Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 12 mars 2008

2 [Déclaration liminaire de la Défense Gotovina]

3 [Audience publique]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

7 Madame la Greffière, veuillez donner le numéro de l'affaire.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour.

9 Affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Gotovina, Cermak et Markac.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

11 La Défense de M. Gotovina nous a fait savoir qu'elle souhaitait prononcer

12 une déclaration liminaire. Quant aux Défenses des deux accusés, ils nous

13 ont fait savoir que ce n'était pas leur souhait du moins à ce stade de la

14 procédure.

15 Je me tourne donc vers Me Kehoe. Est-ce que vous êtes prêt à prononcer

16 votre déclaration liminaire ?

17 M. KEHOE : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

19 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

20 Juges, chers collègues de la Défense et de l'Accusation, je m'appelle

21 Gregory Kehoe. Je suis honoré de représenter les intérêts du général Ante

22 Gotovina dans cette affaire.

23 Hier, pendant la grande partie de la journée d'audience, je réfléchissais à

24 ce qui nous était dit, ce qui était affirmé au sujet du général Gotovina

25 par l'Accusation. Je ne sais pas où se trouve l'origine du problème. Je ne

26 sais pas comment le bureau du Procureur a pu commettre une telle erreur, a

27 pu se tromper à tel point, mais maintenant au cours de cette déclaration

28 liminaire, nous allons essayer de vous l'expliciter. Je vais commencer par

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1 vous parler de la situation en général. Ensuite, Me Misetic prendra le

2 relais. Il évoquera l'opération Tempête et la participation du général

3 Gotovina à cette opération. Il entrera dans les détails sur ce point.

4 Hier donc, j'étais ici, j'écoutais l'Accusation, et ce n'est pas tant ce

5 que disait l'Accusation qui m'a frappé, qui m'a paru éclatant, c'est plutôt

6 ce qui n'a pas été dit. Ce qui n'a pas été dit, c'est qu'il n'y a pas eu

7 d'expulsion après le début de l'opération Tempête en cette matinée du 4

8 août 1995, parce que la République serbe de la Krajina avait dès le départ

9 prévu de faire quitter ces habitants de la zone et ça, ça n'a pas été dit à

10 la Chambre.

11 Il n'y a pas eu pilonnage démesuré, exagéré de Knin le 4 ou le 5. Comment

12 le savons-nous ? Nous le savons pour des raisons tout à fait terre à terre

13 que l'Accusation connaissait, bien entendu, mais dont il s'agit de ne pas

14 nous parler. Et le premier de ces éléments, c'est l'enregistrement de

15 Brioni auquel ont fait référence M. Waespi et M. Tieger. Dans cet

16 enregistrement, le président Tudjman met en garde le général Gotovina ainsi

17 que les autres chefs militaires qui sont présents. Il leur dit de ne pas

18 dépenser inutilement les munitions. "Ne pilonnez pas, ne bombardez pas

19 comme si on était des Américains ou des Russes, parce qu'on n'a pas les

20 munitions nécessaires pour ce faire." Or, ce fait, il n'a pas été présenté

21 par l'Accusation, pourtant il ressort de leurs arguments qu'il y a eu

22 bombardements excessifs.

23 L'Accusation n'a pas parlé de la personne que les Nations Unies avaient

24 chargée à Knin de déterminer si les cibles civiles avaient été touchées,

25 Steinar Hjertnes, qui était le chef des observateurs militaires des Nations

26 Unies. Il a mené à bien cette inspection le 18 août, et au cours de cette

27 inspection, il en est venu à la conclusion que l'attaque de la HV était

28 tout à fait dans les normes, dans les règles et qu'elle visait des cibles

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1 militaires et pas des cibles civiles. Ce rapport, ce sont ces seuls

2 éléments émanant des Nations Unies qui peuvent être présentés à la Chambre.

3 Ce qui est intéressant, c'est de voir que cet homme ne figure plus sur la

4 liste des témoins.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous le savons, mais vous savez que ça

6 fait l'objet d'une procédure, donc continuez.

7 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Et si je parle de nouveau à des

8 considérations pratiques, il y a la question de ce pilonnage qui se pose.

9 L'Accusation a longuement parlé de ce pilonnage, nous a dit que l'objectif

10 c'était de semer la terreur au sein de la population civile. Par contre, ce

11 qu'elle ne vous a pas dit, c'est ce qui concerne le droit en la matière. On

12 ne vous a parlé du protocole du CICR et des commentaires de ce protocole et

13 de la conséquence naturelle d'une attaque militaire et du fait qu'il s'agit

14 d'une attaque menée de manière très violente pour intimider les soldats

15 ennemis et les persuader à se rendre.

16 Il y a encore une omission qui a été faite s'agissant du général Gotovina,

17 c'était qu'il était le commandant des opérations, commandant opérationnel,

18 un chef qui, avec ses hommes, a été en mesure de faire ce qu'aucune autre

19 force d'armée n'a été en mesure de faire. Alors que l'armée des Serbes de

20 Bosnie avec Ratko Mladic à sa tête et le président Karadzic à la tête de la

21 Republika Srpska, alors donc que les Serbes de Bosnie essayaient de

22 consolider leur victoire territoriale et de faire la jonction territoriale

23 entre la Krajina et les territoires conquis par les Serbes de Bosnie, bien,

24 à ce moment-là, il y a un homme, un homme qui a entraîné la défaite de

25 l'armée des Serbes de Bosnie à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie. Il y

26 un homme, un homme qui à la tête d'une armée, a mis un terme au carnage qui

27 a dévasté l'ex-Yougoslavie de 1991 à 1995, un homme et c'est celui qui est

28 assis ici.

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1 Avec la HV sous son commandement et ensuite avec la coopération de l'armée

2 des Musulmans de Bosnie, il est parvenu à faire ce qu'aucune armée

3 étrangère n'ait parvenu à faire.

4 Et ce qui ne vous a pas été dit non plus, c'est que l'opération Tempête,

5 c'était toute une série de plans destinés à vaincre les Serbes de Bosnie, à

6 les faire céder. Tout a commencé au cours de l'été 1995 lorsqu'on s'est

7 emparé des hauteurs au-dessus de Knin. Ensuite on est passé à l'opération

8 Tempête le 4, le 5 et le 6 août. Pour ensuite passer à l'opération Maestral

9 en octobre et en novembre. Puis l'opération du Mouvement du sud, toujours

10 sous la direction du général Gotovina afin de faire plier l'armée des

11 Serbes de Bosnie, de les forcer à s'asseoir à la table des négociations et

12 de mettre un terme à ce carnage.

13 C'est l'homme qui est là assis derrière moi qui a fait tout cela. Pour

14 comprendre ce qui s'est passé en 1995, il faut réfléchir, regarder tout ce

15 qui s'est passé auparavant.

16 Comme vous le savez très bien, nous ne sommes pas ici pour de nouveau

17 ressasser l'histoire de la Yougoslavie, mais en 1991 la Yougoslavie telle

18 qu'elle s'était constituée après la Deuxième Guerre mondiale était en plein

19 démantèlement. Il y a eu en 1991 des référendums en Slovénie aussi bien

20 qu'en Croatie afin de ces deux entités proclament leur indépendance de

21 l'ex-Yougoslavie. Le référendum en Croatie s'est déroulé le 25 juin 1991.

22 Peu de temps après, la Croatie a été reconnue par la communauté

23 internationale. L'ancienne Yougoslavie était dirigée par l'ancienne armée

24 populaire yougoslave, la JNA, et Slobodan Milosevic et peu leur importait

25 finalement que les Slovènes s'en aillent. En revanche, ils souhaitaient

26 ardemment que tous les Serbes restent au sein de cette ancienne

27 Yougoslavie. On voit donc peu à peu évoluer la situation et se dessiner

28 l'idée d'une Grande-Serbie dans les propos de Slobodan Milosevic, une

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1 Grande-Serbie qui permettra à tous les Serbes de vivre au sein d'un seul et

2 même Etat. Et même si des référendums démocratiques ont été organisés en

3 Croatie aux termes desquels les Croates ont décidé de quitter l'ex-

4 Yougoslavie, et bien non, il ne fallait pas l'accepter. On n'était pas prêt

5 à l'accepter. Slobodan Milosevic n'allait pas permettre à la Croatie

6 d'aller de son côté avec les Serbes qui vivaient en Krajina, en Slavonie

7 orientale et en Slavonie occidentale, avec d'un côté Vukovar à l'est et

8 également la Slavonie occidentale. Et à ce moment-là l'armée populaire

9 yougoslave, la JNA a été lancée contre les Croates pour les faire céder. Et

10 ce qui s'est passé ensuite, c'est du domaine de l'horreur. On ne peut pas

11 dire les choses autrement. Je vous montrerai dans quelques instants ce qui

12 a suivi cette offensive.

13 L'armée, une des armées les plus puissantes d'Europe s'attaque à la

14 population civile de Croatie pour faire plier cette population, pour faire

15 plier cette Croatie. Puis on se demande bien pourquoi les Croates n'ont pas

16 réagi. La réalité des choses en 1991, Monsieur le Président, Madame,

17 Monsieur les Juges, c'est qu'en 1991 la Croatie n'avait rien lui permettant

18 de se défendre. C'était un pays tout jeune, un pays qui n'avait pas

19 d'armée, pas de soldats et qui était confronté à l'armée populaire

20 yougoslave, une des armées les plus puissantes de tout le continent

21 européen. Et parallèlement à cette attaque de l'armée populaire yougoslave,

22 on voit dans cette république serbe de la Krajina apparaître des individus

23 tels que Milan Martic, Milan Babic, Radovan Karadzic, et sans oublier, bien

24 entendu, le général Mladic. Il est fort intéressant de remarquer que dès

25 1991, quand a pris naissance la République serbe de la Krajina avec Martic

26 et Babic à sa tête, l'un des officiers de la JNA qui leur a apporté un

27 soutien militaire c'était qui ? Bien, c'était Ratko Mladic.

28 Alors que la Croatie était un pays démocratique, en juin 1991, on a

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1 vu apparaître la République serbe de la Krajina qui s'est autoproclamée, a

2 déclaré son indépendance en été 1991. Elle a bénéficié du soutien de la JNA

3 en Slavonie occidentale et orientale, si bien qu'il y avait un tiers de la

4 République de Croatie à ce moment-là qui était contrôlé par les Serbes et

5 la JNA. Et ce qui s'est passé ensuite, c'est du domaine de l'horreur, je

6 l'ai déjà dit. Il suffit de se souvenir de ce qui s'est passé dans cette

7 magnifique ville baroque de Vukovar, sur les bords du Danube. C'est à ce

8 moment-là seulement qu'on commence à comprendre l'ampleur du carnage qui a

9 été infligé à la population croate à la fin de l'année 1991 jusqu'à la fin

10 de la guerre, jusqu'au cessez-le-feu en novembre 1991.

11 Je souhaiterais vous montrer quelques images, une brève illustration

12 de ce carnage, ce qui vous permettront d'appréhender, de comprendre

13 l'histoire de ce pays qui a décidé de déclarer sa souveraineté, son

14 indépendance.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

18 "Dès que les Slovènes et les Croates ont annoncé leur indépendance,

19 Milosevic a commencé la guerre. Il a mené une attaque ratée contre la

20 Slovénie et ensuite après l'humiliation, il s'est intéressé à la Croatie.

21 Sa stratégie militaire a consisté d'abord à procéder à des bombardements

22 aériens suivis par l'intervention de l'infanterie, après interventions de

23 missiles de longue portée. Ensuite arrivent les chars suivis par les

24 fantassins.

25 Des actes horribles ont eu lieu dans ces villages. On voit que plus

26 rien ne reste sur le terrain.

27 Les dirigeants de l'Union européenne ont décidé d'envoyer Lord

28 Carrington, leur représentant, pour intervenir entre ce qu'ils appellent

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1 les parties belligérantes. Les accords de cessez-le-feu se sont succédé et

2 à chaque fois Milosevic a signé, mais a également violé les cessez-le-feu

3 en question.

4 Le siège de Vukovar est un sommet de l'horreur. On a voulu priver

5 cette ville de son histoire, de son passé, de son identité. On a brûlé les

6 livres, les archives, les registres, les manuscrits, les registres d'état

7 civil, tout ceci, au nom du nettoyage ethnique. Les églises, les

8 cimetières, et surtout les églises ont été systématiquement détruites, mais

9 l'esprit de la population de Vukovar on n'a pas pu le faire céder. Face à

10 cette machine de guerre, ils ont résisté pendant 90 jours, 90 nuits. Les

11 Serbes affirment que Vukovar va tomber, mais les habitants de Vukovar ne

12 vont pas céder. Personne n'est sorti des caves, n'a imploré la pitié,

13 personne n'est sorti des sous-sols de cette magnifique ville de Vukovar qui

14 n'existait plus.

15 Les Serbes ont hurlé leur victoire à mesure qu'ils rencontraient des

16 forces aussi armées, aussi lourdement armées qu'eux-mêmes.

17 Malgré tous les éléments prouvant le contraire, souvent les Serbes

18 accusent leurs victimes d'avoir tué leur propre population.

19 Ce n'est pas un territoire croate. C'est un territoire yougoslave.

20 C'est un fait, les forces croates sont les coupables des assassinats, des

21 étranglements et des massacres des populations vivant sur place.

22 Ils ont tué tous nos amis et nous ne sommes pas coupables. Nous, nous

23 ne voulions pas de cette guerre. Nous n'avions que de l'amour. Nous

24 n'avions pas de haine, de volonté de tuer.

25 Les Français ont souhaité une intervention plus efficace. En réponse

26 au Conseil de sécurité des Nations Unies, ils ont imposé un embargo sur les

27 armes de toutes les républiques de l'ancienne Yougoslavie, mais les Croates

28 étaient pratiquement sans défense alors que les généraux de l'armée

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1 fédérale se vantaient d'être parvenus à mettre de côté les arsenaux

2 suffisants pour que la guerre puisse continuer pendant six ans. Leur

3 technologie était supérieure et leur permettait de conquérir avec grande

4 facilité un tiers du territoire de la Croatie. Ils ont également détruit de

5 façon parfaitement arbitraire et sans que cela n'ait aucune logique, des

6 villages de la région de Dubrovnik.

7 Bien, tout dépend du cessez-le-feu et après 12 cessez-le-feu on peut

8 être très optimiste que cette fois il tiendra ce cessez-le-feu.

9 Lord Carrington semble ne pas être gêné par la rupture du cessez-le-

10 feu et d'un cessez-le-feu après l'autre, que les Nations Unies aient envoyé

11 leur propre responsable, Cyrus Vance pour voir ce qu'il allait pouvoir se

12 faire. Tout cela a empêché les Croates de se retirer de leur propre

13 territoire.

14 Milosevic avait perdu la bataille de Dubrovnik, mais il avait de quoi

15 être satisfait. Il avait conquis après tout un tiers du territoire de la

16 Croatie, il avait mis à mal son économie, tué plus de 9 000 personnes,

17 rendu presque un quart de million de personnes sans domicile et avait

18 détruit 400 églises catholiques en pratiquant le nettoyage ethnique. Il a

19 montré ce qu'il entend par le nettoyage ethnique - et là il s'agit du

20 fascisme, bien sûr.

21 Les questions qui se sont posées c'est de savoir pourquoi la guerre

22 ne peut pas être arrêtée ? A quoi sert l'OTAN, par exemple ? Les Américains

23 ont menacé de procéder à des frappes aériennes, et là le bombardement s'est

24 arrêté. Mais ce bombardement a repris dès qu'on a vu qu'il s'agissait que

25 de mots. Cela n'a jamais été une guerre civile, ce n'était qu'une attaque

26 contre la population civile non armée et qui a été effectuée par une armée

27 lourdement armée. Il s'agissait d'un génocide, comme cela a été toujours

28 affirmé par le président Izetbegovic.

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1 Comment est-il possible qu'on a permis que des scènes semblables se

2 réitèrent au cours de ce siècle ?

3 "Cette population sécessionniste serbe lourdement armée a déjà

4 conquis facilement deux tiers de la Bosnie-Herzégovine. Des pilonnages, des

5 gens qui attendaient dans la queue pour avoir du pain, comme le massacre

6 qui a eu lieu dans le marché de Sarajevo a choqué le monde entier. Jamais

7 nos dirigeants n'ont été aussi méprisables que quand ils prétendaient de ne

8 pas savoir si ce n'était peut-être pas les Musulmans qui étaient à

9 l'origine de ces massacres, si ce n'était pas de leur faute.

10 Les gens se sont posé à nouveau cette question, pourquoi ne peut-on

11 pas arrêter la guerre. Nos dirigeants, sans avoir de vraie politique qui

12 leur est propre, ne pouvaient faire rien d'autre que de se taire.

13 Personne n'a dit à ce garçon que ses parents étaient morts ? Quand la

14 grenade est tombée, je ne l'ai pas vue, je ne l'ai pas vue mais j'ai vu mon

15 père, il était par terre, il gisait et je l'ai vu tourner la tête et me

16 regarder, ensuite il a à nouveau tourné sa tête. Que dire aux enfants qui

17 grandissent alors que leurs parents sont morts, tués ? Comment expliquer à

18 ces enfants bosniaques qu'ils doivent accepter les valeurs européennes

19 alors que c'est l'Europe même qui a tué leurs parents ? Comment combattre

20 une autre idéologie, l'idéologie qui leur fourni les armes ? C'est

21 difficile à le voir, parce que ces enfants quand ils seront grands, d'ici

22 dix, 15 ans, quand ils vont comprendre qu'il y a Hamas ou Hezbollah

23 vraiment aux confins de l'Europe, bien, vous allez avoir ces enfants qui

24 vont vouloir venger la mort de leurs parents. Que va-t-on leur dire ? On va

25 leur dire qu'ils sont des terroristes ? Comment peut-on les traiter de

26 terroristes alors qu'ils sont finalement rien d'autre que des victimes de

27 la terreur.

28 Nos dirigeants ont bafoué tous les accords internationaux pertinents

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1 qu'ils ont signés en notre nom. Nos dirigeants ont fermé les yeux,

2 l'esprit. Leurs cœurs se sont endurcis devant les conséquences de ce qui

3 était finalement leur propre proposition. Ils tolèrent eux-mêmes, ils

4 soutiennent ce régime qui est à nos portes. Il y a des crimes terribles qui

5 ont lieu en ce moment même au nom du nettoyage ethnique.

6 Et quand on parle de nous, comment nous on peut vivre avec cette

7 honte en sachant qu'on a tourné la tête ?"

8 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur et Madame les

9 Juges --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, nous nous posons la

11 question à savoir pourquoi vous avez présenté cette vidéo, parce que la

12 Chambre souhaite entendre les faits et le contexte historique du conflit.

13 Maintenant quant à savoir si la Chambre souhaite savoir quelle est la

14 musique qui a été choisie pour mettre en exergue telle ou telle scène d'une

15 vidéo dont nous ne savons pas dans quelle mesure elle est constitue un

16 matériel journalistique ou dans quelle mesure au contraire elle ne

17 représente pas la réalité, ce qui nous intéresse c'est le contexte, les

18 atrocités qui ont été commises ailleurs à l'encontre de Croates, à

19 l'encontre de Musulmans, et cetera, manque certainement pas de pertinence.

20 Restons-en aux faits. Nous ne sommes pas un jury, et bien entendu, la

21 question que se posent les Juges en examinant cette vidéo est la suivante :

22 est-ce que dans l'exercice du droit d'un accusé, le droit à faire l'objet

23 d'un procès en audience publique, est-ce que c'est le public qui examinera

24 la façon dont vous vous adressez au Tribunal ou est-ce que c'est le

25 Tribunal qui s'est vu le droit de voir de quelle façon vous vous adressez,

26 vous, au public. Qui est spectateur et qui est acteur ?

27 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, l'essence ici est de

28 veiller à savoir comment tout cela a fonctionné, l'opération Tempête, les

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1 conséquences de l'opération Tempête et pour le comprendre il est

2 indispensable de comprendre ce qui s'est passé en amont et de voir quelle a

3 été l'évolution de la situation qui a mené à ce résultat.

4 Ce qui est important également dans la question de Vukovar que nous

5 venons de présenter est le fait suivant et je vous montrerai une vidéo qui

6 opère une comparaison entre ce qui s'est passé à Vukovar d'une part et ce

7 qui s'est passé à Knin de l'autre. Et je vous demande, Monsieur le

8 Président, Madame, Monsieur les Juges, de bien vouloir examiner ces faits-

9 là.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, j'ai bien compris, le

11 message était clair. Par conséquent, nous n'avons pas besoin d'opérer une

12 comparaison entre les mauvais traitements des uns et des autres, puisque

13 cette Chambre ne suit que ce que l'on nous montre. Mais bien entendu,

14 nombreux sont les faits qui sont disponibles sur base de la jurisprudence

15 de ce Tribunal et sur base de la jurisprudence des républiques de

16 l'ancienne Yougoslavie où la Chambre ne se voit pas présenter la façon dont

17 les journalistes ont vu les choses. Donc je vous pose la question, Monsieur

18 Kehoe : peut-on suivre ce qui s'est passé sur base de moyens de preuve

19 ayant été présentés et contestés ?

20 Je ne sais pas dans quelle mesure vous demanderez le versement de

21 cette vidéo au dossier, et si oui sur quelle base ?

22 M. KEHOE : [interprétation] J'en demanderai le versement au dossier.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Bien, nous verrons s'il y a

24 des objections. Pourriez-vous nous fournir l'information suivante : que

25 venons-nous de voir ? Que venez-vous de projeter ?

26 M. KEHOE : [interprétation] Vous voulez dire la vidéo, Monsieur le

27 Président ?

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

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1 M. KEHOE : [interprétation] C'était la BBC, donc la British Broadcasting

2 Corporation.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La BBC. Bien, nous verrons ce

4 qu'il adviendra, nous verrons si cela peut être un moyen de preuve et s'il

5 y aura des objections à l'encontre de ce versement au dossier. Bien

6 entendu, les Juges ont bénéficié de votre appui grâce aux informations que

7 vous avez fournies sur le contexte, mais il faudra se concentrer sur ce qui

8 est au cœur même de l'affaire.

9 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que l'on

10 puisse opérer cette comparaison entre Vukovar et Knin. Nous verrons un

11 écran partagé en deux qui montrera les deux.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous examinerons cette vidéo

13 effectivement. On peut séparer l'écran en deux, je peux vous montrer

14 n'importe quelle image, mais enfin, quoi qu'il en soit, voyons un peu ce

15 que vous avez à nous montrer.

16 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie. Poursuivez.

18 [Diffusion de la cassette vidéo]

19 L'INTERPRÈTE : Apparaissent à l'écran deux images, un écran séparé en deux;

20 décembre 1991 à gauche, 4 août 1995 à droite, Vukovar à gauche, Knin à

21 droite.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

23 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je crois que manifestement nous

25 avons compris ce que vous essayez de nous montrer, lorsque vous nous

26 montrez une vidéo sur laquelle on voit apparaître d'un côté Knin avec des

27 bâtiments qui sont en parfait état; et vous montrez de l'autre côté les

28 images de Vukovar où les bâtiments sont dans un état lamentable. J'imagine

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1 c'est ce que vous souhaitez que la Chambre comprenne. Bien, si c'était

2 votre objectif, sachez que vous êtes parvenu à vos fins et nous avons

3 compris la position de la Défense. La Défense nous qu'à Knin les bâtiments

4 n'étaient pratiquement pas endommagés, alors qu'à Vukovar ils étaient

5 complètement détruits. La Chambre vous a bien compris.

6 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Monsieur le Président, le bureau du

7 Procureur n'a jamais parlé du pilonnage illégal de Vukovar.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez ce qu'il en est. Je vous en

9 prie, poursuivez.

10 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez,

11 je souhaiterais revenir sur un élément qui est important s'agissant de

12 l'évolution de cette affaire. Parce que si l'on se reporte à 1991, on

13 s'aperçoit qu'il n'y a pas d'armée de la République de Croatie. Elle était

14 en cours de constitution, de formation, mais elle n'avait pas de quoi

15 lutter contre la JNA, l'armée yougoslave.

16 Donc ce qui s'est passé après la solidification des terrains acquis

17 par la JNA en République de Croatie, un plan de défense a été élaboré,

18 auquel on fait référence dans la vidéo, et en janvier 1992 - et j'ai de

19 quoi vous montrer à l'écran - on voit les zones qui apparaissent sur la

20 carte en orange ont été conquises par les forces serbes tant de la Krajina

21 que de la JNA, qui sont ensuite devenues des protecteurs des Nations Unies,

22 des zones protégées par les Nations Unies, le tout étant consolidé par le

23 plan Vance. C'est le plan Vance donc qui, en 1992, est parvenu au résultat

24 suivant, à savoir de consolider les territoires acquis par les Serbes.

25 La conception de ce plan avec l'arrivée de la FORPRONU en 1992, était de

26 veiller à ce que les Nations Unies soit, comme le dit l'arrêt Martic, de

27 veiller à ce que les zones demeurent démilitarisées et à ce que toutes les

28 personnes résidant dans ces zones soient protégées de la crainte d'attaque

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1 armée. Malheureusement, à partir de 1992 et jusqu'à l'opération Eclair et

2 l'opération Tempête en 1995, tout cela ne correspond en rien à la réalité,

3 il n'y a pas absence de crainte.

4 Je vous demande de bien vouloir apporter votre attention sur le rapport des

5 rapporteurs spéciaux de 1994, paragraphe 136, vous le voyez apparaître à

6 l'écran : "Selon les statistiques des Nations Unies aux réfugiés de 1994,

7 800 à 900 Croates, dont de nombreuses personnes âgées ou handicapées, sont

8 restées dans le secteur de la zone protégée des Nations Unies, secteur sud.

9 On estime que 44 000 Croates vivaient dans cette zone avant l'éclatement du

10 conflit en 1991.

11 "Les estimations démographiques des zones protégées des Nations Unies,

12 secteur nord de 1994 indiquent, quant à elles, que sur une population

13 totale de 112 000 personnes, un millier de personnes sont Croates et

14 Musulmans, ce, en dépit du nettoyage ethnique."

15 Le plan Vance conçu par les Nations Unies afin de protéger tant les

16 populations croates que musulmanes dans la zone protégée par les Nations

17 Unies a été une catastrophe. Je pense qu'il suffit de dire cela. Le rapport

18 faisant état de nettoyage ethnique, de meurtres, de souffrances, d'autres

19 blessures et lésions infligées aux Musulmans et Croates à partir de 1992 et

20 jusqu'en 1995 sont inénarrables. Cette situation, sachant que le plan Vance

21 visait à protéger les zones, y compris la Krajina qui faisait partie encore

22 de la Croatie, est incroyable. Au cours de toute cette période, en effet,

23 aucun effort diplomatique n'a porté ses fruits dès lors qu'il s'agissait de

24 veiller à ce que ces zones, ces secteurs puissent être réintégrés au

25 territoire de la République de Croatie.

26 Comment se sont-ils défendus ? Que devaient faire cette pauvre République

27 de Croatie ? La République de Croatie, heureusement, pouvait compter sur

28 l'appui de gens tels qu'Ante Gotovina, un homme qui a fait ses armes dans

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1 la légion étrangère, l'Armée française, qui est revenu pour sauver sa

2 patrie, pour former les troupes. Le général Gotovina n'avait pas un

3 parcours d'endoctrinement par la JNA avec les blessures infligées à Vukovar

4 notamment, comme vous avez pu le voir s'agissant de Vukovar. Il est revenu

5 en 1991. Il a petit à petit gravi les échelons dans l'armée croate pour

6 finir par être l'homme à leur front. Non pas un militaire dans les bureaux

7 douillets derrière les lignes de front, non, un homme qui était vraiment

8 avec ses troupes, qui était à la hauteur des attentes.

9 Il a bénéficié de l'aide. Vous allez voir que MPRI a pu l'aider,

10 aider l'armée croate afin d'assister à la création, à la mise sur pied de

11 cette armée croate.

12 Le général Gotovina a créé un centre de formation des officiers où on

13 leur enseignait le droit humanitaire international. Les diplômés de cette

14 académie militaire, les premiers diplômés sont sortis en 1994. C'était donc

15 une armée qui était en train de croître petit à petit. Mais pendant toute

16 cette période, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pendant

17 toute cette période, un homme --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, c'est la vingt-

19 cinquième fois, approximativement, que vous parlez de

20 M. Gotovina en tournant le dos aux Juges et en vous adressant à

21 M. Gotovina. C'est à la Chambre que vous vous adressez. Et je pense que le

22 geste que vous avez fait pour indiquer qui était M. Gotovina est superflu.

23 Nous savons maintenant qui est M. Gotovina, qu'il est derrière vous. Vous

24 n'êtes pas dans un théâtre, Monsieur Kehoe, vous êtes dans un tribunal,

25 dans un prétoire face à des Juges professionnels. Je vous prierais

26 d'adopter un comportement à l'avenant.

27 M. KEHOE : [interprétation] M. Gotovina a mené ses hommes à la bataille et

28 n'a jamais perdu de vue la séparation entre le bien et le mal. Monsieur le

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1 Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaiterais vous montrer à

2 présent un bref entretien au cours duquel M. Gotovina se présente et

3 présente ses activités au cours de la bataille.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, continuez.

5 [Diffusion de la cassette vidéo]

6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

7 "A l'époque, le général Gotovina m'avait simplement demandé de venir,

8 mais il ne m'avait pas dit à ce moment-là qu'il y avait une opération

9 militaire répondant au nom de Maslenica, qui avait été conduite cinq jours

10 après ma rencontre avec les officiers dans l'arrière-pays de Zadar.

11 Le général Gotovina voulait que j'applique les principes catholiques qui

12 s'appliquent à la conduite de la guerre. Ce sont des questions qui

13 l'intéressaient tant lui que ses associés qui étaient présents sur place.

14 Donc tout au long de la lecture, la conférence et les discussions qui ont

15 été tenues, il voulait que je parle de l'enseignement de l'Eglise

16 catholique quand il s'agit du comportement des soldats dans une guerre de

17 défense de la patrie qui veut dire quels sont les principes qui régissent

18 les actions militaires pendant les événements qui sont les événements de la

19 guerre. A l'époque, je ne savais pas quelles étaient ses raisons. Je ne

20 savais pas pourquoi il m'a invité, mais ce que j'ai vu par la suite et ce

21 que j'ai entendu au cours de la conversation avec lui. Nous nous sommes

22 rappelés à plusieurs reprises de cela, parce qu'il m'a dit qu'il était très

23 important, puisque que j'étais un prêtre et un évêque, et il fallait que je

24 lui fasse part de l'enseignement catholique pour que ses officiers puissent

25 respecter ces bons principes catholiques pendant la guerre. Parce que

26 finalement nous avons appris qu'il fallait garder, avoir une éthique dans

27 la guerre. Vous avez la défense légitime, il ne faut jamais traverser cette

28 frontière.

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1 Donc je me suis adressé aux officiers croates. Quand je me suis

2 adressé à eux, je parlais de l'éthique de la guerre, de la paix, et j'ai

3 dit qu'il s'agissait d'effectuer une défense légitime sans jamais traverser

4 la frontière de cette défense légitime, qu'il ne faut pas la détruire,

5 puisque ce n'était pas éthique de violer, de piller, de faire du mal. Ce

6 n'était pas éthique. Ce n'est pas quelque chose qu'il faut faire. Mais tout

7 ce qu'il faut faire pour défendre sa patrie, sans pour autant abaisser

8 l'autre, bien, c'est cela l'éthique militaire. C'est comme cela qu'il faut

9 se comporter.

10 En ce qui concerne le général Gotovina, au cours de ces rencontres

11 que j'ai eues avec lui pendant la guerre, bien, je peux dire que je le vois

12 comme un homme bien. Pour moi, c'est un homme qui a respecté l'éthique de

13 la guerre. C'est un homme qui m'a dit après la conférence : Votre

14 Excellence, il est très important que vous l'ayez dit devant mes officiers,

15 devant mes sous-officiers, mes officiers, mes hommes, et je vais leur

16 répéter cela sans arrêt pour qu'ils respectent ce que vous avez dit, pour

17 qu'ils s'en tiennent à ce que vous avez dit.

18 Et je l'ai rencontré après l'opération Maslenica et d'autres

19 opérations à l'occasion de Noël, Pâques, Nouvel An, et cetera. A chaque

20 fois, il me disait : Vous savez, je me rappelle de vos paroles. J'y pense

21 sans arrêt."

22 M. KEHOE : [interprétation] Il est suffisant de dire, Monsieur le

23 Président, que quand le général Gotovina donnait des instructions à ses

24 troupes, il leur disait de se comporter en respectant l'éthique, en

25 respectant l'honneur et la moralité.

26 Je vais aborder un autre thème. Il y a beaucoup de choses qui se sont

27 produites entre 1992 et 1995. L'armée des Serbes de Bosnie gagnait du

28 terrain en Croatie et les diplomates, du point de vue international, ont

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1 essuyé finalement des pertes, si j'ose dire, pendant l'année 1992, 1993 et

2 1994, les Serbes de Bosnie n'acceptaient le plan Vance-Owen, le plan du

3 Groupe de contact de 1994. Je sais que vous savez déjà beaucoup de choses à

4 ce sujet. Mais ce qui est clair, c'est qu'en 1995 la communauté

5 internationale était fatiguée, fatiguée de cette guerre qui ravageait l'ex-

6 Yougoslavie. C'était quelque chose de clair à ce moment-là et c'était le

7 moment d'en finir. Les Serbes de Bosnie ont compris que c'était le moment

8 pour consolider leurs gains territoriaux, et ils avaient cette intention.

9 La Republika Srpska et la République serbe de la Krajina ont commencé à

10 travailler à cette fin. Au mois de février 1995, surtout le 20 février

11 1995, la République serbe et la République serbe de la Krajina ont annoncé

12 qu'ils allaient créer un conseil commun de la défense. Et à partir de ce

13 moment-là, ils agissent ensemble de façon officielle.

14 Au mois de mars 1995, le président Karadzic a fait connaître son plan pour

15 conquérir les enclaves de Srebrenica et de Zepa que nous allons voir sur

16 l'écran bientôt.

17 "Le premier objectif était de se séparer des deux autres communautés

18 nationales.

19 "Le deuxième objectif stratégique consistait en la création d'un

20 corridor entre Semberija et Krajina, et il n'y aura pas de Krajina, de

21 Bosanska Krajina ou de la Krajina serbe. Il n'y aura pas d'alliance entre

22 les Etats serbes si l'on n'assure pas la sécurité de ce corridor.

23 "Le sixième objectif stratégique, c'est que la République serbe de Bosnie-

24 Herzégovine ait un accès à la mer."

25 En 1997, Radovan Karadzic a fait une directive qui visait à consolider les

26 objectifs de Srebrenica et de Zepa. D'ailleurs c'est le Procureur qui l'a

27 appelé comme ça, "la directive numéro 7." Il s'agissait donc de faire en

28 sorte que l'armée des Serbes de Bosnie puisse séparer physiquement les

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1 postes de Srebrenica et de Zepa le plus rapidement possible, de sorte qu'il

2 n'y ait pas de communication entre les deux enclaves. Désormais, c'était

3 une intention, il s'agissait d'une opération militaire qui visait à créer

4 une situation impossible sans aucune sécurité et sans aucun espoir de

5 survie pour les habitants de Srebrenica.

6 Cela a eu lieu au mois de mars 1995. Au mois de mai 1995, il n'y

7 avait plus de cessez-le-feu, il est arrivé à sa fin le 26 mai 1995. Les

8 Serbes de Bosnie ont pris en otage les soldats des Nations Unies.

9 Au mois de juillet 1995, vous avez la situation telle qu'elle est

10 dans l'ex-Yougoslavie. Il n'y a pas d'espoir pour une solution paisible du

11 conflit. Les Nations Unies commencent à réfléchir à la possibilité

12 d'évacuer leurs forces et c'est là que la grande finale commence avec

13 l'attaque sur Srebrenica et Zepa au cours de la première semaine du mois de

14 juillet 1994 [comme interprété]. Malheureusement et c'est vraiment

15 tragique, comme les Juges le savent bien, le monde entier se tenait à part,

16 ne faisant rien, alors que

17 7 000 Musulmans de Bosnie étaient séparés et exécutés. La réaction de la

18 communauté internationale était pratiquement inexistante.

19 Il faut dire qu'à l'époque le seul théâtre d'opération pour les

20 Serbes était justement ce terrain-là. Comme vous le savez, vous voyez une

21 carte sur l'écran. Vous pouvez voir que les enclaves de Srebrenica et de

22 Zepa ont précédé l'encerclement de Gorazde et c'est très clair qu'au fur et

23 à mesure que cette finale s'approchait de sa fin, les Serbes voulaient

24 consolider leurs objectifs, et il fallait qu'ils rapportent leurs forces

25 sur ce qui se trouve complètement dans le coin, à savoir l'enclave de

26 Bihac.

27 Je sais que vous avez déjà entendu parler de la poche de l'enclave de

28 Bihac. C'était une enclave de Musulmans de Bosnie qui avait été encerclée

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1 par les Serbes de Bosnie. Mais pourquoi était-elle importante ? Parce

2 qu'avec la chute éventuelle de Bihac, les Serbes de Bosnie, côte à côte

3 avec les Serbes de Krajina, se trouvaient réunis. Et là vous avez

4 l'objectif de Radovan Karadzic qui allait être réalisé. Il était essentiel

5 que Bihac ne tombe.

6 Mais pourquoi était-ce important aussi, parce qu'il n'y avait pas de

7 doute que si jamais Bihac tombait, les rivières qui se trouvaient dans le

8 nord-ouest de Bosnie, tout comme les rivières près de Srebrenica, allaient

9 être rouges à cause du sang des Musulmans de Bosnie. C'était d'ailleurs les

10 messages de Ratko Mladic. Et je peux vous dire qu'il n'y avait pas de doute

11 là-dessus.

12 Après qu'ils ont réussi à obtenir leurs objectifs à Srebrenica et à

13 Zepa, un autre général de Serbes de la Krajina, le général Mrksic, a

14 commencé son attaque sur la ville, sur l'enclave de Bihac le 17 juillet

15 1995.

16 Quelle était la peur ressentie par la communauté internationale à ce

17 moment-là ? L'ambassadeur Galbraith qui était l'ambassadeur des Etats-Unis

18 d'Amérique à l'époque a dit que le pire qui pourrait se passer dans le cas

19 où Bihac tombait, c'est que vous allez voir un massacre de 40 000

20 personnes. L'ambassadeur Galbraith a déposé dans l'affaire Milosevic en

21 disant : "Nous étions très inquiets devant la possibilité que Bihac tombe

22 et qu'il y ait une autre Srebrenica. Il y avait quatre fois plus de

23 population à Bihac qu'à Srebrenica, donc on avait peur, on avait peur

24 d'être des témoins d'un massacre, d'un massacre de 30 à 40 000 personnes si

25 Mladic venait à faire la même chose là-bas."

26 Au cours de sa déposition dans l'affaire Martic, l'ambassadeur Galbraith a

27 réitéré ses propos en disant, je cite :

28 "Au mois de juillet 1995, les Serbes de Bosnie avaient écrasé

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1 Srebrenica, en massacrant à peu près 7 000 jeunes hommes, et ils ont

2 dévasté une autre zone protégée, Zepa. Et avec l'appui des forces de la

3 République serbe de Krajina, ils se sont lancés dans l'attaque de Bihac et

4 on avait l'impression qu'ils allaient réussir. Ce n'était pas acceptable

5 pour le gouvernement croate et ce n'était pas acceptable pour les Etats-

6 Unis. Les Croates avaient peur que Bihac allait être vaincue aussi, qu'un

7 autre massacre allait avoir lieu, que les survivants allaient se réfugier

8 en Croatie, la Croatie qui avait déjà accepté depuis 1991, deux millions de

9 réfugiés. Ils avaient peur qu'avec cela on allait consolider encore une

10 entité serbe de la République serbe de la Krajina, en plus des territoires

11 déjà conquis en Bosnie, ce qui représenterait une grande perte pour la

12 Croatie. Le gouvernement croate ne pouvait pas le permettre. Nous avons vu

13 qu'il n'y avait aucune chance pour que les négociations de paix avec les

14 Serbes de Krajina réussissent vu que l'Accusé Martic d'ailleurs, ne voulait

15 pas négocier."

16 En guise de réaction à ce qui s'est passé, le gouvernement de Bosnie-

17 Herzégovine et de la République de Croatie se sont réunis à Split au mois

18 de juillet 1995, c'était le 22 juillet 1995. "Et ils se sont mis d'accord

19 pour permettre que les Croates agissent contre les Serbes de Bosnie et que

20 l'armée croate intervienne en Bosnie. Ce qui s'est passé, c'est que les

21 groupes étaient partis de la République serbe de la Krajina vers Bihac.

22 Avec la permission du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, le général

23 Gotovina est parti dans cette attaque, le 27 juillet à Grahovo pour

24 relâcher la pression sur la poche de Bihac et pour permettre à l'ABiH de

25 survivre. C'était lui qui était à la tête de cette attaque qui a commencé

26 le 26 juillet et qui a été couronnée de succès le 27 juillet. Il y a eu la

27 retraite suite à cette attaque, l'attaque sur Bihac à l'époque et Bihac

28 n'est pas tombée. Les Serbes de Bosnie avec l'armée des Serbes de la

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1 Krajina n'ont pas réussi à faire tomber Bihac.

2 Mais Milan Martic ne voulait pas continuer à vivre paisiblement dans

3 la République de Croatie. Il ne voulait pas une solution paisible. Il ne

4 voulait pas de négociations. Vous allez entendre cela.

5 [Diffusion de la cassette vidéo]

6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

7 "Nous vivons ensemble avec les criminels. Nous comprenons que cette

8 vie n'est pas possible pour la raison suivante, puisque nous n'avons aucune

9 possibilité. Ce qu'on nous propose, c'est de nous réduire en esclaves et ce

10 choix n'est pas possible. Nous devons aller jusqu'au bout parce que c'est

11 une lutte pour la liberté. Il n'y a qu'une chose que nous devons avoir en

12 tête, à savoir de nous défendre pour être suffisamment forts, suffisamment

13 puissants. La République serbe de la Krajina ne fera jamais partie de la

14 Croatie. Le président Martic a continué pour dire que le peuple serbe doit

15 lutter jusqu'au bout. Il doit montrer à ces criminels que la République

16 serbe de la Krajina va rester à jamais le territoire ethnique serbe."

17 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

18 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Pour

19 consolider cela, les Serbes de Bosnie et les Serbes de Krajina se

20 préparaient à la guerre.

21 Et là, je vous prie, de montrer l'enregistrement 18.

22 [Diffusion de la cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Les Serbes de Bosnie et leurs alliés tiennent des réunions de crise

25 urgentes pas parce que l'OTAN menace d'une action dure pour protéger les

26 zones sûres. Le dirigeant des Serbes de Bosnie-Herzégovine, le commandant

27 Radko Mladic, a rencontré le commandant des Serbes de la Krajina pour se

28 mettre d'accord sur une stratégie commune.

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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

2 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, vous

3 vouliez intervenir.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis la traduction, et si vous faites

5 une petite pause, vous allez entendre la fin de la traduction.

6 M. KEHOE : [interprétation] Merci.

7 Donc les Serbes de Bosnie, les Serbes de la Krajina se préparaient à la

8 guerre, en même temps ils essayaient de gagner du temps en effectuant soi-

9 disant des efforts sur le plan diplomatique. A Genève il y a eu toute une

10 série de réunions au cours du mois d'août. Mais ce qui est complètement

11 clair, surtout à l'écoute de cet enregistrement vidéo qui date du 2 août

12 1995, c'est que Martic n'avait absolument aucune intension de procéder aux

13 négociations de paix. Et regardez au milieu de la page, là où il parle du

14 plan Z-4, le plan Z-4, c'est un plan proposé par l'ambassadeur Galbraith,

15 et ce plan prévoyait que les Serbes de Krajina doivent être intégrés de

16 façon paisible dans la République de Croatie.

17 Prijic dit : Vous savez, ils sont éparpillés là-bas, nous ne pouvons pas

18 accepter Zagreb-4.

19 Martic : Non. En aucun cas. En aucun cas. On ne peut pas parler du plan

20 Vance, on ne peut pas parler du plan Z-4. Ils n'ont aucun intérêt à

21 s'occuper de cela. Ils ne veulent pas faire cela. Ils s'occupent à élaborer

22 le plan pour la guerre. Tout cela s'est déroulé en l'espace de quelques

23 jours, pas plus que quelques jours. Puis il y a une dernière chose sur

24 laquelle je voudrais attirer votre attention, à savoir la nouvelle de la

25 BBC qui avait été reprise de la radio Knin. Donc --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous devez vraiment ralentir pour

27 les interprètes. Peut-être devriez-vous répéter quelques dernières phrases

28 que vous avez dites.

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1 M. KEHOE : [interprétation] Ce qu'on a l'écran c'est un document qui vient

2 de la BBC, ça porte sur les négociations à Genève. Inutile d'entrer dans

3 les détails de cet article, mais Prijic et les Serbes de la Krajina ne

4 souhaitent nullement négocier une résolution pacifique du conflit. Et dans

5 les premiers jours du mois d'août, on voit cette conversation interceptée,

6 ces informations qui viennent des Serbes de la Krajina. Et le général

7 Gotovina, Tudjman, savent très bien que ceux qui sont face à eux essaient

8 de gagner du temps de se préparer à la guerre. Celui qui va mener cette

9 guerre avec général Mrksic, ce n'est nul autre que Ratko Mladic. Et le 30

10 juillet 1995, le général Mladic vient à Knin pour en parler.

11 J'aimerais qu'on nous présente la vidéo.

12 [Diffusion de la cassette vidéo]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Général Ratko Mladic, le commandant légendaire de l'état-major principal

15 de l'armée de la Republika Srpska, une vieille connaissance, une véritable

16 légende serbe.

17 Profitons donc de la présence du général Mladic pour lui poser des

18 questions au sujet de la situation actuelle qui intéresse beaucoup le

19 peuple serbe, qui est d'une grande importance critique pour ce peuple. Je

20 n'avais pas passé plus de temps à cette introduction et j'ai tout de suite

21 donné la parole au général. Mon général vous avez la parole.

22 Merci, je vais en profiter, profiter de l'occasion qui m'est donnée

23 pour adresser la population de République de Sprska Krajina. Nous sommes

24 ensemble. Je suis toujours ici. Même quand je pars, je ne pars pas

25 vraiment. Je suis toujours ici, je reste toujours ici.

26 Pour commencer, Mon Général, quelle est votre évaluation de la situation en

27 République Sprska Krajina, la Krajina de Serbie ?

28 Je veux dire que la situation est plutôt complexe en raison de l'agression

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1 menée par les forces armées croates contre la Republika Srpska. L'objectif

2 de leurs opérations c'est de couper, d'isoler la Republika Srpska et

3 d'utiliser les armes, leurs médiateurs, ainsi que la pression de la

4 communauté internationale pour obtenir une solution par la force dans la

5 zone. Cependant, j'espère que grâce à une bonne organisation et au bon

6 fonctionnement de toute l'organisation du peuple serbe en Republika Srpska

7 et en Krajina, on arrivera à une solution positive de la situation. Je

8 pense que les Croates ont fait une grave erreur qui va leur coûter très

9 cher.

10 Est-ce que les Serbes sont suffisamment forts pour résister aux Musulmans

11 et aux Croates ?

12 Les Serbes ont suffisamment de forces et si des pays du groupe islamo-

13 germanique ne leur avaient pas apporté leur soutien, ils auraient perdu la

14 guerre il y a longtemps. Chaque journée de guerre supplémentaire est une

15 catastrophe, d'abord pour ceux qui en sont à l'origine, je pense aux forces

16 armées croates.

17 Mon général, du point de vue stratégique, selon moi, dans mon humble

18 opinion, je crois que les forces croates sont très dispersées sur la

19 totalité du territoire face aux lignes de défense des forces serbes. Dans

20 quelle mesure ceci peut être d'une quelconque utilité afin d'arriver à une

21 démarche stratégique qui permettra de libérer nos territoires ?

22 Comme tout journaliste, vous êtes curieux, mais le temps et ce qui va se

23 passer à l'avenir répondront à votre question.

24 Quelle est la situation sur le théâtre des opérations de Grahovo et Glamoc.

25 Les formations de l'armée croate sont entrées à Grahovo ainsi qu'à Glamoc

26 notamment, et j'espère que nous reprendrons ces territoires occupés ainsi

27 que d'autres en Republika Srpska très bientôt.

28 Nous sommes notamment intéressés par ce qui se passe à Grahovo et à

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1 Glamoc dans la zone de responsabilité du 2e Corps de la Krajina. Les

2 rumeurs vont bon train et elles sont même parfois diffusées par des médias

3 en public dans les territoires serbes. Il n'y a pas suffisamment de

4 coordination entre la Republika Srpska et la Krajina serbe. Selon certaines

5 rumeurs, on essaie d'agiter la population. Certains disent que l'on va

6 donner, brader les territoires libérés pour obtenir des résultats

7 supplémentaires.

8 Je ne vais pas parler de cette propagande, de tout cela. Pour moi, la

9 population serbe est unifiée de Kupa à Korana et de Timok au sud de Morava.

10 Je pense que tous les Serbes qui se trouvent sur ces territoires ainsi que

11 tous les habitants de notre planète ont les mêmes intérêts et veulent

12 rester au sein d'un même Etat. Je pense que les Serbes doivent, comme

13 n'importe quel citoyen de n'importe quel pays, peuvent manifester le désir

14 de vivre dans leur propre état.

15 On me pose beaucoup de questions, ici, vos questions sont très

16 valables, je dois dire.

17 C'est une excellente question, vraiment. Ce n'est pas la première

18 fois que les formations oustachi s'en prennent à nous.

19 Je pense cependant que le temps est venu pour que tous ensemble nous

20 comprenions ce que beaucoup ont réalisé pendant cette guerre et ce dont

21 j'ai parlé depuis longtemps. Je crois que de très graves erreurs ont été

22 faites par certains qui ont affirmé que la guerre contre les Croates était

23 définitivement finie, bien qu'elle finirait au bout d'une semaine. De

24 nombreux points de contrôle ont été ouverts tout au long des lignes de

25 séparation. On s'est même mis à organiser des matchs de football entre

26 nous. Mais je pense que ces décisions ont coûté très cher, ça a entraîné

27 des pertes humaines, de nombreux réfugiés et des villages brûlés. Mais

28 j'espère que notre peuple a maintenant compris qu'il rassemblera toutes ses

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1 forces pour que l'on puisse se venger de l'agression croate et qu'on les

2 renvoie où ils doivent être sur leur propre territoire.

3 Je dois en appeler à tout notre peuple. Il doit rester résolu pour défendre

4 nos foyers, pour défendre nos tombes. Il ne faut nullement céder à la

5 tentation de réagir à la provocation, à la propagande, c'est seulement en

6 utilisant nos forces que nous créerons notre propre Etat. Nombreux sont nos

7 enfants qui ont donné leur vie pour la Republika Srpska et pour la Krajina

8 serbe. Ceci doit être une motivation. Nous restons vivants, nous restons

9 debout et nous sommes déterminés à rester forts jusqu'à la victoire finale.

10 Merci beaucoup.

11 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

12 M. KEHOE : [interprétation] J'attendais que la traduction en français soit

13 finie, ce qui est le cas.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

15 M. KEHOE : [interprétation] Il est manifeste que ce qui ressort de cette

16 interview, qu'on se prépare, on se prépare à Knin, on se prépare à

17 consolider une fois pour toutes les gains territoriaux. Et comment est-ce

18 qu'ils vont s'y prendre ? De quelle manière ? Est-ce qu'ils vont attaquer

19 la poche Bihac ainsi que d'autres territoires conquis par l'armée de la

20 Croatie conformément au droit international en matière de guerre, ou bien

21 est-ce qu'ils vont utiliser les mêmes techniques qu'à Srebrenica et Zepa ?

22 Ratko Mladic répond lui-même.

23 [Diffusion de la cassette vidéo]

24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

25 "Mon général, est-ce que les Musulmans de Bihac vont continuer à

26 provoquer la défense serbe dans la zone de Ribic et plus encore ?

27 Oui. Jusqu'à qu'ils soient complètement vaincus, comme c'était le cas à

28 Srebrenica et à Zepa.

Page 541

1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 M. KEHOE : [interprétation] Nous l'avons bien entendu. C'est ce qui se

3 serait passé si le général Gotovina et le HV n'avaient pas préservé la

4 poche de Bihac, n'avaient pas empêché sa chute. S'il n'était pas venu en

5 1995, c'est ce qui se serait passé, mais heureusement, il y a eu

6 l'opération Tempête en août, l'opération Maestral et l'opération du

7 Mouvement du sud.

8 Et le général Gotovina et l'ABiH ont modifié le paysage international et

9 ont amené à la chute et à la défaite des Serbes de Bosnie pour mettre un

10 terme à ce carnage. Ce ne sont pas mes paroles. Ce sont les paroles de ceux

11 qui négociaient au nom de la communauté internationale et des Nations

12 Unies, ce sont également les paroles du président des Etats-Unis

13 d'Amérique.

14 Je souhaiterais qu'on regarde le document qui s'affiche à l'écran qui est

15 un extrait d'un livre, du livre du président Clinton, les mémoires du

16 président Clinton. En page de la page, il dit, je cite :

17 "En août, la situation a pris un tour fort dramatique. Les Croates ont

18 lancé une offensive afin de reprendre la Krajina, une partie de la Croatie

19 que les Serbes qui habitaient à cet endroit avaient proclamé comme leur

20 appartenant. Les représentants européens et certains représentants

21 américains, des services de Renseignements et des services armés avaient

22 plaidé contre toute action pensant que Milosevic, à ce moment-là,

23 interviendrait pour sauver les Serbes de la Krajina, mais moi, j'étais

24 favorable aux Croates. Tout comme Helmut Kohl. Helmut Kohl aussi il savait

25 que la diplomatie ne pouvait pas réussir jusqu'à ce que les Serbes aient

26 perdu sur le terrain.

27 La survie de la Bosnie était en jeu. Nous n'avions pas d'embargo sur

28 les armes dignes de ce nom. En conséquence, les Croates et les Bosniens

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1 étaient en mesure de se procurer des armes qui leur permettaient de

2 survivre. Nous avions autorisé une société privée qui employait des

3 militaires américains à la retraite pour former l'armée des Serbes de

4 Bosnie."

5 La clé ici, c'est ce qui figure à la fin. La diplomatie ne pouvait

6 réussir jusqu'à ce que les Serbes n'aient enregistré des sérieuses pertes

7 sur le terrain. Richard Holbrooke dit : "Je pense que l'offensive croate en

8 Croatie a changé la donne dans les Balkans."

9 Le général Wesley Clark a parlé d'un tournant.

10 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

11 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

12 Juges, je vais maintenant donner la parole à M. Misetic, qui va parler plus

13 en détail de l'opération Tempête, mais je voudrais terminer avant la pause

14 en disant encore une chose. Celui qui est à l'origine de ce tournant, celui

15 qui a permis de mettre un terme à cette guerre, à ce carnage, cet homme est

16 assis devant vous. S'il y a quelqu'un qui est responsable de la paix, de la

17 fin de la guerre en ex-Yougoslavie, c'est bien le général Ante Gotovina.

18 C'est l'homme qui est devant vous aujourd'hui. J'espère, Monsieur le

19 Président, Madame, Monsieur les Juges, que la Chambre en tiendra pleinement

20 compte au moment où elle examinera les faits qui lui seront présentés.

21 Si vous m'en donnez le temps, j'interviendrai en fin d'audience, mais

22 pour l'instant je vais donner la parole à

23 Me Misetic.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, avant de vous

25 laisser commencer, je voudrais savoir de combien de temps vous aurez besoin

26 ? Souhaitez-vous qu'on fasse une pause ou qu'on commence tout de suite ?

27 M. MISETIC : [interprétation] Je pense qu'il vaudrait mieux faire une

28 pause parce que j'en ai pour un bon moment.

Page 543

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, une question.

2 Vous avez longuement évoqué les causes, l'origine de l'opération

3 militaire qui a été menée au cours de l'été 1995. Vous avez longuement

4 expliqué quel avait été l'impact positif de ces opérations, vous les avez

5 justifiées.

6 J'ai peut-être mal compris l'intervention de M. Tieger hier, mais il

7 m'a semblé pourtant qu'en quelques mots il avait dit qu'il ne contestait

8 nullement le droit de la République de Croatie à reprendre les secteurs

9 qui, précédemment, avaient été pris par les Serbes. Si j'ai bien compris

10 donc, on ne niait nullement du côté de l'Accusation qu'on pouvait

11 légitimement -- qu'un pays pouvait légitimement avoir le souhait de

12 reprendre un territoire qu'on lui avait dérobé, qu'on lui avait pris, si

13 bien qu'à plusieurs reprises à ce sujet, je me suis demandé ce qui divisait

14 les parties sur ce point.

15 M. KEHOE : [interprétation] Merci de votre question. Je ne vais pas entrer

16 dans des considérations juridiques, mais je pense qu'il est important de

17 faire le distinguo entre un commandant opérationnel d'une part, et

18 quelqu'un qui est gouverneur militaire et qui a des responsabilités autres.

19 Je vous renvoie à l'affaire du haut commandement allemand, le général von

20 Leeb, avec des opérations de nettoyage ethnique menées par des groupes de

21 SS [comme interprété] rattachés au général von Leeb. Le tribunal, à cette

22 occasion, avait noté que le général von Leeb était un commandant

23 opérationnel, des opérations. Il était responsable des opérations

24 offensives. Et ce qui est très important ici, c'est de vous expliquer le

25 rôle d'un commandant des opérations, d'un commandant opérationnel. Quelle

26 est sa mission à cet homme ? Bien, sa mission c'était de défaire l'armée

27 des Serbes de Croatie ainsi que l'armée des Serbes de Bosnie, l'armée des

28 Serbes de Croatie en République serbe de la Krajina. Bien entendu, inutile

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1 de le lire.

2 Donc il y a ça, puis il y a tout ce qui se passe sur ces flancs à 250

3 kilomètres de là, là il n'avait plus aucune responsabilité. Dans l'affaire

4 von Leeb, on a dit que même s'il avait la possibilité d'intervenir, il l'a

5 dit lui-même, s'il avait la possibilité, s'il avait le droit d'intervenir,

6 la possibilité d'intervenir, il n'en avait pas la responsabilité directe.

7 Ce qui est important pour nous, pour la Défense de M. Gotovina, c'est de

8 vous expliquer que c'était le commandant d'une opération, le commandant

9 d'une offensive dont l'objectif c'était de défaire, de vaincre les Serbes

10 non seulement en Krajina, mais en Bosnie-Herzégovine. Et le droit va

11 s'appliquer à ces faits-là. Je vous renvoie à l'arrêt Celebici où on cite

12 l'affaire du haut commandement. On s'inspire de cette affaire.

13 Je pense qu'il est très important pour la Défense du général Gotovina de

14 vous expliquer ce que c'est un commandant chargé des opérations, un

15 commandant opérationnel.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je ne sais pas s'il y a

17 vraiment des accords entre les parties sur ce point.

18 Nous allons faire une pause et nous reprendrons à onze heures moins

19 le quart.

20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

21 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, avant de vous donner

23 la parole pour poursuivre, je souhaiterais aux fins du compte rendu

24 signaler que lorsque l'on fait référence à M. Martic, le transcript, en

25 tout cas le compte rendu provisoire, fait figurer le terme Markac. Bien

26 entendu, c'est une erreur qui sera corrigée quoi qu'il en soit, simplement

27 la Chambre, ne fusse que grâce au contexte, avait parfaitement compris

28 qu'il s'agissait bien de M. Martic et non pas de M. Markac.

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1 Monsieur Misetic, vous avez la parole.

2 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

3 Juges, le Juge Schomburg de la Chambre d'appel a indiqué lors d'une

4 interview s'agissant de certains des actes d'accusation du Tribunal pénal

5 pour l'ancienne Yougoslavie a indiqué : "Ce qui pose particulièrement

6 problème ce sont les actes d'accusation qui sont souvent vagues. Ils

7 contiennent souvent des arsenaux de toute une série d'actions et de leur

8 mise en œuvre. On peut difficilement ne pas avoir l'impression que le

9 mandat d'arrêt a été tout d'abord émis et que ce n'est qu'ensuite que nous

10 nous sommes intéressés à l'enquête à proprement parler."

11 Les arguments avancés par l'Accusation sont un exemple tout à fait

12 typique de ce à quoi faisait référence le Juge Schomburg. A la fin du

13 réquisitoire vous en arriverez également à la conclusion que rien ne permet

14 d'étayer les thèses présentées par l'Accusation contre le général Gotovina.

15 D'ailleurs, il n'y a jamais rien eu qui permettait de l'affirmer.

16 Dans l'affaire William d'Ockham, le principe d'Ockham est un

17 principe, il s'agit d'un moine franciscain qui indique que le principe du

18 "Razor d'Occam" est un principe qui indique la chose suivante : toute chose

19 étant égale par ailleurs, la réponse la plus simple est toujours la

20 meilleure réponse. C'est ce que disait ce logicien du XIV siècle.

21 L'Accusation, au cours de cette affaire, à plusieurs reprises, vous

22 demandera de violer ce principe d'Occam et de rejeter les moyens de preuve

23 simples et évidents, une interprétation de ces moyens de preuve et de

24 suivre une thèse du complot très compliquée. Mais l'ensemble de cette

25 affaire prouve que c'est une erreur que de suivre cela.

26 Par exemple, l'Accusation vous demandera de croire que l'opération

27 Tempête était en fait une entreprise criminelle commune dont l'objectif

28 était de procéder au nettoyage ethnique de la population serbe de Croatie.

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1 Ceci est une erreur. La réponse la plus simple est la suivante :

2 l'opération Tempête avait été lancée pour intention de mettre fin au règne

3 de terreur de Milosevic, Karadzic, Mladic et Martic en Croatie et en

4 Bosnie, et de faire ceci en assurant la protection de la sûreté et la

5 sécurité des populations serbes qui allaient demeurer sur le territoire de

6 la Croatie. C'est avec la bénédiction de -- pas entier de la communauté

7 internationale, notamment les Etats-Unis d'Amérique et le président

8 Clinton, que ceci fut fait à condition que certaines conditions soient

9 satisfaites. Par contre, il sera montré que l'armée croate avait prévu

10 l'opération Tempête afin de minimiser autant que possible les pertes

11 civiles afin de garantir la sécurité et la sûreté de tous les Serbes qui

12 étaient restés dans le territoire de la Croatie.

13 L'Accusation fait référence à la réunion de Brioni indiquant que c'est une

14 rencontre qui avait eu lieu et au cours de laquelle ce complot a été ourdi.

15 Rien ne pourrait être plus loin de la vérité que cette affirmation. La

16 rencontre de Brioni était en fait une rencontre au cours de laquelle le

17 gouvernement croate a eu l'occasion de discuter de la destruction de ce

18 complot criminel. Martic et Milosevic étant les auteurs de ce complot. Il

19 n'est pas à aucun moment arrivé que le président Tudjman, au cours de la

20 rencontre de Brioni, suggère que les forces civiles serbes doivent fuir.

21 Dans l'affaire Martic, dans les mémoires préalables au procès de

22 l'Accusation, il est indiqué que la mise en œuvre de ce plan avait été

23 prise il y a 14 mois, c'est l'affaire Martic qui le dit. Et là, je cite :

24 "La mise en œuvre de ce plan" - il fait référence à l'entreprise criminelle

25 commune de Martic - "a revêtu plusieurs formes. Une campagne médiatique

26 intense dirigée par les membres de l'ECC Martic à Belgrade avait commencé à

27 décrire les Serbes en Croatie comme étant victimes de Croatie et victimes

28 de la majorité Croate, et sous le coup d'une menace imminente.

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1 "Cette menace dont avait fait l'écho Martic et les autres

2 nationalistes serbes de Croatie en Bosnie-Herzégovine et à Belgrade, avait

3 eu pour conséquences des craintes et une peur au sein de la population

4 serbe, ainsi qu'un certain ressentiment, qui a eu pour conséquences qu'il

5 était impossible de sauver la coexistence entre les différents groupes

6 ethniques.

7 "Suite à la mise en œuvre de cette entreprise criminelle commune, les

8 Serbes vivant en Croatie, en Bosnie-Herzégovine ont été amenés à croire que

9 la seule possibilité pour eux de se sentir en sécurité étaient de vivre

10 dans un état serbe homogène.

11 Et enfin dans le mémoire final --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends les difficultés qu'a

13 l'interprète français pour vous suivre.

14 M. MISETIC : [interprétation] L'Accusation, il y a de cela 14 mois, a

15 indiqué à la Chambre dans l'affaire Martic, je cite : "Rien ne permet

16 d'affirmer que des leaders croates ou les médias croates exerçaient

17 effectivement des menaces à l'encontre des Serbes indiquant qu'il y avait

18 un risque de génocide, ce qu'affirmaient les leaders serbes à l'époque."

19 C'est là la thèse avancée par l'Accusation dans l'affaire Martic.

20 L'Accusation dans l'affaire Martic indique que la propagande de

21 Martic, intense au cours des quatre années, avait éliminé toute possibilité

22 de coexistence avec les Croates. Martic avait indiqué aux Serbes "qu'ils ne

23 pouvaient se sentir en sécurité que dans un Etat qui était

24 homogènement[phon] serbe." Mais rien ne permet d'affirmer que le

25 gouvernement croate menaçait les Serbes de génocide.

26 Le président Tudjman, au moment où il planifiait l'opération Tempête, avait

27 bien compris que les populations serbes étaient victimes de la propagande

28 de Milan Martic, de sa campagne de propagande, laquelle avait duré quatre

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1 ans. Il était conscient du fait qu'on les avait amenés à croire qu'il était

2 impossible pour eux de vivre dans un Etat croate. C'est la raison pour

3 laquelle, avant l'opération Tempête, ce n'était pas simplement le président

4 Tudjman, mais l'ensemble de la communauté internationale qui avait bien

5 compris que si la Croatie devait être tenue, par Milan Martic, d'avoir

6 recours à la force pour récupérer les territoires occupés, alors nombreux

7 sont les civils serbes qui seraient amenés à fuir, suite à cette crainte

8 nourrie par Martic.

9 Qu'entend-on par là ? Bien, comme l'a dit l'Accusation hier, on fait

10 référence à une opération menée par l'armée croate, l'opération Eclair, au

11 mois de mai 1995. Au cours de cette opération Eclair, la Croatie a récupéré

12 les territoires de la Slavonie occidentale. Nombreux sont les Serbes qui

13 ont quitté la Slavonie occidentale au moment où ont lancé cette opération,

14 les forces croates. Ceci étant dit, certains Serbes sont restés dans ce

15 territoire.

16 Suite aux insistances de M. Martic, les Nations Unies ont organisé un

17 programme visant à retirer de Slavonie occidentale, les populations serbes

18 qui y étaient restées et à les déplacer vers Banja Luka. Le rapporteur

19 spécial des Nations Unies pour les droits de l'homme a présenté un rapport

20 sur ce sujet au mois de juillet, le 5 juillet, pour être précis, 1995. Vous

21 voyez ce rapport apparaître à l'écran et il indique dans ce rapport la

22 chose suivante au paragraphe 29, paragraphe 28, pardon :

23 "Au cours des deux premiers jours de l'opération militaire, 10 000

24 personnes ou plus ont quitté les zones détenues par les Serbes de la

25 Slavonie occidentale, essentiellement la zone d'Okucani, de l'autre côté de

26 la rivière Save dans les territoires de la Bosnie du nord. Les autorités de

27 la RSK avaient ordonné l'évacuation au départ et des rapports indiquaient

28 que certains des réfugiés auraient pu être forcés et contraints de quitter

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1 les territoires contre leur volonté. C'est suite à cela, qu'en négociation

2 avec le programme des Nations Unies et avec les autorités croates que les

3 dirigeants de la Republika Srpska de Krajina ont insisté pour que les

4 personnes qui étaient restées sur place et dont le nombre était estimé à 3

5 à 4 000, aient la possibilité de quitter la Slavonie occidentale et de

6 rejoindre les autres réfugiés qui se trouvaient dans les territoires

7 détenus par les Serbes de Bosnie-Herzégovine. Les Nations Unies ont accédé

8 à cette demande et mis sur les rails un programme appelé "Operation Safe

9 Passage" dans le contexte de la cessation des hostilités en quatre points."

10 Paragraphe 29 : "Les Serbes qui continuaient de vivre dans ce secteur se

11 sont vus informés du fait qu'ils avaient le droit de rester sur place et

12 avaient bénéficié des assurances publiques du gouvernement de Croatie selon

13 lesquelles leurs droits seraient respectés, y compris le droit de la

14 citoyenneté au sein de la République de Croatie, respectés pleinement.

15 Ceci étant dit, au cours du mois de mai, des centaines de Serbes

16 provenant des secteurs occidentaux ont demandé à être inclus dans

17 l'opération "Safe Passage" et au mois de juin, plus de 2 000 avaient quitté

18 les territoires détenus par les Serbes en Bosnie-Herzégovine. D'après des

19 informations récentes, seul un millier à peu près sont restés dans le

20 secteur. Nombreux sont les observateurs qui ont fait part de leurs

21 préoccupations indiquant que cette opération sauf-conduit avait été

22 réalisée à la hâte et que les personnes n'avaient pas été suffisamment

23 informées ou de façon adéquate de leurs droits.

24 Ceci étant dit, des demandes ont continué d'être prononcées pour

25 qu'elles soient incluses dans les convois de sortie du territoire et ceci

26 indique que la plupart des Serbes étaient déterminés à quitter la Slavonie

27 occidentale quelles que soient les circonstances. Ceux qui prévoyaient

28 d'être réfugiés ont été interrogés par le rapporteur spécial sur le

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1 terrain. Ils ont indiqué qu'ils souhaitaient essentiellement rejoindre

2 leurs proches et leurs familles et avaient quelques doutes quant à leur

3 perspective d'avenir en Croatie, notamment s'agissant de la situation

4 sécuritaire de ces populations. Ils ne pensaient pas, par ailleurs, pouvoir

5 trouver du travail en Croatie."

6 Tout cela a eu lieu entre 60 à 90 jours avant l'opération Tempête. Les

7 Nations Unies et les gouvernements internationaux avaient été sensibilisés

8 aux politiques menées par Martic et connaissaient la volonté de Martic de

9 voir les populations serbes quitter certaines zones où les autorités

10 civiles de la Krajina serbe ne contrôlaient pas le territoire.

11 Qui d'autre dans la communauté internationale était au courant du fait que

12 les politiques serbes de Martic avaient pour conséquence le départ des

13 populations serbes de Krajina ? L'ambassadeur Peter Galbraith, par exemple,

14 l'ambassadeur des Etats-Unis, au cours de son dialogue diplomatique a

15 indiqué le 15 juin, six semaines avant l'opération Tempête la chose

16 suivante. Je vous demanderais de bien vouloir le faire apparaître à

17 l'écran, le paragraphe du bas.

18 "Si la Croatie s'empare des territoires," il fait référence aux secteurs

19 nord et sud," les Serbes de Krajina quitteraient le territoire. Il pourrait

20 y avoir des rétablissements dans le secteur oriental renforçant ainsi les

21 prétentions de Milosevic aux territoires qu'il voulait pour la Grande-

22 Serbie."

23 L'ambassadeur Galbraith indique cela dans son journal. Il a essayé d'éviter

24 le conflit. Il a essayé de veiller à ce que les Serbes de Krajina puissent

25 reprendre leur sens et souhaitait la réintégration pacifique du territoire

26 de la Krajina à la Croatie. Et c'est ainsi que le 2 août il s'est rendu à

27 Belgrade et a rencontré Milan Babic pour essayer de le convaincre

28 d'accepter le plan Z-4.

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1 Le 3 août, l'ambassadeur Galbraith, la veille de l'opération Tempête, a

2 indiqué dans son rapport à M. Tudjman ce dont il a discuté avec M. Babic.

3 Et vous allez entendre maintenant un enregistrement. Il indique à Babic :

4 "Si vous ne parvenez pas à marquer votre accord avec la paix, la majorité

5 des Serbes de Krajina auront à quitter le territoire."

6 Je vous demande maintenant de bien vouloir faire passer cet enregistrement

7 audio.

8 [Diffusion de la cassette audio]

9 L'INTERPRÉTE : [voix sur voix]

10 "Monsieur le Président, je souhaiterais revenir à mon entretien avec M.

11 Babic à Belgrade, j'ai un message de notre gouvernement qui suit cette

12 réunion, qui fait suite à cet entretien. Tout d'abord, quelques mots à

13 propos de l'entretien.

14 Babic a indiqué qu'il souhaitait me rencontrer et dans la mesure où je ne

15 suis pas particulièrement populaire à Knin, après avoir participé à la

16 réunion de Split et après avoir dit que les attaques contre Zagreb, il a

17 proposé que l'ambassade américaine à Belgrade et l'administration, on m'a

18 demandé de vouloir apporter mon concours.

19 Nous nous sommes rencontrés à l'ambassade à Belgrade. Il est venu

20 seul. J'ai commencé par expliquer ce qu'il en était et faire un bilan. J'ai

21 dit que la Croatie était prête à prendre une action militaire pour

22 récupérer l'ensemble du territoire de la Krajina, j'entends par là les

23 secteurs nord et sud.

24 Bihac était une action au cours de laquelle il s'était attiré

25 l'inimitié de la communauté internationale et nous estimions que l'armée

26 croate allait parvenir à ses fins. Tout cela était tragique, parce que la

27 plupart des Serbes de la région vont quitter cette région, des milliers

28 [imperceptible] des estimations, périrons de part et d'autres."

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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

2 M. MISETIC : [interprétation] Voilà pour le --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic.

4 M. MISETIC : [interprétation] Je vais essayer de tenir compte de cela.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est impossible. C'est impossible

6 lorsqu'il n'y a pas de compte rendu par écrit, de transcript écrit d'une

7 vidéo ou d'un enregistrement audio, c'est infaisable.

8 M. MISETIC : [interprétation] Ma responsable de l'affaire m'a dit que

9 ça été envoyé par courrier électronique, exception faite de cet

10 enregistrement audio. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,

11 une traduction anglaise a été préparée par le bureau du Procureur, mais la

12 phrase où M. Babic dit que "ce serait une tragédie, nous savons que

13 nombreux sont les Serbes qui vivent sur place, qui quitteront," ça n'a pas

14 été traduit pour une raison qui m'échappe. Donc cette phrase n'apparaît pas

15 dans la traduction anglaise et nous n'avons pas eu le temps de préparer une

16 nouvelle traduction. Toujours est-il que M. Galbraith dit que ceci serait

17 une grande tragédie. Et c'est justement cette partie-là qui n'a pas été

18 traduite, je ne sais pas pourquoi.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourquoi parlez-vous de la

20 traduction en anglais alors que c'est en anglais justement. Je ne vois pas

21 de quoi vous parlez exactement.

22 M. MISETIC : [interprétation] Je pense qu'on parlait -- enfin, qu'on

23 pensait à la transcription, la transcription en langue anglaise.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous voulez dire qu'on avait

25 préparé une transcription en anglais, en langue anglaise ?

26 M. MISETIC : [interprétation] Mais c'est une traduction en réalité, puisque

27 nous avions une transcription en croate qui avait été traduite par le

28 bureau du Procureur.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez-moi, ce que j'entends quand

2 j'entends cet enregistrement audio, j'entends la langue anglaise, je ne

3 comprends rien là. Donc j'imagine que quelqu'un a dû traduire cela vers le

4 croate. Mais alors pourquoi voulez-vous retraduire cela vers l'anglais,

5 parce que je suis très surpris, je suis vraiment perplexe. Vous voulez dire

6 que vous n'avez pas de transcription en langue anglaise de ce qui a été dit

7 en anglais ?

8 M. MISETIC : [interprétation] Je sais que le Procureur a tout ceci par

9 écrit, je ne sais pas s'il s'agit de la transcription proprement dit,

10 littéraire ou bien de la traduction. Ils avaient le texte en croate, qui

11 avait été traduit vers l'anglais, ils avaient aussi la traduction anglaise

12 du transcript croate, et dans ce transcript cette phrase ne figurait pas là

13 pour une raison qui m'est inconnue.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne comprends toujours pas pourquoi on

15 avait besoin de traduire cela. Toujours est-il que je peux assurer les

16 interprètes que ceci ne va pas se réitérer.

17 Est-ce qu'il faut répéter quelque chose ? Est-ce que vous étiez en mesure

18 de traduire tout de la transcription audio ?

19 Donc les interprètes, apparemment, ont plus ou moins tout traduit.

20 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Misetic.

21 M. MISETIC : [interprétation] Donc nous avons toute une série de documents

22 par rapport aux faits qui étaient connus avant l'opération Tempête. Les

23 dirigeants de Serbes de la Krajina savaient que leur population allait

24 quitter les territoires. Les dirigeants des Serbes de la Krajina, au mois

25 de juillet 1995 ont parlé des exercices sur l'évacuation et ont envoyé des

26 messages à la population. Nous avons cette vidéo, nous souhaitons vous

27 montrer comment ils ont semé la terreur parmi leur propre population et

28 comment ils les ont incités à quitter les territoires dans le cas du

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1 conflit, dans l'éventualité d'un conflit. Je demande la vidéo.

2 [Diffusion de la cassette vidéo]

3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

4 "Après avoir entendu le son des sirènes, nous nous sommes dépêchés

5 vers Terzic. Il est 6 heures moins 05 minutes. Nous nous trouvons sur un

6 pont qui traverse la rivière Mreznica, entre Terzic et Primisalj. C'est là

7 que nous avons rencontré le commandant de la 13e Brigade d'infanterie du

8 colonel Marko Reljic. Il y a une colonne de civils qui arrive de Terzic

9 avec des véhicules et avec du bétail. Monsieur le commandant, qu'est-ce que

10 cela veut dire ?

11 C'est un exercice sur la base d'une supposition, la supposition de

12 travail et les informations que nous avons, à savoir qu'il va y avoir des

13 actions de l'ennemi, de l'artillerie et de l'aviation dans ce territoire.

14 C'est pour cela que nous devons évacuer la population civile de la zone de

15 combat et nos unités vont mener à bien leurs tâches. Donc ce qui est

16 important pour nous, c'est d'exercer la population civile pour qu'elle

17 puisse partir avec le moins de victimes possible.

18 Etes-vous content avec l'exercice jusqu'à maintenant ? Est-ce que les

19 membres de la 13e Brigade d'infanterie ont participé à cet exercice ou bien

20 est-ce qu'ils sont à leurs positions ?

21 Réponse : Les membres de la 13e Brigade d'infanterie sont sur leurs

22 positions. Par rapport aux missions qu'ils ont reçues, les soldats sont sur

23 leurs positions. Et je suis très content de la façon dont agi la

24 population. Ils ont compris la situation, ils savent qu'il faut se

25 préparer, qu'il faut s'exercer dans le cas des difficultés pour pouvoir

26 s'en sortir sans difficulté, et pour ne pas répéter ce qui s'est déjà passé

27 dans la Slavonie occidentale.

28 Réponse : Oui, bien sûr.

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1 Je vous remercie.

2 Parce que Terzic est sur la première ligne de front et on va vérifier

3 cela. Pour cet exercice, nous devons voir si nous sommes bien préparés, si

4 nous sommes bien organisés et comment nous pouvons mener cela à bien de la

5 meilleure façon possible pour qu'il n'y ait pas de victimes civiles. Dans

6 l'éventualité des activités militaires, la population civile doit être

7 évacuée à temps, puisque nous avons appris les leçons de la Slavonie

8 occidentale et de l'histoire de guerre. La population doit être évacuée à

9 temps et doit être évacuée. Les unités et l'armée doivent rester sur leurs

10 positions pour mener à bien leurs tâches. C'est très important que vous

11 compreniez, que vous sachiez que vous devez vous préparer dans vos foyers,

12 vous organiser et au moment où vous recevez le signal, vous devez vous

13 retirer dans la région prédéterminée, parce que l'ennemi veut vous tuer,

14 égorger, incendier, tuer vos enfants. Chaque citoyen doit être prêt pour

15 l'évacuation. Cette évacuation ne va pas toujours être signalée à l'avance,

16 il ne va pas y avoir toujours suffisamment de temps pour se préparer. Vous

17 devez vous préparer."

18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

19 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous affirmons que les

20 moyens de preuve que nous allons présenter en l'espèce seront si nombreux

21 et si convaincants pour prouver que Martic et ses acolytes, bien, qu'ils

22 ont utilisé la population civile comme une arme pour réaliser leurs

23 ambitions de la Grande-Serbie et ils ont instrumentalisé cette population

24 civile, aussi bien dans la Slavonie occidentale qu'immédiatement avant

25 l'opération Tempête, par le biais de différentes émissions de télévision

26 "pour qu'ils se tiennent prêts au moment où le signal sera donné."

27 C'est une tactique qui n'était pas seulement la tactique de Martic.

28 C'était une tactique qui a été utilisée par tout le monde dans le cadre de

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1 l'entreprise criminelle commune de Milosevic, et c'était une chose connue

2 par les membres de la communauté internationale. Au moment du conflit au

3 Kosovo, la communauté internationale avait prévu que cela allait se

4 produire. Qu'est-ce que c'était ? Pourquoi les forces d'intervention sont

5 entrées au Kosovo ?

6 Mais nous le savons. Là vous allez voir ce que dit un fonctionnaire du

7 Pentagone.

8 [Diffusion de la cassette vidéo]

9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

10 "Il va y avoir des fusils de chasse et des choses semblables. Ce

11 n'est pas vraiment le désarmement complet.

12 Il va y avoir des décisions à prendre par rapport à la façon de

13 confisquer les armes selon le calibre des armes. Je ne sais pas quelle sera

14 vraiment la nature de cette décision, mais il est important qu'il n'y ait

15 personne à riposter, à combattre. L'OTAN sera là-bas. C'est l'OTAN qui va

16 assurer la sécurité. Il va devoir y avoir des frontières autour de Kosovo,

17 ce qui veut dire que les forces serbes vont devoir se retirer à 25

18 kilomètres par rapport à la frontière du Kosovo, et je m'attends à ce que

19 tout le monde souhaite à poursuivre leurs vies, à retourner dans leurs

20 foyers, à cultiver leurs champs pour que les enfants retournent sur les

21 bancs des écoles, pour retrouver leurs familles."

22 Journaliste : Est-ce que vous êtes inquiet par la possibilité que les

23 Albanais du Kosovo et l'UCK commencent des combats avec ces paramilitaires

24 et que l'OTAN donc finalement se trouve dans ce feu, pris dans le piège de

25 ce combat ?

26 Réponse : Nous devons faire attention à ce qui va se passer avec les

27 troupes de l'OTAN. Je pense que le Kosovo ne sera pas un endroit où les

28 Serbes vont souhaiter rester paisiblement et seront être heureux si l'OTAN

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1 y est. Cela étant dit, je ne suis pas sûr que les Serbes vont vouloir

2 rester là-bas. Je pense qu'ils vont souhaiter regagner la Serbie. Je ne

3 sais pas comment cela va se passer, mais je pense que les gens vont vouloir

4 regagner leurs foyers -- Kosovo ne sera pas un endroit vont souhaiter

5 rester."

6 Est-ce que cela veut dire que vous dites aux Serbes qui habitent là-bas

7 qu'ils doivent partir du Kosovo ?"

8 Non. Nous ne prévoyons rien. Cela dépend des faits."

9 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

10 M. MISETIC : [interprétation] Nous essayons d'anticiper les faits. Pourquoi

11 cela importe ? On va revenir vers la transcription de la réunion à Brioni.

12 Vous avez entendu, Monsieur le Président, ce que savait tout le monde

13 avant la réunion de Brioni et avant l'opération Tempête, ce qui était le

14 secret de Polichinelle.

15 Avant l'opération Tempête dans la transcription de Brioni, vous

16 n'allez à aucun moment entendre le président Tudjman encourager ses

17 généraux, de faire quelque chose dans le cas où la population civile fuit.

18 Pourquoi ? Parce qu'il n'avait aucun besoin de le faire. Il n'avait aucune

19 raison de faire fuir les civils, puisque tout le monde savait quelle était

20 la politique des dirigeants serbes, à savoir d'évacuer ses propres civils.

21 M. Tieger a cité ce qui suit. Il a dit : "Comment nous allons

22 résoudre cela ?" C'est cela qui est l'objet de notre discussion

23 d'aujourd'hui. Nous devons frapper les Serbes de sorte qu'ils

24 disparaissent, pratiquement qu'ils disparaissent. Autrement dit, ces

25 territoires vont devoir capituler en l'espace de quelques jours."

26 Monsieur le Président, nous considérons que la bonne interprétation

27 de ce que Tudjman dit est quand il parle des "Serbes," qu'il ne parle pas

28 des civils serbes. Il utilise ce nom de la même façon, donc on pourrait

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1 dire les Américains quand on parle des forces armées des Etats-Unis. Ce

2 qu'il dit c'est ce qui suit, je cite :

3 "A cause de cela, notre objectif n'est pas le même que celui de

4 Bihac. Il s'agit d'infliger de telles pertes de plusieurs axes d'attaque de

5 sorte que les forces serbes ne peuvent pas s'en remettre. Ils seront

6 obligés de capituler." "Capituler," c'est le même terme que celui qu'il a

7 utilisé dans le premier paragraphe. Ce sont les armées qui capitulent, pas

8 les civils.

9 On savait que Knin n'était pas défendue. Que savaient les Croates à

10 l'époque ?

11 "L'avocat Domazet a dit : "La contre-attaque sera en deux phases,

12 Monsieur le Président. Vous allez avoir les forces d'attaque venues de deux

13 axes qui vont agir sur Knin."

14 L'armée croate ne s'attendait pas à ce que Knin ne soit pas défendue.

15 D'ailleurs on ne peut pas dire que Knin n'a pas été défendue. Nous allons

16 présenter les preuves qui vont le démontrer.

17 Page 10. Transcript de la réunion de Brioni. Il n'est pas le cas de

18 la tentative de faire fuir les civils. Dans ce paragraphe, il pouvait bien

19 voir que le président Tudjman critique la planification de l'opération

20 Tempête, parce qu'on ne laisse aucune route de sortie aux civils, alors

21 qu'on anticipe que les civils vont fuir pour des raisons que j'ai déjà

22 expliquées. Et le plan initial était de leur tendre un piège aux civils et

23 aux forces armées dans ce qu'ils appellent la Krajina. C'est pour cela que

24 le président dit : "Vous savez de ce point de vue ou du point de vue

25 stratégique, vous savez quelle est la faiblesse de notre plan. Tout cela

26 c'est bien, mais tout ce que les amiraux prévoient, à savoir de fermer les

27 trois portes de sortie. Mais vous ne laissez aucune porte de sortie. Il n'y

28 a aucun moyen pour eux de sortir, de s'enfuir. A la place de cela, vous les

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1 forcez à se battre jusqu'à la dernière goutte de sang, et ceci implique

2 plus de victimes et plus de forces de notre côté."

3 Je pense qu'il faut leur laisser la possibilité d'avoir une porte de

4 sortie pour qu'ils puissent retirer leurs forces…"

5 Je vais ralentir, ensuite la page suivante.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Surtout quand vous lisez,

7 parce que là vous avez plutôt tendance à accélérer.

8 Vous pouvez poursuivre effectivement.

9 M. MISETIC : [interprétation] Merci.

10 La question de panique. Ce que dit le président, le voici : "… à

11 partir du moment où une offensive générale est lancée dans tout le

12 territoire, bien, cela va augmenter la panique à Knin."

13 Il ne dit pas à partir du moment nous commençons à pilonner. Il dit à

14 partir du moment où l'attaque est lancée, à partir du moment où il y a plus

15 de pressions sur leur front, et c'est cela qui va semer la panique.

16 Autrement dit, les dirigeants serbes vont être paniqués. Ce n'est pas les

17 forces croates qui vont provoquer cette panique. Le président Tudjman parle

18 justement du pilonnage. Il parle du pilonnage pour aboutir à une

19 démoralisation totale, et nous allons y arriver dans quelques instants. M.

20 Tieger en a parlé. Il a cité justement. C'est bon.

21 Le président, je cite : Est-ce qu'une attaque contre Knin est

22 possible sans toucher le camp de la FORPRONU et de l'UNCRO ?

23 Le général Gotovina répond : "Pour le moment nous pouvons mener des

24 opérations très ciblées à Knin de manière systématique sans viser la

25 caserne où se trouve l'UNCRO.

26 L'amiral Domazet : "Dans la caserne du sud, si les forces sont au nord, on

27 peut tirer avec beaucoup de précision sans qu'ils entrent, sans qu'ils

28 soient touchés. Le camp ne sera pas touché, parce qu'il est au sud de Knin

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1 et nous nous visons le nord."

2 Voilà ce que dit l'amiral Domazet. Donc, "nous n'allons pas leur

3 tirer dessus, il n'est pas question d'arroser Knin d'un tir d'artillerie

4 nourri. Il n'en est nullement question."

5 Pour terminer, le général de l'armée croate chargé de la logistique,

6 Vladimir Zagorec se voit demander de présenter ses observations au sujet de

7 l'état des réserves de munitions et il répond : "Nous pouvons fournir un

8 appui logistique à une partie. Vous avez l'inventaire de toutes nos

9 ressources. Cependant, à Glamoc et Bosansko Grahovo on a utilisé beaucoup

10 de munitions. Moi, il y a une chose qui me préoccupe maintenant - et

11 j'appelle tous les commandants à tenir compte du volume de munitions qui a

12 été utilisé au cours de ces opérations et qui sera utilisé. Nous avons des

13 réserves qui nous permettront de tenir cinq jours. Cependant, il faut faire

14 particulièrement attention à l'artillerie." Que répond le président un peu

15 plus tard ? Comment conclut-il cette discussion au sujet de l'artillerie ?

16 Je cite : "Messieurs, je vous l'ai déjà dit à tous, et en particulier à

17 certains généraux, dans cette guerre, nous dépensons nos munitions comme si

18 nous étions des Russes ou des Américains. Je vous demande donc d'utiliser

19 moins de munitions, de participer à des opérations de sabotage, d'utiliser

20 la surprise, de frapper avec des forces d'infanterie plus limitées, et même

21 avec des hélicoptères là où on ne nous attend pas afin que nos attaques

22 aient un impact plus important - c'est clair. Si nous avions suffisamment

23 de ressources, moi aussi je serais favorable à la destruction systématique

24 par le pilonnage avant d'avancer sur le terrain."

25 C'est clair ce qui ressort de son passage. "Nous n'avons pas suffisamment

26 de ressources en matière d'artillerie, il ne faut surtout pas les

27 gaspiller."

28 Il a été question de tracts.

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1 M. Tieger a déformé la réalité il dit que des tracts ont été largués

2 pendant l'opération Tempête avant l'ordre de Martic. En réalité, ces tracts

3 ont été largués sept heures avant l'ordre d'évacuation de Martic. Tout ce

4 qui a été dit c'était que l'ordre d'évacuation avait été délivré et on

5 indiquait quels étaient les itinéraires sûrs qu'on pouvait emprunter pour

6 partir.

7 On abandonne maintenant la réunion de Brioni. Intéressant de signaler

8 quelque chose qui n'a pas été évoqué hier par l'Accusation. Des

9 représentants de haut niveau du gouvernement de Croatie se sont rendus le

10 1er août à Washington. Au cours de cette réunion, ils ont reçu une

11 autorisation. Bon, je ne vais pas entrer dans le détail des termes

12 diplomatiques qui vont être utilisés, en tout cas, ça avait valeur

13 d'autorisation, autorisation donnée par les Etats-Unis pour que la Croatie

14 lance l'opération Tempête. Il y avait plusieurs conditions à respecter. La

15 première condition, il fallait minimiser au maximum toutes les pertes

16 civiles. Deuxième condition, il fallait surtout que rien n'arrive aux

17 forces des Nations Unies. Troisième condition, il fallait procéder

18 rapidement et proprement.

19 Les éléments de preuve montreront que le gouvernement croate après le

20 1er août - avant le 1er août déjà, mais après le 1er août surtout avait reçu

21 cette approbation, cette autorisation et il a fait en sorte que le

22 gouvernement croate, que toutes les conditions fixées par les Etats-Unis

23 soient respectées.

24 Le 2 août, le ministre de la Défense organise une réunion de très haut

25 niveau à laquelle participent tous les généraux ainsi que le personnel

26 militaire concerné. Nous disposons de notes de procès-verbal de cette

27 réunion. Que dit le ministre de la Défense à tous les membres de l'armée,

28 je cite : "La police militaire doit être déterminée dans son action et doit

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1 empêcher toutes les exactions.

2 "Les commandants de ZP, c'est-à-dire, les commandants des districts

3 militaires ou des régions militaires, doivent être ceux qui transmettent

4 aux autres commandants cette consigne. Cette consigne portant interdiction

5 de toute exaction, incendie criminel, pillage, et cetera.

6 "Il ne faut pas qu'il y ait de raison de juger ensuite - ou de faire passer

7 en justice les héros de la guerre de la mère patrie.

8 Le "PB," le service idéologique et politique du ministère de la Défense

9 doit fournir les informations nécessaires à ce sujet aux membres de l'armée

10 et c'est le service des affaires politiques qui était chargé."

11 On vous montrera d'assurer la formation en matière de droit

12 humanitaire international pour toutes les unités, les informer de leurs

13 obligations de respecter aussi bien le droit croate que le droit

14 international.

15 Ce même jour, à 17 heures 30, le ministre de la Défense et le

16 ministre de l'Intérieur se réunissent, ils parlent de la sécurité et de la

17 manière dont ils vont assurer la sécurité dans la zone après les opérations

18 militaires. Le ministre de la Défense, Susak, le ministre Jarnjak, ministre

19 de l'Intérieur, assistent à cette réunion, ainsi que l'adjoint du ministre

20 de l'Intérieur Josko Moric, de même que M. Lausic qui a commis ce procès-

21 verbal, et dont le nom ne figure pas ici, M. Lausic.

22 Le ministre Jarnjak au point 3 dit : "Toutes les unités de réserve du

23 MUP doivent être mobilisées le 3 et le 4 août 1995, entrer dans les

24 territoires libérés et s'en assurer le contrôle.

25 "L'administration de la police se trouvera à Knin et à Glina."

26 Ce même jour, le chef de la police militaire, M. Lausic, donne un

27 ordre afin que l'ordre du ministre de la Défense et de l'Intérieur soit

28 respecté, il envoie le commandant Juric sur place pour que les ordres de

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1 Lausic soient bien exécutés dans la région militaire de Split. Et il donne

2 au commandant Juric l'autorité de remplacer les commandants de la police

3 militaire qui n'appliquent pas efficacement les ordres du ministère de la

4 Défense et du ministère de l'Intérieur. "Le commandant Juric est le

5 supérieur du commandant du 72e Bataillon de police militaire et du 73e

6 Bataillon de police militaire.

7 Et il est chargé de la mise en œuvre de toutes les missions de la

8 police militaire dans la zone de responsabilité de la 72e Brigade de police

9 militaire."

10 Il faut savoir que M. Juric et Lausic ne figurent pas dans la filière

11 hiérarchique dépendant de M. Gotovina, il ne peut leur donner des ordres et

12 eux-mêmes ne peuvent donner des ordres au général Gotovina.

13 Le 3 août, l'assistant du ministre de l'Intérieur, M. Moric et M.

14 Lausic, chef de la police militaire, se réunissent dans une réunion de

15 coordination, il s'agit d'établir le plan pratique découlant des

16 instructions de leur ministre.

17 Le général Lausic donne un ordre où il est dit : "Le 3 août 1995, une

18 réunion de travail a eu lieu avec des représentants du ministère de

19 l'Intérieur, au cours de cette réunion les tactiques et la méthodologie des

20 activités de la police militaire et de la police civile au début des

21 opérations d'offensive dans les nouvelles régions libérées de la république

22 ont été évoqués.

23 "Conformément à ces conclusions et afin de faire en sorte qu'elles

24 soient mises en œuvre à tous les échelons du commandement des unités de la

25 police militaire des forces armées de la République de Croatie, j'ordonne

26 ce qui suit…" et ensuite on trouve les détails de cet ordre.

27 Il est indéniable que la politique militaire et la police civile ont

28 préparé un plan pour empêcher toute activité criminelle sur les ordres des

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1 dirigeants croates et ces ordres ont été mis en œuvre du côté militaire par

2 M. Lausic, et du côté civil par M. Moric. Le général Gotovina n'a pas

3 participé à ces réunions, il n'y a pas été invité, on ne lui a pas demandé

4 d'y envoyer un officier de liaison afin de parler de ses plans ou de la

5 manière dont ils seraient mis en œuvre.

6 Si on veut croire ce qu'avance l'Accusation, il faudrait arriver à la

7 conclusion qu'on avait préparé un plan dans le domaine de la sécurité avant

8 même l'opération Tempête. Et que le ministère de l'Intérieur et le

9 ministère de la Défense avaient donné cet ordre, ils l'avaient remis

10 ensuite aux assistants, aux chefs de la police militaire et civile pour en

11 déterminer les détails. D'après l'Accusation, M. Lausic aurait ensuite

12 placé sous les ordres du général Gotovina la police militaire alors que le

13 général Gotoviva ne se trouve dans aucune de ses filières hiérarchiques --

14 de ces voies hiérarchiques. Il n'est présent à aucune de ces réunions. Tout

15 ceci bafoue la logique militaire, bafoue même le bon sens ainsi que le

16 principe du rasoir d'Occam.

17 Nous faisons valoir, quant à nous, qu'il y a une explication des plus

18 simples, une interprétation des plus simples de ces éléments de preuve. On

19 a préparé des plans, on les a remis à M. Moric et M. Lausic. M. Lausic a

20 donné les ordres pertinents et M. Lausic, tout au long de cette période,

21 est resté responsable de la mise en œuvre de ces plans de sécurité. Il n'y

22 a aucune interprétation différente qui soit possible.

23 Qu'a fait le général Gotovina dans le cadre des dispositions prises pour

24 empêcher toute exaction criminelle ? Il y a l'ordre d'attaque au point 5,

25 dans le cadre de l'opération Tempête dans la région militaire de Split : Il

26 donne l'ordre au service des affaires politiques de "faire en sorte que

27 tout le monde soit bien au courant de ce qu'il faut faire avec le butin de

28 guerre.

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1 Faire bien comprendre aux unités également qu'il faut éviter toute exaction

2 dans le cadre des opérations de combat, empêcher les incendies criminels,

3 la destruction de zones habitées."

4 Point 8 : "Informer les unités de la manière dont on va traiter les civils

5 et les prisonniers de guerre conformément aux conventions de Genève."

6 Autre élément pertinent, on en a déjà parlé, le général Gotovina avait mis

7 en place son propre centre de formation où on enseignait les principes du

8 droit international. Il a fait venir les évêques catholiques pour essayer

9 d'inculquer tous ces principes à ses soldats. Il faut se souvenir de la

10 réunion du 2 août et les exhortations du ministre de la Défense afin que

11 l'on empêche tout comportement illicite.

12 Les éléments sont très clairs. Toutes les institutions-clés de la

13 République de Croatie s'efforcent d'empêcher que des crimes ne soient

14 commis. Il s'agit du MUP, le ministère de l'Intérieur. Il s'agit également

15 de la police militaire, vous avez vu l'ordre qui a été donné pour empêcher

16 que des crimes ne soient commis. Il y a également le ministère de la

17 Défense, les chefs militaires, y compris le général Gotovina, toutes ces

18 personnes, toutes ces organisations donnent des ordres pour que des crimes

19 ne soient pas commis.

20 Le principe du rasoir d'Occam, encore une fois. L'Accusation, elle,

21 voudrait vous faire croire qu'un Etat, ses ministres, ses généraux donnent

22 des ordres dont ils souhaitent qu'ils ne soient surtout pas exécutés. La

23 Défense fait valoir que la réponse, la solution la plus simple, la plus

24 évidente, c'est que les ministres, les commandants ont donné ces ordres,

25 pourquoi, parce qu'ils voulaient que ces ordres soient suivis des faits.

26 Pourtant, l'Accusation aimerait vous faire croire qu'il existait une

27 entreprise criminelle commune qui permettait que des crimes soient commis.

28 Et pour aller dans ce sens, il faudrait croire que ces ordres ils ont été

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1 donnés surtout pour qu'ils ne soient pas exécutés. Voilà ce qu'il faudrait

2 croire.

3 Je remarque également dans le journal opérationnel, les exhortations qui

4 sont faites à l'intention des commandements de la région militaire de

5 Split, je cite : "Knin ne doit pas connaître le même traitement que

6 Grahovo."

7 Parlons maintenant de la mise en œuvre de l'opération Tempête. Dans le

8 cadre du plan Vance, c'est le plan qui a présidé à la venue des forces du

9 maintien de la paix des Nations Unies en Croatie, au point 4, page 448 à

10 l'écran. Il est dit : "Les forces de maintien de la paix devront faire

11 preuve d'une totale impartialité face aux différents intervenants dans le

12 conflit."

13 Vous serez sans doute très surpris par les éléments qui vont être présentés

14 au cours de ce procès, le fait est que le personnel des Nations Unies n'a

15 pas fait preuve de la neutralité qu'ils étaient pourtant tenus de respecter

16 conformément au plan Vance.

17 Une des conditions qui avait été dictée par les Nations Unies -- par les

18 Etats-Unis pour que l'opération Tempête ait lieu, c'était que surtout il ne

19 fallait pas qu'il arrive quoi que ce soit aux représentants de l'ONU en

20 Croatie. Suite à quoi, le gouvernement croate informe les Nations Unies à

21 la veille du 3 août que l'opération va commencer à 5 heures et qu'il faut

22 prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité du

23 personnel des Nations Unies. Que fait le personnel des Nations Unies, que

24 fait le commandant du secteur sud ? Bien, ils enfreignent le principe de

25 neutralité de l'ONU et ils informent immédiatement l'état-major principal

26 des Serbes de la Krajina afin que ceux-ci soient prêts à réagir à

27 l'attaque, ils éliminent donc l'élément de surprise qui est un des

28 principes fondamentaux que l'on doit respecter lorsqu'on prévoit ou

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1 lorsqu'on organise une opération militaire.

2 Comment le savions-nous ? Il y a deux officiers serbes de la Krajina qui en

3 ont déjà parlé. Voilà ce qui s'est passé.

4 [Diffusion de la cassette vidéo]

5 L'INTERPRÉTE : [voix sur voix]

6 "A 4 heures 14, j'ai reçu un coup de fil de l'officier de liaison du

7 QG, c'était notre officier de liaison avec la FORPRONU, il m'a dit qu'il

8 avait reçu des informations venant d'un service opérationnel de la FORPRONU

9 au sein du commandement du secteur sud, il nous informait que les Croates

10 allaient nous attaquer. Nous avons été informés à 18 reprises par

11 différents officiers, français notamment, ils nous ont informés qu'on

12 serait attaqué au matin, à

13 5 heures du matin."

14 Le général Sekulic fait référence à un officier français. En fait, il parle

15 d'un officier québécois, c'est quelque chose dont on reparlera au cours du

16 procès.

17 Vous allez également prendre connaissance d'éléments de preuve qui vont

18 dans le sens d'une des déclarations d'un des principaux témoins de

19 l'Accusation dans Milosevic. C'était un des membres des services de

20 renseignements serbes, il travaillait avec Belgrade dans cette RSK -- dans

21 cette soi-disant RSK. Et voilà ce qu'il a d'ores et déjà déclaré à

22 l'Accusation, parlant au nom des services de Renseignements serbes, notre

23 unique objectif, je cite : "Notre unique objectif c'était d'entraver les

24 activités de la MOCE, et ensuite de l'ONU. Nous avons fait notre possible

25 pour qu'ils ne découvrent pas la vérité, et nous avons systématiquement

26 procédé à des opérations de désinformation. C'est incroyable à quel point

27 ils étaient crédibles. Mais quand on répète les mêmes mensonges

28 constamment, apparemment les gens finissent par croire que ça doit être

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1 vrai, qu'il est impossible de mentir aussi régulièrement et aussi

2 systématiquement.

3 "Nous avons également tout fait pour gagner la confiance des représentants

4 de la communauté internationale et pour qu'ils se rallient à notre point de

5 vue. Nous avons fait ce qui était nécessaire pour avoir de bonnes relations

6 avec eux. De cette manière, c'était beaucoup plus facile de leur faire

7 accepter nos mensonges. C'est difficile de penser qu'un ami vous ment, si

8 bien que cette démarche de notre part était tout à fait logique, et je

9 crois que nous avons été beaucoup plus efficaces dans ce sens avec eux que

10 les Croates."

11 Deuxième page qui vous parlera encore plus une fois que vous aurez entendu

12 les premiers témoins, je cite :

13 "Les services secrets serbes ont continué à employer ces moyens

14 jusqu'à aujourd'hui et ils contrôlent pratiquement tout, voire même tous

15 les interprètes qui travaillent pour les organisations internationales dans

16 les zones contrôlées par les Serbes. On encourageait les interprètes à

17 essayer de se gagner la confiance des personnes pour qui elles

18 travaillaient pour qu'on fasse de nouveau appel à eux pour d'autres

19 missions.

20 A partir du début de l'année 1992, j'ai reçu pour instruction de la part de

21 Zimonja de recruter du personnel international des Nations Unies et de la

22 MOCE pour coopérer avec la RSK."

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, vous utilisez ce terme

24 de "témoin vedette," enfin, c'est ce que vous voulez dire, ce n'est pas

25 vraiment un terme juridique approprié. Vous voulez dire que c'était un

26 témoin important de l'Accusation ?

27 M. MISETIC : [interprétation] En fait c'était un témoin initié, si vous

28 voulez.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà, c'est quelque chose qui me paraît

2 plus compréhensible.

3 M. MISETIC : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

5 M. TIEGER : [interprétation] Je m'excuse de cette interruption, mais

6 j'aimerais que nous passions très vite à huis clos partiel et pour quelques

7 minutes seulement.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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23 [Audience publique]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup.

25 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons montrer

26 que les personnels de Knin étaient loin de faire preuve de neutralité. En

27 fait ils avaient été trop proches des gouvernements locaux serbes et de la

28 population serbe locale. Effectivement, ils se sont tellement rapprochés de

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1 ces populations que nous allons pouvoir vous montrer des dizaines de

2 membres du personnel des Nations Unies qui ont fini par épouser des Serbes

3 locaux et leurs traducteurs.

4 Discutons de la planification des activités de l'artillerie, l'utilisation

5 de l'artillerie. L'opération Tempête a été menée en accord avec la doctrine

6 militaire américaine appelée "airland battle", bataille air-terre. La

7 doctrine bataille air-terre contient parmi ces éléments essentiels ce qu'on

8 appelle la bataille en profondeur ou "deep battle" à laquelle on a recours

9 lorsque l'on a recours à l'artillerie au début d'une opération afin de

10 parvenir à un certain nombre d'objectifs.

11 Le manuel de l'armée des Etats-Unis indique au point 1 :

12 "L'artillerie est utilisée pour maintenir la pression afin de démoraliser

13 l'ennemi grâce à des tirs massifs."

14 Par ailleurs, l'Accusation a présenté un rapport d'expert dans cette

15 affaire, il s'agit d'un document public de M. Theunens, il s'agit du

16 rapport Theunens où il décrit l'objectif des activités d'artillerie qui ne

17 sont pas, dit-il, contrairement à ce qu'a dit l'Accusation hier, ou nous a

18 donné l'impression, qu'elle a uniquement pour objectif la destruction de

19 cibles militaires.

20 "Les opérations en profondeur ou 'deep operations' ont pour cible des

21 forces ennemis à leur fonction et cela va au-delà de la bataille. Les

22 opérations en profondeur sont exécutées à tous les niveaux par des tirs,

23 manœuvres, leadership, et ont pour objectif d'étendre le champ de bataille,

24 tant d'un point de vue géographique, spatial que chronologique. La bataille

25 en profondeur a pour objectif d'annuler le pouvoir de tir de l'ennemi, de

26 détruire ses approvisionnements et de rompre, et d'avoir un impact négatif

27 sur le moral des troupes."

28 Un moral des troupes c'est un terme qui est utilisé, et le président

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1 Tudjman avait utilisé ce terme de moral des troupes. Il reprend les termes

2 qui apparaissent dans le manuel et que l'on retrouve dans le rapport

3 d'expert présenté par l'Accusation elle-même quant aux objectifs légitimes

4 que dessert une activité d'artillerie.

5 L'on dit que le pilonnage a été ordonné par le général Gotovina afin de

6 mettre la pression sur les populations serbes, est une affirme absurde.

7 Aucun expert militaire ne contestera la décision de Gotovina qui souhaitait

8 utiliser l'artillerie en appui aux opérations offensives, c'est une

9 pratique militaire tout à fait habituelle qui n'a rien d'extraordinaire.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Afin que le compte rendu soit précis, en

11 page 60, ligne 12, on trouve au compte rendu la mention suivante "UN

12 military doctrine," doctrine militaire des Nations Unies. J'imagine que

13 vous avez dit Etats-Unis donc, US militaire doctrine.

14 M. MISETIC : [interprétation] Oui, effectivement, j'ai dit : "Doctrine

15 militaire des Etats-Unis."

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà qui est exact.

17 M. MISETIC : [interprétation] Pour ce qui est de la planification, Monsieur

18 le Président, nous aurons probablement constaté hier qu'il y avait un

19 silence total sur des questions fondamentales, telles que les cibles, par

20 exemple, choisies par l'armée croate et sélectionnées par l'armée croate

21 dès lors qu'il s'agissait de planifier ces activités d'artillerie. Rien n'a

22 été dit hier sur ce point. Quelles sont les cibles sélectionnées par

23 l'armée croate dans la planification des activités militaires? Quelles sont

24 les cibles atteintes par l'armée croate lorsqu'elle a exécuté ses

25 opérations militaires ?

26 Silence radio, si l'on pense à l'expression de la part de l'Accusation hier

27 sur ces deux questions qui sont tout à fait fondamentales. Des références

28 d'ordre général ont été faites au caractère proportionnel, aux

Page 575

1 distinctions. Mais on ne fait aucune référence à quelque moyen de preuve

2 que ce soit ou à quelque élément factuel que ce soit.

3 Nous, nous présenterons ces faits, Monsieur le Président, Madame et

4 Monsieur les Juges. C'est nous qui vous les présenterons. Les cibles qui

5 ont été sélectionnées étaient exclusivement des cibles à caractère

6 militaire, à Knin, Obrovac, Benkovac, Gracac, et Drnis. Nous le savons,

7 nous avons les documents à l'appui pour chacune de ces villes et nous les

8 présenterons à la Chambre.

9 L'Accusation souhaite que vous croyiez que les Croates ont pilonné

10 des zones civiles serbes, mais n'offre aucun moyen de preuve. Rien ne

11 permet d'étayer cette thèse, aucun élément n'a été divulgué permettant de

12 savoir quelles sont les zones qui ont été ciblées et quelles sont les zones

13 qui ont effectivement été atteintes.

14 Je ne vous invite pas à vous fier exclusivement à la façon dont nous

15 interprétons les choses, il se trouve qu'il n'y avait aucun pilonnage

16 excessif. L'on a affirmé que ça avait été le cas le 4 août, et en raison de

17 ces affirmations, les gens tels que les personnels des Nations Unies à Knin

18 et auxquels font référence les représentants de l'Accusation, des

19 observateurs de l'armée militaire des Nations Unies ont conduit une enquête

20 suite à ces affirmations trois semaines après les faits allégués afin de

21 s'assurer de la véracité de ces affirmations. Et les conclusions de cette

22 enquête ont été au point 2 les suivantes, je cite : "D'une manière générale

23 le pilonnage se concentrait sur les objectifs à caractère militaire. Le

24 préjudice subi suite au pilonnage par les établissements civils se

25 concentrait essentiellement aux environs immédiats des objectifs militaires

26 en question. Seuls trois impacts, trois à cinq, est-il dit, ont pu être

27 constatés dans d'autres zones de la ville."

28 Il va falloir attendre les arguments de la Défense pour pouvoir examiner ce

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1 rapport, parce que ce témoin, le dirigeant de la mission des Nations Unies

2 qui est sur la liste des témoins était sur la liste de l'Accusation

3 jusqu'au 1er février. Ils ont retiré ce témoin de la liste de l'Accusation.

4 Pourquoi le bureau du Procureur a-t-il retiré ce nom ? Bien, vous entendrez

5 les dépositions du côté de l'Accusation. On vous dira que M. Hjertnes, le

6 chef de la mission des Nations Unies pour le secteur méridional, et ces

7 conclusions ont par la suite été rejetées, des conclusions différentes. En

8 dépit du fait que ce témoin avait indiqué à l'Accusation au milieu du mois

9 de janvier qu'il n'avait pas la moindre idée de ce dont il s'agissait ce M.

10 Hjertnes. Les conclusions ont été qu'il avait déposé sous serment qu'une

11 semaine plus tard. Les conclusions finales ont été présentées au système

12 des Nations Unies et elles n'avaient pas été modifiées. C'est la raison

13 pour laquelle l'Accusation a retiré cela de leur liste au profit de deux

14 autres témoins qui sont en fait des subordonnés d'un niveau, d'un échelon

15 nettement plus moindre au niveau de la hiérarchie des Nations Unies que M.

16 Hjertnes, qui nous dit qu'en fait ces conclusions ont été rejetées.

17 Et c'est là qu'est le problème, Monsieur le Président, Mesdames,

18 Monsieur les Juges. Encore une fois, le rasoir d'Occam, aucun rapport n'a

19 été présenté indiquant qu'il y a eu rejet de ces conclusions. Nous avons

20 fouillé ciel et terre pour essayer de retrouver quelque référence que ce

21 soit dans quelque document des Nations Unies que ce soit, à quelque

22 conclusion que ce soit suite à ce rapport, et nous n'en avons trouvé aucune

23 de conclusion indiquant qu'il y avait eu pilonnage excessif des zones

24 civiles ou pilonnage tout court. Nous avons --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser une question

26 s'agissant de ceci ? Vous nous avez dit : il va falloir attendre que la

27 Défense présente dans ces arguments ce rapport. D'abord, je ne sais pas

28 s'il y aura des arguments présentés par la Défense en la matière. Par

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1 conséquent, vous préjugez un peu, me semble-t-il, de l'issue des

2 procédures. Parallèlement, je ne connais pas vraiment le système des

3 interrogatoires et contre-interrogatoires, mais présenter en contre-

4 interrogatoire un tel rapport à un témoin qui, apparemment, même si c'est

5 encore un doute qui, apparemment, devrait remplacer un autre témoin, on

6 n'en est pas sûr encore, mais est-ce que ce n'est pas un peu curieux ?

7 M. MISETIC : [interprétation] Nous sommes prêts à aller voir en

8 contre-interrogatoire.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que vous dites, mais

10 du point de vue de la procédure je ne comprends pas très bien pourquoi il

11 est nécessaire d'attendre du point de vue de la procédure contradictoire.

12 Et même si vous aviez de tels moyens de preuve, vous n'êtes pas sans savoir

13 que les Juges et la Chambre, bien entendu, participeront à toutes ces

14 procédures, mais la Chambre peut enjoindre une des parties de présenter des

15 moyens de preuve si cela relève de ses pouvoirs. Cela fait partie des

16 pouvoirs de la Chambre. Par conséquent, il ne faut pas être trop pessimiste

17 quant aux perspectives en matière de procédures pour la Défense.

18 M. MISETIC : [interprétation] Mais je suis très heureux de vous

19 entendre, Monsieur le Président, Mesdames et Monsieur les Juges

20 qu'effectivement on pourra présenter cela.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Présentez.

22 M. MISETIC : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, nous avons

23 procédé à l'exercice de LexisNexis, Monsieur le Président, Mesdames et

24 Monsieur les Juges, et nous avons présenté un article écrit en anglais dans

25 lequel on faisait référence au fait qu'un rapport indique que l'armée

26 croate a pilonné des zones civiles et des personnes civiles. Alors, encore

27 une fois, le rasoir d'Occam, donc pour croire à la théorie selon laquelle

28 un rapport a été déposé. L'auteur du rapport dit qu'il n'a pas été modifié;

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1 par conséquent c'est là le résultat et la conclusion.

2 Maintenant si l'on en croit les propos de l'Accusation, cette

3 conclusion a été rejetée. Il n'y a aucun rapport qui existe, et il a dû y

4 avoir un complot ou une conspiration, parce que j'estime qu'un pilonnage

5 excessif de la part de l'armée croate aurait été mentionné quelque part

6 dans un document quel qu'il soit du système des Nations Unies ou autre.

7 Libre à vous, Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les Juges, de tirer

8 vos propres conclusions quant à la crédibilité des arguments avancés par le

9 bureau du Procureur.

10 Outre ce rapport qui est le résultat des allégations qui avaient été

11 faites le 4 août, les médias internationaux se sont rendus sur place à Knin

12 le 7 août pensant qu'ils allaient trouver - et je fais référence à ce que

13 nous a dit M. Tieger hier, et pensant retrouver à Knin une situation

14 identique à celle de Stalingrad ou de Vukovar. Or, qu'ont-ils trouvé sur

15 place à Knin ? Bien, M. Roy Gutman, dans ses conclusions - et il n'est pas

16 le seul à le dire - mais M. Gutman indique que le 7 août : " A la base des

17 Nations Unies de Knin des responsables des Nations Unies contrariés par le

18 couvre-feu continuent les restrictions au déplacement, ont constaté que

19 l'on avait exagéré la nature du préjudice subi par Knin au cours des

20 moments forts des combats.

21 Le commandant des Nations Unies, le général Alain Forand du Canada

22 avait indiqué qu'il n'y avait pas eu d'impacts directs sur l'hôpital de

23 Knin. Des reporters ont vu des cratères de grande taille issus de

24 pilonnages qui avaient fait éclater les fenêtres dans un appartement, mais

25 il n'y avait aucune preuve indiquant qu'il y avait eu pilonnage sans

26 discrimination."

27 L'ambassadeur Galbraith des Etats-Unis a également déposé devant vous

28 indiquant que les attachés militaires avaient indiqué eux aussi qu'il n'y

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1 avait pas eu pilonnage sans discrimination ou pilonnage excessif. Et c'est

2 là l'issue du rapport de l'attaché militaire, tout comme les conclusions

3 des attachés militaires d'un certain nombre d'autres pays.

4 Un des témoins à charge vous dira - et M. Tieger vous l'a dit et il a

5 donné l'impression que l'hôpital de Knin avait été pilonné par l'armée

6 croate. Or, la réalité est toute différente, et c'est ce qu'un témoin

7 indique.

8 Il parle d'une visite à Knin, avec M. Akashi le 7 et il

9 indique : "Je me souviens qu'une des questions qui avaient été posées était

10 celle de savoir si l'hôpital de Knin avait fait l'objet de tirs par quelque

11 partie que ce soit et nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec une

12 infirmière qui nous a indiqué que ce n'est qu'à un seul moment au cours des

13 combats, peut-être le 5 ou le 4 août, qu'un char d'assaut de la République

14 serbe de Krajina avait été en position à proximité de l'hôpital, et c'est

15 ce char qui avait fait la cible des tirs croates et il y avait eu des tirs

16 collatéraux. En fait, rien ne permet d'affirmer que l'hôpital ait été

17 impacté, il n'y avait aucun signe d'impacts. On n'en a pas pu nous montrer.

18 Les seuls impacts qu'on avait pu constater avaient été de tout petits

19 dommages au niveau du bâtiment. Donc ceci est en parfaite contradiction

20 avec les rapports que nous avions entendus selon lesquels l'hôpital avait

21 été fortement endommagé. Ça n'était manifestement pas vrai."

22 Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les Juges, nous discuterons

23 beaucoup du transcript de la rencontre de Brioni dans cette affaire. Nous

24 estimons faire la bonne interprétation de cette rencontre de Brioni.

25 L'Accusation, quant à elle, pense également qu'elle fait la bonne

26 interprétation de cette rencontre. Maintenant, la question qui se pose est

27 la suivante : comment allez-vous, Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur

28 les Juges, décider de la meilleure interprétation que l'on peut faire, les

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1 meilleurs

2 arguments ? Notre argument consiste à dire que la meilleure chose à faire

3 est d'examiner ce que les subordonnés de Tudjman, du président Tudjman ont

4 fait. Comment ont-ils agi suite à cette rencontre de Brioni ? Est-ce qu'ils

5 ont mis en œuvre un plan dont l'objectif était de cibler des civils, des

6 bâtiments civils ? Est-ce qu'ils ont mis en œuvre un plan dont le résultat

7 avait été qu'effectivement des bâtiments ou des civils avaient été

8 impactés, ou est-ce qu'au contraire ils n'ont eu pour cibles que des cibles

9 militaires ? C'est ce que nous montrerons dans un document.

10 Et est-ce qu'ils n'ont frappé que des bâtiments militaires, comme en

11 témoignent les différents éléments que nous vous avons présentés ? Monsieur

12 le Président, Mesdames, Monsieur les Juges, selon nous, l'interprétation

13 que vous devez faire des transcripts de Brioni est la suivante : les

14 commandants croates en auront fait une interprétation et auront interprété

15 les propos du président Tudjman et je vous invite, nous vous invitons à en

16 faire la même interprétation que le commandement croate. C'est là la

17 question qui est au cœur de cette affaire. M. Tieger a sa propre

18 interprétation, mais elle est erronée à mon sens. La question est celle de

19 savoir comment les subordonnés ont interprété les propos du président

20 Tudjman, et je crois qu'il vous appartiendra de vous pencher sur les moyens

21 de preuve, et les moyens de preuve indiquent clairement que les commandants

22 croates n'ont en aucun cas estimé que les propos de M. Tudjman équivalaient

23 à un ordre visant à cibler et à frapper des bâtiments et populations

24 civiles.

25 Comment en est-on arrivé à ces allégations erronées selon lesquelles

26 il y avait eu pilonnage excessif ? D'où cela vient cette affirmation ? Vous

27 pouvez vous poser la question. Nous allons essayer de vous l'expliquer,

28 Monsieur le Président, Mesdames et Monsieur les Juges.

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1 Ces allégations erronées faisaient partie de la propagande des Serbes

2 de Krajina. A 6 heures du matin, le 4, à 6 heures et demie du matin pour

3 être précis, le 4, c'est un rapport du général Mrksic et du commandement de

4 la FORPRONU à Zagreb au général Janvier -- pardon, au général Janvier. "

5 Les tirs d'artillerie à longue portée ont commencé à 5 heures du matin

6 aujourd'hui 4 août et avaient pour cibles des cibles civiles dans les

7 villes de Knin, Benkovac, Obrovac, Drnis, Vrginmost, Vojnic et Glina,

8 Petrinja et dans les endroits les plus peuplés de la partie occidentale de

9 la Krajina, ainsi que dans les secteurs de la Slavonie orientale, du Srem

10 occidental et de Baranja.

11 Simultanément, l'officier de liaison de Mrksic, colonel Novakovic, indique

12 au colonel Janvier. Nous en avons une trace écrite de ce que le colonel

13 Novakovic a indiqué au général Janvier à 6 heures 30 du matin le

14 4 août. Il alerte le général Janvier indiquant au troisième paragraphe :

15 "Ce matin, à 5 heures du matin, les forces de la HV et de la HVO ont mené

16 une agression générale dont les cibles sont des bâtiments civils ainsi que

17 les zones peuplées de la République de Serbie de la Krajina notamment à

18 Knin.

19 "Où ils ont détruit de nombreux bâtiments; nombreuses sont les

20 victimes parmi la population civile dont des femmes, enfants et personnes

21 âgées.

22 "Ils ont pris pour cibles les environs immédiats du commandement du secteur

23 sud de la FORPRONU en utilisant des tirs directs.

24 "Ils ont ciblé des hôpitaux, des bâtiments semblables, tirent de façon

25 aléatoire et les officiers de la FORPRONU qui étaient sur place peuvent

26 confirmer ces affirmations. Ils tiraient aussi à l'aveugle, sans ordre

27 apparent. Les officiers de la FORPRONU qui étaient sur place peuvent

28 confirmer cela."

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1 Mais comme nous le savons, Monsieur le Président, il faut que les Croates

2 aient tiré sur l'hôpital. Il s'agissait là de la propagande et c'est les

3 dirigeants -- c'est les commandants de la FORPRONU secteur sud qui ont

4 informé de cela. Mais ce qui est vrai aussi c'est que le 4 août ils ne se

5 sont pas rendus sur place dans la ville même pour vérifier ce que le

6 général Mrksic et le colonel Novakovic disaient correspondait à la vérité.

7 Ils ont envoyé tout de même un rapport sur la base de ce que Mrksic et

8 Novakovic ont dit. Nous allons entendre M. Lazarevic. Il a dit que c'était

9 très facile de mentir, que c'était une habitude, que c'était très facile de

10 faire croire les commandants de la FORPRONU ce qu'on voulait. Ce qui est

11 fait ici, c'était de mentir à nouveau et les commandants de l'ONU les ont

12 crus. Et ceci est allé si loin qu'à 2 heures de l'après-midi, le 4 août,

13 Carl Bildt, qui était un des coprésidents des représentants de la

14 Communauté européenne, a dit ce qui suit, je vais citer le troisième

15 paragraphe : "Ce qui est surtout regrettable, c'est l'effet qu'on a pilonné

16 la population civile dont on est informé à présent. Il faut se rappeler que

17 le président de la Krajina, M. Martic, était accusé des crimes de guerre

18 suite au pilonnage de Zagreb par les Serbes au mois de mai. Il est

19 difficile de voir une quelconque différence entre ce qu'ils ont fait et le

20 pilonnage présent de Knin dont le responsable est le président Tudjman."

21 A 2 heures de l'après-midi le 4 août, ont écrit cela et personne de la

22 FORPRONU ne s'est rendu sur place pour vérifier si ceci correspondait oui à

23 non à la réalité, C'était une conclusion hâtive qui a fait suite aux

24 déclarations et -- les résultats de ce qu'a dit M. Bildt est que les

25 représentants des médias internationaux se sont rendus à Knin et ils ont vu

26 que tout ceci ne correspondait pas à la réalité. Mais vous avez un autre

27 résultat; c'est que les observateurs militaires des Nations Unies ont

28 vérifié cela et ils ont vu qu'il s'agissait là d'une fausse information.

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1 Mais comme M. Lazarevic, ce témoin de l'intérieur, comme on dit, initié, a

2 dit : Bien, ils étaient sous l'influence, le commandement de l'UNCRO à

3 Knin, était sous l'influence des officiers serbes, et nous allons le

4 prouver. Nous allons le prouver pendant le procès.

5 Puis je voudrais ajouter quelque chose. La déposition de ces officiers sur

6 laquelle se base l'affirmation du Procureur, à savoir qu'on a pilonné sans

7 faire distinction, bien, je dois dire qu'ils étaient en fonction en 1995 et

8 1996. Pendant les 13 années entre-temps, il n'y a pas eu d'autres

9 affirmations. Mais je voudrais tout de même attirer votre attention sur la

10 modification de l'acte d'accusation qui a été confirmée au mois de février

11 2004 et je vais vous demander de vérifier si dans ces documents on peut

12 trouver les termes suivants "pilonnage," "artillerie" ou un quelconque

13 terme semblable. Parce que s'ils avaient vraiment des preuves au-delà de

14 tout doute raisonnable indiquant que ce que disaient les commandants de

15 l'UNCRO à Knin était si fiable alors qu'ils les possèdent depuis 12 ou 13

16 ans, pourquoi alors on ne trouve pas ces termes dans l'acte d'accusation

17 d'avant. Pour la première fois qu'on le trouve dans l'acte d'accusation

18 c'est dans l'acte d'accusation confirmé en 2006 où il s'agit d'un nouvel

19 acte d'accusation concernant le général Gotovina où on dit qu'il faisait

20 partie de cette entreprise criminelle commune.

21 Vous allez trouver la réponse à la fin, la conclusion même du Procureur.

22 Ils avaient besoin d'un crime, d'un crime fait par Ante Gotovina proprement

23 dit pour donner l'excuse de sa présence ici. Parce que vous n'avez jamais

24 vu un ordre de commettre un crime, au contraire, vous avez vu qu'il a

25 constamment fait des ordres demandant qu'on respecte l'état de droit.

26 Alors, quel est ce crime dont est coupable M. Gotovina ? Nous affirmons

27 qu'il n'y a pas eu de crime. Et vous ne pouvez pas l'inscrire dans le cadre

28 de cette entreprise criminelle commune à moins de dire qu'il y a eu ce

Page 585

1 pilonnage excessif, le pilonnage qui se trouve pour la première fois

2 mentionné dans l'acte d'accusation modifié et c'est sur cela que s'appuie

3 le Procureur. Il n'y a pas eu un seul élément qui a été apporté par rapport

4 à cela, à l'appui de cela pendant les 13 années.

5 Je pense que le moment est opportun pour prendre la pause à présent.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez avoir besoin de combien de

7 temps encore.

8 M. MISETIC : [interprétation] Nous allons aller jusqu'à la fin.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc nous allons prendre une

10 pause à présent. Nous allons reprendre nos travaux à

11 1 heures moins 25, ensuite vous allez pouvoir travailler une heure et 10

12 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 12 heures 11.

14 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de vous donner la possibilité de

16 poursuivre, Monsieur Misetic, il semble que nous avons toujours ce problème

17 de savoir quel est l'acte d'accusation qui est opérationnel. L'acte

18 d'accusation qui date du 22 février avec son titre : La proposition d'un

19 acte d'accusation modifié. C'est pour cela que nous avons demandé au

20 Procureur de présenter à nouveau cet acte d'accusation sans le mot qui

21 préside [phon] à savoir la "proposition" de l'acte d'accusation modifié.

22 Et cela sème la confusion, parce que nous opérons sur la base de cet acte

23 d'accusation-là.

24 M. TIEGER : [interprétation] Bien, je m'attendais à ce que ceci soit fait

25 auparavant, enfin, déjà fait en tout cas. Nous avons eu des problèmes,

26 parce que le Procureur principal n'était pas là pour signer, le Procureur

27 donc n'a pas pu le signer, mais c'est un acte d'accusation opérationnel et

28 nous allions pallier à ce problème le plus rapidement possible.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, la Chambre s'attend à ce

2 que le Procureur le fasse le plus rapidement possible.

3 En même temps, je souhaite dire pour le compte rendu d'audience que

4 les Juges de la Chambre vont donc exclure ce mot, ce terme, "la

5 proposition" de l'acte d'accusation modifié. Il s'agit de l'acte

6 d'accusation du 22 février et c'est sur la base de cet acte d'accusation

7 que l'on opère.

8 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais corriger quelque chose dans

9 le compte rendu d'audience. Il s'agit de la déclaration de Steinar

10 Hjertnes. Il s'agit d'une pièce à conviction en vertu de l'article 92 ter

11 et nous allons faire cela par le biais d'un de nos témoins.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

13 Nous allons poursuivre.

14 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourquoi les

15 Serbes de Krajina ont quitté la Krajina le 4 août ? Parce que c'était une

16 évacuation planifiée à l'avance. Ils ont fait des exercices pour

17 s'entraîner à réaliser ce plan, et ce plan a été réalisé bel et bien le 4

18 août.

19 Mais on va revenir un peu en arrière.

20 Vous allez entendre des preuves, des témoignages du personnel des

21 Nations Unies, qui indiquent que déjà le 4 août, à partir de

22 14 heures, ils disaient que la situation à Knin était calme, que les gens

23 sortaient de chez eux après le premier pilonnage qui a eu lieu le matin, et

24 que déjà, à 15 heures, le 4 août, ils balaient les débris de verre devant

25 chez eux.

26 A 16 heures 45, vous allez voir cela sur vos écrans, Milan Martic a

27 fait un ordre portant sur l'évacuation de la population civile.

28 Au niveau du point 1, vous pouvez lire : "Commencer l'évacuation

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1 planifiée de tous les habitants qui ne sont pas aptes à combattre venant de

2 municipalités qui suivent," ensuite on énumère les municipalités.

3 Ensuite, le point 2 : "L'évacuation va s'effectuer de la façon

4 planifier un accord avec les plans existant dans les directions prévues

5 auparavant, à savoir Knin tout d'abord et ensuite Otric, Srb et Lapac."

6 Le Procureur hier a dit que cet ordre n'avait pas pour objectif d'évacuer

7 les civils de façon permanente, de les faire partir de la Krajina, qu'il

8 avait été prévu de les déplacer de façon interne à Srb et à Lapac, qui sont

9 les villes qui se trouvent en Croatie.

10 Nous considérons que les moyens de preuve n'appuient pas cette thèse. Il

11 est vrai que l'ordre de Martic indique qu'il s'agit de se rendre à Srb et à

12 Lapac, mais pourquoi ? Parce que ce sont les plans qui existent. Ceci avait

13 été préparé à l'avance. En réalité, l'ordre demandait qu'on aille jusqu'à

14 Bosanski Petrovac en Bosnie et jusqu'à Banja Luka en Bosnie.

15 Comment le sait-on ? A 19 heures 53 le 4 août, les Nations Unies ont

16 informé - et cela ressort de ce document, le paragraphe 4, le document

17 suivant : "Nous avons été informés par l'UNHCR de secteur sud que les

18 dirigeants de Knin ont demandé que l'UNHCR et l'UNPF assistent à

19 l'évacuation d'à peu près 32 000 civils de Benkovac, Obrovac, Gracac et

20 Knin jusqu'à Petrovac et Banja Luka en Bosnie-Herzégovine."

21 Ce n'est pas que cela que nous avons. Nous avons aussi les dirigeants des

22 Serbes de Krajina qui se parlent entre eux dans une vidéo et ils décrivent

23 l'ambiance qui règne autour de Milan Martic et le général Mrksic, cet

24 après-midi là, le 4 août, et comment est-on arrivé à la décision d'évacuer

25 toute la population civile de la Krajina vers la Bosnie. Nous souhaitons

26 vous montrer cela. C'est Drago Kovacevic qui était le maire de Knin qui en

27 parle. C'était un des hauts dirigeants et collaborateur de Martic.

28 [Diffusion de la cassette vidéo]

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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

2 "Il était en uniforme. Il avait un grand cendrier devant lui, avec plein de

3 mégots, et on s'est dit bonjour. Je lui ai demandé pourquoi il m'appelle ?

4 Il m'a dit qu'il m'a appelé, parce qu'il fallait prendre des décisions

5 d'évacuer et il fallait prendre des mesures pour informer la population

6 civile. La population civile de toute la Dalmatie, les municipalités de

7 Benkovac, Obrovac, Knin et Drnis, mais aussi de la municipalité Gracac à

8 Lika.

9 Je n'étais pas choqué par cela. J'ai bien vu que c'était une mesure

10 raisonnable. C'est à ce moment-là que nous avons donné l'ordre. Justement à

11 ce moment-là.

12 Et nous avons écrit qu'il s'agissait d'évacuer toute la population civile

13 dans la direction de Knin, Otric, Srb, ou Lapac. Mrksic a dit : Mais pour

14 parler de Srb, il faut aller plus loin. Plus loin vers Petrovac, même vers

15 Banja Luka, Ensuite, il a émis une sorte de réserve. Il a dit si jamais on

16 fait partir les civils, si on parle dans ce sens, on va avoir un problème.

17 Il dit : Les civils partent, ensuite l'armée les suit, parce qu'il s'agit

18 de les escorter, nous allons avoir de gros problèmes.

19 Cependant, à un moment donné, dans l'après-midi, quand il est arrivé, parce

20 qu'il était à l'étage - c'est de Mrksic que je parle - il m'a dit déjà sur

21 l'escalier qu'il avait donné l'ordre que la population soit évacuée. Je lui

22 ai dit : Mon Général, c'est l'armée qui va se démanteler. Pourquoi voulez-

23 vous évacuer tous ces gens ? Mais il a dit : Non, ce n'est pas notre

24 décision, c'est la décision qui relève du conseil suprême de la Défense.

25 C'est à ce moment-là que quelqu'un, peut-être lui-même, a demandé à parler

26 avec Slobo, il voulait parler avec Slobo mais il n'a pas parlé avec Slobo,

27 il a parlé avec Brane Crncevic. C'est lui qu'il a eu au téléphone et il le

28 rassurait, parce que sans doute qu'il ne pouvait pas parler avec Slobo -

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1 bon, il a dit de toute façon que Brane allait rien faire - que celui-ci

2 n'allait rien faire. C'est la première fois que j'ai entendu Martic dire du

3 mal de Slobo."

4 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

5 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, les moyens de preuve

6 que nous allons présenter en l'espèce vont être cristalement [phon] clairs.

7 Les dirigeants des Serbes de Krajina, à la tête desquels se trouvait Milan

8 Martic, tout comme ils l'ont fait déjà en Slavonie occidentale et comme ils

9 l'avaient prévu avant l'opération Tempête, 90 jours avant, ils ont évacué

10 leur propre population, parce qu'ils ne voulaient pas qu'ils vivent dans un

11 Etat multiethnique. Ceci faisait partie de l'idéologie qui régnait dans ce

12 qu'on appelait la Krajina. Cette idéologie, comme cela a été présenté dans

13 le mémoire préalable au procès dans l'affaire Martic, il ne pouvait pas y

14 avoir de cohabitation avec les Croates. Les Serbes ne pouvaient vivre que

15 dans un Etat ethniquement pur, un Etat homogène. Ça a été la mentalité qui

16 régnait, imposée par cette idéologie de la Grande-Serbie qui existait à

17 l'époque. Une vidéo en date du 7 août, où l'on parle de ce qui s'est passé

18 quand on passe en revue ce qui s'est passé déjà avant, il s'agit d'une

19 vidéo contemporaine du 7 août 1995. Il s'agit d'un certain Savo Strbac qui

20 était un homme-clé de l'entreprise criminelle commune de Martic. Vous allez

21 en entendre parler souvent en long et en travers pendant tout le procès.

22 M. Strbac était du point de vue idéologique quelqu'un de très fort, qui

23 soutenait cette idéologie de la Grande-Serbie. Il a fait de nombreuses

24 interventions pour les médias internationaux même. Il a dit à de nombreuses

25 reprises que les Serbes ne pouvaient accepter qu'une Grande-Serbie, une

26 Serbie unifiée, qu'il était absolument impossible de continuer la

27 coexistence côte à côte avec les Croates.

28 D'ailleurs, après l'opération Tempête, M. Strbac a créé son propre

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1 "centre humanitaire" et il est devenu un collaborateur du bureau du

2 Procureur, en aidant les Procureurs à trouver les témoins pour cette

3 affaire. Il s'est même muni d'une lettre de recommandation du bureau du

4 Procureur pour pouvoir réunir les fonds pour faire ce travail.

5 Cette vidéo a été enregistrée le 7 août 1995. Et là, M. Strbac explique

6 dans un studio de télévision, d'enregistrement qui se trouve à Banja Luka,

7 il explique à la population pourquoi on a pris la décision d'évacuer les

8 Serbes de Krajina.

9 [Diffusion de la cassette vidéo]

10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

11 "Les Croates n'ont jamais vraiment eu l'intention de vivre avec les Serbes,

12 dans ce qui était avant la Croatie.

13 Maintenant on le voit clairement. On a les exemples très récents de leur

14 agression dans la Slavonie occidentale et maintenant même en Dalmatie,

15 Lika, Banija et Kordun. Nous tous qui étions en position de parler avec les

16 représentants internationaux, on les mettait en garde par rapport à ces

17 faits, à savoir que les Croates ne voulaient pas être avec nous et que nous

18 on n'osait pas être avec eux parce qu'on ne voulait pas revivre cette

19 situation génocidaire. Je dis que nous n'osions pas, parce qu'il ne s'agit

20 pas de ne pas souhaiter, il s'agit de ne pas pouvoir, de ne pas oser. C'est

21 un terme qui est plus puissant et je le fais exprès, parce qu'il s'agissait

22 de garder notre patrimoine génétique, notre peuple. Nous aurions pu tous

23 être tués, disparaître, les civils, les femmes. Nous avions besoin de

24 préserver notre patrimoine génétique, notre espèce pour survivre.

25 Puis, à la fin, l'association Veritas a écrit une lettre à Boutros-

26 Ghali et le mettait en garde contre cela, contre ce qui s'est passé et ce

27 qui pourrait se passer, c'est-à-dire, un massacre sans précédent qui

28 pourrait être perpétré contre la population serbe. Et c'est à cause de cela

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1 que nous avons décidé de partir à l'exode pour protéger notre espèce."

2 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

3 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, la décision a été

4 prise de préserver notre patrimoine génétique. C'est la raison pour

5 laquelle les Serbes de Krajina et les dirigeants de Milosevic de son

6 entreprise criminelle commune, en partant de la Slavonie occidentale en

7 passant par Sarajevo et jusqu'au Kosovo, c'est la raison pour laquelle ils

8 ont systématiquement évacué les civils, pour préserver leur espèce.

9 Maintenant nous allons parler de la question de la prévention des crimes.

10 Vous avez déjà vu l'ordre du général Gotovina avant l'opération Tempête. Il

11 s'agissait de respecter le droit international humanitaire, d'empêcher le

12 pillage. Vous avez vu dans le journal de la région militaire de Split que

13 Knin ne doit pas passer -- enfin, il ne doit pas se reproduire Grahovo à

14 Knin, les Serbes de Grahovo. Et vous allez voir ce qui a été écrit dans ce

15 même journal, le 5 août quand le général Gotovina, quand il a entendu que

16 ses forces étaient prêtes à entrer dans Knin, a dit qu'il fallait traiter

17 les civils de la façon la plus correcte possible et qu'il fallait traiter

18 de la même façon les représentants des Nations Unies et que ceci devait

19 être communiqué à tous les groupes opérationnels et à tous les soldats.

20 Donc il fallait être correct au maximum. Il est vrai qu'à partir du moment

21 où les soldats sont entrés à Knin dans une ambiance triomphante ils se sont

22 livrés à des pillages. Pas vraiment à grande échelle, ceci va être confirmé

23 par les rapports sur la situation des Nations Unies ainsi que par le biais

24 des différentes vidéos que nous allons vous montrer pendant ce procès. A

25 partir de la date du 7, on dit que l'armée croate à Knin se comporte "de

26 façon correcte et professionnelle." Pourquoi se comportent-ils de façon

27 professionnelle et correcte à partir de la date du 7 ?

28 Le Procureur a parlé d'une vidéo par rapport à ce que Gotovina a fait

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1 quand il est entré à Knin le 7 août [comme interprété]. Il est important de

2 savoir que M. Gotovina a dirigé l'opération Tempête de son QG en Bosnie. Il

3 est important de savoir ce que M. Kehoe a déjà dit, que l'opération Tempête

4 pour le général Gotovina était tout simplement un tournant, une opération

5 annexe pour conquérir du territoire et pour réaliser les objectifs en

6 Bosnie. C'est là qu'il était depuis l'hiver 1994.

7 Il est arrivé à Knin au matin du 6 août et après avoir émis des

8 ordres par écrit et même oralement, quand il a vu que les soldats boivent

9 et se livrent à différents excès, et ceci a été enregistré dans une vidéo.

10 Et dans cette vidéo, nous voyons aussi qu'il a rencontré des commandants et

11 il voulait les féliciter de la victoire dans la guerre et du fait qu'ils

12 aient pris le contrôle de la ville principale des Serbes de Krajina. C'est

13 une vidéo qui dure 6 minutes, et puisque cette vidéo est assez rapide, vous

14 pouvez aussi lire les sous-titres.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous préférons regarder

16 l'original. Pourriez-vous nous dire quand vous passez d'une langue à

17 l'autre pour que nous puissions suivre cela en original. Donc avertissez-

18 nous, s'il vous plaît.

19 [Diffusion de la cassette vidéo]

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "Ce qui était la mission, la mission a été communiquée hier. J'appelle à

22 la responsabilité du "Generalic". Est-ce qu'il vous informe de cela ? Tout

23 d'abord, est-ce que le département des affaires politiques a fait son

24 travail ? Non. Ceko, t'as été présent à la réunion ? Zelic était ici. Est-

25 ce qu'il avait autre chose à faire ? Toi t'étais présent à la réunion.

26 Qu'est-ce que vous avez fait depuis hier ? Est-ce que le préfet du district

27 a été contacté ? Est-ce que t'as vérifié si le préfet du district a été

28 contacté ? Est-ce que la protection civile a été demandée ? Est-ce qu'on a

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1 demandé les pompiers ? On les a demandés, alors où ils sont ? Est-ce que

2 t'as révisé que tout devait être prêt avant 5 heures de l'après-midi ?

3 Pourquoi est-ce qu'il a été difficile de trouver juste une croix ici ? Une

4 croix. Skoric, où se trouve la croix ?

5 Je n'ai pas trouvé la croix. Elle devait venir --

6 T'as pas trouvé une croix, putain de merde, t'es vraiment un

7 imbécile. Est-ce que tu t'es arrêté à Sinj ? T'aurais dû t'arrêter à

8 l'église à Sinj et demander au prêtre de te donner une croix. Il t'aurait

9 donné une dizaine de croix. Mais vous êtes des idiots, des incompétents,

10 des incapables. Mais vous êtes suffisamment compétents pour vous placer

11 devant les caméras, devant les écrans pour vous faire photographier."

12 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

13 M. MISETIC : [aucune interprétation]

14 [Diffusion de la cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 "Je ne vais même pas commencer par vous dire ce que j'ai vu dans la

17 ville, c'est une honte, des barbares, des vandales. Voilà ce que vous êtes,

18 ceux qui se payent avec le butin de guerre.

19 Les commandants des unités de Sinj à Knin, avec l'aide du génie, ont

20 pour mission de réparer totalement la route. Il faut s'occuper de tout :

21 des véhicules, des débris, et cetera. Il faut nettoyer tout ça. Les soldats

22 ne doivent pas dormir dans la rue. La police militaire ne doit pas circuler

23 en groupe, mais doit être déployée sur les points de contrôle. Ils ont pris

24 un plan de la ville et installé les points de contrôle où il fallait. La

25 police militaire patrouille. Les véhicules patrouillent dans la ville. La

26 coopération avec les autorités civiles, donc la police civile doit être

27 mise en place jusqu'à ce que le général Cermak, qui vient d'arriver ce

28 matin, puisse s'occuper de ces questions lui-même. Et jusqu'à ce moment-là,

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1 si on ne l'aide pas, à 5 heures demain soir, rien ne sera prêt. Ce sera une

2 honte. Le premier ministre va arriver, le ministre des transports va

3 arriver dans une ville prise par l'armée croate et où les autorités civiles

4 n'auront pas repris le contrôle. Mais vous essayez de faire honte à qui ?

5 Vous vous faites honte à vous-mêmes ainsi qu'à ceux qui sont sous votre

6 commandement et devant qui vous êtes responsables. Et vous êtes aussi

7 responsables devant tout ceux qui sont morts, devant tout ceux qui ont

8 donné leurs vies pour tout ça. Faudrait montrer un peu de respect, parce

9 qu'il y a des gens qui sont morts pour Knin et jusqu'à Dinara depuis cet

10 hiver, depuis octobre dernier. Combien il y a de personnes qui sont encore

11 à l'hôpital, qui ont été mutilées à vie ? Malgré tout ça vous vous

12 comportez comme ça et vous vous appelez des chefs ? La sécurité. Qu'est-ce

13 que c'est la sécurité ? La sécurité ça s'organise. C'est la police

14 militaire qui doit obéir. Ce sont eux qui exécutent. Ce sont eux qui

15 veillent au respect du code d'honneur des forces armées qui garantissent la

16 mise en œuvre de tous ces principes sur le terrain.

17 Quant au service chargé des affaires politiques, je n'ai vu aucun

18 drapeau, aucune affiche, dans la rue. Où est-ce que c'est tout ça ?

19 On est en train de l'installer, Mon Général.

20 Mais où ? Où ? Il est 11 heures 30 et vous auriez dû faire ça toute

21 la nuit. Depuis ce matin, depuis 4 heures du matin. On a un hélicoptère, un

22 hélicoptère qui permet de mener à bien cette mission de manière tout à fait

23 efficace, mais vous ne savez même pas utiliser nos ressources. Si vous ne

24 savez même pas comment travailler, essayez de faire votre boulot, je ne

25 sais pas. Personne ne vous a forcés à venir ici, alors allez dans

26 l'infanterie. Allez vous battre. Vous allez finir par dire : Je suis un

27 guerrier. Mon œil. Chaque jour, c'est un jour nouveau pour un combattant.

28 Chaque jour il doit faire de nouveau ses preuves."

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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

2 M. MISETIC : [interprétation] L'Accusation a parlé de ces ordres donnés par

3 le général Gotovina hier. On a dit que c'était de pure forme et de routine.

4 Je pense que si quelqu'un qui est notre supérieur hiérarchique se mettait à

5 nous activer de la sorte, nous ne considérerions pas qu'il s'agissait d'une

6 intervention de pure forme.

7 Que s'est-il passé le 6 août ? L'Accusation nous a montré hier une

8 carte qui induit en erreur, selon moi, la Chambre de première instance

9 puisque c'est présenté comme une carte indiquant où se trouvaient les

10 forces du général Gotovina au fil de l'opération Tempête. Ces deux cartes

11 sont superposées, on a l'avancée des forces du général Gotovina, le 4 août,

12 puis ensuite du 8 au 9 août. Mais les incidents de meurtres, destructions

13 sans motifs, pillages, et cetera, commencent à partir du 30 septembre.

14 Cette carte induit tout le monde en erreur parce que le 6 août, le

15 gouvernement civil de la République de la Croatie a pris le contrôle avec

16 les ministres Susak et Jarnjak, c'est-à-dire que ces villes sont rentrées

17 dans le gironde de la République de la Croatie qui a repris le contrôle de

18 ces territoires.

19 Je souhaiterais vous présenter une vidéo du 6 août, on y voit le ministre

20 de l'Intérieur ouvrir le poste de police de Knin et désigner un Serbe pour

21 diriger ce poste.

22 [Diffusion de la cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Chef, permettez-moi de vous remettre cette inscription, cette plaque

25 qui porte la mention "République de Croatie, ministère de l'Intérieur,

26 Knin". Ceci est prévu par l'administration, Knin est un district et il faut

27 donc mettre en place cette administration de la police à Knin. Etant donné

28 qu'il n'y a encore eu d'assemblée, je vous nomme chef par intérim de ce

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1 poste jusqu'aux élections. À ce moment-là, le parlement désignera un chef.

2 Dans l'intervalle, je vous enjoints conformément à la législation, à la

3 constitution en vigueur d'assumer ces fonctions. Il s'agira pour vous

4 d'établir les autorités civiles de Knin dans le domaine de la police. Vous

5 devez faire la liaison entre l'administration et la poste de police de

6 Zadar. Toutes mes félicitations.

7 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

8 M. MISETIC : [interprétation] Le 6 août, le général Gotovina a remis le

9 contrôle de la ville de Knin au gouvernement civil. Le général Gotovina est

10 ensuite parti pour poursuivre les opérations offensives dans le cadre de

11 l'opération Tempête. Dès que l'armée croate s'emparait de territoires, elle

12 les remettait aux autorités civiles. Je crois que la meilleure manière de

13 s'en convaincre, c'est d'écouter ce qu'a à dire le ministre de l'Intérieur

14 en personne lors d'une conférence de presse le 8 août 1995. Il explique

15 comment s'organise la Croatie du point de vue constitutionnel qui est

16 responsable de quoi, qui est responsable des terrains qui nous ont été

17 présentés sur la carte de l'Accusation hier.

18 Nous avons donc le ministre de l'Intérieur, M. Jarnjak, qui s'exprime le 8

19 août.

20 [Diffusion de la cassette vidéo]

21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

22 "Bonjour. Je déclare ouverte cette conférence de presse. Je

23 souhaiterais souhaiter la bienvenue au ministre de l'Intérieur de Croatie,

24 M. Ivan Jarnjak.

25 Mesdames et Messieurs, bonsoir. Tout d'abord, je souhaiterais vous

26 présenter des informations au sujet des activités actuelles et futures du

27 ministère de l'Intérieur dans les zones qui sont en phase de libération.

28 L'ordre constitutionnel et juridique de la République de la Croatie est mis

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1 en place dans les zones libérées. Pour ce faire, il est essentiel que le

2 ministère de l'Intérieur ainsi que d'autres institutions entrent dans ces

3 secteurs avec ses formes armées. Après l'armée croate et les unités

4 spéciales du ministère de l'Intérieur, la police civile est entrée dans ces

5 régions également, les suivant de près. Ceci afin de mettre en place des

6 postes-frontières et des postes de police.

7 Conformément à la politique en vigueur chez nous, dès 1982, le ministère de

8 l'Intérieur a mis en place une structure à la fois pour la structure de

9 l'administration de la police et des postes de police pour la totalité de

10 la République de Croatie y compris les territoires libérés. C'est donc une

11 structure qui existe depuis 1992 sur le papier. Nous sommes simplement en

12 train de la mettre en vigueur.

13 Surtout les postes de police qui avaient été éliminés pendant l'agression

14 en 1991-1992, eh bien ces postes de police, ils ont continué à fonctionner

15 dans d'autres zones, dans les zones où ils avaient été contraints de se

16 réinstaller. Maintenant, tous ces gens-là retournent dans leurs zones

17 d'origine, il s'agit des villes de Lovinac, Drnis, Vrlika, Kijevo, Slunj,

18 Petrinja, Glina, et Hrvatska Kostajnica. Les postes de police de moindre

19 envergure, de Cetingrad, Saborsko, Plaski et Lasinje ont également retrouvé

20 leur ville d'origine.

21 Hrvatska, Kostajnica, Kijevo, Slunj, Donji Lapac, Strmica, Donji Srb

22 et Licko Petrovo Selo ont vu la mise en place de postes-frontières. Les

23 postes de police sont prêts à accueillir la police des frontières à Dvor et

24 Topusko.

25 Conformément à la loi constitutionnelle sur les droits de l'homme et

26 les libertés, sur les droits des minorités et des communautés ethniques, la

27 police doit être organisée de manière correspondante et c'est ce qui s'est

28 passé avec l'administration de la police de Knin et celle de Glina. Il

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1 s'agit de districts, des districts qui sont prévus par la loi

2 constitutionnelle que je viens d'évoquer qui jouissent d'un statut spécial

3 dans ses zones. Bien entendu qu'on a mis en place des postes de police à

4 Knin, Donji Lapac, Gracac, Korenica, Benkovac et Obrovac. Voilà les

5 représentants de l'administration de la police, ces postes de police qui

6 font partie de l'administration de la police.

7 Dans le district de Glina, l'administration de la police compte des

8 postes de police à Glina, Vojnic et Hrvatska Kostajnica. A Vrgin Most et

9 Dvor, les postes de police sont prêts à fonctionner à nouveau.

10 Dès que l'armée croate et la police spéciale du ministère de l'Intérieur

11 ont réalisé le premier volet de leur mission, et dès la fin des opérations

12 de combat, les représentants du ministère de l'Intérieur sont entrés dans

13 les localités habitées et en ont assuré la sécurité ainsi que les

14 communications dans ces localités. Ils ont également pris le contrôle de la

15 circulation routière.

16 Au moment où étaient ouverts les postes de police, tous les services du

17 ministère de l'Intérieur sont devenus pleinement fonctionnels et je pense

18 en particulier à la protection civile, aux pompiers notamment, et les

19 conditions sont réunies pour ouvrir et permettre le fonctionnement des

20 services chargés des affaires civiles, je pense là à la délivrance de

21 documents d'identité croate. Les unités de la protection civile ont

22 entrepris de nettoyer le terrain en récupérant le bétail qui a été

23 abandonné et dans les premiers jours -- dans les jours qui vont suivre,

24 ceci aura également lieu dans les zones non peuplées parce qu'initialement,

25 on se livrait à ce type d'activités dans les zones habitées.

26 A ceux qui vivent dans ces nouvelles zones libérées, à ceux qui sont restés

27 sur place et à ceux qui reviendront, je pense aux personnes déplacées, bien

28 entendu. A tout ceux-là, nous garantissons la sécurité, la sécurité pour

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1 leur personne et la sécurité de leurs biens. Nous garantissons et nous

2 assurons que nous garantirons, nous assurerons le maintien de l'ordre

3 public.

4 Merci beaucoup.

5 Merci, Monsieur le Ministre."

6 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

7 M. MISETIC : [interprétation] Une autre question que je souhaiterais

8 aborder qui a été évoquée lors de la déclaration liminaire de l'Accusation

9 au sujet du ministère de l'Intérieur et de la restauration de l'ordre

10 constitutionnel en Croatie et on a avancé l'argument selon lequel tout le

11 monde savait bien qu'ils ne pouvaient pas faire correctement leur travail,

12 tous ces gens. L'Accusation a également parlé de ce qui était compétent en

13 matière de crimes commis par des soldats. Cette question a été posée par un

14 reporter du Washington Post, elle porte sur un incident au cours duquel

15 l'armée de Bosnie a traversé la poche de Bihac pour se rendre en Croatie,

16 en brûlant, soi-disant, des villages serbes. Et les questions suivantes ont

17 été posées.

18 [Diffusion de la cassette vidéo]

19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

20 "Monsieur le ministre Gene Rupert, Washington Post.

21 Que sont les informations de votre gouvernement au sujet des

22 informations selon lesquelles des villages ont été incendiés par l'armée de

23 Bosnie qui est entrée sur le territoire croate pour soutenir l'opération

24 militaire croate ? Réponse : Je n'ai aucune information à ce sujet.

25 Cependant, quand nous entrons dans une région, dans n'importe quel secteur,

26 n'importe quelle région, la police fait une évaluation de la situation,

27 procède à l'inspection de tous les locaux, et détermine ce qui s'est passé

28 dû aux activités de combat ou à autre chose. C'est ce qui va se faire, et à

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1 ce moment-là, je pourrai répondre à votre question."

2 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

3 M. MISETIC : [interprétation] Il faut également se souvenir que le 8 août,

4 on avait rétabli le système judiciaire dans les nouvelles zones, les zones

5 nouvellement libérées. Le ministre de la Justice s'exprime à Knin le 8

6 août. Il remet en place les tribunaux.

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

9 "Le président de la Cour suprême de la République de Croatie, Krunoslav

10 Olujic, et le ministre de la Justice Miroslav Separovic sont allés à Knin

11 aujourd'hui. Au tribunal municipal, une réunion de travail a eu lieu avec

12 les représentants d'autres tribunaux municipaux. Le tribunal municipal de

13 Knin devra devenir opérationnel aussi rapidement que possible.

14 Le ministère de la Justice a décidé que ce tribunal serait déplacé de

15 Sibenik à Knin. Nous avons procédé à l'inauguration du bâtiment de Knin et

16 ce bâtiment fera office de tribunal municipal à Knin. Ce qui signifie

17 concrètement que la Croatie dans ses structures juridiques est

18 fonctionnelle dans ces zones et que le respect de l'état de droit était

19 bien présent, c'est un des principes de l'ordre constitutionnel croate.

20 Je suis sûr que le tribunal municipal de Knin va garantir le respect

21 des droits de tous les citoyens et va permettre d'assurer le règne de

22 l'état de droit en République de Croatie, conformément à sa constitution.

23 La délégation de haut niveau a poursuivi sa visite en se rendant à

24 Drnis."

25 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.

27 M. MISETIC : [interprétation] Je vais expliquer pourquoi nous avons procédé

28 de la sorte. Pourquoi je vous ai montré tout cela ? C'est parce que la

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1 constitution croate s'appliquait de nouveau dans ces territoires. On nous

2 présente les crimes commis après l'opération Tempête jusqu'au 30 septembre

3 sur une carte présentant les combats du général Gotovina pendant ses

4 premières journées et cela induit en erreur. Les troupes du général

5 Gotovina ne contrôlaient pas cette zone après le 9 août, ce n'était plus

6 sous leur contrôle.

7 Le général Gotovina a continué cependant à donner des ordres afin que la

8 discipline soit respectée. Il a donné l'ordre suivant, le 10 août, je cite

9 : "A partir des informations sur les zones libérées par la HV, et l'analyse

10 de ces informations et afin de prévenir le vol, la discipline est de

11 sauvegarder les vies humaines.

12 J'interdis le déplacement arbitraire des membres de la HV."

13 Point 2 : "Entreprendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter

14 la discipline militaire et maintenir l'ordre dans la zone de

15 responsabilité, empêcher les incendies criminels et tous autres actes

16 illicites. Prendre des mesures déterminées contre toute personne faisant

17 preuve d'indiscipline."

18 Maintenant, s'agissant des meurtres, il n'y a aucun élément qui permet

19 d'indiquer que le général Gotovina ait disposé d'informations au sujet de

20 meurtres illicites.

21 L'Accusation, hier, a dit que les unités de nettoyage,

22 d'assainissement du général Gotovina étaient subordonnées, quelqu'un

23 d'autre -- qu'il y avait des rapports qui avaient été envoyés. Mais aucun

24 rapport n'a été envoyé à ce sujet au général Gotovina au sujet de meurtres

25 illicites de civils. Il n'y avait pas de raison de l'informer de la sorte,

26 c'est pour cela qu'il n'a pas eu de rapports. Pourquoi ? Parce que c'est le

27 gouvernement civil qui avait pris le contrôle de la zone, c'est la police

28 civile qui était responsable de toute enquête sur tout meurtre commis par

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1 qui que ce soit. A ce moment-là, c'était les procureurs civils qui

2 intervenaient. Il n'y avait aucune raison d'informer le général Gotovina

3 d'homicide, quel qu'il soit, ça ne s'est jamais produit.

4 Je renvoie une fois encore au principe du rasoir d'Occam. Dans cette

5 affaire, vous constaterez que c'est vrai, il y avait des problèmes de

6 coordination et de mise en œuvre du plan de sécurité dans la zone, mais au

7 sein du gouvernement croate, personne n'a jamais envoyé de message au

8 général Gotovina, personne ne lui a jamais dit qu'il fallait prendre des

9 mesures, personne ne l'a jamais convoqué à une réunion en lui disant :

10 "Nous ne parvenons pas à faire notre boulot, il faut faire quelque chose."

11 Non.

12 Les organisations internationales qui se trouvaient présentes dans la

13 région n'ont pas non plus demandé à rencontrer le général Gotovina afin de

14 l'informer que des crimes avaient été commis, parce que ce n'était pas

15 celui qui était responsable de la sécurité. Nous vous montrerons au cours

16 du procès une vidéo d'une rencontre entre le général Forand et le général

17 Gotovina le 8 août et dans cette vidéo, vous pourrez voir que ce ne sont

18 que louanges envers le général Gotovina, la manière dont il se comporte au

19 cours des hostilités, parce que quand il a remis la ville de Knin aux

20 autorités civiles, l'ordre y régnait.

21 Nous ne contestons pas qu'il y ait eu des incidents, qu'il y ait eu

22 des meurtres, il n'en reste pas moins que nous contesterons la véracité

23 d'autres incidents invoqués en l'espèce. Comme vous le savez, dans certains

24 cas, il n'a pas été possible de trouver les corps, de déterminer la cause

25 du décès de certains individus, il y a encore dans les listes de

26 l'Accusation, de nombreux doublons au niveau des victimes, des personnes

27 qui sont citées plusieurs fois. On y reviendra au cours du procès.

28 Nous vous demandons de bien vouloir garder à l'esprit la chose suivante,

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1 l'Accusation est tenue de prouver que telle ou telle personne était un non-

2 combattant, les éléments qui seront présentés vous montreront que l'âge

3 moyen des soldats serbes de la Krajina était de 47 ans. Et dans plusieurs

4 compagnies de l'armée de la Républika Srpska, l'âge moyen était de 56 ans.

5 Il y avait donc des gens qui avaient plus de 60 ans et qui étaient des

6 combattants actifs.

7 Nous demandons donc à la Chambre de bien vouloir garder ceci présent à

8 l'esprit et d'engager à l'Accusation à prouver qu'une personne était un

9 non-combattant.

10 Il est important de noter à ce stade-ci que certes l'introduction est

11 déjà importante pour le contexte, mais le général Gotovina, lui, était en

12 Bosnie pendant un an, juste un petit détour pour rentrer en Croatie pour

13 mener l'opération Tempête. Il avait lutté activement à partir du 23

14 juillet, dans le cadre de l'opération Eté en 1995, et ce, jusqu'au 10 août

15 en combat actif avec ses troupes au front. Sous les ordres de ses

16 supérieurs, il a obtenu congé le 11 août. Il venait de se marier et a passé

17 cinq jours sur une île au large des côtes croates. C'est là un élément qui

18 est pertinent pour nous, parce qu'il faudra conclure quelles ont été les

19 responsabilités du général Gotovina dans la mesure où il a répondu aux

20 ordres de ses supérieurs.

21 Nous affirmons, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,

22 que le général Gotovina était au commandement opérationnel, un commandement

23 qui était confié par ses autorités et ses supérieurs afin qu'il mène les

24 opérations d'offensive et qu'il a concentré ses activités sur la phase

25 suivante. En fait, tout cela s'est fait si rapidement, alors que le général

26 Gotovina, les 13 et 14 août, alors qu'il était en congé, le général Mladic

27 a mené une contre-offensive contre les forces du général Gotovina en Bosnie

28 tuant 28 membres de l'armée croate. Le général Gotovina a mis fin à ses

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1 congés afin de reprendre le commandement des forces suite à cette contre-

2 offensive.

3 Le général Gotovina était inquiet face aux événements qui se

4 déroulaient en Bosnie. C'est la tâche qui lui avait été confiée par ses

5 autorités, donc il était chargé de cela et dans son domaine de

6 responsabilité, libéré sur le territoire sur ordre constitutionnel de la

7 République de Croatie, avait été quitté et laissé délibérément au soin

8 d'autres agences du gouvernement croate afin qu'ils agissent en conformité

9 avec la loi et en conformité avec les obligations qui lui étaient faites à

10 elles au titre de la constitution de la République de Croatie.

11 Nous affirmons dans ce Tribunal que si quelqu'un au niveau de l'Etat croate

12 s'était aperçu que le général Gotovina était responsable de la sécurité, on

13 ne lui aurait pas donné la possibilité de partir pendant cinq jours

14 simplement pour aller se reposer un peu. Bien au contraire, on lui a offert

15 ce congé de manière à lui permettre à lui, ainsi qu'aux forces qui étaient

16 sur le front, puisque les forces qui étaient au front ont également

17 bénéficié d'un congé, parce qu'ils avaient participé activement aux

18 opérations de combat pendant 17 jours. Ils étaient donc en congé. Et

19 lorsque le général Gotovina est revenu de son congé en date du 16, le

20 lendemain même on lui a demandé de se rendre à Zagreb. Il y avait une

21 délégation américaine de haut niveau que M. Holbrooke menait ainsi que le

22 général Wesley Clark qui était présent, et ils étaient à Zagreb pour

23 discuter des activités à venir de la Croatie en Bosnie. Le général Gotovina

24 s'est vu demander de préparer la phase suivante des hostilités qui avait

25 pour objectif de défaire les troupes du général Mladic sur le terrain. Le

26 président Clinton avait été convaincu que ce n'était qu'en défaisant les

27 forces de Mladic qu'il serait possible de négocier et de parvenir à ce qui

28 allait être l'accord de paix de Dayton.

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1 Le général Gotovina n'était pas perçu où que ce soit au gouvernement

2 croate et où que ce soit dans les forces internationales ou dans les

3 organisations de terrain comme étant l'interlocuteur privilégié dès lors

4 qu'il s'agissait de résoudre les problèmes sur place. Tout le monde savait,

5 y compris le commandement de Corps de Knin, que le général Gotovina était

6 en Bosnie et qu'il s'était vu confier des objectifs différents dans sa

7 mission. Le général Gotovina était sous des ordres.

8 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il n'est pas superman.

9 C'est un être humain comme les autres. Il ne pouvait faire que ce qu'il

10 pouvait faire. Il avait tout à fait le droit de dépendre des commandements,

11 à l'arrière de ses troupes, de se fier aux autorités croates pour s'occuper

12 de la situation. Lui, il a fait le travail qui lui avait été confié. Il a

13 mis en déroute les troupes. C'était l'objectif qui lui avait été confié et

14 il a gagné la guerre. Il l'a fait en émettant des ordres de façon énergique

15 en indiquant à ses troupes quelles étaient leurs obligations, en mettant

16 sur pied des programmes d'entraînement et de formation, en invitant des

17 évêques catholiques. En permanence, il essayait de veiller à ce que cette

18 nouvelle armée, qui n'existait pas en 1991, aille de l'avant. Il essayait

19 de la former, d'en faire une armée professionnelle. Et j'affirme ici,

20 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, qu'au cours des trois

21 années au cours desquelles le général Gotovina a fait tout ce qu'il a pu,

22 il l'a fait de façon noble. Et j'affirme également que je ne connais pas

23 d'autres commandants qui auraient pu faire ce travail mieux que lui.

24 Certes, des problèmes se sont présentés dès lors qu'il s'agissait de

25 rétablir l'ordre public dans cette région. Nous constatons, nous aussi,

26 nous n'en disconvenons pas. La question qui se pose est celle de

27 l'intention.

28 Le problème fondamental dans cette affaire, de notre point de vue,

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1 est le suivant : la position du bureau du Procureur est la suivante : le

2 crime a eu lieu et parce que le crime a eu lieu, et ce, à une large

3 échelle, la Chambre doit partir du principe ou conclure que ces crimes

4 étaient "ordonnés par le sommet de la hiérarchie."

5 Certains témoins à charge le diront également. M. Tieger l'a répété à

6 plusieurs reprises. Il a dit : Voilà une activité criminelle. Pourquoi ne

7 fait-on rien ? Mais M. Tieger n'a pas évoqué de propositions concrètes au

8 cours de la présentation de ses arguments ni l'Accusation ni les témoins à

9 charge n'ont de solutions à proposer. Qu'aurait-on pu faire pour modifier

10 une situation telle qu'elle se présentait matériellement sur le terrain en

11 Croatie,

12 10 500 kilomètres carrés de territoire, essayer d'imposer la primauté du

13 droit et l'Etat du droit sur un territoire aussi vaste en aussi peu de

14 temps.

15 Il y a une raison pour laquelle l'Accusation et les témoins à charge

16 esquivent cette question. C'est parce qu'ils n'ont pas de réponse facile à

17 y apporter.

18 Pourtant, la question doit être posée. Sans les forces croates, sans le

19 gouvernement croate, sans la police croate, si l'on avait laissé cette zone

20 être prise par les meilleures forces au monde, celles de l'OTAN qui

21 respectent le droit international, si les autorités civiles avaient été

22 fournies au meilleur défenseur des droits de l'homme au monde, les Nations

23 Unies, est-ce qu'ils auraient pu prendre des mesures afin de résoudre le

24 problème en une fraction de seconde, comme semble le suggérer l'Accusation

25 ? Je pense que la réponse est évidente. A plusieurs reprises, nous

26 demanderons aux témoins à charge de nous parler de façon concrète des

27 mesures qui auraient pu être prises et de nous prouver que le fait de ne

28 pas avoir pris de telles mesures a eu pour conséquences une indifférence

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1 face aux crimes qui étaient commis, indifférence volontaire, qui étaient

2 commis dans cette zone. Il y a une véritable négligence. Nous demanderons

3 aux témoins à charge de comparer la situation, notamment nous demanderons

4 aux témoins internationaux, qui étaient associés aux événements qui se sont

5 produits au Kosovo en 1999, de nous parler de la situation. Nous voulons

6 discuter de la situation, parce que nous estimons qu'il est important pour

7 la Chambre de disposer d'un cadre de référence pour examiner ces faits.

8 Comment l'OTAN, comment les Nations Unies s'en sont-ils sortis lorsque,

9 eux, avaient l'obligation morale et légale au Kosovo après juin 1999 de

10 protéger les propriétés, les populations, civiles et de maintenir l'ordre

11 public et l'état de droit ? Les statistiques, vous n'en disconviendrez pas,

12 prouvent que les mêmes problèmes se sont présentés aux autorités croates en

13 Croatie et aux autorités des Nations Unies et de l'OTAN au Kosovo. Et

14 d'après "Human Rights Watch," six mois après l'arrivée des communautés

15 internationales au Kosovo, des dizaines de milliers de foyers serbes ont

16 été détruits, d'innombrables bâtiments ont été pillés, 76 églises

17 orthodoxes ont été détruites ou partiellement détruites; 244 Serbes

18 d'origine ethnique serbe ont été assassinés.

19 S'il était aussi simple de restaurer l'ordre sur un territoire d'une

20 superficie de 10 500 kilomètres carrés - et le Kosovo est aussi grand que

21 la région de la Krajina - si c'était si facile, pourquoi l'OTAN et les

22 Nations Unies n'y sont-ils pas parvenues au Kosovo ? Je sais bien qu'on ne

23 peut pas faire une comparaison d'égal à égal, mais quelles sont les

24 possibilités en matière de sécurité ? Quelles sont les

25 ressources qui étaient à la disposition du gouvernement civil, du ministère

26 de l'Intérieur, de l'armée croate afin de restaurer

27 l'ordre ?

28 L'Accusation a indiqué publiquement hier, qu'il s'agissait là d'une

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1 situation dans laquelle -- que 44 000 Croates vivaient dans cette région en

2 1991 d'après les statistiques citées par vous. En 1995, il n'y en avait

3 plus que 500. Ce qui veut dire que 43 500 personnes, ainsi que leur

4 famille, sont revenues vers une région qui avait été complètement détruite.

5 L'OTAN et les Nations Unies, dans leurs explications quant au contrôle qui

6 était impossible à maintenir au Kosovo, ont dit la même chose : "On ne peut

7 pas contrôler la situation lorsque les gens rentrent chez eux et décident

8 de se faire justice eux-mêmes ou de chercher à se venger."

9 Les moyens de preuve qui sont présentés sur base des correspondances qui

10 ont été échangées dans cette affaire montrent que les polices, les forces

11 civiles croates ne se sont pas conclues dans l'inaction. En fait, des

12 correspondances régulières ont eu lieu entre les institutions croates tout

13 au long de cette période. Des rencontres ont eu lieu, parce que les uns et

14 les autres avaient l'intention de veiller à ce que les plans et les ordres

15 qui avaient été émis, immédiatement avant l'opération Tempête, soient mis

16 en oeuvre de façon efficace.

17 Le fait que les autorités croates n'aient pas été d'une irréprochable

18 efficacité ne signifiait pas pour autant qu'il y avait intention

19 délictueuse. Nous demandons à la Chambre de bien vouloir garder bien cela

20 présent à l'esprit et nous inviterons la Chambre à examiner les

21 comparaisons que nous ferons lorsque nous demanderons aux témoins

22 internationaux dans cette affaire, si ne pas agir constitue effectivement

23 une négligence ou une indifférence volontaire de la part du gouvernement

24 croate, comme ça a été dit à plusieurs reprises.

25 Ceci étant dit, les documents qui proviennent de cette période de

26 temps émanant du ministère de l'Intérieur que de la police militaire

27 montrent que des mesures ont été prises, les mesures n'ont pas toutes été

28 efficaces, les crimes n'ont pas tous fait l'objet de poursuite. Cependant,

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1 les statistiques sont réelles, elles remontent au 16 septembre 1995 et

2 proviennent de la police militaire. Selon le général Lausic - Madame la

3 Greffière, je vous demanderais de bien vouloir montrer le document.

4 Le général Lausic a présenté ce rapport le 16 septembre. Je me rappelle

5 qu'il était à la tête de la police militaire. C'est important et plusieurs

6 raisons sont évoquées. Tout d'abord, le point de vue militaire, la personne

7 qui était au commandement des forces en question, c'est lui qui dépose le

8 rapport, qui présente le rapport à la fin des opérations afin de présenter

9 ce qu'il et ses forces ont fait.C'est le général Lausic qui a présenté ce

10 rapport portant sur les actions menées par la police militaire au cours des

11 six semaines qui ont suivi le début de l'opération Tempête et jusqu'au

12 16 septembre. Cela montre de façon très claire, Monsieur le Président,

13 Madame, Monsieur les Juges, que la théorie avancée par l'Accusation hier

14 selon laquelle le général Gotovina était au commandement de la police

15 militaire est simplement erronée.

16 Par ailleurs, ce document de M. Lausic montre que la police militaire

17 croate, ce qu'elle a fait et le crime -- la police judiciaire militaire en

18 collaboration avec la police judiciaire du MUP de République de la Croatie

19 ont traité des dossiers, à savoir 321."

20 Treize meurtres, 18 cas de mort accidentelle de membres de l'armée

21 croate; 191 cas d'incendies volontaires; 13 cas d'explosifs; 86 cas et

22 autres crimes, des vols, des larcins.

23 Le 12 octobre le ministre de l'Intérieur, Jarnjak, a présenté au parquet

24 croate le rapport suivant, un rapport dont nous demanderons le versement au

25 dossier.

26 Le 2 octobre, vous voyez la ventilation des ressources

27 administratives policières entre le 22 août et le 2 octobre. Les

28 différentes catégories étant incendies volontaires, explosion de mines, et

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1 vols. Vous voyez qu'il y a eu 28 meurtres qui ont fait l'objet d'enquête à

2 Zadar-Knin; 162 cas d'incendies volontaires; 3 cas d'usage d'explosifs et

3 132 cas de vols et de larcins. Sibenik - là vous voyez les statistiques

4 pour Sibenik également - et au dessous, le nombre d'enquêtes sur place et

5 le nombre de profils d'auteurs de crimes. Encore une fois, la zone de

6 Zadar-Knin, vous voyez 192 enquêtes menées sur place par les autorités

7 policières. Ça a été traduit, je veux simplement le dire, donc Zadar-Knin;

8 28 membres de la HV, 194 civils et une personne portant un uniforme

9 militaire mais qui, en fait, était un militaire; puis 15 auteurs non

10 identifiés.

11 Nous ne disons pas que cela signifie que tous les crimes ont fait l'objet

12 de poursuites dans cette région, mais cela montre que les institutions de

13 la République de la Croatie avaient la ferme intention de traiter les

14 dossiers et, par ailleurs, cela montre, du point de vue de notre client,

15 qu'il n'y avait aucune raison pour que notre client revienne subitement en

16 Croatie pour y imposer sa propre autorité dans le contexte de ce qu'on

17 pourrait décrire comme étant un coup d'Etat visant à prendre le contrôle du

18 gouvernement civil légitime de la Croatie. Le gouvernement civil de la

19 Croatie avait différentes institutions, c'est lui qui avait la

20 responsabilité première d'assurer la sécurité dans son domaine, de mener

21 les enquêtes indépendamment de l'auteur, qu'il soit militaire ou qu'il soit

22 civil, de faire référence aux autorités d'enquêtes une fois que les

23 enquêtes avaient été menées, et également de charger le parquet de se

24 pencher sur ces dossiers.

25 Par ailleurs, personne n'est venu voir le général Gotovina à quelque moment

26 que ce soit pour lui dire que le système ne fonctionnait pas et qu'il

27 croulait sur la tâche et que par conséquent il fallait impérativement que

28 le général Gotovina intervienne. Ça n'a jamais eu lieu.

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1 Pourquoi cela n'a jamais eu lieu ? Au cours de la période des

2 statistiques, vous venez de voir, couvre et compte tenu des dates que

3 portent ces documents, le général Gotovina était en Bosnie, il menait des

4 opérations, l'opération Maestral pour ne pas la nommer, au cours du mois

5 d'octobre - début du mois d'octobre plus précisément - il était en Bosnie

6 et menait l'opération Balayage méridional "Sudden Sweep" en anglais. Il

7 menait des activités d'offensive, les autres questions relevant de la

8 responsabilité d'autres institutions.

9 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous affirmons une fois

10 de plus - et ça sera là notre conclusion - que le général Gotovina est un

11 homme qui s'est retrouvé à la fin du mois de juillet 1995 dans des

12 circonstances dans lesquelles les Serbes de Bosnie jouaient l'acte final de

13 leur grande stratégie.

14 Les moyens de preuve sont pertinents dans la mesure où ils permettent de

15 voir quel était l'état d'esprit du général Gotovina tout au long de cette

16 période. Il faut que vous gardiez présent à l'esprit quelles étaient les

17 activités menées par les Serbes de Bosnie en Bosnie en juillet 1995.

18 Ce n'est pas la première fois que nous vous le disons ce matin, ça a déjà

19 été dit aux fins de défense. Le général Gotovina s'était essentiellement vu

20 confier la tâche de mettre le holà aux activités en Bosnie des Serbes en

21 juillet 1995 et au-delà. Il faut bien comprendre le contexte dans lequel le

22 général Gotovina a agi.

23 Comme l'a dit le général Mladic dans la vidéo que nous avons eu l'occasion

24 de vous montrer, le général Mladic indique que lorsqu'on lui pose la

25 question : "Est-ce que les forces croates sont un peu trop éparpillées sur

26 le terrain ?" Il a répondu : "Je ne veux pas répondre à votre question.

27 Attendez de voir." Il parlait en fait du général Gotovina et de ses forces,

28 c'est bien cela.

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1 Le général Gotovina, pendant toute cette période, s'occupait des questions

2 qui avaient trait à la Bosnie. Et je vous l'ai dit l'opération Tempête

3 était un revirement dont l'objectif était de mener à bien une opération, de

4 revenir, de consolider ses forces et de continuer ses activités de lutte

5 contre Mladic.

6 Nous affirmons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que la

7 conclusion des preuves de l'Accusation indiquant que le général Gotovina

8 s'est comporté en conformité avec le droit de la guerre, a mené des

9 hostilités à tout moment en accord avec le droit de la guerre, je vous

10 affirme, par conséquent, qu'il n'y a aucune preuve selon laquelle il y a eu

11 un pilonnage excessif de Knin. En fait, l'évidence est un fait contraire,

12 les preuves sont tout à fait contraires. Le général Gotovina a intimé des

13 ordres, répété à ses subordonnés afin que soient respectés l'état de droit

14 et la discipline. Vous avez vu la vidéo et la façon énergique avec laquelle

15 il a insisté auprès de ses subordonnés pour qu'ils puissent respecter ses

16 ordres.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic. J'ai pensé que

18 regarder l'horloge à plusieurs reprises en vous regardant en même temps, ça

19 allait suffire, ensuite j'ai essayé de mettre mes affaires de côté, je

20 pensais que vous alliez comprendre mon assignation, mais vous ne comprenez

21 toujours pas, donc j'interviens.

22 M. MISETIC : [interprétation] Nous vous invitons à décider d'un non-lieu

23 pour cette affaire.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà qui conclut les déclarations

25 liminaires. Nous entendrons le témoin demain matin. J'imagine que le témoin

26 est disponible pour demain matin. Il se peut que compte tenu du fait qu'il

27 y a une motion en suspens, nous commencerons en huis clos partiel ou en

28 huis clos pour s'occuper de cette motion en suspens, ensuite nous

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1 entendrons la déposition du Témoin 136.

2 Nous levons l'audience et reprendrons à 9 heures dans cette même salle.

3 --- L'audience de la Déclaration liminaire de la Défense est levée à 13

4 heures 47 et reprendra le jeudi 13 mars 2008 à 9 heures 00.

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