Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 9 mai 2003.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 10 heures 35.)

4 (Questions de la Chambre.)

5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, voulez-vous s'il

6 vous plaît appeler l'Affaire?

7 Mme Philpott (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-98-29-T, le

8 Procureur contre Stanislav Galic.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

10 Puisque le Juge Nieto-Navia n'a pas d'écouteurs, nous allons attendre une

11 seconde. Je vous remercie.

12 Bonjour à tous.

13 Ceci sera le dernier jour d'audience pour ce procès. Aujourd'hui, c'est la

14 Chambre qui va poser des questions aux parties et qui demandera des

15 éclaircissements sur des questions qui ne sont pas encore claires pour les

16 membres de la Chambre. Je voudrais commencer par une question qui

17 s'adresse aux deux parties.

18 Tout d'abord à l'accusation: la question concerne l'accord du 22 mai 1992.

19 Je sais que vous avez connaissance de l'accord dont je viens de parler. Je

20 voudrais demander tout d'abord à l'accusation si l'accusation est d'avis

21 que cet accord est entré en vigueur parce que toutes les ratifications ont

22 été recueillies?

23 M. Ierace (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. C'est M.

24 Mundis qui répondra aux questions que vous poserez en ce qui concerne les

25 points de droit. Je me permets donc de vous proposer cela.

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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Mundis, quel est votre point de

2 vue en ce qui concerne les ratifications par rapport à l'article 6,

3 paragraphe 2 de cet accord?

4 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, l'accusation est en

5 fait d'avis que l'accord que les parties ont signé est entré en vigueur en

6 application des termes de l'article 6 de cet accord.

7 M. le Président (interprétation): J'aimerais demander à la défense quelle

8 est sa position devant le Président.

9 M. Piletta-Zanin: C'est un peu dans le doute. (Hors micro.) … se souvient

10 des témoins qui nous ont effectivement indiqué… C'est un point que nous

11 n'avions pas soulevé, mais des témoins ont indiqué que certains accords

12 avaient été pratiquement obtenus, même semble-t-il paraphés du point de M.

13 Alija Izetbegovic, mais qu'ils n'avaient pas été ratifiés au sens

14 technique du terme et, par conséquent, n'étaient pas entrés en force.

15 La question donc est ouverte et il n'appartient pas à la défense d'y

16 répondre. Merci.

17 M. le Président (interprétation): Oui. Eh bien, Maître Piletta-Zanin, vous

18 pensez donc qu'il… pourquoi cela ne serait pas valable?

19 Dans votre dernière plaidoirie, de sorte qu'un éclaircissement de votre

20 part ne serait pas quelque chose qui serait au-delà de ce qui vous aurait

21 été demandé, de ce qui aurait été demandé par la défense.

22 Monsieur Mundis, est-ce que cet accord a été ratifié par la Croatie, pour

23 autant que vous sachiez?

24 M. Mundis (interprétation): Je ne suis pas au courant, Monsieur le

25 Président, je ne savais pas que la Croatie avait ratifié cet accord. Mais

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1 l'accusation dans nos écritures l'a dit clairement. Si vous voulez, je

2 pourrais également m'exprimer sur cette question, je pourrais développer.

3 L'accusation serait également d'avis que cet accord, même si l'accord

4 spécial n'était pas en vigueur, les parties s'étaient néanmoins tenues de

5 l'appliquer en raison du protocole additionnel 1 proprement dit et des

6 dispositions qui y reflètent le droit international coutumier.

7 M. le Président (interprétation): Oui, mais cela est une question de

8 savoir si l'accord s'appliquait ou non, parce que vous vous référez à

9 l'article 6 de l'accord et des termes de l'article 6 selon lesquels

10 l'accord serait entré en vigueur.

11 Tandis que l'article 6 dit que l'accord entrera en vigueur le 26 mai, si

12 toutes les parties ont transmis leur acceptation officielle ou formelle de

13 l'accord au 26 mai.

14 M. Mundis (interprétation): Oui, Monsieur le Président. La référence qui

15 se trouve à la première page de ce document, à la Communauté démocratique

16 croate, bien entendu c'est le HDZ au sein de la Bosnie-Herzégovine.

17 Cet accord entre les parties représente les trois factions en Bosnie-

18 Herzégovine, de sorte que l'accusation soutiendrait que la Croatie n'était

19 pas partie à cet accord, et donc la question de savoir si la Croatie ou

20 non a donné son accord aux termes de l'accord n'est pas vraiment une

21 question qui se pose en l'espèce.

22 M. le Président (interprétation): Est-ce que je comprends bien que la

23 ratification par la Bosnie-Herzégovine couvrirait aussi la partie croate,

24 pour ce qui est de cet accord? Ou que la Croatie…

25 M. Mundis (interprétation): C'est exact, Monsieur le Président.

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1 M. le Président (interprétation): Oui.

2 M. Piletta-Zanin: L'avant-dernier point, en tout point d'accord avec le

3 représentant de l'accusation, nous ne voyons pas pourquoi ce document

4 aurait dû être ratifié ni par la Croatie ni par quelque autre Etat que ce

5 soit, à l'exclusion de la BH, c'est-à-dire de la Bosnie-Herzégovine,

6 puisque les trois autres parties n'étaient pas des Etats mais étaient des

7 partis politiques, enfin, disons des organisations politiques mais

8 certainement pas des Etats.

9 Sur ce point, je crois que nous avons trouvé un accord de fond entre

10 l'accusation et la défense. Il ne pouvait y avoir aucune ratification

11 possible puisqu'il ne s'agissait pas d'Etats. Je parle des signataires

12 suivant le premier.

13 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

14 Juges, si vous permettez que je m'associe à mon honorable collègue dans ce

15 qu'il dit pour apporter des éclaircissements au sujet du protocole 1,

16 c'est-à-dire en ce qui concerne la mise en application de ce qui a été

17 signé.

18 Avec ce que mon confrère vient de dire au nom des parties belligérantes,

19 ce sont les représentants de partis politiques qui ont signé aussi. Il ne

20 s'agit pas d'un accord signé, ratifié par les Etats en question mais par

21 des représentants de partis politiques.

22 La Bosnie-Herzégovine n'a pas pu être considérée comme étant le successeur

23 de la RSF de Yougoslavie et que l'accord, tel qu'il a été ratifié par des

24 représentants de partis politique, ne suppose pas la mise en application

25 du protocole 1 mais il s'agit seulement de mettre en application certains

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1 principes qui se retrouvent dans le protocole 1 et qui concerneraient les

2 civils.

3 M. le Président (interprétation): Bien. Est-ce que ceci aurait une

4 influence quelconque sur l'effet obligatoire de cet accord par rapport aux

5 parties au conflit?

6 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, nous avons exposé dans

7 nos écritures la position selon laquelle la Bosnie-Herzégovine en fait

8 était un Etat partie au protocole additionnel et qu'en vertu à la fois de

9 l'article 4 des Conventions de Genève de 1949 et des protocoles

10 additionnels qui donnent les dispositions qui permettent aux parties de

11 signer des accords spéciaux, cet accord spécial en fait complétait

12 l'article 4 des Conventions de 1949 et les deux protocoles additionnels

13 sur la base du fait que la Bosnie-Herzégovine était un Etat partie à ces

14 accords et cet accord spécial du 22 mai 1992.

15 Ceci en fait, si vous voulez les trois parties belligérantes en Bosnie-

16 Herzégovine, en vertu des termes de cet accord spécial, ont fait que les

17 termes du protocole additionnel qui sont spécifiés dans l'accord soient

18 applicables au conflit armé sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

19 M. le Président (interprétation): Vous vous référez à la Bosnie-

20 Herzégovine comme étant partie à l'article 4 des Conventions de Genève et

21 au protocole 1 et au protocole 2.

22 Pour le protocole 1, bien entendu ceci donnerait à penser que le conflit

23 avait un caractère international.

24 M. Mundis (interprétation): Bien entendu le protocole additionnel n°1 par

25 ses propres termes s'applique aux conflits armés internationaux. Toutefois

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1 la position de l'accusation est que cet accord rendait ces dispositions

2 particulières applicables à un conflit non international, à un conflit

3 armé non international, comme le montre le fait que c'étaient les trois

4 partis politiques internes au sein de la Bosnie-Herzégovine qui se sont

5 spécifiquement mis d'accord pour respecter ces dispositions nonobstant le

6 fait que le protocole additionnel 1 normalement n'aurait pas été

7 applicable de par ses termes au conflit en Bosnie.

8 M. le Président (interprétation): C'est la dernière partie de votre

9 réponse qui était.

10 Monsieur Mundis, puisque vous avez dans votre dernière réponse… Excusez-

11 moi, non j'ai fait une erreur. Chacun a ses propres problèmes. Je confonds

12 les choses.

13 Vous avez souligné que c'était par cet accord du 22 mai que le protocole

14 additionnel n°1 serait applicable. Mais néanmoins, l'article 6 dit que

15 toutes les parties auraient dû transmettre leur acceptation formelle de

16 l'accord à la date du 26 mai 1992. Ce qui nous ramène à la première

17 question: qu'en est-il de l'acceptation formelle, ce que j'ai appelé

18 ratification mais j'aurais dû parler d'acceptation formelle.

19 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avons pas

20 d'élément de preuve qu'il y ait eu transmission d'acceptation formelle au

21 CICR. Bien entendu, nous avons des éléments de preuve basés sur les

22 documents selon lesquels les parties se sont mises d'accord sur ces

23 termes, mais à ce stade-ci nous n'avons pas devant cette Chambre des

24 éléments de preuve prouvant le fait que cette question essentiellement

25 technique de la transmission de l'accord au CICR avant le 26 mai ait

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1 effectivement eu lieu.

2 M. le Président (interprétation): Si, juste par hypothèse, nous supposions

3 que la communauté démocratique croate n'avait pas transmis son acceptation

4 formelle au CICR, est-ce que ceci aurait une incidence sur l'effet

5 obligatoire de cet accord?

6 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, en vertu des termes de

7 l'article 6 de cet accord, il est dit très clairement: "Toutes les

8 parties, donc de par les termes de l'accord, le résultat est que l'accord

9 ne serait pas entré en vigueur". Là encore, à ce stade, l'accusation se

10 fonde sur le fait que les parties avaient signé l'accord. Ce qui est

11 prouvé par la pièce à conviction 58 présentée par l'accusation, ce qui

12 démontre clairement l'intention de se lier par les termes exposés dans

13 l'accord.

14 M. le Président (interprétation): Bien. Pourrais-je avoir le point de vue

15 de la défense à ce sujet?

16 M. Piletta-Zanin: Il résulte, il transparaît déjà de ce qu'on a indiqué

17 tout à l'heure à la forme mais la défense ne peut pas répondre à cette

18 question. A la forme, il semble bien que ce que vous avez appelé les

19 ratifications ne soient pas intervenues.

20 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuive.

21 M. Piletta-Zanin: Pardonnez-moi. Je constate que l'accusation ne sait pas

22 très bien aujourd'hui si ces ratifications, les quatre nécessaires, ont

23 été apportées ou non et, par conséquent, si une condition qui est non

24 seulement la réserve bien sûr de la forme écrite, mais la réserve de

25 l'acceptation formelle sous quelque forme que ce soit, a été prévue et n'a

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1 pas été mise. Evidemment, les conséquences en droit, on devrait en tirer

2 sans que l'acte qui se voulait complet sous certaines formes risque bien

3 de ne pas l'être pour ne pas avoir vu ces mêmes formes-là parfaitement

4 accomplies.

5 M. le Président (interprétation): Oui. Pourrais-je vous demander, Maître

6 Piletta-Zanin: supposons simplement que les partis aient transmis leur

7 acceptation formelle concernant cet accord-ci, ces partis avaient agi

8 conformément aux disposions de ces accords. Par exemple, j'appelle votre

9 attention sur l'article 5 de cet accord qui concerne la mise en œuvre:

10 chacun des partis s'engage à désigner des officiers de liaison, des

11 fonctionnaires de liaison auprès du CICR.

12 Si, par exemple, les partis qui avaient transmis leur acceptation formelle

13 avaient désigné des fonctionnaires de liaison, officiers de liaison, est-

14 ce que ceci aurait changé quelque chose à la situation du point de vue de

15 la défense? Bien que votre réponse n'ait pas été très claire, vous avez

16 dit que "les conséquences juridiques devaient être tirées du fait", mais

17 vous n'avez pas dit quelles étaient ces conséquences juridiques. Si l'on

18 suppose que les officiers de liaison avaient été nommés, est-ce que ceci

19 aurait changé quoi que ce soit aux conséquences qu'il y aurait lieu de

20 tirer?

21 M. Piletta-Zanin: Eh bien, Monsieur le Président, cela aurait changé toute

22 l'histoire de ce procès; pas forcément en droit mais en tout cas en fait,

23 parce que, très certainement, il y aurait eu là des mécanismes

24 d'informations immédiats et on n'en serait pas ici.

25 Je vais consulter un instant.

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1 (Le Banc de la défense se consulte.)

2 En pratique, sur le plan du droit bien sûr, cela n'aurait pas beaucoup

3 d'effet. Nous sommes sans doute d'accord. Mais ce que je veux dire, c'est

4 que, sur le plan du fait, si ces mécanismes d'informations avaient été

5 dans la réalité exécutés comme ils auraient dû l'être, on n'en serait sans

6 doute pas là aujourd'hui.

7 M. le Président (interprétation): Oui.

8 Monsieur Mundis?

9 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, si, brièvement, je

10 pouvais faire deux remarques.

11 La première, c'est un principe généralement reconnu en droit international

12 que des Etats... et je voudrais soutenir par analogie que cet accord

13 rentrerait dans cette catégorie que les Etats, qui ont signé des accords

14 en attendant une ratification formelle, sont tenus d'adhérer aux termes de

15 l'accord et de ne rien faire qui serait contraire à des accords express

16 auxquels ils sont parvenus pendant que les procédures de ratification et

17 de notification sont pendantes.

18 Premièrement, nous dirons que ce traité serait analogue ou cet accord

19 spécial serait analogue à un traité à cet égard, pour ce principe général

20 de droit international.

21 Deuxièmement, la question en ce qui concerne plus particulièrement le

22 point de savoir si le HDZ avait ratifié cet accord ou si, en fait, les

23 trois partis avaient transmis leur acceptation au CICR, est une question

24 qui n'est pas dans les conclusions de l'accusation, qui ne fait pas partie

25 des questions qui se posent dans le cadre de ce procès ni que la défense

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1 ait particulièrement examinée non plus dans ses conclusions. L'accusation

2 pourrait demander si cela pouvait aider la Chambre, présenter des éléments

3 de preuve supplémentaires à la Chambre, en ce qui concerne l'accord et la

4 transmission de l'accord par les partis au CICR.

5 M. le Président (interprétation): Oui, je comprends. Mais j'aurais tout

6 d'abord à vous demander, Monsieur Mundis, s'il résulte de la première

7 partie de votre réponse qu'à partir du 26 mai -puisque les partis étaient

8 censés transmettre leur acceptation formelle le 26 au plus tard-, qu'à

9 partir du 26 l'accord pouvait être considéré comme n'étant pas ou, en tous

10 les cas, que les partis ne pouvaient pas être censés agir conformément aux

11 disposions de l'accord. Parce que vous avez dit "pendant la période qui

12 précède la ratification et laquelle prenait fin le 26 mai".

13 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, avec tout le respect

14 que je dois à la Chambre, l'accusation soutient que le 26 mai 1992, 18

15 heures comme délai était simplement un détail administratif, si vous le

16 voulez bien. Et que la date de l'accord, le 22 mai 1992, était la date à

17 laquelle l'obligation s'imposait aux partis, et, qu'en fait, c'était cette

18 date qui faisait que cet accord demeurerait en vigueur, à partir de cette

19 date-là et pour l'avenir. Et que la question de la transmission au CICR de

20 l'acceptation formelle était purement un détail administratif, de telle

21 sorte que l'accord pourrait être à ce moment-là enregistré par le CICR qui

22 -comme la Chambre le sait- est le dépositaire, l'institution dépositaire

23 pour les Conventions de 1949 de Genève ainsi que les deux protocoles

24 additionnels à ces Conventions.

25 M. le Président (interprétation): Oui. Maintenant, me référant à la

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1 deuxième partie de votre réponse, vous aviez dit que la question n'a pas

2 été évoquée, n'a pas été soulevée pendant le procès.

3 Est-ce que la position de l'accusation, en ce qui concerne le droit

4 applicable, est que la Chambre devrait suivre les parties si elles étaient

5 d'accord quant au droit applicable? Là où la Chambre pourrait avoir des

6 doutes sur quel était le droit applicable ou est-ce que la position est

7 différente? Je veux dire: est-ce quelque chose qui est du ressort des

8 parties pour qu'elles s'entendent là-dessus, ou est-ce que c'est quelque

9 chose que la Chambre doit décider?

10 M. Mundis (interprétation): Certainement l'applicabilité, Monsieur le

11 Président, est une question qui relève de l'autorité de la Chambre. Mais

12 il semble que si, en l'occurrence, les parties s'étaient mises d'accord

13 sur ce qu'était le droit applicable, elles en auraient certainement

14 informé la Chambre de cela; ceci permettrait d'éclairer la décision de la

15 Chambre. Mais, clairement, l'applicabilité du droit ou du droit que cette

16 Chambre appliquera est une question qui est du ressort, relève de

17 l'autorité de la Chambre.

18 M. le Président (interprétation): Pourrais-je demander à la défense si

19 elle partage ce point de vue, sur la dernière partie?

20 Est-ce que vous partagez le point de vue que lorsque les parties ne se

21 contredisent pas l'une l'autre -je ne dis pas qu'elles ne le fassent pas-,

22 mais si elles étaient d'accord sur le droit applicable est-ce que,

23 néanmoins, il relèverait de l'autorité de la Chambre de...?

24 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je ne suis pas sûr que les

25 parties soient toujours d'accord sur le droit applicable. Ce que j'ai dit

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1 tout à l'heure, j'ai dit qu'il n'appartient pas à la défense d'apporter

2 réponse. Nous avons donné des éléments, nous pensons ceci et cela. Et nous

3 pensons une chose, c'est que nous ne sommes certainement pas d'accord sur

4 le droit applicable. Notamment lorsque l'on en arrive aux conclusions -par

5 exemple serait-ce le protocole 1, serait-ce le protocole 2, additionnel,

6 etc.-, on voit bien que les parties ne sont pas d'accord. Merci.

7 M. le Président (interprétation): La Chambre a pris note du fait que vous

8 êtes d'accord, que vous étiez d'accord mais que vous n'êtes plus d'accord.

9 (Les Juges se consultent sur le siège.)

10 A ce stade-ci, à ce sujet je n'ai pas de question. Mais voilà que peut-

11 être mes collègues, Messieurs les Juges en ont.

12 Dans ce cas-là, je vais d'abord donner la parole à M. le Juge Nieto-Navia.

13 M. Nieto-Navia (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 Je vais d'abord poser une question à M. Mundis au sujet de l'analogie

15 qu'il y a entre cet accord et les accords internationaux.

16 Monsieur Mundis, vous avez dit qu'avant qu'il y ait ratification d'un

17 accord, les parties à l'accord sont tenues par les dispositions

18 ressortissant de cet accord. Par conséquent, les parties ne devraient rien

19 faire qui serait de nature à enfreindre les dispositions de l'accord.

20 Je suis d'accord là-dessus pour ce qui est du droit sur lequel reposent

21 les Conventions internationales; je me réfère notamment à la Convention de

22 Vienne par exemple. Mais, à ce sujet, je voulais savoir quelque chose au

23 sujet de la première partie de la réponse qui était la vôtre.

24 Quelle est, en fait, la finalité de la ratification à votre sens?

25 M. Mundis (interprétation): Dans les juridictions internationales, la

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1 ratification a été requise du fait surtout qu'il s'agit d'accords qui ne

2 doivent pas être mis en application par eux-mêmes. Je crois que la fin

3 primaire d'une ratification, c'est de s'assurer à ce que là où la

4 ratification est requise, pour que l'accord soit reconnu et admis en tant

5 qu'instrument juridique dans le domaine du droit national, alors le

6 système juridique national doit intervenir parce qu'il faut d'abord

7 satisfaire le système tel qu'il est dans son fonctionnement du système

8 juridique national. Voilà en quoi consiste la fin primaire.

9 M. Nieto-Navia (interprétation): Mais la fin primaire ne consiste pas à

10 pratiquement donner l'aval à un tel accord en quand.

11 M. Mundis (interprétation): Non, ceci devrait habiliter l'Etat en

12 l'autorisant à mettre en application les dispositions de l'accord; c'est-

13 à-dire que l'Etat devrait être en possibilité de voir toutes ces

14 institutions, institutions d'Etat tenues par les dispositions de ce qui

15 était ratifié. La fin de la ratification comme telle consiste à ce que

16 l'Etat fasse savoir l'intention qui est la sienne, c'est-à-dire de se voir

17 "tenu par", c'est-à-dire par le poids de ce que les accords internationaux

18 représentent. Ainsi donc les autorités de l'Etat en sont tenues pour ce

19 qui est de la mise en application de l'accord en question.

20 M. Nieto-Navia (interprétation): Oui, mais vous venez de dire que la

21 ratification ne représentait qu'un détail d'ordre administratif. J'ai

22 peut-être encore d'autres choses à demander, à moins peut-être M. le Juge

23 El Mahdi ne souhaite la parole.

24 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin?

25 M. Piletta-Zanin: Je ne pense pas qu'il soit exact de dire que la

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1 ratification soit simplement l'exécution. Je pense que mon excellent

2 confrère confond ce qu'on appelle en technique dans le droit international

3 le dépôt des instruments -et là c'est le moment où on peut exécuter

4 effectivement-, la ratification générale est l'acte par lequel une

5 autorité supérieure à celle qui a commancé par conclure donne

6 effectivement son aval afin que l'acte en question soit revêtu de toutes

7 les formes nécessaires à son existence. Et ce, à un niveau supérieur en

8 général à ceux qui établissent l'acte lui-même.

9 Et je m'excuse d'avoir interrompu quiconque par ailleurs.

10 M. El Mahdi: Monsieur Mundis, j'aimerais attirer votre attention, s'il

11 vous plaît, sur la formule utilisée au lien du paragraphe 2 de l'article 6

12 de l'accord du 22 mai.

13 Si on regarde attentivement, on voit que les parties se réservent le droit

14 d'appliquer l'accord, si toutes les parties -je cite en anglais-: "Le

15 présent accord entrera en vigueur le 26 mai à 24 heures. Si toutes les

16 parties ont transmis…" On pourrait indiquer que ce n'est pas uniquement et

17 simplement la formalité, comme vous dites, de ratification pure et simple,

18 mais les parties se réservent expressément le droit de n'appliquer

19 l'accord que si et dans la mesure où toutes les parties à l'accord

20 transmettent leur ratification.

21 Est-ce que cela change votre opinion, est-ce que vous maintenez votre

22 position à la lumière de cette formule?

23 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je

24 crois que la suite de ce paragraphe est important, si vous nous voulons

25 comprendre la position de l'accusation. L'article 6 paragraphe 2 poursuit

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1 en précisant que "les parties ont transmis à la Croix-Rouge leur

2 acceptation formelle de l'accord". Et c'est ce terme "acceptation

3 formelle" qui représente les autorités nationales et en l'espèce, les

4 différents partis politiques qui soutiennent complètement ce sur quoi les

5 représentants de ces différents partis sont tombés d'accord.

6 Les termes linguistiques précisent que ceci représente l'acceptation

7 formelle qui doit être signée le 26 mai 1992 à 18 heures, constitue

8 l'acceptation formelle. Et l'accusation précise que les parties ont

9 accepté cet accord le 22 mai, et ce qu'il suffit de faire c'est simplement

10 de remettre cette acceptation formelle en date du 26 mai.

11 M. El Mahdi: Vous ne faites donc pas la différence entre la signature de

12 l'accord et l'acceptation formelle. C'est un projet d'accord ou bien c'est

13 un accord exécutoire en soi qui n'a pas besoin d'autres formalités. J'ai

14 peine à comprendre la langue de cet alinéa, disant, enfin aboutissant à

15 dire que l'accord en soi est applicable, nonobstant toute autre

16 acceptation.

17 Parce qu'il me semble que la langue express de "if all parties have

18 transmitted their formal acceptance" "si toutes les parties ont transmis

19 leur acceptation formelle", quand même vous pourriez indiquer que l'accord

20 n'est qu'un accord provisoire, enfin qui n'est pas formel, et donc avec

21 toutes les conséquences possibles en droit qu'il n'est pas et qui pourrait

22 ne pas être exécutoire en soi.

23 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Juge, eu égard à la question qui

24 porte sur le fait, qu'il s'agisse ici d'un projet d'accord ou non,

25 l'accusation est de l'avis qu'il ne s'agit pas d'un projet d'accord, car

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1 il a été signé, et nulle part est-il précisé qu'il s'agit ici d'un projet

2 d'accord. Et la signature en bas de l'accord semblerait indiquer qu'il ne

3 s'agit pas d'un projet d'accord justement.

4 Eu égard au fait qu'il s'agit ici d'un accord exécutoire ou non d'un

5 document qui serait automatiquement exécutoire, la position de

6 l'accusation est la suivante. Le document devait être transmis au CICR en

7 vertu de l'acceptation formelle, tel que s'est indiqué sur le document et

8 que cette acceptation formelle représentait simplement une tâche

9 administrative qui permettrait au CICR d'être en possession de

10 l'acceptation formelle, étant donné que c'était l'institution dépositaire

11 d'accords spéciaux ainsi que des quatre Conventions de Genève et des

12 protocoles additionnels.

13 M. El Mahdi: (Hors micro.) … remarque, s'il vous plaît, enfin je m'excuse,

14 mais donc vous interprétez la langue express, disant que (interprétation)

15 que le présent accord entrera en vigueur si toutes les parties ont

16 transmis au CICR leur acceptation formelle.

17 (En français) … il n'y aura pas de conséquence juridique? Que l'accord est

18 applicable soit que les parties ont transmis ou non leur acceptation de

19 cet accord.

20 C'est votre position?

21 M. Mundis (interprétation): Avant de répondre à cette question, si je

22 puis, s'il vous plaît, avoir quelques instants pour conférer avec l'équipe

23 de l'accusation.

24 M. le Président (interprétation): Si cette question soulève d'autres

25 questions, à ce moment-là, vous aurez peut-être besoin de conférer entre

Page 21982

1 vous et nous pourrons à ce moment-là faire une brève pause par la suite,

2 de façon à ce que vous puissiez apporter des réponses.

3 M. Piletta-Zanin: Simplement, ce n'est pas la question du projet, c'est

4 simplement la réalisation ou non de ce qu'on appelle techniquement une

5 condition suspensive.

6 M. le Président (interprétation): Je souhaite donner la parole et

7 permettre au Juge Nieto-Navia de poser ses questions, mais il ne s'agit

8 pas ici du seul point à débattre.

9 M. Nieto-Navia(interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je

10 pense que cette question doit trouver une réponse qui doit être fournie

11 par M. Ierace.

12 Pour ce qui est de la première question, s'agissant du 6 mai, l'incident

13 22, M. Ierace a précisé que l'accusation ne peut pas affirmer quel rôle où

14 de quel endroit provenait la balle. Et vous avez ajouté: "mais cela n'est

15 pas important". Et si vous ne savez pas d'où la balle venait, comment

16 pouvez-vous accuser l'accusé de ce crime?

17 M. Ierace (interprétation): Lorsque j'ai dit cela, j'aurais dû apporter

18 quelques clarifications, à savoir la position de l'accusation qui est la

19 suivante.

20 Cela n'a pas d'importance sur le territoire détenu par le SRK l'endroit

21 d'où provenait la balle. En d'autres termes, il nous faut nous souvenir ce

22 que l'accusation défend eu égard à ces incidents de tirs embusqués. Et

23 Monsieur le Président, l'accusation ne prétend pas établir l'identité du

24 subordonné, en particulier, de l'accusé qui aurait tiré la balle.

25 L'accusation demande à la Chambre de première instance de tenir compte

Page 21983

1 d'autres éléments pertinents qui ont été présentés comme éléments de

2 preuve tels que le lien qui existe entre cet incident particulier et le

3 SRK qui détenait ce territoire, ce qui s'est passé sur ce territoire, à

4 savoir les incidents répertoriés et l'accusé était au commandement et

5 contrôlait ses subordonnés, et avait la charge de l'utilisation de ces

6 armes utilisées par l'infanterie.

7 Cela est certainement important de savoir si la balle venait du côté des

8 lignes de confrontation contrôlées par le SRK. Et une fois que cela a pu

9 être établi, cela ne porte pas vraiment à conséquence de savoir si la

10 balle venait de l'école de théologie ou d'un tout autre endroit situé sur

11 le territoire, entre l'école de théologie et les lignes de confrontation.

12 M. Nieto-Navia (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur Ierace.

13 Nous parlons maintenant de l'incident 13. Quand bien même le père était un

14 combattant, la victime était un enfant âgé de 15 ans. La question que je

15 souhaite vous poser: étant donné les circonstances de cette affaire, à

16 savoir qu'il y avait des barrières qui avaient été érigées, que le camion

17 se dirigeait à 20 ou 30 kilomètres, un tireur embusqué pouvait-il savoir

18 qu'il y avait un enfant âgé de 15 ans dans le camion?

19 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Juge, je pense qu'il est important

20 de tenir compte ici, au regard des éléments de preuve qui ont été fournis,

21 quelle situation se présentait à la personne qui était responsable de ce

22 tir.

23 Nous pouvons déduire de ces éléments de preuve que le tireur embusqué

24 aurait pu regarder ce camion qui n'était pas marqué, qui comportait des

25 insignes civils puisque c'était un camion de boucherie. Et il n'y avait

Page 21984

1 pas d'équipement militaire hormis les VTT français qui étaient 100 mètres

2 plus loin.

3 Par conséquent, les occupants de ce véhicule, qui étaient au nombre de

4 deux seulement, ne portaient pas d'uniformes militaires, ne portaient pas

5 d'armes. Par conséquent, si on se met à la place du tireur, la première

6 question qu'il faut poser est la suivante: qu'en était-il de la cible ici

7 qui indiquait que c'était une cible légitime, que l'un ou l'autre des deux

8 occupants était un combattant?

9 La réponse est: il n'y a rien pour répondre de cela. Par conséquent, il

10 faut permettre l'éventualité, même si cela paraît assez recherché, de dire

11 que le tireur avait peut-être quelques informations personnelles qui l'ont

12 porté à croire que l'un ou l'autre de ces deux occupants était en fait un

13 combattant. Aucun élément de preuve ne peut soutenir cela, mais à supposer

14 et dans l'hypothèse que le tireur d'élite ait de telles informations sur

15 la nature du conducteur, à savoir que c'était un combattant, comment le

16 principe de proportionnalité s'applique-t-il à cette situation s'il avait

17 cette information personnelle? Et la situation qui se présente alors est

18 la suivante: le passager n'était certainement pas un combattant, et il a

19 pu peut-être discerner son âge de la distance d'où il se trouvait.

20 Mais je crois qu'il faut appliquer, ici, à défaut d'un autre terme, les

21 normes de preuves qui sont utilisées et tel que c'est indiqué dans

22 l'Article 13. En d'autres termes, le tireur a dû écarter tout doute quant

23 à la cible, s'il ne s'agissait pas d'une cible militaire, et prendre en

24 compte par conséquent le principe de proportionnalité qui serait entravé

25 ici.

Page 21985

1 Je ne suggère aucunement que le tireur pensait qu'il s'agit ici en termes

2 techniques ou formels, mais, pour le dire plus simplement, serait-il

3 approprié de cibler un combattant alors qu'il est dans la ligne de tir et

4 très proche de l'endroit où se situe quelqu'un qui n'est pas combattant?

5 Le risque est très élevé ici et cela a pu être démontré par le fait que la

6 balle a touché la porte du camion.

7 Par conséquent, l'accusation affirme qu'en premier lieu, il n'y avait

8 aucun indice militaire et s'il y avait une information personnelle, non

9 fondée, que le conducteur n'était pas une cible appropriée, quoi qu'il en

10 soit.

11 M. Nieto-Navia (interprétation): Ma question a été posée parce que vous

12 avez insisté sur le fait que la victime avait 15 ans, ce qui a provoqué ma

13 question. Bien sûr, je comprends que le camion n'a été marqué d'aucun

14 insigne. Merci.

15 Alors pour ce qui est des ordres reçus des troupes du SRK, une fois par

16 semaine, de ne pas cibler les civils, vous avez dit les choses suivantes:

17 "Ceci est incohérent (note de l'interprète: incompatible). S'ils ne

18 ciblaient pas des civils, pourquoi y avait-il de tels ordres?" Je reprends

19 ici vos propres termes. Pourriez-vous présenter autre chose s'ils

20 n'avaient pas donné de tels ordres?

21 M. Ierace (interprétation): L'accusation n'accepte pas ces éléments de

22 preuve en vertu desquels ils ont reçu ces ordres. L'accusation a dit cela

23 parce qu'elle a tenu compte de la preuve fournie par le témoin D et

24 d'autres témoins qui ne seront pas mentionnés ici. Les éléments de preuve

25 sont incohérents (note de l'interprète: incompatibles) avec les éléments

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1 présentés par les témoins de la défense. Et l'accusation cherche tout

2 d'abord à indiquer qu'il y avait une incohérence (note de l'interprète:

3 incompatibilité) par rapport aux éléments de preuve fournis par la

4 défense. Pourquoi recevraient-ils ces ordres de façon assez régulière

5 s'ils ne ciblaient pas des civils?

6 Dans le pire des cas s'il n'y avait pas de tels éléments de preuve, je

7 suppose que je pourrais dire qu'il y en avait, mais bon, dans le meilleur

8 des cas, l'accusation précise que s'il n'y avait pas d'éléments de preuve,

9 il faut décider comment évaluer cela. L'accusation -comme je l'ai indiqué-

10 affirme par conséquent que nous avons fait cette analyse et que par

11 conséquent nous ne nous en portons pas plus mal.

12 M. Nieto-Navia (interprétation): Pour ce qui est de l'incident n°25, vous

13 avez dit qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve à cet égard, que la

14 victime avait été prévenue par les soldats de la BH parce qu'il y avait

15 des tirs dans la zone. Ma question est la suivante: s'il y avait un tel

16 combat, pourriez-vous parler de la libération des civils ciblés (note de

17 l'interprète: visés)?

18 M. Ierace (interprétation): Je crois qu'il faut se remémorer les éléments

19 de preuve très précisément à cet égard qui étaient les suivants. Le témoin

20 a dit qu'elle-même et son ami se sont rapprochés de la route et des

21 soldats de la BH -quelqu'un les ont précisé (sic)- ils étaient sur un

22 balcon et leur ont dit que des tireurs embusqués étaient en train de

23 tirer. Elle n'a nullement dit que des tirs venaient du côté BH.

24 Par conséquent, tout d'abord lorsqu'on dit cela, il faut évaluer les

25 actions qui étaient en cours, avant qu'elle n'entre en scène; et les

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1 éléments de preuve ne nous permettent pas de conclure qu'il y avait un

2 combat armé légal à ce moment-là. Il se peut tout à fait que les tirs

3 embusqués tiraient sur des combattants alors qu'elle-même et son ami

4 tentaient de traverser la route. Cela peut être le cas mais cela ne peut

5 pas être le cas.

6 Encore une fois, si on en revient au principe de distinction et de

7 proportionnalité, si nous nous mettons à la place du tireur, à supposer

8 qu'il avait précédemment -il ou elle- été ciblé (note de l'interprète:

9 visé) par les combattants de BH dans cette région, il apparaît tout à fait

10 clair et l'accusation l'affirme que des civils habitaient dans cette zone,

11 et qu'il avait l'obligation et le devoir de cibler en tenant compte de ces

12 éléments-là, à savoir que ces cibles étaient des combattants. Et ici c'est

13 l'âge des deux filles à l'époque.

14 Nous avons entendu des témoignages portant sur les vêtements qu'ils

15 portaient, la longueur de leurs cheveux, etc., et ceux qui portaient

16 l'uniforme militaire.

17 M. Nieto-Navia (interprétation): Vous avez donc dit qu'il y avait des tirs

18 que vous avez évoqués, il y avait des tirs de tireurs embusqués.

19 M. Ierace (interprétation): Oui, c'étaient les propos utilisés.

20 M. Nieto-Navia (interprétation): Pour ce qui est de l'hôpital, vous avez

21 dit qu'aucun militaire n'a été touché, et votre conclusion était de dire

22 qu'il s'agissait ici de riposte.

23 La question que je vous pose: la riposte est-elle autorisée en temps de

24 guerre?

25 M. Ierace (interprétation): Une réponse très courte à cela. Monsieur le

Page 21988

1 Juge, nous avons entendu des témoignages à cet égard, à savoir ce qu'on

2 entendait par le terme de batterie en riposte. Ceci a un sens au plan de

3 la perspective militaire. La riposte en revanche au sens de cibler de

4 façon illégale ou de tirer sur une cible de façon illégale, telle que

5 c'est indiqué, il ne s'agit pas ici d'un comportement légal et il faut

6 analyser les éléments de preuve, eu égard à la riposte, au moment où ceci

7 a eu lieu et ce que ce tir a touché, si ce tir a réussi à neutraliser les

8 mortiers. Et pendant quasiment deux ans, nous avons affirmé qu'il

9 s'agissait ici de riposte puisque ceci a duré pendant très longtemps,

10 pendant deux ans.

11 Eu égard à votre question, Monsieur le Juge, pour ce qui est de la

12 terminologie précise que vous avez utilisée, à savoir si la riposte est

13 autorisée en temps de guerre ou non, ce terme la riposte, eu égard aux

14 circonstances très particuliers ici, je crois qu'il faut voir au-delà de

15 la terminologie. Merci.

16 M. Nieto-Navia (interprétation): J'ai une question courte et je souhaite

17 avoir une réponse courte. Qui contrôlait à ce moment-là le stade de sport?

18 M. Ierace (interprétation): Lequel? Il y en avait deux. Il y en avait un

19 près de Nedzarici et un autre au nord près de l'hôpital. Je suppose que

20 vous entendez celui qui était près du stade?

21 M. Nieto-Navia (interprétation): Oui, parce que nous avons attendu des

22 témoignages là-dessus.

23 M. Ierace (interprétation): Il s'agissait en fait ici de la BH. Il y avait

24 ici des généraux et des civils qui habitaient à Hrasno.

25 L'accusation précise en d'autres termes que le SRK contrôlait le stade.

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1 Mais si tel n'est pas le cas, de toute façon du point de vue de la Chambre

2 de première instance, cela ne fait aucune différence puisque la région

3 incontestée au sud-est est le stade lui-même -au sud-est directement- qui

4 était contrôlé par l'académie de police et contrôlé par le SRK. Cela ne

5 fait aucun doute.

6 Monsieur le Juge, je souhaite préciser cela. Je me suis trompé: le général

7 Karavelic a dit que le SRK tenait le stade ainsi que les résidents locaux.

8 C'est lui qui a dit cela.

9 M. Nieto-Navia (interprétation): Et pour ce qui est… Vous avez dit que

10 lorsqu'il s'agissait d'aller chercher de l'eau, la maison qui se trouvait

11 juste à l'entrée de la tranchée en direction du tunnel ne se situait qu'à

12 une centaine de mètres de l'incident en question.

13 Est-il possible que c'était une erreur et que ceci a pu être dirigé contre

14 la maison et non pas sur les personnes qui faisaient la queue pour obtenir

15 de l'eau?

16 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Juge, la question du calendrier

17 ici se pose "à quel moment cet incident s'est produit?"

18 M. Nieto-Navia (interprétation): Oui, je sais qu'il s'agit ici d'un

19 élément temporel et que le tunnel à ce moment-là n'était pas.

20 M. Ierace (interprétation): Je vais maintenant passer la parole à M. Stamp

21 qui va répondre.

22 M. Stamp (interprétation): Réponse très brève, Monsieur le Juge.

23 Ma réponse est la suivante. La maison n'aurait pas pu être ciblée (note de

24 l'interprète: visée) parce que la maison n'avait pas de signification

25 particulière au moment du bombardement. Par conséquent, la question de

Page 21990

1 l'erreur qui aurait pu être commise n'a pas lieu d'être. Mais quand bien

2 même il y aurait eu une autre cible, la question de l'erreur peut se poser

3 dans la mesure où elle reflète ce qui est du domaine du possible. Il faut

4 par conséquent se retourner vers les éléments de preuve ou les témoignages

5 des personnes qui ont parlé de ce qu'il s'est passé dans le voisinage de

6 ce point d'eau. Il n'y avait pas de cible militaire dans la région, dans

7 le voisinage.

8 M. Nieto-Navia (interprétation): La maison ne constitue pas une cible

9 militaire?

10 M. Stamp (interprétation): La réponse (sic) ne constituait pas une cible

11 militaire au moment du bombardement. La maison est devenue une cible

12 plusieurs semaines après le bombardement.

13 M. Nieto-Navia (interprétation): Combien de semaines après en vertu de la

14 déclaration du témoin Hadzic, après la construction de la tranchée autour

15 des maisons?

16 M. Stamp (interprétation): Environ 10 jours après, je crois, le 31

17 juillet, lorsque le tunnel a été ouvert, à savoir trois semaines après

18 l'incident en question.

19 Il y a également un document qui a été présenté par le témoin de la

20 défense, Radinovic, émanant du commandement de la BH leur donnant des

21 instructions pour prendre des mesures et traverser la piste de l'aéroport.

22 Ce document est daté quelques jours après la date du 12 juillet 1993. Ceci

23 constitue un élément de preuve qui précise que la maison et le tunnel

24 n'étaient pas utilisés à ce moment-là, et confirme ce qu'a dit le témoin

25 Hadzic: le tunnel et la maison n'ont pas été utilisés avant le mois

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1 d'août. Et Gribic, un autre témoin qui faisait partie de l'armée Bosnie-

2 Herzégovine, a également confirmé que ce tunnel n'était ni utilisé ni

3 opérationnel à ce moment-là.

4 Ce qui était important, ici, c'était de regarder les témoignages qui

5 suivent la séquence des événements. Le bombardement a eu lieu le 12

6 juillet, le tunnel a été ouvert le 31 juillet d'après Hadzic -ou le 1er

7 août d'après Karavelic-, parce que, à cause de ce tunnel, des personnes

8 ont commencé à se rassembler dans différents endroits de la région, et

9 c'est là où il a été décidé qu'il y aurait une tranchée qui permettrait

10 d'entrer dans le tunnel qui se situait à 300 mètres de l'incident en

11 question.

12 Par conséquent, je concède que, eu égard à tous les différents tirs, même

13 par un tir embusqué, de bombardement et d'armes à feu, il y a toujours une

14 possibilité d'erreur.

15 M. Nieto-Navia (interprétation): Oui, bien sûr, évidemment. Là n'était pas

16 ma question. La question portait sur le fait que le SRK puisse tirer sur

17 la maison parce qu'elle constituait un élément de construction.

18 M. Stamp (interprétation): La construction n'a pas commencé avant les 10

19 jours qui ont suivi l'ouverture du tunnel et la modification de la maison.

20 Et c'est à cause de la construction de la tranchée que cela menait à la

21 maison.

22 M. Nieto-Navia (interprétation): Oui, la tranchée. La maison était à

23 l'entrée de la tranchée, n'est-ce pas?

24 M. Stamp (interprétation): Oui, de la tranchée.

25 M. Nieto-Navia (interprétation): De la tranchée. Merci.

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1 Très bien. Nous avons entendu dire tant de choses sur les fusils à

2 lunette, mais il a été dit hier que la source de tir se trouvait dans le

3 nord de la rue.

4 (Note de l'interprète: Le nom de la rue nous a échappé.)

5 Est-ce que vous vous en souvenez? Vous avez dit que le tireur embusqué

6 était doté d'un viseur de vision nocturne, est-ce que vous avez eu quelque

7 chose à mettre à l'appui de ce que vous avez dit?

8 M. Ierace (interprétation): Je vous en prie, Monsieur le Juge. Juste

9 quelques secondes pour voir à quoi je pourrais me référer.

10 M. Nieto-Navia (interprétation): Je n'ai plus de question.

11 M. Piletta-Zanin: (Hors micro)... l'accusation.

12 M. le Président (interprétation): Oui, dans une certaine mesure et jusqu'à

13 certaines limites, nous voulons poser des questions pour demander des

14 éclaircissements à apporter à ce qui a été allégué par les deux parties en

15 présence. Si le besoin est urgent, je vais vous accorder la possibilité,

16 mais très brièvement.

17 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup. Très simplement, la défense a toujours

18 dit que la question principale était l'intention en matière de tir. En ce

19 qui concerne donc les deux premiers incidents: le premier, je n'en parle

20 même pas; le deuxième mentionné par le Juge Nieto-Navia, il faut souligner

21 que des camions ont été prouvés comme étant réquisitionnés par l'armée.

22 Troisième point: les ordres reçus. Monsieur Ierace nous dit que si l'on

23 donnait ces ordres de ne pas tirer, c'est parce qu'on tirait. En d'autres

24 termes, si j'ai bien compris: nos villes seront demain des cimetières de

25 voitures embouties parce que s'il y a des feux rouges, c'est parce que

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1 tout le monde franchit les feux rouges! Voilà. Je crois que ce n'est pas

2 très sérieux.

3 Quatrième point... ou cinquième point: l'hôpital et la question des

4 soldats tués. Il eût appartenu à l'accusation de démontrer la présence de

5 soldats ou pas, et lorsqu'on vous tire dessus, on ne sait pas toujours à

6 partir d'où l'on vous tire. Donc le rapport chronologique est important.

7 Dernier point par rapport -je laisse le reste, le stade de Grbavica n'est

8 pas trop important, c'est clair-, mais par rapport à la ligne d'eau et à

9 la maison. On nous dit que la tranchée a été construite un peu plus tard.

10 La défense veut dire deux choses à ce propos. Lorsque l'on construit un

11 tunnel de cette importance, cela ne passe pas inaperçu, surtout lorsque

12 l'accusation dit: "Les Serbes avaient une Intelligence –donc une

13 Intelligence, un service de renseignements au sens anglais du terme- qui

14 fonctionnait parfaitement". Et lorsqu'on les creuse, en général il y a des

15 équipes, cela a été prouvé, et ces équipes se voient; ce sont des

16 travailleurs ou des civils forcés ou des soldats ou d'autres volontaires,

17 mais qui sont proches de cet endroit et qui sont théoriquement une cible.

18 Il y a une dernière chose que je dois dire, c'est qu'il y a eu en effet

19 700 jours de commandement, où il y a eu en tout cas, au minimum, dans ces

20 régions-là une "ligne d'eau" par jour, c'est-à-dire 700 "lignes d'eau" par

21 jour. Et combien d'incident avons-nous? Un seul et rien.

22 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je voudrais vous

23 interrompre un petit peu pour attirer votre attention sur le fait qu'il

24 avait été déjà dit que seules de brèves réponses seraient admises, et je

25 crois que, plus tôt, vous vous étiez mis à mener un débat.

Page 21994

1 M. Piletta-Zanin: Je vous prie de m'excuser.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace.

3 M. Ierace (interprétation): Puis-je répondre à la question du Juge Nieto-

4 Navia, la page 19, ligne 34 de la déposition du témoin D.

5 M. le Président (interprétation): Je voudrais permettre également la

6 possibilité à M. El Mahdi de poser des questions.

7 M. El Mahdi: Je voudrais, s'il vous plaît, demander à l'accusation une

8 clarification qui existe dans le paragraphe 62, tout à la fin; c'est page

9 22. Je cite (interprétation): "L'accusation soutient qu'au cours du

10 commandement de l'accusé, des civils ont été pris pour cible dans des tirs

11 d'obus et de tireurs isolés, et que c'était le principal instrument de

12 cette méthode pour terroriser la population et, qu'en ce sens, ceci

13 constituait une campagne occulte".

14 Que voulait-on dire par "covert" ou "occulte"?

15 M. Ierace (interprétation): Je n'avais pas eu l'interprétation jusqu'à

16 maintenant, mais maintenant je crois que "covert" ou "occulte" dans le

17 sens de l'accusé, c'est-à-dire que ce n'était pas publiquement proclamé.

18 On ne proclamait pas publiquement qu'on prenait des civils pour cible;

19 campagne en ce sens, tout au moins dans la langue anglaise, lorsqu'on

20 recherche une définition. Je pense que ceci couvre ces schémas de

21 comportement. En d'autres termes, différents moyens matériels, différentes

22 ressources ont été réunies pour réaliser un objectif particulier.

23 Le comportement de l'accusé a été caractérisé par un certain degré de

24 planification, de répartition des éléments matériels dont il disposait du

25 fait d'avoir donné des ordres pour permettre ce résultat final, et que

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1 c'était ce que l'accusation voulait dire par l'utilisation du mot

2 "campagne". Ce n'était pas un ordre donné lors d'une circonstance

3 particulière. Ceci impliquait la structure de son Corps de façon à

4 réaliser cela.

5 M. El Mahdi: Vous avez dit, et je vous cite à nouveau (interprétation):

6 "Ceci peut avoir été le cas de certains incidents isolés contre leurs

7 propres civils".

8 Qu'entendez-vous exactement, quelle est votre opinion? Quand vous dites

9 "not on a large scale", est-ce que c'est par dizaines d'incidents, par

10 centaines d'incidents? Qu'entendez-vous par "isolated"? Et quelles seront

11 les conséquences juridiques émanant de votre acceptation que la partie

12 musulmane ou de la présidence tirait parfois sur ses propres citoyens?

13 M. Ierace (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Juge.

14 Ce que je veux dire, ce que je veux traduire par le mot "may", "peut",

15 c'est-à-dire une acceptation de la part de l'accusation du fait qu'il y

16 avait des preuves qui ont été présentées à la Chambre de première instance

17 à cet effet, effectivement.

18 J'ai par exemple à l'esprit la preuve de soupçons qui étaient nourris par

19 des hauts fonctionnaires de l'ONU, du fait qu'il y aurait eu des

20 circonstances dans lesquelles… il y avait plus exactement des exemples

21 dans lesquels certains Bosniens, c'est-à-dire des personnes qui étaient

22 suspectées d'être au moins sympathisantes avec la cause de la présidence

23 et qui étaient responsables, plutôt que des éléments du SRK du côté de la

24 ligne de confrontation tenue par le SRK.

25 Un autre exemple je pense, auquel je me suis référé cette semaine, était

Page 21996

1 la déposition, je crois, du témoin Hamill, qui a dit qu'il avait observé

2 l'impact d'un projectile tiré par un char à l'hôpital en 1993. Bien qu'il

3 n'y ait pas eu une analyse complète, il avait procédé à une analyse

4 préliminaire et c'était sa conclusion préliminaire que ce tir devait être

5 parti de l'intérieur de la ville.

6 Il est important, je crois, de toujours garder à l'esprit qu'il n'y a pas

7 eu d'éléments concluants à cet égard, par exemple en ce qui concerne cet

8 incident, parce qu'il n'y a pas eu d'analyse complète; et un certain

9 nombre de scénarios incompatibles avec cette conclusion selon laquelle il

10 y aurait eu des tirs délibérés depuis l'intérieur des lignes de

11 confrontation n'ont pas été exclus, tel un accident.

12 Quelles sont les conséquences? Premièrement, je pense que l'aspect suivant

13 de la question que vous avez posée, Monsieur le Juge, était la portée.

14 Comment pouvons-nous quantifier cela? Qu'est-ce que l'accusation peut dire

15 pour ce qui est de la quantification? Il n'y avait aucun doute selon

16 l'accusation en ce qui concerne les éléments de preuve, que ce qui s'est

17 passé constituait une minorité certaine par rapport au volume de tirs qui

18 étaient dirigés contre des civils, que ce soit délibérément ou de façon

19 indiscriminée, sans distinction. Et je souligne les mots "si", c'est-à-

20 dire "si cela s'est passé, si cela a eu lieu".

21 Les conséquences en droit en ce qui concerne ce procès sont les suivantes.

22 Il faut garder à l'esprit les charges particulières qui pèsent contre

23 l'accusé, et l'utilisation qui a été faite des incidents répertoriés,

24 c'est-à-dire qu'ils constituent des exemples.

25 A supposer que la Chambre de première instance arrive à une conclusion en

Page 21997

1 ce qui concerne les faits, selon laquelle des civils ou bien peuvent avoir

2 été pris pour cible de l'intérieur des lignes de confrontation ou ont été

3 pris pour cible de l'intérieur des lignes de confrontation, en supposant

4 que la Chambre parvienne à une autre conclusion de fait qui dépende de la

5 conclusion principale et selon laquelle les résultats seraient absolument

6 minimes, ceci n'aide pas l'accusé du tout pour ce qui est de répondre des

7 charges qui pèsent sur lui. Comme je l'ai indiqué la semaine dernière, ce

8 n'est pas une question de ou bien/ou bien.

9 Dans la question que vous avez posée en ce qui concerne la présidence,

10 vous vous êtes référé à la présidence, j'ai fait attention de ne pas me

11 référer à la présidence lorsque j'ai présenté mes conclusions sur ce

12 chapitre parce qu'il n'y a aucun lien établi entre ces incidents ni une

13 suggestion quelconque que ces incidents soient associés à la BH ou

14 d'autres forces du gouvernement lui-même.

15 On se rappelle par exemple à une question légèrement différente, la

16 déposition faite par le général Karavelic par rapport à la suggestion qui

17 avait été faite que l'on tirait avec des mortiers mobiles et qu'ils

18 essayaient de créer un écran de feu, mais qu'ils tiraient sur des

19 positions tenues par le SRK, en territoire SRK, et il a dit qu'il avait

20 fait tous les efforts qu'il pouvait. Il a reçu des rapports en ce sens de

21 l'ONU et a fait tous les efforts qu'il pouvait pour situer ces unités et a

22 été particulièrement gêné par la suggestion qu'ils tiraient du secteur de

23 l'hôpital d'Etat parce que ceci se trouvait très près de son quartier

24 général. Mais il n'est pas parvenu à arriver là à temps, lui et ses

25 forces.

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1 Encore une fois si cela s'est passé -et certainement il y a des preuves

2 assez fortes qu'il y avait un écran de tir dans le voisinage du bâtiment

3 des PTT et parfois de l'hôpital Kosevo-, il y a aussi des éléments de

4 preuve très forts que ce n'étaient pas des unités appartenant à la BH.

5 Je pense donc qu'il est important que nous gardions cette perspective, si

6 cela s'est passé. Il s'agissait de personnes qui se trouvaient à

7 l'intérieur des lignes de confrontation et il n'y a pas de forte preuve

8 que c'était associé. Ceci n'aide nullement l'accusé.

9 M. El Mahdi: Vous excluez une intervention quelconque d'une partie croate.

10 Semble-t-il, il y a des indications que les Croates ont changé de camp

11 durant les événements de 1992/1994. Vous excluez l'intervention de partie

12 croate dans les événements qui se sont déroulés aux alentours ou dans

13 Sarajevo même?

14 M. Ierace (interprétation): Oui, effectivement Monsieur le Juge. Nous

15 comprenons qu'à divers moments pendant le conflit armé à Sarajevo, il y a

16 eu des unités croates de Bosnie, mais les éléments de preuve sont que

17 ceux-ci étaient recouverts par la BH et qu'il y avait une unité croate qui

18 avait été constituée.

19 Il semble qu'à certains moments, à certains stades il y avait des unités

20 indépendantes de militaires croates de Bosnie qui étaient en opération.

21 Mais on n'a jamais eu, on n'a jamais présenté de preuve au cours du procès

22 qui ait permis d'établir que de telles unités étaient engagées de façon

23 conséquente, pertinente pour ce qui est de la prise pour cible de civils.

24 Quel qu'ait été le rôle militaire qu'elles aient pu jouer -quand ils

25 n'étaient pas encore partis de la Bosnie-Herzégovine-, il semble avoir été

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1 limité à des activités militaires légitimes aux fins de notre procès en la

2 présente espèce. En d'autres termes, il n'y a aucune preuve que leur rôle

3 ait été au-delà de cela en ce qui concerne les éléments de preuve que nous

4 avons entendus au cours de ce procès.

5 M. El Mahdi: Par rapport aux paramilitaires, il se pourrait que dans le

6 dossier il y ait eu des indications qu'à un certain moment du moins ils

7 étaient incontrôlables et que le général Galic se plaignait de cette

8 insubordination.

9 Alors est-ce que vous êtes d'accord de ce fait qu'il y avait des

10 paramilitaires qui agissaient indépendamment d'une structure militaire

11 stricte et est-ce que vous avez, et sur quelle base, vous pouvez dire qu'à

12 partir de cette date-là il n'y a plus affirmativement et catégoriquement

13 des paramilitaires qui étaient en dehors de la structure du commandement

14 du général Galic?

15 M. Ierace (interprétation): En ce qui concerne la deuxième partie de votre

16 question, Monsieur le Juge, je crois qu'il est possible de dire qu'au

17 cours des premiers mois, ils ont… en mars 1993, les preuves indiquent que

18 l'accusé n'avait pas de problème d'insubordination au sein du SRK. Et pour

19 en revenir à la première partie de votre question, s'il y a des preuves

20 qu'il y a eu des questions disciplinaires qui se sont posées depuis le

21 début de septembre, lorsque l'accusé a pris son commandement, il n'y a

22 absolument aucune preuve que les unités insubordonnées, non subordonnées

23 aient été responsables d'avoir pris pour cible des civils contrairement au

24 vœu de l'accusé. Et pour dire les choses autrement, rien dans les preuves

25 ne suggère que les personnes ou les unités avec lesquelles l'accusé avait

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1 un problème de discipline et qui agissaient de façon contraire à ses

2 ordres…

3 En ce qui concerne la prise de civils pour cible, les témoins cités par la

4 défense qui ont déposé quant à la question de l'insubordination ont nuancé

5 ou qualifié les questions dont il s'agissait et ces questions n'avaient

6 rien à voir avec la question de prendre pour cible des civils. La défense

7 n'a jamais cité de témoins ni indiqué de documents ou d'autres formes

8 d'éléments de preuve qui puissent relier les unités insubordonnées à une

9 telle pratique.

10 L'unité la plus connue qui pourrait répondre aux termes de paramilitaires

11 dans le SRK, c'était l'unité de Chetniks, la position se positionnait du

12 côté du cimetière juif, et bien entendu le colonel …(note de l'interprète:

13 Le nom m'a échappé) qu'il les décrivait comme des Chetniks. Mais encore ce

14 qui est typique de cet aspect des éléments de preuve dans ce Tribunal

15 c'est qu'il n'y a aucune suggestion qu'ils agissaient contre les ordres de

16 l'accusé sur la question des civils. Je vous remercie.

17 M. El Mahdi: Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 M. Piletta-Zanin: Les remarques de la défense sont les suivantes. Je

19 constate que sur la question posée sur le point des conséquences

20 juridiques, eh bien, nous n'avons pas de vraies réponses, nous avons autre

21 chose. Sur la question de savoir s'il y avait des preuves des unités

22 paramilitaires actives, la réponse est oui, c'est Karavelic. S'il y en a

23 là, c'est qu'il y en a forcément de l'autre côté. Et puis, dernière chose

24 quand on nous dit "mais vous n'avez pas prouvé ou que ces unités ou que

25 des Croates ou d'autres seraient responsables des crimes en question", je

Page 22001

1 rappelle, je l'ai dit mais je crois que j'ai été mal compris sans doute,

2 c'est affirmatio incumbit probatio et non pas le contraire. C'est à

3 l'accusateur de prouver que tels ou tels faits seraient le fait d'un

4 accusé et non pas à l'accusé de prouver que tels et tels faits ne sont pas

5 de son fait. Ne renversons pas les choses. Merci.

6 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Maître Piletta-Zanin.

7 Il y a encore quelques questions à poser. Premièrement une question qui

8 s'adresse à l'accusation. Dans l'Acte d'accusation en ce qui concerne les

9 attaques illicites perpétrées par des tireurs embusqués, on parle

10 d'attaques délibérées. En même temps, nous trouvons pour certains

11 incidents de tirs isolés, avec des nuances telles qu'enfin des précisions,

12 telles que sans distinction.

13 Voudriez-vous… Enfin est-ce que je comprends bien l'explication que vous

14 avez donnée en réponse à l'une des questions d'un de mes confrères Juges

15 sur l'incident dans lequel le camion du boucher a été touché? Est-ce que

16 ce serait une explication de la façon dont il y a le rapport entre des

17 attaques délibérées et des attaques sans distinction?

18 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je ne pense pas que

19 j'ai utilisé toujours correctement les termes. L'accusation dit que des

20 civils sont pris pour cible spécifiquement, je pense que ce serait à

21 meilleur terme ou sans distinction, les deux types de prises pour cible

22 sont délibérés. Dans le cas de l'incident n°13, l'accusation ne sait pas

23 si le tireur visait spécifiquement, particulièrement l'adolescente de 15

24 ans ou son père ou les deux, mais fait comme observation que les éléments

25 de preuve suggèrent que c'était un cas où des civils avaient été

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1 spécifiquement pris pour cible, ou que l'un d'entre eux, en tous les cas,

2 avait été spécialement pris pour cible et que c'est un exemple de tir. Un

3 exemple de tir sans distinction peut être l'incident n°10 dans lequel

4 l'objectif était une fenêtre où il y avait de la lumière qu'on voyait de

5 la rue. Le tireur probablement ne savait pas s'il y avait quelqu'un

6 derrière cette lumière, mais à tirer de façon non discriminée.

7 M. le Président (interprétation): Donc ceci serait quand même une attaque

8 délibérée aussi?

9 M. Ierace (interprétation): Oui, oui, c'est une forme d'attaque délibérée.

10 M. le Président (interprétation): Ma question suivante concerne le

11 bâtiment des PTT. Le bâtiment des PTT n'était pas utilisé par des civils,

12 il servait comme quartier général pour l'ONU en l'occurrence. Est-ce que

13 vous pensez que lorsque le bâtiment des PTT a été attaqué ceci a une

14 pertinence quelconque par rapport aux chefs d'accusation qui se trouvent

15 dans l'Acte ou c'est quelque chose de distinct?

16 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, on sait qu'il y avait

17 des civils qui travaillaient dans le bâtiment des PTT, je pourrais me

18 référer à deux catégories de civils de ce genre. Il y avait le personnel

19 de l'ONU qui avait des civils qui travaillaient pour eux. Un exemple étant

20 la secrétaire serbe bosnienne du général Abdel-Razek et nous avons entendu

21 également qu'il y avait d'autres personnels locaux. La deuxième catégorie

22 de civils qui s'est abritée dans le bâtiment des PTT telle que la mère de

23 Milada Alili.

24 Indépendamment de cela, je crois qu'en ce qui concerne votre point

25 fondamental, vous aviez raison de supposer que ceci n'était pas

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1 directement lié aux charges qui pèsent contre l'accusé. Ces charges visent

2 directement la population civile de Sarajevo plutôt que le personnel de

3 l'ONU qui, néanmoins, constituait un objectif illicite.

4 M. le Président (interprétation): Oui, mais ce ne sont pas des civils.

5 Ceci dit, ils ne faisaient pas partie de la campagne de terreur, ils ne

6 faisaient pas partie des chefs d'accusation, n'est-ce pas?

7 M. Ierace (interprétation): Veuillez m'excuser et me donner un instant,

8 s'il vous plaît, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Oui.

10 (Le banc de l'accusation se consulte.)

11 M. Ierace (interprétation): Oui, vous avez raison, Monsieur le Président,

12 il s'agit d'une question fort importante. Le Procureur n'avance pas comme

13 thèse que ce sont les personnels de l'ONU qui ont été la cible de la

14 campagne; ce sont bien les habitants de Sarajevo qui l'ont été.

15 M. le Président (interprétation): Une autre question: vous avez dit que la

16 mère d'une de ces témoins avait cherché refuge ou abri aux PTT. Si je ne

17 m'abuse, tel n'était pas le cas lorsque vous en avez parlé une première

18 fois. Peut-être est-ce qu'elle y a travaillé? Est-ce qu'elle venait là

19 pour chercher abri? Est-ce que je me trompe?

20 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je me référais plutôt,

21 en parlant de cela, aux bureaux qui se trouvent près des PTT, près du

22 bâtiment. Nous n'avons pas entendu d'éléments de preuve qui y soient

23 relatifs.

24 M. le Président (interprétation): Oui, mais il s'agit tout de même d'une

25 question qui n'est pas si importante pour ce qui me concerne.

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1 M. Ierace (interprétation): Moi, je trouve que c'est l'aspect de la

2 question qui est intéressante; à savoir elle a essayé de chercher refuge

3 dans le bâtiment où elle s'est trouvée. Parce que venue -d'après elle-

4 dans une institution où elle devait être en sécurité, elle devait se

5 considérer comme en sécurité; elle s'était trompée dans son estimation.

6 M. le Président (interprétation): Très bien. J'ai une autre question,

7 encore une question pour vous, Monsieur Ierace. Je voulais savoir quelle

8 est la position du Procureur en rapport à la possibilité de voir deux

9 unités de mortier ouvrir le feu à leur propre initiative.

10 Le Procureur accepte-t-il qu'il serait raisonnablement possible de le dire

11 ainsi? Et si oui, y a-t-il eu feu fait à leur propre initiative, par ces

12 unités de mortier?

13 M. Ierace (interprétation): Nous avons quelques exemples dans ce sens-là.

14 Le témoin D, lui, témoignait pour parler de soldats ivres, membres des

15 unités de mortier, de la batterie de mortier. Nous avons également la

16 déposition de Henneberry -qui, lui, était membre du personnel de l'ONU-

17 qui lui, depuis les positions LIMA -je crois qu'il se référait à la

18 position du bureau 7 de LIMA- a pu observer des unités de mortier qui,

19 sans distinction, ouvraient le feu. Les servants auraient fait des gestes

20 des deux pieds tout simplement pour se servir d'obus pour, ensuite,

21 s'attendre à la décharge.

22 Voilà comment nous devons nous attendre à voir comment se présenter le

23 comportement de l'accusé dans cette époque-là. Ce n'est pas le commandant

24 du Corps d'armée qui, lui, devait déterminer les cibles à l'artillerie,

25 mais il s'agit d'un commandement qui devait s'en occuper pour opérer en

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1 logistique. C'est ensuite aux unités de mortier d'opérer.

2 D'après nous, d'après notre thèse, ouvrir le feu à sa propre initiative ne

3 faisait que partie intégrante de tout un plan. Ensuite, il y avait ceux

4 qui ont pu observer le comportement des servants de ces mortiers et qui

5 ont témoigné ensuite que, dans de telles circonstances, ce sont les

6 officiers de liaison qui intervenaient; c'est-à-dire qu'il devait y avoir

7 une liaison établie, le commandement. Et lorsque le tout a été observé.

8 Donc il est sûr et certain que de tels comportements devaient faire

9 l'objet d'observations ou de rapports des officiers de liaison. Si cela

10 seulement se trouvait contraire aux souhaits de l'accusé, de tels

11 agissements auraient cessé. Malheureusement, ceci n'était pas le cas. Par

12 conséquent, ces gens-là opéraient à leur propre initiative et leur

13 comportement a été acceptable.

14 M. le Président (interprétation): Donc si vous l'acceptez ainsi, pourrait-

15 on considérer cela comme étant la responsabilité à faire voir et citer au

16 titre de l'Article 7.1 ou 7.3.

17 M. Ierace (interprétation): 7.1.

18 M. le Président (interprétation): Merci. Nous avons encore quelques autres

19 questions, mais peut-être devons-nous nous tourner vers la défense pour

20 permettre au Procureur de répondre à quelques autres questions.

21 M. Piletta-Zanin: Est-ce que, tout à l'heure, nous serons admis à répondre

22 sur quelques-uns de ces points tout aussi brièvement que tout à l'heure?

23 M. le Président (interprétation): Oui, mais si vous pouvez le faire

24 vraiment très, très vite et brièvement avant la pause.

25 M. Piletta-Zanin: Ici et très, très brièvement. Sur la question des

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1 bâtiments UN, je prends note que pour l'accusation, semble-t-il, cela

2 rentre dans le cadre de la création de la terreur. La défense en prend

3 note. Cela s'arrête là.

4 Deuxième chose: je cite tout à l'heure ce qu'a dit M. Ierace; il a indiqué

5 que les tirs de l'autre côté constituaient une "absolute minority", "une

6 minorité absolue". Je pose la question.

7 1/ Comment peut-on le savoir puisque personne n'a enquêté sur cette

8 question?

9 2/ Comment peut-on l'affirmer puisque personne n'a enquêté sur cette

10 question?

11 Merci.

12 M. le Président (interprétation): Je devrais vérifier si cela est vraiment

13 correct de dire qu'il s'agissait là de cette façon de terreur, en rapport

14 avec les PTT.

15 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)... notamment du général Abdel-Razek. Cela

16 veut bien dire que ces tirs entraient dans la création de la terreur, car

17 à quoi bon le mentionner si ce n'est pour rien.

18 On m'a indiqué tout à l'heure que ces tirs...

19 Mme Philpott (interprétation): Nous n'avons plus de traduction.

20 M. Piletta-Zanin (interprétation): Je vais le faire en anglais.

21 Si M. Ierace a dit tout à l'heure que la secrétaire de M. Abdel-Razek se

22 trouvait dans le bâtiment des PTT, par conséquent cela doit vouloir dire

23 que cette attaque est un cas où l'on parle de fait de répandre la terreur

24 à ce moment-là, dans cet incident.

25 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas exactement, ce qui a été

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1 dit par le Procureur, tout à l'heure. Je sais qu'il a fait mention de la

2 secrétaire du général Abdel-Razek, mais à la fin de son intervention il a

3 dit que ces charges-là concernent directement, sont liées à la population

4 civile de Sarajevo et non pas au personnel UN qui, de toute façon, devrait

5 être une cible illégitime. Voilà ce qu'il a dit.

6 Je crois que, pour parler une première fois, il a dit en faisant mention

7 de civils, il a parlé de ce bâtiment-là, si j'ai bien compris. La question

8 était de savoir si le bâtiment n'a pas été utilisé, exploité par des

9 civils. Voilà donc correction de ce qui vient d'être fait par rapport à ce

10 que j'ai dit primitivement: il ne s'agit pas de civils qui étaient dans le

11 bâtiment, et les civils dans les PTT devaient faire partie de ceux qui ont

12 été soumis à une campagne de terreur de l'autre partie.

13 Nous allons maintenant marquer une pause pendant une demi-heure jusqu'à 13

14 heures moins 20. Je suppose qu'après cela nous devrons pouvoir finir dans

15 les 20 ou 25 minutes qui suivent, je suppose. Et cela au maximum.

16 (L'audience, suspendue à 12 heures 10, est reprise à 12 heures 46.)

17 M. le Président (interprétation): J'étais sur le point de poser deux

18 autres questions aux parties. La première question serait une question

19 pour la défense.

20 Quelle est la position de la défense eu égard aux devoirs et obligations

21 des autorités en Bosnie-Herzégovine à propos de l'évacuation des civils,

22 s'ils habitaient dans des lieux très proches des lignes de confrontation?

23 Hormis leurs obligations, quel est le fondement juridique de telles

24 obligations?

25 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président. C'est une question très

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1 délicate à répondre, et je crois voir effectivement où l'on veut en venir.

2 Je pense que le premier fondement est le droit naturel des peuples à être

3 protégés par leur propre gouvernement, leur propre Etat. Cela, c'est le

4 premier des fondements.

5 Maintenant, apporter réponse quant à la question de savoir si c'est le

6 protocole 2 ou le protocole 1, ce que je peux dire c'est que ce n'est en

7 tout cas pas -je répondrai donc négativement-, ce n'est pas en tout cas le

8 protocole 1 sur lequel on doit se baser. Mais l'on doit se baser sur une

9 chose tout à fait naturelle, c'est le fait qu'il n'est pas acceptable que,

10 lorsque et si l'on peut effectivement déplacer les gens, on ne le fasse

11 pas. Et ça, c'est la position de la défense.

12 Je dois dire à ce sujet, Monsieur le Président, que, lorsqu'on a par

13 exemple des moyens militaires -par exemple des camions-, et qu'on y laisse

14 entrer des civils, on prend ces risques, on prend ses responsabilités.

15 Donc, ce que je peux dire, c'est que ce n'est en tout cas pas le protocole

16 1. Il vous appartiendra de voir quelle est la disposition pertinente –

17 vraisemblablement le 2-, mais la défense ne se détermine pas de manière

18 définitive sur cette question. Merci.

19 M. le Président (interprétation): Donc je sais maintenant ce qui ne

20 constitue pas un fondement juridique. Vous dites qu'il s'agit du droit

21 naturel qui constitue le fondement, ici, de ces obligations. Il n'y a pas

22 d'autres sources, pas d'autres autorités?

23 M. Piletta-Zanin: Il y en a peut-être, mais je pense qu'il n'appartient

24 pas à la défense de le formuler. Il est évident que c'est un principe. Il

25 est évident que, dans le cadre du protocole 2, ce principe est également

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1 inscrit. Il est évident qu'il y a, ici, une décision remarquable où il y a

2 tout un argumentaire qui est fondé sur un raisonnement ad absurdum, où

3 l'on montre bien que, même dans le cadre du protocole 2, eh bien, on ne

4 voit pas pourquoi un propre Etat dans le cadre d'un conflit interne

5 protégerait moins ses propres citoyens, quels qu'ils soient, que ce qui

6 serait le cas dans un complexe international. Tout cela nous le savons

7 bien.

8 Simplement, nous disons que, en tout état, ce n'est pas le protocole 1 qui

9 s'applique et nous restons ouverts sur le reste. Merci.

10 M. le Président (interprétation): Si je vous ai bien compris, le protocole

11 1 ne s'applique pas, mais en revanche, on comprend mal pourquoi les civils

12 seraient moins protégés par un conflit interne qu'ils le seraient dans le

13 cadre d'un conflit international.

14 M. Piletta-Zanin: Oui, on peut me résumer comme cela dans la mesure où,

15 finalement, c'est à cela qu'on arrive en interprétant l'un comme l'autre

16 des protocoles.

17 M. le Président (interprétation): Très bien. Ma question suivante sera une

18 question pour l'accusation.

19 Monsieur Ierace, vous venez de nous dire ce que vous entendiez par

20 campagne, planification, affectation des ressources, ordre donné de façon

21 à pouvoir obtenir le résultat escompté. La question que je souhaite vous

22 poser porte sur la chose suivante. A votre avis, l'accusation peut-elle

23 considérer que l'accusé peut être tenu pour responsable, en vertu de

24 l'Article 7.3, d'une campagne qui aurait été organisée ou orchestrée par

25 ses subordonnés? Autrement dit une campagne…

Page 22010

1 Je vais reprendre. En vertu de l'Article 7.3, il est exact de dire que ce

2 sont les subordonnés qui commettent les actes en question s'il y a lieu de

3 parler de crimes, et en vertu de l'Article 7.3, c'est le commandant qui

4 n'a pas empêché ces agissements et ne les a pas sanctionnés pour les avoir

5 commis. La question que je vous pose est la suivante: comment voyez-vous

6 la situation dans le cas où un commandant militaire est responsable d'une

7 campagne de bombardement compte tenu de l'Article 7.3?

8 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, dans ce cas de figure,

9 la motivation des subordonnés n'est pas en cause ici, à savoir si c'était

10 légal ou non. La motivation n'est pas prise en compte, mais la campagne a

11 été organisée par les subordonnés de l'accusé. Ce qui est important est

12 qu'ils ont participé à des agissements illicites, ils étaient subordonnés

13 à l'accusé, et, troisièmement, l'accusé n'a pas assumé ses responsabilités

14 en vertu de l'Article 7.3.

15 Monsieur le Juge, je pense que c'est particulièrement approprié d'observer

16 que, dans certaines circonstances, l'Article 7.3 peut être transformé et

17 répondre à l'Article 7.1 en de telles circonstances. En particulier si on

18 parle de la durée de ces agissements illicites et des choses commises par

19 les subordonnés.

20 En d'autres termes, si l'accusé sait que ses subordonnés ont commis de

21 tels actes illicites et refuse de prendre les mesures nécessaires pour les

22 en empêcher ou les sanctionner, ils continuent par conséquent à se livrer

23 à de telles activités. On peut en conclure effectivement que le 7.3, les

24 agissements correspondent en fait à ce qui est décrit à l'article 7.1

25 puisqu'il décide d'autoriser la continuation de ces agissements

Page 22011

1 Lorsque cela se produit pour une période de temps assez longue, la

2 distinction entre 7.1 et 7.3 devient un petit peu floue. Lorsqu'on parle

3 du 7.1, en particulier, personne ne peut conclure que ces agissements ont

4 été corroborés par lui ce qui nous ramène à parler de l'Article 7.1.

5 M. le Président (interprétation): Oui. Nous serons confrontés à une

6 situation -je vais répéter vos propres termes- où la planification et

7 l'allocation des ressources, le fait que les ordres soient donnés à un

8 niveau subordonné mais finalement, que ceci soit accepté à un niveau

9 inférieur, cela ferait l'objet de l'article 7.3. Mais si le temps est trop

10 long et si cela dure pendant trop longtemps, à ce moment-là, vous dites

11 qu'il s'agit ici, au contraire, de faire appel à un article 7.1.

12 M. Ierace (interprétation): Oui, s'il décide d'agir ainsi en connaissance

13 des faits.

14 M. le Président (interprétation): Oui, merci. C'étaient mes questions. Je

15 vais donner à l'occasion à l'accusation de s'exprimer pendant une demi-

16 heure sur les points regardant l'accord du 22 mai 1992.

17 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, juste avant la réponse

18 de M. Mundis, et en rapport avec la dernière question qui a été soulevée,

19 à savoir la transformation du 7.3 en 7.1, c'était quelque chose qui avait

20 été évoqué dans le mémoire en clôture. Merci.

21 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

22 Juges, eu égard à cet accord du 22 mai 1992, l'accusation a trois

23 remarques brèves en conclusion à présenter.

24 Tout d'abord, l'accusation précise que le Jugement de Plavsic du 30 mai

25 2000, rendu par la Chambre de première instance, à propos du conflit armé

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1 auquel ont participé les forces croates de Bosnie, la Chambre de première

2 instance, dans ce cas, a accepté que l'accord du 22 mai 1992 constituait

3 un des deux fondements sur lesquels les articles 51 et 52 du protocole

4 additionnel 1 ont été appliqués à propos de ce conflit. Et il s'agirait

5 ici certainement d'un des facteurs que l'accusation demanderait à ce qu'il

6 soit pris en compte.

7 Référence est faite à cet accord dans le Jugement Plavsic aux paragraphes

8 80, 81, 172 et 173. Eu égard à la question de la ratification, Ian

9 Brownlie dans son traité intitulé "Les principes du droit international

10 public" parle de la ratification et précise que la ratification implique

11 deux éléments de procédure. Le premier où il parle d'un élément

12 constitutionnel, à savoir un acte qui correspond à l'organe approprié

13 représentant l'Etat et le deuxième acte représentant une procédure

14 internationale qui caractérise comme étant la mise en vigueur d'un traité

15 par un échange formel de dépôt, à savoir les instruments de ratification.

16 Il poursuit en disant qu'il s'agit d'un acte important où le consentement

17 est obligatoire. Il poursuit cependant et -je le cite-: "Tout dépend

18 évidemment de l'intention des partis lorsque ceux-ci ont quelque chose que

19 l'on peut affirmer.". Il conclut en citant l'article 14 de la Convention

20 de Vienne où référence est faite à la ratification qui peut être affirmée

21 en tenant compte de l'intention des parties, des parties à cet accord. Et

22 c'est à la page 607 des principes de droit international public.

23 M. Nieto-Navia (interprétation): Pardonnez-moi, je n'ai pas entendu le nom

24 de l'auteur.

25 M. Mundis (interprétation): Ian Brownlie.

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1 Le troisième point dans le cas où la Chambre de première instance… -c'est

2 quelque chose que nous avons abordé- je crois qu'il faudrait en parler au

3 fond dans le cas où la Chambre de première instance détermine que l'accord

4 n'entre pas en vigueur, et bien sûr, il y a la décision de l'appel

5 interlocutoire de la Chambre d'appel dans le cas Strugar. Il indique, en

6 fait, que les articles 50 et 51 du protocole additionnel 1 illustrent bien

7 le droit international coutumier et l'article 13 du protocole additionnel

8 2 illustre le droit international coutumier, et par conséquent, nous

9 pourrions nous reposer là-dessus comme étant une position acceptable dans

10 le cas où la Chambre de première instance conclut que cet accord ne

11 s'applique pas.

12 Un moment, s'il vous plaît, Monsieur le Juge.

13 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

14 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, un dernier point, s'il

15 vous plaît. Dans le mémoire préalable au procès de la défense eu égard au

16 Statut de l'article n°1 en titre, le titre de la page 43 et le Statut de

17 l'article 51 du protocole additionnel 1 de l'article 13 du protocole

18 additionnel 2, portant sur les lois et coutumes de la guerre, paragraphes

19 8.10, 8.11 et en particulier le paragraphe 8.11 dans le mémoire préalable

20 du procès de la défense où la phrase suivante est citée: "La défense ne

21 conteste pas que les deux parties au conflit armé ont été tenues

22 d'appliquer les dispositions des Conventions de Genève ainsi que les

23 protocoles additionnels 1 et 2."

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Mundis, ce qui est fait

25 référence lorsqu'on parle que les parties sont tombées d'accord sur

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1 l'applicabilité et ne sont plus d'accord. Je vous remercie pour votre

2 explication.

3 Maître Piletta-Zanin, vous souhaitez prendre la parole?

4 M. Piletta-Zanin: Nous avions évoqué ce problème. Ce que je veux juste

5 souligner -si vous m'y autorisez- en trois mots, c'est vous que nous

6 exposez ce qu'est la ratification? Merci. Je partirai d'ici infiniment

7 plus intelligent que je ne l'étais en y entrant. Simplement il ne s'agit

8 pas d'une ratification ici… (inaudible) Merci.

9 M. le Président (interprétation): Par conséquent, toutes les questions des

10 Juges ont trouvé réponses. Et nous arrivons maintenant au moment où ce

11 procès se termine et où la Chambre devra préparer son Jugement. Nous avons

12 consacré environ 200 jours à cette affaire principalement dans ce

13 prétoire, et nous avons consacré ces 200 jours en présence d'un certain

14 nombre de personnes, chacun ayant sa tâche à accomplir dans le cadre de

15 cette affaire non seulement l'accusation et l'équipe de la défense, mais

16 également les interprètes, sans ces interprètes la Chambre ne pourrait pas

17 communiquer.

18 J'aimerais dire la même chose pour l'assistance que nous fournit la régie

19 technique, et les gardes et les représentants du Greffe qui nous ont

20 assisté au fil de tous ces jours, ainsi que ceux qui viennent en aide aux

21 différentes Chambres, les officiers instrumentaires, les Greffes, les

22 représentants du Greffe, la Greffière, les juristes et toutes les

23 personnes qui ont transcript par écrit tout ce qui a été dit dans ce

24 prétoire.

25 Il y a une personne que je n'ai pas encore mentionnée, c'est vous Monsieur

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1 le Général Galic. Nous n'avons pas souvent entendu le son de votre voix,

2 ce qui résulte dans une certaine mesure de la procédure adoptée par ce

3 Tribunal. Dans une certaine mesure, c'est également le résultat des

4 décisions prises par la défense, décisions qui sont évidemment respectées

5 par cette Chambre. Mais il est vrai que nous n'avons pas entendu souvent

6 le son de votre voix.

7 En même temps, la Chambre sait combien toutes ces journées ont été

8 importantes pour vous parce que vous êtes accusé par l'accusation; vous

9 avez été défendu par l'équipe de la défense, par conséquent nous n'avons

10 peut-être pas entendu le son de votre voix très souvent. Cela ne signifie

11 pas pour autant que vous n'étiez pas au centre de nos préoccupations

12 pendant ces 200 jours.

13 Je souhaite remercier toutes les personnes qui ont participé à ce procès.

14 La Chambre a beaucoup apprécié le sérieux avec lequel tout un chacun a

15 rempli sa mission, dans le cadre de ce procès, la façon dont vous avez

16 rempli vos tâches. Les tâches et obligations ne sont pas les mêmes pour

17 chacune des parties. Nous avons eu des bons jours et, quelques fois, des

18 jours qui étaient un petit peu moins bons. Néanmoins, la Chambre apprécie

19 beaucoup la participation de tout un chacun dans ce procès.

20 La Chambre va devoir rendre son jugement. La Chambre va tenter de le faire

21 le plus rapidement possible, de façon à empêcher que l'accusé soit obligé

22 d'attendre trop longtemps et que cela risque, pour le général Galic, de

23 constituer un fardeau supplémentaire. En d'autres termes, je ne peux pas

24 vous dire très précisément à quelle date nous allons rendre ce jugement.

25 Cela dépend pour beaucoup d'un certain nombre de circonstances: quelques-

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1 unes de ces circonstances sont en dehors du contrôle de la Chambre,

2 certaines sont sous le contrôle de la Chambre.

3 La Chambre va tenter de rendre son jugement avant les vacances judiciaires

4 de cet été. Mais j'ajoute à cela que ceci ne constitue nullement un

5 engagement; nous ne nous engageons pas par rapport à une date. Le seul

6 engagement que nous pouvons prendre est de dire que nous allons agir le

7 plus rapidement possible sans, bien évidemment, faire fi de notre tâche

8 principale: à savoir rendre la justice.

9 Nous allons donc suspendre la séance pour un temps indéterminé jusqu'au

10 moment où le jugement sera rendu.

11 (L'audience est levée à 13 heures 10.)

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