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1 Le mercredi 12 mars 2008
2 [Déclaration liminaire de la Défense Gotovina]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
7 Madame la Greffière, veuillez donner le numéro de l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour.
9 Affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Gotovina, Cermak et Markac.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.
11 La Défense de M. Gotovina nous a fait savoir qu'elle souhaitait prononcer
12 une déclaration liminaire. Quant aux Défenses des deux accusés, ils nous
13 ont fait savoir que ce n'était pas leur souhait du moins à ce stade de la
14 procédure.
15 Je me tourne donc vers Me Kehoe. Est-ce que vous êtes prêt à prononcer
16 votre déclaration liminaire ?
17 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
19 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
20 Juges, chers collègues de la Défense et de l'Accusation, je m'appelle
21 Gregory Kehoe. Je suis honoré de représenter les intérêts du général Ante
22 Gotovina dans cette affaire.
23 Hier, pendant la grande partie de la journée d'audience, je réfléchissais à
24 ce qui nous était dit, ce qui était affirmé au sujet du général Gotovina
25 par l'Accusation. Je ne sais pas où se trouve l'origine du problème. Je ne
26 sais pas comment le bureau du Procureur a pu commettre une telle erreur, a
27 pu se tromper à tel point, mais maintenant au cours de cette déclaration
28 liminaire, nous allons essayer de vous l'expliciter. Je vais commencer par
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1 vous parler de la situation en général. Ensuite, Me Misetic prendra le
2 relais. Il évoquera l'opération Tempête et la participation du général
3 Gotovina à cette opération. Il entrera dans les détails sur ce point.
4 Hier donc, j'étais ici, j'écoutais l'Accusation, et ce n'est pas tant ce
5 que disait l'Accusation qui m'a frappé, qui m'a paru éclatant, c'est plutôt
6 ce qui n'a pas été dit. Ce qui n'a pas été dit, c'est qu'il n'y a pas eu
7 d'expulsion après le début de l'opération Tempête en cette matinée du 4
8 août 1995, parce que la République serbe de la Krajina avait dès le départ
9 prévu de faire quitter ces habitants de la zone et ça, ça n'a pas été dit à
10 la Chambre.
11 Il n'y a pas eu pilonnage démesuré, exagéré de Knin le 4 ou le 5. Comment
12 le savons-nous ? Nous le savons pour des raisons tout à fait terre à terre
13 que l'Accusation connaissait, bien entendu, mais dont il s'agit de ne pas
14 nous parler. Et le premier de ces éléments, c'est l'enregistrement de
15 Brioni auquel ont fait référence M. Waespi et M. Tieger. Dans cet
16 enregistrement, le président Tudjman met en garde le général Gotovina ainsi
17 que les autres chefs militaires qui sont présents. Il leur dit de ne pas
18 dépenser inutilement les munitions. "Ne pilonnez pas, ne bombardez pas
19 comme si on était des Américains ou des Russes, parce qu'on n'a pas les
20 munitions nécessaires pour ce faire." Or, ce fait, il n'a pas été présenté
21 par l'Accusation, pourtant il ressort de leurs arguments qu'il y a eu
22 bombardements excessifs.
23 L'Accusation n'a pas parlé de la personne que les Nations Unies avaient
24 chargée à Knin de déterminer si les cibles civiles avaient été touchées,
25 Steinar Hjertnes, qui était le chef des observateurs militaires des Nations
26 Unies. Il a mené à bien cette inspection le 18 août, et au cours de cette
27 inspection, il en est venu à la conclusion que l'attaque de la HV était
28 tout à fait dans les normes, dans les règles et qu'elle visait des cibles
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1 militaires et pas des cibles civiles. Ce rapport, ce sont ces seuls
2 éléments émanant des Nations Unies qui peuvent être présentés à la Chambre.
3 Ce qui est intéressant, c'est de voir que cet homme ne figure plus sur la
4 liste des témoins.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous le savons, mais vous savez que ça
6 fait l'objet d'une procédure, donc continuez.
7 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Et si je parle de nouveau à des
8 considérations pratiques, il y a la question de ce pilonnage qui se pose.
9 L'Accusation a longuement parlé de ce pilonnage, nous a dit que l'objectif
10 c'était de semer la terreur au sein de la population civile. Par contre, ce
11 qu'elle ne vous a pas dit, c'est ce qui concerne le droit en la matière. On
12 ne vous a parlé du protocole du CICR et des commentaires de ce protocole et
13 de la conséquence naturelle d'une attaque militaire et du fait qu'il s'agit
14 d'une attaque menée de manière très violente pour intimider les soldats
15 ennemis et les persuader à se rendre.
16 Il y a encore une omission qui a été faite s'agissant du général Gotovina,
17 c'était qu'il était le commandant des opérations, commandant opérationnel,
18 un chef qui, avec ses hommes, a été en mesure de faire ce qu'aucune autre
19 force d'armée n'a été en mesure de faire. Alors que l'armée des Serbes de
20 Bosnie avec Ratko Mladic à sa tête et le président Karadzic à la tête de la
21 Republika Srpska, alors donc que les Serbes de Bosnie essayaient de
22 consolider leur victoire territoriale et de faire la jonction territoriale
23 entre la Krajina et les territoires conquis par les Serbes de Bosnie, bien,
24 à ce moment-là, il y a un homme, un homme qui a entraîné la défaite de
25 l'armée des Serbes de Bosnie à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie. Il y
26 un homme, un homme qui à la tête d'une armée, a mis un terme au carnage qui
27 a dévasté l'ex-Yougoslavie de 1991 à 1995, un homme et c'est celui qui est
28 assis ici.
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1 Avec la HV sous son commandement et ensuite avec la coopération de l'armée
2 des Musulmans de Bosnie, il est parvenu à faire ce qu'aucune armée
3 étrangère n'ait parvenu à faire.
4 Et ce qui ne vous a pas été dit non plus, c'est que l'opération Tempête,
5 c'était toute une série de plans destinés à vaincre les Serbes de Bosnie, à
6 les faire céder. Tout a commencé au cours de l'été 1995 lorsqu'on s'est
7 emparé des hauteurs au-dessus de Knin. Ensuite on est passé à l'opération
8 Tempête le 4, le 5 et le 6 août. Pour ensuite passer à l'opération Maestral
9 en octobre et en novembre. Puis l'opération du Mouvement du sud, toujours
10 sous la direction du général Gotovina afin de faire plier l'armée des
11 Serbes de Bosnie, de les forcer à s'asseoir à la table des négociations et
12 de mettre un terme à ce carnage.
13 C'est l'homme qui est là assis derrière moi qui a fait tout cela. Pour
14 comprendre ce qui s'est passé en 1995, il faut réfléchir, regarder tout ce
15 qui s'est passé auparavant.
16 Comme vous le savez très bien, nous ne sommes pas ici pour de nouveau
17 ressasser l'histoire de la Yougoslavie, mais en 1991 la Yougoslavie telle
18 qu'elle s'était constituée après la Deuxième Guerre mondiale était en plein
19 démantèlement. Il y a eu en 1991 des référendums en Slovénie aussi bien
20 qu'en Croatie afin de ces deux entités proclament leur indépendance de
21 l'ex-Yougoslavie. Le référendum en Croatie s'est déroulé le 25 juin 1991.
22 Peu de temps après, la Croatie a été reconnue par la communauté
23 internationale. L'ancienne Yougoslavie était dirigée par l'ancienne armée
24 populaire yougoslave, la JNA, et Slobodan Milosevic et peu leur importait
25 finalement que les Slovènes s'en aillent. En revanche, ils souhaitaient
26 ardemment que tous les Serbes restent au sein de cette ancienne
27 Yougoslavie. On voit donc peu à peu évoluer la situation et se dessiner
28 l'idée d'une Grande-Serbie dans les propos de Slobodan Milosevic, une
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1 Grande-Serbie qui permettra à tous les Serbes de vivre au sein d'un seul et
2 même Etat. Et même si des référendums démocratiques ont été organisés en
3 Croatie aux termes desquels les Croates ont décidé de quitter l'ex-
4 Yougoslavie, et bien non, il ne fallait pas l'accepter. On n'était pas prêt
5 à l'accepter. Slobodan Milosevic n'allait pas permettre à la Croatie
6 d'aller de son côté avec les Serbes qui vivaient en Krajina, en Slavonie
7 orientale et en Slavonie occidentale, avec d'un côté Vukovar à l'est et
8 également la Slavonie occidentale. Et à ce moment-là l'armée populaire
9 yougoslave, la JNA a été lancée contre les Croates pour les faire céder. Et
10 ce qui s'est passé ensuite, c'est du domaine de l'horreur. On ne peut pas
11 dire les choses autrement. Je vous montrerai dans quelques instants ce qui
12 a suivi cette offensive.
13 L'armée, une des armées les plus puissantes d'Europe s'attaque à la
14 population civile de Croatie pour faire plier cette population, pour faire
15 plier cette Croatie. Puis on se demande bien pourquoi les Croates n'ont pas
16 réagi. La réalité des choses en 1991, Monsieur le Président, Madame,
17 Monsieur les Juges, c'est qu'en 1991 la Croatie n'avait rien lui permettant
18 de se défendre. C'était un pays tout jeune, un pays qui n'avait pas
19 d'armée, pas de soldats et qui était confronté à l'armée populaire
20 yougoslave, une des armées les plus puissantes de tout le continent
21 européen. Et parallèlement à cette attaque de l'armée populaire yougoslave,
22 on voit dans cette république serbe de la Krajina apparaître des individus
23 tels que Milan Martic, Milan Babic, Radovan Karadzic, et sans oublier, bien
24 entendu, le général Mladic. Il est fort intéressant de remarquer que dès
25 1991, quand a pris naissance la République serbe de la Krajina avec Martic
26 et Babic à sa tête, l'un des officiers de la JNA qui leur a apporté un
27 soutien militaire c'était qui ? Bien, c'était Ratko Mladic.
28 Alors que la Croatie était un pays démocratique, en juin 1991, on a
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1 vu apparaître la République serbe de la Krajina qui s'est autoproclamée, a
2 déclaré son indépendance en été 1991. Elle a bénéficié du soutien de la JNA
3 en Slavonie occidentale et orientale, si bien qu'il y avait un tiers de la
4 République de Croatie à ce moment-là qui était contrôlé par les Serbes et
5 la JNA. Et ce qui s'est passé ensuite, c'est du domaine de l'horreur, je
6 l'ai déjà dit. Il suffit de se souvenir de ce qui s'est passé dans cette
7 magnifique ville baroque de Vukovar, sur les bords du Danube. C'est à ce
8 moment-là seulement qu'on commence à comprendre l'ampleur du carnage qui a
9 été infligé à la population croate à la fin de l'année 1991 jusqu'à la fin
10 de la guerre, jusqu'au cessez-le-feu en novembre 1991.
11 Je souhaiterais vous montrer quelques images, une brève illustration
12 de ce carnage, ce qui vous permettront d'appréhender, de comprendre
13 l'histoire de ce pays qui a décidé de déclarer sa souveraineté, son
14 indépendance.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
16 [Diffusion de cassette vidéo]
17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
18 "Dès que les Slovènes et les Croates ont annoncé leur indépendance,
19 Milosevic a commencé la guerre. Il a mené une attaque ratée contre la
20 Slovénie et ensuite après l'humiliation, il s'est intéressé à la Croatie.
21 Sa stratégie militaire a consisté d'abord à procéder à des bombardements
22 aériens suivis par l'intervention de l'infanterie, après interventions de
23 missiles de longue portée. Ensuite arrivent les chars suivis par les
24 fantassins.
25 Des actes horribles ont eu lieu dans ces villages. On voit que plus
26 rien ne reste sur le terrain.
27 Les dirigeants de l'Union européenne ont décidé d'envoyer Lord
28 Carrington, leur représentant, pour intervenir entre ce qu'ils appellent
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1 les parties belligérantes. Les accords de cessez-le-feu se sont succédé et
2 à chaque fois Milosevic a signé, mais a également violé les cessez-le-feu
3 en question.
4 Le siège de Vukovar est un sommet de l'horreur. On a voulu priver
5 cette ville de son histoire, de son passé, de son identité. On a brûlé les
6 livres, les archives, les registres, les manuscrits, les registres d'état
7 civil, tout ceci, au nom du nettoyage ethnique. Les églises, les
8 cimetières, et surtout les églises ont été systématiquement détruites, mais
9 l'esprit de la population de Vukovar on n'a pas pu le faire céder. Face à
10 cette machine de guerre, ils ont résisté pendant 90 jours, 90 nuits. Les
11 Serbes affirment que Vukovar va tomber, mais les habitants de Vukovar ne
12 vont pas céder. Personne n'est sorti des caves, n'a imploré la pitié,
13 personne n'est sorti des sous-sols de cette magnifique ville de Vukovar qui
14 n'existait plus.
15 Les Serbes ont hurlé leur victoire à mesure qu'ils rencontraient des
16 forces aussi armées, aussi lourdement armées qu'eux-mêmes.
17 Malgré tous les éléments prouvant le contraire, souvent les Serbes
18 accusent leurs victimes d'avoir tué leur propre population.
19 Ce n'est pas un territoire croate. C'est un territoire yougoslave.
20 C'est un fait, les forces croates sont les coupables des assassinats, des
21 étranglements et des massacres des populations vivant sur place.
22 Ils ont tué tous nos amis et nous ne sommes pas coupables. Nous, nous
23 ne voulions pas de cette guerre. Nous n'avions que de l'amour. Nous
24 n'avions pas de haine, de volonté de tuer.
25 Les Français ont souhaité une intervention plus efficace. En réponse
26 au Conseil de sécurité des Nations Unies, ils ont imposé un embargo sur les
27 armes de toutes les républiques de l'ancienne Yougoslavie, mais les Croates
28 étaient pratiquement sans défense alors que les généraux de l'armée
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1 fédérale se vantaient d'être parvenus à mettre de côté les arsenaux
2 suffisants pour que la guerre puisse continuer pendant six ans. Leur
3 technologie était supérieure et leur permettait de conquérir avec grande
4 facilité un tiers du territoire de la Croatie. Ils ont également détruit de
5 façon parfaitement arbitraire et sans que cela n'ait aucune logique, des
6 villages de la région de Dubrovnik.
7 Bien, tout dépend du cessez-le-feu et après 12 cessez-le-feu on peut
8 être très optimiste que cette fois il tiendra ce cessez-le-feu.
9 Lord Carrington semble ne pas être gêné par la rupture du cessez-le-
10 feu et d'un cessez-le-feu après l'autre, que les Nations Unies aient envoyé
11 leur propre responsable, Cyrus Vance pour voir ce qu'il allait pouvoir se
12 faire. Tout cela a empêché les Croates de se retirer de leur propre
13 territoire.
14 Milosevic avait perdu la bataille de Dubrovnik, mais il avait de quoi
15 être satisfait. Il avait conquis après tout un tiers du territoire de la
16 Croatie, il avait mis à mal son économie, tué plus de 9 000 personnes,
17 rendu presque un quart de million de personnes sans domicile et avait
18 détruit 400 églises catholiques en pratiquant le nettoyage ethnique. Il a
19 montré ce qu'il entend par le nettoyage ethnique - et là il s'agit du
20 fascisme, bien sûr.
21 Les questions qui se sont posées c'est de savoir pourquoi la guerre
22 ne peut pas être arrêtée ? A quoi sert l'OTAN, par exemple ? Les Américains
23 ont menacé de procéder à des frappes aériennes, et là le bombardement s'est
24 arrêté. Mais ce bombardement a repris dès qu'on a vu qu'il s'agissait que
25 de mots. Cela n'a jamais été une guerre civile, ce n'était qu'une attaque
26 contre la population civile non armée et qui a été effectuée par une armée
27 lourdement armée. Il s'agissait d'un génocide, comme cela a été toujours
28 affirmé par le président Izetbegovic.
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1 Comment est-il possible qu'on a permis que des scènes semblables se
2 réitèrent au cours de ce siècle ?
3 "Cette population sécessionniste serbe lourdement armée a déjà
4 conquis facilement deux tiers de la Bosnie-Herzégovine. Des pilonnages, des
5 gens qui attendaient dans la queue pour avoir du pain, comme le massacre
6 qui a eu lieu dans le marché de Sarajevo a choqué le monde entier. Jamais
7 nos dirigeants n'ont été aussi méprisables que quand ils prétendaient de ne
8 pas savoir si ce n'était peut-être pas les Musulmans qui étaient à
9 l'origine de ces massacres, si ce n'était pas de leur faute.
10 Les gens se sont posé à nouveau cette question, pourquoi ne peut-on
11 pas arrêter la guerre. Nos dirigeants, sans avoir de vraie politique qui
12 leur est propre, ne pouvaient faire rien d'autre que de se taire.
13 Personne n'a dit à ce garçon que ses parents étaient morts ? Quand la
14 grenade est tombée, je ne l'ai pas vue, je ne l'ai pas vue mais j'ai vu mon
15 père, il était par terre, il gisait et je l'ai vu tourner la tête et me
16 regarder, ensuite il a à nouveau tourné sa tête. Que dire aux enfants qui
17 grandissent alors que leurs parents sont morts, tués ? Comment expliquer à
18 ces enfants bosniaques qu'ils doivent accepter les valeurs européennes
19 alors que c'est l'Europe même qui a tué leurs parents ? Comment combattre
20 une autre idéologie, l'idéologie qui leur fourni les armes ? C'est
21 difficile à le voir, parce que ces enfants quand ils seront grands, d'ici
22 dix, 15 ans, quand ils vont comprendre qu'il y a Hamas ou Hezbollah
23 vraiment aux confins de l'Europe, bien, vous allez avoir ces enfants qui
24 vont vouloir venger la mort de leurs parents. Que va-t-on leur dire ? On va
25 leur dire qu'ils sont des terroristes ? Comment peut-on les traiter de
26 terroristes alors qu'ils sont finalement rien d'autre que des victimes de
27 la terreur.
28 Nos dirigeants ont bafoué tous les accords internationaux pertinents
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1 qu'ils ont signés en notre nom. Nos dirigeants ont fermé les yeux,
2 l'esprit. Leurs cœurs se sont endurcis devant les conséquences de ce qui
3 était finalement leur propre proposition. Ils tolèrent eux-mêmes, ils
4 soutiennent ce régime qui est à nos portes. Il y a des crimes terribles qui
5 ont lieu en ce moment même au nom du nettoyage ethnique.
6 Et quand on parle de nous, comment nous on peut vivre avec cette
7 honte en sachant qu'on a tourné la tête ?"
8 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur et Madame les
9 Juges --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, nous nous posons la
11 question à savoir pourquoi vous avez présenté cette vidéo, parce que la
12 Chambre souhaite entendre les faits et le contexte historique du conflit.
13 Maintenant quant à savoir si la Chambre souhaite savoir quelle est la
14 musique qui a été choisie pour mettre en exergue telle ou telle scène d'une
15 vidéo dont nous ne savons pas dans quelle mesure elle est constitue un
16 matériel journalistique ou dans quelle mesure au contraire elle ne
17 représente pas la réalité, ce qui nous intéresse c'est le contexte, les
18 atrocités qui ont été commises ailleurs à l'encontre de Croates, à
19 l'encontre de Musulmans, et cetera, manque certainement pas de pertinence.
20 Restons-en aux faits. Nous ne sommes pas un jury, et bien entendu, la
21 question que se posent les Juges en examinant cette vidéo est la suivante :
22 est-ce que dans l'exercice du droit d'un accusé, le droit à faire l'objet
23 d'un procès en audience publique, est-ce que c'est le public qui examinera
24 la façon dont vous vous adressez au Tribunal ou est-ce que c'est le
25 Tribunal qui s'est vu le droit de voir de quelle façon vous vous adressez,
26 vous, au public. Qui est spectateur et qui est acteur ?
27 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, l'essence ici est de
28 veiller à savoir comment tout cela a fonctionné, l'opération Tempête, les
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1 conséquences de l'opération Tempête et pour le comprendre il est
2 indispensable de comprendre ce qui s'est passé en amont et de voir quelle a
3 été l'évolution de la situation qui a mené à ce résultat.
4 Ce qui est important également dans la question de Vukovar que nous
5 venons de présenter est le fait suivant et je vous montrerai une vidéo qui
6 opère une comparaison entre ce qui s'est passé à Vukovar d'une part et ce
7 qui s'est passé à Knin de l'autre. Et je vous demande, Monsieur le
8 Président, Madame, Monsieur les Juges, de bien vouloir examiner ces faits-
9 là.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, j'ai bien compris, le
11 message était clair. Par conséquent, nous n'avons pas besoin d'opérer une
12 comparaison entre les mauvais traitements des uns et des autres, puisque
13 cette Chambre ne suit que ce que l'on nous montre. Mais bien entendu,
14 nombreux sont les faits qui sont disponibles sur base de la jurisprudence
15 de ce Tribunal et sur base de la jurisprudence des républiques de
16 l'ancienne Yougoslavie où la Chambre ne se voit pas présenter la façon dont
17 les journalistes ont vu les choses. Donc je vous pose la question, Monsieur
18 Kehoe : peut-on suivre ce qui s'est passé sur base de moyens de preuve
19 ayant été présentés et contestés ?
20 Je ne sais pas dans quelle mesure vous demanderez le versement de
21 cette vidéo au dossier, et si oui sur quelle base ?
22 M. KEHOE : [interprétation] J'en demanderai le versement au dossier.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Bien, nous verrons s'il y a
24 des objections. Pourriez-vous nous fournir l'information suivante : que
25 venons-nous de voir ? Que venez-vous de projeter ?
26 M. KEHOE : [interprétation] Vous voulez dire la vidéo, Monsieur le
27 Président ?
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
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1 M. KEHOE : [interprétation] C'était la BBC, donc la British Broadcasting
2 Corporation.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La BBC. Bien, nous verrons ce
4 qu'il adviendra, nous verrons si cela peut être un moyen de preuve et s'il
5 y aura des objections à l'encontre de ce versement au dossier. Bien
6 entendu, les Juges ont bénéficié de votre appui grâce aux informations que
7 vous avez fournies sur le contexte, mais il faudra se concentrer sur ce qui
8 est au cœur même de l'affaire.
9 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que l'on
10 puisse opérer cette comparaison entre Vukovar et Knin. Nous verrons un
11 écran partagé en deux qui montrera les deux.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous examinerons cette vidéo
13 effectivement. On peut séparer l'écran en deux, je peux vous montrer
14 n'importe quelle image, mais enfin, quoi qu'il en soit, voyons un peu ce
15 que vous avez à nous montrer.
16 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie. Poursuivez.
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 L'INTERPRÈTE : Apparaissent à l'écran deux images, un écran séparé en deux;
20 décembre 1991 à gauche, 4 août 1995 à droite, Vukovar à gauche, Knin à
21 droite.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
23 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je crois que manifestement nous
25 avons compris ce que vous essayez de nous montrer, lorsque vous nous
26 montrez une vidéo sur laquelle on voit apparaître d'un côté Knin avec des
27 bâtiments qui sont en parfait état; et vous montrez de l'autre côté les
28 images de Vukovar où les bâtiments sont dans un état lamentable. J'imagine
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1 c'est ce que vous souhaitez que la Chambre comprenne. Bien, si c'était
2 votre objectif, sachez que vous êtes parvenu à vos fins et nous avons
3 compris la position de la Défense. La Défense nous qu'à Knin les bâtiments
4 n'étaient pratiquement pas endommagés, alors qu'à Vukovar ils étaient
5 complètement détruits. La Chambre vous a bien compris.
6 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Monsieur le Président, le bureau du
7 Procureur n'a jamais parlé du pilonnage illégal de Vukovar.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez ce qu'il en est. Je vous en
9 prie, poursuivez.
10 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez,
11 je souhaiterais revenir sur un élément qui est important s'agissant de
12 l'évolution de cette affaire. Parce que si l'on se reporte à 1991, on
13 s'aperçoit qu'il n'y a pas d'armée de la République de Croatie. Elle était
14 en cours de constitution, de formation, mais elle n'avait pas de quoi
15 lutter contre la JNA, l'armée yougoslave.
16 Donc ce qui s'est passé après la solidification des terrains acquis
17 par la JNA en République de Croatie, un plan de défense a été élaboré,
18 auquel on fait référence dans la vidéo, et en janvier 1992 - et j'ai de
19 quoi vous montrer à l'écran - on voit les zones qui apparaissent sur la
20 carte en orange ont été conquises par les forces serbes tant de la Krajina
21 que de la JNA, qui sont ensuite devenues des protecteurs des Nations Unies,
22 des zones protégées par les Nations Unies, le tout étant consolidé par le
23 plan Vance. C'est le plan Vance donc qui, en 1992, est parvenu au résultat
24 suivant, à savoir de consolider les territoires acquis par les Serbes.
25 La conception de ce plan avec l'arrivée de la FORPRONU en 1992, était de
26 veiller à ce que les Nations Unies soit, comme le dit l'arrêt Martic, de
27 veiller à ce que les zones demeurent démilitarisées et à ce que toutes les
28 personnes résidant dans ces zones soient protégées de la crainte d'attaque
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1 armée. Malheureusement, à partir de 1992 et jusqu'à l'opération Eclair et
2 l'opération Tempête en 1995, tout cela ne correspond en rien à la réalité,
3 il n'y a pas absence de crainte.
4 Je vous demande de bien vouloir apporter votre attention sur le rapport des
5 rapporteurs spéciaux de 1994, paragraphe 136, vous le voyez apparaître à
6 l'écran : "Selon les statistiques des Nations Unies aux réfugiés de 1994,
7 800 à 900 Croates, dont de nombreuses personnes âgées ou handicapées, sont
8 restées dans le secteur de la zone protégée des Nations Unies, secteur sud.
9 On estime que 44 000 Croates vivaient dans cette zone avant l'éclatement du
10 conflit en 1991.
11 "Les estimations démographiques des zones protégées des Nations Unies,
12 secteur nord de 1994 indiquent, quant à elles, que sur une population
13 totale de 112 000 personnes, un millier de personnes sont Croates et
14 Musulmans, ce, en dépit du nettoyage ethnique."
15 Le plan Vance conçu par les Nations Unies afin de protéger tant les
16 populations croates que musulmanes dans la zone protégée par les Nations
17 Unies a été une catastrophe. Je pense qu'il suffit de dire cela. Le rapport
18 faisant état de nettoyage ethnique, de meurtres, de souffrances, d'autres
19 blessures et lésions infligées aux Musulmans et Croates à partir de 1992 et
20 jusqu'en 1995 sont inénarrables. Cette situation, sachant que le plan Vance
21 visait à protéger les zones, y compris la Krajina qui faisait partie encore
22 de la Croatie, est incroyable. Au cours de toute cette période, en effet,
23 aucun effort diplomatique n'a porté ses fruits dès lors qu'il s'agissait de
24 veiller à ce que ces zones, ces secteurs puissent être réintégrés au
25 territoire de la République de Croatie.
26 Comment se sont-ils défendus ? Que devaient faire cette pauvre République
27 de Croatie ? La République de Croatie, heureusement, pouvait compter sur
28 l'appui de gens tels qu'Ante Gotovina, un homme qui a fait ses armes dans
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1 la légion étrangère, l'Armée française, qui est revenu pour sauver sa
2 patrie, pour former les troupes. Le général Gotovina n'avait pas un
3 parcours d'endoctrinement par la JNA avec les blessures infligées à Vukovar
4 notamment, comme vous avez pu le voir s'agissant de Vukovar. Il est revenu
5 en 1991. Il a petit à petit gravi les échelons dans l'armée croate pour
6 finir par être l'homme à leur front. Non pas un militaire dans les bureaux
7 douillets derrière les lignes de front, non, un homme qui était vraiment
8 avec ses troupes, qui était à la hauteur des attentes.
9 Il a bénéficié de l'aide. Vous allez voir que MPRI a pu l'aider,
10 aider l'armée croate afin d'assister à la création, à la mise sur pied de
11 cette armée croate.
12 Le général Gotovina a créé un centre de formation des officiers où on
13 leur enseignait le droit humanitaire international. Les diplômés de cette
14 académie militaire, les premiers diplômés sont sortis en 1994. C'était donc
15 une armée qui était en train de croître petit à petit. Mais pendant toute
16 cette période, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pendant
17 toute cette période, un homme --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, c'est la vingt-
19 cinquième fois, approximativement, que vous parlez de
20 M. Gotovina en tournant le dos aux Juges et en vous adressant à
21 M. Gotovina. C'est à la Chambre que vous vous adressez. Et je pense que le
22 geste que vous avez fait pour indiquer qui était M. Gotovina est superflu.
23 Nous savons maintenant qui est M. Gotovina, qu'il est derrière vous. Vous
24 n'êtes pas dans un théâtre, Monsieur Kehoe, vous êtes dans un tribunal,
25 dans un prétoire face à des Juges professionnels. Je vous prierais
26 d'adopter un comportement à l'avenant.
27 M. KEHOE : [interprétation] M. Gotovina a mené ses hommes à la bataille et
28 n'a jamais perdu de vue la séparation entre le bien et le mal. Monsieur le
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1 Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaiterais vous montrer à
2 présent un bref entretien au cours duquel M. Gotovina se présente et
3 présente ses activités au cours de la bataille.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, continuez.
5 [Diffusion de la cassette vidéo]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "A l'époque, le général Gotovina m'avait simplement demandé de venir,
8 mais il ne m'avait pas dit à ce moment-là qu'il y avait une opération
9 militaire répondant au nom de Maslenica, qui avait été conduite cinq jours
10 après ma rencontre avec les officiers dans l'arrière-pays de Zadar.
11 Le général Gotovina voulait que j'applique les principes catholiques qui
12 s'appliquent à la conduite de la guerre. Ce sont des questions qui
13 l'intéressaient tant lui que ses associés qui étaient présents sur place.
14 Donc tout au long de la lecture, la conférence et les discussions qui ont
15 été tenues, il voulait que je parle de l'enseignement de l'Eglise
16 catholique quand il s'agit du comportement des soldats dans une guerre de
17 défense de la patrie qui veut dire quels sont les principes qui régissent
18 les actions militaires pendant les événements qui sont les événements de la
19 guerre. A l'époque, je ne savais pas quelles étaient ses raisons. Je ne
20 savais pas pourquoi il m'a invité, mais ce que j'ai vu par la suite et ce
21 que j'ai entendu au cours de la conversation avec lui. Nous nous sommes
22 rappelés à plusieurs reprises de cela, parce qu'il m'a dit qu'il était très
23 important, puisque que j'étais un prêtre et un évêque, et il fallait que je
24 lui fasse part de l'enseignement catholique pour que ses officiers puissent
25 respecter ces bons principes catholiques pendant la guerre. Parce que
26 finalement nous avons appris qu'il fallait garder, avoir une éthique dans
27 la guerre. Vous avez la défense légitime, il ne faut jamais traverser cette
28 frontière.
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1 Donc je me suis adressé aux officiers croates. Quand je me suis
2 adressé à eux, je parlais de l'éthique de la guerre, de la paix, et j'ai
3 dit qu'il s'agissait d'effectuer une défense légitime sans jamais traverser
4 la frontière de cette défense légitime, qu'il ne faut pas la détruire,
5 puisque ce n'était pas éthique de violer, de piller, de faire du mal. Ce
6 n'était pas éthique. Ce n'est pas quelque chose qu'il faut faire. Mais tout
7 ce qu'il faut faire pour défendre sa patrie, sans pour autant abaisser
8 l'autre, bien, c'est cela l'éthique militaire. C'est comme cela qu'il faut
9 se comporter.
10 En ce qui concerne le général Gotovina, au cours de ces rencontres
11 que j'ai eues avec lui pendant la guerre, bien, je peux dire que je le vois
12 comme un homme bien. Pour moi, c'est un homme qui a respecté l'éthique de
13 la guerre. C'est un homme qui m'a dit après la conférence : Votre
14 Excellence, il est très important que vous l'ayez dit devant mes officiers,
15 devant mes sous-officiers, mes officiers, mes hommes, et je vais leur
16 répéter cela sans arrêt pour qu'ils respectent ce que vous avez dit, pour
17 qu'ils s'en tiennent à ce que vous avez dit.
18 Et je l'ai rencontré après l'opération Maslenica et d'autres
19 opérations à l'occasion de Noël, Pâques, Nouvel An, et cetera. A chaque
20 fois, il me disait : Vous savez, je me rappelle de vos paroles. J'y pense
21 sans arrêt."
22 M. KEHOE : [interprétation] Il est suffisant de dire, Monsieur le
23 Président, que quand le général Gotovina donnait des instructions à ses
24 troupes, il leur disait de se comporter en respectant l'éthique, en
25 respectant l'honneur et la moralité.
26 Je vais aborder un autre thème. Il y a beaucoup de choses qui se sont
27 produites entre 1992 et 1995. L'armée des Serbes de Bosnie gagnait du
28 terrain en Croatie et les diplomates, du point de vue international, ont
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1 essuyé finalement des pertes, si j'ose dire, pendant l'année 1992, 1993 et
2 1994, les Serbes de Bosnie n'acceptaient le plan Vance-Owen, le plan du
3 Groupe de contact de 1994. Je sais que vous savez déjà beaucoup de choses à
4 ce sujet. Mais ce qui est clair, c'est qu'en 1995 la communauté
5 internationale était fatiguée, fatiguée de cette guerre qui ravageait l'ex-
6 Yougoslavie. C'était quelque chose de clair à ce moment-là et c'était le
7 moment d'en finir. Les Serbes de Bosnie ont compris que c'était le moment
8 pour consolider leurs gains territoriaux, et ils avaient cette intention.
9 La Republika Srpska et la République serbe de la Krajina ont commencé à
10 travailler à cette fin. Au mois de février 1995, surtout le 20 février
11 1995, la République serbe et la République serbe de la Krajina ont annoncé
12 qu'ils allaient créer un conseil commun de la défense. Et à partir de ce
13 moment-là, ils agissent ensemble de façon officielle.
14 Au mois de mars 1995, le président Karadzic a fait connaître son plan pour
15 conquérir les enclaves de Srebrenica et de Zepa que nous allons voir sur
16 l'écran bientôt.
17 "Le premier objectif était de se séparer des deux autres communautés
18 nationales.
19 "Le deuxième objectif stratégique consistait en la création d'un
20 corridor entre Semberija et Krajina, et il n'y aura pas de Krajina, de
21 Bosanska Krajina ou de la Krajina serbe. Il n'y aura pas d'alliance entre
22 les Etats serbes si l'on n'assure pas la sécurité de ce corridor.
23 "Le sixième objectif stratégique, c'est que la République serbe de Bosnie-
24 Herzégovine ait un accès à la mer."
25 En 1997, Radovan Karadzic a fait une directive qui visait à consolider les
26 objectifs de Srebrenica et de Zepa. D'ailleurs c'est le Procureur qui l'a
27 appelé comme ça, "la directive numéro 7." Il s'agissait donc de faire en
28 sorte que l'armée des Serbes de Bosnie puisse séparer physiquement les
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1 postes de Srebrenica et de Zepa le plus rapidement possible, de sorte qu'il
2 n'y ait pas de communication entre les deux enclaves. Désormais, c'était
3 une intention, il s'agissait d'une opération militaire qui visait à créer
4 une situation impossible sans aucune sécurité et sans aucun espoir de
5 survie pour les habitants de Srebrenica.
6 Cela a eu lieu au mois de mars 1995. Au mois de mai 1995, il n'y
7 avait plus de cessez-le-feu, il est arrivé à sa fin le 26 mai 1995. Les
8 Serbes de Bosnie ont pris en otage les soldats des Nations Unies.
9 Au mois de juillet 1995, vous avez la situation telle qu'elle est
10 dans l'ex-Yougoslavie. Il n'y a pas d'espoir pour une solution paisible du
11 conflit. Les Nations Unies commencent à réfléchir à la possibilité
12 d'évacuer leurs forces et c'est là que la grande finale commence avec
13 l'attaque sur Srebrenica et Zepa au cours de la première semaine du mois de
14 juillet 1994 [comme interprété]. Malheureusement et c'est vraiment
15 tragique, comme les Juges le savent bien, le monde entier se tenait à part,
16 ne faisant rien, alors que
17 7 000 Musulmans de Bosnie étaient séparés et exécutés. La réaction de la
18 communauté internationale était pratiquement inexistante.
19 Il faut dire qu'à l'époque le seul théâtre d'opération pour les
20 Serbes était justement ce terrain-là. Comme vous le savez, vous voyez une
21 carte sur l'écran. Vous pouvez voir que les enclaves de Srebrenica et de
22 Zepa ont précédé l'encerclement de Gorazde et c'est très clair qu'au fur et
23 à mesure que cette finale s'approchait de sa fin, les Serbes voulaient
24 consolider leurs objectifs, et il fallait qu'ils rapportent leurs forces
25 sur ce qui se trouve complètement dans le coin, à savoir l'enclave de
26 Bihac.
27 Je sais que vous avez déjà entendu parler de la poche de l'enclave de
28 Bihac. C'était une enclave de Musulmans de Bosnie qui avait été encerclée
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1 par les Serbes de Bosnie. Mais pourquoi était-elle importante ? Parce
2 qu'avec la chute éventuelle de Bihac, les Serbes de Bosnie, côte à côte
3 avec les Serbes de Krajina, se trouvaient réunis. Et là vous avez
4 l'objectif de Radovan Karadzic qui allait être réalisé. Il était essentiel
5 que Bihac ne tombe.
6 Mais pourquoi était-ce important aussi, parce qu'il n'y avait pas de
7 doute que si jamais Bihac tombait, les rivières qui se trouvaient dans le
8 nord-ouest de Bosnie, tout comme les rivières près de Srebrenica, allaient
9 être rouges à cause du sang des Musulmans de Bosnie. C'était d'ailleurs les
10 messages de Ratko Mladic. Et je peux vous dire qu'il n'y avait pas de doute
11 là-dessus.
12 Après qu'ils ont réussi à obtenir leurs objectifs à Srebrenica et à
13 Zepa, un autre général de Serbes de la Krajina, le général Mrksic, a
14 commencé son attaque sur la ville, sur l'enclave de Bihac le 17 juillet
15 1995.
16 Quelle était la peur ressentie par la communauté internationale à ce
17 moment-là ? L'ambassadeur Galbraith qui était l'ambassadeur des Etats-Unis
18 d'Amérique à l'époque a dit que le pire qui pourrait se passer dans le cas
19 où Bihac tombait, c'est que vous allez voir un massacre de 40 000
20 personnes. L'ambassadeur Galbraith a déposé dans l'affaire Milosevic en
21 disant : "Nous étions très inquiets devant la possibilité que Bihac tombe
22 et qu'il y ait une autre Srebrenica. Il y avait quatre fois plus de
23 population à Bihac qu'à Srebrenica, donc on avait peur, on avait peur
24 d'être des témoins d'un massacre, d'un massacre de 30 à 40 000 personnes si
25 Mladic venait à faire la même chose là-bas."
26 Au cours de sa déposition dans l'affaire Martic, l'ambassadeur Galbraith a
27 réitéré ses propos en disant, je cite :
28 "Au mois de juillet 1995, les Serbes de Bosnie avaient écrasé
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1 Srebrenica, en massacrant à peu près 7 000 jeunes hommes, et ils ont
2 dévasté une autre zone protégée, Zepa. Et avec l'appui des forces de la
3 République serbe de Krajina, ils se sont lancés dans l'attaque de Bihac et
4 on avait l'impression qu'ils allaient réussir. Ce n'était pas acceptable
5 pour le gouvernement croate et ce n'était pas acceptable pour les Etats-
6 Unis. Les Croates avaient peur que Bihac allait être vaincue aussi, qu'un
7 autre massacre allait avoir lieu, que les survivants allaient se réfugier
8 en Croatie, la Croatie qui avait déjà accepté depuis 1991, deux millions de
9 réfugiés. Ils avaient peur qu'avec cela on allait consolider encore une
10 entité serbe de la République serbe de la Krajina, en plus des territoires
11 déjà conquis en Bosnie, ce qui représenterait une grande perte pour la
12 Croatie. Le gouvernement croate ne pouvait pas le permettre. Nous avons vu
13 qu'il n'y avait aucune chance pour que les négociations de paix avec les
14 Serbes de Krajina réussissent vu que l'Accusé Martic d'ailleurs, ne voulait
15 pas négocier."
16 En guise de réaction à ce qui s'est passé, le gouvernement de Bosnie-
17 Herzégovine et de la République de Croatie se sont réunis à Split au mois
18 de juillet 1995, c'était le 22 juillet 1995. "Et ils se sont mis d'accord
19 pour permettre que les Croates agissent contre les Serbes de Bosnie et que
20 l'armée croate intervienne en Bosnie. Ce qui s'est passé, c'est que les
21 groupes étaient partis de la République serbe de la Krajina vers Bihac.
22 Avec la permission du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, le général
23 Gotovina est parti dans cette attaque, le 27 juillet à Grahovo pour
24 relâcher la pression sur la poche de Bihac et pour permettre à l'ABiH de
25 survivre. C'était lui qui était à la tête de cette attaque qui a commencé
26 le 26 juillet et qui a été couronnée de succès le 27 juillet. Il y a eu la
27 retraite suite à cette attaque, l'attaque sur Bihac à l'époque et Bihac
28 n'est pas tombée. Les Serbes de Bosnie avec l'armée des Serbes de la
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1 Krajina n'ont pas réussi à faire tomber Bihac.
2 Mais Milan Martic ne voulait pas continuer à vivre paisiblement dans
3 la République de Croatie. Il ne voulait pas une solution paisible. Il ne
4 voulait pas de négociations. Vous allez entendre cela.
5 [Diffusion de la cassette vidéo]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "Nous vivons ensemble avec les criminels. Nous comprenons que cette
8 vie n'est pas possible pour la raison suivante, puisque nous n'avons aucune
9 possibilité. Ce qu'on nous propose, c'est de nous réduire en esclaves et ce
10 choix n'est pas possible. Nous devons aller jusqu'au bout parce que c'est
11 une lutte pour la liberté. Il n'y a qu'une chose que nous devons avoir en
12 tête, à savoir de nous défendre pour être suffisamment forts, suffisamment
13 puissants. La République serbe de la Krajina ne fera jamais partie de la
14 Croatie. Le président Martic a continué pour dire que le peuple serbe doit
15 lutter jusqu'au bout. Il doit montrer à ces criminels que la République
16 serbe de la Krajina va rester à jamais le territoire ethnique serbe."
17 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
18 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Pour
19 consolider cela, les Serbes de Bosnie et les Serbes de Krajina se
20 préparaient à la guerre.
21 Et là, je vous prie, de montrer l'enregistrement 18.
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
24 "Les Serbes de Bosnie et leurs alliés tiennent des réunions de crise
25 urgentes pas parce que l'OTAN menace d'une action dure pour protéger les
26 zones sûres. Le dirigeant des Serbes de Bosnie-Herzégovine, le commandant
27 Radko Mladic, a rencontré le commandant des Serbes de la Krajina pour se
28 mettre d'accord sur une stratégie commune.
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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
2 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, vous
3 vouliez intervenir.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis la traduction, et si vous faites
5 une petite pause, vous allez entendre la fin de la traduction.
6 M. KEHOE : [interprétation] Merci.
7 Donc les Serbes de Bosnie, les Serbes de la Krajina se préparaient à la
8 guerre, en même temps ils essayaient de gagner du temps en effectuant soi-
9 disant des efforts sur le plan diplomatique. A Genève il y a eu toute une
10 série de réunions au cours du mois d'août. Mais ce qui est complètement
11 clair, surtout à l'écoute de cet enregistrement vidéo qui date du 2 août
12 1995, c'est que Martic n'avait absolument aucune intension de procéder aux
13 négociations de paix. Et regardez au milieu de la page, là où il parle du
14 plan Z-4, le plan Z-4, c'est un plan proposé par l'ambassadeur Galbraith,
15 et ce plan prévoyait que les Serbes de Krajina doivent être intégrés de
16 façon paisible dans la République de Croatie.
17 Prijic dit : Vous savez, ils sont éparpillés là-bas, nous ne pouvons pas
18 accepter Zagreb-4.
19 Martic : Non. En aucun cas. En aucun cas. On ne peut pas parler du plan
20 Vance, on ne peut pas parler du plan Z-4. Ils n'ont aucun intérêt à
21 s'occuper de cela. Ils ne veulent pas faire cela. Ils s'occupent à élaborer
22 le plan pour la guerre. Tout cela s'est déroulé en l'espace de quelques
23 jours, pas plus que quelques jours. Puis il y a une dernière chose sur
24 laquelle je voudrais attirer votre attention, à savoir la nouvelle de la
25 BBC qui avait été reprise de la radio Knin. Donc --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous devez vraiment ralentir pour
27 les interprètes. Peut-être devriez-vous répéter quelques dernières phrases
28 que vous avez dites.
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1 M. KEHOE : [interprétation] Ce qu'on a l'écran c'est un document qui vient
2 de la BBC, ça porte sur les négociations à Genève. Inutile d'entrer dans
3 les détails de cet article, mais Prijic et les Serbes de la Krajina ne
4 souhaitent nullement négocier une résolution pacifique du conflit. Et dans
5 les premiers jours du mois d'août, on voit cette conversation interceptée,
6 ces informations qui viennent des Serbes de la Krajina. Et le général
7 Gotovina, Tudjman, savent très bien que ceux qui sont face à eux essaient
8 de gagner du temps de se préparer à la guerre. Celui qui va mener cette
9 guerre avec général Mrksic, ce n'est nul autre que Ratko Mladic. Et le 30
10 juillet 1995, le général Mladic vient à Knin pour en parler.
11 J'aimerais qu'on nous présente la vidéo.
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Général Ratko Mladic, le commandant légendaire de l'état-major principal
15 de l'armée de la Republika Srpska, une vieille connaissance, une véritable
16 légende serbe.
17 Profitons donc de la présence du général Mladic pour lui poser des
18 questions au sujet de la situation actuelle qui intéresse beaucoup le
19 peuple serbe, qui est d'une grande importance critique pour ce peuple. Je
20 n'avais pas passé plus de temps à cette introduction et j'ai tout de suite
21 donné la parole au général. Mon général vous avez la parole.
22 Merci, je vais en profiter, profiter de l'occasion qui m'est donnée
23 pour adresser la population de République de Sprska Krajina. Nous sommes
24 ensemble. Je suis toujours ici. Même quand je pars, je ne pars pas
25 vraiment. Je suis toujours ici, je reste toujours ici.
26 Pour commencer, Mon Général, quelle est votre évaluation de la situation en
27 République Sprska Krajina, la Krajina de Serbie ?
28 Je veux dire que la situation est plutôt complexe en raison de l'agression
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1 menée par les forces armées croates contre la Republika Srpska. L'objectif
2 de leurs opérations c'est de couper, d'isoler la Republika Srpska et
3 d'utiliser les armes, leurs médiateurs, ainsi que la pression de la
4 communauté internationale pour obtenir une solution par la force dans la
5 zone. Cependant, j'espère que grâce à une bonne organisation et au bon
6 fonctionnement de toute l'organisation du peuple serbe en Republika Srpska
7 et en Krajina, on arrivera à une solution positive de la situation. Je
8 pense que les Croates ont fait une grave erreur qui va leur coûter très
9 cher.
10 Est-ce que les Serbes sont suffisamment forts pour résister aux Musulmans
11 et aux Croates ?
12 Les Serbes ont suffisamment de forces et si des pays du groupe islamo-
13 germanique ne leur avaient pas apporté leur soutien, ils auraient perdu la
14 guerre il y a longtemps. Chaque journée de guerre supplémentaire est une
15 catastrophe, d'abord pour ceux qui en sont à l'origine, je pense aux forces
16 armées croates.
17 Mon général, du point de vue stratégique, selon moi, dans mon humble
18 opinion, je crois que les forces croates sont très dispersées sur la
19 totalité du territoire face aux lignes de défense des forces serbes. Dans
20 quelle mesure ceci peut être d'une quelconque utilité afin d'arriver à une
21 démarche stratégique qui permettra de libérer nos territoires ?
22 Comme tout journaliste, vous êtes curieux, mais le temps et ce qui va se
23 passer à l'avenir répondront à votre question.
24 Quelle est la situation sur le théâtre des opérations de Grahovo et Glamoc.
25 Les formations de l'armée croate sont entrées à Grahovo ainsi qu'à Glamoc
26 notamment, et j'espère que nous reprendrons ces territoires occupés ainsi
27 que d'autres en Republika Srpska très bientôt.
28 Nous sommes notamment intéressés par ce qui se passe à Grahovo et à
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1 Glamoc dans la zone de responsabilité du 2e Corps de la Krajina. Les
2 rumeurs vont bon train et elles sont même parfois diffusées par des médias
3 en public dans les territoires serbes. Il n'y a pas suffisamment de
4 coordination entre la Republika Srpska et la Krajina serbe. Selon certaines
5 rumeurs, on essaie d'agiter la population. Certains disent que l'on va
6 donner, brader les territoires libérés pour obtenir des résultats
7 supplémentaires.
8 Je ne vais pas parler de cette propagande, de tout cela. Pour moi, la
9 population serbe est unifiée de Kupa à Korana et de Timok au sud de Morava.
10 Je pense que tous les Serbes qui se trouvent sur ces territoires ainsi que
11 tous les habitants de notre planète ont les mêmes intérêts et veulent
12 rester au sein d'un même Etat. Je pense que les Serbes doivent, comme
13 n'importe quel citoyen de n'importe quel pays, peuvent manifester le désir
14 de vivre dans leur propre état.
15 On me pose beaucoup de questions, ici, vos questions sont très
16 valables, je dois dire.
17 C'est une excellente question, vraiment. Ce n'est pas la première
18 fois que les formations oustachi s'en prennent à nous.
19 Je pense cependant que le temps est venu pour que tous ensemble nous
20 comprenions ce que beaucoup ont réalisé pendant cette guerre et ce dont
21 j'ai parlé depuis longtemps. Je crois que de très graves erreurs ont été
22 faites par certains qui ont affirmé que la guerre contre les Croates était
23 définitivement finie, bien qu'elle finirait au bout d'une semaine. De
24 nombreux points de contrôle ont été ouverts tout au long des lignes de
25 séparation. On s'est même mis à organiser des matchs de football entre
26 nous. Mais je pense que ces décisions ont coûté très cher, ça a entraîné
27 des pertes humaines, de nombreux réfugiés et des villages brûlés. Mais
28 j'espère que notre peuple a maintenant compris qu'il rassemblera toutes ses
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1 forces pour que l'on puisse se venger de l'agression croate et qu'on les
2 renvoie où ils doivent être sur leur propre territoire.
3 Je dois en appeler à tout notre peuple. Il doit rester résolu pour défendre
4 nos foyers, pour défendre nos tombes. Il ne faut nullement céder à la
5 tentation de réagir à la provocation, à la propagande, c'est seulement en
6 utilisant nos forces que nous créerons notre propre Etat. Nombreux sont nos
7 enfants qui ont donné leur vie pour la Republika Srpska et pour la Krajina
8 serbe. Ceci doit être une motivation. Nous restons vivants, nous restons
9 debout et nous sommes déterminés à rester forts jusqu'à la victoire finale.
10 Merci beaucoup.
11 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
12 M. KEHOE : [interprétation] J'attendais que la traduction en français soit
13 finie, ce qui est le cas.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
15 M. KEHOE : [interprétation] Il est manifeste que ce qui ressort de cette
16 interview, qu'on se prépare, on se prépare à Knin, on se prépare à
17 consolider une fois pour toutes les gains territoriaux. Et comment est-ce
18 qu'ils vont s'y prendre ? De quelle manière ? Est-ce qu'ils vont attaquer
19 la poche Bihac ainsi que d'autres territoires conquis par l'armée de la
20 Croatie conformément au droit international en matière de guerre, ou bien
21 est-ce qu'ils vont utiliser les mêmes techniques qu'à Srebrenica et Zepa ?
22 Ratko Mladic répond lui-même.
23 [Diffusion de la cassette vidéo]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
25 "Mon général, est-ce que les Musulmans de Bihac vont continuer à
26 provoquer la défense serbe dans la zone de Ribic et plus encore ?
27 Oui. Jusqu'à qu'ils soient complètement vaincus, comme c'était le cas à
28 Srebrenica et à Zepa.
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1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
2 M. KEHOE : [interprétation] Nous l'avons bien entendu. C'est ce qui se
3 serait passé si le général Gotovina et le HV n'avaient pas préservé la
4 poche de Bihac, n'avaient pas empêché sa chute. S'il n'était pas venu en
5 1995, c'est ce qui se serait passé, mais heureusement, il y a eu
6 l'opération Tempête en août, l'opération Maestral et l'opération du
7 Mouvement du sud.
8 Et le général Gotovina et l'ABiH ont modifié le paysage international et
9 ont amené à la chute et à la défaite des Serbes de Bosnie pour mettre un
10 terme à ce carnage. Ce ne sont pas mes paroles. Ce sont les paroles de ceux
11 qui négociaient au nom de la communauté internationale et des Nations
12 Unies, ce sont également les paroles du président des Etats-Unis
13 d'Amérique.
14 Je souhaiterais qu'on regarde le document qui s'affiche à l'écran qui est
15 un extrait d'un livre, du livre du président Clinton, les mémoires du
16 président Clinton. En page de la page, il dit, je cite :
17 "En août, la situation a pris un tour fort dramatique. Les Croates ont
18 lancé une offensive afin de reprendre la Krajina, une partie de la Croatie
19 que les Serbes qui habitaient à cet endroit avaient proclamé comme leur
20 appartenant. Les représentants européens et certains représentants
21 américains, des services de Renseignements et des services armés avaient
22 plaidé contre toute action pensant que Milosevic, à ce moment-là,
23 interviendrait pour sauver les Serbes de la Krajina, mais moi, j'étais
24 favorable aux Croates. Tout comme Helmut Kohl. Helmut Kohl aussi il savait
25 que la diplomatie ne pouvait pas réussir jusqu'à ce que les Serbes aient
26 perdu sur le terrain.
27 La survie de la Bosnie était en jeu. Nous n'avions pas d'embargo sur
28 les armes dignes de ce nom. En conséquence, les Croates et les Bosniens
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1 étaient en mesure de se procurer des armes qui leur permettaient de
2 survivre. Nous avions autorisé une société privée qui employait des
3 militaires américains à la retraite pour former l'armée des Serbes de
4 Bosnie."
5 La clé ici, c'est ce qui figure à la fin. La diplomatie ne pouvait
6 réussir jusqu'à ce que les Serbes n'aient enregistré des sérieuses pertes
7 sur le terrain. Richard Holbrooke dit : "Je pense que l'offensive croate en
8 Croatie a changé la donne dans les Balkans."
9 Le général Wesley Clark a parlé d'un tournant.
10 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
11 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
12 Juges, je vais maintenant donner la parole à M. Misetic, qui va parler plus
13 en détail de l'opération Tempête, mais je voudrais terminer avant la pause
14 en disant encore une chose. Celui qui est à l'origine de ce tournant, celui
15 qui a permis de mettre un terme à cette guerre, à ce carnage, cet homme est
16 assis devant vous. S'il y a quelqu'un qui est responsable de la paix, de la
17 fin de la guerre en ex-Yougoslavie, c'est bien le général Ante Gotovina.
18 C'est l'homme qui est devant vous aujourd'hui. J'espère, Monsieur le
19 Président, Madame, Monsieur les Juges, que la Chambre en tiendra pleinement
20 compte au moment où elle examinera les faits qui lui seront présentés.
21 Si vous m'en donnez le temps, j'interviendrai en fin d'audience, mais
22 pour l'instant je vais donner la parole à
23 Me Misetic.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, avant de vous
25 laisser commencer, je voudrais savoir de combien de temps vous aurez besoin
26 ? Souhaitez-vous qu'on fasse une pause ou qu'on commence tout de suite ?
27 M. MISETIC : [interprétation] Je pense qu'il vaudrait mieux faire une
28 pause parce que j'en ai pour un bon moment.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, une question.
2 Vous avez longuement évoqué les causes, l'origine de l'opération
3 militaire qui a été menée au cours de l'été 1995. Vous avez longuement
4 expliqué quel avait été l'impact positif de ces opérations, vous les avez
5 justifiées.
6 J'ai peut-être mal compris l'intervention de M. Tieger hier, mais il
7 m'a semblé pourtant qu'en quelques mots il avait dit qu'il ne contestait
8 nullement le droit de la République de Croatie à reprendre les secteurs
9 qui, précédemment, avaient été pris par les Serbes. Si j'ai bien compris
10 donc, on ne niait nullement du côté de l'Accusation qu'on pouvait
11 légitimement -- qu'un pays pouvait légitimement avoir le souhait de
12 reprendre un territoire qu'on lui avait dérobé, qu'on lui avait pris, si
13 bien qu'à plusieurs reprises à ce sujet, je me suis demandé ce qui divisait
14 les parties sur ce point.
15 M. KEHOE : [interprétation] Merci de votre question. Je ne vais pas entrer
16 dans des considérations juridiques, mais je pense qu'il est important de
17 faire le distinguo entre un commandant opérationnel d'une part, et
18 quelqu'un qui est gouverneur militaire et qui a des responsabilités autres.
19 Je vous renvoie à l'affaire du haut commandement allemand, le général von
20 Leeb, avec des opérations de nettoyage ethnique menées par des groupes de
21 SS [comme interprété] rattachés au général von Leeb. Le tribunal, à cette
22 occasion, avait noté que le général von Leeb était un commandant
23 opérationnel, des opérations. Il était responsable des opérations
24 offensives. Et ce qui est très important ici, c'est de vous expliquer le
25 rôle d'un commandant des opérations, d'un commandant opérationnel. Quelle
26 est sa mission à cet homme ? Bien, sa mission c'était de défaire l'armée
27 des Serbes de Croatie ainsi que l'armée des Serbes de Bosnie, l'armée des
28 Serbes de Croatie en République serbe de la Krajina. Bien entendu, inutile
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1 de le lire.
2 Donc il y a ça, puis il y a tout ce qui se passe sur ces flancs à 250
3 kilomètres de là, là il n'avait plus aucune responsabilité. Dans l'affaire
4 von Leeb, on a dit que même s'il avait la possibilité d'intervenir, il l'a
5 dit lui-même, s'il avait la possibilité, s'il avait le droit d'intervenir,
6 la possibilité d'intervenir, il n'en avait pas la responsabilité directe.
7 Ce qui est important pour nous, pour la Défense de M. Gotovina, c'est de
8 vous expliquer que c'était le commandant d'une opération, le commandant
9 d'une offensive dont l'objectif c'était de défaire, de vaincre les Serbes
10 non seulement en Krajina, mais en Bosnie-Herzégovine. Et le droit va
11 s'appliquer à ces faits-là. Je vous renvoie à l'arrêt Celebici où on cite
12 l'affaire du haut commandement. On s'inspire de cette affaire.
13 Je pense qu'il est très important pour la Défense du général Gotovina de
14 vous expliquer ce que c'est un commandant chargé des opérations, un
15 commandant opérationnel.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je ne sais pas s'il y a
17 vraiment des accords entre les parties sur ce point.
18 Nous allons faire une pause et nous reprendrons à onze heures moins
19 le quart.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.
21 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, avant de vous donner
23 la parole pour poursuivre, je souhaiterais aux fins du compte rendu
24 signaler que lorsque l'on fait référence à M. Martic, le transcript, en
25 tout cas le compte rendu provisoire, fait figurer le terme Markac. Bien
26 entendu, c'est une erreur qui sera corrigée quoi qu'il en soit, simplement
27 la Chambre, ne fusse que grâce au contexte, avait parfaitement compris
28 qu'il s'agissait bien de M. Martic et non pas de M. Markac.
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1 Monsieur Misetic, vous avez la parole.
2 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
3 Juges, le Juge Schomburg de la Chambre d'appel a indiqué lors d'une
4 interview s'agissant de certains des actes d'accusation du Tribunal pénal
5 pour l'ancienne Yougoslavie a indiqué : "Ce qui pose particulièrement
6 problème ce sont les actes d'accusation qui sont souvent vagues. Ils
7 contiennent souvent des arsenaux de toute une série d'actions et de leur
8 mise en œuvre. On peut difficilement ne pas avoir l'impression que le
9 mandat d'arrêt a été tout d'abord émis et que ce n'est qu'ensuite que nous
10 nous sommes intéressés à l'enquête à proprement parler."
11 Les arguments avancés par l'Accusation sont un exemple tout à fait
12 typique de ce à quoi faisait référence le Juge Schomburg. A la fin du
13 réquisitoire vous en arriverez également à la conclusion que rien ne permet
14 d'étayer les thèses présentées par l'Accusation contre le général Gotovina.
15 D'ailleurs, il n'y a jamais rien eu qui permettait de l'affirmer.
16 Dans l'affaire William d'Ockham, le principe d'Ockham est un
17 principe, il s'agit d'un moine franciscain qui indique que le principe du
18 "Razor d'Occam" est un principe qui indique la chose suivante : toute chose
19 étant égale par ailleurs, la réponse la plus simple est toujours la
20 meilleure réponse. C'est ce que disait ce logicien du XIV siècle.
21 L'Accusation, au cours de cette affaire, à plusieurs reprises, vous
22 demandera de violer ce principe d'Occam et de rejeter les moyens de preuve
23 simples et évidents, une interprétation de ces moyens de preuve et de
24 suivre une thèse du complot très compliquée. Mais l'ensemble de cette
25 affaire prouve que c'est une erreur que de suivre cela.
26 Par exemple, l'Accusation vous demandera de croire que l'opération
27 Tempête était en fait une entreprise criminelle commune dont l'objectif
28 était de procéder au nettoyage ethnique de la population serbe de Croatie.
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1 Ceci est une erreur. La réponse la plus simple est la suivante :
2 l'opération Tempête avait été lancée pour intention de mettre fin au règne
3 de terreur de Milosevic, Karadzic, Mladic et Martic en Croatie et en
4 Bosnie, et de faire ceci en assurant la protection de la sûreté et la
5 sécurité des populations serbes qui allaient demeurer sur le territoire de
6 la Croatie. C'est avec la bénédiction de -- pas entier de la communauté
7 internationale, notamment les Etats-Unis d'Amérique et le président
8 Clinton, que ceci fut fait à condition que certaines conditions soient
9 satisfaites. Par contre, il sera montré que l'armée croate avait prévu
10 l'opération Tempête afin de minimiser autant que possible les pertes
11 civiles afin de garantir la sécurité et la sûreté de tous les Serbes qui
12 étaient restés dans le territoire de la Croatie.
13 L'Accusation fait référence à la réunion de Brioni indiquant que c'est une
14 rencontre qui avait eu lieu et au cours de laquelle ce complot a été ourdi.
15 Rien ne pourrait être plus loin de la vérité que cette affirmation. La
16 rencontre de Brioni était en fait une rencontre au cours de laquelle le
17 gouvernement croate a eu l'occasion de discuter de la destruction de ce
18 complot criminel. Martic et Milosevic étant les auteurs de ce complot. Il
19 n'est pas à aucun moment arrivé que le président Tudjman, au cours de la
20 rencontre de Brioni, suggère que les forces civiles serbes doivent fuir.
21 Dans l'affaire Martic, dans les mémoires préalables au procès de
22 l'Accusation, il est indiqué que la mise en œuvre de ce plan avait été
23 prise il y a 14 mois, c'est l'affaire Martic qui le dit. Et là, je cite :
24 "La mise en œuvre de ce plan" - il fait référence à l'entreprise criminelle
25 commune de Martic - "a revêtu plusieurs formes. Une campagne médiatique
26 intense dirigée par les membres de l'ECC Martic à Belgrade avait commencé à
27 décrire les Serbes en Croatie comme étant victimes de Croatie et victimes
28 de la majorité Croate, et sous le coup d'une menace imminente.
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1 "Cette menace dont avait fait l'écho Martic et les autres
2 nationalistes serbes de Croatie en Bosnie-Herzégovine et à Belgrade, avait
3 eu pour conséquences des craintes et une peur au sein de la population
4 serbe, ainsi qu'un certain ressentiment, qui a eu pour conséquences qu'il
5 était impossible de sauver la coexistence entre les différents groupes
6 ethniques.
7 "Suite à la mise en œuvre de cette entreprise criminelle commune, les
8 Serbes vivant en Croatie, en Bosnie-Herzégovine ont été amenés à croire que
9 la seule possibilité pour eux de se sentir en sécurité étaient de vivre
10 dans un état serbe homogène.
11 Et enfin dans le mémoire final --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends les difficultés qu'a
13 l'interprète français pour vous suivre.
14 M. MISETIC : [interprétation] L'Accusation, il y a de cela 14 mois, a
15 indiqué à la Chambre dans l'affaire Martic, je cite : "Rien ne permet
16 d'affirmer que des leaders croates ou les médias croates exerçaient
17 effectivement des menaces à l'encontre des Serbes indiquant qu'il y avait
18 un risque de génocide, ce qu'affirmaient les leaders serbes à l'époque."
19 C'est là la thèse avancée par l'Accusation dans l'affaire Martic.
20 L'Accusation dans l'affaire Martic indique que la propagande de
21 Martic, intense au cours des quatre années, avait éliminé toute possibilité
22 de coexistence avec les Croates. Martic avait indiqué aux Serbes "qu'ils ne
23 pouvaient se sentir en sécurité que dans un Etat qui était
24 homogènement[phon] serbe." Mais rien ne permet d'affirmer que le
25 gouvernement croate menaçait les Serbes de génocide.
26 Le président Tudjman, au moment où il planifiait l'opération Tempête, avait
27 bien compris que les populations serbes étaient victimes de la propagande
28 de Milan Martic, de sa campagne de propagande, laquelle avait duré quatre
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1 ans. Il était conscient du fait qu'on les avait amenés à croire qu'il était
2 impossible pour eux de vivre dans un Etat croate. C'est la raison pour
3 laquelle, avant l'opération Tempête, ce n'était pas simplement le président
4 Tudjman, mais l'ensemble de la communauté internationale qui avait bien
5 compris que si la Croatie devait être tenue, par Milan Martic, d'avoir
6 recours à la force pour récupérer les territoires occupés, alors nombreux
7 sont les civils serbes qui seraient amenés à fuir, suite à cette crainte
8 nourrie par Martic.
9 Qu'entend-on par là ? Bien, comme l'a dit l'Accusation hier, on fait
10 référence à une opération menée par l'armée croate, l'opération Eclair, au
11 mois de mai 1995. Au cours de cette opération Eclair, la Croatie a récupéré
12 les territoires de la Slavonie occidentale. Nombreux sont les Serbes qui
13 ont quitté la Slavonie occidentale au moment où ont lancé cette opération,
14 les forces croates. Ceci étant dit, certains Serbes sont restés dans ce
15 territoire.
16 Suite aux insistances de M. Martic, les Nations Unies ont organisé un
17 programme visant à retirer de Slavonie occidentale, les populations serbes
18 qui y étaient restées et à les déplacer vers Banja Luka. Le rapporteur
19 spécial des Nations Unies pour les droits de l'homme a présenté un rapport
20 sur ce sujet au mois de juillet, le 5 juillet, pour être précis, 1995. Vous
21 voyez ce rapport apparaître à l'écran et il indique dans ce rapport la
22 chose suivante au paragraphe 29, paragraphe 28, pardon :
23 "Au cours des deux premiers jours de l'opération militaire, 10 000
24 personnes ou plus ont quitté les zones détenues par les Serbes de la
25 Slavonie occidentale, essentiellement la zone d'Okucani, de l'autre côté de
26 la rivière Save dans les territoires de la Bosnie du nord. Les autorités de
27 la RSK avaient ordonné l'évacuation au départ et des rapports indiquaient
28 que certains des réfugiés auraient pu être forcés et contraints de quitter
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1 les territoires contre leur volonté. C'est suite à cela, qu'en négociation
2 avec le programme des Nations Unies et avec les autorités croates que les
3 dirigeants de la Republika Srpska de Krajina ont insisté pour que les
4 personnes qui étaient restées sur place et dont le nombre était estimé à 3
5 à 4 000, aient la possibilité de quitter la Slavonie occidentale et de
6 rejoindre les autres réfugiés qui se trouvaient dans les territoires
7 détenus par les Serbes de Bosnie-Herzégovine. Les Nations Unies ont accédé
8 à cette demande et mis sur les rails un programme appelé "Operation Safe
9 Passage" dans le contexte de la cessation des hostilités en quatre points."
10 Paragraphe 29 : "Les Serbes qui continuaient de vivre dans ce secteur se
11 sont vus informés du fait qu'ils avaient le droit de rester sur place et
12 avaient bénéficié des assurances publiques du gouvernement de Croatie selon
13 lesquelles leurs droits seraient respectés, y compris le droit de la
14 citoyenneté au sein de la République de Croatie, respectés pleinement.
15 Ceci étant dit, au cours du mois de mai, des centaines de Serbes
16 provenant des secteurs occidentaux ont demandé à être inclus dans
17 l'opération "Safe Passage" et au mois de juin, plus de 2 000 avaient quitté
18 les territoires détenus par les Serbes en Bosnie-Herzégovine. D'après des
19 informations récentes, seul un millier à peu près sont restés dans le
20 secteur. Nombreux sont les observateurs qui ont fait part de leurs
21 préoccupations indiquant que cette opération sauf-conduit avait été
22 réalisée à la hâte et que les personnes n'avaient pas été suffisamment
23 informées ou de façon adéquate de leurs droits.
24 Ceci étant dit, des demandes ont continué d'être prononcées pour
25 qu'elles soient incluses dans les convois de sortie du territoire et ceci
26 indique que la plupart des Serbes étaient déterminés à quitter la Slavonie
27 occidentale quelles que soient les circonstances. Ceux qui prévoyaient
28 d'être réfugiés ont été interrogés par le rapporteur spécial sur le
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1 terrain. Ils ont indiqué qu'ils souhaitaient essentiellement rejoindre
2 leurs proches et leurs familles et avaient quelques doutes quant à leur
3 perspective d'avenir en Croatie, notamment s'agissant de la situation
4 sécuritaire de ces populations. Ils ne pensaient pas, par ailleurs, pouvoir
5 trouver du travail en Croatie."
6 Tout cela a eu lieu entre 60 à 90 jours avant l'opération Tempête. Les
7 Nations Unies et les gouvernements internationaux avaient été sensibilisés
8 aux politiques menées par Martic et connaissaient la volonté de Martic de
9 voir les populations serbes quitter certaines zones où les autorités
10 civiles de la Krajina serbe ne contrôlaient pas le territoire.
11 Qui d'autre dans la communauté internationale était au courant du fait que
12 les politiques serbes de Martic avaient pour conséquence le départ des
13 populations serbes de Krajina ? L'ambassadeur Peter Galbraith, par exemple,
14 l'ambassadeur des Etats-Unis, au cours de son dialogue diplomatique a
15 indiqué le 15 juin, six semaines avant l'opération Tempête la chose
16 suivante. Je vous demanderais de bien vouloir le faire apparaître à
17 l'écran, le paragraphe du bas.
18 "Si la Croatie s'empare des territoires," il fait référence aux secteurs
19 nord et sud," les Serbes de Krajina quitteraient le territoire. Il pourrait
20 y avoir des rétablissements dans le secteur oriental renforçant ainsi les
21 prétentions de Milosevic aux territoires qu'il voulait pour la Grande-
22 Serbie."
23 L'ambassadeur Galbraith indique cela dans son journal. Il a essayé d'éviter
24 le conflit. Il a essayé de veiller à ce que les Serbes de Krajina puissent
25 reprendre leur sens et souhaitait la réintégration pacifique du territoire
26 de la Krajina à la Croatie. Et c'est ainsi que le 2 août il s'est rendu à
27 Belgrade et a rencontré Milan Babic pour essayer de le convaincre
28 d'accepter le plan Z-4.
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1 Le 3 août, l'ambassadeur Galbraith, la veille de l'opération Tempête, a
2 indiqué dans son rapport à M. Tudjman ce dont il a discuté avec M. Babic.
3 Et vous allez entendre maintenant un enregistrement. Il indique à Babic :
4 "Si vous ne parvenez pas à marquer votre accord avec la paix, la majorité
5 des Serbes de Krajina auront à quitter le territoire."
6 Je vous demande maintenant de bien vouloir faire passer cet enregistrement
7 audio.
8 [Diffusion de la cassette audio]
9 L'INTERPRÉTE : [voix sur voix]
10 "Monsieur le Président, je souhaiterais revenir à mon entretien avec M.
11 Babic à Belgrade, j'ai un message de notre gouvernement qui suit cette
12 réunion, qui fait suite à cet entretien. Tout d'abord, quelques mots à
13 propos de l'entretien.
14 Babic a indiqué qu'il souhaitait me rencontrer et dans la mesure où je ne
15 suis pas particulièrement populaire à Knin, après avoir participé à la
16 réunion de Split et après avoir dit que les attaques contre Zagreb, il a
17 proposé que l'ambassade américaine à Belgrade et l'administration, on m'a
18 demandé de vouloir apporter mon concours.
19 Nous nous sommes rencontrés à l'ambassade à Belgrade. Il est venu
20 seul. J'ai commencé par expliquer ce qu'il en était et faire un bilan. J'ai
21 dit que la Croatie était prête à prendre une action militaire pour
22 récupérer l'ensemble du territoire de la Krajina, j'entends par là les
23 secteurs nord et sud.
24 Bihac était une action au cours de laquelle il s'était attiré
25 l'inimitié de la communauté internationale et nous estimions que l'armée
26 croate allait parvenir à ses fins. Tout cela était tragique, parce que la
27 plupart des Serbes de la région vont quitter cette région, des milliers
28 [imperceptible] des estimations, périrons de part et d'autres."
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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
2 M. MISETIC : [interprétation] Voilà pour le --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic.
4 M. MISETIC : [interprétation] Je vais essayer de tenir compte de cela.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est impossible. C'est impossible
6 lorsqu'il n'y a pas de compte rendu par écrit, de transcript écrit d'une
7 vidéo ou d'un enregistrement audio, c'est infaisable.
8 M. MISETIC : [interprétation] Ma responsable de l'affaire m'a dit que
9 ça été envoyé par courrier électronique, exception faite de cet
10 enregistrement audio. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
11 une traduction anglaise a été préparée par le bureau du Procureur, mais la
12 phrase où M. Babic dit que "ce serait une tragédie, nous savons que
13 nombreux sont les Serbes qui vivent sur place, qui quitteront," ça n'a pas
14 été traduit pour une raison qui m'échappe. Donc cette phrase n'apparaît pas
15 dans la traduction anglaise et nous n'avons pas eu le temps de préparer une
16 nouvelle traduction. Toujours est-il que M. Galbraith dit que ceci serait
17 une grande tragédie. Et c'est justement cette partie-là qui n'a pas été
18 traduite, je ne sais pas pourquoi.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourquoi parlez-vous de la
20 traduction en anglais alors que c'est en anglais justement. Je ne vois pas
21 de quoi vous parlez exactement.
22 M. MISETIC : [interprétation] Je pense qu'on parlait -- enfin, qu'on
23 pensait à la transcription, la transcription en langue anglaise.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous voulez dire qu'on avait
25 préparé une transcription en anglais, en langue anglaise ?
26 M. MISETIC : [interprétation] Mais c'est une traduction en réalité, puisque
27 nous avions une transcription en croate qui avait été traduite par le
28 bureau du Procureur.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez-moi, ce que j'entends quand
2 j'entends cet enregistrement audio, j'entends la langue anglaise, je ne
3 comprends rien là. Donc j'imagine que quelqu'un a dû traduire cela vers le
4 croate. Mais alors pourquoi voulez-vous retraduire cela vers l'anglais,
5 parce que je suis très surpris, je suis vraiment perplexe. Vous voulez dire
6 que vous n'avez pas de transcription en langue anglaise de ce qui a été dit
7 en anglais ?
8 M. MISETIC : [interprétation] Je sais que le Procureur a tout ceci par
9 écrit, je ne sais pas s'il s'agit de la transcription proprement dit,
10 littéraire ou bien de la traduction. Ils avaient le texte en croate, qui
11 avait été traduit vers l'anglais, ils avaient aussi la traduction anglaise
12 du transcript croate, et dans ce transcript cette phrase ne figurait pas là
13 pour une raison qui m'est inconnue.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne comprends toujours pas pourquoi on
15 avait besoin de traduire cela. Toujours est-il que je peux assurer les
16 interprètes que ceci ne va pas se réitérer.
17 Est-ce qu'il faut répéter quelque chose ? Est-ce que vous étiez en mesure
18 de traduire tout de la transcription audio ?
19 Donc les interprètes, apparemment, ont plus ou moins tout traduit.
20 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Misetic.
21 M. MISETIC : [interprétation] Donc nous avons toute une série de documents
22 par rapport aux faits qui étaient connus avant l'opération Tempête. Les
23 dirigeants de Serbes de la Krajina savaient que leur population allait
24 quitter les territoires. Les dirigeants des Serbes de la Krajina, au mois
25 de juillet 1995 ont parlé des exercices sur l'évacuation et ont envoyé des
26 messages à la population. Nous avons cette vidéo, nous souhaitons vous
27 montrer comment ils ont semé la terreur parmi leur propre population et
28 comment ils les ont incités à quitter les territoires dans le cas du
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1 conflit, dans l'éventualité d'un conflit. Je demande la vidéo.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
4 "Après avoir entendu le son des sirènes, nous nous sommes dépêchés
5 vers Terzic. Il est 6 heures moins 05 minutes. Nous nous trouvons sur un
6 pont qui traverse la rivière Mreznica, entre Terzic et Primisalj. C'est là
7 que nous avons rencontré le commandant de la 13e Brigade d'infanterie du
8 colonel Marko Reljic. Il y a une colonne de civils qui arrive de Terzic
9 avec des véhicules et avec du bétail. Monsieur le commandant, qu'est-ce que
10 cela veut dire ?
11 C'est un exercice sur la base d'une supposition, la supposition de
12 travail et les informations que nous avons, à savoir qu'il va y avoir des
13 actions de l'ennemi, de l'artillerie et de l'aviation dans ce territoire.
14 C'est pour cela que nous devons évacuer la population civile de la zone de
15 combat et nos unités vont mener à bien leurs tâches. Donc ce qui est
16 important pour nous, c'est d'exercer la population civile pour qu'elle
17 puisse partir avec le moins de victimes possible.
18 Etes-vous content avec l'exercice jusqu'à maintenant ? Est-ce que les
19 membres de la 13e Brigade d'infanterie ont participé à cet exercice ou bien
20 est-ce qu'ils sont à leurs positions ?
21 Réponse : Les membres de la 13e Brigade d'infanterie sont sur leurs
22 positions. Par rapport aux missions qu'ils ont reçues, les soldats sont sur
23 leurs positions. Et je suis très content de la façon dont agi la
24 population. Ils ont compris la situation, ils savent qu'il faut se
25 préparer, qu'il faut s'exercer dans le cas des difficultés pour pouvoir
26 s'en sortir sans difficulté, et pour ne pas répéter ce qui s'est déjà passé
27 dans la Slavonie occidentale.
28 Réponse : Oui, bien sûr.
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1 Je vous remercie.
2 Parce que Terzic est sur la première ligne de front et on va vérifier
3 cela. Pour cet exercice, nous devons voir si nous sommes bien préparés, si
4 nous sommes bien organisés et comment nous pouvons mener cela à bien de la
5 meilleure façon possible pour qu'il n'y ait pas de victimes civiles. Dans
6 l'éventualité des activités militaires, la population civile doit être
7 évacuée à temps, puisque nous avons appris les leçons de la Slavonie
8 occidentale et de l'histoire de guerre. La population doit être évacuée à
9 temps et doit être évacuée. Les unités et l'armée doivent rester sur leurs
10 positions pour mener à bien leurs tâches. C'est très important que vous
11 compreniez, que vous sachiez que vous devez vous préparer dans vos foyers,
12 vous organiser et au moment où vous recevez le signal, vous devez vous
13 retirer dans la région prédéterminée, parce que l'ennemi veut vous tuer,
14 égorger, incendier, tuer vos enfants. Chaque citoyen doit être prêt pour
15 l'évacuation. Cette évacuation ne va pas toujours être signalée à l'avance,
16 il ne va pas y avoir toujours suffisamment de temps pour se préparer. Vous
17 devez vous préparer."
18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
19 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous affirmons que les
20 moyens de preuve que nous allons présenter en l'espèce seront si nombreux
21 et si convaincants pour prouver que Martic et ses acolytes, bien, qu'ils
22 ont utilisé la population civile comme une arme pour réaliser leurs
23 ambitions de la Grande-Serbie et ils ont instrumentalisé cette population
24 civile, aussi bien dans la Slavonie occidentale qu'immédiatement avant
25 l'opération Tempête, par le biais de différentes émissions de télévision
26 "pour qu'ils se tiennent prêts au moment où le signal sera donné."
27 C'est une tactique qui n'était pas seulement la tactique de Martic.
28 C'était une tactique qui a été utilisée par tout le monde dans le cadre de
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1 l'entreprise criminelle commune de Milosevic, et c'était une chose connue
2 par les membres de la communauté internationale. Au moment du conflit au
3 Kosovo, la communauté internationale avait prévu que cela allait se
4 produire. Qu'est-ce que c'était ? Pourquoi les forces d'intervention sont
5 entrées au Kosovo ?
6 Mais nous le savons. Là vous allez voir ce que dit un fonctionnaire du
7 Pentagone.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Il va y avoir des fusils de chasse et des choses semblables. Ce
11 n'est pas vraiment le désarmement complet.
12 Il va y avoir des décisions à prendre par rapport à la façon de
13 confisquer les armes selon le calibre des armes. Je ne sais pas quelle sera
14 vraiment la nature de cette décision, mais il est important qu'il n'y ait
15 personne à riposter, à combattre. L'OTAN sera là-bas. C'est l'OTAN qui va
16 assurer la sécurité. Il va devoir y avoir des frontières autour de Kosovo,
17 ce qui veut dire que les forces serbes vont devoir se retirer à 25
18 kilomètres par rapport à la frontière du Kosovo, et je m'attends à ce que
19 tout le monde souhaite à poursuivre leurs vies, à retourner dans leurs
20 foyers, à cultiver leurs champs pour que les enfants retournent sur les
21 bancs des écoles, pour retrouver leurs familles."
22 Journaliste : Est-ce que vous êtes inquiet par la possibilité que les
23 Albanais du Kosovo et l'UCK commencent des combats avec ces paramilitaires
24 et que l'OTAN donc finalement se trouve dans ce feu, pris dans le piège de
25 ce combat ?
26 Réponse : Nous devons faire attention à ce qui va se passer avec les
27 troupes de l'OTAN. Je pense que le Kosovo ne sera pas un endroit où les
28 Serbes vont souhaiter rester paisiblement et seront être heureux si l'OTAN
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1 y est. Cela étant dit, je ne suis pas sûr que les Serbes vont vouloir
2 rester là-bas. Je pense qu'ils vont souhaiter regagner la Serbie. Je ne
3 sais pas comment cela va se passer, mais je pense que les gens vont vouloir
4 regagner leurs foyers -- Kosovo ne sera pas un endroit vont souhaiter
5 rester."
6 Est-ce que cela veut dire que vous dites aux Serbes qui habitent là-bas
7 qu'ils doivent partir du Kosovo ?"
8 Non. Nous ne prévoyons rien. Cela dépend des faits."
9 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
10 M. MISETIC : [interprétation] Nous essayons d'anticiper les faits. Pourquoi
11 cela importe ? On va revenir vers la transcription de la réunion à Brioni.
12 Vous avez entendu, Monsieur le Président, ce que savait tout le monde
13 avant la réunion de Brioni et avant l'opération Tempête, ce qui était le
14 secret de Polichinelle.
15 Avant l'opération Tempête dans la transcription de Brioni, vous
16 n'allez à aucun moment entendre le président Tudjman encourager ses
17 généraux, de faire quelque chose dans le cas où la population civile fuit.
18 Pourquoi ? Parce qu'il n'avait aucun besoin de le faire. Il n'avait aucune
19 raison de faire fuir les civils, puisque tout le monde savait quelle était
20 la politique des dirigeants serbes, à savoir d'évacuer ses propres civils.
21 M. Tieger a cité ce qui suit. Il a dit : "Comment nous allons
22 résoudre cela ?" C'est cela qui est l'objet de notre discussion
23 d'aujourd'hui. Nous devons frapper les Serbes de sorte qu'ils
24 disparaissent, pratiquement qu'ils disparaissent. Autrement dit, ces
25 territoires vont devoir capituler en l'espace de quelques jours."
26 Monsieur le Président, nous considérons que la bonne interprétation
27 de ce que Tudjman dit est quand il parle des "Serbes," qu'il ne parle pas
28 des civils serbes. Il utilise ce nom de la même façon, donc on pourrait
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1 dire les Américains quand on parle des forces armées des Etats-Unis. Ce
2 qu'il dit c'est ce qui suit, je cite :
3 "A cause de cela, notre objectif n'est pas le même que celui de
4 Bihac. Il s'agit d'infliger de telles pertes de plusieurs axes d'attaque de
5 sorte que les forces serbes ne peuvent pas s'en remettre. Ils seront
6 obligés de capituler." "Capituler," c'est le même terme que celui qu'il a
7 utilisé dans le premier paragraphe. Ce sont les armées qui capitulent, pas
8 les civils.
9 On savait que Knin n'était pas défendue. Que savaient les Croates à
10 l'époque ?
11 "L'avocat Domazet a dit : "La contre-attaque sera en deux phases,
12 Monsieur le Président. Vous allez avoir les forces d'attaque venues de deux
13 axes qui vont agir sur Knin."
14 L'armée croate ne s'attendait pas à ce que Knin ne soit pas défendue.
15 D'ailleurs on ne peut pas dire que Knin n'a pas été défendue. Nous allons
16 présenter les preuves qui vont le démontrer.
17 Page 10. Transcript de la réunion de Brioni. Il n'est pas le cas de
18 la tentative de faire fuir les civils. Dans ce paragraphe, il pouvait bien
19 voir que le président Tudjman critique la planification de l'opération
20 Tempête, parce qu'on ne laisse aucune route de sortie aux civils, alors
21 qu'on anticipe que les civils vont fuir pour des raisons que j'ai déjà
22 expliquées. Et le plan initial était de leur tendre un piège aux civils et
23 aux forces armées dans ce qu'ils appellent la Krajina. C'est pour cela que
24 le président dit : "Vous savez de ce point de vue ou du point de vue
25 stratégique, vous savez quelle est la faiblesse de notre plan. Tout cela
26 c'est bien, mais tout ce que les amiraux prévoient, à savoir de fermer les
27 trois portes de sortie. Mais vous ne laissez aucune porte de sortie. Il n'y
28 a aucun moyen pour eux de sortir, de s'enfuir. A la place de cela, vous les
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1 forcez à se battre jusqu'à la dernière goutte de sang, et ceci implique
2 plus de victimes et plus de forces de notre côté."
3 Je pense qu'il faut leur laisser la possibilité d'avoir une porte de
4 sortie pour qu'ils puissent retirer leurs forces…"
5 Je vais ralentir, ensuite la page suivante.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Surtout quand vous lisez,
7 parce que là vous avez plutôt tendance à accélérer.
8 Vous pouvez poursuivre effectivement.
9 M. MISETIC : [interprétation] Merci.
10 La question de panique. Ce que dit le président, le voici : "… à
11 partir du moment où une offensive générale est lancée dans tout le
12 territoire, bien, cela va augmenter la panique à Knin."
13 Il ne dit pas à partir du moment nous commençons à pilonner. Il dit à
14 partir du moment où l'attaque est lancée, à partir du moment où il y a plus
15 de pressions sur leur front, et c'est cela qui va semer la panique.
16 Autrement dit, les dirigeants serbes vont être paniqués. Ce n'est pas les
17 forces croates qui vont provoquer cette panique. Le président Tudjman parle
18 justement du pilonnage. Il parle du pilonnage pour aboutir à une
19 démoralisation totale, et nous allons y arriver dans quelques instants. M.
20 Tieger en a parlé. Il a cité justement. C'est bon.
21 Le président, je cite : Est-ce qu'une attaque contre Knin est
22 possible sans toucher le camp de la FORPRONU et de l'UNCRO ?
23 Le général Gotovina répond : "Pour le moment nous pouvons mener des
24 opérations très ciblées à Knin de manière systématique sans viser la
25 caserne où se trouve l'UNCRO.
26 L'amiral Domazet : "Dans la caserne du sud, si les forces sont au nord, on
27 peut tirer avec beaucoup de précision sans qu'ils entrent, sans qu'ils
28 soient touchés. Le camp ne sera pas touché, parce qu'il est au sud de Knin
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1 et nous nous visons le nord."
2 Voilà ce que dit l'amiral Domazet. Donc, "nous n'allons pas leur
3 tirer dessus, il n'est pas question d'arroser Knin d'un tir d'artillerie
4 nourri. Il n'en est nullement question."
5 Pour terminer, le général de l'armée croate chargé de la logistique,
6 Vladimir Zagorec se voit demander de présenter ses observations au sujet de
7 l'état des réserves de munitions et il répond : "Nous pouvons fournir un
8 appui logistique à une partie. Vous avez l'inventaire de toutes nos
9 ressources. Cependant, à Glamoc et Bosansko Grahovo on a utilisé beaucoup
10 de munitions. Moi, il y a une chose qui me préoccupe maintenant - et
11 j'appelle tous les commandants à tenir compte du volume de munitions qui a
12 été utilisé au cours de ces opérations et qui sera utilisé. Nous avons des
13 réserves qui nous permettront de tenir cinq jours. Cependant, il faut faire
14 particulièrement attention à l'artillerie." Que répond le président un peu
15 plus tard ? Comment conclut-il cette discussion au sujet de l'artillerie ?
16 Je cite : "Messieurs, je vous l'ai déjà dit à tous, et en particulier à
17 certains généraux, dans cette guerre, nous dépensons nos munitions comme si
18 nous étions des Russes ou des Américains. Je vous demande donc d'utiliser
19 moins de munitions, de participer à des opérations de sabotage, d'utiliser
20 la surprise, de frapper avec des forces d'infanterie plus limitées, et même
21 avec des hélicoptères là où on ne nous attend pas afin que nos attaques
22 aient un impact plus important - c'est clair. Si nous avions suffisamment
23 de ressources, moi aussi je serais favorable à la destruction systématique
24 par le pilonnage avant d'avancer sur le terrain."
25 C'est clair ce qui ressort de son passage. "Nous n'avons pas suffisamment
26 de ressources en matière d'artillerie, il ne faut surtout pas les
27 gaspiller."
28 Il a été question de tracts.
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1 M. Tieger a déformé la réalité il dit que des tracts ont été largués
2 pendant l'opération Tempête avant l'ordre de Martic. En réalité, ces tracts
3 ont été largués sept heures avant l'ordre d'évacuation de Martic. Tout ce
4 qui a été dit c'était que l'ordre d'évacuation avait été délivré et on
5 indiquait quels étaient les itinéraires sûrs qu'on pouvait emprunter pour
6 partir.
7 On abandonne maintenant la réunion de Brioni. Intéressant de signaler
8 quelque chose qui n'a pas été évoqué hier par l'Accusation. Des
9 représentants de haut niveau du gouvernement de Croatie se sont rendus le
10 1er août à Washington. Au cours de cette réunion, ils ont reçu une
11 autorisation. Bon, je ne vais pas entrer dans le détail des termes
12 diplomatiques qui vont être utilisés, en tout cas, ça avait valeur
13 d'autorisation, autorisation donnée par les Etats-Unis pour que la Croatie
14 lance l'opération Tempête. Il y avait plusieurs conditions à respecter. La
15 première condition, il fallait minimiser au maximum toutes les pertes
16 civiles. Deuxième condition, il fallait surtout que rien n'arrive aux
17 forces des Nations Unies. Troisième condition, il fallait procéder
18 rapidement et proprement.
19 Les éléments de preuve montreront que le gouvernement croate après le
20 1er août - avant le 1er août déjà, mais après le 1er août surtout avait reçu
21 cette approbation, cette autorisation et il a fait en sorte que le
22 gouvernement croate, que toutes les conditions fixées par les Etats-Unis
23 soient respectées.
24 Le 2 août, le ministre de la Défense organise une réunion de très haut
25 niveau à laquelle participent tous les généraux ainsi que le personnel
26 militaire concerné. Nous disposons de notes de procès-verbal de cette
27 réunion. Que dit le ministre de la Défense à tous les membres de l'armée,
28 je cite : "La police militaire doit être déterminée dans son action et doit
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1 empêcher toutes les exactions.
2 "Les commandants de ZP, c'est-à-dire, les commandants des districts
3 militaires ou des régions militaires, doivent être ceux qui transmettent
4 aux autres commandants cette consigne. Cette consigne portant interdiction
5 de toute exaction, incendie criminel, pillage, et cetera.
6 "Il ne faut pas qu'il y ait de raison de juger ensuite - ou de faire passer
7 en justice les héros de la guerre de la mère patrie.
8 Le "PB," le service idéologique et politique du ministère de la Défense
9 doit fournir les informations nécessaires à ce sujet aux membres de l'armée
10 et c'est le service des affaires politiques qui était chargé."
11 On vous montrera d'assurer la formation en matière de droit
12 humanitaire international pour toutes les unités, les informer de leurs
13 obligations de respecter aussi bien le droit croate que le droit
14 international.
15 Ce même jour, à 17 heures 30, le ministre de la Défense et le
16 ministre de l'Intérieur se réunissent, ils parlent de la sécurité et de la
17 manière dont ils vont assurer la sécurité dans la zone après les opérations
18 militaires. Le ministre de la Défense, Susak, le ministre Jarnjak, ministre
19 de l'Intérieur, assistent à cette réunion, ainsi que l'adjoint du ministre
20 de l'Intérieur Josko Moric, de même que M. Lausic qui a commis ce procès-
21 verbal, et dont le nom ne figure pas ici, M. Lausic.
22 Le ministre Jarnjak au point 3 dit : "Toutes les unités de réserve du
23 MUP doivent être mobilisées le 3 et le 4 août 1995, entrer dans les
24 territoires libérés et s'en assurer le contrôle.
25 "L'administration de la police se trouvera à Knin et à Glina."
26 Ce même jour, le chef de la police militaire, M. Lausic, donne un
27 ordre afin que l'ordre du ministre de la Défense et de l'Intérieur soit
28 respecté, il envoie le commandant Juric sur place pour que les ordres de
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1 Lausic soient bien exécutés dans la région militaire de Split. Et il donne
2 au commandant Juric l'autorité de remplacer les commandants de la police
3 militaire qui n'appliquent pas efficacement les ordres du ministère de la
4 Défense et du ministère de l'Intérieur. "Le commandant Juric est le
5 supérieur du commandant du 72e Bataillon de police militaire et du 73e
6 Bataillon de police militaire.
7 Et il est chargé de la mise en œuvre de toutes les missions de la
8 police militaire dans la zone de responsabilité de la 72e Brigade de police
9 militaire."
10 Il faut savoir que M. Juric et Lausic ne figurent pas dans la filière
11 hiérarchique dépendant de M. Gotovina, il ne peut leur donner des ordres et
12 eux-mêmes ne peuvent donner des ordres au général Gotovina.
13 Le 3 août, l'assistant du ministre de l'Intérieur, M. Moric et M.
14 Lausic, chef de la police militaire, se réunissent dans une réunion de
15 coordination, il s'agit d'établir le plan pratique découlant des
16 instructions de leur ministre.
17 Le général Lausic donne un ordre où il est dit : "Le 3 août 1995, une
18 réunion de travail a eu lieu avec des représentants du ministère de
19 l'Intérieur, au cours de cette réunion les tactiques et la méthodologie des
20 activités de la police militaire et de la police civile au début des
21 opérations d'offensive dans les nouvelles régions libérées de la république
22 ont été évoqués.
23 "Conformément à ces conclusions et afin de faire en sorte qu'elles
24 soient mises en œuvre à tous les échelons du commandement des unités de la
25 police militaire des forces armées de la République de Croatie, j'ordonne
26 ce qui suit…" et ensuite on trouve les détails de cet ordre.
27 Il est indéniable que la politique militaire et la police civile ont
28 préparé un plan pour empêcher toute activité criminelle sur les ordres des
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1 dirigeants croates et ces ordres ont été mis en œuvre du côté militaire par
2 M. Lausic, et du côté civil par M. Moric. Le général Gotovina n'a pas
3 participé à ces réunions, il n'y a pas été invité, on ne lui a pas demandé
4 d'y envoyer un officier de liaison afin de parler de ses plans ou de la
5 manière dont ils seraient mis en œuvre.
6 Si on veut croire ce qu'avance l'Accusation, il faudrait arriver à la
7 conclusion qu'on avait préparé un plan dans le domaine de la sécurité avant
8 même l'opération Tempête. Et que le ministère de l'Intérieur et le
9 ministère de la Défense avaient donné cet ordre, ils l'avaient remis
10 ensuite aux assistants, aux chefs de la police militaire et civile pour en
11 déterminer les détails. D'après l'Accusation, M. Lausic aurait ensuite
12 placé sous les ordres du général Gotovina la police militaire alors que le
13 général Gotoviva ne se trouve dans aucune de ses filières hiérarchiques --
14 de ces voies hiérarchiques. Il n'est présent à aucune de ces réunions. Tout
15 ceci bafoue la logique militaire, bafoue même le bon sens ainsi que le
16 principe du rasoir d'Occam.
17 Nous faisons valoir, quant à nous, qu'il y a une explication des plus
18 simples, une interprétation des plus simples de ces éléments de preuve. On
19 a préparé des plans, on les a remis à M. Moric et M. Lausic. M. Lausic a
20 donné les ordres pertinents et M. Lausic, tout au long de cette période,
21 est resté responsable de la mise en œuvre de ces plans de sécurité. Il n'y
22 a aucune interprétation différente qui soit possible.
23 Qu'a fait le général Gotovina dans le cadre des dispositions prises pour
24 empêcher toute exaction criminelle ? Il y a l'ordre d'attaque au point 5,
25 dans le cadre de l'opération Tempête dans la région militaire de Split : Il
26 donne l'ordre au service des affaires politiques de "faire en sorte que
27 tout le monde soit bien au courant de ce qu'il faut faire avec le butin de
28 guerre.
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1 Faire bien comprendre aux unités également qu'il faut éviter toute exaction
2 dans le cadre des opérations de combat, empêcher les incendies criminels,
3 la destruction de zones habitées."
4 Point 8 : "Informer les unités de la manière dont on va traiter les civils
5 et les prisonniers de guerre conformément aux conventions de Genève."
6 Autre élément pertinent, on en a déjà parlé, le général Gotovina avait mis
7 en place son propre centre de formation où on enseignait les principes du
8 droit international. Il a fait venir les évêques catholiques pour essayer
9 d'inculquer tous ces principes à ses soldats. Il faut se souvenir de la
10 réunion du 2 août et les exhortations du ministre de la Défense afin que
11 l'on empêche tout comportement illicite.
12 Les éléments sont très clairs. Toutes les institutions-clés de la
13 République de Croatie s'efforcent d'empêcher que des crimes ne soient
14 commis. Il s'agit du MUP, le ministère de l'Intérieur. Il s'agit également
15 de la police militaire, vous avez vu l'ordre qui a été donné pour empêcher
16 que des crimes ne soient commis. Il y a également le ministère de la
17 Défense, les chefs militaires, y compris le général Gotovina, toutes ces
18 personnes, toutes ces organisations donnent des ordres pour que des crimes
19 ne soient pas commis.
20 Le principe du rasoir d'Occam, encore une fois. L'Accusation, elle,
21 voudrait vous faire croire qu'un Etat, ses ministres, ses généraux donnent
22 des ordres dont ils souhaitent qu'ils ne soient surtout pas exécutés. La
23 Défense fait valoir que la réponse, la solution la plus simple, la plus
24 évidente, c'est que les ministres, les commandants ont donné ces ordres,
25 pourquoi, parce qu'ils voulaient que ces ordres soient suivis des faits.
26 Pourtant, l'Accusation aimerait vous faire croire qu'il existait une
27 entreprise criminelle commune qui permettait que des crimes soient commis.
28 Et pour aller dans ce sens, il faudrait croire que ces ordres ils ont été
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1 donnés surtout pour qu'ils ne soient pas exécutés. Voilà ce qu'il faudrait
2 croire.
3 Je remarque également dans le journal opérationnel, les exhortations qui
4 sont faites à l'intention des commandements de la région militaire de
5 Split, je cite : "Knin ne doit pas connaître le même traitement que
6 Grahovo."
7 Parlons maintenant de la mise en œuvre de l'opération Tempête. Dans le
8 cadre du plan Vance, c'est le plan qui a présidé à la venue des forces du
9 maintien de la paix des Nations Unies en Croatie, au point 4, page 448 à
10 l'écran. Il est dit : "Les forces de maintien de la paix devront faire
11 preuve d'une totale impartialité face aux différents intervenants dans le
12 conflit."
13 Vous serez sans doute très surpris par les éléments qui vont être présentés
14 au cours de ce procès, le fait est que le personnel des Nations Unies n'a
15 pas fait preuve de la neutralité qu'ils étaient pourtant tenus de respecter
16 conformément au plan Vance.
17 Une des conditions qui avait été dictée par les Nations Unies -- par les
18 Etats-Unis pour que l'opération Tempête ait lieu, c'était que surtout il ne
19 fallait pas qu'il arrive quoi que ce soit aux représentants de l'ONU en
20 Croatie. Suite à quoi, le gouvernement croate informe les Nations Unies à
21 la veille du 3 août que l'opération va commencer à 5 heures et qu'il faut
22 prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité du
23 personnel des Nations Unies. Que fait le personnel des Nations Unies, que
24 fait le commandant du secteur sud ? Bien, ils enfreignent le principe de
25 neutralité de l'ONU et ils informent immédiatement l'état-major principal
26 des Serbes de la Krajina afin que ceux-ci soient prêts à réagir à
27 l'attaque, ils éliminent donc l'élément de surprise qui est un des
28 principes fondamentaux que l'on doit respecter lorsqu'on prévoit ou
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1 lorsqu'on organise une opération militaire.
2 Comment le savions-nous ? Il y a deux officiers serbes de la Krajina qui en
3 ont déjà parlé. Voilà ce qui s'est passé.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÉTE : [voix sur voix]
6 "A 4 heures 14, j'ai reçu un coup de fil de l'officier de liaison du
7 QG, c'était notre officier de liaison avec la FORPRONU, il m'a dit qu'il
8 avait reçu des informations venant d'un service opérationnel de la FORPRONU
9 au sein du commandement du secteur sud, il nous informait que les Croates
10 allaient nous attaquer. Nous avons été informés à 18 reprises par
11 différents officiers, français notamment, ils nous ont informés qu'on
12 serait attaqué au matin, à
13 5 heures du matin."
14 Le général Sekulic fait référence à un officier français. En fait, il parle
15 d'un officier québécois, c'est quelque chose dont on reparlera au cours du
16 procès.
17 Vous allez également prendre connaissance d'éléments de preuve qui vont
18 dans le sens d'une des déclarations d'un des principaux témoins de
19 l'Accusation dans Milosevic. C'était un des membres des services de
20 renseignements serbes, il travaillait avec Belgrade dans cette RSK -- dans
21 cette soi-disant RSK. Et voilà ce qu'il a d'ores et déjà déclaré à
22 l'Accusation, parlant au nom des services de Renseignements serbes, notre
23 unique objectif, je cite : "Notre unique objectif c'était d'entraver les
24 activités de la MOCE, et ensuite de l'ONU. Nous avons fait notre possible
25 pour qu'ils ne découvrent pas la vérité, et nous avons systématiquement
26 procédé à des opérations de désinformation. C'est incroyable à quel point
27 ils étaient crédibles. Mais quand on répète les mêmes mensonges
28 constamment, apparemment les gens finissent par croire que ça doit être
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1 vrai, qu'il est impossible de mentir aussi régulièrement et aussi
2 systématiquement.
3 "Nous avons également tout fait pour gagner la confiance des représentants
4 de la communauté internationale et pour qu'ils se rallient à notre point de
5 vue. Nous avons fait ce qui était nécessaire pour avoir de bonnes relations
6 avec eux. De cette manière, c'était beaucoup plus facile de leur faire
7 accepter nos mensonges. C'est difficile de penser qu'un ami vous ment, si
8 bien que cette démarche de notre part était tout à fait logique, et je
9 crois que nous avons été beaucoup plus efficaces dans ce sens avec eux que
10 les Croates."
11 Deuxième page qui vous parlera encore plus une fois que vous aurez entendu
12 les premiers témoins, je cite :
13 "Les services secrets serbes ont continué à employer ces moyens
14 jusqu'à aujourd'hui et ils contrôlent pratiquement tout, voire même tous
15 les interprètes qui travaillent pour les organisations internationales dans
16 les zones contrôlées par les Serbes. On encourageait les interprètes à
17 essayer de se gagner la confiance des personnes pour qui elles
18 travaillaient pour qu'on fasse de nouveau appel à eux pour d'autres
19 missions.
20 A partir du début de l'année 1992, j'ai reçu pour instruction de la part de
21 Zimonja de recruter du personnel international des Nations Unies et de la
22 MOCE pour coopérer avec la RSK."
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, vous utilisez ce terme
24 de "témoin vedette," enfin, c'est ce que vous voulez dire, ce n'est pas
25 vraiment un terme juridique approprié. Vous voulez dire que c'était un
26 témoin important de l'Accusation ?
27 M. MISETIC : [interprétation] En fait c'était un témoin initié, si vous
28 voulez.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà, c'est quelque chose qui me paraît
2 plus compréhensible.
3 M. MISETIC : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
5 M. TIEGER : [interprétation] Je m'excuse de cette interruption, mais
6 j'aimerais que nous passions très vite à huis clos partiel et pour quelques
7 minutes seulement.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
10 [Audience à huis clos partiel]
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23 [Audience publique]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup.
25 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons montrer
26 que les personnels de Knin étaient loin de faire preuve de neutralité. En
27 fait ils avaient été trop proches des gouvernements locaux serbes et de la
28 population serbe locale. Effectivement, ils se sont tellement rapprochés de
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1 ces populations que nous allons pouvoir vous montrer des dizaines de
2 membres du personnel des Nations Unies qui ont fini par épouser des Serbes
3 locaux et leurs traducteurs.
4 Discutons de la planification des activités de l'artillerie, l'utilisation
5 de l'artillerie. L'opération Tempête a été menée en accord avec la doctrine
6 militaire américaine appelée "airland battle", bataille air-terre. La
7 doctrine bataille air-terre contient parmi ces éléments essentiels ce qu'on
8 appelle la bataille en profondeur ou "deep battle" à laquelle on a recours
9 lorsque l'on a recours à l'artillerie au début d'une opération afin de
10 parvenir à un certain nombre d'objectifs.
11 Le manuel de l'armée des Etats-Unis indique au point 1 :
12 "L'artillerie est utilisée pour maintenir la pression afin de démoraliser
13 l'ennemi grâce à des tirs massifs."
14 Par ailleurs, l'Accusation a présenté un rapport d'expert dans cette
15 affaire, il s'agit d'un document public de M. Theunens, il s'agit du
16 rapport Theunens où il décrit l'objectif des activités d'artillerie qui ne
17 sont pas, dit-il, contrairement à ce qu'a dit l'Accusation hier, ou nous a
18 donné l'impression, qu'elle a uniquement pour objectif la destruction de
19 cibles militaires.
20 "Les opérations en profondeur ou 'deep operations' ont pour cible des
21 forces ennemis à leur fonction et cela va au-delà de la bataille. Les
22 opérations en profondeur sont exécutées à tous les niveaux par des tirs,
23 manœuvres, leadership, et ont pour objectif d'étendre le champ de bataille,
24 tant d'un point de vue géographique, spatial que chronologique. La bataille
25 en profondeur a pour objectif d'annuler le pouvoir de tir de l'ennemi, de
26 détruire ses approvisionnements et de rompre, et d'avoir un impact négatif
27 sur le moral des troupes."
28 Un moral des troupes c'est un terme qui est utilisé, et le président
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1 Tudjman avait utilisé ce terme de moral des troupes. Il reprend les termes
2 qui apparaissent dans le manuel et que l'on retrouve dans le rapport
3 d'expert présenté par l'Accusation elle-même quant aux objectifs légitimes
4 que dessert une activité d'artillerie.
5 L'on dit que le pilonnage a été ordonné par le général Gotovina afin de
6 mettre la pression sur les populations serbes, est une affirme absurde.
7 Aucun expert militaire ne contestera la décision de Gotovina qui souhaitait
8 utiliser l'artillerie en appui aux opérations offensives, c'est une
9 pratique militaire tout à fait habituelle qui n'a rien d'extraordinaire.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Afin que le compte rendu soit précis, en
11 page 60, ligne 12, on trouve au compte rendu la mention suivante "UN
12 military doctrine," doctrine militaire des Nations Unies. J'imagine que
13 vous avez dit Etats-Unis donc, US militaire doctrine.
14 M. MISETIC : [interprétation] Oui, effectivement, j'ai dit : "Doctrine
15 militaire des Etats-Unis."
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà qui est exact.
17 M. MISETIC : [interprétation] Pour ce qui est de la planification, Monsieur
18 le Président, nous aurons probablement constaté hier qu'il y avait un
19 silence total sur des questions fondamentales, telles que les cibles, par
20 exemple, choisies par l'armée croate et sélectionnées par l'armée croate
21 dès lors qu'il s'agissait de planifier ces activités d'artillerie. Rien n'a
22 été dit hier sur ce point. Quelles sont les cibles sélectionnées par
23 l'armée croate dans la planification des activités militaires? Quelles sont
24 les cibles atteintes par l'armée croate lorsqu'elle a exécuté ses
25 opérations militaires ?
26 Silence radio, si l'on pense à l'expression de la part de l'Accusation hier
27 sur ces deux questions qui sont tout à fait fondamentales. Des références
28 d'ordre général ont été faites au caractère proportionnel, aux
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1 distinctions. Mais on ne fait aucune référence à quelque moyen de preuve
2 que ce soit ou à quelque élément factuel que ce soit.
3 Nous, nous présenterons ces faits, Monsieur le Président, Madame et
4 Monsieur les Juges. C'est nous qui vous les présenterons. Les cibles qui
5 ont été sélectionnées étaient exclusivement des cibles à caractère
6 militaire, à Knin, Obrovac, Benkovac, Gracac, et Drnis. Nous le savons,
7 nous avons les documents à l'appui pour chacune de ces villes et nous les
8 présenterons à la Chambre.
9 L'Accusation souhaite que vous croyiez que les Croates ont pilonné
10 des zones civiles serbes, mais n'offre aucun moyen de preuve. Rien ne
11 permet d'étayer cette thèse, aucun élément n'a été divulgué permettant de
12 savoir quelles sont les zones qui ont été ciblées et quelles sont les zones
13 qui ont effectivement été atteintes.
14 Je ne vous invite pas à vous fier exclusivement à la façon dont nous
15 interprétons les choses, il se trouve qu'il n'y avait aucun pilonnage
16 excessif. L'on a affirmé que ça avait été le cas le 4 août, et en raison de
17 ces affirmations, les gens tels que les personnels des Nations Unies à Knin
18 et auxquels font référence les représentants de l'Accusation, des
19 observateurs de l'armée militaire des Nations Unies ont conduit une enquête
20 suite à ces affirmations trois semaines après les faits allégués afin de
21 s'assurer de la véracité de ces affirmations. Et les conclusions de cette
22 enquête ont été au point 2 les suivantes, je cite : "D'une manière générale
23 le pilonnage se concentrait sur les objectifs à caractère militaire. Le
24 préjudice subi suite au pilonnage par les établissements civils se
25 concentrait essentiellement aux environs immédiats des objectifs militaires
26 en question. Seuls trois impacts, trois à cinq, est-il dit, ont pu être
27 constatés dans d'autres zones de la ville."
28 Il va falloir attendre les arguments de la Défense pour pouvoir examiner ce
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1 rapport, parce que ce témoin, le dirigeant de la mission des Nations Unies
2 qui est sur la liste des témoins était sur la liste de l'Accusation
3 jusqu'au 1er février. Ils ont retiré ce témoin de la liste de l'Accusation.
4 Pourquoi le bureau du Procureur a-t-il retiré ce nom ? Bien, vous entendrez
5 les dépositions du côté de l'Accusation. On vous dira que M. Hjertnes, le
6 chef de la mission des Nations Unies pour le secteur méridional, et ces
7 conclusions ont par la suite été rejetées, des conclusions différentes. En
8 dépit du fait que ce témoin avait indiqué à l'Accusation au milieu du mois
9 de janvier qu'il n'avait pas la moindre idée de ce dont il s'agissait ce M.
10 Hjertnes. Les conclusions ont été qu'il avait déposé sous serment qu'une
11 semaine plus tard. Les conclusions finales ont été présentées au système
12 des Nations Unies et elles n'avaient pas été modifiées. C'est la raison
13 pour laquelle l'Accusation a retiré cela de leur liste au profit de deux
14 autres témoins qui sont en fait des subordonnés d'un niveau, d'un échelon
15 nettement plus moindre au niveau de la hiérarchie des Nations Unies que M.
16 Hjertnes, qui nous dit qu'en fait ces conclusions ont été rejetées.
17 Et c'est là qu'est le problème, Monsieur le Président, Mesdames,
18 Monsieur les Juges. Encore une fois, le rasoir d'Occam, aucun rapport n'a
19 été présenté indiquant qu'il y a eu rejet de ces conclusions. Nous avons
20 fouillé ciel et terre pour essayer de retrouver quelque référence que ce
21 soit dans quelque document des Nations Unies que ce soit, à quelque
22 conclusion que ce soit suite à ce rapport, et nous n'en avons trouvé aucune
23 de conclusion indiquant qu'il y avait eu pilonnage excessif des zones
24 civiles ou pilonnage tout court. Nous avons --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser une question
26 s'agissant de ceci ? Vous nous avez dit : il va falloir attendre que la
27 Défense présente dans ces arguments ce rapport. D'abord, je ne sais pas
28 s'il y aura des arguments présentés par la Défense en la matière. Par
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1 conséquent, vous préjugez un peu, me semble-t-il, de l'issue des
2 procédures. Parallèlement, je ne connais pas vraiment le système des
3 interrogatoires et contre-interrogatoires, mais présenter en contre-
4 interrogatoire un tel rapport à un témoin qui, apparemment, même si c'est
5 encore un doute qui, apparemment, devrait remplacer un autre témoin, on
6 n'en est pas sûr encore, mais est-ce que ce n'est pas un peu curieux ?
7 M. MISETIC : [interprétation] Nous sommes prêts à aller voir en
8 contre-interrogatoire.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que vous dites, mais
10 du point de vue de la procédure je ne comprends pas très bien pourquoi il
11 est nécessaire d'attendre du point de vue de la procédure contradictoire.
12 Et même si vous aviez de tels moyens de preuve, vous n'êtes pas sans savoir
13 que les Juges et la Chambre, bien entendu, participeront à toutes ces
14 procédures, mais la Chambre peut enjoindre une des parties de présenter des
15 moyens de preuve si cela relève de ses pouvoirs. Cela fait partie des
16 pouvoirs de la Chambre. Par conséquent, il ne faut pas être trop pessimiste
17 quant aux perspectives en matière de procédures pour la Défense.
18 M. MISETIC : [interprétation] Mais je suis très heureux de vous
19 entendre, Monsieur le Président, Mesdames et Monsieur les Juges
20 qu'effectivement on pourra présenter cela.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Présentez.
22 M. MISETIC : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, nous avons
23 procédé à l'exercice de LexisNexis, Monsieur le Président, Mesdames et
24 Monsieur les Juges, et nous avons présenté un article écrit en anglais dans
25 lequel on faisait référence au fait qu'un rapport indique que l'armée
26 croate a pilonné des zones civiles et des personnes civiles. Alors, encore
27 une fois, le rasoir d'Occam, donc pour croire à la théorie selon laquelle
28 un rapport a été déposé. L'auteur du rapport dit qu'il n'a pas été modifié;
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1 par conséquent c'est là le résultat et la conclusion.
2 Maintenant si l'on en croit les propos de l'Accusation, cette
3 conclusion a été rejetée. Il n'y a aucun rapport qui existe, et il a dû y
4 avoir un complot ou une conspiration, parce que j'estime qu'un pilonnage
5 excessif de la part de l'armée croate aurait été mentionné quelque part
6 dans un document quel qu'il soit du système des Nations Unies ou autre.
7 Libre à vous, Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les Juges, de tirer
8 vos propres conclusions quant à la crédibilité des arguments avancés par le
9 bureau du Procureur.
10 Outre ce rapport qui est le résultat des allégations qui avaient été
11 faites le 4 août, les médias internationaux se sont rendus sur place à Knin
12 le 7 août pensant qu'ils allaient trouver - et je fais référence à ce que
13 nous a dit M. Tieger hier, et pensant retrouver à Knin une situation
14 identique à celle de Stalingrad ou de Vukovar. Or, qu'ont-ils trouvé sur
15 place à Knin ? Bien, M. Roy Gutman, dans ses conclusions - et il n'est pas
16 le seul à le dire - mais M. Gutman indique que le 7 août : " A la base des
17 Nations Unies de Knin des responsables des Nations Unies contrariés par le
18 couvre-feu continuent les restrictions au déplacement, ont constaté que
19 l'on avait exagéré la nature du préjudice subi par Knin au cours des
20 moments forts des combats.
21 Le commandant des Nations Unies, le général Alain Forand du Canada
22 avait indiqué qu'il n'y avait pas eu d'impacts directs sur l'hôpital de
23 Knin. Des reporters ont vu des cratères de grande taille issus de
24 pilonnages qui avaient fait éclater les fenêtres dans un appartement, mais
25 il n'y avait aucune preuve indiquant qu'il y avait eu pilonnage sans
26 discrimination."
27 L'ambassadeur Galbraith des Etats-Unis a également déposé devant vous
28 indiquant que les attachés militaires avaient indiqué eux aussi qu'il n'y
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1 avait pas eu pilonnage sans discrimination ou pilonnage excessif. Et c'est
2 là l'issue du rapport de l'attaché militaire, tout comme les conclusions
3 des attachés militaires d'un certain nombre d'autres pays.
4 Un des témoins à charge vous dira - et M. Tieger vous l'a dit et il a
5 donné l'impression que l'hôpital de Knin avait été pilonné par l'armée
6 croate. Or, la réalité est toute différente, et c'est ce qu'un témoin
7 indique.
8 Il parle d'une visite à Knin, avec M. Akashi le 7 et il
9 indique : "Je me souviens qu'une des questions qui avaient été posées était
10 celle de savoir si l'hôpital de Knin avait fait l'objet de tirs par quelque
11 partie que ce soit et nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec une
12 infirmière qui nous a indiqué que ce n'est qu'à un seul moment au cours des
13 combats, peut-être le 5 ou le 4 août, qu'un char d'assaut de la République
14 serbe de Krajina avait été en position à proximité de l'hôpital, et c'est
15 ce char qui avait fait la cible des tirs croates et il y avait eu des tirs
16 collatéraux. En fait, rien ne permet d'affirmer que l'hôpital ait été
17 impacté, il n'y avait aucun signe d'impacts. On n'en a pas pu nous montrer.
18 Les seuls impacts qu'on avait pu constater avaient été de tout petits
19 dommages au niveau du bâtiment. Donc ceci est en parfaite contradiction
20 avec les rapports que nous avions entendus selon lesquels l'hôpital avait
21 été fortement endommagé. Ça n'était manifestement pas vrai."
22 Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les Juges, nous discuterons
23 beaucoup du transcript de la rencontre de Brioni dans cette affaire. Nous
24 estimons faire la bonne interprétation de cette rencontre de Brioni.
25 L'Accusation, quant à elle, pense également qu'elle fait la bonne
26 interprétation de cette rencontre. Maintenant, la question qui se pose est
27 la suivante : comment allez-vous, Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur
28 les Juges, décider de la meilleure interprétation que l'on peut faire, les
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1 meilleurs
2 arguments ? Notre argument consiste à dire que la meilleure chose à faire
3 est d'examiner ce que les subordonnés de Tudjman, du président Tudjman ont
4 fait. Comment ont-ils agi suite à cette rencontre de Brioni ? Est-ce qu'ils
5 ont mis en œuvre un plan dont l'objectif était de cibler des civils, des
6 bâtiments civils ? Est-ce qu'ils ont mis en œuvre un plan dont le résultat
7 avait été qu'effectivement des bâtiments ou des civils avaient été
8 impactés, ou est-ce qu'au contraire ils n'ont eu pour cibles que des cibles
9 militaires ? C'est ce que nous montrerons dans un document.
10 Et est-ce qu'ils n'ont frappé que des bâtiments militaires, comme en
11 témoignent les différents éléments que nous vous avons présentés ? Monsieur
12 le Président, Mesdames, Monsieur les Juges, selon nous, l'interprétation
13 que vous devez faire des transcripts de Brioni est la suivante : les
14 commandants croates en auront fait une interprétation et auront interprété
15 les propos du président Tudjman et je vous invite, nous vous invitons à en
16 faire la même interprétation que le commandement croate. C'est là la
17 question qui est au cœur de cette affaire. M. Tieger a sa propre
18 interprétation, mais elle est erronée à mon sens. La question est celle de
19 savoir comment les subordonnés ont interprété les propos du président
20 Tudjman, et je crois qu'il vous appartiendra de vous pencher sur les moyens
21 de preuve, et les moyens de preuve indiquent clairement que les commandants
22 croates n'ont en aucun cas estimé que les propos de M. Tudjman équivalaient
23 à un ordre visant à cibler et à frapper des bâtiments et populations
24 civiles.
25 Comment en est-on arrivé à ces allégations erronées selon lesquelles
26 il y avait eu pilonnage excessif ? D'où cela vient cette affirmation ? Vous
27 pouvez vous poser la question. Nous allons essayer de vous l'expliquer,
28 Monsieur le Président, Mesdames et Monsieur les Juges.
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1 Ces allégations erronées faisaient partie de la propagande des Serbes
2 de Krajina. A 6 heures du matin, le 4, à 6 heures et demie du matin pour
3 être précis, le 4, c'est un rapport du général Mrksic et du commandement de
4 la FORPRONU à Zagreb au général Janvier -- pardon, au général Janvier. "
5 Les tirs d'artillerie à longue portée ont commencé à 5 heures du matin
6 aujourd'hui 4 août et avaient pour cibles des cibles civiles dans les
7 villes de Knin, Benkovac, Obrovac, Drnis, Vrginmost, Vojnic et Glina,
8 Petrinja et dans les endroits les plus peuplés de la partie occidentale de
9 la Krajina, ainsi que dans les secteurs de la Slavonie orientale, du Srem
10 occidental et de Baranja.
11 Simultanément, l'officier de liaison de Mrksic, colonel Novakovic, indique
12 au colonel Janvier. Nous en avons une trace écrite de ce que le colonel
13 Novakovic a indiqué au général Janvier à 6 heures 30 du matin le
14 4 août. Il alerte le général Janvier indiquant au troisième paragraphe :
15 "Ce matin, à 5 heures du matin, les forces de la HV et de la HVO ont mené
16 une agression générale dont les cibles sont des bâtiments civils ainsi que
17 les zones peuplées de la République de Serbie de la Krajina notamment à
18 Knin.
19 "Où ils ont détruit de nombreux bâtiments; nombreuses sont les
20 victimes parmi la population civile dont des femmes, enfants et personnes
21 âgées.
22 "Ils ont pris pour cibles les environs immédiats du commandement du secteur
23 sud de la FORPRONU en utilisant des tirs directs.
24 "Ils ont ciblé des hôpitaux, des bâtiments semblables, tirent de façon
25 aléatoire et les officiers de la FORPRONU qui étaient sur place peuvent
26 confirmer ces affirmations. Ils tiraient aussi à l'aveugle, sans ordre
27 apparent. Les officiers de la FORPRONU qui étaient sur place peuvent
28 confirmer cela."
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1 Mais comme nous le savons, Monsieur le Président, il faut que les Croates
2 aient tiré sur l'hôpital. Il s'agissait là de la propagande et c'est les
3 dirigeants -- c'est les commandants de la FORPRONU secteur sud qui ont
4 informé de cela. Mais ce qui est vrai aussi c'est que le 4 août ils ne se
5 sont pas rendus sur place dans la ville même pour vérifier ce que le
6 général Mrksic et le colonel Novakovic disaient correspondait à la vérité.
7 Ils ont envoyé tout de même un rapport sur la base de ce que Mrksic et
8 Novakovic ont dit. Nous allons entendre M. Lazarevic. Il a dit que c'était
9 très facile de mentir, que c'était une habitude, que c'était très facile de
10 faire croire les commandants de la FORPRONU ce qu'on voulait. Ce qui est
11 fait ici, c'était de mentir à nouveau et les commandants de l'ONU les ont
12 crus. Et ceci est allé si loin qu'à 2 heures de l'après-midi, le 4 août,
13 Carl Bildt, qui était un des coprésidents des représentants de la
14 Communauté européenne, a dit ce qui suit, je vais citer le troisième
15 paragraphe : "Ce qui est surtout regrettable, c'est l'effet qu'on a pilonné
16 la population civile dont on est informé à présent. Il faut se rappeler que
17 le président de la Krajina, M. Martic, était accusé des crimes de guerre
18 suite au pilonnage de Zagreb par les Serbes au mois de mai. Il est
19 difficile de voir une quelconque différence entre ce qu'ils ont fait et le
20 pilonnage présent de Knin dont le responsable est le président Tudjman."
21 A 2 heures de l'après-midi le 4 août, ont écrit cela et personne de la
22 FORPRONU ne s'est rendu sur place pour vérifier si ceci correspondait oui à
23 non à la réalité, C'était une conclusion hâtive qui a fait suite aux
24 déclarations et -- les résultats de ce qu'a dit M. Bildt est que les
25 représentants des médias internationaux se sont rendus à Knin et ils ont vu
26 que tout ceci ne correspondait pas à la réalité. Mais vous avez un autre
27 résultat; c'est que les observateurs militaires des Nations Unies ont
28 vérifié cela et ils ont vu qu'il s'agissait là d'une fausse information.
Page 584
1 Mais comme M. Lazarevic, ce témoin de l'intérieur, comme on dit, initié, a
2 dit : Bien, ils étaient sous l'influence, le commandement de l'UNCRO à
3 Knin, était sous l'influence des officiers serbes, et nous allons le
4 prouver. Nous allons le prouver pendant le procès.
5 Puis je voudrais ajouter quelque chose. La déposition de ces officiers sur
6 laquelle se base l'affirmation du Procureur, à savoir qu'on a pilonné sans
7 faire distinction, bien, je dois dire qu'ils étaient en fonction en 1995 et
8 1996. Pendant les 13 années entre-temps, il n'y a pas eu d'autres
9 affirmations. Mais je voudrais tout de même attirer votre attention sur la
10 modification de l'acte d'accusation qui a été confirmée au mois de février
11 2004 et je vais vous demander de vérifier si dans ces documents on peut
12 trouver les termes suivants "pilonnage," "artillerie" ou un quelconque
13 terme semblable. Parce que s'ils avaient vraiment des preuves au-delà de
14 tout doute raisonnable indiquant que ce que disaient les commandants de
15 l'UNCRO à Knin était si fiable alors qu'ils les possèdent depuis 12 ou 13
16 ans, pourquoi alors on ne trouve pas ces termes dans l'acte d'accusation
17 d'avant. Pour la première fois qu'on le trouve dans l'acte d'accusation
18 c'est dans l'acte d'accusation confirmé en 2006 où il s'agit d'un nouvel
19 acte d'accusation concernant le général Gotovina où on dit qu'il faisait
20 partie de cette entreprise criminelle commune.
21 Vous allez trouver la réponse à la fin, la conclusion même du Procureur.
22 Ils avaient besoin d'un crime, d'un crime fait par Ante Gotovina proprement
23 dit pour donner l'excuse de sa présence ici. Parce que vous n'avez jamais
24 vu un ordre de commettre un crime, au contraire, vous avez vu qu'il a
25 constamment fait des ordres demandant qu'on respecte l'état de droit.
26 Alors, quel est ce crime dont est coupable M. Gotovina ? Nous affirmons
27 qu'il n'y a pas eu de crime. Et vous ne pouvez pas l'inscrire dans le cadre
28 de cette entreprise criminelle commune à moins de dire qu'il y a eu ce
Page 585
1 pilonnage excessif, le pilonnage qui se trouve pour la première fois
2 mentionné dans l'acte d'accusation modifié et c'est sur cela que s'appuie
3 le Procureur. Il n'y a pas eu un seul élément qui a été apporté par rapport
4 à cela, à l'appui de cela pendant les 13 années.
5 Je pense que le moment est opportun pour prendre la pause à présent.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez avoir besoin de combien de
7 temps encore.
8 M. MISETIC : [interprétation] Nous allons aller jusqu'à la fin.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc nous allons prendre une
10 pause à présent. Nous allons reprendre nos travaux à
11 1 heures moins 25, ensuite vous allez pouvoir travailler une heure et 10
12 minutes.
13 --- L'audience est suspendue à 12 heures 11.
14 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de vous donner la possibilité de
16 poursuivre, Monsieur Misetic, il semble que nous avons toujours ce problème
17 de savoir quel est l'acte d'accusation qui est opérationnel. L'acte
18 d'accusation qui date du 22 février avec son titre : La proposition d'un
19 acte d'accusation modifié. C'est pour cela que nous avons demandé au
20 Procureur de présenter à nouveau cet acte d'accusation sans le mot qui
21 préside [phon] à savoir la "proposition" de l'acte d'accusation modifié.
22 Et cela sème la confusion, parce que nous opérons sur la base de cet acte
23 d'accusation-là.
24 M. TIEGER : [interprétation] Bien, je m'attendais à ce que ceci soit fait
25 auparavant, enfin, déjà fait en tout cas. Nous avons eu des problèmes,
26 parce que le Procureur principal n'était pas là pour signer, le Procureur
27 donc n'a pas pu le signer, mais c'est un acte d'accusation opérationnel et
28 nous allions pallier à ce problème le plus rapidement possible.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, la Chambre s'attend à ce
2 que le Procureur le fasse le plus rapidement possible.
3 En même temps, je souhaite dire pour le compte rendu d'audience que
4 les Juges de la Chambre vont donc exclure ce mot, ce terme, "la
5 proposition" de l'acte d'accusation modifié. Il s'agit de l'acte
6 d'accusation du 22 février et c'est sur la base de cet acte d'accusation
7 que l'on opère.
8 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais corriger quelque chose dans
9 le compte rendu d'audience. Il s'agit de la déclaration de Steinar
10 Hjertnes. Il s'agit d'une pièce à conviction en vertu de l'article 92 ter
11 et nous allons faire cela par le biais d'un de nos témoins.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
13 Nous allons poursuivre.
14 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourquoi les
15 Serbes de Krajina ont quitté la Krajina le 4 août ? Parce que c'était une
16 évacuation planifiée à l'avance. Ils ont fait des exercices pour
17 s'entraîner à réaliser ce plan, et ce plan a été réalisé bel et bien le 4
18 août.
19 Mais on va revenir un peu en arrière.
20 Vous allez entendre des preuves, des témoignages du personnel des
21 Nations Unies, qui indiquent que déjà le 4 août, à partir de
22 14 heures, ils disaient que la situation à Knin était calme, que les gens
23 sortaient de chez eux après le premier pilonnage qui a eu lieu le matin, et
24 que déjà, à 15 heures, le 4 août, ils balaient les débris de verre devant
25 chez eux.
26 A 16 heures 45, vous allez voir cela sur vos écrans, Milan Martic a
27 fait un ordre portant sur l'évacuation de la population civile.
28 Au niveau du point 1, vous pouvez lire : "Commencer l'évacuation
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1 planifiée de tous les habitants qui ne sont pas aptes à combattre venant de
2 municipalités qui suivent," ensuite on énumère les municipalités.
3 Ensuite, le point 2 : "L'évacuation va s'effectuer de la façon
4 planifier un accord avec les plans existant dans les directions prévues
5 auparavant, à savoir Knin tout d'abord et ensuite Otric, Srb et Lapac."
6 Le Procureur hier a dit que cet ordre n'avait pas pour objectif d'évacuer
7 les civils de façon permanente, de les faire partir de la Krajina, qu'il
8 avait été prévu de les déplacer de façon interne à Srb et à Lapac, qui sont
9 les villes qui se trouvent en Croatie.
10 Nous considérons que les moyens de preuve n'appuient pas cette thèse. Il
11 est vrai que l'ordre de Martic indique qu'il s'agit de se rendre à Srb et à
12 Lapac, mais pourquoi ? Parce que ce sont les plans qui existent. Ceci avait
13 été préparé à l'avance. En réalité, l'ordre demandait qu'on aille jusqu'à
14 Bosanski Petrovac en Bosnie et jusqu'à Banja Luka en Bosnie.
15 Comment le sait-on ? A 19 heures 53 le 4 août, les Nations Unies ont
16 informé - et cela ressort de ce document, le paragraphe 4, le document
17 suivant : "Nous avons été informés par l'UNHCR de secteur sud que les
18 dirigeants de Knin ont demandé que l'UNHCR et l'UNPF assistent à
19 l'évacuation d'à peu près 32 000 civils de Benkovac, Obrovac, Gracac et
20 Knin jusqu'à Petrovac et Banja Luka en Bosnie-Herzégovine."
21 Ce n'est pas que cela que nous avons. Nous avons aussi les dirigeants des
22 Serbes de Krajina qui se parlent entre eux dans une vidéo et ils décrivent
23 l'ambiance qui règne autour de Milan Martic et le général Mrksic, cet
24 après-midi là, le 4 août, et comment est-on arrivé à la décision d'évacuer
25 toute la population civile de la Krajina vers la Bosnie. Nous souhaitons
26 vous montrer cela. C'est Drago Kovacevic qui était le maire de Knin qui en
27 parle. C'était un des hauts dirigeants et collaborateur de Martic.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "Il était en uniforme. Il avait un grand cendrier devant lui, avec plein de
3 mégots, et on s'est dit bonjour. Je lui ai demandé pourquoi il m'appelle ?
4 Il m'a dit qu'il m'a appelé, parce qu'il fallait prendre des décisions
5 d'évacuer et il fallait prendre des mesures pour informer la population
6 civile. La population civile de toute la Dalmatie, les municipalités de
7 Benkovac, Obrovac, Knin et Drnis, mais aussi de la municipalité Gracac à
8 Lika.
9 Je n'étais pas choqué par cela. J'ai bien vu que c'était une mesure
10 raisonnable. C'est à ce moment-là que nous avons donné l'ordre. Justement à
11 ce moment-là.
12 Et nous avons écrit qu'il s'agissait d'évacuer toute la population civile
13 dans la direction de Knin, Otric, Srb, ou Lapac. Mrksic a dit : Mais pour
14 parler de Srb, il faut aller plus loin. Plus loin vers Petrovac, même vers
15 Banja Luka, Ensuite, il a émis une sorte de réserve. Il a dit si jamais on
16 fait partir les civils, si on parle dans ce sens, on va avoir un problème.
17 Il dit : Les civils partent, ensuite l'armée les suit, parce qu'il s'agit
18 de les escorter, nous allons avoir de gros problèmes.
19 Cependant, à un moment donné, dans l'après-midi, quand il est arrivé, parce
20 qu'il était à l'étage - c'est de Mrksic que je parle - il m'a dit déjà sur
21 l'escalier qu'il avait donné l'ordre que la population soit évacuée. Je lui
22 ai dit : Mon Général, c'est l'armée qui va se démanteler. Pourquoi voulez-
23 vous évacuer tous ces gens ? Mais il a dit : Non, ce n'est pas notre
24 décision, c'est la décision qui relève du conseil suprême de la Défense.
25 C'est à ce moment-là que quelqu'un, peut-être lui-même, a demandé à parler
26 avec Slobo, il voulait parler avec Slobo mais il n'a pas parlé avec Slobo,
27 il a parlé avec Brane Crncevic. C'est lui qu'il a eu au téléphone et il le
28 rassurait, parce que sans doute qu'il ne pouvait pas parler avec Slobo -
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1 bon, il a dit de toute façon que Brane allait rien faire - que celui-ci
2 n'allait rien faire. C'est la première fois que j'ai entendu Martic dire du
3 mal de Slobo."
4 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
5 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, les moyens de preuve
6 que nous allons présenter en l'espèce vont être cristalement [phon] clairs.
7 Les dirigeants des Serbes de Krajina, à la tête desquels se trouvait Milan
8 Martic, tout comme ils l'ont fait déjà en Slavonie occidentale et comme ils
9 l'avaient prévu avant l'opération Tempête, 90 jours avant, ils ont évacué
10 leur propre population, parce qu'ils ne voulaient pas qu'ils vivent dans un
11 Etat multiethnique. Ceci faisait partie de l'idéologie qui régnait dans ce
12 qu'on appelait la Krajina. Cette idéologie, comme cela a été présenté dans
13 le mémoire préalable au procès dans l'affaire Martic, il ne pouvait pas y
14 avoir de cohabitation avec les Croates. Les Serbes ne pouvaient vivre que
15 dans un Etat ethniquement pur, un Etat homogène. Ça a été la mentalité qui
16 régnait, imposée par cette idéologie de la Grande-Serbie qui existait à
17 l'époque. Une vidéo en date du 7 août, où l'on parle de ce qui s'est passé
18 quand on passe en revue ce qui s'est passé déjà avant, il s'agit d'une
19 vidéo contemporaine du 7 août 1995. Il s'agit d'un certain Savo Strbac qui
20 était un homme-clé de l'entreprise criminelle commune de Martic. Vous allez
21 en entendre parler souvent en long et en travers pendant tout le procès.
22 M. Strbac était du point de vue idéologique quelqu'un de très fort, qui
23 soutenait cette idéologie de la Grande-Serbie. Il a fait de nombreuses
24 interventions pour les médias internationaux même. Il a dit à de nombreuses
25 reprises que les Serbes ne pouvaient accepter qu'une Grande-Serbie, une
26 Serbie unifiée, qu'il était absolument impossible de continuer la
27 coexistence côte à côte avec les Croates.
28 D'ailleurs, après l'opération Tempête, M. Strbac a créé son propre
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1 "centre humanitaire" et il est devenu un collaborateur du bureau du
2 Procureur, en aidant les Procureurs à trouver les témoins pour cette
3 affaire. Il s'est même muni d'une lettre de recommandation du bureau du
4 Procureur pour pouvoir réunir les fonds pour faire ce travail.
5 Cette vidéo a été enregistrée le 7 août 1995. Et là, M. Strbac explique
6 dans un studio de télévision, d'enregistrement qui se trouve à Banja Luka,
7 il explique à la population pourquoi on a pris la décision d'évacuer les
8 Serbes de Krajina.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
11 "Les Croates n'ont jamais vraiment eu l'intention de vivre avec les Serbes,
12 dans ce qui était avant la Croatie.
13 Maintenant on le voit clairement. On a les exemples très récents de leur
14 agression dans la Slavonie occidentale et maintenant même en Dalmatie,
15 Lika, Banija et Kordun. Nous tous qui étions en position de parler avec les
16 représentants internationaux, on les mettait en garde par rapport à ces
17 faits, à savoir que les Croates ne voulaient pas être avec nous et que nous
18 on n'osait pas être avec eux parce qu'on ne voulait pas revivre cette
19 situation génocidaire. Je dis que nous n'osions pas, parce qu'il ne s'agit
20 pas de ne pas souhaiter, il s'agit de ne pas pouvoir, de ne pas oser. C'est
21 un terme qui est plus puissant et je le fais exprès, parce qu'il s'agissait
22 de garder notre patrimoine génétique, notre peuple. Nous aurions pu tous
23 être tués, disparaître, les civils, les femmes. Nous avions besoin de
24 préserver notre patrimoine génétique, notre espèce pour survivre.
25 Puis, à la fin, l'association Veritas a écrit une lettre à Boutros-
26 Ghali et le mettait en garde contre cela, contre ce qui s'est passé et ce
27 qui pourrait se passer, c'est-à-dire, un massacre sans précédent qui
28 pourrait être perpétré contre la population serbe. Et c'est à cause de cela
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1 que nous avons décidé de partir à l'exode pour protéger notre espèce."
2 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
3 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, la décision a été
4 prise de préserver notre patrimoine génétique. C'est la raison pour
5 laquelle les Serbes de Krajina et les dirigeants de Milosevic de son
6 entreprise criminelle commune, en partant de la Slavonie occidentale en
7 passant par Sarajevo et jusqu'au Kosovo, c'est la raison pour laquelle ils
8 ont systématiquement évacué les civils, pour préserver leur espèce.
9 Maintenant nous allons parler de la question de la prévention des crimes.
10 Vous avez déjà vu l'ordre du général Gotovina avant l'opération Tempête. Il
11 s'agissait de respecter le droit international humanitaire, d'empêcher le
12 pillage. Vous avez vu dans le journal de la région militaire de Split que
13 Knin ne doit pas passer -- enfin, il ne doit pas se reproduire Grahovo à
14 Knin, les Serbes de Grahovo. Et vous allez voir ce qui a été écrit dans ce
15 même journal, le 5 août quand le général Gotovina, quand il a entendu que
16 ses forces étaient prêtes à entrer dans Knin, a dit qu'il fallait traiter
17 les civils de la façon la plus correcte possible et qu'il fallait traiter
18 de la même façon les représentants des Nations Unies et que ceci devait
19 être communiqué à tous les groupes opérationnels et à tous les soldats.
20 Donc il fallait être correct au maximum. Il est vrai qu'à partir du moment
21 où les soldats sont entrés à Knin dans une ambiance triomphante ils se sont
22 livrés à des pillages. Pas vraiment à grande échelle, ceci va être confirmé
23 par les rapports sur la situation des Nations Unies ainsi que par le biais
24 des différentes vidéos que nous allons vous montrer pendant ce procès. A
25 partir de la date du 7, on dit que l'armée croate à Knin se comporte "de
26 façon correcte et professionnelle." Pourquoi se comportent-ils de façon
27 professionnelle et correcte à partir de la date du 7 ?
28 Le Procureur a parlé d'une vidéo par rapport à ce que Gotovina a fait
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1 quand il est entré à Knin le 7 août [comme interprété]. Il est important de
2 savoir que M. Gotovina a dirigé l'opération Tempête de son QG en Bosnie. Il
3 est important de savoir ce que M. Kehoe a déjà dit, que l'opération Tempête
4 pour le général Gotovina était tout simplement un tournant, une opération
5 annexe pour conquérir du territoire et pour réaliser les objectifs en
6 Bosnie. C'est là qu'il était depuis l'hiver 1994.
7 Il est arrivé à Knin au matin du 6 août et après avoir émis des
8 ordres par écrit et même oralement, quand il a vu que les soldats boivent
9 et se livrent à différents excès, et ceci a été enregistré dans une vidéo.
10 Et dans cette vidéo, nous voyons aussi qu'il a rencontré des commandants et
11 il voulait les féliciter de la victoire dans la guerre et du fait qu'ils
12 aient pris le contrôle de la ville principale des Serbes de Krajina. C'est
13 une vidéo qui dure 6 minutes, et puisque cette vidéo est assez rapide, vous
14 pouvez aussi lire les sous-titres.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous préférons regarder
16 l'original. Pourriez-vous nous dire quand vous passez d'une langue à
17 l'autre pour que nous puissions suivre cela en original. Donc avertissez-
18 nous, s'il vous plaît.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Ce qui était la mission, la mission a été communiquée hier. J'appelle à
22 la responsabilité du "Generalic". Est-ce qu'il vous informe de cela ? Tout
23 d'abord, est-ce que le département des affaires politiques a fait son
24 travail ? Non. Ceko, t'as été présent à la réunion ? Zelic était ici. Est-
25 ce qu'il avait autre chose à faire ? Toi t'étais présent à la réunion.
26 Qu'est-ce que vous avez fait depuis hier ? Est-ce que le préfet du district
27 a été contacté ? Est-ce que t'as vérifié si le préfet du district a été
28 contacté ? Est-ce que la protection civile a été demandée ? Est-ce qu'on a
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1 demandé les pompiers ? On les a demandés, alors où ils sont ? Est-ce que
2 t'as révisé que tout devait être prêt avant 5 heures de l'après-midi ?
3 Pourquoi est-ce qu'il a été difficile de trouver juste une croix ici ? Une
4 croix. Skoric, où se trouve la croix ?
5 Je n'ai pas trouvé la croix. Elle devait venir --
6 T'as pas trouvé une croix, putain de merde, t'es vraiment un
7 imbécile. Est-ce que tu t'es arrêté à Sinj ? T'aurais dû t'arrêter à
8 l'église à Sinj et demander au prêtre de te donner une croix. Il t'aurait
9 donné une dizaine de croix. Mais vous êtes des idiots, des incompétents,
10 des incapables. Mais vous êtes suffisamment compétents pour vous placer
11 devant les caméras, devant les écrans pour vous faire photographier."
12 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
13 M. MISETIC : [aucune interprétation]
14 [Diffusion de la cassette vidéo]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
16 "Je ne vais même pas commencer par vous dire ce que j'ai vu dans la
17 ville, c'est une honte, des barbares, des vandales. Voilà ce que vous êtes,
18 ceux qui se payent avec le butin de guerre.
19 Les commandants des unités de Sinj à Knin, avec l'aide du génie, ont
20 pour mission de réparer totalement la route. Il faut s'occuper de tout :
21 des véhicules, des débris, et cetera. Il faut nettoyer tout ça. Les soldats
22 ne doivent pas dormir dans la rue. La police militaire ne doit pas circuler
23 en groupe, mais doit être déployée sur les points de contrôle. Ils ont pris
24 un plan de la ville et installé les points de contrôle où il fallait. La
25 police militaire patrouille. Les véhicules patrouillent dans la ville. La
26 coopération avec les autorités civiles, donc la police civile doit être
27 mise en place jusqu'à ce que le général Cermak, qui vient d'arriver ce
28 matin, puisse s'occuper de ces questions lui-même. Et jusqu'à ce moment-là,
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1 si on ne l'aide pas, à 5 heures demain soir, rien ne sera prêt. Ce sera une
2 honte. Le premier ministre va arriver, le ministre des transports va
3 arriver dans une ville prise par l'armée croate et où les autorités civiles
4 n'auront pas repris le contrôle. Mais vous essayez de faire honte à qui ?
5 Vous vous faites honte à vous-mêmes ainsi qu'à ceux qui sont sous votre
6 commandement et devant qui vous êtes responsables. Et vous êtes aussi
7 responsables devant tout ceux qui sont morts, devant tout ceux qui ont
8 donné leurs vies pour tout ça. Faudrait montrer un peu de respect, parce
9 qu'il y a des gens qui sont morts pour Knin et jusqu'à Dinara depuis cet
10 hiver, depuis octobre dernier. Combien il y a de personnes qui sont encore
11 à l'hôpital, qui ont été mutilées à vie ? Malgré tout ça vous vous
12 comportez comme ça et vous vous appelez des chefs ? La sécurité. Qu'est-ce
13 que c'est la sécurité ? La sécurité ça s'organise. C'est la police
14 militaire qui doit obéir. Ce sont eux qui exécutent. Ce sont eux qui
15 veillent au respect du code d'honneur des forces armées qui garantissent la
16 mise en œuvre de tous ces principes sur le terrain.
17 Quant au service chargé des affaires politiques, je n'ai vu aucun
18 drapeau, aucune affiche, dans la rue. Où est-ce que c'est tout ça ?
19 On est en train de l'installer, Mon Général.
20 Mais où ? Où ? Il est 11 heures 30 et vous auriez dû faire ça toute
21 la nuit. Depuis ce matin, depuis 4 heures du matin. On a un hélicoptère, un
22 hélicoptère qui permet de mener à bien cette mission de manière tout à fait
23 efficace, mais vous ne savez même pas utiliser nos ressources. Si vous ne
24 savez même pas comment travailler, essayez de faire votre boulot, je ne
25 sais pas. Personne ne vous a forcés à venir ici, alors allez dans
26 l'infanterie. Allez vous battre. Vous allez finir par dire : Je suis un
27 guerrier. Mon œil. Chaque jour, c'est un jour nouveau pour un combattant.
28 Chaque jour il doit faire de nouveau ses preuves."
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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
2 M. MISETIC : [interprétation] L'Accusation a parlé de ces ordres donnés par
3 le général Gotovina hier. On a dit que c'était de pure forme et de routine.
4 Je pense que si quelqu'un qui est notre supérieur hiérarchique se mettait à
5 nous activer de la sorte, nous ne considérerions pas qu'il s'agissait d'une
6 intervention de pure forme.
7 Que s'est-il passé le 6 août ? L'Accusation nous a montré hier une
8 carte qui induit en erreur, selon moi, la Chambre de première instance
9 puisque c'est présenté comme une carte indiquant où se trouvaient les
10 forces du général Gotovina au fil de l'opération Tempête. Ces deux cartes
11 sont superposées, on a l'avancée des forces du général Gotovina, le 4 août,
12 puis ensuite du 8 au 9 août. Mais les incidents de meurtres, destructions
13 sans motifs, pillages, et cetera, commencent à partir du 30 septembre.
14 Cette carte induit tout le monde en erreur parce que le 6 août, le
15 gouvernement civil de la République de la Croatie a pris le contrôle avec
16 les ministres Susak et Jarnjak, c'est-à-dire que ces villes sont rentrées
17 dans le gironde de la République de la Croatie qui a repris le contrôle de
18 ces territoires.
19 Je souhaiterais vous présenter une vidéo du 6 août, on y voit le ministre
20 de l'Intérieur ouvrir le poste de police de Knin et désigner un Serbe pour
21 diriger ce poste.
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
24 "Chef, permettez-moi de vous remettre cette inscription, cette plaque
25 qui porte la mention "République de Croatie, ministère de l'Intérieur,
26 Knin". Ceci est prévu par l'administration, Knin est un district et il faut
27 donc mettre en place cette administration de la police à Knin. Etant donné
28 qu'il n'y a encore eu d'assemblée, je vous nomme chef par intérim de ce
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1 poste jusqu'aux élections. À ce moment-là, le parlement désignera un chef.
2 Dans l'intervalle, je vous enjoints conformément à la législation, à la
3 constitution en vigueur d'assumer ces fonctions. Il s'agira pour vous
4 d'établir les autorités civiles de Knin dans le domaine de la police. Vous
5 devez faire la liaison entre l'administration et la poste de police de
6 Zadar. Toutes mes félicitations.
7 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
8 M. MISETIC : [interprétation] Le 6 août, le général Gotovina a remis le
9 contrôle de la ville de Knin au gouvernement civil. Le général Gotovina est
10 ensuite parti pour poursuivre les opérations offensives dans le cadre de
11 l'opération Tempête. Dès que l'armée croate s'emparait de territoires, elle
12 les remettait aux autorités civiles. Je crois que la meilleure manière de
13 s'en convaincre, c'est d'écouter ce qu'a à dire le ministre de l'Intérieur
14 en personne lors d'une conférence de presse le 8 août 1995. Il explique
15 comment s'organise la Croatie du point de vue constitutionnel qui est
16 responsable de quoi, qui est responsable des terrains qui nous ont été
17 présentés sur la carte de l'Accusation hier.
18 Nous avons donc le ministre de l'Intérieur, M. Jarnjak, qui s'exprime le 8
19 août.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
22 "Bonjour. Je déclare ouverte cette conférence de presse. Je
23 souhaiterais souhaiter la bienvenue au ministre de l'Intérieur de Croatie,
24 M. Ivan Jarnjak.
25 Mesdames et Messieurs, bonsoir. Tout d'abord, je souhaiterais vous
26 présenter des informations au sujet des activités actuelles et futures du
27 ministère de l'Intérieur dans les zones qui sont en phase de libération.
28 L'ordre constitutionnel et juridique de la République de la Croatie est mis
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1 en place dans les zones libérées. Pour ce faire, il est essentiel que le
2 ministère de l'Intérieur ainsi que d'autres institutions entrent dans ces
3 secteurs avec ses formes armées. Après l'armée croate et les unités
4 spéciales du ministère de l'Intérieur, la police civile est entrée dans ces
5 régions également, les suivant de près. Ceci afin de mettre en place des
6 postes-frontières et des postes de police.
7 Conformément à la politique en vigueur chez nous, dès 1982, le ministère de
8 l'Intérieur a mis en place une structure à la fois pour la structure de
9 l'administration de la police et des postes de police pour la totalité de
10 la République de Croatie y compris les territoires libérés. C'est donc une
11 structure qui existe depuis 1992 sur le papier. Nous sommes simplement en
12 train de la mettre en vigueur.
13 Surtout les postes de police qui avaient été éliminés pendant l'agression
14 en 1991-1992, eh bien ces postes de police, ils ont continué à fonctionner
15 dans d'autres zones, dans les zones où ils avaient été contraints de se
16 réinstaller. Maintenant, tous ces gens-là retournent dans leurs zones
17 d'origine, il s'agit des villes de Lovinac, Drnis, Vrlika, Kijevo, Slunj,
18 Petrinja, Glina, et Hrvatska Kostajnica. Les postes de police de moindre
19 envergure, de Cetingrad, Saborsko, Plaski et Lasinje ont également retrouvé
20 leur ville d'origine.
21 Hrvatska, Kostajnica, Kijevo, Slunj, Donji Lapac, Strmica, Donji Srb
22 et Licko Petrovo Selo ont vu la mise en place de postes-frontières. Les
23 postes de police sont prêts à accueillir la police des frontières à Dvor et
24 Topusko.
25 Conformément à la loi constitutionnelle sur les droits de l'homme et
26 les libertés, sur les droits des minorités et des communautés ethniques, la
27 police doit être organisée de manière correspondante et c'est ce qui s'est
28 passé avec l'administration de la police de Knin et celle de Glina. Il
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1 s'agit de districts, des districts qui sont prévus par la loi
2 constitutionnelle que je viens d'évoquer qui jouissent d'un statut spécial
3 dans ses zones. Bien entendu qu'on a mis en place des postes de police à
4 Knin, Donji Lapac, Gracac, Korenica, Benkovac et Obrovac. Voilà les
5 représentants de l'administration de la police, ces postes de police qui
6 font partie de l'administration de la police.
7 Dans le district de Glina, l'administration de la police compte des
8 postes de police à Glina, Vojnic et Hrvatska Kostajnica. A Vrgin Most et
9 Dvor, les postes de police sont prêts à fonctionner à nouveau.
10 Dès que l'armée croate et la police spéciale du ministère de l'Intérieur
11 ont réalisé le premier volet de leur mission, et dès la fin des opérations
12 de combat, les représentants du ministère de l'Intérieur sont entrés dans
13 les localités habitées et en ont assuré la sécurité ainsi que les
14 communications dans ces localités. Ils ont également pris le contrôle de la
15 circulation routière.
16 Au moment où étaient ouverts les postes de police, tous les services du
17 ministère de l'Intérieur sont devenus pleinement fonctionnels et je pense
18 en particulier à la protection civile, aux pompiers notamment, et les
19 conditions sont réunies pour ouvrir et permettre le fonctionnement des
20 services chargés des affaires civiles, je pense là à la délivrance de
21 documents d'identité croate. Les unités de la protection civile ont
22 entrepris de nettoyer le terrain en récupérant le bétail qui a été
23 abandonné et dans les premiers jours -- dans les jours qui vont suivre,
24 ceci aura également lieu dans les zones non peuplées parce qu'initialement,
25 on se livrait à ce type d'activités dans les zones habitées.
26 A ceux qui vivent dans ces nouvelles zones libérées, à ceux qui sont restés
27 sur place et à ceux qui reviendront, je pense aux personnes déplacées, bien
28 entendu. A tout ceux-là, nous garantissons la sécurité, la sécurité pour
Page 600
1 leur personne et la sécurité de leurs biens. Nous garantissons et nous
2 assurons que nous garantirons, nous assurerons le maintien de l'ordre
3 public.
4 Merci beaucoup.
5 Merci, Monsieur le Ministre."
6 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
7 M. MISETIC : [interprétation] Une autre question que je souhaiterais
8 aborder qui a été évoquée lors de la déclaration liminaire de l'Accusation
9 au sujet du ministère de l'Intérieur et de la restauration de l'ordre
10 constitutionnel en Croatie et on a avancé l'argument selon lequel tout le
11 monde savait bien qu'ils ne pouvaient pas faire correctement leur travail,
12 tous ces gens. L'Accusation a également parlé de ce qui était compétent en
13 matière de crimes commis par des soldats. Cette question a été posée par un
14 reporter du Washington Post, elle porte sur un incident au cours duquel
15 l'armée de Bosnie a traversé la poche de Bihac pour se rendre en Croatie,
16 en brûlant, soi-disant, des villages serbes. Et les questions suivantes ont
17 été posées.
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
20 "Monsieur le ministre Gene Rupert, Washington Post.
21 Que sont les informations de votre gouvernement au sujet des
22 informations selon lesquelles des villages ont été incendiés par l'armée de
23 Bosnie qui est entrée sur le territoire croate pour soutenir l'opération
24 militaire croate ? Réponse : Je n'ai aucune information à ce sujet.
25 Cependant, quand nous entrons dans une région, dans n'importe quel secteur,
26 n'importe quelle région, la police fait une évaluation de la situation,
27 procède à l'inspection de tous les locaux, et détermine ce qui s'est passé
28 dû aux activités de combat ou à autre chose. C'est ce qui va se faire, et à
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1 ce moment-là, je pourrai répondre à votre question."
2 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
3 M. MISETIC : [interprétation] Il faut également se souvenir que le 8 août,
4 on avait rétabli le système judiciaire dans les nouvelles zones, les zones
5 nouvellement libérées. Le ministre de la Justice s'exprime à Knin le 8
6 août. Il remet en place les tribunaux.
7 [Diffusion de la cassette vidéo]
8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
9 "Le président de la Cour suprême de la République de Croatie, Krunoslav
10 Olujic, et le ministre de la Justice Miroslav Separovic sont allés à Knin
11 aujourd'hui. Au tribunal municipal, une réunion de travail a eu lieu avec
12 les représentants d'autres tribunaux municipaux. Le tribunal municipal de
13 Knin devra devenir opérationnel aussi rapidement que possible.
14 Le ministère de la Justice a décidé que ce tribunal serait déplacé de
15 Sibenik à Knin. Nous avons procédé à l'inauguration du bâtiment de Knin et
16 ce bâtiment fera office de tribunal municipal à Knin. Ce qui signifie
17 concrètement que la Croatie dans ses structures juridiques est
18 fonctionnelle dans ces zones et que le respect de l'état de droit était
19 bien présent, c'est un des principes de l'ordre constitutionnel croate.
20 Je suis sûr que le tribunal municipal de Knin va garantir le respect
21 des droits de tous les citoyens et va permettre d'assurer le règne de
22 l'état de droit en République de Croatie, conformément à sa constitution.
23 La délégation de haut niveau a poursuivi sa visite en se rendant à
24 Drnis."
25 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.
27 M. MISETIC : [interprétation] Je vais expliquer pourquoi nous avons procédé
28 de la sorte. Pourquoi je vous ai montré tout cela ? C'est parce que la
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1 constitution croate s'appliquait de nouveau dans ces territoires. On nous
2 présente les crimes commis après l'opération Tempête jusqu'au 30 septembre
3 sur une carte présentant les combats du général Gotovina pendant ses
4 premières journées et cela induit en erreur. Les troupes du général
5 Gotovina ne contrôlaient pas cette zone après le 9 août, ce n'était plus
6 sous leur contrôle.
7 Le général Gotovina a continué cependant à donner des ordres afin que la
8 discipline soit respectée. Il a donné l'ordre suivant, le 10 août, je cite
9 : "A partir des informations sur les zones libérées par la HV, et l'analyse
10 de ces informations et afin de prévenir le vol, la discipline est de
11 sauvegarder les vies humaines.
12 J'interdis le déplacement arbitraire des membres de la HV."
13 Point 2 : "Entreprendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter
14 la discipline militaire et maintenir l'ordre dans la zone de
15 responsabilité, empêcher les incendies criminels et tous autres actes
16 illicites. Prendre des mesures déterminées contre toute personne faisant
17 preuve d'indiscipline."
18 Maintenant, s'agissant des meurtres, il n'y a aucun élément qui permet
19 d'indiquer que le général Gotovina ait disposé d'informations au sujet de
20 meurtres illicites.
21 L'Accusation, hier, a dit que les unités de nettoyage,
22 d'assainissement du général Gotovina étaient subordonnées, quelqu'un
23 d'autre -- qu'il y avait des rapports qui avaient été envoyés. Mais aucun
24 rapport n'a été envoyé à ce sujet au général Gotovina au sujet de meurtres
25 illicites de civils. Il n'y avait pas de raison de l'informer de la sorte,
26 c'est pour cela qu'il n'a pas eu de rapports. Pourquoi ? Parce que c'est le
27 gouvernement civil qui avait pris le contrôle de la zone, c'est la police
28 civile qui était responsable de toute enquête sur tout meurtre commis par
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1 qui que ce soit. A ce moment-là, c'était les procureurs civils qui
2 intervenaient. Il n'y avait aucune raison d'informer le général Gotovina
3 d'homicide, quel qu'il soit, ça ne s'est jamais produit.
4 Je renvoie une fois encore au principe du rasoir d'Occam. Dans cette
5 affaire, vous constaterez que c'est vrai, il y avait des problèmes de
6 coordination et de mise en œuvre du plan de sécurité dans la zone, mais au
7 sein du gouvernement croate, personne n'a jamais envoyé de message au
8 général Gotovina, personne ne lui a jamais dit qu'il fallait prendre des
9 mesures, personne ne l'a jamais convoqué à une réunion en lui disant :
10 "Nous ne parvenons pas à faire notre boulot, il faut faire quelque chose."
11 Non.
12 Les organisations internationales qui se trouvaient présentes dans la
13 région n'ont pas non plus demandé à rencontrer le général Gotovina afin de
14 l'informer que des crimes avaient été commis, parce que ce n'était pas
15 celui qui était responsable de la sécurité. Nous vous montrerons au cours
16 du procès une vidéo d'une rencontre entre le général Forand et le général
17 Gotovina le 8 août et dans cette vidéo, vous pourrez voir que ce ne sont
18 que louanges envers le général Gotovina, la manière dont il se comporte au
19 cours des hostilités, parce que quand il a remis la ville de Knin aux
20 autorités civiles, l'ordre y régnait.
21 Nous ne contestons pas qu'il y ait eu des incidents, qu'il y ait eu
22 des meurtres, il n'en reste pas moins que nous contesterons la véracité
23 d'autres incidents invoqués en l'espèce. Comme vous le savez, dans certains
24 cas, il n'a pas été possible de trouver les corps, de déterminer la cause
25 du décès de certains individus, il y a encore dans les listes de
26 l'Accusation, de nombreux doublons au niveau des victimes, des personnes
27 qui sont citées plusieurs fois. On y reviendra au cours du procès.
28 Nous vous demandons de bien vouloir garder à l'esprit la chose suivante,
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1 l'Accusation est tenue de prouver que telle ou telle personne était un non-
2 combattant, les éléments qui seront présentés vous montreront que l'âge
3 moyen des soldats serbes de la Krajina était de 47 ans. Et dans plusieurs
4 compagnies de l'armée de la Républika Srpska, l'âge moyen était de 56 ans.
5 Il y avait donc des gens qui avaient plus de 60 ans et qui étaient des
6 combattants actifs.
7 Nous demandons donc à la Chambre de bien vouloir garder ceci présent à
8 l'esprit et d'engager à l'Accusation à prouver qu'une personne était un
9 non-combattant.
10 Il est important de noter à ce stade-ci que certes l'introduction est
11 déjà importante pour le contexte, mais le général Gotovina, lui, était en
12 Bosnie pendant un an, juste un petit détour pour rentrer en Croatie pour
13 mener l'opération Tempête. Il avait lutté activement à partir du 23
14 juillet, dans le cadre de l'opération Eté en 1995, et ce, jusqu'au 10 août
15 en combat actif avec ses troupes au front. Sous les ordres de ses
16 supérieurs, il a obtenu congé le 11 août. Il venait de se marier et a passé
17 cinq jours sur une île au large des côtes croates. C'est là un élément qui
18 est pertinent pour nous, parce qu'il faudra conclure quelles ont été les
19 responsabilités du général Gotovina dans la mesure où il a répondu aux
20 ordres de ses supérieurs.
21 Nous affirmons, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
22 que le général Gotovina était au commandement opérationnel, un commandement
23 qui était confié par ses autorités et ses supérieurs afin qu'il mène les
24 opérations d'offensive et qu'il a concentré ses activités sur la phase
25 suivante. En fait, tout cela s'est fait si rapidement, alors que le général
26 Gotovina, les 13 et 14 août, alors qu'il était en congé, le général Mladic
27 a mené une contre-offensive contre les forces du général Gotovina en Bosnie
28 tuant 28 membres de l'armée croate. Le général Gotovina a mis fin à ses
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1 congés afin de reprendre le commandement des forces suite à cette contre-
2 offensive.
3 Le général Gotovina était inquiet face aux événements qui se
4 déroulaient en Bosnie. C'est la tâche qui lui avait été confiée par ses
5 autorités, donc il était chargé de cela et dans son domaine de
6 responsabilité, libéré sur le territoire sur ordre constitutionnel de la
7 République de Croatie, avait été quitté et laissé délibérément au soin
8 d'autres agences du gouvernement croate afin qu'ils agissent en conformité
9 avec la loi et en conformité avec les obligations qui lui étaient faites à
10 elles au titre de la constitution de la République de Croatie.
11 Nous affirmons dans ce Tribunal que si quelqu'un au niveau de l'Etat croate
12 s'était aperçu que le général Gotovina était responsable de la sécurité, on
13 ne lui aurait pas donné la possibilité de partir pendant cinq jours
14 simplement pour aller se reposer un peu. Bien au contraire, on lui a offert
15 ce congé de manière à lui permettre à lui, ainsi qu'aux forces qui étaient
16 sur le front, puisque les forces qui étaient au front ont également
17 bénéficié d'un congé, parce qu'ils avaient participé activement aux
18 opérations de combat pendant 17 jours. Ils étaient donc en congé. Et
19 lorsque le général Gotovina est revenu de son congé en date du 16, le
20 lendemain même on lui a demandé de se rendre à Zagreb. Il y avait une
21 délégation américaine de haut niveau que M. Holbrooke menait ainsi que le
22 général Wesley Clark qui était présent, et ils étaient à Zagreb pour
23 discuter des activités à venir de la Croatie en Bosnie. Le général Gotovina
24 s'est vu demander de préparer la phase suivante des hostilités qui avait
25 pour objectif de défaire les troupes du général Mladic sur le terrain. Le
26 président Clinton avait été convaincu que ce n'était qu'en défaisant les
27 forces de Mladic qu'il serait possible de négocier et de parvenir à ce qui
28 allait être l'accord de paix de Dayton.
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1 Le général Gotovina n'était pas perçu où que ce soit au gouvernement
2 croate et où que ce soit dans les forces internationales ou dans les
3 organisations de terrain comme étant l'interlocuteur privilégié dès lors
4 qu'il s'agissait de résoudre les problèmes sur place. Tout le monde savait,
5 y compris le commandement de Corps de Knin, que le général Gotovina était
6 en Bosnie et qu'il s'était vu confier des objectifs différents dans sa
7 mission. Le général Gotovina était sous des ordres.
8 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il n'est pas superman.
9 C'est un être humain comme les autres. Il ne pouvait faire que ce qu'il
10 pouvait faire. Il avait tout à fait le droit de dépendre des commandements,
11 à l'arrière de ses troupes, de se fier aux autorités croates pour s'occuper
12 de la situation. Lui, il a fait le travail qui lui avait été confié. Il a
13 mis en déroute les troupes. C'était l'objectif qui lui avait été confié et
14 il a gagné la guerre. Il l'a fait en émettant des ordres de façon énergique
15 en indiquant à ses troupes quelles étaient leurs obligations, en mettant
16 sur pied des programmes d'entraînement et de formation, en invitant des
17 évêques catholiques. En permanence, il essayait de veiller à ce que cette
18 nouvelle armée, qui n'existait pas en 1991, aille de l'avant. Il essayait
19 de la former, d'en faire une armée professionnelle. Et j'affirme ici,
20 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, qu'au cours des trois
21 années au cours desquelles le général Gotovina a fait tout ce qu'il a pu,
22 il l'a fait de façon noble. Et j'affirme également que je ne connais pas
23 d'autres commandants qui auraient pu faire ce travail mieux que lui.
24 Certes, des problèmes se sont présentés dès lors qu'il s'agissait de
25 rétablir l'ordre public dans cette région. Nous constatons, nous aussi,
26 nous n'en disconvenons pas. La question qui se pose est celle de
27 l'intention.
28 Le problème fondamental dans cette affaire, de notre point de vue,
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1 est le suivant : la position du bureau du Procureur est la suivante : le
2 crime a eu lieu et parce que le crime a eu lieu, et ce, à une large
3 échelle, la Chambre doit partir du principe ou conclure que ces crimes
4 étaient "ordonnés par le sommet de la hiérarchie."
5 Certains témoins à charge le diront également. M. Tieger l'a répété à
6 plusieurs reprises. Il a dit : Voilà une activité criminelle. Pourquoi ne
7 fait-on rien ? Mais M. Tieger n'a pas évoqué de propositions concrètes au
8 cours de la présentation de ses arguments ni l'Accusation ni les témoins à
9 charge n'ont de solutions à proposer. Qu'aurait-on pu faire pour modifier
10 une situation telle qu'elle se présentait matériellement sur le terrain en
11 Croatie,
12 10 500 kilomètres carrés de territoire, essayer d'imposer la primauté du
13 droit et l'Etat du droit sur un territoire aussi vaste en aussi peu de
14 temps.
15 Il y a une raison pour laquelle l'Accusation et les témoins à charge
16 esquivent cette question. C'est parce qu'ils n'ont pas de réponse facile à
17 y apporter.
18 Pourtant, la question doit être posée. Sans les forces croates, sans le
19 gouvernement croate, sans la police croate, si l'on avait laissé cette zone
20 être prise par les meilleures forces au monde, celles de l'OTAN qui
21 respectent le droit international, si les autorités civiles avaient été
22 fournies au meilleur défenseur des droits de l'homme au monde, les Nations
23 Unies, est-ce qu'ils auraient pu prendre des mesures afin de résoudre le
24 problème en une fraction de seconde, comme semble le suggérer l'Accusation
25 ? Je pense que la réponse est évidente. A plusieurs reprises, nous
26 demanderons aux témoins à charge de nous parler de façon concrète des
27 mesures qui auraient pu être prises et de nous prouver que le fait de ne
28 pas avoir pris de telles mesures a eu pour conséquences une indifférence
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1 face aux crimes qui étaient commis, indifférence volontaire, qui étaient
2 commis dans cette zone. Il y a une véritable négligence. Nous demanderons
3 aux témoins à charge de comparer la situation, notamment nous demanderons
4 aux témoins internationaux, qui étaient associés aux événements qui se sont
5 produits au Kosovo en 1999, de nous parler de la situation. Nous voulons
6 discuter de la situation, parce que nous estimons qu'il est important pour
7 la Chambre de disposer d'un cadre de référence pour examiner ces faits.
8 Comment l'OTAN, comment les Nations Unies s'en sont-ils sortis lorsque,
9 eux, avaient l'obligation morale et légale au Kosovo après juin 1999 de
10 protéger les propriétés, les populations, civiles et de maintenir l'ordre
11 public et l'état de droit ? Les statistiques, vous n'en disconviendrez pas,
12 prouvent que les mêmes problèmes se sont présentés aux autorités croates en
13 Croatie et aux autorités des Nations Unies et de l'OTAN au Kosovo. Et
14 d'après "Human Rights Watch," six mois après l'arrivée des communautés
15 internationales au Kosovo, des dizaines de milliers de foyers serbes ont
16 été détruits, d'innombrables bâtiments ont été pillés, 76 églises
17 orthodoxes ont été détruites ou partiellement détruites; 244 Serbes
18 d'origine ethnique serbe ont été assassinés.
19 S'il était aussi simple de restaurer l'ordre sur un territoire d'une
20 superficie de 10 500 kilomètres carrés - et le Kosovo est aussi grand que
21 la région de la Krajina - si c'était si facile, pourquoi l'OTAN et les
22 Nations Unies n'y sont-ils pas parvenues au Kosovo ? Je sais bien qu'on ne
23 peut pas faire une comparaison d'égal à égal, mais quelles sont les
24 possibilités en matière de sécurité ? Quelles sont les
25 ressources qui étaient à la disposition du gouvernement civil, du ministère
26 de l'Intérieur, de l'armée croate afin de restaurer
27 l'ordre ?
28 L'Accusation a indiqué publiquement hier, qu'il s'agissait là d'une
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1 situation dans laquelle -- que 44 000 Croates vivaient dans cette région en
2 1991 d'après les statistiques citées par vous. En 1995, il n'y en avait
3 plus que 500. Ce qui veut dire que 43 500 personnes, ainsi que leur
4 famille, sont revenues vers une région qui avait été complètement détruite.
5 L'OTAN et les Nations Unies, dans leurs explications quant au contrôle qui
6 était impossible à maintenir au Kosovo, ont dit la même chose : "On ne peut
7 pas contrôler la situation lorsque les gens rentrent chez eux et décident
8 de se faire justice eux-mêmes ou de chercher à se venger."
9 Les moyens de preuve qui sont présentés sur base des correspondances qui
10 ont été échangées dans cette affaire montrent que les polices, les forces
11 civiles croates ne se sont pas conclues dans l'inaction. En fait, des
12 correspondances régulières ont eu lieu entre les institutions croates tout
13 au long de cette période. Des rencontres ont eu lieu, parce que les uns et
14 les autres avaient l'intention de veiller à ce que les plans et les ordres
15 qui avaient été émis, immédiatement avant l'opération Tempête, soient mis
16 en oeuvre de façon efficace.
17 Le fait que les autorités croates n'aient pas été d'une irréprochable
18 efficacité ne signifiait pas pour autant qu'il y avait intention
19 délictueuse. Nous demandons à la Chambre de bien vouloir garder bien cela
20 présent à l'esprit et nous inviterons la Chambre à examiner les
21 comparaisons que nous ferons lorsque nous demanderons aux témoins
22 internationaux dans cette affaire, si ne pas agir constitue effectivement
23 une négligence ou une indifférence volontaire de la part du gouvernement
24 croate, comme ça a été dit à plusieurs reprises.
25 Ceci étant dit, les documents qui proviennent de cette période de
26 temps émanant du ministère de l'Intérieur que de la police militaire
27 montrent que des mesures ont été prises, les mesures n'ont pas toutes été
28 efficaces, les crimes n'ont pas tous fait l'objet de poursuite. Cependant,
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1 les statistiques sont réelles, elles remontent au 16 septembre 1995 et
2 proviennent de la police militaire. Selon le général Lausic - Madame la
3 Greffière, je vous demanderais de bien vouloir montrer le document.
4 Le général Lausic a présenté ce rapport le 16 septembre. Je me rappelle
5 qu'il était à la tête de la police militaire. C'est important et plusieurs
6 raisons sont évoquées. Tout d'abord, le point de vue militaire, la personne
7 qui était au commandement des forces en question, c'est lui qui dépose le
8 rapport, qui présente le rapport à la fin des opérations afin de présenter
9 ce qu'il et ses forces ont fait.C'est le général Lausic qui a présenté ce
10 rapport portant sur les actions menées par la police militaire au cours des
11 six semaines qui ont suivi le début de l'opération Tempête et jusqu'au
12 16 septembre. Cela montre de façon très claire, Monsieur le Président,
13 Madame, Monsieur les Juges, que la théorie avancée par l'Accusation hier
14 selon laquelle le général Gotovina était au commandement de la police
15 militaire est simplement erronée.
16 Par ailleurs, ce document de M. Lausic montre que la police militaire
17 croate, ce qu'elle a fait et le crime -- la police judiciaire militaire en
18 collaboration avec la police judiciaire du MUP de République de la Croatie
19 ont traité des dossiers, à savoir 321."
20 Treize meurtres, 18 cas de mort accidentelle de membres de l'armée
21 croate; 191 cas d'incendies volontaires; 13 cas d'explosifs; 86 cas et
22 autres crimes, des vols, des larcins.
23 Le 12 octobre le ministre de l'Intérieur, Jarnjak, a présenté au parquet
24 croate le rapport suivant, un rapport dont nous demanderons le versement au
25 dossier.
26 Le 2 octobre, vous voyez la ventilation des ressources
27 administratives policières entre le 22 août et le 2 octobre. Les
28 différentes catégories étant incendies volontaires, explosion de mines, et
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1 vols. Vous voyez qu'il y a eu 28 meurtres qui ont fait l'objet d'enquête à
2 Zadar-Knin; 162 cas d'incendies volontaires; 3 cas d'usage d'explosifs et
3 132 cas de vols et de larcins. Sibenik - là vous voyez les statistiques
4 pour Sibenik également - et au dessous, le nombre d'enquêtes sur place et
5 le nombre de profils d'auteurs de crimes. Encore une fois, la zone de
6 Zadar-Knin, vous voyez 192 enquêtes menées sur place par les autorités
7 policières. Ça a été traduit, je veux simplement le dire, donc Zadar-Knin;
8 28 membres de la HV, 194 civils et une personne portant un uniforme
9 militaire mais qui, en fait, était un militaire; puis 15 auteurs non
10 identifiés.
11 Nous ne disons pas que cela signifie que tous les crimes ont fait l'objet
12 de poursuites dans cette région, mais cela montre que les institutions de
13 la République de la Croatie avaient la ferme intention de traiter les
14 dossiers et, par ailleurs, cela montre, du point de vue de notre client,
15 qu'il n'y avait aucune raison pour que notre client revienne subitement en
16 Croatie pour y imposer sa propre autorité dans le contexte de ce qu'on
17 pourrait décrire comme étant un coup d'Etat visant à prendre le contrôle du
18 gouvernement civil légitime de la Croatie. Le gouvernement civil de la
19 Croatie avait différentes institutions, c'est lui qui avait la
20 responsabilité première d'assurer la sécurité dans son domaine, de mener
21 les enquêtes indépendamment de l'auteur, qu'il soit militaire ou qu'il soit
22 civil, de faire référence aux autorités d'enquêtes une fois que les
23 enquêtes avaient été menées, et également de charger le parquet de se
24 pencher sur ces dossiers.
25 Par ailleurs, personne n'est venu voir le général Gotovina à quelque moment
26 que ce soit pour lui dire que le système ne fonctionnait pas et qu'il
27 croulait sur la tâche et que par conséquent il fallait impérativement que
28 le général Gotovina intervienne. Ça n'a jamais eu lieu.
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1 Pourquoi cela n'a jamais eu lieu ? Au cours de la période des
2 statistiques, vous venez de voir, couvre et compte tenu des dates que
3 portent ces documents, le général Gotovina était en Bosnie, il menait des
4 opérations, l'opération Maestral pour ne pas la nommer, au cours du mois
5 d'octobre - début du mois d'octobre plus précisément - il était en Bosnie
6 et menait l'opération Balayage méridional "Sudden Sweep" en anglais. Il
7 menait des activités d'offensive, les autres questions relevant de la
8 responsabilité d'autres institutions.
9 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous affirmons une fois
10 de plus - et ça sera là notre conclusion - que le général Gotovina est un
11 homme qui s'est retrouvé à la fin du mois de juillet 1995 dans des
12 circonstances dans lesquelles les Serbes de Bosnie jouaient l'acte final de
13 leur grande stratégie.
14 Les moyens de preuve sont pertinents dans la mesure où ils permettent de
15 voir quel était l'état d'esprit du général Gotovina tout au long de cette
16 période. Il faut que vous gardiez présent à l'esprit quelles étaient les
17 activités menées par les Serbes de Bosnie en Bosnie en juillet 1995.
18 Ce n'est pas la première fois que nous vous le disons ce matin, ça a déjà
19 été dit aux fins de défense. Le général Gotovina s'était essentiellement vu
20 confier la tâche de mettre le holà aux activités en Bosnie des Serbes en
21 juillet 1995 et au-delà. Il faut bien comprendre le contexte dans lequel le
22 général Gotovina a agi.
23 Comme l'a dit le général Mladic dans la vidéo que nous avons eu l'occasion
24 de vous montrer, le général Mladic indique que lorsqu'on lui pose la
25 question : "Est-ce que les forces croates sont un peu trop éparpillées sur
26 le terrain ?" Il a répondu : "Je ne veux pas répondre à votre question.
27 Attendez de voir." Il parlait en fait du général Gotovina et de ses forces,
28 c'est bien cela.
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1 Le général Gotovina, pendant toute cette période, s'occupait des questions
2 qui avaient trait à la Bosnie. Et je vous l'ai dit l'opération Tempête
3 était un revirement dont l'objectif était de mener à bien une opération, de
4 revenir, de consolider ses forces et de continuer ses activités de lutte
5 contre Mladic.
6 Nous affirmons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que la
7 conclusion des preuves de l'Accusation indiquant que le général Gotovina
8 s'est comporté en conformité avec le droit de la guerre, a mené des
9 hostilités à tout moment en accord avec le droit de la guerre, je vous
10 affirme, par conséquent, qu'il n'y a aucune preuve selon laquelle il y a eu
11 un pilonnage excessif de Knin. En fait, l'évidence est un fait contraire,
12 les preuves sont tout à fait contraires. Le général Gotovina a intimé des
13 ordres, répété à ses subordonnés afin que soient respectés l'état de droit
14 et la discipline. Vous avez vu la vidéo et la façon énergique avec laquelle
15 il a insisté auprès de ses subordonnés pour qu'ils puissent respecter ses
16 ordres.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic. J'ai pensé que
18 regarder l'horloge à plusieurs reprises en vous regardant en même temps, ça
19 allait suffire, ensuite j'ai essayé de mettre mes affaires de côté, je
20 pensais que vous alliez comprendre mon assignation, mais vous ne comprenez
21 toujours pas, donc j'interviens.
22 M. MISETIC : [interprétation] Nous vous invitons à décider d'un non-lieu
23 pour cette affaire.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà qui conclut les déclarations
25 liminaires. Nous entendrons le témoin demain matin. J'imagine que le témoin
26 est disponible pour demain matin. Il se peut que compte tenu du fait qu'il
27 y a une motion en suspens, nous commencerons en huis clos partiel ou en
28 huis clos pour s'occuper de cette motion en suspens, ensuite nous
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1 entendrons la déposition du Témoin 136.
2 Nous levons l'audience et reprendrons à 9 heures dans cette même salle.
3 --- L'audience de la Déclaration liminaire de la Défense est levée à 13
4 heures 47 et reprendra le jeudi 13 mars 2008 à 9 heures 00.
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