a 50 ans

16 qu'il a été fondé.

17 Question: Est-ce qu'il a fonctionné pendant toute la durée de la guerre?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous nous avez déclaré que, sur la base d'informations qui vous

20 avaient été fournies par cet institut de l'hygiène, vous avez pu établir

21 quel avait été le nombre de victimes à Sarajevo?

22 Réponse: C'est exact.

23 Question: Qui vous a, ou plutôt qui a fourni ces éléments d'information à

24 cet institut de l'hygiène?

25 Réponse: C'est l'institut qui a rassemblé ces éléments d'information en

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1 suivant ses propres méthodes de travail, ces éléments d'information

2 provenaient de personnes qui se trouvaient sur le terrain. L'institut

3 utilisait également des rapports provenant d'hôpitaux, d'entreprise de

4 pompes funébres, d'autres institutions qui pouvaient disposer de ce type

5 d'information. Et puis, pour éviter que des noms ne soient répétés, eh

6 bien, l'institut passait en revue tous les noms qui lui étaient soumis et

7 fournissait des documents officiels à la présidence de la ville et, très

8 souvent, ces rapports étaient publiés dans les journaux.

9 Le directeur de cet institut serait mieux à même de vous expliquer quelles

10 étaient ces méthodes de travail; c'est lui qui était à la tête de

11 l'institut d'hygiène pendant toute la durée de la guerre. Il s'appelle

12 Mestic.

13 Question: Vous nous avez déclaré que 90% des victimes étaient des civils.

14 Si je me trompe, vous me corrigerez. Vous avez également déclaré que 10%

15 des victimes étaient des soldats.

16 Réponse: Je crois que j'ai dit 95%, à peu près 95% d'après mes estimations

17 personnelles, car nous ne disposons pas de chiffres précis pour les

18 victimes militaires, nous ne savons pas combien de soldats ont été tués.

19 Et j'en reviens un petit peu à ce que je disais précédemment: je parlais

20 des lignes de front et je parlais des soldats qui s'y trouvaient pendant

21 une dizaine de jours, avant de rentrer chez eux pendant cinq jours

22 environ. Lorsque ces soldats rentraient chez eux, eh bien, ils devenaient

23 des civils puisqu'ils n'étaient plus armés, ils étaient donc en

24 permission. Si ces personnes étaient tués alors qu'elles se trouvaient

25 chez elles, ou alors qu'elles se rendaient à un point d'eau pour trouver

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1 des provisions pour leur famille, eh bien, elles étaient tuées et

2 c'étaient donc des victimes civiles. Mais si ces mêmes personnes étaient

3 tuées sur les lignes de front,lorsqu'elles portaient un uniforme et

4 lorsqu'elles portaient des armes, eh bien, elles étaient considérées comme

5 des victimes militaires, comme des soldats.

6 Nos estimations ont été celles-ci: 5% environ des habitants de Sarajevo

7 ont été tués en tant que soldats, 95% en tant que civils.

8 Question: Vous nous avez expliqué, à l'instant, qu'en ville il y avait

9 environ 25.000 soldats?

10 Réponse: Non, j'ai dit qu'il y en avait de 10 à 15.000.

11 Question: Je vous prie de m'excuser.

12 Ces soldats qui prenaient part aux combats, ces soldats qui ont été

13 blessés, où étaient-ils pris en charge?

14 Réponse: Ils étaient traités dans l'un de ces deux hôpitaux ou dans des

15 cliniques militaires qui se trouvaient juste à côté des lignes de défense.

16 Question: Et si jamais cela se passait sur Igman, ils étaient emmenés ou

17 acheminés plutôt vers l'hôpital de Konica; ils ne pouvaient pas être

18 traités dans la ville même.

19 Question: Donc de Sarajevo, les blessés devaient sortir de Sarajevo et

20 être acheminés vers Konjic?

21 Réponse: Oui, de l'autre côté du Mont Igman, car ils ne pouvaient pas

22 passer par le tunnel sous la piste de l'aéroport, ils devaient donc…, ils

23 ne pouvaient pas passer car la ville était encerclée, mais ils étaient, à

24 ce moment-là, emmenés vers Konica, alors que les personnes qui auraient

25 été blessées dans la ville même, donc à l'intérieur de l'encerclement

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1 étaient traités dans les hôpitaux qui se trouvaient dans la ville même.

2 Question: D'où détenez-vous ces éléments d'information étant donné que

3 vous étiez plutôt chargé de la distribution et de l'approvisionnement en

4 eau, vous n'étiez pas chargé des questions militaires.

5 Est-ce qu'au niveau de la présidence, vous en parliez avec d'autres

6 députés et responsables?

7 Réponse: Eh bien, les hôpitaux, les médecins et toute la défense médicale

8 faisait partie des questions que l'on traitait au niveau de la ville. Je

9 ne m'occupais pas seulement des questions en approvisionnement d'eau, je

10 traitais également d'autres questions, mais quant à ces informations-là,

11 ce sont des informations d'ordre général connues par tous les habitants de

12 la ville.

13 Question: Vous nous avez dit que, dans la ville, il n'y avait pas d'eau,

14 il n'y avait pas de gaz ni d'électricité. Pourriez-vous nous expliquer si

15 le fait d'avoir manqué d'électricité cause un manque d'eau également?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Vous nous avez dit qu'il y avait onze stations de transformation

18 qui se trouvaient dans la zone qui était sous le contrôle de l'armée de la

19 VRS. Pourriez-vous donc nous dire si le poste transformateur se trouvait

20 dans la zone appartenant à l'armée de la VRS? Comment se fait-il qu'on

21 pouvait procéder aux coupures d'électricité qui emmenaient vers des

22 manquements d'eau, ou bien est-ce que, grâce à ces comités mixtes, vous

23 pouviez établir la raison du Brijeg et voir de quelle façon vous pouviez

24 rétablir l'approvisionnement en question.

25 Réponse: Il arrivait des fois que les postes transformateurs pouvaient

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1 être affectés de quelque façon que ce soit ou étaient endommagés et, plus

2 fréquemment, la transmission provenait de loin mais le fait de manquer

3 d'électricité n'était pas causé par l'endommagement des installations mais

4 selon moi, selon mes connaissances et selon les connaissances de la

5 commission en question, on procédait à des coupures intentionnelles

6 d'électricité pour que les unités se trouvent sans électricité, je parle

7 de 20.000 personnes à peu près et, de cette façon-là, on n'aurait pas pu

8 défendre la ville sans électricité, la ville était une ville morte sans

9 énergie, sans électricité, car cela affectait également

10 l'approvisionnement en eau puisque l'eau était pompée par des pompes qui

11 provenaient de l'extérieur de la ville et qui marchaient par électricité,

12 et eux avaient le contrôle de cela.

13 Donc les civils étaient sous le contrôle des membres de l'armée de la VRS,

14 et donc c'est l'armée de la VRS qui avait le contrôle de ces

15 installations.

16 M. le Président (interprétation): Mme Pilipovic, pourriez-vous, s'il vous

17 plaît, essayer de terminer cette ligne de question, cette partie de votre

18 contre-interrogatoire dans une ou deux minutes si vous le voulez, de sorte

19 que nous puissions parler d'autres questions.

20 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Dans

21 quelques minutes, je terminerai avec cette partie du contre-

22 interrogatoire.

23 S'il n'y a pas d'électricité, si l'on procède à des coupures dans la

24 partie où le Corps de l'armée de la Bosnie-Herzégovine était installé, et

25 si l'on coupe l'eau à la partie urbaine de la ville de Sarajevo, est-ce

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1 que cela veut dire que l'autre partie de la ville de Sarajevo qui était

2 sous le contrôle de l'armée de la VRS pouvait avoir de l'eau?

3 Réponse: Les agglomérations qui se trouvaient à l'extérieur de Sarajevo

4 étaient beaucoup plus munies d'électricité ou disposaient de beaucoup plus

5 d'électricité alors qu'à Grbavica un certain temps, il manquait également

6 de l'électricité puisqu'il en manquait dans la ville. Mais plus tard, les

7 représentants de la VRS avaient été établis des conduites d'eau qui

8 pouvaient approvisionner Grbavica en eau alors que nous, dans la ville,

9 nous n'en avions pas.

10 Question: Le réservoir, le château d'eau qui se trouvait à Mojmilo, il

11 était sous le contrôle de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas?

12 Réponse: A l'automne de 1992, après des combats, le château d'eau est

13 tombé entre les mains des représentants de l'armée de la Bosnie-

14 Herzégovine, alors qu'auparavant il appartenait aux membres de la VRS, aux

15 membres de la Republika Srpska.

16 Question: Est-ce que c'est à ce moment-là qu'on avait procédé à des

17 coupures d'eau?

18 Réponse: Je ne sais pas, car à l'époque il y avait de l'eau. Jusqu'à

19 l'automne 1992 dans toute la ville, il y avait de l'eau avec certaines

20 périodes de délestage, mais il y en avait néanmoins. Et il arrivait que

21 pour des périodes un peu plus prolongées, la ville était complètement

22 démunie.

23 Question: Y avait-il du gaz naturel au cours de cette période de conflit?

24 Réponse: Pendant ou au cours de la guerre, au cours de l'hiver pardon,

25 début donc de l'année 1992-1993, il y avait du gaz naturel, mais par la

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1 suite, encore une fois, on avait procédé à des délestages de cette

2 substance et la pression était très mauvaise également.

3 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je n'aurai

4 plus de questions pour ce soir.

5 M. le Président (interprétation): Merci.

6 Maître Pilipovic, le moment est peut-être venu où nous pourrions verser au

7 dossier le deuxième document, il est peut-être mieux de procéder au

8 versement au dossier de ce document à la fin du contre-interrogatoire,

9 mais même si le contre-interrogatoire n'est pas terminé, nous pourrions

10 peut-être verser ce document au dossier aujourd'hui, ou pourriez-vous nous

11 dire combien de temps vous reste-t-il avant la fin de votre contre-

12 interrogatoire pour avoir une meilleure idée pour demain.

13 Mme Pilipovic (interprétation): Il me resterait encore une demi-heure,

14 Monsieur le Président.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Vous avez versé au dossier le

16 document que vous avez montré au témoin cet après-midi. A-t-on attribué

17 une cote à ce document?

18 Y a-t-il des objections de la part de l'accusation, outre celle déjà

19 formulée?

20 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, parlez-vous du

21 deuxième document?

22 M. le Président (interprétation): Oui, je parle du deuxième document, car

23 nous avons déjà versé au dossier le premier document.

24 M. Blaxill (interprétation): Oui, certainement, il y a une petite

25 objection quant à la question s'agissant d'éléments de preuve. Il n'y a

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1 pas d'éléments de preuve concrets présentés quant à la distribution de ces

2 armes à l'armée. C'est quelque chose que le témoin… le témoin ne peut pas

3 en parler. Il s'agit d'un bout de papier présenté au témoin qui n'a pas de

4 valeur probante. C'est simplement un bout de papier. Le témoin n'a aucune

5 connaissance de ces informations. Nous considérons que c'est tellement… on

6 ne peut tellement pas s'appuyer sur ce document, que ce document est en

7 fait inadmissible, eu égard bien sûr le commentaire que vous avez déjà

8 émis un peu plus tôt quant à la valeur probante.

9 Je soumettrais, avec tout respect, que ce document n'a pas de valeur

10 probante et il ne serait certainement pas approprié de l'attribuer ou

11 d'attribuer ce document comme émanant du témoin.

12 M. le Président (interprétation): Avez-vous des objections, Maître

13 Pilipovic?

14 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, la défense estime

15 qu'il s'agit d'un document bien pertinent pour la présentation des

16 éléments de la défense, et également pour la présentation de ce document à

17 la Chambre. Après avoir entendu le témoin aujourd'hui, nous pouvons

18 conclure que le témoin a connaissance de la problématique militaire, il

19 sait qu'il y avait des tireurs embusqués. Il a des connaissances

20 militaires, donc nous ne pouvons pas accepter l'objection de l'accusation.

21 Il n'est pas suffisant pour que le témoin seulement nie les faits. Il

22 s'agit néanmoins d'un document qui est un livre écrit par M. Stjepan

23 Siber; le témoin connaît cet auteur de par le fait qu'il a vécu à

24 Sarajevo. Il a participé également aux négociations et, à ce niveau-là, il

25 pouvait bien rendre des décisions pareilles.

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1 Le témoin a également affirmé que l'entreprise Zrak se trouvait sur le

2 territoire qui se trouvait sous le contrôle de l'armée de la Bosnie-

3 Herzégovine dans la partie de Sarajevo en question.

4 (Les Juge se consultent sur le siège.)

5 M. le Président (interprétation): La Chambre souhaiterait bénéficier d'un

6 peu plus de temps pour réfléchir à cette question. Nous allons vous

7 communiquer une réponse demain, quant au versement de ce document au

8 dossier. Donc ce document n'est pas encore versé au dossier en ce moment-

9 ci.

10 Mme Pilipovic (interprétation): Merci.

11 M. le Président (interprétation): Je souhaiterais aborder maintenant

12 quelques questions. D'abord, nous remercions le témoin et il peut disposer

13 pour l'instant.

14 (Le témoin, M. Tarik Kupusovic, est reconduit hors du prétoire.)

15 (Audience à huis clos.)

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25 (L'audience est levée à 19 heures 10.)