Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 5 mars 2003)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 26.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez appeler la

6 cause, s'il vous plaît.

7 Mme Philpott (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

8 il s'agit de l'Affaire IT-98-29-T, le Procureur contre Stanislav Galic.

9 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

10 Maître Piletta-Zanin?

11 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, avec votre autorisation, deux

12 mots avant que le témoin n'entre dans le prétoire.

13 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.

14 M. Piletta-Zanin: Merci. Le témoin que nous allons entendre après ce

15 témoin-ci sera le général Radinovic. Nous allons l'entendre incessamment.

16 L'accusation est en possession de l'expertise du général Radinovic depuis,

17 je dirais, à peu près maintenant cinq ou six mois, je crois novembre de

18 l'année dernière. L'accusation, nous l'espérons, a eu ce document avec

19 toute l'attention nécessaire, elle a eu le temps de le faire.

20 Mais ne voilà-t-il pas que ce jour, à quelques heures de l'audition de M.

21 Radinovic, l'accusation nous a envoyé un courrier par fax, reçu en fin de

22 matinée, dans lequel il nous fait part de son étonnement en relation au

23 fait que bon nombre de documents ne lui auraient pas été transmis,

24 notamment les documents référencés en notes de bas de page.

25 On nous dit cela, Monsieur le Président, à quelques heures de l'audition

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1 de ce témoin, alors qu'on aurait pu le faire largement plus tôt si

2 vraiment on voulait le questionner. Nous pensons qu'il y a des situations

3 où certaines choses peuvent se faire et d'autres non. Nous pensons qu'il

4 s'agit là d'une manœuvre manifestement dilatoire. Nous pensons que si

5 l'accusation avait voulu ces documents, elle avait pratiquement un

6 semestre pour les demander -peut-être même plus, je ne sais pas. Et nous

7 pensons, au demeurant, que la défense n'a pas à fournir des références

8 indirectes à un travail, c'est-à-dire les bas de page, mais surtout pas à

9 obtempérer à une demande qui intervient à quelques minutes d'une audition

10 aussi importante.

11 Je ne veux pas utiliser de mots trop durs, Monsieur le Président, mais je

12 pense que l'on peut considérer que la démarche n'est, sous cet angle-là,

13 pas acceptable. Merci.

14 M. le Président (interprétation): Quelquefois les mots sont durs,

15 quelquefois ils se font beaucoup trop nombreux lorsqu'on a envie de dire

16 quelque chose.

17 Monsieur Ierace, vous voulez répondre?

18 M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Lorsqu'on dit

19 qu'il y a des problèmes en matière de communication de documents en

20 relation avec la déposition du général Radinovic, du moins pouvait-on en

21 parler et en dire ainsi. Je veux dire que nous n'avons pas trop louvoyé

22 pour communiquer. Le conseil de la défense a fait des recherches. Il y a

23 eu des notes de bas de page dans le rapport du Dr Radinovic, et ce matin,

24 il s'est avéré que nous n'avons pas pu retrouver un bon nombre de ces

25 documents.

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1 Faisant des expériences proprement dites, nous avons pu trouver que

2 certaines références à des documents n'ont pas été exactes. C'est

3 seulement en cherchant les notes de bas de page, qui s'y rattachaient un

4 petit peu, ne serait-ce que de proximité, que nous avons pu obtenir

5 quelque chose. Nous n'avons pas pu localiser certains documents, Monsieur

6 le Président, et au lieu de soumettre tout de suite cela à l'attention de

7 la Chambre de première instance, compte tenu des instructions données par

8 la Chambre de première instance, nous avons considéré comme approprié de

9 permettre aux conseils de la défense de répondre pour nous dire s'ils sont

10 capables de retrouver ces documents.

11 Je suis d'accord avec mon confrère pour dire que ceci ne devrait pas avoir

12 lieu quelques heures seulement avant une déposition aussi importante. Ceci

13 n'est pas un défaut, une erreur de l'accusation.

14 M. le Président (interprétation): C'est moi qui vous remercie. La Chambre

15 de première instance prendra note de cela et examinera la question, s'il

16 s'avère que des erreurs ou lacunes existent en référence. Alors, là, ceci

17 pourrait rendre difficile le travail du conseil de la défense de

18 l'accusation du fait que, tout d'abord, c'est l'expert qui, lui, est

19 responsable de l'exactitude de ce qui a été donné sous forme de rapport

20 d'expertise. Mais si les deux parties sont en mesure de procéder à une

21 comparaison -notamment des notes de bas de page où il y a eu des

22 problèmes, je crois que les deux parties s'y trouvent déjà confrontées à

23 ce problème-là-, ce serait une bonne chose. Nous allons d'ailleurs prendre

24 en considération cette question, la question ayant été soulevée il y a

25 quelques secondes.

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1 Maître Pilipovic?

2 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

3 Juges, je voulais dire qu'avant de venir dans ce prétoire, j'ai vérifié

4 les notes de bas de pages. Les notes de bas de page 73, 112 jusqu'à 188

5 sont les notes de bas de page qui ont été communiquées à nous, à la

6 défense, par l'accusation. Le seul problème, c'est que M. Radinovic, en

7 les préparant, n'a pas mentionné les numéros ERN. Le problème était

8 évidemment de les mettre, ces notes de bas de page, dans un ordre

9 chronologique, mais je crois que le problème était justement de les

10 retrouver toutes lorsque surtout le témoin y a fait référence.

11 M. le Président (interprétation): Une seconde, que je lise.

12 Mme Pilipovic (interprétation): 60, 73, 106, 112, 139, 169, 179, 181 et

13 177, 178, les numéros de bas de page.

14 M. le Président (interprétation): Et qu'avez-vous dit très exactement au

15 sujet de ces documents? Ceci ne me paraît pas tout à fait clair. Y a-t-il

16 des erreurs ou des lacunes quelconques?

17 Mme Pilipovic (interprétation): Il n'y a pas eu de n°ERN pour ces

18 documents-là, par conséquent il y a des problèmes à les retrouver. Il

19 s'agit de documents de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui nous ont été

20 communiqués par l'accusation. Les documents n'étant pas rangés dans un

21 ordre chronologique, année par année, et uniquement par date; ça, c'est

22 peut-être mon problème à moi pour ce qui est des dates, parce que le

23 général ne pouvait pas procéder suivant les numéros ERN.

24 M. le Président (interprétation): C'est sur la base de cette lettre-là que

25 vous avez fait une recherche pour assister le Procureur; c'est quelque

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1 chose que la Chambre de première instance aime entendre.

2 Allez-y, Maître Pilipovic.

3 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

4 Juges, puisque je suis déjà debout, puis-je saisir cette occasion pour

5 vous informer de quelque chose qui vous intéresserait, à savoir la demande

6 faite par le général Galic au sujet de la période courant du 14 au 23

7 mars?

8 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas savoir quoi que ce soit

9 de concret au sujet de ces dates-là, mais peut-être ai-je fait quelque

10 omission.

11 (La Greffière s'entretient avec le Président.)

12 Etant donné que je ne me trouvais pas dans le bâtiment du Tribunal ce

13 matin, le message ne m'a pas été transmis. Mais pour autant que je puisse

14 voir, si je comprends bien, ce message a été adressé au personnel

15 juridique et au Greffe. Donc il s'agit du 14 et 23 mars.

16 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, en effet, il s'agit de ces dates-là.

17 Une visite des membres de sa famille lui a été octroyée. Il y a eu

18 quelques problèmes d'ordre familial. Cela fait un moment qu'il n'a pas pu

19 revoir son épouse et des membres de sa famille, et lui souhaite donc avoir

20 peut-être une suspension de débat d'audience pendant cette période-là.

21 M. le Président (interprétation): Oui, je crois que j'ai déjà expliqué à

22 l'intention des deux parties comment la Chambre de première instance se

23 proposait de travailler. Une fois qu'on aura présenté les moyens de

24 preuve, nous aurons quelques moments, quelques jours pour que l'accusation

25 se prononce ainsi que le conseil de la défense. Après quoi, nous pouvons

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1 prévoir une présentation des moyens de preuve en réplique. De même en

2 sera-t-il si nous aurons ensuite une occasion de voir les moyens de preuve

3 en duplique.

4 Par conséquent, le conseil de la défense pourra saisir cette occasion-là

5 pour préparer cette présentation des éléments de preuve. Ceci permettrait

6 encore quelques journées de libre. Et à la fin, chose que je n'ai pas

7 mentionnée, deux semaines seront octroyées aux deux parties pour préparer

8 leur mémoire en clôture. Après quoi, nous entendrons les réquisitoires et

9 les plaidoiries. Je crois que nous n'avons toujours pas annoncé cette

10 partie du calendrier, mais voilà la façon dont se propose de travailler

11 cette Chambre de première instance.

12 Si cela cadre avec ces suspensions-là, ces pauses-là auxquelles vous vous

13 référez, il n'y aurait pas de problème. Mais avec évidemment quelques

14 hésitations, la Chambre de première instance pourrait prévoir d'autres

15 suspensions également.

16 Enfin, cela est la manière dont on aura travaillé; on verra dans la foulée

17 si cela est possible. Cela permettait de voir de plus près le calendrier

18 arrêté jusqu'à maintenant pour voir si tout cela peut cadrer avec cette

19 période du 14 au 23 mars.

20 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président. Eh bien, c'est merveilleux si

21 vous parlez maintenant de ces semaines d'interruption qui, pratiquement,

22 n'en sont pas pour la raison suivante.

23 La première, c'est que nous avons apporté réponse à la question que vous

24 nous posiez, Monsieur le Président, concernant l'argumentaire nécessaire

25 dans le cadre de notre demande de suspension. J'ai communiqué cela tout à

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1 l'heure à Mme la Greffière, mais nous avons considéré que, dès lors que le

2 dossier avait été en quelque sorte absorbé par la Chambre d'appel, nous

3 avons formulé ces observations directement devant la Chambre d'appel avec

4 copie pour votre Chambre, bien évidemment. Cela, c'est la première

5 question, puisque toujours nous persistons à solliciter une suspension des

6 débats.

7 L'autre point, Monsieur le Président, c'est que je reçois maintenant de

8 manière officielle un acte, une "motion" qui émane, semble-t-il, d'une

9 organisation non gouvernementale américaine et qui demande beaucoup de

10 choses, me paraît-il, qui fait référence à un nombre extraordinairement

11 élevé de décisions et de situations. A ce sujet, nous sommes un peu dans

12 l'expectative de la position de votre Chambre. Faut-il que nous y

13 répondions? Que faut-il faire? Je ne le sais pas.

14 Par ailleurs, existe-t-il pour ce type d'intervention des normes qui,

15 comme pour la défense, limiteraient le nombre de pages dans lequel de

16 telles interventions pourraient être faites?

17 Donc, sous réserve de votre décision, ici également, si maintenant nous

18 devons aussi répondre à des arguments nombreux qui émanent de l'autre bout

19 de la planète et non plus seulement de l'accusation, chacun comprendra, me

20 semble-t-il qu'il nous faudra plus de temps. Merci.

21 M. le Président (interprétation): Réponse à quoi très exactement, Maître

22 Piletta-Zanin? S'agit-il d'un document?

23 M. Piletta-Zanin: Exactement. Francisco Forrest Martin.

24 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance a reçu

25 un document par lequel celui-ci avait demandé la possibilité d'être agréé

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1 en qualité d'amicus curiae, mais sans y être autorisé -ainsi que le dit

2 l'Article 74-, vous ne pouvez pas être à titre d'amicus curiae. A moins

3 que, comme le dit l'Article 74, le conseil de première instance peut y

4 autoriser ou donner la possibilité à un gouvernement ou un organisme de

5 comparaître devant un tribunal pour traiter de toutes les questions qui

6 seraient d'intérêt pour la Chambre de première instance.

7 Or M. Martin semble avoir déjà préparé en annexe tout ce qu'il se

8 proposerait de présenter devant la Chambre de première instance, et cela,

9 sous la forme de la demande qui était la sienne pour demander une

10 autorisation à cette fin.

11 La Chambre de première instance a pris en considération tout cela et a

12 réfléchi comment procéder et comment soumettre aux deux parties la

13 question de voir comment on pourrait octroyer à M. Martin pour

14 comparaître. La Chambre de première instance a décidé de ne pas faire

15 ainsi, mais la Chambre de première instance a considéré que si les deux

16 parties ont un sentiment là-dessus, la Chambre de première instance est

17 prête à prendre note de tous les documents que vous porterez à l'intention

18 de la Chambre. Après quoi, la Chambre de première instance décidera de

19 l'admission ou de l'inadmission de tels documents.

20 Par conséquent, la Chambre de première instance ne se proposait pas de

21 répondre à la totalité de la demande. D'abord, la première chose est de

22 voir si une autorisation sera délivrée par la Chambre de première

23 instance. Si oui, alors, nous sommes d'avis, d'avis, je dirais, juridique

24 sur certaines questions; après quoi, les deux parties seraient libres de

25 fournir leur réponse en cette matière, plutôt au sujet de la teneur, mais

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1 pas au sujet de la question de voir si ceci pourrait être autorisé ou pas.

2 M. Piletta-Zanin: Merci.

3 M. le Président (interprétation): Si les deux parties souhaitent déposer

4 leur écriture, leur soumission, je dirais que cette demande s'est faite

5 tardive étant donné la procédure et nous aimerions voir vos mémoires dans

6 quelques jours qui suivent, par exemple.

7 M. Piletta-Zanin: Pratiquement impossible si... Est-ce que vous entendez

8 notre position relativement à la procédure, c'est-à-dire faut-il ou ne

9 faut-il pas donner l'autorisation, auquel cas c'est possible. Sur le fond,

10 c'est impossible.

11 M. le Président (interprétation): Oui.

12 M. Piletta-Zanin: Bien, merci.

13 M. le Président (interprétation): Oui, je pense que si on lit des

14 documents, une première question serait, par exemple, de voir s'il serait

15 désirable, en matière d'admission d'une décision appropriée, d'entendre un

16 avis d'un amicus curiae. Si la Chambre de première instance décide de

17 délivrer une telle autorisation, la prochaine démarche serait de voir les

18 deux parties traiter des points soulevés par le document de l'amicus

19 curiae.

20 Monsieur l'Huissier… Si le conseil de la défense est prêt?

21 M. Piletta-Zanin: C'était 20 minutes, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation): Si c'était 20 minutes hier, il en sera

23 de même aujourd'hui.

24 M. Piletta-Zanin: Merci.

25 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez raison, oui.

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1 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur le Docteur Kuljic.

3 M. Kuljic (interprétation): Bonjour.

4 M. le Président (interprétation): Puis-je vous rappeler que vous êtes

5 toujours lié par la déclaration solennelle faite par vous, hier? Vous

6 allez continuer de répondre aux questions que vous posera le conseil de la

7 défense.

8 (Interrogatoire principal du témoin, M. Blagoje Kuljic, par Me Piletta-

9 Zanin.)

10 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président.

11 Monsieur le Témoin, bonjour.

12 M. Kuljic (interprétation): Bonjour.

13 Question: Nous allons examiner maintenant, et plus particulièrement en

14 relation à la terreur, les confirmations ultérieures que vous avez

15 trouvées sur Internet.

16 Tout d'abord, est-ce que le site de la librairie de la bibliothèque

17 nationale de médecine est un site professionnel reconnu? Oui, non?

18 M. Kuljic (interprétation): Oui, comme d'ailleurs nous pouvons y lire, et

19 à en juger d'après le fait qu'un bon nombre de mes collègues l'utilisent.

20 M. Piletta-Zanin: Merci. Docteur, relativement au syndrome post

21 traumatique que vous nous avez indiqué connaître professionnellement, que

22 pouvez-vous nous dire en relation à Sarajevo et aux articles que vous avez

23 trouvés -notamment en matière de pourcentages- auprès de certaines

24 populations militaires et de certaines populations civiles?

25 M. Kuljic (interprétation): Je peux dire qu'il y a pas mal d'articles qui

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1 ont été publiés dans différents pays. Il s'agit de parler de gens qui ont

2 pu avoir accès à des réfugiés et qui ont procédé à une quantification d'un

3 pourcentage de ceux qui souffraient du syndrome post traumatique. Ce qui

4 m'intéressait, c'est un travail de date assez récente de Munich. Il s'agit

5 de gens qui ont travaillé sur Sarajevo où ils ont trouvé qu'environ 18,6%,

6 parmi la population examinée, souffraient du syndrome post traumatique.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace?

8 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je serais redevable si

9 on me donnait les éclaircissements suivants.

10 D'abord, cet article proprement parlant, est-ce bien un de ces articles

11 dont les copies nous ont été communiquées? Sinon, j'ai une objection à

12 soulever.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur le Docteur Kuljic, cette étude

14 dont vous êtes en train de parler, parlant de ce groupe de Munich, s'agit-

15 il des documents que vous nous avez communiqués hier?

16 M. Kuljic (interprétation): C'est un témoin que j'ai déjà fait communiquer

17 (sic). Je ne m'en souviens plus parce que tous ces exemplaires ont été

18 désagrafés pour ainsi dire, pour parler de ces différentes pages de ce

19 document. Je crois que je l'ai retrouvé dans mes paperasses. Peut-être que

20 des parties restent encore dans ma chambre d'hôtel. Je vous en parle parce

21 qu'une masse de données… je les ai ici dans le sens où je peux vous en

22 parler de mémoire. Mais si vous en avez besoin en totalité, je pourrai

23 vous faire parvenir l'ensemble de ce document.

24 M. le Président (interprétation): Oui, en effet. Le problème tient du fait

25 que l'accusation doit se préparer à mener son contre-interrogatoire. Par

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1 conséquent, autrement dit, le Procureur est censé connaître toutes les

2 sources. Dites-nous, s'agit-il d'un autre nom pour lequel vous n'êtes pas

3 tout à fait certain qu'on puisse le retrouver dans ce document-là? Est-ce

4 que vous êtes en train de parler de ce groupe de Munich?

5 M. Kuljic (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Maintenant, je ne sais plus si, à

7 regarder cela, je peux retrouver le groupe de Munich.

8 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je pense, je ne sais pas si cela

9 a été une erreur, mais je pense que cela n'est pas dans les documents qui

10 nous ont été remis hier.

11 Docteur, s'agit-il d'une étude d'un certain M. Rosner?

12 M. Kuljic (interprétation): Oui, exact. Je suis sur le point de retrouver

13 dans mes notes…

14 M. le Président (interprétation): Allez-y.

15 M. Kuljic (interprétation): Oui, je vois que c'est écrit à la main,

16 notamment le fait que j'ai voulu évoquer cette étude de Rosner pour en

17 faire une comparaison avec l'étude faite par De Galet (phon).

18 M. le Président (interprétation): Une seconde. Rosner a-t-il été mentionné

19 quelque part dans votre rapport?

20 M. Kuljic (interprétation): Non, non. C'est-à-dire, c'est un travail que

21 j'ai pu repérer tout récemment.

22 M. le Président (interprétation): Rosner ne figure pas non plus dans les

23 documents qui nous ont été remis hier. Donc nous sommes dans cette

24 situation où M. Ierace souhaite soulever une objection.

25 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

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1 mon objection consiste à dire que cette déposition ne devrait pas être

2 admise; il s'agit d'une question d'ordre rhétorique. Mais comment

3 pourrais-je procéder au contre-interrogatoire du témoin si je ne dispose

4 pas de cette publication, si, pour le moins, je n'ai pas encore le temps

5 de lire?

6 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président, je pense qu'il n'est pas

7 toujours nécessaire d'avoir un document écrit devant soi lorsqu'on a

8 affaire à un expert. Pour faire un seul exemple, je me souviens d'un

9 client que j'avais qui était une étoile de la danse, qui avait plus de 70

10 ans, qui enseignait encore, et qui me disait: "Mais c'est très simple! Je

11 fais les mouvements avec les mains et tout le monde comprend".

12 Je pense que cet exemple va très bien ici. Si le docteur sait certaines

13 choses, s'il connaît des chiffres, il peut nous les formuler sans que l'on

14 ait besoin de lire un texte pour savoir de quoi l'on parle.

15 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas besoin de ce texte pour

16 le lire, mais l'accusation a besoin de ce texte pour se préparer à contre-

17 interroger le témoin. Voilà en quoi consiste le problème. Je vais conférer

18 avec mes confrères, les Juges.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 Cette objection n'a été retenue qu'en partie. Pour l'instant, on ne doit

21 pas poser de questions concernant cette source-là, non plus que sur le

22 sujet traité dans le cadre de cette étude. Nous demandons au conseil de la

23 défense de nous présenter une copie de ce travail, de la communiquer à

24 l'accusation et, étant donné que nous ne savons pas de quoi il s'agit dans

25 cette étude de Rosner, serait-il bon d'avoir une copie de cette étude pour

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1 voir de quoi il s'agit. Il devrait s'agir d'un résumé facile à lire. Voir

2 s'il y a des faits nouveaux, nous l'ignorons encore. Après quoi, la

3 Chambre de première instance pourrait reconsidérer cette demande des

4 parties.

5 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président. Si le docteur a ce

6 document sur lui a l'instant, pourrions-nous, pour gagner du temps,

7 proposer qu'il le remette à M. l'huissier, qu'on en fasse une copie comme

8 cela, aussitôt que faire se peut, nous serions informés.

9 M. le Président (interprétation): Oui.

10 M. Piletta-Zanin: Merci.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace?

12 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, ce que j'ai à dire à ce

13 sujet, je peux le dire devant le témoin. C'est que l'accusation

14 s'efforçait d'obtenir ces documents mentionnés par le témoin hier pour

15 voir de quoi on parle dans ces documents, mais nous n'avons pas pu les

16 avoir ces documents sur Internet. La bibliothèque nous a dit qu'il nous

17 faudra au moins sept jours pour obtenir ces articles. On ne nous a

18 présenté que des résumés, des extraits. S'agirait-il peut-être des

19 extraits auxquels se référait le témoin en parlant de l'étude élaborée par

20 le groupe de Munich. Je suis sensible à ce que vous avez demandé tout à

21 l'heure, à savoir dans le sens où on devrait nous procurer le plus de

22 matériel possible, mais je me demande s'il s'agit d'une façon appropriée

23 de procéder. Une fois que j'aurai ces documents -ou peut-être que j'aurai

24 ces documents à partir d'une autre source-, de voir le témoin recité à la

25 barre après la déposition du général Radinovic à titre d'éclaircissement.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, peut-être pourrait-on résoudre la

2 question de cette façon-là.

3 Monsieur le Docteur, c'est à vous que je dois m'adresser d'abord. Ces

4 documents que vous nous avez remis hier sont des extraits, n'est-ce pas?

5 Avez-vous lu les sources, les originaux de ces documents ou pas? Par

6 exemple, à la première page on parle d'articles Jensen. L'avez-vous lu cet

7 extrait, ce résumé ou quoi?

8 M. Kuljic (interprétation): Je n'ai lu que les résumés de cet article. Il

9 s'agit d'un grand nombre de cas. La substance consiste en la nécessité de

10 présenter le fait même. Et pour ce qui est de parler de l'extrait,

11 évidemment, celui-ci ne peut pas être trop différent de la teneur même de

12 l'étude et de la nature de l'étude.

13 M. le Président (interprétation): Oui, bien entendu. Je le sais,

14 d'ordinaire, ceci n'est pas le cas. La fin des résumés consiste à ne

15 présenter que des informations précises. Par conséquent, vous n'avez rien

16 lu quant aux originaux évoqués dans ces résumés?

17 Est-ce que j'ai bien compris?

18 M. Kuljic (interprétation): Pour parler de ces extraits résumés que j'ai

19 soumis hier, je ne les ai pas lus dans les originaux.

20 M. le Président (interprétation): Par conséquent, les deux parties et

21 l'expert, ici, à notre disposition et à leur disposition n'ont que des

22 extraits, des résumés.

23 M. Ierace (interprétation): Mais cela ne résout pas le problème, Monsieur

24 le Président.

25 M. le Président (interprétation): Pas entièrement, mais nous voilà en

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1 situation où nous disposons tout de même de données, tout comme l'expert.

2 Nous allons reconsidérer tout cela pour voir si nous aurons vraiment

3 besoin de nous procurer tous les éléments, tous les documents pertinents.

4 Si évidemment cela se fait, je voudrais que l'une des parties les

5 communique ces documents à l'autre partie.

6 S'il faut reciter à la barre le témoin, il faut reconsidérer la question

7 et nous y réfléchirons, Monsieur Ierace.

8 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président…

9 M. le Président (interprétation): Donc vous ne pouvez pas poser de

10 questions au sujet de Rosner, mais, pour le reste, oui.

11 M. Piletta-Zanin: (Hors micro)… qui était: peut-on donner l'original du

12 document Rosner à l'huissier afin qu'il soit copié dans l'intervalle? Et

13 vous aviez dit oui?

14 M. le Président (interprétation): Oui, mais il aurait été plus approprié

15 de voir que, comme ce document ne figurait pas parmi la liasse des

16 documents qui avaient été distribués hier, et si vous étiez en possession

17 de ce document, il aurait été plus approprié de vérifier tout d'abord si

18 cet article y figurait et de vérifier si vous alliez poser des questions à

19 ce sujet. Par conséquent, je le répète, il aurait été approprié de faire

20 des photocopies avant cette audience et de le faire vous-même.

21 Mais nous allons, à présent, demander à l'huissier de nous fournir son

22 assistance pour autant que vous lui communiquiez ce document.

23 M. Piletta-Zanin: Merci.

24 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on pourrait peut-être remettre

25 ce document à l'huissier.

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1 M. Piletta-Zanin: Rosner, si vous l'avez, Docteur, avez-vous cet extrait

2 de l'article Rosner?

3 M. Kuljic (interprétation): Donnez-moi une minute, je vais vérifier mes

4 documents.

5 (Le témoin cherche dans ses documents.)

6 (Les Juges se concertent sur le siège.)

7 M. Kuljic (interprétation): Voilà l'article de Rosner.

8 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, peut-

9 être qu'avec l'aide de l'huissier, nous pourrions procéder à des

10 photocopies de ce document? Ceci nous permettrait de gagner du temps.

11 Dans l'intervalle, Maître Piletta-Zanin, veuillez poursuivre.

12 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président.

13 Docteur, que pouvez-vous nous dire -toujours en relation à la terreur- aux

14 indices que peuvent être, sur ce plan-là, des questions telles que le

15 poids des enfants à la naissance, la nutrition bonne ou mauvaise des mères

16 à Sarajevo dans cette période, et les études scientifiques qui ont été

17 récemment produites à ce sujet?

18 M. Ierace (interprétation): Je soulève une objection. Je ne pense pas que

19 des éléments de preuve aient été communiqués au sujet du poids des

20 enfants, etc. Je pense qu'il s'agit là d'une question qui présente un

21 caractère, une nature directive.

22 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des éléments de preuve qui ont

23 été présentés à ce stade, qui permettraient…

24 M. Piletta-Zanin: Eh bien, Monsieur le Président, vous m'avez autorisé à

25 poser des questions sur les articles trouvés par le docteur dans la

Page 20729

1 référence qu'il a citée, c'est-à-dire Internet. Et je vois que nous avons

2 cela sous les yeux. Donc je pose une question relativement à cela.

3 Je vois un article, par exemple, intitulé "Nutrition et alimentation des

4 enfants, une étude des femmes et des enfants".

5 M. le Président (interprétation): Bien. Par conséquent, vous êtes en train

6 de dire que vous posez des questions au témoin qui se fondent sur les

7 documents qu'il a remis hier. Est-ce exact?

8 M. Piletta-Zanin: Parfaitement, parfaitement, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Comme nous avons eu l'occasion de lire

10 ces documents, je pense que cette question peut être posée au témoin.

11 M. Ierace (interprétation): Je ne m'oppose pas à cela. Je voulais

12 simplement souligner le fait que, dans cet article, il n'est nulle part

13 fait mention de terreur. Or, dans la question qui est posée par Me

14 Piletta-Zanin, il est fait allusion à la terreur.

15 M. le Président (interprétation): Bien. Maître Piletta-Zanin, je vous

16 propose de ne pas faire allusion à la terreur.

17 M. Piletta-Zanin: Bien.

18 Témoin, en relation à votre expertise, en relation aussi à votre

19 expérience, que pouvez-vous dire qui pourrait aider cette Chambre –cas

20 échéant l'accusation, cas échéant la défense- sur le problème que j'ai

21 évoqué, s'il vous plaît?

22 M. Kuljic (interprétation): Je dirais que ces données auxquelles on a fait

23 allusion se réfèrent au rapport du docteur Turner. Dans son rapport, il

24 fait allusion à une des déclarations du témoin qui a précisé que la

25 population était affamée, et j'ai communiqué ces données ici; il s'agit

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1 d'un rapport qui émane des fonctionnaires de l'OMS, et ils ont répondu

2 qu'il n'y avait pas de famine. Il y a plusieurs articles qui ont été

3 regroupés dans différentes liasses. Je regrette que, lors de la procédure

4 de photocopiage (sic), ces différents articles aient été sortis de l'ordre

5 chronologique.

6 Il s'agit ici d'un article qui parle des enfants. En fait, on précise,

7 dans cet article, qu'il n'y avait pas d'enregistrement d'un nombre élevé

8 d'enfants qui souffraient de malnutrition, qu'il n'y avait pas d'enfants

9 qui présentaient un poids très faible à la naissance, qu'il y avait des

10 enfants âgés. L'on peut voir qu'environ 2,6% des enfants qui présentaient

11 des problèmes de malnutrition, il s'agit d'un article qui émane de la

12 clinique d'enfants de Sarajevo de mars 1994, et il est ici également fait

13 allusion à l'article Robertson au sujet de la nutrition, mais il n'y a

14 aucune donnée qui précise qu'il y avait davantage que 2,5% d'enfants qui

15 souffraient de malnutrition. Ce qui est particulièrement intéressant pour

16 moi, en qualité de psychiatre, c'est que dans cet article il est fait

17 mention de femmes qui à Sarajevo ne donnaient pas le sein suffisamment à

18 leur enfant et ceci a été confirmé dans d'autres articles, étant donné que

19 dans ces articles on invitait instamment les femmes à donner le sein à

20 leur enfant et, par la suite, on a pu constater que des femmes qui

21 connaissaient une période de stress ne pouvaient pas donner le sein. Par

22 conséquent, suite à un manque de prolactine, les femmes n'ont pas

23 suffisamment de lait maternel, et c'est la raison pour laquelle les

24 enfants ne peuvent pas être nourris. Ceci constitue un fait intéressant

25 pour moi parce qu'il s'agit de situations de stress extrêmes de guerre,

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1 comme cela est mentionné également dans le rapport de l'expert, M. Turner,

2 et la population enfantine continue à souffrir du même niveau de nutrition

3 que les autres membres de la population.

4 Question: Pouvez-vous nous dire quelle est la conclusion, très brièvement,

5 de cet article relativement à la possibilité pour les mères -notamment de

6 Dobrinja- de nourrir normalement au sein leur enfant?

7 Réponse: Oui. Dans le document de Cemerlic, dans la partie des

8 conclusions, j'ai souligné cela. Donc, vous pouvez retrouver une référence

9 immédiate et il est précisé que la guerre et l'arrêt de nutrition ne se

10 traduisent pas par des effets négatifs sur la croissance des enfants ou la

11 présentation d'anémie. Ce que l'on constate, c'est que des rations

12 alimentaires supplémentaires étaient distribuées et qu'il fallait veiller

13 à ce que les parents s'occupent des enfants. Mais la prolactine, qui est

14 une hormone qui a une influence sur la fabrication du lait maternel, et

15 qui a également un effet sur le cerveau, donc cette hormone joue également

16 un rôle pour les enfants.

17 M. Piletta-Zanin: Merci Docteur. Deux questions maintenant.

18 La première est celle des chiffres que vous avez pu retrouver en relation

19 au problème du suicide à Sarajevo confronté à d'autres républiques de

20 l'ex-Yougoslavie. Que pouvez-vous nous en dire, selon ces articles?

21 M. Kuljic (interprétation): Tout d'abord, je dois vous dire quel était mon

22 raisonnement. Dans ce rapport, il est précisé qu'un des témoins a déclaré

23 qu'il avait entendu qu'il y avait des rumeurs dans l'hôpital selon

24 lesquelles le taux de suicides avait augmenté. L'observation du Dr Turner

25 était qu'il n'avait pas constaté une augmentation du nombre de suicides,

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1 mais qu'il avait constaté qu'étant donné la période particulièrement

2 difficile, le nombre de troubles post traumatiques avait augmenté. Je peux

3 vous présenter les conclusions de Jensen et de l'OMS qui avaient conclu

4 que l'on pouvait constater une augmentation du nombre de suicides. Il y

5 avait également d'autres facteurs qui interviennent dans ce débat et, par

6 conséquent, on pouvait conclure à une augmentation du nombre de suicides.

7 Très fréquemment en médecine, on trouve des résultats qui ne sont pas

8 nécessairement confirmés ultérieurement. Dans l'étude de Ljubljana, on a

9 procédé à une comparaison d'un groupe de réfugiés bosniens avec des

10 adolescents.

11 M. Ierace (interprétation): Le témoin passe d'une source à d'autres

12 sources. Il a parlé de Jensen et du taux de suicides, puis il a fait

13 allusion à une autre personne qui parle de réfugiés bosniens et

14 d'adolescents slovènes. Il serait peut-être bon que l'on précise la source

15 à laquelle le témoin fait allusion. Est-ce qu'il s'agit d'une référence

16 qui a été tirée du site Internet? Peut-être qu'il serait bon de préciser.

17 M. le Président (interprétation): Bien. Monsieur le Témoin, lorsque vous

18 faites allusion au rapport Jensen, j'imagine qu'il s'agit d'un des

19 articles que vous avez trouvé sur le site Internet et auquel vous avez

20 fait allusion hier. Mais vous pourriez peut-être indiquer de façon aussi

21 précise que possible la source, de telle sorte que l'accusation et les

22 Juges de la Chambre puissent suivre ce que vous dites.

23 Veuillez poursuivre et je dois également vous demander, à la requête des

24 interprètes, de bien vouloir ralentir votre cadence. J'ai déjà essayé de

25 vous faire un signe de la main parce que vous parlez extrêmement vite et

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1 les interprètes ont du mal à vous suivre.

2 Veuillez poursuivre.

3 M. Piletta-Zanin: Docteur, s'il vous plaît... Docteur, s'il vous plaît,

4 simplement j'aurais voulu que vous repreniez depuis l'instant où vous

5 parliez de l'augmentation du taux de suicides en nous disant où était

6 cette augmentation. Etait-ce à Sarajevo ou ailleurs?

7 Merci.

8 M. Kuljic (interprétation): Pour commencer, je voudrais dire que

9 l'accusation n'a vraisemblablement pas entendu ce que le Président a dit

10 au sujet des articles qui sont présents dans cette salle. Mais si vous le

11 voulez, je peux formuler d'autres observations.

12 Parmi les articles que je vous ai donnés hier, il y avait l'article de

13 Jensen qui est intitulé "Santé mentale en temps de guerre", (Fin de

14 citation), je ne dois pas vous donner tout le litre dans sa totalité. Et

15 dans cet article, j'ai également souligné les parties pertinentes où il

16 est précisé que des complications, qui sont liées à des traumatismes de

17 guerre et les problèmes liés au stress, peuvent se traduire par une

18 augmentation de l'alcoolisme, par un comportement criminel et un

19 comportement de suicide.

20 Après cela, j'ai fait allusion aux documents de Slodnjak; il s'agissait de

21 la dépression. J'espère que vous avez trouvé cette référence, étant donné

22 que ces documents étaient présentés les uns après les autres. J'avais

23 également surligné les passages pertinents.

24 Il s'agit d'une comparaison qui a été effectuée entre des réfugiés de

25 Bosnie. Une fois de plus, on pensait que, s'agissant de l'ex-Yougoslavie,

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1 y compris la Bosnie, il y avait une étude de comparaison qui avait été

2 effectuée entre des réfugiés de Bosnie et des adolescents slovènes.

3 S'agissant du suicide, il s'agissait...

4 M. le Président (interprétation): J'essayais simplement de vous inviter à

5 ralentir.

6 M. Kuljic (interprétation): Oui. Et dans cette étude, il est précisé que

7 les adolescents slovènes présentaient très souvent ou évoquaient très

8 souvent leur désir de commettre un suicide, lorsqu'on comparait cela avec

9 les réfugiés de la Bosnie du même âge, qui avaient connu la guerre.

10 Maintenant, si l'on poursuit: comme M. Turner l'a précisé, lui, avait

11 conclu qu'il y aurait une augmentation du taux de suicide, mais il n'a pas

12 fait d'allusion à une référence qui permettrait de confirmer cela. Peut-

13 être que ces attentes, ces résultats non pas été confirmés comme cela

14 était dans le cas de l'étude que je viens de mentionner.

15 Voilà pourquoi j'essaie encore de veiller à mentionner les références. Le

16 principal problème qui caractérise le rapport du Dr Turner, c'est que les

17 choses n'étaient pas suffisamment conrètes.

18 M. Piletta-Zanin: Merci.

19 Monsieur le Président, avons nous reçu Rosner?

20 Monsieur le Président,... Je m'adresse à vous.

21 M. le Président (interprétation): Oui, je vois que l'article de Rosner

22 figure parmi cette liasse, mais je crois avoir compris que nous n'avions

23 pas autorisé le fait que des questions soient posées avant la prochaine

24 interruption.

25 M. Piletta-Zanin: Mes excuses.

Page 20735

1 M. le Président (interprétation): Il ne s'agissait pas simplement de nous

2 donner la copie sur notre table, il faut que l'accusation ait le temps de

3 lire ce document avant que vous posiez des questions.

4 M. Piletta-Zanin: Très bien, bien sûr. Nous oublions Rosner.

5 Que pouvez-vous nous dire, Monsieur le Docteur, de chiffres que vous avez

6 pu... je vérifie... que vous avez pu examiner également en relation au

7 problème de transfusions de sang? Je fais référence à un article qui est

8 "Begovic et altri". Et quelles en sont les conclusions que vous pourriez

9 tirer?

10 M. Kuljic (interprétation): J'aimerais préciser ce texte, parce que c'est

11 là que nous avons commencé à parler de cela, hier déjà. Il s'agissait du

12 premier groupe des trois articles dans lesquels j'avais précisé ce que

13 Turner disait dans son rapport au sujet des 119 personnes qui ont été

14 tuées ou blessées au cours d'une seule journée à Sarajevo.

15 Par conséquent, l'étude de Begovic et d'autres, qui concerne l'hôpital de

16 l'Etat, un des hôpitaux les plus importants de Sarajevo dont il était fait

17 mention dans l'article précédent. A présent, nous parlons uniquement de ce

18 qui existe dans les photocopies, et, à présent, il mentionne le chiffre de

19 1.215 blessés de guerre au cours d'une période donnée. Il s'agit là d'un

20 calcul. Et si l'on divise cela par le nombre de jours, on obtient un

21 résultat de 13 ou de 18. Je ne me souviens plus avec précision. Il

22 s'agissait de 13 pour un hôpital et de 18 pour l'autre, mais je ne pense

23 pas que ceci soit pertinent, parce que je vais, à présent, passer à un

24 autre article; il s'agit de Drnda qui précise "14 mois de Sarajevo".

25 Lorsque l'on calcule le nombre de personnes blessées qui ont été

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1 enregistrées, et lorsque l'on ajoute ces chiffres, on obtient le chiffre

2 global de 31, ce qui représente un écart significatif par rapport au

3 chiffre de 119 auquel j'ai déjà fait allusion.

4 Je dois également préciser que, dans aucun de ces trois documents, il

5 n'est fait question de l'ensemble de la période qui est visée par l'Acte

6 d'accusation du général Galic. Il s'agit donc d'une approximation, et on

7 constate un écart entre ces chiffres et ceux qui figurent dans le rapport

8 du Dr Turner.

9 Question: Monsieur le Président, j'ai encore deux questions et j'en aurai

10 terminé.

11 Docteur, vous nous parlez de chiffres. J'aimerais que vous nous expliquiez

12 quelles sont les relations que l'on peut tirer entre le chiffre global des

13 personnes, victimes de la guerre -blessées le cas échéant ou personnes

14 décédées- dans la période considérée, si vous connaissez ce chiffre, ne

15 serait-ce qu'approximativement, et la notion de terreur.

16 Réponse: Pour commencer, j'aimerais dire… j'aimerais revenir sur

17 l'objection que j'avais soulevée au début, s'agissant de la distinction

18 qu'il y a lieu de faire entre la guerre à Sarajevo et le conflit qui se

19 déroulait en dehors de Sarajevo.

20 Je vous ai expliqué, hier, que lorsque nous parlions du nombre de blessés

21 au cours d'un seul jour de guerre à Sarajevo, M. Turner parlait d'un

22 nombre élevé, et que ceci se traduit par de la peur, par une terreur,

23 climat qui prévalait dans l'esprit de tous les habitants de Sarajevo. Il a

24 également précisé que tous les habitants de Sarajevo essayaient de

25 survivre.

Page 20737

1 A mes yeux, tous ceux qui sont présents ici, dans ce prétoire, essayent de

2 survivre au quotidien. Et la question qu'il importe de poser est de savoir

3 si les conclusions du Dr Turner s'appliquent à tout un chacun, à toutes

4 les personnes qui ont été interrogées. Et sur la base de mes recherches

5 personnelles -quel était le nombre précis de personnes qui ont été

6 blessées, comment ces personnes ont-elles été blessées?-, ces faits ne

7 signifient pas pour autant qu'ils présentent des traumatismes graves, à

8 savoir le traumatisme mental qui se traduit par des blessures corporelles.

9 D'après les enquêtes auxquelles j'ai procédé, j'ai conclu que le degré de

10 leur traumatisme mental dépendait de leur évaluation subjective de leurs

11 propres blessures. Et cette évaluation subjective, bien qu'elle soit

12 suggestive, n'est pas nécessairement réaliste.

13 Question: Merci. Ma deuxième question a été partiellement répondue,

14 Docteur. Mais j'aurais voulu -l'exercice est difficile- que vous nous

15 résumiez, si vous le pouvez, en quoi l'expertise du Dr Turner était

16 particulièrement juste ou particulièrement fausse, voire les deux?

17 "Tacna" ou les deux pour la cabine serbe, merci.

18 Réponse: L'analyse du Dr Turner n'était pas régie par les principes que

19 l'on applique dans la recherche, qui permettent de conclure la vérité. En

20 d'autres termes, l'échantillon n'était pas adéquat, on n'avait pas procédé

21 à une sélection aléatoire des instruments psychiatriques, voire des

22 entretiens psychiatriques n'ont pas été utilisés.

23 Les témoins, au cours de leur audition, pouvaient être entraînés dans un

24 état mental tel qu'ils pouvaient porter atteinte à la véracité de leurs

25 dires et, par conséquent, on n'a pas procédé à une échelle de

Page 20738

1 vérification. Il n'y avait pas de contrôle sur les questions. On n'a pas

2 non plus procédé à une détermination des vérités et des mensonges. Il

3 s'agissait simplement de vérifier la responsabilité d'une personne. Il n'y

4 avait pas non plus d'analyse des facteurs qui auraient pu avoir une

5 incidence significative sur l'évolution du climat de terreur. Parce que

6 nous savons que la crainte, la peur sont des sentiments qui sont acquis;

7 il s'agit là d'un phénomène connu en psychiatrie.

8 Par conséquent, le rôle des médias était important, ainsi que le rôle qui

9 permettait de suivre les événements qui ont suivi la période pour laquelle

10 le général Galic est accusé. Tous ces éléments auraient pu avoir une

11 incidence sur le traitement ultérieur cognitif des donnés d'information,

12 et aurait pu avoir une incidence sur la perception de la situation

13 générale en temps de guerre, et qui pouvait donc être différente de celle

14 qui avait prévalu à l'époque.

15 Par ailleurs, je voulais également -et j'essaie de le faire de la manière

16 la plus objective qu'il soit-, j'aurais aimé jeter un autre éclairage sur

17 cette question. J'ai également apporté avec moi des conclusions d'autres

18 sources qui jettent un autre éclairage sur la période qui concerne

19 Sarajevo.

20 D'après le rapport, il n'y avait pas... il ne pouvait pas être question de

21 mourir de faim. Il y avait encore des cours qui étaient donnés à l'école

22 de médecine. Les personnes étudiaient, passaient leur diplôme, défendaient

23 leur thèse de doctorat, procédaient à des expériences avec des animaux. Et

24 je sais qu'il s'agit là de tâches particulièrement contraignantes en ce

25 qui concerne le temps, en ce qui concerne les ressources financières. Je

Page 20739

1 sais qu'il s'agit là de choses techniques et qui sont parfois difficiles à

2 mener à bien.

3 J'ai également fourni un article qui fait référence à des scanners et,

4 d'après ce document, de tomographie (CMT) -et nous savons toute la

5 difficulté à utiliser ce document particulièrement sensible au cours de

6 cette période.

7 M. Piletta-Zanin: Docteur, avec mes remerciements.

8 M. le Président (interprétation): Bien. Est-ce que l'accusation est prête

9 à interroger ou à contre-interroger le témoin?

10 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Blagoje Kuljic, par M. Ierace.)

11 M. Ierace (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.

12 Votre rapport date du 14 janvier 2003. Et vous avez précisé dans ce

13 rapport que vous vous êtes engagé à donner votre opinion au sujet du

14 rapport du Dr Turner.

15 La question que je vous pose est la suivante: quand avez-vous reçu le

16 rapport du Dr Turner?

17 M. Kuljic (interprétation): J'ai reçu le rapport du Dr Turner lorsque

18 j'avais été contacté par la défense. Je ne me souviens plus exactement de

19 la période. Je crois qu'il s'agissait du mois de décembre. Probablement le

20 début du mois de décembre.

21 Question: Il s'agit du mois de décembre 2002, n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Lorsque vous avez lu le rapport du Dr Turner, avez-vous consulté

24 les références auxquelles il avait fait allusion? Je crois qu'il s'agit

25 des deux dernières pages. Est-ce que vous avez lu ces deux dernières

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1 pages?

2 Réponse: Effectivement, j'ai vu les références qu'il avait données et il y

3 a même certaines des références que je connaissais moi-même, étant donné

4 que j'avais pris connaissance de ces documents quand j'ai étudié le

5 phénomène du stress.

6 Question: Mais ma question est de savoir si vous avez lu ces documents?

7 Réponse: Comme je l'ai dit, oui, il y a certains documents que j'ai lus,

8 que j'avais lus auparavant. Et oui, je connaissais le nom des auteurs de

9 ces documents.

10 M. Ierace (interprétation): Mais que vous les ayez lus avant qu'on vous

11 confie cette mission ou après qu'on vous ait confié cette mission, est-ce

12 que vous êtes en train de dire à la Chambre que vous avez lu non seulement

13 les résumés de ces articles mais l'ensemble de ces articles, les divers

14 articles, les divers documents auxquels le Dr Turner fait référence dans

15 son rapport. Oui ou non?

16 M. Kuljic (interprétation): J'ai dit que j'avais lu certains des articles…

17 Mais, excusez-moi, je n'ai pas bien compris la question.

18 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas s'il y a une petite

19 confusion ici, Monsieur le Procureur, mais, moi, j'avais compris qu'on

20 vous avait répondu que certains des documents référencés, vous les aviez

21 déjà lus. Donc j'imagine que les autres, vous ne les avez pas lus. Est-ce

22 que c'est ce que je dois comprendre de votre déclaration?

23 M. Kuljic (interprétation): Vous m'avez tout à fait bien compris. Je

24 connaissais certains de ces articles, mais je n'ai pas fait de recherches

25 sur la base des références indiquées. Je ne les ai pas relues.

Page 20741

1 M. Ierace (interprétation): Docteur Kuljic, moi, ce que je veux savoir,

2 c'est si à un moment donné au cours de votre existence, vous avez lu

3 chacun, sans exception, chacun des articles, chacune des publications

4 auxquelles le Dr Turner fait référence dans son rapport?

5 Veuillez répondre, s'il vous plaît, par oui ou par non?

6 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Oui?

8 M. Piletta-Zanin: …. (inaudible) page 2, je vois que nous avons sous

9 littérature, enfin j'ai le texte serbe devant moi, le dictionnaire de

10 Oxford, 6e édition 1976. Si on demande s'il a lu tout le dictionnaire

11 d'Oxford, c'est un peu fort de café! Si c'est la question, que l'on

12 précise sinon.

13 M. le Président (interprétation): Non, il me semble que la question est

14 limpide, et que M. Ierace ne semble pas satisfait de cette réponse qui

15 n'est pas véritablement ni oui ni non.

16 En fait, si j'ai bien compris vous n'avez pas lu tous les documents

17 auxquels fait référence le Dr Turner dans son rapport?

18 M. Kuljic (interprétation): Mais vous m'aviez bien compris il y a encore

19 quelques instants. Je ne vois pas bien où est le problème.

20 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu, Monsieur Ierace.

21 M. Ierace (interprétation): Oui.

22 Il y a quelques instants vous nous avez donné des informations au sujet

23 des calculs que vous avez faits sur la base des résumés, et j'aimerais que

24 vous vous référiez à l'article de M. Drnda et au résumé de son article.

25 Ici, il s'agit du service ou du centre de la médecine d'urgence, du centre

Page 20742

1 médical de Sarajevo, centre médical universitaire de Sarajevo. Je voudrais

2 savoir si vous vous êtes jamais rendu à cet endroit?

3 M. Kuljic (interprétation): Non.

4 Question: Savez-vous si ce centre est rattaché à l'hôpital de Kosevo?

5 Savez-vous s'il s'agit là d'un organisme qui se trouve à l'extérieur du

6 complexe de Kosevo, c'est-à-dire qu'il ne se trouve pas intégré au

7 complexe de l'hôpital de Kosevo? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

8 Réponse: J'ai posé cette question à la défense et ils m'ont répondu qu'il

9 s'agissait de quelque chose qui avait un lien avec l'hôpital de Kosevo.

10 Question: Veuillez, s'il vous plaît, m'expliquer comment vous avez trouvé

11 le chiffre de 31? D'abord, pour vous, quel était le nombre de patients

12 pertinents et puis le nombre de jours que l'on pouvait prendre en compte?

13 Vous pourriez d'ailleurs peut-être nous donner ces chiffres, nous dire où

14 on peut les trouver dans le résumé de l'article?

15 Réponse: Je vous ai dit que, lorsqu'on ajoute les chiffres qu'il y a dans

16 les deux articles, on peut trouver 31. Donc, j'ai pris le premier article

17 de Drnda qui ne nous parle de quelque 42.000 blessés, 37% de blessés.

18 Question: Oui. Mais deux phrases plus tard, est-ce qu'on ne voit pas la

19 chose suivante: "Au cours de cette période de temps, 107.453 patients ont

20 été soignés à l'hôpital avec une moyenne de 2.108 lits d'hôpital.".

21 Est-ce que vous voyez ces chiffres et ces mots?

22 Réponse: Oui.

23 Question: A quelle période de temps fait référence l'auteur de cet

24 article, et donc de ce résumé?

25 M. Kuljic (interprétation): Je peux simplement lire la première phrase

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1 dans laquelle il dit: "Plus de 40 mois.".

2 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous conviendrez, tout comme moi,

3 en premier lieu, est-ce que vous convenez que 40 jours, cela représente

4 1.217 jours. Est-ce que vous en conviendrez?

5 M. Piletta-Zanin: Non, j'ai de la peine à suivre.

6 M. le Président (interprétation): Mais je pense que vous faites référence

7 à 40 mois et pas à 40 jours, n'est-ce pas?

8 M. Ierace (interprétation): Oui, effectivement, Monsieur le Président,

9 merci beaucoup.

10 Est-ce que vous reconnaissez que cela représente 40 mois à peu près?

11 M. Kuljic (interprétation): Si vous me donnez une calculette, je pourrais

12 vous donner le chiffre exact, mais disons 40 par 30 ou 31, oui, ça donne à

13 peu près le nombre de jours.

14 Question: Vous pourrez, pendant la prochaine pause peut-être, procéder à

15 cette vérification mais, d'après mes calculs, lorsqu'on divise le chiffre

16 207.453 par le nombre de 1.217 on obtient 88, quelque chose.

17 Si ce calcul est exact, est-ce qu'à ce moment-là, à partir du résumé de

18 l'article, on peut voir que pendant les 40 mois de la guerre il y a eu en

19 moyenne 88 patients, par jour, hospitalisés et soignés à l'hôpital?

20 Réponse: Je souhaiterais simplement vous rappeler qu'il s'agit là du

21 nombre de personnes entrées à l'hôpital, cela comprend aussi bien les

22 personnes blessées que les personnes malades. Et l'on nous donne le

23 pourcentage des personnes blessées, des personnes blessées très

24 grièvement, des personnes nécessitant des opérations chirurgicales. On

25 nous donne les cas d'appendicite, etc. Donc quelque 20% de cas très

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1 urgents.

2 Question: Moi, je vous pose une question au sujet d'une opération qui me

3 conduisait au chiffre de 88 patients par jour. Je vais peut-être vous

4 laisser le temps de vérifier cette opération. Et maintenant, revenons à ce

5 que vous venez de dire et voyons voir si on peut faire un lien entre la

6 première phrase et la troisième phrase.

7 Dans la première phrase, est-il fait référence à ce chiffre de 42.075?

8 Est-ce qu'on nous dit que ces personnes sont en service, sont dans l'unité

9 d'accueil des premiers soins? Et est-ce qu'on parle du service des

10 urgences?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Et dans la troisième phrase, on fait référence à

13 l'hospitalisation et on parle des premiers soins, d'une part; et d'autre

14 part, de la médecine d'urgence. J'avance, quant à moi, que c'est ce qui

15 peut expliquer la présence de deux chiffres différents, mais ceci en se

16 rappelant bien entendu que nous ne disposions pas de l'intégralité de

17 l'article. Ceci, n'est-ce pas, pourrait permettre d'expliquer les chiffres

18 différents qui apparaissent dans ces phrases?

19 Réponse: Je serais vraiment content que vous me permettiez de vous

20 expliquer un certain nombre de choses, étant donné que je suis médecin et

21 que je connais un petit peu la manière dont cela se passe quand les gens

22 arrivent à l'hôpital.

23 Bon, alors, les patients arrivent au bureau ou à l'entrée, à la réception;

24 c'est ça, ce chiffre de 42.000 et quelque, les gens qui arrivent à la

25 réception. Ensuite, on détermine le nombre de personnes qui étaient

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1 blessées et, ensuite, les personnes ont été envoyées, ont été dispatchées

2 vers différents services. Mais, ici, nous n'avons pas la répartition

3 exacte des malades entre les personnes malades et les personnes blessées

4 suite à des opérations de guerre.

5 M Ierace (Interprétation): Je vous interromps, Docteur Kuljic. Vous ne

6 vous êtes pas rendu sur les lieux. Ce que vous me dites repose sur votre

7 expérience dans le domaine hospitalier.

8 Reconnaissez-vous avec moi que cela vous aurait été utile à vous, et à

9 nous aussi, de pouvoir prendre connaissance de l'intégralité de cet

10 article pour connaître la signification réelle de ces chiffres?

11 Est-ce que vous en conviendrez avec moi, Monsieur?

12 M. Kuljic (interprétation): Que j'en convienne avec vous ou pas, en fait,

13 cela reviendrait finalement à dire qu'il faudrait tous que l'on aille à

14 Sarajevo.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez vous

16 contenter de répondre aux questions. Veuillez vous abstenir, s'il vous

17 plaît, de faire des observations sur les faits d'une réponse que vous

18 n'avez pas encore donnée.

19 M. Ierace (interprétation): Monsieur, vous vous présentez ici comme un

20 expert, un expert dans le domaine de la terreur, n'est-ce pas?

21 M. Kuljic (interprétation): Oui.

22 Question: Vous venez ici pour présenter votre opinion au sujet du rapport

23 préparé par le Dr Turner, est-ce bien exact?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Mais, en tant qu'expert, est-ce que vous ne pensez pas qu'il est

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1 normal, approprié de lire les articles au sujet desquels vous déposez

2 avant de comparaître à la barre?

3 Réponse: Oui, mais le résumé d'un article, c'est aussi une partie de cet

4 article.

5 Question: Mais cet article, d'après ce que nous voyons ici, sur cette

6 feuille de papier, cet article a été publié dans un journal spécialisé en

7 1997, n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Vous nous avez dit que le site sur lequel vous avez trouvé le

10 résumé de cet article est un site consulté par les professionnels, réservé

11 aux professionnels, n'est-ce pas? Quand avez-vous, pour la première fois,

12 découvert ce résumé sur ce site Internet?

13 Réponse: J'ai trouvé cet article après avoir présenté mon rapport, parce

14 que j'ai continué à travailler.

15 Question: Mais ma question n'est pas de savoir si cela s'est passé avant

16 ou après votre rapport, mais quand? Quand? La semaine dernière, le mois

17 dernier?

18 Réponse: C'était… eh bien, en janvier disons, dans la deuxième quinzaine

19 ou à la fin du mois de janvier.

20 Question: Donc, si vous l'aviez voulu, vous auriez pu lire l'article dans

21 son intégralité, n'est-ce pas?

22 Réponse: J'ai dit qu'il y avait beaucoup d'articles. D'autre part, pour

23 obtenir cet article, il faudrait que je m'acquitte d'une certaine somme,

24 d'une sorte de droit. Mais ça, ce document-là qu'on a sous les yeux,

25 celui-là était accessible et c'est ce que j'ai utilisé.

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1 M. Ierace (interprétation): Existe-t-il un motif qui explique que vous

2 n'ayez pu avoir accès à ce document? Vous venez de nous expliquer que vous

3 auriez dû payer une certaine somme et j'imagine que, cela, vous auriez pu

4 le faire. Mais si vous l'aviez voulu, vous auriez pu, n'est-ce pas, lire

5 cet article dans son intégralité, n'est-ce pas?

6 Voilà ma question.

7 M. Kuljic (interprétation): Je vais vous dire que, pour nous, ça

8 représente un problème de payer ce type de frais, de droit d'accès, parce

9 que, quand on veut avoir accès à ce type d'article sur ce type de site, il

10 faut s'acquitter de la somme concernée avec une carte de crédit, et moi,

11 je n'ai pas de carte de crédit. Il y a beaucoup de gens en Yougoslavie qui

12 n'ont pas de carte de crédit, ça ne fonctionne pas là-bas. Donc nous

13 sommes contraints...

14 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président... Monsieur le Président.

15 M. Ierace (interprétation): Est-ce que le moment est venu pour faire la

16 pause?

17 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, la première

18 question qui est posée, c'est de savoir si le moment serait bien choisi

19 pour faire une pause. Mais avant que nous fassions la pause, sur quoi

20 souhaitez-vous attirer notre attention?

21 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président, si cette ligne de questions

22 doit continuer sur des faits aussi personnels que de savoir quels sont les

23 moyens d'une personne, je préférerais qu'on s'écarte.

24 M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause.

25 Est-ce qu'il s'agit de quelque chose qu'il convient d'évoquer en présence

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1 du témoin?

2 M. Ierace (interprétation): Si ça peut faire gagner du temps, je signale

3 que je n'ai pas l'intention de poursuivre mes questions sur ce sujet.

4 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, est-ce que, dans

5 ces conditions, vous trouvez toujours nécessaire d'intervenir?

6 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président, une seule remarque: que

7 chacun d'entre nous observe la fin du pointeur lorsqu'on s'adresse aux uns

8 aux autres, parce que ça devient une cacophonie ici. Mais rien d'autre.

9 Merci.

10 M. le Président (interprétation): Bien. Pause. Nous reprendrons à 16

11 heures 15.

12 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est reconduit hors du prétoire.)

13 (L'audience, suspendue à 16 heures 47, est reprise à 16 heures 26.)

14 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez introduire

15 le témoin dans le prétoire.

16 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre, Monsieur Ierace.

18 M. Ierace (interprétation): Merci.

19 Docteur Kuljic, J'imagine que vous parlez, que vous comprenez l'anglais,

20 étant donné que ces résumés sont en langue anglaise. Est-ce bien exact?

21 M. Kuljic (interprétation): Oui.

22 Question: Avez-vous vu la version anglaise du rapport du Dr Turner?

23 Réponse: Non, je l'ai lu en serbe.

24 Question: Avez-vous vérifié la version en anglais de votre rapport à vous?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et est-ce qu'on peut partir du principe que vous êtes satisfait

2 de l'exactitude de la version en anglais de votre rapport?

3 Réponse: J'ai eu quelques observations mineures à faire à un endroit au

4 lieu de "impression fausse", on a parlé de folie, etc. Donc, il y a eu des

5 erreurs de ce type, des erreurs mineures.

6 Question: Avez-vous apporté les corrections nécessaires à la version en

7 anglais de votre rapport?

8 Réponse: Je n'ai pas pensé qu'il y ait d'erreurs nécessitant une

9 correction, d'erreurs si graves qu'elles nécessitassent une correction.

10 Question: Dans la version anglaise de votre rapport, vous parlez parfois

11 de terreur, vous parlez parfois d'anxiété, vous parlez parfois de peur.

12 Quel est le mot serbe pour "terreur" et veuillez, s'il vous plaît, nous en

13 donner l'orthographe, nous l'épeler?

14 Réponse: Quel mot, à quel mot faites-vous référence exactement?

15 Question: Le mot de "terreur".

16 Réponse: Il s'agit de peur extrême, mais en serbe on utilise souvent le

17 mot de "terreur".

18 M. Ierace (interprétation): Vous voulez parler du mot anglais "terror",

19 c'est cela?

20 M. Kuljic (interprétation): Oui. Souvent le mot de "terreur" en anglais

21 est traduit par "terror", mais il peut parfois y avoir des confusions avec

22 le mot de peur.

23 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je ne veux pas interrompre, mais

24 dans la mesure où l'accusation elle-même le voulait, il serait bien que le

25 mot de "strah" fut retranscrit dans le texte original et épelé par le

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1 docteur, comme le voulait l'accusation.

2 M. le Président (interprétation): J'imagine qu'il a dit, qu'il a prononcé

3 ce mot parce que cela je ne le vois pas, bien entendu en traduction, c'est

4 logique.

5 Monsieur le Témoin, on vous a demandé de nous donner le mot serbe

6 correspondant à ce que l'on appelle en anglais "terror", mais au compte

7 rendu d'audience, nous voyons seulement le mot "terror ", qui peut être

8 aussi utilisé "terreur". Mais on nous informe que le mot de "strah" est

9 également usuel dans ce contexte. C'est bien exact?

10 M. Kuljic (interprétation): Il s'agit de "krajnji strah", "strah"; ça

11 signifie "la peur", mais "krajnji strah", ça signifie "terreur". Mais

12 l'autre signification, c'est un autre terme.

13 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, d'un autre côté, j'ai un manque

14 soudain… (inaudible) mais je n'ai plus de traduction française.

15 L'interprète française signale à Me Piletta-Zanin qu'il est parfois

16 nécessaire d'observer un petit temps de réflexion afin de fournir un

17 travail correct.

18 M. Piletta-Zanin: Eh bien, m'en voilà pleinement informé. Je remercie la

19 cabine.

20 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas, au compte rendu d'audience,

21 la réponse de la cabine française.

22 M. le Président (interprétation): (Pas de traduction.)

23 Interprète: oui, les interprètes de la cabine française s'adressent au

24 Président pour lui signaler que c'est exactement la nature de la réflexion

25 qui a été faite à l'intention de Me Piletta-Zanin.

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1 M. le Président (interprétation): Donc on sait maintenant clairement ce

2 qui a été dit.

3 Veuillez poursuivre, Monsieur Ierace.

4 M. Ierace (interprétation): Vous avez dit précédemment qu'en serbe vous

5 avez utilisé soit le mot de "terror", "terreur" –anglais-; ou bien, vous

6 avez utilisé des mots qui signifient "peur extrême".

7 Est-ce que la défense a raison de dire que vous avez utilisé le terme de

8 "strah" pour désigner une "peur extrême"; oui ou non?

9 M. Kuljic (interprétation): "Peur extrême", ce n'est pas pareil que la

10 "peur ordinaire"; cela, c'est bien clair.

11 Question: Veuillez, s'il vous plaît, nous donner l'orthographe, nous

12 épeler le terme serbe utilisé pour désigner une "peur extrême".

13 Réponse: "E-K-S-T-R-E-M-N-I S-T-R-A-H".

14 Question: Vous nous dites que "strah", cela signifie "peur". Est-ce que

15 cela signifie également "anxiété"?

16 Réponse: Je vais vous donner des explications supplémentaires. Peut-être

17 qu'on pourrait passer de la linguistique à la psychiatrie? C'est le

18 domaine dans lequel je suis plus à l'aise et pour lequel on m'a demandé de

19 venir ici. Donc "anxiété", cela définit un état de tension...

20 Question: Je vais reformuler ma question: dans votre rapport, est-ce que

21 vous conviendrez qu'en comparant le terme anglais de "anxiety" -"anxiété"-

22 avec l'original serbe, on peut voir que, parfois, vous avez traduit le mot

23 "strah" en utilisant le mot de "anxiety" -"anxiété"?

24 Réponse: Peut-être pourriez-vous me donner, me montrer là où cela se

25 trouve exactement? A ce moment-là, je pourrais vous expliquer pourquoi

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1 j'ai procédé de la sorte. Pouvez-vous me donner un exemple concret?

2 M Ierace (Interprétation): Nous y viendrons lorsque nous passerons en

3 revue votre rapport. Est-ce que vous êtes d'accord avec la définition de

4 la terreur telle qu'elle est donnée par le Dr Turner?

5 M. Kuljic (interprétation): La définition de terreur comme étant une peur

6 extrême, telle qu'elle nous est donnée par le Dr Turner, dépend bien

7 entendu de la nature de la discussion. Est-ce que l'on examine ce terme

8 sous un aspect linguistique ou bien sous un aspect psychiatrique, médical

9 ou juridique? Et moi, je préférerais, je souhaiterais que l'on évoque ici

10 les aspects psychiatriques de la peur, ses formes extrêmes, etc.

11 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président…

12 M. Ierace (interprétation): Les interprètes demandent à ce que l'on ajuste

13 la position des micros.

14 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Piletta-Zanin?

15 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je pense que nous avons là un

16 exemple clair d'un cas où le témoin doit être autorisé à répondre,

17 puisqu'il répond dans son domaine à une question claire; il allait porter

18 réponse et il a été interrompu par l'accusation. Nous pensons que nous ne

19 devons pas accepter cela.

20 Je fais référence sur le transcript, Monsieur le Président, à la ligne 13

21 de la page courante.

22 M. le Président (interprétation): Oui. Oui, je suis en train de lire cet

23 extrait du compte rendu d'audience. On vous a demandé si vous étiez

24 d'accord avec la définition donnée par le Dr Turner, pour ce qui est du

25 concept de la terreur, et vous avez répondu que cela dépendait du fait, de

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1 la nature de la discussion. Cela dépendait de savoir si l'on parlait, ici,

2 des aspects linguistiques, juridiques ou psychiatriques de cette notion.

3 Vous pouvez expliquer à la Chambre si vous approuvez la décision de la

4 terreur dans son acceptation psychiatrique.

5 M. Ierace (interprétation): Puis-je intervenir à ce sujet, auparavant?

6 M. le Président (interprétation): Oui, j'aurais dû vous donner la parole.

7 M. Ierace (interprétation): La partie pertinente du rapport du Dr Turner

8 figure au paragraphe 4. Je lis la phrase –je cite-: Le Concise Oxford

9 Dictionary, dans son édition de 1976, donne plusieurs définitions au mot

10 de terreur, mais la première et la plus simple définition de ce mot, c'est

11 celle d'un "état de peur extrême." (Fin de citation.)

12 Voici la définition donnée par le Dr Turner. Je n'ai pas demandé au témoin

13 de nous donner une définition psychiatrique médicale de ce terme. Je

14 souhaiterais attirer simplement son attention sur le fait qu'il s'agit là

15 de la définition la plus simple du terme de terreur.

16 M. le Président (interprétation): Mais vous pouvez bien entendu demander

17 au témoin de s'exprimer sur la définition la plus simple donnée par un

18 dictionnaire; cela, c'est possible. Mais si le témoin souhaite expliquer

19 s'il est d'accord avec cela, du point de vue psychiatrique… Donc, en fait,

20 vous voulez vous concentrer sur cet aspect?

21 M. Ierace (interprétation): Oui, c'est pourquoi je l'ai interrompu, c'est

22 pourquoi j'ai interrompu le témoin. Mais j'allais reformuler ma question,

23 mais Me Piletta-Zanin est intervenu.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez, s'il vous

25 plaît, maintenant répondre à la question du Procureur qui est maintenant

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1 la suivante: si on entend le mot de terreur comme désignant un état de

2 peur extrême, est-ce que vous, à ce moment-là, vous êtes d'accord sur

3 cela? Vous êtes d'accord sur cette définition, cette définition comme

4 étant la plus simple définition qui se puisse imaginer du mot ou du

5 concept de terreur?

6 M. Kuljic (interprétation): Il s'agit effectivement, là, d'une définition

7 extrêmement concise, mais peut-être un petit peu simpliste. Après, on

8 pourra peut-être s'intéresser sur la signification du mot de "terroriste".

9 La peur extrême, elle n'est pas ressentie uniquement dans le cadre aussi

10 de la définition du mot terroriste. Donc cela, c'est très important.

11 M. le Président (interprétation): Non, mais la question du terrorisme

12 n'est pas celle que souhaitait évoquer, ici, le Procureur.

13 Veuillez poursuivre, Monsieur le Procureur.

14 Monsieur le Témoin, si à un moment donné au cours de votre déposition,

15 vous estimez absolument nécessaire de nous donner votre point de vue de

16 psychiatre sur un point ou un autre, on vous en donnera la possibilité.

17 Mais, pour l'instant, je vais vous demander de vous contenter de répondre

18 aux questions du Procureur qui ont trait à la définition telle qu'elle

19 figure dans le rapport du Dr Turner.

20 Allez-y, Monsieur le Procureur.

21 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Dans votre rapport, au paragraphe 2.1…

23 M. Kuljic (interprétation): Je m'excuse.

24 (Le témoin cherche la page dans son rapport.)

25 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président...

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1 (Me Piletta-Zanin fait signe au Président qu'il ne veut pas prendre la

2 parole.)

3 M. Ierace (interprétation): Au paragraphe 2.1, vous avez repris ou vous

4 avez prétendu reprendre les instructions qui ont été confiées au Dr

5 Turner, et j'imagine que, ce faisant, vous avez ainsi présenté ce que vous

6 avez compris comme étant les objectifs de son rapport.

7 Ai-je bien compris? Est-ce exact? Est-ce que c'est ainsi, est-ce de cette

8 façon que vous avez compris quel était l'objectif de son rapport?

9 M. Kuljic (interprétation): Oui, je suis en train de relire une fois

10 encore cette phrase pour qu'on évite toute confusion, tout comme j'ai

11 attendu que vous ayez lu le résumé de l'article. Je ne vous ai pas demandé

12 de vous dépêcher. Je vous demande d'en faire de même pour moi.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, si vous avez une

14 telle demande à formuler à l'encontre d'une ou de l'autre des parties,

15 veuillez, s'il vous plaît, vous adresser à moi, si vous n'êtes pas tout à

16 fait satisfait de la manière dont on vous interroge. Adressez-vous à moi,

17 s'il vous plaît.

18 Vous pouvez continuer, Monsieur le Procureur.

19 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Donc, pour vous, c'est ainsi que vous avez compris quel était l'objectif

21 de son rapport?

22 M. Kuljic (interprétation): D'abord, je voudrais présenter mes excuses au

23 Président de la Chambre, et ensuite, je souhaiterais répondre que oui.

24 Oui, c'est de cette façon que j'ai compris ce qui est écrit.

25 Question: Vous nous avez dit avoir vérifié la version en anglais de votre

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1 rapport. J'avance, quant à moi, que vous n'avez pas repris de manière

2 précise et exacte les instructions. Donc vous avez présenté de manière

3 erronée les objectifs de son rapport. Et je vais vous donner lecture d'un

4 extrait du rapport du Dr Turner en anglais.

5 Et je vais vous demander, pendant que je donnerai lecture de cet extrait,

6 de suivre ce qui est écrit dans votre rapport à vous.

7 Paragraphe 3 du rapport du Dr Turner, dernière phrase. La dernière phrase

8 suit une présentation de l'essence des charges qui pèsent sur le général

9 Galic -je cite-: "J'ai reçu pour instruction de préparer un rapport ayant

10 trait aux relations entre les événements de ce type et la production ou la

11 création de la terreur d'un Etat de terreur.". (Fin de citation.)

12 Moi, ce que j'avance, Monsieur, c'est que ces mots n'apparaissent pas dans

13 leur intégralité dans ce que vous nous dites dans votre rapport au sujet

14 des instructions données par le Dr Turner, où l'on peut lire -je cite-:

15 "J'ai reçu pour instruction de préparer une expertise...".

16 M. le Président (interprétation): Ne répondez pas tout de suite. Veuillez

17 poursuivre.

18 Oui?

19 M. Piletta-Zanin: J'ai une objection parce que l'on se fonde maintenant

20 sur ce qui n'est rien d'autre qu'une traduction d'un document établi en

21 serbe. Alors qu'on lise le texte serbe. Voilà la teneur de l'objection.

22 Merci.

23 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un commentaire au sujet de

24 la question et une partie de la réponse. Mais si cela se comprend, ce

25 n'est quand même pas une objection.

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1 Donc poursuivez, Monsieur le Procureur.

2 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, j'ai demandé au témoin

3 s'il a vérifié la version en anglais de son rapport, ce qui fait que cette

4 intervention s'avère doublement inappropriée. Je serais redevable si on ne

5 déduisait pas le temps qui a été, cette fois-ci, ainsi consommé, enfin, du

6 temps qui m'était imparti.

7 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y, Monsieur Ierace.

8 M. Ierace (interprétation): Je voulais tout simplement reprendre quelques

9 expressions du rapport pour savoir: "Il m'a été donné des instructions

10 pour préparer mon opinion d'expert de façon à voir comment de tels

11 incidents se répercutent sur la création de l'anxiété ou la peur

12 extrême.". (Fin de citation.)

13 Je vous dis tout simplement qu'il y a une différence entre ce que le Dr

14 Turner vient de dire et ce que vous avez écrit. Etes-vous d'accord ou pas?

15 M. Kuljic (interprétation): Je dois vous dire tout d'abord que j'ai eu du

16 mal à vous suivre; c'était beaucoup trop rapide comme débit, pour moi.

17 Ensuite, entre-temps, j'ai pu vérifier en version serbe l'introduction du

18 rapport du Dr Turner. J'ai pu voir également ma version, à moi, en serbe,

19 et je vois qu'il y une complémentarité parfaite.

20 Je voudrais vous demander maintenant ce que vous voulez que je fasse: que

21 je m'occupe de la version serbe ou anglaise du rapport?

22 Question: Avez-vous sur vous la version en anglais du rapport Turner?

23 Réponse: Non.

24 Question: Avez-vous jamais demandé qu'on vous la procure, cette version?

25 M. Kuljic (interprétation): Je croyais que ceci n'était pas nécessaire,

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1 étant donné que la version serbe a été certifiée. Qu'arriverait-il, par

2 exemple, si je ne connaissais pas un seul mot d'anglais? Je crois qu'elle

3 a été acceptée, cette version en serbe.

4 M Ierace (Interprétation): Très bien. Peut-on dire, ne serait-ce que

5 jusqu'à ce moment-ci, que pendant tout ce temps vous avez pu comprendre et

6 interpréter...

7 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, j'aimerais dire quelque chose en

8 l'absence du témoin. J'aimerais dire quelque chose en l'absence du témoin.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, voulez-vous, s'il

10 vous plaît, raccompagner le témoin.

11 Et, Docteur, Monsieur le docteur, je vous demande de quitter le prétoire

12 pour quelques instants.

13 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est reconduit hors du prétoire.)

14 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Piletta-Zanin?

15 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, ce que je voulais dire, c'est la

16 chose suivante: j'ai devant moi la traduction du rapport de M. Turner

17 faite par les services de l'accusation eux-mêmes, sous numéro de référence

18 ERN03054237. J'ai vérifié, et le Dr Turner a cité très exactement, depuis

19 la page 2 in fine jusqu'au "O" de la page 3, le passage qui se trouve

20 entre guillemets dans sa version, c'est-à-dire la page 2.2, dans les

21 guillemets.

22 Je ne vais pas le lire en serbe, mais je pourrais le faire s'il le

23 fallait, mais le mot utilisé est très exactement le mot de "strah" que

24 l'accusation lui reproche actuellement.

25 Donc, si l'accusation a traduit d'une certaine façon et si l'expert s'est

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1 basé sur cette traduction pour faire son travail, on ne peut pas le lui

2 reprocher puisqu'il n'a fait que reprendre textuellement un document

3 fourni par l'accusation. Et ça c'est clair.

4 M. le Président (interprétation): Oui, vous formulez une observation à la

5 fois sur qu'a fait l'accusation et ce que se propose de faire

6 l'accusation, et sur ce qui est apparu à travers les dires du témoin, à

7 savoir qu'il a utilisé la version en BCS et par la suite, ce rapport a été

8 également traduit vers l'anglais.

9 Par conséquent, ce que M. Ierace a fait ultérieurement -c'est du moins là

10 l'interprétation qui est la mienne-, de la procédure qui a été suivie par

11 M. Ierace, il a voulu vérifier peut-être qu'il s'agit d'un problème de

12 qualité de traduction, parce que je ne sais pas si M. Ierace soulève une

13 objection au sujet du mot serbe "strah". Je ne sais pas de quel mot il

14 parlait, mais il a essayé de trouver si le témoin expert avait peut-être

15 une opinion erronée. Peu importe la personne qui doit en porter le

16 chapeau, mais il voulait savoir de quoi parlait le rapport du Dr Turner.

17 C'est du moins là mon interprétation.

18 Par conséquent, je ne comprends pas pourquoi c'est à ce moment-ci qu'il

19 devient nécessaire parce que, pour moi, les choses sont claires, compte

20 tenu de la méthode qui a été suivie par le témoin expert pour élaborer son

21 rapport. Vous avez vous-même présenté certains éléments qui n'ont pas été

22 dits par l'accusation et je pense que nous aurions pu continuer sans

23 procéder à cette intervention.

24 Mais le Juge Nieto-Navia souhaite vous poser une question.

25 M. Nieto-Navia (interprétation): Oui.

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1 Je voudrais inviter Me Piletta-Zanin à lire la version en BCS de la phrase

2 qui figure dans le rapport du Dr Turner. Je vais demander aux interprètes

3 de ne pas traduire ceci. Donc, je vous invite à lire cette phrase deux

4 fois. La première fois, vous ne l'interprétez pas, et la deuxième fois,

5 vous l'interprétez. Donc, je me reporte à la page 2 du rapport en langue

6 originale, en serbe de M. Kuljic.

7 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je le ferais volontiers avec mes

8 excuses pour tout le monde du fait de ma prononciation serbe, mais je le

9 fais volontiers. Si j'ai bien compris, d'abord le point 2.1 cité par M.

10 Kuljic, c'est bien cela?

11 M. Nieto-Navia: Non, non. Maître Piletta-Zanin, M. Kuljic donne une

12 citation d'une phrase qui figure dans le rapport du Dr Turner. Je voudrais

13 que vous la lisiez, à moins que vous ne préfériez que Me Pilipovic le

14 fasse.

15 M. Piletta-Zanin: Je vais le faire.

16 M. Nieto-Navia (interprétation): Mais il a fait une citation qui figure

17 par la suite dans la traduction du rapport du Dr Turner. Donc je dispose

18 ici de la page 2 du rapport en langue BCS, et j'aimerais simplement

19 vérifier, étant donné le fait que je ne parle pas la langue BCS, donc je

20 vous invite à le lire lentement.

21 M. Piletta-Zanin: Volontiers. Je cite, Monsieur le Président, la dernière

22 phrase du point 3 du rapport Turner traduit en langue serbe par

23 l'accusation sous numéro de référence 03054237 et 238. Je cite maintenant

24 en serbe.

25 "Dobio sam…" ".

Page 20761

1 M. le Président (interprétation): Ceci ne doit pas être traduit.

2 M. Piletta-Zanin: (Sans interprétation.)

3 M. Nieto-Navia (interprétation): Bien.

4 M. Piletta-Zanin: Est-ce que vous voulez que je le fasse en français?

5 M. Nieto-Navia (interprétation): Est-ce que vous pourriez le faire de

6 telle sorte qu'on reçoive l'interprétation simplement aux fins du compte

7 rendu d'audience?

8 M. Piletta-Zanin: Oui, oui, très volontiers, donc même citation, même

9 lieu, même vitesse.

10 "J'ai reçu l'instruction de préparer une opinion d'expert pour voir

11 comment de tels événements participent à la création de la peur.". (Fin de

12 citation.)

13 M. Nieto-Navia (interprétation): Je vous remercie, Maître Piletta-Zanin.

14 (Les Juges se concertent sur le siège.)

15 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez faire

16 entrer le témoin dans le prétoire, je vous prie.

17 M. Ierace (interprétation): Dans l'intervalle, je voudrais simplement dire

18 que Me Piletta-Zanin a mentionné à deux reprises qu'il s'agissait d'une

19 traduction de l'accusation. Or, ce document a été traduit par le service

20 CLSS.

21 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

22 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre votre

23 interrogatoire, Monsieur Ierace.

24 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Témoin, jusqu'à présent du moins,

25 est-ce que votre interprétation était la suivante: à savoir que l'objectif

Page 20762

1 du rapport du Dr Turner visait à élaborer une opinion sur la façon dont

2 les événements ont contribué à créer une peur ou un climat d'anxiété?

3 M. Kuljic (interprétation): Oui, c'est ce que j'ai écrit d'ailleurs,

4 comment ces événements ont contribué à la création de la peur.

5 Question: Avez-vous lu le compte rendu de la déposition du Dr Turner?

6 Réponse: Oui, je l'ai lu.

7 Question: Et pendant que vous avez lu ce témoignage, est-ce que les choses

8 ne sont pas devenues plus claires pour vous, notamment lorsque vous avez

9 lu les parties différentes, les autres parties du rapport du Dr Turner,

10 qu'il était préoccupé par la notion de terreur plutôt que d'anxiété et de

11 peur?

12 Réponse: Vous m'avez demandé quand j'ai lu les transcripts, je les ai lus

13 après avoir rédigé mon rapport.

14 Question: Non, ceci ne répond pas à ma question. Je vous invite à répondre

15 à la question que je vous avais posée. Est-ce que vous souhaitez que je

16 vous la reformule?

17 Réponse: Oui, s'il vous plaît.

18 Question: Bien. Alors que vous avez lu les comptes rendus de la déposition

19 du Dr Turner, ainsi que les autres parties du rapport du Dr Turner. Est-ce

20 que, pour vous, les choses ne sont pas devenues plus claires, à savoir que

21 le Dr Turner, dans son rapport, était préoccupé par la notion de terreur

22 plutôt que d'anxiété ou de peur?

23 Réponse: En rédigeant son rapport, il s'est plutôt préoccupé du fait de

24 voir comment apparaît, comment se trouve créée la peur, quels sont les

25 mécanismes à la base de la peur. Et à la fin de son rapport, il a été dit

Page 20763

1 que la somme de ces événements consistait à frapper de terreur, à

2 provoquer la terreur. C'étaient mes réflexions à la suite de la lecture de

3 son rapport. Et une fois, plus tard, par la suite, j'ai pu lire les

4 transcripts de la procédure du procès.

5 Question: Avez-vous avec vous une version en langue BCS du rapport du Dr

6 Turner?

7 Réponse: Oui, je l'ai en serbe.

8 Question: Veuillez vous reporter au paragraphe 3 de ce rapport.

9 (Le témoin s'exécute.)

10 Réponse: Oui.

11 Question: Je vous invite à lire lentement et à voix haute la deuxième

12 phrase.

13 Réponse: "C'est pourquoi un acte d'accusation a été établi à son encontre

14 par lequel, entre autres, il est chargé du fait de procéder à une campagne

15 de terreur contre les civils, ce qui est sanctionné par l'article 50".

16 Question: Je vous remercie. Je vous invite à présent à lire le titre qui

17 précède le paragraphe 4.

18 Réponse: "Définition de la terreur".

19 Question: Et je crois que la première phrase qui figure sous cet intitulé

20 donne la définition de la terreur d'après un dictionnaire anglais

21 particulier, est-ce exact?

22 Réponse: Oui, il s'agit de parler de dictionnaire. Plusieurs définitions

23 ont été citées. En effet, la toute première définition retrouvée dans le

24 dictionnaire.

25 Question: Monsieur le Docteur Kuljic, personne ne peut vous critiquer pour

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1 avoir fondé votre opinion du rapport du Dr Turner sur la version en BCS,

2 qui vous a été remise. Mais ne vous a-t-il pas été... Avez-vous pensé

3 qu'il était un peu étrange que les accusations portées à l'encontre du

4 général Galic avaient trait au fait que l'on ait semé la terreur et que le

5 Dr Turner, dans son rapport, ait abordé la terreur?

6 Est-ce que ceci ne vous a pas semblé étrange, à savoir qu'il a exprimé ses

7 instructions, qu'il les a développées et précisées comme étant

8 l'élaboration d'un rapport qui avait trait à la création d'un sentiment

9 d'anxiété et de peur plutôt que de la terreur?

10 Réponse: Je vais vous expliquer maintenant la façon qui a été la mienne

11 d'appréhender tout cela.

12 J'ai tout d'abord compris qu'il y avait un Acte d'accusation contre le

13 général Galic. Notamment du fait d'avoir procédé à une campagne de

14 bombardement, à une campagne de tireurs embusqués contre des régions

15 civiles, pour ne pas m'étendre sur le texte. Après quoi, nous voyons qu'au

16 titre de l'Article 51, voilà que l'Acte d'accusation le charge de, etc.

17 Après quoi, dans la phrase qui suit, je dis... Je dis que "une opinion

18 d'expert devait être élaborée pour que ces événements-là, événements

19 pendant lesquels et pour lesquels, croit-on, il assumait une

20 responsabilité de commandement -ce que j'ai compris par la suite-, peuvent

21 contribuer à la création de la peur".

22 Ensuite, en lisant son rapport, je peux voir que le Dr Turner, souvent,

23 affirme que ces résultats ont été apportés sur la base de ce qui a été

24 connu de lui, et si cela est admis comme étant exact, au Tribunal.

25 En effet, j'ai compris par là que lui voulait dire combien grande était

Page 20765

1 cette peur et dire de quelle façon tout cela se répercutait sur le

2 comportement des gens qui ont été exposés à cette peur. Et ce n'est

3 qu'ensuite qu'une décision devait être prise.

4 Question: Veuillez à présent vous reporter au paragraphe 2.2 de votre

5 propre rapport.

6 (Le témoin s'exécute.)

7 Après avoir déclaré et avoir répété mot à mot les instructions du Dr

8 Turner, d'après la version en BCS de son rapport, on constate qu'il y a

9 une incohérence entre l'objectif qu'il a déclaré au début de son rapport

10 et les termes qu'il a utilisés dans la partie, la dernière partie de son

11 rapport qui traite des conclusions où il essaye de résumer ce que vous

12 avez précisé dans votre propre paragraphe 2.2.

13 Réponse: Ici, sous le point 2.2, j'ai cité directement ce qui était écrit

14 dans le rapport étant donné que, par la suite, j'ai pu comprendre qu'il y

15 avait là une différence entre l'instruction exacte, parce que j'ai dû

16 réfléchir à ce qui devait être l'objectif de l'analyse. Par conséquent,

17 j'ai reçu comme définitivement une instruction la préparation de ce

18 document, c'est-à-dire voir comment les événements peuvent donner lieu à

19 la création de la peur.

20 M. Ierace (interprétation): Préalablement, je vous ai signalé qu'il y

21 avait des différences entre la phrase qui figure dans le rapport du Dr

22 Turner, où il précise les instructions qui étaient les siennes, et qu'il y

23 avait un écart entre la version en langue anglaise et la version en BCS,

24 telle quelle figure dans votre rapport.

25 Je voudrais à présent appeler votre attention sur une autre divergence.

Page 20766

1 Tout d'abord, dans un souci de bien dresser le tableau, je voudrais vous

2 inviter à vous reporter sur le rapport du Dr Turner en version anglaise.

3 Et peut-être que l'on pourrait remettre cet exemplaire au témoin.

4 M. le Président (interprétation): S'agit-il d'une phrase très longue dont

5 vous souhaitez donner lecture?

6 M. Ierace (interprétation): Non, le texte n'est pas très long. Il s'agit

7 du document P3716.

8 M. le Président (interprétation): Bien. Docteur Kuljic, si M. Ierace lit

9 une ou plusieurs phrases de ce rapport, est-ce que vous pourriez peut-être

10 vérifier et lire sur l'écran les mots qui s'affichent? De la sorte, nous

11 n'aurions peut-être pas besoin de sortir ce document. Donc, Monsieur le

12 Témoin, veuillez d'abord écouter les propos de M. Ierace, puis lire ce

13 texte sur votre écran avant de répondre.

14 M. Piletta-Zanin: J'ai une objection nécessaire, me semble-t-il, pour le

15 futur éventuel "contre-contre-interrogatoire". J'aimerais être bien sûr de

16 ce qu'il y a dans ce document, que je n'ai pas en mémoire. Donc, de toute

17 façon, je crois qu'il sera nécessaire qu'on puisse le voir, s'il se

18 trouvait d'autre chose qui ne serait pas totalement citée par

19 l'accusation. Merci.

20 M. le Président (interprétation): Bien. Votre objection est rejetée. Vous

21 connaissez la teneur du rapport, vous allez voir la partie pertinente

22 s'afficher sur l'écran. Je crois que vous pouvez préparer vos questions

23 qui concernent les parties du rapport du Dr Turner, cela vous permettra de

24 dresser le contexte, le cadre. Et, au cours des questions supplémentaires,

25 vous pourrez vous adresser au témoin.

Page 20767

1 Monsieur Ierace, veuillez poursuivre.

2 M. Ierace (interprétation): Dans la version d'origine du rapport en langue

3 anglaise, la phrase est la suivante -début de citation-: "J'ai reçu pour

4 instruction d'élaborer un rapport qui traite du lien, du rapport entre les

5 événements de ce type et la création, la production, la fabrication de

6 terreur.".

7 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, prenez le temps de

8 lire ces deux lignes qui sont affichées sur votre écran.

9 Monsieur Ierace, veuillez poursuivre.

10 M. Ierace (interprétation): La première différence qui apparaît...

11 M. Kuljic (interprétation): Excusez-moi.

12 M. le Président (interprétation): Allez-y.

13 M. Kuljic (interprétation): Me permettriez-vous une seconde pour que je le

14 lise et puis que je compare tout cela avec ce que j'ai ici, dans mon

15 rapport? Si cela est permis.

16 M. le Président (interprétation): Allez-y.

17 (Le témoin s'exécute.)

18 Oui, prenez le temps de lire cette phrase.

19 (Le témoin s'exécute.)

20 M. Kuljic (interprétation): Oui, je l'ai lu, ce texte. Je vous remercie.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, veuillez poursuivre

22 votre contre-interrogatoire.

23 M. Ierace (interprétation): Merci.

24 Bien. Nous avons donc vu une des différences qui figurent entre cette

25 phrase et sa traduction, à savoir que le mot "terreur" apparaît dans la

Page 20768

1 version d'origine, alors que, en version BCS, il est fait mention de la

2 notion "d'anxiété" ou de "peur" et non pas de "terreur". Pouvez-vous en

3 convenir avec moi que tel est le cas?

4 M. Kuljic (interprétation): Oui, il est une différence entre "terreur" et

5 "peur".

6 M Ierace (Interprétation): J'aimerais à présent appeler votre attention

7 sur ce que je prétends être une autre divergence fondamentale, à savoir:

8 alors que, dans la phrase d'origine du rapport du Dr Turner, il est fait

9 mention qu'une partie de ses instructions concerne le rapport, le lien

10 qu'il y a entre les événements mentionnés dans l'Acte d'accusation et la

11 fabrication d'un sentiment de terreur dans la version traduite qui vous a

12 été remise, vous êtes allé un peu plus loin et vous avez affiné la nature

13 de ces relations comme étant une relation causale entre des événements de

14 ce type, qui sont mentionnés dans l'Acte d'accusation, et la création d'un

15 état d'esprit donné.

16 En premier lieu, est-ce que vous avez compris ma question? Ou est-ce que

17 vous avez compris l'affirmation qui est la mienne, donc concernant la

18 différence qu'il y a entre les deux phrases?

19 M. Kuljic (interprétation): J'essaie vraiment, pour avoir la possibilité

20 de répondre à la seconde question, j'essaie de reprendre la phrase de tout

21 à l'heure qui me semble disparaître de l'écran.

22 M. le Président (interprétation): Si vous pensez qu'il est nécessaire, on

23 pourra vous reformuler cette question.

24 Est-ce que, dans la version d'origine, il est question de relation entre

25 les événements de ce type et la fabrication de terreur? Monsieur Ierace

Page 20769

1 avance, pour sa part, que, dans la version sur la base de laquelle vous

2 avez élaboré votre rapport, il est fait mention d'une relation de

3 causalité.

4 M. Kuljic (interprétation): Oui, maintenant j'ai compris.

5 M. Ierace (interprétation): Par conséquent, pouvez-vous en convenir qu'il

6 y a une différence entre la phrase d'origine en anglais d'une part, et la

7 traduction en BCS que vous avez reçue, d'autre part?

8 M. Kuljic (interprétation): Il existe certaines différences, mais il

9 s'agit ici de certains aspects linguistiques qui peuvent faire naître des

10 différences lors de la traduction, lorsqu'il s'agit de faire refléter des

11 nuances linguistiques. Cela dit, j'aimerais que l'on parle de la version

12 en serbe du rapport qui est le mien, et de la version en serbe de la

13 traduction. Ceci pourrait rendre mon travail beaucoup plus facile. Le

14 reste, on peut s'en occuper avec l'aide des traducteurs. Sinon, pour

15 certaines questions concrètes, je voudrais que vraiment elles concernent

16 mon opinion à moi.

17 Question: Docteur Kuljic, veuillez me comprendre, je n'essaie pas

18 d'adresser des critiques à votre endroit.

19 En deuxième lieu, j'ai soulevé cette question simplement parce que je veux

20 essayer de préciser qu'en fait, il y a des divergences entre votre rapport

21 et celui du Dr Turner. Mais nous allons aller pas à pas. Je voudrais à

22 présent appeler votre attention sur le paragraphe 3.1 de votre rapport.

23 (Le témoin s'exécute.)

24 Est-ce que vous avez ce paragraphe sous les yeux?

25 Réponse: Oui.

Page 20770

1 Question: Dans cette partie de votre rapport, vous précisez, vous posez en

2 fait une question méthodologique qui se fonde sur votre interprétation des

3 objectifs qui avaient été donnés au Dr Turner. N'est-ce pas le cas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: En d'autres termes, d'après votre interprétation, comme le Dr

6 Turner avait été invité à formuler une opinion afin de savoir comment les

7 événements qui se sont déroulés à Sarajevo avaient eu une incidence sur la

8 création d'un climat de terreur, vous dites que ce que le Dr Turner aurait

9 dû faire était de répondre à la question suivante: à savoir comment peut-

10 on répondre à cette demande visant à évaluer l'état d'anxiété à Sarajevo

11 au cours de la période comprise entre le 10 septembre 1992 et le 10 août

12 1994?". (Fin de citation.)

13 Par conséquent, ceci est votre interprétation de l'objectif du Dr Turner.

14 Et il s'agit là de la question qui figure au paragraphe 3.1. Est-ce que

15 vous pouvez en convenir avec moi?

16 Réponse: Là-dessus, je ne suis pas d'accord avec vous. Etant donné que si

17 nous acceptons la définition du Dr Turner, la terreur désignerait un état

18 de peur extrême, ce qui veut dire que la peur, en tant que terme,

19 généralement comprend une peur extrême.

20 Question: Dans la version en langue anglaise de votre rapport -et vous

21 l'avez probablement constaté lorsque vous l'avez vérifié-, fait référence

22 à une évaluation de l'état d'anxiété. Il n'est pas fait mention d'état de

23 peur, de peur extrême ou de terreur.

24 La raison pour laquelle je vous dis que la tâche que vous vous êtes

25 assignée était de procéder à l'évaluation de l'état d'anxiété qui régnait

Page 20771

1 à Sarajevo est que ceci est parfaitement compréhensible compte tenu de

2 l'interprétation qui était la vôtre des objectifs du Dr Turner.

3 Réponse: Je voudrais que l'on me permette un peu de temps pour que je

4 parcoure la version en anglais, notamment cette phrase-là à laquelle vous

5 vous référez, pour reprendre notamment ce propos au sujet de la traduction

6 en anglais.

7 Question: Veuillez vous livrer à cet exercice, je vous en prie.

8 (Le témoin s'exécute.)

9 Réponse: Seriez-vous aimable de m'aider? Dites-moi de quelle page il

10 s'agit pour faire une économie de temps.

11 Question: Il s'agit du paragraphe 3.1. Je crois que si vous vous reportez

12 directement au paragraphe, vous allez trouver le passage plus rapidement.

13 Réponse: Oui, bien entendu. Je voulais tout simplement savoir quelle page

14 c'était. J'y suis.

15 Question: Il s'agit, dans la version en BCS, de la page n°4.)

16 Réponse: Oui, oui, il s'agit bien entendu de la même page, page 4, version

17 serbe et version anglaise.

18 M Ierace (Interprétation): Et je crois que le terme que vous avez utilisé

19 est celui de "strah". Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?

20 M. Kuljic (interprétation): Oui, oui, notamment c'est écrit "strah", alors

21 que dans la version anglaise il s'agit "d'anxiété". Alors, j'aimerais bien

22 vous expliquer quel rapport il y a entre ces deux termes, cette fois-ci en

23 matière de psychiatrie. Puis-je le faire? J'attends votre permission,

24 Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, est-ce que le problème

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1 est le suivant: à savoir que dans la version anglaise on parle d'anxiété,

2 alors que le témoin précise qu'on devrait parler de peur extrême?

3 M. Ierace (interprétation): Non, ce n'est pas là le problème. Il ne s'agit

4 pas d'un problème de traduction. Il me semble… peut-être qu'il s'agit

5 plutôt d'un manque de connexion qu'il y a entre le rapport et la

6 compréhension de l'auteur concernant la teneur du rapport du Dr Turner.

7 Donc il ne s'agit pas simplement d'un problème de linguistique.

8 M. le Président (interprétation): Mais je crois que vous avez demandé

9 l'autorisation de nous expliquer quelque chose. Qu'est-ce que vous voulez

10 nous expliquer? Est-ce que vous voulez nous expliquer les relations qui

11 existent entre l'anxiété et la terreur? Que voulez-vous nous expliquer?

12 M. Kuljic (interprétation): Je veux vous expliquer l'anxiété, la peur et

13 la terreur; ce dont on est en train de parler.

14 D'abord, l'anxiété...

15 M. Ierace (interprétation): Non, là n'est pas l'objet de ma question.

16 M. le Président (interprétation): Bien. L'accusation ne souhaite pas que

17 vous développiez cet aspect. Si, par la suite, vous souhaitez, vous pensez

18 qu'il est nécessaire de revenir sur cela, étant donné que ceci constitue

19 un élément vital, à ce moment-là, vous pourrez prendre la parole.

20 Monsieur Ierace, veuillez poursuivre.

21 Maître Piletta-Zanin d'abord.

22 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président, juste pour le transcript: je

23 constate qu'en page 22 de la page précédente et suivante jusque disons...

24 page 56, l'accusation a très clairement exprimé ce qu'elle voulait, et je

25 pense que c'est une façon de dire les choses devant le témoin qu'on aurait

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1 peut-être dû dire en son absence. Je le dis pour le transcript.

2 M. le Président (interprétation): Bien. Ceci figure à présent dans le

3 compte rendu d'audience.

4 Veuillez poursuivre, Monsieur Ierace.

5 M. Ierace (interprétation): Et à partir de ce moment-là, votre rapport se

6 consacre, pour l'essentiel, aux propositions d'une étude qui permettrait

7 de répondre aux questions méthodologiques que vous avez précisées dans

8 votre paragraphe 3.1. Qu'en pensez-vous? En fait, dans ce paragraphe,

9 figure l'axe de votre rapport.

10 M. Kuljic (interprétation): J'ai dit qu'il fallait examiner l'état de peur

11 et les événements qui étaient à la base de la peur. Pour l'un et l'autre

12 examen, des instruments psychiatriques sont à notre disposition. Pour

13 examiner donc les événements qui existaient, qui étaient à la base de

14 cette peur ou de sa variante extrême qu'est la terreur, donc il a fallu

15 examiner l'existence de ces événements; c'est-à-dire examiner la

16 perception psychologique de la peur comme telle à un degré plus ou moins

17 élevé.

18 Il s'agit donc d'une matière complexe qui va en dehors du facteur A,

19 c'est-à-dire causant l'existence du facteur B ou entre les deux -ce dont

20 d'ailleurs j'ai écrit amplement.

21 Question: Bien. Et pendant que vous vous êtes livré à cet exercice, le Dr

22 Turner a fait quelque chose de totalement différent. Dans son rapport, le

23 Dr Turner a procédé à une analyse des articles qui traitent de la terreur.

24 N'est-ce pas le cas?

25 Réponse: Par endroit, lui cite des unités bibliographiques, la

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1 littérature; par endroit, il cite des fragments, des extraits des

2 transcripts, c'est-à-dire il se réfère à des dépositions du témoin pour

3 procéder ensuite à des conclusions qui sont les siennes.

4 Question: La structure du rapport du Dr Turner est essentielle pour le

5 comprendre. Et je pense que cette structure concerne un examen des sources

6 bibliographiques qui existent au sujet du concept de la terreur. Et il

7 s'agit d'une comparaison des différentes caractéristiques, des différents

8 aspects de la terreur, afin de voir s'il y a, oui ou non, compatibilité.

9 Est-ce que vous pouvez en convenir avec moi qu'il s'agit là de la

10 structure du rapport du Dr Turner?

11 Réponse: Une seconde, s'il vous plaît.

12 (Le témoin consulte le document.)

13 Une seconde, s'il vous plaît. Je me trouve ici sous un amas de papier.

14 (Le témoin consulte les documents.)

15 Question: Si vous le préférez, je pourrais peut-être vous citer quelques

16 exemples. Est-ce que les choses seraient simplifiées pour vous de la

17 sorte?

18 Réponse: Non, non, il n'y en a aucunement besoin, je voudrais tout

19 simplement consulter une fois de plus le texte pour pouvoir répondre à

20 votre question.

21 (Le témoin consulte le document.)

22 Puis-je essayer de vous inviter au point 3 du rapport Turner, du Dr

23 Turner, où sur le point 3 il parle de ces différents effets et voir

24 comment ces effets, les effets de ces événements puissent faire naître la

25 peur. Et j'ai pour remarque...

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1 Question: Je vais vous interrompre un moment. Vous parlez du point n°3.

2 Or, je ne vois pas une référence quelconque aux événements que vous venez

3 de signaler. Est-ce qu'il s'agit de la page 3, du point 3? Est-ce que vous

4 pourriez m'indiquer la page précise du rapport du Dr Turner à laquelle

5 vous faites allusion?

6 Réponse: A la page 3 du rapport du Dr Turner, nous lisons "introduction";

7 après quoi, nous lisons le chiffre 3, 3e point ou 3e paragraphe, appelez-

8 le comme vous voulez.

9 Question: Pouvez-vous donner lecture des premiers mots, je vous prie.

10 Réponse: "Il m'a été dit que Stanislav Galic à titre de commandant…".

11 Question: Oui, je vois le passage. Docteur Kuljic, l'intitulé qui

12 concernait la définition de la terreur faisait apparaître une définition

13 très simple, à savoir un état de peur extrême. Est-ce que vous voyez ce

14 passage qui figure dans la version BCS de votre rapport?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Bien. A présent, veuillez vous rapporter au paragraphe 11.

17 Est-ce que dans ce paragraphe on voit un sous paragraphe dont l'intitulé

18 est "peur extrême"?

19 Réponse: Une seconde, le temps de le lire. Oui, paragraphe 11.

20 La peur, oui.

21 Question: Oui, et par la suite, il fait allusion à la littérature comme

22 étant les composantes de la peur et ensuite, il fait également allusion à

23 différents types de peur.

24 Et au paragraphe 14, il fait allusion à des facteurs qui contribuent à

25 produire la peur en réaction. Est-ce que vous voyez ce passage?

Page 20776

1 Réponse: Excusez-moi, juste une seconde, pour que je retrouve cette page.

2 Je crois que je l'avais perdu en route.

3 (Le témoin s'exécute.)

4 Oui, j'y suis. J'ai retrouvé cette page. Nous voici donc à ce que vous

5 avez dit tout à l'heure. Donc, paragraphe 13. Voulez-vous répéter, s'il

6 vous plaît?

7 Question: Le paragraphe 14, je vous prie, où il parle de Rachman et il

8 énonce les facteurs qui contribuent à la peur en réaction. Il cite quatre

9 facteurs. Est-ce que vous les voyez?

10 Réponse: Oui, je vois très bien ce qui était mentionné dans le texte.

11 Question: Bien. Et alors qu'il élabore ces facteurs, il parle de

12 différents passages des comptes rendus d'audience de témoignages donnés

13 par des témoins. N'est-ce pas le cas? Donnés par des témoins.

14 Réponse: Oui, cette fois-ci, dans le cadre de Rachman, oui, mais c'est une

15 autre question que...

16 Question: Bien. Et lorsque vous faites allusion à ces passages de ces

17 comptes rendus, vous parlez d'échantillons, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui. Etant donné que l'Acte d'accusation concerne l'ensemble de

19 Sarajevo, nous y voyons donc plusieurs échantillons.

20 Pratiquement, il s'agit des gens de Sarajevo, il s'agit de leurs

21 déclarations.

22 Question: Et vous, vous affirmez qu'en tant qu'échantillon ils n'ont pas

23 répondu à certains critères, ils ne représentent pas un échantillonnage

24 type, à savoir qu'il y a eu parti pris. Est-ce exact?

25 Réponse: Oui. Je cite cela dans ce sens-là car, étant donné que l'Acte

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1 d'accusation concerne l'ensemble de Sarajevo, il s'agit de parler d'erreur

2 d'ordre méthodologique, ce à quoi vous vous référez, et cela est toujours

3 valable à mon sens.

4 M Ierace (Interprétation): Docteur Kuljic, je voudrais à présent revenir

5 sur la divergence qui caractérise votre rapport et celui du Dr Turner.

6 Lorsque vous avez vu ces passages, qui sont en fait des échantillons d'une

7 qualité moindre, vous considérez sa tâche comme faisant partie d'un

8 objectif différent, à savoir une évaluation ou une analyse de l'état

9 d'anxiété qui régnait à Sarajevo et…

10 M. Piletta-Zanin: Objection!

11 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Piletta-Zanin?

12 M. Piletta-Zanin: Objection liée au "sema". Vous n'avez plus de

13 traduction.

14 M. le Président (interprétation): Je ne vous ai pas écouté en français. Je

15 lisais… Personne ne vous comprend malheureusement. Peut-être que vous

16 pourriez expliciter?

17 M. Piletta-Zanin: (Inaudible.)… le thème est le sens… Mais j'ai voulu être

18 bref pour ne pas que… le témoin peut comprendre.

19 Le "sema" est le "sens" -on enseigne cela en matière de linguistique et de

20 sémantique-, le "sema" est le "sens". Il faut savoir dans quelle langue

21 s'est exprimé le témoin pour savoir quel était le "sema", afin de savoir

22 -si l'on travaille sur une traduction seulement- quel était le sens de ce

23 qu'a dit le témoin. Et c'est au niveau du "sema" que mon objection se

24 formule. Merci.

25 Oui, concrètement au niveau du "sema".

Page 20778

1 (Les Juges se concertent sur le siège.)

2 M. le Président (interprétation): Les Juges de la Chambre ne comprennent

3 pas la nature de votre suggestion.

4 M. Ierace (interprétation): Si vous le souhaitez, pour régler le problème,

5 je retire ma question.

6 Monsieur le Témoin, le Dr Turner n'a jamais suggéré que ces passages

7 représentent des échantillons représentatifs de la population de Sarajevo,

8 n'est-ce pas?

9 M. Kuljic (interprétation): Non, il n'a pas dit que ceci devait être un

10 échantillon représentatif. Par conséquent, je suppose qu'il était

11 conscient du caractère réduit, limité, ce quoi j'ai mis en saillie en

12 quelque sorte.

13 Question: En d'autres termes, vous critiquez le Dr Turner de ne pas avoir

14 fait quelque chose, alors que cela n'était pas son objectif?

15 Réponse: Moi, je peux dire que sur la base de ce qui a été écrit, ici,

16 sous forme de ces quatre points -comme vous le dites-, on parle, par

17 exemple, de facteur de personnalité; à savoir le Dr Turner, cette fois-ci,

18 cite un dicton qui dit: "Chacun doit avoir un point de craquage.".

19 Mais ceci ne pourrait pas être considéré comme pertinent, car il s'agit

20 d'opinions scientifiques suivant lesquelles certains gens ne développent

21 pas une psychopathologie lorsqu'il y a un tel point de rupture, de casse,

22 même dans des situations extrêmes.

23 Question: Docteur Kuljic, je reviendrai plus tard sur cela, mais vous ne

24 répondez pas à la question que je vous avais posée. Vous revenez sur une

25 observation particulière qui avait été soulevée par le Dr Turner. Moi, je

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1 vous dis que l'objectif essentiel du Dr Turner était d'examiner les

2 sources bibliographiques pertinentes qui existaient dans le domaine de la

3 psychiatrie et de la psychologie, qui avaient trait au domaine de la

4 terreur et qui traitaient, par exemple, de ses origines, de ses causes et,

5 qu'ensuite, il a examiné les passages des comptes rendus d'audience afin

6 de voir s'il y avait un lien.

7 Or, si vous regardez la version en langue anglaise de l'objectif qui avait

8 été donné au Dr Turner, pouvez-vous dire que, effectivement, telle était

9 bien la tâche à laquelle il s'est livré?

10 M. Kuljic (interprétation): Une remarque que j'ai à faire concerne

11 notamment la façon dont il a procédé pour le faire. Voilà la raison pour

12 laquelle j'ai écrit dans mon rapport qu'un tel rapport serait

13 inadmissible. Il s'agit de quelque chose qui pourrait être désigné comme

14 étant une abstraction d'ordre sélectif lorsqu'il s'agit d'une approche de

15 Sarajevo.

16 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre. Je voudrais

17 essayer à vous inviter à comprendre la comparaison que je vais vous

18 présenter.

19 Monsieur Ierace souhaite que vous procédiez à une comparaison qui se

20 présente comme suit, à savoir: il dit qu'un expert donne un avis d'expert

21 au sujet d'un véhicule. Un véhicule se compose de quatre roues, d'un

22 volant, d'un système de freinage. Ensuite, il montre quelques images, une

23 Renault, une Zastava, une Plymouth.

24 Et puis, un autre expert se présente et dit: "Sur la base de ce rapport,

25 on ne peut pas déterminer le nombre de véhicules qui circulent sur les

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1 routes de Paris.". Alors que, dans le premier cas, il s'agit d'une

2 description des caractéristiques principales d'après les sources de

3 littérature. Alors que l'autre expert se concentre sur la répartition des

4 véhicules dans le trafic urbain.

5 C'est du moins, là, l'interprétation qui est la mienne de la question qui

6 vous a été posée, à savoir si le Dr Turner ne visait pas à déterminer s'il

7 y avait un état de terreur d'une manière générale à Sarajevo, à l'époque

8 des faits, ce qui, peut-être, nécessiterait de procéder à un

9 échantillonnage, à des études, études que vous semblez considérer comme

10 étant nécessaires pour établir un tel fait. Ensuite, vous avancez que,

11 dans le rapport du Dr Turner, on traite de questions différentes.

12 Est-ce que je vous ai bien compris, Monsieur Ierace?

13 (Signe affirmatif de M. Ierace.)

14 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous invite à

15 essayer de répondre: est-ce que vous pouvez partager la position de M.

16 Ierace, à savoir qu'il s'agit d'une question totalement différente qui a

17 été posée au Dr Turner? Et je vous invite également à garder à l'esprit la

18 comparaison que j'ai faite.

19 M. Kuljic (interprétation): Après cette explication, je peux dire que,

20 outre la distribution dont vous êtes en train de parler, je ne me pose pas

21 les questions de savoir combien de véhicules participent dans le trafic

22 parisien. Ceci peut être le cas. Mais je peux avoir une remarque comme

23 suit: si une voiture a quatre roues, une portière, des vitres, etc., nous

24 devons comprendre que, pour pouvoir se mouvoir, un véhicule doit être doté

25 d'un moteur. Je parle donc de certains autres aspects, de certaines autres

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1 choses que l'auteur n'a pas pris en considération.

2 C'est ainsi que mon rapport pourrait être considéré. Une partie de mon

3 rapport en parle, c'est-à-dire de cette distribution dont vous parliez. La

4 seconde partie de mon rapport traite d'une appréhension beaucoup plus

5 détaillée des voitures.

6 M. le Président (interprétation): Je vous comprends bien, mais ce que vous

7 a dit M. Ierace, c'est la chose suivante: c'est-à-dire que si l'on veut

8 savoir combien de voitures il y a, il faut quand même les compter. Si on

9 veut simplement décrire les voitures, il n'est pas nécessaire de procéder

10 à un décompte.

11 M. Kuljic (interprétation): Il n'est pas nécessaire de les compter, mais

12 là, on parle de voitures. Quand on parle de voitures, on ne peut pas

13 mentionner le moteur, il faut parler du moteur. Mais, si vous voulez, on

14 peut en rester là.

15 M. le Président (interprétation): Je pense que le moment est d'ailleurs

16 bienvenu pour faire une pause, qui durera jusqu'à 18 heures 10.

17 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est reconduit hors du prétoire.)

18 (L'audience, suspendue à 17 heures 48, est reprise à 18 heures 15.)

19 M. le Président (interprétation): Je vais demander de faire entrer le

20 témoin.

21 M. Ierace (interprétation): Pendant qu'on va chercher le témoin, je

22 signale que Me Piletta-Zanin avait demandé un exemplaire en anglais du

23 rapport de M. Turner. Mon assistante est en train de le chercher et, dès

24 que ce sera disponible, je communiquerai cela à mon confrère.

25 M. Piletta-Zanin: Mes remerciements. En échange, j'ai d'ores et déjà

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1 fourni à l'accusation le texte serbe du dictionnaire permettant de définir

2 le mot de terreur, etc., mais encore une fois, merci.

3 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

4 (La Greffière s'entretient avec le Président.)

5 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre, Monsieur Ierace.

6 M. Ierace (interprétation): Docteur Kuljic, maintenant j'aimerais passer à

7 un autre sujet.

8 Nous allons passer à la nature des charges qui pèsent sur le général

9 Galic. Je ne parle pas ici du fait d'avoir créé un climat de terreur, je

10 parle des charges, des chefs d'accusation relatifs aux pilonnages et aux

11 tirs embusqués ciblant directement les civils dans la période visée à

12 l'Acte d'accusation, c'est-à-dire la période allant du 10 septembre 1992

13 au 10 août 1994.

14 Conviendrez-vous avec moi que l'on peut accepter comme postulat, en tant

15 qu'être humains normaux dotés d'une capacité de compréhension normale,

16 est-ce que on peut en déduire donc en tant que profane que, lorsque

17 quelqu'un est soumis de façon répétée à des pilonnages, à des tirs de

18 snipers, est-ce qu'on peut en déduire que cela va susciter chez cette

19 personne une état de peur extrême que l'on pourrait qualifier de terreur?

20 M. Kuljic (interprétation): Je voudrais que vous puissiez concrétiser un

21 petit peu en posant cette question. Est-ce que vous voulez dire par là

22 qu'à tout moment, tous les habitants de Sarajevo ont été ciblés et qu'on

23 tirait dessus? Est-ce bien là que je vois le sens de votre question? Est-

24 ce que vous voulez dire que toute la population de Sarajevo se trouvait

25 dans la ligne de mire des snipers?

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1 Question: Je vais diviser ma question en deux.

2 Première question: conviendrez-vous avec moi que l'on peut accepter comme

3 un fait reconnu par toute personne raisonnable comme quelque chose de

4 compréhensible, que, si quelqu'un fait l'objet de façon répétée de tirs,

5 de pilonnages, est-ce qu'une telle expérience ne va pas entraîner, chez la

6 personne qui en est l'objet, un état de peur extrême que l'on pourrait

7 qualifier de terreur?

8 Réponse: Je dois dire qu'il s'agit de peur que l'on ressent dans une

9 certaine situation donnée et tout dépend de la façon dont la personne en

10 question est en train d'appréhender la situation qui est la sienne. C'est

11 cela la question clé. Il s'agit de voir une personne qui est en train de

12 ressentir tout cela comme un danger incessant; alors il y aura bien lieu

13 de parler de peur. Mais lorsque vous êtes en train de vivre une situation

14 jour pour jour, ce sentiment de peur est en décroissance parce que cette

15 personne comprend qu'il y a quelque chose qui est en décroissance et qui

16 était antérieurement cause de peur. Voilà en psychiatrie ce que l'on peut

17 dire. Je ne pourrais pas répondre autrement pour parler évidemment d'une

18 coupe transversale de cette situation, disons, sans me référer vraiment à

19 l'ordre chronologique.

20 Question: Docteur Kuljic, ma question voyez-vous, était simple. Je n'ai

21 pas fait entrer en ligne de compte la réaction éventuelle d'une personne

22 au fil des jours, au fil des semaines. Je n'ai pas parlé de cela.

23 Est-ce qu'au moins vous conviendrez que cette expérience, l'expérience

24 d'être la cible de tirs, de tirs délibérés, est-ce que cela, chez une

25 personne normale, une personne d'état mental normalement solide, est-ce

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1 que, malgré tout, même chez une personne normale, est-ce que cela ne va

2 pas entraîner chez cette personne un état de terreur plutôt que de simple

3 peur?

4 Réponse: Pour ce qui est de cette question-là, vous dites là qu'il s'agit

5 d'une question d'une personne dont l'état d'esprit serait tout de même

6 solide. Est-ce que j'ai bien compris?

7 Question: Oui.

8 Réponse: L'une des choses que vous venez d'évoquer en posant votre

9 question me permet de parler d'une simplification. Nous ne pouvons pas

10 parler d'une personne anormale pour parler de la façon dont elle ressent

11 la peur. Large est l'éventail de ses perceptions quant à cette personne-

12 là. Mais votre question était de voir une personne qui, pour une première

13 fois dans sa vie, se trouve exposée à des tirs; elle a donc l'idée du fait

14 qu'elle peut être atteinte.

15 Eh bien, cette personne-là ressent une peur mais qui n'est pas si intense

16 parce que, si on te menace tous les jours sans tirer… je peux prendre un

17 autre dicton: "Ne me menace pas avec un fusil vide". Si M. Turner s'est

18 permis la liberté de lancer des dictons, moi, je le fais également.

19 Question: Dans votre rapport, vous évoquez le trouble qui est qualifié de

20 "symptôme de stress post traumatique".

21 Conviendrez-vous que, lorsqu'on traite de ce terme de la terreur,

22 l'utilité d'un tel concept est finalement limitée parce que ce trouble du

23 stress post traumatique a trait, fait référence à un état continu de peur

24 chez les personnes qui en souffrent, un état qui dure longtemps après

25 l'événement traumatique qui a été à l'origine de ce trouble, longtemps

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1 après que cet événement traumatique ait cessé.

2 Réponse: Je relis à l'écran votre question. Elle m'a paru un petit peu

3 confuse au début. Je ne suis pas sûr de l'avoir captée au tout premier

4 moment.

5 (Le témoin s'exécute.)

6 Maintenant, si j'ai bien compris, la question est la suivante: il y a ce

7 rapport entre le sentiment de peur, c'est-à-dire de peur extrême et de

8 terreur, et de ce qu'on appelle syndrome post traumatique, trouble dû à un

9 stress post traumatique.

10 Ma réponse serait la suivante: une personne qui connaît une telle peur, un

11 certain pourcentage de personnes connaissent bien cette peur, ce trouble.

12 Ce trouble varie bien entendu d'un individu à l'autre, et surtout lorsque

13 nous avons une période de temps donnée.

14 Question: Et beaucoup de personnes qui connaissent le même traumatisme

15 entraînant ce trouble chez certaines personnes, beaucoup de ces personnes,

16 elles, ne connaîtront pas ce trouble, alors qu'on peut très bien avoir

17 deux individus qui sont dans un état mental tout à fait normal; eh bien,

18 il y en aura une qui souffrira de ce trouble et l'autre qui n'en souffrira

19 pas, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui, là, vous avez raison. Au même incident où deux individus

21 peuvent être exposés, chez l'un ce trouble sera développé, chez l'autre

22 cela ne sera pas le cas.

23 Question: Un exemple: mettons que l'on examine le cas d'un enfant qui

24 essuie constamment des tirs, qui fait l'objet de tirs… Ou mettons deux

25 enfants, deux enfants qui font l'objet de tirs, sur qui l'on tire. Ils

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1 arrivent cependant à s'en tirer, ils arrivent à survivre à cette

2 expérience traumatique; l'un de ces enfants va souffrir de ce trouble et

3 l'autre, non. Ce trouble va se manifester chez l'un et pas chez l'autre.

4 Mais, cependant, cela ne permet pas de déduire que l'un de ces enfants n'a

5 pas subi une situation de terreur, n'a pas connu une situation de terreur,

6 un état de terreur, n'est-ce pas?

7 Réponse: Si je vous ai bien compris, cela veut dire que, normalement,

8 c'est de façon tout à fait adéquate et égale que les deux connaissent une

9 situation, alors que chez une personne le trouble s'est développé, chez

10 l'autre, il ne s'est pas développé. Mais c'est une autre situation de voir

11 si, par exemple, un enfant a ressenti tout cela sous forme d'une grande

12 peur, d'une peur bleue, alors que chez l'autre, il ne l'a pas fait.

13 Ensuite, il dépend de voir aussi si, par exemple, à l'un de ces enfants,

14 ses parents disaient toujours: "Eh bien, tu risquais de te faire tuer,

15 etc.". A l'autre enfant, on dirait: "Bon, tout cela est passé.".

16 Donc, maintenant, dans un traitement cognitif du phénomène, il faut voir

17 si ceci se traduirait par un trouble ou pas. Ce que je dis tout le temps,

18 il s'agit de cet aspect individuel au niveau de la perception d'un

19 traumatisme qu'il faut prendre en considération.

20 Question: Docteur, dans votre réponse, vous insistez sur le cas où un

21 enfant a ressenti un sentiment de terreur et l'autre pas. Moi, dans mon

22 hypothèse, je vous demande d'accepter le fait que ces deux enfants aient

23 ressenti un sentiment de terreur et éprouvé de la terreur. Mais l'un ne

24 souffre pas du syndrome post traumatique et l'autre, oui.

25 Est-ce que cela n'est pas envisageable avec deux enfants qui connaissent,

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1 qui ont un état mental stable?

2 Réponse: Ce que vous me demandez par là, eh bien, votre question consiste

3 à voir si c'est de la même façon que les enfants ont perçu le traumatisme.

4 Il se peut que non, il se peut que l'un de ces enfants a considéré ce

5 traumatisme comme beaucoup plus dangereux; l'autre l'a plutôt ressenti

6 comme moins dangereux.

7 Et après tout cela, répondant maintenant à la seconde partie de votre

8 question, pour parler de la robustesse de cet esprit, de la stabilité de

9 cet esprit, chez quel enfant ceci se développera, cela nous amène à voir

10 si quelque chose a été appréhendé, ressenti par quelqu'un comme dangereux.

11 Après quoi vient la réflexion de tout cela. Si, par exemple, quelqu'un n'a

12 rien remarqué, eh bien, il n'aura pas peur. S'il l'a remarqué, c'est le

13 niveau de stabilité de son esprit qui influera cette fois-ci, qui

14 interviendra pour voir si le trouble sera développé ou pas.

15 Question: Pour répondre à cette question, je vous avais demandé d'accepter

16 l'hypothèse que je vous avais présentée, mais vous ne l'avez pas encore

17 fait.

18 Essayons une autre hypothèse: mettons qu'une étude nous montre que 50% de

19 la population, suite à un événement, un événement traumatique, admettons

20 donc que 50% de la population ayant été exposée souffre de ce stress post

21 traumatique. Cela ne signifie pas pour autant, n'est-ce pas, que seulement

22 50% de ces personnes ont ressenti ou ont éprouvé un sentiment de terreur

23 au moment où cet événement traumatique a eu lieu, n'est-ce pas?

24 (Le témoin relit la question sur le transcript.)

25 Réponse: Oui, ceci ne doit pas être le cas. C'est ce que j'ai expliqué

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1 tout à l'heure, peut-être tous ont eu peur. C'est ce que j'ai expliqué

2 tout à l'heure.

3 Question: Oui. Une autre difficulté qui se présente: si on s'appuie sur le

4 pourcentage de personnes souffrant de stress post traumatique, c'est qu'au

5 fil du temps, beaucoup de personnes souffrant initialement de ce trouble,

6 de ce syndrome, finissent par s'en remettre, finissent par guérir, n'est-

7 ce pas?

8 Réponse: Pour ce qui est du temps, du temps qui passe à la suite d'un

9 certain traumatisme, lorsqu'il s'agit de voir si le TSPT, le trouble dû au

10 stress post traumatique, se développera ou pas, il y a deux possibilités,

11 au moins il y en a deux.

12 Une première possibilité, c'est que la personne en question est encore

13 toujours et sans cesse exposée. Par exemple, elle connaît un accident de

14 la route et, dans ce cas-là, se développe chez elle un trouble dû au

15 stress post traumatique. La personne garde toujours à l'image l'épave de

16 sa voiture abîmée. Et toutes les fois où cette personne y pense, elle est

17 atteinte de traumatisme, ce qui aura pour résultat la croissance de

18 l'ensemble des symptômes. C'est à cette lumière-là qu'il faut prendre en

19 considération l'incidence des médias et, ensuite, la façon de traiter

20 d'une manière cognitive les incidents auxquels on a été exposés.

21 D'autre part, et là-dessus il y a pas mal d'études qui traitent de cela,

22 il peut y avoir une aggravation, une exacerbation des symptômes chez des

23 personnes qui ont été, par exemple, victimes d'holocauste, etc.

24 Question: Veuillez, s'il vous plaît, lire ma question à l'écran. Et si

25 vous le souhaitez, je vais la répéter.

Page 20789

1 Réponse: Oui, je l'ai lue, oui, oui.

2 Question: Bien.

3 Réponse: Et ma réponse est la suivante: chez certaines personnes, dans un

4 certain pourcentage, il y aura moins de symptômes. Chez d'autres, tel ne

5 sera pas le cas. C'est ce que je voulais faire en m'étendant là-dessus

6 pour l'un et l'autre cas.

7 Le premier cas, notamment lorsque les symptômes demeurent toujours,

8 perdurent, ce dont parlent les psychiatres hollandais qui, pour parler de

9 leurs personnes étudiées, ont constaté qu'il y a lieu, après 30 ans, à un

10 très haut degré, de parler de présence du trouble dû à ce stress. Et cette

11 fois-ci, je parlais de la voiture.

12 Question: Donc, en termes simples et clairs, beaucoup de personnes

13 souffrant de ce syndrome finissent par s'en remettre au bout d'un certain

14 temps, n'est-ce pas?

15 Réponse: Je dirais que dans un certain pourcentage, il y en a qui s'en

16 remettent, mais pas tous.

17 Question: Et de nombreuses études ont été faites sur le pourcentage de

18 personnes qui continuent à souffrir de ce trouble tout au long de leur

19 existence, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Prenons un exemple. Le Dr Turner dans son rapport nous parle de

22 l'expérience du viol. Et bien qu'il s'agisse là d'une expérience qui crée

23 un traumatisme très fort au fil du temps, le pourcentage des personnes qui

24 s'en remettent, qui finissent par ne plus souffrir de stress post

25 traumatique, ce pourcentage est très bon, est assez bon.

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1 Vous souvenez-vous avoir lu cela dans son rapport?

2 Réponse: Oui, ceci a été donné en annexe et on peut y voir un tableau le

3 concernant.

4 Question: Dans votre rapport, j'aimerais que nous examinions le paragraphe

5 5.3, et plus précisément la dernière phrase de ce paragraphe.

6 (Le témoin cherche dans son rapport.)

7 Réponse: Excusez-moi, vous disiez 5.?

8 Question: 5.3.

9 Réponse: Oui, j'y suis 5.3.

10 Question: Ici, vous faites référence à une étude bien précise et, d'après

11 cette étude, pratiquement tous les hommes ayant connu la guerre, ayant

12 connu une expérience relative à la guerre, souffraient du syndromes du

13 stress post traumatique. Vous avez pensé que c'était suffisamment

14 important pour inclure cela dans ce rapport. Alors, pourquoi est-ce que

15 vous avez trouvé bon de mettre cela dans votre rapport? De quelle manière

16 ceci appuie-t-il vos conclusions?

17 Réponse: Cette remarque, faite par moi, concernait plutôt le sexe et

18 Chester, lui, parlait…, Chester et ses collaborateurs parlaient de ce

19 qu'ils ont fait comme étude auprès des Indiens. Et cela servait à

20 présenter la différence qu'il y a au niveau de la perception, mais au

21 niveau du fait qu'ils ont été exposés à des traumatismes. C'est-à-dire il

22 s'agit de parler maintenant du développement d'un traumatisme. Il s'agit

23 donc de facteurs qui concernent cette population ainsi examinée, et comme

24 je viens de le dire, l'auteur lui-même prend toujours ses réserves à lui

25 parlant de telle ou telle population parce qu'il y a d'autres études dans

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1 lesquelles nous lisons les taux ou le degré tout à fait différent -pour

2 parler de populations-, ce dont j'ai parlé dans mon rapport.

3 Question: Non, non, s'il vous plaît, je vous demande de revenir à ma

4 question. Quelle est la pertinence de cette étude? Pourquoi l'avez-vous

5 mentionnée? De quelle manière cela contribue-t-il à votre conclusion? Vous

6 dites que cela a trait au sexe des personnes concernées. Est-ce qu'il y a

7 un autre élément pertinent autre que le fait que cette étude examine le

8 sexe des personnes concernées?

9 Réponse: Lors de la rédaction de cela, j'ai eu en vue la dernière phrase,

10 c'est-à-dire que ces différences nécessitent à ce que l'on respecte la

11 structure des sexes de la population cible.

12 M. Ierace (interprétation): Mais pouvez-vous nous dire pourquoi c'est

13 important, pourquoi est-ce que ce facteur entre en jeu quand il s'agit de

14 déterminer quels sont les événements traumatiques qui ont entraîné ce

15 trouble? Pourquoi mentionner que pratiquement tous les hommes qui ont

16 connu la guerre souffrent ensuite du syndrome du stress post traumatique?

17 Pourquoi ne donnez-vous pas simplement le pourcentage des hommes souffrant

18 de ce syndrome par rapport au pourcentage de femmes souffrant du même

19 syndrome?

20 M. Kuljic (interprétation): Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire

21 que presque chaque homme qui a eu une expérience de guerre et chez qui

22 s'est développé un syndrome post traumatique concerne mon étude à moi,

23 c'est-à-dire je voulais exprimer la réaction chez la femme et chez

24 l'homme. Voilà en quoi consistaient la substance même et l'essence de la

25 chose. Il ne s'agit pas de mettre l'accent sur d'autres choses. On sait

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1 très bien qu'il y a une différence de réaction chez la femme et chez

2 l'homme et on sait très bien que cela varie évidemment du point de vue

3 culturel chez différentes populations.

4 M. le Président (interprétation): De combien de temps avez-vous encore

5 besoin, Monsieur le Procureur? On en est déjà à à peu près deux heures de

6 contre-interrogatoire, même si on déduit les périodes pendant lesquelles

7 le témoin a quitté le prétoire.

8 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, au moins vingt minutes

9 et peut-être plus, mais la défense a pris beaucoup plus de temps que ce

10 n'était prévu au départ.

11 Et d'ailleurs, puisque je suis en mesure de m'adresser à vous, je souhaite

12 vous dire que nous avons reçu des exemplaires de certains documents que

13 j'aurais besoin d'étudier ce soir. Peut-être pourrais-je le faire ce soir,

14 donc après l'audience?

15 (Les Juges se concertent sur le siège.)

16 M. le Président (interprétation): La Chambre a comparé le temps pris par

17 la défense et par l'accusation; nous vous permettons de continuer. A

18 l'issue de l'audience de ce jour, nous vous indiquerons de combien de

19 temps vous pourrez encore disposer. Mais, pour l'instant, vous pouvez

20 continuer jusqu'à 19 heures.

21 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, puisque nous parlons du

22 déroulement de temps, je ne sais pas quelle est la position de votre

23 Chambre par rapport au dossier Russel.

24 (La cabine signale qu'il s'agit de l'article de M. Rosner.)

25 Oui, je crois que c'est Rosner. En effet. Merci.

Page 20793

1 M. le Président (interprétation): Monsieur le Procureur, est-ce que vous

2 auriez une objection quelconque, s'agissant du résumé de l'article de M.

3 Rosner, que l'on pose des questions au témoin à ce sujet?

4 M. Ierace (interprétation): Ma position est toujours la même. Quand on a

5 devant nous un expert psychiatrique sur un point aussi important, on peut

6 s'attendre au moins à pouvoir bénéficier de l'intégralité de l'article.

7 Or, pour l'instant, nous n'avons qu'un résumé.

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président...

10 (Les Juges se concertent sur le siège.)

11 M. le Président (interprétation): La Chambre acceptera des questions sur

12 le résumé de l'article de Rosner, mais rappelez-vous bien qu'il s'agit du

13 résumé, du résumé d'un article qui peut entraîner un certain nombre de

14 difficultés. Vous avez déjà pris beaucoup plus de temps que ce qui vous

15 avait été accordé. Donc vous ne pourrez pas poser de très nombreuses

16 questions à ce sujet. Le nombre de questions autorisées sera limité.

17 Veuillez continuer, Monsieur le Procureur.

18 M. Ierace (interprétation): Merci.

19 Un instant, je vous prie.

20 (M. Ierace consulte son ordinateur.)

21 Avez-vous une copie de cet article que vous avez lu?

22 M. Kuljic (interprétation): A quel papier, enfin, à quelle copie vous

23 référez-vous?

24 Question: L'article, l'étude de Robin et Chester à laquelle vous faites

25 référence dans votre rapport.

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1 Réponse: Je ne l'ai pas ici, sur moi.

2 Question: Mais comment se fait-il que vous veniez déposer et que vous

3 n'emmeniez pas avec vous les rapports que vous citez ou dont vous résumez

4 certains des passages dans votre rapport? Comment cela se fait-il?

5 Réponse: S'il me fallait porter, avoir sur moi tous ces rapports, je

6 devrais avoir toute la littérature traitant de la psychiatrie et du

7 stress. Par conséquent, il nous faudrait pas mal de temps pour rassembler

8 tous ces documents chez moi, à Belgrade.

9 Question: Quelle était la taille de l'échantillon d'hommes pris en compte

10 dans cette étude? Donnez-nous un chiffre approximatif, s'il vous plaît.

11 Réponse: Au moment où je parle, je n'arrive pas à me rappeler combien

12 grand était cet échantillon.

13 Question: Je ne vous demande pas la taille exacte de l'échantillon, je

14 vous demande une approximation.

15 Réponse: Je crois qu'il ne s'agissait pas vraiment d'une grande étude,

16 volumineuse, comprenant un grand nombre de personnes examinées.

17 Question: Docteur Kuljic, si je vous disais qu'en réalité, 10 hommes ont

18 été examinés dans cette étude, 10 hommes ayant connu la guerre, est-ce que

19 vous vous inscririez en faux contre ce que je vous dis? Est-ce que ça

20 correspond à ce dont vous vous souvenez de cette étude?

21 Réponse: Ceci correspondrait à ce que je viens de dire tout à l'heure: ce

22 n'était pas vraiment une étude beaucoup trop volumineuse.

23 Question: Et il n'aurait pas été raisonnable de donner dans votre rapport

24 une conclusion sur un pourcentage d'hommes ayant connu la guerre et ayant

25 ensuite souffert de stress post-traumatique, donc il n'aurait pas été sage

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1 de répéter que le groupe concerné ne comptait que 10 personnes, n'est-ce

2 pas?

3 Réponse: J'ai dit cela en signalant qu'il s'agissait de l'une des

4 références, mais sans dire que c'était vraiment une référence clé.

5 Question: J'avance que, dans ce rapport, il est explicité très clairement

6 que cette étude avait trait à une population très perturbée en Amérique du

7 Nord. Très perturbée parce que les personnes concernées avaient connu des

8 expériences, des événements très traumatiques et répétés.

9 Est-ce que cela correspond à ce dont vous vous souvenez de cette étude?

10 Réponse: Oui, oui.

11 Question: Et n'est-il pas vrai qu'il est difficile de déterminer quels

12 événements traumatiques, lorsqu'une personne en a subi beaucoup, est-ce

13 qu'il n'est pas difficile de déterminer quels événements traumatiques ou

14 quel événement traumatique, au singulier, ont entraîné le trouble que l'on

15 étudie?

16 Réponse: Il y a lieu de parler également d'une action cumulative de

17 l'action que peut avoir un événement sur la psychopathologie, c'est-à-dire

18 dès la plus tendre enfance jusqu'au moment où un événement clé se produit.

19 Et après cela, même au-delà de l'événement clé, ces événements peuvent

20 influer sur la manifestation d'une psychopathologie, c'est ce que j'ai dit

21 dans mon rapport.

22 Question: Je vais vous interrompre pour gagner du temps.

23 Et j'imagine que vous êtes d'accord avec ce que je vous ai dit, avec le

24 postulat que je vous ai présenté, avec la conclusion que je vous ai

25 présentée?

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1 Réponse: Oui. Puis-je vous demander si vous voulez dire par là qu'il peut

2 y avoir une action cumulative des traumatismes? Est-ce bien de cela qu'il

3 s'agit?

4 Question: Oui, enfin plutôt qu'il peut être difficile de déterminer quels

5 événements traumatiques en particulier, connus par un sujet lorsque le

6 sujet a expérimenté beaucoup d'événements de ce style, il est difficile de

7 déterminer quelles sont les expériences précises qui ont entraîné la

8 prévalence du trouble dont souffre cette personne. Il serait bon que vous

9 puissiez répondre par oui ou par non, si c'était possible.

10 Réponse: Malheureusement, je ne peux pas répondre comme cela. Je tâche de

11 vous expliquer la pratique d'un psychiatre. On demande toujours à la

12 personne de citer l'événement qui était l'événement clé.

13 Question: Je vous interromps et je retire ma question. Je retire ma

14 question.

15 Si vous le souhaitez, je dispose de copies de ce rapport, mais est-ce que

16 cette conclusion vous dit quelque chose, cette conclusion qui figure dans

17 le rapport, -je cite-: "L'occurrence importante de syndromes de stress

18 post traumatique dans la communauté est plus vraisemblablement due au fait

19 que ces personnes aient été soumises de façon importante à un grand nombre

20 d'événements traumatiques et cela est plus vraisemblablement dû à cela

21 qu'au fait que ces personnes auraient été plus particulièrement

22 vulnérables et sujettes à un syndrome de stress post traumatique.". (Fin

23 de citation.)

24 Vous en souvenez-vous?

25 Réponse: Je vous ai dit qu'il y a un certain temps, j'ai lu le rapport

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1 dans sa totalité. Je ne saurai vous parler maintenant de chacun de ces

2 détails, mais il y a quelque chose qui me semble être un élément majeur

3 après quoi on peut parler, par exemple, d'un prétexte plus ou moins

4 important ou peut-être d'un événement plus important à diagnostiquer.

5 Question: Mais Docteur, il s'agissait là d'une communauté où on

6 connaissait de nombreux problèmes, où on connaissait des expériences

7 traumatiques nombreuses, n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Bien. Maintenant, j'aimerais qu'on passe au paragraphe 6.1 de

10 votre rapport à vous.

11 (Le témoin s'exécute.)

12 Je pense en particulier aux deux dernières phrases où vous faites

13 référence à Kessler et consorts, et vous déclarez que dans le rapport, ils

14 disent clairement que "la prévalence, au cours d'une vie dans la

15 population générale, de ce syndrome post traumatique est de 5% pour les

16 hommes et de 10% pour les femmes.".

17 Je voudrais savoir quelle est la pertinence du pourcentage et de la

18 comparaison du pourcentage entre les hommes et les femmes lorsqu'on

19 s'intéresse au phénomène de terreur à Sarajevo pendant la période couverte

20 de l'Acte d'accusation? Pourriez-vous nous répondre en une phrase, s'il

21 vous plaît, nous dire quelle est l'importance de ce fait?

22 Réponse: Au sujet de la terreur à Sarajevo, et de n'importe quelle autre:

23 supposons qu'il y a des différences pour parler de perception entre hommes

24 et femmes. Chaque étude médicale doit bien afficher le nombre de femmes et

25 d'hommes.

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1 Question: Oui, mais nous savons déjà que l'existence, l'apparition de ce

2 trouble ne dépend pas du fait que cette personne ait oui ou non, ressenti

3 un sentiment de terreur au moment de l'événement traumatique, nous le

4 savons, n'est-ce pas?

5 Réponse: Il se peut que la personne a connu, a ressenti la peur sans

6 développer un trouble.

7 Question: Mais quoi qu'il en soit, moi, je dis que vous vous êtes trompé

8 dans les chiffres. Moi, je dis que les chiffres donnés par Kessler et ses

9 collaborateurs dans leur rapport est inverse, que c'est 10% pour les

10 femmes et 5% pour les hommes.

11 Si vous le souhaitez, je peux vous montrer ce rapport, mais peut-être vous

12 en souvenez-vous, vous-même?

13 Réponse: J'aimerais pouvoir voir ce rapport.

14 Question: Je vais vous le laisser pour que vous puissiez le consulter ce

15 soir. Ensuite, vous nous dites que, dans ce rapport, les auteurs donnent

16 la fréquence de l'occurrence au cours d'une existence de ce syndrome de

17 25% pour les hommes et 13% pour les femmes, suite à une expérience

18 traumatique.

19 Est-ce que la dénomination "fréquence au cours de l'existence", "life

20 prevalence" en anglais, est-ce que cela signifie que ces personnes vont

21 souffrir de ce trouble pendant toute leur vie?

22 Réponse: Dans cette seconde partie, lorsque vous parlez de la fréquence à

23 laquelle se manifeste le traumatisme au cours d'une vie, cela veut dire à

24 quel point les gens ont été exposés, et cela ne témoigne pas du nombre de

25 ces gens-là chez qui le trouble s'est développé.

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1 Question: Vous nous dites donc que les 25% d'hommes qui connaissent une

2 expérience post traumatique connaissent cela pendant toute leur vie? C'est

3 cela? C'est de cette manière que vous interprétez ce concept de "life

4 prevalence", de "occurrence au cours de toute la vie"?

5 Réponse: Oui. D'après l'appréhension qui est la leur, nous pouvons nous

6 lancer à des spéculations. Chacun connaît et ressent des expériences de

7 vie, et traumatiques surtout. Mais maintenant, évidemment, il nous faut

8 spéculer ce qui a été ressenti comme un traumatisme.

9 Question: Non, voyez-vous, cette phrase ou ce terme apparaît très

10 fréquemment dans la littérature spécialisée; c'est quelque chose qui est

11 utilisé comme un indicateur et que l'on retrouve dans de nombreux

12 rapports, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Est ce que vous nous dites que ce concept est le fait de subir,

15 d'être soumis à des expériences traumatiques pendant toute une vie? Est-ce

16 que c'est ce que vous êtes en train de nous dire?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Mais, moi, je vous dis que vous vous êtes trompé dans les

19 chiffres. Moi, j'avance qu'il ne s'agit pas de 25% pour les hommes, mais

20 60,7%; et pas 13% pour les femmes, mais 51,2%, en fait. Si vous préférez

21 voir le rapport avant de me répondre, ce n'est pas un problème.

22 M. Kuljic (interprétation): Absolument, il me faudra bien revoir cette

23 étude, il faut que je la relise.

24 M Ierace (Interprétation): Bien. Passons à un sujet secondaire.

25 Vous avez fait référence à une étude réalisée par Jensen et à certains

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1 extraits de cette étude. Est-ce que vous vous en souvenez? Est-ce que vous

2 disposez d'un exemplaire de cette étude?

3 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin?

4 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, juste pour indiquer, par égard

5 pour les traducteurs notamment, que j'aurais besoin de peut-être une

6 minute à la fin de l'intervention de M. Ierace. Je tenais à le signaler

7 maintenant pendant que le docteur prend le temps de chercher son article.

8 Merci.

9 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre, Monsieur Ierace.

10 (Le témoin cherche le document.)

11 M. Ierace (interprétation): Vous nous dites que vous aviez souligné un

12 passage de cet extrait, vous nous l'avez lu. Et d'après ce que vous dites

13 dans votre déposition, d'après le compte rendu en anglais, vous faites,

14 là, entre ce résumé, vous faites un lien entre le stress dû à une

15 expérience traumatique en temps de guerre et l'augmentation du taux de

16 suicide.

17 Est-ce que vous voyez la phrase qui commence par le mot "complication"?

18 Je la cite: "Les complications liées à un stress dû à une expérience ou à

19 un traumatisme connu en temps de guerre peuvent entraîner une augmentation

20 significative du nombre de suicides.".

21 Est-ce que vous voyez cela?

22 Réponse: Pour autant que j'en m'en souvienne, j'ai justement la lecture de

23 cette phrase.

24 M Ierace (Interprétation): Et si on se rapporte au compte rendu

25 d'audience, ou plutôt à la traduction, vous avez dit cela de façon

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1 catégorique, vous n'avez pas parlé de possibilité. Vous avez dit que

2 c'était ce qui se produisait, c'était ce qui se produisait effectivement.

3 Si bien que ma première question est la suivante: est-ce que vous

4 acceptez, est-ce que vous convenez que, au terme du résumé de cet article,

5 les syndromes de stress post traumatique dus à la guerre et les troubles

6 qui en découlent peuvent -et n'entraînent pas forcément- mais peuvent

7 entraîner une augmentation importante du nombre de suicides?

8 M. Kuljic (interprétation): Si je me souviens bien, j'ai dit "peuvent

9 donner lieu". Ceci peut-être n'a pas été consigné. Je ne vois pas la

10 raison pour laquelle j'aurais dit autrement. C'est ce qui est écrit, je

11 l'ai souligné, et je crois que ceci est exact. Il y a une hypothèse dans

12 chacune de ces études, dans chacun de ces examens. Moi, j'ai comme point

13 de départ un hypothèse.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur le Procureur, il faut vraiment

15 qu'aujourd'hui on finisse à l'heure. Ça devrait être le cas tous les

16 jours, mais, là, vraiment, il faut que nous nous arrêtions. Et puis, Me

17 Piletta-Zanin souhaite bénéficier d'une minute pour intervenir au sujet de

18 la traduction. Si on ne peut pas procéder autrement.

19 Vous avez la parole, Maître.

20 M. Piletta-Zanin: Très rapidement pour la cabine anglais, page 28-9,

21 certains points n'ont pas été traduits -je crois notamment "fort de café".

22 Bien. Ici, maintenant, mais enfin, disons peu importe.

23 En page 58, ligne 23, cabine française, contresens, "votre rapport n'est

24 pas son rapport " en page 74, pour Mme l'interprète de la cabine

25 française, il n'y a pas de traits traumatiques.

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1 Idem pour Mme l'interprète de la cabine française en page 76, il y a là un

2 contresens: "5% pour les femmes et 10% pour les hommes.". C'est en fait,

3 l'inverse. Le rythme était un peu rapide.

4 En page 77, 24-25, Mme l'interprète française n'a pas pu traduire une

5 ligne, et puis, en définitive, j'ai dit une chose qui n'a pas été notée.

6 C'est que j'intervenais par égard pour les interprètes. Merci.

7 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je pourrais

8 avoir une copie de ces articles ou est-ce que je pourrais donner une copie

9 de ces articles à l'huissier pour qu'il les remette au témoin afin que

10 celui-ci puisse les consulter ce soir?

11 M. le Président (interprétation): Oui, Docteur Kuljic, je vous demanderai

12 de bien vouloir prendre connaissance de ces articles ce soir et on vous

13 posera des questions supplémentaires à ce sujet.

14 Demain, Monsieur le Procureur, vous disposerez de 15 minutes de questions

15 effectives. L'audience est donc suspendue jusqu'à demain 14 heures 15; on

16 se retrouve dans le même prétoire.

17 Et quant à moi, Docteur Kuljic, je vous donne comme instruction de ne

18 parler à personne de votre déposition. Je pense que je vous l'avais déjà

19 dit hier.

20 (L'audience est levée à 19 heures 04.)

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