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1 Le mardi 11 mars 2008
2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je salue toutes les personnes présentes
7 dans ce prétoire ainsi qu'autour du prétoire.
8 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-06-90 [comme
10 interprété], Le Procureur contre Gotovina, Cermak et Markac.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
12 Je constate que nous avons les mêmes personnes représentant les parties
13 qu'hier, à savoir MM. Tieger et Waespi, comme étant le noyau dur, si j'ose
14 dire, de l'équipe de l'Accusation. Nous avons
15 Me Misetic et Me Kehoe qui défendent les intérêts de M. Gotovina. Je vois
16 Me Akhavan.
17 Maître Akhavan, est-ce que nous avons bien compris, est-ce que vous ne
18 seriez peut-être pas toujours ici tous les jours en tant que membre de
19 l'équipe de la Défense de M. Gotovina ?
20 M. AKHAVAN : [interprétation] Ce n'est pas encore tiré au clair, Monsieur
21 le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Puis nous avons Me Kay et Me
23 Cayley au nom de M. Cermak; puis Me Mikulicic et
24 Me Kuzmanovic pour M. Cermak.
25 M. KAY : [interprétation] Nous avons un conseil supplémentaire aujourd'hui.
26 Me Higgins qui a rejoint l'équipe de la Défense et qu'il n'était pas
27 présent hier.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, nous avons été informé du
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1 fait que Me Higgins avait rejoint l'équipe de la Défense.
2 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant que nous avons les noms des
4 parties présentes aujourd'hui, mais au cours des nombreuses qui vont
5 suivre, si rien n'est mentionné à propos des personnes présentes, nous
6 partirons du postulat que l'équipe de base de l'Accusation ce sera M.
7 Tieger et M. Waespi, que nous aurons pour Gotovina, Me Misetic et Me Kehoe;
8 que nous aurons Me Kay et Me Cayley pour M. Cermak, et pour M. Markac,
9 Mikulicic et Kuzmanovic. Ça ne veut dire évidemment qu'il n'y aura pas
10 d'autres personnes présentes, mais si ces dernières personnes
11 interviennent, de toute façon ce sera acté au compte rendu d'audience.
12 Nous sommes sur le point d'entamer le procès intenté aux trois personnes
13 accusées en l'espèce, M. Gotovina, M. Cermak et M. Markac. Au cours de ce
14 procès, les parties présenteront leur cause à commencer par l'Accusation,
15 et en tant que de besoin la Défense présentera ces moyens à décharge
16 portant sur crimes de guerre et crimes contre l'humanité, crimes retenus
17 dans l'acte d'accusation, infractions qui auraient été commises au cours et
18 à la suite de l'opération Tempête menée au cours de l'été 1995.
19 Neuf chefs d'accusation ont été retenus contre ces accusés qui sont accusés
20 au titre de leur responsabilité pénale individuelle, sous forme également
21 d'entreprise criminelle commune au titre de laquelle ils auraient avec
22 d'autres participé. Ils sont aussi tenus responsables par l'Accusation de
23 la responsabilité du supérieur hiérarchique en fonction du poste
24 qu'occupait chacun des accusés.
25 Ce procès va durer un temps certain. La Chambre s'attend à ce que les
26 conseils fassent preuve de la plus grande efficacité, du plus grand
27 professionnalisme pour ne pas perdre de temps sur des questions qui ne sont
28 pas vraiment pertinentes en l'espèce. Ceci nous permettra, nous l'espérons,
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1 sur ce que la Chambre veut faire au cours des mois à venir, à savoir
2 connaître des éléments de preuve à charge et à décharge, et la Chambre est
3 sûre que les parties feront de leur mieux pour aider la Chambre dans cette
4 mission difficile qui lui revient.
5 Est-ce que vous êtes prêt à commencer votre propos liminaire, Monsieur
6 Tieger ? Je crois comprendre que c'est vous qui allez commencer, puis qu'il
7 y aurait une césure naturelle au moment de la pause, après quoi Me Waespi
8 prendra la parole, et que c'est vous qui reprendrez la parole en dernier
9 lieu.
10 M. TIEGER : [interprétation] Exact, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez commencer.
12 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.
13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, chers confrères et
14 consoeurs de la Défense, s'il y a procès aujourd'hui c'est parce que les
15 Serbes de Krajina ont été éliminés de force de la Croatie, c'est parce que
16 leur communauté a été détruite en août 1995. C'est à cause du rôle et de la
17 responsabilité de trois hommes qui étaient des généraux de l'armée croate
18 au cours de ce processus.
19 Tout d'abord, j'aimerais vous montrer une carte qui va vous montrer la
20 Croatie, qui va vous montrer le territoire de Croatie revendiqué par les
21 Serbes qui avaient autoproclamé ce territoire comme étant celui de la
22 République de Krajina serbe que nous appellerons RSK.
23 Vous le voyez, il y a au fond trois parties. La première c'est une grande
24 partie, une zone large qui se trouve à gauche qui va, vous le voyez, à peu
25 près de Knin au sud et qui monte jusqu'au nord, jusqu'à Vrgin Most, et
26 l'autre partie c'est la Slavonie occidentale au milieu --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, quelle que soit la
28 touche sur laquelle j'appuie, je ne vois rien. Voilà, maintenant je l'ai
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1 dans le système du prétoire électronique e-court, mais je vais vous
2 demander de recommencer.
3 M. TIEGER : [interprétation] Volontiers. Je voulais vous montrer au départ
4 cette carte que vous avez désormais à l'écran. Elle vous montre la Croatie
5 et on a superposé les confins de la zone revendiquée par les Serbes
6 croates, zone dont ils avaient dit que c'était la République de Krajina
7 serbe ou RSK. Je vous l'ai dit, il y a trois parties. A gauche, la première
8 que je viens de décrire, puis une partie médiane, la Slavonie occidentale.
9 C'est la plus proche d'une zone circulaire. Puis tout à fait à l'est, il y
10 a une zone qu'on appelle la Slavonie occidentale.
11 La partie de gauche, pour faire simple, vous verrez et vous entendrez
12 beaucoup de témoins dire que c'est la Krajina, même si sur le plan
13 géographique ce n'est pas tout à fait exact comme dénomination.
14 Dans les premières heures du matin du 4 août 1995, des soldats
15 croates ont entamé une attaque visant à reprendre une bonne partie de la
16 Krajina, donc de cette partie de gauche qui avait été prise par les Serbes
17 de Krajina en 1991, et l'avaient brutalement nettoyé de pratiquement tous
18 ces Croates. Parmi les soldats croates, beaucoup d'entre eux avaient perdu
19 leurs foyers, les membres de leurs familles, des amis à la suite de son
20 nettoyage. Et après des années de négociations qui avaient capoté, ces
21 hommes revenaient récupérer leurs foyers par la force. Cette opération
22 militaire massive qui leur a permis de reprendre toute la zone en l'espace
23 de quelques jours. On l'a appelé Oluja, opération Tempête. Et même si
24 l'opération Tempête ne signifie pas la fin du conflit armé opposant les
25 Serbes et les Croates, ce serait pour bon nombre de Serbes la fin d'une vie
26 sur une terre ancestrale.
27 Le droit qu'avait la Croatie de reprendre la Krajina au sein de ces
28 frontières reconnues internationalement n'est pas contestée ici, mais
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1 l'opération Tempête avait un autre objectif aussi, c'était de chasser la
2 population serbe et veiller à ce qu'elle ne revienne plus.
3 Mais l'opération Tempête et son opération de nettoyage, une fois que tout
4 ceci a été terminé, pratiquement toute la population serbe avait été
5 chassée et la communauté serbe n'était plus qu'une terre en jachère remplie
6 de villages et de foyers détruits. A la fin de la première journée, la
7 grande majorité des Serbes de Croatie étaient pris de panique, non pas par
8 hasard mais par dessein, grâce à un plan minutieusement concis qui était de
9 parvenir précisément à cela, à savoir le pilonnage de villes et de villages
10 civils. Pour les quelques qui sont restés, surtout des personnes âgées et
11 des invalides, des infirmes, la vie est devenue un cauchemar au cours
12 duquel leurs foyers, leurs villages ont été pillés, détruits à grande
13 échelle. Il y a eu des arrestations, des harcèlements, beaucoup d'entre eux
14 furent assassinés. Comme l'a dit un représentant de la communauté
15 internationale, "C'est un crime. Est-ce qu'on ne peut rien faire pour
16 empêcher cela ?"
17 Ce procès concerne trois hommes qui ont joué un rôle-clé dans ces
18 crimes. Il y a le général Ante Gotovina qui était le commandant de la
19 région militaire de Split, que je vais vous montrer à l'écran. C'est la
20 partie de la carte que vous voyez en rouge ainsi que dans la partie
21 entrecroisée. Il avait le commandement de quelque 30 000 effectifs dans la
22 zone. Il a planifié et ordonné l'opération d'artillerie qui avait pour
23 objectif de chasser les civils serbes, et ses effectifs se sont livrés à
24 des crimes sur tout le territoire contre les Serbes qui sont restés.
25 Le général Markac était le commandant de la police spéciale, l'aile
26 militaire du ministère de l'Intérieur qui travaillait de tandem avec les
27 forces de Gotovina et aussi avait la responsabilité d'une partie des
28 opérations d'artillerie, la responsabilité des destructions qui
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1 s'ensuivirent.
2 Vous avez le général Ivan Cermak qui a été envoyé personnellement par
3 le président Tudjman pour devenir gouverneur militaire de la zone, donc le
4 chef militaire de la zone, et qui a essayé de dévier les préoccupations
5 qu'avait la communauté internationale face aux crimes, mais il n'a rien
6 fait pour les empêcher.
7 Ils n'étaient pas seuls ces trois hommes. En effet, il y avait au
8 premier plan des groupes participants, le président Franjo Tudjman,
9 président de la République de Croatie et commandant suprême de ses forces
10 armées, mais il y avait aussi d'autres hauts fonctionnaires de l'Etat. La
11 contribution de ces trois accusés à cet effort conjoint, cependant, restera
12 le point le plus important à aborder dans ce procès.
13 Même si ce procès concerne des crimes qui se sont produits de la fin
14 juillet à la fin septembre 1995, il serait sans doute utile de les replacer
15 dans leur contexte, et ce faisant, nous comprendrons que, bien sûr, aucun
16 résumé ne peut vous rendre les nombreuses complexités et tragédies qu'ont
17 entraînées ce conflit ethnique.
18 Les Serbes de la Krajina ils y vivaient depuis siècles. D'ailleurs
19 Krajina remonte à la frontière militaire établie par l'Empire d'Habsburg au
20 XVIe siècle, de façon à résister aux incursions des Ottomans, et c'est à ce
21 moment-là que beaucoup de Serbes se sont installés dans la région. Certains
22 vont peut-être dire que le conflit opposant les Serbes et les Croates
23 remonte à ces siècles. Vous n'entendrez pas beaucoup parler de cela. Mais
24 vous allez entendre parler d'un passé plus récent et surtout de ce qui
25 s'est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale. C'est à ce moment-là que
26 le gouvernement oustachi nationalisé violent avait assassiné des Serbes à
27 grande échelle. On ne sait toujours pas exactement combien ont été tués,
28 c'est toujours un sujet à polémique, même les chiffres les plus prudents
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1 parlent de crimes commis de façon atroce et systématique contre les Serbes.
2 En même temps, les forces chetniks serbes, en fait, se sont gagné une
3 réputation de brutalité parmi les Croates. Au cours du conflit qui a suivi
4 le démantèlement de la Yougoslavie depuis les années 1990, les Serbes et
5 les Croates avaient coutume de s'appeler respectivement de ces termes
6 péjoratifs, les Oustachi et les Chetniks.
7 Lorsque la dissolution de la Yougoslavie a commencé à devenir une
8 réalité au début des années 1990, les parties nationalistes ont fait jour
9 pour défendre les intérêts ou ce qu'on percevait comme les intérêts de
10 chaque groupe. En Croatie, les Serbes représentaient environ 12 ou 13 % de
11 la population. Le parti nationaliste croate, HDZ, HDZ signifiant en croate,
12 Union démocratique croate, c'est ce parti qui remporté les élections de
13 1990 sous la direction de Franjo Tudjman. Le HDZ voulait une Croatie
14 indépendante, un rêve qui fut longtemps celui de rétablir une nation croate
15 pleinement indépendante.
16 Même si le Parti nationaliste serbe, SDS, qui veut dire Parti
17 démocratique serbe, n'est pas un parti qui a eu des résultats
18 particulièrement favorables au cours de ces élections, même parmi les
19 Serbes, il a commencé à trouver des partisans parmi les Serbes vu les
20 événements qui se produisaient, puisqu'il y avait un projet de nouvelle
21 constitution qui ne leur donnait plus ce statut de nation constitutive et
22 on réduisait par la force le nombre de Serbes dans les rangs de la police
23 et ceci a entraîné des tensions internes.
24 Et ça ne voulait pas dire que les actions du SDS étaient simplement
25 un geste de réaction, étaient justifiées, mais ceci montre la synergie du
26 nationalisme à l'époque. Les Serbes devenant de plus en plus nationalistes
27 et les nationalistes croates étant de plus en plus soutenus devant la
28 poussée du nationalisme serbe et ce fut un cercle vicieux, une spirale
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1 tragique de la violence.
2 Vous aviez Milan Babic et Milan Martic au SDS qui estiment que si la
3 Croatie pouvait quitter la Yougoslavie, alors que les Serbes étaient une
4 nation constitutive, les Serbes de Croatie pouvaient quitter la Croatie en
5 prenant une terre qu'ils considéraient être la leur. Travaillant de façon
6 très étroite avec Slobodan Milosevic, ils ont pris des mesures pour séparer
7 et contrôler des zones qu'ils considéraient serbes, s'attendant à créer des
8 liens avec des territoires serbes en Bosnie et en Serbie. Les dirigeants
9 serbes de Croatie ont d'abord déclaré des régions autonomes, puis un Etat
10 autonome que vous voyez ici, ce qu'on appelle la République de Krajina
11 serbe.
12 La RSK qui comprend des zones telles que Knin, nous allons en parler
13 au cours de ce procès, là les Serbes étaient majoritaires. Mais cette RSK
14 comprend aussi notamment la Slavonie orientale où la population était
15 davantage mixte ou parfois où les Croates étaient majoritaires. Mais en
16 prenant ces territoires, après les avoir pris, les forces de la RSK,
17 souvent aidées en cela par l'armée yougoslave ou d'autres forces de
18 Belgrade, ont chassé de force les Croates en ayant recours à des actes
19 inhumains dont des crimes. Ces crimes ont constitué la base de poursuites
20 et de condamnations entendues ici dans ce Tribunal, notamment lors de
21 procès intentés à des dirigeants serbes comme Babic et Martic.
22 Lorsque arrive le début de l'année 1992, après que les Serbes ont
23 pris contrôle de pratiquement un tiers du territoire croate, la communauté
24 internationale est parvenue à obtenir un cessez-le-feu et des effectifs
25 onusiens ont été placés sur le territoire pour surveiller l'état de paix.
26 Vous avez quatre zones protégées que vous voyez à l'écran, et des forces de
27 maintien de la paix onusiennes ont été envoyées sur le terrain. Cette zone
28 couverte par l'acte d'accusation est une partie d'une de ces zones
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1 protégées qu'on appelle le secteur sud.
2 Entre le mois de janvier 1992 et le début d'août 1995, ce moment où
3 ces zones protégées ont été créées, la communauté internationale a essayé
4 de trouver une solution à la crise en lançant toutes sortes de propositions
5 ou de plans de paix. Ces efforts essayaient de concilier l'insistance de la
6 Croatie qui voulait que ses frontières internationales soient reconnues
7 internationalement et soient maintenues, ce que voulait aussi la communauté
8 internationale et l'insistance des Serbes qui voulaient un Etat
9 indépendant. L'effort le plus connu c'est le plan Z-4 qui offrait aux
10 dirigeants serbes de Krajina beaucoup d'autonomie en Croatie, mais les
11 dirigeants RSK, surtout Milan Martic, ont repoussé sans arrêt ces efforts.
12 Pour les Croates, ça voulait dire qu'un Etat de non-situation devait se
13 poursuivre et ça allait finir par reconnaître la RSK comme un fait
14 accompli.
15 Et ces négociations se sont poursuivies sans résultats, et pendant ce
16 temps la Croatie était en train de transformer ses forces de combat, au
17 départ assez modestes, en une armée très bien dotée et formidable. Entre
18 1992 et 1995, elle met à l'épreuve ses capacités dans plusieurs opérations
19 militaires sur des territoires tenus par les Serbes; au plateau de
20 Miljevacki, au pont de Maslenica, dans la poche de Medak et notamment au
21 cours de cette opération Eclair dont vous entendrez parler.
22 La conduite de ces opérations n'est pas ici directement une question
23 posée dans ce procès, il n'empêche que vous entendrez des témoins vous dire
24 que ceci a déclenché des inquiétudes de la communauté internationale sur la
25 façon dont les civils serbes étaient traités. Et les Serbes de la Krajina
26 ont compris que les civils ne s'en sortaient pas toujours très bien
27 lorsqu'ils étaient aux mains des forces croates.
28 Juillet 1995, une conjugaison de faits intervient. Il y a, bien sûr,
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1 le massacre de Srebrenica et la menace que font peser les forces serbes de
2 Serbie. Et ceci convainc le président Tudjman que la Croatie peut compter
3 sur un soutien international suffisant ou en tout cas ne va pas pâtir de
4 répercussions politiques majeures si elle reprend par la force militaire la
5 Krajina.
6 La première mesure prise dans ce sens, c'est l'opération Eté. Au cours de
7 celle-ci les forces du général Gotovina prennent Glamoc et Grahovo en
8 Bosnie. Vous le voyez ici sur la carte à l'écran. Ce faisant, elles
9 prennent le plateau qui surplombe Knin, la capitale de la RSK. Ce qui veut
10 dire que de là ils ont un domaine d'observation directe et ils ont cette
11 ville à la portée de leur artillerie tout en coupant Knin de son artère
12 vitale avec Belgrade, qui est important pour le renforcement en forces
13 serbes. Les forces croates, dirigées par le général Gotovina, pilonnent
14 régulièrement les villages serbes, les fermes de la Krajina, ce qui sème la
15 panique parmi les Serbes et entraîne une poussée de réfugiés serbes qui
16 vont vers Knin.
17 Le 31 juillet 1995, au cours d'une réunion qui a été enregistrée
18 comme beaucoup d'autres, le président Tudjman rencontre beaucoup de ses
19 principaux conseillers militaires et politiques, dont Gotovina et Markac,
20 en vue de planifier une action dirigée sur les Serbes de Krajina et qui
21 avait été déjà avec en prélude l'opération Eté.
22 Il exprime son objectif de cette façon-ci : "Comment est-ce que nous
23 allons trouver une solution ? Quelle sera la solution ? C'est bien de cela
24 que nous allons parler aujourd'hui. Nous devons infliger de tels coups que
25 les Serbes vont pratiquement disparaître. Cela veut dire que les zones que
26 nous ne prenons pas tout de suite doivent capituler en l'espace de quelques
27 jours. Par conséquent, notre objectif principal ce n'est pas Bihac, c'est
28 plutôt de le porter de tels coups sur tellement de fronts que les forces
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1 serbes ne pourront pas se remettre, mais elles devront capituler."
2 Pour porter de tels coups que les Serbes vont pratiquement disparaître, que
3 les forces serbes ne seront plus capables de récupérer. Au départ, ces
4 termes étaient peut-être peu clairs, ambigus, mais au fil de la discussion
5 on a compris ce que le président Tudjman avait à l'esprit.
6 Après avoir entendu les recommandations opérationnelles de ses principaux
7 dirigeants militaires et après avoir insisté pour que les forces serbes ne
8 soient pas encerclées, mais qu'elles aient une voie de sortie de façon à
9 éviter trop de pertes croates, le président Tudjman a reconnu qu'il
10 manquait quelque chose. Il a dit ceci : Il est temps de frapper Knin, qui
11 était restée intacte alors que des villes et de villages croates avaient
12 été détruits. Je cite :
13 "Messieurs, j'accepte vos idées de principe. Mais il manque encore quelque
14 chose et c'est le fait que face à une telle situation, lorsque nous allons
15 lancer une offensive générale sur toute la zone, la panique sera encore
16 plus grande à Knin qu'aujourd'hui. Par conséquent, il faut prévoir
17 certaines forces qui vont s'engager directement en direction de Knin. Et
18 surtout, Messieurs, rappelez-vous combien de villages et de villes croates
19 ont été détruits, mais ce n'est toujours pas vrai aujourd'hui à Knin…" Plus
20 loin, il dit : "Mais une contre-attaque venant de Knin, notamment, ce
21 serait une bonne justification à notre action; et par conséquent, nous
22 avons un prétexte pour frapper si nous pouvons le faire avec notre
23 artillerie, vous pouvez être sûrs que ce sera la démoralisation complète."
24 Gotovina rassure tout de suite son président, ça ne posera pas de problème.
25 Il dit ceci : "Monsieur le Président, en ce moment, nous avons un contrôle
26 complet de Knin grâce à notre matériel. Pas de problème. Si vous me donnez
27 l'ordre de cibler Knin, nous pouvons tout détruire en quelques heures. Avec
28 des blindés et un système de missiles à moyenne et longue portée."
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1 Le président Tudjman insiste, il dit qu'il est temps de se venger des
2 Serbes, de leur rendre la monnaie de leur pièce. Je cite :
3 "Il nous faut faire preuve d'audace. Cela veut dire qu'on ne va pas
4 seulement contrôler les choses, mais le faire le plus vite possible pour
5 qu'il ait une idée de ce qu'il nous a fait. Pour dire aussi que nous allons
6 lui rendre la monnaie de sa pièce.
7 L'INTERPRÈTE : Le président précise qu'en anglais, le terme "back" n'a pas
8 été donné à l'écran.
9 M. TIEGER : [interprétation] Le président Tudjman dit clairement ce qui va
10 se passer à ce moment-là, lorsqu'on aura frappé Knin à l'artillerie pour
11 assurer une démoralisation complète. Je cite : "Nous disons ici,
12 effectivement il faut qu'ils aient une voie de sortie parce qu'il est
13 important que ces civils partent. Ils seront suivis par l'armée et quand
14 les colonnes partiront, ceci aura un effet psychologique mutuel."
15 Le général Gotovina s'empresse de souligner ce qu'a dit le président
16 Tudjman. Il relève que les civils quittent déjà Knin, il dit ceci : "Ça
17 signifie que si nous continuons à faire pression, si nous maintenons cette
18 pression pendant un certain temps, il n'y aura plus autant de civils, il
19 n'y aura que ceux qui doivent rester et qui n'ont pas la possibilité de
20 partir."
21 Le président Tudjman avait une préoccupation au sujet d'une question qui
22 pouvait avoir impact au niveau international. Est-ce qu'il était possible
23 d'attaquer Knin sans toucher le camp de l'UNCRO qui se trouvait au sud de
24 Knin ? Le général Gotovina le rassurait. Il n'y avait aucune raison de
25 s'inquiéter.
26 Je souhaiterais maintenant vous présenter la carte de Knin. On y voit ici
27 les installations de l'UNCRO, c'est de ces installations dont le président
28 Tudjman parlait quand il s'inquiétait. Il se demandait si ce camp ne
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1 risquait pas d'être touché.
2 J'aimerais qu'on élargisse. Ceci vous permet de voir où se trouve le camp
3 par rapport à la ville Knin.
4 Comme je l'ai déclaré, le président Tudjman a posé cette question et le
5 général Gotovina l'a rassuré lui disant qu'il n'avait aucune raison de
6 s'inquiéter. Je le cite :
7 "Actuellement, nous pouvons mener des opérations extrêmement ciblées à
8 Knin, de manière systématique, sans viser la caserne où se trouve l'UNCRO.
9 (Nous disposons de toutes les photographies et savons exactement…)"
10 Un peu plus tard, il ajoute : "Actuellement, toutes nos armes sont guidées
11 directement."
12 On voit cette intention de faire fuir les Serbes dans les messages radio de
13 propagande qui sont diffusés ainsi que dans la distribution de tracts qui
14 sont faux eux aussi et qui prétendent venir des autorités serbes et qui
15 disent aux civils qu'ils doivent partir. Voici un exemple. Ici, on incite
16 et on mène la population serbe à quitter la zone en lui donnant
17 l'itinéraire concerné parce qu'on attend une attaque "oustachi."
18 Mais ce n'était pas très bien fait, ces faux, parce qu'on voit que les deux
19 premières lettres ici elles sont en alphabet latin et pas en alphabet
20 cyrillique. Mais il faut savoir que le ministère de la Défense
21 s'effiguriole [phon] de ces mesures et le général Gotovina lui-même en a
22 parlé dans son livre intitulé : Offensives et opérations de l'armée croates
23 et du conseil de la défense croate. Un livre publié en 1996. Il parle de
24 ces tracts destinés à la population pour l'inciter à partir et il dit, je
25 cite : "Il est vrai que ce type de tracts ont été lâchés par avion avant
26 l'opération Tempête et que ça a eu un impact."
27 Ça tellement plu au général Gotovina cette petite opération, qu'il a
28 recommencé lors de l'opération suivante en Bosnie et là ces tracts étaient
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1 présentés comme venant de l'armée des Serbes de Bosnie, une fois encore, il
2 s'agissait de dire à la population civile serbe qu'elle devait partir.
3 Tout ceci s'est accompagné d'une émission du président Tudjman,
4 l'allocution à la radio dans laquelle il a encouragé les Serbes à rester.
5 J'aimerais vous en donner lecture, mais j'aimerais aussi que vous écoutiez
6 ce que dit le président Tudjman, en particulier la fin de son intervention,
7 on entend un petit gloussement, ce qui nous montre bien l'état d'esprit qui
8 était le sien.
9 [Diffusion de la cassette audio]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, ceci n'est pas encore
11 au dossier, donc il n'y a peut-être pas de problème puisqu'il n'y a pas eu
12 traduction. Mais je vous signale que lorsque vous passez une vidéo, un
13 enregistrement sonore, même si on peut voir la transcription des propos à
14 l'écran, il faut également que ça soit transcrit au compte rendu
15 d'audience. Il faudra donc trouver un moyen d'entendre la version en
16 anglais et en français pour que ça soit consigné au compte rendu
17 d'audience.
18 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que je pourrais peut-être le lire, ce
19 passage ?
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui, comme ça pourra également être
21 inscrit au compte rendu d'audience en français qui nous arrive deux ou
22 trois jours après l'audience.
23 M. TIEGER : [interprétation] Je cite le président Tudjman : "Un tract de
24 cette sorte portant sur le chaos général, la victoire de l'armée croate
25 soutenue par le communauté internationale, et cetera. Vous, les Serbes,
26 vous êtes déjà en train de partir, mais nous vous incitons à ne pas partir.
27 Nous vous garantissons, et cetera."
28 En fait, ça revient à leur donner une porte de sortie, à leur ouvrir une
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1 porte de sortie en prétendant garantir leur droit civique. Et là on entend
2 M. Tudjman glousser.
3 Tout ceci vient compléter la campagne de pilonnage, de largage de
4 tracts, d'émissions radio afin d'inciter les civils à partir tout en
5 essayant de donner un air de respectabilité aux efforts et intensions des
6 Croates.
7 C'est le départ des Serbes, ça correspondait à un objectif que
8 poursuivait depuis longtemps le président Tudjman qui pensait comme tous
9 les leaders nationalistes de la région, que les Etats multiethniques ne
10 pouvaient pas subsister et que lorsqu'il y avait une population importante
11 d'une autre communauté, ça menaçait la stabilité de l'Etat où elle se
12 trouvait. C'est une position qu'il a manifestée tout à fait ouvertement
13 devant les diplomates internationaux ou d'autres dirigeants nationalistes
14 de la région.
15 Comme l'a dit un des adjoints du président Tudjman, l'ambassadeur des
16 Nations Unies, les Serbes en Krajina étaient considérés comme un cancer
17 dans le ventre de la Croatie. La solution de ce problème ça consistait à
18 redéfinir les limites de la Croatie.
19 En 1992, par exemple, il a été question de la division de la Bosnie
20 entre les Serbes, les Croates et les Musulmans par un transfert de
21 population, et ceci a été évoqué avec le dirigeant serbe de Bosnie, Nikola
22 Koljevic, une autre personne qui était favorable résoudre les problèmes de
23 la crise dans la Yougoslavie par la mise en place d'Etats homogènes le long
24 de principes ethniques. Comme l'a dit Koljevic : "Le terme d'homogénéité,
25 comme vous le savez, et c'est [inaudible] en Yougoslavie. Mais pourquoi
26 est-ce que c'est si horrible de vouloir que les gens qui sont les mêmes
27 habitent les uns près des autres ?" Et le président Tudjman avait dit :
28 "Quels que soient les problèmes nationaux, chaque fois qu'il y a des
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1 problèmes de ce type, on a vu des guerres, la Première Guerre mondiale,
2 Deuxième Guerre mondiale, et c'est ça qui a mis un terme à ces échanges."
3 Comme l'a dit un des adjoints du président Tudjman en août 1995 au
4 sujet d'une conversation qu'il a eue avec Slobodan Milosevic, je cite :
5 "S'il y a moins de Serbes de Croatie et moins de Croates en Serbie, les
6 relations seront meilleures." Et parlant de la Slavonie orientale, le seul
7 territoire qui était encore contrôlé par les Serbes de Croatie, il a dit,
8 je cite : "Une région autonome au sein de la République de Croatie ce
9 serait un cheval de Troie potentiel sur la scène politique serbe."
10 Effectivement, les éléments du dossier vont vous le montrer. Il y
11 avait cette préoccupation, cette préoccupation de voir les Serbes rester en
12 Croatie. Et on la revoit, cette préoccupation, dans le refus du président
13 Tudjman d'accord de paix qui aurait donné des territoires à la Croatie,
14 mais qui aurait impliqué le risque de voir le retour de nombreux Serbes en
15 Croatie. Au lieu d'accepter un accord qui permettait à la Croatie de
16 récupérer des terres, il préférait que les Croates qui venaient de ces
17 régions aillent habiter dans les territoires de la Slavonie occidentale où
18 il n'y avait plus de Serbes. Ainsi l'Etat restait homogène et la Slavonie
19 occidentale était donc disponible. Comme l'a dit un des assistants de
20 Tudjman, après l'opération Eclair au cours de laquelle l'armée croate a
21 repris la Slavonie occidentale, je cite : "Le problème serbe en Slavonie
22 occidentale a été résolu, il n'en reste plus qu'environ 1 000, y compris
23 les vieilles femmes et les personnes âgées, et il y en a que 300 à 400 qui
24 représentent un facteur politique."
25 Après avoir chassé les Serbes de la Krajina, il fallait qu'ils ne
26 reviennent pas, ceci, afin de diminuer la présence serbe, l'objectif
27 toujours recherché. Je vous cite un extrait d'une conversation à ce sujet,
28 au sujet de la Krajina. Je cite :
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1 "Moi, je définirais cinq priorités relatives à l'urgence nous
2 incitant à coloniser ces lieux avec les Croates. Il faut faire revenir les
3 Croates, il faut procéder à la colonisation de cette zone avec les Croates
4 et il est absolument essentiel de ne pas permettre que la population serbe
5 dépasse les 10 %, parce que c'est ça qui a entraîné la scission."
6 Le président Tudjman va encore plus loin : "Non, pas même d'un 10 %."
7 Il est donc fait référence ici à la colonisation par les Croates, et
8 ça traduit la préoccupation du président Tudjman de faire en sorte que ces
9 zones qui étaient visées de toute leur population serbe voient bientôt les
10 Croates se réinstaller. Ceci signifiait pour Knin et les autres villes où
11 il y avait des Serbes en majorité avant la guerre, cela signifiait, je cite
12 : "Il faut que Knin devienne croate aussi rapidement que possible."
13 On y est parvenu de deux manières, en détruisant la communauté
14 concernée, ainsi les Serbes comprenaient de manière catégorique qu'ils ne
15 pourraient pas retourner, qu'ils ne devaient retourner. Les obstacles
16 bureaucratiques ont également été utilisés. Le président Tudjman a fait
17 voter des lois pour limiter le temps pendant lequel les Serbes pouvaient
18 réclamer leurs biens, les biens, les propriétés qu'ils avaient abandonnés
19 au moment où ils savaient fui. Je cite le président Tudjman : "Moi, je suis
20 partisan des plus radicaux d'entre nous. Quand quelqu'un est parti, est
21 parti du pays et si cette personne ne revient pas au bout de, mettons, un
22 mois ou trois mois, il faut considérer que ses biens appartiennent à
23 l'Etat. Il faut dire qu'on sort de la guerre, enfin, il faut présenter les
24 choses de cette manière."
25 Ensuite quelqu'un intervient en disant : "Non, pas trois mois. Trois
26 mois c'est beaucoup trop long parce que…"
27 Interrompu par le président Tudjman : "D'accord, alors un mois."
28 Cette période de 30 jours qui avait été décidée initialement a été
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1 allongée sous la pression internationale, c'est devenu une période
2 symbolique de 90 jours, même si la communauté internationale a reconnu que
3 ça permettait aux autorités croates d'arriver à l'objectif recherché,
4 c'est-à-dire, d'empêcher les Serbes de revenir chez eux. Parallèlement, le
5 président Tudjman et les autorités croates ont mis en place des obstacles
6 pour s'assurer que les Serbes ne pourraient pas revenir en temps utile. En
7 réponse aux questions qui lui étaient posées au sujet des visas d'entrée
8 destinés aux Serbes qui voulaient revenir, le président Tudjman dit en août
9 1995, je cite : "Je ne donnerai rien du tout. Il faut donner les
10 instructions à la douane, il faut leur dire que les gens sans papiers ne
11 peuvent pas passer la frontière."
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois vous avez dit "avec papiers" en
13 anglais.
14 M. TIEGER : [interprétation] Oui, excusez-moi, je me suis trompé, c'est
15 "sans papiers."
16 Ensuite quelqu'un dit au président : "Monsieur le Président, inspirons-nous
17 de ce qui s'est passé et bien Slavonie occidentale." Je vous rappelle que
18 c'est la zone où s'est déroulée l'opération Eclair et où on avait dit
19 précédemment que le problème avait été résolu puisqu'il y est resté très
20 peu de Serbes. Je cite :
21 "C'était très bien là-bas, parce que personne n'y est revenu." La
22 personne concernée ajoute ensuite, je cite : "Il ne faut pas les laisser
23 venir ici. Pas question."
24 Comme l'a expliqué ensuite le président Tudjman au cours du même
25 dialogue, je cite : "Si on laisse 204 personnes revenir, demain ils seront
26 1 204, et dans dix jours 12 000. Non, rien pour l'instant."
27 Ces limites de temps imposées, les obstacles qui ont été édifiés pour
28 empêcher les gens de revenir se sont révélés redoutablement efficaces,
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1 comme on peut lire dans le rapport du Conseil de sécurité du 31 décembre
2 1995. Etant donné les obstacles au franchissement de la frontière, étant
3 donné les limites de temps imposées aux Serbes pour réclamer leurs biens,
4 "les obstacles ainsi constitués sont pratiquement insurmontables."
5 Après avoir ainsi réussi à chasser les Serbes, le président Tudjman
6 s'est prononcé avec beaucoup de satisfaction au sujet de cette nouvelle
7 situation. Dans un discours du 26 août 1995, sous les hourras de la foule,
8 il a insisté sur l'importance de Knin qu'il a qualifié de "ville royale
9 croate, que plus personne jamais ne pourra mettre en péril."
10 [Diffusion de cassette vidéo]
11 M. TIEGER : [interprétation] Si vous le préférez on peut repasser cet
12 enregistrement et je peux en donner lecture.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va peut-être essayer de procéder de
14 la manière dont j'ai l'intention que nous procédions pendant le procès,
15 surtout lorsque le débit des intervenants sera très rapide. Ce n'est pas le
16 cas ici. Je ne sais pas s'il y a d'autres propositions de la part des
17 interprètes, mais on pourrait imaginer que l'un des interprètes donne
18 lecture soit du texte en anglais tel qu'il figure à l'écran si ça
19 correspond à l'original. Un autre interprète y donne lecture du texte à
20 voix haute.
21 Les interprètes français - et là je sais que, bien entendu, c'est un
22 travail d'équipe, mais normalement ça fonctionne bien - on pourrait
23 imaginer qu'un interprète donne lecture, ou plutôt, lise l'anglais, lise
24 l'anglais et vérifie que c'est bien conforme à l'original. Et l'autre
25 interprète qui, bien entendu, ne peut pas suivre le débit original traduise
26 en français, si bien que l'enregistrement sonore des débats en français
27 contienne ce passage, ensuite cela sera, bien entendu, transcrit en
28 français.
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1 Je sais que c'est une difficulté, mais je me demande si on ne
2 pourrait pas essayer pour voir si ça marche. Si les interprètes de la
3 cabine française ou anglaise ont des commentaires, qu'ils les fassent.
4 J'écoute l'anglais pour l'instant. Maintenant, j'entends le numéro 5 [comme
5 interprété]. Pour le français, ça va fonctionner.
6 L'INTERPRÈTE : Nous allons essayer, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, on va y aller. Vous
8 allez lire, et la cabine française et la cabine anglaise vont se livrer à
9 ce petit exercice.
10 [Diffusion de cassette vidéo]
11 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
12 "Ceux qui sont restés jusqu'à hier dans la Knin croate, mais
13 aujourd'hui c'est la Knin croate et plus jamais elle ne redeviendra ce
14 qu'elle a été avant quand ils ont répandu ce cancer qui a détruit l'âme
15 croate au milieu de la Croatie et n'a pas permis aux Croates d'être
16 ensemble, tout seuls, ceci, afin de permettre à la Croatie d'être un Etat
17 indépendant et souverain et de faire partie sous les cieux de la communauté
18 internationale des Etats souverains."
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je remercie les interprètes. Je sais que
20 j'aimerais que tous les enregistrements sonores ou vidéo contiennent des
21 discours au débit si lent.
22 Allez-y, Monsieur Tieger.
23 M. TIEGER : [interprétation] Comme l'a dit un an plus tard le président
24 Tudjman lors du premier anniversaire de la reprise de Knin en faisant
25 référence à un ancien roi, je cite : "Nous avons rendu la ville de
26 Zvonimir, la ville croate de Knin à la patrie croate tout aussi pure
27 qu'elle l'était du temps de Zvonimir."
28 Tout ceci traduit l'intention révélée par la conversation du
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1 21 juillet 1995. Il s'agit de profiter de l'occasion pour faire intervenir
2 l'artillerie et démoraliser totalement la partie adverse. Et conformément à
3 cette discussion entre Tudjman et Gotovina, nous voyons l'ordre ici qui est
4 donné au général Gotovina pour faire exactement ce que le président Tudjman
5 déclare. Pilonner Knin et les autres grandes villes de la Krajina ainsi
6 qu'une ville qui se situe au-delà de la frontière.
7 "Missions des groupes d'artillerie."
8 Il s'agit de lancer un assaut contre les premières lignes ennemies,
9 toucher les centres de communications, les positions de tir d'artillerie de
10 l'ennemi. Ça c'est important en visant les villes de Drvar, Knin, Benkovac,
11 Obrovac et Gracac avec l'artillerie.
12 On voit ici que ce sont des villes entières qui sont citées comme cibles
13 militaires et qu'on retrouve dans les ordres qu'il donne à ses subordonnés.
14 Nous avons un ordre de son chef d'artillerie.
15 Comme vous le voyez en bas de cet écran, il est prévu ici qu'il faut :
16 "Neutraliser les artilleries ennemies, détruire les centres de commandement
17 et de transmissions de l'ennemi, assurer les flancs avec des unités du
18 premier échelon."
19 Ensuite : "Pilonner la ville de Drvar, la ville de Knin, Gracac," et
20 cetera.
21 Un des quatre groupes opérationnels, celui de Zadar reçoit également un
22 ordre de mission dans ce sens.
23 Page suivante. Une fois encore ici, un emploi classique de l'artillerie,
24 neutraliser les centres de transmissions, les postes d'artillerie, les
25 postes de commandement, s'assurer du contrôle des unités du premier
26 échelon, prendre soin des flancs, et cetera. Ici encore on retrouve ce que
27 j'ai déjà mentionné précédemment à côté de ces objectifs militaires, je
28 cite : "Viser au moyen des tirs d'artillerie les villes de Benkovac,
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1 Obrovac et Gracac."
2 Ces ordres, ils traduisent le plan qui a été évoqué le
3 31 juillet qui consiste à chasser les civils serbes en pilonnant leur
4 ville. Ce qui permet d'atteindre l'objectif d'un Etat homogène où il n'y
5 aura pratiquement plus de Serbes.
6 Vous entendrez des témoins vous parler de pilonnages d'autres villes et
7 villages dans la Krajina sans que cela ait un intérêt quelconque du point
8 de vue militaire. Mais comme l'a dit le général Gotovina dans son livre,
9 Knin c'était la cible la plus importante.
10 Il y a un certain nombre de photographies de Knin qui apparaissent
11 maintenant à l'écran.
12 Knin, on ne peut vraiment pas dire que c'était une grande ville, elle
13 comptait au maximum 15 000 personnes. Mais vous l'avez entendu, c'était une
14 ville qui avait beaucoup d'importance pour les Serbes comme pour les
15 Croates. C'était pour les Croates, l'ancienne capitale et la ville des rois
16 croates et c'était ensuite devenu le centre, le symbole, l'emblème du
17 séparatisme serbe. Pour les Serbes de Krajina, Knin c'était leur capitale,
18 leur ville, mais pour ceux qui y habitaient, c'était leur ville natale,
19 c'était une ville où leurs familles habitaient depuis des générations, où
20 ils habitaient eux-mêmes, où leurs enfants étaient scolarisés, où leurs
21 enfants jouaient, où il allaient chez le boucher, chez le boulanger, aux
22 magasins faire leurs courses.
23 Il y avait beaucoup de membres de la communauté internationale à Knin. Il y
24 avait l'UNCRO, qui avait succédé aux forces de maintien de la paix de la
25 FORPRONU. Il y avait là des représentants de la MOCE, de la police civile
26 des Nations Unies, l'UNCIVPOL; des observateurs militaires des Nations
27 Unies, et cetera. Beaucoup des représentants de ces organisations viendront
28 témoigner ici.
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1 Tout ceci traduisait les efforts de la communauté internationale pour
2 superviser le cessez-le-feu qui était de plus en plus menacé en juillet et
3 août 1995. Beaucoup de ces hommes et de ces femmes avaient une expérience
4 militaire cela n'a rien de surprenant, et pour beaucoup d'entre eux ils
5 avaient également une expérience de l'arme de l'artillerie.
6 Les habitants de Knin étaient conscients des mouvements de l'armée croate,
7 ils avaient conscience des risques de conflit. Beaucoup de gens étaient
8 partis, mais l'immense majorité était restée. Et dans les jours qui
9 précédaient l'opération Tempête, la population de Knin avait beaucoup
10 augmenté avec l'arrivée des réfugiés serbes qui venaient de zones pilonnées
11 par les forces croates placées sous le contrôle du général Gotovina.
12 On ne peut vraiment pas dire que Knin c'était un fief de l'armée. Et
13 l'armée croate était tout à fait consciente du manque de moyens de défense
14 de Knin avec une seule ligne de défense. Il n'y avait pas de
15 fortifications, pas de tranchées, pas de mines antichars à Knin, pas de
16 positions installées, pas de systèmes de défense antiaérienne.
17 Il n'y avait pratiquement pas de soldats, puisque tous les soldats
18 étaient sur les lignes de front en s'attendant à une attaque imminente.
19 Comme je l'ai déjà dit, la totalité de la défense de l'armée serbe, c'était
20 une seule ligne de front, une seule. Il n'y en avait pas de deuxième ni de
21 troisième.
22 A l'écran, une photographie aérienne qui vous montre la ville Knin. C'est
23 un petit peu difficile à voir peut-être, mais à Knin il y avait un certain
24 nombre d'installations militaires de plus ou moins grande importance. Le QG
25 de l'armée, le parlement, le QG de la police, la caserne, le dépôt de
26 carburant, la gare ferroviaire et une usine de vis. Mais ce qui intéressait
27 le général Gotovina, ce n'était pas l'avantage militaire qu'il pouvait
28 obtenir en détruisant, en s'emparant de ce site, non, pas du tout, ce qu'il
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1 voulait faire c'était faire ce qui avait été prévu; démoraliser les civils,
2 les inciter à s'en aller. Comme vous l'apprendrez, le pilonnage de Knin
3 était destiné à atteindre cet objectif-là et ce seul objectif. Tous ceux
4 qui étaient là se sont bien rendu compte qu'il s'agissait d'une attaque
5 contre la totalité de la ville et contre sa population civile.
6 A exactement 5 heures du matin, en ce 4 août 1995, l'attaque a débuté avec
7 un barrage d'artillerie et de roquettes massifs qui a paralysé de peur la
8 population. La plupart des gens étaient encore chez eux. Certains
9 observateurs nous diront qu'ils ont eu à l'esprit ce qui s'était passé
10 pendant la Deuxième Guerre mondiale ainsi que le pilonnage de Sarajevo.
11 Tous ont été complètement stupéfaits par la violence du pilonnage qui a
12 tout touché, aussi bien des cibles militaires que des zones totalement
13 résidentielles. Il y a un endroit où les obus ne sont pas tombés, comme le
14 général Gotovina l'avait bien dit au président Tudjman, c'est le QG de
15 l'UNCRO. Ça montre bien à quel point ils étaient en mesure de contrôler et
16 de diriger les tirs, et ces cibles démontrent bien qu'ils étaient tout à
17 fait capables de diriger et contrôler leur feu.
18 Comme cela s'est poursuivi, de nombreuses personnes se sont terrées dans
19 les sous-sols, ils avaient peur et ils attendaient de voir à ce qu'il y ait
20 une pause dans le pilonnage pour voir où est-ce qu'ils pourraient aller.
21 Quant au niveau de l'UNCRO, on a vu qu'il y avait des obus qui tombaient
22 absolument partout et qu'on épargne de façon expresse justement leur QG,
23 bien, ils sont allés aider la population civile qui était à l'extérieur de
24 la base et c'est eux qui se sont retrouvés placés sous les tirs et on fait
25 l'objet des tirs.
26 Le commandant de l'UNCRO, le général Forand a essayé d'intervenir pour
27 qu'on épargne la population civile, il a fait cela en envoyant une lettre
28 de protestation. La lettre de protestation que nous pouvons voir sur
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1 l'écran en ce moment : Nous protestons de façon la plus ferme à cause des
2 attaques féroces sur les villes de Knin, de Drnis, de Kistanje, de Medak et
3 Benkovac. "Je demande que ces attaques s'arrêtent immédiatement puisque les
4 dégâts sont extrêmement importants --"
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, on sait que quand on
6 lit on a tendance à accélérer, mais je vous demande de ralentir.
7 M. TIEGER : [interprétation] "Je considère que cette agression qui est
8 dirigée contre les civils non armés est complètement contraire au droit
9 international de guerre et je vais en informer tous les organes
10 internationaux pour qu'ils prennent des mesures."
11 Ce message a été communiqué à l'officier de liaison de l'armée croate et
12 l'OMNU a informé le général Forand du fait que ce message a été donné.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que la traduction vers le
14 français n'a pas été terminée.
15 Poursuivez, s'il vous plaît.
16 M. TIEGER : [interprétation] Ce barrage intensif qui avait commencé à 5
17 heures du matin s'est poursuivi pendant à peu près deux heures jusqu'au
18 moment où il s'est affaibli pour se réduire à un harcèlement par des tirs
19 sporadiques qui a perduré pour le reste de la journée, jusqu'en fin de
20 journée. Pour estimer le nombre précis d'obus qui sont tombés, là certains
21 divergent, mais il est sans conteste parmi les témoins qui ont vu ceci,
22 qu'il y a des centaines, des centaines d'obus et de roquettes, quelquefois
23 plus encore qui sont tombés sur Knin.
24 Lorsqu'à arrive la nuit du 4, il y avait une panique intense à Knin. Les
25 gens fuyaient. Voici un extrait du journal opérationnel de la région
26 militaire de Split qui montre que l'armée et le général Gotovina étaient
27 parfaitement conscients, je cite : "La panique à Knin règne, évacuation de
28 civils et le commandant du Corps de Krajina, KK est attendu. ED va faire un
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1 suivi sur ce point ainsi que les postes d'observation. Leurs communications
2 en profondeur sont interrompues. Ils n'ont pas de réserves."
3 Voici, une fuite de la panique dont j'ai parlé qui est mentionnée ici,
4 c'est manifeste dès cette soirée et ainsi que le lendemain, dans la matinée
5 du 5. En dépit de ce que savaient les militaires, il n'empêche que
6 finalement la même chose s'est répétée. Vers 5 heures 20 de ce matin-là, le
7 5, il y eu de nouveau un autre barrage d'artillerie massif qui est tombé
8 sur Knin, suivi une fois de plus par des tirs sporadiques. De nouveau toute
9 la ville a été bombardée, aussi avec les obus qui tombaient dans les zones
10 avoisinantes. A 10 heures, l'armée croate entre dans la ville, ne
11 s'attendant pas à des combats de rue, mais comme si c'était un convoi dans
12 le triomphe, dans une ville qui était en grande partie désertée.
13 Nous ne saurons jamais, bien entendu, combien de personnes exactement ont
14 été tuées ou blessées par les bombardements de Knin, à Benkovac, à
15 Obravac, à Gracac, dans d'autres villes et villages qui avaient été
16 pilonnés ou bombardés. Il n'empêche que les témoins qui étaient sur les
17 lieux à l'époque ont vu des corps, les corps de ceux qui ont été tués par
18 les obus dans les rues à Knin et à l'hôpital de Knin. Certains disent 20,
19 30, voire plus.
20 Ceci cadre d'ailleurs avec un rapport qui vient du chef des opérations de
21 maintien de la paix de M. Akashi envoyé à celui qui est alors sous-
22 secrétaire général Kofi Annan, le 23 août. Il dit qu'il y a quatre grands
23 monticules qui donnent l'impression d'être un charnier et des
24 fonctionnaires croates disent que des corps ont été placés dans des housses
25 à une distance de 10 centimètres. Un fonctionnaire de la défense civile des
26 Croates qui était présent là dit que la plupart des personnes décédées
27 étaient des civils de Knin tués pendant le pilonnage croate de la ville les
28 4 et 5 août. Il y avait à l'époque 96 croix qui marquaient l'endroit du
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1 charnier.
2 Madame et Messieurs les Juges, il y a plusieurs principes qui régissent la
3 légalité des pilonnages. Il y a d'abord le principe de distinction et celui
4 de proportionnalité. Pour ce qui est du principe de la distinction, le fait
5 de prendre pour cibles des civils ou des cibles civiles, c'est interdit. Et
6 conformément à ce principe de distinction entre des cibles militaires et
7 civiles, si on ne fait pas de différence, c'est interdit, que ce soit le
8 résultat de pilonnage qui ne cible pas directement une cible militaire
9 spécifique ou que ceci cible avec une méthode qui est telle qu'elle ne fera
10 pas de distinction entre les objectifs militaires et les objectifs civils.
11 Il y a connexe, le principe de la proportionnalité qui dit qu'on s'attend à
12 ce que les victimes civiles ou les dommages ou dégâts causés ne soient pas
13 excessifs par rapport à l'avantage militaire direct et concret attendu.
14 Il était compris ici, tous ceux qui ont vécu ce bombardement ont compris
15 que c'était pour cibler des populations civiles, parce que soit les obus
16 sont tombés sur leurs maisons, dans leurs voisinages ou alors parce qu'ils
17 ont vu que les obus tombaient dans des endroits où il n'y avait que des
18 habitations ou que ça tombait au hasard dans la ville. Ceux qui avaient une
19 certaine connaissance en matière d'artillerie ont reconnu certaines des
20 armes utilisées, notamment des roquettes plutôt que de cibler de façon
21 précise telle ou telle cible ou ont reconnu les procédures de ciblage, par
22 exemple, le fait d'ajuster la hausse du tir pour mieux frapper les zones
23 habitées.
24 A d'autres moments il n'y a pas eu d'ajustements. Les obus ont été
25 lancés individuellement pour tomber au hasard sans cibler précisément telle
26 ou telle cible et avec peu de chance que cette cible soit touchée.
27 Le deuxième matin, le 5 août, tous ont ressenti l'intensité du
28 pilonnage. Les modalités de pilonnage montrent que ceux-ci s'écartent de
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1 l'utilisation autorisée de l'artillerie ainsi que l'intention qui l'a
2 motivée. Le fait de pilonner toute une ville pour semer la peur parmi sa
3 population et la pousser à s'enfuir.
4 Les fonctionnaires croates ont minimisé l'attaque parce qu'ils
5 savaient qu'elle n'était pas légale. Le 7 août, le ministre de la Défense
6 dit à l'occasion d'une conférence de presse, je le cite : "Nous avons
7 essayé tout ce qui était possible de faire pour essayer de respecter le
8 droit international dans le traitement des civils. Lorsque nous avons
9 commencé l'action, le premier jour, nous avons essayé d'éviter tous les
10 grands quartiers habités donnant ainsi aux Serbes l'occasion de se rendre.
11 Mais quand ils ont commencé à pilonner les villes croates en territoire
12 libre, au lieu de se rendre, nous avons décidé de lancer cette opération
13 pour capturer toutes ces zones jusqu'à la fin." Gotovina, dans son livre,
14 fait l'impasse sur cette attaque à l'artillerie, le 4.
15 Plutôt que d'éviter des attaques dirigées sur des grandes zones
16 habitées pour des raisons humanitaires comme l'a proposé le ministre de la
17 Défense, le pilonnage de Knin et d'autres villes était au cœur même du plan
18 destiné à chasser les Serbes. Voici les documents supplémentaires des
19 rapports d'un commandant d'une unité d'artillerie du 4 août qui traduisent
20 en partie l'exécution de ce plan.
21 Vous avez à la première page surlignée : à 6 heures 30, cinq
22 projectiles d'un T-130 sur l'hôpital de Knin. Et à 8 heures, six
23 projectiles d'un T-130-millimètres sur une zone habitée de Knin. Deuxième
24 rapport : 13 heures 30, huit projectiles de T-130 sur Knin, 15 heures à des
25 intervalles irréguliers, en tout 18 projectiles d'un T-130 sur la zone
26 générale de Knin.
27 En dépit de ce bombardement, bien sûr, vous, Madame et Messieurs les
28 Juges, n'ayez pas une impression erronée. Ce n'est pas Stalingrad, ce n'est
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1 pas Vukovar, ce n'est pas une ville réduite en cendres après des semaines
2 de bombardement. Ce n'est pas le bombardement le plus destructeur de la
3 ville, mais c'est précisément à cela que je veux en venir. L'intention
4 n'était pas de détruire Knin, la ville de Zvonimir où le président Tudjman
5 voulait réinstaller les Croates, l'idée c'était de chasser les Serbes.
6 Vous entendrez au cours de ce procès des éléments de preuve qui
7 montrent qu'en fait les OMNU, le 17 août, ont fait une évaluation
8 provisoire, 44 bâtiments avaient été endommagés, 21 gravement, 23
9 légèrement, et ils se trouvaient près de cibles militaires, a-t-il été dit.
10 Mais vous apprendrez aussi que ceux qui ont procédé à cette évaluation
11 provisoire à l'époque ont montré son côté sommaire. Et on dit qu'il
12 faudrait des patrouilles pour voir quels étaient effectivement les dégâts
13 constatés dans des zones uniquement habitées où il ne pouvait pas y avoir
14 de cibles militaires.
15 Les constatations ultérieures cadrent bien avec ce que d'autres
16 témoins ont dit pour ce qui est des dégâts occasionnés et avec ce document
17 portant sur les destructions intitulé : "Données en ce qui concerne la
18 population et les maisons détruites," qui montrent qu'il y a des centaines
19 de maisons détruites en tout et en partie à Knin.
20 D'autres témoins ont également constaté qu'au fil du temps on a pu
21 trouver d'autres preuves de pilonnage dans des zones où il n'y avait que
22 des habitations.
23 Même quand on voit cette évaluation provisoire initiale et sommaire,
24 on voit qu'il y a plus de 40 bâtiments civils dont des grands blocs
25 d'appartements où beaucoup de gens habitaient, qui ont été endommagés par
26 les obus, alors que des bâtiments comme le QG militaire, manifestement une
27 cible militaire, n'a essuyé qu'un tir ou deux et restait pratiquement
28 intact. Ces facteurs nous indiquent que nous avons des dégâts occasionnés à
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1 des bâtiments civils. Si on les compare aux dégâts occasionnés à des cibles
2 militaires, bien, traduisent le côté sans discrimination, le côté aveugle
3 des bombardements.
4 Vous entendrez aussi des éléments de preuve faisant état d'un ordre donné
5 par Milan Martic pour évacuer cette zone, et aussi d'un plan d'évacuation
6 préexistant. Voici un plan, 12 heures à peu près après le pilonnage de
7 Knin, après le début en tout cas de ce pilonnage. Les faits de cet ordre
8 d'évacuation sont les suivants : le plan d'évacuation, c'est l'effort
9 habituel que déploient des autorités, des instances de protection civile
10 que connaissent tous les Etats. Il y avait un service de la défense civile
11 dans le gouvernement de la RSK qui avait préparé un plan d'évacuation en
12 cas d'urgence sous diverses formes, par exemple, si pilonnage de zones
13 civiles mais d'autres cas d'urgence, par exemple, une catastrophe
14 naturelle. Et il était prévu que des personnes soient évacuées à titre
15 provisoire là où il y avait grand risque, surtout pour que ces personnes
16 aillent sur des villes plus importantes; mais si celles-ci étaient
17 attaquées, il fallait poursuivre ce déplacement. Martic donne cet ordre
18 après toute une journée de bombardements alors que les gens avaient déjà,
19 pris de panique, commencé à fuir. Cette panique, les gens la ressentent,
20 parce qu'ils voient l'état de leurs maisons, la nourriture est restée sur
21 la table, leurs effets personnels sont laissés là, et effectivement, un
22 moment où les fonctionnaires de l'UNCRO ont demandé aux fonctionnaires de
23 la RSK qui avait demandé leur aide et voient que rien n'a été préparé.
24 Comme allait le dire Tudjman à une foule qui fuyait quelques semaines
25 plus tard : "Ils n'ont même pas eu le temps de prendre leur seul argent,
26 leurs devises étrangères ni même leurs sous-vêtements."
27 Ce qui compte plus encore, c'est que le président Tudjman, le général
28 Gotovina et le général Markac ne se sont pas contentés de s'appuyer sur la
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1 peur animant les Serbes ni sur un ordre d'évacuation officiel pour
2 débarrasser Knin et la Krajina de ces Serbes. Ils ont pilonné, ils ont
3 largué des tracts erronés, diffusé des messages erronés afin de pousser la
4 population civile à fuir bien des heures avant que l'ordre d'évacuation ne
5 soit donné en réaction.
6 L'ordre c'était en fait quelque chose qui a été bien effectué. Comme
7 le disait le chef du renseignement de la HV suite aux événements du 5 août,
8 je le cite : "La majorité des villes, (Knin, Drnis, Gracac, Plaski,
9 Petrinja, Dubica) ont été directement menacées, ce qui a entraîné un départ
10 important (organisé ou spontané) des civils, mais aussi un départ organisé
11 des organes les plus importants de l'Etat, le gouvernement sans doute (vers
12 la zone trouvant entre Drvar et Sipovo) et entraîné l'abandon des
13 installations militaires…"
14 Le président Tudjman l'a d'ailleurs dit le 26 août au cours d'un
15 voyage triomphant à travers la Krajina. Il a dit : "Grâce à la force de
16 l'armée croate, grâce à la sagesse de nos décisions et de nos dirigeants,
17 ils ont disparu en l'espace de deux ou trois jours." Ce sont effectivement
18 les décisions prises par les dirigeants politiques et militaires et
19 l'exécution de ces décisions par l'armée, ce sont ces éléments qui ont
20 entraîné la disparition de l'essentiel de la communauté serbe en Krajina.
21 Précédemment, Monsieur le Président, vous avez rappelé que
22 M. Waespi et moi-même nous nous partagerions la parole, et justement le
23 moment est venu pour que je donne la parole à M. Waespi.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause. De combien
25 de temps M. Waespi aura-t-il besoin ?
26 M. TIEGER : [interprétation] Cinquante minutes à une heure.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause de 30
28 minutes et nous reprendrons à 11 heures moins dix.
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1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 18.
2 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, je voudrais faire
4 deux remarques par rapport à une question qui s'est posée avant la pause, à
5 savoir comment présenter et obtenir le texte des différents enregistrements
6 vidéo ou audio et comment cela puisse être traduit dans le compte rendu
7 d'audience.
8 Tout d'abord, je voudrais dire que les interprètes doivent nous aider pour
9 voir si le texte écrit correspond à l'origine, mais ce n'est pas vraiment
10 leur mission et ce n'est pas de leur responsabilité que de vérifier cela.
11 Donc cela nous aide que les interprètes nous informent des différences
12 éventuelles, de différents détails entre le texte dit dans la langue
13 originale et le texte qu'elles puissent voir par écrit.
14 Donc cela nous aide pour aboutir au meilleur résultat, mais c'est
15 quelque chose qui n'est pas vraiment leur mission principale. C'est un
16 petit plus, pour ainsi dire. Donc s'ils trouvent quoi que ce soit
17 d'important, une remarque importante à faire, évidemment, c'est toujours
18 bienvenu, mais je ne parle pas de toutes petites nuances, de différences
19 qui ne sont pas importantes. Donc à chaque fois que les interprètes
20 souhaitent attirer notre attention là-dessus, ce sera bienvenu.
21 Ensuite, travailler sur la base d'un texte écrit en guise de sous-titre sur
22 l'écran, ce n'est pas facile. Donc il est important que les parties donnent
23 aux interprètes dans les cabines les exemplaires papier au moins du texte
24 en langue anglaise, mais aussi de préférence du texte dans la langue
25 originale, de sorte que le interprètes puissent disposer du texte sans
26 devoir détecter les sous-titres en bas de l'écran. Donc il sera important
27 de fournir aux interprètes ces transcripts sous forme papier imprimé, et si
28 possible aussi en langue originale.
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1 Ensuite, ce qui va se trouver dans le compte rendu d'audience, c'est à la
2 Chambre d'en décider et dans tout sens du terme. Autrement dit, même si
3 nous encourageons de bons rapports entre tous les participants au procès,
4 mais s'il s'agit de vérifier quoi que ce soit dans le compte rendu
5 d'audience ceci sera déterminé par le greffier et les Juges de la Chambre.
6 Et à chaque fois qu'il y a un problème par rapport au compte rendu
7 d'audience, évidemment, il serait préférable que les Juges en soient
8 informés.
9 Monsieur Waespi, est-ce que vous êtes prêt, Monsieur Waespi.
10 M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous souhaite
11 bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
12 Comme mon confrère, M. Tieger, a dit, je vais maintenant me pencher sur
13 l'opération plus en détail. Avant cela, je voudrais vous donner un aperçu
14 de cette opération militaire, l'opération Tempête. Pour cela, je vais
15 utiliser un certain nombre de cartes qui se trouvent dans les dossiers qui
16 vous a été communiqué à vous, Messieurs, Madame les Juges, mais aussi aux
17 avocats de la Défense et au greffe. Je vais aussi demander que ceci soit
18 présenté sur les écrans.
19 Donc l'important de l'opération Oluja ou Tempête va au-delà de ce qui
20 figure dans l'acte d'accusation. Alors que l'acte d'accusation, en ce qui
21 concerne la responsabilité des trois accusés, se trouve dans l'acte
22 d'accusation, l'opération Tempête était conduite sur un territoire qui va
23 au-delà des limites géographiques de l'acte d'accusation. A cette opération
24 participait plus que
25 127 000 membres des forces croates, y compris la police militaire et à peu
26 près 2 500 membres du ministère de l'Intérieur à savoir du MUP.
27 La carte 15 qui se trouve dans votre dossier montre tout cela portait de
28 l'opération Tempête, et ce qui se trouve dans l'acte d'accusation c'est la
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1 partie sud de la Krajina où les forces des trois accusés étaient déployées.
2 C'était la zone de responsabilité de la région militaire de Split.
3 Le nombre de soldats de la région militaire de Split, dans le cadre
4 de l'opération Tempête correspondait à plus de 30 000 personnes, y compris
5 10 000 soldats fraîchement mobilisés. Sur la carte 15, sur laquelle je vais
6 demander de vous concentrer sur toute la partie sud de cette carte, vous
7 pouvez voir où se trouvaient les forces croates qui, eux, participaient à
8 l'opération Tempête. Ils sont groupés dans le sens de l'aiguille de la
9 montre et ceci se voit en jaune, en commençant par la 4e Brigade de la
10 Garde et pour terminer à la fin de l'autre côté du spectre par les troupes
11 de la police spéciale commandées par l'accusé Markac.
12 Toutes ces unités sont énumérées dans l'annexe A de l'acte d'accusation.
13 Sur cette même carte, vous pouvez voir les forces de défense, les
14 forces de la République des Serbes de Krajina, RSK, qui sont montrées en
15 rouge où se trouvaient pour la plupart les unités du
16 7e Corps dalmate organisées dans les brigades. Et vous pouvez voir que la
17 SVK, qui était l'armée de la Krajina, était déjà réduite dans une poche
18 avec les forces croates qui l'encerclaient.
19 Je dois dire - et vous l'avez entendu à plusieurs reprises - que
20 l'opération Tempête a commencé le 4 août 1995 à 5 heures du matin. La
21 plupart des villes, y compris la ville de Knin, mais aussi de Drnis,
22 Benkovac et Gracac ont fait l'objet des attaques directes de l'artillerie.
23 Dans son livre, l'accusé Gotovina - c'est un livre intitulé : Les
24 offensives et les opérations du HV et HVO" - Gotovina a écrit et je le cite
25 : "Les villes de Knin et Dvar ont été pilonnées depuis les positions de feu
26 qui se trouvaient dans Bosansko Grahovo," c'est à la droite dans la carte,
27 "avec quatre canons de
28 130-millimètres. Knin a aussi été pilonnée depuis la zone de Milavice - là
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1 c'est une deuxième flèche que vous voyez avec cinq canons de
2 130-millimètres. Grahac a été pilonnée depuis les positions de feu qui se
3 trouvaient dans la Rovanjska, la zone de Rovanjska. Benkovac a été pilonnée
4 depuis les positions de feu dans la zone la montagne de Debeljak.
5 Vers la tombée de la nuit du 4 août, la SVK et les dirigeants de la RSK
6 étaient en déroute. Il y avait la panique à Knin et les habitants ont
7 commencé à quitter la ville en masse. Donc la scène était prête pour
8 l'entrée du HVO le jour suivant. Déjà le 5 août, la SVK ne fonctionnait
9 plus suite à la destruction de son système de commandement et de son
10 système de communications. Le 5 août, les unités du HVO, la 7e Brigade de
11 la Garde en coopération avec la
12 4e Brigade de la Garde sont entrées dans la ville de Knin et ont pris le
13 contrôle de la ville. A 11 heures 30, le drapeau croate était hissé sur la
14 forteresse de Knin.
15 En plus de la prise de contrôle de la ville de Knin, vers la fin du
16 5 août 1995, la Région militaire de Split contrôlait 70 % de la zone de la
17 Dalmatie et du nord qui était auparavant sous le contrôle de la RSK.
18 Au cours des quelques jours qui ont suivi, les forces croates dont faisait
19 partie la police spéciale, ont pris le contrôle absolu des villes comme
20 Gracac, Obrovac, et cetera. On va vous les montrer sur les cartes pour que
21 vous puissiez voir où ils se trouvent. Gracac, Obrovac, Benkovac, Kistanje,
22 Otric, là il s'agit de deux villes complètement détruites. On va en parler
23 plus tard aujourd'hui. Donji Lapac. Et enfin, Srb, la ville près de la
24 frontière bosniaque.
25 Ensuite, il y a eu les opérations de ratissage de terrain dans les villages
26 les plus petits de la zone.
27 La carte numéro 14, c'est une carte signée par le général Gotovina. C'est
28 une carte militaire du HV qui montre l'avance quotidienne des forces
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1 croates entre le 4 et le 8 août. En bas à gauche, vous allez voir la
2 légende des différentes couleurs. Même si les couleurs ne se voient pas
3 très bien sur la couleur, puisque la couleur est un peu altérée, on peut
4 voir que les flèches bleues représentent l'avancée des forces croates à
5 partir du 4 août. Ensuite, 5 août. Le 6 août, les flèches sont de couleur
6 verte. Le
7 7 août, de couleur orange, et le 8 août, de couleur jaune.
8 La ligne bleue qui est en haut de la carte montre la frontière nord de
9 cette zone de responsabilité de la Région militaire de Split pendant
10 l'opération Tempête. Au début de l'opération, c'est la police spéciale de
11 Markac qui a opéré dans cette zone qui est au-dessus de la ligne bleue. Au
12 fur et à mesure que l'opération progressait, certaines unités de la police
13 spéciale étaient déployées aussi au-dessus de cette ligne. Après la fin de
14 l'opération, la police spéciale a participé aux opérations de ratissage de
15 terrain dans le cadre de cette opération.
16 La ligne bleue montre, qui est en pointillé, montre le front du HV, et la
17 ligne rouge, les zones qui étaient adjacentes au front du HVO.
18 Les petites flèches bleues montrent les positions du HV le long du
19 front alors que les lettres bleu marine montrent où se trouvaient les
20 unités du HVO au début de l'opération Tempête, le 4 août 1995. Vous pouvez
21 voir l'avancée de ces troupes montrée par les couleurs bleues, rouges,
22 orange, vertes et jaunes, et ceci montre comment ces territoires serbes ont
23 été réduits au fur et à mesure, permettant la fuite définitive de la
24 population serbe vers la frontière de Bosnie-Herzégovine. A la fin, vous
25 pouvez voir que vous avez toutes les flèches de toutes les couleurs de
26 cette zone.
27 A la date du 8 août, le général Gotovina a fait un rapport indiquant que la
28 zone de la Région militaire de Split a été complètement conquise.
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1 Comme M. Tieger vous a dit, à ce moment-là l'opération Tempête était
2 terminée, Krajina était en ruine. Des centaines de civils serbes ont été
3 tués et le restant de la population était pratiquement complètement parti
4 en quittant leurs villages, en quittant leurs villes. Il y a eu des
5 destructions à grande échelle.
6 Je dois être très clair. En ce qui concerne la perte des vies, les
7 meurtres, la dévastation, tout ceci aurait pu être évité, parce qu'il ne
8 s'agit pas là des simples conséquences de la guerre. Nous allons vous
9 montrer dans quelles circonstances ceci a eu lieu. Nous allons vous montrer
10 que ces attaques sur les civils, sur leurs vies, sur leurs biens n'ont pas
11 eu lieu dans le feu de l'action.
12 Il y a eu un très peu de défense dans les villages de la Krajina, dans les
13 villes qui ont été détruites par les forces croates. La plupart des gens
14 qui ont été tués, c'étaient des civils. Il n'y avait absolument pas de
15 justification militaire pour ce que les forces croates ont fait aux civils
16 serbes et à leurs biens à Krajina au mois d'août 1995.
17 Aussi, non seulement que ces crimes n'ont pas été justifiés par la
18 nécessité militaire, mais il ne s'agissait pas là des crimes isolés, des
19 crimes qui ont été commis par-ci et par-là par des soldats solitaires. Vous
20 allez entendre de preuves qui corroborent les volumes, le caractère non
21 dissimulé et à longue échelle de ces crimes qui n'ont pas été sanctionnés
22 et qui ont eu lieu dans une période de temps assez brève et qui faisaient
23 partie de cette campagne.
24 Les trois accusés ont été accusés avec neuf chefs qui consistent tous des
25 crimes contre l'humanité et la violation des droits et des coutumes de la
26 guerre. Des persécutions, des déportations, des transferts par la force,
27 des pillages des biens privés et publics, meurtres et des actes inhumains
28 et du traitement cruel.
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1 L'opération qui visait à expulser les civils serbes a commencé le 4 août
2 1995 à peu près 5 heures du matin par les pillages très lourds des zones
3 résidentielles et qui a duré pendant deux jours.
4 Les militaires croates ont commencé à dévaster la ville, à
5 s'introduire par la force dans les maisons, dans les boutiques, dans les
6 cafés pour profiter des butins de guerre et pour les emporter.
7 Ils l'ont fait pas seulement dans toute la ville de Knin, mais ils le
8 faisaient même devant la base des Nations Unies où ils ont improvisé un
9 centre de collecte des butins de guerre. Le personnel des Nations Unies et
10 les réfugiés serbes que les soldats croates avaient emprisonnés dans la
11 base regardaient sans pouvoir faire quoi que ce soit, comment les soldats
12 croates tiraient sur les serrures de véhicules et que les Serbes étaient
13 forcés de partir et avaient laissés derrière.
14 Au fur et à mesure que la journée s'avançait, il y avait des Serbes qui ont
15 été amenés devant la base de l'ONU par les soldats croates et qui ont pris
16 des photos, des cartes d'identité des Serbes avant de prendre les clés de
17 leurs véhicules.
18 A la tombée de la nuit du 5 août, on pouvait entendre des feux d'infanterie
19 et des Croates qui continuaient à "nettoyer la ville." Ils faisaient cela
20 pour faire en sorte que l'on entende cela depuis la base de l'ONU où se
21 trouvaient les réfugiés serbes pour faire régner cette atmosphère de
22 panique sur la ville.
23 Un témoin va vous parler d'une jeune femme serbe qui a demandé à ce témoin
24 de lui promettre de la tuer si jamais les Croates entraient dans le camp
25 parce qu'elle avait peur d'être violée ou même pire. Telle était la peur
26 qui régnait à Knin après l'instauration de l'autorité croate à Knin.
27 Dès le lendemain matin, on avait commencé à brûler la ville. Même si tous
28 les observateurs internationaux étaient à l'intérieur, les Croates ne
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1 pouvaient pas dissimuler les volutes de fumée qui se dégageaient des villes
2 et des villages dans tout le secteur sud.
3 Parlant de ces observateurs internationaux, vous verrez, vous entendrez des
4 membres de l'UNCRO, des OMNU, de la police civile et ceux de la MOCE qui
5 disaient qu'il y a effectivement le 5 août des volutes de fumée qui se
6 dégagent à Benkovac, à peu près à 50 kilomètres à l'ouest de Knin, et on
7 voit de la fumée notamment dans le village de Vrbnik qui se trouve à
8 quelque 4 kilomètres au sud de Knin. Vous le verrez en rouge. Vous y verrez
9 le numéro 6. Tout le village de Vbrnik a été pillé et incendié.
10 Sur cette même carte, vous avez le numéro 31, à Gracac, tout en haut à
11 gauche, indiqué en vert. Une équipe d'OMNU qui était revenue en ville a vu
12 des soldats de la HV qui se livraient à des actes de pillage et
13 pratiquement toutes les maisons avaient été détruites en partie. Les OMNU
14 ont aussi trouvé cinq maisons ainsi que leur ancien logement rasés par
15 l'incendie.
16 A Knin même, un faible nombre de représentants de la communauté
17 internationale ont réussi à rentrer dans la ville où ils ont vu des soldats
18 de la HV qui poursuivaient leur acte de destruction de la ville en plein
19 jour et parfois devant ou à côté de ce qu'on appelait "la police" civile et
20 militaire.
21 Knin était nettoyée des cadavres et des décombres qui encombraient la ville
22 après les opérations de bombardement et de nettoyage de la veille. Un
23 témoin va vous parler de deux gros camions à bétail qu'il a vu garé devant
24 le cimetière de Knin ce jour-là. Il va vous décrire ce qui ressemble à des
25 charniers qu'on creusait dans le même secteur. De nouvelles fenêtres
26 étaient installées sur la plupart des bâtiments le long de la route
27 principale, alors que la ville brûlait encore dans d'autres quartiers. On a
28 repeint rapidement là où c'était nécessaire et on a comblé les cratères
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1 provoqués par les bombes. Dès le lendemain, tout aurait l'air intact pour
2 que Tudjman entre librement dans la ville, marche suivie de près par les
3 médias internationaux.
4 Dans ce contexte, au moment du procès vous allez voir une séquence vidéo
5 montrant le général Gotovina qui réprimande ses commandants subordonnés
6 pour avoir permis à ses effectifs de dévaster la ville alors que le
7 président était sur le point d'arrivée. L'ironie de cette situation, elle
8 est manifeste car le comportement même que semble réprimer le général
9 Gotovina se poursuit à ce moment-là, non seulement devant le bâtiment où se
10 tient cette réunion, mais ce même comportement s'est poursuivi pendant des
11 semaines, voire des mois. Gotovina n'a rien fait ou a fait peu pour
12 empêcher le comportement ou pour punir ses subordonnés.
13 Il semblait furieux devant ce qui s'est passé à Knin, mais ce
14 comportement s'est poursuivi. Il y avait des décombres en grand nombre
15 venant des bâtiments dévastés. Ils se sont accumulés le long des routes. Le
16 HVO et la police ont continué à piller les maisons vides à Knin, à
17 l'exception de celles qui avaient été indiquées comme étant des maisons
18 croates qui elles, manifestement, ont été préservées, ont été laissées
19 intactes.
20 Markac apparaît aussi dans cette vidéo. Lui aussi n'a pas fait grand-
21 chose pour punir ou prévenir ce comportement au cours des semaines et des
22 mois qui s'ensuivirent. Je précise pour le compte rendu, j'ai peut-être dit
23 Markac, mais c'est Cermak que l'on voit également dans cette séquence
24 vidéo, qui n'a pas fait grand-chose non plus pour empêcher ou pour punir ce
25 comportement. Même le jour où on a filmé ces images, le président Tudjman
26 l'a nommé gouverneur militaire de ce qui avait été le secteur sud. En dépit
27 de ces effets d'annonce et de ces événements médiatiques organisés, la
28 réalité c'est que les autorités militaires, des membres de la HV dont la
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1 police militaire et la police spéciale n'ont cessé d'exercer leur autorité
2 sur la partie sud de la Krajina, mais en plus ces effectifs ont continué à
3 piller, à incendier la campagne pour veiller à ce qu'aucun Serbe ne rentre
4 chez lui.
5 Nous avons un témoin international qui vous donnera une idée de
6 certains des motifs animant les auteurs sur le terrain. Les soldats du HV
7 se sont plaints auprès de lui que le pillage était la récompense qu'ils
8 allaient avoir pour avoir participer à l'opération, parce que leur solde
9 était maigre et ils s'étaient considérés comme faisant partie de cette
10 solde précisément. Ces hommes ont dit que leurs supérieurs leur avaient
11 donné l'autorisation expresse de se servir. Lorsqu'on leur a posé une
12 question à propos de la destruction, du fait que le bétail avait été tué,
13 que les puits avaient été empoisonnés, ils ont expliqué que c'était pour
14 empêcher les Serbes de rentrer chez eux.
15 Ce témoin vous dira qu'il a parfaitement compris ce que disaient ces
16 hommes, parce que lui-même était d'origine de la campagne et que si on
17 détruit l'infrastructure, si on détruit les moyens de subsistance d'un
18 villageois, ça veut dire que personne ne pourra rentrer et vivre à demeure
19 dans cette région.
20 Le 7 août, Madame et Messieurs les Juges, M. Akashi, qui était le
21 représentant spécial des Nations Unies, il est arrivé pendant l'inspection
22 à Knin pour discuter avec le gouvernement militaire,
23 M. Cermak, de l'application de l'accord du 6 août, conclu entre les Nations
24 Unies et le gouvernement croate à propos du rôle dont devaient jouer les
25 autorités onusiennes dans l'ancien secteur sud, maintenant qu'il était sous
26 gouvernement croate.
27 Une composante importante de cet accord c'était de garantir la
28 complète liberté de circulation de toutes les agences des Nations Unies
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1 afin de pouvoir surveiller l'application ou la situation en matière de
2 droits humains pour ce qui est des quelques Serbes qui restaient dans la
3 région et pour leur prêter assistance si c'était nécessaire. L'ironie est
4 de voir que cette discussion se tenait alors que pratiquement tout le
5 groupe d'observateurs internationaux et des réfugiés serbes étaient
6 pratiquement obligés de rester dans les différents camps des Nations Unies
7 organisés dans tout le secteur sud.
8 A l'arrivée de M. Akashi, lui, il a été autorisé à voir une escorte
9 de sécurité des Nations Unies. Certains des effectifs des Nations Unies ont
10 saisi cette occasion pour mener une mission de reconnaissance à Knin
11 pendant qu'ils accompagnaient M. Akashi.
12 On avait à ce point, systématiquement, pillé la ville que lorsqu'il a
13 demandé à voir un exemple d'une maison pillée, les hommes qui
14 l'escortaient, et vous l'entendrez cet homme, cet homme lui a
15 dit : Prenez la maison que vous voulez. Elles sont toutes pareilles. M.
16 Akashi, à ce moment-là, simplement par hasard, a choisi une maison et
17 lorsqu'ils sont entrés dans cette maison, manifestement, c'est évident elle
18 avait été absolument dévastée et pillée.
19 Le 8 août, les Nations Unies et d'autres effectifs internationaux ont
20 fini par être autorisés à sortir de la base des Nations Unies. Il
21 s'agissait des membres de l'OMNU, de l'UNCRO, et de la MOCE et de groupes
22 d'actions des droits humains récemment créés qui avaient été chargés
23 d'observer le comportement des factions belligérantes au nom de la
24 communauté internationale. Mais c'est là quelque chose assez bizarre, ils
25 avaient été par la force empêchés de faire leur travail par les autorités
26 croates, alors que c'était précisément à ce moment-là qu'il fallait une
27 surveillance de la communauté internationale.
28 Ceci ne devrait pas nous surprendre, parce qu'on se rend compte, vu
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1 la fumée qui se dégageait de ces endroits, que les autorités croates ne
2 voulaient pas permettre à ces représentants de mener d'enquête. Beaucoup de
3 ces témoins internationaux ont pu observer et faire des rapports sur cette
4 campagne d'incendies volontaires et de pillages qui a été organisée à la
5 suite ou dans la foulée de l'opération Tempête.
6 Les trois accusés ont tout à fait toléré ce genre de comportement
7 répréhensible, ont même encouragé la poursuite de ce comportement. Par
8 exemple, Markac, ministre de l'Intérieur, et le ministre de l'Intérieur de
9 l'époque, Ivan Jarnjak, sont arrivés à Donji Lapac. Si vous voyez la carte
10 15, ce village se trouve à peu près 80 kilomètres au nord de Knin.
11 Donji Lapac a été tout à fait anéanti par des membres des forces de police
12 spéciale du MUP. L'accusé et M. Jarnjak ont félicité ces hommes pour avoir
13 "bien fait leur travail." Cependant, en réponse pour réagir aux
14 protestations de la communauté internationale qui voulaient que ces
15 comportements cessent, on a un peu essayé de changer les choses. Mais il
16 n'y a pas eu vraiment de mesures concrètes pour que les ordres qui avaient
17 été donnés interdisant un tel comportement soient suivis des faits. En fait
18 c'était un effet d'annonces uniquement réservées à la communauté
19 internationale.
20 Pour ce qui est des incendies et pillages à grande échelle ou
21 généralisés qui se sont produits, les observations les mieux documentées
22 viennent des observateurs militaires des Nations Unies qui ont mené des
23 relevés systématiques pour voir quels étaient les dégâts occasionnés aux
24 villages du secteur sud. Ils ont aussi repéré, enregistré les personnes qui
25 en avaient besoin et fourni l'aide humanitaire à la population civile serbe
26 qui restait. Ces rapports des OMNU - il y aura beaucoup de témoins des OMNU
27 - ont montré au cours des mois qui ont suivi l'opération Tempête qu'à la
28 date du
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1 27 août, il y avait au moins 1 730 maisons du secteur sud qui avaient été
2 totalement détruites et au moins 2 615 [comme interprété] qui avaient été
3 détruites en partie.
4 Vous l'entendrez, Madame et Messieurs les Juges, vous entendrez ces
5 observateurs militaires qui ont fait ces relevés. Et il y avait un critère
6 permettant de déterminer si une maison a été détruite en tout ou en partie.
7 Si le toit ou l'infrastructure d'une maison avait été endommagée, on
8 estimait que cette maison était totalement détruite. Si elle avait été
9 pillée, si ses fenêtres ou ses portes avaient été cassées, on considérait
10 que cette maison était détruite partiellement.
11 Les observateurs militaires ont réussi à mieux pénétrer dans le secteur sud
12 au fur et à mesure, au fur et à mesure, les chiffres n'ont cessé
13 d'augmenter. A la date du 4 septembre, sur 18 232 maisons dans 20 villages
14 répertoriés, plus de 73 %, 13 600 maisons avaient été détruites après
15 l'opération Tempête. Il n'y avait que 650 maisons, 5 % qui avaient été
16 détruites avant cette opération Tempête.
17 L'écrasante majorité de ces actes de destruction avait déjà été réalisée à
18 cette date, vers la mi-septembre. Il n'empêche qu'il y a d'autres rapports
19 des Nations Unies qui montrent qu'à la date du
20 4 octobre, le nombre de maisons détruites en tout ou en partie s'était
21 accru pour passer à 16 857 sur 21 744 maisons, et il est même passé plus
22 loin à 17 270 maisons le 4 novembre, 17 270 sur 22 213 maisons qui avaient
23 été détruites en tout ou en partie.
24 Un des observateurs vous dira sous peu, je le cite : "Comme le montraient
25 tous les jours les rapports de situation, le pilonnage, le harcèlement de
26 la population qui était demeurée ne s'est pas arrêté même s'il y avait une
27 plus forte présence de la police croate dans cette région. Il y avait une
28 diminution des pillages, mais non pas à cause de la plus forte présence
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1 policière croate. La raison était plus simple, c'est qu'il n'y avait plus
2 rien à prendre, à piller."
3 A titre d'exemple, j'aimerais rapidement évoquer la situation qu'on a
4 rencontrée dans trois des villes ou villages dévastés par les forces
5 croates sans aucune justification. Revenons à la carte 31, celle qui est la
6 dernière dans votre Atlas, et nous parlerons de la ville de Kistanje, à
7 environ 20 kilomètres au sud-ouest de Knin. Vous la voyez en vert sur cette
8 carte.
9 Avant l'opération Tempête, Kistanje c'était une ville pratiquement
10 exclusivement serbe. Il n'y avait presque pas de Croates qui y vivaient.
11 Des témoins vous diront que cette ville a été totalement incendiée,
12 détruite, pillée. Le 15e Régiment de la Garde nationale y est entré le 6
13 août 1995. Il y a un témoin qui a fait fi de l'interdiction de mouvements,
14 il vous dira que le pillage et les incendies ont commencé dès le 6 août.
15 Les observateurs internationaux le confirment, Kistanje a été tout à fait
16 détruite. A la date du
17 14 août, une patrouille des observateurs militaires des Nations Unies a
18 constaté que 90 % de la ville avait été incendié, détruit par le feu. Les
19 observateurs de la MOCE ont fait les observations identiques. Rapport de la
20 police civile des Nations Unies en date du 15 août, 90 % des maisons ont
21 été détruites par le feu et elles fumaient encore.
22 Enfin, parlons de Kistanje là où il y a un témoin international qui
23 dit : "Nous avons traversé cet endroit tout à fait détruit, il est encore
24 en feu, il n'y reste plus rien, il n'y a plus de personnes, il y a plus que
25 des soldats. Il n'y a plus d'animaux, rien. Mais ce que je sens c'est cette
26 odeur, cette odeur très forte des corps, des cadavres."
27 Deuxième endroit, vous en avez déjà entendu parler, Gracac. Carte 31.
28 Localité située à environ 40 kilomètres au nord-ouest. Elle est indiquée
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1 également ici au moyen de la couleur verte.
2 A Gracac, 85 % des bâtiments ont été détruits soit totalement, soit
3 en partie. Un témoin a constaté que Gracac avait non seulement été détruite
4 par les flammes, mais on pouvait voir que la ville avait été bombardée. Je
5 cite un extrait de la déclaration de ce témoin, je cite : "C'est la
6 première fois qu'il apparaissait manifestement qu'il s'agissait d'une
7 cible, parce qu'on trouvait des traces laissées par les obus d'artillerie
8 sur le sol, vers Gracac, beaucoup." Il est manifeste qu'il y avait eu des
9 bombardements, on n'avait pas vu ça à Kistanje. Donc contre Gracac ils se
10 sont servis de l'artillerie et on voyait également des roquettes. A ma
11 connaissance, il n'y avait rien qui présentait un intérêt militaire à
12 Gracac, c'était une ville comme les autres, une ville comme toutes ces
13 villes avec les mêmes maisons à toits rouges. Ils ont tout simplement
14 détruit cette ville tout comme ils avaient détruit Kistanje."
15 Je vais vous présenter quelques photographies qui ont été prises par
16 un journaliste qui va venir déposer, photographies prises le 8 août au
17 moment où la police spéciale était en train de se déplacer dans la zone ou
18 à peu près vers cette période. Nous voyons d'abord une maison en flammes
19 sur la route de Gracac, les témoins étrangers ont constaté que parfois les
20 maisons étaient incendiées ou complètement détruites par les flammes, et
21 voilà ce que ça veut dire.
22 Je vous montre une photographie qui nous montre ce que ça veut dire,
23 c'est la même maison que nous avons vue précédemment.
24 Ce même jour, les membres de la police spéciale ont été repérés alors
25 qu'ils se livraient à des pillages. Nous avons ici un membre des polices
26 spéciales qui est en train de faire démarrer un véhicule civil avec les
27 moyens du bord et qui ensuite s'en va fièrement au volant du même véhicule,
28 on le voit sur la photo suivante.
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1 Dernière photographie, c'est un membre des forces de police spéciale
2 qui est en train de charger un poste de télévision à bord d'un camion.
3 Gracac, c'est également un endroit où l'on trouve un cimetière où les
4 Serbes ont été enterrés même si les représentants de la communauté
5 internationale se sont vu interdit l'accès. On a pu voir des fosses
6 nouvellement creusées à cet endroit, de manière régulière.
7 Les témoins internationaux étrangers ont compté 81 croix à un moment
8 donné et sur seulement dix d'entre elles il y avait des noms. Des témoins
9 [comme interprété] qui sont pertinents à l'espèce ont été exhumés de ce
10 cimetière de Gracac.
11 Dernière ville que je souhaiterais évoquer, dernier village, dernière
12 localité, Otric. Vous en entendrez beaucoup parler dans cette affaire.
13 C'est une ville qui se trouve à 27 kilomètres au nord-ouest de Knin.
14 Cette localité se trouve sur la route qui va de Knin à Srb, et c'est
15 l'itinéraire qu'ont emprunté la plupart des civils lorsqu'ils ont fui cette
16 région. Otric a été totalement détruite. Une fois encore, nous avons
17 affaire à une localité où la majorité des habitants étaient des Serbes.
18 Les représentants de la communauté internationale ont dit la chose
19 suivante au sujet d'Otric dans les semaines qui ont suivi l'attaque : Le 11
20 août, la MOCE signale, je cite : "Toutes les maisons d'Otric ont été
21 détruites par le feu."
22 Quelques jours plus tard, nous sommes le 13 août, une des équipes des
23 associations de défense des droits de l'homme signale qu'à Otric,
24 notamment, "les conditions sont telles qu'il sera impossible de revenir
25 vivre dans cette ville après les combats." Ils indiquent également que "les
26 autorités ne prennent aucune mesure."
27 Vous entendrez un témoin nous expliquer que lorsqu'il est allé à
28 Otric le 16 août, la localité avait été "totalement détruite par les
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1 flammes," et que, je cite : "il ne restait pas une seule maison intacte."
2 Je voudrais ajouter, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
3 qu'il existe un certain nombre de documents des HV, des forces croates, qui
4 font référence à ces crimes. Je me servirai de deux seulement de ces
5 documents pour illustrer mon propos. Premièrement, nous avons un rapport du
6 commandant militaire de Split chargé des affaires politiques le 6 août. Il
7 parle de la manière dont les soldats de la région militaire de Split se
8 sont comportés envers les biens qui ne leur appartenaient pas au moment où
9 ils sont entrés à Knin. Il est indiqué également le 11 août dans le journal
10 opérationnel de la région militaire de Split, que, "à Otric, tout avait été
11 détruit par les flammes."
12 Je vais maintenant passer aux meurtres. Je souhaiterais maintenant
13 parler de tous ces civils qui ont été tués au cours de l'opération Tempête.
14 Les forces croates, lorsqu'elles entraient dans les villes et les villages
15 après les pilonnages s'attendaient à ce que la plupart des civils soient
16 partis. Et lorsqu'il restait des civils sur place, lorsqu'on les
17 découvrait, on les faisait prisonniers, on les intimidait, on les forçait à
18 partir. Certains ont été menacés physiquement ou au moyen d'armes. On leur
19 a donné l'ordre de partir. Sur d'autres on a ouvert le feu, on les a
20 blessés. D'autres encore ont été tués.
21 Quand les soldats croates entraient dans les zones urbaines, ils
22 allaient de maison en maison, ils ordonnaient les civils terrorisés de
23 sortir de chez eux et ils les escortaient par la force ou ils les
24 transportaient à l'extérieur de ces hameaux et de ces villages. Ces
25 personnes ainsi faites prisonnières ont été transférées vers des centres de
26 rassemblement ou placées en détention, l'objectif étant de les empêcher de
27 revenir chez elles. Ceux qui étaient allés se réfugier ailleurs et qui
28 essayaient de retourner chez eux ont été agressés et intimidés.
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1 Quant aux civils qui refusaient de partir, ils ont été tués par les
2 membres de la HV et des forces de polices spéciales sous les yeux mêmes de
3 leurs voisins ou des membres de leurs familles. Il arrivait parfois aux
4 auteurs de ces crimes d'en faire l'annonce publique afin que les autres
5 civils en soient bien conscients et qu'ils soient incités de la sorte à
6 s'enfuir.
7 Les soldats de la HV et les membres des forces de police spéciales,
8 lorsqu'ils entraient dans les villes, tiraient sur les maisons civiles,
9 mettaient le feu aux maisons civiles. Il est arrivé parfois que des
10 habitants brûlent vivants, brûlent vifs. Les soldats entraient dans les
11 maisons des personnes trop âgées pour avoir pu partir et ils les
12 agressaient, volaient leurs vivres, leurs bétails, les empêchant ainsi de
13 rester sur place.
14 L'Accusation va démontrer que plus de 350 civils ont été tués entre le 4
15 août et le 30 septembre 1995 dans les secteurs qui nous intéressent, dans
16 le secteur sud. Il y a huit de ces meurtres qui sont listés en annexe de
17 l'acte d'accusation, ou huit de ces incidents au cours desquels 29 civils
18 serbes ont été tués de manière illicite.
19 Dans votre classeur, à la carte 31 vous verrez huit de ces zones, de ces
20 lieux où des gens ont été tués. Je vais parler en détail de quelques-uns de
21 ces incidents.
22 On va commencer par le numéro 2. Ça se déroule dans la vallée de la
23 Plavno. C'est une zone qui a été touchée en tout premier lieu par
24 l'opération Tempête.
25 Le village de Plavno, c'est en fait plusieurs hameaux, dont un
26 s'appelle Djurici. Nous démontrerons que dans le matin du 5 ou du
27 6 août, ce hameau isolé a été touché par un certain nombre d'obus. Des
28 maisons ont été endommagées. Sept ou huit civils sont allés se réfugiés
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1 dans la cave de la maison de Sava Djuric. Sava Djuric, à l'époque, avait 53
2 ans. Il était infirme. Il est resté à l'étage dans la maison de sa mère.
3 Dans l'après-midi, un char croate est arrivé dans le hameau, les soldats
4 croates portaient des tenues de camouflage et des cagoules noires. Ils se
5 sont mis à mettre le feu aux maisons. Un des habitants de l'endroit que
6 vous entendrez ici même a demandé aux soldats pourquoi ils mettaient le feu
7 à sa maison. Le soldat a répondu que les Serbes, par le passé, avaient
8 incendié Kijevo, et que eux, maintenant, ils incendiaient ce hameau serbe.
9 Il faut savoir que Kijevo ça se trouve à 25 kilomètres de Djurici.
10 Mais les soldats ne se sont pas contenter d'incendier Djurici. Ils sont
11 entrés dans la maison de Sava Djuric et l'on contré, ainsi que sa mère, à
12 sortir de la maison. L'un des soldats a amené la mère qui était âgée de 82
13 ans le long de la route, alors que les autres soldats ont jeté, ont poussé
14 Sava Djuric dans l'atelier en flammes qui se trouvait derrière la maison,
15 dans la cour. On peut à ce jour encore voir ce qui reste de cette maison et
16 de cet atelier.
17 A l'écran, vous trouvez une photographie qui nous montre où se
18 trouvait l'atelier et là où on a trouvé la dépouille de Sava Djuric.
19 Autre lieu où ont eu lieu des meurtres et qui figure à l'acte
20 d'accusation en annexe, c'est Grubori. Ceci nous montre que ces meurtres
21 n'ont pas été simplement le fait des soldats de l'armée croate, mais aussi
22 de la police spéciale. Ici encore nous sommes dans la vallée de la Plavno
23 et vous voyez cet endroit indiqué sur la carte avec un 4 rouge.
24 Les membres des forces de police spéciales ont commis ce qu'on
25 appelle désormais le massacre de Grubori à cet endroit. L'une des victimes
26 civiles de ces massacres avaient 90 ans. En tout, cinq personnes ont été
27 tuées. Ce jour-là, il y avait sur place une équipe des Nations Unies armée
28 d'une caméra de télévision, et je voudrais vous montrer ce film.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps. Vous avez parlé de
2 meurtres à plusieurs reprises avec un adjectif. Je ne vous ai pas bien
3 compris. Qu'est-ce que vous vouliez dire exactement "a scheduled." En fait,
4 vous parlez de "scheduled killings," c'est-à-dire qui sont énumérés dans
5 les annexe de l'acte d'accusation. Veuillez nous montrer maintenant cette
6 vidéo. Vous avez fourni, j'imagine, aux cabines la transcription sur papier
7 de ce qui se dit dans cette vidéo.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "EJF : Nous nous sommes rendus hier dans la vallée de Plavno pour
11 rencontrer un groupe d'habitants dans une ville et nous avons constaté que
12 tout au long de la vallée, dans la vallée, il y avait une autre ville qui
13 était la proie des flammes. Il y avait un nuage de fumée qui se dégageait.
14 On s'est rendu dans cette ville pendant l'après-midi, on a constaté que
15 pratiquement tout ce qui se trouvait dans ce village à flanc de colline
16 était la proie des flammes.
17 RH : Les villages ont dit qu'on les avait convoqués à participer à
18 une réunion dans un village avoisinant, cette réunion n'a jamais eu lieu.
19 DG : On a attendu à l'école et personne n'est venu. Quand on a
20 regardé par là-haut, on à constaté que tout était en flammes. On est
21 revenu. Il n'y avait plus personne. Il n'y a plus de trace de ceux qui sont
22 restés sur place. On ne sait pas s'ils ont été brûlés vifs ou s'ils sont
23 partis. Je ne sais pas. Mon mari a disparu. Est-ce qu'il a été brûlé ? Ma
24 grand-mère aussi a disparu. Est-ce qu'elle a été tuée par les flammes ?
25 Elle est très vieille, elle ne pouvait pas partir en courant.
26 RH : Quand les flammes se sont éteintes, Dusanka et sa voisine ont pu
27 aller dans les maisons. Plus tard, elles ont montré aux équipes de
28 protection des droits de l'homme des Nations Unies où elles avaient trouvé
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1 leurs maris.
2 DG : Je vais vous montrer. Cette femme n'était pas là. Son mari était
3 malade, il était au lit. Quand on est arrivé, on l'a trouvé mort. C'est
4 tout ce que je peux vous dire. Il n'entendait rien, il était sourd.
5 Regardez, vous voyez ? Il a été abattu, on lui a tiré dans la tête."
6 M. WAESPI : [interprétation] De nombreux témoins viendront nous parler de
7 ces meurtres. On vous parlera également de tout ce qui a été fait pour
8 dissimuler ce qui s'était passé à Grubori, et qui ont [inaudible] notamment
9 de Cermak et Markac.
10 Autre exemple d'incident énuméré à l'acte d'accusation, c'est le numéro 7.
11 Vous verrez sur votre carte, l'endroit se trouve à
12 13 kilomètres au sud de Knin. Je souhaiterais vous présenter un certain
13 nombre de photographies qui vous permettront de vous faire une idée des
14 lieux.
15 Ici, nous avons à droite la route principale qui va à Knin. A droite,
16 on a l'usine de plâtre de Knin. A gauche, vous voyez le hameau de Sare qui
17 fait partie de la localité d'Uzdolje. C'est de ce nom que nous avons
18 baptisé l'incident figurant à l'acte d'accusation.
19 Cette photographie a été prise l'année dernière. La plupart des
20 maisons que vous voyez ici ont été reconstruites après la guerre. Au cours
21 du procès, vous verrez des images qui ont été filmées en 1997 et qui vous
22 montreront que la plupart des maisons à ce moment-là avaient été détruites.
23 Certains éléments du 142e Régiment de la Garde nationale sont arrivés sur
24 place le 6 août afin de faire la jonction avec des éléments de la 7e
25 Brigade des Gardes qui arrivait du sud de Knin. J'aimerais qu'on nous
26 présente la photographie suivante maintenant.
27 Lorsque les soldats croates sont entrés dans le hameau de Sare que vous
28 voyez à droite sur la photographie, dans la matinée du 6 août, il restait
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1 quelque dix civils dans ce hameau. Les soldats ont rassemblé tous les
2 civils à l'exception de l'un d'entre eux qui a pu aller se cacher dans les
3 bois, et il restait une femme infirme et invalide qui est restée chez elle.
4 Les soldats ont fait s'aligner les civils le long de la route et certains
5 ont été exécutés par les soldats qui se sont présentés à eux en disant
6 qu'ils étaient des Oustacha. Ceci s'est passé à côté de cet arbre que vous
7 voyez sur la photographie. Sept de ces civils ont été tués; une personne a
8 été blessée, a survécu, blessée à la tête et est allée se cacher dans les
9 bois. Quant à la personne invalide, elle a été brûlée vive dans sa maison.
10 Sa famille plus tard a pu récupérer ses ossements.
11 Pour en terminer, je souhaiterais donner une illustration aux chiffres et
12 aux faits que je vous donne au moyen de la carte. Pour mon intervention,
13 nous avons préparé sur cette carte des annotations qui vous montrent les
14 lieux où ont été perpétrés les crimes visés à l'acte d'accusation.
15 Avant de vous présenter toutes ces cartes, je voudrais vous dire d'où
16 viennent ces cartes que nous avons utilisées.
17 La première carte, c'est une carte que nous avons réalisée en nous servant
18 de quatre autres cartes. D'abord, vous avez la carte qui représente la
19 totalité de la zone, une carte que vous avez déjà vue précédemment. C'est
20 la marque 14 dans votre atlas, la carte signée de la main de l'accusé
21 Gotovina. Mais cette carte n'allait pas suffisamment au nord, elle ne
22 permettait pas d'inclure la totalité de la zone où est intervenue la police
23 spéciale sous le commandement de Markac, si bien que nous avons ajouté deux
24 cartes qui vous présentent les déplacements de la police spéciale au nord.
25 Afin de compléter cette carte, nous y avons inclus une partie d'une carte
26 de la FORPRONU, ceci au nord-est et au nord-ouest, afin de faire en sorte
27 que la totalité de la zone concernée soit bien présentée.
28 Nous vous présentons cette synthèse de carte, parce que les trois [comme
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1 interprété] cartes de base nous montrent les zones dont l'armée croate et
2 la force de police spéciale s'étaient emparées au moment où les crimes ont
3 été commis.
4 Deuxième carte, c'est une carte où l'on voit là où se sont déroulés les
5 incidents de destruction sans motif, meurtres, pillages, pour la période du
6 4 août au 30 septembre 1995. La légende en haut à gauche de la carte vous
7 explique ce que signifient les symboles utilisés. Le jaune nous indique les
8 meurtres, l'orange et le rouge nous indiquent les destructions sans motifs,
9 et le noir et rouge nous indiquent les pillages. De plus, en noir, nous
10 avons indiqué les endroits où la police spéciale a été repérée.
11 Comme je l'ai expliqué précédemment, au fur et à mesure des
12 opérations, la police spéciale est entrée dans la zone de responsabilité de
13 la région militaire de Split. Ils sont entrés à partir du nord et se sont
14 déplacés vers le sud.
15 Sur la troisième carte, on trouve les mêmes informations, mais nous
16 avons superposé la zone de responsabilité de la région militaire de Split.
17 C'est, je pense, la meilleure façon de vous présenter le caractère
18 systématique et généralisé des crimes qui ont été commis par les forces
19 croates dans le cours de l'opération Tempête et à la suite de cette
20 opération, ceci pendant une période assez brève et sur un territoire
21 relativement limité.
22 Il faut bien que vous sachiez, Madame, Messieurs les Juges, que pour
23 chacun de ces symboles nous avons sur le terrain des crimes atroces qui ont
24 été commis, des personnes qui ont perdu la vie, c'est une communauté
25 entière qui a été détruite.
26 La quatrième et toute dernière carte vous présente les lieux où ont
27 été commis des exécutions, mais nous avons ajouté également le nombre de
28 personnes tuées à chacun de ces endroits, 50 au total. Peut-être pouvons-
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1 nous agrandir un peu la carte à l'écran.
2 Je le répète - et c'est sur ceci que j'en terminerai de mon
3 intervention - nous n'avons ici fait le décompte que des victimes civiles.
4 Merci.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Waespi.
6 Avant de poursuivre, j'ai des questions au sujet des cartes que nous avons
7 dans notre liasse. J'ai remarqué, par exemple, la carte 9 et beaucoup de
8 cartes à partir du numéro 16, ce sont des cartes qui sont des projections,
9 mais pas à un angle de 90 degrés, à un angle différent. Si on compare, par
10 exemple, la carte 2 et la carte 4, on voit que la forme des municipalités
11 sur la carte est un peu différente de l'une à l'autre. Les cartes, c'est un
12 outil extrêmement utile pour calculer les distances, pour procéder à tout
13 type d'évaluation, mais avec le type de carte que vous avez produit ainsi,
14 on a du mal à se faire une idée des proportions, puisque les distances ne
15 sont pas les mêmes sur l'axe horizontal et sur l'axe vertical. Donc j'ai
16 l'impression que l'on nous présente des cartes qui sont un petit peu
17 déformées par rapport à la réalité, et moi-même, je crois que je parle ici
18 au nom également de mes collègues, nous préférerions avoir des cartes
19 classiques qui nous permettent de calculer les distances plutôt que d'avoir
20 une carte un petit peu impressionniste, extrêmement sophistiquée, mais qui
21 nous empêche de nous faire une idée réelle des distances.
22 M. WAEPSI : [interprétation] Merci de cette remarque. Nous sommes, bien
23 entendu, conscients de ces préoccupations, parce que vous, vous vous étiez
24 manifesté dans le même sens dans d'autres procès. C'est pourquoi il y a
25 dans notre liasse d'autres cartes, qui elles, sont beaucoup plus précises
26 et qui vous permettent de faire des mesures. La dernière carte, par
27 exemple, nous reprend tout à fait justement et exactement les proportions -
28 -
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ça ne concerne pas la totalité
2 de la zone.
3 M. WAESPI : [interprétation] Mais il y a d'autres cartes qu'on pourra vous
4 présenter --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On ne va pas trouver une solution à
6 cette question tout de suite, mais je voulais simplement vous signaler la
7 chose. On a besoin de prendre des mesures sur une carte classique.
8 M. MISETIC : [interprétation] Je me permets d'intervenir pour préciser que
9 Me Waespi a parlé de la deuxième, de la troisième et de la quatrième carte,
10 je ne trouve pas cela --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, c'était un travail
12 de synthèse qui prend en compte plusieurs cartes.
13 M. WAESPI : [interprétation] Oui. C'était uniquement à titre
14 d'illustration.
15 M. MISETIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourra utiliser ces cartes
16 demain ?
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous posez la question à M. Waespi,
18 je suis sûr qu'il sera fin prêt à vous les fournir.
19 M. WAESPI : [interprétation] Tout à fait.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette question des cartes, nous y
21 reviendrons plus tard pour trouver une solution.
22 Monsieur Tieger, après la pause que nous allons bientôt faire, de combien
23 de temps aurez-vous encore besoin ?
24 M. TIEGER : [interprétation] J'aurai besoin de tout le temps qui reste
25 jusqu'à la fin de l'audience, même au rythme assez soutenu que j'ai adopté.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, nous allons faire
27 une pause jusqu'au 12 heures 20, c'est-à-dire qu'il vous restera ensuite
28 une heure 25, Monsieur Tieger.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Merci beaucoup.
2 --- L'audience est suspendue à 11 heures 55.
3 --- L'audience est reprise à 12 heures 22.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant la pause, page 35, ligne 13,
5 j'avais dit que j'appréciais les relations formelles existant entre les
6 conseils et nous. C'était, bien sûr, des relations informelles, les bonnes
7 relations de travail. Je tenais à préciser.
8 Vous avez la parole, Monsieur Tieger.
9 M. TIEGER : [interprétation] Merci.
10 Vous avez maintenant appris que la destruction de la communauté serbe avait
11 commencé avec l'arrivée de l'armée croate et des forces de la police
12 spéciale, présence qui s'était poursuivie pendant la semaine. J'avais dit
13 ce qu'avait commenté un témoin international : "C'est vraiment quelque de
14 criminel. Est-ce qu'on pouvait y faire quelque chose ?" Réponse : Non, mais
15 ceux qui avaient la responsabilité au nom de la loi de le faire n'ont rien
16 fait, en dépit de la connaissance de l'occurrence probable de ces crimes et
17 de leurs poursuites.
18 Je sais que la Chambre a connaissance des responsabilités incombant à un
19 supérieur hiérarchique. Je ne m'attarderai donc pas sur ce point, je vais
20 simplement effleurer certains points. Le droit estime que les mesures à
21 prendre soient responsables et nécessaires, l'obligation d'un commandant
22 pour empêcher et punir ceux qu'il contrôle effectivement. Ce sont deux
23 devoirs distincts dont on ne s'acquitte pas simplement sous forme d'ordre
24 généralisé ou sous forme de mise en garde lorsque se présentent des
25 circonstances particulières qui font que cette responsabilité générale
26 devient insuffisante.
27 L'obligation d'agir de la part d'un commandant, elle existe lorsqu'il sait
28 ou a des raisons de savoir qu'un crime est sur le point de se commettre.
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1 Mais ça ne veut pas dire qu'il doit en connaître le menu détail de cette
2 infraction qui est sur le point d'être commise ou qui se produit. Un
3 commandant a l'obligation d'agir lorsqu'il y a des informations générales à
4 propos d'actes illégaux qui sont sur le point de se produire ou se sont
5 produits et il est obligé de prendre des mesures.
6 Par exemple, ce Tribunal a dit qu'un commandant qui a reçu des informations
7 disant que certains de ses subordonnés ont un tempérament violent,
8 instable, sont prônes à la boisson ou boivent avant une mission, ce
9 commandant a l'obligation d'agir. Il ne peut pas non plus s'abstenir ce
10 commandant le recours à des moyens nécessaires pour obtenir ces
11 informations, puis s'en sert comme prétexte après, comme excuse pour dire
12 qu'il n'avait pas ces informations.
13 La Chambre va l'entendre, ces trois avaient amplement de raisons de savoir
14 avant l'opération qu'il y avait de forts risques que ces crimes soient
15 commis et qu'ils se répétaient après cette opération. Le fait qu'il n'a pas
16 agi ou qu'ils ont simplement donné des ordres généralisés dont on savait
17 que ces rappels étaient inadéquats. Ils n'ont pas empêché, ils ont manqué à
18 l'obligation de discipliner et de punir, ce qui fait que peu à peu les
19 effets dissuasifs de ces sanctions générales se sont amoindris, c'est un
20 cercle vicieux.
21 Quand on voit les moyens d'exécution qu'ils avaient à leur
22 disposition, aucun de ceux-ci n'a vraiment été utilisé. Les résultats, on
23 les voit à maints égards. Les rapports d'activités de la police militaire,
24 de la police criminelle militaire, d'août 1995 qui traduisent ou ce rapport
25 traduit un niveau d'activités pour la région militaire de Split qui est le
26 même niveau pour le mois précédent ou le mois d'août de l'année précédente.
27 Autrement dit, comme si tous les crimes généralisés et de grande ampleur de
28 ce mois-là ne s'étaient pas passés. D'autres chiffres vous montreront que
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1 la justice n'a pratiquement diligenté aucune instruction, aucune enquête,
2 début septembre, au mois d'août et les chiffres que nous avons pour la
3 région militaire en matière de discipline, nous avons pratiquement le même
4 état des lieux, à savoir qu'aucune mesure ni de poursuites disciplinaires
5 n'a été déclenchée qui soit de taille, qui soit significatif, en tout cas,
6 vu le grand nombre de crimes commis, sachant, bien sûr, que ce système
7 disciplinaire n'est pas le moyen d'exécution primaire, mais le tableau est
8 clair. Il ne se passait pas grand-chose de ce côté-là. Et quand on voit la
9 disparité qu'il y a entre ce qui s'est fait pour punir et ce qui s'est
10 passé sur le terrain, cela montre aussi ce que les accusés savaient à
11 l'époque, ce qu'ils ont fait.
12 Il y a aussi un chevauchement entre les accusés, mais j'aborderai la
13 question de chaque accusé.
14 Le général Gotovina, il était commandant, vous le savez, de la région
15 militaire de Split pendant toute la période couverte par l'acte
16 d'accusation. Manifestement, le système de direction et de contrôle
17 fonctionnait bien dans cette région. D'ailleurs, le général Gotovina les
18 félicite et s'en félicite, notamment dans ce livre dont vous avez entendu
19 parler. Effectivement, il avait le contrôle effectif de jure de ses
20 effectifs, il pouvait donner des ordres à la police militaire. Il pouvait
21 diriger ses troupes. Il avait accès constant aux informations sur le
22 terrain et des mécanismes amplement suffisants pour veiller à l'exécution
23 de ses ordres. Il s'est lancé dans d'autres opérations, dans d'autres
24 offensives pendant la période et n'a pas abandonné son commandement, ses
25 responsabilités. Il a continué de donner des ordres même quand il était
26 physiquement en dehors de cette zone de responsabilité et il était
27 responsable du comportement de ses soldats.
28 Il a ordonné la réorganisation de ses quatre groupes opérationnels en
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1 trois groupes et ordonné que ses unités soient utilisées par assurer la
2 sécurité et le nettoyage des zones pendant les opérations ainsi que la
3 préparation des ordres pour les opérations se déroulant dans l'est. Vous
4 entendrez des témoignages montrant que beaucoup de soldats sont restés dans
5 cette région militaire de Split et se sont livrés aux crimes dont vous avez
6 entendu parler, dont vous allez entendre parler.
7 De plus, il était souvent présent pendant cette période couverte par
8 l'acte d'accusation en septembre, il a passé beaucoup de temps à Knin, mais
9 aussi à Zadar. Il aurait été impossible de ne pas voir de ses propres yeux
10 les crimes qui se produisaient à ces endroits.
11 Le général Gotovina, à l'instar d'autres, avait connaissance de
12 risques de rétribution de la part de ses soldats au début. Il connaissait
13 la propension de ses soldats à se livrer à ce genre de crimes. Tout ça a
14 déjà été dit. Il y avait beaucoup de soldats qui étaient de la région et
15 qui rentraient dans des endroits où ça avait été des endroits qu'ils
16 percevaient comme étant des lieux de souffrance pour eux, et leur attitude
17 à l'égard des Serbes ou des Chetniks, on pouvait la prévoir, hélas.
18 Effectivement, il a dit au président Tudjman le 31 juillet, je cite : "Les
19 forces qui vont vers Knin sont 400 soldats d'infanterie de bonne qualité du
20 3e Bataillon, du 126e Régiment qui sont de la région et qui connaissent la
21 région comme leurs poches. Ils ont des raisons de combattre là et pour le
22 moment il est difficile de les maîtriser."
23 Il a effectivement expliqué à des personnes représentant la
24 communauté internationale que c'était un sentiment humain que de haïr un
25 ennemi qui a brûlé, qui a pillé des maisons, qui a chassé sa famille. C'est
26 une explication donnée pour la commission de ces crimes. Gotovina et les
27 autres commandants de l'opération Tempête le savait. Ce n'était pas un
28 secret pour eux. Ils ont envoyé dans la région des hommes qui percevaient
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1 cette région comme étant un lieu où on avait fait du mal à eux-mêmes et à
2 leurs familles. Déjà cette raison à elle seule était suffisante pour
3 nécessiter de la part du général Gotovina davantage que les avertissements
4 habituels qui sont mentionnés par le droit humanitaire international et par
5 les conventions de Genève. Mais je vais plus loin, parce que quelques jours
6 avant l'opération, les soldats avaient commis les mêmes crimes que ceux
7 qu'ils étaient sur le point de commettre au cours de cette opération
8 Tempête.
9 Je vais lire un extrait d'un rapport du 13 août, police militaire, je
10 cite : "Le lendemain, des membres de la 4e Brigade de la Garde et de la 7e
11 Brigade de la Garde de l'armée croate, ainsi que certains groupes qui sont
12 venus dans la zone de Grahovo, des environs, ont commencé à mettre le feu
13 aux maisons de Grahovo et des villages environnants de façon organisée."
14 Activité qui se traduit également dans le journal de la région
15 militaire de Split, juillet 29, on dit que tout Grahovo est en proie aux
16 flammes.
17 Il savait qu'il envoyait sur le terrain des hommes armés, un terrain
18 où ils étaient déjà enclins et prédisposés à commettre des crimes contre
19 les Serbes. Connaissant cette propension, les mesures raisonnables et
20 nécessaires qu'il aurait dû prendre, allaient et de loin au-delà des
21 instructions habituelles concernant le respect du droit international. Il
22 fallait des mesures vigoureuses et précises, par exemple, enquêtes
23 immédiates, mises en détention, mises à pied, détention. Voilà,
24 manifestement, c'était raisonnable mais aussi nécessaire. Or, il ne les a
25 pas prises. A plusieurs reprises il s'est borné à leur donner des rappels,
26 des normes habituelles, passe-partout comme le fait de donner des
27 instructions aux unités pour leur rappeler leurs obligations en vertu des
28 conventions de Genève ou des avertissements généralisés pour empêcher
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1 pillage et incendie volontaire.
2 Donc c'était très prévisible que ceci aurait donné comme résultat.
3 Vous avez entendu parler des incendies volontaires, il en était au courant
4 comme on a vu sur ces images où, par la réunion du
5 6 août, cette vidéo au cours de laquelle il se plaint du fait que les hauts
6 dignitaires et les médias sont sur le point d'arriver sur place et que
7 c'est un foutoir. Puis il qualifie ses hommes de barbares ou d'enfants
8 gâtés, mais il ne donne aucun ordre pour que ces soi-disant "barbares" ou
9 enfants gâtés fassent autre chose ou soient réprimandés.
10 Dans de telles circonstances, les crimes se sont poursuivis alors
11 qu'il avait amplement des raisons de savoir et savait d'ailleurs, tout ceci
12 est en train de se passer.
13 M. Waespi vous l'a dit, ces crimes se produisaient tous les jours, et
14 la preuve de ces faits, tout le monde l'avait. Un témoin vous l'a dit ou le
15 dira, l'a écrit d'ailleurs : "La férocité, la systématicité de
16 l'instruction insensée rappelle l'exorcisme médiéval des esprits serbes
17 qu'on essayait d'extirper même de la charpente du moindre bâtiment ou de la
18 moindre grange. Aucun village n'a été épargné."
19 Il avait connaissance, tout le monde avait connaissance de ce qui se
20 passait.
21 Nous avons suffisamment d'extraits du journal opérationnel de la région
22 militaire de Split qui répertorie dans l'ordre chronologique ces exactions.
23 M. Waespi vous en a donné une. En voici juste une de plus.
24 Le 10 août : "Tout est pillé. Le problème c'est le pillage." Le 14 :
25 "L'incendie des maisons, le fait de tuer le bétail se poursuit." Le 19 :
26 "Le problème, c'est le 6e Régiment de la Garde nationale qui brûle les
27 maisons à Rasanovci." Au-delà de ces observations, nous avons un exemple du
28 rapport du coordinateur de l'administration politique de la région
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1 militaire de Split en date du 13 août, je cite : "Ça devrait être noté que
2 le plus grand nombre d'incendies se produisent un jour ou deux après
3 l'arrivée des unités de l'armée croate dans des villages qui viennent
4 d'être libérés. Des cas d'incendies volontaires sont le plus souvent le
5 fait de membres des régiments de la Garde nationale qui sont des personnes
6 déplacées venant des régions récemment libérées. On force de supposer que
7 leur motivation c'est la revanche."
8 Madame, Messieurs les Juges, mis à part les éléments de preuve manifestes
9 et visibles pour ceux qui se trouvaient dans la région, tout le monde dans
10 les structures militaires savait que ces crimes se produisaient et se
11 poursuivaient.
12 Une fois de plus, alors qu'ils se poursuivaient ces crimes, le général
13 Gotovina a pris d'autres mesures que ses interdictions généralisées déjà
14 mentionnées.
15 Le 10 août, il donne un ordre à deux des quatre groupes opérationnels afin
16 qu'ils fassent régner la discipline militaire, l'ordre, empêche les
17 incidents volontaires et d'autres actes illicites et de prendre des mesures
18 vigoureuses à l'encontre de ceux qui se sont livrés à ce genre de
19 comportement. Rappel des devoirs revenant manifestement à ses commandants,
20 puisqu'on ne les avait jamais pris en compte avant ils ont été là aussi
21 ignorés.
22 Monsieur, le général Gotovina a une réaction très révélatrice face à ces
23 crimes une semaine plus tard le 16 août.
24 Il note une fois de plus, vu que bien sûr il est interdit d'incendier les
25 maisons et qu'il faut prendre des mesures. Quelles sont les mesures
26 concrètes qu'il propose, je cite : "Les unités qui brûlent les maisons
27 resteront pendant l'hiver dans les maisons qu'ils vont brûler maintenant."
28 Ça vient à dire qu'ils devront s'accommoder du désordre qu'ils causent.
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1 Un commandant a l'obligation de prendre des mesures pour veiller à
2 l'exécution des mesures, sinon, elles ne veulent rien dire. Au contraire,
3 si on sanctionne automatiquement, c'est un signal lancé aux effectifs, aux
4 soldats qu'ils vont être punis, sinon, ce n'est pas le cas. L'obligation
5 d'agir, c'est tout particulièrement significatif quand toute une communauté
6 est détruite de façon pratiquement systématique et sur une longue période
7 de temps.
8 M. Waespi a parlé des meurtres, du nombre de civils serbes qui ont
9 été tués pendant la destruction de leur communauté. Mais c'est seulement au
10 moment où les pressions internationales s'accroissent, bien des semaines
11 plus tard, qu'on commence à mener des enquêtes sur ces victimes. Alors
12 qu'on le savait beaucoup plus tôt, dès que les soldats qui entraient dans
13 ces zones étaient là. Le général Cermak le dit au président Tudjman
14 d'ailleurs, quand il lui explique ce qui s'est passé, je cite : "Vous aviez
15 des combattants sur la ligne de front pendant trois, quatre ans. Ils ont
16 perdu leurs maisons, la terre de leurs ancêtres. Ils sont déjà un peu
17 marteau du coup du syndrome de Vietnam, et maintenant, vue leur état ils
18 tuent."
19 On pouvait s'imaginer - il ne faut pas grand clerc pour s'imaginer le
20 risque considérable de rétribution qu'il y avait en l'absence de mesures
21 concrètes pour empêcher ou réprimer ce genre de chose. Nous avons des
22 interventions ou des observations des moyens internationaux, que ce soit
23 les témoins directs ou les médias qui, après le début de l'opération,
24 parlent des crimes qui commencent à se produire.
25 On fait le décompte. Il y maintenant pratiquement 100 personnes.
26 Mis part les éléments de preuve que vous allez entendre, qui montrent
27 le grand intérêt porté par les autorités militaires et politiques croates
28 quant à la possibilité d'être livrées aux médias et le fait qu'ils
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1 s'inquiètent de savoir ce que disent les médias, ceci nous intéresse
2 beaucoup pour ce qui est du rapport de M. Roberts. Début septembre, le
3 général Gotovina, lors d'une réunion qu'il a avec le commandant du secteur
4 de l'UNCRO, menace de faire exécuter Roberts parce que c'était un espion ou
5 un agent provocateur. Et Roberts, dans un article, est présenté par le
6 général Cermak comme étant quelqu'un qui a toujours parlé négativement de
7 la Croatie.
8 Mais Gotovina, Cermak, mais aussi Markac, n'ont pas besoin des médias
9 pour savoir que les civils serbes sont tués en masse. Le 19 août, par
10 exemple, Cermak rencontre l'équipe d'enquête de la fédération d'Helsinki
11 pour les droits de l'homme et parle des exécutions sommaires. Sa réponse
12 est ceci, je cite : "Il y a" - là je cite le rapport - "il y a sans doute
13 200 ou 300 corps dans les collines la tête traversée d'une balle."
14 On demande d'autres informations, rien ne vient. Quand on a demandé
15 davantage d'informations, bien, il n'en a pas donné.
16 Donc ces accusés n'avaient pas besoin des médias pour savoir qu'on est en
17 train de tuer des civils serbes. Ces corps n'étaient pas cachés et
18 découverts bien des années plus tard, à la surprise de tout le monde. Ces
19 corps étaient collectés de façon officielle et comptés de façon
20 quotidienne. Les généraux Gotovina, Cermak et Markac le savaient. Pourquoi
21 ? Parce que c'est eux qui ont créé ces groupes chargés de chercher ces
22 cadavres. M. Cermak l'a fait dès qu'il est arrivé à Knin, et Gotovina l'a
23 fait le 11 août.
24 Dans un ordre d'attaque de ce général, il a été prévu que de tels groupes
25 allaient travailler de concert avec la police civile. Cela s'est produit,
26 en effet. Ces groupes chargés des ratissements [phon] de terrain -- de
27 ratissage de terrain, ont fait des rapports quotidiens qu'ils envoyaient à
28 la police, mais aussi au chef de la police criminelle de Zadar. Donc
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1 c'était une des directions de police qui figurent dans l'ordre du général
2 Gotovina, donc ils informaient du progrès du ratissage. Le général Cermak
3 recevait de façon quotidienne des rapports portant sur les corps retrouvés.
4 Je vais vous montrer un exemple d'un rapport, un rapport qui a été fait le
5 9 août à Zadar où on parle de ces corps, les corps qui ont été collectés.
6 C'est cela le genre d'information qui était disponible concernant le nombre
7 de civils tués. Vous avez entendu les statistiques définitives. Plus que
8 350 personnes. Mais je pense que nous allons prouver qu'il y a eu encore
9 davantage de civils qui ont été tués au cours du mois d'août et le mois de
10 septembre qui sont les périodes couvertes par l'acte d'accusation.
11 Bien, la Défense dans son mémoire préalable au procès a affirmé que le
12 général Gotovina faisait confiance aux informations qu'il indiquait, que
13 les autorités civiles et militaires, la police militaire, y compris,
14 prenaient les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre et la discipline
15 dans les zones libérées. Tout d'abord, aucun commandant ne peut échapper à
16 sa responsabilité fondamentale et essentielle, à savoir de contrôler ses
17 hommes en sachant que d'autres personnes qui peuvent le faire effectuent
18 ces contrôles. Non, la responsabilité de contrôler ses hommes incombe avant
19 tout au commandant, et la raison de cela est, comme vous allez l'entendre,
20 que si le supérieur hiérarchique ne le fait pas, bien, on peut faire très
21 peu de chose pour pallier au problème.
22 Le général Gotovina savait très bien que les autorités civiles et
23 militaires n'étaient pas en train de s'occuper des crimes. Il avait devant
24 ses yeux les preuves de ce que font ses soldats. Mais je voudrais parler un
25 peu de la police civile et de la police militaire - peut-être que je parle
26 trop vite.
27 Tout d'abord, tout le monde savait qu'on allait avoir besoin d'un
28 petit peu de temps pour mettre en place les autorités civiles. Comme le
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1 président Tudjman a dit, l'armée peut-être ne peut pas tout faire, pas tout
2 ce que les autorités civiles peuvent faire, mais en tout cas, "ils peuvent
3 maintenir la paix pendant cette période de transition."
4 Le général Gotovina le savait. Il a dit aux représentants de la
5 communauté internationale lors d'une réunion qui a eu lieu le 8 août, que
6 le gouverneur militaire allait rester à Knin jusqu'au moment où les
7 autorités civiles ne soient établies. Le général Cermak est resté là
8 jusqu'au mois de novembre.
9 Il était aussi clair qu'il ne serait pas en mesure de faire face au
10 nombre de crimes qui ont été commis par des soldats. Tout simplement ils
11 n'étaient pas équipés de le faire. Ils n'avaient pas suffisamment
12 d'autorité pour le faire. La police civile ne pouvait pas s'en occuper, pas
13 toute seule. Pour terminer, la police civile répondait aux ordres du
14 général Cermak et exécutaient ses ordres.
15 Ensuite, les commandants serbes qui se trouvaient dans cette zone, et
16 dans cette zone il y avait des dirigeants serbes qui correspondaient à un
17 ordre constitutionnel d'avant, bien, ils n'avaient pas vraiment l'autorité.
18 Ceux qui avaient l'autorité, qui avaient une certaine autorité se
19 trouvaient à Zadar et à Zagreb, comme je l'ai dit, et aussi il y avait le
20 général Cermak.
21 Mais ce qui est peut-être encore plus important, c'est qu'il y avait
22 beaucoup plus de militaires que de policiers civils. La police civile avait
23 peur de se mêler aux affaires de ces soldats non disciplinés et armés. Il y
24 a plusieurs rapports qui illustrent cela. Je vais en citer quelques-uns.
25 Après avoir des informations indiquant que les membres de l'armée croate
26 incendient des maisons et tuent le bétail, le chef de la direction de la
27 police de Lika et de Sinj écrit, je cite : "Au cours des entretiens avec
28 différents officiers, ils ont dit qu'ils ne peuvent rien faire pour
Page 487
1 résoudre ce problème."
2 De façon semblable, l'adjoint du ministère de la police a
3 écrit : "Il est clair, d'après ce rapport, qu'on est en train d'incendier
4 de façon quotidienne les maisons et qu'on procède au pillage. Les auteurs
5 de ces crimes sont pour la plupart les membres de l'armée croate ou ceux
6 qui l'avaient été. Et ceux qui ne le sont pas utilisent les uniformes de
7 l'armée croate. Je pense que vous allez comprendre que la police civile
8 fait face à des problèmes énormes, 'le fait que les auteurs de ces crimes
9 portent des uniformes de l'armée croate bloque complètement le travail de
10 la police civile.'"
11 Donc même cela, en soit, rendrait tous les efforts de la police
12 civile complètement inadéquats. Mais les ressources qu'ils avaient étaient
13 complètement limitées, d'ailleurs ils ne les utilisaient pas pour protéger
14 les Serbes qui restaient, mais pour les assembler et pour les interroger.
15 Il s'agissait de l'opération Retour. La priorité de cette opération était
16 de retrouver toutes les personnes suspectées d'être des criminels de
17 guerre, autrement dit, cela veut dire chaque homme apte à combattre de les
18 placer dans des centres de réception, soi-disant pour leur propre sécurité,
19 ensuite de procéder aux opérations d'assainissement.
20 Donc on savait que les ressources étaient employées à cette tâche, ce
21 n'était pas un secret. C'était quelque chose qui était prévu avant que
22 l'opération ne commence, cela figure dans l'ordre préparatoire de
23 l'attaque, l'ordre du général Gotovina.
24 Brièvement, le manque d'efforts de la police civile a contribué à
25 cette ambiance d'impunité quand il s'agit de crimes commis contre les
26 Serbes pendant cette période. Cette impunité est devenue chose officielle à
27 partir de la date du 18 août pour le personnes qui avaient commis des
28 crimes jusqu'à cette date-là. Je vais vous donner lecture d'un ordre
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1 chiffré venu de l'assistant du ministre de l'Intérieur adressé aux
2 administrations de police. Tout d'abord, il parle des maisons qui ont été
3 incendiées, ensuite il dit, la plupart de ces actes ont été perpétrés par
4 les membres de l'armée croate. Ensuite il constate que les destructions ont
5 pris de telles proportions que cela nuit politiquement à la République de
6 Croatie. Ensuite il dit que les chefs des postes de police doivent
7 immédiatement organiser des réunions avec les chefs de la police militaire
8 pour les informer du problème. Donc à partir du moment où c'est la
9 République de Croatie qui en pâti, bien il faut faire quelque chose.
10 Ensuite il dit : "Lors de cette réunion, il faut informer les participants
11 de la décision qu'en cas d'incendie de maisons ou de pillages illégaux de
12 biens, ne feront pas objet d'enquête opérationnelle, mais ceci doit prendre
13 fin immédiatement."
14 Autrement dit, la police civile a été instruite de ne pas faire
15 d'enquête au sujet des crimes commis jusqu'à ce moment-là, alors que la
16 plupart des biens ont été déjà pillés, volés, incendiés et de nombreux
17 civils ont été tués. Donc ceci ne montre pas seulement que la police ne
18 pouvait rien faire, mais c'était un signal supplémentaire qui a été envoyé
19 pour démontrer que les dirigeants, les officiers militaires ne font rien
20 pour empêcher cela. La police civile ne faisait rien, les militaires ne
21 faisaient rien, mais je veux parler aussi de la police militaire, personne
22 n'a rien fait pour arrêter ces crimes.
23 Le général Gotovina parle de la police militaire, il dit qu'il
24 comptait sur eux, sur leur travail. Mais il existe trois raisons pour
25 lesquelles aucun supérieur hiérarchique ne peut oublier sa responsabilité.
26 Tout d'abord, il a la responsabilité ultime de diriger, contrôler ses
27 unités, cela lui appartient, cette responsabilité, à personne d'autre.
28 Ensuite, il savait que la police militaire n'enquêtait pas sur ces
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1 crimes. Et troisièmement, la police militaire était un organe qui dépendait
2 de son contrôle opérationnel.
3 Le commandant, de toute façon, c'est la personnalité-clé responsable
4 de ces troupes qui doit contrôler ces troupes. Et s'il ne le fait pas,
5 bien, vous ne pouvez pas le faire par le biais de mécanisme accessoire. Je
6 vais vous illustrer cela par la citation d'un officier de haut rang de la
7 police militaire, qui a dit justement cela le 3 août quand il a parlé des
8 missions de la police civile, de la police militaire, il a dit donc en
9 parlant de la réunion qui a eu lieu la veille avec les officiers importants
10 - et d'ailleurs le général Gotovina a assisté à cette réunion - il a dit :
11 "Il a été dit aux commandants des unités de l'armée croate qui sont
12 responsables personnellement de la discipline de leurs subordonnés, car
13 sans cela, même un plus grand nombre des policiers militaires ne sauraient
14 maintenir la discipline."
15 Donc quand on parle du fait qu'il était su que la police militaire
16 n'était pas en mesure de faire face au problème et qu'il fallait que le
17 général Gotovina fasse quelque chose, bien, le général Gotovina, mis à part
18 le fait qu'il a vu ce crime, qu'il a pu constater ce crime lui-même, il en
19 a été aussi informé. C'est important de le dire. Voici un rapport, un
20 rapport qui a été envoyé aux commandants des districts militaires, des
21 régions militaires, y compris le général Gotovina. Il s'agit d'un rapport
22 du 17 août, à nouveau on parle des maisons incendiées, des vols, des actes
23 illégaux commis par les soldats croates de façon quotidienne. Dans ce
24 communiqué, on dit que la coopération entre la police militaire et la
25 police civile sur les territoires libérés jusqu'à cette date-là n'a pas
26 porté de résultats.
27 Ensuite, le troisième élément qui, d'après lequel le général Gotovina ne
28 pouvait pas excuser ce qu'il faisait en montrant du doigt la police
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1 militaire et le fait qu'en montrant du doigt la police militaire, il se
2 montre du doigt lui-même, puisque police militaire lui a été subordonnée et
3 il avait les contrôles effectifs et quotidiens de la police militaire. En
4 ce qui concerne les règles du fonctionnement et de la structure de la
5 police militaire, ces règles prévoient que la direction de la police
6 militaire, sa hiérarchie effectue son contrôle sur la police militaire.
7 C'est un contrôle vertical. Mais dans l'article 9, il est prévu de façon
8 expresse que les commandants des régions militaires vont assurer un
9 contrôle direct de la police militaire pour pouvoir les envoyer là où ils
10 en ont besoin au moment où ils en ont besoin. Et ceci est illustré dans un
11 ordre qui vient du chef de la police militaire où l'on peut lire : Les
12 chefs des bataillons de la police militaire sont subordonnés pour les
13 actions quotidiennes aux commandants des régions militaires de l'armée
14 croate.
15 Donc, Monsieur le Président, après qu'il ait amené ces mêmes troupes, les
16 troupes qui avaient déjà commis des crimes, il était tout à fait plausible
17 qu'ils allaient à nouveau se livrer à des crimes. Le général Gotovina n'a
18 fait rien d'autre mis à part quelques ordres insignifiants qu'il a émis
19 pour rappeler ses subordonnés de leurs obligations. D'ailleurs, ils ont
20 ignoré cette obligation et ils ont poursuivi à les faire. Dans ces
21 circonstances où vous avez de façon quotidienne des crimes à grande chaîne
22 qui sont commis, le fait qu'il n'ait pas pris de telles mesures ne
23 correspond pas seulement au fait de ne pas faire exercer son autorité et
24 son contrôle, mais cela montre qu'en réalité il l'acceptait et il était
25 d'accord avec la commission de ces crimes. Tout cela résulte que les
26 représentants de la communauté internationale sont arrivés à la conclusion
27 que les officiers étaient tout à fait d'accord avec cela.
28 Mais Gotovina n'était pas le seul qui était là. Le général Markac était là.
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1 C'était un associé du président Tudjman, son collaborateur de long terme et
2 aussi une figure militaire et politique. Le général Cermak n'a pas
3 participé à la planification de l'opération Tempête depuis le début, mais à
4 partir de la date du
5 5 août, il a été nommé au poste de chef de garnison de Knin. Tudjman a dit
6 lui-même qu'il l'a envoyé là-bas pour faire de l'ordre.
7 Donc en ce qui concerne les pouvoirs du général Cermak, il était là
8 pour maintenir la discipline et l'ordre, il avait aussi une certaine
9 autorité de par son grade très élevé aussi, était-il aussi envoyé
10 directement en tant qu'émissaire du président Tudjman pour prendre les
11 choses entre ses mains. Les représentants de la communauté internationale
12 considéraient que le général Cermak était le gouverneur militaire de la
13 zone. C'est l'expression, le titre, qu'ils utilisaient à chaque fois qu'ils
14 parlaient de lui et il ne les a jamais corrigés puisqu'il avait en effet ce
15 rôle.
16 Il n'était pas un commandant du point de vue opérationnel, c'était le
17 général Gotovina qui était le commandant opérationnel. Mais le fait d'avoir
18 été le commandant de cette zone, il disposait du pouvoir et de contrôles
19 suffisants pour punir et discipliner les soldats qui en faisaient partie.
20 D'ailleurs, il a fait des ordres au cours de l'exercice de sa fonction
21 concernant les différentes opérations qui ont eu lieu même en dehors de
22 cette zone, de la zone de garnison.
23 Il pouvait diriger la police civile aussi bien que la police
24 militaire, vous allez l'entendre, et il avait le pouvoir, l'obligation
25 d'empêcher que des crimes ne soient commis contre les Serbes. Mais au lieu
26 de cela, il a utilisé cette autorité pour faire en sorte que l'image de la
27 Croatie ne soit pas ternie dans la communauté internationale, même si cela
28 voulait dire qu'il fallait passer sous silence, s'excuser ou même
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1 dissimuler les crimes commis contre les Serbes.
2 Le général Cermak a affirmé qu'il n'avait pas de rôle militaire. Il
3 s'est présenté comme étant un peu l'incarnation de la Croix-Rouge. Il était
4 commandant de garnison, mais uniquement pour pouvoir se servir de la
5 logistique disponible. Il était à Knin pour rétablir le courant,
6 l'approvisionnement en eau, faire la liaison avec la communauté
7 internationale. Il a également dit qu'il était outré par les crimes qui se
8 déroulaient. Il a sans cesse imploré ceux qui en étaient responsables
9 d'arrêter ou de faire quelque chose à ce sujet, mais il a toujours dit
10 qu'il n'était pas responsable, que ce n'est pas à lui qu'il fallait parler
11 de cela, parce qu'il n'était pas militaire.
12 Tout comme le général Gotovina, il dit que ce sont les autres qui
13 n'ont pas fait ce que lui aurait dû faire, ce qu'il avait la responsabilité
14 de faire.
15 Les éléments de preuve vous montreront que le général Cermak était un
16 militaire, qu'il avait l'autorité de donner des ordres à la police
17 militaire, qu'il avait le pouvoir en tant que gouverneur militaire, en
18 fait, de donner des ordres à la police civile. Il savait que des crimes
19 étaient commis contre les Serbes par les membres de l'armée. Il savait que
20 rien n'était fait de concret pour réagir à cela et il a utilisé sa position
21 pour atténuer la pression internationale en minimisant ces crimes.
22 Je vais passer en revue tous ces éléments.
23 D'abord, il est indéniable que le général Cermak était un militaire.
24 Il a été mobilisé alors qu'il appartenait à la réserve. Il était général de
25 division. Il portait un uniforme. Il a lui-même reconnu pendant des
26 auditions par le bureau du Procureur qu'il l'aurait relevé de la discipline
27 militaire s'il avait commis un manquement.
28 Son statut de militaire, on le voit illustré d'autres manières. Par
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1 exemple, dans les opérations de nettoyage. Il y a toute une série de
2 messages qui ont été échangés qui vous le montreront pendant le procès et
3 qui le traduisent bien. D'abord, le 21 août, le chef de l'état-major de
4 l'armée croate a donné un ordre aux fins de mener à bien des opérations de
5 nettoyage, je cite : "Ceux qui sont responsables pour la réalisation de cet
6 ordre, ce sont les commandants des régions militaires ainsi que le
7 commandant de la garnison de Knin." Et lorsque le général Markac, le
8 lendemain, a fait son rapport au chef d'état-major, il a dit, je cite : "A
9 12 heures, il y a eu une brève réunion avec les généraux Gotovina et
10 Cermak."
11 Le 25, le général Cermak répond à l'ordre du 21. Il fait observer au sujet
12 de l'ordre en ce qui concernait l'évaluation de la situation en matière de
13 sécurité, je cite : "Le commandement de la région militaire de Split et de
14 la garnison de Knin sont constamment en contact et la coordination est
15 pleine et entière. L'évaluation sur le renseignement ou les informations au
16 sujet de cet ordre a été réalisée par le chef du renseignement de la région
17 militaire de Split. Si nous devions fournir le même rapport, ça
18 consisterait à refaire deux fois la même chose."
19 C'était manifestement un militaire, les éléments de preuve le montreront.
20 Il pouvait donner des ordres en tant que général de division à la police
21 militaire. Il était gouverneur militaire, il pouvait donner des ordres à la
22 police civile, car il était l'émissaire de Franjo Tudjman sur place, du
23 président du pays.
24 Je souhaite vous montrer un ordre adressé au commandant de la police
25 de Knin, ordre de mettre sur pied des équipes et de restituer les biens qui
26 ont été dérobés à l'UNCRO. Un autre ordre, celui du
27 8 août, adressé également à la police civile et à la police militaire, il
28 s'agit aussi "d'un ordre qui est l'exécution immédiate."
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1 Nous entendrons un témoin nous expliquer que chaque jour le général
2 Cermak avec des réunions avec la police civile, avec la police militaire et
3 il était manifeste que les conclusions de ces réunions devaient être mises
4 en œuvre. Comme il l'a reconnu lui-même au cours des auditions que j'ai
5 déjà mentionnées ici, je cite : "Je recevais des rapports de la police
6 militaire."
7 Il a également reconnu à l'époque qu'il était investi de ce pouvoir
8 devant des membres de la communauté internationale. Il a dit qu'il
9 ordonnait ou qu'il avait ordonné que des enquêtes soient menées sur les
10 crimes qui lui avaient été signalés.
11 Le 24 août, lorsque les membres de la communauté internationale une
12 fois de plus, ont soulevé la question de la criminalité qui se poursuivait,
13 il a dit qu'il avait déjà donné des ordres extrêmement stricts aux civils
14 et aux militaires pour que ceux-ci s'interrompent. Et le 3 septembre, il a
15 répondu au commandant Forand, le commandant de l'UNCRO au sujet des
16 restrictions de circulation de l'UNCRO, il lui a dit qu'il avait donné "un
17 ordre extrêmement strict pour que ceci fasse l'objet d'une enquête."
18 De plus, lors d'une de ses auditions, il a rapporté sa réaction quand il a
19 appris que l'aide humanitaire qu'il avait lui-même transportée sur place
20 avait été volée. Il était furieux, il a appelé immédiatement le chef de la
21 police et lui a dit : "Tu fais ce que tu veux, mais tu me retrouves les
22 coupables." Effectivement, c'est bien ce qui s'est passé.
23 J'ai dit que le général Cermak était un militaire qui pouvait réagir à
24 crimes commis et il était au courant de ces crimes, il savait que des
25 crimes étaient commis par les soldats. D'abord les représentants de la
26 communauté internationale n'ont cessé de lui en parler. Certains de ces
27 témoins viendront ici nous l'expliquer, mais le général Cermak a parlé aux
28 représentants du bureau du Procureur de ces protestations, je cite :
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1 "C'était un problème quotidien, un problème constant. Un problème qui était
2 toujours présent."
3 Il était donc conscient des protestations de la communauté
4 internationale, mais le général Cermak, lui-même, a reconnu à plusieurs
5 reprises au cours de ces auditions par le bureau du Procureur qu'il savait
6 que des soldats se livraient à des actes criminels pendant cette période,
7 je cite :
8 "La plupart des soldats ne se comportaient pas comme ils auraient dû le
9 faire." Je cite : "Donc quand il s'agit d'incendies, de destruction, ça
10 s'est passé pendant la première semaine suite à l'arrivée de l'armée
11 croate. C'était une période. Ensuite ça s'est reproduit, mais dans une
12 moindre mesure. Il y a donc deux périodes." Autre citation : "Il y a eu des
13 pillages et des incendies après l'arrivée de l'armée croate, ça a
14 continué."
15 Le général Cermak s'est entretenu au cours d'une conversation téléphonique
16 de cette question avec le chef de l'administration des affaires politiques
17 du ministère de la Défense. C'était après que le général Cermak avait lu
18 dans un journal une interview du chef de cette administration qui niait que
19 l'armée croate ait commis ces crimes. Il a attribué ces crimes à des civils
20 habillés en uniforme militaire. Le général Cermak savait que ce n'était pas
21 vrai. Il l'a appelé et lui dit au téléphone : "Espèce d'imbécile. Qu'est-ce
22 que tu crois ? Tu crois que ces gens n'ont pas d'yeux pour voir ? Tu crois
23 qu'ils ne voient pas ce qui se passe ? T'es là dans ton siège à Zagreb. Tu
24 ne sais pas ce que c'est la situation sur le terrain, et la vérité c'est
25 que je suis en train de te dire maintenant."
26 C'est intéressant, parce que d'après le général Cermak, le chef des
27 affaires politiques lui a dit : "Bien, ne te fâche pas. Tu sais que je ne
28 pense pas comme ça, mais il y a des gens à des échelons supérieurs qui le
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1 font."
2 Il savait que ces crimes avaient lieu, mais le général Cermak n'a rien fait
3 pour y réagir. Rien n'a été fait. Voilà ce qu'il dit à ce sujet, je cite :
4 "Chaque jour, je leur dis : 'Faites votre boulot. Commencez à faire quelque
5 chose. Regardez ce qui se passe à Knin.'" Il déclare : "Ils étaient là pour
6 faire leur boulot, mais ils traînaient, ils ne savaient pas quoi faire de
7 leurs dix doigts." Et là, il parle de la police civile et de la police
8 militaire.
9 D'après le général Cermak, il ne cessait de dire aux autres ce qui se
10 passait, il parlait des crimes qui étaient commis et les implorait de faire
11 quelque chose. Il a déclaré qu'il était en contact avec le ministre de
12 l'Intérieur, Yvan Jarnjak ainsi qu'avec le président Tudjman, je cite :
13 "Parce que je ne comprenais pas que ça se passe et qu'on ne puisse pas y
14 mettre un terme. J'étais très gêné par ce qu'il se passait."
15 Le général Cermak a déclaré qu'il avait lancé de nombreux appels pour que
16 l'on réagisse aux crimes commis par les soldats, je cite : "J'ai lancé des
17 appels à l'intention de la police civile, de la police militaire. Je suis
18 allé au bureau du président. J'ai même appelé M. Jarnjak. J'ai parlé à M.
19 Gotovina." Plus tard, il ajoute, je cite : "Je lui ai dit clairement, Ante,
20 les militaires font des trucs vraiment pas beaux. Il faut arrêter ça." Je
21 recite : "Jusqu'au président, je suis allé, parce que je ne comprenais pas
22 que ce genre de chose puisse se passer, qu'on ne puisse pas y mettre un
23 terme et ça me gênait beaucoup que tout cela se passe."
24 Donc d'après le général Cermak lui-même, il savait que les mesures qui
25 étaient prises étaient insuffisantes pour réagir aux crimes que n'importe
26 quel imbécile pouvait voir. Je reprends ce qu'il a dit au chef des affaires
27 politiques. Il reconnaît qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour
28 interrompre tout cela parce qu'il n'avait pas le pouvoir de le faire. Au
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1 lieu de cela, il a imploré ceux qui avaient le pouvoir d'agir, Gotovina,
2 Jarnjak, Tudjman. Il les implore de faire quelque chose.
3 Ce faisant, il reconnaît qu'il savait que des crimes étaient censés être
4 commis par les armées, mais il essaie de nier quel était son pouvoir et
5 quelles étaient ses responsabilités. Il a donc manqué à son obligation
6 d'utiliser son autorité, son pouvoir pour mettre un terme à tous ces
7 crimes. Mais il a fait en sorte que la pression internationale diminue,
8 pression internationale pour arrêter cette vague de crimes. Il a sans cesse
9 rassuré la communauté internationale, il a dit que des mesures étaient
10 prises, on a essayé de les induire en erreur en leur disant que ce n'était
11 pas l'armée qui commettait ces crimes.
12 Je cite l'extrait d'une lettre qu'il a envoyée au CICR en réponse à
13 des protestations au sujet des crimes qui étaient commis et dont il a dit
14 lui-même au chef de la police des affaires politiques qu'il savait que
15 c'était vrai. Je cite :
16 "Les crimes dont vous parlez sont le fait de personnes isolées qui veulent
17 bénéficier de l'opération militaire exceptionnelle qui a été réalisée afin
18 de s'emparer de biens de manière illicite et de se livrer à leurs instincts
19 meurtriers. Ces individus sont des criminels qui portent des uniformes de
20 camouflage pour faire reporter la responsabilité sur les soldats croates et
21 sur la politique de la Croatie. Le gouvernement de la République de Croatie
22 s'est montré déterminé dans sa condamnation de ce type de criminels. Il
23 veut les traduire en justice."
24 De même le 31 août, le chef du secteur sud de l'UNCRO lui écrit au sujet de
25 la fumée qui s'échappe des zones où on a interdit l'UNCRO de se rendre. Il
26 dit : "Je ne comprends pas comment votre commandement peut laisser faire ce
27 genre de chose. Les personnes sont chassées de chez elles, les gens se
28 retrouvent sans terre, sans maison, et cetera."
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1 Le 3 septembre, le général Cermak répond : "Je suis surpris que vous
2 mentionniez l'expulsion des pauvres. Il faudrait au moins que vous me
3 fournissiez une preuve, ne serait-ce qu'une preuve pour établir
4 effectivement la réalité de ces affirmations qui pour moi sont sans
5 fondement."
6 Il dit à Tudjman en 1999 : "Qu'il a dû sans cesse s'opposer à Helsinki
7 Watch, à la communauté internationale, il a eu sans cesse affaire aux
8 meurtres et aux incendies criminels."
9 Ce faisant, ce n'était qu'un maillon dans toute cette chaîne
10 d'efforts entreprise pour que ces crimes ne soient pas révélés à la
11 communauté internationale. Tout au long de cette affaire, nous vous
12 montrerons des documents - j'en ai mentionné quelques-uns - nous vous
13 montrerons des documents qui montrent que l'on s'inquiète beaucoup des
14 répercussions au niveau international de tout ce qui est en train de se
15 passer. On craint que l'image de la Croatie ne soit ternie de par ce fait.
16 Mais l'objectif, c'est de faire en sorte que la communauté internationale
17 ne reçoive pas les informations qui terniraient l'image de la Croatie. Et
18 on essaie d'accomplir cet objectif de diverses manières, mais on n'essaie
19 surtout pas de mettre un terme aux crimes qui sont commis.
20 Ainsi, par exemple, M. Waespi vous a dit qu'on avait bouclé le personnel de
21 l'UNCRO et quand on leur a permis de sortir de leur camp, ils ont vu qu'on
22 avait essayé d'éliminer les traces de ce qui s'était passé. Même chose au
23 sujet des journalistes, on a craint que les journalistes ne montrent ce qui
24 s'est véritablement passé. Et ceci a commencé avec l'opération Tempête
25 même.
26 Lors d'une réunion du 2 août, le service politique de l'administration de
27 la région militaire de Split a indiqué que des journalistes avaient demandé
28 à aller à Grahovo qui avait été incendié par les troupes du HV. Je cite le
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1 journal opérationnel, je cite : "Les journalistes demandent d'aller à
2 Grahovo. Ne permettez pas aux journalistes d'aller à Grahovo. Il faut
3 contrôler les appareils photos."
4 Ensuite le général Gotovina, qui connaissait parfaitement l'étendue des
5 dégâts à Grahovo, propose qu'on donne une explication de rechange, je cite
6 : "Indiquez par l'intermédiaire d'une estafette que Glamoc et Grahovo ont
7 été pilonnés au moyen d'obus au phosphore."
8 Après l'opération Tempête, on continue à avoir les mêmes préoccupations.
9 Nous l'illustrerons tout au long de cette affaire. Je cite une fois encore
10 le journal de guerre de la région militaire de Split, je cite : "L'incendie
11 des maisons constitue un problème considérable. Les journalistes et tous
12 les autres qui viennent dans la zone pourraient prouver qu'il s'agissait
13 d'incendies criminels."
14 Ensuite, il est fait référence à des chaînes de télévision étrangère qui
15 viennent sur place. Je cite : "Il n'y a pas suffisamment de points de
16 contrôle pour empêcher les journalistes d'entrer sur la zone."
17 Le général Cermak déployait des efforts pour dissimuler les crimes qui
18 avaient été commis aux yeux de la communauté internationale, mais il est
19 allé au-delà des mesures et que je viens de vous énoncer. J'ai déjà dit
20 précédemment qu'on avait récupéré les cadavres sur place sans qu'aucune
21 enquête n'ait eu lieu. On se contentait de ces corps, ces cadavres, de les
22 récupérer, de les photographier, de les répertorier et des les enterrer
23 ensuite avec toutes les preuves y afférentes. On rassemblait aussi
24 rapidement que possible les cadavres d'humains et les carcasses d'animaux,
25 et on les traitait exactement de la même manière. Même si au fur et à
26 mesure que les décès des civils augmentaient, on continuait à les
27 considérer comme des dégâts collatéraux, accessoires. Il est possible de
28 mieux comprendre l'attitude qui prévalait à ce sujet, la tentative de
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1 dissimuler tout ce qui se passait en regardant un incident particulier. M.
2 Waespi, lui, s'est concentré sur Grubori, et moi, j'aimerais voir ce qui
3 s'est passé après Grubori.
4 A Grubori, cinq personnes ont été tuées, y compris un homme de 78 ans
5 qu'on a vu à l'écran. Il y a une femme de 90 ans également qui a été tuée
6 d'une balle dans la tête, qu'on a retrouvée brûlée dans sa maison. Bien
7 entendu, il s'était passé déjà des faits semblables auparavant. L'équipe de
8 défense des droits de l'homme est arrivée sur le terrain pratiquement tout
9 de suite après les faits et ils ont insisté pour obtenir des réponses, pour
10 obtenir des réactions, des mesures, ce qui nous montre quelle était
11 l'attitude de Cermak au sujet des meurtres commis contre les Serbes et de
12 ce qu'il fallait faire suite à ces meurtres.
13 Commençons par le jour même de l'opération. D'abord, la police spéciale du
14 général Markac, participe au nettoyage de Grubori. Au cours de cette
15 journée, ils ont des contacts radio avec leur base et ils indiquent que
16 rien ne s'est passé ce jour-là, et le soir même ils disent qu'il n'y a rien
17 de particulier qui s'est passé pendant la journée. Mais le même jour,
18 l'équipe HRAT arrive dans le village avec sa caméra et met le général
19 Cermak au pied du mur un peu plus tard. J'aimerais vous présenter un bref
20 extrait de cette vidéo. On pourra l'entendre s'exprimer à ce sujet.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que des copies papier de la
22 transcription de cette vidéo ont été communiquées aux cabines ?
23 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Allez-y.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
27 "Il y a encore des renégats et des terroristes sur le terrain des
28 unités de la police civile sont en train de nettoyer la zone. Dans le cadre
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1 d'une de ces activités, ils ont couvert un périmètre de 100 kilomètres
2 carrés.
3 "Cependant, le général a nié que des civils aient été tués ou des
4 maisons incendiées.
5 "Je ne sais pas où vous avez obtenu ces informations selon lesquelles
6 les gens auraient été contraints à sortir de chez eux, parfois en pyjama et
7 que leurs maisons auraient été incendiées. Je vais faire un rapport sur ce
8 point, mais je pense que les informations dont vous disposez ne sont pas
9 exactes."
10 Mais il est clair qu'il n'était pas possible de simplement dire que rien ne
11 s'était passé à Grubori, vu les pressions internationales. Si bien que le
12 général Cermak a décidé d'utiliser la solution de facilité pour justifier
13 ce qui s'était passé en disant qu'il y avait des activités de combat. Il a
14 antidaté certains rapports, ensuite quand il a réalisé qu'il n'y avait pas
15 de rapports des commandants de l'unité qui avait mené à bien ces
16 opérations, il a obtenu d'autres rapports, des rapports dont les dates
17 avaient été modifiées. Dans ces rapports, qu'est-ce qu'on disait ? On
18 disait qu'il y avait eu des meurtres, mais suite au combat. C'est
19 intéressant, ces rapports. On aura l'occasion de les voir. Mais au bout
20 d'un certain temps, quelqu'un s'est rendu compte qu'il fallait modifier ces
21 rapports, qu'il fallait ajouter quelque chose. On a ajouté un paragraphe
22 indiquant qu'avant l'opération tout le monde avait reçu pour instruction de
23 respecter le droit humanitaire international.
24 C'est le dernier paragraphe que vous voyez dans ce document.
25 Cependant, il y avait un hic. C'est que deux policiers locaux avaient
26 envie d'enquêter sur ce qui s'était passé, mais là on a réagi de manière
27 tout à fait rapide. Ils ont été réprimandés. On leur a dit qu'il ne fallait
28 pas mener d'enquête. L'un de ces policiers a été convoqué dans le bureau de
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1 Cermak, et à ce moment-là l'assistant de Markac a appelé le ministre de
2 l'Intérieur pour se plaindre de ce que tentait de faire la police locale et
3 c'est ainsi qu'on est parvenu à enterrer cette affaire.
4 Dans l'intervalle, Cermak rassurait la communauté internationale. Il
5 disait que ces victimes, elles étaient mortes au cours des combats. Dans
6 une lettre au chef de la délégation du CICR en date du 30 août, il dit, je
7 cite : "L'armée croate a obéi aux règles très strictes au sujet de la
8 protection des civils au cours des combats. Ils respectent ces règles dans
9 toutes les circonstances." Il insiste : "Je me suis rendu sur place le
10 lendemain et j'ai pu m'assurer de la véracité de ce qui avait été rapporté
11 et de ce qui s'était passé au cours des incidents en question."
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, j'aimerais bien suivre.
13 Vous dites que : "L'une de ces personnes a été convoquée au bureau de
14 Cermak," et vous dites que "l'assistant de Markac a appelé --
15 M. TIEGER : [interprétation] En sa présence, en la présence du général
16 Markac, pour empêcher ces policiers d'enquêter.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était dans le bureau du général
18 Cermak, et celui qui a passé le coup de fil c'est l'assistant du général
19 Markac.
20 M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Veuillez poursuivre.
22 M. TIEGER : [interprétation] Je viens de dire ce qu'a dit le général
23 Cermak. Il dit qu'il s'est rendu sur place, qu'il a vu ce qui s'était
24 passé. Les Juges de la Chambre ont pu se rendre sur les lieux, ont pu voir
25 ce qui s'était passé. Il y a notamment des douilles des balles qui avaient
26 tué les victimes. On ne peut vraiment pas parler de dégâts collatéraux dans
27 le cadre d'un combat classique, puisque tout cela se déroulait dans la
28 chambre à coucher de la personne concernée.
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1 Grubori figure dans un rapport du rapporteur spécial, Elizabeth Rehn,
2 rapport du 7 novembre, parce que bien évidemment ce n'est pas surprenant
3 tout le monde s'est rendu compte de ce qui s'était passé.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là je me trompe peut-être. C'est peut-
5 être ma mémoire qui me fait défaut, mais j'ai vu plus d'une douille par
6 terre. Est-ce que j'ai manqué quelque chose ?
7 M. TIEGER : [interprétation] Je pense qu'il y'en avait deux, mais j'ai
8 peut-être -- en tout cas, au moins une.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Au moins une.
10 Poursuivez.
11 M. TIEGER : [interprétation] Rehn a écrit au ministère des Affaires
12 étrangères en disant que manifestement il s'agissait de meurtres et pas
13 d'activités de combat. Le général Markac a été contacté suite à cette
14 lettre, donc il présente maintenant une troisième explication encore plus
15 incroyable. Il dit que les victimes ont été exécutées parce qu'il
16 s'agissait de terroristes serbes. Mais c'est tellement ridicule que même le
17 général Markac ne peut pas maintenir cette explication. En 2001, il est
18 interrogé par les enquêteurs croates qui s'intéressent aux crimes commis à
19 Grubori, et il reprend sa première version des faits. Il dit que les
20 victimes ont été tuées au combat.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les points d'exclamation que l'on voit
22 ici, dans la marge de ce document, ils figurent dans l'original ?
23 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas l'original. Il faudrait que je
24 vérifie.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.
26 Allez-y.
27 M. TIEGER : [interprétation] Je reprends donc. Je synthétise.
28 D'abord, il nous dit qu'il n'y a rien eu. Ensuite, quand c'est impossible
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1 de continuer à affirmer cela, il dit que c'est la conséquence d'activités
2 de combat. Ensuite, quand on conteste cette version des faits, il dit que
3 les responsables sont des terroristes serbes. Ensuite, quand il ne peut pas
4 maintenir cette version des faits, il dit que c'est les activités de
5 combat, mais c'est totalement invraisemblable. En réalité, ce qui s'est
6 passé c'est que c'est la police spéciale qui a tué ces victimes, qui a
7 détruit le village et que Markac et Cermak ont tout fait pour que personne
8 ne le sache.
9 Markac a donné l'exemple dans le commandement qu'il occupait à la
10 tête de l'unité Lucko.
11 La police spéciale au départ, c'était une unité d'élite du ministère
12 de l'Intérieur qui luttait contre les activités de sabotage et de
13 terrorisme. La police spéciale a également participé aux opérations de
14 combat en tant que force de l'infanterie spécialisée. Après les combats, on
15 les utilisait pour nettoyer le terrain. C'étaient des hommes qui étaient
16 très bien armés, ils avaient des revolvers, des fusils, des mitraillettes,
17 des lance-roquettes antichars, des mortiers, des lance-roquettes multiples.
18 Au cours de l'opération Tempête et après cette opération, les forces de la
19 police spéciale ont été subordonnées pour cette opération à l'armée croate.
20 Le général Markac relevait aussi bien de l'état-major principal du HV que
21 du ministre de l'Intérieur, Jarnjak. Il pouvait recevoir des rapports au
22 sujet des opérations qui allaient se produire, qui avaient lieu et qui
23 étaient terminées. Il avait l'autorité nécessaire et suffisante pour
24 ordonner des enquêtes et engager des procédures disciplinaires contre ses
25 subordonnés. Malgré les crimes qui se sont produits et qui manifestement
26 ont été commis par ses hommes, il a décidé comme son coaccusé de ne
27 strictement rien faire, de ne sanctionner personne. En fait, il a décidé de
28 faire exactement le contraire.
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1 Dès le début de l'opération, dès que la police spéciale est entrée dans les
2 villes et les villages, elle a commencé à commettre des crimes. Comme l'a
3 dit M. Waespi, la police est entrée à Gracac le 5 et dans un très bref laps
4 de temps, la ville a été détruite ou on a commencé à la détruire.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.
6 M. TIEGER : [interprétation] Vous l'avez entendu, près de 85 % de Gracac a
7 été détruit et vous avez vu ces photos montrant les policiers de la police
8 spéciale qui chargeaient les téléviseurs à bord de camions et aussi des
9 gens qui allumaient les voitures le
10 8 août.
11 Le général Markac pouvait toujours savoir où se trouvaient tous ses hommes.
12 Il recevait des rapports réguliers, mais il n'a pas eu besoin de lire les
13 rapports pour savoir ce qui se passait à Gracac parce qu'il est arrivé là
14 le matin du 5 août 1995 avec sa police spéciale et c'est lui qui a établi
15 son poste de commandement avancé à midi à cet endroit. Je pense que vous le
16 voyez, vous voyez la flèche, ici.
17 Quelques jours plus tard, le 7 août plus exactement, la police
18 spéciale est entrée dans Donji Lapac pratiquement dans les mêmes modalités
19 que d'entrer à Gracac s'était faite. Tout comme à Gracac, on a mis le feu à
20 la ville et ces incendies ont duré pendant des jours. Finalement, Donji
21 Lapac a été pratiquement tout à fait détruit. Le ministre de la Défense
22 disait en septembre à Tudjman, je cite : "Président, Donji Lapac en tant
23 que tel n'existe plus. Il n'y a plus qu'un nom sur la carte, tout a été
24 détruit, tout."
25 Ici, aussi, Marcak n'avait pas besoin de savoir de façon générale et
26 généralisée qu'il y avait pillage et autre campagne d'incendies criminels.
27 Il n'avait plus besoin du système de compte rendu qui l'aurait averti de la
28 présence de ses unités-là où se faisaient les destructions puisqu'il était
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1 là à Donji Lapac, comme les éléments de preuve peuvent vous le montrer. Il
2 a pu le voir de ses propres yeux.
3 Vu tout ce que vous avez entendu dire à propos de Grubori, vous ne serez
4 pas surpris d'apprendre qu'aucune mesure disciplinaire, qu'aucune sanction
5 pénale n'a été infligée aux membres de la police spéciale responsable de
6 ces crimes. Aucun ordre n'a été donné, aucun ordre de la part de Markac
7 pour punir ses hommes, pour les discipliner. Au contraire, on a dit qu'on
8 allait enterrer, qu'on allait enterrer avec les victimes tous ces crimes.
9 Nous avons déjà parlé longuement de Grubori. Dès le lendemain du massacre
10 de Grubori, à savoir le 26 août, la même unité a mené une opération de
11 nettoyage dans la municipalité d' Orlic. M. Waespi vous a dit ce qui
12 s'était passé à cet endroit. Au cours de cette opération, on a commencé à
13 incendier. Markac était là, dès après l'incident. Et là il a discuté avec
14 son commandant subordonné, qui avait dirigé l'unité, à propos de la façon
15 dont l'opération avait été menée. Mais il n'a pas pour autant discipliné
16 immédiatement ni puni ni arrêté les membres de l'unité, même s'il savait
17 exactement quelle était l'unité qui venait d'incendier le village. Le
18 général Markac savait que cette unité qui venait de mettre le feu à ce
19 village était l'unité impliquée à Grubori la veille. Au contraire, il ne
20 les a pas punis, mais au contraire, au lieu d'envoyer un message qui était
21 depuis longtemps nécessaire, il s'est contenté de les renvoyer à Zagreb.
22 Et cet incident, comme celui de Grubori, a été masqué par le général
23 Markac. Dans le rapport qu'il envoie au chef d'état-major à propos de
24 l'opération de la police spéciale ce jour-là, il dit qu'en fait cet
25 incendie s'est produit en cours de combat. Nous aurons l'occasion de voir
26 ces rapports et vous verrez les ressemblances qu'il y a entre les deux.
27 C'est une déformation des faits comme celle qui s'était passée à
28 Grubori, qui a servi de moyens de dissimuler des crimes commis par ses
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1 subordonnés. Crimes qu'il avait la responsabilité d'empêcher et de punir et
2 non pas de dissimuler.
3 Madame et Messieurs les Juges, je viens de discuter certaines
4 circonstances, ses omissions, les manquements illégaux de ceux qui en
5 avaient la responsabilité, ce climat d'impunité, de dissimulation, tout
6 ceci n'est pas le fruit du hasard. Tout ceci peut être -- en fait, revient
7 à l'objectif que j'ai décrit au début de mon propos luminaire, qui était de
8 chasser les Serbes de la Krajina et de les empêcher d'y revenir. Ces trois
9 accusés ont contribué de diverses manières à cet objectif, activement ou en
10 fermant les yeux sans arrêt et de façon répétée, en restant passifs face à
11 la destruction qui se répétait jour après jour et en manquant à
12 l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour prévenir ou empêcher
13 ces crimes.
14 Ce faisant, je l'ai déjà dit, le signal qu'on a envoyé et qui a été reçu
15 par les soldats, qui ont parlé au représentant de la communauté
16 internationale, comme le disait M. Waespi, ce signal, ce message que
17 c'était autorisable et que donc c'était permis. C'est pour cette raison que
18 nous redonnons dans l'acte d'accusation la charge, l'accusation d'un effort
19 conjoint en vue de parvenir à cet objectif illégal.
20 Je vous ai parlé de cette question rhétorique chargée d'angoisse que posait
21 un représentant de la communauté internationale au milieu de la destruction
22 de cette communauté serbe qui vivait dans cette partie de la Krajina depuis
23 des siècles. Il disait :"C'est criminel. Est-ce qu'on ne peut rien faire ?"
24 Bien, à ce stade, ce qui peut être fait, c'est d'intenter un procès, un
25 procès qui commence aujourd'hui, qui promet de rendre dûment compte de
26 façon impartiale de ces événements en tenant parfaitement compte des droits
27 qu'ont les accusés, mais ceux des victimes. Compte tenu également de la
28 responsabilité solennelle que nous avons qui est de veiller, dans la mesure
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1 du possible, à ce que toute l'histoire soit dite, à ce que toutes les
2 versions des faits soient présentées partant des moyens de preuve
3 disponibles et qu'en fin de compte émerge une responsabilité qui soit
4 dûment prise en compte, l'Accusation estime qu'à la fin de ce procès, après
5 avoir entendu tous les éléments de preuve, vous allez juger les accusés
6 coupables des crimes retenus dans l'acte d'accusation.
7 J'en ai ainsi terminé de mon propos liminaire. Je vous remercie.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Tieger.
9 Vous avez une question à soulever ?
10 M. MISETIC : [interprétation] Le micro pourrait-il être mieux dirigé. Je
11 voulais intervenir, mais je ne voulais pas empiéter sur le temps réservé à
12 l'Accusation. Nous avons beaucoup utilisé de séquences, et vous avez déjà
13 donné instruction à notre équipe pour qu'on ait le plus grand nombre
14 possible de transcriptions par écrit, mais je voulais que vous sachiez
15 qu'il ne sera pas tout à fait possible. Je ne suis pas sûr que nous ayons
16 toutes ces transcriptions, mais nous ferons l'impossible pour répondre à
17 cette demande.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous aurez compris mon souci. Nous
19 tenons à voir un compte rendu qui est votre dossier, qui sera le plus
20 complet possible. Nous allons étudier la question cet après-midi. Mais
21 essayez d'imaginer les problèmes pratiques qui pourraient surgir. Lorsqu'on
22 a des séquences vidéo sans copie papier, si ce sont des séquences assez
23 longues, peut-être que ça va donner une situation intenable. Si c'est une
24 séquence courte, vous pouvez à bonne vitesse lire la transcription. Mais
25 les parties pourraient peut-être réfléchir cet après-midi sur la question
26 de savoir s'il faut demander le versement ultérieurement de ces séquences.
27 Parce que si c'est le cas il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir toutes
28 ces identifications. Mais si vous avez l'intention de présenter des
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1 séquences que vous n'allez pas présenter plus tard, je pense qu'il serait
2 sage de leur donner une cote provisoire pour identification. Peut-être pas
3 pour toutes les séquences, mais voyez, d'une certaine façon, sera consigné
4 au dossier ce qui a été diffusé. Par exemple, si vous avez une petite
5 liste, vous allez déposer avec un sommaire une séquence vidéo utilisée
6 pendant le propos liminaire. Si c'est versé au dossier, on n'aura plus
7 besoin de s'en occuper, mais au moins ce sera acté au dossier et le dossier
8 sera complet.
9 L'audience est suspendue. Elle reprendra demain ici même à
10 9 heures.
11 --- L'audience de la Déclaration liminaire de l'Accusation est levée à 13
12 heures 37 et reprendra le mercredi 12 mars 2008 à
13 9 heures 00.
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